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ARCHIVES PARLEMENTAIRES
LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT 41, Rue J.-J.-Rousseau, Paris.
ARCHIVES RARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS sous la direction de M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÈS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS, M. E. LAURENT BIBLIOTHÉCAIRE ADJOINT DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS MM. ELAURENT ET E. CLAVEL
PREMIÈRE SÉRIE (1789 à 1799) TOME VIII DU
PARIS LIBRAIRIE ADMINISTRATIVE DE PAUL DUPONT 41, RUE J-J-ROUSSEAU,(HOTEL DES FERMES).
1875
Nous croyons devoir donner quelques explications sur la méthode que nous avons adoptée pour la reproduction aussi complète que possible des débats et des documents législatifs de la période révolutionnaire.
Tout d'abord nous avons posé en principe de prendre pour guide permanent-le procès-verbal de chaque séance et d'emprunter au Moniteur son compte rendu, contrôlé et augmenté à l'aide des journaux à la suite les plus autorisés et des discours et rapports imprimés à part dans leur intégrité.
C'est là le plan que nous avons suivi dans le cours de ce volume et que nous continuerons de suivre jusqu'à la fin.
Le Moniteur ne date en réalité que du 24 novembre 1789, mais l'Introduction de Thuau-Granville le fait remonter au 5 mai. Il eut pour fondateur un infatigable entrepreneur de journaux, Panckoucke, qui possédait déjà la Gazette de France et le Mercure. Le 23 mai, Panckoucke sollicita des Communes l'autorisation de joindre la relation de leurs séances à cette dernière feuille, la plus ancienne de toutes, qui avait recueilli en 1614 les principaux actes des Etats généraux et était « consultée encore à cause de l'authenticité de ses rapports ». Mais son adresse eut le sort d'une motion de Target qui, le même jour, avait demandé qu'on nommât au scrutin deux secrétaires chargés de
r
rédiger tout ce qui s'était passé dans les Etats depuis leur ouverture et d'en faire un procès-verbal clair, simple et précis. Un membre, dont le nom n'a pas été conservé, avait répondu à Target : « Si le procès-verbal est sec et net, il est de peu d'utilité; si l'on se permet des réflexions, les rédacteurs deviennent les censeurs de l'Assemblée ; cela aigrira les esprits ; ainsi je crois que le meilleur parti est le silence ». Et le silence avait été décrété par 389 voix contre 28. Mais l'Assemblée devait revenir sur sa décision peu de temps après : en effet, le 27 août, elle donna mission à un de ses premiers secrétaires, Camus, et à son collègue Emmery, de « veiller à l'impression du procès-verbal et à l'arrangement des pièces qui y seront annexées. »
Panckoucke lança résolument son troisième organe dans les voies nouvelles. « Quand il sort des ateliers où s'imprime son Moniteur universel, disait l'auteur des Révolutions de France et de Brabant, il est patriote en diable, c'est un brave à trois poils qui veut voler au secours des Brabançons, et l'aristocratie n'a pas de fléau si redoutable ; lorsqu'il met les pieds dans son Mercure de France, dédié au Roi, une métamorphose subite s'opère en lui et on le voit devenir aristocrate enragé. »
Quoi qu'il en soit,' et malgré les variations que lui firent subir les divers régimes qui se succédèrent, le Moniteur reste le plus important des journaux. Les autres ne peuvent servir que d'appoint.
Le plus sérieux et le plus exact de ces derniers est le père du Journal des Débats d'aujourhui, qui s'intitulait Journal des Débats et Décrets et eut pour fondateur Beaudoip, dépité suppléant et imprimeur de l'Assemblée nationale. Aussi est-ce celui que nous avons mis et que nous mettrons le plus largement à contribution. Nous nous contenterons de citer après, le Journal des États généraux dirigé par Le Hodey, dont le Logographe nous sera aussi d'un secours quotidien, du 27 avril 1791 au 17 août 4792.
Le Logographe fut comme le premier vagissement de la sténographie qui .eut une enfance des plus longues, car elle ne sortit de ses langes qu'en 1820. A cette époque, les rédacteurs de tous les journaux se tenaient dans les couloirs aboutissant à la tribune et quelquefois se permettaient de prendre bruyamment parti pour ou contre les orateurs. Un député, M. Poyferré de Gère, s'en érftut et invoqua la prescription réglementaire interdisant à tout étranger de pénétrer dans l'enceinte législative. Un autre membre de la Chambre, M. de Chauvelin, demanda que le rédacteur du Moniteur partageât le sort commun. Mais le président, }A. Ravez, objecta qu'un traité venait d'être passé aveG cette feuille pour la reproduction des discours et qu'il fallait la mettre à même de reuiplir sa tâche. A quoi un membre de l'opposition, M. de Corcelle, répliqua qu'elle avait refusé d'insérer un des siens. Néanmoins, le vote qui intervint approuva l'exception et conféra une sorte de caractère officiel au compte rendu du Moniteur forcément très-inGomplet, n'étant l'œuvre que de trois rédacteurs. Ge compte rendu ne prit qu'en 4835 les proportions de l'in-extenso. Cette su-prênie évolution fut accomplie par le chef du service sténographique actuel, Célestin Lagache, qui imagina le double procédé du roulement et de la révision. Malgré la perfection de l'instrument, le président Dupin avait coutume de dire : « Le procès-verbal seul fait loi. »
P. S. — Nous donnons en tête de ce volume une pièce qui nous a paru intéressante et qui était enfouie dans les archives de l'hôtel de ville de Versailles. Nous la faisons suivre : 1° d'une liste des députés et suppléants de l'Assemblée nationale par ordre alphabétique de sénéchaussées et bailliages ; 2° d'une liste des mêmes par ordre alphabétique de noms. — Pour dresser ce double tableau qui n'existe entier nulle part, il nous a fallu recourir à un grand nombre de documents. Nous ne nous portons pas garants de l'exactitude littérale des noms : l'orthographe de beaucoup d'entre eux variant presque autant de fois qu'ils sont reproduits, nous avons été obligés de prendre un terme moyen.
Comité du vingt-deux mars mil sept cent quatre-vingt-neuf.
m. le consul a rapporté la lettre écrite au comité, le premier de ce mois, par paonsieur de Villedeuil, ministre et secrétaire d'État, dont la teneur suit :
« En rendant compte au Roi, Messieurs, des messes relatives à l'Assemblée des États généraux que Sa Majesté a convoqués en cette ville pour le 27 avril prochain, je n'ai point laissé ignorer à Sa Majesté le zèle et l'intelligence que vous avez fait paraître dans la distribution des logements que vous aviez été chargés de procurer à MM. Kës notables pendant leur dernière assemblée (1); Sa Majesté a pensé en conséquence que rien ne serait plus à propos que de vous commettre pareillement le soin des dispositions à faire pour assurer des logements aux députés des provinces aux États généraux.
«Vous voudrez bien à cet effet faire avertir par la voie la plus prompte les citoyens de la ville qui auraient des appartements à louer, de venir faire au bureau que vous indiquerez leur déclaration contenant le détail des logements composant lesdits appartements et le prix de location pour chaque mois qu'ils seront occupés. Comme cette location ne sera pas supportée par le Roi, vous n'aurez aucuns marchés à conclure avec ces particuliers ;mais lorsque vous auréz fait enregistrer toutes ces déclarations, et que vous aurez fait reconnaître tant l'état des logements proposés, que s'ils sont suffisamment garnis de meubles, je vous prie de m'en rendre compte, afin que je sois à portée de vous faire connaître la suite des mesures que cet objet nécessitera. Vous jugerez aisément qu'il exige de votre part autant de célérité que d'attention, et je ne doute point que ce ne soit pour vous une nouvelle occasion de faire preuve de votre zèle pour la chose publique.
« On ne peut être plus parfaitement que je le suis, Messieurs, votre très-humble et très-affec-tionné serviteur.
« Signé : DE VILLEDEUIL.
.-S. Quoique vous n'ayez pas. Messieurs, à conclure des marchés au nom du Roi, pour le prix des locations des différents logements nécessaires, il sera convenable cependant que vous preniez tous les renseignements capables de procurer des bases pour la fixation de leur prix. »
Il a dit ensuite que, d'après l'arrêté pris au
bureau, il a été adressé au ministre un projet d'articles pour la marche à tenir pour assurer des logements, et dont la teneur suit,:
Art. ler. Les députés aux États généraux devant se loger à leurs frais pendant l'assemblée des États, le comité municipal de Versailles recevra purement et simplement les offres et soumissions des propriétaires et principaux locataires.
Art. 2. Il sera imprimé des soumissions conformes au modèle ci-après :
« Je, soussigné, me soumets envers MM. les officiers municipaux de la ville de Versailles, de fournir le logement ci-dessus détaillé; meublé suivant le détail ci-après, à l'un de MM. les députés aux États généraux pour le temps de l'Assemblée, dont le prix sera de la somme de..............
•par mois, compris les meubles, en m'assurant cependant le payement de trois mois de loyer, à compter du jour de l'ouverture de l'Assemblée des Etats, dans le cas où ledit logement ne serait pas occupé. »
Suit ce détail des meubles qui garnissent l'appartement :
Art. 3. Lesdites soumissions seront acceptées par l'enregistrement qui en sera fait au greffe de la ville à la réquisition de la personne préposée parle comité pour vérifier les logements et recevoir lesdites soumissions; et pour établir le titre desdits propriétaires ou principaux locataires, il leur sera délivré par le greffier expédition de ladite soumission d'après laquelle le loyer sera acquitté parles députés qui auront choisi lesdits logements pendant le temps qu'ils les occuperont.
Àrt. 4. Le nombre des députés à loger étant d'environ 1,200» il sera arrêté ce nombre de logements de toutes espèces, et ceux desdits logements qui ne se trouveraient pas occupés seront payés au compte du Roi aux propriétaires ou principaux locataires pour trois mois seulement, la plupart d'entre eux exigeant cette condition qui devient indispensablement nécessaire pour tout le monde.
Art. 5. Il sera fait un état particulier, par formé de renseignements, de toutes les écuries et remises qui seront offertes pour ce service ; mais ne pouvant évaluer la quantité de celles dont on aura besoin, il ne sera pris aucun engagement à cet égard ; on prendra note seulement des prix demandés. Lorsque toutes les locations auront été ainsi arrêtées, l'état des logements par chaque rue sera imprimé en forme de catalogue pour être remis aux députés à leur arrivée en cette ville, afin qu'ils puissent fixer librement leur choix sur Je logement qu'ils voudront occuper.
Art. 6. Le comité municipal, n'ayant pas même un local pour la tenue de ses assemblées, a besoin d'être autorisé à louer un logement convenable pour y établir un bureau et les commis néces-
saires pour le travail relatif aux logements ordonnés par Sa Majesté, en un mot toutes les dépenses indispensables, et les personnes à employer en cette circonstance pour bien remplir les vues du ministre seront aussi payées au compte du Roi, d'après l'état dûment vérifié et arrêté au comité.
Approuvé el signé: DE VlLLEDEUiL.
Que le ministre a fait repasser ce projet au comité avec son approbation écrite, et réitérée par sa lettre du huit du même mois, dont la teneur suit:
« J'ai examiné attentivement, monsieur, le projet que vous m'avez remis pour assurer le logement des députés à l'assemblée des Etats généraux. 11 m'a paru renfermer tout'ce qu'on pouvait désirer à cet égard. Je ne puis qu'y donner une entière approbation.
« J'ai l'honneur d'être très-parfaitement, monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : DE VlLLEDEUiL. »
11 est ainsi audit registre sur lequel ces présentes ont été collationnées par nous soussigné, secrétaire-greffier de la municipalité, à Versailles, le deux juin rail sept cent quatre-vingt-onze.
Signé : DESCLOZEAUX.
Octobre 1788.
1° Pendant un délai quelconque, les propriétaires et habitants de ladite ville seront admis à déclarer les logements qu'ils sont dans l'intention de louer et le prix de la location par mois.
2° Le délai passé, le comité nommera des commissaires pour la vérification des logements et sur leur rapport, l'état en sera formé conformément au nombre demandé et à la qualité des personnes. 11 sera annexé, à cet effet, au mandement, un état nominatif des personnes qu'il faudra loger.
3° Le prix desdits logements sera arrêté par lesdits commissaires et ensuite sera fixé au comité, suivant leur rapport et d'après les conventions faites avec les propriétaires.
4° Les appartements meublés seront préférés à ceux non meublés, bien entendu que les meubles en seront décents. Il sera fourni les draps et serviettes de toilette par les propriétaires des meubles.
5° Chaque appartement ne pourra être composé de moins de quatre pièces à reu, pour le clergé et la noblesse ; on admettra de préférence les premiers et seconds étages des maisons.
6° Les propriétaires et habitants qui les donneront à loyer fourniront aussi les ustensiles indispensables de cuisine.
7° Ils déposeront au greffe l'état des meubles qu'ils auront laissés dans leurs appartements, et cet état sera visé par la personne occupante, pour y avoir recours au besoin.
8° Il en sera usé pour le payement, comme lors de la dernière assemblée des notables, les fonds seront successivement fournis par le receveur des impositions royales, auquel il sera donné des ordres en conséquence et en définitif. Il lui sera remis l'état quittancé desdits logements, vu et approuvé par le corps municipal.
Les locations seront faites pour un mois, à compter du 1er novembre, chez les particuliers, et par jour chez les aubergistes.
Il sera pourvu à la fourniture d'écuries et remises.
1788.
MM. les députés ont délibéré le 19 octobre 1788 :
Que si M. le consul l'approuve, il sera mis dans chaque logement les premiers besoins de bois et de lumière pour l'arrivée, savoir : 2 bougies de 4, 1/4 de bois, 6 margottins.
Avant d'enregistrer cette délibération, il s'agit de savoir si M. le consul y consent.
Les notables à leur arrivée en 1787 se sont trouvés dans un embarras extrême faute de cette précaution.
Cette précaution me paraît très-convenable.
Ce
Signé : THIERRI DE VlLLE-D'À VRAY.
MM
Clergé— Bonnac (de), évêque d'Agen. Malateste de Beaufort, curé de fclon- lastruc, près Monclar. Fournetz, curédePuy-Miélan, près d'Aiguillon.
Noblesse. — Aiguillon (le duc d'),pair de France. Bouran (le marquis de), écuyer. Fumel-Montségur (le marquis de), maréchal de camp, commandant de TAgénois.
|Tiers-état. —- Daubert, juge de Villeneuve. Escourre de Peluzat, avocat à Libos, près Villeneuve. Renaud, avocat à Agen. Termes, cultivateur, bourgeois à Marmande. François, agriculteur, bourgeois à Glairac. Millet de Belisle, avocat à Mira-mont.
Suppléant. — Boussion, médecin à Lauzun.
AIX(Sénéchaussée d').
Clergé. — De Boisgelin, archevêque d'Aix. Cousin, curé de Gucuron.
Noblesse. — D'André, conseiller au parlement I d'Aix. Clapiers (le chevalier de), en place de M. le président d'Albertas qui a remercié.
Tiers-état. — Mirabeau (le comte de). Audier-Massillon, lieutenant général de la sénéchaussée d'Aix. Bouche, avocat au parlement, l'un des quatre députés du tiers-état, à Paris depuis trois mois. Pocher, avocat au Parlement d'Aix.
Suppléants. — Verdet, avocat au parlementd'Aix. Philibert de Saint-Julien. Albret et Nérac (Sénéchaussée d')
ALBRET ET NÉRAC (Sénéchaussée d')
Clergé. Noblesse,
Suppléant. Tiers-état.
Clergé__Anteroche (César d'), évêque de Condom.
Noblesse__atz (le baron de), grand sénéchal.
Tiers-état__Brostaret, avocat à Casteljaloux. Brunet de Latuque, juge royal de Puch de Gontaut.
Alengon (Sénéchaussée d').
Clergé.— Leclerc, curé de la Combe. Dufresne, curé du iMénil-Durand.
Noblesse,— Vrigny (le marquis de), grand bailli.
Le Carpentier de Chailloué, conseiller au parlement de Rouen.
Suppléant.— Chambrav (le vicomte de).
Tiers-état.— Belzais de Courménil, procureur du Roi en l'élection d'Argentan. Goupil de Préfeln, ancien lieutenant général. Bigot de Beauregard, maire de Domfront. Golombel de Boisaulard, négociant à Laigle.
Alsace (Villes impériales d').
Tiers-état. — Bernard, syndic du chapitre de Weissembourg, démissionnaire. Meyer, médecin, physicien à Kai-sersberg.
Amiens et Ham (Bailliage d').
Clergé. — Machault (de), évêque d'Amiens, abbé de Valoires.
Fournier, curé d'Heilly, démissionnaire.
Suppléant. — Le Febvre, curé de Neuilly.
Noblesse. — HavrédeCroï (leducd')f seigneur de Wailly, grand d'Espagne. Noailles (de), prince de Poix, che-
MM.
valier des ordres du Roi et delà Toison d'Or, capitaine des gardes du corps, gouverneur de Versailles, etc., démissionnaire.
Suppléant. — Gomer (de), d'Amiens.
Tiers-état. — Le Roux, négociant à Amiené, ari-
cien maire de la ville.
Laurendeau, avocat à Amiens.
Douchet? laboureur et cultivateur au Hardèl* ;
Langlier, propriétaire et cultivateur à Feuquierres.
Suppléant. — Berville, procureur à Amiens.
Amont en FrànChë-Cômté (Bailliage d').
Clergé. — Longpré, chanoine à Ghamplitte.
Clerget (de), curé d'Onans.
Rousselot, curé de Thiénans.
Suppléant. — Noirot (Dom Jérôme) , religieux
bénédictin dé Liixëuih
Noblesse. — Toulongeon (le marquis de), démissionnaire, est remplacé par M. de Racle de Mercey.
ËSclâns (ie chevalier d'), de Besançon.
Bureaux de Puzy; officier du génie.
Suppléants — Raclet de Mercey (le baron de),
remplace M. le marquis de Toulongeon. .
Tiers-état. — Raze (de), lieutenant-général au
bailliage de Vesoul.
Muguet de Nanthou, écuyer, lieu-tenaat général au bailliage de Gray. ,
Gourdan, lieutenant-assessettt criminel à Gray.
Cochard, avocat, second échevin à Vfesoul.
Durget, avocat à VesouL
Pernel, notaire, ancien procureur au bailliage de Lure.
Suppléant. — Perrécibt, président de la juridiction des traites à Baume.
Angoulême (Bailliage d').
Clergé. — Albignac dé Castelnau (d'), évêque
d'Angoulême.
Adjoint. — Jôubert, ciirédé Salrit-Mârtin d'Angoulême.
Suppléant. — Héraut (l'abbé), chanoine de Saint-
Pierre d'Angoulême.
Noblesse. — Saint-Simon (lé marquis de), grand
d'Espagne, lieutenant général des armées du Roi.
datant'(té eothte tïê), bhevalier de Saint-Louis, résidant à Saint-Mêrtiëi près Ghâteauheuf.
Tien-état. — Àugier, négociant d'eau-de-vie de
Cognac, protestant.
Marchais, assesseur du duché-pairie de là Rdchèïoucault.
Roy, avocdt exerçant à Angoulême;
Pougeard du Limbert, avocat à Gon-folens.
Anjou (Sénéchaussée d') MM.
Clergé.
— Ghatizel, curé de Soudaine, démissionnaire, est remplacé par Jacquemart.
Rangeard, archiprêtre et curéd'An-dart.
Rabin, curé de Notre-Dame de Gho-let, démissionnaire, est remplacé par Pilastre: j
Martinet, genovéfain, prieur-curé de Daon.
Suppléants. — Jacquemart, curé de Brissarthe,
remplace Ghatizel, démissionnaire.
Boumard, curé de Sainte-Croik d'Angers.
Noblesse. — Galissonnière (le comte de la), sé
néchal d'Anjou.
La Planche, comte de Ruillié, ré sidant à Angers.
Dieuzie (le comte de).
Ghoiseul(de), duc de Praslin.
Suppléants. — Amelot, conseiller de grand'Gham
breau parlement de Paris.
Andigné de Villeguyer (d'), capi pitaine d'artillerie, résidant à Vil leguyer, près Baugé.
Tiers-étàt. — Milscent, lieutenant au présidia
d'Angers, démissionnaire, est remplacé par Le Clerc.
Ghâssebœlif dë Volney, propriétaire à Angers.
La Révëillère dé Lépeaux (de)j, bourgeois à Angers.
Brevet de BeaujoUr, avocat du Roji au présidial d'Angers.
Riche, négociant à Angers.
Allard, médecin à Ghâteau-Gon tier.
iîesmazières, conseiller au siég^ d'Angers,
Le Maigrian, ancien lieutenant criminel à Baugé.
Suppléants. — Pilastre, bourgeois à Gheffes, remi-
place Rabin* démissionnaire.
Le Clerc, conseiller 'à l'éleclioq. d'Angers j remplace Milscent, missionnaire.
Druilloh, avocat a Angers. -
Launay (de) l'aîné, avocat à Angers.
En cas de démission de ce dernier :
Davy des Piltières fils, avocat du Roi à la Flèche.
Annonay (Sénéchaussée d'). ?
Glèhfêi — Dodde, curé de Sainl-Peray, démissionnaire, est remplacé pat Saint-Martini •[
Noblessëi — Satilliëii (le marquis de), capitaine
au corps royal du génie, rési4 dant à Satilliëu;
Tiéri-étaï. — Boissy-d'Anglas (de), maître d'hô-f
tel de Monsieur.
Monneron l'aîné, avocat, ancien intendant des Indes.
MM.
ÂiidrtiYËë MftLMËNfÂiMfelis,
Suppléant. Sàint-Màrtih (de), avocat à Anno-
iiày, ieiilpiâbe Dodde, démissionnaire.
ARI5MË!3. Valais. *)
Arles (Sënéctiàtissëe d').
clergé— Dulau, archevêque d'Arles, abbé
d'Ivry, diocèse d'Evreux.
Noblesse.— Provençal (de)* marquis de Font-
château;
Tiers-étate.— Pélissier, docteur en médecine. Otirana de Mailiâàë, avocat.
Arles . (Ville d').
Clergé.— Royer, conseiller d'Etat, abbé de la
Noue;
Noblesse.— GhilhèindëdleïtnoQt-Lodèvefmar-
quiâ dë).
Tiers-état.— Boulouvard, négociant à Arles. Bonnemant, avocat.
Armagnac, Lectoure et Ile-Jourdain (Sénéchaussée d').
Clergé. — ftàymorid bucàstaing, curé de La-
nux, en Armagnac.
Noblesse — Angosse (le marquis d'), maréchal
de camj3* gouverneur et grand-sénéchal d'Armagnac.
Tiers-état. — La Terrade (dë), juge-mage, lieutenant général de Lectoure.1 La Glavérie de la Chapelle, âvo-cât, juge de Lëctoure.
Artois (province d').
Cièïgé. — Le Rtiui, cliré de Saiot-Pol.
Boudâtt, curé de la Couture. BéHiti7 ciM d'Hërism-rCoupigny. Dibt, Curé de Ligny-sur-Canche.
Suppléantj — Révolte^ curé de Sainte-Aldegonde
de Sain M) mer.
N'oblessèï — BriOiS de Beâutiietz, premier président dix cotiseil d'Artois. Làmeth (le comte Charles de), mâîttë de bamp, colonel des cuirassiers; t Le Sergeant d'Isbergues, lieutenant
des maréchaux de France. Croix (le comte de), major en sëcOnd dHiifâtttëfie;
Tiers-état.. — Payen, cultivateur, fermier à
Boiry-Becquerei. Ërassart, avocat à Arras: Fleury, fermier de Coupel-Ville* décédé en novembre 1790, est remplacé pftr l'abbé Michault. Vaillant, conseiller honoraire et ancien garde des sceaux à là chancellerie du conseil d'Artois. Robespierre (Maximilien de) avocat à Arras. Petit, cultivateur, fermier à Ma-gnicourt.
MM.
Bouclier, bàîiijiiiër ët négociant à
Dubuisson d tttdhy, propriétaire-âgriculteut*.
Supplèûhtè. Thellier, conseiller.
Lë Fèvre-Duprey.
Blancart, avocat.
Michault (l'abbé), curé de Bomy, remplace, Fleury$ décédé.
Auch (Sénéchaussée d').
Clergéi Ôttiraudez de Saini-Mézard, docteur
eh théologie* ftrchiprétre de La-vardens.
Noblesse s Tien-êiûU
- Lupé (le baron de), chevalier de
Saint-Louis*
- Sentetz, procureur du Roi au séné-
chal d'Audlh Pétez, avocat à Mirande.
AÛRÀY. Voy. Vannes.
Autun (Bailliage d').
Clergé i
Talleyrand-Périgord (de), çyêque d'Autun, abbé de Celles, diocèse de Poitiçrs et de Saint-Denis, diocèse de Reims.
NoblëSéë. — Digdine du Palais (le marquis de),
résidant près Semur.
Suppléant. — Fôntenët (dë), résidant à Autun.
Tiers-état. — ftepoux, âvocat à Autun.
Verchère de Reffye, avocat à Se-mur.
Atl&ïuiM (Bailliage d').
Ôlerïjé. — Champion de Gicé, évéque d'Auxerre* abbé de Molesmes, diocèse de Langres.
Adjoint. —Robien (de), doyen de la cathédrale d'AUxerrëé
Suppléant. — Juillard, cûrë de Toucy.
Noblesse% — Moncôrp^-Ddchësliby (leMintêdè),
résidant jJàrbisâë de Mérisecq.
Adjoint. — Arcy (le comte d'), résidant à Arcy.
Suppléant. — Beauvais (de), chevalier de Saint-
Louis, résidant à Auxerre.
Tiers-état. — La Forge (Marie de), conseiller au
présidial d'Auxerre.
Paultre des Epinettes, négociant, bôurgëôis de Saint-Sauveur, généralité d'Orléans.
Adjoints. — Raymond, procureur du Roi au
bailliage d'Auxerre.
RâEUeâu de Montbënoit, siibdê-léguè de M. .l'intendant d'Or-lèiâns, à Corne.
Suppléant. — Maujouet, bourgeois à Vermanton.
Auxôis (Bailliage d').
Clergé. — Boulliotte, fctiré d'Arnay-le-Duc.
MM.
Noblesse. — Argenteuil (le marquis d'), maréchal de camp, résidant à Gour-celles.
Suppléant. — Aizy (le baron d'), résidant à Dijon.
Tiers-état. — Guiot, avocat à Arnay-le-Duc.
Guiot de Saint-Florent, avocat à Semui\
Aval en Franche-Comté (Bailliage d').
Clergé. — Burnequets, curé de Monthe dans la Montagne.
Bruet, curé d'Arbois, démissionnaire; remplacé par - Royer.
Suppléant. — Royer, curé de Chavanne, remplace M. Bruet, démissionnaire.
Noblesse. — Lezay-Marnesia (le marquis de),
maréchal de camp, démissionnaire ; remplacé par de Mailly de Château-Renaud.
Toulongeon (le vicomte de), colonel, résidant à Ghamplitte.
Suppléant. — Mailly de Château-Renaud (de) remplace le marquis de Lezay-Marnesia , démissio n naire.
Tiers-état. — Vernier, avocat de Lons-le-Saul-nier.
Babey, avocat du Roi au bailliage d'Orgelet.
Bidault, lieutenant criminel au bailliage de Poligny.
Christin, avocat à Saint-Claude.
Suppléant. — Portier de l'Arnaud.
Avesnes (Bailliage d').
Clergé. — Besse, curé de Saint-x\ubin.
Noblesse. — Sainte-Aldegonde (le comte François de), gentilhomme de Monsieur, et colonel du régiment de Royal - Champagne cavalerie.
Suppléant. — Préseau (de), maître de camp de
cavalerie.
Tiers-état. — Hennet, prévôt de Maubeuge.
Darches, maître de forges à Marienbourg.
Clergé. — Roussel, curé deBlarenghem.
L'évêque d'Ypres.
Noblesse. — Robecq (le prince de), grand d'fîs-
pague, lieutenant général des armées du Roi, commandant en Flandres.
Harchies (le marquis de), capitaine au régiment de Bresse.
Suppléants. — Eskelberg (le baron d'), capitaine
au régiment de Royal-Cravate, cavalerie.
MM
L'Englée de Schoëbergue, subdélégué général de l'intendance à Gassel.
Tiers-état.- Kytspotter (de), lieutenant criminel à Bailleul.
Herwin, conseiller pensionnaire
à Hontschoote. Bouchette, avocat à Bergues. Delattre de Balzaert, maître particulier des eaux et forêts à Mer-ville.
Suppléants,- Top, avocat à Bailleul. Clayes, fermier à Bierne.
barcelonnette. Voy. Forcalquier.
Bar-le-Duc en Barrois (Bailliage de).
Clergé. — Aubry, curé de Véel, bailliage de
Bàr.
Golinet, curé de Ville-sur-Iron, démissionnaire, remplacé par M. Pellegrin.
Simon, curé de Woel, bailliage de Thiaucourt.
Suppléant. — Pellegrin, curé de Sommercourt,
remplace Golinet, démissionnaire.
Noblesse. — Châtelet (le duc du), chevalier des
ordres du Roi, grand d'Espagne, colonel des gardes-françaises.
Hautoy (le vicomte du), maréchal de camp, à Pont-à-Mousson.
Bousmard de Chantereine (de), capitaine au corps royal du génie.
Suppléants. — Malartic (le comte de), lieutenant
de Roi à Nancy.
Gharvette de Blenold (de), avocat général à Nancy.
Tiers-état. — Marquis, avocat à Saint-Mihiel.
Viard, lieutenant de police à Pont-à-Mousson.
Ulry, avocat du Roi à Bar-le-Duc.
Duquesnoy, syndic provincial, avocat à Briey.
Bazoche, avocat du Roi à Saint-Mihiel.
Gossin, lieutenant général au bailliage de Bar-le-Duc.
Huot de Concourt, avocat, député du bailliage du Bassigny-Barrois.
Suppléants. — Maury, prévôt à Sampigny.
Michel, maire de Saint-Mihiel.
Bar-sur-Seine (Bailliage de).
Clergé. — Bluget, doyen-curé des Riceys.
Suppléant. — Le Bon, curé de Poliset.
Noblesse. — Crussol (le baron de), maréchal
de camp et grand bailli d'épée à Bar-sur-Seine.
Tiers-état. — Bouchotte, procureur du Roi sur
Je fait des aides au bailliage de Bar-sur-Seine.
Parisot avocat, procureur fiscal des Riceys.
Bayonne. Voy. Dax.
Ba?as (Sénéchaussée de).
MM.
Clergé. — Saint-Sauveur (de), évêque de Ba-
zas, abbé de l'île de Médoc, diocèse de Bordeaux, démissionnaire.
Noblesse. — Piis (de), grand sénéchal, démissionnaire.
Tiers-état. — Saige, avocat au parlement de
Bordeaux.
Lavenue, avocat au même parlement.
Béarn.
Clergé. — Saurine (Tabbé).
Julien, curé d'Arrosez.
Noblesse. — Esquille (le marquis d'), président au parlement.
Grammont (le comte de), lieule-nant-général des armées du Roi.
Tiers-état. — D'Arnaudat, conseiller au parle-
de Navarre.
Mourot, avocat et professeur de droit français à Pau.
Noussitou, avocat à Pau.
Pemartin, avocat à Oloron.
Beaucaire. Voy. Nîmes.
Beaujolais (Sénéchaussée de).
Clergé. — Desvernay, curé de Villefranche.
Noblesse. — Monspey (le marquis de).
Tiers-état. — Ghasset, avocat.
Humblot, négociant.
Beauvais (Bailliage de).
Clergé. — David, curé de Lormaison.
Suppléant. — Pillon, curé de Saint-Jacques de
Beauvais.
Noblesse. — Crillon (le comte de), grand bailli
d'épée.
Suppléant. — Descoursy de Marlemont.
Tiers-état. — Millon de Montherlant, avocat,
syndic de Beauvais.
Oudaille, laboureur à Berneuil, près Beauvais.
Belfort et Huningue en Alsace (Bailliage de).
Clergé. — Gobel, évêque de Lydda.
Rosé, curé d'Obersteinbronn.
Noblesse. — Montjoie-Vaufrey (le comte de).
Landeuberg-Wagenbourg(le baron de).
Tiers-état. — Pfliéger, procureur-syndic d'Hu-ningue.
La vie, cultivateur.
MM.
Guittard, major d'un régiment provincial, chevalier de Saint-Louis. Mally, avocat.
Belley (Ville de). Voy. Bugey.
Berry (Bailliage de).
Clergé. — Puységur (Chastenet de), archevêque de Bourges , abbé de Saint-Vincent, diocèse de Metz.
Poupart, curé de Sancerre.
Villebannois, curé de Saint-Je^n-le-Vieux, à Bourges.
Yvernault,chanoine de Saint-Ursin de Bourges.
Suppléant, — Astruc (dom), prieur bénédictin à
Saint-Sulpice de Bourges.
Noblesse. — La Châtre (le comte de), grand
bailli, premier gentilhomme de la chambre de Monsieur, frère du Roi.
Bouthillier (le marquisde), résidant à Paris.
La Merville (Hertault, vicomte de), à sa terre, près Dun-la-Roi.
Bengy dePuvvallée (de),à Bourges.
Suppléant. — Rochedragon (le marquis de), résidant à Paris.
Tiers-état. — Boéry, président en l'élection de
Château roux.
♦ Poya de l'Herbey, lieutenant particulier au bailliage d'Issoudun.
Thoret, médecin à Bourges.
Legrand, avocat du Roi au bailliage du Ghâteauroux,
Auclerc-Descottes, médecin à Ar-genton.
Sallé de Chou, avocat du Roi à Bourges.
Bauchetone avocat à Issoudun.
Grangier, avocat au parlement, subdélégué à Sancerre.
Suppléants. — Remond, maître particulier des
eaux et forêts, à Bourges.
Gaigneau de Saint-Soin, conseiller à l'élection d'Issoudun.
Besançon (Bailliage de).
Clergé.— Millot (l'abbé), chanoine de la Madeleine à Besançon, démissionnaire ; est remplacé par Oe-mandre.
Demandre, curé de Saint-Pierre à Besançon, remplace Millot, démissionnaire.
Noblesse, — Grosbois (de), premier président
du parlement de Besançon, démissionnaire.
Suppléant. — Lalleraand (le comte de), chevalier de Saint-Georges, résidant à Besançon.
Tiers-état. — Blanc, avocat au parlement à Besançon, décédé en juillet 1789, remplacé par Martin.
MM.
La PiJtile, àvt$àt àu parlement de la même Viilë.
Suppléant. — Martin^ avocat ati parlement de la
même ville, remplace Blanc, décédé.
Béziers (Sénéchaussée de).
Clergé.— Martin, curé et prévôt de la paroisse et chamtre de Sainte-ÀphWdisë de Béziers. Goutteé, curë de la paroisse d'Ar-gëliiërs.
Noblesse.—4- Gleizes de La Blanque, lieutenant général; juge-mage et commissaire. çlu Roi pour l'élection des députés-
Jessé (le baron de).
Tiers -état* — Rey ^avocat au parlement, résidant i, Béziers.
Mérigeaux, avocàl dë Pézëhâs.
Rocqtië de Saint-Pons, négociant à Saint-Pons.
Sales de Gostebëlle, avocat à Pé-gâirbllës.
Bigorrë (Sénéchaussée de).
Clergé. — Rivière, curé de Vic-Bigorre*
Noblesse. — Gonttèé (lë baron de), syndic des
Etats*
Tiers-état. — Barrère de Vieuzac, conseiller au
sénéchal de Târbes.
Diipont* avocat à Luz en Barége.
Blois (feailliage dé)
Clergé.— Ghabaut.. curé de La Cbaussée-SaintfYictor, près Blois. La îlochenegly (de), prieur de la paroisse Saint-Honoré de Blois.
Noblesse. Beauhârnais (vicomte de), major
en seëotid au régiment de la Sarre.
Phéliries (de), officier du génie.
Suppléûrit. Lavoisier, fermier général.
Tiers-étal. — finiillon, lieutenant général au bailliage de Blois.
Turpin * lieutenant criminel au même siège.
Dinochau, avocat au même siège*
Là Forgë (de), avocat au bailliage dé Ghàtëaudun.
Bordeaux (Sénéchaussée de).
Clergé. — Cicé (Champion de), archevêque de
Bordeaux, abb,é de la Grasse* diocèse dë pàrcassonne, et d'Ûurcainp^ diocèse de Noyon, nommé ministre de la justice.
Héral (l'abbé d'h chanonië dë là cathédrale.
Piffon, curé dë Valeyrac, en Mé-doci
Delagë (l'abbé)* curé de Saint-Chrisioiy, en Blayois.
MM.
Noblesse. — Le Berthon, premier président du
Parlement de Bordeaux.
Lavie, président au même Parlement.
Ségur (le vicomte de), maréchal de camp;
Verthamont (le chevalier de), frère du président du même nom au Parlement de Bordeaux.
Tiers-état * — Nairac (Paul)* négociant à Bordeaux;
Lafargue, négociant, ancien consul dë Cette vjile.
Desèze, médecin de la même villé.
Gaschet de Lille, négociant.
Suppléant. — Mercier, bourgeois vivant noblement;
Campagne. — Fisson-Jaubert , médecin à Ga-
diliàC;?
Lïize-Létàrïg (de), notaire à Gou-tras.
Boissonnot, notaire à Saint-Paul, dans le Blayois;
Bernard - Valentin , bourgeois à Bourg.
Suppléant. — Lesnière* avbcat du Fronsonnais,
près Bordeaux j
Boulognè-sur-mer (Sénechàussée de).
Clergé. — Montgazin (l'abbé Méric de), cha-
hoine et grand-vicaire.
Suppléant. — Gossart, curé de Wimille en Boulonnais.
Noblesse. — Villequier (le due de), maréchal
des camps et àrmées du Roi, gdttvernëur de Boulogrië, bhë-valier des ordres du Roi, premier gentilhomme de sa chambre, démissionnaire, remplacé par Dublaisel Du Rieu.
Suppléant. — Dublaisel Dii llîeû, bhevalier de
Saint-Louis, ancien lieutenant-toionëi; retnplàcë le dùë dë Villëquier, démissionnaire.
Tiers-état. — Latteux, doyëii des avocats à Boulogne.
Gros, avocat à Boulogne.
Bourbonnais (Sénéchaussée du).
Yoy. Moulins.
Bourg-en-Bresse (Bailliage de).
Clergé. Gtiêdàiit, ciiré dë Baiht-Trifidr-.
Bottex, curé de Neuville-sur-Ain;
Suppléant. — Philibert, curé dë Saint-Jean-sur-
Resdttsse.
Noblesse. — Sàiidraris (de Gardon, baron de),
près Châtillon-les-Dombes.
Gâron de La Bévière, chëvàlièr dê Saint-Louis,. résidant à Bourg, aêmissionilàiré , est remplacé
MM.
ÂftCtëïtËS PÂRLÈMËM'ÂÎRÉS.
par le comte de Faucigîiy-Lti-cinge-
Suppléant* — Faticigny-Lticingé (le comte de),
remplace Garon , démission-naire. I
Tiers-état. — Populus* avocat à Bourg.
BouVëyÊôn, bdU^ëdié dLë Treffort.
Gautier des Orcières, avocat à Bourg.
Picqiiefc* atodat du Roi à Bourg.
Suppléants. Cerisier, avocat à Châtillon.
Puget, procureur à Bourg.
BourgeI (Ville de). Voy. Berry.
BRëtagnè (province de).
Voy. Brest, CarhaixFougèresf ffennebon, Lesne-ven, Morlaix, Ploërmel, Quimpert Saint-Brieuc9 Saint-Pol-âê- Leôb, Tréguiery Vannes.
Brest (Sénéchaussée de).
Tiers-état. — Le Gendre* avocat à Brest.
Moyot, négociant, ancien capitaine de vaisseau marchand.
Bugêy et Valromêy (Bailliage de).
Cierge. — Fàvre, curé d'Hotbnnes en Valro-
iftëy.
Noblesse. — Clermont-Mont-Saint-Jearj (le marquis dë), seigiiëur de FlâMft.
Tiers-état* — Briîlat-Savarin, avocat à Belley.
Liliaz de Groze, avocat à Montréal..
GAen (Bailliage dè).
Cierge. — Le François, curé de Mutrëcy.
Lévêque, curé de Tracy.
Lëtellier* cuté de Bonœil.
Noblesse. — Coigny (lediië de), pair de France,
grand bailli, chevaliôr dès or* dres du Roi, lieutenant général de ses armées. . . . '.
Vassy (ie comté Louis dë), de Bré-cey.
Wimpfen (le baron de), ancien colorié! de dragons * résidant à Bayeux.
fîîH-élÛt — Delaunay. avocat à Bayeux.
Poulain aë Bëàùchesne, du bailliage de Falaise, ancien lieutenant dë la gjfànde louveterie de France.
Lamy l'aîné, protestant et négociant à Caen.
Flaust, lieutenant général du bailliage de Vire.
Pain, conseiller-assesseur au bailliage de Thorigny.
Giissy (Gabriel de), directeur dë la iiibtknaie dé Gaen.
Gàhors (Ville de)î Voy.
Clergé. Bucaille* curé de Frétttn, près Calais.
Noblessei ta» Saiidrouin (le vicomte de), chevalier de Malte, demeurant à Ar-dinghan eu Boulonnois.
Tiers^étut: Blànquard des Salines* avocat à Galais.
Francoville, avocat à Saint-Omer.
Clergéi Noblesse,
Suppléant. * Tiïers-étcli.
Gambrésis.
Bracq, curé de Ribecourt.
EstoUrmël (le tharquis d')» maréchal des camps et armées du Roi.
Catelet (le comte du).
Mortier * cultivateur et négôiiiâût âu Cateàti:
Delambte; cultivateur, fermier à Boirie Notre-Dame.
Mâronnier, fermier à ElincourL
Suppléant*. •
Garcassonne (Sénéchaussée de).
Clergé. BerhiS (FrànçdiS de Pierre de),
archevêque dé Damas * coadju-teur d'Alby.
Samary* curé de la cathédrale de Garcassonne.
Noblesse. — Montcalm-Gozon (le marquis de),
maréchal dë camp.
Dupae de Badens (le marquis), démissioflMirë, remplacé par de Rcichegttd'é, résidant à Car-càSèdhiië.
Suppléant. — Rochegude (le comte de), capitaine des vaisseaux jju Roi, rëmpiàbe ûupac de Bâaëùë.
Tiers*étati Ramel^Nogaret, avocat du Roi à Garcassonne^
Dupré* négociant à Carcassonne.
Morin* avocat à Saint-Nazaire, diocèse de Narbonne.
Béïlàzët, bdllrgëois de Sàîssâè, diocèse dë Carcassonne.
Carhaix (Sénéchaussée de).
Tier$4îah Legolias, avocat à Ghâteaulin.
Billette* négociant et entrepreneur de la manufacture des etiirs à Qulmperlé.
Suppléant. — Quarguet, procureur du Roi de
Ghâteauneuf.
Rosgrahd (de), avocat a Criàteaulin.
Gastelmorgn (Sénéchaussée de).
Clergés » Malartie, étiré de Saint-Denis de
Tiers-état.[États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES.
MM.
Noblesse.
Clergé.
Suppléant. Noblesse. Tiers-état.
Ghalon (le chevalier de).
Nau de Belleisle, maire de Castel-
moron. Peyruchaud, avocat.
Castelnaudary (Sénéchaussée de).
Voche, curé de Montgaillard, démissionnaire, est remplacé par Guyon.
Guyon, curé de Baziéges, remplace Voche, démissionnaire.
Clergé. Noblesse.
Tiers-état. Suppléant
Vaudreuil (le marquis de), résidant à Rével.
Martin d'Auch, célibataire, licencié ès lois, résidant à Castelnaudary. Guilhermy (de), procureur du Roi au présidial.
Castres (Sénéchaussée de).
— Royère (de), évêque de Castres,
démissionnaire, est remplacé par Cavailhez.
— Toulouse-Lautrec (le comte de),
maréchal de camp, ancien co-lonet du régiment de Condé-dragon.
— Ricard, conseiller au sénéchal. Pezous, avocat à Alby.
— Cavailiez de Saint-Pierre, près Cas-
tres, remplace de Royère, démissionnaire.
Caux (Bailliage de)v
Clergé. — Eudes, curé d'Angerville-l'Orcher.
Rozé, curé d'Emalleville, près Montivilliers.
Pradt (de), grand-vicaire, archidiacre de la cathédrale de Rouen.
Noblesse. — Cairon (le marquis de), seigneur
de Panneville, résidant à Rouen.
Bouville (de), conseiller au parlement de Rouen.
Thiboutot (le marquis de), maréchal de camp.
Tiers état. — Bégouen, écuyer, négociant au
Havre.
Bourdon, procureur du Roi à Dieppe.
Simon, cultivateur àNeufchâtel.
Lasnon, cultivateur à Touteville.
Fleurye, procureur du Roi au bailliage de Montivilliers.
Cherfils, procureur du Roi au bailliage de Cany.
Chalons-sur-Marne (Bailliage de).
Clergé. — Clermont-Tonnerre (Jules de), évêque, comte de Chàlons-sur-Marne, pair de France, abbé de Moustier-en-Der, diocèse de Châ-lons.
MM
Noblesse. — Cernon (le baron de), de Châlons,
Tiers-état. — Prieur, avocat à Châlons.
Choisy, cultivateur à Riancourt.
Suppléant. — Thomas, avocat à Châlons.
Chalon-sur-Saône (Bailliage de).
Clergé.— Gennetet, curé d'Etrigny, montagne châlonnaise.
Oudot, curé de Savigny en Rever-mont.
Noblesse. — Sassenay (le marquis Bernard
de) (1), capitaine de cavalerie, résidant à Dijon, démissionnaire, est remplacé par de Rully.
Burignot de Varennes, à Châlon-sur-Saône.
Suppléant. — Rully (le comte de), maître de
camp du régiment du Maine, remplace le marquis de Sassenay, démissonnaire.
Tiers-état. — Bernigaud de Grange, lieutenant
criminel au bailliage de Chalon-sur-Saône
Pétiot, procureur du Roi au même bailliage.
Paccard, avocat à Chalon-sur-Saône.
Sancy père, avocat à Chàlon-sur-Saône, démissionnaire, est remplacé par Sancy fils.
Suppléants. — Sancy fils, lieutenant particulier
civil au bailliage de Châlon-sur-Saône, remplace Sancy père, démissionnaire.
Matthias, avocat à Chàlon-sur-Saône.
Charolles (Bailliage de).
Clergé. —Pocheron, curé de Champvent.
Suppléant. — Baudinot, curé à Paray-le-Monial.
Noblesse. . — Lacoste (le marquis de), seigneur
de Digoine, ambassadeur à Deux-Ponts.
Suppléant. — Maynand de Laveau, capitaine de
dragons, résidant à Parav.
Tiers-état. — Fricaud, avocat à Charolles.
Geoffroy, avocat à Charolles.
Chartres (Bailliage de).
Clergé. — Lubersac (de), évêque de Chartres, abbé de la Grenetière, diocèse de Luçon, et de Noirlac, diocèse de Bourges.
Suppléant. — Jumentier, curé de la paroisse de
Saint-Hilaire.
Noblesse. — Montboissier (le baron de), ancien colonel du régiment d'Or-
léans - dragons, maréchal des camps et armées du Roi, démissionnaire, est remplacé par Talon.
Suppléant. — Talon, conseiller au parlement,
remplace de Montboissier, démissionnaire.
Tiers-état. — Pétion de Villeneuve, subdélégué
et avocat, âgé de trente-six ans.
Bouvet, négociant.
Suppléants. — Horeau, avocat.
Le Tellier, avocat.
Chateauneuf en Thimerais (Bailliage de).
Clergé.— Texier (l'abbé), chanoine à la ca-
thédrale de Chartres.
Suppléant.— Le curé de Matanvilliers , près
Brezolles,
Noblesse.— Castellane (le comte de), colonel
de chasseurs.
Suppléant.- Malessis (de), maréchal de camp, officier aux gardes.
Tiers-état- Périer, notaire. Glaye, laboureur.
Suppléants. — Valeûil (de), avocat à Brezolles.
Ganuel, maître de forges à Dam-pierre.
Chateau-Thierry (Bailliage de)
Clergé.— Thirial, curé de Saint-Crespm de Château-Thierry.
Suppléant. — Remard, curé de Seringe.
Noblesse. — Graimberg de Belleau, lieutenant
des maréchaux de France, démissionnaire, est remplacé par M. de Bois-Rouvrave.
m
Suppléant. — Bois-Rouvraye (de), capitaine de
cavalerie et seigneur de Ghamp-versi, remplace Graimberg ae Belleau.
Tiers-état. —Pinterei de Louverny, lieutenant
général du bailliage de Château-Thierry.
Harmand, avocat au parlement.
Suppléants. — Sutil, avocat du Roi, à Château-
Thierry.
Potel, laboureur à Sommelan.
Chatellerault (Sénéchaussée de).
Clergé. — Joyeux, curé de la paroisse Saint-
Jean de Châtellerault.
Suppléant. — Poirier, archiprêtre de Leigné-
sur-Usseu.
Noblesse — Escars (le comte François Pé-
russe d'), gentilhomme- d'honneur du comte d'Artois, colonel du régiment d'Artois-Dragons.
Suppléant. — Descourtils de la Groie, seigneur
de la Groie, près Châtellerault.
Tiers-état. — Greuzé de Latouche, lieutenant général de la sénéchaussée de Châtellerault.
Dubois, maire de Châtellerault.
Suppléant. — Ingrand, avocat à Ussault, près ' Châtellerault.
Chatillon-sur-Seine. Voy. La Montagne.
Ghaumont en Bassigny (Bailliage de).
Clergé.
Noblesse.
— Aubert, curé de Gouvignon, près Bar-sur-Aube.
Monnel, curé de Valdelancourt, près Ghaumont.
— Choiseuild'Aillecourt(le comte de). Clairmont-d'Esclaibes (le comte de),
demeurant à Avranville.
Tiers-état. — Mougeotte de Vignes, procureurdu
Roi au bailliage de Ghaumont. Laloy, médecin à Ghaumont. Janny, avocat à Brieune, près Bar-
sur-Aube. Morei, cultivateur à Vézeigne, près Chaumont, démissionnaire, remplacé par Gombert.
Suppléant. — Gombert, remplace Morel, démissionnaire.
Chaumont en Vexin (Bailliage de).
Clergé. — Panat (l'abbé), grand-vicaire de
Pontoise, démissionnaire.
Noblesse. — Lemoinede Bellisle, ancien chancelier du duc d'Orléans.
Suppléant. — Gléry (de), comte de Sérans, seigneur de Montagny.
Tiers-état. — Bordeaux, procureur du Roi en
l'élection de Chaumont.
Ailly (d'), conseiller d'Etat.
Suppléant. —Santerre, avocat et notaire à
Magny.
Clermont en Auvergne (Sénéchaussée de).
Clergé. —- Bonnal (de), évêque de Clermont,
abbé de Bonport, diocèse d'E-vreux.
Suppléant. — Thourin, curé de Vic-le-Gomte.
Noblesse. — Montboissier (le comte de), commandant de la province, chevalier des ordres du Roi, lieutenant général de ses armées.
Barentin de Montchal (de), officier des gardes du Roi.
Suppléant. — Beaufort de Ganillac (de), de Paris.
Tiers-état. — Gaultier de Biauzat, avocat à Clermont.
Huguet, avocat, maire de Billom.
Monestier, médecin à Clermont.
Cuel, bailli de Vic-le-Comte.
Suppléants. — Bonarme, avocat à Clermont.
Bergier, avocat à Clermont.
CLERMONT EN Bgfuvpisis (Bailliage de).
Clergé. — La Rochefoucauld, évêque, ppmte
de Beau vais, pair de France.
Noblesse. — Liancourt (le duc de), chevalier des
ordres du Roi, grand-maître de ea ^pderpoiie.
Tiers-état. — Mëurmne, cultivateur, élu en l'élection 4e Glermopt, membre de l'Assemblée' de district. Dfiuchy, cultivateur, membre de rAssemblép intermédiaire' dè lontdidièr.
Pp^itermmar et §ÇHE^ST4îîT (Bail}iage de).
Clergé. — D'Apdlau. prii}ce,abbé deMurbach.
Pinèlle (} al)bej, curé deHilsheim.
Noblesse. — Broglip (le prince Victor de), commissaire du Roi, Flactisf&nden (le baron de), maréchal de c$iop.
Suppléant. — Vurmser (le baron de), lieutenant
général.
Tiers-état. — Herrmann, procureur général du
Conseil souverain d*Alsace, décédé et remplacé par Albert. Rewbell, bâtonnier de l'ordre des avocats au Conseil souverain d'Alsace. * - -Kauffmann, prévôt de Multzen-heim.
Suppléant. — Albert, avocat à Colmar, remplace M. Hermann, décédé.
comminges et nébouzan.
Clergé. — Cornus, curé de Muret;
Lasmartres, curé de Lille-en -Dodon.
Noblesse. — Montagut-Barrau (le baron de).
Ustou de Saint-Michel (d'|.
Tiers-état. — La Viguerie, juge royal de Muret.
Pégot, négopiant à Saint-j^dens. Latour, médecin et maire de la
ville d'Aspet. Roger, jugé royal de Simorre.
Condom (Sénéchaussée de).
Clergé. Noblesse.
— Laborde, curé de Corneillan.
— Lusignan (le marquis de), résidant à son château de Saint-Trail.
Tiers-état. — Pelauque-Béraut, procureur du Roi
en l'élection de Condom. Meyniel, avocat de Caumont,
Clergé. Noblesse
Corse(îip ie).
Peretti Délia Rocca, grand-vicaire d'Aleria (île de Corse),
Buttafoco (de) maréchal de camp (île de Corse).
MM.
Tiers-état. — Rocca (le comte de Colonna-Cesari
de), capitaine au régiment provincial de Gorge. Salicetti, avocat au conseil supérieur 4e Corse,
Couserans (Vicomté de).
Clergé. — Lastic (de), évêque de Couserans.
Tiers-état. — Ghambors, vicomte de Couserans. Pannetier.
Suppléant. — lsle.
Coutances (Bailliage de).
Clergé. — Le Rouvillois, curé de Carantilly.
Le Lubois, curé de Fontenay. gécherel, curé de S^int-Lopp, près
Avranches. Duchesné, curp, près Valognes, Talaru de Chalrpazel, évêqué de Coutances, abbé de Blanchelan-de, diocèse de Coutances, et de Montebourg, même diocèse.
Noblesse. — Bonvouloir (Achard de).
Beaudrap de Sotteville, de Valo-gues.
La Villarmois d'Avranches ( le
comte de), Juigné {le baron de), frère de l'archevêque dp Pjaris,
Tiers-état. — Vieillard fils, avocat à Saint-Lô.
Perrée-Duhamel, négociant à
Grandville. Sacher de la Pallière (le), avocat à Mortain.
Ouroesnil des Planques, maire de
Garentan. Besnard-Duchesne, lieutenant particulier à Valognes. Ango, bailli de S3aint-Sauyeur-le-
Vicomte.*' Poîiret-Roquerip, procureur du Roi
au bailliage dè Perriers. , Burdelot, mairé de Pontorson.
Crépy en Valois (Pailliage de).
Clergé, — Farochon, curé d'O^moy,
Noblesse. — Orléans (Mgr le duc d').
Suppléant. — Le Pelletier de Glatigny, capitaine
d'artillerie.
Tiers-état.
Verdonne (Adam de), lieutenant
général du bailliage de Crépy. Hanoteau, laboureur, fermier au Plessis-Placi.
Dauphiné
Clergé.—" Po mpignan (Jean-Georges Le Fran c fie), archevêque de Vienne, abbé de Buzay, dioéèse de Nantes, et de Saint-Chaffre, diocèse du Puy.
MM.
m
Suppléant Noblesse.
DolomieU| chanoine, abbé com-mendafaire de Saint-Hilaire, comte du chapitre de Saint-Pierre.
Saint-Albin (Corbeau de), doyen de l'église primatiale de Vienne.
Golaud de la Salcette, chanoine de l'église cathédrale de Die*
• Monspey (de), commandeur de Montbrison.'
Blacons (de Forest, marquis de)¥
J^angpn (Je iparquis de), qi^rpphal des p^rçips et armées du Roi.
L^blache (de pjilpoz, comte de), maréchal des camps et armées du roi.
Agoult (le comte Antoine d'), colonel de cavalerie et sous-lieutenant des . gardes du corps? démissionnaire.
Virieu (le coqate de), colonel du régiment de Limousin, démissionnaire.
Morge (le comte de), démission-paire, est remplacé par de Mu-rinais.
Chaléon (le barpn de), conseiller âù parlement dé Grenoble, démissionnaire remplacé par M. Richard.
Marsanne-Fontiulianne (le comte de).
SuppUqnU
J^rojjat (iparguis de). Àuïîérgeon fie iSilurinais (le chevalier r), remplace le comte de Morge démissionnaire.
Delley-dfÀgier? maire de Romans.
Tiers-état. — Mounier, secrétaire des Etats du
Dauphiné, démissionnaire est remplacé par Legrand de Gham-prouet.
Delacour- d'Àmbésieux, avocat à Romans?
P'Orbanne, avocat au parlement de Grenoble.
Pison du (Galland fils, avocat, juge épiscopal de Grenoble.
Bérenger, procureur du Roi à l'élection de Valence.
Barnave, propriétaire à Ver-cheny.
Bertrand de Montfort, vice-bailli, lieutenant générai des bâron-nies.
Ré vol, avpcat au parlement de Grenoble.
Bignan de Çoyrol, négociant à Suze.
Chabroud, avocat à Vienne.
Guy-Blancard, propriétaire, avocat à Loriol.
Allard-Duplantier, propriétaire à Voiron.
Cheynet, maire de la ville de Mpntélimart,
Suppléants. — Richard, maire de lavilledeCrest,
remplace le baron de Gtia-léon, démissionnaire.
Legr$p4 4e ÇJhapnprouet, assesseur ^ p^illiage de Briançon,
remplace Mounier. démissio naire. *
Dax, Saint-Sevèret Bayqnne (Sénéchaussées d').
Clergé. — Goze, curé de Gaas, diocèse de
Dax.
Noblesse. — Barbotan (le comte de), résidant à
Saint-Sever, démissionnaire.
Tiers-état. •— E^sq^J; de ^lïgrjet. lieuteppt
général ^jj sénéchal de Saint-Sever.
Lamarque, procureur du Roi au inêfpp si£gp.
Digne (Voy. Forcalquier).
Dijon (Bailliage de).
Clergé. — Desmontiers de Mérinville, évêque
de Dijon.
Merceret, curé de Fontaine-lès-Dijon.
Noblesse. — Lé vis (Je comte de), résidant à
Gharbîfes.
Lemulier de Bressey, résidant à Dijon.
Tiers-état. — Arnoult, avocat au parlement de
Dijon?
Hprnpux, négpci^nt à Saint-Jean-jl}i-^OSDe. *
Volfius, avoc^f au parlement de
Gahtppret, cultivateur à Bourgui-gapp. 1
Dinan (Sénéchaussée de).
Clergé. — Allain, recteur de Josselin.
Ratier, recteur de Broos.
Suppléant. — Gautier, prêtre de Dinan.
Tiers-état. — Coupart, avocat à Dinan.
Gagon-Duchénay, avocat, ancien maire de Dinan.
Suppléant. — Dénouai, procureur de la même
ville.
Dol (Diocèse de).
Clergé. Garnier, recteur de Notre-Dame de
Dol.
Simon, recteur de la Boussacq.
Dôle en Franche-Comté (Bailliage de).
clerg— Guilloz , curé d'Orchamps - en-Venne.
noblesse— Dortan (le comte de), gentilhomme de Dôle.
Tiers-état, -r Regnault d'Epercy, procureur du
Roi à Dôle. Orwot, avocat au parlerait, ré? sidant â Gendré'.
Donzois. Voy. Nivernais.
Dorât (Ville de). Voy. Marche (Sénéchaussée de la Basse-).
Douai et Orchies (Bailliage de).
Clergé.- Breuvard, curé de Saint-Pierre de Douay.
Noblesse.- Aoust (le marquis d').
Suppléant,- Beaumes (de), procureur général du Parlement de Flandres.
Tiers-état.- Simon de Maibelle, docteur et pro-
fesseur en droit, démissionnaire, remplacé par Pilât. Merlin, avocat au parlement de Flandre et secrétaire du Roi.
Suppléant. — Pilât, remplace Simon de Mai-
belle, démissionnaire.
Dourdan (Bailliage de).
Clergé. — Millet, curé de Saint-Pierre de
Dourdan.
Suppléant. — Bêchant, officiai de Dourdan,
grand-vicaire de Chartres, remplace de GauviJle démissionnaire.
Noblesse. — Gauville (le baron de), seigneur de
la Font-le-Roi, démissionnaire, remplacé par Bêchant.
Suppléant. —» Rével (le prince de), fils du maréchal de Broglie.
Tiers-état. — Lebrun, écuyer, ancien secrétaire
de M. de Maupou.
Buffi, notaire-tabellion de Dourdan.
Draguignan (Sénéchaussée de).
Clergé. — Mougins de Roquefort, curé de
Grasse.
Gardiol, curé de Callian.
Noblesse. — Broves de Rafélis (le marquis de),
résidant à Draguignan.
Lassigny de Juigné (le comte de).
Suppléants. — Dautane-Dalons, de Castellane.
De Léclair La Signé, à Lorgues.
Tiers-état. —Lombard de Taradeau, lieutenant
général de la sénéchaussée de Draguignan.
Mougins de Roquefort, maire et premier consul de la ville de Grasse.
Verdolin, avocat à Danot.
Sieyès de La Baume, propriétaire, avocat à Fréjus.
Suppléant. — Colom, maire de Castellane.
Étampes (Bailliage d'). MM.
Clergé.— Perrier, curé de Saint-Pierre
d'Etampes.
Noblesse.— Saint-Mars (Poillotie, marquis de).
Suppléant.— Desmasis.
Tiers-état.— Laborde de Mérévilie, garde du
trésor royal. Gidoin, propriétaire, ancien fermier.
Évreux (Bailliage d').
Clergé.— Lalande (de), curé d'IUiers-l'E-vêque.
Suppléant.— Lindet (Robert-Thomas), curé de
Sainte-Croix de Bernay.
Noblesse. — Chambray (le marquis de), maréchal de camp, résidant à Chambray.
Bonneville (le comte de).
Tiers-état. — Buschey-Desnoes , conseiller au
bailliage de Bernay. Buzot, avocat à Evreux. Maréchal (le), négociant à Rugles. Beauperrey, propriétaire, laboureur et marchand de chevaux à Gacé, près Bernay.
Forcalquier, Sisteron, Digne et Barcelonnette (Sénéchaussée de).
Clergé. — Gassendi, prieur-curé de Barras. Rolland, curé du Caire.
Noblesse.- Chanzeau, curé de Digne.
- Burle (de), lieutenant de la séné-
chaussée de Forcalquier, à Sis-l;eron. Eymar (d').
Tiers-état. —Bouche fils, avocat à Forcalquier.
Latil, avocat, maire de Sisteron. Mévolhon, avocat à Sisteron. Solliers, avocat à Seignon.
Suppléants. — Ruffin, de Manosque.
Teyssier, de Sisteron.
Forez (Bailliage du).
Clergé. — Goullard , curé de la ville de
Roanne.
Gagnières, curé de Saint-Cyr-les-Vignes.
Noblesse. — Grezolles (le comte de).
Champagny (de Nomperre de), major de vaisseau.
Tiers-état. — Rostaing (le marquis de), maréchal
de camp, chevalier de Saint-Louis et de Cincinnatus, grand bailli du Forez.
MM.
Jamier, propriétaire à Montbrison, secrétaire et officier du Point d'honneur.
Richard, propriétaire, greffier en chef au bailliage de Bourg-Ar-gental.
Landine (de), agrégé à l'académie de Lyon.
Fougères, Hédé et Saint-Aubin du Cormier
(Sénéchaussée de).
Tiers-état. — Fournier de la Pommeraye, procureur du Roi de la juridiction royale de Fougères.
Lemoine de LaGiraudais, avocat à Fougères.
gaure. Voy. Rivière-Verdun.
Gex (Bailliage de 1.
Clergé. — Varicourt(Pierre-Marin Rouph de),
officiai de l'évêché de Genève, curé de la ville de Gex.
Noblesse. — Prez de Crassier (de), grand bailli
du Charolais, chevalier de Saint-Louis et colonel, résidant à Or-nex.
Tiers-état. — Girod de Toiry, avocat en Parlement, ancien procureur du Roi de la maréchaussée de Gex.
Girod de Chévry, bourgeois, résidant à Chévry.
MM.
d'épée, premier chevalier héréditaire de l'Empire. Rathsamhausen (le baron de), colonel d'infanterie, retiré, sell-meister de Strasbourg.
Tiers-état. — Flachslanden (le bailli de), grand-
croix de l'ordre de Malte, président de l'Assemblée provinciale. Hell, procureur-syndic provincial d'Alsace, grand bailli du bailliage de Laudser.
Hainaut. Voy. Quesnoy (Le).
Ham. Voy. Amiens.
Hédé. Voy. Fougères.
Hennebon (Sénéchaussée d').
Tiers-état. — Laville-Leroux, négociant à Lo-
rieût.
Coroller-Dumoustoir, procureur du Roi de la sénéchaussée d'Henne-bon.
Corentin Le Floc, laboureur à Quanquizerne.
Suppléant. — Lestrolfeu, avocat au Port-Louis. Huningue. Voy. Belfort.
Ile-Jourdain. Voy. Armagnac.
Gien (Bailliage de).
Clergé. — Vallet, curé de la paroisse Saint-
Louis de Gien.
Noblesse. — Hancourt de Villiers (de), ennobli.
Tiers-état. — Janson, avocat à Gien.
Bazin, avocat, cultivateur.
Suppléant. — Gerissay (Thomas de),avocat à Gien
Guéret (ville de). Voy. Marche (Sénéchaussée de la Haute-).
Hagueneau et Wissembourg (Bailliage de).
Clergé. — Eymar (l'abbé d'), grand vicaire et
prévôt du chapitre de Neuvil lers.
Rohan-Guémenée (le cardinal prince de), évêque de Strasbourg.
Louis (l'abbé), recteur de l'Université.
Noblesse.
Andlau de Hombourg (lebaron d'), maréchal de camp, grand bailli
MM.
d'épée, premier chevalier héréditaire de l'Empire.
Rathsamhausen (le baron de), colonel d'infanterie, retiré, sellmeister de Strasbourg.
Tiers-état. — Flachslanden (le bailli de), grandcroix de l'ordre de Malte, président de l'Assemblée provinciale. Hell, procureur-syndic provincial d'Alsace, grand bailli du bailliage de Laudser.
HAINAUT. Voy. Quesnoy (Le).
HAM. Voy. Amiens.
HÉDÉ. Voy. Fougères.
HENNEBON (Sénéchaussée d').
Tiers-état. — Laville-Leroux, négociant à Lorieût. Coroller-Dumoustoir, procureur du Roi de la sénéchaussée d'Hennebon. Corentin Le Floc, laboureur à Quanquizerne.
Suppléant. — Lestrolfeu, avocat au Port-Louis.
HUNINGUE. Voy. Belfort.
ILE-JOURDAIN. Voy. Armagnac.
Labour (Bailliage de).
Clergé. — Saint-Esteven (de),curédeCiboure.
Noblesse. — Macaye (le vicomte de), résidant à
Saint-Jean-de-Luz.,
Tiers-état. — Garat aîné, avocat au parlement
de Bordeaux. Garat jèune, son frère, homme de lettres, résidant à Paris.
La Montagne (Bailliage de).
Clergé. — Couturier, curé de Salives.
Noblesse. — Ghastenay de Lanty (le comte de),
résidant à Châtillon.
Tiers-état. — Frochot fils, avocat, notaire et prévôt royal d'Aignay-le-Duc.
Benoist tils, notaire [et avocat à Frolois.
Langres (Bailliage de).
Clergé. — La Luzerne, évêque, duc de Langres, pair de France, abbé de
MM.
gpîirgueil, diocèse d'Angers, démissionnaire, pst remplacé par Guyardin.
Suppléant. Guyardin, remplace de la Luzerne, détfiissiûnnaire.
Ngklwse. «r- Froment (de), ancien lieutenants colonel au régiment de Rohan-Infaatépie*
Tien-étatt, & Thévenot de Maroise, avocat et ancien lieutenant général de policé.
Henriot, procureur du Roi en la gréyâté de MonJiignYnle-Roi, démissionnaire, est remplacé par Dr§vpn.
Suppléant. — Drévon, remplace Henriot, démissionnaire.
LànNioN. Voy. Mortattà.
LaôN (Ville de). Voy. Vermandoïs.
La Rqchelle (^eujéchaussée de).
Çlerge» — Piqelière, curé de Saint-Martin (île
de jMh
Suj)p\éfii(tti — Delçujxe, cppé d'Aytré.
Noblesse. — Malartic (de), ancien lieutenant-
cplone) du régiment de Vermandoïs.
Suppléant. — Chambon de Saint-Quentin (de).
Tiers-état. — Griffon de Romagné, lieutenant
généré de la sénéchaussée de la Rochelle.
Alquier, avocat du Roi au même siège et maire de la Rochelle.
•Suppléants.—• Boutet, capitainede navire à Saint-
Martin (île de Ré).
Ruamps, officier garde-côte à Mauzéj
Lectoure. Voy. Armagnac.
LÉONAC. Voy. Rivière-Verdun.
Lesneven (Sénéchaussée de).
Tiers-état. — Leguen de Kérangal, propriétaire,
fàbricâtit de toiles à Landivi-siau.
Prtidhomrne de Kéraugon, avocat a Saint-Pôï, lieutenant des ca-nonniers gardes-côte.
Libourne (Sénéchaussée de).
Clergé-. Noblesse.
— Touzet, curé de Sainte-Terre.
— Puch de Montbreton (de) gen-
tilhomme, résidant à sa terré, près Sainte-Foy-sur-Dordogne.
Tiers-état. — Mestre, avopat, propriétaire à
Sainte-rôy. Dumas-Gronthier,propriétaire,bourgeois de Libourne.
11788.1
Lille (B^ilJiage de),
MM.
Clergé.
Pupontj curé de Turcoing, démissionnaire, est remplacé par le bayqpL de Garondelet.
NoIÏ, curé de Saint-Pierre de Lille.
Suppléant. — Carondelet (le baron de), remplace
Qiipppt, démissionnaire.
Noblesse. — LannoydeWatigntes (le comte de).
Noyelles (le baron de), démissionnaire, est remplacé par le baron d'Blbecq.
SuppléantsElbecq (le baron d'), remplace
lé baron de Hpyélles.
Hespel (d'), d'Ocron.
Tiers-état. — Wartel, avocat à Lille.
Scheppers, négociant à Lille.
Chombart, propriétaire, fermier à Erlie.
Lepoutre, fermier àLincelle.
Suppléants* Poutrain, avqcat àMérignies.
Guvelier-Brame, négociant à Lille.
Couvreur* avpcat à Lille.
Florin (Constantin), négociant à Rpubaix
Limoges. V0y. Limousin (Sénéchaussée du haut).
LIMOUSIN (Sénéchaussée du Bas-).
r?-- Maspipjiry (Fprest de) curé Thomas, curé $e Meymàc.
— Lacûmbe (Pabbé de), prévôt de la cathédrale de Tulle, remplace le Vicomte de Laqueuille, démissionnaire.
— Poissée (le barpn de), conseiller au parlement de Bordeaux.
Laqueuille (le vippmte de), rpajor (Je Rqyairpicardie, cavalerie, démissionnaire, est remplacé par de Lacombe.
Suppléant. — Sédiêres (le comte de), résidant en
son château de Sédières, près Tulle.
Tiers-état. — Melon, lieutenant général du pré-
sidial de Tulle.
Malèp, avocat jet substitut du procureur du Roi en l'élection de Brives.
Delort de Puymalie, père, avocat, lieutenant de la sénéchaussée d'Uzerches.
Ludière, avocat, ancien lieutenant rnairç àTullp.
Limousin (Sénéchaussée du Haut-).
Clergé. — Argentré (Duplessis d'), évêque de
Limoges, abbé de Vaux-de-Ger-nay, dipGèse de Paris, et de Saint-Jean^d'Arigély, diocèse de Saintes, premier aumônier de Monsieur, frère du Roi, en survivance.
Suppléante
Noblesse.
MM.
Saint-Mathieti (Guigan de), curé de Saint-Pierre, à Limoges.
Noblesse. — Escars (le comte d7), cordon-bleu,
démissionnaire, est remplacé par le comte de Roye;
— Mirabeau (le vicomte de), colonel du régiment de Touraine.
Suppléqnt. — Roye (le comte de), sénéchal à
Litnoges * remplace le ^orntë d'Escars.
Tiqrs-état. rn Roulhac (de),, lieutenant général
de la sénéchaussée de Limoges.
Pîaurissart, directeur de la Monnaie de Limoges, démissionnaire, remplacé par Boyer. Montaudon, avocat à Limoges. Chavoix, avocat à Juliac, sénéchaussée de Saint-Yriex.
Suppléants. — Boyer, médecin à Limoges? remplace Naurissart, démissionnaire.
Guine^UrDiipré, avocat à Limoges.
Limoux (Sénéchaussée de).
Clergé. — Gauneille, curé de Belvis, dans
les Pvrénées, «
Noblesse. — L'Huillier-Rouvèaac (le baron de).
Tiers-état. — La R^de l'aîné, syndic du diocèse
d'Aleth.
Bonnet, avocat à Limoux.
LONs_LE_Sautnier. Voy.Aval
Loudun (Bailliage de).
Clergé. — Marsay (de), curé deNeuil-sur-Dive.
Noblesse. — Ternay Darsa,c (marquis de), résidant à Ternay,
Tifrs-état. — Dumoustier de La Fond, avocat du
Roi et subdélpgué à Loudun, Bipn| avocat et substitut du procureur du Rpi à Lpudun.
Lyon (Ville et Sénéchaussée de).
Clergé. — Oastellas (de) doyen du chapitre
des comtes de Lyon. Mayet, puré de Rochetaillée. Flachat, curé de Notre-Dame de
Saint-Chamont» Charrier de La Rophe, prévôt du chapitré tioblë d'Aynay et curé I de la même paroisse.
Noblesse, t- Mont-d'Ôp (le marquis de}, de ' Lyon.'
Boisse (le chevalier de), de Lypn. IiOras (le marquis dé), de Lyon. Dèschamps, avocat et gentilhomme.
TieH-état. — Périsse Duluc, libraire à Lyon.
Millanois, imprimeur et libraire, ancien avocat du Roi de la sénéchaussée de Lyon, ûouderc, protestant, négociant à Lyon. . |
MM.
Goudard, négociant à Lyon.
Plat-pays. — Girerd, médecin à tarare.
Bergasse, avocat à Paris. Durand, négociant tanneur àSain t-
Màdricë-sur-River y. Trôùillet, négociant', habitant de Gharlieii.
Maçon (Bailliage? de) * •
Clergé. rrr Puerez cur£ de la paroisse de
Saint-André (le Tournus.
Noblesse. — Mpntrevel de la Baume (çoqite
de), maréchal de camp.
Tier^étati t-t Merle, maire dp M^con.
m Métherie, avocat à La Clayette.
Maine (Sénéchaussée du).
Clergé. r —; gpurdet, curé dp Bouè^e, près
Sablé. Décédé én octobre 1790. Remplacé par Gornilleau.
Grânqfn, curé d'Ernée, près Mayenne.
Bertèreau, curé dé Teillé.
Le Pelletier de Feumusson, géno-véfgin, prieur, curé de Pontfront-Champagne.
Jpuffroy de Goussans (de), évéque du Mans* - Gornilleau, notaire à Surfaud, remplace Bourdet, décédé.
Suppléant Noblesse.
SuppléantT Tiets-état.
Montesson (le marquis de), démissionnaire, remplacé par le cPmtë de Ghoiseul-Praslin.
Hercé (le chevalier de), .des environs de Mayenne.
Vassé (lé vidanie de).
Tessé (le comte de), grand d'fis-)agne, chevalier des ordres du loi, premierécuyer delà reine, l ieutenant générai des armées du Roi, démissionnaire, remplacé par Du Mans, de Bourg-, t'Evêque.
Marquis de Fresnay (le bailli).
Choiséul-fraslïh (le comte de), remplace le marquis de Montesson.
Du Mans, deBourg-PEvêque, remplace te comte de Tessé, démissionnaire.
Enjubault de Laroche, juge du comté-pairie de Laval.
Héliand, trésorier du bureau de charité, au Mans, remplacé par Livré.'
Jouye-Desroches, lieutenant général au présidial du Mans.
Lasnier de Vaussenay, négociant à Laval, démissionnaire, remplacé par le cppate de Murât.
Maupetit, procureur du Rot à Maypnne.
MM.
toérift, maître de forges à Sougé.
Ménard de la Groye, conseiller au présidial du Mans.
Gournay, avocat à Mayenne.
Chenon de Beau mont, conseiller à l'élection du Mans.
Livré, éçhevin de la ville du Mans, admis' pour remplacer Héliand, décédé.
Murât (le comte de), remplace Las-nier de Vaûssenay, démissionnaire.
Mantes et Meulan (Bailliage de).
Cierge. Noblesse. Tiers-état.
— Ghoppier, curé de Flins près Meu-
lan.
— Gaillon (le marquis de), ancien
officier.
Meunier du Breuil, lieutenant général du présidial de Mantes. Germiot, agriculteur au village de Menucourt, près Meulan.
Marche (Sénéchaussée de la Basse-).
Clergé. Noblesse.
— Leborlhe de Grandpré, curé d'Ora-doux-Fanois.
— Laipaud (le comte de), grand sénéchal d'épée.
Tiers-état. — Lesterpt de Beauvais, avocat au
Dorât.
j Lesterpt, avocat, juge-sénéchal du DoraK
Marche (Sénéchaussée de la Haute-).
Clergé,— Goubert, prévôt d'Aubusson, curé de Saint-Siivara-Bellegarde, officiai de Chéneraiiles.
Banassat, curé de Saint-Fiel.
Noblesse.— Biencourt (le marquis de), maré-
chal des camps et armées du Roi.
Saint-Maixant (le marquis de), maréchal des camps et armées du Roi.
Tiers-état. — Laboreys de Ghâteau-Favier, inspecteur des manufactures d'Aubusson.
Bandy- Delachaux, marchand et lieutenant de maire de Felletin.
Tournyol-Duclos, ancien président à l'élection et entreposeur du tabac à Guéret.
Grellet de Beauregard, avocat du Roi au présidial de Guéret.
Marches communes du Poitou et de Bretagne.
Clergé. — Richard de Lavergne, recteur de
la Trinité de Glisson, docteur en droit, avocat au parlement.
oblesse.— Juigné (le marquis de), grand bailli, lieutenant générai des armées du Roi.
MM.
Tiers-état. — Francheteau de La Glaustière, avocat.
Auvynet, sénéchal de Montaigu.
maresting. Yoy. Rivière-Verdun.
Marseille (Sénéchaussée de).
Clergé. — Villeneuve - Bargemont ( l'abbé ),
chantre, comte, chanoine de Saint-Victor-lès-Marseille.
Davin, curé et chanoine de la paroisse Saint-Martin.
Noblesse. — Cypières (le marquis de), chevalier
de Saint-Louis et ancien maife.
Sinéty (de), chevalier de Saiikt-Louis.
Tiers-état. — Roussier (Michel), négociant, démissionnaire, remplacé par Pe-loux.
Lejeans l'aîné, négociant.
Delabat, négociant.
Mirabeau (Honoré-Riquetti, comte de), opte pour la sénéchaussée d'Aix.
Liquier, négociant, décédé en juin 1789, et remplacé par Castellanèt.
Suppléants. — Peloux, remplace Roussier, jlé
missionnaire.
Castellanet, notaire royal, remplace Liquier, décédé.
Meaux (Bailliage de).
Clergé.- Barbou^ curé d'Isle-lès-Villenoy, démissionnaire, remplacé par M. Ruallem.
Suppléant. — Ruallem (de), abbé de Saint-Farbn,
intendant de Mesdames, remplace M. Barbou, démissionnaire.
- D'Aguesseau de Fresnes, démissionnaire, remplacé par M Du Buat.
t- Du Buat, remplace M. d'Àguesseau de Fresnes, démissionnaire.
Tiers-état. — Houdet, maire, lieutenant criminel
à Meaux.
Desecoutes, propriétaire, tanneur et marchand de bois à Goulûm-miers, remplacé par M. Ménager.
Suppléant. — Ménager, demeurant à Germignv-
l'Evèque, remplace M. Desecoutes, démissionnaire.
Noblesse.
Suppléant;
Melun (Bailliage de).
Clergé. — Thomas, curé de Mormang.
Suppléant. — Galonné (l'abbé de), frère de llex
ministre. J
Noblesse. — Fréteau de Saint-Just, conseiller
de grand'chambre au parlement de Paris.
Suppléant. — Gouy d'Arcy (le marquis de), gijand
bailli,, et député de SaintjDo-mingue.
Tiers-étal.. — Despatys deCourteilles,lieutenant
général du Ghâtelet (bailliagfe de Melun).
MM.
toérift, maître de forges à Sougé.
Ménard de la Groye, conseiller au présidial du Mans.
Gournay, avocat à Mayenne.
Chenon de Beau mont, conseiller à l'élection du Mans.
Livré, éçhevin de la ville du Mans, admis' pour remplacer Héliand, décédé.
Murât (le comte de), remplace Lasnier de Vaûssenay, démissionnaire.
MANTES ET MEULAN (Bailliage de).
Cierge— Ghoppier, curé de Flins près Meulan.
Noblesse. — Gaillon (le marquis de), ancien officier.
Teirs-etat Meunier du Breuil, lieutenant général du présidial de Mantes. Germiot, agriculteur au village de Menucourt, près Meulan.
MARCHE (Sénéchaussée de la Basse-).
Clergé— Leborlhe de Grandpré, curé d'Oradoux- Fanois.
Noblesse — Laipaud (le comte de), grand sénéchal d'épée.
Teirs-etat Tiers-etat. — Lesterpt de Beauvais, avocat au Dorat.
Lesterpt, avocat, juge-seneclial du Dorak.
Marche (Sen6chauss6e de la Haute-).
Clergc — Goubert, prevot d'Aubusson, cure de Saint-Silvain-Bellegarde, of- ficial de Chenerailles.
Banassat, cure de Saint-Fiel.
Noblesse — Biencourt (le marquis de), mare- chal des camps et arm6es du Roi.
Saint-Maixant (le marquis de), ma- rechal des camps et armSes du Roi.
Tiers-ctat — Laboreys de Chateau-Favier, ins- pecteur des manufactures d'Au- busson.
Bandy-Delachaux, marchand et lieutenant de maire de Felletin.
Tournyol-Duclos, ancien president a l'election et entreposeur du tabac k Gueret.
Grellet de Beauregard, avocat du Roi au presidiaf de Gueret.
Marches communes du Poitou et de Bretagne.
Clerge — Richard de Lavergne, recteur de la Trinite de Glisson, docteur en droit, avocat au parlement.
Noblesse — Juign6 (le marquis de), grand bailli, lieutenant general des armees du Roi.
MM.
Tiers-état. — Francheteau de La Glaustière, avocat.
Auvynet, sénéchal de Montaigu.
MARESTING. Yoy. Rivière-Verdun.
MARSEILLE (Sénéchaussée de).
Clergé. — Villeneuve - Bargemont ( l'abbé ), chantre, comte, chanoine de Saint-Victor-lès-Marseille.
Davin, curé et chanoine de la paroisse Saint-Martin.
Noblesse. — Cypières (le marquis de), chevalier de Saint-Louis et ancien maife.
Sinéty (de), chevalier de Saiikt- Louis.
Tiers-état. — Roussier (Michel), négociant, démissionnaire, remplacé par Peloux.
Lejeans l'aîné, négociant.
Delabat, négociant.
Tiers-état. — Francheteau de La Glaustière, avocat.
Auvynet, sénéchal de Montaigu.
MARESTING. Yoy. Rivière-Verdun.
MARSEILLE (Sénéchaussée de).
Clergé. — Villeneuve - Bargemont ( l'abbé ), chantre, comte, chanoine de Saint-Victor-lès-Marseille.
Davin, curé et chanoine de la paroisse Saint-Martin.
Noblesse. — Cypières (le marquis de), chevalier de Saint-Louis et ancien maife.
Sinéty (de), chevalier de Saiikt- Louis.
Tiers-état. — Roussier (Michel), négociant, démissionnaire, remplacé par Peloux.
Lejeans l'aîné, négociant.
Delabat, négociant.
Mirabeau (Honoré-Riquetti, comte de), opte pour la sénéchaussée d'Aix.
d'Aix.
Liquier, négociant, décédé en juin 1789, et remplacé par Castellanèt.
Suppléants. — Peloux, remplace Roussier, jlé missionnaire.
Castellanet, notaire royal, remplace Liquier, décédé.
MEAUX (Bailliage de).
Clergé. - Barbou^ curé d'Isle-lès-Villenoy, démissionnaire, remplacé par M. Ruallem.
Suppléant. — Ruallem (de), abbé de Saint-Farbn, intendant de Mesdames, remplace M. Barbou, démissionnaire.
Noblesse. - D'Aguesseau de Fresnes, démissionnaire, remplacé par M Du Buat.
Tiers-état. — Houdet, maire, lieutenant criminel à Meaux.
Desecoutes, propriétaire, tanneur et marchand de bois à Goulûmmiers, remplacé par M. Ménager.
Suppléant. — Ménager, demeurant à Germignvl'Evèque, remplace M. Desecoutes, démissionnaire.
MELUN (Bailliage de).
Clergé. — Thomas, curé de Mormang.
Suppléant. — Galonné (l'abbé de), frère de llex ministre.
Noblesse. — Fréteau de Saint-Just, conseiller de grand'chambre au parlement de Paris.
Suppléant. — Gouy d'Arcy (le marquis de), gijand bailli,, et député de SaintjDomingue. Tiers-étal.
Noblesse.— Despatys deCourteilles,lieutenant général du Ghâtelet (bailliagfe de Melun).
Clergé. — Thomas, curé de Mormang.
Suppléant. — Galonné (l'abbé de), frère de llex ministre.
Noblesse. — Fréteau de Saint-Just, conseiller de grand'chambre au parlement de Paris.
Suppléant. — Gouy d'Arcy (le marquis de), gijand bailli,, et député de SaintjDomingue.
Tiers-étal.
Teirs-etat.— Despatys deCourteilles,lieutenant général du Ghâtelet (bailliagfe de Melun).
MM.
Tellieiy avocat du Roi au bailliage de Melun.
Maria, conseiller au bailliage de Melun.
Dubois,4procureur du Roi de la maîtrise des eaux et forêts de Fontainebleau.
Mende (Sénéchaussée de).
Suppléants,— Brun, curé de Saint-Chély, démis-
sionnaire , est remplacé par M. l'abbé de Bruges.
Suppléant,— Bruges (de), prévôt de la cathédrale
de Mende, remplace M. Brun, curé de Saint-Chély.
Suppléant.— Apchier (le marquis d'), ancien
premier lieutenant delà gendarmerie, démissionnaire, est remplacé par M. le marquis de Château neuf de Randon.
— Châteauneuf de Randon (le mar-
quis de), remplace M. le marquis d'Apchier.
Tiers-état.— Rivière, lieutenant général delà
sénéchaussée de Mende. Charier, avocat, notaire à Nasbi-nals.
Metz (Bailliage de).
,
Clèrgé. — Thiébault, curé de la Suppléants Sainte-Croix de Metz.
Brousse, curé du village de Vol-crange.
Suppléants— Genot, curé de Cheny. Gorgel, curé et arehiprêtre de
Sarrebourg.
Noblesse. — Custine (le comte de), seigneur de
Roussy.
Wolter de Neurbourg, maréchal de camp.
Noblesse.— Uberhen (le baron commandant du corps du génie à Sarre-louis.
Maillard de La Martinière, lieutenant générai au bailliage de Longwy.
Tiers-état. — Emmery, avocat au parlement de
Metz.(Ville de).
Mathieu de Rodeville, avocat au même parlement.
La Salle, lieutenant général au bailliage de Sarrelouis.
Claude, avocat & Longwy.
Suppléants. — Galland, négociant à Novéant.
Collin, substitut du procureur général au parlement de Metz.
Bertin, admodiateur à Mars-la-Tour.
Durbach, cultivateur à Cattenum.
Metz (Ville de).
Noblesse. — Poncet (le baron de), conseillër au
parlement de Metz (élection déclarée nulle le 10 juillet 1789).
MM.
Tiers-état. — Maujean, premier échevin de Metz
(son élection est déclarée nulle le 11 juillet 1789).
Rœderer (admis le 6 novembre 1789).
Suppléant. — Sechehaye, syndic.
Meulan. Voy. Mantes.
Mirecourt (Bailliage de).
Clergé. — Galland, curé de Charmes.
Godefroy, curé de Nonville.
Noblesse. — Menonville de Villers (de), maréchal de camp, de Saint-Dié.
Toustain de Viray (le comte de), bailli à Darney.
Tiers-état. — Cherrier, lieutenant général au bailliage de Neufchâteau.
Petit-Mangin, procureur du Roi à Saint-Dié.
Fricot, procureur du Roi à Remi-remont.
Chantaire, conseiller au présidiai de Mirecourt.
Suppléants. — Haxo, prévôt à Saint-Dié.
Fevrel, procureur du Roi au bailliage de Brugère.
Goster, avocat du Roi au bailliage d'Epinal.
Vogieu, avocat au bailliage d'Epinal.
Montargis (Bailliage de).
Clergé. — Girard, doven-curé de Lorris en
Gâtinais
capitaine des vaisseaux du Roi, inspecteur général des canon-niers auxiliaires de la marine, chancelier de Mgr le duc d'Orléans.
Suppléant. — Champignelles (le comte de).
Tiers-état. — LeBoisdesGuavs, lieutenant parti -
- culier du bailliage de Montargis.
Gillet de La Jacquemière, bourgeois, procureur-syndic du département de Joigny.
Suppléants. — Basile, maire de Joigny.
Raige, notaire royal à Montargis.
Montbrison (Ville de). Voy. Forez.
Mont-de-Marsan (Sénéchaussée de).
Clergé. — La Porterie, curé de Lincouac.
Noblesse. — Roquefort (marquis de la Salle de).
Tiers-état. — Pérès d'Artassan, conseiller au
parlement de Bordeaux, démissionnaire, est remplacé par Dufau.
Mauriet de Flory, avocat en parlement.
Suppléant. — Dufau, remplace Pérès d'Artassan, démissionnaire.
Montdidier* Voy. Péronne.
Montfort l'Amaury (Bailliage de). MM.
Clergé. — Ghampeaux, curé de Montigny.-
Landrin, curé de Garencières, près Montfort.
Suppléant. — Jean, curé de Montfort.
Noblesse. — Montmorency (lé comte Mathieu
de), grand bailli de Montfort-rAmaury.
Maulette de Montfort (le chevalier de).
Suppléants. — Sesseval (le thàrquis de).
Sancé (le marquis de).
Tiers çtat. ^ Auyry, procureur-syndic du département, avocat à Dreux.
Lai^nier, avocat, lieutenant particulier à Monlfort-l'Amaury.
Laslier, marchand de bois, à Rambouillet.
Hauducœur, ancien laboureur, conseiller ertl'élection de Mon-fort-FÀmaury.
Suppléants. ~ Rouveàu, bourgepis aux Menues.
Côchoti, brocureur à Epernon.
Mabille, Èourgèois à Houdan.
Montpellier (Sénéchaussée de)*
Clergé. — Malide (de), évêque de Montpellier,
abbé de Belvalj diocèse de Reims.
Suppléant. -r- Lacoste, curé de Villevieille.
Noblèste. — Saint-Maurice (le marquis de), de Montpëlliër*
Suppléants. Gadol (le chevalier de), lieutenant
dés maréchaux de France, résidant à Lunel;
Gâihbàcérès (de), conseiller à la Ooui* des aides de Montpellier.
Tiers-état. — Verny, avocat au parlement de Toulouse.
Jac^ avocat, riche cultivateur, résidant à Quissac.
Suppléants. — Gàmbon (Ils, négociant à Mont-
péllieh
Âllilt, fils àîîié, bourgeois de Montpellier *
Montreuil-sur-mer (Bailliage de).
Clergé. — Rolin (l'abbé), curé de Verton.
Noblesse. — Hodicq (le comte d1), mâféchal de
camp.
Tiérs-èiat. — Poiïltiër, lieutenant général du
bailliage dë Montreuil-suMtter.
Riquier, laboureur, propriétaire à Brimeux*
Morlaix et Lannion (Sétièchaussée de).
Tiers-état. — Couppé, sénéchal de Lannion.
Baudouin de Maisonblanche, avocat à Lannion.
Mazurier de Penannech, négociant
à Morlaix. |
Lelai-Grantugen , laboureur .de îâ paroisse dè Ploùvigdëàii, jprès Morlaix.
a
SuppléantSi Hamelin* négociant à Morlaix.
Kerinoux (de), procureur du Roi Lannion.
Mortagne. Voy . Perche.
Mquhns (Sénéchaussée de).
Clergé* — Tridon, curé de Rongères. ,
Àury, curé d'Hérisson.
Laurent, ciïré d'Huillaux.
Noblesse. — Douzon Dubuisson (comte de) ,
seigneur de Montaigut, brigadier des arrûéeë du Roi, commandant de la ville de Moulins. Oé-hiissionnaire, est remplacé par Regnârd, suppléant.
Tracy (Destutt, comte de), chevalier de Saint-Louis, colonel du régiment de Penthièvre-lnfante-rie.
Breqil de Goifiier (le baron de), démissionnaire* est remplacé par Lucas.,
Suppléant. — Chabannes (de), marquis de la
Palice*
Tiers-état. — Micheion, procureur du Roi dè la
châtellenie de Montmaranti
Berthoniier de Lavillette, procureur du Roi à Gérilly.
Lomet, avocat en parlement à Moulins.
Goyard, âvopat président âtl grenier a sel dë moulins. j
Vernin, assesseur civil et criminel de la sénéchaussée et président de Moulin
Lebrun* sieur dë la Motte-Vessé et Bellecouft, bourgeois, propriétaire à Sulliet* châtellenie de Billy.
Suppléants. — Regnard, procureur du Roi à la
châtellenie de Montluçon, remplace le domte de Douzon, démissionnaire.
Lucas, procureur du Roi à Gannat, remplace ie baron de Briîuil de Coiffier, démissionnaire.
Ruette de Lamottè, avocat en par-lement, demeurant à la Palice.
MÛRËt (ville! dé).- Vôy; Comminges.
Nancy (Bailliage de),
Clergé* — Lafare (de), évêque de Nancy,
abbé de Moreilles , diocèse d.e La Rochelle.
Grégoire, curé d'Emberménil.
Suppléant. — Hpuillop* curé de Crépey.
Noblesse. — Ludres (le comte de), maréchal
de camp.
Boufflers (le chevalier de), grand bailli de Nancy, chevalier de
xttn
SuppléttntSi Tiérs-èidt.
Suppléants.
MM.
Malte* fioblé Génois, maréchal de camp,- été;
Raigecourt fie marquis de).
Salm-Salm (princeEmmanuelde).
ftéghiër, Avocat à Nancy.
jPrùgnôn fiisv avocat à Nancy.
Salles, médecin àVézelise.
Reg&àult, avocat du Roi à Luné-ville;
Plàssiârd, conseiller au bailliage de Nancy.
ëlâtnpàin, avocat à Rambervil-iers.
Nantes (Sénéchaussée de).
Clergé., —Moyon, rectedr de Saint-André-
des-Eâux, démissionnaire, remplacé par M. Binot.
Chevalier, recteur de Sainte-Lu-mine de Courtais, démissionnaire , est remplacé par La-tyl.
Maisonneuve, recteur de Saint-EtiennedeMontluc, démissionnaire, est remplacé par Mé-chin.
Suppléants. — Binot, principal du collège d'An-
ceniôj rempladë M. Moyon démissionnaire.
Le Breton de Gobert, recteur dè Sain t-Si mi lien de Nantes.
Méchin, Guré de Bains, remplace Maisonûeuve, démissionnaire.
Le pèrë Ëtienne, gardien des Cor-deliers de Nantes.
Latyl, remplacé Chevalier, démissionnaire.
fiers-état. — Guinebaud de Saint-Mesme, négociant à Nantes.
Giraud-Duplessis, avocat du Roi à Nantes, syndic de la communauté de la Ville.
Baco de La Chapelle, procureur du Roi à Nantès:
Pellerin, avocat à Nantes, démissionnaire, est remplacé par Maupassant/
Chaiilon, avociat à Montoir.
Jarry* agriculteur.
Gôttin, propriétaire ennobli.
Blin, docteur médecin à Nantes.
Suppléants. — VarsaYatiX. de Heulée, notaire à
Nantes.
Pussin, général delà Monnaie de Nantes.
Maupassant ^ remplace Pellerin.
NàVARRË.
Clergé. — Villèvieille (Pavée de), évêque de
Bavonnëé
MM.
Noblessè. — Logeas (le Marquis de), conseiller
au pànetneiit de Navarre.
Tiérs-étau — FranchistegUi, prbpriétairë. Vivier, propriétaire.
Nebouzan. Voy, Commiminges.
Nemours (Bailliage de).
Noblesse*— îhibault, curé de Soupes.
tas L'Huit (l'abbé), curé de la Madeleine.
Clergé. Suppléant é
th Noailles (le Vicomte de), grand bailli d'épéë.
Suppléant. — Rôttvillë (le cottitë de).
Tiers-état. — Dupont, conseiller d'Etat, ci-de-
van t secrétaire des Notables, chevalier de Tordre de Vasa, prôpriétairë btiltlvatéti?.
fierthjër^ avôfeât, bailli de Puy-fceaux, décédé en janvier 1790, ôst tehi placé par Bordier.
Suppléants. — Bordier, lieutenant particulier au
bailliage de Nemours, remplace Berthjpr décédé.
Petit, prévôt à Château-Landon.
Nérag* Voy. Albreu Nîmes et Bêaugaîrb (Sénéchaussée de)*
NÎMES ET BÊAUGAÎRB (Sénéchaussée de)*
Clergé. — Balôiù (Côftôis de), évêque de
Nîpes, . . ,
Béthizy de Mézières (de), évêque
Mm
Benoît, curé de Saint-Esprit,
Bûnùet, ëuré dë Villefort.
Noblesse. — Fournès (le marquis de), grand sénéchal dè Nitiies, Côlôiièl de Royal-Ghàtnpagne cavalerie.
Teseier de Marguerites (W barôli de), maire de Nîmes.
Brueys d'Aigalliers (le baron de), d'Uzès;
Guichard de Lalinière (le comte), maréchal de camp.
Tiers-état. — Ricard, lieutenant principal au
présidial de Nîmes.
Ràbaud de $aïtït-Efienne, homme de lettres, ex-ecclésiastique, avo-ëat eh parléttieht.
Meynierde Salinelles, protestant, bôurgëois* aflcien négociâftf dè
HîfiieS;
Sdilstellé, avocat d'Alais.
Quatrefkgës de la Roquetle, bour-geôis^ aticien hégociant, résiliant âii Vigan.
Ghambon de LatûUr* maire d'UzèB.
Valérian-Duclos, maire et premier ponsul de Saint-Esprft.
Voulland, avocat.
Nivernais e!î Donziois (Bailliage de)»
Clétgè. — Fougère, curé de Saint-Laurent de
NeVeïà,
MM.
Delarenne, prieur de Saint-Martin de Nevers.
Noblesse. — Sérent (le comte de), maréchal de
camp.
Damas d'Anlesy (le comte de) brigadier des armées du Roi ; démissionnaire, est remplacé par le marquis de Bonnay.
Suppléant. Bonnay (le marquis de), sous-aide-
major des gardes du Roi, remplace le comte de Damas d'Anlesy, démissionnaire.
Tiers-état. — Gounot, avocat au Parlement.
Robert, avocat à Saint-Pierre-le-Moustier.
Marandat d'Oliveau, avocat à Ne-vers.
Parent de Chassy, avocat au conseil à Paris.
Suppléants. — Wiau de Lagarde, assesseur au
bailliage de Nevers.
Chambrun, fermier à PEminence^ près Decize-Ville.
Orange (Principauté d').
— Dutillet, évêque d'Orange, démis-
sionnaire, est remplacé, par l'abbé Poulie.
— Poulie, prévôt du chapitre d'O-
range, remplace Dutillet, démissionnaire.
— Causans (le marquis de), colonel
du régiment de Gonty.
— Conseil (de), gentilhomme d'Avi-
gnon.
— Dumas, avocat, bourgeois d'O-
range.
Bouvier, avocat et substitut du procureur général.
— Besson, avocat à Orange. Falque, bourgeois à Jonquières.
Orchies. Voy. Douai.
Orléans (Bailliage d').
Clergé. — Rastignac (de Ghapt de), abbé de
Saint-Mesmin. Moutié, grand chantre et chanoine
d'Orléans. Blandin, curé de Saint-Pierre-le-Pueilier d'Orléans.
- Rouy, curé d'Aulnay-la-Rivière en , Gâtinais.
Clergé.
Suppléant.
Noblesse. Suppléant. Tiers-état.
Suppléants,
Suppléant Noblesse.
Avaray (de Beziade, marquis d'), * grand' bailli, maître de la garde-robe de Monsieur, frère du Roi. Seurrat de La Boulaye, conseiller
au châtelet d Orléans. Barville (de), lieutenant des gardes-françaises, démissionnaire,
MM.
est remplacé par de Gesar-gues.
Suppléants. — Veillennes (le comte de), d'Orléans,
Dufaur de Pibrac, d'Orléans.
Rolland, président de la chambre des requêtes à Paris.
Cesargues (de), remplace de Bar-ville, démissionnaire.
Tiers-état. — Defay , propriétaire, négociant,
membre de l'académie d'Orléans.
Lefort, négociant à Orléans.
Salomon de La Saugerie, avocat à Orléans.
Henri de Longuève, avocat du Roi au châtelet d'Orléans.
Pèlerin de La Buxière, propriétaire, procureur du Roi à Bois-Commun en Gâtinais.
Delahaye Delaunaye, propriétaire, bourgeois, à Momt-Mirail au Perche.
Suppléants. — Lefert de Greffier, négociant à Orléans .
Meule (de), maître particulier des eaux et forêts à Éeaugency.
Joly de la Guinnetierre, négociant à Brou dans le Perche.
Robert de Massy, avocat à Orléans.
Pamiers (Sénéchaussée de).
Clergé,— Font, chanoine-curé de l'église collégiale de Pamiers.
Noblesse. — Usson (le marquis d'), maréchal
de camp, commandant en second de la province.
Tiers-état, — Vadier, conseiller au présidial de
Pamiers.
Bergasse-Laziroule, ancien officier d'artillerie, maire de Saurat en Foix.
Paris-hors-les-murs.
Clergé. — Leguen, curé d'Argenteuil. Décédéj
en juin 1789 et remplacé par Papin, curé de Marly-la-Ville.
Melon de Pradoux, prieur-curé del Saint-Germain-en-Laye.
Beauvais (de), ancien évêque de1 Senez. Décédé et remplacé pat Gandolphe.
Decoulmiers, abbé régulier d'Ab-becourt.
Suppléants.-— Papin, prieur de Marly-la-VilleJ
remplace Leguen, décédé.
Gandolplie, curé de Sèvres, rem-j place de Beauvais, décédé.
Noblessef — Duval d'Epréménil, conseiller au
Parlement.
Castries (le duc de).
Ormesson (le président d').
Crussol (le baiJli de), chevalier deé
ordres du Roi, capitaine des gardes du comte d'Artois.
Suppléants. — Bozon de Talieyrand (le comte). Broglie (le comte de). Rougé (le comte de). Blair (de).
Tiers-état. — Affortv, cultivateur à Villepinte.
Duvraer, cultivateur à Bonneuil-
en-France. Chevalier (Etienne), cultivateur à
Argenteuil. Ducellier , avocat, cultivateur à
Combault. Target, avocat au parlement, de
l'Académie française. Boislandry (de), négociant à Versailles.
Lenoir de La Roche, avocat. Guillaume, avocat aux conseils du Roi.
Suppléants.
Lucy, cultivateur à Epiais. Busche, procureur au parlement. Picault, avocat en parlement. Graville (de), avocat en parlement. Béjot, cultivateur à Massy. Marcillac (Dartis de), avocat au
parlement. Rouvre, propriétaire à Fontenay-
en-Brie. Ramard, propriétaire à Lagny.
Paris (Ville de).
Clergé. — Juigné (Le Clerc de), archevêque
de Paris, duc de Saint-Cloud, pair de France.
Montesquiou (l'abbé de), agent général du clergé de France, abbé de Beaulieu.
Chevreuil (l'abbé), chancelier de l'Université.
Gros, curé de Saint-Nicolas-du-Chardonnet.
Chevreux (Dom), général de la congrégation de Saint-Maur.
Dumouchel, recteur de l'Université de Paris.
Legros, prévôt de Saint-Louis-du-Louvre. Décédé et remplacé par Bérardier.
Bonneval (l'abbé de), chanoine de l'Eglise de Paris.
Veytard, curé de Saint-Gervais, démissionnaire, est remplacé par Gayla de La Garde.
Barmond (Perrotin de), abbé, conseiller-clerc au parlement • de Paris.
Suppléants. — Cayla de La Garde, général de
Saint - Lazare ; remplace Veytard, démissionnaire.
Berardier, grand-maître du collège Louis-le-Grand, remplace Legros, décédé.
Frennelet, proviseur du collège des Bernardins.
' % , . Damas (l'abbé de).
MM.
Benière, curé de Saint-Pierre-de-Chaillot.
Noblesse. — Glermont-Tonnerre (le comte Stanislas de), pair de France. La Rochefoucauld (le duc de), pair
de France. Làlly-Tollendal (le comte de). Démissionnaire, est remplacé par le marquis de Beauharnais. Luzignan (le comte de), lieutenant général des armées du Roi. Rochechouart (le comte de), maréchal de camp. Mort en juillet 1791.
4 Lévis de Mirepoix (le comte de), en place du duc d'Orléans, qui a opté pour Grépy en Valois.
Duport, conseiller au parlement. Dionis du Séjour, conseiller au
parlement de Paris. Le Pelletier de Saint-Fargeau, président au parlement de Paris. Montesquiou-Fezensac (le marquis de), chevalier des ordres du Roi, premier écuyer de Monsieur, etc., en place de Nicolaï, premier président de la chambre des comptes, qui n'a pu accep-• ter.
Suppléants. — Beauharnais (le marquis de), remplace le comte de Lally-Tollen-dal, (démissionnaire. Ségur (le vicomte de). Piennes (le duc de). Huguet de Sémonvîlle, conseiller
au parlement. Archambauld de Périgord (le comte).
Montholon (de), procureur général
de la chambre des comptes. Barbantane (le comte de). Malartic (de). Valence (le vicomte de). Léon (le prince de).
Tiers-état. —
Bailly, des Académies française, des belles-lettres et des sciences.
Camus, avocat au parlement ; de l'Académie des inscriptions et belles-lettres.
Vignon, ancien juge-consul.
Bévière, notaire.
Poignot, négociant. Décédé en janvier 1791 et remplacé par De-lavigne.
Tronchet, avocat au parlement* bâtonnier de l'ordre.
Debourge, négociant.
Marti neau, avocat au parlement.
Germain, négociant.
Treilhard, avocat au parlement.
Guillotin, médecin.
Berthereau, procureur au Ghâtelet.
Démeunier, homme de lettres, censeur royal.
Garnier, conseiller au Châtelet.
Leclerc, libraire, ancien juge-consul.
Hutteau, avocat au parlement.
Dosfand, notaire.
Anson, receveur général des finances.
MM.
Lemoine aîné, orfèvre. Sieyès (l'abbé), chanoine et grand-vièàirë de Chartres. Suppléants. — Vaùvillïérs (de), avocat au parlement.
Delavigné, avocat au parlement,
Remplace Poigriot, décédé. Baildouin, imprimeur. Gar^an de Côulon, avocat au parlement. Farco|, négociant. Courtm, avocat au parlement. Garnier, secrétaire du cabinet de
madame Adélaïde. Brôussë Desfauchërets, avocat. Trochereaù, conseiller au Châtelet. Bosdary, négociant. Thpuin, de l'Académie des sciences.
Agfier, avocat au parlement. Pêrier aîné, de l'Académie des
sciences. Lev&cher, avocat au parlement. Parisot. âvôcàt au parlement. Làcretelle (dé), avocat au parlement.
Duveyrier, avocat au parlement. Duclps-Dûfrës^oy, notaire. Tassin, banquier. Pluvinet, négociant.
Pèrchê (Bâilîiàge du).
Clergé. — Lé Fràngois, êiiré du Mage, près
Lorigni.
Suppléant. —Marie, puré de Saint-Mard de Rénq,
Noblesse. — Puisaye (ïe comte de), capitaine-
exeiflpt des cent Suisses. Suppléant, Blainvillô (de). Tiers-état. Margonile^ négociant à Nogent-le-Rotrou; Décédé en novembre 1790 et remplacé par Bour-deaux.
Bailjeul, avocat et président de l'élection du Perche. Suppléants* rr Thoumin, avocat à Belléme.
Bourdeaux* négociant à ftogent-le-Rôtrou> remplace Margonne.
Périgord (Sénéchaussée du).
Clergé. — Delfaut, arChiprêtre d'Aglan en
Sarladâià; Laporté, tùtè de Saint-Martial d'Hâiitefort, en Périgord.
Noblesse, ~ {jatoque de Moné (le comte de). Fotickùlt de Lârdimalie (le marquis de).
fiérs-étdi. — Fohrûier dp La Charmie, lieutenant général dtj sénéchal de Pé-ïigueiïx.
Gantier de Birâti, lieutenant général de la sénéchaussée «de Ber-geràb.
Loys, avocat et premier consul de Sarlat,
Paulhiac de la Sauvetat, avocat de. là Saùvetat Grasset, près de Viilâùiblard. ' .
Peronne, Roy et MontdidIer (Bailliage de).
MM.
Clergé. — Delaçiape, curé de Lande voisin,!
près Neslè*
Maury (Fàbbé), abbé commanda-taire de l'abbaye de Lions, abbé| de la Frénade, de l'Académie française*
Suppléant. — Angot, doyen de Montigny.
Noblesse. — Lametli (je chevalier Alexandre
de), gentilhomme d'honneur du conite d'Artois.
Mailly (le duc de). Démissionnaire, est remplacé par de Folle-ville.
Suppléant. — Folleville (de). Remplace le duc de
Mailly, démissionnaire.
Tiers-état. — Pincepré de Buire, seigneur de
Buire, grand agriculteur.
Biissy (de), laboureur, dêmissioû-nairë, est remplacé par Liér part.
Prévôt, avocat du îloi au bailliage de Rpyë.
Bouteviile-Dumetë, avocat à Pé-ronnë.
Maretix, JâbpuréUr à Tricot, près Montdidiër. Donne sa démision lé 12 déCembfé 1789.
Suppléants. — Tattegrain, avocat à Péronne.
LiénarJ. .Remplace M. de Bussy,
' démissionnaire.
Perpignan (VigiidHe dé),
Clprgé.
Leyris d'Esponchéz, évêque de Per-pighan
Boissiétfe (dâ la), vicaire général à Perpignan.
Suppléant. — Montfefré (de), chanoine de la
câthédMe.
Noblesse. — Banyuls de Montferré (le chevalier de). Comaserra (de).
Tiers-état. — Graffan, licenéié ès droits.
Terràts* juge de la viguerie du
Roussillon* Roca, bourgeois de Prades. ïixëdor, avocat à Prades.
Suppléant. Mon hier, tâtineur à Isle.
Ploërmél (Sênéfchîatissée de).
Tiers-état. — Tuaut de la Bouverie, sénéchal de Ploërmél.
Boullé, avocat à Pontivy.
Perret de Trégadoret, avocat à Ploërmél.
Robin de Moréry, agriculteur et négociant; démissionnaire, est remplacé par Le Deïst de Bo-tidoux.
Le Deïst deBotidoux, ennobli/ fielléj avocat à Ploërmél.
Suppléants.
Poitou (Sénéchaussée de).
MM.
Clergé. —- Beauppil de Saint-Aulaire* évêque
dë Poitiërs, abbé de Saiiit-Tâu-riiï, diocèse d'Evreux, et de Couldilibs* diocèse de Chartres. Mercy (de)* évêque de Luçon, abbé dé Lieu^Dieu eii Jard, diocèse de Luçorh
Dillon, curé du Vieux-Pouzauges. Surade (de)s chanoine régulier de ' Sâinte*Geneviève, prieur de
Plaisance; t iecesve, curé de Sainte-Triaize à
Poitiers. Jallet, curé de Chérigné. Ballàrd, curé du Pëiré, près les ' Sables-d'Olonne.
Noblesse. Luxembourg (le duc de), pair de
Francë, etc. Démissionnaire, est remplacé pat Irland de Ba-zoges.
Grtissol d'Amboise (le marquis dé), lieutenant général des armées du RoL
Lachâtre (le-vicottite de), chevalier de Saint-Louis. Villemort (le marquis de), au Blanc
eu Berry. fie Loynes de Lacoudraye (le chevalier^
Jxmssard d'Iversay (le comte de). Lambertyé (le coiàte de).
Suppléants. ^ La Roôhë du Maine (le marquis de),
de Poitiers. Irlaùd de Baaoges, lieutenant général remplace le duc de Luxembourg, démissionnaire.
Tiers-état. — Filleau, conseiller de la sénéchaussée de Niort, mort en avril J79Q et remplacé par Félix Faulcon.
Bouron, avocat du Roi à Fontpnay-
le-Comte. Dutrou de Bornier, conseiller à
Montmorilloil. Èiroteau de Biïreïidières, avocat à Sâint-Juiien-des-Landes, près les Sables. Lofficial, lieutenant général au
bailliage dë Votivant. Àgièr, lieuiéiiant général de la
sénéchaussée de Poitou* D'Abbaye, président à Melle. Démissionnaire, est remplacé par Cochon de l'Apparent. Thibaudeati, avocat à Poitiers, procureur syndic de l'administration du Poitou. Biaiile de Germon, procureur des
eaux et forêts de Fontenay* Bnault, sénéchal de la Mothe-
Saint-Hérayei Gallot, médecin à Saint-Maurice. Goupilleau (dit le Dragon), notaire
à Montaigu. Laurence, négociant à Poitiers. Pervinquière, ayocat àAFontenay-le-Gomte*
MM.
Swppléantiï m Faulcon* conseiller à Poitiers,
remplace Filléau, décédé. Godhon de l'Appâtant, conseiller à Fontenay* remplace d'Abbaye, démissionnaire. Maublarjc* de Montmorillon. àndrault, bourgebis à Melle.
Ponthieu (Sénéchaussée de).
Clergé. — DUpuis, curé d'Ailly-le-Haut-Clo-
chesr.
tfobïesse* — Crécy (le comte de), d'Abbeville.
Tiers-étaté b- Duval de Qrandpré, avocat et procureur du Roi de l'Hôtel-de-M ville.
Delàttre, l'aîné, négociant.
Suppléant* h* Déqûeux d'AbôVal, lieutenant particulier au pfésidial d'Abbeville»
Provins (Bâilliagë de).
Clergé,—* La Rochefoucauld (de)j abbé de Prëuilly/
Suppléant. — Poujet, curé de Coutourron. Noblesse* ** Parpy (lé taafquig de), grand bailli
d'épée à Provins. Suppléant. — Clèrmônt d'Amboise (de). , Tiers*état. ^ Rousselet, avppat du Roi à Provins.
Davost, grever au bailliage de Provins^ cultivateur à Vouton. Suppléants. — Regardin, maire de Montereau.
Billf-, meufliër ÔUltiVkteur à Provins.
Puy-en-Yelaî (Sénéchaussée de).
Cierge.— Gallard de Tejraube (de), évêque du Puy.
Suppléant. — Privai, iiqii apcëptant, prieur et
cqré de Crapone.
Noblesse. — La Tour*Maubourg (le marquis de),
fcolonel du régiment soisson-nais.
Suppléant. — Jussac dé Monistrol (de), capitaine
d'artillerie.'
fiers-état. — Bonnet dé.Trëichës, lietitëiiâfit de
la génèdhàussée du Puy-en-, Yëlàf.
Richônd, avocat au Puy.
Quercy (Sénéchaussée du). '
Clergé. ■—• Nicolaï (Louis-Marie de), évêque
de dahors. Ayrollës, turê de Reyrevigne. Lëymarye, fctiré de Saint-Privat.
Noblesse. — Lavalette-rParizot (le marquis de). Biron (le duc de) » Plas de Taae (lp comte de).
Tiers~étaté -î— Faydel, ayocat a pahorg.
Ppncet d'ÈlpeGh, avocat et consul à Montauban,
MM.
Durand, avocat de Léobard, près Gourdon.
Boutaric, président de l'élection de Figeac.
Lachèze (de), lieutenant général de la sénéchaussée de Martel.
Gouges-Car tou, négociant à Mois-sac et à Lauzerte.
Quesnoy (Le).
Clergé. — Renaut, curé de Preux-aux-Bois.
Barbotin, curé de Prouvy.
Noblesse. — Croy (le duc de), chevalier des
ordres du Roi. Démissionnaire, est remplacé par le baron de Nédonchelle.
Aramberg de la Mark (le comte d').
Suppléants. — Nédonchelle (le baron de), grand
bailli. Remplace le duc de Croy, démissionnaire.
Vignacourt (le marquis de).
Tiers-état. — Gossuin, lieutenant général du
bailliage du Quesnoy en flai-naut.
Poncin, avocat à Bouchain.
Suppléants. — Dubois Durabot, négociant à Saint-
Amant.
Druon, fermier cultivateur à Bu-signies.
Quimper (Sénéchaussée de).
Clergé. — Leissègues de Rosaven, recteur de
Plogonnec,
Guino, recteur d'Elliant.
Lœdon de Kéromen, recteur de Gourin.
Tiers-état. — Le Goazre de Kervélégan, sénéchal du Présidial.
Ledéan, commissaire des Etats de Bretagne.
Le Guillou de Kerinkuff, avocat à Quimper, démissionnaire, est remplacé par Tréhot de Cler-mont.
Suppléants. — Tréhot de Clermont, sénéchal de
Ponteroix, remplace Le Guillou de Kerinkuff, démissionnaire.
Morineau, négociant à Concar-neau.
Reims (Bailliage de).
Clergé. — Talleyrand-Périgord, archevêque
duc de Reims, pair de France, abbé de Saint-Quentiri-en-rile, diocèse deNoyon, et de Cercamp, diocèse d'Amiens.
Oumont, curé de Villers-devant-le-Thours.
Suppléant. — La Goille de Lochefontaine, sénéchal du chapitre, et chanoine de la cathédrale de Reims.
MM.
Noblesse. — Ambly (le marquis d'), maréchal
des camps et armées du Roi.
Sillery (Brûlart de Genlis, marquis de).
Suppléants. — Duhaû de Crèvecœur.
Thuisy de Saint-Souplet (de).
Tiers-état. — Vieillard fils, docteur en droit, à
Reims.
Baron, avocat à Reims.
Raux, maître de forges du Hur-tault, près Signy-l'Abbaye.
Labeste, officier chez le Roi, propriétaire à Gumières.
Suppléants. — Collardeau, avocat à Reims.
Heurat, notaire à Charbogne.
Rennes (Sénéchaussée de).
Clergé.
— Guillou, recteur de Martigné -Ferchaud.
Varieau, recteur d'Orgères.
Hunault, recteur doyen de Billé.
Tiers-état. — Glezen, avocat à Rennes.
Lanjuinais, avocat et professeur en droit canon.
Huard, négociant, armateur à Saint-Malo, décédé en octobre 1789, et remplacé par Varin.
Hardy de la Largère, maire de Vitré.
Le Chapelier, avocat à Rennes.
Gérard, laboureur à Mongermont.
Fermond desChapelières, commissaire des Etats de Bretagne.
Suppléants. — Yarin, avocat à Rennes. Remplace
Huard, décédé.
Bodinier, négociant à Saint-Malo.
RHUIS. Voy. Vannes.
Riom (Sénéchaussée de).
Clergé. — Boyer, curé de Néchêres. Démissionnaire, est remplacé par M. Bourdon, curé d'Ëvaux.
La Bastide, curé de Paulhiaguet. Démissionnaire, est remplacé par Dom Gerle.
De Bonnefoy, chanoine de Thiers.
Brignon, curé de Dore-l'Eglise.
Mathias, curé de l'Eglise-Neuve.
Suppléants. — Gerle (Dom), prieur des Chartreux.
Remplace La Bastide, démissionnaire..
Bourdon, curé d'Evaux, de l'ordre de Sainte-Geneviève. Remplace Boyer, démissionnaire.
Noblesse. — Langeac (de), maréchal de camp,
sénéchal d'Auvergne. Démission-• naire, est remplacé par M. de Chabrol fils.
Lafayette (marquis de), maréchal de camp.
Laqueuille (le marquis de), maréchal de camp.
La Rouzière (le comte de), maréchal de camp. Démissionnaire, remplacé par M. de Montlosier.
MM.
Mascon (le comte de).
Suppléants> — Canillac (le marquis de).
Espinchal (le comte d').
Chabrol fils (deV Remplace de Langeac, démissionnaire.
Montlosier (de) remplace de La Rouzière,' démissionnaire.
Tiers-état. — Malouet, intendant de la marine à Toulon.
Dufraisse - Duchey , lieutenant -général de la sénéchaussée d'Auvergne..
Redon, avocat au Parlement, exerçant à Riom.
RiÈerolles de Martinanges, négociant à Thiers.
Girot-Pouzols, avocat, bourgeois du Broc.
Branche, avocat à Pauliaguet.
Andrieu, avocat général, etc., du duché de Montpensier, maire d'Aigueperse.
Vimal-Flouvat, négociant à Am-bert.
Grenier, avocat à Brioude.
Taillhardat de Maison-Neuve, procureur du Roi en la sénéchaussée d'Auvergne.
Suppléants. — Verny, avocat à Riom.
Théalier, bailli d'Oliergues.
Bouvon, notaire à Bromont.
Leclerc, avocat et châtelain à Evaux.
MM.
Le Brun, curé de Lions-la-Forét.
Dom Davoust, prieur de Saint-Ouen, bénédictin.
Grieux (de), prieur de Saint-Himier, ancien militaire.
Noblesse. — Mortemart (le marquis de), colonel
du régiment de Navarre.
Trie (le comte de), ancien lieutenant-colonel de cavalerie.
Lambert de Frondeville, président au parlement de Rouen.
Belbœuf (de), avocat général au parlement de Rouen.
Tiers-état. — Thouret, avocat au parlement.
LeGouteulxde Canteleu, banquier, premier échevin.
Fontenay (de), négociant.
Lefebvre de Ghailly, propriétaire, laboureur à Gamaches.
Lefort, propriétaire à Canteleu.
Moilien, propriétaire à Ménil-sur-Blangis, laboureur à Saint-Julien.
Lereffait, propriétaire, laboureur à Ropgemontiers.
DeCretot, négociant et fabricant à Louviers.
Rôy. Voy. Péronne.
Rivière-Verdun, Gaure, Léonac et Marestaing (Pays et Jugerie de).
Clergé. — Breteuil (Le Tonnelier de), évêque
de Montauban, abbé de Belle-perche, diocèse de Montauban.
Noblesse. — Cazalès (de).
Tiers-état. — Long, procureur du Roi à Beau-
mont-les-Lomagnes.
Pérès de Lagesse, avocat.
Rodez (Sénéchaussée de).
Clergé. — Golbert-Seignelay (de), évêque de
Rodez, abbé de Sorèze, diocèse de Lavaur.
Noblesse. — Panat (le vicomte de), maréchal de
camp et cordon rouge.
Tiers-état. — Pons de Soulages, propriétaire,
lieutenant de robe-courte en la sénéchaussée de Rodez.
Rodât d'Olemps, cultivateur à Olemps.
Roussillon (Province du). Voy. Perpignan.
Rouen (Ville et Bailliage de).
Clergé. — La Rochefoucauld (de), cardinal,
archevêque de Rouen, commandeur des ordres du Roi, abbé de Gluny, diocèse de Màcon, et de Fécamp, diocèse de Rouen.
MM.
Le Brun, curé de Lions-la-Forét. Dom Davoust, prieur de Saint- Ouen, bénédictin.
Grieux (de), prieur de Saint-Himier, ancien militaire.
Noblesse. — Mortemart (le marquis de), colonel du régiment de Navarre. Trie (le comte de), ancien lieutenant- colonel de cavalerie. Lambert de Frondeville, président au parlement de Rouen. Belboeuf (de), avocat général au parlement de Rouen.
Tiers-état. — Thouret, avocat au parlement. LeGouteulxde Canteleu, banquier, premier échevin. Fontenay (de), négociant. Lefebvre de Ghailly, propriétaire, laboureur à Gamaches. Lefort, propriétaire à Canteleu. Moilien, propriétaire à Ménil-sur- Blangis, laboureur à Saint- Julien. Lereffait, propriétaire, laboureur à Ropgemontiers. DeCretot, négociant et fabricant à Louviers.
RÔY. Voy. Péronne.
Saint-Aubin-du-Gormier. Voy. Fougères.
Saint-Brieuc (Sénéchaussée de).
Clergé. —. Ruello, curé de Loudéac.
Hingant, curé d'Andel.
Tiers-état. — Palasne de Ghampeaux, sénéchal
de Saint-Brieuc. Poulain de Gorbion, maire de
Saiqit-Brieuc. Deneuville, sénéchal de Jugon.
Saint-Flour (Bailliage de).
Clergé— Ruffo de Léric, évêque de Saint-Flour.
Bigot de Vernière, curé de Saint-
Flour. Lolier, curé d'Aurillac.
Noblesse«— Caylus (le duc de), grand d'Espagne, grand bailli.
Aurillac (le baron d'). Rochebrune (le baron de).
Tiers-état.. — Bertrand, avocat et procureur du
Roi à Saint-Flour. Daude, avocat du Roi à Saint-Flour.
Devillas, juge de Pierrefort. Lescurier, lieutenant au bailliage
de Salers. Armand, avocat à Aurillac. • Hébrard, avocat à Aurillac.
Saint_Jean_D'agély (Sénéchaussée de).
Clergé— LaMfeau, cijrg de Moragne, près Cûarèiite.
Noblesse; M peapcharap (de)* colonel de cavalerie
Suppléant. rr Çharas (16 marquis de), inspecteur
de là maréchaussée.
Tiers-état^ — Bpnnegçn^ lieutenant général de
la sénéchaiisséë de Saint-Jean-
Regnaudj avocat à Saint-Jean-d'Angély;
Saint-Pol-de-Léon (Diocèse de).
a'Ahgéîyr— $xpiUy, rec^jf de Saint-Martin de Hffiîju^ Verguèt (dpoi), prieur de l'abbaye du ïlelecg.
Saint-Pierre-le-Moutier (Bailliage de).
Clergé. — Damas, chanoine àNevers, démissionnaire, est remplacé par dom Abel de Lespinasse.
Suppléant. — Lespinasse (dom Abel de), prieur
à Saint-Pierre-le-Moutier, remplace Damas, démissionnaire.
Noblesse. — Banne (le comte de), seigneur de
Limanton, non acceptant.
Suppléant. — Allarde (le baron d'). seigneur
dans le Nivernais, remplace le comte de Banne.
Tiers-état. — Vyàu de Baudréuille, lieutenant
général du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier. r Picard de La Pointé, lieutenant de yénerie du Roi, avocat en parlement, Résidant à la Charité.
Suppléants. ^ Sautéreau, avocat à Saint-Pierre-
le-Moutier. Roland, jiige de la Tournelle. .
Saint-Quentin (Bailliage de).
Clergé. Marottes, curé de Saint-Jean de Saint-Quentin.
Noblesse. — Pardieii (le comte Félix de), seigneur de Vadancourt, ancien offïcièr.
Tiers-état. — 0uplàq[ùet (Fàbbé), chapelain conventuel de l'ordre de Malte, censeur rpyaf. Foùqùier d'Hérouel, seigneur et cultivateur à Hêrouel.
Saint-Sever. Voy. Dcix.
Saintes (Sénéchaussée de).
MM, "
Labrousse dé fiéauregard, prieur-curé dé Ghampagnolle. f
Noblesse,. — Latoyr-aji-Pin (lë comte de), lieutenant général des armées du Hoï, commandant de la province. Démissionnaire, est remplacé par lë comte de Bré-mont-d'Ars.
Richier (de), gentilhomme.
Suppléant. — Brémont-d'Ars (le comte de), remplace le comte de La Tour-du-Pin, démissionnaire.
Tiers-état. — Graresché, propriétaire, bourgeois
gèNieul, près M^rennes.
RaQer g$ Montguion, propriétaire, avocaj à Mpi^tguion, près Ma-rennes,
AugierrSauzayî négociant à Charente.
Remercier, lieutenant criminel à Saintes.
Sarrepuemines (Bailliage de). :
Clergé*_ ftachefoucauld-Bayers (de), évè-que 4® pintes, abbé de Vau-luisant, diocèse de Sens.
Clergé.- Colsoo, curé de Nitting. Verdët, curé de Vintrange.
Noblesse.- Helmstatt (le comte d'), anpjen co-lonèl de cavalerie, retiré dans
sa ferre à Morajiges.
Gomeî (le comte de), maréchal de camp, résidant à Dieuze.
Tiers-état. — Anthoine, lieutenant général du
bailliage de Boulay.
Mayer; avocat en parlement, copropriétaire des forges et fourneaux de Griesvald. Démissionnaire, est remplacé par Mprel.
Voidel, avocat en la prévôté de Moranges, receveur du contrôle des aptes.
Schmits, avocat à Château-Salins.
Suppléanï.- Morel, avocat à Sarguemines, remplace Mayer, démissionnaire.
Saumur (Sénéçhaussée de).
Clergé« — Mesnard, pyieur-curé d'Aubigny
eq Anjou,
Noblesse. — Ferrières (le marquis de), de Mi-
rebeau eq. Poitou,
Suppléant. — Chacé (de)> chevalier de Saint-
Louist de Saumur,
m Bizard, ancien maire, avocat à Saumur.
Çigongue, négociant à Saumur.
Suppléant. — Ragonneau, àv&cat ducal à Richelieu.
Schelestadt. Yoy. Colmar.
Sedan (Bailliage de).
Clergé. — Fipury, c^ré d'ige, Glaire èt Vil-
lette.
Nofyessfa -tt Egtagniol (le comte d'), grand bailli
MM.
Suppléant, -rr Moriolle (de), seigneur de Bauclet.
[Tiers-état. — Dourthe, procureur du Roi à Sedan ;
démissionnaire, est remplacé par M. Mangin.
Minet de là Mambre, lieutenant général au bailliage de Mohon.
Supptécmk pt Mangin, rri^jre de Mouzons, remplace E. Qourthe, démissionnaire.
Semur. Voy. Àuxois.
, Senlis (Bailliage de). iJlergéi m Massieii, curé de Sergy, près Pon- toise;
Noblesse, m Lévis (le duc de), grand bailli de Senlis.
Tiers-état. — Leblanc;, inaire de Senlis.
Delacour, "cultivateur à Ableige, élection de Pontoise.
Sens et Villbneuvç-le-Roi (Bailliage de).
Clergé— Gostël, curé de Foissy, près Sens.
Noblesse. — Morfppaarf (le duc de), pair de % Frappe; ^missionnaire,est remplacé par Planelli de Maubec.
Èuppléariti ^ Maubec (le marquis Planelli de),
remplace lë duc de Morte-màrt, démissionnaire.
Tiers-état. — J^ilîant, lieutenant criminel du bailliage de Sens.
Menu de ilbpmorceau, lieutenant général honoraire du bailliage de Villënéuve-le-Roi.
Suppléant. — Deschamps, président de l'élection
de Tonnerre.
Sézanns (Bailliage de).
Clergé*_Hurault, curé de Broyés.
Suppléant. — Yilledeuii (de), curé de Nanteuil.
Noblesse.— Pleure (le marquis de), grand bailli.
$uppléanU — Laberge (de), conseiller au parlement de Paris.
f îçrs-ètat. ~ Moutier, lieutenant général du bailliage de Sézânne.
Pruche, notaire, maire de Ûor-mans.
Suppléants. Cochois, procureur et notaire à
Sézanne.
Dpbesson, avocat à Châtillon-sur-Marne.
slsteron. Voy. Forcalquier.
Sôissons (Bailliage de).
Clergé. — Delettre, curé de Berny-Rivière ;
démissionnaire, est remplacé par Delabat.
Suppléant. — Delabçil, prieur de Saint-Léger,
MM
remplace démission- naire.
Noblesse. — Egmont-Pignatelli (le comte d'), seigneur de Brajne, grand d'Espagne, chpvâliër de la Toison d'or, lieutenaûl général des armées dû Roi.
Suppléant. — Dujay, seigneur du Grand Rosoy, prési^enj de l'Assemblée pror viaciale- Tiers-état. — Brochetpri5 avocat à Soissons.
Fêfté* laboureur ^paroisse d'Acy.
Soûle (Pfiys de).
Çlçrgé. — Qç Paye (J. B, A. de Villoutreix),
évêque (fQ|éron.
Noblesse. — jpuhart; (le marquis).
Tiers-état. — d'Arraing, propriétaire.
Laborde-Escuret, notaire à Mau-léon.
Tiers-étaU — de Turckeim^consul de Strasbourg.
Sctiwendt, syndic de la ôoblëssë de la Basse-Alsace.
Tarbe§ (yiHe de). Yfiy Bigorre. Tartas (Sénéçb^uss0e de).
Ç\çrgé. ^ Lanusse, curé de Saint-Etienne " d'Aribelabourt/
Tiers-état^ — {jarreyre, conseiller au sépécljai
de Tartas. Gastaimèdé* notaire et jugeà La-bbuaëyre.
Toul et Vie (Bailliage de).
Clergé. — Bastiefi, curé de Keuillev ; démis-
sionnaire, est remplacé par Ghatrian^
Suppléant— Chatrian, curé de Saint-Clément,
j remplace Basjlien, démission-naire
Noblesse.— Renel (le comte de), capitaine au régiment du Roi; démissionnaire, est remplacé par le comte d'Alençon.
Suppléant. — Alençon (le comte d7), de Toul,
remplace le comte de Renel, démissionnaire.
Tiçrsnétqt. — M^illQt; Jipp tenant général du
bailliage |e Tpul.
Gérard, poyep des avocats de Vie.
éa^fSé -r Ne^fçhateau (François ancien lieutenant général au bailliage dé Mirecourt. Pagny, procureur du Roi à Vie.
Toulon (Sénéchaussée de).
Clergé. — Rigouard, curé de Solliès-la-
Fallède.
Montjallard, curé de Barjols.
Suppléant. — Dauphin, curé d'Entrecasteaux.
Noblesse. — Vialis (de), maréchal de camp,
directeur général du génie à Toulon.
La Poype-Vertrieux (le marquis de), chef d'escadre; démissionnaire, est remplacé par M. Millet de Mureau.
Suppléant. — Millet de Mureau, officier du génie,
remplace M. de La Poype-Ver-trieux, démissionnaire.
Tiers-état. — Meyfrund, second consul à Toulon.
Jaume, négociant, propriétaire à Hyères. Ci
Féraud, avocat et premier consul à Brignolles.
• Ricard de Séalt, avocat, négociant àSaint-Maximin.
Suppléant. — Granet (Honoré), négociant à Toulon.
Toulouse (Sénéchaussée de).
Clergé. — Fontanges (François de), archevêque de Toulouse, abbé de Saint-Victor de Paris.
Ghabannettes (de), curé de Saint-Michel de Toulouse.
4 ; Gausserand, curé de Rivière en Albigeois.
Pous, curé de Mazamet, diocèse de Castres.
Suppléant. — Laparre, curé de Dieu-Pantal,
diocèse de Montauban.
Noblesse. — Panat (le marquis de).
Maureins (de), président à Mortier au parlement de Toulouse.
Avessens de Saint-Rome (le marquis d').
Escouloubre (le marquis d').
Suppléant. — Palamini (de).
Tiers-état. — Raby de Saint-Médard, bourgeois
de Gastel-Sarrazin.
Devoisins, avocat au parlement de Toulouse, résidant à Lavaur.
Monssinat, avocat au parlement de Toulouse. Démissionnaire, est remplacé par Hébrard.
.iCampmas, médecin résidant à Alby.
Fos de Laborde, maire de Gaillac.
Lartigue (de), lieutenant général de la sénéchaussée de Toulouse.
Roussillon, négociant à Toulouse.
Viguierf avocat au parlement de Toulouse.
Suppléant. — Hébrard, avocat, remplace Monssinat, démissionnaire.
Touraine (Bailliage de). MM.
Clergé. — Conzié (François de), archevêque
de Tours.
Estin (Dom), bénédictin, prieur de Marmonxier-lès-Tours.
Cartier, curé de la Ville-aux-Dames, près Tours.
Guépin, curé de Saint-Pierre-des-Corps de Tours.
Suppléants. — Bouvans (de), chanoine de la cathédrale et grand promoteur ' Tours.
Barrière (de la), prieur-curé dl Montlouis.
Noblesse. — Luynes (le duc de), pair de France.
Harambure (le baron d').
Menou (le baron de).
Lancosne (le marquis de).
Suppléants• — Amboise (d').
Fontenay (de).
Tiers-état. — Moreau, avocat en parlement, exerçant à Tours.
Gauthier, avocat du Roi au prési-dial de Tours.
Valette, négociant à Tours.
Payen-Boisneuf, propriétaire, à Joué, près Tours.
Beaulieu, propriétaire, à Joué, près Tours.
Nioche, avocat à Loches.
Chesnon de Baigneux, lieutenant criminel à Chinon.
Bouchet, procureur du Roi à Chinon.
Suppléants. — Poitevin, ancien procureur à Paris, résidant à Saint-Marc-la-Pile.
Reverdi, président du grenier là sel, à Tours.
Pillaultde La Savardière, avocat du Roi à Loches.
Godefroy, maître de forges à Ghâ-teau-la-Vallière.
Tréguiek (Diocèse de).
Clergé. — Lucas, recteur du Minichy-Ploiji-
lan-Tréguier.
Delaunay, chanoine prémontre, prieur-recteur de Plouagat-Gha-telaudren.
Trévoux (Sénéchaussée de).
Clergé. — Lousmëau-Dupont, curé de Saint-
Didier de Chalaronne.
Noblesse. — Panette (Vincent de).
Tiers-état.t — Jourdan, avocat de Trévoux.
Arriveur, propriétaire, commissaire-enquêteur en la sénéchaussée de Lyon.
Troyes (Sénéchaussée de).
Clergé. — Dubois, curé de Sainte-Madelei^
de Troyes.
MM.
Suppléants.
Noblesse.
Suppléants. Tiers-état.
Viochot, curé de Maligny.
— Méric de la Tournerie (de), curé de Goursan, diocèse de Sens.
Bonfils, curé de Droup-Sainte-Ma-rie, diocèse de Troyes.
— Mesgrigny (Le marquis de), de Troyes.
Grillon (Le marquis de), de Paris.
— Des Réaux (Le marquis). Nogent d'Eclances (Le comte de).
— Gamusat de Bélombre, négociant à
Troyes. Baillot, avocat à Hervy. Jeannet, procureur du roi, à Saint-
Florentin. Jeannet, négociant à Arcis-sur-Aube.
Suppléants. — Belin (Gabriel), procureur fiscal à
Isle-Aumont. Pothier, bailli et maire de Saint-
Florentin. Prémiat, notaire à Ghennegy, élection de Troyes. Parent, avocat du Roi, à Troyes.
TULLE. Voy. Limousin (,Sénéchaussée du Bas-).
Ustaritz. Voy. Labour.
Tiers-état«
Valenciennes (Ville de).
— Nicodême, avocat, négociant et ancien échevin, à Valenciennes. Perdry, avocat, ancien échevin de Valenciennes.
allées-sous-Guyenne (Les quatre).
Noblesse. — Ségur (le comle de), démissionnaire, est remplacé par d'Ab-badie.
Suppléant. — D'Abbadie, capitaine au corps
royal du génie, remplace le comte de Ségur , démissionnaire.
Valromey. Voy. Bugey.
Vannes, Auray et Bhuis (Sénéchaussée de).
Clergé. — Gabriel, recteur de Questembert.
Loaisel, recteur de Redon, est remplacé par Lebreton. Guégan, recteur de Pontivy.
Suppléant. — Lebreton, prieur de Rédon, remplace Loaisel.
Tiers-état. — Dusers, conseiller au présidialde
Vannes.
Lucas de Bourgerel, avocat à Vannes.
Vendôme (Bailliage de).
Clergé.
— Ousseau, curé de Saint-Martin de Sargé, non acceptant.
Bodineau, curé de Saint-Bienheuré de Vendôme, au lieu et place de Ousseàu, non acceptant.
Noblesse. — Sarrazlti (le comte de), chevalier
de Saint-Louis, ancien officier au régiment de Noailles-Gavale-rie.
Tiers-état. — Crénière, marchand de fer à Vendôme.
Pothée, échevin de la ville de Montbire.
Verdun (Bailliage de).
Clergé.
— Coster, chanoine, vicaire-général, vice-official, syndic du diocèse et président de l'assemblée de district à Verdun.
Noblesse. — Pouilly (le baron de)* comte de
Roussy, chevalier de Saint-Louis, maréchal des camps et armées du Roi', démissionnaire, est remplacé par Loison.
Tiers-état. — Deulnau, prévôt de la maréchaussée des Trois-Evêchés, démissionnaire , est remplacé par Gillon.
Dupré de Balay, procureur du Roi au bailliage de Glermontois, démissionnaire, est remplacé par Georges.
Suppléants. — Loisou, remplace le baron de
Pouilly, démissionnaire.
Georges, remplace Dupré de Balay, démissionnaire.
Gillon, avocat, remplace Deulnau, démissionnaire.
Vermandois (Bailliage de).
Clergé.
— Sabran (Louis-Hector-Honoré-Maxi~ me de), évêque duc de Laon, pair de France, grand aumônier de la reine, abbé de Saint-Nico-las-des-Bois, diocèse de Laon.
Gibert, curé de la paroisse Saint-Martin de Noyon.
Ogé, curé de Saint-Pierremont, près Marie.
Noblesse. — Desfossez (le vicomte), démissionnaire , est remplacé par Du-rover.
Macquerel de Quémy, chevalier de saint Louis.
Miremont (le comte de), capitaine de dragons, démissionnaire, est remplacé par de Novyon.
Suppléants. — Novyon (le chevalier de), remplace
le comte de Miremont, démissionnaire.
MM.
Durpyer, remplace le vicomte Desfossez, démissionnaire.
Lamirault de.Noircourt.
Tiers-état. — Le Carlier, maire de la ville de
Laon et secrétaire du Roi.
Leleu de La Ville-aux-Bois, subdé* légué à Laon.
Vismes (de) .avocat à Laon.
Vieffville des Essarts (de), avocat, subdélégué de Guise.
Bailly, laboureur, de Coucy-le-
* Château.
Leclerq, laboureur, à Rechues, près Noyon.
Vesoul (Ville dp). Voy. Amont. Vie. Voy. TouL Villefranche (Ville de). Voy. Beaujolais.
Villefranche de roijerque (Sénéchaussée de).
Çlergé. — Villaret, vicaire général de Rho-
dez, membre de la commission intermédiaire de l'administration provinciale.
Malrieu, prieur-curé de Loubous, près Villefranche.
Noblesse. — Bournazel (le comte de), membre
de la commission intermédiaire provinciale.
Montcalm-Gozon (le marquis de), lieutenant de vaisseau, chevalier de Saint-Louis.
Suppléant. — Vezins (le vicomte de). *
Tiers-état. — Manhiaval, avocat, propriétaire-
cultivateur près Villefranche.
Andurand, avocat à Villefranche.
Perrin de Rozières, avocat près Villefranche.
Lambel, avocat.
Villeneuve-de-Berg (Sénéchaussée de).
Clergé. — Lafont de Savines, évêque de Viviers, démissionnaire, est remplacé par l'abbé de Pampe-lonen.
Chouvet, curé de Chômeras.
Pampelonne (l'abbé de), archidiacre. Remplace Lafont de Savines, démissionnaire.
Noblesse. — Vogué (Le comte de).
Antraigues (le comte d').
Tiers-état. — Espic, avocat, à Aubenas.
Madier de Monjau, avocat, consul et maire de Sain t-Andéol.
Dubois-Maurin, doyen des conseillers de la sénéchaussée de Villeneuve-du-Berg.
De France, avocat à Privas.
Villeneuve-le-Rov. Voy. Sens.
Villers-Cotterets (Bailliage de).
Clergé. — Varelles, curé de Marolles.
Suppléant, Lamy (dom)f prieur de Saint-Lazare de là Ferté-Milon.
Noblesse. — Barbançon (Le comte de), grand
bailli, démissipnnaire, est remplacé par de Mazancourt.
Suppléant, — Mazancourt (Le comte de), cordon
rouge, remplace le comte de Barbançon, démissionnaire.
Tiers-état. — Bourgeois de l'Epine, cultivateur
à Viviers.
Aubry-du-Bochet, commissaire à Terrier mairie de la Ferté-Miloni
Villes jmbéjuaï-es d'Alsace. Voy. Alsace.
Yitry-le-François (Bailliage de).
Clergé. —- Brouillet, curé d'Avisé, près Ghâf
lons-siïrTMarne.
Dumont, curé de Villers-devant-le Thour, près Rhetel.
Noblesse. — Failly (Le comte de), au châteaiji
des Coijardins, près Epernay.
Ballidart (de), procureur du Roi diji présidial de Vitry.
Tiers-état. — Barbié, lieutenant général au bail
liage de Vitry.
Lesure, lieutenant général du bail liage de Sainte-Menehould.
Poulain de Boutancourt, maître do forges de Boutancourt, prèis Mézières.
Dubois de Grancé, écuyer, ancien mousquetaire, seigneur de Baf lhan, près Rhetel.
COLONIES.
Guadeloupe.
MM. Chabert de La Gharrière.
Gurt, ancien commissaire du Roi.
Ile de France et Indes Orientales.
Colin, décédé à bord de l'Amphi-trite.
Monneron, en remplacement de Colin.
Martinique.
Arthur-Dillon. Moreau de Saint-Méry.
Saint-Domingue (Ile de).
Cocherel (Le chevalier de). Gouy d'Arsy (le marquis de). Thébaudières Xde), ancien procé-reur général, etc., démissionnaire; est remplacé. Larchevêque-Thibaut. Périgny (le marquis de). Gérard, propriétaire.
— Villeblanche (le comte de), remplace M. de Thébaudières, démissionnaire.
Suppléant.
la noblesse de la ville de Paris.
du Quesnoy.
Parlement de Navarre .
au Parlement de Dijon.
Berry, prieur bénédictin à Saint-Sulpice de Bourges. I
signy, curé de Couvignon.
rois, curé de Véel.
Berry médecin du comte d'Artois. Audier-Massïllon, député du tiers-état de la sénéchaussée
d'Aix, lieutênant général delà sénéchaussée d'Aix, Augier, député du tiers-état du bailliage d'Angoulême, négociant d'eau-de-vie de Cognac, protestant.
Saintes, négociant à Charente.
Saint-Flour.
Poitou et de Bretagne, sénéchal de Montaigu.
Comte avocat du Roi au bailliage d'Orgelet.
de Nantes, procureur du Roi à Nantes.
et président de l'élection du Perche.
avocat à Hervy.
l'académie française, des belles-lettres et des sciences.
, député du clergé de la sénéchaussée de Poitou, curé
du Poiré, près les Sables-d'Olonne.
le-Français, procureur du Roi du présidial de Vitry.
Nîmes et Beaucaire, évêque de Nîmes.
du tiers-état de la sénéchaussée de la Haute-Marche.
(e comte de), député de la noblesse du bailliage de Saint-Pierre-le-Moustier, seigneur de Limanton, non acceptant.
de la ville de Paris.
Français, lieutenant général au bailliage de Vitry.
Paris, abbé, conseiller clerc au parlement de Paris.
du Dauphiné.
de Bigorre, conseiller de la sénéchaussée de Tarbes.
de Touraine, prieur-curé de Montlouis.
Beaufort, Voy. Malaleste de Beau fort.
d'Orange, avocat.
de Poitou, procureur des eaux et forêts de Fontenay.
Comtéi lieutenant criminel du bailliage de Poligny.
Flour, curé de Saint-Flour .
haix, négociant.
cultivateur à Provins,
substitut du procureur du Roi à Loudun.
avocat à Saumur.
Nancy, avocat à Rambervillers.
d'Artois, avocat.
Saint-Pierre-le-Puellier d'Orléans.
Calais et d'Ardres, avocat.
médecin à Nantes;
doyen curé des Riceys.
de Rennes, négociant à Saint-Malo.
d'Arnay-le-Duc.
avocat à Pontivy.
d'Anjou^ curé de Sainte*Crdix d'Angers.
la sénéchaussée du Maine.
Villers-Cotterets, cultivateur à Viviers.
avocat du Roi à Fontehay-le-Comte.
d'Agen, tiiédeciîi à Lauzuii* Boutancourt (de). Voy. Poulain.
président de l'élection de Figeac,
Bresse, bourgeois.
avocat et substitut du procureur général»
conseiller au Parlement de Rouen.
de Riom, notaire à Bromont.
noblesse de Paris hors les inuts.
avocat à Paulhaguet.
avocat î •
blesse de la sénéchaussée de Saintes rehiplâce le fcorot^ de la Tour-dU-Pin, démissionnaire, Brkssey (de). Voy. Le Mulier. Brèteùîl (de). Voy. Le Tonnelier. Breuil. Voy. Meunier Du Breuil.
curé de Saint-Pierre de Douai.
d'Anjou, avocat du Roi au présidial d'Angers.
sénéchal de la Mothe-Sâint-Herayë
curé de Dore-l'Eglise.
et Valromey, avocat.
d'Artois, premier président -du conseil d'Artois. Biussârtiie (le duré de). Vdy. Jacquemart
avocat à Soissons.
lage de Colmar et Scheléstadt commissâiré du Roi.
Paris-hors-les-murs. Broons (le recteur de). Voy. Ratier.
et Nérac, avocat à Casteljaloux.
çais, curé d'Avisé, près Châlons-sur-Mafnèi
la ville de Paris, avocat.
de la sénéchaussée de DragUighan. Broyés (le curé dë). Vdy. Hurault.
la sénéchaussée de Nîmes et BeaUdàire.
i Brun, député du clergé dé la sénéchaussée dë Mendé cUté de Saint-Ghély, démissionnaire^ ëst rëmplacé par l'abbé de Bruges.
d'Albret et Nérac, jugé Foyal de Puch de Goritâut;
curé de FrétliUn.
maire de Pontorson.
en Franche-Comté * dfflôier du génië. Burendières (de). Voy. Biroteau.
de Châlon-sur-Saônë. Burle (de)* député de la noblesse des sénéchausséës de Digne, Sisteron, Forcalquier, etc.j lieutenant géiiéral de Sisteron,
Comté, curé de Mouthe, dans la montagne.
murs, procureur au parlement.
maréchal de camp.
Bourg-en Bresse, avocat à Châtillon.
de Châlons-sur-Marne.
de la noblesse de la sénéchaussée de Moulins.
Toulouse, curé de Saint-Michel de Toulouse.
la Chaussée-Saint-Victor, près Blois.
Nantes, avocat à Montoir. Chailloué (de). Voy. Le Carpentier. Chailly (de). Voy. Lefebvre.
noblesse de la sénéchaussée de la Rochelle.
vicomte de Couserans.
de la sénéchaussée d'Alençon.
bailliage du Forez, major de vaisseau.
maury, de Montigny. Champeaux (de), Voy. Palasne.
abbé de Molesmes, diocèse de Langres.
conseiller au présidial de Mirecourt.
de Digne, Forculquier, Sisteron, etc., curé de Digne.
Perpignan.
Ànterôchè (Césàr fif;
Touraine, archevêque de fours. Corbion (de). Voy. Poulain.
d'Hennebon, laboureur à Quanquizerrië.
du clergé du Maine, décédé. Cornusse, député du cîërgé dë CommingëS et NèbciUZail, curé de Muret.
Boulogne-sur-Mer, curé de Wimille èii feoulonîiàis.
neuve-le-Roy, curé de Fois'sy, près Sënâ.
Paris, avocat au Parlement.
curé de Salive^.
de Bauvais, grand^bailli d'épéë.
. cultivateur à feusigriiëg.
Saint-Quentin, seigneur d'Hérouël et cultivateur.
XLVI [Assemblée patiopale.ARCHIVES PARLEMENTAIRES.[11789.]
avocat au parlement de Bordeaux.
secrétaire du cabinet de Madame Adélaïde.
ville de Paris, avocat au parlement.
de Çlermont en Auvergne, avocajt.
avocat du Roi au présidial de Tours.
de Nantes, avocat du Roi à Nantes, syndic de la sénéchaussée de la ville.
Hébrard, député suppléant du tiers-état de la sénéchaussée de Toulouse, avocat, remplace Monsinat, démissionnaire.
Hutteau, député du tiers-état de la ville de Paris, avocat au Parlement.
Lafayette (le marquis de), député de la noblesse de la sénéchaussée de Riom, maréchal de camp.
Saint-jeâri^d'Angélyi curé de Moràgne, près Chareiitë. Làndrin, député du bailliage de Montfort-l'Amaury, curé de Garencières, près Montfort.
Lyon s-la-Forèt (le curé de). Voy, Le Brun.
Menonville de Villiers (de), député de la noblesse du bailliage de Mirecourt, maréchal de camp.
Moutiè, député du clergé du bailliage d'Orléans , grand chantre et chanoine d'Orléans.
prieur de Marly-la-Ville, remplace Leguen, décédé. Paray-le-Monial (le*curé de). Voy. Baudinot. Pardieu (le comte Félix de), député de la noblesse du bailliage de Saint-Quentin, seigneur de Vadancourt, ancien officier. Parent, député suppléant du tiers-état de la sénéchaussée
de Troyes, avocat du Roi à Troyes. Parent de Chassy, député du tiers-état du bailliage de Nivernais et Donzois, avocat au conseil à Paris.
Paisot, député du tiers-état du bailliage de Bar-sur-Seine.
avocat, procureur fiscal des Riceys. Parisot, député suppléant du tiers-état de la ville de Paris, avocat au Parlement.
avocat, ancien échevin de Valenciennes.
Pus (de), député de la noblesse de la sénéchaussée de Bazas, grand sénéchal, démissionnaire.
blesse du bailliage d'Amont-en-Franche-Comté j remplace le marquis de Toulongeon, démissionnaire.
sonne, éuré de Carcassonne.
de Forcalquier, Sisteron, Digne, etc. Théalier, député suppléant du tiers-état de la sénéchaussée de Riom, bailli d'Olliergues.
Conformément à la proclamation du Roi, les dé -pûtes(2) se sont rendus en costume à la salle des Etats (3), vers neuf heures du matin. Néanmoins, ils ne sont entrés qu'à mesure qu'ils étaient appelés par les hérauts d'armes, et un maître des cérémonies indiquait à chacun la place qu'il devait occuper suivant l'ordre auquel il appartenait et le rang de son bailliage, d'après le règlement de 1614.
Tous les députés n'ont été placés que vers les midi moins uu quart. On leur avait préparé des banquettes disposées dans une forme semi-ellip-lique, dont l'estrade sur laquelle s'élevait le trône faisait le diamètre.
Les députés du clergé occupèrent la droite des banquettes situées le plus près du trône, ceux de la noblesse, la gauche; ceux des communes étaient placés à la suite de ces deux premiers ordres.
Vers les une heure, les hérauts d'armes annoncèrent l'arrivée du Roi. Aussitôt, tous les députés se lèvent, et des cris de joie retentissent de toutes parts.
Bientôt le Roi paraît; les applaudissements les plus vifs se font entendre, accompagnés des cris de vive le Roi! Sa Majesté monte sur son t^ône. On remarque que ses regards se promènent avec un air de satisfaction sur la réunion imposante des députés du royaume. La reine se place à côté de lui, hors du dais, sur un fauteuil inférieur au trône. La famille royale entoure le Roi ; les princes, les ministres, les pairs du royaume sont placés un peu plus bas, et le surplus du cortège du monarque couvre les degrés de l'estrade.
, grand maître des cérémonies y annonce du geste que le Roi va par- er, p. 593 et suiv. er. Le silence le plus
profond succède aux acclamations qiii se faisaient entendre.
s'exprime en ces termes : « Messieurs, ce jour que mon cœur attendait depuis longtemps est enfin arrivé, et je me vois entouré des représentants de la nation à laquelle je me fais gloire de commander.
« Un long intervalle s'était écoulé depuis les dernières tenue! des Etats généraux, et quoique la convocation de ces Assemblées parût être tombée en désuétude, je n'ai pas balancé à rétablir un usage dont le royaume peut tirer une nouvelle force, et qui peut ouvrir à la nation une nouvelle source de bonheur.
« La dette de l'Etat, déjà immense à mon avènement au trône, s'est encore accrue sous mon règne; une guerre dispendieuse mais honorable en a été la cause; l'augmentation des impôts en a été la suite nécessaire, et a rendu plus sensible leur inégale répartition.
« Une inquiétude générale, un désir exagéré d'innovations se sont emparés des esprits et finiraient par égarer totalement les opinions, si on ne se hâtait de les fixer par une réunion d'avis sages et modérés.
« C'est dans cette confiance, Messieurs, que je vous ai rassemblés, et je vois avec sensibilité qu'elle a déjà été justifiée par les dispositions que les deux premiers ordres ont montrées à renoncer à leurs privilégespécuniaires. L'espérance que j'ai conçue de voir tous les ordres, réunis de sentiments, concourir avec moi au bien général de l'Etat, ne sera point trompée.
« J'ai déjà ordonné dans les dépenses des retranchements considérables. Vous me présenterez encore à cet égard des idées que je recevrai avec empressement; mais malgré la ressource que peut offrir l'économie la plus sévère, je crains, Messieurs, de ne pouvoir soulager mes sujets aussi promplement que je le désirerais. Je ferai mettre sous vos yeux la situation exacte des finances, et quand vous l'aurez examinée, je suis assuré d'avance que vous me proposerez les moyens les plus efficaces pour v établir un ordre permanent, et affermir le crédit public. Ce grand et salutaire ouvrage, qui assurera le bonheur du royaume au dedans et sa considération au dehors, vous occupera essentiellement.
« Les esprits sont dans l'agitation; mais une Assemblée des représentants de la nation n'écoutera sans doute quç. les conseils de la sagesse et de la prudence. Vous aurez jugé vous-mêmes, Messieurs, qu'on s'en est écarté dans plusieurs occasions récentes ; mais l'esprit dominant de vos
délibérations répondra aux sentiments d'une nation généreuse, et dont l'amour pour ses rois a toujours fait le caractère distinctif; j'éloignerai tout autre souvenir.
« Je connais l'autorité et la puissance d'un roi juste au milieu d'un peuple fidèle et attaché de tout temps aux principes de la monarchie : ils ont fait la gloire et l'éclat de la France ; je dois en être le soutien et je le serai constamment.
« Mais tout ce qu'on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public, tout ce qu'on peut demander à un souverain, le premier ami de ses peuples, vous pouvez, vous devez l'espérer de mes sentiments.
« Puisse, Messieurs, un heureux accord régner dans cette Assemblée, et cette époque devenir à jamais mémorable pour le bonheur et la prospérité du royaume ! c'est le souhait de mon cœur, c'est le plus ardent de mes vœux, c'est enfin le prix que j'attends de la droiture de mes intentions et de mon amour pour mes peuples.
« typn garde des sceaux va vous expliquer plus amplement rnes intentions, et j'ai ordonné au directeur général des finances de vous en exposer fétat. »
De nombreux applaudissements suivent la prononciation du discours du Roi, et se prolongent plusieurs iustants.
, garde des sceaux, porte ensuite la parole :
Messieurs, il est enfin arrivé ce beau jotir si longtemps attendu, qui met un terme heureux à l'impatience du Roi et de toute la France ! Ce jour tant désiré va resserrer encore les nœuds de l'u-nion entre le monarque et ses sujets c'est dans ce jour solennel que Sa Majesté veut établir la félicité générale sur cette base sacrée; la liberté publique.
L'ambition ou plutôt le tourment des rois oppresseurs est de régner sans entraves, de franchir les bornes de toute puissance légitime, de sacrifier les douceurs du gouvernement paternel aux fausses jouissances d'une domination illimitée, d'ériger en loi les caprices effrénés du pouvoir arbitraire : tels ont été ces despotes dont la tyrannie fournira toujours à l'histoire des contrastes, frappants avec la bonté de Louis XII, la clémence de Henri IV,, et la bienfaisance de Louis XVI.
Vous le savez, Messieurs, le premier besoin de Sa Majesté est de répandre des bienfaits; mais pour être une vertu royale, cette passion de faire des heureux doit prendre un caractère public et embrasser l'universalité de ses sujets. Des grâces versées sur un petit nombre de courtisans et de favoris, quoique méritées, ne satisferaient pas la grande âûae du Roi.
Depuis l'époque heureuse où le ciel vous l'-a donné pour maître, que n'a-t-il point entrepris, que n'a-t-il point exécuté pour la gloire et la prospérité de cet empire dont le bonheur reposera. toujours sur la vertu de ses souverains! C'est la ressource des. nations dans les temps les plus difficiles, et cette ressource ne peut manquer à la France sous le monarque citoyen qui la gouverne.
N'eu doutez pas, Messieurs, il consommera le grand ouvrage de la félicité publique. Depuis longtemps ce projet était formé dans son cœur paternel ; il en poursuivra l'exécution avec cette constance qui, trop souvent, n'est réservée qu'aux princes insatiables de pouvoir et de la vaine gloire des conquêtes.
Qu'on se retrace tout ce qu'a fait leRoi depuis son avènement au trône, et l'on trouvera dans cet espace assez court une longue suite d'actions mémorables : la liberté des mers et celle de l'Amérique assurées par le triomphe des armes que l'humanité réclamait ; la question préparatoire proscrite et abolie; parce que les forces physiques d'un accusé ne peuvent être une mesure infaillible de l'innocence ou du crime; les restes d'un ancien esclavage détruits, toutes les traces de la servitude effacées et l'homme rendu à ce * droit sacré de la nature que la loi n'avait pu lui ravir, de succéder à son père et de jouir en paix du fruit de son travail ; le commerce et les manufactures protégés, la marine régénérée, le port de Cherbourg créé, celui de Dunkerque rétabli, et la France ainsi délivrée de cette dépendance où des guerres malheureuses l'avaient réduite.
Vos cœurs se sont attendris, Messieurs, au récit de la sage économie de Sa Majesté, et des sacrifices généreux dont elle a donné tant d'exemples récents, en supprimant, pour soulager son peuple, des dépenses que ses ancêtres avaient toujours cru nécessaires à l'éclat et à la dignité du premier trône de l'univers.
Quelle jouissance vos âmes doivent éprouver en la présence d'un roi juste et vertueux! Nos aïeux ont regretté sans doute de n'avoir pu contempler Henri IV au milieu de la nation assena blée. Les sujets>de Louis XII avaient été plus heureux, et ce fut dans cette réunion solennelle qu'il reçut le titre de Père du peuple. C'est le plus cher, c'est le premier des titres pour les bons rois, s'il n'en restait un à décerner au fondateur de la liberté publique.
Si les Etats généraux ne furent point assemblés sons Henri IV, ne l'attribuez qu'aux justes craintes que les discordes civiles devaient inspirer à un prince qui plaçait avant tout la paix et le bonheur de ses peuples. 11 voulut suppléer à cette convocation générale par uoe assemblée de notables; il y demanda des subsides extraordinaires, et sembla lui transmettre ainsi les droits des véritables représentants de la nation.
Dans une position moins difficile, le Roi n'appela autour de lui l'élite des citoyens, ou du moins une portion de cette élite, que pour préparer avec eux le bienfait qu'il destinait à la France.
Une première assemblée de notables n'avait eu d'autre motif que de soumettre à leurs lumières un plan vaste de finance et d'économie, et de les consulter sur l'établissement patriotique des administrations provinciales, établissement qui signalera ce règne, puisqu'il a pour objet que l'impôt soit désormais mieux réparti, les charges plus également supportées, l'arbitraire banni, les besoins des villes et des provinces mieux connus.
Cependant le long espace écoulé depuis les derniers Etats généraux, les troubles auxquels ils furent livrés, les discussions si souvent frivoles qui les prolongèrent, éveillèrent la sagesse royale, et l'avertissaient de se prémunir contre de tels inconvénients.
En songeant à vous réunir, Messieurs, elle a dû se tracer un plan combiné qui ne pouvait admettre -cette précipitation tumultueuse dont l'impatience irréfléchie ne prévoit pas tout le dan-j ger. Elle a dû faire entrer dans ce plan les mesures anticipées qui préparent le calme des déd-[ sions, et ces formes antiques qui les rendent légales.
Le vœu national ne se manifestait point encore ; ' Sa Majesté l'avait prévenu dans sa sagesse. A
peine ce vœu a-t-il éclaté, qu'elle s'empresse de le remplir, et les lenteurs que la prudence lui suggère ne sont plus que des précautions de sa bienfaisance toujours active, mais toujours prévoyante sur les véritables intérêts de ses peuples.
Le Roi a désiré connaître séparément leurs besoins et leurs droits. Les municipalités, les bailliages, les hommes instruits dans tous les états, ont été invités à concourir par leurs ïumières au grand ouvrage de la restauration projetée. Les archives des villes et celles des tribunaux, toiïs les monuments de l'histoire étudiés, approfondis et mieux développés, leur ont ouvert des trésors d'instruction ; de grandes questions se sont élevées ; des intérêts opposés, toujours mal entendus quand ils se combattent en dé pareilles circonstances, ont été discutés, débattus, mis dans un jour plus ou moins favorable ; mais enfin un cri presque général s'est fait entendre pour solliciter une double représentation en faveur du plus nombreux des trois ordres, de celui sur lequel pèse principalement le fardeau de l'impôt
En déférant à cette demande, Sa Majesté, Messieurs, n'a point changé la forme des anciennes délibérations: et quoique celle par têtes, en ne produisant qu'un seul résultat,paraisse avoir l'avantage de faire mieux connaître le désir général, le Roi a voulu que cette nouvelle forme ne puisse s'opérer que du consentement libre des Etats généraux* et avec l'approbation de sa Majesté.
Mais quelle que doive être la manière de prononcer sur cette question, quelles que soient les distinctions à faire entre les différents objets qui deviendront la matière des délibérations, on ne doit pas douter que l'accord le plus parfait ne réunisse les trois ordres relativement à l'impôt.
Puisque l'impôt est une dette commune des citoyens, une espèce de dédommagement et le prix des avantages que la société leur procure, il est juste que la noblesse et le clergé en partagent le fardeau.
Pénétrés de cette vérité, on les a vus presque dans tous les bailliages donner avec empressement un témoignage honorable de désintéressement et de patriotisme, et il leur tarde de se voir réunis par ordre, afin que ces délibérations qui jusqu'ici n'ont pu être que partielles acquièrent ce degré de généralité qui, en les consolidant, ! fixera leur stabilité.
Si des privilèges constants et respectés semblèrent autrefois soustraire les deux premiers ordres de l'Etat à la loi générale, leurs exemptions, du moins pendant longtemps, ont été plus apparentes que réelles.
Dans des siècles où les églises n'étaient point dotées,oùon ne connaissait encoreniles hôpitaux ni ces autres asiles nombreux élevés par la piété et la charité des fidèles, où les ministres des autels, simples distributeurs des aumônes, étaient solidairement chargés de la subsistance des veuves, des orphelins, des indigents, les contributions du clergé furent acquittées par ses soins religieux, et il y aurait eu une sorte d'injustice à eu exiger des redevances pécuniaires.
Tant que le service de l'arrière-ban a duré, tant que les possesseurs de fiefs ont été contraints de se transporter à grands frais d'une extrémité du royaume à l'autre, avec leurs armes, leurs hommes, leurs chevaux, leurs équipages de guerre; de supporter des pertes souvent ruineuses, et, quand le sort des combats avait mis leur liberté à la merci d'un vainqueur avare, de payer une rançon toujours mesurée sur son insatiable avidité; n'était-ce donc pas une manière de partager
l'impôt, ou plutôt n'était-ce pas Un impôt réel que ce service militaire que l'on a même vu plusieurs fois concourir avec des contributions volontaires?
Aujourd'hui que l'Eglise a des ridhesses considérables,, que la noblesse obtient des fécompert-ses honorifiques et pécuniaires, les possessiorûs de ces deux ordres doivent subir la loi commune. Nous aimons à le répéter, leur acquiescement ff cette loi eut dans sa première forme toute la Vivacité de l'émulation, et prit tous les caractères de là loyauté, de la justice et du patriotisme.
L'impôt, Messieurs, n'occupera passent vos délibérations; mais pour ne point anticiper sut* les objets de discussion qui partageront les moments consacrés à vos Assemblées, il me Suffira de vous dire que vous n'imàginefez pas tin projet utile, que vous n'aurez pas une idée tendant au bonheur général que Sa Majesté n'aif déjà conçue,' ou dont elle ne désire fermementl'efxécution.
Depuis que les Etats généraux sont déterminés, le Roi n'a jamais pensé sans attendrissement à cette réunion d'un bon père et de ses enfants chéris, qui deviendra le gage de la félicité commune.
Au nombre des objets qui doivent principalement fixer votre attention et qui déjà avaient mérité celle de Sa Majesté, sont les mesures h prendre pour la liberté ae la presse ; les précautions a adopter pour maintenir la sûreté publique, et conserver l'honneur des familles; les changements utiles que peut exiger la législation criminelle pour mieux proportionner les peintes aux délits, et trouver dans la honte du coupable un frein plus sûr, plus décisif que le châtiment.
Des magistrats dignes de la confiance dû monarque et de la nation étudient les moyens d'obérer cette grande réforme; l'importance dë l'objet est l'umqtte mesure de leur iële et de leur activités
Leurs travaux doivent embrasser atissi la procédure civile qu'il faut simplifier. En effet, il importe à la société entière de rendre l'administration de la justice plûs facile, d'en corriger les abus, d'en restreindre les frais, de tarir surtout la source de ces discussions interminables qui trop souvent ruinent les familles, éternisent les procès, et font dépendre le sort des plaideurs dû plus ou du moins d'astuce, d'éloquente et de subtilité des défenseurs ou de leurs adversaires. Il n'importe pas moins au public de mettre les justiciables à portée d'obtenir un prompt jugement; mais tous les efforts du génie et toutes les lumières de la science ne feraient qu'ébaucher cette heureuse révolution, si l'on ne surveillait * avec le plus grand soin l'éducation delajeunessé.v* Une attention exacte sur les études, l'exécution des règlements anciens,et les modificationstiéces-i saires dont ils sont susceptibles, peuvent seuls former des hommes vertueux, des hommes précieux à l'Etat, des hommes faits pour rappeler les mœurs à leur ancienne pureté, des citoyens, en un mot, capables d'inspirer la confiance dans tputes les places que la Providence leur destine.
Sa Majesté recevra avec intérêt, elle examinera avec l'attention la plus sérieuse, tout ce qui 'pourra concerner la tranquillité intérieure du royaume, la gloire du monarque et le bonheur de ses sujets.
' Jamais la bonté du Roi ne s'est démentie dans ces moments d'exaltation où une effervescence qu'il pouvait réprimer a produit dans quelques provinces des prétentions ou des réclamations exagérées. 11 a tout écouté avec bienveillance ;
les demandes justes ont élé accordées; il ne s'est point arrêté aux murmures indiscrets, il a daigné les couvrir de son indulgence ; il a pardonné jusqu'à l'expression de ces maximes fausses et outrées à la faveur desquelles on voudrait substituer des chimères pernicieuses aux principes inaltérables de la monarchie.
Vous rejetterez, Messieurs, avec indignation, ces innovations dangereuses que les ennemis du bien public voudraient confondre avec ces changements heureux et nécessaires qui doivent amener cette régénération, Je premier vœu de Sa Majesté.
L'histoire ne nous a que trop bien instruits des malheurs qui ont affligé notre royaume dans les temps d'insubordination et de soulèvement contre l'autorité légitime. Elle n'est pas moins fidèle à vous transmettre dans ses fastes les prospérités de vos pères sous un gouvernement paisible et respecté. Si la France est une des plus anciennes monarchies de l'univers, la seule, après quatorze siècles, dont la constitution n'ait pas éprouvé les revers qui ont déchiré et changé la face de tous les empires formés, comme elle, des débris de l'empire romain, c'est dans l'union et l'amour mutuel du monarque et des sujets qu'il faut chercher la principale cause de tant de vie, de force et de grandeur.
La troisième race de nos rois a surtout des droits à la reconnaissance de tout bon Français. Ce fut elle qui affermit l'ordre de la succession à la couronne; elle abolit toute distinction humiliante entre ces représentants si fiers et si barbares des premiers conquérants des Gaules, et l'humble postérité des vaincus qu'on tint si longtemps et si honteusement asservis. Par elle, la hiérarchie des tribunaux fut créée, ordre salutaire qui rend partout le souverain présent ; tous les habitants des cités furent appelés à leur administration ; la liberté de tous les citoyens fut consacrée, et le peuple reprit les droits'imprescriptibles de la nature.
Mais si les intérêts de la nation se confondent essentiellement avec ceux du monarque, n'en serait-il pas de même des intérêts de chaque classe de citoyens en particulier? et pourquoi voudrait-on établir entre les différents membres d'une société politique, au lieu d'un rang qui les distingue, des barrières qui les séparent?
Les vices et l'inutilité méritent seuls le mépris des hommes, et toutes les professions utiles sont honorables, soit qu'on remplisse les fonctions sacrées du ministère des autels , soit quon se voue à la défense de la patrie dans la carrière périlleuse des combats et de la gloire, soit que, vengeurs des crimes et protecteurs de l'innocence, on pèse la destinée des bons et des méchants dans les balances redoutables de la justice; soit que par des écrits, fruit du talent qu^nflamme l'amour véritable de la patrie, on hâte les progrès des connaissances, qu'on procure à son siècle et qu'on transmette à la postérité plus de lumières, de sagesse et de bonheur; soit qu'on soumette à son crédit et aux spéculations d'un génie actif, prévoyant et calculateur, les richesses et l'industrie des divers peuples de la terre; soit qu'en exerçant cette profession mise enfin à sa place dans l'opinion des vrais sages, on féconde les champs par la culture, ce premier des arts auquel tient l'existence de l'espèce hu-, m aine; tous les citoyens du royaume, quelle que soit leur condition,*ne sont-ils pas les membres de la même famille ?
Si l'amour de l'ordre et la nécessité assignèrent des rangs qu'il est indispensable dè maintenir -
dans une monarchie, l'estime et la reconnaissance n'admettent pas ces distinctions, et ne séparent point des professions que la naîture réunit par les besoins mutuels des hommes.
Loin de briser les liens qu'a mis entre nous la société, il faudrait, s'il était possible, nous en donner de nouveaux, ou du moins resserrer plus étroitement ceux qui devraient nous unir.
Un grand générai disait, en parlant des Gaulois, qu'ils seraient le premier peuple de l'univers, si la concorde régnait parmi eux. Ces paroles de César peuvent s'appliquer au moment actuel : que les querelles s'apaisent, que les inimitiés s'éteignent, que les haines s'anéantissent, que Je désir du bonheur commun les remplace, et nous serons encore le premier peuple du monde.
Ne perdez jamais de vue, Messieurs, que la discorde renverse les empires, et que la concorde les soutient. La rivalité entre les citoyens fut la source de tous les maux qui ont affligé Jes nations les plus célèbres. Les guerres intestines des Romains furent le germe de l'ambition de leurs oppresseurs, et commencèrent la décadence de la patrie, dont la ruine fut bientôt consommée. Sans les troubles qui la déchirèrent, la Grèce aurait vu se perpétuer longtemps sa puissance et sa gloire. La France a couru des dangers; si elle fut quelquefois malheureuse, faible et languissante, c'est quand elle devint le fover ou le théâtre de ces tristes rivalités. Couvertes du voile toujours imposant de la religion, elles jetèrent ces longues semences de haines dont le règne entier de Henri IV put à peine étouffer les restes, mais sans en réparer tous les désastres. La concorde rassemble tous les biens autour d'elle; tous les maux sont à la suite de la discorde. Ne sacrifions pas, Messieurs, à des prestiges funestes les avantages que nous avons reçus de la nature. Eh! quel peuple en obtint plus de Bienfaits ! Deux mers baignent une partie de nos provinces, et en nous assurant ainsi la situation la plus heureuse pour le commerce, semblent nous avoir destinés à commander sur l'Océan et sur la Méditerranée.
Toutes les productions de la terre croissent ou peuvent croître au sein de la France, et la culture plus perfectionnée nous apprend encore à féconder par de nouveaux moyens ses terrains les moins fertiles.
L'activité, les prodiges des arts et du talent, des chefs-d'œuvre de tous les genres ; la perfection des sciences et des lettres, la gloire de tant d'hommes célèbres dans l'église, dans la magistrature et dans les armées, tout se réunit pour lui garantir une prospérité immuable et la première place dans les annales du monde.
Encore une fois, Messieurs, ne perdons pas en ce moment, par de cruelles dissensions, les fruits précieux que tant de siècles nous ont acquis, et dont nous sommes redevables aux efforts et à l'amour paterneldenos souverains. Ah! s'il pouvait rester des traces de division dans vos cœurs, s'il y germait encore des semences mal étouffées de cette rivalité malheureuse dont les différents ordres de l'Etat furent tourmentés, que tout s'anéantisse et s'efface en présence de votre Roi, dans ce lieu auguste qu'on peut appeler le temple de la patrie.
Représentants de la nation, jurez tous aux pieds du trône, entre les mains de votre souverain, que l'amour du bien public échauffera seul vos âmes patriotiques ; abjurez solennellement; déposez ces haines si vives qui depuis plusieurs mois ont alarmé la France et menacé la tranquillité publique. Que l'ambition de subjuguer les opinions
et les sentiments par les élans d'une éloquence impérieuse ne vous entraîne pas au delà des bornes que doit poser, l'amour sacré du Roi et de la nation.
Hommes de tous les âges, citoyens de tous les ordres, unissez vos esprits et vos cœurs, et qu'un engagement solennel vous lie de tous les nœuds de la fraternité.
Enfants de la patrie que vous représentez, écartez loin de vous toute affection, toute maxime étrangères aux intérêts de cette mère commune ; que la paix, l'union et Pamour du bien public président à toutes vos délibérations; mais si quelque nuage venait altérer le calme de vos séances, s'il était possible que la discorde y soufflât ses poisons, c'est à vous, ministres des autels, qu'il appartient de conjurer l'orage : vos fonctions saintes, vos titres sacrés, vos vertus et vos lumières impriment dans les cœurs ce respect religieux d'où naît l'ascendant qui maîtrise et dirige les passions humaines.En! comment refuser aux interprètes d'une religion pure et sublime cette vénération, ces hommages, cet empire moral que des hommes enveloppés de ténèbres et livrés à d'extravagantes superstitions ont toujours accordés aux ministres de leurs fausses divinités ! C'est donc sur vous que la nation se repose en particulier du soin de ramener la paix dans cette Assemblée, s'il était possible qu'elle s'en bannît un instant. Mais pourquoi m'occuper du retour de la concorde, quand vous en donnerez des exemples que les deux ordres s'empresseront d'imiter? En effet, quelle sorte de dévouement et quel concours patriotique ne doit-on pas attendre de ces braves et généreux successeurs de nos anciens chevaliers, qui, prodigues envers la France de leur fortune, de leur sang et de leur vie, n'hésitèrent jamais sur un sacrifice que l'utilité 'publique avait prescrit ou consacré? Vous suivrez aussi ces grands exemples de désintéressement, desoumîssion et d'attachement à la patrie, hommes sages et laborieux dont les travaux nourrissent, vivifient, instruisent, consolent, enrichissent la société. Tous les titres vont se confondre dans le titre de citoyen, et on ne connaîtra plus désormais qu'un sentiment, qu'un désir, celui de fonder sur des bases certaines et immuables le bonheur commun d'une nation fidèle à son monarque, si digne de vos respects et de votre amour.
L'intention du Roi est que vous vous assembliez dès demain, à l'effet de procéder à la vérification de vos pouvoirs, et de la terminer le plus promptement qu'il vous sera possible, afin de vous occuper des objets importants que Sa Majesté vous a indiqués.
La faiblesse de l'organe de M. de Barentin avait empêché d'entendre une partie de ce discours.
Après quelques moments de silence, M. Necker, directeur général des finances, prend la parole pour faire connaître aux députés du royaume l'état de leur situation.
(Après avoir lu quelques pages de son discours, il le remet à M. Broussonet, secrétaire perpétuel de la société d'agriculture, qui en continue la lecture.)
, directeur général des finances.Messieurs, lorsqu'on est appelé à se présenter et à se faire entendre au milieu d'une Assemblée si auguste et si imposante, une timide émotion, une juste défiance de ses forces sont les premiers sentiments qu'on éprouve, et l'on ne peut être rassuré qu'en se livrant à l'espoir d'obtenir un peu
d'indulgence et de mériter au moins l'intérêt que l'on ne saurait refuser à des intentions sans reproche; peut-être encore a-t-on besoin d'être soutenu par la grandeur de la circonstance et par l'ascendant d'un sujet qui, en attirant toutes nos pensées, en s'emparant de nous en entier, ne nous laisse pas le temps1 de nous replier sur nous-mêmes, et ne nous permet pas d'examiner s'il y a quelque proportion entre notre tâche et nos facultés.
Quel jour, Messieurs, que celui-ci ! quelle époque à jamais mémorable pour la France ! les voilà donc, après un si long terme, les voilà rappelés autour du trône, ces députés d'une nation célèbre à tant de titres, d'une nation qui a rempli l'univers de sa renommée, et qui peut en appeler au témoignage incorruptible de l'histoire, soit pour attester ses hauts faits et sa valeur guerrière, soit pour se retracer à elle-même le tableau de ses progrès et de ses triomphes dans tous les genres de gloire et de rivalité 1 Elle a parcouru les diverses routes qui sont ouvertes au talent et au génie ; elle s'est fait remarquer avec éclat dans toutes les carrières; les ans qui se sont écoulés servent presque à compter ses succès, et ses regards ne peuvent se tourner en arrière sans y contempler quelque monument de ses grandes destinées. Découvertes majestueuses dans les sciences, brillant éclat dans les lettres* ingénieuses inventions dans les arts, hardies entreprises dans le commerce ; elle a tout fait, elle a tout obtenu, et souvent sans autre secours que ses propres efforts, et souvent sans autre appui que les dons d'une heureuse nature. Oui, les pénibles recherches d'une attention laborieuse et les aperçus rapides du génie, la profondeur de la raison et les embellissements de l'éloquence, les talents utiles et la perfection du goût : elle a tout su réunir, cette noble et magnifique nation dont vous êtes aujourd'hui, Messieurs, les dignes représentants.
Que lui fallait-il donc encore pour son bonheur et pour sa gloire ? réussir dans le plus beau de tous les desseins, avancer, terminer, s'il est possible, la plus grande et la plus importante de toutes les entreprises, celle que vous êtes chargés de venir concerter sous les regards et la protection de votre monarque.
Ce n'est pas au moment présent, ce n'est pas à une régénération passagère que vous devez borner vos pensées et votre ambition ; il faut qu'un ordre constant, durable et à jamais utile, devienne le résultat de vos recherches et de vos travaux ; il faut que votre marche réponde à la grandeur de votre mission ; il faut que la pureté, la noblesse et l'intégrité de vos vues demeurent en accord avec l'importance et la gravité de la confiance dont vous êtes dépositaires. Partout où vous découvrirez les moyens d'accroître et d'affermir la félicité publique, partout où vous découvrirez les voies qui peuvent conduire à la prospérité de l'Etat, vous aurez à vous arrêter. C'est vous, Messieurs, qui en avant, pour ainsi dire, des générations futures, devez marquer la route de leur bonheur ; il faut qu'elles puissent dire un jour : C'est à Louis, notre bienfaiteur, c'est à l'Assemblée nationale dont il s'est environné, que nous devons les lois et les institutions propices qui garantissent notre repos ; il faut qu'elles puissent dire : Ces rameaux qui nous couvrent d'une ombre salutaire sont les branches de l'arbre dont Louis a semé lé premier germe. Il le soigna de ses mains généreuses, et les efforts réunis de sa nation en ont hâté et assuré le précieux développement.
Mais arrêtons-nous ici, et ne nous abandon- i lions pas encore à ces douces et bienheureuses espérances. 11 est si triste de déchoir, il est si pépible de retourner en arrière I Ne nous livrons donc que doucement aux images de bonheur et de prospérité que nous pourrions nous faire : retardons notre confiance, afin de rassurer ; et retenons notre imagination* afin de n'avoir pas à nous plaindre de ses fausses lueurs et de ses vaines promesses.
Je dois, Messieurs, selon les ordres du Roi, commencer par vous rendre un compte fidèle de l'état des finances. Une guerre dispendieuse, une suite de circonstances malheureuses avaient introduit upe grande disproportion entre les revenus et les dépenses. Vous examinerez, Messieurs, les moyens que le Roi m'ordonne de vous proposer pour ramener un équilibre si nécessaire ; vous en chercherez de meilleurs, vous les indiquerez, et vous répondrez au vœu de la nation et à |;attente de l'Europe, en concourant de tous vos soins à établir dans les finances du plus grand empire un ordre qui soit à jamais assuré.
C'est à remplir un si grand but que la sagesse de votre souverain vous appelle. Vous n'avez pas seulement à faire le bien, mais, ce qui est important encore, à le rendre durable et à l'abri des injures du temps et des fautes des hommes.
Le confiance publique est ébranlée, et cependant cette confiance est indispensable : elle honore une nation et constitue sa force politique ; enfin elle est encore le principe de la modération de l'intérêt de l'argent, et la source d'un grand nombre d'améliorations intérieures. Vous devez, contribuer au rétablissement de cette confiance; et vous vous livrerez à cette idée avec d'autant moins de réserve, qu'après avoir travaillé à rendre invariable l'ordre des finances, vous ne verrez plus rien de dangereux dans l'usage du crédit.
Des réflexions préliminaires vous indiqueront, Messieurs, les deux principaux objets qui vont être d'abord traités dans ce mémoire ; L'ordre dans les finances, La stabilité de cet ordre. Les finances d'un Etat sont un centre où aboutissent nne multitude innombrable de canaux :j % tout part de ce centre et tout y revient ; et quand 'le désordre s'en est emparé, la dangereuse influence de la confusion des finances parcourt tout le royaume, et s'étend tellement au loin, qu'on perd souvent cette cause de vue dans le temps même qu'elle produit les çlujs funestes effets ; mais un observateur attentif retrouve aisément les rapports et la filiation qui échappent à la plupart des hommes.
Vous me dispenserez sûrement, Messieurs, de jeter un regard sur les temps qui ont précédé mon administration; c'est de la situation présente, c'est du mal à réparer que je dois vous instruire et vous occuper. Je renonce également à yous faire connaître toutes les difficultés qu'il a fallu vaincre pour soutenir l'édifice chancelant des finances depuis la fin d'août jusqu'à présent. L'homme particulier n'est rien au milieu des affaires générales, et c'est par de nouveaux efforts, et non par le récit du passé, qu'il doit rechercher l'estime publique. 11 est des travaux d'ailleurs, il est des peines dont un sentiment intérieur est le seul dédommagement et la vraie récompense.
Le compte des finances de Sa Majesté, que l'on mettra d'abord sous vos yeux, renferme les revenus et les dépenses fixes de l'Etat.
Les revenus et les dépenses n'appartiennent à aucune année en particulier ; ils seront toujours
les mêmes, à moins qu'on ne vienne à les changer par de nouvelles dispositions.
Le Roi recevra la même somme de tributs, tant que les lois constitutives de ces impôts ne seront point abrogées, et le Roi payera la même sonime d'intérêts, tant que les capitaux de la dette publique ne seront point amortis. Ges deux exemples, applicables encore à beaucoup d'autres objets, suffiront néanmoins pour donner l'idée du véritable sens qu'il faut attribuer à la dénomination des revenus et des dépenses fixes.
On devra, Messieurs, vous présenter ensuite le prospectus des revenus et des dépenses passagères ; c'est-à-dire des revenus et des dépenses qui n'auront lieu que l'année prochaine ou pendant lâ suivante.
Le tableau des- revenus et des dépenses fixes forme sans doute l'objet le plus digne de votre attention ; il faut des impôts ou des économies durables pour balancer la différence qui existe entre la somme des revenus fixes et la somme des dépenses du même genre ; il ne faut que des secours momentanés pour subvenir aux dépenses passagères.
TABLËAD DÉS REVENUS ET DES DÉPENSES FIXES.
Ce tableau a été composé de deux manières : L'une est absolument conforme à la méthode observée l'année dernière pour le compte imprimô par les ordres du Roi : ainsi cet état offre, d'une part, les sommes versées au trésor royal par chaque caisse de recette, déduction faite des charges assignées sur ces caisses ; et d'autre part, toutes les dépenses acquittées par le trésor royal.
Le second compte, dont le résultat est absolument semblable, présente en recette et en dépense tous les articles de même nature, quelles que soient les caisses diverses où ces recettes et ces dépenses sont effectuées.
Ce genre de compte, hors deTusage commun, et qui s'écarte de la méthode réelle des recettes et des payements, serait plus facilement susceptible d'erreur ; mais on est parvenu à le rendre parfaitement correct, puisque son résultat, comme on vient de le dire, se trouve d'accord avec celui, du premier tableau, et vous pourrez juger de Inexactitude de ce rapprochement, non-seulement par la balance commune, mais encore par tous les détails indicatifs dont ces deux comptes seront accompagnés.
Enfin, Messieurs, l'intention du Roi est que, sans aucune réserve et sans aucune exception, il vous soit remis tous les renseignements, toutes les pièces justificatives que vous pourrez désirer.
On ne vous fera pas ici la lecture de ces comptes ; il suffit de vous annoncer que la différence entre les revenus et les dépenses fixes est d'environ 56 millions.
Vous désirerez peutêtre, Messieurs, connaître le rapport qui existe entre cette différence et le déficit indiqué dans le compte imprimé par ordre du Roi au mois de mars 1788, et l'on vous donnera sur ce point toutes les informations que vous Souhaiterez ; mais comme une telle explication exigerait trop de détails, on se bornera dans ce moment à vous montrer en peu de mots l'accord général qui se trouve entre les deux comptes.
Le déficit, selon le compte de 1788, était de 160,827,492 livres.
Mais on avait compris dans cette somme tous les remboursements montant à 76,502,367 livres
et toutes les dépenses extraordinaires et passagères, payables en 1788, et qui 6'élevaient à 29,395,585 livres,
Ces deux articles mis à part, le déficit ordinaire, c'est-à-dire la différence entre les revenus et les dépenses fixes, se réduirait à 54 millions 929,540 livres.
A la vérité, l'on n'avait compris dans le compte de 1788, et par conséquent dans le déficit ordinaire> ni les rentes à la chargé du Roi, provenant de l'emprunt de novembre 1787* objet de 12 millions* ni les fonds destinés par le Roi au secours des réfugiés hollandais, article en ce moment de 8 à 900^000 livres. On n'avait pas non plus compris dans le déficit ordinaire une somme applicable aux dépenses imprévues ; et, puisque ces dépenses reviennent toutes les années, on a cru devoir les ranger dans le compte des dépenses, et elles forment dans ce compte un article de 5 millions;
Ces trois articles, réunis à plusieurs autres différences moins essentielles, auraient dû élever à plus de 75 millions le déficit du compte dont il est question dans ce moment.
On doit donc vous expliquer d'une manière générale pourquoi ce déficit n'est cependant que de 56 millions ;
1° Les retenues imposées sur les pensions par l'arrêt du 13 octobre 1787 n'avaient pas été mises en compte dans l'état des fiuances imprimé l'an-* née dernière. Cet articlë se monte à environ 5 millions;
2° Les économies et les dispositions nouvelles du département de la guerre ont diminué son état de dépenses fixes de 8 à 9 millions ;
3° Le département de la marine* en conséquence des nouveaux projets adoptés par le Roi, a fixé son état de dépenses à 40,500,000 livres, ce qui forme une réduction, sur le compte de 1788, de 4,500,000 livres^
4° Le département des affaires étrangères a fixé son état ordinaire de dépenses à 7,300,000 livres, ce qui procure une réduction, sur le compte précédent, de 1,800,000 livres.
Ges divers articles, choisis entre plusieurs autres, suffiront pour indiquer pourquoi dans ce moment le déficit du compte des revenus et des dépenses fixes n'est plus de 75 millions, mais de 56 millions.
Tous les détails se trouveront expliqués dans le rapprochement exact du compte de 1788, et du compte qui vous est présenté, rapprochement dont on vous donnera le tableau.
Ne me serait-il pas permis, Messieurs, de vous faire observer que le déficit antérieur à l'époque de l'administration actuelle des finances, bien loin d'avoir diminué, aurait pris un grand accroissement si le trésor royal n'avait été gouverné avec la plus sévère exactitude, si l'on n'avait défendu particulièrement ses intérêts, si l'on n'avait obtenu des délais pour tous les payements qui pouvaient être retardés sans éclat, si l'on ne s'était ainsi préservé de la nécessité de recourir à des emprunts considérables, si l'on ne s'était mis en état de refuser tout espèce de secours à des conditions onéreuses, et si l'on n'avait réussi dans ce projet, nonobstant toutes les alarmes qui s'étaient répandues sur l'état des finances et sur le sort de la dette publique en général ?
On revient à la différence qui existe entre les revenus fixes et les dépenses fixes, et qui se trouve réduite à ce moment à 56 millions. Il faut -s'occuper des moyens de couvrir cette différence,
et voici les premiers aperçus que le Roi m'a ordonné de soumettre à vos considérations :
1° Il résulte de j'examen attentifs] que j*ai fait des conditions du dernier bail passé avec les fermiers généraux, de la rentrée dans certains droits suspendus pour un temps, et de l'accroissement successif des produits, qu'en mettant à part 2,400,000 livres pour le traitement ïîxe des fermiers généraux^ eu sus de 1 intérêt de leurs fonds à 5 0/0, le produit des droits à recouvrer par la ferme .générale peut 4être estimé à 18 millions de plus qu'il nV été compté dans le compte de 1788.
J'observerai seulement que cette augmentation exigerait un changement dans les pondi-tions du bail passé avec les fermiers généraux; et qu'elle ne serait réalisée en son entier que d'ici un ou deux ans* à l'époque où la ferme générale aurait écoulé un approvisionnement de tabac,qu'elle a fait à trop haut prix. On vous donnera, Messieurs, les explications détaillées qui peuvent justifier une si bonne espérance*
2° J'évalue à 5 ou 6 millions l'accroissement de revenu qu'on peut raisonnablement attendre de la ferme des postes» de l'administration des domaines, de la régie des aides, de la régie des revenus casuels et de la ferme de 6ceaux et de Poissy> en revoyant aussi les conditions des traités passés avec ces compagnies, et en évaluant, sans exagération, le produit de cette partie des revenus du Roi d'ici à un ou deux ans.
Yoilà donc, Messieurs* en deux articles, près de 24 millions de bonifications que vous considérerez, je crois, comme très-assurés.
Examinohs maintenant une suite d'autres indications qui, réunies, présenteraient également une ressource Considérable; elles ne tiennent à aticun impôt, mais elles dépendent de plusieurs dispositions d'ordre ou d'administration, et vous jugerez de leUr Convenance î
1° Il y a plusieurs droits d*aidës connus Sous le nom de droits rétablis, de droits réservés, etc., qui ont ètè abonnés dans une partie des provinces du royaume, tandis qUé dàtts d'autres là perception s'ën fait réellement àixl tértneâ dés lois qui ont établi ôëS iihpôts. CéS abonnemëfttS sont tellement désàVantàgëûx que, d'après descâlcUls faits avec soin, on présumé qu'ils devaient Se monter à prés de 7 millions dë t>lùl VôUs bctfisi-dérçrëz, Messieurs, s'il est juste d'établir urie égalité parfaite entre toutes lës provinces, où si TliabitUde ancienne d'uné faYëur particulière doit être respectée.
2° Le clergé reçoit de là fërmë gênéràle, èn vertu de stipulations ëxprëSsës, 2,500,006 livres par an, ët il emploie cettê sotttnîè du remboursement des dettes qu'il à ëôhtràetéës pour fournir au Roi dès doii^ gratuits ; il y jôitit, de ses propres revenus, 2 millions, ëh sôfte que ses. remboursements se montent eti toUt à 4,500,000 livres. Cette dërnièrë sômriië pourrait devenir ûo revenu de l'Etat, si le Roi se dhargeait dès dettes dû cierge, en déStinâtit à leur, remboursëmëht Une partie deè fôhds trUi seraient appliqués à une caisse d'amortisSërtiënt.
Les propriétaires des rentes sur le clërsé ne perdraient rien à cet ëcharige, du moment que leurs créances seraient garanties par là plus solide des cautions, celle du roi et des Etats généraux.
i'6 Vous verrez, Mepsiëurs, dans lè compté des finances, que le Roi paye annuellement à qes hôpitaux, à des communautés religieuses ou
pour d'autres objets de ce genre, une somme de 5 millions.
Vous aurez à considérer, Messieurs, si une partie de cette dépense ne pourrait pas être assignée sur des revenus ecclésiastiques, soit par des réunions, soit par la voie des économies, soit de toute autre manière.
Le Roi a affranchi la compagnie des Indes du droit d'induit sur les marchandises importées de l'Inde et de la Chine, et Sa Majesté lui abandonne de plus la moitié du produit des saisies et des droits relatifs à quelques branches de son commerce; ces deux sacrifices peuvent être évalués de 15 à 1,800,000 livres, et le Roi rentrerait en possession de ce revenu si la liberté du commerce des Indes était rétablie. Il serait encore possible que la compagnie elle-même s'en désistât si le privilège dont elle jouit lui était conservé d'une manière stable.
5° Les primes que le Roi accorde pour l'encouragement du commerce s'élèvent aujourd'hui à 3,800,000 livres; et celle accordée sur la traite des noirs forme seule un objet de 2,400,000 livres.
Il y a lieu de croire que cette dernière dépense pourra être diminuée de près de moitié en adoptant une disposition que l'humanité seule aurait dû conseiller. Sa Majesté a déjà fait connaître ses intentions a cet égard, et il vous en sera rendu compte plus particulièrement.
6° Le tabac se vend aujourd'hui rapé dans presque toute la France, et cette méthode a beaucoup augmenté la ferme du tabac. Quelques négligences particulières commises en Bretagne donnèrent lieu à des plaintes en 1784, et les réclamations qui s'en suivirent ont obligé la ferme générale à vendre le tabac dans cette province selon l'ancienne méthode. On croit qu'en y ramenant l'usage devenu général dans tout le royaume, le produit de la ferme du tabac augmenterait de 1,200,000 livres.
7° Les villes et les hôpitaux perçoivent à leur profit différents droit s sur les consommations ; le roi en lève de semblables dans les mêmes lieux, et ces diverses administrations, gênantes pour les peuples, occasionnent de doubles frais de gestion; il arrive aussi que plusieurs municipalités, entraînées par différents égards, favorisent ou tolèrent des faveurs et des exceptions. On avait souvent pensé que, si Padminislration royale se chargeait de l'ensemble de ces recouvrements et assignait aux villes et aux hôpitaux une somme fixe proportionnée à leur recette habituelle, il en résulterait un bénéfice évalué à 2 ou 3 millions (1) ; mais un tel arrangement aurait éprouvé avec raison de grandes contradictions; on pourrait le prendre en considération à une époque où les dispositions d'ordre sanctionnées par la nation écarteraient tout motif d'inquiétude et rendraient parfaitement assurés les engagements qui seraient pris avec les villes.
8° Il existait en 1785 un droit à l'entrée des toiles peintes et des mousselines. On a cru
s'opposer avec plus d'efficacité à l'admission de ces marchandises dans le royaume, en la
prohibant absolument; mais l'expérience a prouvé que l'introduction était à peu près la
même, et que le droit aboli avait tourné au profit des contre-
9° L'intérêt de l'emprunt nécessaire pour balancer les besoins de cette année se trouvant compris dans l'état des dépenses fixes, et cet intérêt ne pouvant être exigible que dans l'année prochaine, on est fondé à compter au nombre des ressources qui doivent y correspondre les extinctions de rentes viagères qui auront lieu cette année, objet d'environ 1,500,000 livres.
10° Monsieur vient d'offrir une diminution de 500,000 livres sur les fonds destinés par le Roi aux dépenses de sa maison, et Sa Majesté a accepté cette proposition.
11° Mgr le comte d'Artois n'avait pu encore terminer les dispositions dont il s'occupait, lorsqu'il annonça, l'année dernière, l'abandon de 400,000 livres sur la somme destinée à sa maison. Monseigneur vient de faire connaître qu'à compter du 1er de ce mois cette réduction serait ponctuellement effectuée à la déchargé annuelle au trésor royal.
12° L'abolition du privilège des bourgeois de Paris pour l'entrée franche des produits de leurs terres et de leur chasse, si on la jugeait convenable, procurerait un bénéfice de 4 à 500,000 livres.
13° L'abolition des francs salés qui ne sont pas adjugés par des arrêts vaudrait 3 à400,000 livres.
14° L'établissement de deux ports francs, l'un à Rayonne, l'autre à Lorient,"n'a pas rempli l'objet d'utilité qu'on en attendait, et celui de Bayonne est devenu un entrepôt qui favorise le commerce des étrangers aux dépens du nôtre. On se borne en ce moment à vous faire observer que deux dispositions nouvelles, tant par une diminution dans le débit du tabac que par les indemnités demandées et d'autres considérations, ont fait perdre au Roi 600,000 livres de rentes.
15° Les quatre deniers pour livre sur la vente des immeubles sont perçus par les huissiers-pri-seurs, et au moyen d'une finance gu'ils ont fournie ils n'en comptent point au Roi. Il paraît que cette finance n'est pas proportionnée au produit actuel de ces droits, et l'on fait des offres à cet égard qui produiront vraisemblablement une augmentation de revenu de 600.000 livres.
16° On n'a rien mis en compte pour les dons gratuits du clergé; ce revenu, à compter des temps passés, équivaudrait à 3,200,000 livres, en raison de 16 millions tous les cinq ans.
Les seize articles, Messieurs, dont on vient de vous donner l'énumération, réunis aux 24 millions relatifs à l'accroissement certain du produi t des fermes et des régies, ne s'éloigneront pas, comme vous le verrez, de la somme du déficit.
Quel pays. Messieurs, que celui où sans impôts et avec de simples objets inaperçus on peut faire disparaître un déficit qui a fait tant de bruit en Europe !
Supposant néanmoins que dans le nombre des dispositions propres à établir la balance entre les revenus et les dépenses fixes, une partie ne vous parût pas convenable, ce serait le moment de faire observer, Messieurs, que si les deux ordres privilégiés, renonçant à leurs privilèges, concouraient au payement des charges de l'Etat de la même manière que les autres sujets du Roi, et si les princes eux-mêmes offraient de résilier les abonnements consentis avec eux pour les vingtièmes, on pourrait vraisemblablement élever les impositions de 10 à 12 millions, et il n'en ré-
sulterait point d'augmentation pour les contribuables,
On prévoit encore plusieurs dispositions économiques, dont les unes exigeraient un remboursement, d'autres le choix d'un moment favorable, d'autres le loisir nécessaire pour s'en occuper particulièrement ; mais il existe aussi quelques sacrifices convenables à faire : on doit deviner qué MM. les députés du tiers-état désireront vraisemblablement l'abolition du franc fief ; il est payé par les particuliers qui achètent des biens seigneuriaux, sans être en possession des prérogatives de la noblesse. Quel intérêt auraient les ordres privilégiés à s'opposer à l'abolition d'une distinction pécuniaire qui semble devoir être anéantie avec celles du même genre dont ils paraissent disposés à faire un généreux abandon? Le revenu du franc fief ne se monte qu'à 1,600,000 livres. '
Enfin, Messieurs, il est peut-être des réductions, il est peut-être des économies qui ont besoin, pour acquérir un caractère parfait de justice ou de raison, d'être provoquées au nomade l'Assemblée même de la nation.
La recherche, l'examen de celles-ci, vous sont remis par un effet de l'entière confiance de Sa Majesté dans votre sagesse et dans votre circonspection.
On ne fait aucune mention ici, Messieurs, des réductions dont les frais de recouvrement des impôts pourraient être susceptibles, parce qu'elles dépendraient d'un nouveau système dans l'organisation de ces mêmes impôts, et qu'elles serviraient alors à rendre ces changements plus avantageux à la nation.
Le Roi aurait-il besoin, Messieurs, d'exposer les motifs qui l'ont engagé à ne pas mettre la réduction des intérêts de la dette publique au nombre des moyens propres à rétablir l'ordre dans les finances? Le Roi aurait-il besoin de justifier cette résolution au milieudes Etats généraux et dans le sein de la nation la plus renommée par ses sentiments d'honneur ? Non, sans doute. Tout engagement porte avec lui un caractère sacré; et quand cet engagement a été pris par le souverain, par le chef et le gardien des droits d'une grande nation; quand il a été pris, en grande partie, pour subveniraux besoins extraordinaires d'une guerre nationale; quand il a été pris pour garantir les propriétaires de fournir des subsides qu'ils eussent été dans l'impossibilité de payer; enfin, quand cet engagement a été pris, nimporte pour quel sujet, il doit être tenu.
Le souverain ne peut, d'une main; faire exécuter les engagements des particuliers, et de l'autre briser les liens qu'il a contractés avec ceux qui se sont fiés à sa parole, et à sa parole consacrée du sceau légal connu et respecté jusqu'à présent.
Que de plus grandes précautions soient prises pour l'avenir, le Roi le désire, le Roi le veut: mais aune époque si solennelle, où la nation est; appelée par son souverain à s'unir à lui, non pour un moment, mais pour toujours; à une époque où cette nation est appelée à s'associer en quelque manière aux pensées et aux volontés de son Roi, ce qu'elle désirera seconder avec le plus d'empressement, ce sont les sentiments d'honneur et de fidélité qui animent Sa Majesté ; ce sont les sentiments sans lesquels il n'y a plus d'harmonie entre les hommes que par la violence et par la contrainte.
Il ne faut donc pas qu'un manquement de j foi vienne,souiller les prémices de la restauration
de la France; il ne faut pas que les délibérations de la plus auguste des Assemblées soient marquées à d'autres empreintes que celles de la justice et de la plus parfaite raison. Voilà le sceau perpétuel des empires : tout peut y changer, tout peut y essuyer des révolutions ; mais tant que les hommesN viendront se rallier autour de ces grands principes, il n'y aura jamais rien de perdu.
Ce sera un jour, Messieurs, un grand monument du caractère moral de Sa Majesté, que cette protection accordée aux créanciers de l'Etat, que cette longue et constante fidélité ; car en y renonçant, le Roi n'aurait eu besoin d'aucun secours extraordinaire, et il n'aurait pas été soumis aux diverses conséquences qui en sont résultées. C'est là peut-être un des premiers conseils que les aveugles amis de l'autorité, que les Ma-chiavels modernes n'auraient pas manqué de lui donner.
Sa Majesté trouve bien plus de grandeur et de satisfaction à s'unir à vous, Messieurs, pour consacrer les principes immuables de la justice et de la probité : elle trouve plus de satisfaction à les respecter, qu'elle ne pourrait en recueillir dans toutes les jouissances de la pompe du trône, et dans l'exercice illimité d'une autorité qui perdrait de son prix, si elle n'était destinée à maintenir la justice et à la défendre contre toutes les sortes d'atteintes.
Enfin, Messieurs, la puissance politique de la France ëst étroitement unie à la conservation de ces principes. Les dépenses d'une guerre sont devenues immenses, depuis qu'il faut couvrir toutes les mers pour se tenir sur la défensive, et depuis que des armées prodigieuses en nombre doivent être mises en campagne pour se trouver en égalité avec les forces militaires des autres nations de l'Europe.
Dans cet état de choses, il est absolument impossible de soutenir de si grands efforts par des impôts extraordinaires : l'on doit nécessairement se ménager les moyens d'obtenir des capitaux considérables en échange d'un sacrifice annuel et modéré de la part des contribuables; mais cette ressource dépend essentiellement de la confiance, et la confiance dépend de la fidélité du souverain.
Ainsi, Messieurs, la bonne foi, la politique, le . bonheur et la puissance, tous les principes, tous les mobiles, tous les intérêts qui touchent également le Roi et ses peuples, viennent plaider h* cause des créanciers deTEtat et leur servir de défense.
Qu'il me soit permis encore de joindre aux motifs qui embrassent "le bonheur général d'une nation considérée collectivement et dans toute sa durée, le motif plus touchant peut-être encore du bonheur des individus dont l'existence passagère n'est que plus digne de soin et de compassion : je parle surtout de ces hommes du peuple que la crainte de l'indigence a rendus laborieux, et qui, dans l'abandon d'une douce confiance, ont déposé entré les mains de leur Roi, à l'abri de sa probité et de son amou^ le fruit des travaux pénibles de toute leur vie, et l'espoir longtemps acheté de quelque repos dans les jours de la vieillesse et des infirmités qui l'accompagnent; car tel est un grand nombre de créanciers de l'Etat.
Je n'essayerai pas de peindre le désordre et la douleur qui résulteraient de leur attente si cruellement trompée; il est des maux assez grands, même en perspective, pour qu'on n'ose les fixer par la pensée, et la crainte qu'ils inspirent semble être le garant de leur impossibilité:
Il reste encore une question à examiner. Ne pourrait-on faire une distinction entre les divers titres de créance, et réduire ensuite les emprunts dont les conditions auraient été favorables aux prêteurs?
Vous verrez, Messieurs, que l'utilité de cette opération n'aurait aucune proportion avec les inconvénients qui résulteraient d'une atteinte donnée aux principes universels de bonne foi nationale et aux bases si importantes de la confiance publique. On ne sait où l'on peut s'arrêter quand on se permet de discuter les circonstances d'un engagement simple; et comme tout ce qui est soumis à une opinion arbitraire ne présente à l'esprit aucune circonscription positive* on forcerait les prêteurs à mettre à l'avenir, au rang de leurs calculs, le risque d'une pareille inquisition; l'intérêt de l'argent se ressentirait de ce nouveau genre de danger , et l'Etat rachèterait longtemps le bénéfice d'un jour, bénéfice même très-modéré, si l'on voulait dans l'examen observer les principes d'une raisonnable équité.
On ne peut se former à l'avance une juste idée des avantages que l'Etat pourra tirer non-seulement de la hausse excessive du prix des fonds publics, mais encore de la tranquillité, de l'assiette, s'il est permis de s'expliquer ainsi, de toutes les imaginations relativement à la dette publique.
Cette dette est si immense que la disproportion entre la valeur numéraire des fonds publics et la rente annuelle qui s'y trouve attachée influe d'une manière immédiate et décisive sur le prix général de l'intérêt de l'argent, et il résulte de cet objet de comparaison que l'agriculture et le commerce ne trouvent point de secours, ou sont obligés de les acheter à des conditions que .les bénéfices ordinaires de ces exploitations ne permettent pas d'accepter.
Enfin, les inquiétudes, les incertitudes au moins des propriétaires de fonds publics sur les facultés du trésor royal et sur la constance des principes du gouvernement, entretiennent une vacillation continuelle dans le prix des fonds, et cette vacillation est augmentée par l'influence de tous les bruits, de toutes les fausses nouvelles, de toutes les insinuations insidieuses et de toutes les manœuvres de l'agiotage. Mais cet ascendant, ce pouvoir qu'on obtient si facilement sur l'imagination, quand elle erre au hasard et ne sait à quoi se fixer, ce pouvoir, s'affaiblira successivement si les propriétaires des •fonds publics acquièrent enfin une opinion certaine sur le sort de leurs créances, et si les principes de fidélité consacrés dans une Assemblée nationale leur servent à jamais de garants.
11 résultera encore un grand avantage de cette stabilité dans les opinions, c'est que le commerce des fonds publics cessant graduellement de présenter un spectacle de révolutions, tout l'argent qui environne cette table de jeu cherchera quelque autre emploi; le commerce et l'agriculture y gagneront, et l'esprit immoral cjui est l'effet inévitable d'une cupidité active et journalière perdra peu à peu de sa force;
C'est ainsi, Messieurs, qu'une grande suite, qu'une grande diversité d'avantages résulteront nécessairement du premier principe de fidélité que vous consacrerez. Bel et superbe apanage de la vertu publique et particulière; c'est la tige primitive et féconde d'où naissent une multitude innombrable de ramifications qui produisent avec le temps des fruits salutaires*
Oui, Messieurs, et vous l'entendrez avec intérêt
dans un discours commandé par votre souverain et qui a reçu la sanction de son autorité : il n'y a qu'une seule grande politique nationale, qu'un seul principe d'ordre, de force et de bonheur, et ce principe est la plus parfaite morale ; c'est en s'en écartant qu'on est obligé de changer de guide à chaque instant, et qu'on prend pour de l'habileté l'art de se tirer d'une difficulté que soi-même on a fait naître, et le talent d'en créer de nouvelles qui exigeront encore de nouveaux ressorts et de nouveaux expédients, tandis que dans l'exercice d'une honnêteté et d'une fidélité parfaites, tout s'enchaîne aisément, tout se tient, tout se lie, tout annonce que ce beau système moral est l'ouvrage chéri de l'Etre suprême ; il ressemble au mouvement régulier de tous les corps physiques, qui s'élève, s'accroît, se fortifie sans effort et sans confusion, et ne s'arrête ou ne s?interrompt que lorsque les vents ou les orages viennent détruire ses lois et s'opposer avec violence à sa marche simple et réglée.
On ne pourrait défendre la cause des pensionnaires d'une manière aussi générale que celle des créanciers de l'Etat, puisque la distribution des grâces et des récompenses, n'ayant pas été constamment assujettie à des principes fixes, est plus susceptible d'erreur et de critique. Cependant, Messieurs, vous penserez au moins que le Roi ayant fait, il y a un an, une réduction de 5 millions sur cette partie des dépenses, ce n'est pas d'une manière rapide ni générale qu'on peut y chercher une nouvelle ressource. Le Roi écoutera vos observations à cet égard, et vous fera donner les éclaircissements que vous pourrez désirer; vous verrez, et avec peine peut-être, en vous occupant uniquement d'économie, que la plus grande partie de la dépense des pensions est répartie en portions modiques au soulagement des militaires ou d'autres serviteurs de l'Etat, et que les titres de ces pensions pour les uns, l'ancienne habitude pour les autres, exigent du respect ou du ménagement.
Les considérations qui viennent au nom de l'humanité appuyer les droits d'une ancienne possession ne sont pas applicables à l'avenir; aussi Sa Majesté avait-elle ordonné aux divers départements d'observer, pour les nouvelles demandes de grâces pécuniaires, une mesure proportionnée à la moitié des extinctions ; cette mesure serait peut-être moins susceptible d'erreur ou de contestation, en déterminant la somme numéraire des pensions qui seraient accordées * chaque année. Le roi, Messieurs,, a toujours adopté avec goût et avec estime les dispositions d'ordre qui lui étaient proposées, et Sa Majesté désire ardemment que vous puissiez, en relevant les idées d'honneur patriotique, augmenter les prix des récompenses qui ne coûtent rien àu trésor royal, qui ne font point verser de larmes au peuple, et qui n'ont reçu d'atteinte dans l'opinion que par ces mésalliances de sentiments qui ont réuni trop souvent le désir public des distinctions et l'amour secret de l'argent.
C'est un grand point sans doute que de pouvoir considérer la possibilité de couvrir le déficit annuel* le déficit dont on se formait une idée effrayante, sans avoir besoin de recourir à aucun moyen injuste ou sévère, à aucun moyen surtout qui"dérange le sort du peuple ; mais la tâche dont il est nécessaire de s'occuper n'est pas encore remplie. L'établissement d'un juste équilibre entre les revenus et les dépenses fixes est sans contredit l'objet le plus essentiel, puisque, de cette manière, non-seulement on remédie à un
grand mal, mais on arrête encore ses progrès. En effet, la nécessité de suppléer par des emprunts au déficit habituel augmente annuellement ce déficit; et ce progrès devient considérable lorsque la mesure du crédit oblige de souscrire à des intérêts onéreux. Ce sera un grand moment de repos, ce sera un beau jour d'espérance que celui où les revenus et les dépenses fixes de l'Etat se trouveront au niveau: c'est d'une base ainsi posée, c'est d'un soi ainsi raffermi, que Ton pourra contempler avec calme tout ce qu'il reste encore à faire pour achever de donner aux finances de l'Etat leur entière activité, et pour établir dans toutes les parties un ordre parfait et durable.
Supposons maintenant qu'au moyen d'un choix j quelconque d'économies et de ressources nouvelles, les revenus et les dépenses fixes de l'Etat soient mis dans un juste équilibre, vous aunjz encore à fixer votre attention sur trois questions très-importantes, et qui ont aussi leur difficulté :
Premièrement, comment doit-on remplir les besoins de cette année, et suppléer aux dépenses extraordinaires de 1790 et 1791 ?
Secondement, quelle est l'étendue des anticipations?
Troisièmement, quels moyens devront être adoptés pour avoir une somme applicable à des remboursements ?
Examinons d'abord la première de ces questions.
On mettra sous vos yeux, Messieurs, l'état spéculatif des dépenses et des revenus libres de celte année, Vous verrez qu'en comptant sur le renouvellement d'anticipations le plus vraisemblable, il faudrait un secours extraordinaire de 80 millions. On vous proposera les emprunts ou les ressources qui vous paraîtront le plus convenables, et cependant, Messieurs, vous remarquerez avec satisfaction que l'intérêt de l'emprunt nécessaire pour balancer les besoins de l'année est compris à l'avance dans le compte des revenus et des dépenses fixes dont on vous a déjà donné connaissance, en sorte que cet intérêt n'augmentera pointie déficit.
On doit vous faire observer que le secours nécessaire pour cette année ne se monterait pas si haut, si jusqu'au 31 décembre l'on réduisait chaque semaine les fonds destinés aux payements de l'Hôtel-de-ville à la même somme qui y a été destinée depuis quelque temps ; mais on rie peut équitablement exiger des rentiers une plus longue indulgence, et vous trouverez sûrement juste, Messieurs, que les six derniers mois de 1788, dont le payement s'ouvrira dans le cours de ce mois, soient acquittés en entier à la fin de cette année, et que tes rentes soient payées désormais avec la plus parfaite exactitude.
Vous remarquerez, cependant, Messieurs, que si le Roi se borne à faire acquitter d'ici à la lin de l'année le dernier semestre de l'année 1788, et s'il ne paye ensuite que six mois tous les six mois, il y aura constamment un semestre en arrière. L'Etat aurait donc obtenu de la part des rentiers un sacrifice) ou du moins une facilité d'environ 75 millions, puisque la totalité des intérêts payables à l'Hôtel-de-ville se monte aujourd'hui à environ 150 millions.
Ces six mois de retard pour les rentes viagères seront dus et payés à la mort des rentiers, ce qui réduira le bénéfice réel des extinctions à environ
moitié pour l'année seulement où ces extinctions surviendront; et enfin si le temps augmente la richesse de l'Etat, vous aurez à examiner, Messieurs, s'il convient de faire un emprunt extraordinaire pour acquitter plus tôt le semestre en arrière. Mais à en juger par l'esprit de douceur et de conciliation avec lequel les rentiers se sont prêtés depuis près d'un an aux circonstances pénibles de la finance, il est à présumer qu'à l'époque où la nation entière assurera le payement de leurs intérêts de la manière la plus exacte et la plus invariable, ils ne regretteront pas d'avoir concouru dans quelque chose à la diminution des embarras présents: ils ne sauraient calculer ce qu'ils auraient perdu, si le désordre s'était mis dans les affaires, et si le progrès du discrédit avait affaibli sensiblement la valeur de leurs capitaux.
Je crois même qu'ils ne seront pas jaloux d'un sacrifice que le Roi voudrait faire en même temps au soulagement des contribuables, et qu'il est nécessaire de vous expliquer :
Il est dû par les peuples de grands arrérages sur la taille, les vingtièmes et la capitation ; et vous en jugerez,-Messieurs, si vous faites attention que la recette annuelle des recouvrements est composée en général de trois cinquièmes à peu près appartenant à l'année courante, et de deux cinquièmes provenant des impositions relatives à l'année antécédente, disposition qui jette beaucoup d'embarras et d'obscurité dans les comptes; ces deux cinquièmes, quoique légitimement dus au Roi, sont constamment en arrière, et servent seulement de motif pour resserrer de temps à autre le payement des contributions et procurer ainsi un secours extraordinaire au trésor royal de 3 ou 4 millions : vous en avez vu l'exemple, Messieurs, dans le compte des recettes extraordinaires de l'année dernière.
Le Roi, Messieurs, avec votre avis, voudrait faire remise entière à son peuple de tous ces arrérages qui se montent à environ 80 millions, ^ous la condition néanmoins qu'à l'avenir chaque année d'imposition serait payée dans le cours des douze mois qui la composent, en sorte que le sacrifice du trésor royal consisterait dans une renonciation à la faculté légitime qu'aurait le souverain d'user de ses droits à la rigueur, en faisant payer, avec l'année courante, une portion quelconque des arrérages.
Vous examinerez, Messieurs, cette idée; et si vous la trouviez susceptible d'inconvénients, vous n*en rendriez pas moins hommage aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté.
Les besoins extraordinaires pour les années 1790 et 1791 ne sont connus qu'imparfaitement, parce qu'ils dépendent en partie de liquidations encore incertaines ; on vous en donnera l'indice général, et il y a lieu de, présumer que les extinc^ tions viagères de l'année 1790 suffiront pour obtenir un capital équivalant à ces dépenses passagères.
On doit cependant faire observer ici que la mesure des besoins extraordinaires ne doit jamais être annoncée d'une manière positive, puisque diverses circonstances imprévues peuvent accroître ces sortes de dépenses.
On, étendrait trop loin, Messieurs, ce premier discours, si l'on vous présentait toutes les explications que chaque partie séparée pourrait exiger; elles vous seront données dans le cours de vos travaux. Ce qui importe le plus dans ce moment, c'est de vous présenter un enchaînement qui facilite votre marche, et vous empêche de perdre du
temps en cherchant une route dans un pays encore nouveau pour le plus grand nombre des membres de cette Assemblée.
A l'avenir, et lorsque les comptes de finance auront été soumis à une forme simple et très-intelligible, à une forme surtout rendue constante et invariable, vous n'aurez besoin d'aucun secours de la part de l'administration des finances, et ce sont les Etats généraux eux-mêmes, Messieurs, qui conserveront la filiation de toutes les connaissances, de toutes les instructions qui pourront répandre une parfaite clarté sur les finances en général et sur toutes les parties qui en dépendent.
Cette clarté, ce grand jour, seront le plus sûr appui de la confiance publique ; et l'intention du Roi est que ses ministres secondent sans réserve le désir que vous aurez, Messieurs, de tout connaître et de tout entendre; car un esprit de critique ne sera point votre guide, et vous ne chercherez point la perfection pour le plaisir de rabaisser les soins de l'administration, mais pour faire jouir la France de l'avantage incommensurable qui peut naître de la réunion de vos lumières.
11 est bien aisé de trouver quelque erreur ou quelque omission dans le vaste ensemble dont on mettra sous vos yeux toutes les parties ; ni l'ordre, ni la méthode, ni les recherches préalables absolument nécessaires n'ont coûté de peines à ceux qui en deviennent les juges; et leur esprit en repos, pendant qu'ils parcourent tout ce qui est bien, a d'autant plus de moyens pour saisir avec activité les fautes qui ont* pu échapper à l'attention de l'ouvrier général. Mais peu importe après tout; vous irez en avant vers le but qui intéresse le bonheur public, de telle manière qu'il vous plaira; et pourvu que vous approchiez de ce terme, toutes les autres considérations, toutes les particularités deviennent indifférentes.
On a fixé votre attention sur les moyens propres à établir le niveau entre les revenus et les dépenses fixes et sur les ressources qu'on peut employer pour subvenir aux besoins extraordinaires dont on vous a donné connaissance. Il reste encore deux parties importantes dans la gestion des finances : l'une concerne les anticipations; l'autre les remboursements.
L'on entend par anticipations la partie des revenus du Roi qui s'y consomme à l'avance. Cette disposition s'effectue au moyen de rescriptions et d'assignations qui sont tirées communément à un an de terme sur les impositions payables à cette distance, et l'on négocie ces différents papiers en accordant le bénéfice d'un intérêt et d'une commission ; c'est là ce qui constitue la dépense annuelle des anticipations, dépense proportionnée à l'étendue de la somme empruntée sous cette forme. Une telle dépense subsistera tant que les anticipations seront renouvelées : il faudrait donc, pour la faire cesser, destiner un fonds extraordinaire à l'amortissement du capital.
La facilité de négocier et de renouveler ces anticipations dépend absolument de la continuation du crédit, et quand ce crédit s'affaiblit, on est obligé de chercher d'autres ressources : ainsi le grand inconvénient des anticipations, entre plusieurs autres, c'est de ne laisser jamais une entière sécurité.
Les anticipations qui portent sur l'année 1790 se montent à 90 millions, mais il y a 172 millions
consommés à l'avarice sur les revenus des huit derniers mois de cette année. On se- propose, et par prudence et par nécessité, de réduire le renouvellement de cette partie des anticipations à 100 millions, et c'est essentiellement par ce motif qu'un nouveau secours de 80 millions est nécessaire, ainsi qu'on vous l'a expliqué, Messieurs, en vous entretenant des besoins particuliers à l'année courante.
On. n'est jamais sûr, Messieurs, du renouvellement des anticipations; ainsi, tant qu'elles ne seront pas bornées à une somme qui rende leur négociation à l'abri d'incertitude, on pourrait se trouver dans l'obligation de recourir à un emprunt inattendu. Cet emprunt, à la vérité, ne diminuerait pas les revenus du Roi, puisqu'il remplacerait une somme d'anticipation dont l'intérêt et les frais font partie des charges de l'Etat, ainsi que vous aurez pu le remarquer dans le tableau des dépenses fixes.
On dira peut-être que le moyen le plus simple serait de convertir toutes les rescriptions et toutes les assignations à terme en des effets portant 5 0/0 d'intérêt, jusqu'à l'époque éloignée où l'on pourrait en faire le remboursement, et cette opération s'appelle, en langage de finance, suspendre les rescriptions.
Une telle disposition sans doute affranchirait de tous les embarras, et entre toutes les manières de déroger à ses engagements, ce serait peut-être la plus tolérable. Mais pourquoi manquer à aucun, si l'on -peut éviter cette faute, ce malheur, cette honte, et si on le peut sans blesser même les intérêts communs de l'Etat! Ah! sans doute, une si honorable Assemblée préférera toujours les moyens les plus exempts de reproche, et l'exercice d'une bonne foi sans tache, à-des expédients dont le principe est infiniment dangereux.
On ne doit pas douter que, si 1 es anticipations étaient une fois réduites à 100 millions, elles se négocieraient avec une extrême facilité et à un intérêt très-modéré; car ces sortes de placements sont fort recherchés, et ils conviennent même à l'activité de la circulation; c'est un moyen de ne pas laisser oisifs, pendant un long intervalle, les capitaux dont le propriétaire veut disposer à un terme fixe.
Les remboursements ne sont portés dans aucun des tableaux qu'on vous a présentés ; ils ont été suspendus par l'arrêt du conseil du 16 août dernier ; ainsi on ne les a compris ni dans la classe des dépenses fixes, ni dans celle des dépenses extraordinaires de cette année.
Cependant il est juste, il est utile de revenir sur cette suspension dans une mesure quelconque.
Les remboursements, tels qu'ils existaient avant lar suspension ordonnée par le Roi, se montaient à 76,502,367 livres, et ils devaient s'élever un peu plus haut cette année, suivant l'accroissement indiqué par les arrêts ou les édits de création de plusieurs emprunts.
Il est manifeste que, dans la situation présente des affaires, l'Etat ne pourrait exécuter des remboursements si considérables, sans recourir à des contributions au-dessus des facultés du peuple.
On ne proposerait pas sans doute de balancer ces remboursements par de nouveaux emprunts ; il faudrait, pour employer cette ressource, se soumettre à des négociations très-onéreuses, et dont
l'intérêt accroîtrait graduellement l'embarras des finances et la charge des peuples.
Les capitalistes ont eux-mêmes un grand intérêt au ménagement dés contribuables, car toutes les fois que les ressorts d'un gouvernement sont trop, tendus, toutes les fois que les tributs se payent avec peine, il règne dans toutes les affaires une gêne qui répand une inquiétude générale, et qui altère le prix des fonds publics; cependant c'est par la vente de ces fonds à des conditions convenables, que les propriétaires trouvent à chaque instant Fargent dont ils ont besoin, et ce geûre de remboursements, auquel chacun a recours selon sa volonté, est pour les particuliers le plus commode de tous.
Il est important néanmoins, et pour diminuer insensiblement la dette publique, et surtout pour accroître le crédit si nécessaire à un grand empire, de destiner annuellement une somme quelconque à des extinctions; et Sa Majesté vous consulte, Messieurs, sur la fixation de cette sommé et sur le choix des moyens les plus propres à rassurer invariablement.
M extinctions graduelles des pensions et des rentes viagères, les augmentations qui arrivent naturellement dans le produit de tous les droits sur les consommations et les économies dont les dépenses fixes seraient graduellement susceptibles, pourraient être versées dans la caisse d'amortissement, et de cette manière le registre de cette caisse servirait à indiquer distinctement les améliorations qui surviendraient dans l'état ordinaire des finances.
Les divers moyens, Messieurs, qui vous ont été indiqués pour couvrir la différence entre les revenus et les dépenses fixes excédant la mesure de ce déficit, il faut attendre le résultat de vos examens pour apprécier la quotité de superflu qui serait applicable à des remboursements. Il est nécessaire aussi de savoir l'étendue de la somme que vous jugeriez convenable de destiner à l'amortissement de la dette publique, avant de mettre sous vos yeux une notice des ressources extraordinaires que de nouveaux impôts pourraient procurer. On vous en indiquera, Messieurs, qui ne seraient point à charge au peuple ; et quand vous le désirerez, on vous les fera connaître.
Il n'est pas douteux que plus on veut élever haut la somme des remboursements, et plus on hâte la libération de l'Etat; mais il ne faut pas désunir cette considération importante des ménagements dus aux contribuables et de l'appréciation des circonstances actuelles. L'objet le plus instant, c'est de subvenir aux dépenses fixes, afin de prévoir avec certitude l'époque rapprochée où l'on n'aurait plus besoin de faire aucun emprunt ; car rembourser et emprunter en même temps sont deux dispositions qui se contrarient, à moins que les emprunts ne soient faits à un intérêt inférieur à celui des capitaux qu'on éteint. Ce temps arrivera, et peut-être bien vite, si les Etats généraux adoptent les mesures qu'on peut attendre de leur sagesse, et si la confiance publique est excitée par cette harmonie, par cet ensemble qui rassurent les esprits et pour le moment présent et pour l'avenir.
La caisse d'amortissement une fois constituée et ses fonds assurés, il resterait encore à déterminer ses opérations et à lixer l'ordre des remboursements; mais vous approuverez sûrement, Messieurs, que ces questions ne soient pas traitées dans ce moment, car on vous détournerait ainsi du cours des idées qui doivent fixer principalement votre attention.
Ces dettes doivent être divisées en deux classes, celles dont Je payement est indispensable et celles dont le payement peut être différé. Nous rangerons dans la première tous les remboursements auxquels le Roi s'est engagé enversdes étrangers, pour des emprunts faits dans leur pays; c'est un contrat d'un genre particulier, qui ne peut être soumis aux conventions nationales. Ces emprunts sont peu considérables; on en a porté l'intérêt dans le compte des dépenses fixes, et leur remboursement dans les dépenses extraordinaires de cette année et des suivantes.
Une seconde partie des dettes en arrière concerne quelques arrérages dus par les départements actifs de la guerre et de la marine. La portion de ces arrérages dont le payement ne peut être retardé sans injustice, ou sans nuire au service du Roi, sera pareillement portée dans le compte des besoins extraordinaires pour les années 1789 et 1790.
Enfin, il y a eu de tout temps quelquefois un et deux ans en arrière sur les gages, les appointements et les intérêts dus par le Roi ; et selon le degré d'aisance du trésor royal, ces payements ont été avancés ou retardés. Les arrérages dé ce genre ne coûtent aucun intérêt, et l'on se borne généralement à désirer de toucher exactement une année chaque année. Ainsi, il suffit de comprendre dans les dépenses fixes la partie de ces arrérages que la mort des propriétaires rend nécessairement exigible.
C'est ici l'occasion de rappeler qu'il existe aussi des créances à recouvrer par le Roi, lesquelles, à cause de l'incertitude de leur rentrée, n'ont été portées dans aucun compte. Un a formé l'état des objets les plus liquides, et les recouvrements que l'on pourra faire sur ces créances serviront à diminuer la somme des besoins extraordinaires pour cette année et les suivantes.
Permettez maintenant, Messieurs, qu'on vous présente une récapitulation abrégée cles points successifs qui doivent fixer votre attention, en vous livrant à l'examen de l'état des finances. C'est par de l'ordre et de la méthode que le gouvernement doit principalement vous seconder, afin de vous mettre ainsi plus promptement à portée d'appliquer au bien de l'Etat vos idées et vos réflexions. Cet ordre, cette méthode, si utiles et si secourables dans toutes les affaires, paraissent surtout nécessaires à une époque où pour la première fois depuis longtemps on vient de I toutes les parties du royaume s'occuper des finances du plus grand empire de l'Europe.
Voici donc, Messieurs, un résumé précis des divers examens que vous aurez â faire:
1 Examen de l'état des revenus et des dépenses fixes ;
2° Examen des moyens les plus propres à rendre facile et distincte en tous les temps Ja connaissance de l'état des finances;
3° Examen des économies et des améliorations qui peuvent servir à rapprocher la somme des revenus fixes de celle des dépenses fixes ;
4° Examen des ressources nouvelles qui peuvent mettre au niveau les revenus et les dépenses fixes ;
5° Examen des besoins extraordinaires de cette année et des ressources qui peuvent y correspondre;
6° Examendes besoins extraordinaires et prévus
pour l'année prochaine ou la suivante, et des moyens qui peuvent y subvenir facilement ;
7° Examen particulier de l'étendue des anticipations, de leur nature* de leur dépense, et des dispositions les plus propres à rènure ce genre d'emprunt économique et à délivrer des inquiétudes qu'il occasionne;
8° Examefi de la constitution d'une caisse d'à-mortissettient et de ses rapports avec la netteté et la clarté des comptes de tin ah ce ;
9° Examen des améliorations successives, soit eh augmentation dès retenus annuels, soit en diminution des dépenses anûtiëiles, qui peuvent composer naturellement lè' fonda d'amortissement ;
10° Examen des fonds extraordinaires qui peuvent être destinés à la caisse d'amortissement ;
11° Examen et choix des portions dè la dette publique dont l'extinction serait la plus utile, ét à laquelle il faudrait destiner lès premiers fonds d'amortissement ;
12° Examen dés dettes eft arriére et dè leurs différentes fiatures.
11 est temps, Messieurs, de fixer votre attention sur un objet de la plus haute importance. Jë suppose l'ordre rétabli dans les finances d'une ou d'autre manière; il faut que cét ordre soit maintenu ; il faut, autant qu'il est possible, le mettre à l'abri des erreurs et des fautes de tous lès ministres, de tous les agents auquel le souverain d'un graùd erhpire est dans la nécessité dé së Confier.
Tel est ëxpressértient le désir, le Vœu personnel de Sa Majesté. Et, me sera-t-il permis de le dire en sa présetice, jamais prince ne fut porté davantage pàr son caractère, ses mœurs et ses vertus, au maintien de l'ordre et d'une sage économie; et cependant il a vu son repos et son bonheur troubles parla dégradation de ses finances. Sansdouté, la guêrre dans laquelle il a été entraîné par îfeÉ circonstances particulières et par le vœu national a contribué principalement aux embarras des affaires ; mais ce vœu national lui-même eût été plus éclairé, si l'on avait eu une connaissance qu'on aura dorénavant, celle de la mesure et de la nature des ressources, celfë des inconvénients attachés aux grands besoins d'argent.
QUe de maux seront prévenus, que dë biens pourront naître d'une instruction générale et constante sur l'état des finances, d'un intérêt intime et commun à leur prospérité, et des soins que vous prendrez dë concert avec Sa Majesté, pour donner à l'ordre et à l'accord de toutes les pré-cautionsune stabilité durable ! L'affectation particulière de certains revenus à certaines dépenses, la distinction des dépenses extraordinaires, la publicité annuelle des comptes, leur révision dans une forme convenue, la netteté de ces comptes, les précautions, les réserves qui pourront s'accorder avec la dignité royale et l'action nécessaire du service public, enfin tout ce qui pourra constituer d'une manière sage et durable la confiance publique et le bien de l'Etat, Sa Majesté vous invite à en faire l'étude et la recherche, et elle écoutera favorablement les représentations qui lui seront faites et les indications qui lui seront données sur cette grave et importante matière.
Réunissons-nous, Messieurs, le Roi le permet, réunissons-nous pour arranger les choses de telle manière que l'homme le plus ordinaire soit en état à l'avenir de gouverner les affaires du trésor royal, et que l'homme le plus habile ne soit jamais dangereux.
Lorsque vous aurz examiné, Messieurs, la si-
tuation des finances dans son ensemble et daris ses divisions principales, et ensuite, si vous fë voulez, dans ses plus petits détails, vous vous hâterez Sûrement de concourir aux moyens qui peuvent introduire un parfait équilibre entre les reveûUs et les dépenses fixes; car, ainsi que nous l'avons déjà montré, plus cet équilibre sera retardé et plus le mal fera de progrès ; car le déficit exige des emprunts, les intérêts augmentent le déficit, et le prix de ces intérêts s'accroît avec la multiplication des emprunts.
Vous verriez d'unie manière évidente la preuve de cës vérités, si l'on formait le recrieil de tous les moyens dont on a fait usage pour subvenir en divers temps aux besoins de l'Etat.
Je ne puis m'empêcher de m'atrêter un moment sur un principe consacré, dit-on, dans les instructions de plusieurs bailliages. Les arrangements de financé, le consentement aux dispositions nécessaires pour y rétablir l'ordre, sont indiqués comme un objet secondaire, et qui doit être précédé de toutes le^ Concessions et de toutes Jes assurances de la part du Roi, qui peuvent satisfaire le vœu de la nation. De telles conditions ^'arrêteront point le cours des affaires, puisque tous ne demanderez rien sans doute qui ne soit conforme' à la raison, ètque personne dans l'Etat ne veut plus le bonheur des Français que notre auguste moûarque ; mais vous n'oublierez pas en même temps que les besoins des finances ne sont pas distincts des vôtres, que c'est proprement une seule et même chose, puisque les dépenses qui servent à la défense et à la police du royaume, celles qu'exige la justice due aux créanciers de l'Etat, celles qu'entraînent les récompenses décernées à des services réels, celles même que demande l'éclat du premier trône de l'Europe, tontes ces dépenses et d'autres encore concernent la nation comme le monarque.
Enfin, Messieurs, et il est bon de vous le faire observer, afin que vous aimiez encore davantage votre auguste monarque, ce U'est pns à la nécessité absolue d'un secours d'argent que vous devez le précieux avantage d'être rassemblés par Sa Majesté en Etats généraux. En effet, le plus grand nombre des moyens qui vous ont été présentés comme propres "à combler le déficit a toujours été dans la main du souverain. Il est vrai que plusieurs des impôts actuels exigent depuis longtemps un renouvellement à de certaines époques ; mais si l'embarras des finances se fût borné à ce renouvellement, personne ne l'eût compté au nombre des difficultés réelles; et en supposant, si l'on veut, des contrariétés invraisemblables, combien de ressourcés ne seraient pas restées à l'autorité, si le Roi, uniquement inquiet de la situation de ses finances, eût voulu suivre la route que plusieurs de ses prédécesseurs lui avaient • tracée, et s'affranchir en tout ou partie des différentes charges dont la libération eût augmenté I considérablement la richesse du trésor royal? vous en jugerez de même, Messieurs, si vous faites attention que dans le compte des dépenses fixes il reste encore :
' 1° Vingt-neuf millions en pensions ; 2° Huit à dix millions en traitements militaires et civils, tous susceptibles de diminution, ne fût-ce qu'en se laissant aller jusqu'à cette extrême rigidité où ceux qui ont des emplois préfèrent la réduction la plus rigoureuse à la perte de leur ( état;
3° Sept millions environ en remises accordées g aux provinces et aux contribuables, remises né-? cessaires au soulagement des peuples, mais qui
sont toujours, aux termes des lois* un don libre du souverain.
4e Je ne parle pas de la faculté que le Roi aurait eue d'assujettir à une retenue quelconque la totalité des rentes ou des intérêts dont 1' Etat est grevé ; mais je fais observer seulement qu'on a imposé autrefois un dixième sur tous ces payements sans éprouver aucun obstacle, sans exciter aucun trouble ; et une pareille opération eût soulagé les finances du Roi de près de 20 millions par an.
5° Je ne; fais pas entrer dans cet aperçu tes sommes destinées volontairement à des actes de bienfaisance, puisqu'un Roi qui renoncerait au pouvoir de secourir les malheureux perdrait le plus bel apanage et la plus grande jouissance de la souveraineté.
Enfin, si le crédit s'était f établi, le Roi aurait trouvé dans l'extinction annuelle de 1,500,000 livres de rentes viagères le moyen d'emprunter et de dépenser 20 ou 30 millions* tous les ans, sans altérer les rapports entre les revenus et les dépenses ordinaires.
Ainsi, tandis que la France, tandis que l'Europe entière attribue la convocation des Etats généraux à la nécessité absolue, au besoin inévitable d'augmenter les impositions, l'on voit par ce résumé précis qu'un Roi jaloux uniquement de son autorité aurait trouvé dans les retranchements soumis à sa puissance ou à sa volonté un moyen de suffire aux circonstances et de se passer de nouveaux tributs.
C'est uniquement en temps de guerre que les embarras des finances surpassent l'étendue des ressources ou des expédients de tout genre dont on pourrait faire usage, et dont les règnes précédents ont donné l'exemple. Il faut pendant la guerre un crédit immense, et ce crédit ne se commande point ; mais au milieu de la paix un Roi de France qui se permettrait d'exécuter tous les retranchements de rentes, d'intérêts, de pensions, d'appointements, d'encouragements, de secours, de remises, et d'autres dépenses de ce genre, dont le tableau de ses finances lui donnerait l'indication, ne se trouverait jamais environné de difficultés d'argent qu'il n'eût la puissance de fran -chir.
C'est donc, Messieurs, aux vertus de Sa Majesté que vous devez sa longue persistance dans le dessein et la volonté de convoquer les Etats généraux du royaume. Elle se fût tirée sans leur secours de l'embarras de ses finances, si elle n'eût mis un grand intérêt à maintenir les droits de la propriété, à conserver les récompenses méritées par des services, à respecter les titres que donne l'infortune, et à consacrer enfin tous les engagements émanés des souverains d'une nation fidèle à l'honneur et à ses promesses.
Mais Sa Majesté, constamment animée par un esprit de sagesse, de justice et de bienfaisance, a considéré dans son ensemble et sous le point de vue le plus étendu l'état actuel des affaires publiques ; elle a vu que les peuples) alarmés de l'embarras des finances et de la situation du crédit, aspiraient à un rétablissement de l'ordre et de la confiance qui ne fût pas momentané, qui ne fût pas dépendant' des diverses vicissitudes dont on avait fait l'épreuve. Sa Majesté a cru que ce vœu de là nation était parfaitement juste ; et désirant y satisfaire, elle a pensé que, pour atteindre un but si intéressant, il fallait appeler de nouveaux garants de la sécurité publique, et placer, pour ainsi dire, l'ordre des finances sous la garde de la nation entière. C'est alors en effet qu'on cessera de rapporter le crédit à des circonstances
passagères, c'est alors que les inquiétudes sur l'avenir ne troubleront plus le calme et la tranquillité du présent; c'est alors que chacun s'estimera riche de tout ce qu'il possède en créances sur le Roi et sur l'Etat ; c'est alors que les propriétaires innombrables de toutes les portions de la dette publique seront en repos sur leur fortune, et se trouveront disposés à venir au secours de la France quand ses dangers pourront le demander.
Ainsi, Messieurs, la connaissance positive et indispensable de la véritable situation des finances, l'établissement de l'ordre, la certitude de sa permanence auront des effets incalculables. Qui serait assez inconsidéré pour se priver de l'intérêt de ses fonds, quand cet avantage ne serait acheté par aucune certitude ? Cependant cette sijnple détermination, si elle avait lieu dans un royaume tel que la France, dans un royaume propriétaire bientôt de 2 milliards et demi d'argent monnayé, produirait le mouvement le plus prospère. Des capitaux immenses soigneusement renfermés, des capitaux semblables en ce moment aux murs et à l'airain qui les environnent, ces capitaux viendraient par un heureux retour enrichir la circulation et grossir au milieu de nous ce flot de la richesse publique. Et qu'on se figure l'époque peut-être peu éloignée où l'exactitude des payements, la rareté des emprunts, leur cessation absolue et l'action salutaire d'une caisse d'amortissement réduiraient l'intérêt à 4 0/0, et forceraient à considérer ce prix comme le seul auquel on doit aspirer. Alors, non-seulement les finances de l'Etat s'amélioreraient par la réduction libre des intérêts les plus onéreux , mais un effet plus important, c'est qu'une diminution générale dans le produit des fonds publics rendrait des sommes considérables au commerce et à l'agriculture, et leur procurerait sans efforts les secours les plus nécessaires, l'encouragement le plus efficace.
Que l'on compare à tant d'effets salutaires, que l'on compare à tant d'avantages le bénéfice qui résulterait d'un rabais injuste sur les rentes légitimement dues, et l'on verra promptement laquelle des deux politiques mérite la préférence.
C'est ainsi, je dois le dire encore, c'est ainsi que la fidélité des engagements, c'est ainsi que la justice des rois entraînent une multitude de dépendances qui toutes ont une intime relation avec la durée et la prospérité des empires. Et sans ce principe de droiture qui doit servir de guide dans [toutes les déterminations, un prince, une nation même ne pourraient suffire à l'administration des affaires publiques; alors à chaque instant on chercherait sa route, on irait en avant, on retournerait sur ses pas, on s'égarerait en circuits et l'on se trouverait insensiblement dans un labyrinthe de doutes et d'incertitudes. Oui, tout est personnel, tout est séparé, tout est exception quand on abandonne ces deux grandes généralités, la morale publique et la morale particulière.
Cependant, Messieurs, ce serait sans doute considérer les Etats généraux d'une manière bien ; limitée, que de les voir seulement sous le rapport | de la finance, du crédit, de l'intérêt de l'argent j et de toutes les combinaisons qui tiennent im-l médiatement aux revenus et aux dépenses.
On aime à le dire, on aime à le penser, ils doivent servir à tout, ces Etats généraux ; ils doivent appartenir au temps présent et aux temps à venir ; ils doivent pour ainsi dire observer et suivre les j principes et les traces du bonheur national dans
toutes ses ramifications; ils doivent, après avoir bien connu les principes de ce bonheur, s'appliquer à la recherche des moyens qui peuvent l'effectuer et le rendre solide. Un vaste champ est encore en friche, mais partout il promet des fruits salutaires.
Quel pays offrit jamais plus de moyens de prospérité 1 quel pays fit jamais naître plus d'encouragements et plus d'espérances ! La douce et bienfaisante température du climat, un sol fécond et varié dans ses bienfaits, des rivières navigables qui facilitent toutes les communications, des ports qui dominent les deux mers, des colonies plus riches et plus fertiles que celles de toutes les autres nations, des manufactures particulières, des établissements de diverses natures dans l'intérieur du royaume; des Français enfin, c'est-à-dire des hommes exercés à tous les genres de travaux et propres à toutes les tâches que le génie et la gloire peuvent imposer : aux arts polis de la paix et aux fatigues de la guerre, au commerce et à la navigation, aux pénibles labeurs de l'agriculture et aux studieuses recherches des sciences. Uue de matériaux, que d'instruments réunis pour élever un royaume au plus haut degré de prospérité 1 et qiiel moment encore est choisi dans la route des siècles pour appeler la nation entière à construire, à affermir le majestueux édifice du bonheur public! C'est à une époque où les lumières générales paraissent s'être approchées du dernier terme de leur perfection ; c'est à une époque où les préjugés, où les restes d une ancienne barbarie ne tiennent plus que par des liens usés, affaiblis et tout prêts à se rompre; c'est à une époque où l'univers entier semble demander à la France, pour Thonneur et la gloire de l'humanité, un noble et grand emploi des rares et singuliers avantages dont elle est l'unique dépositaire ; c'est à une époque enfin où, par un bonheur inappréciable, l'on voit assis sur le trône antique et révéré des monarques français un prince que le ciel paraît avoir désigné pour favoriser les efforls du génie national et de l'esprit de patrie. 11 peut appeler les représentants de ses sujets à venir le seconder dans ses augustes desseins, parce qu'il a une idée juste de la véritable grandeur, parce qu'il sait, parce qu'il sent que la gloire du monarque et le bonheur de ses peuples sont inséparables, et que l'éclat d'un règne s'accroît par la splendeur du siècle où il se trouve placé.
Enfin, les ministres du souverain se trouvent en ce moment d'un caractère sage et tempéré ; ils ne sont égarés par aucun système, ils ne sont emportés par aucune idée prédominante et ils s'estiment heureux de servir sous un Roi qui ne sépare pas ses intérêts de ceux de la nation.
Que leur fallait-il donc de plus, diraient un jour les races futures, si nous perdions de si favorables circonstances, que leur fallait-il donc de plus pour fonder les bases du bonheur public et d'une inébranlable prospérité ? Ah ! pensez-y bien, Messieurs, il est un concours d'événements qui ne se retrouve jamais ; mais, pour en profiter, adoptez un esprit de mesure et de sagesse, voyez un grand but et n'en détournez jamais vos regards; réunissez-vous autour de l'autel du bien public, afin de vous écarter de.ee dangereux foyer de prétentions rivales qui vous détourneraient d'un culte plus digite de vous.
Echangez les petits intérêts particuliers contre cette grande et majestueuse part à l'intérêt universel ; faites que le titre de Français vous vaille plus de gloire et plus de profit que celui d'habi-
tant de telle province, de tel bailliage ou de tel ressort. Enfin, Messieurs, j'oserai vous le dire (car des hauteurs de la raison l'on n'est étonné par aucun spectacle, on n'est affaibli par aucun ascendant, on n'est subjugué par aucun empire), j'oserai donc vous le dire, vous serez responsables envers le Roi, vous le seroz envers la nation, vous le serez envers la postérité, vous le serez peut-être envers le monde entier si vous ne vous livrez saus réserve à la recherche impartiale du bonheur public, si vous ne déposez pour quelque temps les particularités qui vous séparent, pour vous livrer sans partage à ces grands intérêts qui vous appellent.
Vous les retrouverez de reste quand vous le voudrez, ces dis tin étions ou ces séparations qui mettent les citoyens en opposition les uns avec les autres en raison de leur état et de leur naissance , on n'a garde de vous inviter à les oublier entièrement; elles entrent même dans la composition de l'ordre civil ; elles forment cette chaîne si nécessaire pour la règle et la subordination de tous les mouvements de la société ; mais on doit suspendre pour un temps ces considérations rivales, et si quelque chose peut en adoucir l'aspérité, c'est de n'y revenir qu'après s'être occupé longtemps en commun de la chose publique.
Mais, Messieurs, quelle diversité d'objets s'offriront de toutes parts à votre considération ! l'esprit en est effrayé, même en se bornant aux branches d'administration qui ont une connexion avec les finances.
Peut-être, à cette tenue, ne voudrez-vous en prendre qu'une idée générale, en vous réservant d'y revenir lorsque d'une ou d'autre manière vous aurez réuni tous les renseignements qui vous sont nécessaires, et que, du sein même de votre Assemblée, vous aurez préparé les voies aux instructions et aux examens les plus propres â capter votre confiance.
Le Roi, vous considérant, Messieurs, comme associés dès ce moment à ses conseils, écoutera non-seulement avec attention et intérêt toutes les ouvertures et les propositions qui lui viendront de votre part, mais Sa Majesté vous fera communiquer encore toutes les idées qui lui paraîtront mériter votre examen ; c'est par un concert absolu entre le gouvernement et cette auguste Assemblée que les affaires du Roi et de la nation seront mieux traitées et mieux entendues, et que l'on approchera plus sûrement de l'heureux terme auquel il faut tendre.
Assez de difficultés prises dans les choses même viendront éprouver votre courage et le rendre nécessaire, il faut au moins que vous receviez des ministres du Roi toute l'aide que vous pourrez désirer, et que vous trouviez en eux le concours dont vous croirez avoir besoin .
Et puisque dans un grand ensemble et dans une complication d'affaires infiniment variées, c'est par la méthode que l'on fait route plus promptement, il ne sera pas inutile de vous rendre compte de l'idée que Sa Majesté a conçue de l'ordre de vos examens et de vos recherches.
Le gouvernement est bien loin de vouloir vous tracer aucune marche, mais il a eu besoin lui-même* de s'en former une idée, afin de faire recueillir les divers renseignements que vous pourrez demander.
Il semble, Messieurs, qu'en allant en avant dans la recherche du bien de l'Etat, vous devez, pour hâter vos travaux et perdre le moins de temps possible en vaines tentatives, diviser les obje's de votre réflexion en deux classes.
L'une rassemblerait les améliorations qui dépendent nécessairement des délibérations de ja 'nation entière représentée par des députés aux 'Etats généraux ; l'autre comprendrait les bonifications qui doivent être exécutées par l'administration particulière de chaque province. — Le 'Roi, dans le seul dessein de rendre votre travail jplus facile, m'a commandé de vous donner un [premier indice de ces deux divisions.
On eût indiqué d'abord les dispositions relatives là l'ordre des finances, si cette matière ne venait jpas d'être traitée avec étendue.
Quel objet peut en effet intéresser davantage la nation entière que cet ordre et ce juste rapport entre les besoins et les ressources de l'Etat? C'est d'un pareil accord que naissent la tranquillité générale et la certitude de n'être pas appelé sans jnécessité à faire le sacrifice d'une portion de sa fortune; c'est d'un pareil accord aussi que naissent la confiance intérieure et le ménagement des moyens qui étendent au dehors la force et la puissance de l'Etat.
II.
On doit mettre encore au premier rang, parmi les améliorations qui intéressent tous les habitants du royaume, l'établissement des principes qui doivent assurer une égale répartition des impôts,,et je distingue ici les principes de leur application.
Les principes appartiennent à la délibération des Etats généraux, et l'application de ces principes regarde l'administration particulière de chaque province.
Il faut le concours de la nation, il faut toute la force législative pour déterminer qu'il n'y aura 'désormais aucunes distinctions pécuniaires entre Iles divers ordres de l'Etat, et qu'on abolira pour .toujours jusqu'au nom des impôts qui conserveraient les vestiges d'une désunion aont il est si ipressant d'effacer la mémoire. y
Mais le principe une fois admis, c'est à l'administration de chaque province qu'il faut s'en rapporter pour apprécier l'étendue, diverse en chaque lieu, de la taille personnelle et de la capitation taillable, et pour faire choix des moyens les plus jconvenables de convertir ces impôts en un autre genre de contribution.
On a fait des recherches pour arriver à connaître distinctement l'étendue respective de la taille purement territoriale et de la taille personnelle ; mais ces informations sont difficiles à acquérir, parce que dans plusieurs provinces la 'portion de taille que supporte un colon en raison de sa propriété territoriale se trouve confondue dans le même article avec celle qui lui est imposée en raison de son industrie ou de sa fortune mobilière.
Il est des détails dont une Assemblée nationale toeut difficilement prendre connaissance avec certitude et précision ; ainsi, comme on vient de le dire, lorsque vous aurez consacré le principe général, vous penserez sans doute que l'application
exacte de ce principe doit appartenir à l'administration particulière de chaque province.
Les différences d'impôts dans les pays de droit écrit n'entraînent aucune distinction humiliante. Le noble, propriétaire d'un bien roturier, paye toutes les taxes affectées à ce genre de possession, et le bourgeois propriétaire d'un fief jouit de toutes les exemptions attachées à ce sol privi-ligié. L'inconvénient de ces distinctions n'est donc que dans l'inégalité du fardeau supporté par les divers fonds dë terre, et la difficulté de rétablir la parité dérive du préjudice réel que souffriraient les possesseurs de biens nobles, ces biens ayant été acquis et comptés dans le partage des familles pour un capital proportionné aux prérogatives qui leur étaient assurées. L'on ne pourra donc détruire entièrement ces distinctions à l'égard des propriétaires laïques, sans admettre, sans chercher du moins en même temps un système de compensation ou d'indemnité.
Ges règlements dissemblables sont vicieux dans l'ordre politique, puisqu'ils jettent sur une seule partie des terres tout le poids des impositions; mais cette réflexion doit être balancée avec les égards dus aux droits de propriété. Les lois de la justice sont aussi un patrimoine commun, et chacun a droit de réclamer leur appui.
Ce n'est donc pas sous de simples rapports d'administration qu'une si grande question peut être jugée ; il semblerait même qu'elle devrait appartenir aux délibérations particulières de chaque province, si l'on ne prévoyait pas que les Etats généraux seraient appelés à intervenir dans cette importante question, et si l'Etat pris collectivement n'était pas intéressé à maintenir dans toutes les provinces le plus d'égalité possible dans la répartition des impôts, afin que chaque partie du grand ensemble jouisse de toutes ses forces et puisse ainsi concourir dans une même proportion aux divers besoins du royaume.
III.
Une répartition plus équitable des impôts entre toutes les provinces ne peut être soumise qu'à l'examen et aux délibérations delà nation entière assemblée en Etats généraux. Il faut, pour sefot-mer une juste idée des disproportions qui existent aujourd'hui, acquérir une connaissance exacte de la somme contributive de chaque prôvince, et s'instruire des exceptions et des franchises dont quelques-unes d'entre elles sont en possession. Il faut ensuite, pour juger sainement du degré d.e justice ou de convenance de ces différentes inégalités, avoir une notion certaine de l'étendue et de la population de chaque province, et il faut examiner les diverses circonstances qui augmentent ou qui restreignent leurs ressources.
On mettra sous vos yeux, Messieurs, un tableau général de la population, de l'étendue et des contributions de chaque généralité ; on vous fera connaître aussi les immunités dont jouissent plusieurs provinces : mais la réunion de vos lumières formera, sans contredit, la meilleure des instructions relativement aux avantages et aux désavantages respectifs de toutes les parties du royaume.
Vous considérerez, Messieurs, si c'est à une première tenue des Etats généraux qu'il convient de chercher à établir plus d'égalité entre les contributions de chaque province. Vous observerez, sans doute, que plusieurs de ces inégalités dérivent d'anciens titres constitutifs, et vous vous trouveriez nécessairement engagés dans plusieurs contestations difficiles et délicates, si vous vou-
liez, dès cette première Assemblée, adopter une règle de proportion plus conforme aux principes généraux de l'équité ; ainsi vous croirez peut-être plus sage de vous en tenir aujourd'hui à l'examen des circonstances élémentaires qui pourront servir à remplir, dans un autre temps, le but auquel vous désirerez de parvenir. Ce qu'il faut, avant tout, pour élever le grand édifice du bonheur public, c'est de la paix et de la concorde; ainsi les amis de ce bonheur doivent renvoyer à d'autres époques les idées de perfection et même de justice dont l'application ne pourrait se faire sans exciter de vives réclamations. Assez d'autres sujets d'ombrage et dé défiance séparent aujourd'hui les esprits ; il ne faut pas, pour se hâter de mettre la dernière main à un système général, ouvrir des discussions dangereuses. Les améliorations de tout genre arriveront d'elles-mêmes à l'aide du temps; et il faut, avant tout, consolider le terrain sur lequel on veut bâtir.
Les mêmes observations sans doute ne sont pas applicables à l'établissement de l'égalité des répartitions entre les particuliers contribuables; cette égalité est sollicitée depuis longtemps par la plus nombreuse partie de la nation. Les deux ordres privilégiés ont déjà fait éclater de toutes parts les sentiments de justice et d'équité qui les animent, et le projet qu'ils ont formé de renoncer volontairement aux avantages pécuniaires dont ils jouissent.
J'ajouterai qu'une décision sur l'égalité de la répartition entre les contribuables, bien loin d'être a craindre dans ce moment, comme le serait peut-être une discussion sur les. charges respectives de chaque province, deviendrait sûrement une source précieuse d'harmonie. La parité une fois établie entre les sacrifices pécuniaires des différents ordres, combien de difficultés s'applani-raient ! Il ne faut qu'une seule cause d'ombrage et de rivalité pour fortifier et rassembler tous les prétextes d'opposition ; mais aussitôt que le principal motif d'éloignement est détruit, on n'aperçoit, on ne sent plus que les raisons diverses qui doivent porter à se rapprocher et à s'unir.
IV.
Il est des impôts qui peuvent être modifiés différemment dans chaque province sans qu'il en résulte aucun préjudice pour le reste du royaume ; tels sont les aides et tous les droits purement locaux, et l'on peut s'en remettre aux délibérations de chaque province sur la manière de réformer ou de changer ces sortes de contributions, sous la seule condition importante pour l'Etat de faire verser la même somme au trésor royal. Mais il est des impôts dont le produit s'évanouirait ou s'affaiblirait considérablement, si on dérangeait partiellement les lois auxquelles leur recouvrement est assujetti. Que dans une des provinces assujetties aujourd'hui à la gabelle ou à la vente exclusive du tabac, on voulût se soustraire à ces impôts en les remplaçant par quelque autre, une telle disposition ne pourrait avoir lieu d'une manière isolée, sans blesser l'intérêt général. En effet, la faculté qu'aurait une nouvelle province de vendre à bas prix les denrées dont la vente privilégiée constitue une des ressources de l'Etat, nuirait essentiellement aux revenus du Roi, à moins qu'avec beaucoup, de dépenses, et à force de gardes et de lois fiscales, on ne parvînt à séparer cette même province du reste du royaume. C'est du mélange des pays francs et des localités soumises à l'impôt que naît une
source intarissable de fraudes et de contrebandes; et il résulte de ces observations que les changements et les modifications applicables à certains droits généraux doivent être préparés ët convenus dans l'Assemblée nationale.
J'ai cité parmi ces droits les impôts établis sur le sel et le tabac; mais ceux qui se perçoivent aux frontières du royaume sont soumis au même principe. Les obstacles apportés à l'entrée et à la sortie de quelques marchandises deviennent nuls quand ils ne sont pas généraux, ou bien l'on se trouve obligé d'établir des barrières entre les provinces intérieures et celle qui trafique librement avec l'étranger.
Les droits imposés sur certaines fabrications doivent encore être soumis à des règles uniformes, puisque toute exemption accordée à une province en particulier lui donnerait sur les autres un avantage qui écarterait leur concurrence.
La diversité des droits sur les actes n'est pas aussi préjudiciable au revenu du Roi que les autres disparités dont on vient de parler ; car on ne peut jouir de la modération de ces droits dans un lieu particulier, sans s'y transporter personnellement. Cependant la communication de proj-che en proche rendrait toujours préjudiciable au revenu du fisc la disparité des droits sur les transactions, et sous ce rapport leur uniformité devient intéressante pour l'Etat.
Ces divers exemples suffisent pour faire connaître qu'il est des impôts dont la réforme ou les changements doivent appartenir à la délibération d'une Assemblée nationale, tandis que la modification de certaines contributions peut être sou|-mise sans aucun inconvénient à l'administration particulière de chaque province.
On a préparé, messieurs, des renseignements et des mémoires sur toutes les parties d'impôt qui pourront occuper l'intérêt et l'attention des Etats généraux; ainsi l'on n'entrera pas ici dans des explications plus étendues.
V
Le plus grand nombre des questions et des règlements de commerce sont du ressort de l'Assemblée commune de la nation, car les mêmep principes doivent fixer les relations et les conr nexions de la France avec les nays étrangers, favoriser également l'industrie aans toutes les provinces, et affranchir le génie national des entraves qui peuvent arrêter ses efforts.
11 est une grande délibération relative au commerce français, qui pourra fixer plus particulièrement votre attention, c'est l'examen des avantages d'une compagnie exclusive pour exercer lé commerce au delà du cap de Bonne-Espérance.
On a tellement varié d'opinion et de principes sur cette question, et il est résulté tant d'inconj vénients de ces vacillations, que Sa Majesté a cru devoir différer de donner une dernière dé[ cision jusqu'à ce qu'elle eût été éclairée par le$ avis des représentants de la nation. Une déter-j mination prise à la' suite d'une consultation si authentbique aura du moins l'avantage de fixe^ pour toujours la marche du commerce, et de préj venir les doutes et les incertitudes qui rendent cette marche craintive: et en arrêtent les progrès!
Le Roi a donc ordonné, Messieurs, qu'on re4 cueillît les mémoires propres à vous éclairer su f cette importante question, et qu'on vous le$ remît au moment où vous pourrez vous en occuper. Mais dans toutes les suppositions vous
penserez sûrement. Messieurs, que la plus exacte justice doit être observée envers les actionnaires.
Il est un autre établissement public très-important et très-connu, dont le Roi désire que vous preniez connaissance, afin que votre sanction donne à cet établissement un nouveau degré de force et de solidité; je veux parler de la caisse d'escompte. Cet établissement n'existe encore que sous l'autorité des arrêts du conseil ; mais son utilité généralement avouée l'a soutenu, l'a agrandi et l'a mis en état de résister aux divers chocs occasionnés par les révolutions successives du crédit public.
La caisse d'escompte est une fondation particulière, et qui, pour remplir son objet, a besoin d'être indépendante ; mais comme sa faveur et sa consistance dépendent de l'opinion publique, les administrateurs de cet établissement désirent eux-mêmes d'en, faire connaître toutes les particularités aux Etats généraux, et de trouver dans l'approbation et la sanction de cette Assemblée un nouvel encouragement et un nouvel appui. Ils s'empresseront donc de mettre sous vos yeux tous les éclaircissements et toutes les connaissances que vous désirerez, et il n'est pas douteux qu'un examen attentif de votre part n'augmente la confiance due a un pareil établissement; mais comme ses relations directes ou indirectes avec les opérations publiques sont inévitables, sa grande force résultera de l'ordre général et indestructible qui sera introduit et maintenu dans les finances du Roi.
Les causes de l'agiotage dont on a senti pendant quelque temps les dangereux effets fixeront peut-être aussi votre attention. Cet agiotage est très-peu remarquable en ce moment, et vous observerez facilement que son action se développe surtout lorsqu'on n'aperçoit aucune stabilité dans les principes de l'administration, et lorsque lé public, tenu dans l'ignorance et incertain dans ses jugements, devient plus aisément susceptible d'espérances ou d'alarmes exagérées. Aucune de ces causes d'agiotage ou de vacillations fréquentes dans le prix des fonds publics ne subsistera, lorsque les rapports entre les revenus et les dépenses de l'Etat seront universellement et constamment connus; et lorsque ces rapports seront devenus invariables, chacun pourra se faire une idée juste de la valeur et de la sûreté de la dette publique. C'est alors qu'insensiblement il s'établira une opinion inébranlable, contre laquelle les fausses insinuations des agioteurs deviendront impuissantes.
Vous verrez encore, Messieurs, en, étudiant la question des fonds publics, qu'ils sont divisés en un trop grand nombre de dénominations et que la somme de ceux payables au porteur est trop considérable : il y aurait de la convenance à en réunir une grande partie sous un seul titre, et à les convertir dans un papier facilement négociable, mais qui ne fût pas au porteur. Cependant, comme les changements de ce genre peuvent, pendant un temps, influer désavantageusement sur le prix des fonds, vous croirez peut-être plu3 convenable de renvoyer cette disposition à l'époque où les fonds publics portant 5 0/0 d'intérêt se vendraient au pair; et il dépend de la sagesse de vos mesures qu'une telle époque ne soit pas éloignée.
VI.
L'examen du parti que Ton peut tirer des do-
maines de la couronne; et le choix des dispositions qu'il serait juste d'adopter à l'égard des domaines engagés, seront encore un objet digne de de la plus sérieuse considération. Les domaines réels qui existent entre les mains du Roi, si l'on en excepte les forêts, se montent aujourd'hui à une somme très-modique : leur produit annuel se réduit à environ 1,600,000 livres, et la majeure partie est située en Lor aine.
On vous fera connaître ces domaines en détail, et l'on mettra sous vos yeux les divers moyens qu'on propose pour les rendre plus utiles.
Vous voyez, Messieurs, que le Roi, en s'occu-pant des intérêts de l'Etat, ne distingue point les revenus particuliers de ses domaines de ceux qui dérivent des contributions publiques. Le Roi ne veut connaître, le Roi ne veut aimer qu'un seul de ses titres, celui de père et de protecteur de ses peuples.
Vous étendiez, Messieurs, vos réflexions sur le produit et l'administration des forêts; et si vous pensez que cette partie des revenus du Roi doit être soignée partiellement, vous approuverez probablement l'intention où est Sa Majesté de se concerter avec les états particuliers de chaqus province, pour s'aider de leurs lumières et de leur surveillance, et pour lier de quelque manière l'intérêt de ces provinces à l'accroissement des produits de la partie des forêts du Roi située dans leur arrondissement.
La question générale des domaines engagés, la détermination des principes qu'il est nécessaire d'adopter à cet égard, présentera peut-être le sujet de discussions plus difficiles.
On vous remettra, Messieurs, les divers arrêts du conseil rendus sur cette matière; on vous instruira des dispositions qui ont été faites en conséquence : les unes ont eu un^commencement de succès ; les autres ont été contrariées dès l'origine. Vous examinerez cette importante affaire, et votre opinion aura du moins le grand avantage d'affermir une fois pourtoutes la marche de l'ad ministration, ou de l'engager à cesser des recherches dont les résultats ont été si souvent et si vainement présentés comme une ressource indéfinie. On reproche au gouvernement d'y renoncer quand il ne fait pas valoir les principes rigoureux du domaine; on lui reproche sa sévérité quand il exerce ces mêmes droits; et au milieu de beaucoup d'exagérations, de beaucoup de critiques injustes, la marche de l'administration devient incertaine et timide.
Vous pourriez, Messieurs, fixer pour toujours ces doutes, le Roi écoutera vos conseils avec la confiance due à la réunion de vos lumières, et à la garantie du vœu national que vous seuls pouvez donner légitimement.
VIL
La grande question du commerce des grains attirera sûrement vos plus sérieuses réflexions. Fut-il jamais de circonstances où cette question se soit présentée sous un aspect plus grave et plus important! Nous avons vu, dans le cours de cette année, la liberté la plus indéfinie rendue légale; nous avons vu cette liberté encensée de toutes parts, et peu de temps après la prévoyance de Sa Majesté l'a déterminée à défendre l'exportation; prévoyance salutaire et sans laquelle on ne peut déterminer quel eût été l'excès de nos malheurs. Elle n'a pas suffi sans doute pour prévenir la cherté des grains, pour calmer les alarmes, pour arrêter les murmures du peuple, et pour le défen-
dre en beaucoup d'endroits des angoisses inséparables de la disette. Cependant Sa Majesté ne s'en est pas fiée aux efforts des, négociants et à la protection incertaine de l'intérêt particulier : chacun malheureusement fuit le commerce des grains, lorsque les hauts prix amènent le trouble et la défiance. Le Roi a donné des primes d'encouragement; le Roi a obtenu des permissions pour extraire des blés de Sardaigne, de Sicile et des Etats du pape ; le Roi a fait venir à ses frais et à ses risques une quantité considérable de grains et de farine; et si à force de soins et de secours, Sa Majesté a pu suffire jusqu'à présent aux besoins les plus pressants, besoins généraux cette année dans son royaume, elle n'a pu se préserver des plus grandes inquiétudes. Ces inquiétudes se sont mêlées aux difficultés sans nombre de la convocation des Etats généraux; elles se sont mêlées aux embarras journaliers .du trésor royal j enfin, elles se sont réunies aux ménagements sans fin qu'exigeaient les circonstances. Jamais année n'a multiplié tant de traverses et n'a semé tant d'obstacles sur la route de l'administration. On parle d'honneur, on parle de gloire pour vous encourager et vous soutenir : an! dans de certaines crises et au milieu de ses travaux et de ses peines, le sentiment de la part des autres dont un ministre a le plus besoin, c'est de compassion et de pitié. Cependant, Messieurs, ce sont les blés, ce sont les craintes sur la mesure des approvisionnements nécessaires à la subsistance de ses peuples, qui préoccupent impérieusement la pensée du souverain. L'expérience semble avoir démontré qu'une loi générale et constante, soit en faveur d'une liberté parfaite, soit en opposition à ce système, expose à de grands inconvénients et à de sévères conséquences. Mais les combinaisons, la prudence de l'administration doivent-elles être votre seul garant? c'est au gouvernement à désirer avec ardeur que vous puissiez trouver une autre caution, et c'est à lui de vous inviter à chercher un règlement, une instruction, une association au moins à ses peines et à ses inquiétudes, qui allège le fardeau dont il est oppressé, lorsqu'il se voit dans la dure obligation de lutter contre des circonstances souvent invincibles, et de répondre néanmoins à l'attente de tous ceux qui considèrent les soins de l'administration comme une sauvegarde indéfinie.
VIII.
Le tirage de la milice, cette loterie de malheur qui a lieu toutes les années, fixera sûrement votre attention. Il faut que l'Etat ait des défenseurs, il faut qu'il soit sûr d'en trouver dans Je temps où le royaume est en danger; mais si des sacrifices d'argent supportés par l'universalité des habitants de la France pouvaient obvier aux inconvénients des enrôlements forcés ou en tempérer du moins les sévères effets,, vous dirigerez sûrement votre attention vers la recherche d'un point de conciliation si désirable.
Le peuple des campagnes vous a remis ses intérêts, l'humanité seule vous eût engagés à les prendre sous votre garde, et le tendre père de tous ses sujets, le protecteur le plus sensible des malheureux, votre auguste monarque vous invite particulièrement à rechercher, à lui indiquer toutes les dispositions qui peuvent adoucir le sort de la classe la plus infortunée et la plus délaissée des citoyens de l'Etat.
Déjà, par les ordres exprès du Roi, le département de la guerre s'est occupé de l'important
objet d'administration dont on vient de vous parier. Sa Majesté vous fera communiquer les observations et les idées qui ont été recueillies, et elle verra avec satisfaction que vous puissiez concourir par vos lumières à l'adoption d'un plan raisonnable et propre à concilier les vues de sagesse et de bonté dont Sa Majesté est constamment animée.
IX.
C'est à l'honneur du Roi, c'est en souvenir, c'est en hommage pur et sensible de ses bienfaits, que nous vous rappellerons les maux de la corvée. puisque les cnemins, dans presque tout le royaume, sont aujourd'hui entretenus et construits à prix d'argent.
Vous aimerez sans doute, Messieurs, à consacrer l'abolition d'un asservissement qui a fait verser tant de larmes. Vous ne voyez plus sur les routes desB hommes distraits par force de* leurs occupations journalières, pour venir sans salaire et sans récompense frayer et préparer les chemins qui facilitent le transport du commerce, le débit des moissons du propriétaire et la communication des richesses. Le travail qui doit servir à tous est maintenant payé par tous dans une exacte proportion des différentes facultés.
Il n'est pas douteux qu'en raison de cette règle, tel homme de peine à qui l'on demandait gratuitement chaque année sept ou huit jours de son temps, se trouve affranchi de cette dure obligation par une contribution pécuniaire qui représente à peine la dixième partie de son ancien sacrifice. Vous êtes encore à temps, Messieurs, d'être associés pour une part aux dispositions bienfaisantes de Sa Majesté, puisque vous pouvez l'aider à détruire les dernières traces de la corvée dans une grande province où elle est conservée; vous réunirez vos vœux au désir déjà manifesté par Sa Majesté pour délivrer le peuple breton d'un joug auquel il est encore assujetti, et si ces deux mots effrayants, la taille et la corvée, sont rayés pour toujours des registres de radministration des finances et du code français, cette seule délibération suffirait pour signaler honorablement les Etats généraux de 1789.
Un jour viendra peut-être, Messieurs, où vous étendrez plus loin votre intérêt; un jour viendra peut-être où, associant à vos délibérations les députés des colonies, vous jetterez un regard de compassion sur ce malheureux peuple dont on a fait tranquillement un barbare objet de trafic; sur ces hommes semblables à nous par la pensée et surtout par la triste faculté de souffrir; sur ces hommes cependant que, sans pitié pour leurs douloureuses plaintes, nous accumulons, nous entassons au fond d'un vaisseau pour aller ensuite à pleines voiles les présenter aux chaînes qui les attendent.
Quel peuple aurait plus de droits que les Français à adoucir un esclavage considéré comme nécessaire, en faisant succéder aux maux inséparables de la traite d'Afrique, aux maux qui dévastent deux mondes, ces soins féconds et prospères qui multiplieraient dans les colonies même les hommes destinés à nous seconder dans nos utiles travaux! Déjà une nation distinguée a donné le signal d'une compassion éclairée; déjà l'humanité est défendue au nom même de l'intérêt personnel et des calculs politiques, et cette superbe cause ne tardera pas à paraître devant le tribunal de toutes les nations. Ah ! combien de sortes, de satisfactions, combien d'espèces de
gloire sont réservées à cette suite d'Etats généraux qui vont reprendre naissance au milieu d'un siècle éclairé ! Malheur, malheur et honte à la nation française si elle méconnaissait le prix d'une telle position, si elle ne cherchait pas à s'en montrer digne, et si une telle ambition était trop forte pour elle !
Celle d'entre vos délibérations, Messieurs, qui est la plus pressante, celle dont l'utilité aura le plus d'influence sur l'avenir, concernera l'établissement des Etats provinciaux. Ces Etats bien constitués s'acquitteront de toute la partie du bien public "qui ne doit pas être soumise à des principes uniformes; et il serait superflu, Messieurs, de fixer votre attention sur la grande diversité de choses bonnes et utiles qui peuvent être faites clans chaque province par le seul concours du zèle et des lumières de leur administration particulière.
On l'a déjà dit, la conversion des aides et de tous les droits locaux dans d'autres moins onéreux et d'une perception moins dispendieuse, ou la simple modification de ces mêmes droits, sont des dispositions qui appartiennent à l'adminis-iration de chaque province, puisque ces changements peuvent être exécutés dans un lieu et rejetés dans un autre, sans qu'il en résulte aucun inconvénient.
On doit ranger encore dans la même classe la juste et sage répartition des impositions territoriales et personnelles; la distribution éclairée des (soulagements dus à la misère d'une paroisse ou à la détresse d'un contribuable; l'entretien économique des chemins et la confection des nouvelles routes; la bonne dispensation des travaux qui assurent la subsistance du peuple dans les maisons malheureuses ou dans les temps de calamité; les encouragements que peut exiger un nouveau genre d'industrie, de commerce ou de culture; enfin tant d'autres détails dont la connaissance est aujourd'hui universellement répandue. Ce n'est pas tout cependant, car si les Ktats Iprovinciaux acquièrent des droits à la confiance jpublique , Sa Majesté leur déléguera plusieurs Isoins dont ses ministres et celui de la finance en particulier ont été chargés jusqu'à présent. On peut mettre dans ce nombre la surveillance des hôpitaux, des enfants trouvés, des prisons et des dépôts de mendicité, ou plutôt les changements qui paraissent indispensables dans ces différentes parties de l'administration. Les renseigner ments généraux ne suffisent point, et chaque province semble exiger des exceptions particulières ; car le naturel des habitants, leur degré d'intelligence et d'activité, le climat, le jgenre de culture, influent beaucoup sur la manière de soulager les indigents ou d'en diminuer le nombre. Protéger le pauvre, prévenir sa misère, détruire les penchants vicieux qui la produisent communément, voilà sans doute les caractères distinctifs d'une excellente institution sociale; mais quand l'administration première doit appliquer ces principes aux circonstances particulières, quand du centre où elle se trouve [placée elle doit étendre ses regards à une prodi-igieuse circonférence, son attention est trop par-Itagée pour ne pas devenir superficielle; et ce-
pendant il est une multitude de biens, comme nous venons de le dire, dont l'exécution dépend d'une discussion approfondie et d'une application continuelle à lever les moindres difficultés. Le plus petit administrateur d'hôpital au fond d'une province a plus de ressources pour défendre un abus qu'un premier ministre du roi de France n'aurait de moyens pour l'extirper. Tout échappe, tout fuit par les détails, quand on n'est pas à la distance nécessaire pour les atteindre. Quels biens ne pourront donc pas faire les Etats provinciaux ! quel service ne pourront-ils pas rendre à l'humanité souffrante, s'ils inspirent au Roi de la confiance dans leur zèle et leur activité, et s'ils encouragent Sa Majesté à les associer à la plus précieuse et à la plus douce des fonctions de l'autorité souveraine, la défense et la protection des malheureux ! — Le Roi pourrait également se reposer sur eux de l'inspection sur les dépenses des communautés et des villes.
Combien de municipalités ne se sont-elles pas endettées, parce que l'administration première n'a pu suivre exactement leur gestion ? On aperçoit à chaque instant de quelle utilité pourraient être une action et une censure plus rapprochées de celte multitude d'abus inséparables de l'humanité.
Ce n'est pas ici le moment de se livrer à de plus grands développements ; il est aisé d'apercevoir que, pour lesbiens partiels etrelatifs à une localité particulière, les meilleurs intermédiaires que le Roi pourrait choisir ce seraient des administrations dont l'organisation serait sage et bien ordonnée.
Il s'était élevé depuis un temps fort reculé une sorte d'ombrage et de défiance entre l'administration ministérielle et celle des anciens Etats : on considérait ces deux administrations comme rivales; et chacune, occupée essentiellement de son autorité, était souvent moins occupée du bien réel des peuples que du privilège de les commander; et malheureusement ce privilège paraissait également maintenu, soit qu'on étendît sa propre action, soit qu'on mît obstacle à celle des autres.
Aucune de ces difficultés, aucune de ces contradictions ne subsistera dans un plan bien ordonné. Le Roi, en assemblant autour de lui les députés de la nation entière, atteste à tous ses sujets par ce grand acte de confiance, qu'uniquement occupé du bien public, c'est avec la nation même qu'il veut l'entreprendre et le réaliser.
Ainsi, soit universellement aux Etats généraux, soit partiellement dans chaque province, les citoyens zélés qui pourront aider Sa Majesté à parvenir au but qu'elle se propose deviendront comme autant de ministres de ses volontés; et nous autres, Messieurs, nous seconderons, non pas de notre pouvoir, puisque ce pouvoir ne consiste que dans notre obéissance aux volontés du Roi, mais de notre ardente affection et de notre extrême volonté, l'établissement d'un ordre bienfaisant et salutaire, propre également à glorifier le règne de Sa Majesté, et à consolider le bonheur de la nation.
Cependant, Messieurs, si ce bonheur peut appartenir en grande part à l'effet des soins dévolus aux Etats particuliers de chaque province, et si vos réflexions vous amenaient encore à penser que, librement élus, ils pourraient fournir un jour une partie des députés des Etats du royaume, ou une Assemblée générale intermédiaire, la composition des Etats provinciaux vous paraîtrait alors une des plus grandes choses dont vous au-
riez à vous occuper. Et comme ont doit être persuadé, Messieurs, que bientôt un même sentiment vous réunira, comme on ne peut douter que mille ou douze cents députés de la nation française ne se sépareront pas sans avoir fait sortir de terre les fondements de la prospérité publique, je me représente à l'avance ce jour éclatant et magnifique, où le Roi, du haut de son trône, écouterait, au milieu d'une Assemblée auguste et solennelle, le rapport que viendraient faire les députés de chaque province. Je les vois ces députés, impatients de mériter l'approbation de leur souverain et les louanges de la nation, je les vois s'arrêter avec orgueil et à Fenvi sur les moyens que leurs Etats auraient employés pour ajouter au bonheur du peuple, ou pour alléger le poids de son infortune; je les vois attentifs à recevoir les uns des autres quelque lumière nouvelle ou quelque notion bienfaisante, afin de les rapporter soigneusement à l'administration dont ils font partie.
Je vois Sa Majesté remarquer ceux dont le zèle et les connaissances auraient le plus d'éclat, et se servir, pour exciter l'amour du bien public, des-divers moyens d'émulation qui sont déposés entre les mains du monarque.
Ah! qu'il serait beau ce moment où, par le concours des lumières de tout un peuple, on découvrirait avec certitude le bien qu'on peut faire dans un royaume tel que la France! Àh! qu'il serait beau ce moment où, par une rivalité généreuse, après avoir connu ce bien, on s'empresserait de le faire!
Ce n'est pas seulement pour former et constituer sagement des Etats particuliers dans lès provinces où il n'y en a point encore, que le Roi aura besoin de vos conseils et de vos réflexions ; Sa Majesté attend de vous que vous l'aidiez à régler plusieurs contestations qui se sont élevées sur la constitution des anciens Etats de quelques provinces; Sa Majesté désire que sa justice soit éclairée; elle désire faire le bonheur de ses peuples sans exciter de réclamation légitime; elle désire tenir une exacte balance entre les prétentions des divers ordres de son royaume; enfin, au milieu des intérêts contraires qui agitent les esprit3, elle est inquiète lorsque la route la meilleure et la plus sûre n'est pas évidemment tracée. Vous fixerez ses doutes, vous viendrez assurer sa marche et vous l'aiderez à rendre à tous ses sujets une parfaite justice.
Je ne dois point retracer ici, Messieurs, les grands objets de bien public sur lesquels M. le garde des scéaux vient d'arrêter votre attention; il n'en est aucun qui ne soit de la plus grande importance, et l'énuméraiion seule de leurs titres suffit pour en imposer aux imaginations les plus hardies- Qui pourrait en effet entendre sans émotion la simple dénomination de tant de travaux si dignes d'occuper successivement l'intérêt d'une nation ? L'amélioration des lois civiles et des lois criminelles; la douce modification des peines; la réduction des frais de justice; l'accélération des procédures; la détermination des degrés de distances convenables entre la résidence des tribunaux et le domicile de ceux qui ont recours à la justice souveraine; Ja détermination des degrés de restriction ou de facilité qu'il faut accorder à la publicité de toutes les opinions et de tous les écrits; la connaissance des temps où la sauvegarde des lois suffit au maintien de l'ordre public, et l'examen aussi des circonstances où cet ordre dépend des actes rapides de l'autorité ; la recherche de tous les soins propres à établir une par-
faite harmonie entre l'exercice des nouvelles fonctions qui seront attribuées aux tribunaux et la célérité indispensable dans cette multitude de circonstances où le gouvernement seul était appelé à intervenir; la recherche plus délicate encore des moyens de concilier l'austère, l'inflexible et surtout l'uniforme application des lois avec ces habitudes de ménagements et d'égards dont quelques-unes tiennent de si près aux mœurs nationales ; l'étude encore des difficultés auxquelles on s'exposerait si l'on abandonnait trop rapidement les usages assortis aux préjugés de l'honneur, pour adopter en entier ces principes de justice abstraite qui assujettissent à leur domination tous les rangs indistinctement, tous les état?, toutes les personnes. Oui, Messieurs, vous apercevrez sûrement j qu'il est des abus, qu'il est des erreurs de gouvernement dont les racines s'entremêlent invisi-blemei\t avec les premières tiges de plusieurs opinions qui appartiennent essentiellement aux j grandes monarchies; et telle loi dont l'exécution | absolue fait le bonheur d'une république parce qu'elle s'y trouve environnée de tous les usages, de tous les principes, de tous les sentiments qui composent sa force, n'aurait pas le même succès, et surtout ne conserverait pas longtemps son empire si on la transplantait dans un pays où elle se trouverait comme isolée au milieu des opinions et des habitudes qui toutes n'auraient aucune connexion avec elle. Ces réflexions et beaucoup d'autres, Messieurs, n'échapperont pas à vos lumières, et une sage circonspection vous servira de guide, sans vous faire perdre de vue le but où vous devez atteindre.
Les cahiers qui ont été composés dans les diverses parties du royaume, et dont vous êtes dépositaires, comprennent sans doute un grand nombre d'idées utiles et plusieurs projets d'améliorations susceptibles d'être réalisés. Ce serait donc inutilement qu'on vous retracerait les dispositions particulières qui seraient dignes de votre attention et de votre intérêt: vous choisirez, Messieurs, dans cette collection de souhaits et de plaintes cjue la condition humaine rend malheureusement inépuisable ; vous y choisirez les demandes les plus instantes et les plus pressées, et vous rendrez heureux votre souverain quand vous lui présenterez des vœux que la justice lui permettra de satisfaire.
Ah ! quelle immense tâche en tous les genres va se déployer devant vous ! vous ne pourrez la remplir, vous pourrez à peine la découvrir à cette première époque de votre réunion ; cardans un vaste empire comme dans les grands travaux de la nature, le temps seul achève notre œuvre. Chaque jour, chaque année» amène de nouvelles idées et fait découvrir des vérités longtemps inconnues; mais si vous posez les grandes bases, si vous élevez les colonnes de l'édifice, vous vous associerez d'avance à toute la gloire du monument et aux divers avantages qui en résulteront.
On peut se former une idée confusede ces avantages, on peut en indiquer les premiers degrés; mais l'opinion, les présages même d'un seul homme, fût-il aussi éclairé qu'on pourrait le désirer, ne sauraient annoncer les effets de cette masse de lumières que le temps et l'agitation générale des esprits peuvent apporter au milieu des Assemblées nationales dont celle-ci n'est que la première en rang. Que rien, pour notre bonheur, que rien ne vienne arrêter ce cours successif de connaissances, de pensées et de ré-
flexions ; et ce mouvement, semblable à celui d'un fleuve majestueux qui arrose et fertilise les campagnes, multipliera dans ce beau royaume tous les genres de prospérités. C'est alors "que la France présentera le plus magnifique des spectacles, celui du concours de tonte Faction du génie de la nation la plus industrieuse et la plus animée, avec l'essor de la nature physique la plus variée et la plus féconde dans ses bienfaits. Quel accord ! quelle union ! et que ne peut-on pas en attendre 1
C'est dans les Etats généraux que le bonheur public doit se renouveler, et c'est par eux qu'il doit se maintenir et s'accroître. Ainsi, vous serez appelés sans doute à examiner les avantages et Jes inconvénients des formes qu'on a cru devoir observer pour la convocation de cette première [Assemblée ; vous prendrez connaissance des longueurs et des difficultés qui en sont résultées ; vous examinerez toutes les disparités qui sont une conséquence des anciennes sections d'arrondissements; enfin l'expérience venant de rendre sensibles diverses imperfections inséparables du plan qu'on a suivi pour se rapprocher des anciens usages, vous penserez, Messieurs, qu'un de vos plus grands intérêts est de présenter au Roi de nouvelles idées, et de former des plans qui soient médités avec assez de sagesse pour obtenir l'approbation de Sa Majesté et pour répondre au vœu commun de la nation. Toutes les dispositions, Messieurs, qui ont servi à vous rassembler, se trouvent entées pour ainsi dire sur le tronc antique et respecté de la constitution française ; mais les changements survenus dans nos* mœurs et dans nos opinions, l'agrandissement du royaume, l'accroissement des richesses nationales, l'aboli-jtion surtout des privilèges pécuniaires, si cette abolition a lieu, toutes ces circonstances et beaucoup d'autres exigent peut-être un ordre nouveau; jet si le gouvernement se borne en ce moment à fixer votre attention sur cette pensée, ce n'est pas i qu'il demeure étranger à une si importante délibération ; mais les égards dus aux lumières de cette auguste Assemblée doivent détourner de lui proposer d'autre guide que ses propres réflexions. On a recueilli pour cette fois les débris d'un vieux temple; c'est à vous, Messieurs, à en faire la révision et à proposer les moyens de les mieux ordonner. Vous remarquerez peut-être, à cette occasion, l'inconséquence ou la légèreté de l'esprit du jour, qui se plaît à juger des arrangements momentanés avec la même sévérité qu'il devrait employer pour apprécier des institutions immuables. Éncore si c'était toujours de perfection qu'on fût avide ; mais l'ardeur avec laquelle on épie les erreurs ou les fautes de ceux qui agissent, donne souvent à penser qu'on en fait la découverte avec plaisir.
Enfin, Messieurs, et pour revenir à des idées plus douces, lorsque de concert avec votre au-j guste souverain vous aurez posé les bases pre-I mières du bonheur et de la prospérité de la France, | et lorsque vous aurez encore marqué les pierres numéraires qui doivent vous conduire dans la vaste route du bien public, vous ne négligerez pas d'apercevoir que plus un gouvernement se met dans la nécessité d'être juste, et plus il faut affermir son action. Une nation sourdement mécontente des fautes ou des abus de l'administration ne tarde pas à se complaire dans toutes les oppositions et les résistances ; mais un tel esprit doit changer, lorsque par de sages précautions la mar-I che au gouvernement se trouve unie pour toujours aux principes qui doivent assurer la félicité
publique. Le Roi désire avec passion que tout ce qui est juste en administration soit connu, soit déterminé, soit invariable; mais il désire, mais il veut absolument que l'autorité souveraine puisse maintenir l'exécution des dispositions conformes aux lois, et défendre l'ordre public contre toute espèce d'atteinte. Le meilleur des gouvernements ne serait qu'une belle abstraction, si le moment où la puissance royale doit déployer toute son action restait encore incertain, et* si cette puissance, une fois en accord avec le vœu général, avait des résistances à ménager et des obstacles à vaincre. Il ne faut pas, Messieurs, que les ennemis de la tranquillité publique et de la prospérité nationale puissent placer leur espoir dans une confusion, suite inévitable d'un défaut d'harmonie entre les forces protectrices des destins de la France.
Vous considérerez la situation du royaume, vous verrez ce qu'il est, et ce qu'il a besoin d'être dans l'ordre politique de l'Europe; et en arrêtant votre attention sur l'ancien état de la plus respectable des monarchies, vous étendrez au loin vos réflexions, et non contents des premières acclamations du peuple français, vous aspirerez encore au suffrage réfléchi de toutes les natious étrangères, de ces nations dont le jugement; à l'abri de nos passions du moment, représente celui de la postérité, de cesnaiions qui, vous considérant dans le tableau de l'histoire, ne croiront à la durée d'aucune de vos dispositions si vous perdez de vue ce qu'exigent impérativement les grandes circonstances de ce vaste empire, sa position, ses relations extérieures, la diversité de ses usages,-dont les uns sont constitutifs, les autres affermis par le temps, l'effet inévitable de ses richesses et plus encore peut-être le génie et le caractère de ses habitants, les anciens préjugés» les vieilles habitudes, enfin tous ces liens qu'on ne peut jamais rompre avec violence, et que la prudence d'un grand corps politique doit sagement apprécier.
Le Roi, Messieurs, en considérant par la pensée cet important édifice de bonheur et de puissance que vous pouvez l'aider à élever, désire véritablement qu'il puisse être fondé sur les bases les plus assurées: cherchez-les indiquez-les à votre souverain, et vous trouverez de sa part la plus généreuse assistance.
Le Rui, Messieurs, éclairé par de longues traverses, par ces événements précipités qui doublent en quelque manière les années de l'expérience, aime plus que jamais la raison, et en est un bou juge. Ainsi, lorsque les premières fluctuations inséparables d'une réunion nombreuse seront arrêtées, lorsque l'esprit dominant de cette Assemblée sera dégagé des nuages qui pourraient d'abord l'obscurcir, enfin lorsqu'il en sera temps, Sa Majesté appréciera justement le caractère de vos délibérations ; et, s'il est tel qu'elle l'espère, s'il est tel qu'elle a droit de l'attendre, s'il est tel enfin que la plus saine partie de la nation le souhaite et le demande, le Roi secondera vos vœux et vos travaux ; il mettra sa gloire à les couronner; et l'esprit du meilleur des princes se mêlant pour ainsi dire à celui qui inspirera la plus fidèle des nations, on verra naître de cet accord le plus grand des biens et la plus solide des puissances.
C'est à vous, Messieurs, à préparer une si belle alliance, c'est à vous à former un semblable nœud ; et pour y parvenir vous écarterez tous les systèmes exagérés, vous réprimerez tous les abus de l'imagination, vous vous défierez de toutes les
opinions trop nouvelles ; vous ne croirez pas que l'avenir puisse être sans connexion avec le passé, vous ne préférerez pas les projets et les discours qui vous transporteraient dans un monde idéal, à ces pensées et à ces conseils qui, moins éclatants, mais plus praticables, exposent à moins de combats et donnent au bien qu'on opère un caractère de stabilité et de durée.
Enfin, Messieurs, vous ne serez pas envieux des succès du temps, et vous lui laisserez quelque chose à faire ; car si vous entrepreniez à la fois la réforme de tout ce qui vous paraîtrait imparfait, votre ouvrage le deviendrait lui-même. 11 est aisé d'apercevoir que, dans une vaste administration, la juste proportion de ces diverses parties échappe aux meilleurs observateurs, lorsque toutes sont mises en mouvement d'un seul jet, et que de simples abstractions en garantissent l'harmonie.
Que serait-ce, Messieurs, si dès vos premiers pas une désunion éclatante venait à se manifester ? que deviendrait le bien public au milieu de ces divisions où les intérêts d'ordre, d'état et de personnes occuperaient toutes vos pensées? Us sont si agissants ces intérêts, et leur domination va tellement en croissant que la sagesse de Sa Majesté, que son attachement au bien de l'Etat, ont dû fixer son attention sur des passions d'une si grande influence. C'est par ce motif si digne d'hommage, c'est par ce motif qui atteste si distinctement le vœu de Sa Majesté pour le succès de vos travaux, que le Roi est inquiet de vos premières délibérations. La manière dont les Etats généraux en dirigeront la forme est une des grandes questions qui se sont élevées dans le royaume, et les avis sur la délibération en commun ou par tête semblqnt s'être partagés avec une ardeur qui deviendrait alarmante, si l'amour du bien public ne formait entre vous, Messieurs, un point de réunion plus fort et plus puissant que les opinions et les sentiments propres à vous diviser. Le Roi, Messieurs, connaît toute l'étendue de la liberté qui doit vous être laissée ; mais sans accord, votre force s'évanouirait et les espérances de la nation seraient perdues. Sa Majesté a donc fixé son attention sur des préliminaires dont les conséquences peuvent être si grandes; et ce n'est pas encore cependant comme votre souverain, c'est comme le premier tuteur des intérêts de la nation, c'est comme le plus fidèle protecteur de la félicité publique, que le Roi m'a ordonné de vous présenter un petit nombre de réflexions. J'aurais •aimé peut-être à en être dispensé, car on ne s'approche jamais sans danger de ces questions délicates dont l'esprit de parti s'est déjà rendu maître; mais il faut rejeter avec dédain toutes les considérations personnelles qui font toujours embarras dans la route du bien public.
Ce sera vous, Messieurs, qui chercherez d'abord à connaître l'importance ou le danger dont il peut être pour l'Etat que vos délibérations soient prises en commun ou par ordre, et les lumières qui sortiront de votre Assemblée influeront sans doute sur l'opinion de Sa Majesté 3 mais le choix du moment où cette question doit être traitée, si ce choix est fait sagement, suffira pour prévenir les risques ou les inconvénients d'une semblable discussion, et c'est principalement sur ce point que je vais pj'arrêter.
Tout annonce, Messieurs, que si une partie de cette Assemblée demandait que la première de vos déterminations fût un vœu pour délibérer par tête sur tous les objets qui seront soumis à votre examen, il résulterait de cette tentative, si elle était obstinée, une scission telle que la marche
des Etats généraux serait arrêtée ou longtemps suspendue, et Ton ne peut prévoir quelle serait la suite d'une semblable division.
Tout prendrait au contraire une forme différente, tout se terminerait peut-être par une conciliation «agréable aux partis opposés, si les trois ordres commençant par se séparer, les deux premiers examinaient d'abord l'importante question de leurs privilèges pécuniaires, et si, confirmant des vœux déjà manifestés dans plusieurs provinces, ils se déterminaient d'un commun accord au noble abandon de ces avantages. Personne d'entre vous, Messieurs, ne pourrait avec justice essayer de ravir aux deux premiers ordres le mérite d'un généreux sacrifice; et ce serait cependant les en priver, ce serait du moins en obs-curcir l'éclat, que de soumettre cette décision à 1 la délibération des trois ordres réunis : une possession qui remonte aux temps les plus reculés de la monarchie est un titre qui devient encore plus digne de respect au moment où ceux qui en i jouissent sont disposés à y renoncer. Il est donc juçte, il est raisonnable que les députés des com- j munes laissent aux représentants des deux premiers ordres tout l'honneur d'un tel sacrifice. C'est en vain que pour en diminuer le prix, c'est en vain que pour Je ternir on voudrait y donner ; le nom d'obligation simple et naturelle; certes de pareils actes de justice ne sont pas communs, et l'histoire n'en présente pas d'exemples.
Supposons maintenant que cette délibération soit prise par la noblesse et par le clergé, qu'elle le soit promptement et de la seule manière dont on peut l'attendre, par un noble sentiment, par un mouvement digne de l'élévation d'âme qui caractérise les principaux membres des deux ordres de l'Etat ; dès ce moment ils recevront de la part des représentants des communes cet hommage de reconnaissance et de sensibilité auqttel aucun Français ne fut jamais réfractaire. Ils seront invités à s'unir souvent aux représentants du peu- 1 pie, pour faire en commun le bien de l'Etat ; et sûrement ce ne sera pas d'une manière générale ni absolue qu'ils résisteront à cette avance. Cependant une première union entre les ordres une fois formée, et les ombrages des uns dissipés, les plaintes et les jalousies des autres apaisées, c'est alors qu'avec calme et par des commissaires nommés dans les trois ordres, on examinera les avantages et les inconvénients de toutes les formes des délibérations ; c'est alors qu'on désignera petit-être les questions qu'il importe au souverain et à l'Etat de soumettre à une discussion séparée, et les objets c[u'il est convenable de rapporter à une délibération commune ; c'est alors enfin qu'on jugera plus sainement une question qui présente tant d'aspects différents.
Vous verrez facilement que pour maintenir un ordre établi, pour ralentir le goût des innovations, les délibérations confiées à deux ou trois ordres ont un grand avantage, et que dans les temps et pour les affaires où la célérité des résolutions et l'unité d'action et d'intérêt deviennent nécessaires, Ja consultation en commun mérite la préférence. Vous examinerez ces principes et bien d'autres avec une impartialité inconnue jusqu'à présent, du moment que l'abolition des privilèges pécuniaires aura rendu vos intérêts égaux et parallèles. Enfin, Messieurs, vous découvrirez sans peine toute la pureté des motifs qui engagent Sa Majesté à vous avertir de procéder avec sagesse à ces différents examens. En effet, s'il était possible qu'elle fût uniquement occupée d'assurer son influence sur vos déterminations, elle saurait
bien apercevoir que l'ascendant du souverain serait un jour ou l'autre favorisé par l'établissement général et constant des délibérations en commun ; car dans un temps où les esprits ne seraient pas soutenus, comme aujourd'hui, par une circonstance éclatante, peut-on douter qu'un roi de France n'eût des moyens pour captiver ceux qui, par leur éloquence et leurs talents, paraîtraient devoir entraîner un grand nombre de suffrages ! La marche des délibérations confiées à deux ou trois ordres est donc, par sa lenteur et sa circonspection, la moins favorable aux grandes résolutions ; et quand votre monarque, Messieurs, vous ramène à ces réflexions, il vous donne une nouvelle preuve de son amour sincère du bien de l'Etat.
Ah ! si dans le cours de ce mémoire, si en parcourant rapidement les objets les plus importants, je ne vous ai pas fait connaître les sentiments généreux et les intentions pures qui dirigent toutes les déterminations de notre auguste monarque, n'en accusez, Messieurs, que l'interprète dont il a fait choix. Sa Majesté veut le bien, et le veut dans toute son étendue; et après avoir été souvent contrarié dans ses désirs et dans ses tentatives, elle vient chercher en vous une consolation et un appui.
Non, son espoir ne sera point trompé ; vous voudrez lui marquer de la reconnaissance, vous voudrez lui donner le prix qu'elle attend de vous; et ce prix, ce prix inestimable, sera l'avancement du bonheur de ses peuples.
Soyez unis, Messieurs, pour une si grande entreprise, soyez unis* pour répondre aux vœux de la nation, soyez unis pour soutenir avec honneur les regards ae l'Europe, soyez unis pour transmettre sans crainte vos noms à la postérité, et pour contempler à l'avance le tribunal rigoureux des générations futures/ Elles auront un compte à vous demander, ces générations innombrables dont vous allez peut-être fixer la destinée.
Vos rivalités, vos prétentions, vos débats personnels passeront comme J'éclair au milieu de l'immensité de l'espace, et ne laisseront aucune trace dans la roule des siècles, mais les principes d'union et de bonheur que vous aurez affermis deviendront le témoignage et comme le trophée perpétuel de vos travaux et de votre patriotisme.
Oui, ce que vous aurez fait pour l'avantage de l'Etat et pour sa gloire, ce que vous aurez fait pour en assurer la durée, se trouvant inséparablement lié à la plus grande et à la plus éclatante de toutes les circonstances, confiera votre souvenir à la reconnaissance des hommes. Eh ! qui ne sait que leur reconnaissance s'accroît à mesure que le temps éloigne d'eux leurs bienfaiteurs et les obscurcit de son ombre !
Mais ne vous le dissimulez point, Mesàieurs, il faut qu'une constitution bienfaisante et salutaire foit cimentée par la puissance de l'esprit public, et cet esprit public, ce patriotisme, ne consiste point dans une ferveur passagère, ou dans un aveugle désir d'une nouvelle situation; un tel désir, une telle agitation, subsisteront toujours, car il est dans l'ordre inviolable des choses que le plus grand nombre des habitants d'un empire découvrent autour d'eux de meilleures places, et aspirent vaguement à un mouvement qui leur présente de nouvelles chances.
Une pareille inquiétude n'est qu'un sentiment personnel, et on ne l'abolit qu'en apparence et passagèrement, quand on le dirige vers les intérêts généraux dont la société paraît le plus occupée. Mais le véritable esprit public, le seul qui
puisse suppléer à l'imperfection de toutes les lois politiques, est d'une toute autre nature; vaste dans ses vues, réfléchi dans sa marche, il transporte, non pour un moment, mais pour toujours, nos intérêts person nels à quelque distance de nous, afin de les réunir, afin de les soumettre à l'intérêt commun. Il faut de la force, il faut du temps pour s'élever à cet esprit publient dans les commencements un pareil effort est pénible ; il doit l'être surtout au milieu d'une nation qui n'a jamais pris soin de ses propres affaires, et qui, accoutumée depuis des siècles à s'abandonner uniquement aux prétentions individuelles, ou à celles qui dépendent d'une association circonscrite, n'est nullement préparée à la grande scène qui s'ouvre aujourd'hui devant elle.
Je ne fais point ces réflexions, Messieurs, pour affaiblir votre courage, mais pour vous engager à n'être point étonnés des contrariétés dont vous ferez l'épreuve tant que l'esprit national ne sera point encore en harmonie avec la grandeur des circonstances présentes. Et pourquoi seriez-vous abattu par des obstacles, tandis que le gouvernement, vers lequel se sont portées, comme à flot, toutes les passions, toutes les intrigues et toutes les calomnies, a maintenu néanmoins son courage et sa persévérance?
Il eût connu, comme d'autres, le prix du repos ; il eût franchi bien ou mai les difficultés de finance; et en mettant tous ses soins à rendre à l'autorité son ancienne influence, il eût traversé ces temps d'orage, comme on l'a fait tant de fois sans éclat, mais sans inquiétude. Au lieu de suivre cette marche obscure, il s'est avancé au milieu des dangers; il s'est exposé à tous les combats de l'intérêt personnel, il s'est soumis à tous les faux soupçons, à toutes les interprétations injustes; et au milieu d'une année désastréuse, au milieu d'une année où le défaut des récoites, les rigueurs de la saison, les ravages des tempêtes et des fléaux de toute espèce ont assailli la France, enfin, au milieu de la pénurie du trésor royal et des embarras inextricables de la finance, il a mis en mouvement les habitants de tout un royaume; et gêné par des formes bizarres en elles-mêmes, et dont souvent on avait perdu la trace, il est enfin parvenu^ à force de soins et de peines, à rassembler ces Etats généraux que la nation a demandés avec tant d'instance, ces Etats généraux de la France, ces Etats généraux du premier empire du monde, ces Etats généraux enfin qu'aucun de nous ne peut contempler en ce moment sans une respectueuse émotion. C'est à eux, c'est à vous, Messieurs, qu'il appartient d'achever le plus grand des ouvrages, et de répondre aux espérances du meilleur des rois; c'est à vous à combler les vœux de tout un peuple. Qu'un jour, qu'un seul jour ne soit pas perdu, afin que vous arriviez plus tôt à votre terme, afin que vous alliez recueillir dans vos provinces les tributs de reconnaissance qui vous seront dus, afin que vous entendiez de toutes parts dans votre route les cris de vive le Roi, vive le bienfaiteur de son peuple, et que vous mêliez à ces paroles l'ardente et touchante expression de votre admiration et de votre amour.
0 France! heureuse France! c'est entre les mains de tes citoyens, c'est entre les mains de tes enfants^ c'est entre les mains de tes représentants dont toi-même tu as fait le choix, que repose aujourd'hui ta destinée I
Oui, Messieurs, le Roi, en rassemblant les Etats généraux, le Roi, en réunissant autour de lui les représentants de la nation, le Roi, en appelant à
son aide un si grand concours de lumières, a déjà satisfait à sa gloire; mais il a besoin de vous pour obtenir les jouissances les plus chères à son cœur, il a besoin de vous pour assurer le bonheur de ses peuples, pour accroître et i our affermir la puissance de l'Etat; il a besoin de vous pour répandre partout dans son royaume l'influence de ses volontés bienfaisantes; iî a besoin de vous, en lin, pour multiplier les trésors de la France, par le contentement, la paix, la confiance et la liberté.
Ah ! puisse le ciel accorder à notre auguste ntlo-narque une assez longue suite de jours pour voir encore, non-seulement l'aurore, mais le jour éblouissant de tant de prospérités; puisse-t-il recevoir ainsi une juste récompense de son bienfait; puisse-t-il voir les premières moissons de cette terre chérie; puisse-t-il présager enfin, avec une heureuse confiance, tout ce que lui devront les races futures !
Et nous, par notre amour, acquittons à l'avance cette dette ae la postérité ; soyons justes, soyons reconnaissants, et que le tribut de nos cœurs, que l'hommage de nos sentiments, portés aux pieds de notre souverain, soient la première de toutes les redevances que nous nous engageons'pour toujours à lui payer.
Objets affermés..............................................115,560,000
Objets en régie.....................................28,440,000
Droits du Clermoatois............................107,000
Supplément.
Sur le tabac et sur les entrées de Paris. 4,000,000
Sur les objets en régie................................2,000,000
Total.................. 150,107,000
Ferme des postes.......................................12,000,000
Fermé des messageries..............................1,100,000
Ferme des droits sur les bestiaux à
Sceaux et à Poissy....................i 630,000
Ferme des affinages....................120,000
Ferme des droits du Port-Louis................47,000
Abonnement des droits delà Flandre maritime.....................................823,000
Régie générale des aides et des droits
réunis........................................50,220,000
Régie des domaines et bois..................50,000,000
Régie de la loterie royale de France et
des petites loteries............................................14,000,000
Regie des revenus casuels......................3,000,000
Kégie du marc-d'or....................1,500,000
Régie des poudres et salpêtres....................800,000
Total................. 134,240,000
Recettes générales des finances de Paris, des pays d'élection et des pays conquis.
Impositions ordinaires et capitation.... 110,568,000
Vingtièmes......................... 46,467,000
Total.................. 157,035,000
A reporter.............. 157,035,000
liv.
Report........................................157,035,0C0
Déduction pour les sommes versées par les receveurs généraux dans les caisses de la régie générale et de la régie des domaines, et qui font partie des produits dé ces
deux régies.....................................................1,380,000
Sur quoi il reste...........................155,655,000
IMPOSITIONS DES PAYS D'ÉTATS.
Savoir :
Languedoc. liv.
Trésoriers.............................8,584,824
Receveurs généraux................................1,182,426
Bretagne.
Trésoriers.........................................6,115,400
Receveurs généraux......................................496,060
Bourgogne.
Trésoriers............................ 3,190,068
Receveurs généraux.......................938,128
Provence.
Trésoriers;............................1,997,031
Receveurs généraux.....................895,432
Pauf Bayonne et Foix.
Receveurs généraux........................1,156,658
Total.......................24,556,027
Capitation et vingtièmes abonnés........ 575,000
Capitation et dixièmes retenus au trésor royal sur les pensions et sur d'autres objets ...........................................6,290,000
Impositions particulières aux fortifications des villes........................... 575,000
Bénéfices sur la fabrication des monnaies. 500,000
Bénéfices annuels des forges royajes...: 80,000
Revenus de la caisse du commerce............636,000
Loyers des maisons et des terrains des
Quinze-Vingts..............................180,000
Intérêts annuels des sommes prêtées aux
États-Unis de l'Amérique....................1,600,000
Intérêts annuels de 6,000,000 que doit
un prince d'Allemagne....................................300,000
Total des revenus fixes....... 475,294,000
DÉPENSES FIXES.
Dépenses générales de la maison du Roi et de celle de la reine, de monseigneur le dauphin, des enfants de France, de madame Elisabeth et de mesdames, tantes du Roi, avec les traitements annexés à ces différentes parties, et en y comprenant divers objets de dépenses dans les forêts, qui étaient autrefois payées sur le produit des bois.........................'........... 25,000,000
Maisons de Monsieur, frère du roi, et de Madame; maisons de monseigneur comte et de madame comtesse d'Artois, de monseigneur le duc d'Angoulême et de monsei-le duc de Berry, et traitements conservés aux personnes qui ont servi les enfants de monseigneur comte d'Artois dans leur bas-âge. ................................................8,240,000
A reporter.................................33,240,000
Report..........................................33,240,000
Affaires étrangères, lignes suisses et courses de courriers de ce département................7,480,000
Département de la guerre; traitements et et objets accessoires, non compris ce que Jes provinces s'imposent et versent directement
dans les caisses militaires......................99,160,000
Marine et colonnies......................................40,500,000
— Supplément demandé pour indemnité, et récompenses qu'exigeront les réformes déterminées dans les établissements des
colonies................................ 400,000
Ponts et chaussées........................................5,680,000
Haras sous les ordres de M. le grand-écuyer, de M. le duc de Polignac et de M. le
marquis de Polignac.........................814,000
Rentes perpétuelles et viagères....................162,486,000
Intérêts d'effets publics et d'autres créances......................................44,300,000
Gages de charges représentant l'intérêt
de la finance........................................................14,692,000
Intérêts et frais des anticipations qui portent sur l'année 1790 et sur l'année
1791..........................................................4,900,000
Intérêts et frais du renouvellement des billets des fermes, des autres anticipations ou des emprunts nécessaires pour balancer les besoins de l'année 1789................10,900,000
Engagement à temps envers le clergé... 2,500,000
Indemnités à différents titres...................3,235,000
Pensions.............1................................29,560,000
Gages du conseil et traitements à M. le chancelier, à M. le garde des sceaux, au secrétaire d'Etat de la maison du Roi, à divers magistrats, compris leur franc-salé, et
traitements d'autres personnes........................3,173,000
Intendants des provinces, leurs subdélégués et leurs commis........................................5,495,000
Police de la ville de Paris..........................1,570,000
Guet et garde de la ville de Paris............1,138,000
Maréchaussées de Tlsle de France............250,000
Entretien et réparation du pavé de Paris. 627,000 Travaux dans les carrières qui sont
sous la ville de Paris et les environs..........400,000
Remise en moins imposée sur la recette des pays d'élection et des pays conquis; décharges et modérations sûr les vingtièmes
et la capitation; remises au pays d'Etat.. 7,120,000
Traitements aux receveurs, fermiers et régisseurs et autres frais de recouvrement.....................................................20,094,000
Les cinq administrateurs du trésor royal,
payeurs des rentes, ele......................................3,753,000
B^reiux de l'administration générale... 2,048,000 Fonds réservé sur le produit delà loterie royale et sur la ferme de Port-Louis, pour
de* actes de bienfaisance..................................172,000
Secours à des Hollandais qui se sont réfugiés en France........................................830,000
Communautés et maisons religieuses et secours pour la construction d'édifices sacrés............................................2,188,000
Dons, aumônes, hôpitaux et enfants trouvés, etc................................................................3,038,000
Travaux de charité........................................1,896,000
Destruction du vagabondage et de la
men iiciré.....................................1,144,000
Primas et autres encouragements pour
le commerce.......................................3,864,000
Dépenses du département des mines.... 90,000 Jardin royal des plantes et cabinet d'histoire naturelle...........................................130,000
Bibliothèque du Roi......................................167,000
Universités, académies, collèges, sciences
et arts......................................930,000
Passeports en exemption de droits, à la marine royale, aux ambasssadeurs et mi
nistres étrangers, etc..........................400,000
Entretien, réparations et constructions de
bâtiments employés à la chose publique.. 1,900,000 Dépenses de plantation dans les forêts,
A reporter........................518,264,000
Report......................518,264,000
de curement de rivières et d'autres objets dont le payement est assigné sur le produi
des bois.................................500,000
Frais de procédures criminelles et dépenses de prisonnier*.............................3,180,000
Dépenses dans les provinces dont l'objet varie tous les ans, ei qui se renouvellent
de différentes manières........................4,500,000~
Dépenses imprévues..............................5,000,000
Total des dépenses fixes....... . ..531,444,000
RÉSULTAT.
Dépenses fixes...............................531,444,000
Revenus fix ........................ 475,29 4,000
Déficit annuel........... 56,150,000
M. Necker avait lu lui-même la récapitulation de son discours, ce qui a contribué à soutenir l'attention de l'Assemblée, un peu fatiguée par la longueur de cette lecture.
Le Roi lève la séance et sort de la salle précédé de ses gardes et accompagné de son cortège, pendant que des cris de vive le Roi! se font entendre dans l'Assemblée.
Les députés sortent ensuite.
Il est quatre heures et demie.
est nommé président provisoire. Il est décidé, à la majorité de 133 voix contre 114, que les pouvoirs seront vérifiés et légitimés dans l'ordre.
L'avis de la minorité est qu'ils ne peuvent l'être que dans l'Assemblée générale, sur le rapport de commissaires pris dans les trois ordres.
Cet avis est particulièrement défendu par MM. les archevêques de Vienne et de Bordeaux.
NOBLESSE.
comme le plus âgé est nommé président provisoire, et M. de Chaillouet, secrétaire.
On fait deux motions, l'une pour la vérification faite par des commissaires pris dans Tordre de la noblesse, et l'autre par des commissaires pris dans les trois ordres.
Le premier avis est appuyé par ces considérations :
1° Que les députés ayant été nommés dans l'ordre de la noblesse doivent remettre leurs pouvoirs aux commissaires de cet ordre;
2° Que la noblesse ne peut pas encore reconnaître la légitimité des pouvoirs des membres des deux autres ordres, ni par conséquent leur remettre les siens ;
3° Que l'ordre de la noblesse est seul compé» tent pour reconnaître les titres d'après lesquels on prétend y être admis ;
4° Que la vérification n'est pas d'ailleurs un®
opération assez importante pour s'y arrêter si longtemps, et que l'on abrégerait beaucoup en la faisant faire par des commissaires de l'ordre.
Les partisans de l'autre avis soutiennent que c'est aux Etats généraux, composés des trois ordres, à vérifier les pouvoirs ; que les élections ayant été sanctionnées par les trois ordres de chaque bailliage, et les députés ayant prêté serment en présence des trois ordres, c'est devant les commissaires des trois ordres qu'ils doivent justifier de leur mandat.
, les députés du Dauphiné, ceux de là sénéchaussée d'Aix en Provence, et le député d'Amont appuient ce dernier avis. Il n'obtient cependant que 47 voix contre 188.
, député de Beauvais, a fait une protestation en ces termes :
Je déclare que je suis dans la plus ferme opinion que c'est bien moins pour maintenir que pour établir la constitution, que nous sommes tous appelés; et comme le veto me paraît essentiellement contraire à la liberté de la nation, nécessaire pôur créer un ordre de choses qui amène la prospérité nationale, et pour abolir les abus de tous genres sous lesquels la nation gémit depuis tant de siècles, je demande acte que je me^suis opposé, autant qu'il était en moi ; à la sanction du veto pour la tenue actuelle des Etats généraux, que je regarde comme régénérateurs bien plus que comme conservateurs. Mon mandat, conforme à ma raison et au sentiment de ma conscience, me prescrit de demander, que lorsque les ordres diffèrent d'opinion sur une question importante, les ordres se réunissent et opinent par tête. Je supplie la Chambre de permettre que ma déclaration soit annexée au procès-verbal.
fait la motion de suspendre toute délibération jusqu'à ce que la ville de Paris ait nommé ses députés, parce qu'elle ne pourra^être regardée comme complète qu'autant que ses députés auront eu le temps physiquement nécessaire pour s'y rendre.
Douze des plus âgés de l'Assemblée sont nommés commissaires vérificateurs des pouvoirs.
La séance est levée et ajournée à lundi prochain.
communes.
Le gouvernement a fait afficher ce matin le placard suivant:
« De par le Roi,
« Sa Majesté ayant fait connaître aux députés des trois ordres l'intention où elle était qu'ils s'assemblassent dès aujourd'hui 6 mai, les députés sont avertis que le local destiné à les recevoir sera prêt à neuf heures du matin. »
Une proclamation du héraut d'armes confirme ce placard. Les membres des communes se rendent au lieu indiqué, où ils attendent vainement jusqu'à deux heures et dernier Les deux autres ordres, qui n'y sont pas venus, comme on l'a su bientôt après, étaient assemblés dans des chambres voisines.
Ce défaut de réunion excite un grand murmure dans l'assemblée des communes.
, en sa qualité de député le plus
âgé, est chargé de rappeler l'ordre. Il choisit six assistants aussi parmi les plus anciens. — La discussion est très-tumultueuse.
, député d'Auvergne (1). Nous avons tous assisté, comme représentants de la nation, à l'ouverture solennelle des Etats généraux, et le même titre, constaté seulement par nos bailliages respectifs, nous réunit aujourd'hui. Une invitation indirecte du souverain, ou la volonté présumée des deux premiers ordres, distribua en trois Chambres différentes l'universalité des membres qui composent l'Assemblée nationale; et les représentants des communes se trouvent séants dans cette salle.
Avant de connaître les opinions diverses qui doivent s'élever et prévaloir parmi nous, je ne crois pas que celle d'établir une police provisoire et un moyen préalable de délibération, puisse être combattue; et je ne conçois pas qu'une forme quelconque d'opiner, un parti à prendre quel qu'il soit, dans une grande Assemblée, puisse être arrêté sans délibération.
Permettez-moi donc de vous représenter que nous devons à la dignité de la nation, au nom de laquelle nous allons parler et agir, de nous soumettre, par un premier mouvement d'ordre public, à la forme la plus siiriple et la plus sûre pour faire connaître à chacun les intentions de tous.
La présidence du doyen, l'assistance des anciens, et le silencè de l'Assemblée, lorsque l'un des anciens, ou l'un de Messieurs, avec leur permission, prendront la parole, sont des préliminaires indispensables, qui produiront une discussion régulière de la proposition que je vais avoir l'honneur de vous faire. Elle se réduit à envoyer des députés aux deux premiers ordres, pour leur annoncer que les représentants des communes, réunis en la salle des Etats, désirent instamment que MM. les députés du clergé et de la noblesse viennent prendre séance en l'Assemblée nationale, pour procéder à la vérification des pouvoirs respectifs et accélérer l'instant où nous pourrons, par une députation des Etats généraux, présenter au Roi les remercîments, les vœux et les hommages de la nation.
Nous ne devons nous regarder, jusqu'à ce que nos pouvoirs soient vérifiés, que comme une agrégation d'individus quipeuvent conférer amicalement, mais qui n'ont aucun caractère pour agir : il faut porter le respect du principe jusqu'à réfuser d'ouvrir les lettres qui sont adressées aux communes et remises dans cette salle. Laissons du temps aux ordres privilégiés pour réfléchir, soit à l'inconséquence au système de séparation provisoire, puisque tous les ordres ont un intérêt égal à la vérification des pouvoirs de chaque ordre, à l'absurdité qu'il y aurait à confondre leur vérification et leur légitimation, et à soutenir que les pouvoirs des représentants de la nation ne doivent pas être légitimés par l'Assemblée nationale ; soit enfin aux dangers d'une scission que leur opiniâtreté, sur ce premier et important acte de juridiction, pourrait entraîner.
Je pense qu'une semblable démarche compromettrait l'intérêt des communes;
L'avis qui l'emporte est, qu'attendu que les pouvoirs ne sont pas vérifiés, les députés ne doivent encore se regarder que comme une agrégation d'individus présentés pour les Etats généraux, individus qui peuvent conférer amicalement, mais qui n'ont encore aucun caractère pour agir.
Par respect pour ce principe, l'Assemblée refuse d'ouvrir des lettres adressées au tiers état.
Plusieurs membres observent qu'il faut laisser aux ordres privilégiés le temps de réfléchir, soit à l'inconséquence du système de séparation provisoire, soit à l'absurdité qu'il y aurait à confondre leur vérification et leur légitimation, soit enfin aux dangers d'une scission qui pourrait suivre la résistance des privilégiés.
Vers deux heures et demie, un député du Dau-phiné annonce qu'il vient d'être instruit que la vérification particulière des pouvoirs a été déterminée dans les deux ordres privilégiés.
La séance est levée, et les membres des communes s'ajournent à demain matin neuf heures.
Séance du
COMMUNES.
(1). Messieurs, on a voulu vous convaincre de la nécessité d'attendre, et de ne procéder à aucune délibération , de ne vous considérer enfin que comme des personnes privées, réunies dans Ja salle des Etats, jusqu'à ce que l'universalité des membres vînt y prendre place.
J'ai eu l'honneur de vous représenter, Messieurs, que vous aviez déjà assisté comme personnes publiques à l'ouverture solennelle des Etats; et si l'illégalité possible de vos pouvoirs vous mettait dans l'impuissance d'agir, comme les réprésentants autorisés de la nation, leur légalité présumée par les titres dont vous êtes porteurs vous constitue en Assemblée provisoirement régulière, aussitôt que vous vous trouvez séants dans la salle des Etats; et j'ose croire que vous êtes non-seulement autorisés mais obligés de procéder le plus diligemment, et avec le plus d'ordre possible, à tous les actes qui peuvent vous investir de la plénitude de votre caractère.,
Je sais aussi, et je l'ai expressément déclaré, que la vérification des pouvoirs est un
acte de juridiction souveraine, qui appartient aux Etats généraux, s'ils veulent s'en
saisir; mais était-ce méconnaître cette vérité que d'en renouveler la déclaration par nos
députés aux premiers ordres ? et si Messieurs du clergé et de la noblesse n'en sont pas
également convaincus, n'était-ce pas de notre part une démarche de paix, d'union, de
déférence, que de la leur rappeler ? En quoi cette démarche compromet-elle vos vœux
d'opinion par tête? Et qiC espérez-vous de Vétat de stagnation et d'inertie où l'on veut
nous réduire? Si des préjugés, des intérêts mal entendus, des inquiétudes mal fondées,
éloignent les deux premiers ordres
On vous a dit : Les représentants des communes se sont rendus dans le lieu indiqué pour les Etats généraux; donc ils doivent attendre que tous les membres qui les composent viennent s y rendre aussi, et ils n'ont rien à faire que d'attendre.
Mais le clergé et la noblesse étaient aussi as-. semblés. Ils l'étaient dans les lieux indiqués pour leur séance particulière; c'était donc à l'une des Chambres à inviter les autres à cette réunion ; et pourquoi craindrions-nous de faire une nouvelle démarche? Les représentants du clergé et de la noblesse ne sont-ils pas les premiers en rang dans l'ordre de nos députations, comme dans la hiérarchie nationale que nous avons tous l'obligation de maintenir?
Peut-être, Messieurs, que la proposition, sur laquelle j'insistai tant hier, aurait empêché le parti pris par l'ordre de la noblesse de procéder séparément à la vérification de ses pouvoirs, et celui mis en délibération par le clergé d'une vérification définitive dans son ordre?
Quoi qu'il en soit, Messieurs, permettez-moi de vous supplier d'adopter aujourd'hui la députa-tion proposée. Nous ne devons laisser aux ennemis de la paix publique, aux coupables ennemis de la nation, aucun espoir de nous diviser et de nous détourner des saintes fonctions qui nous sont assignées.
Nous parviendrons, j'ose vous en répondre, à une vérification commune des pouvoirs, car elle ne peut se faire que par une commission des Etats généraux à laquelle la vérification provisoire des commissaires de chaque ordre serait référée.
Mais daignez agréer le plan que j'ai pris la liberté de vous indiquer, et que je vais résumer dans le projet dlarrêté que j'ai l'honneur de soumettre à votre examen. Le voici :
Les représentants des communes s'étant réunis aux jour et heure et dans le lieu indiqué pour la lenue des Etats généraux, ont attendu jusqu'à deux heures après-midi l'arrivée de Messieurs du clergé et de la noblesse, pour prendre séance en l'Assemblée nationale et procéder à la vérification des pouvoirs respectifs. Deux heures ayant sonné, les représentants des communes se sont ajournés à aujourd'hui, mercredi, nçuf heures du matin ; et l'Assemblée s'étant formée sous la présidence du doyen des députés, il a été rendu compte par un de Messieurs : que MM. les représentants du clergé et de la noblesse s'étaient assemblés hier dans leurs Chambres particulières et occupés séparément de la vérification de leurs pouvoirs, sur quoi les représentants des communes ont unanimement arrêté qu'il serait envoyé douze députés à MM. du clergé et de la noblesse, à l'effet de leur témoigner le regret de lâ Chambra de voir différer la première séance active de l'Assemblée nationale et le désir empressé des représentants des communes de se voir réunis à l'universalité des membres qui composent les Etats généraux. Les députés représenteront particulièrement à MM. du clergé et de la noblesse que le premier acte constitutif de l'Assemblée générale étant la vérification des pouvoirs respectifs, les Etats généraux doivent être investis de cette juridiction qui leur appartient supérieurement et par préférence à chaque ordre ; que la Chambre des communes ne considère donc que comme un préavis, ce qui pourrait être fait à cet
égard par les ordres séparés ; que c'est dans cet esprit, et pour accélérer la vérification définitive des Etats généraux, qu'elle préparerait ce travail par ses commissaires, après avoir reçu toutefois la réponse de MM. du clergé et de la noblesse; qu'elle désirerait d'autant plus la réunion des deux premiers ordres, qu'elle est impatiente de concourir, par une députation des Etats généraux, aux hommages et aux remercîments respectueux que les représentants de la nation doivent s'empresser de porter au pied du trône.
Avant de réitérer mes instances pour que vous veuillez bien, Messieurs, prendre en considération ce projet d'arrêté, qu'il me soit permis de vous présenter une dernière réflexion.
Le vœu annoncé généralement d'opiner par tête et non par ordre doit sans doute être exprimé et soutenu par toutes les raisons que l'intérêt national peut suggérer; mais, en professant le principe, en consacrant le droit des Etats généraux d'opiner par tête quand ils le jugent convenable, n'est-il pas de notre devoir d'en éviter la discussion, jusquà ce que l'exercice de ce droit devienne indispensable?
Or, je suppose que par des communications amiables entre les ordres, on put convenir et arrêter les opérations les plus salutaires, nous serait-il permis d'éloigner, par des contestations anticipées, le bonheur que nous ne saurions trop nous hâter de procurer à la France, lorsque le Roi lui-même se montre si impatient d'y concourir?
Si, au contraire, fidèles à nos devoirs, et constamment animés du généreux amour delà patrie, nous n'avons d'autres plans que ceux qui peuvent assurer la liberté et la félicité publique, et si ces plans éprouvent quelque contradiction dans les autres ordres, avec quelle force, quel avantage ne ferons-nous pas valoir alors le vœu général de l'opinion par tète? Plus nous en aurons éloigné modérément la discussion, plus nous serons puissants, Messieurs, dans cette réclamation, par l'empire de la raison, par celui de la voix publique, et, pour tout dire enfin, par celui de la nécessité.
Ah ! Messieurs, j'ose encore vous le répéter, la France impatiente nous attend et l'Europe nous regarde. Malheur à nous, si nous prenons la chaleur pour le courage et la prudence pour la faiblesse, et si, nous livrant dès le début à de vaines discussions, nous n'allons par la voie la plus droite et la plus sûre au bien général qu'il nous est facile d'opérer avec de la modération et de la fermeté !
combat fortement celte opinion. Il représente que les députés des communes ne peuvent faire aucune députation tant que les pouvoirs ne sont pas vérifiés ; il fait valoir les avantages d'une inactivité entière dans de pareilles circonstances.
En conséquence, l'Assemblée reste dans l'inertie qu'elle a montrée la veille. On ne prend point de délibération ; les six personnes les plus âgées sont chargées de maintenir l'ordre.
présente un parti mitoyen qui, sans compromettre les communes, peut faire connaître, quoique inofficiellement, les intentions des deux ordres privilégiés ; il consiste à permettre à ceux qui le voudraient d'aller individuellement, et sans mission expresse de l'Assemblée, vers le clergé et la noblesse, pour engager les membres de ces ordres à se réunir aux communes, conformément à l'invitation du Roi, et
pour les assurer que ces communes attendront que cette réunion soit opérée avant de se livrer à aucun travail.
Un membre appuie cette motion. Il ajoute qu'un discours de M. l'archevêque de Vienne annonce que le clergé est déjà disposé à se réunir aux communes.
La motion de M. Mounier est adoptée à une très-grande majorité.
Douze membres vont dans les Chambres de la noblesse et du clergé. De retour ils annoncent qu'ils n'ont trouvé dans la Chambre de la noblesse que les commissaires que cet ordre a nommés pour la vérification de ses pouvoirs ; que les commissaires les ont prévenus que les membres composant Tordre de la noblesse s'assembleront le lundi 11.
Quant au clergé, l'orateur des douze membres des communes annonce que cet ordre est assemblé, et que le président a répondu que le clergé allait délibérer sur ce qui lui était proposé.
Une heure après, MM. les évêques de Montpellier et d'Orange et quatre autres ecclésiastiques, entrent dans la salle.
, évêque de Montpellier. Les députés du clergé ont pris en considération la demande que vous leur avez faite ; ils ont décidé qu'ils nommeraient incessamment des commissaires qui, réunis à ceux qui seraient élus dans la noblesse et les communes, pourront s'occuper de la question de savoir si les pouvoirs devront être vérifiés en commun.
Les membres du clergé se retirent.
Plusieurs débats ont lieu sur la décision que le clergé propose de soumettre à des commissaires.
Plusieurs membres la trouvent d'une trop grande importance pour adopter cette disposition. — Aucune décision n'est prise.
La séance est levée.
Séance du
CLERGÉ.
Le clergé emploie cette séance à nommer les commissaires chargés de la vérification des pouvoirs. Cette nomination est interrompue par la proposition de nommer une commission concilia-toire proposée la veille.
On l'indique pour le lendemain à la pluralité des voix.
La séance est levée.
NOBLESSE.
La noblesse ne s'est pas assemblée.
COMMUNES.
A l'ouverture de la séance, un membre fait la motion de déposer sur le bureau les listes séparées des députés de chaque bailliage.
Cette motion est adoptée, et aussitôt les listes sont déposées.
L'inactivité des communes est toujours la même; cependant divers députés proposent de prendre des délibérations tendant à terminer les causes cachées de l'état actuel des choses.
, doyen, présente un règlement contenant quelques articles de police intérieure. La discussion s'ouvre sur cette matière : plusieurs membres sont entendus, et sont très-ap-plaudis.
, député de Colmar. On demande mon opinion, après avoir donné lecture du premier article du règlement de police de notre Assemblée, d'où je conclus qu'on exige que j'opine si le premier article doit être adopté ou rejeté.
Ceci suppose qu'on a consenti à ce qu'il fût fait et proposé un règlement, et même à ce que le règlement proposé fut discuté dans tous ses articles, qui sont au nombre dequinze.
Mais par quoi ce consentement est-il constaté? Nous navons pas délibéré sur cet objet; nous n'avons pas encore réglé de quelle manière on voterait, pour connaître le vœu des personnes présentes, ^t nous n'avons pas même décidé que nous voterions; cependant le moins qu'on aurait dû faire, avant de proposer la discussion d'un article du règlement, c'était (Je fixer la manière de recueillir les voix, pour être assuré légalement de l'opinion, sinon de la totalité, du moins de la pluralité des personnes qui composent cette Assemblée. Je crois cette proposition préliminaire si importante que j'ose vous demander, Messieurs, la permission de vous faire part de quelques réflexions qu'elle m'a fait naître.
Qui sommes-nous? Nous sommes, si je ne me trompe, des personnes présumées légalement élues par le tiers état du royaume pour députés aux Etats généraux ; et comme nous ne voyons parmi nous aucune personne présumée légalement élue par le clergé et la noblesse du royaume pour députés aux Etats généraux, que pouvons-nous, que devons-vous faire?
Nous avons pour ainsi dire pensé, le 6 mai, que nous étions plutôt une cohue qu'une Assemblée ; que nous ne pouvions ou du moins que nous ne devions pas procéder à la vérilication des pouvoirs, tant que le clergé et la noblesse ne se trouveraient pas présents et réunis avec nous dans cette salle; et que, tant que nos pouvoirs ne seraient pas vérifiés, nous ne serions pas une Assemblée capable de prendre des résolutions, pas même de délibérer d'une manière légale et constitutionnelle. De là nous avons conclu que nous ne pouvions, sous aucun rapport, envoyer des députés aux personnes présumées élues légalement par le clergé et la noblesse du royaume pour députés aux Etats généraux, lesquelles personnes étaient assemblées dans deux autres salles ou chambres différentes de la salle des Etats généraux, dans laquelle nous nous trouvons.
Les communes ne sont pas tellement fidèles à ce système d'inaction quelles ne s'en soient écartées, tant il est vrai qu'il est impossible de concevoir qu'on puisse être légitimement, je dirai même légalement réunis, sans que Ton s'organise pour ainsi dire de soi-même, quand ce ne serait que pour s'entendre.
Cependant quel est l'inconvénient d'une organisation provisoire ? Nos pouvoirs, nous répète-ton, ne sont pas encore vérifiés; mais supposons, Messieurs, qu'en entrant dans cette salle nous y eussions trouvé le clergé et la noblesse, les trois ordres réunis nese seraient-ils pas organisés avant la vérification des pouvoirs? et cette organisation préliminaire, indispensable, n'aurait-elle pas été, je ne dis pas simplement légitime, mais même constitutionnelle? Or, ce que nous pourrions faire, clergé, noblesse et tiers état, avant la véri-
fication des pouvoirs, ne le pourrions-nous sans le clergé et la noblesse?
Sait-on à quoi nous pourrions être pour ainsi dire forcés ? Peut-être serons-nous dans le cas de nous déclarer la nation, et de commencer l'œuvre de la restauration de la monarchie sans le concours de ttfutes les personnes présumées légalement élues par le clergé et la noblesse du royaume pour députés aux Etats généraux ; je dis que nous serons peut-être amenés à prendre ce parti, parce qu'il m'est impossible de concevoir que le vote par ordre et l'espérance qu'il en résultât jamais aucun bien, soient dans la classe des possibles ; mais comment parvenir à prendre ce parti ou un autre quelconque, si nous persistons à penser que nous ne pouvons pas nous organiser légalement et constitutionnellement?
Je demande l'établissement d'une police pour la collecte des voix, qui soit telle que l'on soit sûr d'avoir rassemblé toutes celles des membres présents à la délibération.
Je me résume, quant à présent, à dire que l'on ne peut s'occuper encore du règlement général, ni au premier article du règlement en particulier; que la police qu'on veut nous donrier suppose que nous nous sommes déjà formés en tiers état, en corps séparé de la noblesse et du clergé; que la députalion à faire à M. le marquis de Brézé et à toute autre personne, pour faire disposer nos places en. amphithéâtre, fortifie cette séparation. Nous n'avons cependant, Messieurs, cessé de penser et de dire que la salle n'est pas à nous, qu'elle est celle des Etats généraux; que le clergé et la noblesse y avaient autant de droits que nous : et que savons-nous si ce que nous demandons ne déplairait pas à ces deux ordres? Quels ne seraient pas alors nos regrets d'avoir obtenu cette demande ; d'ailleurs, quel nom donnerions-nous à nos députés? comment les élirions-nous? par où serait-il constaté que nous les avons légalement élus? Ecartons, quant à présent, toute idée de règlement et d'amphithéâtre; ne nous occupons que de la manière de parvenir à régler comment on recueillera les voix pour constater légalement l'opinion de cette Assemblée.
La discussion est interrompue par l'arrivée de M. l'évêque du Mans et de quatre curés de son diocèse. Ils annoncent la mort de M. Héliaud, député des communes de la même province, et invitent l'Assemblée à assister ce soir à son enterrement.
On recueille les voix par ordre alphabétique sur le projet de règlement proposé à l'Assemblée. L'heure élant avancée, la séance est levée, et la suite de l'appel nominal renvoyée à demain.
Séance du
CLERGÉ.
Le clergé continue la nomination de ses commissaires pour la vérification des pouvoirs, et il décide que la députalion conciliatoire sera composée de huit commissaires et que l'élection en sera faite au scrutin ; les trois plus auciens d'âge sont nommés scrutateurs.
On renvoie la fin de cette opération à lundi.
Le vase qui contient le scrutin est déposé dans un appartement dont M. l'archevêque de Rouen,
faisant les fonctions de président, emporte la clef.
NOBLESSE.
La noblesse ne s'est pas assemblée..
communes.
L'appel nominal qui avait été commencé dans la séance de la veille est continué dans celle-ci. L'objet de la délibération est d'adopter le règlement ou de le rejeter, ou bien, sans statuer à cet égard, de laisser provisoirement la police de l'Assemblée à M. le doyen.
Ce dernier avis obtient la majorité, et Ton décide que M. le doyen aura la police provisoire de l'Assemblée jusqu'à ce qu'elle soit constituée.
La séance est levée et remise au lundi 11 mai.
Séance du
clergé.
On procède à la continuation de l'ouverture des billets du scrutin pour la nomination des commissaires conciliateurs. La vérification faite, M. le président annonce que la pluralité s'est réunie en faveur de :
MM. Champion de Cicé, archevêque
de Bordeaux..................... 144 voix.
De la Luzerne, évêque de Langres. 118
Coster, chanoine de Verdun ..... 103
Dillon, curé.........................49
Richard...............................49
Thibault, curé.......................42
Lefèvre, curé.........................41
LefrancdePompignan, archevêque de Vienne........................
Ensuite on nomme une députation pour l'ordre de la noblesse, chargée de lui faire part du désir de MM. du clergé de former une commission des différents ordres pour conférer à l'amiable sur les moyens de procéder à la vérification des pouvoirs. La délibération est portée, écrite et non signée, attendu que l'ordre du clergé n'ayant pas vérifié ses pouvoirs d'une manière définitive n'est pas légalement constitué.
Les gentilshommes opposants du Dauphiné se rendent à l'Assémblée du clergé. M. l'archevêque de Vienne dit qu'il se réserve et à ses co-députés, lorsqu'il en sera temps, de repousser leur prétention.
NOBLESSE.
L'Assemblée de la noblesse tient ce jour une séance de 7 heures, dans laquelle elle délibère qu'elle se regarde comme suffisamment constituée pour procéder à la vérification des pouvoirs.
prononce, à cette occasion, le discours suivant (1) :
L'administration nous a considérés, avant l'ouverture des Etats généraux, comme une Assemblée incomplète, puisque, par sa faute, nous étions dénués de plusieurs députés des bailliages qui n'ont pas eu la possibilité d'élire et d'envoyer leurs députés à Versailles; ou elle nous a reconnus, malgré l'absence de quelques-uns de nos collègues, comme suffisamment complets pour procéder à l'ouverture des Etats généraux.
Si l'administration nous a regardés comme incomplets, pourquoi nous a-t-elle mis en activité après avoir, par sa faute, causé l'absence de nos collègues?
Si elle nous a envisagés comme autorisés à procéder sans eux et formant légalement les États généraux, pourquoi nous a-t-elle ravi nos usages et nos privilèges?
Nos usages sont de nous assembler dans la Chambre de chaque ordre, avant l'ouverture des Etats généraux, d'y procéder à l'élection d'un président, d'un secrétaire, de deux orateurs évangé-listes, du secrétaire, et à faire le choix d'un orateur pour parler au Roi et lui porter le vœu de l'ordre. Nos privilèges sont, en ce jour si solennel, de nous adresser au Roi par l'organe de nos orateurs, de lui présenter, avec nos vœux pour son bonheur, des vérités que souvent on lui cache et qu'il lui importe de connaître à l'ouverture des Etats généraux, afin que le Roi, chargé de gouverner la nation, le soit lui-même par l'opinion publique.
Privés de tous nos usages, dénués de nos privilèges, l'ordre l'a été aussi de la possibilité de faire vérifier les pouvoirs de^es membres avant la tenue des Etats, en telle sorte qu'ils ont été composés jusqu'à ce jour de personnes que la seule notoriété a placées au rang de députés des bailliages.
Les Etats généraux ont été composés, depuis 1303, de trois ordres de citoyens: des députés du clergé, de ceux de la noblesse et de ceux des communes. La loi de 1355, sur le fait des délibérations, et l'usage de cette loi depuis 1550, prouvent que chaque ordre délibérant à part, le consentement des trois ordres, et la sanction du Roi ont formé les lois et légitimé les subsides.
On a émis le désir, dans plusieurs bailliages, de changer cet ordre et de réunir tous les citoyens de tous les ordres dans une même .Chambre, afin que les voix y étant recueillies par tête, la pluralité des suffrages y forme la loi. ^ Le temps n'est pas venu encore de discuter les (avantages ou les inconvénients de cette manière fde délibérer ; mais la plupart des mandats de no-Itre ordre nous prescrivent de conserver l'ancienne manière d'opiner aux Etats généraux.
En cet état de cause, la motion de vérifier nos pouvoirs dans notre ordre, ou en commun avec les trois ordres, s'est élevée : elle a été débattue avec sagacité et chaleur.
Ceux qui assujettis par leurs mandats à délibérer par ordre, ceux même qui sont autorisés à soutenir cette forme de délibération, mais à qui il est permis de céder et de se soumettre à cet égard à la pluralité de vos suffrages, ont craint que ce préliminaire ne préjugeât la question des délibérations par ordre et par tête ; ceux-là me semblent avoir été autorisés à se maintenir dans cette croyance par plusieurs raisons. Avant de les développer, je m'empresse de dire que je suis loin de blâmer ceux qui ayant les mêmes mandats n'ont pas cru que cette vérification commune y portât la plus légère atteinte. En ces matières abstraites, la vérité n'apparaît pas à tous sous les mêmes rapports, et la seule qui se montre très-clairement à moi, c'est que les vertus, les principes et la probité reconnue de ceux qui, en nous annonçant que la volonté de leurs commettants était d'opiner par ordre, ont néanmoins conclu à la vérification commune, nous sont le gage assuré que, dans ces sortes de discussions, la vérité et les principes ont plusieurs nuances et des aspects différents ; mais ceux qui, dans la vérification des pouvoirs faite en commun, ont cru voir un acheminement au délibéré par tête, se sont fondés :
« 1° Sur l'usage constant établi aux Etats généraux de 1560,1576, 1588 et 1614, de . procéder a cette vérification par ordre;
« 2° Sur ce que, dans ces précédents Etats, chaque ordre agissant indépendamment les uns des autres et leur sanction mutuelle formant la loi, il paraissait que chaque ordre devait s'assurer respectivement des pouvoirs de ses membres et tenir, pour légitimement députés de chaque ordre, chacun de ceux qui étaient généralement reconnus dans leur ordre;
« 3° Sur ce que, si les délibérés par tête étaient un jour adoptés., dès lors la vérification commune devenait indispensable; mais par cette même raison; chaque ordre étant séparé, il fallait conserver les formes établies dans chaque ordre, jusqu'à ce qu'elles fussent proscrites, et l'usage des délibérations par ordre anéanti par l'établissement du délibéré par tête. »
Enfin, Messieurs, il a paru à ceux qu'un mandat positif oblige à conserver l'ordre ancien des délibérations, que cette innovation dans la délibération des pouvoirs en commun semblait préparer à celle qu'il est question de décider sur la manière de délibérer.
Ceux qui ont envisagé la motion sous cet aspect ont eu raison de réclamer l'ordre accoutumé des vérifications partielles.
Ils ont eu d'autant plus de raison, qu'ils ont cru qu'il était digne de la majesté des Etats généraux de ne jamais surmonter de grandes difficultés, en s'y préparant par des subtilités qui pourraient ensuite servir de préjugés au jugement de ces grandes questions. Qu'avons-nous donc fait en cette occurrence? Nous avons jugé que la Chambre étant incom-| plète, nulle délibération qui tendrait à détruire f les lois ou les usages ne pourrait y être sanc-I tionnée.
Dès lors qu'il ne nous était pas permis de sanctionner aucune délibération, les précédentes lois des Etats généraux devaient être nos seuls guides, jusqu'à ce que la Chambre, dans son intégrité, \ pût les changer ou les abolir ; dès ce moment, j toutes nos démarches n'ont été que provisoires : nomination du président, du secrétaire et de ses évangélistes. Cependant, afin de ne pas, perdre un temps pré-
cieux, et de nous reconnaître entre nous, nous avons procédé à une vérification de pouvoirs, suivant les formes des précédents Etats généraux. Pouvions-nous les chauger sans que la Chambre fût complète? Les changer était établir un nouvel ordre de choses ; mais pour établir un nouvel ordre de choses, il faut un décret ; et pou-viez-vous en rendre, vous étant reconnus incomplets et incompétents, pour altérer les anciens usages?
Votre conduite a donc été également mesurée et légale. Elle n'a rien préjugé, elle ne nuit à rien : elle a laissé dans leur intégrité toutes les grandes questions et a seulement montré votre respect pour les formes anciennes, qui sont les seules que la loi autorise, jusqu'à ce qu'elles aient été légalement abolies.
Cette grande question sur le mode des délibérations est encore entière et telle qu'elle doit être présentée dans cette auguste Assemblée.
Si elle se décide à voter par tête, dès lors on pourra, s'il le faut, procéder à des vérifications communes.
Si elle veut maintenir la séparation des ordres, l'usage des vérifications partielles, la légitimité des députés de l'ordre pourra encore être maintenue, ou enfin il sera possible de la changer en une vérification commune, sans préjuger une question qui sera déjà décidée.
Maintenant les communes invitent la Chambre de la noblesse à se réunir dans la même salle avec les deux autres ordres de l'Etat, pour procéder à la vérification des pouvoirs.
Messieurs, la franchise et l'exposé de tous nos sentiments doit être l'unique politique des ordres et de la nation.
Ainsi il me paraît qu'il serait digne des sentiments de cette Chambre d'autoriser nos douze commissaires à faire part de leur travail aux communes, en les instruisant des motifs qui nous ont empêchés de procéder à une vérification commune ; de leur offrir de reconnaître comme légitimes députés des communes tous ceux qu'elles reconnàîtront elles-mêmes dans leur ordre ; de faire la même offre au clergé, et de demander la réciprocité pour nous-mêmes, jusqu'à ce que la délibération par ordre ou par tête ayant été ou proscrite ou admise, cette nou-I velle forme en nécessitant d'autres dans la vérification des pouvoirs, nous établissions à cet égard de nouveaux usages.
Qu'il me soit permis, Messieurs, de vous exposer qu'en attendant que notre Chambre soit complète et que nous puissions procéder à des délibérations essentielles, et rendre des décrets durables, il est un travail préliminaire qui devrait nous occuper.
Quand la délibération sera terminée, je prie M. le président de proposer à la Chambre de délibérer qu'il soit nommé des commissaires, à l'effet de procéder au projet de règlement et de police pour la Chambre,
1° Pour régler les-droits du président ;
2° Ceux des secrétaires;
3° L'ordre rigoureux que la Chambre veut qui soit maintenu, lors des délibérations.
Sans des règles sévères à cet égard il ne régnera dans la Chambre que confusion et tyrannie.
Aucun de nous n'est venu ici pour plaire à tel ou tel parti, pour suivre telle ou telle bannière et s'asservir à l'opinion de qui que ce puisse être. Nous n'y sommes pas même venus pour y porter nos opinions, mais celles de nos commettants,
quand leur volonté suprême a prononcé des mandats rigoureux.
Quand donc un député exprime son opinion, il n'est pas permis à personne d'oser l'interrompre. C'est manquer au respect dû au bailliage qu'il représente, c'est manquer à celui que nous devons tous à notre ordre, c'est infirmer par cet acte seul la validité des délibérations. Elles sont nulles de droit, si un seul député n'a pas eu la possibilité d'expliquer sa pensée; d'autant, Messieurs, que trop souvent l'extrême timidité est le partage des grands talents et que tel qui, caché au milieu de vous, ose à peine élever la voix et qu'une interruption brusque intimide, ïi'a conservé cette timidité que par les mêmes moyens qui forment l'indépendance des princi-cipes, la pureté des opinions : ils ne naissent et ne se fortifient que dans le silence et la retraite ; tandis que l'usage seul inspire l'assurance de parler devant une si auguste Assemblée.
Un règlement sage mais précis, et sévèrement exécuté, maintiendra parmi nous la liberté,et la décence ; et on ne nous verra pas, en demandant la liberté publique, proscrire la liberté des opinions.
Au milieu des orages qui peut-être nous entourent, notre Chambre, toujours calme et guidée par cette fermeté inébranlable, qui naît du témoignage de sa conscience et du respect pour les lois, offrira un spectacle imposant, fait pour rallier à nous les ordres de l'Etat.
Egalement pénétrés d'égards pour le clergé et les communes, notre sagesse, notre calme et la tranquillité de nos débats prouveront à tous les ordres que nos diversités d'opinions ne sont maintenues par aucun éloignement, fomentées par aucune aigreur ; que, soumis à la loi, asservis à la raison, nous ne savons au péril de notre vie nous soumettre qu'à elles seules , mais aussi que toutes les voies de conciliation et de concorde seront toujours accueillies dans une Chambre qui sait écouter les avis divers sans émotion et entendre sans tumulte le débat des opinions les plus opposées;
De sages règlements peuvent seuls nous procurer cet avantage, et je supplie la Chambre de délibérer sur le moyen de nous les procurer.
Les dissidents du Dauphiné sont admis et entendus dans la même séance.
, député par les Etats de cette province, leur demande s'ils agissent en leur nom seulement, ou comme députés? il ajoute que, dans le cas où ils prétendent agir au nom d'autres gentilshommes ou ecclésiastiques, ils doivent remettre leurs pouvoirs.
, archevêque d'Embrun, répond qu'ils agissent individuellement et en leur seule qualité de citoyens.
Un des membres de la noblesse demande aux députés du Dauphiné s'ils reconnaissent la Chambre pour juge.
répond qu'ils ne peuvent avoir d'autres juges que les ordres réunis^ puisqu'ils ont été élus par les trois ordres, et représentent la province du Dauphiné; mais que, par respect pour la noblesse, ils s'empressent de lui prouver que les protestations des dissidents sont peu fondées , sans entendre néanmoins être jugés par elle.
Une députation de Tordre du clergé remet à
la Chambre l'arrêté pris par celle du clergé, le 7 mai, pour nommer des commissaires conciliateurs.
La séance est levée.
communes.
Une députation de quinze gentilshommes dissidents du Dauphiné, à la tête desquels est M. de Leyssin, archevêque d'Embrun, se présente. Ils annoncent qu'ils attaqueront la constitution de leur province et la nomination de ses députés.
Les communes déclarent qu'elles ne sont encore rien, qu'elles ne forment point un ordre, mais une simple assemblée de citoyens réunis par une autorité légitime pour attendre d'autres citoyens; qu'elles ne peuvent par conséquent examiner leur réclamation.
Un des membres annonçant que les communes allaient recevoir une députion du clergé, demande qu'on délibère pour savoir qui recevra les députés du clergé, comment on les recevra, et comment on leur répondra.
, l'un des députés de Riom, dit que l'Assemblée ne pouvant pas délibérer comme Chambre constituée, doit au moins se former en grand comité, parce que sous cette forme elle peut conférer de ses intérêts, les discuter et les connaître sans compromettre aucun de ses droits, aucune de ses protestations.
La majorité de l'Assemblée rejette cette opinion.
Séance du
CLERGÉ.
On nomme une députation de douze membres pour assister au service du feu Roi.
La vérification des pouvoirs est suspendue jusqu'à l'issue des conférences conciliatoires proposées aux deux autres ordres ; la séance est terminée sans aucune opération ultérieure.
NOBLESSE.
L'arrêté apporté hier par la députation de l'ordre du clergé est pris aujourd'hui en considération.
La proposition du clergé est adoptée en ces termes:
Sur ce qui a été observé que l'arrêté pris par l'ordre du clergé, le 7 de ce mois, et remis hier à la Chambre par les députés de cet ordre, contenait, de sa part, l'invitation de nommer des commissaires, à l'effet de concerter et conférer avec les commissaires des autres ordres, il a été proposé de prendre cet objet en considération ; et la matière mise en délibération, il est arrêté, à la pluralité de 173 voix, de nommer, dès à présent, des commissaires pour se concerter avec les deux autres ordres.
Il est décidé que cet arrêté et ceux précédemment pris par la Chambre seront communiqués aux deux autres ordres par une députation.
Une députation de douze membres est nommée pour assister au service de Louis XV, La séance est levée.
COMMUNES.
Les communes, prévoyant que la conduite des ordres privilégiés peut exiger bientôt quelque démarche de leur part, s'occupent à se préparer les moyens d'opiner, et de délibérer régulièrement au moment du besoin.
Le doyen et les anciens sont chargés de se procurer une liste complète et nominale des députés, et l'on arrête quelques autres moyens de police provisoire.
propose ensuite de nommer, pour huit jours, une personne dans chaque gouvernement à l'effet de se réunir à M. le doyen pour mettre de l'ordre dans les conférences, compter I les voix, connaître la majorité des opinions sur toutes les propositions qui seraient, faites pour ! accélérer la réunion des ordres dans la salle des i Etats généraux, et tenir note de tout ce qui serait ! déterminé provisoirement, en évitant tout ce qui ! pourrait faire supposer que les communes con-[ sentent à la séparation des ordres, et en leur con-\ servant soigneusement le caractère d'Assemblée Inon constituée, dont les membres n'ont pas fait vérifier leurs pouvoirs, et qui n'ont d'autre but que de préparer la formation.
Cet avis est adopté, et il est convenu qu'on s'assemblera l'après-midi, par gouvernements, suivant les divisions établies en 1614.
En conséquence de cfctte résolution, le gouvernement de l'Ile-de-France nomme M. Daiïly, ancien directeur général des vingtièmes, député de Chaumont;
Celui de Bourgogne, M. Arnoult, député de Dijon;
Celui de Normandie, M. Thouret, avocat, député de Rouen;
Celui de Guyenne, M. Loys, avocat, député du Périgord ;
Celui de Bretagne, M. Champeaux;
Celui de Champagne, M. Menu de Chomorceau;
Celui de Languedoc, M. Yiguier, avocat de Toulouse ;
Celui de Picardie, M. Prévôt;
Le Dauphiné, M. Mounier ;
Le Lyonnais, M. Rhedon, avocat, député de Riom;
L'Orléanais, à cause de son étendue, en a nommé deux, MM.....
tes Trois-Évêcliés, M. Mathieu de Rondeville, avocat, député de Metz ;
L'Alsace et les provinces réunies à la France depuis 1614, M. le bailly de Flachflanden, grand-croix de l'ordre de Malte, député d'Hagueneau;
La ville de Paris, M. Tronchet, avocat.
Séance du
CLERGÉ.
Dans cette séance le clergé ne s'occupe que de la députation chargée de faire connaître aux autres ordres la nomination des commissaires conciliateurs.
NOBLESSE.
La Chambre, après avoir nommé la députation aux communes, continue de travaillera l'examen des pouvoirs contestés. La séance est levée.
COMMUNES.
Une députation de la noblesse, composée de MM. le duc de Praslin, Dèschamps, le duc de Lian-court, le marquis de Grillon, Saint-Maixent, Sarrasin, le marquis d'Avarai, le prince de Poix, paraît dans la salle des Etats généraux.
, portant la parole, annonce que la Chambre de la noblesse ayant nommé un président, un secrétaire, et ouvert des registres, a pris divers arrêtés, dont il s'empresse de donner communication ainsi qu'il suit :
Extrait du registre des délibérations de MM. les
députés composant la Chambre de la noblesse aux
Etats généraux.
Du mercredi 6 mai. — Il a été proposé de nommer des commissaires pour la vérification des pouvoirs de MM. les_ députés; sur quoi ayant été délibéré, et les opinions prises et recueillies par la voie de l'appel de tous MM. les députés présents, il a passé à la pluralité de 218 voix, de charger M. le président et les douze plus âgés de l'Assemblée, après avoir vérifié leurs pouvoirs respectifs, de vérifier ceux des autres députés, en suivant l'ordre des bailliages et sénéchaussées. Il a été fait ensuite plusieurs observations, d'après lesquelles il a été mis en délibération de savoir si les commissaires qui venaient d'être nommés pour les vérifications des pouvoirs de MM. les députés de l'ordre de la noblesse procéderaient seuls à cette vérification, ou s'ils y procéderaient en commun avec* les députés des deux ordres ; sur quoi ayant été délibéré, et les opinions recueillies par la voie de l'appel de MM. les députés présents, i il a été décidé, par la majorité de 188 voix, que * MM. les commissaires procéderaient seuls à la vérification des pouvoirs des députés de l'ordre de la noblesse.
Du lundi 11 mai. — Il a été proposé de décider si la Chambre de la noblesse est légalement et suffisamment constituée par les députés de son ordre, dont les pouvoirs ont été vérihés sans contestation.
La question mise en délibération, et les opinions ayant été recueillies par l'appel qui a été fait du résultat desdites opinions, il s'est trouvé 31 voix pour dire que la Chambre n'était pas constituée ; 2 pour dire qu'il n'y avait pas lieu à délibérer ; 193 pour décider que la Chambre était légalement et suffisamment constituée; 4 autres pour adopter le même avis, mais provisoirement et avec des modifications ; ainsi, il a été arrêté, à la pluralité de 193 voix, que la Chambre de la noblesse est constituée par les députés dont les pouvoirs ont été vérifiés sans contestation.
Du mardi 12 mai. — Sur ce qui a été observé que l'arrêté pris par l'ordre du clergé, le 7 de ce mois, et remis hier à la Chambre par les députés de cet ordre, contenait de sa part l'invitation de nommer des commissaires, à l'effet de se concerter et
conférer avec les commissaires (les autres ordres, il a été proposé de prendre cet objet en considération ; et la matière mise en délibération, il a été arrêté, à la pluralité de 173 voix, de nommer, dès à présentées commissaires pour se concerter avec les deux autres ordres.
Collationné conforme à la minute.
Signé : Le Carpentier de chaillouet, secrétaire de l'ordre de la noblesse.
La députation se retire.
N'est-ce pas une grâce que MM. de la noblesse accordent aux autres ordres, lorsqu'ils nomment des commissaires pour se concerter avec eux ? Puisqu'ils ont eu le droit de se refuser à l'ajournement ordonné par le Roi; de vérifier leurs pouvoirs séparément ; de se constituer en Chambre, sans le" consentement des autres ordres, qui les empêche d'aller en avant, de faire une constitution, de régler les finances, de promulguer des lois? Les nobles iie sont-ils pas tout en France? Qu'est-ce Qu'une corporation de vingt-quatre millions d'individus ? Cela vaut-il la peine d'être compté pour quelque chose? Je ne sais à quoi pensent nos écrivains politiques, lorsqu'ils nous disent que c'est là la nation, comme si les nobles n'étaient pas la nation par excellence. S'ils veulent bien admettre en tiers les vingt-quatre millions d'individus non nobles, c'est de leur part un généreux sacrifice, purement volontaire, et que personne n'a le droit d'exiger ; demandez plutôt à M. l'évêque de Nancy (de La Fare).
La députation de la noblesse est bientôt suivie d'une députation du clergé composée de six membres à la tête de laquelle se trouvent les évêques d'Orange^Dutillet) et deLydda (Gobel).
, évêque de Lydday portant la parole, a remis sur le bureau les deux arrêtés suivants :
1° Sur la proposition qui a été faite par MM. les députés de l'ordre du tiers de se réunir en commun pour faire la vérification des pouvoirs, les membres du clergé assemblés ont chargé leurs députés de témoignera MM. du tiers-état le zèle et rattachement dont ils sont pénétrés pour eux, et le désir de concourir à la plus parfaite harmonie entre les ordres ; et qu'en conséquence ils sont convenus de nommer des commissaires et d'inviter les deux autres ordres à en nommer pareillement, à l'effet de conférer ensemble et de se concerter sur la proposition faite par MM. les députés de l'ordre du tiers-état.
2° Les membres du clergé assemblés ont l'honneur de prévenir MM. de l'ordre du tiers-état que, conformément à la résolution prise le 7 mai, ils ont nommé huit commissaires, prêts à se réunir à ceux de la noblesse et du tiers-état, pour prendre sans délai les moyens les plus propres à faire régner entre les ordres la plus parfaite harmonie.
Je propose de nommer un certain nombre de personnes auxquelles il sera permis de conférer avec les commissaires nommés par MM. les ecclésiastiques et les nobles, pour réunir tous les députés dans la salle nationale, sans pouvoir jamais se départir des principes de l'opinion par tête et de l'indivi sibilité des Etats généraux.
Je propose d'adopter et faire
notifier au clergé et à la noblesse la déclaration suivante :
Les députés des communes de France, en vertu de la convocation du Roi, de l'annonce faite par M. le garde des sceaux au nom de Sa Majesté et de la publication des hérauts d'armes, s'étant rendus le 6 mai dans la salle des Etats où ils n'ont point trouvé les députés de l'église et de la noblesse, ont appris avec étonnement que les députés de ces deux classes de citoyens, au lieu de s'unir avec les représentants des communes, se sont retirés dans des appartements 'particuliers ; ils les ont vainement attendus pendant plusieurs heures et tous les jours suivants.
Quelques-uns des députés des communes s'étant fait instruire du lieu où étaient les députés de l'église et de la noblesse, ont été leur représenter que par leur retardement à se rendre dans la salle générale ils suspendaient toutes les opérations que le peuple français attend des dépositaires de sa confiance ; que les communes ont vu avec regret que les députés de l'église et de la noblesse n'ont pas encore déféré à cet avertissement; que le clergé et la noblesse ont envoyé des députations au corps national auquel ils devaient se réunir, et sans lequel ils ne peuvent fdirerien de légal, qu'ils ont nommé des commissaires pour aviser avec d'autres et délibérer entre eux ; que les représentants du peuple ne doivent pas s'abandonner à des moyens conciliatoires qui ne peuvent être discutés et délibérés qu'en commun dans l'Assemblée des Etats généraux; que la noblesse a ouvert un registre particulier, pris des délibérations, vérifié des pouvoirs, établi des systèmes ; que cette vérification partielle ne suffisait pas pour constater la régularité des procurations.
Les députés des communes déclarent qu'ils ne reconnaîtront pour représentants légaux que ceux dont les pouvoirs auront été examinés par des commissaires nommés dans l'Assemblée générale par tous ceux appelés à lâ composer, parce qu'il importe au corps de la nation comme aux corps privilégias, de connaître et de juger la validité des procurations des députés qui se présentent, chaque député appartenant à l'Assemblée générale, et ne pouvant recevoir que d'elle seule la sanction qui le constitue membre des Etats généraux ; que l'esprit public étant le premier besoin de l'Assemblée nationale, et la délibération commune pouvant seule l'établir, ils ne consentiront pas que, par des arrêtés particuliers des Chambres séparées, on porte atteinte au grand principe ; qu'un député n'est plus, après l'ouverture des Etats généraux, le député d'un ordre ou d'une province, mais, qu'il est le représentant de la nation ; principe qui doit être accueilli avec enthousiasme par les députés des classes privilégiées, puisqu'il agrandit leurs fonctions.
Les députés des communes invitent donc et interpellent les députés de l'église et de la noblesse à se réunir dans la salle des Etats où ils sont attendus depuis huit jours, et à se former en Etats généraux pour vérifier les pouvoirs de tous les représentants de la nation. Ils invitent ceux qui ont reçu l'ordre spécial de délibérer en commun, et ceux qui, libres de suivre cette patriotique opinion, l'ont déjà manifestée, à donner l'exemple à leurs collègues et à venir prendre la place qui Jeur est destinée-c'est dans cette réunion de tous les sentiments, de toutes les opinions que sont fixés sur les principes de la raison et de l'équité les droits de tous les citoyens. Il en coûte à tous les députés des communes de penser que depuis
dix jours on n'a pas encore commencé lès travaux qui assureront le bonheur public et la splendeur de l'Etat; qu'on n'a pu porter à un Roi bienfaisant le tribut d'hommages et de reconnaissance que lui méritent l'amour qu'il a témoigné pour ses sujets et la justice qu'il leur a rendue; que ceux qui pourraient retarder l'accomplissement ae devoirs si importants en sont comptables envers la nation.
Les députés des communes arrêtent que la présente déclaration sera remise aux députés de l'église et de la noblesse pour leur rappeler les obligations que leur impose leur qualité de représentants nationaux.
Les motions de M. Rabaud de Saint-Etienne et de M. Chapelier deviennent l'objet de la discussion.
Plusieurs membres ayant demandé d'être entendus, les débats sont prolongés à la séance suivante.
Séance du
CLERGÉ.
M. l'archevêque de Vienne et M. l'évêque de Langres, qui ont été nommés commissaires conciliateurs, demandant leur remplacement, il est procédé à un nouveau scrutin pour le choix de deux autres membres.
MM. Thibaut, curé de Sainte-Croix de Metz, et Gouttes, curé d'Argeliers, réunissent la majorité. Mais sur la déclaration qu'ils font qu'ils renoncent à leur nomination, et qu'ils désirent que MM. les évêques qui ont le plus de voix après eux soient nommés, MM. l'archevêque d'Arles et l'évêque de Clermont le sont.
Ensuite M. le président propose d'envoyer au Hoi une nombreuse députation pour lui présenter le respect et les hommages du clergé, et d'inviter les autres ordres à s'y réunir. Cette proposition est reçue avec acclamation.
NOBLESSE.
, grand sénéchal d'Albret, dit qu'il est chargé, par la sénéchaussée de Tartas, de lire à la Chambre le procès-verbal d'élection de M. le comte d'Artois. Après cette lecture, il ajoute que M. le comte d'Artois a appris cette élection avec reconnaissance et sensibilité, mais qu'il lui a dit que les ordres du Roi l'empêchent d'accepter. Le même propose d'envoyer une députation à M. le comte d'Artois pour lui témoigner le désir que la noblesse a qu'il accepte sa nomination.
Sur cette proposition, un autre membre demande à M. le sénéchal d'Albret si M. le comte d'Artois l'a chargé de faire le rapport à la Chambre. Il répond que non, mais que la sénéchaussée d'Albret l'en a'chargé. Après cette réponse, il est arrêté que la Chambre ne connaissant pas officiellement le refus de M. le comte d'Artois ni les ordres prétendus du Roi, il n'y a pas lieu de délibérer.
On reprend l'examen des pouvoirs contestés et l'on continue d'entendre les réclamations et des défenses opposées de part et d'autre.
La séance est levée.
COMMUNES.
Je viens vous présenter un troisième avis que j'ai rédigé en projet de déclaration dans les termes suivants :
« Les députés des communes apprenant par les arrêtés des députés de la noblesse qu'ils se sont constitués en ordre, et qu'ils ont cependant nommé des commissaires conciliateurs; présumant que l'intention de MM. de la noblesse est de consentir à une vérification commune des pouvoirs respectifs, ou que leurs commissaires conciliateurs ont une autre mission inconnue aux députés des communes ; dans tous les cas l'Assemblée non constituée desdits députés ne pouvant arrêter qu'en conférence un vœu commun, a résolu de le manifester, et d'en rendre compte au Roi et à la nation, ainsi qu'il suit :
« Nous députés des communes, profondément pénétrés des obligations que nous avons contractées envers la nation, et désirant avec ardeur les remplir religieusement, déclarons que notre mission est de concourir de toutes nos forces à asseoir, sur des fondements inébranlables, la constitution et la puissance de l'empire français, de telle sorte que les droits de la nation et ceux du trône, l'autorité stable du gouvernement, la propriété légale et la liberté de chaque individu, soient assurés de toute la protection des lois et de la force publique.
« Pour parvenir à cette fin, nous devons et nous désirons vivement nous réunir à nos co-députés, MM. du clergé et de la noblesse, et soumettre aux Etats généraux la vérification de nos pouvoirs respectifs. Assemblés chaque jour, depuis le 5 mai, nous avons invité avec instance; et nous réitérons nos invitations à MM. du clergé et de la noblesse, de procéder à cette vérification, nous espérons de leur patriotisme et de toutes les obligations qui leur sont communes avec nous, qu'il ne différeront pas plus longtemps de mettre en activité l'Assemblée nationale; nous demandons en conséquence, et nous acceptons toute conférence qui aurait pour but cet objet : nous sommes d'autant plus impatients d'en accélérer le moment, qu'indépendamment des travaux importants qui doivent nous occuper, nous sommes affligés de n'avoir pu rendre encore au Roi, par une députation des États généraux, les remer-cîments respectueux, les vœux et les hommages de la nation.
« Nous déclarons formellement être dans l'intention de respecter et n'avoir aucun droit d'attaquer les propriétés et prérogatives légitimes du clergé et de la noblesse ; nous sommes également convaincus que les distinctions d'ordre ne mettront aucune entrave à l'union età l'activité nécessaires aux Etats généraux. Nous ne nous croyons pas permis d'avoir aucune disposition irritante, aucun principe exclusif d'une parfaite conciliation entre les différents membres des Etats ; et notre intention est d'adopter tous les moyens qui conduiront sûrement à une constitution qui rendrait à la nation l'exercice de ses droits, l'assurance d'une liberté légale et de la paix publique : car tel est notre dévoir et notre serment. »
La motion de M. Malouet n'a pas de succès, quoique quelques membres cherchent à la soutenir.
Les débats sur les deux autres motions sont prolongés.
Séance du
clergé.
rend compte de la mission dont il a été chargé près du Roi, relativement à la députation que le clergé se proposait de lui envoyer. Il fait part de la réponse du Roi : « Je vous verrai tous avec plaisir. »
On propose ensuite de faire provisoirement le dépouillement des cahiers de tous les bailliages. Cette proposition est acceptée à la pluralité, à condition que l'on ne fera pas mention des pouvoirs concernant la délibération par ordre ou par tête, et que le dépouillement se fera par ordre de matière.
noblesse.
, président, donne lecture de la lettre suivante qu'il vient de recevoir de M. le comte d'Artois :
Versailles, ce
Je vous prie, Monsieur, de faire part à la Chambre de la noblesse que j'ai reçu par M. le baron de Batz, sénéchal du duché d'Albret, l'offre de la députation de la noblesse de la sénéchaussée de Tartas; elle m'a été offerte de la manière la plus flatteuse et la plus honorable, et je n'oublierai jamais la sensible reconnaissance que je dois à cette marque d'estime et de confiance ; je vous prie encore, Monsieur, de bien exprimer à la Chambre de la noblesse qu'un descendant d'Henri IV sera toujours honoré de se trouver parmi des gentilshommes français; assurez-les que mon désir le plus ardent eût été de siéger avec eux et de partager leurs délibérations, surtout dans une circonstance aussi importante. Mais chargez-vous en même temps de déposer dans le sein de la Chambre les regrets aussi pénibles que sincères que j'éprouve d'être forcément obligé, par des circonstances particulières, à ne pas ac^ cepter cette députation ; il m'eût été bien doilx de mieux connaître, de mieux apprécier encore, s'il est possible, les sentiments qui distinguent la noblesse française. Mais, Monsieur, certifiez en mon nom à toute la Chambre, que forcé de renoncer en ce moment à l'espoir d'être un de ses membres, elle peut compter qu'elle trouvera toujours en moi les mêmes sentiments que je n'ai jamais cessé de démontrer et que je conserverai éternellement. Je profite avec empressement de cette occasion pour vous témoigner, Monsieur, mes sentiments et ma parfaite estime.
Votre affectionné ami,
Charles-Philippe.
Après la lecture de cette lettre la Chambre prend l'arrêté suivant :
Du 15 mai 1789.
La Chambre de la noblesse a arrêté que son président se retirerait par-devant M. le comte
d'Artois, pour assurer ce prince*, que la noblesse
Montboissier, président.
Chiallouet, secrétaire.
Le président s'étant rendu auprès de M. le comte d'Artois, fait connaître, à son retour, la réponse verbale du prince qui a dit :
Monsieur, j'essayerais en vain de vous exprimer toute la reconnaissance que m'inspire la démarche honorable pour moi, dont la Chambre de la noblesse vous a chargé et les regrets qu'elle veut bien éprouver; ils augmenteraient ceux que ressent mon cœur, si cela était possible; mais, Monsieur, veuillez parler encore en mon nom à la Chambre et lui donner la ferme et certaine assurance, que le sang de mon aïeul m'a été transmis dans toute sa pureté, et que tant qu'il m'en restera une goutte dans les veines, je saurai prouver à l'univers entier, que je suis digne d'être né gentilhomme français.
On continue ensuite l'examen et le jugement des pouvoirs contestés. Le baillage d'Auxerre, à qui le règlement ne donnait qu'une députation, a cru que sa population Jui permettait d'en faire deux. En reconnaissant la légitimité de cette prétention, on prononce que le bailliage doit suivre le règlement.
Un membre fait considérer que si on tolère une pareille infraction, on sera assailli d'une foule de doubles et de triples députations..
La séance est levée.
communes.
L'importance de la question dont l'Assemblée est occupée, et la diversité des opinions qu'elle a fait naître, déterminent à recueillir les voix par appel de bailliage, en laissant à chacun la liberté de motiver son avis.
Plusieurs membres proposent de protester sur la déclaration faite par la noblesse qu'elle se regarde comme constituée, et de nommer ensuite des commissaires pour chercher, par des motifs d'intérêt national, à les ramener à l'union entre les ordres. D'autres sont d'avis de nommer des commissaires conciliateurs, sauf à protester ensuite si leur mission ne procure aucun effet.
, député de Toulouse. J'observe qu'avant de se livrer à des moyens rigoureux, propres à éteindre à jamais tous les principes d'harmonie, il faut du moins entendre ce que les commissaires veulent proposer; la paix est trop précieuse pour ne pas l'acheter, s'il est possible, par quelques jours d'attente.
MM. Thouret et Barnave présentent les mêmes sentiments.
député du Languedoc. Le même principe détermine en vous des résolutions différentes, et quoique vos avis soient opposés en plusieurs points, des motifs semblables les ont excités. Sans avoir la prétention d'ajouter beaucoup de lumières à la masse de celles que la discussion actuelle a déjà fait naître, j'o-
serai donner à mon opinion un développement convenable, en abusant le moins que je pourrai de votre attention et de votre patience.
Vos mandats, Messieurs, et vos volontés particulières sont parfaitement d'accord, et l'universalité des députés des communes, comme celle des vingt-cinq millions de citoyens dont ils ont reçu leurs pouvoirs, pense qu'il est indispensable au bien de l'Etat, à la prospérité de la nation et à l'affermissement de la liberté commune, que dans l'Assemblée nationale toutes les voix soient comptées par tête. Aussi, lorsqu'on nous a proposé de laisser aux commissaires nommés par les provinces le pouvoir de conférer avec les députés des ordres privilégiés, on n'a jamais pensé que ces commissaires pussent compromettre une question déjà déterminée par l'unanimité de nos mandats et par la majorité de %ceux qui doivent constater la totalité des membres de l'Assemblée nationale.
On n'a pu même penser, à plus forte raison, que ces commissaires fussent libres de renoncer au vœu que vous avez si justement manifesté, que les pouvoirs soient vérifiés en commun par les trois ordres réunis, et à la résolution où vous êtes de ne reconnaître pour membres de cette Assemblée nationale que ceux dont vous aurez sanctionné le titre... Mais on peut penser que, sans diminuer de la fermeté qui doit diriger toutes nos démarches, il est possible, sinon d'obtenir par la médiation que nos droits soient avoués par ceux qui affectent de les méconnaître, du moins de constater que les partis vigoureux et fermes auxquels il faudra bien que nous nous arrêtions tôt ou tard, ont été précédés par toutes les démarches conciliatrices que peut inspirer l'amour de la paix.
Les résolutions précipitées ne doivent point convenir aux représentants de vingt-cinq millions d'hommes, forts de l'équité de leurs prétentions plus encore que de leur nombre; et sans doute cette Assemblée, sur les décisions de laquelle le monde entier a maintenant les yeux, doit s'affranchir à jamais du moindre reproche de légèreté. Sans doute, il viendra peut-être bientôt ce jour où, loin de vous borner à une démarche actuellement proposée, vous vous constituerez, non pas en ordre séparé, non pas en chambre du tiers-état, mais en Assemblée nationale...
Il viendra peut-être ce jour où vous vous rappellerez ces vérités immuables, si longtemps oubliées, et consacrées tout à l'heure par un des membres même de cette noblesse dont les prétentions sont si opposées aux vôtres : que lesl prières du peuple sont des ordres ; que ses doléan- | ces sont des lois, et qu'il est réellement la nation, I tandis que les autres ordres n'en sont que des dé- ) pendances. Mais, Messieurs, plus le parti que vous prendrez alors sera ferme et irrévocable, plus il est indispensable de le faire précéder par des démarches de conciliation et de paix. Ne craignez point d'en trop faire, ne redoutez pas une lenteur à laquelle toute la France applaudit et qui offrira d'avance une justification à vos résultats, s'ils pouvaient en avoir besoin.
Songez que vous devez travailler pour les siècles futurs, et ne craignez pas de consommer quelques instants dans une attente même inutile; songez que vos mains élèvent l'édifice de la liberté publique, et qu'il importera bien peu à la postérité pour laquelle vous travaillez que les fondement eu aient éié ;et.éa plus ou moins vite. Vous avez pour vous la raison et la force ; il faut donc encore de la modération.
Les partis précipités et violents sont le partage de la faiblesse ; mais ceux qui ont un pouvoir étendu ont aussi l'avantage de retarder l'instant où ils doivent le déployer. Qu'importe donc que le parti proposé soit ou ne soit pas efficace pour amener dans cette Assemblée les ordres que vous attendez, si son adoption connue peut vous concilier l'opinion publique, si puissante et si nécessaireT^mais il s'en fatit bien que je considère le projet offert comme devant être sans effet vis-à-vis des deux premiers ordres.
Vous ayez, Messieurs, à lutter dans ce moment contre la fierté naturelle à une noblesse courageuse, qui croit qu'il ne lui est pas permis de faire un pas en arrière. En vous présentant devant elle d'une manière directe, vous l'aigrissez et l'armez nécessairement contre vous, tandis que la voix de la médiation peut la ramener à vous en la faisant céder à la persuasion. Par ces considérations, Messieurs, je me range à l'avis de M. de Saint-Etienne, sans rejeter celui proposé par M. Chapelier, que je me norne dans ce moment à regarder comme prématuré. Il semble que nous devons marcher pas à pas et avancer assez doucement pour n'être jamais forcés de rétrograder...
Messieurs, les deux motions présentées hier à l'Assemblée me paraissent également judicieuses : la première pour le temps présent, la seconde pour le temps à venir : l'une indique ce qu'il faut faire actuellement, l'autre ce qu'il faudra faire peut-être dans quelques jours. Les honorables membres qui les ont soumises à la discussion des représentants de la nation méritent à la fois nos éloges. Il était temps qu'au milieu des orages inséparables d'une première Assemblée, on fixât enfin nos regards sur des objets capables de cap-tiviter l'attention et de nous conduire au but si désiré de la réunion complète des trois ordres dans le sein des Etats généraux. Cette réunion est d'assez grande importance pour nous, pour la nation, dont nous avons l'honneur d'être les organes, pour que nous écartions de nos démarches tout ce qui pourrait nous faire taxer d'imprudence, de légèreté ou de précipitation.
Destinés par la nature, engagés par notre monarque lui-même à faire voile vers la liberté, partirons-nous seuls, laisserons-nous sur la plage des compagnons de voyage qu'une erreur funeste, que le prestige des anciennes opinions tiennent éloignés de leurs frères? Ou enfin, Messieurs, prendrons-nous le parti de leur envoyer des émissaires qui, forts de leurs droits et doués de cette éloquence persuasive qui exerce un si noble empire sur les âmes lorsqu'elle est jointe au sentiment d'un intérêt respectif, les avertiront de venir prendre leur poste sur le vaissèau de la patrie ?
Sans doute, Messieurs, il faudra bien partir seuls, s'ils se refusent aux avances qu'on leur fera à cet égard ; sans doute il nous faudra partir seuls, si les deux corps privilégiés, insensibles à nos invitations patriotiques, voulaient mettre en problème la question déjà décidée de la réunion des ordres et de la votation par tête. Mais quels inconvénients y a-l-il à entrer en conférence, à dissiper des doutes mal fondés, à aller au-devant des objections pour les combattre et à dissiper les fantômes de l'imagination? aucun, je l'assure.
Les membres des communes que vous choisirez, je ne dis pas les députésy mandataires, non
de l'Assemblée nationale constituée, mais d'une collection de citoyens patriotes, envoyés et non arbitres, ne seront point chargés de concerter des plans de conciliation nuisiblés au vœu exprès et rigoureux de nos mandats ; mais, l'olivier à la main et la patrie devant les yeux, ils porteront des paroles de paix, ils emploieront les grandes considérations d'intérêt public et tous les moyens que le patriotisme leur suggérera pour engager j* les ordres privilégiés à se soumettre à l'opinion j |publique qui a déjà prononcé ; ils sèmeront, pour me servir de l'expression heureuse d'un membre de cette Assemblée, la lumière parmi les ténèbres; et nous obtiendrons peut-être l'avantage inappréciable de voir les deux premiers ordres volontairement incorporés à l'Assemblée nationale, concourir à l'établissement d'une constitution qui ne sera telle qu'il nous convient de l'avoir que dès qu'elle sera l'ouvrage de tous les codé-putés aux Etats généraux.
Ces conférences, nous dit-on, ne produiront rien, et on nous cite le colloque de Poissy et une multitude d'autres conférences rendues inutiles par l'esprit de parti ; mais si l'on jugeait du temps présent par les temps passés, quel triste augure pour les Etats généraux de 1789 !
Elles ne produiront rien, je le veux ; mais n'est-ce pas un succès que de convaincre nos commettants que nous avons délibéré avant d'agir ; que la réflexion, l'esprit de sagesse et de maturité ont présidé aux résolutions vigoureuses et définitives que nous serons dans le cas de prendre après avoir épuisé tous les moyens possibles de conciliation? Eh ! que risque-t-on d'adopter ce parti ? On perd du temps. Oui ; mais il faut savoir en perdre ; il faut savoir aussi que l'on gagne tout celui qui est donné à la prudence. On perd du temps... Mais s'agit-il donc d'une occasion tellement décisive qu'il ne nous soit plus possible de la retrouver et qu'il ne nous reste que le regret de ne l'avoir pas saisie ? Dans huit jours, comme aujourd'hui, nous serons à même de donner à la motion de M. Chapelier toute l'attention qu'elle mérite ; dans huit jours, et j'en atteste l'accueil qu'elle a reçu, nous nous trouverons ici avec les mêmes principes, la même fermeté, le même patriotisme; dans huit jours, corroborés par les députations de la capitale, nous ne nous exposerons pas aux reproches d'avoir pris une délibération infiniment importante sans le concours d'une portion aussi considérable que précieuse de nos collègues.
Tant d'avantages attachés à la lenteur de notre marche seraient-ils balancés par la considération que l'on se propose de faire, que nos démarches pourraient être présentées par les corps privilégiés comme une adhésion à leurs principes, ou comme une espèce de reconnnaissance que l'Assemblée nationale s'est constituée en Chambre du tiers ? Je respecte l'excès de délicatesse qui a inspiré cette crainte ; j'en aime la cause, et je me garderais bien d'attaquer la conséquence si je ne pouvais le faire sans porter atteinte au principe. De tels soupçons, pour être fondés, devraient avoir un but d'utilité pour les ordres privilégiés; et ce but, que j'ai peine à apercevoir en politique, devrait être quelque chose de vraisemblable ou de possible.
Or, en admettant la supposition et en portant les choses à l'extrême, que résulterait-il de ce que les ordres privilégiés nous regarderaient comme constitués et s'efforceraient de nous faire regarder comme tels? Que nous serions constitués ? non vraiment.
Qu'en résulterait-il donc encore? que ce bruit répandu nous priverait de la confiance de nos commettants et du secours de l'opinion publique? Cela est plus à craindre que possible. Il faudrait d'autres preuves que des propos pour persuader au public, qui a les yeux ouverts sur nous, qui sait et juge les motifs de nos démarches, que l'élite de la nation, qui a les mains liées sur la délibération en commun et la vo talion par tête, qui ne peut s'en écarter sans perdre ses pouvoirs, a, dès le premier pas, compromis ses intérêts et trahi sa confiance. Respectons assez nos collègues privilégiés, respectons assez le public, respectons-nous assez nous-mêmes pour écarter ces vaines terreurs. Le public attend de nous de la fermeté ; il en a le droit, et il ne sera pas trompé. Mais c'est à la prudence de diriger et d'éclairer cette fermeté. Elle peut et doit s'allier avec les égards dus aux premiers citoyens de l'Etat, même lorsqu'ils se trompent, et avec les démarches conciliatoires propres à les ramener au but dont ils s'écartent. Et quelles sont donc celles que nous avons faites? Les avons-nous multipliées à raison de notre intérêt, du désir et du besoin qu'a la patrie de leur concours pour une bonne constitution ? Un seul envoi officiel de quelques membres a eu lieu dans le principe... Est-ce là avoir épuisé les procédés, les invitations, les instances? Sont-ce là tous les efforts préliminaires à un schisme si terrible dans ses conséquences, et à un manifeste authentique de séparation?... La voie des conférences proposées peut devenir inutile, mais elle ne saurait, sous aucun rapport, être nuisible.
Cette motion est écoutée avec le plus grand intérêt. Elle détermine un grand nombre de membres à voter d'après le plan de M. Rabaud.
M. Delandine, député du Forez, fait une motion semblable à celle de M. Rabaud.
M. de Volney désire que les auteurs des deux motions confèrent ensemble, en associant à leurs conférences quelques membres de l'Assemblée à leur choix, à l'effet de chercher à fondre les deux motions en une seule, dont le but serait : 1° de renouveler une invitation aux deux premiers ordres de se rendre dans la salle commune pour compléter l'Assemblée des Etats généraux; c2° de conférer avec les autres commissaires sur les moyens de les engager à revenir; 3° de proposer le parti à prendre en cas de refus constant et invincible.
La suite des délibérations est remise à la séance suivante.
Séance du
CLERGÉ.
Plusieurs curés lisent et déposent sur le bureau une déclaration signée d'eux, contenant qu'ils ne se croient pas liés par la résolution relative à la rédaction des cahiers prise par des individus qui ne représentaient point les Etats généraux ; que leurs pouvoirs les chargeaient de remettre les cahiers dont ils sont porteurs aux Etats généraux ;
qu'ils s'y étaient obligés par la religion du serment, et qu'ils s'y conformeraient. Cette conduite excite du murmure; elle est ouvertement désapprouvée par un évêque et publiquement applaudie par un autre et beaucoup de pasteurs. Plusieurs évêques ne peuvent obtenir, par leurs sollicitations, que la déclaration soit retirée ; et comme on allait procéder à la rédaction des cahiers, les opposants sortent de l'Assemblée.
noblesse
Le jugement des pouvoirs contestés continue d'occuper la Chambre.
En Artois, la noblesse qui entre aux Etats a protesté contre l'élection faite dans les bailliages par toute la noblesse de la province. On ne s'arrête pas à ces protestations, sur le motif que la noblesse qui entrait aux Etats devrait exécuter le règlement, comme tout le reste du royaume l'a exécuté.
La noblesse de Metz a cru devoir députer directement, quoique le règlement lui enjoignît de ne nommer que des électeurs qui, réunis avec ceux du bailliage, doivent nommer les députés. D'après cette irrégularité, l'élection de la ville de Metz est déclarée nulle.
La séance est levée.
communes.
On continue le tour d'opinion sur les deux moyens proposés de rappeler les deux autres ordres.
propose une sorte d'amendement par une déclaration laissée sur le bureau, et dont voici les termes :
« Les députés des communes, apprenant par les arrêtés de MM. de la noblesse qu'ils se sont constitués en ordre, et qu'ils ont nommé cependant des commissaires conciliateurs; présumant que l'intention de MM. de la noblesse est de consentir à une vérification commune des pouvoirs respectifs, ou que leurs commissaires conciliateurs ont une autre mission inconnue aux députés des communes; dans tous les cas, l'Assemblée non constituée desdits députés, ne pouvant arrêter qu'en conférence un vœu commun, a résolu de le manifester et d'en rendre compte au Roi et à la nation, ainsi qu'il suit :
« Nous, députés des communes, profondément pénétrés des obligations que, nous avons contractées envers Ja nation, et désirant avec ardeur les remplir religieusement, déclaronô que notre mission est de concourir de toutes nos forces à asseoir sur des fondements inébranlables la constitution et la puissance de l'empire français, de telle sorte que les droits de la nation et ceux du trône, l'autorité stable du gouvernement, la propriété légale et la liberté de chaque individu soient assurés de toute la protection des lois et de la force publique.
« Pour parvenir à cette fin, nous devons et désirons vivement nous réunir à nos co-députés, MM. du clergé et delà noblesse, et soumettre aux Etats généraux la vérification de nos pouvoirs respectifs. Assemblés chaque jour depuis le 5 mai, nous avons invité avec instance, et nous réitérons nos invitations à MM. du clergé et de la noblesse, de procéder à cette vérification ; nous espérons de leur patriotisme, et de toutes les obligations qui leur sont communes avec nous, qu'ils ne différeront pas plus longtemps de mettre
en activité l'Assemblée nationale ; nous demandons en conséquence et nous acceptons toute conférence qui aurait pour but cet objet ; nous sommes d'autant plus impatients d'en accélérer le moment, qu'indépendamment des travaux importants qui doivent nous occuper, nous sommes affligés de n'avoir pu rendre encore au Roi, par une députation des Etats généraux, les remercî-ments respectueux, les vœux et les hommages de la nation. Nous déclarons formellement être dans l'intention de respecter et n'avoir aucun droit d'attaquer les propriétés et prérogatives légitimes du clergé et de la noblesse ; nous sommes également convaincus que les distinctions d'ordre ne mettront auciftie entrave à l'union et à l'activité nécessaires des Etats généraux.
« Nous ne croyons pas permis d'avoir aucune disposition irritante, aucun principe exclusif d'une parfaite conciliation entre les différents membres des Etats, et notre intention est d'adopter tous les moyens qui nQus conduiront sûrement à une constitution qui rendrait à la nation l'exercice de ses droits, l'assurance d'une liberté légale et de la paix publique ; car tel est notre devoir et notre serment.
« Signé Malouet.
Un membre observe que si l'on délibérait sur cette déclaration elle interromprait le recueillement des opinions sur les partis proposés par M. de Saint-Etienne et M. Chapelier ; elle est en conséquence renvoyée, et on continue à prendre les voix.
Séance du
clergé.
L'examen et le dépouillement des cahiers occupent la séance.
noblesse.
MM. de Sabran, de Masenod et de Sade, députés des seigneurs de fiefs de Provence, se présentent à l'Assemblée; ils forment opposition à l'admission des députés de la noblesse de Provence. Ils demandent eux-mêmes à être admis, et déposent sur le bureau un mémoire imprimé.
communes.
La question débattue dans les trois séances précédentes est remise à la discussion.
On discute la motion de M. Rabaud de Saint-Etienne.
Messieurs, les sentiments très-estimables, les principes en général très-purs qui caractérisent les deux motions dont nous sommes occupés, n'ont pas suffi pour me ranger entièrement aux propositions de MM. Rabaud de Saint-Etienne et Chapelier. Je désirerais qu'un avis mitoyen tempérât ou plutôt réunît ces deux opinions.
M. Rabaud de Saint-Etienne demande que nous autorisions MM. du bureau à conférer avec les commissaires du clergé et dç la noblesse pour obtenir la réunion des membres qui doivent former les Etats généraux.
M. Chapelier désire que, dans une déclaration très-formelle, nous démontrions au clergé et à la noblesse l'illégalité de leur conduite, et que nous les avisions des démarches qu'il deviendra nécessaire d'opposer à leurs prétentions.
Ce dernier avis, plus conforme aux principes que le premier, il faut en convenir, plus animé ae cette mâle énergie qui entraîne les hommes à leur insu même, renferme, selon moi, un grand inconvénient dont les préopinants ne m'ont pas paru tous assez frappés.
Indépendamment de ce que le parti que nous propose M. Chapelier tend à porter un décret très-solennel avant que nous ayons une existence légale, indépendamment de ce qu'il confond deux ordres qui ont tenu une conduite très-différente, indépendamment de ce qu'il avertit nos adversaires d'un système qu'il est bon de ne faire connaître qu'en le développant tout entier lorsque nous-mêmes en aurons saisi toutes les conséquences, il appelle, il nécessite en quelque sorte une déclaration de la noblesse encore plus im-pérative que celle dont nous fûmes accueillis hier; une déclaration que, dans nos formes actuelles, nous ne sommes ni préparés ni aptes à repousser, et qui cependant peut exiger les résolutions les plus promptes. Si nous sommes persuadés, Messieurs, autant que nous devons l'être, qu'une démarche aussi mémorable, aussi nouvelle, aussi profondément décisive que celle de nous déclarer Assemblée nationale, et de prononcer défaut contre les autres ordres, ne saurait jamais être trop mûrie, trop mesurée, trop imposante, et même qu'elle nécessite d'autres actes, sans lesquels nous pourrions obtenir pour tout succès une dissolution qui livrerait la France aux plus terribles désordres ; nous devons infiniment redouter de nous trouver contraints en quelque sorte par notre déclaration même, à faire avec précipitation ce qui ne peut jamais être soumis à trop de délibérations.
D'un autre côté, la motion de M. Rabaud de Saint-Etienne dissimule entièrement la conduite arrogante de la noblesse; elle donne en quelque sorte l'attitude de la clientèle suppliante aux communes qui, ne fussent-elles pas bravées et presque défiées, doivent sentir qu'il est temps que le peuple soit protégé par lui seul, c'est-à-dire par la loi qui suppose l'expression de la volonté générale. Cette motion enfin traite avec la même déférence ceux qui, se rendant juges dans leur propre cause, n'ont pas même daigné condescendre à la discuter, et ceux qui, plus habiles ou plus délicats, couvrent du moins de quelques procédés leur marche irrégulière et chancelante.
Ces deux avis, chacun dans leur sens, me paraissent également exagérés.
Et qu'on ne nous répète pas de grands lieux communs sur la nécessité d'une conciliation. Rien n'est plus aisé que de saisir, par ce mot salutaire, les esprits peu attentifs ou même les bons citoyens qui ont plus de qualités morales que de connaissance des affaires, plus de zèle que de prévoyance; car le vœu de tous les cœurs honnêtes est la concorde et la paix; mais les hommes éclairés savent aussi qu'une paix durable n'a d'autre base que la justice, qui ne peut repo? ger que sur les principes.
Mais peut-on, sans aveuglement volontaire, se flatter d'une conciliation avec les membres de la noblesse, lorsqu'ils daignent laisser entrevoir qu'ils pourront ne s'y prêter qu'après avoir dicté des lois exclusives de toute conciliation ? lorsqu'ils font précéder leur consentement à nommer des commissaires pour se concerter avec les autres ordres, de la fière déclaration qu'ils sont légalement constitués ? N'est-ce pas là joindre la dérision au despotisme? Et que leur reste-t-il à concerter du moment où ils s'adjugent eux-mêmes leurs prétentions? Laissez-les faire, Messieurs; ils vont nous donner une constitution, régler l'Etat, arranger les finances, et l'on vous apportera solennellement l'extrait de leurs registres pour servir désormais de code national... Non, Messieurs, on ne transige point avec un tel orgueil, ou l'on est bientôt esclave.
Que si nous voulons essayer encore des voies de conciliation, c'est au clergé, qui du moins a eu pour nos invitations l'égard de déclarer qu'il ne se regardait pas comme constitué légalement, et cela au moment même où la noblesse nous dictait ses décrets souverains; c'est au clergé qui, soit intérêt bien entendu, soit politique déliée, montre le désir de rester fidèle au caractère de médiateur; c'est au clergé, trop habile pour s'exposer au premier coup de tempête; c'est au clergé, qui aura toujours une grande part à la confiance des peuples, et auquel il nous importera longtemps encore de la conserver ; c'est au clergé qu'il faut nous adresser, non pour arbitrer ce différend (une nation, juge d'elle et de tousses membres, ne peut avoir ni procès ni arbitres avec eux), mais pour interposer la puissance de la doctrine chrétienne, des fonctions sacrées, des ministres de la religion, des officiers de morale et d'instruction ; qu'elle consacre à faire revenir, s'il est possible, la noblesse à des principes plus équitables, à des sentiments plus fraternels, à un système moins périlleux, avant que les députés des communes, obligés de remplir enfin leur devoir et les vœux de leurs commettants, ne puissent se dispenser de déclarer à leur tour les principes éternels de la justice et les droits imprescriptibles de la nation.
Cette marche a plusieurs avantages : elle nous laisse le temps de délibérer mûrement sur la conduite à tenir avec la noblesse et sur la suite des démarches qu'exigent ses hostilités; elle offre un prétexte naturel et favorable à l'inaction qui est de prudence, mais non pas de devoir; elle fournit à la partie des députés du clergé, qui fait des vœux pour la cause populaire, l'occasion dont ils ont paru très-àvidès, de se réunir avec nous ; elle donne enfin des forces à la trop peu nombreuse partie de la noblesse, que sa généreuse conduite nous permet de regarder comme les auxiliaires des bons principes. Vous conservez donc ainsi tous vos avantages, et vous ne vous compromettez en aucun sens, ce qui ne peut pas se aire dans tous les systèmes; car on aura beau se récrier sur cè qu'on appelle des disputes de mots, tant que les hommes n'auront que des mots pour exprimer leur pensée, il faudra peser ces mots. Et, de bonne foi, est-ce bien à ceux qui courbent la tête devant les- pointilleries des publicistes, est-ce bien à ceux qui nous rappellent sans cesse à de vieux textes, à de vieux titres, à de belles phrases, à des autorités de discours et d'insinuations; est-ce bien à ceux qui nous ont journellement fait dire ce que nous ne voulions pas dire, répondre ce que nous ne pouvions pas répondre, à nous reprocher de peser les mots 1 Nous n'a-
[États généraux.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. [18 mai 1789.]
vons cessé de convenir que nous n'étions pas constitués; devons-nous nous permettre des formules qui aient toutes les apparences d'un acte de juridiction? Avons-nous eu tort de prétendre que la puissance doit précéder Faction? Si cela était vrai hier, cela ne l'est-il plus aujourd'hui? Si cela l'est encore, pouvons-nous, plus que les jours passés, faire des déclarations secrètes, commencer des registres, donner des pouvoirs? Tout peut se défendre, Messieurs, excepté l'inconséquence.
Envoyez au clergé, Messieurs, et n'envoyez point à la noblesse, car la noblesse ordonne et le clergé négocie. Autorisez qui vous voudrez à conférer avec les commissaires du clergé, pourvu que vos envoyés ne puissent pas proposer la plus légère composition, parce que sur le point fondamental de la vérification des pouvoirs dans l'Assemblée nationale vous ne pouvez vous départir de r|en. Et quant à la noblesse, tolérez que les adjoints confèrent avec elle comme individus; mais ne leur donnez aucune mission, parce qu'elle serait sans but et ne serait pas sans danger.
En effet, ne nous dissimulons pas que dans jiotre sein même on s'efforce de former un parti pour diviser les Etats généraux en trois Chambres, pour les faire délibérer et opiner par ordre; unique ambition des privilégiés en cet instant et qui est l'objet d'un véritable fanatisme. Toute déviation du principe, toute apparence de composition encouragera le parti et entraînera ceux d'entre nous qu'on est parvenu à ébranler. Déjà l'on a répandu, déjà l'on professe qu'il vaut mieux opiner par ordre que de s'exposer à une scission (ce qui revient à dire : Séparons-nous de peur de nous séparer) que le ministre désire, que le Roi veut, que le royaume craint. Si le ministre est faible, soutenez-le contre lui-môme, prêtez-lui de vos forces parce que vous avez besoin de ses forces. Un aussi bon Roi que le nôtre ne veut pas ce qu'il n'a pas le droit de vouloir. Le royaume craindrait s'il pouvait vous croire vacillants. Qu'il vous sache fermes et unis, vous serez investis de toute sa sécurité. On vous flatte enlin (et c'est le plus adroit des pièges que depuis vingt-quatre heures seulement on n'a pas craint de dresser, même à découvert), on vous flatte que les ordres privilégiés vont sacrifier leurs exemptions pécuniaires. Et quel intérêt, dit-on alors, d'opiner plutôt par tête que par ordre? Quel intérêt ! Je comprendrais ce langage s'il était adressé à ceux qui s'appellent les deux premiers ordres; car comme ils n'ont pas un seul privilège au delà des exemptions pécuniaires, comme hors de ce cercle tous nos intérêts sont évidemment communs, je ne leur vois pas une seule raison de s'opposer à la délibération par tête, s'ils sont de bonne foi; et voilà; pour le dire en passant, pourquoi je ne crois en-; core que faiblement à la sincérité de leurs sacrifices. Mais nous, qui malgré leur fierté dédai-! gneuse avons de grandes raisons de douter qu'ils ; aient le privilège exclusif de l'instruction et des lumières; nous qui ne regardons point l'Assemblée ! nationale comme un bureau de subdélégués; nous qui croyons que travailler à la constitution est le premier de nos devoirs et la plus sainte de I nos missions; nous qui savons qu'il est physique-| ment impossible de s'assurer d'avoir obtenu le | vœu national autrement que par la votation par I tête, la renonciation la plus complète et !a moins ambiguë aux exemptions pécuniaires ne nous ! désintéressera nullement du seul mode de délibérer et d'opiner, auquel nos pouvoirs nous autorisent et nos consciences nous contraignent.
Ne compromettons pas ce principe sacré, Messieurs, n'encourageons pas les intrigants, n*ex-posons pas les faibles, n'égarons pas, n'alarmons pas l'opinion publique, marchons avec une cir-conspmfôn prévoyàflte, mais marchons.
La noblesse a rompu par le fait l'ajournement du Roi ; nous devons en aviser M. le garde des sceaux, pour constater que le provisoire est fini, et annoncer ainsi par la voie la plus modérée et la plus respectueuse, mais la plus régulière et la plus directe, que les communes vont s'occuper des moyens d'exercer leurs droits et de conserver les principes.
Envoyons ensuite au clergé des hommes munis de notre confiance et autorisés à inviter, à entendre, mais non à proposer. Laissons la noblesse continuer paisiblement sa marche usurpatrice autant qu'orgueilleuse ; plus elle aura fait de chemin, plus elle se sera donné de torts ;plus les communes, qui n'en veulent point avoir, qui n'en auront jamais, seront encouragées aux principes, sûres de leur force et par cela même de leur modération ; plus ïa concorde, l'ensemble, l'harmonie Rétabliront parmi nous, plus l'esprit public se formera, et de lui seul se composeront notre irrésistible puissance, nos glorieux et durables succès.
La motion de M. Rabaud de Saint-Etienne, avec les deux amendements qui ont été proposés, est adoptée "en ces termes:
« L'Assemblée des communes a résolu qu'elle a/ nommerait des personnes pour conférer avec celles £ qui ont été ou qui seront choisies par MM. du clergé et de la noblesse sur les moyens proposés pour réunir tous les députés afin de vérifier tous les pouvoirs en commun ; et il sera fait une relation écrite des conférences. »
Séance dû
CLERGÉ.
On propose de faire annoncer au tiers-état la disposition où est la Chambre de renoncer, au nom du clergé, à toutes exemptions pécuniaires.
La discussion amène plusieurs amendements.
On met aux voix ; il y a quelques doutes.
On demande un second tour d'opinion, mais l'heure étant trop avancée, la séance est levée.
NOBLESSE.
La Chambre de la noblesse nomme les commis saires chargés de conférer avec les deux autres ordres sur les moyens de conciliation. Ce sont MM. le marquis de Routhilier, le duc de Luxembourg, le marquis de la Queuille, le comte d'En-traigues, le duc de Mortemart, le vicomte de Pouilly, de Cazalès, de Bressand.
La séance est levée.
communes.
La séance est entièrement employée au choix des seize membres qui doivent assister aux conférences. Ce sont .MM. Rabaud de Saint-Etienne, Target, Chapelier, Mounier, d'Ailly, Thouret, Du-
pont, Legrand, de Voîney, Redon, Viguier, Garat l'aîné, Bergasse, Salomon, Milscent, Barnave.
Séance du
CLERGÉ.
On rappelle les voix sur la proposition qui a été faite hier. De nouvelles observations sont présentées ; et le résultat est d'abandonner la forme de délibération régulière, et de s'en tenir à autoriser, par acclamation, les députés de l'ordre du clergé à dire aux députés des deux autres ordres, dans le cours de leurs conférences, qu'ils peuvent les assurer que les dispositions individuelles et personnelles de tous les membres de la Chambre sont telles, qu'il y a lieu de croire qu'ils se porteront avec empressement à voter l'égalité proportionnelle d'imposition sur tous les biens, sans aucune exception, quand la Chambre sera constituée; qu'elle aura acquis par là le droit de statuer sur un objet de cette importance, et que le cours de ses travaux ramènera à le traiter.
La délibération formelle n'est pas admise, comme trop prématurée et hors des pouvoirs d'une Assemblée non constituée.
NOBLESSE.
On nomme sept commissaires pour travailler à un projet de règlement de police intérieure. MM. le \ duc de Mortemart, le président d'Ormesson, le comte d'Entraigues, le marquis de Bouthilier, d'Eprémesnil, le duc de Luxembourg et le duc du Châtelet sont chargés de ce travail.
La séance est levée.
COMMUNES.
Après plusieurs observations préliminaires proposées par divers membres des communes, et dont aucune n'a été réluite en motion, M. Laborde-Méréville a mis sur le bureau celle qui suit :
Qu'il soit formé provisoirement un comité de rédaction, composé de certaines personnes qui seront choisies au scrutin ;
Que tout ce que l'Assemblée jugera à propos de faire paraître en son nom, manuscrit ou imprimé, soit renvoyé à ce comité pour y être rédigé et présenté, ensuite lu par lui à l'Assemblée avant d'être publié ;
Que ce comité avisera au moyen de faire imprimer et parvenir sûrement dans les provinces ce que l'Assemblée jugera à propos de publier.
Cette motion est vivement combattue.
Plusieurs membres représentent qu'il ne faut pas décréter, avant d'être constitué, ce que l'on fera lorsqu'on sera constitué ; qu'il est imprudent de discuter, avant que l'Assemblée soit en activité pleine et légale, des questions sur lesquelles il lui appartiendra et n'appartiendra qu'à elle de prononcer ; que, quant à présent, elle n'a besoin que de notes à peu près semblables à ce qu'on appelle les notes du parlement d'Angleterre, et où les motions, leurs amendements et le nombre des voix pour ou contre sont simplement rapportées ; qu'il ne peut pas être'intéressant depu-
blier une notice aride ; mais qu'il est souverainement important de ne rien imprimer avec précipitation au nom de l'Assemblée.
La séance est continuée à vendredi 22, à cause de la fête de l'Ascension.
Séance du
CLERGÉ.
L'Assemblée du clergé continue le travail provisoire pour la rédaction de ses cahiers, et la séance est uniquement employée à cet objet.
NOBLESSE.
L'assemblée autorise M. de Montboissier, son président, à demander au Roi une nouvelle convocation pour Metz. ,
propose d'autoriser les commissaires conciliateurs à annoncer à ceux du tiers-état la renonciation de la noblesse à ses privilèges pécuniaires.
Cette motion trouve des contradicteurs qui sont fondés sur ce que cette renonciation ne peut être générale et indéfinie ; qu'il sera nécessaire de la particulariser, ce qui ne fera qu'augmenter les sujets de discussion avec Tordre du tiers, et ensuite sur ce que leurs cahiers leur enjoignent de ne faire cette renonciation qu'après que la constitution sera établie.
Il est arrêté, à la majorité de 143 voix contre 62, que les commissaires de la noblesse seront chargés d'annoncer à ceux du tiers-état que la plus grande partie des cahiers dont sont chargés les députés de la noblesse, portant renonciation à tous ses privilèges pécuniaires, relativement aux impôts, tels qu'ils seront fixés par les États généraux, l'Assemblée est dans la ferme résolution d'arrêter cette renonciation, après que chaque ordre délibérant librement aura pu établir les principes constitutionnels sur une base solide.
La séance est levée.
COMMUNES.
La motion de M. Laborde continue d'être débattue.
proposent d'en restreindre l'objet à la seule impression d'un journal motivé de ce qui se passe, qui sera rédigé par un petit nombre de commissaires choisis au scrutin. Malgré ces amendements, elle ne trouve presque que des opposants. On dit que ce n'est pas le moment d'imprimer un journal motivé ; qu'on verra ce qu'il y aura à faire, si les conférences n'ont pas une bonne issue ; que les adjoints du président tiennent note de ce qui se fait dans l'Assemblée; que les commissaires sont chargés de faire de même pour les conférences, et qu'on trouvera toujours dans leur travail les matériaux de ce qu'il faudra écrire, s'il devient nécessaire un jour de rendre compte à la nation de la conduite de ses représentants.
On recueille les voix, et la motion est rejetée à la presque unanimité des suffrages.
M. Aubrv du Bochet lit un plan d'ordre sur lequel on ne juge pas à propos de délibérer.
Séance du
CLERGÉ.
Il n'a pris aucune délibération.
NOBLESSE.
Il ne s'est rien passé d'intéressant dans1 la séance de la noblesse.
COMMUNES.
Je demande gu'on nomme au scrutin deux secrétaires charges de rédiger tout ce qui s'est passé dans les Etats depuis leur ouverture, et d'en faire un procès-verbal clair, simple et précis. *
Cette motion excite de nouveaux débats.
fu*.
Un membre. J'expose que si le procès-verbal est sec et net, il est de peu d'utilité ; si l'on se permet des réflexions, les rédacteurs deviennent les censeurs de l'Assemblée; cela aigrira les esprits ; ainsi je crois que le meilleur parti est le silence.
Un membre. J'appuie la motion, parce que le silence des députés des communes répand des alarmes dans les provinces.
Si ces alarmes existent, et quelle qu'en soit la cause, de simples notes ne les diminueront certainement pas. Un compte motivé de notre inaction pourrait y ajouter ; cette inaction a été résolue sur des connaissances locales de l'Assemblée, du pays de l'intrigue : en un mot, sur l'observation d'une foule de circonstances positives qu'il serait long, pénible et délicat de développer en un instant à nos commettants, qui ont pour gage de notre conduite leur confiance même et nos relations particulières auxquelles seules nous sommes tenus, tant que nous ne sommes pas une Assemblée constituée. D'ailleurs, les conférences que nous avons arrêtées, qui s'ouvrent aujourd'hui, dont nos envoyés nous donneront des relations écrites, et ensuite desquelles il faudra sans doute prendre un parti, ces conférences ne suspendent-elles pas toute démarche ultérieure? Pourquoi anticiper de deux ou trois jours, par une délibération irrégulière, sur celle que nous prendrons avec maturité, légalement et munis de tous les moyens et de tous les pouvoirs nécessaires pour exécuter ce que nous avons résolu ?
La motion est rejetée à la pluralité de 389 voix contre 28.
On lit une adresse de M. Pankoucke aux Etats généraux, dans laquelle il TolÏÏ^l^ininpression du journal de l'Assemblée nationale, comme supplément naturel du Mercure de Francey le plus ancien des journaux, dépôt, en 1614, des principaux actes des Etats généraux, consulté encore
aujourd'hui à cause de l'authenticité de ses rapports ; il représente d'ailleurs que cent mille écus de redevance qu'il paye au gouvernement ou aux auteurs méritent quelques égards.
Plusieurs membres observent que cette adresse se lie à la motion qui vient d'être rejetée ; en conséquence elle n'a pas de suite.
Un des adjoints lit à l'Assemblée la lettre suivante de M. le marquis de Brézé.
Versailles, 23 mai 1789.
Le Roi voulant, Monsieur, admettre à l'honneur de lui être présentés, dimanche prochain 24 mai, ceux de MM. les députés qui n'étaient point encore arrivés le 2, j'ai celui de vous en prévenir, et de vouloir bien engager ces Messieurs à donner leurs noms, en indiquant de quels bailliages ils sont.
Voulez-vous bien, Monsieur, le leur dire, • et les prier de se rassembler dans le salon d'Hercule, en habit de cérémonie, un peu avant six heures du soir ?
J'ai l'honneur d'être, avec un sincère attachement, Monsieur, votre, etc.
Le marquis de BrÉzè.
A qui s'adresse ce sincère attachement ?
Le même membre qui a fait lecture de la lettre. Il est écrit au bas de la lettre : M. le doyen de l'ordre du tiers.
11 ne convient à personne dans le royaume d'écrire ainsi au doyen des communes.
L'Assemblée partage ce sentiment, et charge le doyen de le faire parvenir à l'auteur de la lettre.
Conférences sur la vérification des pouvoirs.
Les commissaires nommés par les trois ordres se réunissent à six heures du soir en une salle adjacente à la salle des Etats. Ces commissaires sont :
Pour MM. du clergé.
MM. l'archevêque d'Arles, l'archevêque de Bordeaux, l'évêque de Clermont, l'abbé Gosier, chanoine et archidiacre de Verdun ; Diilon, curé du Vieux-Pouzange ; Richard, curé de Plisson; Thibault, curé de Souppes, et Lecesve, curé de Sainte-Triaise.
Pour MM. de la noblesse.
MM. le marquis de Bouthilier, le duc de Luxembourg, le marquis de la Queuille, de Bressant, le baron de Pouilly, le comte d'Entraigues, le duc de Mortemart et de Gazalès.
Pour MM. des communes.
MM. Rabaud de Saint-Etienne, Target, Chape-* lier, Mounier, d'Ailly, Thouret, Milscent, Dupont,
Chassebœuf deVolney, Legrand, Redon, Viguier, Salomon de Saugerie, Bergasse et Barnave.
, archevêque d'Arles, prend la parole ; il annonce, au nom du clergé, le désir de contribuer au rétablissement de l'harmonie entre les ordres, son intention de supporter tous les impôts et toutes les charges de l'Etat dans la même proportion et de la même manière que tous les autres citoyens. Il ajoute que le clergé n'a pas cru devoir prendre de résolution sur l'objet de la vérification des pouvoirs, lorsqu'il a été instruit que les deux autres ordres ont, sur celte matière, des opinions différentes.
expose que le vœu de contribuer également à toutes les impositions est exprimé dans les cahiers de la noblesse, et que ce vœu est aussi certain qu'irrévocable. Il manifeste aussi le désir de voir une paix fraternelle régner entre les ordres.
dit que les communes sont animées du même esprit et qu'elles forment les vœux les plus ardents pour rétablissement de la concorde. Passant ensuite à l'objet de la conférence, il observe que les membres qui y sont envoyés n'ont à s'occuper que delà question relative à la vérification des pouvoirs en commun, et que la nécessité de cette vérification commune est fondée sur ce que les pouvoirs des députés de toutes les classes ayant pour but l'établissement et la défense des droits et des intérêts de la nation, il est évident que ces pouvoirs doivent être examinés, reconnus et jugés par les représentants de la nation entière. Il invite MM. du clergé et de la noblesse à faire connaître les objections qu'ils croient pouvoir opposer à une vérité aussi claire.
Les commissaires de la noblesse disent que, simples mandataires, ils ont cru devoir suivre les usages pratiqués dans les derniers Etats généraux. Ils rappellent qu'en 1614 la vérification des pouvoirs s'est exécutée par ordres, et ils montrent la crainte que la vérification des pouvoirs en commun n'entraîne l'établissement du vote par tête en Assemblée générale.
Les membres des communes répondent que c'est en Assemblée générale qu'il faut examiner si les formes des derniers Etats généraux sont bonnes, et si leur observation est applicable aux circonstances actuelles ; que les raisons qui établissent la nécessité de faire la vérification des pouvoirs en commun sont décisives par elles-mêmes, et indépendamment de la forme d'opiner qui sera adoptée par les Etats généraux. Entrant ensuite dans l'examen des usages, ils font remarquer que si en 1614 les pouvoirs ont été vérifiés séparément, ce n'a été qu'un examen provisoire; mais que sur tous les pouvoirs contestés, la décision définitive avait été renvoyée au conseil du Roi; que sans doute il n'est pas dans l'intention de MM. de la noblesse de porter au conseil la connaissance de ces contestations.
MM. de la noblesse en conviennent sans difficulté; ils reconnaissent que les Etats de 1614 sont tombés, à cet égard, dans une erreur.
MM. des communes observent que, puisqu'on est réduit à reconnaître qu'il y a au moins une erreur dans les anciens usages, on peut bien reconnaître qu'il y en a deux, et que la vérification séparée des pouvoirs en est une. Puisqu'on s'est trompé en allant au conseil du Roi, il s'ensuit qu'il faut y substituer un tribunal qui soit un ; or, ce tribunal ne peut se trouver que dans la
représentation nationale assemblée tout entière.
MM. de la noblesse objectent qu'en 1588 la vérification des pouvoirs s'est faite aussi séparément, et qu'on ne voit point qu'à cette époque le conseil du Roi ait jugé les contestations sur les pouvoirs.
MM. des communes font sentir l'impossibilité de se prévaloir de ce qui s'est fait en 1588, au milieu des orages civils ; ils se réservent au surplus de vérifier le procès-verbal de ces Etats; ensuite ils disent que, puisque MM. de la noblesse leur donnent l'exemple de remonter des derniers Etats à ceux de 1588, ils se croient autorisés eux-mêmes à s'élever plus haut encore et à examiner ce qui s'est pratiqué dans les Etats de Tours en 1483. On y voit que toutes les opérations s'y sont faites en commun : d'abord en six bureaux, composés des députés des trois ordres qui préparaient et discutaient les objets de délibération ; ensuite, pour les résolutions définitives, par des Assemblées générales. Ces I Etats n'ont eu qu'un seul orateur et un seul cahier ; donc il est évident que la vérification des pouvoirs n'a pu être faite qu'en commun.
La division des ordres, continuent-ils, n'a commencé qu'en 1560, époque où la fermentation des esprits, les haines et les partis régnaient déjà dans une grande force. Cependant il est douteux si la vérification des pouvoirs s'est faite séparément ; il n'en existe aucun procès-verbal ; l'on voit même que le clergé a protesté contre la séparation des Chambres.
Un membre de là noblesse prétend qu'en 1356 les pouvoirs ont été vérifiés séparément. Il lui est répondu que dans les Etats de 1536 les ordres se sont tantôt réunis et tantôt séparés ; que cette Assemblée ne s'étant fixée à aucun principe établi de délibération, et le procès-verbal n'existant pas, il est impossible de savoir quelle a été la forme des vérifications.
D'après cette discussion qui prouve combien l'autorité des faits est peu concluante sur ce ; point, MM. des communes invitent MM. delà noblesse à vouloir bien consulter les règles de la raison.
La raison dit à tout le monde que les représentants d'une nation, chargés de concourir à l'œuvre commune de la régénération publique, doivent se connaître les uns les autres et juger leurs titres respectifs ; que les députations faites parles trois ordres réunis dans les baillages (et il y en a plusieurs de ce genre) doivent bien évidemment être jugées par l'Assemblée générale des députés de l'Eglise, de la noblesse et des communes.
D'ailleurs l'état des choses est entièrement différent de ce qu'il était en 1614. Alors chaque ordre se bornait à faire et à présenter des doléances particulières qui pouvaient ne pas exiger un travail commun, et pour lesquelles la connaissance des pouvoirs des députés de chaque classe était indifférente aux autres. Aujourd'hui tous les députés sont chargés par leurs cahiers de l'honorable fonction de concilier tous les droits de la nation avec la puissance royale. A des travaux si différents, il est impossible d'appliquer l'observation de mêmes formes ; il est impossible que la nation soit indifférente à la validité du titre de ceux qui vont exercer pour elle une portion de la puissance législative.
MM. de la noblesse se retranchent encore derrière l'autorité des usages. L'un d'eux déclare qu'il faut consulter également et la raison et le dernier état. Sur le dernier état, il soutient tou-
jours qu'il est favorable à la vérification séparée ; sur la raison, il observe que la division par (Chambres est plus propre que l'Assemblée générale à s'opposer au progrès du despotisme ministériel, attendu la facilité que le ministère pourra trouver à séduire ou entraîner plus de la moitié des membres de cette Assemblée.
Un membre des communes répond : La question pur la division des Chambres est étrangère à celle de la vérification des pouvoirs, dans laquelle nous sommes renfermés par les termes de nos mandats. Au reste, le système du despotisme étant, depuis bien des siècles, de diviser pour soumettre, il sera difficile de persuader que le meilleur système de résistance soit aussi de diviser. D'ailleurs, si l'on peut croire la division des Chambres utile pour conserver une forme de constitution établie, il est évident qu'elle ne peut être que très-nuisible lorsqu'il s'agit de réformer, puisque, si l'on considère la prétention du veto) 151 voix dans une seule Chambre suffiraient pour empêcher une amélioration votée par 1,049 représentants.
Des membres de.la noblesse disent que tous les députés aux Etats généraux connaissent la liste et les noms des députés de chaque ordre, et que les ordres peuvent bien, sans péril, avoir la confiance mutuelle de s'abandonner les vérifications Respectives.
On leur répond que connaître les noms, ce n'est pas connaître les titres ; que s'il peut être èuestion ici d'égards d'honnêteté, la noblesse ne doit pas douter que les communes ne s'empressent de lui donner des preuves d'une confiance méritée ; mais qu'il s'agit d'un droit national, d'un devoir des représentants de la nation, objets sur lesquels il est impossible de composer.
Un autre membre de la noblesse dit encore que le tiers-état, ayant une double représentation, acquerrait une trop grande influence sur les questions qui pourraient s'agiter au sujet de. la vérification des pouvoirs de la noblesse, sans que la Noblesse, à raison du nombre auquel elle est réduite, pût exercer la même influence sur les dépurations du tiers-état.
Les membres des comrhunes combattent cette objection en observant d'abord que cette double représentation n'est qu'une justice qui est due évidemment au corps de la nation composée de 25 millions d'hommes ; que, dans le fait, il n'y a rien à craindre du jugement porté dans cette forme, puisqu'une députation ne peut être rejetée tout entière sans exclure les députés des communes, comme ceux du clergé et de la noblesse. Les deux ordres étant d'ailleurs itapresentés en nombre égal à celui des députés des communes, on ne peut apercevoir ici aucune influence redoutable de part ni d'autre.
Un membre des communes fait ensuite observer qu'il est d'autant plus essentiel de perdre en-lin ce respect superstitieux pour les anciens usages, que si l'on veut absolument les regarder comme une règle inviolable, il s'ensuivra cpie toutes les députâtions de la noblesse devront être déclarées nulles. En effet, en 1614, les seuls nobles possédant fiefs étaient électeurs et éligibles. Si donc il est sévèrement défendu de s'écarter en e(.ucun point de l'observation des anciens usages, lès nobles choisis parmi ceux qui n'ont pas de possessions féodales, et même tous les nobles choisis par des électeurs qui ne sont point seigneurs
de fiefs, c'est-à-dire l'ordre entier de la noblesse, devraient être exclus.
L'un des membres de la noblesse est frappé de cette observation, et le déclare.
Sur ce qu'un membre de la noblesse dit que les mandats de cet ordre s'opposent, pour la plupart, à la délibération par tête, même sur la vérification des pouvoirs, il est observé par un membre des communes que ces mandats ne peuvent être relatifs qu'à la manière d'opiner après la constitution des Etats, et qu'il est impossible d'entendre qu'ils imposassent la moindre gêne sur la forme de vérification qui est préalable à l'activité des Etats généraux.
La conférence ayant duré depuis six heures jusqu'à neuf heures et demie, MM. de la noblesse annoncent qu'ils désirent pouvoir en rendre compte à leur Chambre, et que la conférence soit remise.
Elle est continuée au lundi 25, à cinq heures et demie du soir.
Séance du
clergé et noblesse.
Le çlergè et la noblesse ne se sont occupés d'aucune délibération.
communes.
Je prends la parole pour deman der la suppression du spectacle. Le Roi n'est pas dans l'usage d'en avoir pendant l'été; il n'a interrompu cet usage qu'en faveur des Etats. Vous savez que chaque spectacle coûte plus de mille écus. Il est convenable de le supprimer, ou bien il vaut mieux assurer cette somme aux pauvres. Les spectacles^ ne peuvent procurer des amusements dignes de*Ia gravité et de la majesté d'une si auguste Assemblée. Les spectacles ne sont bons que pour un peuple corrompu, et ils ne conviennent pas a un peuple qui veut régénérer ses mœurs et faire cesser les principes de la corruption.
L'Assemblée pense qu'il ne convient pas aux députés des communes, dans les circonstances présentes, de s'occuper de cet objet.
Cette motion excite quelques rumeurs; mais elle n'a pas de suite, et elle est rejetée sans être délibérée.
lit une motion qui lui a été remise; elle contient quatre points: 1° que chaque député ne pourrait entrer qu'en habit noir, ou au-moins qu'il ne pourrait parler en habit de couleur ;
2° Que les étrangers ne pourraient se placer que sur les gradins élevés sur les deux côtés de la salle, et que les députés se mettraient dans l'enceinte;
3° Que les bancs seraient numérotés et tirés au sort, et les doyens changés tous les huit jours;
4° Que les bancs du clergé et de la noblesse seraient toujours vides.
Il s'élève beaucoup de tumulte pour savoir si on mettra ces quatre propositions en délibéra-ration.
On va aux voix sur les objets de la motion.
Les premiers opinants sont d'avis d'abandonner cette motion qui convenait peu à la dignité d'une nation rassemblée ; que de semblables discussions ne fourniraient que trop de matière aux plaisanteries des folliculaires; et que, lorsqu'on avait à délibérer sur des affaires beaucoup plus importantes, on ne devait pas s'agiter sur la manière dont on serait vêtu.
D'autres veulent prouver que chaque député ne doit pas entrer dans la salle sans son habit noir, costume qui, par son uniformité, fait disparaître la vanité ridicule des riches.
Toutes ces discussions prouvent la nécessité d'un règlement de police, dans lequel les objets proposés pourront être déterminés. Je demande qu'on nomme des commissaires pour travailler à la rédaction de ce règlement, qui sera sanctionné par l'Assemblée, et au moyen duquel on remédiera au tumulte et à la longueur des délibérations. Gomme les délibérations les plus sérieuses vont se présenter chaque jour, il faut nécessairement arrêter les formes les plus sévères pour établir l'ordre et la liberté des débats, et recueillir les voix dans toute leur intégrité. A Dieu ne plaise que je blesse aucun amour-propre, ni même que je m'afflige de nos débats un peu bruyants, qui jusqu'à présent ont mieux montré notre zèle et notre ferme volonté d'être libres que ne l'eût fait la tranquillité la plus passive. Mais la liberté suppose la discipline; et puisque tous les moments peuvent nécessiter des démarches dont on ne saurait prévoir toutes les suites ni s'exagérer l'importance, il faut pour l'acquit de tous nos devoirs, et même pour notre sûreté individuelle, prendre un mode de débattre et de voter qui donne incontestablement le résultat de l'opinion de tous.
J'expose qu'il y a quinze jours, ayant proposé la même motion, elle fut rejetée par l'avis même de M. de Mirabeau. Les causes qui lui ont servi de prétexte pour faire rejeter ce | règlement étaient qu'il fallait opposer une force I d'inaction aux refus des deux ordres de vérifier les pouvoirs en commun ; ces motifs subsistent encore, je ne peux pas me rendre à l'opinion j actuelle de M. le comte de Mirabeau.
Le règlement | ne sera que provisoire, au lieu qu'on proposait il y a quinze jours un règlement définitif.
[ Un membre. J'observe que les rangs et les dignités ne doivent pas être répétés sans cesse dans une Assemblée d'hommes égaux.
J'attache si peu d'importance, à mon titre de comte que je le donne à qui le voudra ; mon plus beau titre, le ; seul dont je m'honore, est celui de représentant I d'une grande province, et d?un grand nombre de | mes concitoyens.
Un membre. Je suis de l'avis de M. le comte de Mirabeau. Je dis M. le comte, car j'ajoute si peu d'importance à un semblable titre, aujourd'hui si prodigué, que je le donne gratis à qui voudra le porter.
L'avis de M. de Mirabeau passe à la pluralité de 436 voix contre 11.
Pour la vérification des pouvoirs.
Les objets traités dans la première conférence sont rappelés sommairement. Un des membres de la noblesse citant de nouveau les Etats de 1588, qui ont déployé beaucoup de vigueur et qui ont fait séparément la vérification des pou-j voirs, un membre des communes lui répond que depuis la dernière conférence, il a vérifié le pro-l cès-verbal des Etats de 1588, tiré des manuscrits delà bibliothèque du Roi, et qu'il est maintenant avéré que le renvoi des contestations sur les pouvoirs au conseil du Roi a eu lieu dans ces Etats comme dans ceux de 1614, et que dans les uns comme dans les, autres le jugement des pouvoirs n'a appartenu aux Chambres que lorsque les parj ties ont consenti à se soumettre à leur arbitrage^
MM., de la noblesse déclarent qu'ils ont dessein de maintenir l'arrêté pris dans leur Chambre pour la vérification par ordre ; que leur honneur est attaché à l'exécution, de cet article ; qu'ils pourront se prêter seulement à un projet de conci-j liation qui tiendra à donner connaissance des pouvoirs de leurs députés à MM. du clergé et du tiers-état, mais sans déroger à la vérification par ordre, et ils ont demandé que MM. du tiers-état proposassent quelques projets de conciliation.
Les membres des communes répondent que la conférence s'étant établie pour s'éclairer mutuelf lement, ils seront toujours persuadés que MM. d0 la noblesse, animés du zèle le plus pur pour l'intérêt public, donneront le noble exemple de bannir de cette discussion tout sentiment d'amour-propre, et que c'est dans la rétractation d'une erreur, si elle leur est échappée, qu'ils placeront ce véritable honneur si cher à la nation française; qu'au surplus, réclamant la vérification en commun, et croyant avoir dé| montré la justice de cette vérification, ils n'ont à proposer sur cet objet aucune composition, ei; qu'ils n'ont aucune mission à cet égard.
L'un d!es membres* de la noblesse dit que les; Chambres pourront renvoyer à des commissaires; tirés des trois ordres l'examen des pouvoirs sur lesquels il s'élèvera quelques contestations ; que? ces commissaires feront le rapport de cet exameri à leurs Chambres respectives, et qu'en cas do différence dans les jugements, ils se réunironl; encore jusqu'à ce que les Chambres se soien t accordées.
Sur ce qu'il est observé que cette forme n'eî présente au fond que des vérifications par ordrei séparé; qu'elle entraînera beaucoup de lenteur et pourra ne conduire à aucun résultat, uil membre du clergé dit qu'on pourra en ce cas renvoyer le jugement au Roi, ou convenir que le jugement se formera de la pluralité de deux Chambres contre une. Cette idée, abandonnée aussitôt que présentée, ne donne lieu à aucunè discussion. Les membres des communes répètent que leur mission se borne à réclamer la vérification des pouvoirs en commun; et, rentrant dans le fond de la discussion, ils s'attachent à prouver que les députés de toutes les classes ont qualité et intérêt à cette vérification.
Les commissaires de la noblesse demandent qu'on ne s'occupe plus que des projets de conciliation qui laisseraient néanmoins subsister les principes de l'arrêté de leur Chambre.
Alors un membre du clergé présente un projet conciliateur en ces termes :
« Les pouvoirs de l'ordre de la noblesse seront portés dans les deux autres Chambres pour que la vérification en soit confirmée ; il en sera usé de même à l'égard des pouvoirs des députés du clergé et du tiers-état. S'il s'élève des difficultés sur les pouvoirs des députés de quelque ordre, il sera nommé des commissaires" dans chacune des trois Chambres selon la proportion établiej ils rapporteront dans leur Chambre leur avis, et, s'il arrivait que les jugements des Chambres fussent différents, la question sera jugée par |es trois ordres réunis, sans que cela puisse préjuger la question de l'opinion par ordre ou par tête et sans tirer à conséquence pour l'avenir. » Quelques-uns de MM. de la noblesse annoncent qu'ils doutent que le projet soit adopté dans leur Chambre. Les autres membres du clergé ne disent rien ni pour ni contre le projet. MM. des jcommunes déclarent qu'ils ne peuvent pas prendre de parti et qu'ils rendront compte à l'Assemblée des communes tant de la conférence que du projet présenté.
Alors la conférence cesse. Aucun jour n'est indiqué pour la continuer; mais il est dit que, te'il y a lieu de la reprendre, les Assemblées s'avertiront mutuellement.
Séance du
clerge.
i La séance est employée à entendre le rapport des commissaires conciliateurs. Il n'est pris aucune délibération.
noblesse.
et
font, au nom des commissaires nommés par la noblesse, le rapport des conférences. Ils disent qu'après es raisonnements et des citations de part et d'autre, les commissaires du tiers-état ont paru èonvenir que les faits sont pour la noblesse, mais que les anciens Etats ne peuvent servir de ijègle; que les membres du tiers-état n'ont fait aucune proposition; qu'après de longs débats et crois propositions faites par la noblesse et le clergé, ils ont annoncé que leurs pouvoirs expiraient.
La délibération est ouverte sur ce rapport. Sur la proposition de M. de Villequier, la noblesse prend l'arrêté suivant :
i « La Chambre de la noblesse, après avoir entendu le rapport des commissaires chargés de conférer avec ceux des autres ordres, arrête que, pour cette tenue des Etats généraux, les pouvoirs seront vérifiés séparément, et que l'examen des avantages ou inconvénients qui pourraient exister dans la forme actuelle sera remis à l'époque où lès trois ordres s'occuperont des formes à observer pour l'organisation des prochains Etats généraux. »
La séance est levée.
communes.
L'Assemblée des communes ayant déterminé qu'il serait établi un règlement provisoire de discipline et de bon ordre, on demande si les commissaires rédacteurs de ce règlement seront choisis par tous les députés ou par MM. du bureau à la majorité des suffrages. Il est décidé (jue M. le doyen et les adjoints seront autorisés à choisir parmi eux le nombre de commissaires pour la rédaction de ce plan.
Les commissaires conciliateurs font à l'Assemblée le rapport des conférences. Elles n'ont eu pour objet que la vérification des pouvoirs.
présente le plan qu'on a suivi, et les divisions de preuves et de fait qui ont été soumises à l'examen des commissaires. Gette division s'est rapportée au droit positif, c'est à dire aux témoignages fournis par Thistoire, et au droit naturel, c'est-à-dire aux raisons d'équité, et aux principes de liberté et de constitution sociale. Il annonce que M. Mounier s'est chargé de rendre compte à l'Assemblée des motifs de discussion employés dans la première partie, et M. Target de ceux développés dans la seconde.
et
sont entendus suc* cessivement et sont entrés dans les détails de discussion qui ont fait l'objet des conférences dont on a rendu compte. M. Rabaud de Saint-Etienne termine le rapport en annonçant les moyens de conciliation offerts par MM. de la noblesse, qui consistent à vérifier les pouvoirs à part, mais à soumettre les constatations qui pourront en dériver au jugement des commissaires nommés par les trois ordres; et enfin celui présenté par M. le curé de Souppes, qui propose, dans le cas où le jugement des Chambres serait différent, que la difficulté fût jugée par les trois ordres réunis. 11 a observé que les autres commissaires du clergé ont gardé le silence sur cette ouverture.
Séance du
clergé.
, portant la parole au nom de la députation envoyée vers le clergé, dit aux députés de cet ordre « que ceux des communes les priaient et les adjuraient au nom du Dieu de paix, dont ils étaient les ministres, et au nom de la nation, de se réunir à eux dans la salltfde l'Assemblée générale, afin de chercher ensemble les moyens d'établir la paix et la concorde. »
Après avoir appuyé cette invitation de tous les motifs qui devaient déterminer à l'accueillir, il prie le clergé de vouloir bien délibérer tout de suite sur l'objet de sa mission.
répond que l'ordre du clergé va s'occuper avec zèle d'une matière d'un si grand intérêt.
Plusieurs membres du clergé, au nombre desquels était M. de Lubersac, évêque de Chartres, proposent par acclamation de se rendre sur-le-champ à l'Assemblée des communes; mais un
autre évêque dit : J'ai interrogé deux membres de la députation pour savoir si la réunion proposée a pour objet de consulter ou de délibérer. Ils m'ont répondu qu'on entend délibérer, et que, dans cette délibération les voix seront recueillies par tête; cette déclaration, modère les premières dispositions. La proposition des communes devient l'objet d'une discussion.
Après de longs débats, et l'heure étant trop avancée, il est arrêté d'envoyer aux communes une députation chargée de déclarer que les membres du clergé prennent en grande considération la proposition de MM. du tiers-état, et sont très-empressés de leur faire une réponse; qu'ils s'en occupent continuellement ; mais que la séance ayant été prolongée au delà de trois heures, ils se séparent et remettent la séance à demain pour continuer à s'en occuper.
Cette députation se rend à l'instant même dans la salle des communes qui étaient restées assemblées pour attendre le résultat de leur démarche.
La Chambre de la noblesse n'est occupée d'aucune délibération importante.
La séance est levée.
A l'ouverture de la séance, on fait lecture de l'arrêté pris hier par la noblesse. Cet arrêté avait été trouvé sur le bureau.
Puisque nous avons échoué dans le projet de conciliation, que nous avons épuisé tous les procédés, la nation ne peut se refuser sans doute à rendre justice à la sage lenteur de nos opérations; elle nous applaudira dans le choix des commissaires appelés à opérer yn si grand œuvre. Il faut enfin prendre un parti, et peut-être en venir au moyen rigoureux, mais nécessaire, proposé par M. Chapelier. Mais avant de nous décider sur ce point, ne convient-il pas, Messieurs, d'envoyer des députés au clergé, pour le prier de continuer encore le rôle de conciliateur entre nous et la noblesse, ou plutôt pour tenter encore de nouveaux efforts auprès du second ordre, ou se joindre à nous, et commencer les importantes fonctions auxquelles nous sommes appelés?
Je suis instruit que, et j'ose le dire, la pluralité des membres du clergé est en notre faveur ; il n'attend que le moment pour se déclarer.
Un second député propose les mêmes objets, en y ajoutant :
Jusqu'ici je ne vous ai proposé que des points que le préopinant avait déjà développés; mais cependant telle est fa différence qui existe entre nos deux motions : il ne faut pas en douter, la conciliation devient impossible ; la résistance de la noblesse, son opiniâtreté dans ses principes, ne nous laissent plus qu'un seul parti à prendre : c'est d'envoyer vers le clergé des commissaires pour le prier de se joindre aux communes, et commencer sur-le-champ les travaux. Le clergé doit maintenant renoncer au rôle de conciliateur; 1 est temps de le faire sortir de son inaction.
Un autre député propose la même chose en des termes différents.
J'expose que j'ai à déclarer
à l'Assemblée un fait qu'elle doit peser dans sa sagesse, et qui peut influer dans la délibération. Je sais particulièrement qu'un des membres de la noblesse s'étant écrié, après que l'arrêté fut pris : qu'on ne pouvait plus en faire un autre; que celui-là décidait de tout... toute la Chambre a rejeté avec empressement une adhésion qui les attachait pour toujours à leur arrêté. De là on peut espérer que la noblesse n'est pas tout à fait aliénée, qu'elle peut encore revenir, et que dès lors il n'est peut-être pas nécessaire de forcer la noblesse à se joindre tout à l'heure aux communes.
Toutes les motions que vous venez d'entendre ne portent que sur une base fausse, la tin des conférences et l'arrêté de la noblesse. Quant aux conférences, elles ne sont pas achevées ; hier encore nous avons prié no^ commissaires de continuer. Relativement à l'arf rêté, nous pouvons croire individuellement qu'il # existe ; mais positivement nous devons l'ignorer : tant que la noblesse ne nous en aura pas donné connaissance, nous devons penser que les confé-f rences sont toujours en activité.
A quel moyen devons-nous donc recourir? Jô crois que nous devons faire demander par nofi commissaires, aux deux autres ordres, quel est le résultat des conférences, et c'est alors que nous verrons quel parti il nous reste à prendre.
(1). Je ne vois rien que de sage et de mesuré dans la motion qui vous est soumise, et je conviens que l'on peutL sans inconvénient, se donner encore le mérite de cet inutile essai ; mais je vous prie d'examiner s'il ne serait pas bon d'y joindre une autre démarche plus efficace, et qui ait un but plus déterminé.
11 est clair, d'après le rapport de nos commissaires/ que la proposition qu'on leur a faite est entièrement inacceptable. Elle choque tous nos principes ; elle excède nos pouvoirs.
11 est et il sera à jamais impossible de suppléer, dans une vérification par commissaires, à la sanction des Etats généraux réunis; il ne l'est pas moins que des conventions qui intéressent les ordres respectifs ne soient pas débattues par les trois ordres, en présence les uns des autres. Il l'est encore davantage qu'un ordre en particulier devienne le juge des questions qui intéressent les deux autres. Chaque ordre n'est que partie; les Etats généraux sont seuls juges. Admettre une vérification des pouvoirs séparée et partielle, ce serait d'ailleurs vouloir être agité d'un éternel conflit de juridiction, susciter une foule de pro^ cès interminables.
La vérification par commissaires excède nos pouvoirs. Investis de la puissance nationale,
autant du moins qu'une espèce de législature provisoire peut l'être, nous ne le sommes pas
du droit de la déléguer. Nous ne pouvons pas subroger dels juges à notre place ; la
conséquence du principe contraire serait que nous pourrions limiter lefs Etats généraux, les
circonscrire, les dénaturetf, les réduire, enfin nommer des dictateurs. Unje telle
prétention serait criminelle autant qu'absurde. Ce serait une usurpation delà souveraineté,
qui ferait sortir de cette Assemblée une véritable
L'autre, plus temporiseur, plus circonspect et surtout plus menacé de divisions intérieures, sous te titre modeste d'Etats provisoires, fait à peu près les mêmes choses, et tend évidemment au même put, avec cette circonstance très-remarquable, qu'il augmente tous les jours par sa modération même le nombre de ses auxiliaires; tandis que la démarche violente de la noblesse attiédit les préjugés des hommes de bonne foi qu'elle renferme, et augmente les forces des amis de la liberté et de la paix.
Que devons-nous à nous-mêmes, dans ces circonstances, pour être fidèles tout à la fois à notre système de pacification, à nos devoirs, et aux intérêts de nos commettants? I J'ai déjà eu l'honneur de le dire dans cette As-;emblée, Messieurs, je ne conçois pas qu'il puisse itre ni convenable ni prudent de traiter de même ivec celui qui ordonne sans titre, et celui qui [légocie de notre gré. Est-il bien certain, d'ailleurs, que dans ce système il y ait compensation entre nos acquisitions et nos pertes? L'est-il que le contraste de la conduite des communes et des ordres privilégiés nous acquiert autant d'amis dans la noblesse, que l'intrigue favorisée par nôtre (inaction nous en fait perdre dans le clergé? L'est-il qu'une plus longue persévérance dans notre immobilité, et surtout dans l'uniformité de notre tolérance, ne compromette pas les droits nationaux, en propageant l'idée que le monarque doit prononcer, si les ordres ne peuvent s'accorder; au'au lieu de n'être que l'organe du jugement national, il peut en être l'auteur. Ces maximes très-pdieuses, mais autorisées par des exemples, si la déraison et Tinjustice pouvaient l'être, et que la mauvaise foi parvînt à confondre les temps et les circonstances, ces maximes acquerront tous les jours beaucoup de partisans, parce qu'elles ont beaucoup de prôneurs intéressés, et que le besoin jde faire et d'agir qui nous tourmente leur conquiert un grand nombre de suffrages*
Il me semble qu'il est temps, sinon d'entrer en pleine activité, du moins de nous préparer de manière à ne pas laisser le plus léger doute sur notre résolution, sur nos principes, sur la nécessité où nous sommes de les mettre incessamment en pratique. Craignons qu'une plus longue persévérance dans notre immobilité ne compromette les droits nationaux en propageant l'idée que le monarque doit prononcer; qu'au lieu de n'être que l'organe du jugement national, il peut en être l'auteur.
Les arguments de la noblesse se réduisent à ce peu de mots: nous ne voulons pas nous réunir pour juger des pouvoirs communs. Notre réponseest très-simple. Nous voulons vérifier les pouvoirs en commun. Je ne vois pas pourquoi le noble exemple de l'obstination, étayé de la déraison et de l'injustice, ne serait point à l'usage de la fermeté qui plaide pour la raison et pour la justice.
Le clergé persévère dans le rôle de conciliateur qu'il a choisi, et que nous lui avons confirmé. Adressons-nous à lui, mais d'une manière qui ne laisse pas le plus léger prétexte à une évasion.
Et pour y parvenir, j'ai l'honneur de vous demander d'abord de fixer un terme, et un terme très-court, à la nouvelle conférence que l'on vous propose d'ordonner à vos commissaires.
Je vous demande ensuite de décréter une dé-putation _ vers le clergé, députation très-solennelle et très-nombreuse, qui, résumant tout ce que nos adversaires ont si subtilement allégué, tout ce que nos commissaires conciliateurs ont si bien dit, abjurera les ministres du Dieu de paix de se ranger du côté de la raison, de la justice, de la vérité, et de se réunir à nous pour tenter un nouvel effort auprès de la noblesse. Si les espérances que nous avons conçues d'une grande partie du clergé sont fondées, elles se réaliseront à l'instant même ; et quelle différence pour nous d'inviter la noblesse, de la sommer au besoin, de réclamer contre elle, s'il est malheureusement nécessaire, réunis avec le clergé ou isolés de lui ! Mais quel que soit le succès d'une telle démarche, elle vous donnera l'honneur de tous les procédés, elle conquerra l'opinion universelle à votre modération et à votre fermeté.
Si par impossible les privilégiés s'obstinent dans leur conduite impérieuse et ambiguë, nous recourrons au commissaire du Roi, et nous lui demanderons de faire respecter son ajournement. M. le garde des sceaux, par ordre du Roi, a ajourné cette Assemblée. Toute Assemblée ajournée doit incontestablement se retrouver la même qu'elle était au moment où on l'a ajournée. M. le garde de des sceaux doit donc faire respecter et exécuter l'ordre du législateur provisoire dont il a été l'organe ; et ce n'est qu'alors que la conduite des privilégiés aura montré tout à la fois leur indiscipline et l'impuissance du ministre, que, forcés d'établir et d'exercer vous mêmes les droits nationaux, vous aviserez dans votre sagesse aux moyens les plus paisibles, mais les plus sûrs, d'en développer l'étendue.
La motion de M. de Mirabeau est accueillie par acclamation et exécutée au même instant. Les commissaires conciliateurs et les membres* du bureau se rendent ensuite dans la salle où le clergé est assemblé.
Séance du
CLERGÉ.
La députation du clergé dont on a rendu compte fait connaître ce qui a été résolu par cet ordre sur la lettre du Roi et sa détermination de suspendre toute discussion sur la proposition des communes jusqu'à l'issue des nouvelles conférences. Le clergé charge en outre le cardinal de la Rochefoucault, son président, de témoigner à Sa Majesté qu'il déférait avec respect et reconnaissance à l'invitation du Roi. Cette délibération termine sa séance de ce jour.
NOBLESSE.
A l'ouverture de la séance, M. de Bouthilier fait une motion tendant à faire déclarer constitutionnels la division des ordres et leurs veto respectifs.
Cette motion est soutenue par MM. d'Antrai-gues et Cazalès.
, prononce le discours suivant (1) : .
Messieurs, nous voici arrivés à ce jour solennel que votre prudence avait éloigné, dans l'espoir d'une conciliation si ardemment et si vainement désirée. L'inutilité de vos démarches et leur multiplicité'vous ont conduits enfin à l'instant-où il ne vous est plus permis d'ignorer les atteintes portées à la Constitution. Déjà par des sollicitations publiques on invite le clergé à abandonner la cause que vous avez soutenue. Maintenant cet ordre délibère s'il restera fidèle à vos principes ou s'il les improuvera. C'est donc à présent qu'il ne vous est plus permis de différer d'un seul moment à rétablir par vos décrets la constitution que vous avez juré de maintenir.
Il faut en convenir, tout espoir de conciliation nous échappe; mais le peu de succès de vos démarches, loin de vous causer le moindre regret, doit animer votre courage.
En jetant les yeux sur votre conduite passée, vous ne trouverez dans vos délibérations que des motifs de consolation, quels que soient les événements qui se préparent.
Des le premier jour de votre réunion, vous prîtes pour guides les usages des précédents Etats généraux. Vous appartenait-il de les changer? Non, sans doute. Ces usages'transmis par les précédents Etats généraux étaient votre loi. Vous pourrez, étant constitués, délibérer s'ils vous conviennent encore, les abolir, les modifier, du consentement des trois ordres; mais avant d'être constitués, vous êtes sans pouvoir pour rejeter les usages et les lois des précédents Etats généraux.
Chacun de vos décrets fut un hommage rendu à la-loi; chacunede vos démarches subséquentes
à ces décrets témoigne combien vous désiriez vous concilier avec l'ordre du tiers-état.
On s'est servi de ces conférences de paix pour obtenir de l'ordre du tiers-état, des démarche^ peu mesurées. En lui rendant compte de ce qui fut dit dans ces conférences, on l'a abusé par des| réticences ; on l'a aigri, en dénaturant et les dis-^ cours et les réponses, et les faits. Enfin, on a réussi à l'amener à des démarches dont l'unique but est de semer la division dans l'ordre du clergé, d'y produire une scission d'autant plus facile peut-être, qu'il semblait qu'on avait cherché à la préparer par la manière dont cet ordre a été composé.
En ce moment peut-être cette scission se dé-j cide : quel parti avez-vous donc à prendre? Unj seul, un seul qui convienne également à votrq caractère et aux circonstances difficiles où nous! nous trouvons.
Si jamais l'oubli des formes constitutives égarait les autres ordres de l'Etat, c'est dans celui-ci que vivrait leur souvenir ; cette Chambre serait leur sanctuaire. Vous avez juré de les maintenir; vos décrets doivent donc les rappeler, et prouver que jamais vous ne leur fûtes plus dévoués qu'en cet instant où elles sont menacées.
Le décret que l'on vous propose est attendu par vos comettants, il vous est impérieusement prescrit par leur volonté. C'est une dette sacrée, dont vous devez vous acquitter envers ceux qui vous l'ont impérieusement commandé, envers l'Etat qui la réclame.
La circonstance vous commande de ne pas dif-i férer d'un moment à le promulguer. C'est quandj un des ordres de l'Etat est sollicité de violer les usages, et que, par cette première démarche, onj cherche à le préparer à violer la plus précieuse! de vos lois constitutives; c'est alors, ou jamais,| qu'il faut rétablir sur leurs bases antiques, ces lois si longtemps révérées.
Ces lois rendues à toute leur intégrité, apprendront à l'ordre du clergé qu'il ne peut céder aux demandes du tiers; qu'il y céderait vainement;! que sa désertion serait un tort envers la loi, sans! utilité pour celle que l'on cherche à lui substituer. Votre permanence à l'observer suffit pour sa conservation ; elle soumet les autres ordres à l'impérieuse loi de ne s'en pas écarter; et tel est l'effet de cette loi conservatrice, qu'elle existe par cela seul que vous l'observez, et qu'elle ne peut être détruite que par l'abandon unanime des trois ordres. Si une partie du clergé se permettait, sans votre adhésion, de se prêter à la viola-| tion des anciens usages, votre décret rappellera à| ceux de cet ordre qui y resteront fidèles, qu'il) n'appartient pas à la majorité même de leur ordres de changer, par sa volonté, l'usage établi; que si vous le maintenez, il existe encore pour tous; que la partie du clergé qui l'observera composerai seule l'ordre du clergé, et que là où vit encore la) loi, là aussi existe le premier ordre de l'Etat.
Vous devez sentir, Messieurs, par ce seul exposéJ que vous devez à vos commettants, au clergé, a vous-mêmes, le décret que l'on vous propose; et que le différer d'un moment, serait en affaiblir l'effet.
Mais cette loi que l'on voudrait proscrire, cette loi constitutive, sauve-garde de la propriété et de la liberté, nous devrions l'établir si elle n'existait ipas ; nous devons à quelque prix que ce puisse être, la maintenir dans toute sa valeur.
Il fut un temps où les deux premiers ordres, acquittant, par des services personnels, ce qu'ils devaient à l'Etat, jouissaient des immunités et franchises qui éloignaient de leurs propriétés les impôts que supportaient les autres citoyens ; alors même, cette loi parut utile et nécessaire à la conservation de la liberté nationale.
Cet intérêt particulier, aux deux premiers ordres, pouvait cependant alarmer l'ordre du tiers, et lui faire redouter l'indépendance et le droit de résistance des deux premiers ordres, surtout dans un moment où les besoins de l'Etat devenaient si urgents, qu'il était nécessaire que l'impôt atteignît tous les citoyens, toutes les propriétés. Vos sacrifices ont précédé la demande que le peuple pouvait vous faire. Nos commettants se sont hâtés de briser cette barrière. Ils se sont élevés même à de plus hautes pensées. Ils iont vu que la liberté publique et la sûreté de tous jexigeaient cet abandon de leurs privilèges; ils ont vu que c'était en s'y soumettant, que n'ayant plus qu'un même intérêt avec le peuple, ils 'rendraient l'indépendance des trois ordres et leur résistance la sauvegarde des lois et de la liberté.
Mais l'égalité de l'impôt qui frappe les propriétés, doit assurer la stabilité de ces propriétés (elles-mêmes, et maintenir par conséquent le seul ordre de choses qui en assure la permanence.
Vainement a-t-on répondu que l'ordre du tiers nous offrirait, par un décret positif, la conservation de toutes les propriétés. Ce décret, tout au moins singulier, ne vous a pas été offert. L'ordre du tiers a sûrement conçu, que délibérer un pareil décret n'était pas en sa puissance; qu'il ne lui appartenait pas d'assurer les propriétés, parce qu'il n'a jamais eu le droit de les envahir, et que c'est la loi seule qui garantit les propriétés et non les promesses d'un ordre contractant avec un autre ordre. Si ce bizarre contrat eût jamais été admis, quel eût donc été votre sort? Quelle serait votre garantie, si, à ce prix, déserteurs de la loi de vos pères, vous abandonniez cette indépendance qu'ils vous ont transmise? S'il n'existe plus qu'une seule volonté dans l'Etat; si le pouvoir législatif ne réside plus que dans une seule Assemblée, quel sera le garant de ce pouvoir législatif envers lui-même? Dès lors, cette seule Assemblée, ne connaissant plus dans ses divisions des obstacles invincibles, peut tout ce qu'elle veut ; et il sera possible, qu'après avoir détruit la puissance des ordres, elle anéantisse aussi la sanction royale et promulgue des lois sous la constitution du Roi.
La sanction du Roi, Messieurs, ne repose pas sur des fondements plus assurés que la mutuelle indépendance des ordres; le même principe, qui veut anéantir par l'effet de la force le pouvoir indépendant, s'applique à tout, peut s'exercer envers tous. C'est maintenant nous qu'il attaque. 'Quand nous n'existerons plus, quel est le garant qui puisse assurer qu'il ne s'appliquera pas sur île sanction royale, qui seule légitime et sanctionne jla loi? En admettant donc une seule Chambre nationale délibérant par tête, à quoi vous serviront ces promesses qui assurent, dit-on, vos propriétés? Le Corps législatif ne peut jamais être lié par ses précédentes volontés, elles ne sont I pour lui que de simples résolutions. Ne veut-on
pas aujourd'hui renverser la constitution antique ? Vous seuls y faites obstacle. Quand vous ne serez plus, croyez-vous qu'il sera moins difficile d'anéantir le décret qui assure vos propriétés, qu'il ne le fut de détruire l'existence des trois ordres, leur puissance, leur mutuelle indépendance? par un abus de raisonnement, on cherche a vous enlacer à la fois, et par vos privilèges et par vos sacrifices.
Si vos privilèges existent, on s'en autorise pour vous faire apercevoir dans leur maintien un intérêt particulier à l'ordre de la noblesse et opposé à l'intérêt public.
Si vous y renoncez, on s'arme aussitôt de vos propres sacrifices pour vous dire que, n'ayant plus que le même intérêt avec le tiers, vos délibérations doivent être communes.
Oui, Messieurs, le sacrifice de vos privilèges unit tous les intérêts; et c'est alors que vous devez défendre, jusqu'au dernier soupir, une constitution conservatrice dt* la liberté et des lois.
Détachés de vos privilèges, c'est alors que l'amour seul de la patrie vous unit à la constitution ; et se serait parce que cet attachement sera, pour jamais, isolé de tout intérêt particulier, qu'il faudrait y renoncer! cela est-il concevable?
Si la France, resserrée dahs ses limites, défendue par la nature même de son sol, pouvait connaître tous ses citoyens et repousser ses ennemis par ces barrières "qu'éleva la main de la nature; alors, peut-être alors, il eût été possible que la liberté populaire pût exister ; alors, ce ne serait pas une chimère de la désirer et de vouloir l'y établir.
Quand le peuple peut tout faire par lui-même, sans confier ses intérêts à des représentants, alors seulement laliberté populaire peut exister.
Mais quand l'immense étendue d'un vaste empire, la facilité de l'attaquer, la volonté de tous de former un même ensemble, l'horreur même qu'inspirerait l'idée de se séparer de l'antique monarchie, nécessite l'établissement et la conservation de la monarchie; alors la liberté nationale n'existe à côté de la puissance royale que par des Assemblées où la réunion des représentants de la nation oppose une barrière à ce même pouvoir exécutif, qui, conservateur de l'empire au dehors, doit maintenir au dedans la puissance des lois et de la liberté.
Mais entre un Roi et l'Assemblée des représentants du peuple, il existe toujours, par la nature même des choses, une rivalité de puissance qui amènerait tôt ou tard ou l'anarchie, ou la tyrannie. Cette rivalité mutuelle, bien loin d'être un mal politique, est un signe de liberté et de vie. La surveillance naît de cette rivalité; mais il faut pour qu'elle cesse d'être dangereuse, qu'elle soit modifiée et qu'il se trouve dans la constitution même, des divisions du pouvoir national, qui, alternativement obstacles et médiateurs, arrêtent l'impulsion du pouvoir exécutif qui tend au despotisme, et les attaques du pouvoir du peuple, qui tendent à la démocratie, qui, dans un grand empire, n'est autre chose que l'anarchie.
Sous un Roi pervers et habile, sous un ministre corrupteur, s'il n'existait qu'une seule Assemblée nationale, sans aucune division, il serait facile à l'autorité d'égarer ou de corrompre une pareille Assemblée et d'en obtenir des décrets qui amèneraient bientôt le despotisme.
Sous un ministre faible, le peuple égaré par de perfides instigations, pourrait envahir sur l'autorité monarchique, regarder son abaissement comme une victoire, y travailler avec cette au-
dace qu'inspire l'attente du succès, et bientôt, à la place d'une monarchie, établir la plus cruelle anarchie.
Placés entre ces deux écueils, les peuples soumis à un gouvernement monarchique se voient sans cesse livrés au despotisme ou à la licence. Mais le règne de l'anarchie est court ; de l'horreur qu'elle inspire naît dans les cœurs le désir de l'ordre et l'amour de la paix ; et alors se réveille le despotisme, qui ne règne jamais avec plus d'énergie que sur les peuples que fatiguèrent l'anarchie et ses malheurs.
Ce fut pour éloigner ces fléaux et conserver au peuple toute la liberté qui peut exister avec une monarchie, que la nation éleva ces barrières, ces pouvoirs divers, qui, attachés au même objet, n'ayant tous que le même but, mais tous indépendants les uns des autres, et cependant ne pouvant agir que par leur mutuel accord, opposent une invincible barrière aux innovations, arrêtent les élans de l'impétuosité, répriment les usurpations de l'autorité royale et assurent l'excellence des lois par leur mutuelle surveillance, et leur permanence par leur résistance.
Telle est la constitution que maintenant l'on voudrait détruire pour y substituer l'autorité unique d'une Assemblée dont le pouvoir deviendrait bientôt plus effrayant que ne le furent l'autorité et ses excès.
En détruisant les pouvoirs qui se surveillent et se balancent, que veut-on établir?
On se plaignait avec raison du pouvoir arbitraire, dégénération du pouvoir monarchique quand il n'est plus balancé par le pouvoir national; mais, pour le réprimer, on nous montre un pouvoir bien plus redoutable, celui d'une Assemblée unique, égarée par mille passions, aigrie peut-être par la résistance qu'elle éprouve, désireuse d'établir son empire, surtout de l'exercer, et l'établissant en dernière analyse sur le droit de force auquel il est impossible de poser des limites.
Il n'est pas donné à l'esprit humain de calculer les effets d'un pareil changement. La monarchie et l'autorité populaire réunies en une seule Assemblée, ne peuvent exister. Des innovations suc-cessivés amèneraient tôt ou tard une résistance ; alors, mais trop tard, nous regretterions ces lois constitutives qui nous en auraient garantis. Notre malheur, après les avoir perdues, serait de les regretter vainement, et de ne sentir toute leur utilité, que lorsque nous ne pourrions plus nous en ressaisir.
Le peuple veut la liberté, l'égalité des impôts, l'assurance des propriétés, la consolidation de la dette publique; il obtiendra, il jouira de tous les biens que sa volonté réclame ; mais le peuple ne veut pas détruire l'autorité royale, en lui enlevant les barrières qui la garantissent des atteintes que l'on chercherait à lui porter et qui garantissent le peuple des abus de cette autorité conservatrice. Le peuple, en demandant la liberté, ne veut pas la destruction des ordres, qui, par leur résistance mutuelle, assurent la liberté nationale : le peuple en voulant conserver ses propriétés, ne veut pas envahir celles d'autrui.
Le peuple en voulant l'égalité d'impôts qu'on lui assure, ne veut pas se servir de ces sacrifices pour enlever aux deux premiers ordres la juste influence que la constitution leur donne, et qu'à leur tour ils rendent à cette constitution, en assurant sa permanence.
Le peuple ne veut pas surtout substituer à l'autorité des lois et du Roi, la licence et l'anarchie,
et reconnaître sés maîtres et ses despotes dans ses représentants.
Défenseurs du peuple, c'est nous qui, en maintenant la constitution, maintiendrons ses plus justes droits.
C'est à nous qu'il devra l'existence de cette antique monarchie, et la permanence de ces pouvoirs qui en assurent le salutaire exercice.
Vainement cherche-t on à l'égarer, à tromper son opinion, à nous menacer de sa défaveur.
De très-petits moyens peuvent, en effet, surprendre pour un moment la faveur et l'opinion publique; mais vous serez jugés par la postérité; vous le serez bientôt par vos contemporains eux-mêmes. Le règne de l'intrigue est de courte du4 rée ; celui de la vérité est éternel.
Descendants de ces hommes courageux qui con4 servèrent, au péril de leur vie, l'empire français, vous rapporterez sans tache à vos aïeux le nom qu'ils vous ont transmis.
Vos décrets vont défendre ce qu'ils établirenti vous allez vous associer à leur gloire, en assu-1 rant cette constitution pour laquelle ils ont vécuJ Il est un temps où les citoyens sont appelés à de grands et généreux sacrifices ; il en est où il faut mourir auprès des lois, après les avoir défendues.j Ces temps sont arrivés. Ralliés à l'antique cons4 titution, appelés près de ce trône que soutinrent nos pères, réunis autour de ce monarque suc4 cesseur de tant de rois pour lesquels nos aïeux) sacrifièrent leur vie, nous avons, il est vrai, senti les abus du pouvoir; nous voulons le ramener dans les limites que la constitution plaça autour du trône. Ce grand ouvrage sera le but de nos travaux ; mais après avoir rappelé cette constitution, oubliée peut-être, mais toujours vivante, jurons dans nos cœurs de ne vivre que pour elle et de mourir avec elle.
Plusieurs membres prétendent qu'avant de discuter cette importante question il faut compléter la Chambre par la vérification des pouvoirs des députés présents et par l'acte de défaut contre les absents,; on réclame aussi la discussion d'un mémoire conciliatoire proposé par M. d'Harembure.
Après six heures de débats, la motion de M. de Bouthilier est adoptée en ces termes :
a La Chambre de la noblesse, considérant que, dans le moment actuel, il est de son devoir de se rallier à la constitution et de donner l'exemple de la fermeté, comme elle a donné la preuve de son désintéressement, déclare que la délibération par ordre et la faculté d'empêcher, que les ordres ont tous divisément, sont constitutifs delà monarchie, et qu'elle persévérera constamment dans ces principes conservateurs du trône et de la liberté. »
Cet arrêté passe à la pluralité de 202 voix contre 16. Dix membres s'y opposent formellement et en demandent acte.
Pendant le cours de la délibération, le mar- j quis de Brézé apporte la lettre du Roi et lai fait remettre au président. On observe que .la | Chambre étant constituée, la lettre doit être re- ! mise conformément au cérémonial d'usage. M. de Brézé dit qu'il lui faut de nouveaux ordres du Roi.1 Un instant après, il revient, prend séance et remet la lettre du Roi.
(Voyez plus loin, aux communes, le texte de la lettre du Roi).
M. le président lui répond que la Chambre désire faire ses remercîments et sa réponse à Sa Majesté par une députation ; le marquis de Brézé répond que le Roi fera connaître ses intentions.
M. 'de Brézé s'étant retiré, Ton continue la délibération.
Plusieurs membres observent qu'il sera plus Convenable de s'occuper de laréponse à faire au Roi.
. Cette réclamation n'a pas de succès.
proteste contre la délibération.
, député de la noblesse du bailliage de Beauvais. proteste dans les termes suivants (1) :
« Je déclare que je suis dans la plus ferme opinion que c'est bien moins pour maintenir que pour établir la constitution que nous sommes tous appelés, et comme le veto me paraît essentiellement contraire à la liberté d'action nécessaire pour créer un ordre de choses qui amène la prospérité nationale, et pour abolir les abus de tout genre, sous lesquels la nation gémit depuis tant de siècles, je demande acte que ie me suis opposé, autant qu'il était en moi, à la sanction du veto pour la tenue actuelle des Etats généraux, que je regarde comme régénérateurs bien plus que comme conservateurs, i « Mon mandat, conforme à ma raison et au sentiment de ma conscience, me prescrit de demander que, lorsque les ordres différent d'opinion sur une question importante, les ordres se réunissent et opinent par tête. Jesuppliela Chambre de permettre que ma déclaration soit annexée au procès-verbal. »
Une députation du clergé se présente.
, évêque de Saintes, porte la parole et dit :
Le clergé vient de recevoir une lettre du Roi et (il suspend toute délibération jusqu'à l'issue des conférences proposées par Sa Majesté.
La Chambre est disposée à ënvoyer ses commissaires.
La séance est levée.
COMMUNES.
Quelques dispositions d'ordre occupent les premiers moments de l'Assemblée. On ordonne qu'il isera élevé des barrières pour séparer le grand [nombre des visiteurs et laisser l'intérieur de la salle libre aux députés. On avertit aussi les galeries de ne donner à la fin des opinions aucun si-Igne tumultueux d'applaudissement ou d'impro-bation.
Les communes attendaient avec empressement la réponse du clergé, lorsqu'une députation de jcet ordreest arrivée. Elleannonceque la Chambre jdu clergé, étant occupée à suivre le cours des discussions sur la proposition faite hier par les communes, avait reçu une lettre du Roi par laquelle Sa Majesté témoignait le désir que les com-jinissaires conciliateurs des trois ordres reprissent leurs conférences demain à six heures de l'après-dîner, devant M. le gardé des sceaux et quelques autres commissaires du Roi; que le clergé s'é-i tait empressé de témoigner à Sa Majesté son désir de seconder ses vues, et avait sursis à toute délibération.
Peu d'instants après, une lettre du Roi est ap-
Voici sa teneur:
« J'ai été informé que les difficultés qui s'étaient élevées relativement à la vérification des pouvoirs des membres de l'Assemblée des Etats généraux subsistaient encore malgré les soins des ' commissaires choisis par les trois ordres, pour chercher des moyens de conciliation sur cet objet.
« Je n'ai pu voir sans peine, et même sans inquiétude, l'Assemblée nationale que j'ai convoquée pour s'occuper avec moi de la régénération démon royaume, livrée à une inaction qui, si elle se prolongeait, ferait évanouir les espérances que j'ai conçues pour le bonheur de mon peuple et pour la prospérité de l'Etat.
« Dans ces circonstances, je désire que les commissaires conciliateurs déjà choisis par les trois ordres reprennent leurs conférences demain à six heures du soir, et, pour cette occasion, eiî présence de mon garde des sceaux et des commissaires que je réunirai à lui, afin d'être informé particulièrement des ouvertures de conciliation qui seront faites, et de pouvoir contribuer directement à une harmonie si désirable et si instante.
« Je charge celui qui, dans cet instant, remplit les fonctions de président du tiers-état, de faire connaître mes intentions à la Chambre. »
Signé : LOUIS.
Versailles, le
La lettre du Roi devient l'objet de la délibération.
Attendu la nature et l'importance de l'obietsoumis à la discussion, je demande que l'on délibère en secret, et qu'on fasse retirer les étrangers.
Des étrangers ! en est-il parmi nous? L'honneur que vous avez reçu d'eux lorsqu'ils vousontnommésdéputés vousfait-il oublier qu'ils sont vos frères et vos concitoyens? N'ont-ils pasle plus grand intérêt à avoir les yeux fixés sur vous? Oubliez-vous que vous n'êtes que leurs représentants, leurs fondés de pouvoirs ? Et prétendez-vous vous soustraire à leurs regards, lorsque vous leur devez un compte de toutes vos démarches, de toutes vos pensées ? Je ne puis estimer quiconque cherche à se dérober dans les ténèbres; le grand jour est fait pour éclairer la vérité, et je me fais gloire de penser comme ce philosophe qui disait que toutes ses actions n'avaient jamais rien rien de secret et qu'il voudrait que sa maison fût de verre. Nous sommes dans les conjonctures les plus difficiles ; que nos concitoyens nous environnent de toutes parts, qu'ils nous pressent, que leur présence nous inspire et nous anime. Elle n'ajoutera rien au courage de l'homme qui aime sa patrie et qui veut la servir; mais elle fera rougir le perfide ou le lâche que le séjour de la cour ou la pusillanimité auraient déjà pu corrompre.
La demande de M. Malouet n'a pas de suite.
La discussion est reprise sur la lettre du Roi. La première proposition qui est faite est qu'on s'empresse d'y accéder, en étendant même les pouvoirs des commissaires et en leur enjoignant de traiter à la fois ces deux objets: la vérification des pou-
voirs en commun et la délibération par tête ou par ordre. Cette motion n'est pas adoptée.
Séance du
NOBLESSE (1).
Il s'élève de grandsdébats pour savoir de quelle manière on députera vers le Roi. Les députés seront-ils choisis à tour de rôle ou par gouvernement? Ces graves discussions terminées, ladépu-tation se rend au château où elle est reçue à midi
Ear Sa Majesté, environnée de tous ses ministres, a députation rapporte la réponse suivante faite par le Roi :
« Je recevrai toujours avec bonté les témoignages de respect et de reconnaissance de la noblesse de mon royaume; j'attends de son attachement et de son zèle qu'elle saisisse avec empressement tous les moyens propres à assurer une conciliation que je désire. C'est en maintenant l'harmonie que les Etats généraux pourront acquérir l'activité nécessaire pour opérer le bonheur général. »
,député de la ville de Paris, fait la motion suivante (2) :
Messieurs, il y a un an que la France appelle les Etats généraux ; c'est son unique espoir, sa seule ressource ; sa perte ou son salut en dépendent.
Il y a vingt jours que les représentants nommés par la nation pour former les Etats généraux sont réunis dans le même lieu, et il n'y a point d'Etats généraux !
Un seul ordre est constitué; il s'est constitué lui-même ; il l'a fait déclarer aux deux autres ordres.
Non-seulement ces deux derniers ne sont pas constitués, mais un d'eux nie que le premier le soit, soutient que les trois ordres ne peuvent être constitués qu'ensemble, et que la vérification des pouvoirs de tous les députés ne doit se faire qu'en commun,
On invoque pour la vérification séparée un usage constant.
On allègue pour la vérification en commun des raisons frappantes.
Parmi ces raisons, voici sans contredit la plus forte. Tous les représentants delà nation
quels qu'ils soient, sont comptables Fun à l'autre de la légitimité de leurs pouvoirs; s'il
s'élève une difficulté à cet égard, il faut qu'elle soit jugée. Autrefois, lorsque le droit
des nations était méconnu, ou mis en oubli, on rendait compte des vérifications au Conseil
qui jugeait les contestations par arrêts, et comme les trois ordres trouvaient bon de se
soumettre à ces arrêts, ce garant leur suffisait pour se reconnaître l'un l'autre
suffisamment constitués. Aujourd'hui qu'il n'est plus permis d'ignorer que chaque membre des
Etats généraux pris individuellement est sujet; mais que les Etats généraux, collectivement,
forment
Cet argument paraît sans réplique; mais les adversaires de la vérification commune viennent tout à coup lui en opposer un autre. D'abord ils citent une exception aux Etats qui se sont soumis aux arrêts du Conseil, et ils soutiennent que ceux de 1588 n'ont jamais voulu y consentir. Ils disent ensuite : que l'on vérifie en commun ; qu'il s'élève une seule contestation et voilà nécessairement la délibération par tête introduite; or, quelle que soit notre opinion individuelle sur cet objet,1 nous avons fait serment de maintenir la délibération par ordre.
J'avoue que, d'abord, cet argument paraît admettre encore moins de réplique que le premier; et je conçois que ceux, à qui il n'était pas permis de consentir à la délibération par tête, aient pu croire dans le premier moment qu'il ne leur était | pas permis davantage de consentir à la vérification en commun.
Voilà donc le point de la difficulté ; c'est par là I seulement que la vérification commune ou séparée a pu acquérir tant d'importance, mais aussi c'est par là qu'elle en a acquis une telle, que l'existence des Etats généraux, l'établissement delà constitution et le salut de l'empire peuvent «n dépendre.
Qu'on ne dise pas que celte difficulté est décidée par l'arrêté de la Chambre; qu'il n'y a plus à y revenir. Elle a été hier l'objet de la lettre du Roi ; elle va être celui de la conférence que la Chambre a acceptée pour ce soir, elle est encore la cause de l'inexistence des Etats généraux.
Ne pourrait-on pas, avant d'attaquer de front cette difficulté, chercher encore à la détourner?
Ne pourrait-on pas dire qu'un excès de délicatesse honorable mais périlleux a entraîné au delà des justes bornes ceux qui se sont crus obligés à rejeter la vérification en commun par le même serment qui les oblige à rejeter l'opinion par tête; que la première ne préjuge en rien la seconde ; que l'intention de nos commettants n'a pu évidemment porter que sur nos délibérations, quand nous serons constitués ; et que surtout la première de leurs intentions a été qu'il y eût des Etats généraux? Au bailliage de Dourdans j'ai vu prescrire impérativement l'opinion par ordre et les pouvoirs avaient été vérifiés en commun. Dans l'Assemblée de Paris, intra-muros, les pouvoirs ont été vérifiés en commun et personne n'est plus astreint que nous à défendre l'opinion par ordre, puisque, quand même la pluralité déciderait le contraire, nous devons rester dans la minorité et en demander acte.
Si ce premier point était une fois reconnu, s'il était bien décidé qu'il n'y a rien de commun entre la vérification avant d'être constitués et la délibération après l'avoir été, où serait donc le danger que chaque ordre se vérifiât d'abord dans son intérieur, comme a fait la noblesse, qu'ensuite les trois autres se rendissent compte mutuellement de leurs vérifications particulières, des difficultés élevées, des jugements portés, et qu'ils les ratifiassent par l'entremise de leurs
commissaires conciliateurs, sous les réserves et les protestations les plus expresses qu'il ne pourrait en être tiré aucune induction pour la question de la délibération par ordre ou par tête ?
Si la conscience des opposants n'est point calmée par cet expédient; s'ils persistent à croire que la forme de vérifier influe sur la forme de délibérer, que le même serment qui repousse l'opinion par lête repousse touie idéo de vérification en commun, alors ne parlons plus de vérification ; parlons de la délibération par ordre ou par tête; abordons la difficulté; montrons-la tout entière, et ne craignons pas d'affliger l'honnête et timide patriote qui tremble de la voir, qui cherche à en douter, qui s'efforce de croire à la possibilité d'une conciliation : c'est un ménagement cruel que de présenter un espoir trompeur.
Je le prononcerai donc nettement : dans cette nouvelle hypothèse il n'y a pas de conciliation possible.
Une partie des représentants a fait serment de n'opiner que par ordre.
Une autre partie a fait serment de n'opiner que par tête.
On ne transige point sur un serment ; nulle conciliation ne peut l'atténuer, nul ne peut le résilier, que celui à qui on l'a prêté
Mais s'il n'y a point de conciliation possible sur l'objet qui divise les représentants de la nation dès l'entrée de leur carrière, qu'en résultera-t-il donc ?
Ce qui en est résulté dès ce moment : la nécessité invincible que tôt ou tard chacun retourne à ses commettants exposer l'état des choses et demander de nouveaux pouvoirs.
Ici se présente une nouvelle question.
Les députés retourneront-ils sur-le-champ vers leurs commettants sans avoir autre chose à leur annoncer que la division qui existe, ou serait-il possible qu'en différant leur départ, ils apportassent du moins avec eux des paroles de consolation, et la preuve que, si Ton a été divisé dans la forme, on s'est réuni sur le fond et sur les articles précieux de la constitution ?
Le premier parti, celui du retour instantané, laisserait-il beaucoup de ressources ? Si déjà l'on se craignait avant ce qui vient d'arriver, ne se craindra-t-on pas plus encore en l'apprenant? La résistance mutuelle n'affermira-t-elle pas l'opiniâtreté réciproque? Voudra-t-on changer les pouvoirs, et, si on ne les change pas, que devenir ?
Le second parti, c'est-à-dire un retour différé, et qui tempérerait, qui ferait presque oublier une annonce douloureuse parles nouvelles consolantes qui l'accompagneraient, serait sûrement préférable ; mais est-il possible ? Je le crois, et voici comment je l'établis.
Il faut être entièrement constitués pour faire des lois ; mais il suffit d'être assemblés pour faire des projets de lois.
Laissons en arrière ce qui nous divise; emparons-nous de ce qui doit nous réunir.
Les uns veulent opiner par ordre, les autres veulent opiner par tête ; mais tous certainement veulent une constitution pour la France, veulent la liberté individuelle, veulent le consentement de la nation pour les impôts, veulent la périodicité des Etats généraux, veulent le concert des deux parties intégrantes delà souveraineté,c'est-à-dire du Roi et de la nation pour former les lois, veulent le pouvoir exécutif dans la main du Roi seul, veulent enfin la responsabilité de
tous les ministres secondaires de ce pouvoir exécutif.
Eh bien 1 que les trois ordres traitent séparément et successivement chacun de ces objets ; qu'ils se transmettent leurs débats et leurs résolutions par leurs commissaires conciliateurs ; que par ces mêmes commissaires un projet de loi uniforme soit rédigé sur chacun de ces points constitutionnels ; que par leur moyen encore les ordres se transmettent le projet des déclarations respectives que chacun fera pour assurer à l'autre la justice qui lui est due, pour que l'un souscrive à l'égalité entière de répartition de tous les subsides, et pour que l'autre reconnaisse l'inviolabilité de tous les privilèges honorifiques et droits seigneuriaux ; qu'ils ne manquent pas surtout de se concerter et de s'entendre sur l'organisation de l'Assemblée nationale, soit sur sa conservation en trois Chambres, soit sur sa réduction en deux. Tous ces points une fois convenus entre le Roi et les différents ordres, que les députés, après s'être prorogés à un jour fixe, se séparent; qu'ils aillent rejoindre leurs, commettants. L'estime et la confiance les précéderont : les bénédictions de la France les suivront. Ils diront à ceux dont ils tiennent leurs pouvoirs: « Vous aviez exigé, nous avions fait un serment peut-être impru lent; mais vous avez été obéis; mais nous avons été fidèles. Cependant nous avons tout fait pour l'union, excepté ce qui nous était impossible et ce qui n'est possible qu'à vous. Voici des lois toutes dressées ; elles sont consenties par tous les ordres ; elles sont accordées par le Roi ; il ne reste plus qu'à les sanctionner. Lisez-les, voyez-y vos propriétés, vos libertés, vos droits assurés pour ïamais/Plus de méfiance, plus de crainte à avoir; les ordres se sont fait justice. Oites un mot, et tous ces projets vont se changer en lois, et vous allez d'un mot créer votre félicité, votre gloire et celle des générations futures. » Croyez-vous, Messieurs, que de tels députés, parlant aiusi, s'étant ainsi conduits, n'obtiennent pas dans l'instant toute la liberté d'action, toute l'étendue de pouvoir nécessaire pour consommer leur ouvrage ? Ah! j'ose vous eh répondre; et personne de vous n'en doute. Non, les Français, qui peuvent faire l'envie du monde entier, ne voudront pas en être la fable. Ils ne voudront pas que l'on dise : la liberté marchait au devant d'eux ; un Roi juste l'appelait lui-même entre lui et son peuple ; tout les favorisait; leurs volontés étaient d'accord avec les circonstances ; tous formaient les mêmes vœux, tous désiraient, tous disaient les mêmes choses ; mais ils n'ont pu s'entendre sur la manière et sur le lieu de les dire. Us ont perdu un moment qui ne se représentera jamais. Us n'ont eu ni lois, ni liberté, ni constitution, parce qu'ils n'ont pu s'accorder sur la forme de la séance dans laquelle ils devaient les obtenir.
Je me résume, Messieurs, et j'oserai vous proposer d'insérer dans les pouvoirs que vous donnerez à vos commissaires, un article ainsi conçu :
Les commisssaires conciliateurs seront autorisés à proposer :
1° Que le clergé et le tiers vérifient séparément leurs pouvoirs, comme a fait la noblesse ;
2° Que les trois ordres se rendent compte de leurs vérifications respectives et les ratifient mutuellement par l'entremise des commissaires conciliateurs, qui seront juges en définitif de toutes les contestations nées ou à naître à cet égard ;
3° Que sans s'arrêter à aucune autre discussion, laquelle sera laissée en arrière, les trois ordres, chacun dans sa Chambre, s'occupent de
régler les points constitutionnels ; qu'ils se communiquent leurs travaux par le moyen des commissaires, et que Ton parvienne ainsi à rédiger des projets de lois uniformes, sauf ît s'occuper à cette époque des moyens à employer pour que les projets se changent en lois.
propose de faire porter au clergé l'arrêté sur la délibération par ordre ; 161 membres sont de l'avis de cette motion ; 41 prétendent qu'il faut attendre la fin des conférences proposées par le Roi.
La séance est levée.
COMMUNES.
établit ainsi l'état de la question : Acceptera-t-on ou rejettera-t-on les conférences? Le tour d'opinion commence cette fois par la fin de la liste.
MM. les députés de Bretagne, les députés d'Artois, MM. Bureau, Camus et plusieurs autres membres parlent contre les conférences. Ils soutiennent que les conférences sont inutiles, puisque la noblesse ne sera pas plus convaincue aux secondes qu'aux premières,; que l'arrêté qu'elle vient de prendre, et par lequel elle s'est liée, n'annonce que trop son opiniâtreté dans ses pre~ miers principes ; quant au clergé, il s'est enveloppé d'un voile mystérieux en prenant le rôle de conciliateur pour acquérir des partisans dans l'un et l'autre ordre. Pressées entre le clergé et la noblesse, les communes doivent craindre un danger plus grand encôre que celui des funestes privilèges de ces deux ordres. Il arrivera précisément en 1789 ce qui est arrivé en 1589. Le Roi avait proposé alors de pacifier les esprits, et il avait fini de les pacifier par un arrêt au Conseil. Quand bien même un pareil arrêté serait aujourd'hui favorable aux communes, que la noblesse et le clergé s'y soumettraient, un tel exemple ne pourrait-il pas être funeste? Le gouvernement ne pourra-t-il pas, à la moindre division dans les Etats, renouveler des coups d'autorité qui mettraient les Etats dans sa dépendance, dégraderaient la majesté de l'Assemblée nationale et violeraient sa liberté?
Quelques membres parlent pour soutenir les conférences; ils observent qu'après avoir demandé l'entremise du clergé pour rétablir l'union, il serait indécent de rejeter celle qu'offrait le Roi sans avoir été sollicitée. Une conduite aussi peu modérée exposera les communes à son animad-version et justifiera les intrigues qu'on se permet contre elles ; avant de prendre un parti de rigueur, elles doivent épuiser toutes les voies de la douceur. Ceci serait le seul ordre qui ne con descendrait pas au désir du Roi, et c'est le seul ordre fort de la justice. La démarche de se prêter au vœu du Roi ne peut rien avoir de dangereux, puisque l'Assemblée n'est pas constituée, puisque le Roi ne veut pas prononcer un jugement, en annonçant qu'il n'assistera pas aux conférences. Quand bien même cet arrêt du conseil, que l'on redoute, interviendrait, il serait toujours nul, toujours illégal.
(1). Messieurs, il est difficile de fermer les yeux sur les circonstances
Faisons route entre cés deux écueils.
Rendons-nous à l'invitation du Roi. Eh ! comment pourrait-on s'y refuser quand on a jugé à propos de déférer à celle du clergé? Mais faisons précéder les conférences d'une démarche plus éclatante, qui déjoue l'intrigue et démasque la calomnie. Vers quel but tendent les efforts des ordres privilégiés ? à inspirer de la méfiance au Roi sur nos intentions et nos projets parce qu'ils sentent bien que la puissance d'un Roi uni à son peuple a une influence irrésistible contre les préjugés tyranqiques, les prétentions oppressives, les résisiances de l'intérêt privé. Nous sommes bien forts, si toute leur ressource est de nous calomnier. Nous sommes bien forts, si, pour faire triompher la bonne cause, il ne faut que marcher unis avec le Roi, et ajouter chaque jour à la puissance du prince, qui ne veut l'augmenter qu'en réglant l'exercice de son autorité sur les principes éternels de la justice, et de l'invariable hut de la prospérité publique. Le Roi nous a adressé un hommage rempli de bonté; portons-lui une adresse pleine d'amour, où nous consacrerons à la fois nos sentiments et nos principes.
Je demande qu'il soit fait à Sa Majesté une très-
Si cette motion est adoptée, je demande qu'il soit immédiatement après la délibération, nommé un comité de cinq à_six personnes au plus, pour se retirer dans une autre chambre, rédiger l'adresse ainsi que la résolution de l'Assemblée portant les instructions des communes, et les rapporter dans cette séance même à l'Assemblée. Je demande que les instructions portent: 1° que les commissaires déjà chargés de la conciliation des ordres, sont autorisés à se rendre dans la conférence à laquelle il a plu à Sa Majesté de les inviter,.et chargés d'y faire tous leurs efforts pour obtenir que cette conférence ait lieu dans la salle communè.
2° Qu'il leur soit intimé de n'agir dans cette conférence que comme représentant les communes, d'y exposer leurs principes, de chercher les moyens de ramener l'harmonie et la concorde sans toucher à ces mêmes principes.
3° Qu'il leur soit de plus intimé de représenter que, dans une telle conférence, ils sont prêts à ouïr avec attention et à rapporter aux communes les ouvertures de conciliation qui pourraient être faites, tant p^tr les autres ordres que par les commissaires de Sa Majesté ; mais que lorsqu'il s'agit des droits les plus précieux des communes, ils ne peuvent prendre ni juges ni arbitres ;
4° Enhn qu'il leur soit intimé de dresser dans chaque conférence, de concert avec les autres
commissaires des autres ordres, un procès-verbal commun de ce qui se sera passé, de le signer en commun, et d'en préparer un double, pour être soumis et livré à l'impression.
Je propose de reprendre les conférences, d'entendre les ouvertures de conciliation, même sur le vote par tête, sans que les commissaires puissent rien décider; de déclarer en même temps que les communes ne consentent à reprendre les conférences que parce qu'elles ne voient dans les commissaires du Roi que de simples témoins, et dans les expressions de sa lettre, que la volonté de Sa Majesté de ne faire intervenir aucun ordre.
Les débats sont prolongés jusqu'à trois heures et demie.
La séance est levée et remise à cinq heures du soir.
Séance du vendredi soir.
communes.
et ses adjoints réduisent les avis de la manière suivante :
Accepter les conférences purement et simplement.
Amendements :
1° A condition qu'à la fin de chaque conférence, il y aura uu procès-verbal signé de tous les commissaires;
2° Que l'on ne les reprendrait qu'après une dé-putation solennelle au Roi;
3° Qu'on augmenterait les pouvoirs des commissaires en y ajoutant la discussion sur la délibération par tête ;
4° Les reprendre en présence du Roi ; %
5° Les reprendre dans la salle des Etats en présence du Roi et des trois ordres.
Rejeter les conférences purement et simplement:
1° Se constituer;
2° Se constituer et députer;
3° Députer sans se constituer.
met aux voix, et la première proposition, avec les deux premiers amendements seulement, passe à une très-grande pluralité.
L'arrêté est rédigé en ces termes :
« Les députés des communes, assemblés dans la salle nationale, arrêtent à la pluralité des voix que pour répondre aux intentions paternelles du Roi, les commissaires déjà choisis par eux reprendront leurs conférences avec ceux choisis par MM. du clergé et de la noblesse, au jour et à l'heure que Sa Majesté voudra bien indiquer; que prooès-verbal sera dressé de chaque séance et signé par tous ceux qui y auront assisté, afin que le contenu ne puisse être révoqué en doute. »
Il est aussi arrêté qu'il sera fait au Roi une dé-putation solennelle pour lui présenter les hommages respectueux de ses fidèles communes, les assurances de leur zèle et de leur amour pour sa personne sacrée et la famille royale, et les sentiments de la vive reconnaissance dont elles sont pénétrées pour les tendres sollicitudes de Sa Majesté sur les besoins de son peuple.
La séance est levée à dix heures et demie du soir.
Séance du
COMMUNES.
informe l'Assemblée qu'il a écrit à M. le garde des sceaux pour \h prier de demander au Roi l'heure à laquelle la députation sera admise; il donne lecture de la réponse de M. le garde des sceaux, qui lui fait savoir que Sa Majesté étant au moment de partir, ne peut recevoir la députation des communes, et qu'elle fixera le jour et l'heure où elle voudra la recevoir ; qu'à l'égard des conférences, attendu que la délibération des communes a été prolongée jusqu'à hier au soir, elles ont été remises à aujourd'hui sur les six heures du soir.
Cette lettre donne lieu à plusieurs députés de rappeler que le second amendement adopté le 29 porte ces mots : « Reprendre les conférences après une députation au Roi. » Ils observent que la conférence étant pour ce soir, la résolution ne sera pas exécutée, puisque les commissaires se trouveront en présence avant la députation.
Il s'élève une contestation sur l'énoncé de l'amendement.
Un grand nombre de membres soutiennent qu'il ne porte pas le mot après, mais le mot avec.
On ne peut constater le fait avec certitude, attendu qu'il n'y a au bureau ni registre ni journal.
On veut recourir aux notes de divers députés;
mais il v a de la dissemblance.
Pour concilier tout, je demande qu'on reprenne les conférences ce soir et qu'on ne les ferme qu'après que Sa Majesté aura recula députation des communes.— Adopté.
On nomme une députation pour porter au clergé l'arrêté pris hier.
lit le projet de discours que la députation adressera au Roi.
L'Assemblée s'ajourne à lundi 1er juin.
Adresse au Roi.
« Sire, depuis longtemps les députés de vos fidèles communes auraient présenté solennellement à Votre Majesté le respectueux témoignage de leur reconnaissance pour la convocation des États généraux, si leurs pouvoirs avaient été vérifiés.
« Ils le seraient si la noblesse avait cessé d'élever des obstacles.
c Dans la plus vive impatience, ils attendent l'instant de cette vérification pour vous offrir un hommage plus éclatant de leur amour pour votre personne sacrée, pour son auguste famille, et de leur dévouement aux intérêts du monarque inséparables de ceux de la nation.
« La sollicitude qu'inspire à Votre Majesté Tinac-tion des Etats généraux est une nouvelle preuve du désir qui l'anime de faire le bonheur de la France.
« Affligés de cette funeste inaction,-les députés des communes ont tenté tous les moyens de déterminer, ceux du clergé et de la noblesse à se réunir pour constituer l'Assemblée nationale.
« Mais la noblesse ayant exprimé de nouveau
la résolution de maintenir la vérification des pouvoirs faite séparément, les conférences concilia-toires entamées sur cette importante question se trouvaient terminées.
c Votre Majesté a désiré qu'elles fussent reprises en présence de M. le garde des sceaux et des commissaires que vous avez nommés.
« Les députés des communes, certains que, sous un prince qui veut être restaurateur de la France, la liberté de l'Assemblée nationale ne peut être en danger se sont empressés de se référer au désir qu'elle leur a fait connaître; ils sont bien convaincus que le compte exact de ses conférences, mis sous ses yeux, ne lui laissera voir dans les motifs qui nous dirigent que les principes de la justice et de la raison.
« Sire, vos fidèles communes n'oublieront jamais ce qu'elles doivent à leur Roi ; jamais elles n'oublieront cette alliance naturelle du trône et de peuple contre les diverses aristocraties dont le pouvoir ne saurait s'établir que sur la ruine de l'autorité royale et de la félicité publique.
« Le peuple français, qui se fit gloire dans tous les temps de chérir ses rois, sera toujours prêt à verser son sang et à prodiguer ses biens pour soutenir les vrais principes de la monachie.
« Dès le premier instant où les instructions que ses députés ont reçues leur permettront de porter un vteu national, vous jugerez, Sire, si les représentants de vos comrunes ne seront pas les plus empressés de vos sujets à maintenir les droits, l'honneur et la dignité du trône, à consolider les engagements publics et à rétablir le crédit de la nation.
« Vous reconnaîtrez aussi qu'ils ne seront pas moins justes envers leurs concitoyens de toutes les classés que dévoués à Votre Majesté. »
Conférences en présence des commissaires du Roi.
Les commissaires nommés précédemment par les députés du clergé, par ceux de la noblesse et par ceux des communes, chargés de conférer de nouveau en présence de ceux choisis par le Roi, sur les moyens de conciliation relatifs à la vérification des pouvoirs, se réunissent le 30 mai à six heures du soir en l'hôtel de la chancellerie, à Versailles, avec M. le garde des sceaux, MM. le duc de Nivernois, de la Michodière, d'Ormesson, Vidaud de la Tour, de Chauoiont de la Galaisière, le comte de Montmorin, Laurent de Villedeuil, le comte de la Luzerne, le comte de Puységur, le comte de Saint-Priest, Necker et Valdec de Lessart, nommés par le Roi.
La séance est ouverte par M. le garde des sceaux. 11 expose la situation respective où se trouvent les trois ordres, témoigne le désir qu'a Sa Majesté de les voir se porter à des ouvertures de conciliation et demande si l'on va procéder à l'examen de ces ouvertures ou si l'on a encore à discuter les principes.
Un des membres du clergé demande d'être entendu sur un plan de conciliation ; mais il paraît à plusieurs de MM. les commissaires qu'avant de procéder à la conciliation, il est convenable de discuter les principes et les fait?;
M. le comte d'Antraigues déclare que les députés de la noblesse n'ont pu se conduire autrement qu'ils ne le font. A l'appui de cetle proposition, il lit un mémoire dont voici le précis : t Les procès-verbaux des Etats généraux de
1560, 1576, 1588 et 1614 portent le témoignage que la vérification (les pouvoirs y fut faite par ordre. A l'autorité de ces Etats généraux se joint celle des Etats antérieurs.
« On a prétendu que les Etats de 1483 avaient approuvé une vérification commune, et on croit pouvoir le prouver parce que ces Etats paraissent avoir délibéré par tête; mais il est au moins très-douteux que cette forme de délibération ait été adoptée par ces Etats. Masselin nous apprend qu'ils furent divisés en six nations; mais il nous dit aussi que ce partage ayant paru offrir des inconvénients, il parut qu'il conviendrait que les voix fussent prises par tête, et non suivant l'usage observé jusqu'alors, ce qui fut rejeté. La composition de ces Etats ôte d'ailleurs à l'exemple qu'on en voudrait tirer toute sa valeur. Masselin ditque le tiers-état n'avait qu'un nombre de représen-sentants égal à ceux des autres ordres. Dès lors le tiers n'avait pas, sur les vérifications des pouvoirs contestés, l'influence qu'il aurait aujourd'hui.
« Si, des Etats de 1483, on remonte à ceux de 1356, on trouve, dans les deux procès-verbaux de ces Etats, qu'après leur ouverture les autres séances furent tenues aux Cordeliers, en trois lieux divers, pour chacun des trois ordres.
a On a objecté à la noblesse que si les anciens usages doivent servir de guides, ils devaient être observés en tous points : or, 1° pendant ces tenues d'Etats généraux, lorsqu'il y avait une difficulté sur l'admission d'une députation, le Roi, en son conseil, la jugeait ; 2° lors de la convocation des Etats de 1614, les nobles possesseurs de fiefs furent seuls convoqués et électeurs.
« Si, en quelques occasions, le Roi, en son conseil, a jugé des députations contestées, les Etats ont fortement réclamé contre ces sortes de jugements. Ils ont revendiqué l'autorité suprême de chaque Chambre sur les membres qui la composaient. Les Etats de 1588, entre autres, offrent plusieurs réclamations de ce genre.
« Quant à la convocation des seuls possesseurs de fiefs, le fait n'est nullement établi. Les assignations données par les baillis aux possesseurs de fiefs ne font pas preuve, parce que, outre les assignations particulières, il y a une autre forme de citation par affiches, commune aux nobles et aux )Ossesseurs de fiefs. Dans la liste des députés de à noblesse, en 1614, on en trouve deux, dont 'un ne porte aucun titre de seigneur de fiefs, et dont l'autre est simplement qualifié d'écuyer. »
Aux raisonnements faits pour écarter aujourd'hui l'autorité de l'usage, et pour établir la nécessité de la vérification en commun, M. d'Antrai-gues répond :
« Nous n'avons que la même puissance qui a toujours appartenu aux Etats généraux. Si les précédents en ont mal usé, nous devons en faire un meilleur usage et ne pas faire de simples doléances; mais pour faire mieux, la vérification commune n'est pas nécessaire; notre mission n'est pas d'établir une nouvelle constitution, mais de rétablir la constitution.
« Il est vrai qu'il importe à chaque ordre que chacun de ceux qui le composent ait un pouvoir légal; mais cette connaissance leur serait donnée par la communication du travail de chaque Chambre sur la vérification des pouvoirs. Le député seul contesté doit être jugé par son ordre exclusivement. Il est vrai que la députation entière offre plus d'obstacles ; c'est le cas de prendre un moyen conciliatoire, en nommant des commissaires pour en faire l'examen en commun, afin
que d'un rapport uniforme fait ensuite à chaque ordre il résulte un décret semblable. »
Avant d'entrer dans la discussion, les commissaires des communes représentent qu'étant chargés parleurs commettants de faire et de rapporter un procès-verbal parfaitement exact de la conférence qui va avoir lieu, ils proposent d'écrire journellement les conférences et de les signer.
Les commissaires du clergé et de la noblesse disent qu'ils n'ont, à ce sujet, aucun pouvoir de leurs ordres. Après avoir débattu cet objet, l'arrêté suivant est adopté par les commissaires des trois ordres.
« 11 sera rédigé par MM. les commissaires des communes un procès-verbal sommaire des conférences à chaque séance. Ce procès-verbal sera lu par le secrétaire à l'ouverture de la séance suivante. Si MM. de l'église et de la noblesse y remarquent quelques inexactitudes ou omissions, elles seront corrigées ou réparées. Chaque séance du procès-verbal sera, en présence de l'Assemblée, signée de tous MM. les commissaires du' tiers-éiat ui en ont la charge spéciale, et signée en outre u secrétaire. Au moyen de ces signatures, le procès-verbal sera reconnu authentique et avoué de tous les commissaires du clergé, de la noblesse et du tiers-état. »
La discussion s'ouvre sur le mémoire de M. d'An-traigues. Un membre des communes offre d'en examiner successivement les diverses propositions. En réponse à la partie du mémoire relative à ce qui s'est passé dans les précédents Etats généraux, il dit qu'il ne pense pas que de simples usages, ou plutôt les citations de quelques faits puissent avoir force de loi contre les droits les plus certains d'une nation; qu'il ne se refuse pas cependant à parler des faits avant d'invoquer la raison, mais que c'est sans entendre la subordonner à ces discussions historiques.
Les usages des Etats généraux cités n'ont point été uniformes; aucun d'eux n'est conforme au système actuel de MM. de la noblesse. Les procès-verbaux de 1560 n'offrent aucune trace, aucun indice sur la vérification des pouvoirs. Dans ceux de 1576,1588 et 1614 on trouve que les pouvoirs ont été examinés le plus souvent par gouvernements. S'ils l'ont été quelquefois dans l'Assemblée de chaque ordre, les décisions n'ont été considérées que comme des arbitrages, et ne tenaient leur validité que du consentement des parties : sur la résistance d'une d'entre elles, l'affaire était portée au conseil du Roi. Il résulte d'une multitude de titres que les pouvoirs ont été jugés par le Conseil, non-seulement avant, mais après l'ouverture des Etats généraux. On ne faisait dans les Chambres qu'une vérification matérielle, une simple lecture des pouvoirs; le jugement des contestations était porté par le Conseil du Roi. La noblesse n'ayant point eu dans les Etats généraux précédents la faculté de juger les pouvoirs, elle ne peut, pour l'exercer aujourd'hui, s'autoriser de l'ancien usage. Cependant, la vérification des pouvoirs par les Etats généraux eux-mêmes est une partie essentielle de leur liberté. Il est sensible que cette fonction, exercée par le conseil dans les précédents Etats généraux, ne saurait être reprise, à son défaut, que par l'Assemblée nationale.
Un de MM. les commissaires du Roi (M. Necker) dit que ie Roi n'a point renoncé au droit de vérifier.
Un de MM. de la noblesse dit que le droit des nobles est d'être jugés par leurs pairs ; que la pré-| tentiou du tiers de connaître les députés de la no-
blesse n'emporte pas le droit de les juger, mais seulement celui de connaître les jugements..
Un membre des communes répond qu'il ne s'agit pas ici du jugement d'un délit, et conséquem-ment du prétendu droit de la noblesse d'être jugée par ses pairs. Dans aucune supposition, le veto ne saurait s'appliquer à la vérification des pouvoirs. Il n'y a d'autre moyen d'arriver à une décision que de réunir les trois ordres. La représentation nationale, la nomination des députés, dont le premier caractère est d'être librement élus, ne doivent dépendre que de la nation elle-même. Toute influence à cet égard diminuerait l'utilité des Etats généraux en affaiblissant pour eux la confiance publique.
Un de MM. de la noblesse dit que s'il arrive qu'un particulier qui se croirait député, et dont la Chambre n'aura pas jugé les pouvoirs valables, résiste à ce jugement, la noblesse consentira en ce cas que le conseil en devienne juge.
MM. des communes demandent si l'ordre de la noblesse avoue cette proposition.
M. le garde des sceaux dit que la conférence n'a pas pour objet de discuter les droits du conseil.
Le même membre des communes continue la discussion du mémoire de la noblesse. Arrivé à la citation des Etats de 1483, où l'on prétend que la délibération par tête a été rejetée, il observe de nouveau que la vérification en commun est indépendante de la manière de délibérer. Il ajoute qu'il n'est pas moins certain qu'en 1483 les ordres ont délibéré réunis. En lisant attentivement l'extrait du procès-verbal cité, on y voit des preuves de la délibération par tête. On commença par délibérer comment on délibérerait. Pour rendre ce travail plus facile, les Etats furent divisés en six parties. Chaque partie fut composée des députés d'un certain nombre de provinces. Le cahier de chaque division fut rédigé par des commissaires des trois ordres ; ils furent ensuite réduits en un seul dans la salle commune. Un fait important qui ne permet pas de douter que les ordres ne se séparèrent point, c'est l'inutilité des efforts que firent quelques prélats au sujet d'un des articles du chapitre de l'église.
On y voit enfin que l'objet de la difficulté relative à la forme de délibérer n'était pas entre les ordres, mais entre les provinces, plusieurs s'étant plaint de ce que les divisions n'avaient pas été faites avec égalité ; en sorte qu'il est toujours démontré que les ordres furent réunis dans les Etats de 1483, et que la délibération fut prise en commun dans chacune des six divisions.
La séance durant depuis trois heures et demie sans que la discussion du mémoire de la noblesse soit finie, la circonstance des fêtes oblige de la continuer au mercredi 3 juin.
Séance du er juin 1789
COMMUNES.
, député de Bretagne. Je vous rappelle, Messieurs, que vous avez décidé que le doyen et ses adjoints seront remplacés tous les huit jours. Le terme est expiré pour les membres du bureau. Je demande qu'on procède à une nouvelle élection.
Les membres de l'Assemblée se retirent dans les bureaux.
On proclame pour adjoints MM. de Lessen de Rossaben, de Luze de l'Etang, de Mirabeau, Bou-chotte, Boëry, Druillon, Dufraisse, Rewbell, Dese-coutes, Milanais, Pison du Galand, Tronchet, Vi-guier, Thouret, Menu de Chomorceau, Griffon de Romagné, Rrassart, Arnoult, Loys etTerrats.
On veut nommer un nouveau doyen. Une difficulté s'élève ; il s'agit de savoir si ce sera l'Assemblée ouïes adjoints qui le nommeront et de quelle manière se fera la nomination.
Un membre propose M. d'Ailly. Il est accepté et proclamé à l'unanimité.
Je suis très-sensible aux marques de bienveillance dont l'Assemblée daigne m'hono-rer. J'accepte avec reconnaissance les fonctions de doyen; mais je demande qu'il me soit permis de me faire aider par quatre adjoints.
L'Assemblée accorde cette demande à M. d'Ailly qui choisit les quatre adjoints.
Les commissaires que vous avez autorisés à conférer avec les commissaires des ordres du clergé et de la noblesse, en présence de M. le garde des sceaux et de MM. les commissaires du Roi, se rendirent samedi dernier à l'heure indiquée chez M. le garde des sceaux, où se trouvèrent MM. le comte de Montmorin, le duc de Nivernois, le comte de Puvségur, le comte de Saint-Priest, Necker, de la Michodière, d'Ormesson, Vidant de la Tour, de la Galaisière et de Lessart, nommés par Sa Majesté.
La séance fut ouverte par M. le garde des sceaux, qui exposa l'état de la question, témoigna le désir qu'avait Sa Majesté devoir les différents ordres së porter à des ouvertures de conciliation, et démanda si on allait procéder à l'examen de ces ouvertures ou si on avait encore à discuter les principes. „
Un des membres de la noblesse lut un mémoire tendant à établir, par une discussion historique, que d'après les anciens usages les députés de la noblesse aux Etats généraux ne pouvaient se conduire autrement qu'ils n'avaient fait.
Vos commissaires, Messieurs, représentèrent que leur mandat les bornait à conférer sur la question de la vérification des pouvoirs; et ils ajoutèrent qu'obligés de vous porter un rapport écrit des conférences et signé par les commissaires, ils proposaient d'écrire journellement les conférences et de les signer.
MM. les commissaires de la noblesse et du clergé représentèrent qu'ils n'ont à ce sujet aucuns pouvoirs de leurs ordres.
Après quelques débats, il fut résolu, du consentement des commissaires des trois ordres, qu'il serait dressé un rapport signé des commissaires des communes et d'un secrétaire agréé par les commissaires des trois ordres, et il en fut dressé acte.
Un commissaire de la noblesse a observé que | dans cet arrêté on employait le mot communes pour désigner le^tiers-état ; que cette innovation de mots pouvait amener une innovation de principes, si elle n'en dérivait pas déjà ; qu'il devait donc protester contre cette expression et déclarer ne pouvoir consentir qu'elle subsistât dans l'arrêté. Cette observation n'a été appuyée par aucun des autres commissaires ; l'arrêté a été regardé comme convenu et la discussion a été reprise.
Vos commissaires ont commencé par la discus-
sion des faits, pour en venir ensuite à la discussion des principes et des moyens tirés de la raison; et alors la conférence s'étant ouverte, l'un de vos commissaires entreprit la discussion successive des faits allégués dans le mémoire qui avait été lu. Chaque fait a été discuté contradic-toirement par divers commissaires des trois ordres, et toujours renfermés dans leur mandat. Vos commissaires, Messieurs, se sont bornés à rapporter l'examen des faits à la question sur la vérification des pouvoirs, quoique les commissaires de la noblesse ramenassent toujours la question de l'opinion par ordre ou par tête, parce qu'ils regardaient les deux questions comme liées et dépendantes, ils semblaient même nous reprocher de chercher à les éluder, nous accusant de nous sentir trop faibles sur cette matière.
La séance ayant duré trois heures et demie, sans que la discussion du mémoire de la noblesse eût été finie, ou fut obligé de la renvoyer à un autre instant, et la circonstance des fêtes ayant amené le clergé et la noblesse à ne s'ajourner qu'à mercredi prochain, sur les instances de vos commissaires, la séance a été remise à mardi.
Je demande que les commissaires conciliateurs du tiers soient autorisés à discuter avec les commissaires conciliateurs des autres ordres la question de la délibération par tête ou par ordre.
• Cette motion avait été proposée par amendement, le 29 mai, et rejetée. Un membre rappelle l'amendement et veut que l'on décide quel nombre de voix il faut pour le reproduire.
Il y a changement d'état dans la question ; elle peut être ainsi présentée. Les commissaires ayant rapporté que, suivant les ordres privilégiés, les deux questions de la vérification et de la votation sont nécessairement liées et se prêtent un secours mutuel, il est de l'intérêt et de la dignité de l'Assemblée de repousser les reproches que les commissaires de la noblesse pourront faire aux commissaires du tiers-état d'éluder une question majeure par faiblesse de moyens. La question actuelle diffère évidemment de celle qui a été rejetée, et mérite, par son importance, un mûr examen.
D'autres membres pensent que l'on ne peut séparer les deux questions, sans retarder les travaux.
On répond que la proposition qui vient d'être faite n'est pas nouvelle, qu'on Ta déjà présentée, qu'elle a été rejetée, qu'il n'y a point de changement essentiel dans les circonstances, qu'ainsi l'on ne doit pas s'arrêter à cette motion.
La motion a été presque unaniment rejetée.
MM. Biauzat et Camus disent que la question de la votation ne doit être décidée qu'après qu'ils seront constitués.
La séance est levée.
Séance du
COMMUNES.
À l'ouverture de la séance, M. Malouet a reproduit la motion qu'il a faite hier d'augmenter
les pouvoirs des commissaires et de les autoriser à traiter dans les conférences la question de la délibération par ordre ou par tête. .
Cette motion est encore rejetée.
Je me suis rendu hier chez M. le garde des sceaux, accompagné de plusieurs de MM. les adjoints, pour m'informer de la cause du retard de la députation. M. le garde des sceaux m'a répondu qu'ayant trouvé le Roi plongé dans la douleur occasionnée par l'état chancelant de Mgr. le dauphin, il avait cru ne pas devoir lui en faire part, mais qu'il saisirait le premier moment pour prendre ses ordres et qu'il s'empresserait a en informer les communes. — Quoique l'adresse proposée dans la séance du 30 ait été agréée par l'Assemblée, le calme delà réflexion m'a fait entrevoir quelques termes et même des phrases qu'il est convenable de. changer; en conséquence, je demande la permission de faire la lecture d'un nouveau discours ; je ne prétends par là nullement gêner les suffrages ; il sera permis à chacun de prononcer son sentiment; mais comme cela pourrait entraîner l'Assemblée dans de trop longs débats, je propose de remettre les deux adresses à un certain nombre d'adjoints qui viendront ensuite en faire leur rapport et dire celle qu'ils préfèrent.
MM. du bureau sont chargés de comparer les deux adresses ; et cette comparaison faite, l'un d'eux annonce que la majorité des suffrages s'est réunie en faveur de la première, attendu qu'elle avait reçu la sanction de l'Assemblée, mais qu'on y avait tait quelques légers changements qui portent plus particulièrement sur des phrases grammaticales.
Plusieurs membres demandent la lecture des deux adresses.
La seconde est retirée.
On insiste pour que la première soit lue à cause des changements que l'on est convenu y avoir faits.
On répond que ces changements n'altèrent aucunement le sens de l'adresse, qu'elle reste la même, et que la lecture en ayant déjà été faite, elle devenait inutile.
L'un des adjoints se lève, et prétend que les changements que Ton a faits sont de nature à pré-judicier à l'Assemblée.
Des députés se joignent à ceux qui demandent une seconde lecture.
MM. les adjoints démentent l'assertion de leur collègue.
Des membres prétendent que MM. du bureau jugeant que ces changements n'étaient pas de nature à être connus, l'Assemblée doit s'en rapporter à leur sagesse et à leur prudence.
D'autres combattent ce sentiment qui tend à donner trop d'influence à MM. du bureau.
Un membre. Je demande que l'on fasse retirer tous les étrangers, si Ton veut faire une seconde lecture.
Il s'élève de vives réclamations.
MM. les adjoints offrent de communiquer l'adresse dans une salle particulière à ceux des membres de l'Assemblée qui voudront en prendre connaissance.
Cette proposition est rejetée.
On met aux voix pour savoir si l'on ferait ou non la lecture du discours.
Il y a eu 185 voix pour qu'elle n'ait pas lieu, et 114 pour qu'elle fût faite.
La séance est levée.
Séance du
CLERGÉ.
On propose de donner aux commissaires conciliateurs le pouvoir de signer les procès-verbaux des conférences.
La proposition est débattue ; on met aux voix, mais comme on ne peut les recueillir toutes, il n'y a pas de décision.
Un curé fait un discours dont l'objet est de prévenir la nécessité de la réunion avec le tiers-état, et de la votation par tête.
Cet avis n'est suivi d'aucune délibération.
NOBLESSE.
Les commissaires conciliateurs font leur rapport de la dernière conférence ; ils disent que le tiers-état a demandé un procès-verbal signé par tous les commissaires, et qu'ils n'ont pas cru avoir des pouvoirs suffisants pour cet objet. La délibération s'ouvre pour savoir si ce procès-verbal sera signé par MM. de la noblesse.
présente ainsi la motion : Autorisera-t-on les commissaires à signer le procès-verbal, s'ils le jugent convenable?
propose un amendement conçu en ces termes : pourvu que la qualification de communes ne soit pas donnée au tiers-état.
Cette motion et l'amendement passent à la pluralité de 116 voix contre 99.
COMMUNES.
Un des adjoints annonce que M. d'Ailly l'a chargé de témoigner à l'Assemblée que sa santé ne lui permet pas de continuer les fonctions de doyen. Alors les adjoints sont chargés de nommer un nouveau doven. Ils demandent s'il faut qu'il soit pris parmi les adjoints seulement. L'Assemblée pense que tous ses membres sont éligibles. En conséquence, le bureau procède à l'élection dans une salle particulière.
M. Bailly, député de Paris, réunit la majorité des suffrages, et il est aussitôt installé.
M**\ Je rappelle à l'Assemblée que MM. les commissaires chargés de la rédaction du règlement ont promis de le présenter sans aucun délai.
De nouvelles corrections en suspendent encore lia lecture jusqu'à la prochaine séance.
Un membre. Je demande si le jour auquel la députation des communes doit être reçue par le Roi est enfin fixé.
M. le garde des sceaux a adresé une lettre à M. d'Ailly, dans laquelle il lui marque que le mauvais état de la santé de monsei-
gneur le dauphin est un obstacle à ce gue le Rqi pût donner encore un moment d'audience aux communes.
Je propose de nommer, en attendant que le Roi ait fait connaître ses intentions, les membres qui doivent composer la députation.
L'Assemblée décide qu'elle sera formée de MM. du bureau, ayant à leur tête le président, et de MM. les commissaires nommés pour les conférences.
Un membre. J'observe qu'en considérant la célérité avec laquelle le clergé et la noblesse ont été admis à l'audience du Roi, si ce n'est pas un refus que la Chambre des communes éprouve, c'est au moins une réponse dilatoire. Je propose de députer directement le doyen, accompagné de MM. les adjoints et des commissaires des conférences.
Il est difficile d'être admis directement auprès du Roi ; mais si l'Assemblée le décide, j'emploierai tous les moyens d'y parvenir.
fait sentir l'inconvénient d'admettre des intermédiaires entre le Roi et la nation. C'est seconder le vœu de Sa Majesté que d'aller directement à lui ; il est évident qu'il a été trompé. La lettre venue du Roi en fournit la preuve. Sa Majesté v témoigne de l'inquiétude de l'inaction où sont plongées les communes, et cela dans le moment où elles avaient invité les membres du clergé au nom du désir de la paix à se réunir à elles, dans un moment où il ne lui restait à prononcer qu'un oui ou un non. Il importe d'ailleurs d'avoir des rapports directs avec Sa Majesté, attendu qu'elle n'est jamais entourée que des grands, du haut clergé, des adversaires mêmes.des communes. Est-il possible que la vérité parvienne au pied du trône par l'organe de ceux qui n'ont d'intérêt qu'à faire valoir leur propre cause et affaiblir celle des représentants?
Bien loin que l'état fâcheux de monseigneur le dauphin doive nous éloigner du Roi, c'est un motif de plus pour nous engager à faire nos efforts pour l'approcher. Qui mieux que la nation peut consoler un Roi bon et généreux? c'est au milieu de son peuple qu'il doit être placé dans les moments d'affliction et de douleur.
On propose ensuite la motion suivante :
Que les députés des communes ayant tout à craindre de la lenteur des voies intermédiaires entre le Roi et son peuple, et ne pouvant en reconnaître la nécessité, il faut s'adresser dès ce moment à Sa Majesté par l'organe de M. le doyen, pour la supplier d'indiquer aux représentants des communes le jour et l'neure qu'elle voudra bien recevoir leur députation et leur adresse.
Je m'oppose au commencement de ce dernier énoncé, car en s'ex-pliquant ainsi, on laisse encore subsister toute la difficulté ; on en pourrait conclure en effet que ce n'est que la lenteur des intermédiaires et la crainte qu'ils inspirent aux communes, qui les fait rejeter, et que sans ces raisons on les accepterait.
profite de ces réflexions pour proposer un amendement qui, rédigéavec la motion, est conçu en ces termes : « Les députés des communes, ne pouvant re-
connaître d'intermédiaire entre le Roi et son peuple, chargent lerur doyen de s'adresser directement à Sa Majesté pour la supplier d'indiquer aux représentants des communes le moment où elle voudra bien recevoir leur députation et leur adresse. »
Pour accélérer la délibération sur l'arrêté, je propose de se lever tour à tour pour l'adopter ou le rejeter.
L'Assemblée se lève tout entière pour l'adoption d le l'arrêté.
conférence en présence des commissaires du Roi.
La séance s'ouvre par la lecture du procès-ver-al de la précédente. Les commissaires de la no-esse déclarent que leur Chambre leur a interdit dë signer le procès-verbal, si les commissaires dp. tiers-état y donnent à leur ordre le titre de communes.
Ceux-ci justifient cette expression en observant que le nom de communes n'est pas une in-Dvation ; que les anciennes ordonnances l'ont rappelé fréquemment ; que le mot de tiers-état exprime que le rang de la partie la plus nom-*euse de la nation, relativement à la présence î clergé et de la noblesse; mais que le tiers-état est le peuple ou les communes; que ce titre primitif se trouve de nouveau donné au peuple ae France dans le rapport fait ministériellement aiji Roi, et annexé par son ordre au résultat du Conseil du 27 décembre dernier.
La discussion est reprise et continuée sur les faits historiques. Plusieurs membres de la noblesse cherchent de nouveau dans les actes des anciens Etats des inductions favorables à leur système. L'un d'eux lit un mémoire tendant à prouver qu'on délibérait par ordre, même dans les temps les plus reculés de l'antiquité et sous le règne de Cliarlemagne. Il cite les expressions de Tacite : dç minoribus principes consultant, de majoribus omnesy et les lois des barbares ainsi que les ca-pltulaires où il est souvent parlé des Magnates et Proceres; de plus, il cite la lettre d'Hincmar dfy ordine palatii.
Un commissaire des communes, en remarquant que la discussion à laquelle on vient de se livrer est entièrement hors de la cruestion, bornée à la vérification des pouvoirs, ait que s'il est nécessaire de traiter celle que MM. de la noblesse engagent, il offre de prouver qu'il n'y a aucun rapport entre les grands du royaume, sous la première et la seconde race de nos rois, et l'ordre actuel dp la noblesse, né de la féodalité; et que la lettre d'Hincmar ne contient rien qui puisse s'appliquer à la division des ordres, laquelle n'existait certainement pas du temps de Charlemagne.
Un autre membre des communes discute la partie du mémoire qui embrasse les premiers temps de la monarchie; il établit que le mot proceres ne désigne point un ordre; qu'il n'y avait pj)int d'ordres parmi les Francs, et que le mot de ptoceres ne veut pas dire nobles, mais doit avoir le même sens que seniores.
|Les débats étant ramenés à la question principale, un des commissaires des communes conclût en disant que, sur la vérification des pouvoirs, l'usage n'établit rien en faveur de Ja prétention de la noblesse, et que la raison justifie la demande des communes, pour que les trois ordres réunis jugent de ce que le Roi, dans sa sagesse et son équité, s'abstient de juger.
Un des commissaires du Roi dit qu'on établit
trop comme un fait que le Roi ait renoncé à la vérification des pouvoirs.
Le môme membre des communes répond que la présence des commissaires de Sa Majesté rend plus impérieuse la nécessité d'établir combien il est digne de la sagesse du Roi de laisser la nation décider elle-même du droit que ceux qui la représentent peuvent avoir de parler en son nom au monarque et à ceux qui partagent avec eux l'honneur de la représenter. Il rappelle que dans la première conférence tenue dans la salle du comité des Etats généraux, les commissaires de la noblesse ont dit que c'est par erreur que le jugement des pouvoirs a été anciennement renvoyé au conseil du Roi.
Un des commissaires du clergé dit que, dans une des conférences qui ont précédé, il a entendu MM. du tiers-état discuter les inconvénients qui pourront résulter de la vérification des pouvoirs des députés aux Etats généraux par MM. du conseil. Les mêmes réflexions qui viennent d'être reproduites lui en suggèrent une très-courte et très-simple qu*il va se permettre de présenter à "l'Assemblée.
Si l'arbitraire, dit-il, que l'on croit avoir à redouter de la part de MM. du conseil, maîtres, par le droit de vérification, d'introduire aux Etats généraux les députés qui leur seront agréables, et d'en éloigner ceux qui auront le malheur de leur déplaire, a des inconvénients, n'est-il pas permis aux ordres du clergé et de la noblesse d'en voir d'aussi affligeants pour eux dans la vérification qui sera faite par les trois ordres réunis?
Dans l'état actuel des choses, ajoute-t-il, le tiers-état a lui seul, non-seulement un nombre de députés égal à celui des membres du clergé et de la noblesse ensemble, mais une supériorité considérable dans cette positioa. N'est-il pas évident que MM. du tiers-état auront les moyens d'admettre ou d'exclure chacun des députés des autres ordres, ainsi qu'ils le jureront à propos? Cet arbitraire ne serait-il pas aussi redoutable que le premier? Et dans l'alternative, ne serait-on pas dans le cas de préférer le jugement de ceux qui ont moins d'intérêt personnel?
Un autre membre du clergé interpelle celui qui vient de faire ce raisonnement, de déclarer s'il prétend parler au nom de son ordre ou au sien propre. Sur la réponse de celui-ci, que c'est seulement en son nom, le même membre ajoute qu'il est singulier qu'il abandonne ainsi le rôle ae conciliateur pour multiplier les difficultés.
Un commissaire des communes dit qu'il est heureux que le commissaire du clergé n'énonce que son opinion particulière, puisque l'on ne peut parler ainsi de la part du clergé sans que cet ordre quitte les couleurs de la médiation.
Un commissaire du clergé, prenant la parole, offre un plan de conciliation; mais comme il est fort tard, la séance est levée à dix heures et demie, et la suite de la conférence renvoyée au lendemain.
Séance du
CLERGÉ.
Le clergé attend la fin des conférences pour se déterminer à prendre un parti.
La séance est levée.
noblesse.
Sur la motion de M. le due du Châtelet, il est décidé à l'unanimité de députer au Roi et à la Reine, pour leur-témoigner la part que l'on prend à leur douleur.
Un commissaire rend compte de la conférence de la veille, et dit que les commissaires de la noblesse ont refusé de signer le procès-verbal, parce qu'ils ont trouvé que les raisonnements au tiers-état y sont présentés avec plus de force que les autres, et qu'on s'y est servi du mot de communes.
On s'occupe ensuite du jugement des deux députations d'Amont. Après de très-longues discussions, la première, qui a déclaré qu'elle ne veut prendre que les Etats généraux pour juge, est déclarée nulle.
COMMUNES.
en ouvre la séance par rendre compte de la mission dont il a été chargé. Il dit, qu'en exécution de l'arrêté de la veille, il s'est adressé à quelqu'un qui a occasion de voir le Roi, etqui a bien voulu se charger de lui en donner communication; il lui a répondu que Sa Majesté était disposée à voir le doyen des communes, mais que, suivant les usages, il voulait qu'il s'adressât par les voies ordinaires, c'est-à-dire qu'il fût annoncé par M. le garde des sceaux. En conséquence, M. le doyen s'est rendu avec lui chez le Roi, qui était sorti. M. le garde des sceaux prit alors sur lui d'écrire au Roi. M. Bailly étant retourné à la chancellerie à dix heures du soir, lut un billet du Roi conçu en ces termes :
Il m'est impossible, dans la situation où je me trouve, de voir M. Bailly ce soir ni demain, ni de fixer l'instant où je pourrai recevoir la députation du tiers-état : montrez mon billet à M. Bailly pour sa décharge. »
Un silence de quelques minutes suit le rapport que vient de faire M. le doyen.
fait part ensuite des deux objets qui doivent occuper la séance; ces objet sont : le rapport des dernières conférences et le règlement provisoire.
rend le compte le plus circonstancié de la dernière conférence. Ensuite il demande que l'Assemblée veuille bien déclarer si elle consent ou non que le procès-verbal rédigé par ses commissaires soit communiqué à ceux des deux autres ordres.
Il ajoute : La conférence qui doit avoir lieu ce soir suffira pour épuiser la matière. D'un autre côté, il a été arrêté, le 30 mai, que les conférences continueront jusqu'à ce que la députation des communes ait été reçue par Sa Majesté. La mort de Mgr le dauphin, dans la nuit précédente, peut retarder encore l'admission de cette députation. Je supplie donc l'Assemblée de vouloir bien s'expliquer sur la continuation ou la clôture des conférences dès ce soir même.
D'une part, on soutient que les motifs qui ont déterminé l'arrêté du 30 mai subsistent toujours, qu'ils n'ont rien perdu de leur force, et que par-conséquent les commissaires ne peuvent être autorisés à clore les conférences, tant que la députation des communes n'aura pas été reçue par le Roi ; d'un autre côté, on prétend que les circonstances ne sont plus les mêmes, et que des considérations
majeures s'opposent à la continuation des conférences, devenues inutiles et dangereuses même.
M.*** député du Berry. Je propose de former trois bureaux, dont chacun sera composé de dix personnes choisies par le gouvernement, poùr procéder, dès le lendemain, a l'examen et à une vérification provisoire des pouvoirs qui demeurera définitive, si les ordres privilégiés persistent dans leur refus de se réunir aux communes.
Un député de Bretagne veut que la vérification soit définitive, et que l'Assemblée se constitue.]
Sur la communication qu'ont demandée MM. ae la noblesse, on prétend qu'elle doit être refusée. Cet avis est discuté, et successivement appuyé et combattu. L'avis de ceux qui le combattent qst motivé par ce dilemme : ou le procès-verbal e st exact, et alors on ne peut en refuser la commun ication, puisqu'il pourra être argué de fausseté ; ou il ne l'est pas, et alors il faut rétablir sa véracité.
présente les deux questions suivantes : Communiquera-t-on, ou non, à MM. de la noblesse et du clergé les procès-verbaux des conférences, rédigés par les commissaires dfes communes ?
Laissera-t-on à la prudence de ces commissaires de continuer les conférences, tant qu'ils le jugeront nécessaire ?
Après quelques débats, on recueille les suffrages par l'appel nominal, et les deux questions sont décidées affirmativement.
On charge M. le doyen de présenter à Leurs Majestés l'expression de la profonde douleur dont la mort de Mgr le dauphin a pénétré l'Assemblée. ï
Suite des conférences en présence des commissaires
Roi.
A l'ouverture de la séance, les commissair es des communes demandent l'exécution de l'arr&té du 30 mai, en vertu duquel le procès-verbal doit être signé par le secrétaire.
Les membres de la noblesse allèguent un nouveau refus de leur Chambre, d'après lequel,
er
si le mot communes se trouve dans le procè verbal, ils ne peuvent l'approuver ni le laiss approuver par un secrétaire.
Un des commissaires de la noblesse cite un passage de Tacite pour prouver que, de spn temps, on délibérait par ordre. — Un des communes répond qu'il prouvera qu'il n'y a aucun rapport entre les grands de Tacite et ceux de ce temps-ci. — Un autre établit qu'il n'y avait point d'ordres parmi les Francs; que la double représentation est une justice nullement contraire aux anciens usages* qu'elle a eu liçu lors des Etats généraux de 135b.
M. le garde des sceaux rappelle les faits tels qu'ils ont été convenus. Il ajoute qu'il ne s'agit ici que de constater et d'attester; un secrétaire peut remplir cette fonction. MM. du clergé et de la noblesse feront au procès-verbal leurs observations et corrections; et, après qu'il aura été reconnu par les commissaires des trois ordres, la signature du secrétaire suffira pour le constater.
La justesse de cette observation étant reconnue unanimement, sur le désir des commissaires des trois ordres que le secrétaire fût pris hors de
l'Assemblée ; le sieur Hubert, commis de la chancellerie, est nommé et accepté pour cette fonction.
; Après la lecture du procès-verbal de la séance précédente, M. le garde des sceaux dit que l'objet de la conférence étant de parvenir à une conciliation, les ministres du Roi s'en étaient occupés et avaient arrêté un projet de conciliation qu'ils (allaient communiquer à l'Assemblée.
, chargé de le présenter, fait lecture d'un mémoire en ces termes : . j Messieurs, les anciens faits prouvent évidemment que le conseil est intervenu dans toutes les questions qui ont occasionné des débats relatifs à la validité des élections et à la vérification des pouvoirs.
Il serait donc de toute justice que Sa Majesté examinât, sous le rapport de ses propres droits, les difficultés qui s'élèvent dans ce moment; et lorsque chacun des ordres est activement occupé les prérogatives qui peuvent lui appartenir, il laraitrait naturel que Sa Majesté fixât elle-même ion attention sur celles dont la couronne a constamment joui. Mais Sa Majesté, fidèlement attachée aux principes de modération qui peuvent hâter l'accomplissement du bieu public, permet a ses ministres de considérer d'abord sous ce boint de vue le plus grand nombre des affaires.
Les ordres ne s'éloigneraient pas vraisemblablement de confier à des commissaires choisis flans les trois Chambres l'examen prélinjinaire des difficultés relatives à la validité des pouvoirs et des élections ; mais, en cas de division d'avis, la Chambre du tiers demanderait que la détermination décisive fût remise à l'Assemblée des trois ordres réunis. L'ordre de la noblesse s'y refuse absolument et veut que chaque Chambre Soit arbitre en dernier ressort. ! II est sûr que les trois ordres ont un intérêt $ prévenir qu'aucun des trois n'abuse de son pouvoir pour admettre ou pour rejeter avec partialité les députés qui viennent prendre séance dans les Etats généraux ; et cet intérêt commun èxisterait, soit que les ordres eussent à délibérer réunis, soit qu'ils restassent constamment séparés, puisque, dans cette dernière supposition, les personnes qui seraient appelées à décider, par leurs opinions, d'un veto, d'un empêchement quelconque, acquerraient le droit d'influer directement sur le sort général de la nation.
En même temps, il est naturel et raisonnable que les deux premiers ordres fixent leur attention sur la supériorité des suffrages assurés à lrordredu tiers; car, s'il est vrai que tous les députés aux Etats généraux, sans distinction, soient intéressés à l'impartialité des vérifications de pouvoirs, il est également certain que, dans un moment où les esprits sont divisés, chaque ordre a des motifs personnels pour désirer d'éloigner des autres Chambres les députés dont les sentiments ne seraient pas favorables à ses opinions.
Ces motifs personnels sont égaux, dira-t-on, entre les ordres. Ainsi, en les admettant à délibérer en commun sur la régularité des élections, aucun n'a droit de se plaindre. Ce raisonnement ne serait pas juste, car, si les motifs de partialité sont les mêmes, les moyens d'agir conformément à ces motifs ne sont point égaux, puisque le tiers-état, par la grande supériorité de ses Suffrages, aurait un avantage décisif si le jugement final sur les pouvoirs contestés appartenait à l'Assemblée des trois ordres réunis.
On ne pourrait pas combattre cette opinion eïi rappelant que les deux premiers ordres ensemble sont en nombre égal au tiers-état ; car ces deux premiers ordres réunis par leurs privilèges pécuniaires ne le sont pas de môme dans les considérations relatives à l'examen. Enfin, ces privilèges ne forment qu'une union passagère dans un moment où leur prochaine suppression paraît assurée.
On dira peut-être encore que la supériorité de suffrages du tiers-état une fois admise, il doit lui être permis d'en faireusage pour une affaire commune ; mais la supériorité des suffrages appliquée aux décisions sur la validité des pouvoirs et des élections dns trois ordres n'est pas un simple usage de cette supériorité ; c'est encore un moyen d'en accroître l'avantage. Une telle faculté, un tel emploi de supériorité de suffrages serait un supplément de concession, une force nouvelle qui dérangerait, dans une mesure quelconque, l'équilibre établi par le souverain lorsqu'il a fixé le nombre des députés de chaque ordre.
Le pouvoir de juger en dernier ressort de la régularité des élections ne pourrait donc être attribué avec équité, ni aux trois ordres réunis, ni à chacun d'eux en particulier. Ce pouvoir ne doit pas appartenir à chaque ordre en particulier, parce qu'ils ont tous intérêt à ce qu'un seul n'abuse pas de son influence : il ne peut pas appartenir non plus au trois ordres réunis, puisque ce serait l'attribuer essentiellement aux représentants du tiers-état, vu la supériorité de leurs suffrages, pour en augmenter la puissance, en obtenant une influence prépondérante sur la formation même de l'Assemblée.
C'est donc au Roi que semble appartenir, en raison et en équité, le jugement final sur toutes les contestations relatives aux élections. Ce principe est une suite, une dépendance du règlement souverain qui a déterminé pour cette fois le nombre respectif des députés aux Etats généraux. Ainsi, les trois ordres qui se soumettent à la fixation établie par Sa Majesté feraient une exception minutieuse s'ils répugnaient à la prendre pour juge dans le très-petit nombre de contestations qui pourraient s'élever sur la vérification des pouvoirs. L'intérêt de Sa Majesté, le seul qui la dirige, c'est l'amour de l'union, et elle mériterait encore d'être votre arbitre quand vous ne voudriez pas du monarque pour juge.
Ce serait le Roi seul qui, en cette occasion, ferait une cession de ses prérogatives, puisque de simples particuliers appelaient autrefois au souverain de la décision d'un ordre, relative à la vérification des pouvoirs, et que Sa Majesté se réserverait seulement de juger les questions sur lesquelles les ordres seraient divisés d'opinions.
Il paraît donc que tous les motifs de justice, de raison, d'équité et de convenance réciproque doivent déterminer les ordres à adopter ce moyen de conciliation. Voici donc, d'après ces idées, la marche qu'on proposerait.
Les trois ordres, par un acte de confiance libre et volontaire, s'en rapporteraient les uns aux autres pour la vérification des pouvoirs sur lesquels aucune difficulté ne s'élèverait, et ils se communiqueraient leurs actes de vérification pour en faire un examen rapide.
Ils conviendraient de plus :
Que les contestations, s'il en survenait, seraient portées à l'examen d'une commission composée des trois ordres ; que ces commissaires se réuniraient à une opinion; que estte opi-
nion serait portée aux Chambres respectives ; que, si elle y était adoptée, tout serait terminé ; que si, au contraire, les décisions des ordres étaient en opposition sur cet objet ; que si encore elles ne paraissaient pas susceptibles de conciliation, l'affaire serait portée au Roi, qui rendrait un jugement final.
Qu'on ajoute encore, si l'on veut, que ces conventions sur la vérficiation des pouvoirs n'auraient aucune liaison avec la grande question de la délibération par tête ou par ordre ; que l'on ajoute encore que .la marche adoptée pour cette tenue d'Etats serait requise dans le cours de la session, afin de considérer si un nouvel ordre de choses devrait être adopté à l'avenir; qu'on réunisse au fond de cette proposition les précautions qui paraîtraient convenables, mais qu'on adopte enfin ce moyen de conciliation ou tout autre, et que le Roi ne reste pas seul, au milieu de sa nation, occupé sans relâche de l'établissement de la paix et de la concorde. Quels véritables citoyens pourraient se refuser à seconder les intentions du meilleur des Rois ? Et qui voudrait charger sa conscience de tous les malheurs qui pourraient être la suite de la scission qui se prépare au premier pas que vous faites, Messieurs, dans la carrière où le bien de l'Etat vous appelle, où la nation est impatiente de vous voir aller en avant, et où les plus grands dangers vous environnent? Ah! Messieurs, lors même que vous pourriez arriver à ce bien par la division des cœurs et des opinions, il serait trop achevé. Le Roi vous invite donc à prendre en considération sa proposition, et il vous presse de tout son amour de l'accepter et de lui donner ce contentement.
Cette lecture achevée, les commissaires des trois ordres témoignent l'empressement avec lequel ils porteront cette ouverture à leurs co-mettants respectifs.
remet aux commissaires de la noblesse un projet de conciliation en ces termes :
Nous avons des droits sacrés à défendre, mais la nation en a de plus saints encore à établir. Ce sont ceux-ci qui doivent nous occuper les premiers. Je vois avec douleur que des instructions impératives nous arrêtent dès les premiers pas, et que la vérification des pouvoirs nous offre des obstacles toujours renaissants. Les volontés de chaque ordre lutteront-elles sans cesse l'une contre l'autre? Une méfiance mutuelle sera-l-elle notre guide ; et perdrons-nous en vains débats un temps précieux dont la patrie commence, à nous demander compte? La constitution, voilà quel doit être le premier de nos soins ; j'entends par ce mot les droits généraux assurés à la nation, droits qui nous intéressent tous en qualité de sujets. Ces objets ne sont pas plus particuliers à la noblesse qu'au tiers-état ; ils ne peuvent compromettre nos intéiêts, ni affecter nos privilèges. Tous les citoyens s'accordent pour les demander à grands cris, et s'ils ne sont pas la constitution dans le sens le plus étendu, ces droits en sont la base.
Mais comment s'en occuper, si, réunis par les motifs, divisés par les opinions, nous ne pouvons convenir de la forme de la délibération? Les uns, resserrés dans leurs pouvoirs par ceux qu'ils représentent, sont obligés sous la religion du serment à ne délibérer que par tête ou par ordre. D'autres, moins gênés dans leurs instructions, voient dans l'une ou l'autre de ces formes le salut
de l'Etat et celui de leurs commettants/Je ne prononce point sur une matière aussi délicate ; je respecte la fidélité que l'on doit à sa province ; je respecte la fidélité de ceux que des raisons sans doute mûrement pesées ont engagé à l'un ou l'autre parti ; mais si la noblesse divisée entre elle dans sa Chambre même, ne peut prendre une résolution exclusive généralement consentie; si le tiers-état, effarouché de nos prétentions, s'y refuse avec opiniâtreté, n'est-il pas un port ou nous puissions trouver le calme, la concorde et la paix ? Il existe sans doute dans la volonté de chaque membre des Elats, il existe dans un sage tempérament ; puissé-je être assez heureux pour le proposer! Puissent les députés de la Touraine, au nom desquels je parle, rappeler dans les trois ordres l'union et l'harmonie ! Voici le projet qu'ils proposent par ma voix :
Députons vers le clergé et le tiers-état ; proposons-leur de réunir les trois ordres, de les diviser en bureaux, composés des membres dje l'Assemblée, suivant la proportion établie. Que chacun soit chargé de discuter les points de constitution article par article ; mais que ces bureaux n'aient le droit que de rédiger et ne soient considérés que comme des lieux de conférences! ; que leurs cahiers, réduits en un seul par dés commissaires nommés à cet effet, soient portes ensuite dans chaque Chambre séparée ; qu'ils jy passent à un tour d'opinion, pour s'assurer d'abord si la rédaction est convenable, pour voir pi elle ne blesse pas les intérêts de l'ordre ; que dés membres choisis pour cet objet se rassemblent, se rendent compte des objections ou du consentement des Chambres, et viennent les rapporter ensuite à celles dont ils font partie ; qu'alors les articles rédigés par les bureaux, et consentis par l'unanimité des ordres, soient proclamés, comme le résultat de leur vœu, dans une Assemblée générale.....Lorsque après ces débats inévitables
dans les grandes questions, un accord universel aura rendu notre système complet, nous mettrons nos demandes sous les yeux du Roi, et secondant ses intentions paternelles, nous recueillerons avçc lui les bénédictions du peuple qu'il gouverne.
s'adresse ensuite aux deux partis et leur dit :
Les partisans du vote par tête croiront-ils que le point impératif de leur mission n'est pas rempli ? qu'ils réfléchissent un moment. La discussion des articles est livrée aux bureaux : leur confection est le résultat des opinions de chaque individu balancées entre elles. La rédaction des cahiers est l'ouvrage d'une partie organisée comme le tout, et enfin la sanction de chaque objet proposé est l'accord de toutes les lois réunies. JN est-ce pas là délibérer par tête? La réclamation de chaque Chambre sur les articles où elle pourija se croire lésée n est-elle pas une forme usitéje dans tous les temps ? N'est-elle pas pour tout un corps le droit, qui appartient à chacun de nous, d'exprimer et de souteuir son vœu ? Les provinces out-elles circonscrit à leur gré la marche d^s Etats? Ont-elles décidé qu'on ne se séparerait jamais, même pour les délibérations préparatoires ? Je m'adresse aux partisans du système op* posé. Quel peut être leur but ? N'est-il pas de garantir leur ordre des coups qu'on voudrait lui porter ? N'est-il pas de le soustraire au torrent des suffrages trop nombreux qui pourraient se réunir contre lui? Eh bien 1 si sa volonté, ce que je ne. puis croire, est forcée dans les bureaux, à raison de la minorité, ne retrouve-t-il pas toute
éa force de résistance, lorsque rassemblé, il èorte des yeux attentifs sur les objets qui peuvent l'inquiéter ?
Mais faut-il sans cesse parler d'ordre et jamais de patrie? Ne penserons-nous qu'à être en garde éontre nos coopérateurs, comme si nous avions â combattre contre des ennemis déclarés ? La vérification des pouvoirs a déjà assez aigri les esprits. Sans doute, la noblesse engagée ne peut revenir sur ses pas ; mais adoptons une marche Suivie. Disons aux deux autres ordres que notre Résolution est prise de continuer à vérifier nos pouvoirs ; que nous les engageons à valider comme nous ceux de leurs commettants ; que cjette opération sera le signal de la concorde, et dffrons-leur, pour prix d'une juste condescendance, la délibération que j'ai l'honneur de proposer ; oublions dès lors les noms de communes, de noblesse, de clergé. Réunis sous l'étendard du bien général, embrassons, sous desdivisions simples, les grands objets qui doivent nous occuper.
La séance est levée à 9 heures et demie du soir dt indiquée au lendemain à l'heure ordinaire.
Séance du
clergé.
Le clergé accepte la proposition des commissaires du Roi sans aucune réserve, et arrête deux députations aux deux autres ordres pour leur annoncer demain matin l'acceptation qu'il en a faite.
noblesse.
I Après la lecture du procès-verbal, on nomme, pjar la voie du scrutin/ quatre commissaires rédacteurs, savoir : MM. de Grosbois, deSérent, de Digoine et de la Roussière.
fait lerapportde la conférence d'hier; il dit que le procès-verbal, rédigé par les commissaires du tiers, est exact en apparence, mais que les raisons de la noblesse y sont affaiblies ët que le rédacteur a offert de rectifier les articules dont les commissaires de la noblesse pouvaient avoir à se plaindre.
lit ensuite l'ouverture faite [iar les commissaires du Rôi ; elle est d'abord reçue avec de vifs applaudissements ; mais elle excite de très-vifs débats. On met aux voix pour savoir ai on l'adoptera purement et simplement, ou si on l'adoptera avec des amendements. Ce dernier al vis passe à la pluralité de 158 voix contre 76.
communes.
Vous m'aviez chargé de témoigner a Sa Majesté la sensibilité et la douleur des Communes sur la mort de Mgr le Dauphin. En conséquence, je me suis rendu chez M. le duc fie Duras, pour le prier de m'introduirechez le Roi. M. le duc me répondit qu'il demanderait l'heure ae Sa Majesté. Je me rendis également chez la princesse de Chimay, qui me dit que la douleur où la reine était plongée actuellement ne lui permettait pas de m'annoncer pour le moment, mais qu'elle demanderait l'heure de la Reine.
propose d'aller jeter de Peau bénite sur le corps de Mgr le dauphin.
Accepté à l'unanimité.
L'Assemblée veut-elle entendre la lecture du règlement?
Un membre. Hâtons-nous d'agir, il en est temps; raidissons-nous avec courage contre les chicanes et les embarras qu'on nous suscite à chaque instant; constituons-nous en Chambre ^gationalo^ nous avons assez employé lë^ VOÎéTcle mMeraïïon, de temporisation pour ramener les esprits au bien public, si on le voulait réellement; mais puisque l'on en a abusé et que l'on en abuse encore, il est temps de commencer l'œuvre importante de la régénération que la nation attend depuis si longtemps.
On délibérait sur cette motion, lorsqu'un de MM. les commissaires nommés pour les conférences se présente et fait le rapport de celle qui a eu lieu hier.
Après le rapport,
lit un billet de M. le garde des sceaux conçu en ces termes :
M. le garde des sceaux prévient M. Bailly que, lui étant survenue une affaire importante qui l'occupera nécessairement le reste au jour, il lui sera impossible de tenir aujourd'hui la cçn-férence ; en conséquence, elle ne pourra avoir lieu que demain samedi, à six heures et demie du soir : il prie M. Bailly de vouloir bien avertir MM. les commissaires. »
propose de renvoyer au lendemain la discussion sur le projet de conciliation présenté par les ministres.
Les avis sont partagés sur cette proposition. Les uns prétendent que l'on doit se former dès ce soir en bureau pour discuter les points de ce projet, et renvoyer à demain à proposer des observations ultérieures en Assemblée générale. Ils se fondent sur l'importance de l'objet, sur le besoin de lumières, et ils assurent que c'est le moyen de prendre un parti digne des Etats généraux.
D'autres pensent que cette délibération est prématurée, que c'est perdre le fruit des conférences que d'en prendre une avant leur clôture; le mémoire dont il s'agit, ainsi que les moyens de droit naturel, n'ont pas encore été discutés.
Un membre. Je crois qu'il faut présenter la question sous ce point de vue : discutera-t-on le moyen de conciliation avant ou après la clôture du procès-verbal des conférences ? et je suis d'avis qu'il faut conclure à ce que l'on termine préalablement les conférences et que le procès-verbal soit clos ensuite.
On insiste sur cette dernière proposition. Des députés déclarent qu'il ne suffit pas que la nécessité de la vérification des pouvoirs par les trois ordres réunis soit établie par les anciens faits ; que dans les conférences tenues jusqu'alors, les principes d'équité et de raison qui démontrent la même vérité n'ont été qu'indiqués; qu'il est essentiel de les présenter dans toute leur force; que les commissaires des communes se sont réservé expressément de les développer et de les consigner ensuite dans le procès-verbal ; et que l'unique moyen d'assurer cette réserve est de surseoir à délibérer sur l'ouverture proposée ius-qu'après la clôture de ce même procès-verbal.
On oppose à ces raisonnements des raisons de
convenance, et des motifs pris de l'inutilité et de la lenteur des conférences.
dit : Vous avez dû vous apercevoir jusqu'ici que la marche constante des ministres a été de jeter des semences de division, tout en affectant de prêcher l'union. C'est ainsi qu'en donnant une meilleure proportion à ce qu'ils appellent le tiers-état, ils ont eu grand soin de rendre cette prétendue concession illusoire, en la réduisant à ne rien préjuger pour ou contre l'opinion par ordre ou par tête, qu'il leur était aussi facile de terminer provisoirement.
C'est ainsi que le jour des Etats généraux, après avoir ajourné l'Assemblée au lendemain, M. le garde des sceaux s'est dispensé de venir présider l'Assemblée ajournée ; et les précautions étaient si bien prises pour empêcher cette seconde Assemblée générale, qu'au moment de l'arrivée des députés, on les chambra par le fait, en les conduisant dans différentes salles.
Une fois divisés, il ne restait plus qu'à maintenir ce nouvel ordre de choses. Le ministère n'a pris aucune part offensive aux délibérations, tant qu'il a vu qu'elles n'étaient que préparatoires ; mais lorsque les communes ont fait une démarche décisive auprès du clergé, les ministres alarmés adressent incontinent aux deux ordres et aux communes une lettre du Roi, par laquelle Sa Majesté désire que l'on tienne des conférences chez son garde des sceaux, en présence de commissaires. Ces conférences ont lieu. Le second ordre, réduit à ne rien trouver défavorable dans les faits, est près d'être vaincu par les raisonnements : alors MM. les commissaires du Roi, dont l'unique rôle devait être le silence et la neutralité, se permettent, sans attendre le résultat des conférences, de proposer des moyens artificieux et qu'ils osent présenter comme conciliatoires.
Dans cette conduite oblique l'intention des ministres n'est point équivoque : forcés de convoquer les Etats généraux, ils ont voulu du moins anéantir leur influence en les divisant, et les réduire à prendre le ministère pour arbitre de leurs différends. S'il restait encore quelque doute* à cet égard, l'ouverture faite par les commissaires du Roi aux commissaires des trois ordres, à la conférence tenue chez M. le garde des sceaux, annonce bien positivement le projet de soumettre les Etats généraux à la juridiction ministérielle, et d'élever un tribunal aulique où se portent par appel les décisions de l'Assemblée nationale. Tel est l'avis auquel MM. de la noblesse et du clergé ont cru devoir déférer par acclamation : ce qui sans doute est une nouvelle preuve de leur patriotisme et de leur amour généreux pour les intérêts, les droits et la liberté du peuple.
« Les anciens faits prouvent évidemment, disent MM. les commissaires du Roi, que le Conseil est intervenu dans toutes les questions qui ont occasionné des débats relatifs à la validité des élections et à la vérification des pouvoirs. »
Je répondrai à MM. les commissaires du Roi que les anciens faits prouvent évidemment que | le peuple français ne se doutait pas de ses droits ; que le Conseilla jamais pu intervenir dans les ; questions relatives à la validité des élections et à la vérification des pouvoirs, par la bonne raison qu'il n'existait ni élections, ni pouvoirs ; que les députés aux prétendus Etats généraux n'étaient que des chargés de procuration pour présenter des doléances; et je demanderai si l'on voudrait assimiler l'Assemblée nationale de 1789 à ces prétendus Etats généraux, qui n'étaient au
fond que des assemblées de notables, puisque; ceux qui les composaient n'ayant point été élus représentants du peuple, ji'en avaient pas reçu des pouvoirs, et bornaient toute leur mission à se douloir.
« Lorsque chacun des ordres est activement occupé, disent-ils, des prérogatives qui peuvent lui appartenir, il paraîtrait naturel que Sa Majesté fixât, elle-même, son attention sur celles dont la [couronne a constamment joui. »
Existe-il donc, Messieurs, une Charte * une transaction qui fixe tous les droits, toutes les prérogatives? et quand elle existerait, pourrait-elle lier la volonté souveraine du peuple? ne serait-il pas libre d'y déroger ?
En raisonnant comme les commissaires du Roi, il n'est.pas jusqu'au despotisme ministériel) qu'on ne pût nous présenter comme un droit de la couronne. Les lettres de cachet, la prohibition de la liberté de la presse, la violation des lettres confiées à la poste ; en un mot, toutes les manières d'attenter aux libertés et aux propriétés individuelles seraient autant de prérogatives de la couronne.
Il est curieux de voir par quels étranges so-: phismes MM. les commissaires du Roi cherchent à prouver que les Etats généraux ne peuvent vérifier les pouvoirs en commun ni séparément, afin d'établir la nécessité de s'en rapporter au Roi, c'est-à-dire aux ministres.
« Il est sûr, disent-ils à cet égard, que les ordres ont un intérêt à prévenir qu'aucun des trois n'abuse de son pouvoir pour admettre ou pour rejeter avec partialité des députés qui viennent prendre séance dans les Etats généraux i et cet intérêt commun existerait, soit que les ordres eussent à délibérer réunis, soit qu'ils res-^ tassent constamment séparés, puisque, clans cette dernière supposition, les personnes qui seraient appelées à décider par leurs opinions d'un veto ou d'un empêchement quelconque, acquerraient le droit d'influer directement sur le sort de la nation.
c Peut-être, dans les circonstances, n'est-ce pas de la sagesse des ministres du Roi, de mettre en opposition les intérêts de 24 millions d'iudividus avec ceux de deux cent mille privilégiés; nous ne les accuserons cependant pas de favoriser . l'aristocratie, puisque leur intention, clairement manifestée, n'est que d'établir le despotisme le Iplus absolu sur la totalité des citoyens. Pour y 1 parvenir, ils ont besoin de professer la doctrine des aristocrates, qui, dans leur fanatisme, ne s'aperçoivent pas du piège qu'on leur tend.
« Mais est-il vrai que'l'Assemblée nationale ait besoin de juge ou d'arbitre pour la vérification de ses pouvoirs? peut-elle reconnaître d'autre juge, d'autre arbitre qu'elle-même? Et nos comj mettants, en nous chargeant de leurs droits et de leurs pouvoirs, nous ont-ils laissé la liberté dè les remettre en d'autres mains? Nous en départir^ ne serait-ce pas les sacrifier, les trahir; et lé nation que nous avons l'honneur de représenter^ devrait-elle nous pardonner cette indigne prévarication ?
« Les pouvoirs ne peuvent sans doute être vé-f rifiés séparément ; car tous les députés ont uri même droit et un même intérêt à s'assurer de la légalité des députations, puisque, comme l'ob| servent très-bien les commissaires du Roi, cha+ cun des députés peut influer directement sur lé sort général de la nation : il importe donc à tous de savoir si ceux qui prétendent la représenter sont munis d'un titre légitime, et cette certitudé
générale ne peut jamais résulter de la vérification par ordre.
« Mais de ce que les pouvoirs ne peuvent être vérifiés séparément, s'en suit-il qu'ils ne puissent l'être en commun ? Si telle est la condition des Etats généraux, ils sont condamnés à une éternelle inactionj; car la même difficulté se présentera pour toutes les matières sur lesquelles ils auront à délibérer; et s'ils adoptent la proposition de s'en rapporter au conseil du Roi, les ministres se trouveront investis du droit de juger la nation et ses représentants.
« Je voudrais bien cependant qu'on me dît où ferait la difficulté de vérifier les pouvoirs en Commun, si telle était la volonté des membres qui doivent composer l'Assemblée nationale ? Et quand les députés des ordres privilégiés ne voudraient pas se prêter à cette vérification commune, je demande si ce serait une raison pour que les représentants de 24 millions d'individus he pussent vérifier leurs pouvoirs, se constituer en Assemblée du peuple français et commencer leurs opérations, sauf à ne reconnaître les députés des ordres privilégiés pour députés aux Etats généraux, que lorsque les pouvoirs de ces mêmes députés auraient été vérifiés dans l'Assemblée des ïeprésentants du peuple.
« Le pouvoir de juger en dernier ressort de la régularité des élections, ajoutent les commissaires, ne pourrait être attribué avec équité, ni aux trois ordres réunis, ni à chacun d'eux en particulier; ce pouvoir ne doit pas appartenir à chaque ordre en particulier, parce qu'ils ont tout intérêt à ce qu'un seul n'abuse pas de son influence.
i « MM. les commissaires oublient qu'ils nous ont déjà dit que les pouvoirs ne pouvaient être vérifiés séparément, parce que, dans cette supposition, les personnes qui seraient appelées à décider, par leurs opinions, d'un veto ou d'un empêchement quelconque, acquerraient le droit d'influer directement sur le sort de la nation : ceci ne peut s'entendre sans doute que des deux ordres; car nous ne présumons pas que les commissaires du Roi veuillent improuver l'influence directe des communes sur le sort de la nation. Voyons cependant, Messieurs, de quelle manière ils s'y prennent pour établir que les pouvoirs ne peuvent être vérifiés en commun.
« Il ne peut pas appartenir non plus, disent-ils, aux trois ordres réunis, puisque ce serait l'attribuer essentiellement aux représentants du tiers-état, vu la supériorité de leurs suffrages, et le Roi ne leur a pas accordé cette supériorité Ôe suffrages, pour leur donner le moyen d'en augmenter la puissance, en obtenant une influence prépondérante sur la formation même de l'Assemblée.
I « Mais que les ministres nous disent donc pour Quelles raisons ils ont accordé cette prétendue supériorité de suffrages aux représentants du peuple? N'était-ce que pour se menager un prétexte d'attirer à eux seuls toutes les décisions? N'était-ce que pour avoir le droit de nous dire : Vous ne pouvez délibérer en commun, ni séparément; donc il faut que vous vous en rapportiez au Roi, ou plutôt à nous ? »
Telle est, en effet, la conclusion de MM. les (commissaires du Roi.
C'est donc au Roi, disent-ils, que semble appartenir, en raison et en équité, le jugement final sur Stoutes les contestations relatives aux élections. ICe principe est une suite, une dépendance du règlement souverain qui a détermine pour cette fois
le nombre respectif des députés aux Etats géné- Jjfc raux; ainsi les trois ordres gui se soumettent à la fixation établie par Sa Majesté, feraient une exception minutieuse, s'ils répugnaient à le prendre pour juge dans le très-petit nombre de contestations qui pourraient s'élever sur la vérification des pouvoirs.
A quoi sert que MM. les commissaires du Roi nous disent ensuite : qu'on ajoute encore, si Von veuty que ces conventions sur la vérification des pouvoirs n'auraient aucune liaison avec la grande question de la délibération par ordre ou par tête?
On ne doit pas se dissimuler que la vérification des pouvoirs préjuge la question du mode d'opi- w ner; car vérifier les pouvoirs, n'est-ce pas délibérer sur la légalité ou l'illégalité de ces mêmes pouvoirs? Cette question est donc nécessairement liée à celle de la délibération par ordre ou par tête; ou, pour mieux dire, c'est la même question ; et de quel droit un être quelconque dans la nation, un tribunal, quel qu'il puisse être, autre que les Etats généraux eux-mêmes, oseraient-ils se prononcer à cet égard?
Mais je suppose qu'on veuille diviser une question indivisible; s'il est impossible â l'Assemblée nationale de statuer sur la vérification des pouvoirs, il lui sera tout aussi impossible de statuer sur le mode d'opiner et sur toutes les autres matières dont elle voudra s'occuper, de manière qu'en dernière analyse, ce seront les ministres qui décideront de tout. Il leur sied bien de nous imputer les divisions qui sont leur ouvrage; de nous dire « que le Roi ne reste pas seul au milieu de sa nation à s'occuper sans relâche de l'établissement de la paix et de la concorde. »
En s'exprimant de cette manière, sans doute ils peignent fidèlement les intentions et la sollicitude de Sa Majesté ; mais pourquoi donc se permettent-ils de contrarier ses vues bienfaisantes? pourquoi ne les ont-ils pas secondées de tout leur pouvoir? pourquoi veulent-ils nous charger des malheurs qu'ils feignent de redouter, et qui ne seraient jamais que la suite de leur impéritie, ou peut-être d'un motif que le temps, qui découvre tout, dévoilera dans toute sa turpitude?
Ce serait donc manquer à nous-mêmes, Messieurs, ce serait prévariquer que d'adopter la pro-position des commissaires du Roi; elle attente aux droits delà nation; elle blesse également la justice et la convenance ; elle repose sur des faits les uns faux, les autres inexacts, sur des principes condamnables, sur des subtilités qui ne sont pas même captieuses; elle aurait les suites les plus redoutables; elle paralyserait de mort l'Assemblée nationale, avant même qu'elle eût manifesté son existence; elle ferait avorter la dernière espérance de la nation.
pose la question en ces termes :
La discussion et la délibération sur le projet présenté par les ministres auront-elles lieu avant la clôture du procès-verbal des conférences, ou après?
L'Assemblée décide, à la majorité de 400 voix contre 26, qu'elles n'auront lieu qu'après.
Séance du
CLERGÉ
fait une motivn concernant la cherté des grains et la misère du peuple. Il s'exprime en ces termes :
M. Decoulmiers, curé d'Abbecourt (1). Messeigneurs et Messieurs, ne croyez pas, je vous prié, quç ce soit par un zèle outré, ni par aucun esprit de critique sur l'emploi de notre temps que j'ai l'honneur de vous adresser la parole.
Il eût été bien à souhaiter que l'union, la concorde entre les trois ordres, en régnant dès le commencement de nos Assemblées, eût pu nous permettre, selon les fonctions respectables dont nous sommes honorés, de nous livrer à notre zèle; notre première occupation eût été sans doute d'envisager le malheur du peuple.
Nous avons cru qu'il était de notre sagesse de temporiser, de laisser aux esprits le temps de se calmer, dans la douce et heureuse espérance que jetant un coup d'œil en arrière sur les malheurs dont nous sommes menacés, l'amour du bien public nous animant seul, toutes les difficultés qui nous tiennent dans l'inaction s'applaniraient.
Prélats respectables à qui j'ai l'honneur de parler, il y aurait la plus grande injustice à soupçonner votre zèle et votre charité; vos preuves sont acquises; la confiance dont nos concitoyens vous ont honorés en est le témoignage le plus flatteur.
Vous, ministres et pasteurs respectables, pour-rait-on ne pas rendre à voire impatience toute la justice qu'elle mérite? Non!
Eloignés de vos ouailles, vous craignez que personne n'essuie leurs larmes, ne partage comme vous leurs peines, ne les console, ne les aide des conseils que vous savez si à propos leur donner pour les engager à supporter avec patience les malheurs du temps.
Ce sont, Messeigneurs et Messieurs, ces retours sur vous-mêmes qui affligent vos âmes, vous font gémir sur notre inaction. Ce serait ne pas vous connaître que d'en douter.
Ne serait-il pas de notre deyoir, afin de nous justifier aux yeux de la nation d'une inaction dont elle nous demandera compte, d'inviter les deux ordres à se réunir à nous afin de faire'une députation des plus solennelles au meilleur des Rois, à qui les annales de l'histoire ne balanceront pas d'accorder le nom de père du peuple, pour lui représenter avec toute la force de la vérité, que la misère de son peuple est à son comble; mettre sous les yeux cle Sa Majesté ce pain que j'ai l'honneur de vous présenter.
Vous frémissez sans doute, Messeigneurs et Mes-sieurs; vos âmes attendries se soulèvent en
pensant que dans l'Ile-de-France, le pays le plus beau, le plus fertile de l'Europe, nos
concitoyens, nos amis, nos frères, nos pères nourriciers enfin, en rentrant sous leurs
enaumières pour y trouver une substance propre à soutenir, à réparer des forces employées et
usées à cultiver une terre destinée à produire notre première nourriture, les aisances, les
agréments de la vie, ne trouvent
Si la misère est si grande proche de la capitale, quelle doit-elle être dans les provinces éloignées? craignons que le père de famille harassé de fatigue, ayant la douleur cle voir sa femme, ses enfants languissants, lui demander encore avec instance une plus forte portion de cette substance grossière, que ses bras épuisés ne peuvent plus lui procurer, vu sa cherté excessiye, ne rassemble le reste de ses forces et ne se livre au plus affreux désespoir.
Abandonnons ce tableau effrayant dont je ne veux pas même soulever le coin du voile; je le crois absolument inutile en pensant que j'ai l'honneur de parler à des prélats vertueux, à des pasteurs charitables sur quilasimple et pure vérité produit l'effet le plus sensible.
Que nos concitoyens sachent donc, par une dé-f marche éclatante, commune avec les deux ordres, que, nous réservant le précieux avantage de la provoquer, nos intentions sont aussi pures que nos fonctions sont sacrées, que nous partageons? leurs peines, que leurs malheurs nous touchent.,
Nous avons, 'Messeigneurs et Messieurs, fait, par une acclamation générale, le sacrifice et l'abandon de nos privilèges pécuniaires; que nos ennemis cessent de nous reprocher une inaction salutaire à laquelle ils prêtent des vues suspectes.
Non, Messeigneurs et Messieurs, elles ne le sont pas; un parti précipité eût tout perdu, le mal eût été sans remède ; les ressources pour la conciliation des trois ordres ne sont pas épuisées ; les bontés, la prévoyance du meilleur des Rois sauront les découvrir ; justifions seulement à la nation la pureté de nos intentions, en représentant à Sa Majesté, avec la force de la vérité, les mal-f heurs qui nous menacent, le désespoir du peuple prêt à se porter aux plus violents excès.
Supplions Sa Majesté d'ordonner les recherches les plus exactes, les plus rigoureuses, afin de découvrir les monopoleurs, les accapareurs de^ blés qui appartiennent à la patrie.
Cherchons pendant nos débats à tranquilliser! le peuple par une démarche qui annonce et qui) prouve la pureté de nos intentions ; forçons nog ennemis au silence*
Si, afin d'éloigner la délibération que j'ai l'honneur de vous proposer, l'on nous disait que noua ne sommes pas constitués, je répondrais qu'il n'y a pas de forme à établir pour exprimer la misère du peuple avec vérité, dans une circonstance si pressante. Cette démarche ne peut qu'assurer le| triomphe de la religion.
A l'unanimité des voix, il est arrêté de nommer une commission pour prendre en considération un objet aussi important, et d'inviter les deux ordres à s'occuper également du même objet.
L'Assemblée prie M. le cardinal de la Rochefoucauld de rendre compte au Roi de cette délibération.
NOBLESSE.
La Chambre prend l'arrêté suivant :
« L'ordre de la noblesse, empressé de donner au Roi des marques de témoignage de son amour, de son respect et de sa confiance en ses vertus personnelles, et de prouver à la nation entière le désir d'une conciliation prompte et durable ; et fidèle en même temps à ses principes, dont il n'a jamais cru devoir s'écarter, reçoit, avec la plus
vive reconnaissance, les ouvertures que Sa Majesté a bien voulu lui faire communiquer par ses minisires. En conséquence, sans adopter quelques principes du préambule, il a chargé les commissaires de rappeler à la prochaine conférence l'arrêté de la noblesse, de statuer sur les difficultés qui surviendront sur la validité du pouvoir de ses membres, lorsqu'elles n'intéresseront que les députés particuliers de son ordre, et en donner une communication officielle aux deux autres ordres : quant aux difficultés survenues ou à survenir sur les députations entières pendant la présente tenue des Etats généraux, chaque ordre chargera, conformément au vœu du Roi, ses commissaires de les discuter avec ceux des autres ordres, pour que, sur ce rapport, il puisse être statué d'une manière uniforme dans les chambres séparés; et dans le cas qu'on ne pût y parvenir, le Roi sera supplié d'être leur arbitre. »
L'Assemblée reçoit deux députations du clergé, l'une pour lui annoncer que l'ordre du clergé a accepté les propositions faites par les commissaires du Roi, et l'autre pour faire part de la délibération relative à la misère des peuples.
M. le comte de Lally-Tollendal s'exprime dans les termes suivants au sujet du premier arrêté:
(1). Messieurs, amais peut-être démarche n'a été faite sous des auspices moins heureux que l'arrêté du clergé qui nous occupe dans cet instant.
Cet arrêté intéresse, sous différents rapports, la noblesse à qui on le communique, le peuple qu'on parle de secourir, le ministère qu'on paraît vouloir soulager dans un des soins les plus pénibles de l'administration actuelle.
Or, plusieurs membres de la noblesse y ont vu un piège qui pourrait les engager insensiblement à tolérer des emprunts furtifs et inconstitutionnels.
Presque tous les représentants du peuple y ont vu un piège pour les entraîner dans la nécessité de se constituer autrement qu'ils ne voulaient se constituer.
Enfin, les amis du ministère y ont vu un piège pour le faire tomber dans le discrédit, soit en accusant sa vigilance, soit en faisant naître l'idée que ce plan aurait été concerté avec lui.
Personne n'est plus éloigné que moi de juger les intentions. Je ne fais toutes ces remarques que pour avoir une occasioû de plus de gémir sur l'esprit de méfiance qui nous environne et qui nous perdra si nous ne parvenons à nous en délivrer.
Il est connu aujourd'hui que la proposition du clergé a eu pour principe un sentiment de patriotisme et d'humanité, qu'elle a été faite, accueillie et consacrée par les curés, qui, frappés de la misère du peuple, ont mieux connu le vœu de leur eœur que les règles de l'administration.
Après avoir rendu hommage au motif, il est impossible de ne pas reconnaître que le projet présenté était tout à fait inconstitutionnel, inutile et dangereux.
Inconstitutionnel.Plusieurs decesMessieurs l'ont dit avec raison, ces détails sont
absolument du ressort du pouvoir exécutif ; le pouvoir législatif ne peut y influer que par
les lois générales, d'où le bon ordre doit résulter clans toutes les
Inutile. Quel remède apporteront à la cherté actuelle, des commissions, des bureaux, des mémoires. Ce sont des sommes qu'il faudrait et des sommes énormes.
Dangereux. Parce que répandre partout l'effroi sans pouvoir le calmer à l'instant, c'est ajouter le malheur au malheur, aggraver l'un par l'autre, joindre à la souffrance réelle celle de l'imagination et s'exposer peut-être à des troubles, à des désordres dont plusieurs provinces ont déjà offert le tableau.
Et cependant, Messieurs, telle est quelquefois la suite d'une démarche imprudente, que la prudence même n'a plus que le choix du danger. Et telles sont aujourd'hui les circonstances, telle est est la disposition des esprits, que le plus grand de tous les dangers serait peut-être de repousser ouvertement cette proposition, actuellement qu'elle est faite, qu'elle est consignée dans tous les papiers publics, qu'elle est connue du peuple à qui il faut pardonner de ne pas raisonner quand il souffre.
Le Roi, qui s'épuise en sollicitude et en dépenses pour assurer la subsistance de ses sujets, le Roi, sur qui l'on pouvait et l'on devait se reposer, et qui peut-être eût pu se trouver offensé de cette démarche, a cru qu'il était de sa sagesse de l'accueillir avec quelque bonté. Peut-être sa délicatesse lui a-t-elle fait une loi de ne pas négliger un seul moyen possible. Quoiqu'il en soit, peut-on, dans ce moment, s'exposer à entendre dire, même par la mauvaise foi, que le clergé a proposé un plan pour procurer au peuple des moyens ae subsistance, que ce plan a été accueilli par le Roi et que la noblesse l'a rejeté? On vient de nous dire que le clergé avait reconnu son erreur, mais il avait fait la démarche; qu'il n'y pensait plus, mais le peuple y pense, et beaucoup.
Ainsi, Messieurs, en même temps que je rends hommage à l'arrêté proposé par M. le comte de Clermont-Tonnerre, qui me paraît fondé en principe, et ce qu'on a opposé à ces principes ne me paraît pas les avoir ébranlés; cependant, d'après les circonstances, je ne puis me rendre à son avis, et je suis frappé, ainsi que M. le chevalier de Boufflers, de la nécessité d'une démarche ostensible quoique inutile.
J'ajouterai encore une autre considération, c'est que si nous nommons des commissaires, le tiers ne pourra jamais se refuser à en nommer, et qu'il existera encore un point de réunion et l'espoir peut-être d'en voir naître encore un comité de conciliation, en un mot, un moyen de concert, de correspondance, de rapprochement quelconque entre les ordres.
Enfin, Messieurs, si nous ne pouvons avoir pour le peuple une volonté active, témoignons-lui du moins une volonté bienveillante ; qu'il ne nous croie pas indifférents à ses malheurs. Soulageons-les si nous le pouvons ; plaignons-les si nous ne pouvons les soulager. Rallions-nous le peuple.
Après ces deux députations, on en reçoit une des communes : elle annonce que les communes ont délibéré de ne s'occuper du plan proposé par les commissaires du Roi qu'après la clôture des conférences, auxquelles les commissaires des communes se rendront exactement,
renouvelle ses réclamations
sur le mot communes, et se réserve d'en parler en temps et lieu.
communes.
fait lecture d'une lettre de Mme de Chimav, ainsi conçue :
« M1*6 de Chimay reçoit dans l'instant la réponse de la Reine. Sa Majesté lui donne ordre d'annoncer à M. Bailly qu'elle recevra avec bonté et sensibilité l'hommage et les respects de l'ordre du tiers-état, mais que la juste douleur où la Reine est plongée ne lui permet pas d'en fixer le moment. »
lit ensuite le billet suivant de M. le garde des sceaux :
« M. le garde des sceaux prévient M. Bailly qu'il sort de chez Je Roi, où il était monté pour
S rendre ses ordres sur la députation. Quoique Sa Majesté soit dans la plus profonde affliction, et que jusqu'ici elle n'ait voulu voir personne, le Roi recevra cependant demain (le billet est daté du 5) la députation du tiers-état, entre onze heures et midi : son intention est que la députation soit au nombre de vingt. »
L'Assemblée avait décidé, dans l'une des dernières séances, que les commissaires conciliateurs et les adjoints du bureau composeraient la députation. Comme ce nombre excède celui de la députation fixée par le Roi, MM. les commissaires et les adjoints se retirent dans une salle voisine pour procéder à la réduction.
Les scrutateurs rentrent, et lisent la liste des députés élus. MM. Bailly, Redon, Thouret, Bouillotte, Chapelier, de Volney, Target, d'Ambezieux, Rabaud ae Saint-Etienne, de Luze, Milscent, Tronchet, Ducellier, Prévôt, Mounier, Mirabeau, Lebrun, Legrand, Aucler, Descottes, Mathieu de Rondeville, Pelisson.
Pendaat qu'ils se préparent à partir, l'Assemblée décide que la séance tiendra jusqu'à ce qu'ils soient de retour.
, remplissant les fonctions de doyen en l'absence de M. Bailly, propose à l'Assemblée la lecture du règlement. (Adopté.)
L'un des adjoints prend la parole. 11 annonce que le règlement se divise en deux parties, dont la première concerne la police intérieure; et la seconde, la manière de présenter les motions, de les discuter, et de recueillir les voix.
Il est interrompu par l'arrivée d'une députation du clergé, composée de deux évêques, celui de Nîmes et celui d'Autun, et de six curés.
M. l'évêque de Nîmes, portant la parole, lit l'arrêté suivant :
« Les membres du clergé assemblés, délibérant sur le plan qui a été proposé au nom de Sa Majesté, relativement à la vérification et au jugement des pouvoirs, et voulant donner à Sa Majesté un nouveau témoignage de la respectueuse reconnaissance dont ils sont pénétrés pour ses sollicitudes paternelles, sont convenus d'accéder à ce projet provisoire de conciliation, et de manifester aux deux autres ordres le. vœu qu'ils forment d'en suivre les dispositions. »
répond aux députés du clergé que, lorsque les communes auront délibéré sur cet obiet, elles feront part à l'ordre de l'église du résultat de leur délibération.
dit qu'il est essentiel de prendre une délibération.
appuie la motion. Il observe qu'il résulte de l'adhésion pure et simple des membres du clergé au plan de conciliation proposé, qu'ils regardent dès ce moment les conférences comme terminées. Il fait sentir l'importance d'envoyer des commissaires au clergé et à la noblesse pour leur notifier l'arrêté pris hier relativement à l'ouverture faite par MM. les commissaires du Roi; il observe que c'est un moyen d'éviter le refus que pourraient alléguer les deux ordres pour la continuation des conférences.
Cet avis étant adopté, on décide qu'une députation donnera communication au clergé et à la noblesse de l'arrêté suivant :
« Les députés des communes ont pris la résolution de surseoir à toute délibération sur l'ouverture faite par MM. les commissaires du Roi, jusqu'après la clôture du procès-verbal des conférences qui doivent se continuer ce soir à six heures, suivant l'ajournement de M. le garde des sceaux et le désir du Roi. MM. les commissaires des communes s'y rendront exactement. *
MM. Viguier, Le Bois-Desguais, Dusers, Mou-tier, Viellart, Grelet de Beauregard, Lavenue et Simon, sont choisis pour la députation ; ils sortent.
Les membres qui étaient allés chez le Roi et la Reine rentrent.
Nous avons été reçus dans le cabinet du Roi, et j'ai lu le discours approuvé par l'Assemblée, auquel j'ai ajouté une phrase sur la mort de Mgr le dauphin.
Sire,
« Depuis longtemps les députés de vos fidèles communes auraient présenté solennellement à Votre Majesté le respectueux témoignage de leur reconnaissance pour la convocation des Etats généraux, si leurs pouvoirs avaient été vérifiés. Ils le seraient, si la noblesse avait cessé d'élever des obstacles. Dans la plus vive impatience, ils attendent l'instant de cette vérification pour vous offrir un hommage plus éclatant de leur amour pour votre personne sacrée, pour son auguste famille, et de leur dévouement aux intérêts du monarque, inséparables de ceux de la nation.
« La sollicitude qu'inspire à Votre Majesté l'inaction des Etats généraux est une nouvelle preuve du désir qui l'anime de faire le bonheur ae la France.
« Affligés de cette funeste inaction, les députés des communes ont tenté tous les moyens de déterminer ceux du clergé et de la noblesse à se réunir à eux pour constituer l'Assemblée nationale; mais la noblesse ayant exprimé de nouveau sa résolution de maintenir la vérification de ses pouvoirs faite séparément, les conférences conciliatrices entamées sur cette importante' question se trouvaient terminées ; Votre Majesté a désiré qu'elles fussent reprises en présence de M. le garde des sceaux et des commissaires que vous avez nommés. Les députés des communes, certains que, sous un prince qui veut être le restaurateur de la France, la liberté de l'Assemblée nationale ne peut être en danger, se sont empressés de déférer au désir qu'elle leur a fait con -naître. Ils sont bien convaincus que le compte exact de ces conférences, mis sous ses yeux, ne lui laissera voir, dans les motifs qui nous dirigent, que les principes de la justice et de la raison.
« Sire, vos fidèles communes n'oublieront jamais
ce qu'elles doivent à leur Roi ; jamais elles n'oublieront cette alliance naturelle du trône et du )euple contre les diverses aristocraties, dont le Pouvoir ne saurait s'établir que sur la ruine de 'autorité royale et de la félicité publique. Le peuple frangais, qui se fît gloire, dans tous les temps, de chérir ses rois, sera toujours prêt à verser son sang et à% prodiguer ses biens pour soutenir les vrais principes de la monarchie. Dès le premier instant où les instructions que ses députés ont reçues leur permettront de porter un vœu national, vous jugerez, Sire, si les représentants de vos communes ne seront pas les plus empressés de vos sujets à maintenir les droits, l'honneur et la dignité du trône, à consolider les engagements publics, et à rétablir le crédit de la nation; vous reconnaîtrez aussi qu'ils ne seront pas moins justes envers leurs ^concitoyens de toutes les classes que dévoués à Votre Majesté. »
Voici la réponse du Roi :
« Je reçois avec satisfaction les témoignages de dévouement à ma personne et d'attachement à la monarchie des représentants du tiers-état de mon royaume.
« Tous les ordres de l'Etat ont un droit égal à mes bontés i vous devez compter sur ma protection et sur ma bienveillance.
« Je vous recommande,par-dessus tout, de seconder promptement, et avec un esprit de sagesse et de paix, l'accomplissement du bien que je suis impatient de faire à mes peuples, et qu'ils attendent avec confiance de mes sentiments pour eux. »
L'Assemblée décide que l'adresse et Ja réponse du Roi seront imprimées.
La députation envoyée vers le clergé et la noblesse rentre.
rend compte de sa mission. Il instruit l'Assemblée que le président du clergé a répondu que son ordre était sensible à l'attention de MM. du tiers-état, et qu'il pouvait compter sur l'attachement du clergé; que la réponse du président de la nobiesse était que la Cliambre priait de laisser copie de l'arrêté, et de donner les noms des députés.
On reprenait la lecture du règlement, lorsqu'une seconde députation du clergé est introduite. M. l'évêque de Nîmes fait lecture de la délibération suivante :
« Les membres du clergé assemblés, profondément touchés de la misère des peuples et delà cherté des grains qui affligent les différentes provinces, croient ne pouvoir mieux se conformer aux vues paternelles de Sa Majesté, mieux remplir leurs devoirs les plus chers, que de s'empresser de nommer une commission composée des différents députés des gouvernements et principales divisions du royaume, pour prendre eu considération un objet si essentiel, sur lequel ils profiteront de tous les mémoires qui leur seront remis; et d'inviter les deux autres ordres à s'occuper également du même objet, pour vérifier les différentes causes dè la cherté du pain, aviser aux remèdes les plus prompts que l'on pourrait y apporter en rétablissant la confiance et la maintenant ensuite, et en assurant, par les mesures les plus sages et les plus dignes de l'approbation de Sa Majesté, la subsistance de ses sujets dans toutes les parties du royaume. >
répond : .
Le vœu le plus ardent des représentants du
peuple est de venir à son secours. L'arrêté du clergé les autorise à croire que cet ordre partage leur impatience à cet égard, et qu'il ne se refusera pas plus longtemps à une réunion sans laquelle les malheurs publics ne peuvent qu'augmenter. »
Après que les députés du clergé sont retirés, on fait une seconde lecture de leur délibération : elle produit de grands mouvements dans l'Assemblée.
Un membre. Je pense que l'on ne peut délibérer qu'après que l'on sera constitué.
Il est instant de prendre en délibération la proposition du clergé, de peur qu'on ne taxât de tiédeur le peu d'attention que l'on y donnera.
J'entrevois dans la proposition du clergé un coup de politique ; plus on l'examine et plus elle paraît insidieuse. J'y vois deux motifs : le premier, de mettre le peuple de son côté; le second, de détourner l'Assemblée de sa résolution à se constituer. Il semble par là qu'il y ait un égal danger à l'accepter ou à la rejeter ; si elle est rejetée, d'un côté, ce refus sera présenté au Roi d'une manière défavorable à l'Assemblée ; de l'autre, on imputera aux députés des communes les malheurs que la disette occasionne, on les accusera d'être insensibles à la misère publique; ils perdront la confiance du peuple, et avec elle les moyens de le secourir. Si la proposition est acceptée, l'Assemblée ne peut plus s'occuper de la constitution aussi promptement que les circonstances l'exigent; et de nouveaux délais à cet égard peuvent avoir des suites également funestes et irréparables. L'astuce est adroite; on reconnaît là le clergé. Depuis plus de huit cents ans, il a toujours tenu la même conduite.
Il faut donc, préalablement à toute délibération sur celle du clergé, le sommer, dans la salle des Etats généraux, de se réunir aux communes.
Un membre. 11 faut dénoncer au Roi la conduite du clergé comme séditieuse.
M... Il faut rappeler le clergé aux principes primitifs de l'église; les anciens canons portent que l'on pourra vendre les vases sacrés pour soulager les pauvres; mais il n'est pas besoin d'en venir à une si triste ressource ; il faut engager les ecclésiastiques, les évêques à renoncer à ce luxe qui offense la modestie chrétienne, à renoncer auxcarosses, aux chevaux, à vendre enfin, s'il le faut, un quart des biens ecclésiastiques.
La motion de M. Populus est appuyée par M. Malouet. L'Assemblée allait prendre une décision lorsqu'on annonce une députation de la noblesse, composée de MM. le marquis de Bou-thilier, le comte Charles de Lameth, le duc de Caylus, le duc de Castries, le marquis de Fournetz, le vicomte de Mirabeau. Elle est introduite.
lit la déclaration suivante :
«L'ordre de la noblesse, aussi empressé à donner au Roi des témoignages de son amour, de son respect et de sa confiance dans ses vertus paternelles, que de prouver à la nation entière ie désir d'une conciliation prompte et durable ; et fidèle en même temps aux principes dont il n'a jamais cru devoir s'écarter, reçoit, avec la reconnaissance la plus respectueuse, les ouvertures que Sa Majesté a bien voulu lui faire communiquer par ses ministres. En conséquence, sans adopter quelques principes du préambule, il
a chargé ses commissaires de rappeler à la prochaine conférence que la noblesse avait arrêté précédemment qu'elle vérifierait, dans son sein ses pouvoirs, prononcerait sur les contestations qui surviendraient sur leur validité, lorsqu'elles n'intéresseraient que ses députés particuliers, et en donnerait une connaissance officielle aux autres ordres.
c Quant aux difficultés survenues et à survenir sur des députations entières pendant la présente tenue d'Etats généraux seulement, chaque ordre chargera, conformément aux désirs du Roi, ses commissaires de les discuter avec ceux des autres ordres, pour que, sur le rapport, il puisse y être statué d'une manière uniforme dans les trois Chambres séparées; et, au cas que l'on ne pût y parvenir, le Roi sera supplié d'être leur arbitre. »
Les communes prendront en considération l'arrêté que vous leur communiquez, et je ferai part de leur réponse à l'ordre de la noblesse.
La discussion continuait sur la délibération du clergé, lorsqu'on fait sentir la nécessité de porter au plus tôt la réponse de l'Assemblée à la Gham-% bre du clergé.
lit le projet suivant d'arrêté :
« Pénétrés des mêmes devoirs que vous, touchés jusqu'aux larmes des malheurs publics, nous vous prions, nous vous conjurons de vous réunir à nous dans l'instant même, dans la salle commune, pour aviser aux moyens de remédier à ces malheurs, t
Aller aux voix était trop long; l'Assemblée préfère de délibérer par assis et levé.
J'invite ceux qui votent pour l'arrêté à se lever.
Toute l'Assemblée se lève.
J'invite ceux qui votent contre à se lever.
Personne ne se lève.
Un silence majestueux règne dans l'Assemblée. — A ce silence profond succèdent des applaudissements nombreux.
Une députation solennelle, qu'un- mouvement estimable entraîne, se porte vers la Chambre du clergé.
On donne lecture, pendant ce temps, d'une lettre de M. le garde des sceaux qui instruit l'Assemblée que les membres qu'elle nommera pour jeter de l'eau bénite sur le corps de Mgr le dauphin pourront se rendre à Meudon lundi, à
5 heures.
Les membres députés vers le clergé rentrent dans la salle; ils annoncent à l'Assemblée que le président a répondu que l'on allait agiter sérieusement cette question, mais que plusieurs membres du clergé avaient ajouté qu'ils étaient trop peu nombreux pour délibérer.
indique une seconde séance pour6 heures précises.
La séance est levée.
Séance du samedi soir.
Les communes se rassemblent sur les 6 heures du soir pour entendre la lecture du projet de
règlement provisoire. Nous allons en donner un précis rapide.
Le chapitre premier porte sur la police intérieure de la salle: 1° que les sièges placés dans le fond de la salle seront distribués en amphithéâtre, sauf à MM. de la noblesse et du clergé à demander la même distribution pour leurs places ; 2° on établit vingt divisions„composées indistinctement, sans avoir égard aux gouvernements.
L'article 3 porte que, pour opérer cette division, on fera une list£ alphabétique des députés, et que le premier bureau sera composé du premier député, du trente-unième, etc. ; que le second sera composé du deuxième, du trente-deuxième, etc., et ainsi de suite jusqu'à la fin ; que les bureaux changeront tous les quinze jours ; que l'Assemblée ouvrira tous les jours à 9 heures; que les étrangers ne seront admis que dans les tribunes; que les députés seront tenus de mettre le manteau, pour conserver la décence; permission cependant à chacun de porter l'épée ou l'habit de couleur ; que les députés garderont le plus profond silence, ne changeront point de place, etc.
Que tous les suppléants auront une place particulière dans les gradins; que les députés pourront sortir quand ils voudront, mais qu'ils reprendront leurs places en rentrant; que l'on ne pourra donner aucun signe d'applaudissement ni d'improbation; que les injures, les personnalités seront défendues; que quand on prendra la parole, on s'adressera seulement au président ; que l'on n'interrompra point le président; qu'une fois le mot à l'ordre prononcé, chacun se rangera à sa place, se taira, etc. ; que quiconque contreviendra à tout ce qui a été dit ci-dessus sera rappelé à l'ordre ; que s'il récidive, il recevra sur-le-champ une réprimande conçue en ces termes : « Monsieur, vous oubliez la parole que vous avez donnée à l'Assemblée de suivre son règlement, etc. » ; qu'il sera choisi pour ce quatre censeurs pris parmi les adjoints, et qu'ils seront placés dans les coins de la salle, etc. ; que le bureau nommera les députés pour recevoir et faire les députations, et ceux qui seront chargés de faire les adresses ou discours nécessaires.
Le chapitre second concerne les motions; il est partagé en trois sections : la première regarde les motions seulement ; l'autre, l'admission de la motion; et la troisième, la manière d'opiner sur la motion.
Toute motion sera présentée au bureau et signée de l'auteur, lequel bureau la rejettera ou l'admettra à sa volonté. La motion approuvée par le bureau* sera lue dans l'Assemblée générale; et, si elle est soutenue par plus de quatre députés, elle sera communiquée aux bureaux de division, qui voteront séparément, et rapporteront le nombre de voix données pour admettre ou rejeter la motion. La motion ad mise pour enfaire une seconde discussion dans l'Assemblée, chaque bureau aura son orateur qui discuterait nul autre ne pourra parler. L'on remettra au président les noms des orateurs qui doivent discuter le pour et de ceux qui discuteront le contre.
La discussion finie, tous débats seront interdits; personne ne pourra plus prendre la parole, à moins qu'il n'ait quelque chose d'important et de nouveau à communiquer.
L'on réduira la motion, avec son amendement, de telle manière que l'on n'ait plus à opiner que par oui ou par non.
Le bureau ayant examiné que la manière d'opiner par appel nominal, suivie jusqu'à présent, apporte des longueurs, a proposé deux manières
d'opiner ; la première, en se levant et s'asseyant alternativement et en silence, et après un intervalle suffisant pour compter les votants,
La seconde, que les censeurs recueilleront les voix de ceux qui seront dans leurs quartiers, en feront le rapport au président, qui, sur ce résultat, prononcera ce que la pluralité aura décidé.
Plusieurs membres lisent des projets qui ne sont pas discuiés.
On discute d'abord trois points qui ont frappé l'Assemblée :
1° Condamnera-t-on les spectateurs à se réfugier dans les tribunes ?
2° Se formera-t-on par bureau ?
3° Laissera-t-on au bureau toute l'autorité que le règlement lui attribue?
Sur la première question, un membre pense que c'est revenir contre le vœu général de l'Assemblée, qui veut se placer sans cesse sous les yeux de la nation. Sur la seconde, on dit qu'il est impossible de se former en vingt bureaux, attendu que le local n'est pas assez considérable; qu'il n'y a que neuf chambres, même trop petites, pour y recevoir trente personnes ; que cela sera dangereux en ce que telle personne qui a confiance en telle autre ne pourra pas profiter de son avis, en ce qu'une bonne opinion ne sera concentrée que dans une décision de trente personnes. D'un autre côté, l'on prétend qu'il n'est pas du tout impossible de se diviser en bureaux; que si c'est trop de vingt bureaux, on n'en établira que douze, et que la salle et les Chambres suffiront ; que l'on a déjà eu un exemple que les communes se sont rassemblées dans la salle par gouvernements, et que le tumulte n'a nullement troublé cette division; que, loin de priver les membres de l'Assemblée des opinions, elle lui servira à les étendre, en ce que souvent telle personne qui se tait, ou par défaut d'organe et de poumons assez forts pour se faire entendre de six cents personnes, ou parce qu'elle n'a pas l'usage de la parole, exposera son avis avec plus de tranquillité dans une assemblée de trente personnes, et que cela est si vrai qu'il n'y a eu encore jusqu'ici que cinquante personnes qui aient pris la parole; et qu'après l'assemblée particulière de division, tout le monde sera libre encore de parler dans l'Assemblée générale. Sur la troisième question il n'y a que quelques personnes qui se plaignent de voir le bureau érigé en dictateur, maître de rejeter ou d'admettre les motions, et par là de décider en quelque sorte du sort de la nation.
prend la parole. Après avoir démontré l'avantage des bureaux, après avoir dit qu'on devait donner à chaque bureau une matière particulière à discuter, à l'un les impôts, à l'autre le commerce, à celui-ci la justice, à celui-là l'agriculture, etc., il termine par dire que les inconvénients de n'avoir pas de règlement sont si grands qu'il faut adopter provisoirement le règlement, et passer préalablement à son examen.
Plusieurs membres sont de son avis. Cependant, après bien des débats, après que M. le Doyen eut fait tous ses efforts pour ramener les esprits à cet objet, l'on réduisit l'exécution provisoire à l'article II du règlement, c'est-à-dire à la formation des bureaux.
On reprend la délibération sur l'adresse du clergé.
Plusieurs membres pensent qu'il faut députer à l'instant au Roi pour l'instruire de la délibération
des communes; d'autres qu'il faut lui faire parvenir une adresse.
Il s'élève une discussion très-intéressante.
Un des membres soutient qu'il faut demander l'exécution de la déclaration de 1709, qui, donnée dans un temps de disette, porte que tous les propriétaires, soit laïques ou ecclésiastiques, nobles ou roturiers, donneront un état des grains qu'ils ont dans leurs greniers; qu'ils ne seront autorisés qu'à garder ce qui leur est nécessaire pour les besoins de leur famille; que le reste sera conduit au marché et à un prix déterminé ; qu'il faut aussi demander l'exécution des lois canoniques, qui ordonnent que les bénéficiers restitueront aux pauvres les revenus des bénéfices, à l'exception de ce qui est nécessaire pour leur subsistance.
Un autre ajoute qu'il faut se retirer par devers M. le contrôleur général, et lui demander les états faits tous les nuit jours des grains importés dans le royaume.
Il n'est pris aucune résolution, et le président lève la séance.
Suite des conférences en présence des commissaires du Roi.
Une grande partie de cette séance est consommée en de longs débats sur le procès-verbal dont les commissaires de la noblesse ne veulent pas que l'authenticité soit constatée, même par la signature d'un secrétaire, toujours sur le motif par eux précédemment allégué.
M. le garde des sceaux demande aux commissaires des trois ordres quel est le parti que leurs Chambres ont pris sur le rapport à elles fait de l'ouverture proposée par les ministres du Roi.
Les membres du clergé disent que leur Chambre a accepté avec empressement et reconnaissance l'ouverture faite au nom du Roi.
Les commissaires de la noblesse font lecture de .la délibération prise le jour même par leur Chambre.
Ceux des communes rendent compte de la délibération prise par l'Assemblée de leurs députés, d'attendre, pour délibérer avec une plus grande maturité et une plus grande instruction dans une circonstance aussi importante, la fin des conférences et la clôture du procès-verbal.
Un membre des communes dit qu'il leur reste à exposer leurs moyens de droit ; que, sur cette partie, il sera très-court. MM. de la noblesse annoncent qu'ils ne veulent plus rien répondre.
Il est impossible de prétendreque les pouvoirs des députés aux Etats généraux puissent avoir d'autres juges naturels que le corps entier des représentants de la nation. Quelle serait l'autorité d'une délibération prise par des hommes qui n'auraient pas le droit de délibérer? Le concours des hommes dénués de ce droit, à un acte aussi important, serait l'usurpation de la plus inaliénable des autorités. Chaque assemblée de bailliage donne aux députés des trois ordres qu'elle envoie aux Etats généraux un mandat qui, soit formel, soit tacite, n'en est pas moins spécial, pour vérifier à quel titre les représentants des trois ordres, dans les autres bailliages, viennent concerter avec eux les arrangements pour l'intérêt public. Tous sont dépositaires à cet égard du droit qu'a la nation d'empêcher que ceux qui n'ont pas sa confiance usurpent l'influence qu'elle doit assurer. Tout droit confié par autruif et, plus encore,
confié par un peuple entier, impose un devoir rigoureux dont on est comptable à ceux qu'on représente. Ce devoir étant commun à tous les membres de l'Assemblée nationale, ne peut être rempli qu'en commun dans l'Assemblée générale, où tous les députés sont réunis. Aucune Chambre séparée ne pourrait être exclusivement revêtue du droit qui s'y trouve attaché vis-à-vis des membres qu'elle renferme, car aucune Chambre ne peut disposer de l'autorité de la nation.
Les faits opposés sont sans conséquence devant des principes si simples et si raisonnables. Les droits d'une nation ne peuvent pas être aliénés parce qu'elle a négligé d'en faire usage. Ces devoirs ne peuvent pas être anéantis parce qu'elle a négligé de les remplir.
La discussion étant épuisée, la séance est continuée à un autre jour pour la lecture et la clôture du procès-verbal.
Cette opération a été faite le 9 juin, après que les commissaires de la noblesse ont reconnu l'exactitude du procès-verbal.
La séance est levée.
Séance dn
COMMUNES.
A l'ouverture de la séance, M. Dupont rend compte de la conférence qui a eu lieu hier.
Un membre fait lecture des deux premiers articles du règlement provisoire, lesquels sont relatifs à la manière de former les bureaux, et au nombre des députés qui doivent composer chaque bureau.
Un membre propose de former vingt bureaux qui pourront se tenir chez différents députés.
J'observe qu'il ne faut pas consumer le temps en discussion. Le nombre de vingt bureaux et celui de trente députés par bureau doit être adopté ; mais je ne suis pas d'avis qu'ils se tiennent chez les députés.
Un membre. Je crois que pour détruire tout esprit particulier de province, et pour confondre tous les intérêts, il est essentiel de ne pas placer dans le même bureau plusieurs députés de la même province. Je propose en conséquence de composer le premier bureau du premier député inscrit sur la liste, du 21e, du 41e, ainsi de suite jusqu'à ce qu'il y en ait trente, que le 31e député de la liste soit le premier du second bureau, et ainsi de suite.
L'Assemblée adopte la proposition et le mode d'exécution.
La séance est levée.
Séance du
CLERGE.
Vingt-quatre membres sont nommés pour aller à Meuaon jeter l'eau bénite sur le corps de Mgr le dauphin.
, archevêque d'Arles, fait le rapport de la conférence tenue le 6 devant les commissaires du Roi.
On lit la réponse faite par le Roi à la députation qui est allée communiquer à Sa Majesté les inquiétudes dont la Chambre est pressée sur les besoins et la misère du peuple. Elle est conçue en ces termes :
« Les objets que me présente la délibération du clergé fixe depuis longtemps mon intérêt et mon attention. Je crois n'avoir négligé aucun des moyens propres à rendre moins funeste l'effet inévitable de l'insuffisance des récoltes. Mais je verrai avec plaisir se former une commission des Etats généraux qui puisse, en prenant connaissance des moyens dont j'ai fait usage, s'associer à mes inquiétudes et m'aider de ses lumières. »
Ensuite on lit plusieurs mémoires sur le commerce des grains et sur les moyens de soulager le peuple.
La séance est levée.
NOBLESSE
La séance est employée à l'examen de quelques élections contestées, et particulièrement de la députation du Dauphiné.
COMMUNES.
, en ouvrant la séance, annonce qu'il y a trois objets qui doivent occuper l'Assemblée.
1° Nommer les adjoints et un doyen.
2° Déterminer le nombre, et choisir ceux qui iraient en députation jeter, ce soir à cinq heures, de l'eau bénite sur le corps de feu Mgr le dauphin.
3° Que plusieurs personnes demandent l'impression de la délibération du clergé, prise le 6, et la réponse des communes.
Les députés se rassemblent par gouvernements pour nommer leurs adjoints, qui sont :
MM. Blanquart Dessalines, Giraud Duplessis, Tixedor, Pernel, Gérard de Vie, de Luze de l'Etang, Schmitz, Vaillant, Warel, Enjubault de la Roche, Populus, Camus, Houdet, Rousselet, Meynier de Salinelles, Dabbadie. MM. Boëry, Pison du Ga-land, Milanais et Rewbell sont rappelés au bureau par une nouvelle élection.
MM. les adjoints sont chargés de procéder à l'élection d'un nouveau doyen. lisse retirent pour faire le scrutin : ils rentrent dans la salle, et annoncent que M. Bailly a de nouveau réuni les suffrages. De vifs applaudissements se font entendre. M. Bailly profite d'un moment de silence pour témoigner à l'Assemblée sa reconnaissance. On l'applaudit de nouveau, et il ne peut continuer son compliment.
On procède à la nomination de la députation qui doit rendre lés derniers devoirs à feu Mgr le dauphin. MM. du bureau sont chargés de faire le choix des membres qui doivent la composer, lis nomment tous les anciens adjoints.
Un membre. Je demande qu'on publie, par la voie de l'impression, l'arrêté du clergé relativement au prix excessif des grains, l'invitation que les communes ontfaite dans la même séance, et la réponse qu'a donnée le clergé à cette invitation.
Un membre. Je représente qu'il faut attendre la délibération ultérieure que le clergé a promise, v et qu'il ne peut différer sans se compromettre.
Cet avis est adopté.
Messieurs, c'est d'après les propositions réitérées qui vous ont été faites de vous constituer, que j'ai demandé la permission de parler : le moment approche où il devient instant n'en délibérer ; les provinces, la capitale attendent avec inquiétude le parti que vous allez prendre.
Dans la situation où est le royaume, d'après la division subsistante entre les membres des Etats, il n'est point de plus grand intérêt qui puisse nous occuper. Il me semble que la nation tout entière est dans cette enceinte, qu'elle se présente à nous sous les traits d'une mère éploré ; et qu'en s'adressant au clergé, à la noblesse, aux communes, elle leur crie : Arrêtez, mes enfants, voulez-vous déchirer mes entrailles ? qui de vous oserait porter sur mon sein une main sacrilège ? Ah! Messieurs,nous ne mériterons pas ce reproche; mais je dis plus, il faut que notre prudence l'épargne même à nos frères ; il faut que notre sage fermeté réconcilie l'orgueil des intérêts privés avec la dignité de l'intérêt public.
Avant de développer cette réflexion, digne, Messieurs, de toute votre attention, qu'il me soit permis de mettre sous vos yeux notre situation actuelle. Dans toutes les discussions qui nous ont occupés jusqu'à présent, nous avons énoncé des principes, des volontés ; il nous reste à chercher des moyens, à les mesurer sur des obstacles, à faire entrer en considération les résistances, les déchirements, les dangers, à calculer les forces ^ politiques et celles d'opinions qui sont pour et contre nous. Enfin, Messieurs, nous connaissons à peine le terrain sur lequel nous devons marcher ; vous trouverez bon, sans doute, que j'essaie de le parcourir, car nous ne devons adopter aucun i mode de constitution sans savoir où il nous con-| duit et ce que nous en pouvons faire.
Nous sommes, Messieurs, au bord d'un précipice. Le patriotisme, les vertus publiques, s'éteignent dans la servitude, et ne peuvent renaître en cet instant que dans les cœurs généreux qui trouveraient encore plus de grandeur à souffrir qu'à opprimer. Mais ne nous dissimulons pas que la régénération de l'Etat, le rétablissement des droits nationaux et de la puissance royale (car le mépris des uns entraîne tôt ou tard la ruine de l'autre), la réforme des abus, ont de nombreux et de puissants ennemis. « Ce n'est pas nous, disait un député des privilégiés, qui avons besoin des Etats généraux ; nous les tenons pour le peuple, et s'il se rend difficile, nous y renoncerons volontiers. » Cette parole ingénue est pour nous d'un grand sens, car elle révèle le secret de tous les abus, de tous les privilèges, de toutes les dominations interposées entre le principe et le peuple, et qui doivent fléchir sous la puissance des lois, lorsque les lois seront l'expression de la volonté générale.
Observez en effet, Messieurs, que Tordre des choses ancien était parfait pour tous ceux qui en jouissaient. Les grands, dans une indépendance
presque entière des lois et de l'ordre public, y déféraient par convenance et par honnêteté. Leurs hommages au monarque, magnifiquement payés, étaient le signe unique de leur condition de sujets. Les ministres, vice-rois dans leurs départements, n'avaient à craindre que les intrigues de la cour et les attaques des parlements : les cours souveraines exerçant un empire encore plus étendu et plus inamovible, opposaient les arrêts aux édits et avaient sur l'administration plus ou moins d'influence. Les commandants et intendants des provinces y jouissaient de l'autorité des ministres. La finance avait unepartdirecteaugouvernement, par l'autorité du fisc qui est entre ses mains, et par les ressources ruineuses qu'elle lui fournissait. Enfin le haut clergé, puissant par ses richesses et son crédit, avait une domination plus réelle par son intervention dans toutes les grandes affaires, ses assemblées périodiques et ses relations immédiates à la cour.
Tous ces pouvoirs, souvent en opposition, auraient maintenant un intérêt commun à se rallier: au moins nous devons le craindre, Messieurs, en distinguant par nos éloges et notre reconnaissance ceux qui, dans les premières classes, ont de plus justes idées de la véritable grandeur, et, mettant au-dessus de tous les titres celui de citoyen, ne veulent point laisser le Roi seul au milieu de sa cour ; car ce généreux prince s'est le premier montré enflammé du saint amour de la patrie : et lorsque nos divisions pourraient être l'espoir de la tyrannie, elles sont l'objet de la sollicitude et de l'affliction du père commun et de ses vertueux conseils. Lorsque la mort d'un fils chéri appelle auprès du Roi les consolations de ses peuples, ses larmes paternelles se répandent également, et sur l'enfant précieux qu'il a perdu, et sur cette grande famille dont l'existence ne peut être heureuse que par la paix et l'harmonie. Ne la troublons donc pas, Messieurs, nous qui en avons le plus besoin. C'est assez, c'est déjà trop que le clergé et la noblesse tendent à s'isoler du corps national ; si nous ne pouvons les attirer à nous, gardons-nous bien de nous éloigner d'eux ; laissons de leur côté les torts et les dangers d'une séparation \ restons, Messieurs, ce que nous sommes, soit qu'ils s'unissent à nous, soit qu'ils s'en séparent ; nous sommes les re-présentants du peuple: cette grande existence ne peut nous être contestée ; et, en la conservant sans usurpation dans son intégrité, nous réaliserons les espérances de la nation, malgré tous les efforts des ennemis du bien public. Oui, Messieurs, il dépend de vous de dissiper l'orage qui gronde sur nos têtes ; et il ne dépend plus des ordres privilégiés, si nous sommes prudents et fermes, d'empêcher la plus heureuse issue des Etats généraux.
La nation, consultée par le Roi, dans toutes ses subdivisions territoriales, s'est expliquée sur tous les points qui l'intéressent ; et pour la première fois, par un heureux accord, son vœu est unanime sur tous les points fondamentaux. Nous connaissons les cahiers de tous les ordres dans tous les bailliages du royaume ; il n'en est aucun qui ne s'exprime affirmativement sur les articles indiqués dans le résultat du Conseil du 27 décembre. • Voilà donc l'émission solennelte du vœu national, dont nous sommes les mandataires. Ce n'est qu'en descendant dans les détails de la législation et de l'administration que nous avons le droit d'une discussion libre et d'un suffrage volontaire. Quant à la réintégration des droits de la nation, elle les réclame par une volonté unanime; et
c'est en ce sens seulement que nos pouvoirs peuvent et doivent être limités.
Leur vérification, différée jusqu'à présent, s'opérera en commun, Messieurs, quelle que soit l'issue des conférences ; car je distingue l'exhibition de nos titres de députation delà véritication effective des suffrages nationaux sur tous les points de constitution, tels qu'ils sont exprimés dans nos cahiers. Cette dernière opération pourrait se faire avec la plus grande authenticité, malgré le refus même des mandataires ; la volonté des constituants, légalement énoncée, étant la véritable et l'unique puissance de leurs représentants. Peu importe que ceux-ci soient discords dans les formes, pourvu que les pouvoirs respectifs et les vœux esprimés soient en harmonie. Or, nous sommes assurés, Messieurs, de cette concordance sur les points essentiels ; il ne s'agit que de la manifester ; mais il faut pour cela que nous développions le caractère national dont nous sommes revêtus, et que nous en déterminions l'exercice par la réunion et la manifestation des vœux de l'universalité du peuple français.
Je crois, Messieurs, qu'il n'est point de puissance qui soit en état de contrarier celle-là ; et je ne crains le veto d'aucun ordre contre les intentions promulguées de 25 millions d'âmes qui composent l'empire français. J'aime au contraire à espérer que le clergé et la noblesse, rassurés sur nos dispositions s'uniront à nous par une délibération commune, pour l'œuvre immortelle de la régénération de la France.
Supposons cependant, ce que je n'ai garde de )enser, que les ordres privilégiés voulussent s'opposer à quelqu'une des lois salutaires que toute a France attend et sollicite; croyez-vous, Messieurs, qu'une telle entreprise ne serait pas plus dangereuse pour ses auteurs que pour nous ? Hé ! qui pourrait contenir l'indignation universelle qu'elle exciterait? Qui pourrait rendre au clergé et à la noblesse le crédit, la considération, la confiance publique? Et que signifient toutes les distinctions, si vous en retranchez celle-là? Ce n'est point la vanité seulement qui a créé les prééminences de rang, de naissance et de dignité ; elles ont une destination utile et nécessaire dans une monarchie. Mais si leur action devient oppressive et malfaisante, dans le moment où un peuple éclairé s'agite et se dirige vers un meilleur ordre de choses, c'est alors la lutte d'un enfant opiniâtre, dont les caprices se taisent devant la raison d'un homme robuste.
Ecartons, Messieurs, ces sinistres présages, et ne présumons pas que l'élite des classes privilégiées soit moins empressée que nous de servir efficacement la patrie. Des préjugés, des inquiétudes mal fondées sur nos propres dispositions, les éloignent de nous. La sagesse, la justice, l'intérêt national nous rapprocheront. Arrêtons-nous aux exemples de patriotisme et de vertus publiques qu'ont donnés si souvent à la nation le clergé et la noblesse, et n'imitons point celui d'une séparation prononcée par le veto; n'adoptons pas la constitution de notre Assemblée en Assemblée nationale.
Il J'avoue, Messieurs, que la proposition de cette j mesure m'a toujours alarmé. Elle est inutile aux ( intérêts de nos commettants. Elle est au-dessus fde nos pouvoirs. Elle nous ferait perdre tous les avantages de notre position. Elle produirait la dissolution des Etats généraux. Elle exciterait les troubles les plus funestes.
Ce serait en effet attenter aux droits civils et politiques de la nation, que de la déclarer complé-
tement représentée en l'absence des plus grands propriétaires et des premiers citoyens, qui sont les députés du clergé et de la noblesse. Aussitôt des protestations solennelles de la part des deux ordres obtiendraient l'appuidescours souveraines, et imprimeraient sur no3 opérations un sceau de nullité qui ne pourrait être effacé que par la force, dont nous n'avons garde de désirer et encore moins de provoquer l'emploi.
Serait-ce donc là, Messieurs, le terme des espérances de la nation et des efforts généreux du monarque pour la régénérer? Nos dissensions appelleraient encore le pouvoir absolu ; car lorsque la puissance élémentaire, au lieu de s'ordonner et d'agir, se déchire, il faut bien que la puissance publique déposée dans les mains du monarque veille au salut de tous et nous préserve de l'anarchie.
Ah ! j'ose croire que vous préférerez le parti le plus sage, et dès lors le plus sûr, celui qui se lie aux plus solides appuis de la société : la justice, la vérité, la prudence, la fermeté. Si nous n'avions pas des droits à réclamer, si nous ne les réclamions pas avec modération, si nous n'avions pas des pouvoirs et une force réelle ; si nous les exagérions, si nous voulions être plus que nous ne sommes, si nous attaquions le clergé et la noblesse en ennemis, tous nos projets se fonderaient sur le sable, et nos déclarations, nos adresses au Roi ne seraient que des paroles bruyantes, inutiles pour nous, embarrassantes pour Sa Majesté, funestes à la nation. Mais en nous tenant dans une juste mesure, en nous constituant ce que nous sommes, Jegjeprésentantsj.ujpeuple) en n'offrant au Roi què ce que nous pouvons tenir; en ne demandant que ce qu'il est juste d'accorder : en ne nous subordonnant point au veto des ordres privilégiés ; en ne nous permettant aucune offense contre eux, nous finirons par arriver ensemble à une constitution ; et le temps, la raison, les Assemblées subséquentes de la nation, applaniront tous les obstacles que nous n'aurons pu détruire.
C'est au nom de la patrie, Messieurs, et de nos devoirs les plus sacrés, que je soumets à votre sagesse ces observations. Ne bravons pas inutilement les dangers qui nous menacent, lorsque nous pouvons les éviter. N'adhérons à aucune prétention destructive des droits essentiels du peuple et des principes qui les conservent. Développons notre caractère, usons de nos pouvoirs tels qu'ils sont, et n'allons pas chercher au delà des difficultés et des malheurs.
Un membre. J'observe que ce n'est pas le moment de se livrer à la discussion des principes adoptés par M. Malouet; l'Assemblée doit être conséquente dans ses démarches, et elle ne le sera point si l'on ne se hâte de rejeter la proposition de M. Malouet.
En effet, on ne peut se décider, même sur l'adoption d'aucun projet conciliateur, que le jour de la clôture du procès-verbal, et c'est demain qu'elle doit se faire : alors, il sera temps d'examiner l'ouverture donnée par les ministres du Roi, la motion de M. Malouet, et toutes celles qui pourraient être faites sur le même objet. On ne peut pas d'ailleurs délibérer encore sur cette motion, puisque les communes ayant fait une première invitation à MM. du clergé de se réunir à elles dans la salle nationale et leur en ayant fait une seconde dans le même objet, le 6 de ce mois, il faut nécessairement en attendre la réponse.
Enfin, on examinera la motion do M. Malouet quand il en sera temps.
M. Malouet fait des efforts pour répondre au préopinant.
M*** député du Languedoc. Faut-il donc tant ijnultiplier la délibération? Il ne s'agit pas de représenter ici un projet de conciliation, mais plutôt de suivre celui que nous avons formé hier. Tant de variations n'annoncentqu'uneversatilitéd'opi-ilions et d'idées qui ne doit pas se manifester dans une si solennelle Assemblée. L'on a décidé hier que nous nous assemblerions en bureaux : formons donc ces bureaux ; voiJà ce qui doit nous occuper *
| Quant à la motion de M. Malouet, ce n'est pas l|e moment de la mettre en délibération ; il ne nous reste qu'à le remercier des idées qu'il nous a communiquées. Jusqu'ici il a bien voulu le faire à presque toutes les séances ; espérons de son patriotisme qu'il s'empressera, dans un moment plus favorable, de remettre sous nos yeux celles dont il nous vient de faire part, et «qu'à l'avenir il ne cessera de nous communiquer ses iféflexions, puisqu'il n'a jamais cessé de le faire.
M; Malouet convient que sa motion est prématurée.
MM. le comte de Renaud, le marquis de Rou-vray, le comte de Magallon, le marquis de Péri-gny, le chevalier de Cocherel, Bodkin-Fitz-Gé-rald, le marquis de Gouy et le chevalier Dougé seprésentent-comme députés de Saint-Domingue; ijls remettent une requête cachetée ; ils demandent que son ouverture soit différée jusqu'au moment où les Etats généraux seront constitués; et cependant ils réclament leur admission provisoire.
L'Assemblée leur accorde la faculté d'assister 4ux séances sans suffrages, jusqu'à ce que leurs droits et leurs pouvoirs soient reconnus.
On s'est occupé de la formation des bureaux. M. Bailly, pour proportionner leur nombre à 1 étendue du local, propose de n'en faire que dix. M. Target rappelle qu'il a été décidé la veille qu'il en sera établi vingt, et que d'ailleurs la division proposée par M. Bailly compose les bureaux de 60 membres, qui, selon lui, ne peuvent pas délibérer plus paisiblement que six cents.
MM. les adjoints déclarent immédiatement après quels sont les trente membres qui doivent composer chacun des vingt bureaux. La voie du sort détermine le local pour chacun d'eux, et il est Convenu que tous les soirs les députés se rendront respectivement à leurs bureaux.
La séance est levée.
Séance du
CLERGÉ.
I Plusieurs membres demandent de nouveau qlu'il soit décidé parla Chambre que les commissaires du clergé signeront les procès-ver baux, puisqu'ils contiennent véçité.
! Cette proposition donne lieu à de nouveaux débats.
i Les cures veulent qu'on regarde cela comme dléjà décidé. Le haut clergé, cependant, obtient du'on ira encore aux voix sur cet objet, et il est décidé, à une très-grande majorité, que tous les dommissaires du clergé, curés et évêques, signe-
ront le procès-verbal des conférences, s'il est reconnu exact par les commissaires des trois ordres, sous la condition que l'on ne pourra induire des qualités ou dénominations employées dans le procès-verbal, aucune conséquence qui préjudicie à aucun droit, ou èn confère aucun.
NOBLESSE.
La Chambre s'occupe du jugement de la députation du Dauphiné ; elle entend et examine les réclamations faites à ce sujet.
(l). Messieurs, les habitants d'une grande province ont voulu se donner la constilution d'un peuple libre sous un Roi iuste. Le prince les a rassemblés lui-même; il leur a déclaré par l'organe de son commissaire, qu'il les convoquait pour peser avec eux dans une seule balance tous leurs intérêts différents; pour les consulter sur les moyens les plus sages d'établir leur nouvelle constitution, et pour les mettre à l'abri, par sa sanction royale, de toutes les réclamations auxquelles d'anciennes formes pourraient servir de prétextes.
Les trois ordres réunis ont dressé un plan de contitution et d'états provinciaux, ont fait un projet de règlement et les ont envoyés au Roi, en le priant de sanctionner leurs délibérations. Deux mois après, ils ont reçu cette sanctioh du Roi, ils ont reçu des règlements du Roi, les ont trouvés conformes à leurs vœux, en ont modifié quelques-uns, les ont tous consentis, et le commissaire du roi a dit à l'Assemblée : Vous êtes parvenus à consommer l'ouvrage de la bienfaisance de Sa Majesté. La constilution qui va régir cette province a reçu de vos mains cette empreinte qu'on devait attendre de sujets également éclairés et fidèles.
Les nouveaux états de la province se sont formés ; ils ont ouvert leurs séances le premier décembre 1788. L'Assemblée qui avait été leur berceau s'était déjà occupée de la manière d'élire les représentants du Dauphiné aux états généraux. Elle en avait fait l'objet du cinquantième article dans son projet de règlement. Les états en ont réclamé l'exécution. Le Roi l'a autorisée. Une instruction ministérielle annoncée pour le 26 décembre, n'étant pas encore arrivée le premier janvier, il a fallu la prévenir pour céder aux vœux de la province et pour se préserver des inconvénients que le Roi lui même avait craints pour elle. Le règlement consenti par le Roi a été exécuté, 144 députés élus librement dans toutes les parties du dauphiné se sont joints aux 144 membres des Etats et les trois ordres réunis, c'est-à-dire la nation dauphinoise en corps a nommé 30 représentants aux Etats généraux. L'instruction ministérielle est arrivée, elle fixait le nombre de ces représentants à 24 et la nation en a retranché 6. Le scrution avait été ouvert le premier janvier, la clôture des Etats a été annoncée pour le 16 ; il n'y a eu aucune réclamation de la part du gouvernement et le jour de la clôture, le commissaires du Roi a dit aux Etats : « Une sagesse profonde a dirigé vos démarches et présidé à vos choix. »
Enfin le 7 avril dernier, le Roi a écrit à la commission intermédiaire représentant les
Etats er jan vier et
jours sui v an ts, de se rend re à Versailles le 27 pour l'Ouverture des Etats Ils s'y sont
rendus.
Voilà le tableau résumé, mais fidèle, de ce qui s'est passé en Dauphiné, voilà comment et par qui ont été choisis, nommés, appelés, les réprésentants de cette province; et je doute que l'on ait jamais vu un plus beau développement de constitution politique, un accord plus noble et plus touchant de toutes les parties du pouvoir législatif, de la puissance nationale et de la puissance royale, de l'autorité légitime et d'une sage liberté.
Eût-on cru que de tels députés pussent jamais éprouver de contestations, qui a donc pu les élever?Le Roi dit-il qu'il a été surpris? Non. La nation prétend-t-elle qu'on l'a trompée?Non.La majorité des représentants revient-elle contre son choix? Non. Les procès-verbaux offrent-ils traces de violence, de surprises, de réclamations, de protestations? Non.
Qu'a-t-on donc opposé à une élection qui a été graduellement l'ouvrage de 700,000 hommes réunis eu corps de nation? L'histoire sera em barrassée de le dire, et la postérité refusera de le croire, on a opposé aux vœux de700,000 hommes, 146 signatures isolées, sansautorité, sansmission, même sans authenticité, d'abord dispersées sur des mémoires qu'on a fait courir dans les châteaux, dans les villes, dans tous les coins de la France et réunies au nombre de 142 sur un acte de protestation, daté du 18 janvier, qu'on a fait signer à la commission intermédiaire des Etats, trois mois après la clôture des Etats.
Je vois à la tête de ces signatures celle d'un prélat qui a suivi, approuvé, signé, depuis le commencement jusqu à la fin, toutes les opérations de la province, de ses assemblées, de ses étals, de ses élections et qui n'avait pas assez de toute la chaleur de son âme et de son éloquence pour bénir, pour exalter cette même constitution, contre laquelle il s'élève aujourd'hui.
Si je parcours les noms qui suivent le sien, quel inconcevable calcul que celui qui se pré-^ sentel sur 142 réclamants dont on produit, dit-on, les signatures, j'en trouve :
Dix-neuf qui avaient signé, qui avaient rédigé les plans de la constitution, les procès-verbaux des Etats, la nomination, les pouvoirs, le mandat des députés.
Cinquante-trois qui avaient formé, approuvé, signé les assemblées et instructions élémentaires.
Sept doublement employés sur la liste de manière qu'ils en présentent quatorze.
Onze qui ont désavoué ou l'usage de leurs signatures ou leurs signatures, sans en compter quatre qui avaient également désavoué la leur avant la signification de la liste.
Un, enfin, que l'on prétend avpir signé et qui est mort depuis quatre ans. •
Je ne parle pas de vingt-sept étrangers dans la province, ou inconnus, ou sans propriété ni domicile, ou mineurs, parce que les dissidents hier m'ont paru en nier vingt et unv et que c'est le seul article sur lequel ils aient pu répandre quelques doutes; sur tout le reste, leur silence a été un aveu, ou leur dénégation, en ébranlant un fait, en a confirmé dix autres.
A la suite de cette première liste signifiée par huissier, j'en trouve une seconde produite devant la Chambre et formée de dix-huit autres, sur laquelle les cent-quarante-six noms, déjà dimi-
nués de quatre, se trouvent encore diminués de douze et réduits à cent-trente. Mais qui nous assure qu'une troisième liste n'offrirait pas encore de nouveaux retranchements? S'il ne fallait pas en croire la première, pourquoi faudrait-il en croire la seconde? Quel caractère légal, quel titre d'authenticité peuvent jamais avoir pour nous toutes ces signatures même produites comme originales? Sont-ce des particuliers isolés qui ont signé? Alors de quel droit un individu s'élève-t-jl contre la société entière? Se sont-ils assemblés? Alors c'est une Assemblée illicite, car elle n'a été autorisée ni par la nation ni par le Roi.
C'est au nom de trois gentilshommes, qu'un quatrième, fondé par eux de procuration a signifié aux Etats du Dauphiné représentés par leur commission intermédiaire, une protestation par laquelle il prétendait les frapper de nullité. Ces trois gentilshommes étaient qualifiés dans la procuration: députés des deux premiers ordres 4u Dauphiné, chargés des pouvoirs d'un très-grand nombre de membres de ces deux ordres. Je voudrais qu'on me fît comprendre comment on est député d'un ordre en étant chargé des pouvoirs d'un très-grand nombre de membres de cet ordre. C'est une expression vague et relative que celle d'un très-grand nombre. Cent-huit gentilshommes pris isolément peuvent paraître un très-grand nombre, ils en deviennent un très-petit, rapprochés de cinq cents gentilshommes qui composent la noblesse du Dauphiné.
Quant aux vingt-deux ecclésiastiques réclamants, comparés aux dix-neuf cent soixante-dix-huit non réclamants, j'ai plus de peine encore à concevoir comment ils peuvent former un très-grand nombre de membres de leur ordre, et comment les chargés de pouvoirs de vingt-deux, peuvent se dire députés de deux mille, car pour les douze cents curés qui s'ébranlent, ainsi que nous l'avons dit hier, je cherche à oublier cette expression quime présente involontairement, non pas une réclamation spontanée, mais l'effet d'une impulsion étrangère de trouble et de discorde.
J'avoue, Messieurs, qu'il ne m'en faut pas davantage pour fixer mon opinion.
J'avoue que je ne puis pas prendre sur mpi d'entrer dans l'examen d'objections produites avec ces seuls garants, fussent-elles aussi solides qu'elles sont frivoles; où il n'y a pas de contradicteurs, je ne puis voir de contradictions.
Les dissidents, pour échapper et à l'autorité des Etats qu'on leur citera toujours, et au reproche de désavouer leur propre ouvrage, prétendent que tout a été entraîné dans les Etats du Dauphiné, par une majorité constante, qui augmentait, disent-ils, chaque jour, parce que les ambitieux et les pusillanimes se tournaient d,u côté du plus fort, et qu'ils prirent le parti de ne plus répliquer à leurs adversaires que par dçs nuées indécentes.
Mais les signatures que ces dissidents ont opposées aux délibérations des Etats, à la nomination, au mandat, aux pouvoirs des députés, est-ce la majorité qui les leur a arrachées ?
Mais ces éloges, ces bénédictions qu'ils ont prodiguées à leur constitution, qui sont consignées dans les procès-verbaux, est-ce la majorité qui les a forcés de les proférer?
En vérité, Messieurs, c'est une majorité bien imposante que celle des Etats du Dauphiné, quand on songe qu'elle a été consacrée par la majorité, je dirais presque l'universalité de la France. Qui de nous n'a pas partagé ce sentiment? Nous l'avons vue cette province dont on
calomnie les institutions, nous l'avons vue portant les coups les plus mesurés et les plus sûrs àu despotisme ministériel, donnant à tout l'empire le premier mouvement de liberté, mais d'une liberté toujours forte et toujours prudente, accordant tous les devoirs, conciliant tout ce qui est dû à la prérogative du trône, aux vertus du Roi, aiux droits des peuples; réclamant pour les Bretons captifs; réclamant pour les magistrats exiles; consultée par la plupart des autres provinces; leur donnant la leçon et l'exemple de sacrifier leurs privilèges particuliers à l'intérêt général de tout le royaume, nous l'avons entendue répétant sjans cesse ce cri sauveur de l'Etat : « Ne soyons plus Dauphinois, Béarnais, Bretons, Provençaux, soyons Français, Messieurs; nous étions menacés alors, nous étions attaqués dans nos droits les rilus chers, nous envisagions des défenseurs dans les Dauphinois; nous étions remplis pour eux d'admiration, de reconnaissance. Tous ces sentiments se seraient-ils effacés avec le danger?Nous cjroirions-nous déjà assez loin de tout danger pour pouvoir être ingrats impunément? Et pour pfrix de la paix et de la liberté qu'ils ont apportées, leur renverrons-nous le trouble, la discorde, lès haines que nous pouvons étouffer par notre jugement et auxquelles nous les livrerions en renversant leur constitution, j Sans doute, ils ont fait une faute et la justice nbe force de l'avouer au milieu de tous les hommages que je leur rends. Ils ont fait une grande mute dans ce mandat obligatoire dont ils doivent Aujourd'hui sentir les conséquences. Mais la faute peut se réparer et disparaître, et le bien qu'ils nous ont fait restera toujours. D'ailleurs, cette question est étrangère à celle que nous traitons actuellement, dussent leurs députés être obligés de se retirer dans quelques jours, du moins alors leur retraite sera volontaire. Ce ne siéra pâs nous qui l'auront forcée, nous n'aurons fias à en répondre. Ce sera la suite, ce sera, si loti veut, la peine de leur erreur, ce ne sera pas effet de notre injustice.
j Enfin, Messieurs, en terminant mon opinion, je songe encore et je songe avec satisfaction que là cause des Dauphinois est particulièrement la cause de la noblesse. Lorsque l'heureuse révolution qui se prépare sera consommée, lorsque ljhistoire en retracera l'intéressant tableau, elle sera obligée de remarquer que tous les ordres et tous les citoyens n'auront pas marché partout d'un pas égal. Peut-être sera-t-il quelques parties du royaume où la noblesse se sera laissée prévenir ; "mais en Dauphiné, Messieurs, la noblesse a toujours marché d'un pas égal et a quelquefois devancé. On l'a vue, on l'a entendue partout, et lorsque l'étendard de la liberté a été levé et lorsque les premières Assemblées ont été formées, et lorsque des députés ont été envoyés vers le Roi, et lorsqu'ils ont demandé tout à la fbis des Etats généraux pour la France et des Etats particuliers pour le Dauphiné, car jamais ils ne se sont isolés. El ceux qui ont sollicité si vivement, si efficacement les Etats généraux, seraient repoussés par les Etats généraux! Et ceux qui ont fait la gloire de la noblesse seraient repousses par la noblesse! Cela est impossible, Messieurs, nous ne renverrons même point l'examen aux commissaires conciliateurs, ce serait annoncer que nous avons trouvé une difficulté où il n'en existe pas. Gentilshommes, magistrats, citoyens, nous nous empressons d'admettre et a entendre ceux qui ont honoré la noblesse, défendu les lois et fondé la liberté !
L'examen n'est pas terminé; mais à la pluralité de 128 voix contre 82, la contestation est renvoyée aux commissaires conciliateurs.
COMMUNES.
La séance est ouverte à neuf heures.
, doyen, dit que, la veille, à cinq heures du soir, il s'est rendu à Meudon avec MM.les adjoints, et qu'ils ont été reçus de la même manière que MM. du clergé et de 'la noblesse; il entre dans le détail du cérémonial qui a été observé. Le voici :
MM. les députés ont été reçus à leur arrivée par le concierge, et introduits dans un salon tendu de blanc. Ils y ont trouvé les manteaux nécessaires pour la cérémonie. Un moment après, un huissier est venu les avertir.
M. le grand maitre et MM. les maîtres des cérémonies les attendaient à la porte du vestibule, et les ont conduits dans la salle des gardes où ils ont * été annoncés par l'huissier. Le grand maître des cérémonies et ses aides sont venus dans cette pièce au-devant d'eux.
En entrant dans l'antichambre, ils ont été annoncés de nouveau. Alors MM. les sous-gouverneurs se sont présentés; ils sont entrés tous ensemble dans la chapelle ardente.
Ils y ont trouvé des carreaux sur lesquels ils se sont mis à genoux en face du catafalque, au pied duquel étaient, d'un côté, en grand habit de deuil, avec le collier de l'ordre du Roi, M. le duc d'Har-court, gouverneur de Mgr le dauphin, et de l'autre, M. le cardinal de Montmorency, grand aumônier de France, accompagné de plusieurs autres aumôniers. .
M. le grand aumônier a entonné le De profun-dis, après lequel les hérauts d'armes ont présenté le goupillon à MM. les députés, qui tous, l'un après l'autre, ont jeté de l'eau bénite sur le corps.
Ils se sont ensuite retirés, et ont été reconduits par ceux qui les avaient introduits.
Un député de Bourgogne. Je demande qu'il soit imprimé une nouvelle liste des membres de l'Assemblée d'après la formation des bureaux. (Adopté )
MM. les commissaires pour les conférences déclarent qu'ils ont recueilli toutes les notes de MM. du clergé et de la noblesse; qu'ils s'y sont scrupuleusement « onformés, en rapportant ce qui s'est dit de part et d'autre dans le même ordre où les objections et les réponses ont été faites. Cette manière est goûtée et approuvée par l'Assemblée, qui en entend la lecture, à la suite de laquelle l'un d'eux dit que les commissaires des trois ordres se réuniront à six heures du soir chez M. le garde des sceaux, pour la clôture de ce même procès-verbal.
Les députés des colonies se .présentent à l'Assemblée; ils sont admis, non comme représentants, mais comme aspirant à l'être, les Etats généraux devant jprononcer sur le jugement de celte grande question.
expose que M. le cardinal de la Rochefoucauld amis sous les yeux du Roi l'arrêté du clergé relatif à la cherté des grains, auquel Sa Majesté a fait réponse.
Un membre. Je propose de renouveler les instances faites au clergé de se réunir à T Assemblée
des représentants des communes, à l'effet de s'occuper ensemble des mesures nécessaires pour soulager la misère publique.
J'ai entendu dire que le peuple témoigne du mécontentement, et accuse l'Assemblée d'avoir rejeté la proposition du clergé pour favoriser les accapareurs de grains.
M. le doyen demande si quelqu'un veut appuyer la motion.
Personne ne se lève.
Un de MM. les adjoints. Je représente que l'Assemblée a exprimé de la manière la plus énergique son impatience de venir au secours du peuple; qu'elle a constitué le clergé en demeure; que, dans cet état de choses, les reproches ne peuvent, en aucune manière, tomber sur les communes, dont la conduite les met à l'abri de tout soupçon de favoriser les accapareurs de grains; qu'une pareille accusation est d'une absurdité si révoltante qu'il est étonnant que l'auteur de la motion se soit arrêté sur des ouï-dire qui ne méritent pas qu'oïl en rende compte à l'Assemblée; et que tous les membres doivent s'abstenir avec soin de faire des motions sur un pareil fondement.
L'Assemblée applaudit à ces réflexions.
11 est convenu que les matinées seront toujours destinées aux Assemblées publiques et générales, et les après-dînées aux bureaux.
Séance du
CLERGÉ.
, archevêque d'Arles, rend compte des résultats de la dernière conférence tenue devant les commissaires du Roi.
On procède à la vérification des titres pour se préparer à entrer dans les vues de conciliation proposées par Sa Majesté.
Plusieurs curés font la réserve que cette vérification en Chambre séparée ne préjuge rien, ni contre le principe de la vérification en commun, ni contre la réunion des ordres.
La Chambre s'occupe de la commission relative à ta cherté des grains et à la misère du peuple.
NOBLESSE.
On s'occupe, dans la Chambre, du règlement de police intérieure. L'article relatif à la durée de la présidence donne lieu à quelques débats.
Quelques membres veulent que la présidence soit perpétuelle, parce que, disent-ils, il faut une longue expérience pour bien diriger une Assemblée, pour en connaître l'esprit, et en mériter la confiance.
D'autres, en convenant qu'un président a besoin d'acquérir de l'expérience, ne pensent pas que la présidence doive être perpétuelle, et ils croient qu'en en fixant la durée à trois mois on évite à la fois les inconvénients d'une trop longue et d'une trop courte présidence.
D'autres, et c'est le plus grand nombre, pensent que l'expérience d'un président sert encore à tous ceux qui peuvent l'être à leur tour, et que
d'ailleurs le choix de l'Assemblée sera un sûr gâ-rant de celui que les suffrages de ses membres porteront à cette dignité.
Les deux derniers avis se rapprochent, et la durée de la présidence est fixée à deux mois.
La Chambre décide qu'elle aura cinq secrétaires qui seront chargés de rédiger ses délibérations et d'en tenir registre.
La séance est levée.
COMMUNES.
Séance du matin.
, doyen, a annoncé que la veille,' à lOheuresdusoir, le procès-verbal des conférences a été clos et signé par les huit commissaires du clergé, ceux des communes et par le secrétaire, avec mention de la déclaration de MM. de la noblesse qui n'ont point voulu signer ; que ce prj)-cès-verbal est exact dans toutes ses parties.
Un membre demande l'impression du procès-verbal de toutes les conférences.
Elle est ordonnée par acclamation.
, doyen. J'observe que, par l'arrêté du vendredi précédent, il a été sursis à délibérer sur l'ouverture de conciliation présentée par les commissaires du Roi jusqu'après la fin des conférences et la clôture du procès-verbal.
A la vérité, les conférences sont terminées, et le procès-verbal clos ; sous ce rapport, il semble naturel d'ouvrir dès ce moment la discussion sur le plan conciliatoire ; mais le procès-verbal de la conférence de la veille n'a point encore été mis sous les yeux de l'Assemblée ; il doit préalablement être rapporté, et, par cette raison, l'examen du projet des commissaires paraît devoir être renvoyé au lendemain.
Les communes ne peuvent, sans s'exposer aux plus grands dangers, différer plus longtemps de prendre un parti décisif, et je suis informé qu'un membre de la députation de Paris a à proposer une motion de la plus grande importance. %r
D'après le désir que l'Assemblée témoigne le l'entendre, il demande la parole : elle lui est accordée.
Depuis l'ouverture des Etats généraux, les communes ont tenu une conduite franche et impassible ; elles ont eu tous les procédés que leur permettait leur caractère à l'égard du clergé et de la noblesse, tandis que ces deux ordres privilégiés ne les ont payés que d'hypocrisie et de subterfuge. L'Assemblée ne peut rester plus longtemps dans l'inertie sans trahir ses devoirs et les intérêts de ses commettants.
Il faut donc sortir enfin d'une trop longue inaction.
Le peut-on sans la vérification des pouvoirs ? N'est-il pas évident, au contraire, qu'il est impossible de se former en Assemblée active sans reconnaître préalablement ceux qui doivent la composer ?
Comment doit être faite la vérification des pouvoirs? L'Assemblée a prouvé qu'ils ne peuvent être soumis à un autre jugement qu'à celui de la collection des représentants de la nation. (3e principe, dont la vérité est démontrée à chaque page du procès-verbal des conférences, ne peut; être abandonné.
Dans cette position, la noblesse refuse l'ouverture de conciliation ; par cet acte elle dispense lès communes de l'examiner ; car il suffit qu'une partie rejette un moyen conciliatoire pour qu'il doive être regardé comme annulé. L'Assemblée n|'a donc plus autre chose à faire que de sommer lès membres des deux Chambres privilégiées de se rendre dans la salle des Etats pour assister, concourir et se soumettre 5 la vérification coow mune des pouvoirs.
Après avoir ainsi exposé ces motifs, M. l'abbé Sieyès fait sa motion dans les termes suivants :
L'Assemblée des communes, délibérant sur l'ouverture de conciliation proposée par MM. les commissaires du Roi, a cru devoir prendre en considération l'arrêté que MM. de la noblesse se sont hâtés de faire sur la même ouverture. { Elle a vu que MM. de la noblesse, malgré l'ac-qjuiescement annoncé d'abord, établissent bientôt une modification qui le rétracte presque entièrement ; et qu'ainsi leur arrêté à cet égard ne peut êjre regardé que comme un refus positif. J Par cette considération, et attendu que MM. de là noblesse ne se sont pas même désistés de leurs précédentes délibérations contraires à tout projet de réunion, les députés des communes pensent qu'il devient absolument inutile de s'occuper davantage d'un moyen qui ne peut plus être dit conciliatoirey dès qu'il a été rejeté par une des parties à concilier.
Dans cet état des choses, qui replace les députas des communes dans leur première position, l'Assemblée juge qu'elle ne peut plus attendre dans l'inaction, les classes privilégiées, sans se rendre coupable envers la nation, qui a droit, sans doute, d'exiger d'elle un meilleur emploi de spn temps. ^
| Elle juge que c'est un devoir pressant patirj tpus les représentants de la nation, quelle que spit la classe de citoyens à laquelle ils appartiennent, de se former, sans autre délai, en Assamblée active, capable de commencer et de remplir l'objet de leur mission. i L'Assemblée charge MM. les commissaires qui oint suivi les diverses conférences, dites concilia-tôires, d'écrire le récit des longs et vains efforts djes députés des communes pour tâcher d'amener les classes des privilégiés aux vrais principes. Ejlle les charge d'exposer les motifs qui la forcent de passer de l'état d'attente à celui d'action. Enfin, elle arrête que ce récit et ces motifs seront imprimés à la tête de la présente délibération.
Mais puisqu'il n'est pas possible de se former en Assemblée active sans reconnaître au préalable cpux qui ont droit de la composer, c'est-à-dire ceux qui ont qualité pour voter comme représentants de la nation, les mêmes députés des communes croient devoir faire une dernière tentative ajuprès de MM. du clergé et de la noblesse, qui annoncent la même qualité, et qui néanmoins ont refusé jusqu'à présent de se faire reconnaître.
Au surplus, l'Assemblée ayant intérêt à constater le refus de ces deux classes de députés, dans le cas où ils persisteraient à vouloir rester inconnus, elle juge indispensable de faire une dernière invitation, qui leur sera portée par des députés chargés de leur en faire lecture, et de leur en laisser copie dans les termes suivants : Messieurs,
Nous sommes chargés, par les députés des communes de France, de vous prévenir qu'ils ne peuvent différer davantage de satisfaire à l'obligation imposée à tous les représentants de la na-
tion. Il est temps assurément que ceux qui annoncent cette qualité se reconnaissent par une vérification commune de leurs pouvoirs, et commencent enfin à s'occuper de l'intérêt national, qui, seul, et à l'exclusion des intérêts particuliers, se présente comme le grand but auquel tous les députés doivent tendre d'un commun effort. En conséquence, et dans la nécessité où sont les représentants de là nation de se mettre en activité,sans autre délai, les députés des communes vous prient de nouveau. Messieurs, et leur devoir leur prescrit de vous faire, tant individuellement que collectivement, une dernière sommation de venir dans la salle des Etats, pour assister, concourir et vous soumettre comme eux à la vérification commune des pouvoirs. Nous sommes en même temps chargés de vous avertir que l'appel général de tous les bailliages convoqués se fera clans une heure; que, de suite, il sera procédé à la vérification, et donné défaut contre les non-comparants.
La motion de M. l'abbé Sieyès est vivement applaudie.
Un grand nombre de membres se lèvent pour l'appuyer purement et simplement ; d'autres y adhèrent, mais proposent différents amendements.
Il convient de faire au Roi une adresse, dans laquelle on exposera les motifs qui ont forcé les communes à rejeter l'ouverture proposée par ses commissaires, motifs qui portent sur l'opiniâtreté de la noblesse et l'arrêté qu'elle a pris. Comme le clergé ne montre pas une conduite aussi répréhensible que celle de la noblesse, il ne faut pas employer les mêmes termes pour sommer celui-ci de se rendre dans la salle nationale.
soutient qu'il faut prendre défaut, que c'est là un acte extraordinaire que la circonstance exige ; il conclut par dire que l'adresse au Roi, par M. Regnault, est inutile, et qu'il suffit d'écrire à M. le garde des sceaux, puisque l'ouverture a été proposée par le Roi.
M***. Le Conseil privé a une trop prodigieuse extension; il faut distinguer la personne du Roi de ce Conseil composé de maîtres de requêtes. L'on doit s'en rapporter à la justice du Roi, présidant la commission des trois ordres, et point du tout à celle du Roi environné d'hommes qui ont acheté le droit de prononcer des jugements souverains, qui savent si adroitement s'acconamoder aux circonstances, et qui presque toujours approuvent et consacrent, malgré les cris de leur conscience, les caprices du souverain ou de ses ministres. Ainsi, l'on est autorisé à dire et à croire que le Conseil du Roi, composé de pareils êtres, est nul, et doit être regardé comme tel ; que le vrai Conseil du Roi ne doit et ne peut être composé que de commissaires des trois ordres.
Ne manquons jamais à ces grands principes qui nous font entrevoir la séparation des Chambres et la crainte d'un veto, comme le coup le plus horrible et le plus désastreux porté à la patrie; ne manquons jamais au principe qui nous commande de ne jamais fermer la porte à la réuuion des trois ordres. C'est en nous environnant de ces principes salutaires que nous devons délibérer sur l'ouverture proposée par les commissaires du Roi. Mais il n'est que trop vrai que la noblesse l'a rejetée, puisqu'elle ne prétend
communiquer ses actes de vérification que sur les députations de bailliages.
Dans cet état de choses, que nous reste-t-il à faire? Ce n'est pas une sommation, parce que nous ne sommes pas constitués, mais une dernière invitation de se se réunir à nous ; s'ils s'obstinent à se taire, nous prendrons leur silence pour un refus. Oui, c'est alors que vous puiserez dans votre sagesse le parti que les circonstances vous présenteront; vous nommerez des commissaires, vous vérifierez, et enfin nous nous serons constitués, mais te ujours en laissant une porte à la réunion.
Et lorsque les préjugés se seront évanouis, lorsqu'ils verront, ces deux ordres privilégiés, que vous n'attaquez ni leurs droits, ni leurs prérogatives, ils regretteront de s'être éloignés de ces lieux, où sont les amis de la justice et de l'équité, leurs frères et leurs concitoyens ; de ces lieux où la nation se rassemble pour régénérer les lois et détruire les abus. Eh 1 sans doute, au moins espérons-le, si tous ne se réunissent pas à nous, au moins en aurons-nous une grande partie qui, désavouant des usages absurdes et des préjugés superstitieux, voudront ici se joindre à la portion la plus nombreuse de l'Etat, vous aurez triomphé de l'amour-propre ; c'est le plus beau triomphe que l'on puisse obtenir,
, après avoir longtemps discuté les raisons pour et contre l'ouverture, dit qu'il fallait l'accepter purement et simplement.
Les communes, sans se départir du principe, prescrivant que toute vérification de pouvoirs doit être faite en commun, sont également jalouses de donner au Roi les témoignages de leur dévouement et de leur respect, à la nation une preuve de leur attachement aux véritables principes de justice, etc.
Elles observent aux deux ordres privilégiés : 1° que la vérification commune est de droit naturel ; que le salut public, ou le plus impérieux des besoins, les invite et requiert de se réunir dans la salle des Etats pour procéder à la vérification en commun ;
2° Que dans le cas où ils ne voudraient pas s'y rendre, on protesterait contre les absents, et que l'on procéderait à la vérification des pouvoirs des députés présents ;
3° Que les difficultés seront décidées dans la Chambre, et portées ensuite à la commission ;
4° Que les difficultés sur les députations de bailliages seront jugées par la commission, à la tête de laquelle sera le Roi.
Je me résume, et je dis qu'il faut déclarer, par le présent arrêté, que les représentants de la nation ne pourront jamais abandonner les principes qui intéressent le sort de vingt-cinq millions d'hommes.
Plusieurs membres proposent successivement des observations sur la motion de M. l'abbé Sieyès, avec quelques amendements, qui se réduisent à ceux-ci :
1° Exposer au Roi le motif de l'arrêté des communes ;
2° Réclamer contre les principes exposés dans le préambule de l'ouverture.
consent aux changements proposés, et ainsi, au lieu du mot sommation ; il substitue celui d'invitation aux deux autres ordres, et il adopte les deux amendements.
La motion est mise aux voix avec les deux amendements, par l'appel de chaque député.
Il se trouve en faveur de l'arrêté pur et simple 247 voix ; en faveur de l'arrêté et du premier amendement réunis, 246. Quelques voix, au nombre de 51, sont ou pour le renvoi aux bu+ reaux, ou pour le rejet de la motion, ou pour son admission avec les deux amendements. Ainsi, aucune n'a eu la majorité absolue.
Plusieurs membres prétendent qu'il n'y a pas décision. Cette circonstance fait naître de longs et vifs débats; alors M. le doyen déclare qu'il y aura une séance le soir, à cinq heures, dans laquelle l'Assemblée déterminera le parti qu'elle doit prendre.
Séance du soir.
A l'ouverture de la séance,M. le Doyen rappelle l'objet de la délibération.
Un membre se lève et représente qu'on a conr fondu mal à propos les amendements avec là motion ; ce moyen tend à rendre la décision trèsj-douteuse. La seule manière de procéder régulièrement, c'est de dégager la motion principale dé ses amendements, ae les mettre successivement aux voix ; ce moyen est le seul qui puisse simplifier les délibérations et en assurer le résultat.
Un autre membre dit que l'observation du préopinant sera utile pour l'avenir, mais que, dans ce moment, il s'agit de savoir s'il y a eu ou non délibération sur la motion proposée, et il prétend prouver que l'arrêté a réuui la presque totalité des voix, attendu que ceux qui admettent l'arrêté pur et simple ne diffèrent des autres que sur le premier amendement; que la question se réduit donc à savoir si l'on adoptera ou non le premier amendement.
, doyen. Je demande que ceux qui ont voté pour la motion simple, et qui persistent à rejeter le premier amendement, se lèvent. Trois membres seulement se lèvent, et la motion avec le premier amendement se trouve admise presque à l'unanimité.
consulte l'Assemblée sur cette proposition, et presque tous les membres l'adoptent.
Il est convenu aussitôt que, dans la séance et avant la fin, l'arrêté sera rédigé avec l'amendement et signé par M. le doyen et par les adjoints.
La rédaction en est faite avec les changements qui ont été adoptés par M. l'abbé Sieyès, auteur de la motion. M. le président la signe avec les adjoints.
Sur la proposition d'un des membres, MM. les commissaires pour les conférences sont chargés de la rédaction de l'adresse au Roi, et M. l'abbé Sieyès est prié de concourir à ce travail.
11 est décidé aussi que dix de MM. les adjoints se rendront à la chambre du clergé, et les dix autres à celle de la noblesse, pour porter à chacune l'arrêté qui vient d'être pris par l'Assemblée.
fait lecture du procès-verbal des deux dernières conférences conciliatoires.
La séance est levée à dix heures et la suivante est indiquée au vendredi 12, neuf heures du matin.
Une députation des diverses Chambres s'est rendue aujourd'hui à la procession de la Fête-Dieu. Il n'y a pas eu de séance.
MM. les curés, membres de la Chambre du qlergé, instruits de la délibération prise hier par la Chambre, s'assemblent en particulierau nombre de cent, pour délibérer sur l'invitation des communes et sur le parti qu'ils doivent prendre.
Ils arrêtent d'abord qu'ils se rendront sans délai à la chambre des communes pour y faire vérifier leurs pouvoirs en commun; ils ne veulent même pas que la chose soit mise le lendemain en délibération dans l'Assemblée générale de la Chambre.
i Un membre. Je vous prie, Messieurs, de considérer que cette'démarche peut compromettre les intérêts communs. Quand nous nous rendrions sur-le-champ à laChambre des communes; quand nous effectuerions nous-mêmes cette réunion à laquelle elle nous a invités, et à laquelle nous invitent plus fortement le bien delà paix et l'intérêt de la nation, nous ne pourrions pas empêcher quil n'en soit délibéré dans notre Chambre; et notre démarche précipitée priverait d'autant de voix le parti qui est en faveur de la réunion.
Cette observation ramène tous les esprits; ils décident qu'ils se rendront tous à l'Assemblée pour appuyer le parti de la réunion; mais ils protestent d'avance contre la non-réunion dans le Sas que le parti de l'opposition l'emporte.
soutient que, quand même le parti de la réunion réunirait la majorité des ^foix, tous les membres du clergé ne seront point ljiés par cette majorité.
I Cette opinion est mal accueillie par l'Assemblée, et la délibération est maintenue à l'unanimité.
Séance du
CLERGÉ.
Le clergé reçoit une députation des communes.
Après le départ de la députation, on met en délibération l'invitation des communes Les débats sont très-longs et très-vifs. Les députés de Paris, et principalement M. l'abbé Maury, s'opposent fortement à la réunion ; mais il n'est encore rien décidé.
NOBLESSE.
] La noblesse reçoit une députation des communes chargée d'inviter la Chambre à se rendre dans le our à la salle nationale pour y procéder à la vé-iflcation commune des pouvoirs.
On procède à l'élection d'un président et d'un yice-président. La majorité est réunie, pour la résidence, en faveur de M. de Luxembourg. M. le uc de Croï est élu vice-président.
La Chambre ne décide rien sur l'invitation des communes. Elle envoie aux communes une députation pour leur annoncer qu'elle en délibérera encore.
La séance est levée.
COMMUNES.
A l'ouverture de la séance, une députation composée de MM. Blanquart Dessalines, Giraud-Duplessis, Tixedor, Populus, Gérard-de-Vic, de Luse de l'Etang, Schmit, Vaillant, Warel et Houdet, se rend à la Chambre du clergé pour lui communiquer l'arrêté pris dans la précédente séance.
Le.clergé répond à la députation en ces termes :
Il n'est assurément personne parmi nous qui ne sente l'indispensable obligation imposée à tous les représentants de la nation, de chacun des trois ordres, de s'occuper enfin de l'intérêt général.
Nous avons gémi du retard que notre désir de concilier les ordres a apporté à nos travaux ; et nous attendions avec impatience le terme des conférences pour nous mettre en activité.
Nous nous occuperons, avec la plus sérieuse attention, des objets que vous avez soumis à notre délibération.
Une autre députation, composée de MM. Camus, Boëry, Pernel, Milanais, Pison du Galland, Rew-bell, Enjubault de la Roche. Roussier, Mevnier de Salinelles et Dabbadie, va, dans le même objet, vers la Chambre de la noblesse, et en rapporte la réponse suivante :
L'ordre de la noblesse vient d'entendre, Messieurs, la proposition de l'ordre du tiers-état; il en délibérera dans sa Chambre, et aura l'honneur de vous faire savoir sa réponse.
Après le retour des deux députations, le président parle de l'adresse au Roi; il demande si le vœu de l'Assemblée est gue la lecture en soit faire ouvertement, ou bien si elle préfère que les corrections soient faites par MM. les adjoints.
Cette demande excite une vive discussion.
Plusieurs membres s'élèvent contre ce mode; ils pensent que les adresses devant être l'expression des vœux de tous les membres, elles doivent être délibérées par toute l'Assemblée.
M***. Il résulterait de grands inconvénients d'une lecture publique de cette adresse; il importe qu'elle soit tenue secrète jusqu'au moment où elle, aura été remise à Sa Majesté, et lue par elle. La soumettre à l'examen de l'Assemblée serait lui donner la plus* grande publicité.
M***. Je demande au contraire que quelque confiance qu'on ait accordée aux rédacteurs de cette adresse, quelque confiance qu'ils méritent, il importe à l'Assemblée de ne pas adopter, de confiance, une adresse dont la rédaction et l'effet qui peut s'ensuivre l'intéressent si vivement. En conséquence, je demande qu'il en soit fait lecture.
Les débats s'échauffaient, lorsqu'on demande de toutes parts à aller aux voix.
met aux voix, et, à une très-grande majorité, l'Assemblée décide que l'adresse sera lue.
, l'un des commissaires-rédacteurs, fait lecture du projet d'adresse.
On fait, sur la rédaction, quelques observations qui sont approuvées par MM. les commissaires,
propose un projet d'adresse écrit d'un style mâle et vigoureux, mais rempli de compliments.
M***. Méfions-nous de tous ces éloges dictés parla bassesse et la flatterie, et enfantés par l'in-. térêt. nous sommes ici dans le séjour de l'intrigue
et des menées ; l'air même qu'on y respire porte la corruption dans les cœurs. Des représentants de la nation, hélasI semblent déjà en être vivement atteints. Il en est, oui, il en est qui se laissent fasciner les yeux; fasse le ciel que la contagion ne gagne pas jusqu'à leur cœur! Qui ne sait en effet qu'il se tient des assemblées nocturne?, des conférences secrètes, où Ton combine des motions et des réponses favorables au parti toujours ou presque toujours contraire à la droiture et aux vrais principes ?
Le projet de M. Malouet est rejeté, et celui de M. Barnave obtient la préférence.
L'adresse est lue de nouveau avec les changements jugés nécessaires, et la rédaction en est approuvée en la manière qui suit :
: (Voyez plus loin le texte de l'adresse, séance du 13 juin.)
Après la lecture de l'adresse, l'Assemblée décide que M. le doyen, assisté de deux adjoints, ira la remettre au Roi.
Je représente qu'en conséquence de la délibération prise dans la séance précédente, il convient qu'on s'occupe de la vérification des pouvoirs. Je propose un plan qui consiste seulement à faire l'appel général des bailliages. Les députés déposeront simplement leurs pouvoirs sur le bureau, pour y être enregistrés. Le travail sera partagé entre les vingt bureaux, dont chacun vérifiera un certain nombre de députations; de cette manière, la vérification des 176 députations devra être faite dans peu de temps.
Cette proposition est généralement accueillie, et il est convenu que ce plan sera exécuté dans tous ses détails.
M***. Je demande qu'il soit procédé dans l'instant à Fappel des bailliages.
J'observe que par suite de l'invitation faite aux deux Chambres de la noblesse et du clergé, il convient que les communes restent assemblées, et tiennent leur séance toute la journée, et que Rappel ne commence qu'à la fin de la séance.
Cette observation est adoptée, et l'Assemblée décide qu'elle attendra la résolution des deux Chambres jusqu'à la fin de la séance.
, qui s'était retiré vers le Roi pour lui porter l'adresse de la Chambre des communes, revient et apporte pour réponse qu'il n'a pu parler au Roi, attendu qu'il était à la chasse, et qu'il ne serait pas possible de le voir parce qu'il devait se retirer fort tard.
Il est décidé que M. le doyen remettra, sous enveloppe, deux copies de cette adresse, l'une au premier gentilhomme de la Chambre, et l'autre à M. le garde des sceaux, afin que, dans le jour même, elles soient mises sous les yeux de Sa Majesté.
A cinq heures on annonce une députation de la Chambre de la noblesse, composée de MM. Lambert de Frondeville, Saint-Maixent, le duc de Villequier, le vicomte de la Châtre, Foucault de Lardimalie et le marquis de Montesquiou.
La députation est introduite, et M. Montesquiou parle en ces termes :
Messieurs, l'ordre de la noblesse a commencé à délibérer sur la proposition du tiers-état; il continuera sa délibération à la prochaine séance, et s'empressera de vous faire part de l'arrêté qui sera pris.
répond à la députation :
Messieurs, les communes attendent depuis long temps MM. de la noblesse ; elles ont, de plus, l'espérance de les voir arriver dans la salle des Etats.
annonce que M. le garde des sceaux lui a fait dire qu'il l'instruira de l'arrivée du Roi et du moment où il pourra être introduit chez lui.
Avant de procéder à l'appel des bailliages, l'Assemblée nomme M. Bailly pour son président provisoire, et le charge, pour cette fois seulement, de choisir, de concert avec MM. les adjoints au bureau, deux de ses membres qui seront chargés, en qualité de secrétaires, de dresser procès-verbal de l'appel qui va être fait et des autres opérations de l'Assemblée.
les adjoints se retirent dans une salle voisine et rentrent ensuite dans la Chambre pour annoncer que le résultat du scrutin est en faveur de MM. Camus, député de Paris, etl Pison du Galand, député du Dauphiné.
L'Assemblée applaudit à ce choix et décide quo le procès-verbal de chaque séance sera signe par M. le président et MM. les secrétaires provisoires.
Au moment de procéder à l'appel des bailliages, un membre des communes, en demandant qu'on ftfl retirer les individus non députés qui se trouvaient assis parmi eux, a ajouté : « Il en est un surtout, étranger, proscrit de son pays, réfugié en Angleterre, pensionnaire du roi d'Angleterre, que nous voyons depuis plusieurs jours écrire et faire circuler des billets dans la salle. »
se lève et dit avec beaucoup de chaleur (l) :
Messieurs, je conviens avec le préopinant que nul individu, non député, soit indigène, soit étranger, ne doit être assis parmi nous; mais les droits sacrés de l'amitié, les droits les plus saints de l'humanité, le respect que je porte à cette Assemblée d'enfants de la patrie, d'amis de la paix, m'ordonnent à la fois de séparer de l'avertissement de police, la dénonciation, la délation vraiment odieuse que le préopinant n'a pas craint d'y ajouter. 11 a osé dire que dans le grand nombre d étrangers qui se trouvaient parmi nous, il était un proscrit, un réfugié en Angleterre, un pensionnaire du roi d'Angleterre.
Cet étranger, ce proscrit, ce réfugié, c'est M. du Roveray, l'un des plus respectables
citoyens du monde. Jamais la liberté n'eut de défenseur plus éclairé, plus laborieux, plus
désintéressé. Dès sa jeunesse, il obtint la confiance de ses concitoyens pour concourir à la
formation d'un corps de lois qui devait assurer à jamais la constitution de sa patrie. Rien
de plus beau, rien de plus philosophiquement politique que la loi en faveur des natiis dont
il fut un des auteurs, loi si peu connue et si digne de l'être; loi qui consacre cette
grande | vérité que toutes les républiques ont péri, disons mieux, qu'elles ont mérité de
périr, pour avoir-1 opprimé des sujets et ignoré que l'on ne conserve sa liberté qu'en
respectant celle de ses frères. Déjà procureur général de Genève, par l'élection de ses
concitoyens, M. du Roveray avait mérité la j haine des aristocrates; dès lors ils avaient
juré sa
Ce discours est suivi d'applaudissement universels.
Le député qui avait fait la dénonciation personnelle de M. du Roveray , ne fut pas plutôt informé de son nom, qu'il s'empresse de lui en témoigner ses regrets dans des termes qui firent le plus grand honneur à ses sentiments.
MM. Camus et Pison du Galland ont dit qu'ils allaient procéder à l'appel général des députés du clergé, de la noblesse et des communes des différentes provinces, diocèses, bailliages, sénéchaussées et villes de France, conformément à la délibération ci-dessus énoncée, afin que chaque député ait à se présenter, exhiber et remettre sur le bureau des titres justicatifs de ses pouvoirs et qualités, pour être vérifiés, ainsi qu'il sera ordonné par l'Assemblée; et il a été procédé à l'appel, ainsi qu'il suit, à sept heures de l'après-midi.
Sénéchaussée d'Agen.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. François et Renaud, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d'Aix.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Mirabeau, Bouche, Audier-Massillon, Pochet, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d'Albret.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés' MM. Brunet de Latuque, Brostaret, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Tartas.
MM. du Clergé nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Lar-reyre et Castaignede, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Alençon.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté:
MM. des Communes, se sont présentés MM. Belzais de Courmesnil, Goupil de Prefeln, Colombel de Bois-soulard, Lebigot de Beauregard, et ont remis leurs pouvoirs.
Dix villes Impériales d'Alsace.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bernard, Mayer, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Amiens et Ham,
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Leroux Langlier, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Amont en Franche-Comté.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM des Communes, se sont présentés MM. de Raze, Gourdan, Cochard, Muguet de Manthou, Durget, Pernel, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Angouléme.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Augier, Pougeard du Limbert, Roi, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d1 Anjou.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Milscent, Chassebœuf de Volney, Larevellière-Lépeaux, Brevet de Beaujour, Riche, Allard, Desmazières, le Mai-gnan, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d'Annonay.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Boissy-d'Anglas et Monneron, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d'Arles.
MM. du Clergé, nul ne s est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Pélissier et Durand de MaiUane, et ont remis leurs pouvoirs.
Ville d'Arles.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Boulou-vard et Bonneman, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussées d'Armagnac, Lectoure et Isle-
Jourdain.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de La-terrade, Laclaverie de la Chapelle, et ont remis leurs pouvoirs.
Province d'Artois.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Payen, Brassart, Fleuri, Vaillant, Robespierre, Petit, Boucher, Dubuisson, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d'Auch.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Sentelz et Perez, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Autun.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Repoux et de Verchre de Reffye, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Auxerre.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. du la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Marie de la Forge, Paultre des Epinettes, Remond, et ont remis le procès-verbal de leur prestation de serment et leurs pouvoirs.
Bailliage d'Auxois
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM.* des Communes, se sont présentés MM. Guyot et Guyot de Saint-Florent, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage à!Aval en Franche-Comté.
MM. du Clergé, nul ne s'çst présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Vernier, Babey, Bidault, Cristin, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Avesnes.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté
MM. dos Communes, nul ne s'est présenté.
Bailliage de Bailleul.
MM.du Clergé, nul ne s'est présenté,
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté,.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Kyts-potter, Herwin, Bouchette, Delattre, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Bar-le- Duc en Barrois.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Marquis, Viard, Ulry, Duquesnoy, Bazoche et Gossin, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Bar-sur-Seine.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bouchotte et Parisot, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de la Basse-Marche.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté,
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Lesterpt de Beau vais et Lesterpt, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Bazas.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, s'est présenté M. Saige, et are-y mis ses pouvoirs.
Béarn.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Sénéchaussée du Beaujolais.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Chasset, Humblôt, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Beauvais.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Millon de Montherlant et Oudaille, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Bel fort et Hunningue en Alsace.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Plieger, Lavie, Guittard, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Berri.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s est présenté.
MM. des Communes se sont présentés MM. Boery, Poya de l'Herbay, Thoret, le Grand, Sallé de Choux, Auclerc des Cottes, Baucheton, Grangier et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Besançon.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. dos Communes se sont présentés MM. Blanc, la Poule, et ont remis leurs pouvoirs•
Sénéchaussée de Béziers.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Sales de Costebelle, Merigeaux, Rey, Rocque, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Bigorre.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, uul ne s est présenté,
MM. des Communes, se sont présentés MM. Barrère de Vieuzac, Dupont, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Blois.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Druillon, Turpin, de la Forge, Dinochau, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Bordeaux.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Fisson-
Jaubert, de Luze-Létang, Boissonot, Valentin Bernard, Nérac, la Fargue, de Sèze, Gachet de Lisle, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Boulogne-sur-Mer.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Latteux, Gros, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Bourg-en-Bresse.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Populus Bouveyron, Gautier des Orcières, Piquet et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Brest.
MM. des Communes, se sont présentés MM. le Gendre, Moyot et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Bugey et Valromey.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la NoDlesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Brillât Savarin, de Lilia de Crose, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Caen.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Lau-nay; Poulain de Beauchesne, Lamy, Flaust, Pain, de Cussy, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Calais et Ardres.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présenté* MM. Franco-ville, Blanquart des Salines, et ont remis leurs pouvoirs.
Cambrésis.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Moutier, Delambre et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Carcassonne.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés M. Ramel-No-garet, Dupré, Morin, Benazet, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Carhaix.
MM. des Communes, se sont présentés MM. le Golias, Billette, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Castelnaudary.
MM. ^du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Martin d'Auch et Guilhermy, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Castres.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Pezous et Ricard, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Caux.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bourdon, Simon, Lasnon, Fleury, Cherfils, Begouen, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Châlons-sur-Marne.
MM. du Clergé, nul ne s est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Prieur, Choisy, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Châlonssur-Saône.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté,
MM. des Communes, se sont présentés MM. Sancy, Paccard, Petiot, Degranges, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Chartres.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés, MM. Petion de Villeneuve, Bouvet, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Charolles.
MM. du Clergé, nul no s'est présenté,
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Geoffroy, Fricaud, et ont remis leurs, pouvoirs.
Bailliage de Châteauneuf en Thimerais.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté,
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Périer, Clayes, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Château-Thierry.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Pinterel de Louverny, Harmand et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Châtellerault.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés, MM. Creuzé de la Touche, Dubois, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de la Montagne, séant à Châtillon-sur-Seine.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM; Frochot, Benoist, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Chaumont en Bassigni.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes se sont présentés MM. Mongeotte de Vignes, Morel, Laloy, Janny, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Chaumont en Vexin.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. d'Ailly, Bordeaux, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Clermont en Auvergne.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Gaultier de Biauzat, Huguet, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Clermont en Beauvoisis.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. delà Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM- Dauchy, Meurine, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Colmar et Schelestadt.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM., de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Hermann, Reubell, et Kauffmann, et ont remis leurs pouvoirs.
Comminges et Nebouzan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Latour, Pegot, Roger, La Viguerie, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Condom.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Pelau-que-Beraul, Meyniel, et ont remis leurs pouvoirs.
Isle de Corse.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Vicomté de Couserans.
MM- du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Bailliage de Coutancës.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. delà Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. le Sacher de la Palière, Burdelot, Vieillard fils, Besnard-Duchesne Pérée Duhamel, Dumesnil Desplanques, Pouret-Roquerie, Angô, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Crépy en Valois.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Adam de Verdonne, Hanoteau, et ont remis leurs pouvoirs.
Dauphiné.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Mounier, de la Cour d'Ambesieux, Pison du Galland, Berenger, Barnave, de Bertrand de Montfort, Biguan, Revol, Cha-broud, Blancard, Allard Duplantier, Chenet, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussées d'Acqsy Saint-Sever et Bayonne.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Basquiat et Lamar^ue, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Dijon.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM, Volfius, Arnoult, Hernoux, Ganlheret, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Dinan.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Coupard, Gagon, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Dole en Franche-Comté.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Grenot, Regnaud d'Épercy, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Douai et Orchies.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté..
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Simon de Maibelle, Merlin, et ont remis leurs pouvoirs.
Baillage de Dourdan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. le Brun, Buffy, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Draguignan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Lombard de Taradeau, Mougins de Rocquefort, Verdolin, Sieyes de la Beaume, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Étampes.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de la Borde de Méreville, Gidoin, et ont remis leurs pouvoirs,
Bailliage d'Évreux.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Buschey Desnoës, le Maréchal, Beauperrey, Buzot, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Forcalquier, Sisteron9 Digne et
Barcelonette.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Latil, Bouche, Solliers, Mevollhn, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage du Forez.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Roâ-taing, Jamier, Richard, de Landine, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Fougères, Hédé et Saint-Aubin
du Cormier.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Fournier de la Pommerais, le Moine de la Giraudais, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Gex.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Bailliage de Gien.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés, MM. Bazin, Janson et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Guéret et Haute-Marche.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Châ-teau-Favier, Tournyol-Duclos, Bandy de la Chaux, Grelet de Beauregard, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Haguenau Wissembourg.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
Mm. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Fla-chslanden et Hell, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée d'Henncbond.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de la Ville-le-Roulx, Coroller Dumoustoir, Corentin-le-Floch, et ont remis leurs pouvoirs.
A neuf heures du soir,
a suspendu Tappel et conlinué la séance à demain neuf heures du matin.
, l'un des secrétaires, s'est chargé des pouvoirs remis sur le bureau.
Séance du
CLERGÉ.
La Chambre du clergé délibère sur l'invitation qui lui a été faite par les communes de se réunir à elles pour la vérification des titres.
Les débats sont longs et très-vifs, mais rien n'est décidé.
NOBLESSE.
La Chambre de la noblesse continue la délibération commencée sur l'invitation des communes pour la vérification des pouvoirs.
(1), dit : Messieurs, je ne trouve rien qui puisse justifier la déclaration qui nous a été faite hier par l'ordre du tiers.
La raison qu'il en donne n'est vraisemblablement qu'un prétexte. S'il eût désiré
sincèrement d'adopter le plan de conciliation proposé par le Boi, s'il n'y eût vu d'autres
obstacles que les modifications que la majorité de la Chambre avait
Mais quelle qu'ait été son in tention, quelle que soit sa faute, qu'il prétendra sûrement justifier par les nôtres réelles ou supposées, il n'en est pas moins vrai que le parti auquel il vient de s'arrêter est un grand malheur.
C'est pour le prévenir, que Messieurs du bailliage de Tours ont fait une motion qui méritait tout l'intérêt de la Chambre, et sur laquelle on n'a pas encore délibéré ; que moi j'en ai fait une qui n'était peut-être pas indigne de quelque attention et sur laquelle on n'a pas délibéré ; que M. le duc de Liancourt en a proposé une qu'il n'a pas encore pu faire entendre depuis dix jours; qu'enfin soixante-seize membres de cette Assemblée ont voté de toute la force de leur âme et de leur raison, pour l'acceptation pure et simple du plan proposé par le Roi.
Ne dissimulons rien, Messieurs, et puisque nous sommes ici pour dire la vérité à la nation et au Boi, commençons par savoir l'entendre nous-mêmes. Les alarmes exprimées par plusieurs d'entre nous ont paru exagérées, chimériques, presque pusillanimes, La situation des Etats généraux, la nôtre, n'avaient rien, disait on qui dût inquiéter. La sécurité devait être entière. A Dieu ne plaise que je relève ces expressions avec amertume 1 très-certainement nous étions tous de bonne foi. La même conviction, le même patriotisme portait les uns à communiquer des craintes qu'ils croyaient salutaires, les autres à partager une tranquillité qui leur paraissait fondée. Mais j'insiste sur cette circonstance, afin qu'elle nous serve de leçon pour l'avenir. Les alarmes les plus vives sont moins effrayantes que la sécurité de l'homme qui dort sur les bords d'un précipice.
Enfin, l'événement a parlé. Le tiers nous invite à faire nos vérifications en commun avec lui, quoiqu'il sache que nous les avons faites séparément, ce qui annonce qu'il les regarde comme nulles. Le tiers arrête qu il se constituera en Assemblée active, que les députés qui ne seront pas dans la même salle que lui, seront regardés comme absents de l'Assemblée, qu'ils seront appelés et attendus un seul jour, ce qui est se déclarer par le fait en Assemblée nationale, quoique l'expression n'y soit pas, c'est de toutes les prétentions la moins modérée, ce sera, si l'on veut, la moins juste ; mais enfin cette prétention est formée, elle est solennellement proclamée.
Je ne vois ici que deux partis à prendre.
Ou rester inébranlables dans la résolution que la Chambre a prise, et qu'elle a fait déclarer à l'ordre du clergé, à celui du tiers et aux commissaires du Roi ; mais alors point de conciliation à espérer.
Ou sacrifier cette résolution au besoin de la paix, au désir d'écarter tous les malheurs qu'entraînerait une scission, et il y aura encore espoir de conciliation.
Que le premier cri de la noolesse française ait été celui de la fermeté, je le conçois ; on lui a dit qu'elle était menacée, on lui a parlé de dangers.
Mais la patrie si souvent sauvée par votre courage ne redoute aujourd'hui que ce même courage, ou plutôt elle vous en demande-un plus sublime encore.
C'est, Messieurs, de vous vaincre vous-mêmes pour vaincre les autres ; c'est, dans l'instant même où vous êtes offensés, de parler de paix et de conciliation et ce sefa la première fois peut-être qu'il en aura été parlé dans les Etats généraux avec quel-
que réalité, avec quelque efficacité; c'est enfin de vous reporter au plan proposé par le Roi, et de n'être pas arrêtés par l'idée de rétracter vôtre résolution à cet égard.
Ou le tiers acceptera, et alors les Etats généraux existeront; les ordres seront formés; ils se seront reconnus; séparés comme réunis, il existera tôt ou lard entre eux un moyen de correspondance et de concert.
Ou le tiers n'acceptera pas et alors quelle force, quel avantage acquerra la noblesse par sa conduite généreuse, par ses sacrifices pour la paix, par sa réunion avec le clergé qui a déjà adopté le plan conciliatoire et avecle Roi qui l'a proposé!
Mais, Messieurs, il faut que notre sacrifice soit aussi noble, aussi patriotique, aussi entier qu'il peut l'être. J'insiste donc pour que Je plan du Roi soit accepté purementet simplement, sans aucune modification, sans aucun préambule, sans aucune autre déclaration que celle par laquelle vous l'accepterez.
C'est le seul moyen de ne laisser aucun prétexte au refus de l'offre que nous allons faire, c'est Je seul moyen de fermer la bouche aux détracteurs de la noblesse. Ils n'ont pas craint de nous reprocher un acte équivoque, obscur, qui annulait, disaient-ils, le planque nous.prétendions accepter, qui tour à tour était une instruction, ou un arrêté, suivant le besoin que l'on avait de l'une ou de l'autre expression ; que ne diront-ils pas sur l'arrêté proposé par MM. les commissaires, plus long, plus sévère aujourd'hui qu'il rie l'était hier, et hier il l'a paru trop! Combien de dénégations, de discussions, ne se permettront-ils pas d'élever sur cet arrêté ! Imposons silence à la calomnie, rétractons brièvement, franchement, loyalement, l'instruction donnée à nos commissaires sur le plan du Roi, déclarons solennellement que nous acceptons ce plan dans son entier, purement et simplement, et rappelons-nous ce mot d'un grand Empereur qui rétractait un de ses décrets: Ne craignons pas d'être contredits, ne craignons pas de nous contredire nous-mêmes, toutes les fois qu'il est question de maintenir la justice.
A la majorité de 173 voix contre 79, elle prend l'arrêté suivant.
La proposition du tiers-état nécessite, de la part de l'ordre de la noblesse, le développement des principes qui l'ont dirigé. Il doit cet hommage à la nation ; il doit cet égard à l'ordre du tiers-état.
Les députés de la noblesse, réunis dans leur Chambret avant d'avoir vérifié leurs pouvoirs, ont dû suivre, pour cette vérification, les usages des précédents Etats ; ils les ont suivis. Ces usages étaient une conséquence nécessaire de la loi constitutive de la séparation des ordres et de leur mutuelle indépendance ; loi que la noblesse a toujours considérée comme conservatrice du trône, de la liberté et de la propriété des citoyens.
L'ordre du tiers-état n'a point adopté la même marche. Lorsqu'il a désiré que la vérification des pouvoirs fût convertie en une vérification commune, l'ordre de la noblesse a dû exposer ses raisons pour y procéder séparément ; il les a exposées par l'organe de ses commissaires conciliateurs, en les chargeant d'annoncer préalablement que la presque totalité des cahiers de ses députés les autorise à la renonciation des privilèges pécuniaires. H a dû croire que ce préalable terminerait à l'instant plusieurs difficultés, et faciliterait le moyen de mettre en activité les Etats généraux.
Dans l'espoir d'une conciliation, l'ordre de la noblesse a encore proposé que, lorsqu'on s'occuperait de l'organisation des Etats généraux, on examinerait les inconvénients ou les avantages d'une vérification séparée ou commune, afin qu'il y fût siatué pour l'avenir.
Enfin, le Roi a fait proposer un plan de conciliation. Sa Majesté demande que ce plan soit accepté ou tout autre. L'ordre de la noblesse délibère à l'instant qu'il accepte le plan proposé par les commissaires du Roi ; et, d'après leur vœu, réunit au fonds de la proposition les précautions qui lui paraissent convenables ; en conséquence, il charge ses commissaires concilia teurs de rappeler à la conférence ce que la noblesse avait arrêté précédemment, qu'elle vérifierait ses pouvoirs dans son sein, et prononcerait sur les contestations qui surviendraient lorsqu'elles n'intéresseraient que ses députés parliculiers, et qu'elle en donnerait une connaissance officielle aux autres ordres.
Quant aux autres difficultés survenues ou à survenir sur les députations entières pendant la présente tenue des Etats généraux seulement, l'ordre de la noblesse a proposé que chaque ordre chargeât des commissaires, conformément aux désirs du Roi, de les discuter avec ceux des autres ordres, pour que, sur leur rapport, il y fût statué d'une manière uniforme, s'il était possible, dans les trois Chambres séparées; et que, dans le cas où on ne pourrait y parvenir, le Roi serait supplié d'être leur arbitre.
Maintenant la nation peut juger si elle doit imputer à la noblesse l'inquiétante inertie des Etats généraux, dans- le moment où la France entière attend le rétablissement de la constitution, où le Roi et les créanciers de l'Etat comptent sur des sacrifices.
L'ordre de la noblesse croit n'avoir à répondre sur la proposition du tiers-état qu'en l'invitant à ne pas rejeter l'arbitrage du Roi pour Jes pouvoirs non contestés et non jugés, et à ne pas se refuser plus longtemps au moyen de conciliation qu'a proposé Sa Majesté, et dont l'adoption doit accélérer la marche des trois ordres vers les grands objets qui intéressent essentiellement la nation. L'ordre de la noblesse, fidèle à ses commettants, déclare qu'il va s'en occuper sans relâche.
La séance est levée.
COMMUNES.
Séance du matin (1).
, doyen, ouvre la séance.
fait lecture du procès-verbal de la séance du jour d'hier. C'est le premier qui ait été faite.
dit que pour répondre aux intentions de l'Assemblée, il avait eu l'honneur d'adresser à Sa Majesté une copie de la délibération du 10 de ce mois, et de l'adresse qui devait lui être présentée par une députation en exécution de cette délibération, pour que Sa Majesté en eût connaissance ce matin, dans le cas où elle ne pourrait pas recevoir la députation.
a ensuite proposé de l'autoriser, conjointement avec les membres du bureau formé par les gouvernements, à traiter avec un imprimeur pour l'impression des diverses conférences au sujet de la vérification des pouvoirs : ce qui a été approuvé par l'Assemblée ; après quoi l'appel a été repris ainsi qu'il suit :
Bailliage de Langres.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, s'est présenté M. Henryot.
Sénéchaussée de Lesneven.
MM. des Communes, se sont présentés MM. le Guen de Kerangal, Prudhomme de Keraugon, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Libourne.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Dumas, Mestre, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Lille. '
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. le Poutre, Wartel, Scheppers, Chambnrt, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Tulle en Limousin.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Melon, Malès, Delort de Puymalie, Ludière, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Limoges.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Roulhac, Naurissart, Moutaudon, Chavoix, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Limoux.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Ronnet, Larade, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage Loudun.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Du-moustier de la Fond, Rion, et ont remis leurs pouvoirs.
Ville de Lyon.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Millanois, Perisse du Luc, Coudère, Goudard, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Lyon.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Girerd, Durand, Rergasse, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Mâcon.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de la Métherie, Merle, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée du Maine.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Enju-bault de la Roche, Jouy des Roches, Lasnier de Vau-cenay, Maupetit, Guérin, Menard de la Groye, de la Lande, Gournay, Chenon, de Reaumont, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Mantes et Meulan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté,
MM. des Communes, s'est présenté M. Germiot, et a remis ses pouvoirs.
Marches communes du Poitou et de Bretagne.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. delà Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM.* Fran-cheteau de la Glostière, Auvynet, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Marseille.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Roussier, le Jeans, Delabat, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Meaux.
MM. du Clergé, nul s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Houdet, Desecoutes, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Melun.
MM. du Clergé , nui ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Despatys de Courteilles, Tellier, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Mende.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Rivière, Charier et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Metz.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Emmery l'aîné, Mathieu de Rondeville, la Salle, Claude, et ont remis leurs pouvoirs.
Ville de Metz.
MM. des Communes, s'est présenté M. Maujean, et a remis ses pouvoirs.
Bailliagè de Mirecourt.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Fricot,
Petit-Mengin, Chantaire, Cherrier, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Montargis.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Gillet de la Jaquenjinière, le Boys des Guays, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée du Mont-de-Marsan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Pérès d'Artassan, Mauriet de Flory, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Montfort-l'Amaury.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Auvry, Laignier, Hauducœur, Laslier, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Montpellier.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Verny, Jac, et ont remis leurs pouvoirs. S'est présenté de plus M. Cambon qui a remis ses pouvoirs.
Bailliage de Montreuil-sur-Mer.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Poullier, Riquier, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Morlaix et Lannion.
MM.- des Communes, se sont présentés MM. Couppé, Baudouin, de Maison-Blanche, Guillaume Lelay, Ma-zurié de Pennanech, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Moulins.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Gilbert Michelori, Gilbert Berthomier de la Villette, Lomet, Goyard, Vernin, Lebrun, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Nancy.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Régnier, Prugnon, Regnault, Salle, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Nantes.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Guine-baud, Giraud Duplessix, Baco de la Chapelle, Peilerin, I Chaillon, Jarry., Cottin, Ëlin, et ont remis leurs pou- I voirs.
Navarre,
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Bailliage de Nemours.
MM. du Clergé,nul ne s'est présenté.
MM. de la Nobless nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés. MM. du Pont, Berthier, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Nismes et Beaucaire.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Rabaud de Saint-Etienne, Voulland, Soustelle, Ricard, Chambon de la Tour, Quatre-Fages de la Roquette, Meynier de Salinelles, Valérian-Duclos, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Nivernois et Donziois.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Gounot, Parent de Chassi, Marandat, d'Oliveau, Robert, et ont remis leurs pouvoirs.
Principauté d'Orange.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Dumas, Bouvier, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage d'Orléans.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Salomon de la Saugerie, Pellerin de la Buxière, Lefort, Henri de Longuéve, de la Haye de Launay, de Fay, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Pamiers.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Vadier, Bergasse Laziroule, et ont remis leurs pouvoirs.
Prévôté et Vicomte de Paris.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Afforty, Chevalier, Target, de Boislandry, Le Noir de la Roche, Guillaume, Ducellier, et ont remis leurs pouvoirs.
Ville de Paris.
MM. du Clergé nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bailly, Camus, Vignon, Bevîère, Poignot, Tronchet, de Bourges, Martineau, Germain, Guillotin, Treilhard, Berthereau, Démeunier, Garnier, le Clerc, Hutteau, Dosfant, Anson, le Moine, Seyès, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage du Perche
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bailleul, Margonne, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée du Périgord.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Fournier de la Charmie, Gontier de Biran, Loys, Paulhiac de la Sauverai, et ont remis leurs-pouvoirs.
Bailliage de Péronne, Roye et Montdidier.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté
MM. des Communes, se sont présentés MM. Prévôt, Pincepré deBuire, Dumetz, de Bussy, et ont remis leurs pouvoirs.
Viguerie de Perpignan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Terrats, Tixedor, Roca, Graffan, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Ploërmel.
MM. des Communes,, se sont présentés MM. Thuault de la Bouverie, Boullé, Robin de Moréry, Perret de Trigadoret.
Sénéchaussée de Poitou.
MM. du Clergé, se sont présentés MM. Lecève, curé qe Sainte-Triaize ; Ballart, curé du Poiré; Jallet, curé de Chérigné, qui ont remis leurs pouvoirs.
a prononcé le discours suivant :
Messieurs, une partie des députés aux Etats généraux, dans Tordre du clergé de la province du Poitou, se rend aujourd'hui dans la salle de l'Assemblée générale. Nous y venons pour prendre communication des pouvoirs des députés des deux autres ordres, et pour produire nos mandats, afin due les uns et les autres étant vérifiés et légitimés, la nation ait enfin des vrais représentants.
Nous venons, Messieurs, précédés du flambeau de la raison, conduits par l'amour du bien public, nous placer à côté de nos concitoyens, de pos frères. Nous accourons à la voix de la patrie, tjui nous presse d'établir entre ses ordres la concorde et l'harmonie, d'où dépend le succès des Etats généraux et le salut de l'Etat.
Puisse cette démarche être accueillie de la Chambre des communes avec le même sentiment qui nous la commande 1 Puisse-t-elle être généralement imitée! Puisse t-elle enfin nous mériter l'estime de tous les Français !
Ce discours fait la plus vive impression dans l'Assemblée; la salle retentit d'applaudissements; chacun se presse autour des curés ; on les embrasse; chacun s'intéresse à leur sort. Faisons en sorte, s'écrie un membre, qu'ils ne soient pas (abandonnés au despotisme des évêques; mettons ces braves citoyens à l'abri de la vengeance et ae l'animosité des potentats de leur ordre ; que leurs noms soient consacrés dans nos annales ; ils se sont élevés au-dessus de la superstition^ ils ont vaincu les préjugés.
L'Assemblée, conduite par l'enthousiasme qu'ils pspirent, place un de ces curés au bureau.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bouron, IDutrou de Bornier, Biroteau des Burondières, d'Abbaye, jl'Official, Agier, Filleau, Biaille de Germon, Briaut, jGallot, Goupilleau, Laurence, Pervinquière, Cochon de ll'Apparent, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Ponthieu.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Duval de Grandpré, Delattre, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Provins.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté,
MM. des Communes, se sont présentés MM. Davost, Rousselet, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée du Puy-en-Velay.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Richon, Bonnet de Treyches, et ont remis leurs pouvoirs.
vSénéchaussée dix Quercy.
MM. du'Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Faydel, Poncet d'Elpech, Durand, Gouges-Cartou, Boutaric, de Lachèze, et ont remis leurs pouvoirs.
Le Quesnoy.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Sénéchaussée de Quimper.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Lagoarre de Kervelégan, Ledéan, Leguiou de Kérinkuff, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Reims.
MM*, du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Raux, Vieillard, Baron, Labeste, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Rennes.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Gleizen, Lanjuinais Huard, Hardy de Largère, Chapelier, Gérard, Fermon, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Rodez.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Rodat-Dolemps, Pons de Soulages, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Riom.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Malouet, Dufraisse-Duchey, Redon, Girot-Pouzol, de Riberolles, Branche, Andrieu, Vimal-Flouvat, Grenier, Taillardat de la Maison-Neuve, et ont remis leurs pouvoirs.
Pays et Jugerie de Rivière-Verdun, Gaure, Leonnc et Marestaing.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Long, Pérès de Lagesse, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de la Rochelle.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Griffon de Romagné et Alquier, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Rouen et Ville.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Thouvel,
Lecouteux de Canteleu, Fontenay, Lefort, Lefebvre, de Chailly, Lereffait, Mollien, Drétot, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Saint-Jean-d'Angély.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Bone-gne, Regnault, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Saint-Brieuc.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Demeu-nille, Palasne de Champeaux, Poulain de Corbion, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Saintes.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Garesché, Lcmercier, Augier, Ratier, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Saint-Flour.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bertrand, Armand, Devillas, Daude, L'Escurier, Hébrard, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Saint-Pierre-le-Moustier.
MM. du Clergé, nul lie s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Vyau de Baudreuille, Picart de la Pointe, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Saint-Quentin.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, s'est présenté M. l'abbé Dupla-quet, et a remis ses pouvoirs.
Bailliage de Sarreguemines.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Schmits, Anthoine, Mayer, Voidel, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Saumur.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Ci-gongnc, Bizard, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Sedan.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Dourthe, Millet de Laroambre, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Senlis.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentes MM. Leblanc, Delacour, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Sens et de Villeneuve-le-Roi
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Commune, se sont présentés MM. Jaillantl, Menu de Chomorceau, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Sézanne.
MM. du Clergé nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Moutier, Pruche, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Soissons.
MM. du Clergé, nul ne s'est présente.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Brocheton, Ferté, et ont remis leurs pouvoirs.
Pays de Soûle.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul lie s'est présenté.
Ville de Strasbourg.
MM. des Communes, se sont présentés MM. de Turf-ckheim, Schwendt, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Toul et de Vie.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Maillot;' Gérard, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Toulon.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Meyfrend, Feraud, Jaume, Ricard, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Toulouse.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Raby, Devoisins, Monsinat, Campmas, Fos de Laborde, Lartigue, Viguier, Roussillon, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Touraine.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Gaultier^ Valette, Nioche, Moreau, Bouchet, Beaulieu, Payen-Boisneuf, Chesnon de Baigneux, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Trévoux.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Arit veur, Jourdan, et ont remis leurs pouvoirs.
Senéchaussée de Troyes.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Ca-musat de Belombre, Baillot, Jeannei, Jeannet, négo- ciant, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Labour séant à Ustaritz.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Garat aîné, Garat jeune, et ont remis leurs pouvoirs.
Ville de Valenciennes.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM, des Communes, se sont présentés MM. Nitfodème, Perdry, et ont remis leurs pouvoirs.
Les quatre Vallées sous Guyenne.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, nul ne s'est présenté.
Sénéchaussée de Vannes, Auray et Rhuis.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Lucas de liourgerel, Dusers, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Vendôme.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Pothée, Çrénière, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Verdun.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Dul-ijieau, Dupré de Ballay, et ont remis leurs pouvoirs.
Bailliage de Vermandois.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté,
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Devar-liier, Deviefville des Essarts, Devisme, Bailly, Leleu de la Ville-aux-Bois, Leclerc, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Villefranche de Rouergue.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés. MM. Man-feiaval, Andurant, Lambel, Perrin, et ont remis leurs pouvoirs.
Sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg.
| MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Espic, adier de Monjau, Dubois-Maurin, Defrances, et ont l'émis leurs pouvoirs.
Bailliage de Villers-Cotterets.
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Bourgeois et Aubry-Dubouchet, et ont remis leurs pouvoirs,
MM. du Clergé, nul ne s'est présenté.
MM. de la Noblesse, nul ne s'est présenté.
MM. des Communes, se sont présentés MM. Lesure, ]Dubois de Crancé, Barbier, Poulain de Boutancourt, et ont remis leurs pouvoirs.
De suite il a été procédé à l'appel du clergé de la province de Bretagne par ordre alphabétique des diocèses.
Diocèse de Dol, nul ne s'est présenté.
Diocèse de Mantes, nul ne s'est présenté.
Diocèse de Quimper, nul ne s'est présenté.
Diocèse de Rennes, nul ne s'est présenté.
Diocèse de" Sainl-Brieuc, nul ne s'est présenté.
Diocèse de Saint-Malo, nul ne s'est présenté.
Diocèse de Saint-Pol-de-Léon, nul ne s'est présenté.
Diocèse de Tréguier,x nul ne s'est présenté.
Diocèse de Vannes, nul ne s'est présenté.
11 a été pareillement procédé par un appel général à l'appel de la noblesse, de la même pro* vince ; personne n'a comparu.
Après quoi il a été fait un appel général de tous députés qui pourraient avoir été omis dans le précédent appel, et de toutes personnes qui ont ou prétendent avoir droit de prendre séance dans les États généraux. Et à l'instant, se sont présentés MM. de Gouy, de Reynaud, de Perigny, de Ma-galon, Dougé, de Villeblanche, de Rouvray, de Cocherel, et de Bodkin-fitz-Gérald, lesquels, M. de Gouy portant la parole, ont dit qu'ils n'avaient point entendu appeler la colonie de Saint-Domingue, dont ils sont les représentants, et au nom de laquelle ils avaient remis une requête sur lé bureau, le 8 de ce mois. M. le doyen, après avoir pris l'avis de l'Assemblée, les a invités à remettre leurs pouvoirs sur le bureau, ce qu'ils ont exécuté.
S'est présenté M. Hennel, député des communes du bailliage d'Avesnes, lequel a remis ses pouvoirs.
Se sont présentés M. Girod de Ghevri et M. Girod de Thoiri, députés du bailliage de Gex, lesquels ont remis leurs pouvoirs.
S'est présenté M. Douchet, député des communes d'Amiens, lequel était absent lors de l'appel qui a été fait fait hier.
Se sont présentés MM. Nau deBelleisle et Peru-chaud, lesquels ont dit qu'ils étaient députés des communes de la sénéchaussée de Castelmoren d'Albret, et n'ayant pas leurs pouvoirs en main, ont promis d'en justifier incessamment.
Personne ne se présentant plus, l'appel a été terminé à une heure et demie. L'Assemblée a déclaré que cet appel, ayant été fait principalement par ordre alphabétique, ne tirerait à aucune conséquence pour les rangs et séances.
, pendant l'appel, a dit qu'il venait de recevoir avis de M. le garde des sceaux, que Sa Majesté recevrait, à une heure après midi, le doyen de l'Assemblée et deux adjoints en députation.
On a proposé qu'un des curés fût choisi pour accompagner M. le doyen chez le Roi.
, en s'empressant d'applaudir au zèle de ces ecclésiastiques, a observé que l'adresse au Roi étant seulement pour les communes, un membre du clergé ne pouvait aller en demander la réponse.
Cette réflexion a été approuvée de tout le monde.
L'Assemblée a chargé le bureau formé par les gouvernements de nommer les deux adjoints. Ils ont nommé MM. Wartel et Blanquart des Salines, comme plus anciens d'âge ; et M. le doyen, accompagné des deux adjoints, est sorti de l'Assemblée qui a été présidée, pendant son a sence, par le plus ancien des adjoints présents.
a rapporté, l'appel fini, que la députation avait été reçue dans le cabinet du Roi; qu'il avait eu l'honneur de dire au Roi : t Sire, les députés de vos fidèles communes
nous ont chargés de présenter à Votre Majesté leur délibération du 10 juin, et cette adresse qui contient les motifs de leur conduite, et les témoignages de leur respect et de leur amour; » qu'il avait remis en même temps à Sa Majesté une copie de la délibération et de l'adresse; et que le Roi avait répondu en ces termes : « Je ferai savoir mes intentions à la Chambre du tiers-état sur le mémoire que vous me présentez de sa part. »
Suit la teneur de l'adresse présentée au Roi :
« Sire, les députés de vos communes, en présentant à Votre Majesté les délibérations qu'ils ont prises sur les moyens de conciliation proposés par vos commissaires, croient devoir mettre sous vos yeux les motifs qui les leur ont prescrites.
« Dès l'ouverture des Etats généraux, les députés de vos communes ont employé tous leurs efforts pour obtenir de la noblesse et du clergé la réunion et la concorde.
« Empressés de répondre à l'invitation que Votre Majesté avait faite par l'organe de son garde des sceaux, ils se sont réunis au jour indiqué, dans la salle des Etats généraux, pour vérifier les pouvoirs, et ils y ont attendu inutilement les députés du clergé et de la noblesse.
« Le jour suivant, ils les ont invités à s'y rendre.
« Cette démarche a été sans succès.
« Les députés du clergé ont cru, dans cette circonstance, qu'Userait possible de parvenir à s'accorder en nommant des commissaires.de chaque ordre, et ils en ont fait la proposition à la noblesse et aux communes.
« Les députés des communes l'ont acceptée ; et dans le désir sincère de la conciliation, ils ne se sont permis aucun acte jqui ait pu la contrarier.
« La noblesse a paru l'accepter aussi; mais dans le même temps, se déclarant Chambre constituée, elle a semblé vouloir se prémunir contre toutes propositions de rapprochement qui pourraient être faites. Les conférences ont eu lieu cependant. Après deux séances et de longues discussions, un commissaire de la noblesse a présenté une proposition conciliatoire; mais cette proposition, qui n'était conciliatoire qu'en apparence, ne tendait qu'à faire adopter par les députés des communes le système que la noblesse avait embrassé. Un commissaire du clergé a présenté un autre moyen. Sur le rapport qui en a été fait par les commissaires respectifs, la noblesse l'a refusé, tandis que les communes n'attendaient, pour y donner la plus sérieuse attention, que le moment où la proposition serait avouée par l'Assemblée du clergé.
« Ayant ainsi perdu l'espoir d'obtenir la conciliation par le travail des conférences, les députés des communes l'ont cherchée par des moyens nouveaux. Ils se sont portés en députation solennelle dans l'Assemblée du clergé. Ils l'ont invité, ils l'ont pressé, Sire, au nom du Dieu de paix et de l'intérêt national de se réunir à eux pour travailler de concert à l'établissement de la concorde.
« Le lendemain de cette invitation, nous attendions, Sire, l'effet de notre démarche. La délibération du clergé nous était annoncée. La lettre de Votre Majesté nous est parvenue. Cette lettre nous manifestait le désir de Votre Majesté de voir continuer les conférences, et l'intention où elle était de contibîuer directement elle-même au rétablissement de l'harmonie entre les ordres.
« Chacun des ordres a paru mettre de l'empressement à remplir les vues de Votre Majesté, Mais
la noblesse a pris, au même instant, un arrêté dont elle s'est fait un titre depuis, pour se défendre d'adopter le plan proposé par vos commissaires.
« Ainsi, les communes se sont toujours présen-! tées à la conciliation , libres d'acoepter les plans qui leur seraient offerts.
« La noblesse au contraire y est toujours arrivée liée par des arrêtés formés au moment même où elle acceptait les conférences.
« Il était facile de prévoir l'effet de ces démarches respectives.
« Les commissaires de Votre Majesté ont proposé, de sa part, une ouverture de conciliation : et sans doute, Sire , elle eût été plus favorable à nos principes, si lorsque Votre Majesté en a conçu le projet, la discussion de nos raisons eût étd entièrement développée; si le procès-verbal des) conférences eût pu être mis sous vos yeux; etj si, dès lors, l'accès que nous sollicitions auprès de Votre Majesté avait pu être accordé à nos instances.
« Ces raisons, Sire, ont dû nous engager à différer l'examen de la proposition de vos commissaires, jusqu'au temps où la vérité vous serait parvenue; mais nous n'en étions pas moins disposés à porter dans cet examen l'esprit de confiance et d'amour qu'inspire à tous les Français la profonde conviction de vos intentions bienfait santés.
« La noblesse s'est déterminée dans cet intervalle. Elle a fait un arrêté par lequel, en se référant à ceux qu'elle avait précédemment délibérés, elle réserve à sa Chambre seule le jugement exclusif et définitif des simples députés de son ordre, et ne se prête au moyen proposé par vos commissaires, que pour le'jugement des députations entières.
« Cet arrêté, Sire, rend l'ouverture de conciliation absolument illusoire. La noblesse ne l'adopte pas, puisqu'elle persiste dans des arrêtés évidemment contraires. Elle en repousse la lettre et l'esprit, puisqu'elle prétend retenir le jugement des députés de son ordre, quoique le moyen proposé embrasse toutes les contestations, et quoiqu'il soii fondé surle principe, implicitement reconnu, que des députés qui concourent à une œuvre commune doivent mutuellement connaître et sanctionner leur composition.
« Après ce refus de la noblesse, Sire, les députés de vos communes se seraient inutilement livrés aux discussions qui devaient naturellement s'élever entre la force des principes et Je sacrifice passager que, par amour de la paix, Votre Majesté paraissait désirer d'eux. Le motif exprimé dans le plan proposé par vos commissaires était, en opé? rant la conciliation des ordres, de donner à l'As4 semblée une activité que l'intérêt de l'Etat et les vœux de toute la nation ne permettaient plus dé retarder. La conciliation étant devenue impossi-[ ble par l'arrêté de la noblesse, que restait-il à faire aux députés de vos communes? 11 ne leur restai^ autre chose à faire, Sire, qu'à se mettre prompte-f ment en activité, sans perdre le temps davantage à de vaines discussions, et à satisfaire ainsi le vœu le plus pressant de votre cœur.
« Telles ont été, Sire, les circonstances qui ont nécessité la délibération que nous avons l'honneur de vous présenter. Les députés des communes, pénétrés de la sainteté et de l'étendue dé leurs devoirs, sont impatients de les remplir^ Déjà ils ont mis sous les yeux de Votre Majesté quelques-uns des principes qui les dirigent. Ils font le serment de se dévouer, sans réserve, à
tout ce qu'exigera d'eux l'importante mission dont ils sont chargés. Ils jurent de seconder de tout leur pouvoir les généreux desseins que Votre Majesté a formés pour le bonheur de la France. Et afin d'y concourir avec plus de succès, alin que l'esprit qui vous anime, Sire, puisse être sans cesse au milieu d'eux, et conserver entre leurs vœux et vos intentions la plus constante harmonie, ils supplient Votre Majesté de vouloir bien permettre à celui qui remplira les fonctions de doyen et de président dans leurs Assemblées, d'approcher directement de votre personne sacrée, et de lui rendre compte de leurs délibérations et des motifs qui les auront déterminées. »
Le Roi lui a répondu en ces termes :
« Je. ferai savoir mes intentions à la Chambre du tiers-état sur le mémoire que vous me présentez de sa part. »
Sur la motion dJun des membres de VAssemblée, elle a approuvé provisoirement la division précé-idemment faite des membres de l'Assemblée en \ingt bureaux ; elle a chargé ces différents bureaux de procéder à l'examen des procès-ver-îbaux d'élection remis par les députés, savoir : le premier bureau, de procéder à l'examen des ti-[tres des députés, des sénéchaussées d'Agen, d'Aix, d'Albret, de Tartas; du bailliage d'Alençon; des dix villes impériales d'Alsace; des bailliages d'Amiens et Ham, d'Amont en Franche-Comté et d'Angouléme.
Le second bureau, à l'examen des titres des dé-jputés des sénéchaussées d'Anjou, d'Annonay, d'Arles, delà ville d'Arles, de la sénéchaussée d'Armagnac, delà province d'Artois, de la sénéchaussée d'Aueh, des bailliages d'Autun et d'Auxerre.
Le troisième bureau, à l'examen desjitres des députés des bailliages d'Auxois,. d'Avaf en Franche Comté, d'Avesnes, de Bailleul, de Bar-le-Duc, de Bar-sur-Seine, des sénéchaussées de la Basse-Marche, de Bazas, et du Beaujolais.
Le„quatrième bureau, à l'examen des titres des députés des bailliages de Beauvais, BufortetHu-i ningue, Berri, Besançon; des sénéchaussées de Béziers, de Bigorre, du bailliage de Blois, des sé-| néchaussées de Bordeaux et de 'Boulogne-sur-Mer.
Le cinquième bureau, à l'examen des titres des députés du bailliage de Bourg-en-Bresse, de la sénéchaussée de Brest, des bailliages de Bugey et Valromoy, de Caen, de Calais et Ardres, du Gam-brésis; "des sénéchaussées de Garcassonne, Car-haix et Castelnaudary.
Le sixième bureau, à l'examen des titres des I députés de la sénéchaussée de Castres, des bailliages deCaux, de Châlons-sur-Marne, de Châ-lon-sur-Saône, de Chartres, deCharolles, deChâ-teauneuf enThimerais, de Château-Thierry, et de la sénéchaussée de Châtelleraut.
Le septième bureau, à l'examen des titres des députés du bailliage de la Montagne, séanlàChâ-tillon-sur-Seinè, de Chaumont en Bassigni, de F Chaumont en Vexin; de la sénéchaussée deGler-mont eu Auvergne, de Clermont en Beauvoisis, de Colmar et Schelestadt, de Comminges et Nebouzan, de Condom ; du bailliage de Coutances.
Le huitième bureau, à l'examen des titres des ; députés du bailliage de Crépv en Valois, du Dau-phiné, de la sénéchaussée d'Acqs, Saint-Sever et Bayonne; du bailliage de Dijon; de la sénéchaus-! sée de Dinan ; des bailliages de Dôle en Franche-Comté, de Douai et Archies, Dourdan, ej de la sénéchaussée de Draguignan.
Le neuvième bureau, à l'examen des titres des députes des bailliages d'Etampes, d'Evreux; de la
sénéchaussée de Forcalquier, Sisteron, Digne et Barcelonnette; du bailliage de Forez; de la sénéchaussée de Fougères, des bailliages de Gex et de Gien; de la sénéchaussée de Guéret et Haute-Marne; du bailliage d'Haguenau et Wissemoourg.
Le dixième bureau, à l'examen des titres des députés des sénéchaussées d'Hennebont, de Les-neven, de Libourne; du bailliage de Lille; des sénéchaussées de Tulles, de Limoges, de Limoux; du bailliage de Loudun, et de la ville de Lyon.
Le onzième bureau, à l'examen des titres des députés de la sénéchaussée de Lyon, du bailliage de Mâcon, de la sénéchaussée du Maine, du bailliage de Mantes et Meulan; des marches communes du Poitou et de la Bretagne; de la sénéchaussée de Marseille; des bailliages de Meaux et Melun, et de sénéchaussée de Mende.
Le douzième bureau, à l'examen des litres des députés du bailliage de Metz, de la ville de Metz, des bailliages de Mirecourt; de Montargis; de la sénéchaussée de Mont-de-Marsan, du bailliage de Montfort-l'Amaury; de la sénéchaussée de Montpellier; du bailliage deMontreuil-sur-Mer.
Le treizième bureau, à l'examen des titres des députés des sénéchaussées de Morlaix et Lannion, de Moulins; du bailliage de Nancy; de la sénéchaussée de Nantes; du bailliage de Nemours, de la sénéchaussée de Nismes etBeaucaire; du bailliage de Nivernais et Donziois, et de la principauté d'Orange.
Le quatorzième bureau, à l'examen des titres des députés du bailliage d'Orléans; de la sénéchaussée de Pamiers; de la prévôté et vicornté de Paris, de la ville de Paris; du bailliage du Perche; de la sénéchaussée du Périgord; du bailliage de Péronne, Roye et Montdidier; de la viguerie de Perpignan.
Le quinzième bureau, à l'examen des titres des députés de la sénéchaussée de Ploërmel, de celles du Poitou et de Ponthieu; du bailliage de Provins ; des sénéchaussées du Puy en Vélay, du Quercy, de Quimper, et du bailliage de Reims.
ke seizième bureau, à l'examen des titres des députés des sénéchaussées de Rennes, de llodez, de Riom; des pays et jugeries de Rivière-Verdun, Gaure, Léonac et Marestaing; delà sénéchaussée de la Rochelle; des bailliages et ville de Rouen ; des sénéchaussées de Saint-Jean-d'Angély et de Saint-Brieuc.
Le dix-septième bureau, à l'examen des titres des députés de la sénéchaussée de Saintes; des bailliages de Saint-Flour, de Saint-Pierre-le-Moû-tier, de Saint-Quentin, de Sarreguemines ; de la sénéchaussée de Saumur; des bailliages de Sedan et de Senlis.
Le dix-huitième bureau, à l'examen des titres des députés des bailliages de Sens, Sézanne, Sois-sons, de la ville de Strasbourg; du bailliage de Toul et Vie ; des sénéchaussées de Toulon, de Toulouse et du bailliage de Touraine.
Le dix-neuvième bureau, à l'examen des titres des députés des sénéchaussées de Trévoux, de Troyes ; du bailliage de Labour, séant à Ustaritz; de la ville de Valenciennes ; des bailliages de Vendôme, de Verdun et de Vermandois.
Le vingtième bureau, à l'examen des titres des députés des sénéchaussées de Villefranche, de Rouergue, de Villeneuve de Berg; des bailliages de Villers-Gotterets, de Vitry-le-François, et des colonies de Saint-Domingue.
L'Assemblée a chargé les bureaux de faire prochainement leur rapport. En conséquence, M. le doyen a averti les bureaux, au nom de l'Assemblée, de se réunir dans leurs différentes salles à
quatre heures après midi, pour procéder à Ja vérification et préparer leur rapport.
Signé: Bailly, doyen, Camus, secrétaire, Pison du Galland fils, secrétaire.
Séance du soir (1).
Les bureaux s'étant assemblés dans les salles qui leur avaient été préparées, il a été distribué à chacun d'eux respectivement les titres et pièces remis par les députés des provinces, bailliages, sénéchaussées et ville du royaume, de l'examen desquels ils étaient chargés. A huit heures du soir, la plupart des bureaux ayant annoncé que leur travail était achevé, M. le doyen, sur leur demande, a formé l'Assemblée générale ; et on a commencé à entendre le rapport des vérifications, M. Camus, secrétaire provisoire, a appelé successivement les bureaux pour faire leur rapport.
A l'appel du premier bureau, .il a été répondu que le travail n'était pas totalement achevé. L'audition du rapport a été remise à demain; et le second bureau a été appelé.
a fait le rapport du travail de ce bureau. Il a dit que les titres produits par les députés de la sénéchaussée d'Anjou avaient été trouvés en bonne forme; qu'il en était de même de ceux des députés de la sénéchaussée d'Anno-nay, si ce n'est qu'on ne justifiait pas de la prestation de serment de M. Monneron, l'un d'eux. R1. Monneron en a rapporté le procès-verbal en bonne forme. M. le rapporteur a continué, et dit que les titres des députés de la sénéchaussée et de la ville d'Arles étaient pareillement en bonne forme; qu'il manquait dans les titres des députés de la sénéchaussée d'Armagnac l'acte de prestation de serment, qui a été sur-le-champ rapporté par l"un desdits députés. Les titres des députés de l'Artois se sont trouvés en bonne forme. Il manquait à ceux des députés de la sénéchaussée d'Auch l'acte de prestation de serment : il a été remis à l'instant. Les titres des députés du bailliage d'Autun se sont trouvés en bonne forme, A l'égard* des titres des députés du bailliage d'Auxerre, M. le rapporteur a dit que son bureau n'avait trouvé aucune difficulté dans les titres de MM. Marie de la Forge et Paultre des Epinettes; mais que M. Remond, qui s'était présenté lors de l'appel, n'avait été nommé qu'en qualité d'adjoint, et sur l'espérance que la sénéchaussée d'Auxerre avait conçue d'obtenir une députation plus considérable que celle qui lui avait été accor-aée.L'Assemblée, après avoir délibéré, a arrêté que l'examen des titres de M. Remond serait repris, après que l'Assemblée serait constituée, et que, cependant, par provision, sans préjudice à aucun de ses droits en définitif, M. Remond ne serait point appelé pour donner sa voix ltfrs des opinions.
, rapporteur nommé par le troisième bureau, a dit que les titres des députés des
bailliages d'Auxois, d'Aval en Franche-Comté, d'Avesnes, de Bailleul et de Bar-le-Duc,
avaient paru
, rapporteur du quatrième bureau, a dit que le procès-verbal d'élection de MM. les députés du bailliage de Beauvais n'était pas rapporté. L'Assemblée a ordonné de le rapporter dans quinzaine, et cependant, que les députés dudit bailliage seraient appelés et jouiraient du droit de donner leur avis. M. le rapporteur a dit que les députés du bailliage de Belfort ne rappor? taient pas non plus le procès-verbal de leur élection : l'Assemblée a prononcé la même décision. M. le rapporteur a continué, et a dit que les titres des députés du bailliage du Berry étaient en règle, 11 a observé que les députés dû bailliage de Besançon ne rapportaient pas le procès-verbal de leur élection. Ils l'ont produit, et il s'est trouvé en bonne forme. M. le rapporteur a repris et déclaré que les procès-verbaux d'élection et de prestation de serment des sénéchaussées de Be-ziers, de Bigorre, de Bordeaux et de Boulogne-sur-Mer, ainsi que du bailliage de Blois, étaient en bonne forme. Il a seulement observé, par rapport au bailliage de Blois, qu'il existait une réclamation de la paroisse de Ville-Erancœur, laquelle n'avait concouru à l'élection d'aucun député aux Etats, parce que, ayant été assignée à deux élections, ses habitants avaient été renvoyés de Blois à Tours, où l'élection s'était trouvée faite quand ils y étaient arrivés. L'Assemblée a arrêté que cette réclamation serait remise à l'examen, pour en être rendu compte à l'Assemblée, après qu'elle se serait constituée.
A l'appel du cinquième bureau, il a été répondu que le travail n'était pas achevé, et l'Assemblée" a remis le rapport du travail de ce bureau à demain.
a rendu compte, au nom du sixième bureau, des titres des députés de ta sénéchaussée de Castres, des bailliages de Caux, de Châlons-sur-Marne, de Châlons-sur-Saône, de Chartres, de Charolles, de Châteauneuf en Thime-rais, de Château-Thierry et de Châtellerault. Il a dit que les procès-verbaux d'élection des députés de ces bailliages et sénéchaussées avaient paru au bureau parfaitement en règle ; mais qu'il manquait les actes de prestation de serment des députés de Castres, de M. Cherfils, député de Caux, et des députés du bailliage de Châtelleraut.
, rapporteur du septième bureau, a dit que les titres des députés des bailliages de Châtillon-sur-Seine, de Chaumont en Bassigny et de Chaumont en Vexin, avaient été trouvés réguliers ; que cependant il était à remarquer que, lors de l'élection des députés de Chaumont en Bassigny, quelques électeurs présents étaient porteurs de procurations d'électeurs absents. Sur quoi l'Assemblée a renvoyé à l'examen après qu'elle serait constituée, et arrêté que, cependant, les députés auraient la séance et le droit
d'opiner. M. le rapporteur, ayant repris la parole, à ait que les titres des députés de Clermont en Auvergne avaient paru réguliers au bureau ; cependant il a observé que, dans cette sénéchaussée, les électeurs avaient nommé une seconde députation, sur l'espérance d'obtenir la faculté de l'envoyer, mais que les personnes nommées pour ta seconde députation ne s'étaient point rendues aux Etats. L'Assemblée a renvoyé l'examen de ce bui regarde cette députation après qu'elle se sera constituée. M. le rapporteur a continué, et a dit qu'il n'avait été trouvé aucune difficulté dans les ùtres des députés de Clermont en Beauvoisis, de Colmar, deComminges, deCondom et de Coûtantes ; que ceux-ci n'avaient point d'abord produit d'acte de serment ; mais ils l'ont depuis rapporté en bonne forme.
, rapporteur, a dit, au nom du huitième bureau, que les titres des députés de C'répy en Valois, de Dauphiné, d'Acqs, de Dijon, de Dôle, de Dourdan et de Draguignan, avaient été trouvés en bonne forme, quoiqu'il y eût une réclamation de quelques membres du clergé et de la noblesse de Dauphiné contre la députation ae cette province ; mais que cette réclamation n'attaquait directement que la députation des membres du clergé et de la noblesse, et non celle des communes, en sorte que le bureau n'y avait aperçu aucune difficulté. M. le rapporteur a continué, et a dit que MM. les députés de Dinan, dont las titres étaient d'ailleurs en règle, ne rapportaient point le procès-verbal de leur prestation de serment ; qu'à l'égard de MM. les députés du bailliage de Douai, ils ne rapportaient pas le jprocès-verbal de leur élection, mais seulement la mention de cette élection dans le procès-verbal de leur prestation de serment. L'Assemblée a ordonné qu'ils rapporteraient ce procès-verbal (dans quinzaine, et que cependant ils auraient la faculté de voter.
, de la part du neuvième bureau, a déclaré que les titres des députés d'Elampes, d'Evreux, de Forcalquier, de Forez, de Fougères, de Gex, de Gien, de Guéret et de Haguenau (étaient en bonne forme, sauf qu'il manquait l'acte de prestation de serment de MM. les députés de Gex et de Guéret ; que le bureau avait observé que le procès-verbal d'élection des députés du Inailliage d'Etampes faisait mention de deux protestations contre l'élection de M. Delaborde-Méréville, fondées, l'une, sur la qualité de garde du trésor royal qu'il avait alors; l'autre, sur une prétendue contravention aux articles 25 et 30 du règlement du 24 janvier, qui n'était pas spécifiée: sur quoi l'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à délibérer.
rapporteur nommé par le dixième bureau, a dit que le bureau n'avait trouvé aucune difficulté dans les titres des députés de Lesneven, de Libourne, de Lille, de Limoges, de Limoux et de la ville de Lyon. Il a observé, relativement à la députation delà ville d'Hennebont, régulière d'ailleurs, qu'il y avait une protestation contre la nomination de M. de la Ville le Roux, fondée sur ce qu'il avait été choisi exclusivement dans la classe des négociants-armateurs, conformément à une lettre de M. le garde des sceaux, ce que les autres négociants avaient prétendu leur être préjudiciable ; mais il a ajouté que cette protestation n'avait eu aucune suite ; et, en conséquence, l'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à
délibérer. M. le rapporteur a dit encore que les procès-verbaux d'élection de MM. les députés de Tulle et de Loudun manquent, et que M. Delort dé Puymalie ne paraît pas avoir prêté serment. L'Assemblée a arrêté que MM. les députés de Tulle et de Loudun rapporteraient dans quinzaine Je procès-verbal de leur élection, et que cependant ils jouiraient du droit d'opiner. A l'égard du défaut de serment de M. Delort de Puymalie, il a été remis à y statuer lorsqu'on délibérerait sur le défaut de prestation de serment commun à plusieurs députés.
, rapporteur du onzième bureau, a dit que les titres des députés des sénéchaussées de Lyon, de Mâcon et du Maine, du bailliage de Mantes et de Meulan, des marches communes de Bretagne et de Poitou, des sénéchaussées et bailliages de Marseille, de Meaux, de Melun et de Mende, avaient paru en bonne forme, mais qu'il n'apparaissait rien de la prestation de serment des députés de Mantes et de Meulan, ni de celui de M. Houdet, député du bailliage de Meaux. M. le rapporteur a ajouté que le bureau ayant examiné les pouvoirs des suppléants nommés par la sénéchaussée de Marseille, les avait trouvés en aussi bonne forme que ceux des députés principaux. Lors du compte qui a été rendu des titres des députés de la sénéchaussée de Lyon, M. Milanois, l'un des députés de la ville de Lyon, a fait part de quelques difficultés qui s'étaient élevées, relativement à la députation, entre la sénéchaussée et la ville. Leur discussion a été renvoyée après la constitution de l'Assemblée.
A dix heures la séance a été levée et continuée à demain dimanche, neuf heures du matin.
La Chambre du clergé et celle de la noblesse n'ont pas tenu de séance aujourd'hui.
COMMUNES.
Séance du matin (1).
ayant ouvert la séance, le rapport de l'examen des pouvoirs a été repris ainsi qu'il suit.
, portant la parole au nom de MM. du douzième bureau, dit qu'ils avaient eu sous les yeux
les pouvoirs remis par les députés des bailliages, sénéchaussées et villes de Metz,
Mire-court, Montargis, Mont-de-Marsan, Montfort-l'Amaury, Montpellier et Mon treuil-sur-Mer
; que les pouvoirs remis par les députés du bailliage de Metz étaient sans contradiction et
leur avaient paru réguliers; que les pouvoirs remis par le député de la ville de Metz
étaient contredits par différentes oppositions et protestations, fondées principalement sur
ce que le règlement particulier qui avait accordé un député à la ville de Metz
, député de la ville de Metz, a lu un mémoire contenant entre autres choses que la convocation par paroisses était également représentative de l'universalité des habitants, et que cette forme, substituée à l'autre, avait été approuvée par une lettre de M. le garde des sceaux. L'Assemblée a remis la décision après qu'elle sera4 constituée.
Un de Messieurs a mis en question si le député de la ville de Metz aurait séance provisoire. M. Maujean a dit que, pour ne pas consumer en discussions un temps précieux, il s'abstiendrait de délibérer jusqu'au jugement., L'Assemblée a reçu son abstention.
, reprenant son rapport, a dit que les pouvoirs remis par les députés de Mirecourt, Montargis, Mont-de-Marsan et Montfort-l'Amaurv, étaient sans contradicteurs et avaient paru réguliers. Il a observé néanmoins que la députation attribuée par le règlement à la sénéchaussée de Mont-de-Marsan avait été partagée entre les habitants de la ville, et ceux du surplus du ressort ; mais que ce partage ayant été fait volontairement par les intéressés, et étant sans réclamation, n'avait pas paru faire une irrégularité. L'Assemblée a approuvé l7avis du bureau.
a repris et dit que les pouvoirs remis par MM. Verny et Jac, députés de Montpellier, étaiént sans contradicteurs et avaient paru réguliers ; mais que la ville avait nommé une autre députation, sans y être autorisée par le règlement, et que cette seconde députation n'avait point encore obtenu l'approbation du Roi. L'Assemblée a remis, après sa constitution, l'examen du droit de la ville de Montpellier, sans séance pour la députation dont il s'agit.
, terminant son rapport, a dit que les pouvoirs remis par les députés de Montreuil-sur-Mer, étaient sans contradiction et avaient paru réguliers.
, portant la parole au nom de MM. du treizième bureau, a dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés des bailliages ou sénéchaussées de Morlaix et Lannion, Moulins, Nancy, Nantes, Nemours, Nîmes et Beaucaire, Nivernoïs et Donziois, et par ceux de la principauté d'Orange; qu'ils étaient sans contradicteurs et avaient paru réguliers.
, portant la parole au nom de MM. du quatorzième bureau, a dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés du bailliage d'Orléans, de la sénéchaussée de Pamiers, de la prévôté et vicomté de Paris, des bailliages et sénéchaussées du Perche, du Périgord, de Pé-ronne, Roye et Montdidier, et de la vigcerie de Perpignan ; que les pouvoirs remis par les députés d'Orléans étaient sans contradicteurs et avaient paru réguliers, quoique le procès-verbal d'élection
n'exprimât pas que les scrutateurs chargés de vé-j rifierle scrutin eussent été nommés eux-mêmes au scrutin. L'Assemblée a approuvé l'avis du bui reau.
a repris, et dit que les pouvoirs remis par les députés de Pamiers et de la prévôté et vicomté de Paris étaient sans contradicteurs et avaient paru réguliers.
Un de Messieurs a dit qu'on distribuait un mé4 moire imprimé sous le nom de la commune de Versailles, contenant des réclamations contre la députation de la prévôté et vicomté de Paris.
Un de Messieurs a répondu que cet imprimé n'avait aucun caractère ae certitude ou d'authen-i ticité tant qu'il n'était point présenté ou signé en original^par ceux au nom de qui il était distribuéJ L'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à délibérer quant à présent sur ce mémoire.
, reprenant son rapport, a dit que l'élection des députés de la ville de Paris avait été présidée par un des membres de l'Assemblée des électeurs, et non par le lieutenant civil au châtelet deParis, quoique appelé par le règlement : ce que le bureau n'avait pas regardé comme une irrégularité. 11 a ajouté qu'il y avait une protestation de huit personnes contre la députation de M. l'abbé Sieyès, attendu sa qualité d'ecclésiastique; mais que cette protestation avait paru sans fondement. L'Assemblée a approuvé l'avis du bureau.
, reprenant son rapport, a dit qu'il, n'y avait aucune difficulté sur les pouvoirs des députés du Perche; qu'ils avaient paru réguliers que les actes remis par les députés du Périgordi ne consistaient qu'en leur prestation de serment,! qui était sans contradiction et avait paru régulière. L'Assemblée â arrêté que le procès-verbal d'élection serait rapporté sous quinzaine, et cependant que les députés auraient provisoirement séance.
, terminant son rapport, a dit que les députés de Péronne, Roye et Montdidier, et de la viguerie de Perpignan, étaient sans contradiction et avaient paru réguliers.
, l'un de MM. du quinzième bureau, portant la parole, a dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés des bailliages ou sénéchaussées de Ploërmel, du Poitou, tant de la part de MM. du clergé, que des communes ; de Ponthieu, de Provins, du Puv en Velav, de Quercy, de Quimper et de Reims , que ces pouvoirs étaient sans contradiction et leur avaient paru réguliers ; que néanmoins ceux de Ploërmel, de Quimper et de Quercy avaient donné lieu aux observations sui-f vantés :
Qu'on annonçait comme certaine une protesta-! tion dune partie du clergé et de toute la noblesse de Bretagne contre la députation de Ploërmel et de Quimper, pour avoir été faite par arrondissement de bailliages et de sénéchaussées, et non dans les Etals de la province, conformément à l'ancien usage; mais que la forme substituée à l'ancienne était autorisée sur un règlement de Sa j Majesté, et que ce règlement avait été déterminé j par les divisions notoires qui régnaient dans les Etats; que cette observation s'appliquait aux au-
très députations de la même province, dont le rapport avait été ou serait fait à l'Assemblée ; et que MM. du Quercy ne rapportaient que leur serment qui se relatait à leur élection, et non leur élection elle-même.
L'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à délibérés, quant à présent, sur les protestations annoncées contre les députations de Ploërmel et autres de la même province ; elle a ordonné que MM. du Quercy rapporteraient leur élection sous quinzaine, avec séance provisoire.
, portant la parole au nom de MM. du seizième bureau, a dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés des bailliages, sénéchaussées, pays ou jugeries, et villes de Rennes, Rodez, Riom, Rivière-i Verdun, Gaure, Léonac et Marestaing, la Rochelle, Rouen, Saint-Jean d'Angély et Saint-Brieuc; que les pouvoirs remis par ceux de la ville de Rennes et de Rodez étaient sans contradictions et avaient paru réguliers.
a dit que le cahier de Rennes ne 1 permettait à ses députés de lier la Bretagne aux délibérationsdes Etats généraux, qu'autant qu'elles seraient adoptées par les Etats de cette province; que cette clause devait être révoquée avant que les députés de Rennes fussent admis à influer dans les délibérations: ne pouvant concourir à obliger les autres provinces sans obliger pa-! reillemetit la leur.
L'Assemblée a déclaré n'y avoir lieu à délibérer, quant à présent, sur la teneur des cahiers.
, reprenant son rapport, a dit que les pouvoirs remis par les députés de Riom étaient sans contradicteurs et avaient paru réguliers, à une difficulté près, concernant la députation particulière de M. Malouet, résultant de ce que celte députation avait été faite par acclamation et non au scrutin; qu'on avait observé néanmoins que les acclamations avaient été réitérées ; et qu'avant de regarder l'élection comme opérée par cette voie, il avait été demandé si -personne ne réclamait le scrutin. L'Assemblée a requis la lecture des pouvoirs de M. "Malouet. Cette lecture faite, l'Assemblée a remis, après sa constitution, la décision de la question, avec séance provisoire au député.
, reprenant son rapport, a dit que les pouvoirs remis par les députés de Rivière-Verdun, Gaure, Léonac et Marestaing ; la Rochelle, Rouen, Saint-Jean d'Angély et Saint-Brieuc, étaient sans contradicteurs et avaient paru réguliers, quoique, lors de l'élection de M. Perez, l'un des députés de Rivière-Verdun , Gaure, etc., il se fût trouvé deux scrutins au delà du nombre des électeurs ; et que, pour éviter des longueurs, au lieu de procéder à un nouveau scrutin, on eût fait retrancher au hasard, par un enfant, les deux scrutins surnuméraires ; mais que M. Perez n'avait pas moins eu une très-grande majorité. L'Assemblée a approuvé l'avis du bureau.
, terminant son rapport, a ajouté qu'il avait été nommé à La Rochelle un député au delà du nombre désigné par le règlement. L'Assemblée a remis, après sa constitution, l'examen du droit, sans séance pour le député excédant.
, portant la parole au nom de
MM. du dix-septième bureau, dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés de Saintes, Saint-Flour, Saint-Pierre-le-Moûtier, Saint-Quentin, Sarreguemines, Saumur, Sedan et Senlis; que ces pouvoirs étaient sans contradiction et leur avaient paru réguliers; que néanmoins ils donnaient lieu aux observations suivantes: que Je bailliage de Saint-Flour et ses secondaires avaient obtenu une nouvelle députation par un règlement particulier; que les deux députés du bailliage de Saint-Pierre-le-Moûtier avaient été nommés par un seul scrutin, et que le procès-verbal n'exprimait pas qu'ils eussent réuni plus de la moitié des suffrages; que les députés de Sedan ne rapportaient que le procès-verbal de leur prestation de serment, et non celui.de leur élection. L'Assemblée a approuvé l'avis du bureau, réservé de prendre en considération pour l'avenir, les observations faites à l'article de Saint-Pierre-le-Moûtier, et arrêté que les députés de Sedau rapporteraient le procès-verbal de leur élection sous quinzaine, avec séance provisoire.
, doyen, a annoncé une lettre adressée à MM. les députés des trois ordres, dans la salle .de l'Assemblée générale, et, en cas d'absence, à MM. du tiers-état.
L'Assemblée en a remis l'ouverture après qu'elle sera constituée.
M. Roussier a annoncé le décès de M. Liguier, non catholique, député de Marseille, et a invité à son inhumation pour huit heures du soir.
M. Castellanet, suppléant pour Marseille, s'est présenté, et a demandé séance. Ses,pouvoirs ayant été vérifiés par MM. du onzième bureau, qui en avaient fait rapport hier à l'Assemblée, la séance lui a été accordée.
, suppléant du Poitouf qui s'était présenté, et avait remis ses pouvoirs dans la séance du 13 de ce mois, a demandé à prendre séance, attendu l'absence de M. Thibauaeau, causée par sa maladie. L'Assemblée a dit n'y avoir lieu quant à présent.
La séance a été remise à cinq heures du soir.
Séance du soir (1).
M. le doyen a ouvert la séance.
, portant la parole au nom de MM. du dix-huitième bureau, dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés des bailliages, sénéchaussées ou villes de Sens et Villeneuve-le-Roi, Sézanne, Soissons, Strasbourg, Toul et Vie, Toulon, Toulouse, Touraine; qu'ils étaient sans contradicteurs et leur avaient paru réguliers. Ils ont observé néanmoins qu'il y avait une difficulté concernant la forme de l'élection de M. Ricard, suppléant de M. Thuré qui n'avait pas accepté: en ce que M. Ricard ne paraissait pas élu au scrutin. L'Assemblée a renvoyé à prononcer définitivement après sa constitution, avec séance provisoire à M. Ricard.
, portant la parole au
, portant la parole au nom de MM. du vingtième bureau, a dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés des bailliages ou sénéchaussées de Villefranche en Rouergue, Villeneuve-de-Berg, Villers-Gotterets et Vitry-le-François, qui étaient sans contradiction et leur avaient paru réguliers ; qu'ils avaient eu pareillement sous les yeux les pouvoirs présentés par les députés de la colonie de Saint-Domingue qui n'étaient pas complets, et que ces députés n'avaient aucune convocation de Sa Majesté.
L'Assemblée a remis, après sa constitution, l'examen des droits de cette colonie, sans suffrage provisoire.
MM. du premier bureau et MM. du cinquième bureau, dont le travail n'était pas terminé hier, ont été appelés.
, portant la parole au nom de MM. du premier bureau, dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs des députés des bailliages oii sénéchaussées d'Agen, Aix, Nérac et Tartas dans le duché d'Albret, d'Alençon, des dix villes ci-devant impériales d'Alsace, d'Amiens et Ham, Amont en Franche-Comté, Angouléme; qu'ils étaient sans contradiction et avaient paru réguliers, quoiqu'on eût observé dans le procès-verbal de l'élection du bailliage d'Amont qu'il n'y était pas fait mention de la présence du procureur du Roi. L'Assemblée a approuvé l'avis du bureau.
, portant la parole au nom de MM. du cinquième bureau, a dit qu'ils avaient eu sous les yeux les pouvoirs remis par les députés des bailliages ou sénéchaussées de Bourg-en-Bresse, Brest, Bugey et Valromey, Caen, Calais et Ardres, Cambrésis, Carcassonne, Carhaix et Cas-telnaudary; qu'ils étaient sans contradiction et avaient paru réguliers; mais que les députés de Bourg-en-Bresse n'avaient remis que le procès-verbal de leur prestation de serment, qui se référait à leur élection, mais non le procès-verbal de l'élection elle-même.
L'Assemblée a arrêté que le procès-verbal serait rapporté sous quinzaine, et cependant que les députés de Bourg auraient séance provisoire.
"Sont entrés et ont pris séance sur les bancs du clergé, MM. Besse,'curé de Saint-Aubin, député du clergé du bailliage d'Avesnes; Grégoire, curé d'Embermesnil, député du clergé du bailliage de Nancy; Dillon, curé du Vieux-Pouzauges, député du clergé de la sénéchaussée de Poitiers; Guegan, recteur de Pontivy; Loaisel, recteur de Rhédon: tous les deux députés du diocèse de Vannes ; et Bodineau, curé de Saint-Bienheuré de Vendôme, député du clergé du bailliage de Vendôme.
a dit: Messieurs, la nation nous reprocherait sans doute de ne nous être pas rendus hier dans la Chambre de l'Assemblée générale, pour vérifier en commun nos pouvoirs. Nous ne pouvons que louer le zèle et le patriotisme des confrères qui nous ont précédés ; mais leur inten-
tion nous était inconnue. Animés du désir de nous réunir à vous, nous avons voulu épuiser tous les moyens de douceur et de patience que la prudence et l'amour de la paix pouvaient nous inspirer.
Un motif non moins puissant nous arrêtait. Nous respectons, nous chérissons le monarque bienfaisant que le ciel nous a donné dans sa miséricorde. Ses intentions sont pures, ses vues . pour le bonheur de son peuple nous sont connues; chacun de nous craignait de n'y pas conformer sa conduite; mais étant convaincus que nos pouvoirs doivent être connus de tous les représentants de la nation, nous nous rendons, Messieurs, dans l'espérance de voir cesser enfin notre malheureuse situation. Nous venons avec confiance reprendre dans ce moment, au milieu de vous, les places que notre monarque bienfaisant nous avait assignées pour y travailler au grand œuvre de la félicité publique. De cet édi-lice élevé par ses ordres, il nous faisait entendre les expressions touchantes de son amour pour son peuple, et il nous invitait à réunir nos tra-vaux.
Persuadés que le concert des trois ordres peut ; seul opérer les heureux effets que la nation paraît attendre avec la plus vive impatience, nous vous le déclarons, Messieurs, c'est le désir le plus ardent d'établir cette union qui nous conduit ici. Nous respecterons, ainsi que ceux qui nous fQnt I l'honneur de nous entendre, les droits du souverain, les lois constitutionnelles de l'Etat, la propriété des individus qui le composent. Nous vous prions, Messieurs, de vouloir bien inscrire sur vos registres, et de nous délivrer copie des motifs et des principes que nous venons de vous exposer. Il est intéressant pour nous que la France, le monde entier connaisse la pureté de nos intentions.
a ajouté que ses pouvoirs étaient compris dans ceux qui ont été remis par les députés des communes du Poitou.
a remis ses pouvoirs sur le bureau : ils ont été mis entre les mains de M. Camus.
ont dit qu'ils remettraient les leurs demain matin.
L'Assemblée a chargé MM. du premier bureau, joints MM. Lecesve, Ballart et Jallet, députés du clergé du Poitou, dont les pouvoirs ont été vérifiés, d'examiner ceux de MM. les eclésiastiques ci-dessus dénommés, pour lui en faire rapport.
a remis et continué la séance à demain, neuf heures du matin.
Séance du
CLERGÉ.
Le clergé continue de délibérer sur le même objet ; mais la Chambre n'a pris encore aucune détermination.
NOBLESSE.
Les délibérations de la Chambre ont pour objet
l'invitation faite par le tiers-état. En exécution de l'arrêté du 13 de ce mois, elle en prend un autre aujourd'hui; elle arrête qu'expédition en ïorme de celui pris le samedi 13 de ce mois sera portée par une députation composée de six mem-res, Tune à l'ordre du clergé, l'autre à celui du |lu tiers-état, et qu'en outre il sera envoyé une autre députation au roi pour lui rendre compte de la conduite et des délibérations de la Chambre depuis l'ouverture des Etats généraux.
M. le comte de Lally-Tollendal prononce, à cette occasion, le discours suivant :
(1). Messieurs, qu'une portion de l'Assemblée législative, en contestation avec une autre, invoque le dé-ploiemontdu pouvoir exécutif, c'est un paradoxe, p'est une espèce de monstre eu constitution.
Après n'avoir cessé de dire depuis un mois que nos droits sont attaqués, aller dire aujourd'hui solennellement au Roi qu'il en est le conserva-jteur, et le prier de les prendre en considération, en même temps que nous lui portons une espèce de manifeste contre les prétentions de ceux que nous nommons malheureusement nos adversaires, c'est évidemment, quoique sous des termes déguisés, appeler la force à notre secours.
Je ne répéterai point tout ce qui vous a été dit avec tant d'énergie sur le danger d'une pareille mission, je me bornerai à relever une cicon-stance qui me frappe.
Avant-hier encore, nous avon3 refusé un plan de conciliation proposé par le Roi, et nous allons aujourd'hui provoquer des actes de son autorité!
Quand il voulait nous donner la paix, nous ne l'avons pas écouté, et nous allons lui demander de s'armer pour nous!
Quand il ne disait pas un mot qui ne fût une expression de sensibilité, de ménagement, j'oserai dire de respect pour les libertés nationales, il nous a trouvés ombrageux, inaccessibles à la persuasion, et nous voilà tout à coup assez confiants pour lui abandonner ces mêmes libertés!
Il en sera plus jaloux que nous, je n'en doute pas. Sa gloire augmente chague jour par un parallèle, quik chaque jour devient plus étonnant; p'est lui jusqu'ici qui nous a préservés de nous-mêmes. Dans l'ancien système des cours, c'était à lui de nous diviser et il ne cherche qu'à nous réunir. Mais ce parallèle est-il aussi glorieux pour la nation que pour son chef? En recueillant le fruit de ses vertus, du moins faudrait-il nous cil montrer dignes. En étant libres par lui, du moins faudrait-il que nous ne le fussions pas malgré nous.
La puissance exécutrice, nous a-t-on dit, conserve les lois. Oui, sans doute, mais la puissance exécutive n'a d'action coactive à cet égard que sur les sujets et il n'y a de sujets que les individus ; excepté le cas de dissolution qui doit appartenir à la prérogative royale, la puissance texécutive n'a aucune action coactive sur l'Assemblée nationale. Toutes deux souveraines, toutes deux législatrices, l'une et l'autre n'ont respectivement qu'une action de concours.
On a encore dit que le tiers-état avait envoyé son arrêté au Roi ; mais il n'a fait que
communiquer, il s'est bien gardé de soumettre et il est inutile de faire naître encore un
parallèle où l'avantage ne serait pas pour nous. Le tiers-état,
On nous a cité une loi qui ordonne, dit-on, qu'en cas de division entre les ordres, l'objet contesté restera sans détermination; elle ne dit donc pas que l'objet contesté sera déterminé par le Roi.
On nous a cité un exemple de 1356, mais outre qu'il n'est nullement applicable à la question, j'avoue qu'en général, dans tout ce qui intéressera la constitution, il m'arrivera rarement de combattre les exemples tirés de notre histoire, plus rarement encore d'en citer. Ces exemples ne font rien contre un principe; c'est avec des principes qu'on sauvera la France et c'est avec des exemples qu'on la perdra.
Enfin, Messieurs, on a fait de longs reproches, mêlés même de quelque amertume, aux membres de cette Assemblée, qui avec autant de douleur que de réserve, ont manifesté quelques doutes sur ce qu'on appelle notre constitution. Cet objet n'avait peut-être pas un rapport très-direct avec celui que nous traitons ; mais puisqu'il a été le prétexte de l'accusation, qu'il devienne aussi celui de la défense et qu'il me soit permis d'adresser quelques mots aux auteurs de ces reproches.
Vous n'avez certainement pas de loi qui établisse .que les Etats généraux font partie intégrante de la souveraineté, car vous en demandez une, et jusqu'ici tantôt le veto du Conseil leur défendait de délibérer, tantôt l'arrêt d'un parlement cassait leurs délibérations.
Vous n'avez pas de loi qui nécessite le retour périodique de vos Etats généraux, car vous en demandez une, et il y a 175 ans qu'ils n'avaient été assemblés.
Vous n'avez pas de loi qui mette votre sûreté, votre liberté individuelle à l'abri des atteintes arbitraires, car vous en demandez une et sous le règne d'un Roi dont l'Europe entière connaît la justice et respecte la probité, des ministres ont fait arracher vos magistrats du sanctuaire des lois par des satellites armés. Sous le règne précédent, tous les magistrats du royaume ont encore été arrachés à leurs séances, à leurs foyers, et dispersés par l'exil, les uns sur la cime des montagnes, les autres dans la fange des marais, tous dans des endroits plus affreux que la plus horrible des prisons. En remontant plus haut, vous trouverez une profusion de cent mille lettres de cachet, pour de misérables querelles théologiques. En vous éloignant davantage encore, vous voyez autant de commissions sanguinaires que d'emprisonnements arbitraires, et vous ne trouvez à vous reposer qu'au règne de votre bon Henri.
Vous n'avez pas de loi qui établisse la liberté de la presse, car vous en demandez une, et jusqu'ici vos pensées ont été asservies, vos vœux enchaînés, le cri de vos cœurs dans l'oppression a été étouffé, tantôt par le despotisme des particuliers, tantôt par le despotisme plus terrible des corps.
Vous n'avez pas, ou vous n'avez plus de loi qui nécessite votre consentement pour les impôts, car vous en demandez une, et depuis deux siècles vousavez étéchargés de plusdetroisouquatrecent millions d'impôts, sans en avoir'consenti un seul.
Vous n'avez pas de loi qui rende responsable tous les ministres du pouvoir exécutif, car vous en demandez une; et les créateurs de ces com-
missions sanguinaires, les distributeurs de ces ordres arbitraires, les dilapidateurs du Trésor public, les violateurs du sanctuaire de la justice, ceux qui ont trompé les vertus d'un Roi, ceux qui ont flatté les passions d'un aulre, ceux qui ont causé le désastre de la nation, n'ont rendu aucun compte, n'ont subi aucune peine.
Enfin vous n'avez pas une loi générale, positive, écrite, un diplôme national et royal tout à la fois, une grande charte siir laquelle repose un ordre fixe et invariable, où chacun apprenne ce qu'il doit sacrifier de sa liberté et de sa propriété pour conserver le reste qui assure tous les droits, qui définisse tous les pouvoirs. Au contraire, le régime de votre gouvernement a varié de régne en règne, souvent de ministère en ministère; il a dépendu de l'âge, dq. caractère d'un homme. Dans les minorités, sous un prince faible, l'autorité royale qui importe au bonheur et à la dignité de la nation a été indécemment avilie, soit par les grands qui d'une main ébranlaient le trône, et de l'autre foulaient le peuple, soit par des corps qui, dans un temps, envahissaient avec témérité ce que, dans un autre, ils avaient défendu avec courage. Sous des princes orgueilleux qu'on a flattés, sous des princes vertueux qu'on a trompés; cette même autorité a été poussée au delà de toutes les bornes. Vos pouvoirs secondaires, vos pouvoirs intermédiaires, comme vous les appelez, n'ont été ni mieux définis ni plus fixés. Tantôt les parlements ont mis en principe qu'ils ne pouvaient se mêler des affaires d'Etat; tantôt ils ont soutenu qu'il leur appartenait de les traiter comme représentants de la nation. On a vu d'un côté des proclamations annonçant les volontés du Roi, de l'autre des arrêts dans lesquels les officiers du Roi défendaient au nom du Roi, l'exécution des ordres du Roi. Les cours ne s'accordent pas mieux entre elles, elles se disputent leur origne, leurs fonctions, elles se foudroient mutuellement par des arrêts.
Je borne ces détails que je pourrais étendre jusqu'à l'infini; mais si tous ces faits sont constants, si vous n'avez aucune de ces lois que vous demandez ou si, en les ayant (et faites bien attention à ceci), vous n'avez pas celle qui force à les exécuter, celle qui en garantit l'accomplissement et qui en maintient la stabilité, définissez-nous donc ce que vous entendez par le mot de constitution, et convenez au moins qu'on peut accorder quelque indulgence à ceux qui ne peuvent se préserver de quelques doutes sur l'existence de la nôtre. On parle sans cesse de se rallier à cette constitution; ah! plutôt, perdons de vue ce fantôme pour y substituer une réalité. Et quant à cette expressiou d'innovations, quant à cette qualification de novateurs dont on ne cesse de nous accabler, convenons encore que les premiers novateurs sont dans nos mains, que les premiers novateurs sont nos cahiers; respectons, bénissons cette heureuse innovation qui doit tout mettre à sa place, qui doit rendre tous les droits inviolables, toutes les autorités bienfaisantes et tous les sujets heureux.
C'est pour cette constitution, Messieurs, que je forme des vœux, c'est cette constitution qui est l'objet de tous nos mandats, et qui doit être le but de tous nos travaux ; c'est cette constitution qui répugne à la seule idée de l'adresse qu'on nous propose,'adresse qui compromettrait le Roi, autant que la nation, adresse enfin gui me paraît si dangereuse, que non-seulement je m'y opposerai jusqu'au dernier instant, mais que s'il était possible qu'elle fût adoptée, je me croirais réduit
à la douloureuse nécessité de protester solennellement contre elle.
La séance est levée.
communes.
Séance du matin.
Le peuple s'était porté en foule à cette séance.
A l'ouverture, M. ie doyen propose de renouveler MM. les adjoints et de procéder à l'élection d'un nouveau doyen. L'Assemblée décide que M. le doyen et MM. les adjoints actuels continueront leurs fonctions.
, curé de Saint-Jean de Saint-Quentin, se présente à l'Assemblée, en remettant ses pouvoirs pour les soumettre à la vérification. Il prononce le discours suivant :
Messieurs, depuis l'ouverture des Etats généraux, mon cœur est au milieu de vous. Dans une Chambre qui s'est séparée, j'ai combattu pour vos intérêts nécessairement unis aux nôtres et à ceux de la nation entière. Je viens ici, Messieurs, pro-j fesser hautement cette vérité, et reconnaître la; nécessité indispensable de la vérification com-j mune des pouvoirs d'une Assemblée nationale. Je soumets les miens à votre examen ; c'est dans cet acte que vous trouverez le titre de votre coopé-| rateur dans l'œuvre importante de la régénération de l'Etat ; dans ma conduite, vous trouverez les principes de la tendre affection d'un frère. Si cet exemple n'est pas suivi par le plus grand nombre, vous ne désapprouverez pas sans doute mon retour dans la Chambre du clergé, où la défense de votre cause exigera ma présence.
va, au milieu des. applaudissements, prendre place sur les bancs du clergé.
, l'un des députés des communes de Saint-Quentin, et M. Thibau-deau, l'un des députés des communes de Poitiers,! qui n'avaient pas répondu à l'appel de leur bail-] lage et sénéchaussée, fait le 13 de ce mois, se sont présentés et ont dit qu'ils avaient été absents pour cause d'indisposition; ils ont ajouté que leurs pouvoirs étaient compris dans les mêmes: actes qui avaient été produits par leurs co-dépu-tés et qui avaient été reconnus légitimes.
L'Assemblée, délibérant sur le rapport qui lui a été fait, au nom des différents bureaux, des titres des députés, a déclaré que les députés sur les titres desquels il ne s'était trouvé aucune difficulté jouiraient définitivement de leur effet; qu'à l'égard de ceux qui n'avaient point prêté de serment ou qui n'en rapportaient pas l'acte, ils prêteraient, avec les autres membres de l'Assemblée, un serment général aussitôt après sa constitution; enfin, qu'à l'égard des députations qui ont donné lieu à quelques difficultés, il y seraid pourvu après la constitution de l'Assemblée.
Les pouvoirs et autres pièces qui avaient été; remis par MM. les députés et distribués aux différents bureaux, pour rendre compte de leur exa^ men, sont rapportés sur le bureau. L'Assemblée) ordonne qu'elles demeureront, quant à présent, entre les mains de M. Camus, l'un des sécretaires provisoires.
L'Assemblée a renvoyé à la commission établie dans la séance d'hier l'examen des pouvoirs dq M. Marolles, curé dç Saint-Quentin.
annonce à l'Assemblée que M. de
Boisgelin, l'un do MM. de la noblesse de Bretagne, lui a remis des délibérations d'une partie de MM. du clergé et de MM. de la noblesse de la province de Bretagne, en date du 17 avril 1789, et une protestation de MM. du clergé de la même province, contre les élections de MM. des communes, pour être communiqués à l'Assemblée.
L'Assemblée en renvoie la lecture et l'examen, pour y être statué après qu'elle sera constituée.
, curé de Grasse, député de la sénéchaussée de Draguignan, entre dans l'Assemblée, et prononce le discours suivant :
Messieurs, il me tardait de me rendre dans la salle nationale pour procéder, avec le concours des ordres, à la vérification des pouvoirs, et travailler de concert à l'œuvre de la régénération publique.
Des motifs de prudence, l'espoir de paraître avec tous mes co-députés, avaient suspendu mes démarches, sans affaiblir mes sentiments, ni altérer mes résolutions.
Mais il ne m'est plus permis de différer ; je dois céder à mon devoir et à l'intérêt de l'Etat. I Ma joie sera à son comble, dès que mes pouvoirs I étant légalement reconnus, je pourrai, comme vrai représentant de la nation, m'occuper sans délai des grands objets qui nous rassemblent, et contribuer avec vous, Messieurs, mes frères et mes amis, à la gloire du Trône, au bonheur de l'Etat, à la félicité générale.
Il me reste un dernier vœu à former ; il est digne de l'auguste et sacré ministère que j'exerce : c'est celui de l'union générale des sentiments ; c'est celui de voir arborer, par les classes de tous les citoyens qui composent les Etats généraux, l'olivier de la paix et de la concorde. N'abandonnons jamais, Messieurs, ce doux espoir: il serait consolant pour la nation et bien précieux à mon cœur.
Mes pouvoirs sont compris dans les mêmes actes que ceux des autres députés de la sénéchaussée de Draguignan. J'en demande la vérification.
L'Assemblée applaudit vivement au discours de M. Mougins. Ses pouvoirs sont reconnus légitimes ; il va prendre place sur les bancs du clergé.
, maire de la même ville de Grasse, frère dudit sieur curé, demande la parole et dit :
Messieurs, permettez-moi d'applaudir aux démarches du pasteur qui vient de vous exprimer son vœu. Uni à lui par les liens de la nature, pétri du même sang, je partage avec joie, avec satisfaction et dans toute l'effusion de mon cœur, ses sentiments et ses principes.
, curé de Saint-Jean de Chatelle-rault, se présente, annonce qu'il remettra incessamment ses pouvoirs, et prend place sur les bancs de MM. du clergé.
La vérification des pouvoirs étant faite, il est indispensable de s'occuper, sans délai, de la constitution de l'Assemblée. Il est constant, par le résultat de la vérification des pouvoirs, que cette Assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes au moins de la I nation. Une telle masse de députations ne saurait être inactive par l'absence des députés de quel-j que bailliages, ou de quelques classes de citoyens; I car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d'exercer la pléni-
tude de leurs droits, surtout lorsque Texerciccy de ces droits est un devoir impérieux et pressant^ De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représen-' tants vérifiés de concourir à former le vœu na-tional, et que tous les représentants vérifiés sont£~~ dans celte Assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient, et qu'il n'appartient qu!à elle d'interpréter et de présenter la volonté générale de la nation; nulle autre Chambre de députés, simplement présumés, ne peut rien ôter à la force de ses délibérations; enfin, il ne peut exister entre le Trône et l'Assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif. L'Assemblée juge donc que l'œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle. La dénomination d'Assemblée des représentants connus et vérifiés de la nation française, est la seule dénomination qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, la seule qu'elle puisse adopter, tant qu'elle ne perdra pas l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents; elle ne cessera de les appeler, tant individuellement que collectivement, à remplir l'obligation qui leur est imposée de concourir à la tenue des Etats généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle les recevra avec joie et s'empressera, après la vérification de leurs pouvoirs, de partager avec eux les grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France.
Divers membres demandent la parole, et successivement parlent les uns pour, les autres contre la motion de M. Sieyès. Elle donne lieu à de vifs débats.
Je n'ai jamais été moins capable qu'aujourd'hui de discuter une question importante et de parler devant vous. Agité depuis plusieurs jours d'une fièvre opiniâtre, elle me tourmente dans ce moment même; je sollicite donc une grande indulgence pour ce que je vais dire. Si mon âme parle à votre âme, vos forces suppléeront à mes forces; mais j'ose vous demander en même temps une grande attention pour la série de résolutions que j'aurai l'honneur de vous offrir. Longtemps méditées, rédigées dans un moment plus favorable, je les soumets à votre sagesse avec plus de confiance que le )eu de mots que je vais balbutier. Nous sommes )rêts à sortir du cercle où votre sagesse s'est ongtemps circonscrite. Si vous avez persévéré avec une fermeté rare dans un système d'inaction politique, infiniment décrié par ceux qui avaient un grand intérêt à vous faire adopter de 4 fausses mesures, c'était pour donner le temps aux esprits de se calmer, aux amis du bien public celui de seconder le vœu de la justice et de la raison; c'était pour vous assurer mieux que, même dans la poursuite du bien, vous n'excéderiez aucunes bornes ; c'était, en un mot, pour manifester une modération qui convient surtout au courage, ou plutôt sans laquelle il n'est pas découragé vraiment durable et invincible.
Cependant le temps s'est écoulé, les prétentions, les usurpations des deux ordres.se sont accrues; votre sage lenteur a été prise pour faiblesse; on a conçu l'espoir que l'ennui, l'inquiétude, les malheurs publics, incessamment aggravés par des circonstances presque inouïes, vous arracheraient quelque démarche pusilla-
nime ou. inconsidérée. Voici le moment de rassurer vos âmes, et d'inspirer la retenue, la crainte, j'ai presque dit la terreur du respect à vos adversaires, en montrant, dès vos premières opérations, la prévoyance de l'habileté jointe à la fermeté douce de la raison.
Chacun de vous sent, Messieurs, combien il serait facileaujourd'hui d'essayer, par un discours véhément, de nous porter à des résolutions extrêmes; vos droits sont si évidents, vos réclamations si simples, et les procédés des deux ordres si manifestement irréguliers, leurs principes tellement insoutenables, que le parallèle en serait au-dessous de l'attente publique.
Que dans les circonstances où le Roi lui-même jfa senti qu'il fallait donner à la France une ma-mière fiœe d'être gouvernée, c'est-à-dire une con-'stitution, on oppose à ses volontés et aux vœux de son peuple les vieux préjugés, les gothiques oppressions des siècles barbares ; qu'à la fin du xvine siècle une foule de citoyens dévoile et suive le projet de nous y replonger, réclame le droit d'arrêter tout, quand tout doit marcher; c'est-à-dire de gouverner tout à sa guise, et qualifie cette prétention vraiment délirante de pro- * priétés; que quelques personnes, quelques gens des trois Etats, parce que, dans l'idiome moderne, on les a appelés des ordres, opposent sans pudeur la magie de ce mot vide de sens à l'intérêt général, sans daigner dissimuler que leurs intérêts privés sont en contradiction ouverte avec cet intérêt général ; qu'ils veulent ramener le peuple de France à ces formes qui classaient la nation en deux espèces d'hommes, des oppresseurs et des opprimés; qu'ils s'efforcent de perpétuer une prétendue constitution où un seul mot prononcé par cent-cinquante et uil individus pourrait arrêter le Roi et 25 millions d'hommes; une constitution où deux ordres qui ne sont ni le peuple, ni le prince, se serviront du second pour pressurer le premier, du premier pour effrayer le second, et des circonstances pour réduire tout ce qui n'est pas eux à la nullité; qu'enfin, tandis que vous n'attestez que les principes et l'intérêt de tous, plutôt que ne pas river sur nous les fers de l'aristocratie, ils invoquent hautement le despotisme ministériel, sûrs-qu'ils se croient de le faire dégénérer toujours par leurs cabales en une anarchie ministérielle; c'est le comble sans doute de la déraison orgueilleuse. Et je n'ai pas besoin de colorer cette faible esquisse pour démontrer que la division des ordres, que le veto des ordres, que l'opinion et la délibération par ordre seraient une invention vraiment sublime pour fixer constitutionnellement l'é-goïsmedansle sacerdoce, l'orgueil dans le patri-ciat, la bassesse dans le peuple, la division entre tous les intérêts, la corruption dans toutes les classes dont se compose la grande famille, la cupidité dans toutes les âmes, l'insignifiance de la nation, la tutelle du prince, le despotisme des ministres.
Cependant, Messieurs, que conclurons-nous de ces tristes vérités? sinon la nécessité de redoubler de sagesse et de persévérance pour parvenir à une constitution qui nous tire d'un état de choses si déplorable, et de proportionner notre émulation et nos efforts aux difficultés de cette entreprise sublime sans doute, mais simple, et qui ne demande que le concours des lumières et de la suite dans les volontés; car c'est aux développements de la raison que la nature a remis la destinée éternelle des sociétés; et la raison seule peut faire des lois obligatoires et durables ;
et la raison et la loi seules doivent gouvernei l'homme en société.
Espérons donc, Messieurs, loin de nous décourager, et marchons d'un pas ferme vers un but qui ne saurait nous échapper.
Mais toutes les voies de douceur sont épuisées, toutes les conférences sont finies, il ne nous reste que des partis décisifs et peut-être extrêmes... Extrêmes! oh! non, Messieurs, la justice et la vérité sont toujours dans un sage ! milieu : les partis extrêmes ne sont jamais que Mes dernières ressources du désespoir. Eh! qui donc pourrait réduire le peuple français à une telle situation ?
Il faut nous constituer, nous en sommes tous d'accord; mais comment? sous quelle forme? sous quelle dénomination?
En Etats généraux? — Le mot serait impropre ; vous l'avez tous senti : il suppose trois or-; ares, trois Etats, et certes ces trois ordres ne sont pas ici.
Nous proposerait-on de nous constituer sous quelque autre dénomination synonyme, après tout, de celle des États généraux? Je demanderai toujours: Aurez-vous la sanction du Roi, et pouvez-vous vous en passer? L'autorité du monarque peut-elle sommeiller un instant ? Ne faut-il pas qu'il concoure à votre décret, ne fût-ce que pour en être lié ; et quand on nierait, contre tous les principes, que sa sanction fût nécessaire pour rendre obligatoire tout acte extérieur de cette Assemblée, accordera-t-il aux décrets subséquents une sanction dont on avoue qu'il est impossible de se passer, lorsqu'ils émaneront d'un mode de constitution qu'il ne voudra pas reconnaître?
Etes-vous sûrs d'être approuvés de vos commettants? N'allez paa croire que le peuple s'intéresse aux discussions métaphysiques qui nous ont agités jusqu'ici. Elles ont plus d'importance qu'on ne leur en donnera sans doute; elles sont le développement et la conséquence du principe de la représentation nationale, base de toute constitution. Mais le peuple est trop loin encore de connaître le système de ses droits et la sainte théorie de la liberté. Le peuple veut des soulagements parce qu'il n'a plus de forces pour souffrir; le peuple secoue l'oppression parce qu'il ne peut plus respirer sous l'horrible faix dont on l'écrase; mais il demande seulement de nq payer que ce qu'il peut, et de porter paisiblement sa misère.
Sans doute nous devons avoir des vues plus élevées, et former des vœux plus dignes d'hommes qui aspirent à la liberté; mais il faut s'accommoder aux circonstances et se servir des instruments que le sort nous a confiés. Ce n'est qu'alors que vos opérations toucheront directement aux premiers intérêts des contribuables, des classes les plus utiles et les plus infortunées, que vous pourrez compter sur leur appui, que vous serez investis de l'irrésistible puissance de l'opinion publique, de la confiance, du dévoue-^ ment illimité du peuple. Jusque-là, il est trop aisé de le diviser par des secours passagers, des dons éphémères, des accusations forcenées, des machinations ourdies de la main des courtisans.
II est trop facile de l'engager à vendre la constitution pour du pain.
Enfin, le principe est-il indubitablement pour vous? Nous sommes tous ici sous le mode de convocation que nous a donné le Roi. Sans doute vous pourrez et vous devrez le changer pour l'avenir, lorsque vous serez en activité; mais le pouvez-vous aujourd'hui^ Le pouvez-vous avant
d'être constitués? Le pouvez-vous en vous constituant? De quel droit sortiriez-vous aujourd'hui ; des limites de votre titre? N'êtes-vous point appelés en États? Le législateur provisoire n'a-t-il pas supposé trois ordres, quoiqu'il les ait convo- 1 qués en une seule Assemblée? Vos mandats, vos; cahiers, vous autorisent-ils à vous déclarer l'As-|| semblée des seuls représentants connus et véri- / fiés? et ne dites point que le cas où vous vous trouvez n'a pas été prévu ; il l'a trop été, puisque quelques-uns de vos mandats, heureusement en très-petit nombre, vous enjoignent de vous retirer, s'il est impossible de parvenir à la délibération en commun, sans qu'il y en ait un qui vous autorise à vous dire les seuls représentants connus et vérifiés. Il ne vous suffira donc pas de vous donner ce titre pour l'avoir en effet, ni j pour qu'on vous en croie légalement revêtus.
Mais si vous échouez, si le Roi vous refuse sa sanction, si les ordres réclament son autorité, qu'arrivera-t-il? dissolution ou prorogation.
La suite évidente en est le déchaînement de toutes les vengeances, la coalition de toutes les aristocraties, et la hideuse anarchie qui toujours ramène au despotisme. Vous aurez des pillages, vous aurez des boucheries; vous n'aurez pas même l'exécrable honneur d'une guerre civile; car on ne s'est jamais battu dans nos contrées pour les choses, mais pour tel ou tel individu; et les bannièresdes intérêts privés ne permirent en aucun temps à l'oriflamme de la liberté de s'élever.
D'ailleurs, ce titre de représentants connus et vérifiés est-il bien intelligible? Frappera-t-il vos commettants, qui ne connaissent que les Etats généraux ? — Les réticences qu'il est destiné à couvrir conviennent-elles à votre dignité? — La motion de M. l'abbé Sieyès vous donne-t-elle des racines assez profondes?— N'est-elle pas évidemment une détermination première, laquelle a . des conséquences qui doivent être développées?
Doit-on vous lancer dans la carrière, sans vous montrer le but auquel on se propose de vous conduire ?
Pouvez-vous, sans une précipitation indigne de votre prudence, et vraiment périlleuse dans les circonstances, ne pas avoir un plan arrêté d'opérations successives, qui fait le garant de votre sagesse et le mobile de vos forces?
Le titre de députés connus et vérifiés de la nation française ne convient, ni à votre dignité, ni à la suite de vos opérations, puisque la réunion que vous voulez espérer et faciliter dans tous les temps vous forcerait à le changer.
Ne prenez pas un titre qui effraye. Cherchez-en un qu'on ne puisse vous contester, qui plus doux, et non moins imposanf'dans sa plénitude, convienne à tous les temps, soit susceptible de tous les développements que vous permettront les événements, et puisse, au besoin, servir de lance 'comme d'aide aux droits et aux principes nationaux.
Telle est, à mon sens, la formule suivante : représentants du peuple français.
Qui peut vous disputer ce titre? Que ne de-viendra-t-il pas quand vos principes seront connus, quand vous aurez proposé de bonnes lois, quand vous aurez conquis la confiance publique! — Que feront les deux autres alors ? — Adhéreront» ils? Il le faudra bien ; et s'ils en reconnaissent la nécessité, que leur en coûtera-t-il de 1 )lus pour adhérer dans une forme régulière? — \efuseront-ils d'adhérer? Nous prononcerons contre eux, quand tout le monde pourra juger entre ; nous.
Mais ce n'est point assez de constituer notre Assemblée, de lui donner un titre, le seul qui lui convienne, tant que les deux autres ordres ne se réuniront pas à nous en Etats généraux. Il faut établir nos principes : ces principes sages et lumineux, qui jusqu'à présent nous ont dirigés. Il faut montrer que ce n'est pas à nous, mais aux deux ordres, qu'on doit attribuer cette non-réunion des trois Etats que Sa Majesté a convoqués en une seule Assemblée.
Il faut montrer pourquoi et comment nous allons entrer en activité : pourquoi et comment nous soutenons que les deux ordres ne peuvent s'y mettre eux-mêmes en se séparant de nous. Il faut montrer qu'ils n'ont aucun veto, aucun droit de prendre des résolutions séparées des nôtres. Il faut annoncer nos intentions et nos vues ; il faut assurer, par une démarche également sage, légale et graduée, la solidité de nos mesures, maintenir les ressources du gouvernement, tant qu'on les fera servir au bien national, et présenter aux créanciers de l'Etat l'espoir de cette sécurité qu'ils désirent, que l'honneur national exige que nous leur offrions; mais toujours en la faisant dépendre du succès de cette régénération nationale, qui est le grand et le premier objet de notre convocation et de nos vœux.
C'est dans ce but qu'a été dressée la résolution que je vais avoir l'honneur de vous lire.
Les députés des communes ayant, en conséquence de leurs délibérations du 10 juin, fait signifier aux députés du clergé et de la noblesse une dernière invitation à se rendre le même jour, tant individuellement que collectivement, en Assemblée nationale, pour faire vérifier leurs pouvoirs, conjointement avec ceux des députés des communes, sur l'appel qui y serait fait de tous les bailliages convoqués par Sa Majesté en ladite Assemblée ; et le susdit appel n'ayant été suivi que de la comparution d'un petit nombre de députés du clergé, le plus grand nombre des députés de cette classe, ainsi que ceux delà noblesse, paraissant persister dans le funeste esprit de séparation et d'éloignement qu'ils ont manifesté en différentes occasions depuis l'ouverture des Etats généraux, les députés des communes se sont vus obligés, en conformité de leurs susdites délibérations, de procéder à la vérification de leurs pouvoirs en l'absence du plus grand nombre des députés du clergé et en celle ae la totalité des députés de la noblesse.
Lecture faite du procès-verbal de vérification des susdits pouvoirs, en date des 13 et 14 juin, les députés dont les pouvoirs ont été vérifiés ledit jour, pénétrés des malheureux effets que pourrait avoir une plus longue durée de l'inaction à laquelle ils ont été jusqu'à présent forcés, par la persévérance des députés des classes privilégiées dans leur refus de se réunir, et voulant autant qu'il est en eux se mettre en état de concourir aux vues bienfaisantes de Sa Majesté et au vœu général de la nation, pour la régénération du royaume, ont pris et arrêté les résolutions suivantes :
1° Résolu que le Roi n'ayant pas estimé pouvoir remplir ses vues de sagesse, de justice et de bonté envers ses peuples, autrement que par la convocation d'une Assemblée nationale composée des députés des trois ordres, nommés respectivement dans les divers bailliages, sénéchaussées, villes et provinces du royaume, les susdits députés, de quelque ordre qu'ils soient, ont un droit individuel et commun à siéger ensemble dans cette Assemblée nationale, et à y faire véri-
fier les pouvoirs de leurs commettants ; tout comme aussi ils ont le droit d'exiger que les pouvoirs de leurs co-députés, de quelque ordre qu'ils puissent être, soient produits et vérifiés dans la même Assemblée, laquelle seule est qualifiée pour prononcer définitivement sur toutes les difficultés ou contestations qui pourraient s'élever ou être élevées au sujet des pouvoirs de quelques-uns des susdits députés.
2° Résolu que, d'après le refus qu'ont fait les autres députés d'acquiescer à le réunion requise, et à la vérification en commun, à laquelle ils ont été si souvent invités, il est maintenant indispensable de déclarer que les députés dont les pouvoirs ont été vérifiés lesdits jours 13 et 14 juin, ne peuvent considérer la vérification de pouvoirs que les autres députés ont pu faire, ou pourront faire à l'avenir hors de l'Assemblée nationale, que comme un acte insuffisant et incomplet, qui ne peut recevoir sa force légale et son complément que par la confirmation de l'Assemblée nationale, ou, ce qui revient au même, d'une Assemblée à laquelle les députés des trois ordres aient été dûment invités et libres d'assister.
3° Résolu que la vérification faite les 13 et 14 juin, des pouvoirs des députés, après due convocation des députés des classes privilégiées, à l'effet qu'ils puissent y concourir pour ce qui les concerne, est suffisante pour autoriser les susdits députés à se former et à se constituer, ainsi qu'ils le font par la présente délibération, dans la forme et sous le nom d'Assemblée des représentants du peuple de France, à se mettre incessamment en activité comme tels, et à procéder en conséquence à la nomination d'un président et autres officiers nécessaires au maintien de la police de ladite Assemblée.
4° Résolu qu'en se constituant en la forme et j qualité d'Assemblée des représentants du peuple I de France, l'Assemblée n'entend point mettre I d'obstacles à la réunion si désirée des autres dé-j putés avec les représentants du peuple dans l'Assemblée nationale, qu'elle sera toujours prête à les recevoir aussitôt qu'ils témoigneront le désir de se joindre à eux dans l'unique qualité que leur assignent la raison et l'intérêt national, et de se faire légalement reconnaître en l'Assemblée nationale par la vérification de leurs pouvoirs.
5° Résolu que l'Assemblée des représentants du peuple de France s'occupera sans relâche et avec toute l'activité dont elle est capable, des moyens de seconder les grands et nobles desseins cfu Roi, et de remplir l'attente de ses peuples pour le bonheur du royaume, en communiquant directement à Sa Majesté les différentes mesures qu'elle estimera les plus propres à remplir ce but ; mais qu'elle ne reconnaîtra jamais dans les députés des classes privilégiées, en quelque nombre qu'ils soient, aucun veto, c'est-à-dire aucun droit de s'opposer par des délibérations séparées, prises hors de l'Assemblée nationale, à ce qui sera jugé nécessaire pour le bien général de la France; attendu qu'il ne tient qu'à eux, par leur présence individuelle et leurs suffrages en ladite Assemblée, de contribuer au bien général, en la seule manière qui soit compatible avec la justice, avec la raison, et avec le vœu unanime du peuple de France.
6° Résolu que dans la présente circonstance, ce que l'Assemblée doit à la sécurité de ses constituants, son attachement pour le Roi, pour les vrais principes de la constitution, et la nécessité de pourvoir, durant la tenue des Etats généraux, aux besoins publics d'une manière légale, qui
porte le caractère du vœu national, et qui prévienne les effets trop actifs d'un zèle égaré par les malheurs publics, exigent de sa part la déclaration suivante:
Attendu qu'aucun impôt, c'est-à-dire aucune levée de deniers pour les besoins publics, sous quelque forme ou dénomination qu'il soit établi, ne peut légalement exister sans le consentement exprès du peuple par ses représentants aux Etats généraux et seulement pour le temps qu'ils auront jugé à propos de fixer; attendu encore que ce principe sacré de toute constitution où le peuple est compté pour quelque chose, a été reconnu par Sa Majesté elle-même, par les cours souveraines et par le vœu unanime des peuples, comme l'une des bases essentielles de la monarchie ; attendu enfin qu'il n'est aucun des impôts actuels qui ne soit illégal, ou dans son origine, ou dans l'extension qu'il peut avoir reçue, l'Assemblée des représentants du peuple les déclare* tous nuls et supprimés de droit, par l'effet nécessaire du défaut de consentement du peuple aux-dits impôts ; et cependant, vu le temps nécessaire pour créer un ordre nouveau dans cette partie des affaires nationales, et aussi afin d'éviter les inconvénients qui résulteraient pour le crédit public et pour l'impôt futur d'une cessation absolue de tous rapports entre les contribuables et le fisc, l'Assemblée consent provisoirement, au nom de ses constituants, statue sous le bon plaisir de Sa Majesté, que tous les impôts perçus jusqu'à ce jour soient momentanément autorisés et continuent à être payés en la même manière que ci-devant, et aux termes des arrêts qui les ont établis ou prolongés, mais seulement durant le cours de la présente session des Etats généraux, et non au delà, à moins d'une nouvelle prolongation d'iceux, librement consentie et expressément votée par les représentants du peuple aux-, dits Etats généraux.
7° Résolu qu'aussitôt que les principes d'après lesquels la régénération du royaume doit être opérée auront été légalement convenus et fixés, les droits des peuples assurés, les bases d'une sage et heureuse constitution posées et mises à l'abri de toute atteinte, sous la sauve-garde de la [puissance législative du Roi et cle l'Assemblée na-Itionale, les représentants du peuple de France ! prendront toutes les mesures nécessaires pour la sécurité des créanciers de l'Etat, et pour que la (dette du Roi, qui deviendra alors celle de la nation, ait désormais pour gage l'honneur et la fidélité jde cette nation même, et la surveillance de ses jreprésentants, organes et dépositaires du trésor sacré de la foi publique.
8° Résolu que les délibérations ci-dessus seront incessamment présentées à Sa Majesté avec une humble adresse dans laquelle seront exposés les motifs de la conduite de l'Assemblée des représentants du peuple depuis leur précédente adresse, la disposition invariable où ils sont de répondre par leur respect, leur amour pour la personne sacrée du Roi, et par leur application constante à tous les devoirs qui résultent pour eux de la mission dont ils sont honorés, aux intentions vraiment magnanimes de Sa Majesté pour le commun avantage de ses peuples, et que ces résolutions et cette adresse seront incontinent imprimées et publiées.
Vous venez d'entendre, Messieurs, la série des résolutions dont je pense qu'il faut appuyer le titre sous lequel je vous propose de constituer notre Assemblée ; si elles vous paraissent mériter une discussion particulière; j'aurai l'honneur de
vous exposer les motifs qui les rendent nécessaires.
Dans ce moment, je me borne à insister sur la convenance de la dénomination que j'ai adoptée de représentants du peuple français. Je dis la convenance, car je reconnais que la motion de M. l'abbé Sieyès est conforme à la rigueur des principes, et telle qu'on doit l'attendre d'un citoyen philosophe. Mais, Messieurs, il n'est pas toujours convenable de consulter uniquement le droit sans rien accorder aux circonstances.
Il est cette différence essentielle entre le métaphysicien qui, dans la méditation du cabinet, saisit la vérité dans son énergique pureté, et l'homme d'Etat qui est obligé de tenir compte des antécédents, des difficultés, des obstacles ; il est, dis-je, cette différence entre l'instructeur du peuple et l'administrateur politique, que l'un ne songe qu'à ce qui est, et l'autre s'occupe de ce qui, peut être.
Le métaphysicien, voyageant sur une mappen inonde, franchit tout sans peine, ne s'embarrasse ni des montagnes, ni des déserts, ni des fleuves,1 pi des abîmes ; mais quand on veut réaliser le voyage, quand on veut arriver au but, il faut se rappeler sans cesse qu'on marche sur la terre, et f|u'on n'est plus dans le monde idéal.
Voilà, Messieurs, un des grands motifs de préférence pour la dénomination que j'ai mûrement réfléchie. Si nous en prenons une autre, nous aurons à créer une nouveauté ; elle va fournir abondamment aux déclamations de ceux qui nous j calomnient : nous aurons contre nous tous les | antécédents, tous les usages, tout ce qui estcon- sacré par les habitudes, tout ce qui est sous la garde puissante des préjugés et de l'aristocratie. Si nous prenons le titre de représentants du peuple, qui peut nous Pôter ? qui peut nous le disputer ? qui peut crier à l'innovation, à ces prétentions exorbitantes, à la dangereuse ambition de notre Assemblée? qui peut nous empêcher d'être ce que nous sommes ? Et, cependant, cette dénomination si peu alarmante, si peu prétentieuse, si indispensable, cette dénomination contient tout, renferme tout, répond à tout. Elle abordera facilement le trône, elle ôtera tout prétexte à nos ennemis; elle ne nous exposera point là des combats, à des chocs dangereux dans tous ïes temps, qui pourraient nous être funestes dans l'état où nous sommes, et jusqu'à ce que nous ayons jeté des racines profondes. Cette dénomination simple, paisible, incontestable, deviendra tout avec le temps ; elle est propre à notre naissance, elle le sera encore à notre maturité ; elle Iprendra les mêmes degrés de force que nous-mêmes ; et, si elle est aujourd'hui peu fastueuse, iparce que les classes privilégiées ont avili le corps icle la nation, qu'elle sera grande, imposante, majestueuse 1 Elle sera tout, lorsque le peuple, relevé par nos efforts, aura pris le rang que l'éternelle! nature des choses lui destine.
propose à l'Assemblée de se constituer en Assemblee légitime des représentants de la majeure partie de la nation, agissant en Vabsence de la mineure partie. Il combat les deux motions déjà faites, et donne des développements à la sienne. Nous allons la transcrire :
« Sur les rapports faits par les différents bureaux, l'Assemblée a reconnu légitimes les pouvoirs des membres qui la composent actuellement, sous la réserve du jugement de quelques contestations dont l'examen a été renvoyé à des commissaires, et, en conséquence elle s'est déclarée
valablement constituée. Ensuite il a été arrêté que, l'Assemblée formée par les représentants de la plus grande partie de la nation, et par la majorité de tous les députés envoyés aux Etats généraux dûment invitée, la minorité dûment invitée sur les moyens d'établir la fécilité publique, les suffrages seront comptés par tête et non par ordre ; qu'elle ne reconnaîtra jamais aux députés du clergé et de la noblesse le prétendu droit de délibérer séparément, ni de s'opposer à ses délibérations, ne pouvant renoncer néanmoins à l'espoir de la réunion de tous les députés, qu'elle ne cessera de. désirer. II a été de plus arrêté que l'exposé des motifs et des principes qui dirigent cette Assemblée sera mis sous les yeux du Roi et de la nation. »
La motion de M. Mounier est appuyée par plusieurs membres. M. Barnave, entre autres, la défend vivement.
parle ensuite; et après un long discours, il propose le projet d'arrêté qui suit :
« La vérification des pouvoirs des députés français qui se sont présentés dans la salle nationale ayant été faite; l'Assemblée considérant qu'elle doit être une, comme la nation est une; que tous les députés ont un intérêt de droit de se reconnaître les uns les autres; et que nul ne peut être réputé député s'il n'a fait vérifier ses pouvoirs par les autres députés en commun, déclare:
« 1° Qu'elle se constitue l'Assemblée des représentants du peuple de France, vérifiés parles co-députés, autorisés par leurs commettants à s'occuper de leurs intérêts, et aptes à exécuter les mandats dont ils ont été chargés;
« 2° Que l'absence ou la séparation de ceux des députés qui auraient vérifié séparément leurs pouvoirs, ne saurait arrêter les opérations des députés vérifiés en commun et reconnus; que( toute vérification particulière est nulle, et que nulle classe de citoyens ne peut avoir la faculté de prononcer le veto qui n'appartient qu'au Roi;
« 3° Qu'en conséquence, à mesure que les ab -sents, ou ceux qui se seraient vérifiés eux-mêmes ou en particulier, se présenteront à l'Assemblée commune pour y prendre place, ils jouiront de ce droit aussitôt qu'ils y auront fait vérifier leurs pouvoirs ;
« 4° Que l'Assemblée étant cependant constituée, et tous les députés ayant été vérifiés ou dûment appelés pour l'être, elle va procéder à toutes les opérations qui intéressent le bonheur du Roi.
En conséquence elle arrête, sous le bon plaisir du Roi:
« 1° Qu'elle déclare tous les impôts actuels supprimés comme ayant été établis sans le consentement de la nation ;
« 2° Qu'elle les crée de nouveau, pour exister seulement pendant la tenue des Etats généraux actuels, déclarant que, si lesdits Etats généraux venaient à être dissous sans qu'ils eussent librement consenti les impôts, ils demeureront supprimés ;
« 3° Qu'elle annonce qu'apiès que les Etats généraux, composés des députés vérifiés en commun, auront fait la constitution, ils s'occûperont à vérifier la dette et à la consolider;
« 4° Qu'elle a voté un emprunt de.....millions pour subvenir aux besoins pressants de l'Etat, et l'a hypothéqué sur les premiers deniers de la caisse générale ;
« 5° Que la présente délibération sera portée au Roi; que les motifs qui l'ont occasionnée lui se-
ront présentés, el que Sa Majestée sera suppliée d'y donner sa sanction.
Je demande, de plus, qu'on députe vers le ministre des finances, pour lui faire connaître que l'Assemblée désire prendre connaissance de l'état actuel des finances, et qu'elle va voter un emprunt pour subvenir aux besoins de l'Etat.
Il s'élève de vifs débals sur cette motion : on combat surtout le projet d'un emprunt.
Nos cahiers, disent plusieurs membres, ne nous prescrivent pas une marche si rapide. Nos commettants nous ont envoyés pour corriger les vices de l'administration, pour éteindre les dettes de l'Etat, et non pour les augmenter par des emprunts. Donnons une constitution à la nation; assurons les propriétés; puis nous aviserons au moyen d'établir des impôts.
Toutes ces diverses motions sont vivement défendues de part et d'autre. Les débats se prolongeaient, lorsqu'on annonce une députation de la noblesse. Quatre membres sont envoyés au-devant d'elle, et elle est introduite : elle est composée de MM. de Bressey, le duc de Luynes, le marquis de Thiboutot, le baron de Flachsauden, le duc de Croï, le comte de Laglissonnière.
Après avoir pris place sur leurs bancs, M. de Bressey, au nom de la députation, expose les motifs de'Ja démarche de la noblesse, fait lecture de l'arrêté pris par la Chambre le 13 de ce mois, et en remet une copie.
(Voyez plus haut le texte de cet arrêté, séance de la noblesse du 13 juin.)
répond à la députation en ces termes:
Messieurs, vous nous voyez occupés de l'exécution de la délibération prise le 10 de ce mois, et que nous avons eu l'honneur de vous communiquer le 12. Nous espérons toujours que vous vous réunirez à nous pour y concourir.
La députation se retire ensuite, et elle est accompagnée par les mêmes membres qui l'ont introduite.
La séance est levée à deux heures.
Séance du soir.
ouvre la séance à cinq heures et demie du soir.
, l'un des députés de la sénéchaussée de Bazas, se présente et dit qu'il n'a pas répondu à l'appel fait le 13 parce qu'il était indisposé. 11 observe que ses pouvoirs sont contenus au même cahier que ceux de M. Saige, son co-* député, qui ont été vérifiés et trouvés bons. Il est admis à prendre séance.
On reprend la discussion sur la manière dont l'Assemblée se constituera.
Plusieurs membres proposent de décider la question sans désemparer, et de se constituer dans le jour.
Messieurs, autant je crois que l'importance de la question que nous agitons mérite détention, autant je crois que toute lenteur serait dangereuse ; il faut décider avec prudence , mais avec célérité ; et ce n'est qu'avec effroi que j'arrive à la discussion.
Réduisons-nous à des idées simples et à nos principes; surtout ne perdons jamais de vue la réunion des ordres, la votation par tête comman-
dée par nos cahiers, la raison et la justice, là crainte du veto qui pourrait paralyser les Etats.
Sans doute, ilfautnous constituer, mais quand? Aujourd'hui. De quelle manière? Comme M. l'abbe Sieyès nous l'a indiqué. Le mot peuple ne remplit pas notre idée. Signifie-t-il communes? Alors cè n'est pas assez dire. Signille-t-il la nation entière? Ce serait trop dire. Choisissons donc le moyen qui, placé entre ces deux extrêmes, ne compromet ni nos droits ni nos principes.
Nous sommes les représentants connus de la nation, voilà ce que nous sommes; et c'est avec cette qualité que nous sommes autorisés à dis-» cuter les droits de nos commettants. Je me hâterai de répondre à une objection qui nous a été faite ce matin.
Il faut compter les citoyens par les propriétés!. Certes ce paradoxe est bien étrange ; la propriété du pauvre est plus sacrée que l'opulence du riches il faut compter les têtes, et non pas les fortunesl Un système contraire serait destructif de tout droit national ; il éteindrait l'amour de la patri^ et nourrirait i'égoïsme.
Je pense encore qu'il faut renvoyer au bureau l'examen de cette grande question', et dans deux heures se réunir ici pour prendre un parti, et achever cette opération.
(1). Messieurs, j'adopte, presque dans tous ses points, la motion de M. l'abbé Sieyès. J'en eusse fait une à peu près semblable), s'il ne m'eût prévenu, et vous me permettrez de développer ici les motifs qui me portent à penser comme lui.
11 n'est aucun de nous qui ne sente que nous ne pouvons différer davantage de nous constituer.
Nous avons dû nous condamner à l'inaction dans laquelle nous avons vécu jusqu'à présent, tant que nous avons eu l'espoir de ramener dans la salle de l'Assemblée nationale, pour y délibé-j rer en commun avec nous, les députés de la noblesse et les députés du clergé. Peut-être cet espoir n'est-il pas perdu sans retour, du moins faut-il toujours le conserver ; mais, quoi qu'il en soit, notre inaction, qui fut sage dans le principe, cesserait de l'être aujourd'hui, si nous pouvions y persister encore.
Le moment est donc arrivé où nous devons nous occuper des grands objets que la nation a soumis à notre examen ; mais pour nous occuper de ces objets avec la dignité qui convient au caractère auguste dont elle nous a revêtus, il importe que nous nous constituions dans les circonstances difficiles où nous sommes, de manière à ne pas perdre aucun des droits qu'elle nous a, chargés de défendre, de manière-à n'abandonner aucun des principes dont ces droits ne sont que l'heureuse conséquence.
Vous avez regardé, Messieurs, comme un de ces; principes essentiels, et dont vous ne pouviez vous départir sans nuire sans retour à la tâche impor-; tante que vous avez à remplir, le principe qu'il! faut délibérer par tête, et non par ordre, dans! l'Assemblée nationale.
D'après cette opinion, il ne nous a pas paru convenable de souffrir que ce principe fut
altéré! ou modifié, même par aucun système ayant pour; objet la conciliation entre les
ordres, quelques, avantages néanmoins que de tels systèmes pussent
Quand il en sera temps, il ne vous sera pas bien difficile de démontrer qu'en agissant ainsi, vous n'avez fait que remplir un devoir impérieux, et que si vous aviez pu vous permettre une conduite opposée, vous n'auriez pas moins compromis les intérêts du monarque, que les intérêts de la na-jtion, que les intérêts même des deux classes de jcitoyens privilégiés, qui semblent, en ce moment, jse séparer de vous, séduites malheureusement par Ides préjugés funestes, dont elles n'ont calculé ni l'influence, ni le danger.
Vous direz à la nation : que si vous n'avez pas voulu vous désister, même d'une manière provisoire, de la délibération par tête, c'est qu'il ne vous a pas été permis d'oublier que l'œuvre principale à laquelle vous êtes appelés est une Constitution à faire ; c'est que vous avez compris que pour travailler à cette œuvre avec quelque succès il faut que tous ceux qui y coopèrent aient une volonté semblable, tendent au même but, s'unissent dans les mêmes habitudes; c'est que vous êtes convaincus que votre constitution e serait qu'un assemblage de pièces peu faites bour aller ensemble, si les hommes destinés à en tracer le plan n'entretenaient entre eux une Communication intime et de tous les instants; ç'est gue vous n'avez pu vous persuader qu'une onstitution étant une chose commune, où tous es intérêts doivent être ordonnés pour l'intérêt énéral, il fût sage, il fût même possible de dé-erminer une constitution, en isolant les intérêts, n les faisant, pour ainsi dire, délibérer à part, n les séparant avec une attention puérile, quand e bien public exige, avec autant d'empire, qu'ils oient confondus.
Vous direz à la nation : que si vous n'avez pas voulu vous désister de la délibération par tête, è'est que vous avez parfaitement senti qu'une celle condescendance consommait, sans retour, dans la monarchie, la distinction des ordres avec toutes les conséquences déplorables qu'elle entraîne ; c'est que vous n'avez pu vous dissimuler que, cette distinction une fois consommée, quelque promesse qu'on eût pu vous faire, quels qu'eussent été même les sacrifices auxquels on se serait décidé, infailliblement la seule force des choses aurait maintenu ou promptement ramené jiarmi nous la distinction entre les professions qu'on n'y remarque pas moins qu'entre les ordres, ôt qui en est la suite inévitable ; qu'ainsi, comme par le passé, vous auriez compté un petit nombre de professions honorables, affectées uniquement aux privilégiés, et un grand nombre de professions qu'aucun honneur n'aurait environnées, flarce que les privilégiés auraient dédaigné de les remplir.
Vous direz à la nation : que les professions honorables étant aussi celles auxquelles le pouvoir ést attaché, telles que la profession militaire, la magistrature supérieure, les premières dignités ae l'Eglise, vous n'avez pas eu de peine à voir que, de la seule distinction des ordres, il résultait que la totalité des citoyens se seraient naturellement divisée en deux classes: la classe des nobles qui aurait gouverné, et la classe nombreuse du peuple à laquelle on n'aurait laissé d'autres destinées que d'obéir, sans espoir de jamais gouverner à son tour; et si partout où beaucoup d'hommes gouvernent par le seul privilège de la naissance, l'aristocratie existe avec tous ses abus,
vos commettants comprendront facilement que lorsque vous vous êtes élevés avec tant de persévérance et de force contre la distinction des ordres, lorsque vous avez refusé de rien entreprendre sous un pareil régime, même pour la prospérité commune, c'est qu'en combattant cette distinction funeste, c'était aussi l'aristocratie, c'est-à-dire le pire de tous les gouvernements, que vous vous occupiez de combattre.
Vous prouverez à la noblesse : qu'une aristocratie, sous un monarque, chez un peuple surtout très-nombreux, et qui n'est pas accoutumé à la servitude personnelle, ne saurait être durable, qu'il n'est pas possible que bien promptement une institution de cette espèce ne devienne odieuse au prince comme au peuple : au peuple, qu'elle écrase et qu'elle humilie ; au prince, dont elle empêche plus qu'elle ne modère la puissance.
Vous prouverez à la noblesse : que par la nature même des choses, il faut absolument qu'une aristocratie intermédiaire entre le prince et le peuple, après des convulsions plus ou moins longues, finisse par amener après elle le despotisme ou l'anarchie : le despotisme, si le peuple se livre au prince, pour se venger de ses tyrans; l'anarchie, si le peuple, las de ses fers, s'agite pour les briser.
Vous prouverez à la noblesse : que vouloir Va-ristocratie, c'est vouloir le pouvoir, et non pas la liberté ; que la liberté est une chose tellement commune, qu'il est impossible qu'elle existe, partout où l'on peut dire qu'un citoyen a plus de liberté qu'un autre; que plus de liberté d'un côté suppose nécessairement une puissance dont on peut abuser ; que moins de liberté d'un autre côté suppose nécessairement une sujétion qui peut avilir; que de quelque manière qu'on dispose les choses, quelque impérieuses, quelque fixes, quelque impartiales, même en apparence, que fussent les lois dont on pourrait convenir, si la nation, à l'instant où elle s'occupe de se régénérer, a le malheur de se diviser en ordres, dont l'un infailliblement gouvernera, comme je viens de vous le dire, et l'autre infailliblement sera gouverné; de toute nécessité, la liberté ne se trouvera pas également partagée entre les citoyens, de toute nécessité, l'habitude de commander d'une part, et l'habitude d'obéir, de l'autre n'amèneront toujours à leur suite, après une révolution plus ou moins prompte, que le despotisme de plusieurs et la servitude de tous, et tous les genres de corruption que la servitude et le despotisme peuvent enfanter à la fois.
Vous représenterez au clergé : que si la distinction des ordres doit infailliblement naturaliser l'aristocratie parmi nous; que si le régime aristocratique est; comme vous le savez tous, le plus grand ennemi de la liberté, il ne peut, sans un crime manifeste, favoriser la distinction des ordres. Car enfin, Messieurs, il y a un accord éternel entre la morale et la liberté, et sans doute le clergé veut contribuer, autant qu'il est en lui, au rétablissement de la morale dans cet empire. Qr les hommes ne sont bons, ils n'acquièrent tout le degré de moralité dont ils sont susceptibles, que là où ils sont libres, que là où ils n'aperçoivent au-dessus d'eux, dans l'ordre civil, que la raison et la loi : que la raison, qui émane de Dieu même; que la loi, qui ne doit être autre chose que l'expression de la raison. Les hommes ne sont bons encore que là ou, pour jouir d'une existence heureuse et douce, ils n'ont point de 'caprices à flatter, point de vices à imiter ; là où leur conscience peut être impunément leur pre-
mier maître ; là où ils peuvent être justes sans imprudence, vertueux sans danger, là où toutes les espèces de crainte, que le spectacle de la domination orgueilleuse d'un seul, et surtout de plusieurs, entretient ou produit, ne viennent ni modifier leur caractère, ni dépraver leurs habitudes.
Vous représenterez au clergé, et vous ne serez pas démentis par les dignes pasteurs que vous avez J'avantage de compter maintenant au nombre des membres de cette Assemblée, que s'isoler de la n'ation, s'éloigner du peuple, c'est aller précisément contre l'esprit de son institution ; que le vœu de la religion comme de la politique bien entendue est essentiellement l'égalité des hommes ; que dans une occasion où il s'agit de faire le bien de tous, en se rapprochant de cette égalité précieuse, il y a une sorte de disconvenance à ce que les ministres de la religion délibèrent à part, comme si leur intérêt pouvait jamais être autre chose que l'intérêt commun ; qu'en se séparant ainsi, loin de rendre la religion chère au peuple, ils accoutument un peu trop à penser qu'elle est étrangère aux grandes discussions que le bien public peut occasionner ; que s'il est vrai, en particulier, qu'un ministre de la religion n'obtient jamais plus de vénération et de confiance que lorsqu'il vit d'une vie simple et commune, que lorsque les besoins de ses frères sont les siens, que lorsqu'il partage avec eux tout ce qui peut leur arriver de prospérité ou d'infortune; ce n'est peut-être pas un spectacle,bien moral, un spectacle bien propre à ramener parmi nous le respect pour les idées religieuses, que de voir l'élite de nos pasteurs détachés de la grande masse de la nation, conférer à l'écart sur des prérogatives ou des privilèges, tandis qu'il est question de fonder une patrie, tandis qu'il. est question de régénérer les mœurs, tandis qu'il s'agit de rendre, pour chacun de nous, dans un meilleur ordre de choses, l'exercice de toutes les vertus plus familier et plus facile.
Enfin, Messieurs, vous exposerez au prince : qu'en vous élevant, comme vous l'avez fait, contre la distinction des ordres, c'est aussi sa légitime autorité que vous vous êtes occupés de garantir ou de défendre.
Vous exposerez au prince : que si cette fatale distinction des ordres avait pu devenir constitutionnelle, si, en conséquence, comme je l'ai déjà dit, elle eût entraîné après elle une distinction dans les professions, si, en conséquence, comme je l'ai dit également, l'ordre de la noblesse avait continué à tenir en réserve pour lui-même les premières dignités de l'Eglise, toutes les places de la haute magistrature, le commandement des soldats, l'aristocratie, dont le monarque se serait trouvé tout à coup environné, né lui eût pas été moins funeste qu'à la nation 1 Qu'est-il besoin de vous prouver, en effet, combien une aristocratie, telle que celle dont il s'agit ici, une aristocratie à la fois religieuse, judiciaire et militaire, une aristocratie disposant ainsi de toutes les espèces de pouvoirs, non plus d'après l'usage, remarquez bien ceci, mais d'après le vœu de la constitution^ deviendrait redoutable, même pour le trône.
Vous exposerez au prince : que si cette fatale distinction des ordres avait pu devenir constitutionnelle, toute bonne administration, ainsi que toute bonne législation, eut été impossible dans l'Etat, chaque ordre ayant son veto dans l'Assemblée nationale, quand il s'agirait de porter une loi dans les assemblées provinciales , quand il s'a-
girait d'appliquer une loi, on aurait vu résulter de cette multitude prodigieuse de veto, une opposition dans les idées, un désordre dans les démarches qui se seraient étendus du centre aux extrémités du royaume ; et au milieu de cet inconcevable tumulte, je le demande, qu'eût pu faire le gouvernement, cherchant partout la règle, et ne trouvant nulle part cette règle, cependant indispensable ?
Vous exposerez au prince : qu'en même temps que vous êtes convaincus que la distinction des ordres dans les corps délibérants est un système destructif de toute bonne législation, comme de toute bonne administration, vous n'en êtes pas moins persuadés qu'il faut des dignités, aes rangs dans une monarchie ; mais des dignités, des rangs qui soient accessibles au mérite, partout où il pourra se trouver ; mais des dignités des rangs qui ne puissent pas heurter la liberté, commune, eu devenant trop exclusivement l'a-p panage d'uu petit nombre de citoyens.
Ainsi le prince aurait lieu de remarquer que, loin de diminuer sa puissance, comme on ose le dire, vous l'augmentez réellement en le rendant plus indépendant dans ses choix, en le rappro-f chant davantage de toutes les classes de la na-j tion, par l'èxercice d'une bienfaisance plus imn partiale et, disons mieux, d'une justice plus étendue.
Vous exposerez au prince, et cette pensée sera, chère à son cœur : que si vous formez des souhaits pour que cette malheureuse distinction des; ordres ne se reproduise jamais, c'est que vous; sentez que par elle il se trouverait pour toujours isolé de son peuple ; c'est que vous sentez qu'il s'élèverait sans retour entre le trône et la naj tion une barrière fatale, que ni le peuple, ni Iq monarque lui-même, ne pourraient franchir. Or, if est vrai de dire de tous les hommes, et il faut Ici dire aussi des rois, que plus ils s'isolent de leurs semblables, et plus ils deviennent faibles et mal} heureux. Elle l'a voulu de la sorte cette éternelle Providence qui, pour l'avantage de l'espèce humaine, a placé le bonheur et la puissance dans* la communauté des affections et des intérêts:; qui fait exister le soupçon et la crainte à côté de toutes les espèces de tyrannies; et qui, à mef sure qu'un homme se met, par son orgueil, à pari des autres hommes, lui ôte en jouissance réellei en pouvoir véritable, en pouvoir sur les volon-f tés (car voilà le véritable pouvoir), tout ce qu'il croit acquérir en domination.
Ces idées, et bien d'autres encore, vous saurez les développer avec ce caractère de grandeur, cette espèce de majesté tranquille, qui convient aux vérités qui ont le bien universel des hommes pour objet. Il y a dans la raison une force souveraine, contre laquelle toutes les autres forces sont impuissantes, et comme vous ne parlerez que le langage de la raison la plus pure, vous ne devez douter ni de l'effet que vous prot duirez, ni des conséquences heureuses qui réh sulteront pour le prince et la nation, de votrè fermeté à défendre les bons principes> et de votre attention à ne vous en départir jamais dans le système de conduite que vous avez adopté.
Or, Messieurs, si vous n'avez point à craindre que, lorsque vous mettrez sous les yeux de la nation et du monarque les motifs qui vous ont déterminés dans tout ce que vous avez fait jusqu'à présent, ces motifs ce soient pas trouvés sages et raisonnables ; s'il vous est facile de prouver que, maintenant qu'il s'agit det faire une constitution, vous n'auriez pu vous départir de la, dé-
libération par tête, sans compromettre l'autorité du prince et la liberté du peuple, sans vous exposer à faire entrer dans cette constitution des éléments de despotisme et de servitude ; sans doute, qu'en ce moment où il s'agit de donner à votre Assemblée la forme et le nom qui lui conviennent, vous ne perdrez pas de vue les maximes qui vous ont dirigés, et que vous avez mis tant d'intérêt à défendre.
D'après cette idée, il est donc impossible de supposer que vous puissiez adopter une forme et une dénomination qui tendent à faire croire que vous vous constituez en ordre. Vous rejetterez donc la dénomination d'Assemblée des communes ou même de représentants du peuple qu'on vous a proposée, quoique ce soient les communes qui vous aient députés, quoique vous vous honoriez de représenter le peuple I Vous sentirez, qu'en adoptant des dénominations de i ce genre, des dénominations qui, dans l'usage, ! ne sont affectées qu'à une partie de la nation, ; quelque nombreuse qu'elle soit, et non pas à la nation tout entière/ vous avez l'air de consentir à une diversion qui vous afflige ! Vous ôtez même 'à vos délibérations Je grand caractère qu'elles doivent avoir.
Vous vous considérerez sous un autre point de vue. Vous n'oublierez pas que si vous tenez votre titre des communes, en vous députant I elles ont entendu faire un député de la nation, et non pas un député d'un ordre quelconque; que ce n'est même qu'en conséquence de cette opinion, qu'elles ont pu vous donner la faculté de délibérer sur tous les intérêts de la nation ; sur son système de législation, comme sur son système d'administration; sur son système de législation, qui importe également à 1 toutes les classes de citoyens ; sur son système d'administration , qui les affecte également toutes ; vous n'oublierez pas que, pour délibérer ainsi, il faut avoir un titre qui réponde à l'importance et à l'étendue de la délibération dont on s'occupe ; que vous ne pourriez donc vous ! considérer uniquement comme députés des communes, qu'autaut que vous n'auriez à traiter que l'intérêt des communes; mais qu'ayant à faire une constitution, c'est-à-dire une chose qui, de sa nature, embrasse les intérêts de tous les individus qui peuvent se trouver dans un Etat, c'est à un titre plus sfnalogue à l'œuvre dont vous êtes chargés, que vous devez prétendre.
Ces réflexions exposées, il ne reste plus qu'à chercher la dénomination qui vous convient. Or, certainement, Messieurs, il vous est impossible d'en adopter une aiitre que celle que M. l'abbé Sieyès vous propose ; il n'y a que celle-là qui soit conséquente, si je puis me servir de ce mot, à la manière dont vous avez agi jusqu'à présent; il n'y a que celle-là qui maintienne dans toute son intégrité le droit national de la délibération par tête, auquel j'aime à croire que vous êtes maintenant attachés; il n'y a que celle-là, enfin, qui annonce véritablement tout ce que vous êtes, tout ce que vous devez être, pour remplir la tâche importante qui vous est confiée.
Députés de la nation pour organiser le système politique de la nation, votre Assemblée rie peut se constituer autrement qu'en Assemblée des représentants de la nation.
Cette vérité me paraît incontestable.
Cependant j'ai une objection à résoudre.
On ne manquera pas de me répéter ce qu'on a déjà dit : que si vous vous déclarez Assemblée desreprésentants de la nation, vous blessez nécessaire-
ment les classes privilégiées et vous achevez ainsi de les aliéner, quand vous annoncez que vous conservez toujours au fond de vos cœurs l'espérance de les ramener parmi nous.
Je réponds d'abord, que lors môme que de telles considérations seraient fondées, les principes que je viens de développer n'en seraient pas moins véritables, et que lorsqu'il s'agit de travailler à une constitution, ce n'est pas par des considérations, mais d'après des principes qu'il faut se déterminer.
Je réponds, en second lieu, que c'est à tort que vous craignez de blesser les députés des classes privilégiées. Certainement ils conviendront avec vous du principe : qu'il n'y a qu'un député de la nation qui puisse traiter des intérêts de la nation; certainement ils conviendront avec vous : que s'ils ne se considéraient eux-mêmes que comme députés du clergé, comme députés de la noblesse, ils n'auraient aucun droit à s'occuper de la totalité des intérêts de la nation, de la constitution à faire, par exemple. Or, parce qu'ils trouvent plus convenable de choisir entre deux titres, qui sont également à leur disposition, celui qui les rapproche le plus du système de la délibération par ordres qu'ils ont adoptée ; pourquoi trouveraient-ils mauvais qu'entre deux titres aussi, qui sont également à notre bienséance, nous fassions choix : de celui qui peut s'allier avec la délibération par tête, dont il vous est impossible de vous départir?
J'avoue que cette observation me paraît si forte que je pense qu'il serait superflu d'ajouter l'épithète de connus ou de vérifiés et la qualité de représentants de la nation, que M. l'abbé Sieyès veut que nous prenions.
Certainement M. l'abbé Sieyès ne nous propose cette épithète, certainement il ne désire que nous appelions notre Assemblée l'Assemblée des représentants connus et vérifiés de la nation, que pour calmer nos craintes, que pour avertir aussi les deux autres ordres, qu'en prenant la dénomination qui nous est proposée, nous ne prétendons en aucune manière les dépouiller de la qualité de représentants de la nation; que nous voulons seulement être fidèles à nos principes, au système que nous avons adopté sur la vérification commune des pouvoirs, système qui ne nous permet de reconnaître comme députés de la nation que ceux qui auront consenti à se faire vérifier en commun avec nous. Mais, d'après ce que je viens de dire, nos craintes sont-elles bien fondées? N'y aurait-il pas d'ailleurs une autre manière d'instruire les deux autres ordres des motifs qui nous ont déterminés à choisir la dénomination dont il s'agit ici?
Ne pourrions-nous pas, par exemple, en revenant à la déclaration de M. Chapelier, que nous avons rejelée comme prématurée, mais non pas comme mal fondée, faire un exposé des motifs qui nous ont portés à nous constituer en Assemblée des représentants de la nation? Je ne sais pourquoi je pense que si cet exposé était rédigé comme il doit l'être, si cette grande question de la séparation ou de la distinction des ordres, car c'est la même chose au fond, était traitée avec toute la profondeur et toute la dignité que son importance exige, si on l'envisageait sous toutes ses faces, dans tous ses rapports avec l'ordre politique et moral qui nous convient, je ne sais, dis-je, pourquoi je pense qu'il nous serait possible de ramener à nous, sans employer d'autre moyen de persuasion que l'usage d'une raison éclairée et tranquille, ces mêmes classes privilé-
giées qui semblent obstinées maintenant dans le parti qu'elles ont adopté.
Croit-on que lorsque nous prouverons à la noblesse, qui opère principalement ici la division qui nous afflige (et certes je pense qu'on peut arriver jusqu'à la démonstration sur ce point), croit-on, dis-je, que lorsque nous lui prouverons que la distinction des ordres est la cause cachée de tous les malheurs de la monarchie depuis plusieurs siècles, le principe générateur de tous les abus, l'éternel obstacle à toutes les révolutions utiles; croit-on que lorsque nous lui ferons connaître qu'avec cette distinction des ordres, la liberté surtout est impossible, elle ne se hâtera pas de l'abandonner comme un préjugé malheureux qu'elle a conservé trop longtemps.
Les nobles désirent non moins que nous la liberté, car il est honteux aujourd'hui de ne pas souhaiter la liberté. Or, quand vous montrerez qu'en s'obstinant dans leurs erreurs, ce sont des fers qu'ils forgent pour une nation à peine échappée à sa longue servitude, j'en ai pour garant l'honneur qui vit dans leurs âmes, pensez-vous qu'ils ne frémiront pas plus que vous encore des conséquences funestes que leur obstination pourrait avoir? Et pouvez-vous imaginer que, sous les yeux de l'Europe qui les jugera avec toute la sévérité qu'exigent les intérêts majeurs qui nous occupent, ils voudront encourir le blâme à jamais ineffaçable d'avoir empêché autant qu'il était en eux la restauration d'un grand peuple marchant de concert vers le système d'une liberté raisonnable, et travaillant à se donner des lois qui puissent servir d'encouragement et de modèle aux autres peuples opprimés comme lui.
Au reste, quand mes conjectures à cet égard ne seraient pas fondées, il y aurait encore cela d'utile dans l'exposé des motifs que je vous propose; que, par ce moyen, vous vous rallierez avec force i à l'opinion publique. Et vous savez que ce n'est J que parj'opinion publique que vous pouvez acquérir qUéïque poù^diï^pour faire le bien; vous savez que ce n'est que par elle que la cause si longtemps désespérée du peuple a prévalu ; vous savez que devant elle toutes les autorités se taisent, tous les préjugés disparaissent, tous les intérêts particuliers s'effacent.
Vous ferez donc une chose aussi sage qu'utile en vous investissant, pour ainsi dire, de toute sa puissance, au moment où, par un acte solennel, vous déciderez votre marche dans la carrière politique.
D'après ces diverses considérations, j'adopte l'arrêté de M. Sieyès, sauf les mots vérifiés et connus, que je crois devoir en retrancher ; mais je voudrais en même temps, qu'aussitôt que l'Assemblée des représentants de la nation sera constituée, ellenommequelquespersonnes pour rédigeret mettre ensuite sous les yeux du Roi et de la nation un exposédes motifs qui l'ont portée à se constituer de cette manière; exposé dans lequel on traiterait avec l'étendue et la dignité convenables l'importante question de la délibération par tête, de la séparation ou la distinction des ordres dans l'Assemblée nationale, et où l'on s'attacherait à déterminer avec la plus grande clarté les effets politiques et moraux que la distinction des ordres doit produire.
parle ensuite. Son avis est à peu près conforme à celui de M, l'abbé Sieyès/ il propose ce seul changement, qu'au lieu des représentants connus et vérifiés de la nation française, on substitue les représentants de la nation française légalement vérifiés.
Ce changement est appuyé par plusieurs membres, et généralement approuvé.
défend la motion de M. Mounier ; il attaque celle de M. de Mirabeau, comme embrassant trop ou trop peu : car, a-t-il dit, si, par le mot peuple, vous entendez ce que les Romains appelaient plebs, vous admettez dès lors la distinction des ordres; si ce mot répond à celui de populusy vous étendez trop loin le droit et l'intention des communes.
Passant ensuite à la discussion de la motion de M. l'abbé Sieyès, il la combat. Puisque nous devons nous constituer, a-t-il dit, il faut nous constituer de telle sorte que si le clergé et .la noblesse se réunissent à nous, nous ne nous trouvions pas dans la nécessité de changer de constitution.
prend de nouveau la parole pour défendre sa motion; il donne le plus grand développement à ses principes. Il s'est appuyé des lois anglaises pour proûver que par le mot peuple on entend la plus prande partie de la nation, et que, sous ce rapport, la dénomination sous laquelle il propose à 1 Assemblée de se constituer, est la seule propre, la seule qui, dans tous les temps, pût lui convenir.
Il passe ensuite au droit de veto dont il a déjà parlé, et qu'on a combattu. Le refuseriez-vous au Roi ? s'est-il écrié. Pensez-vous qu'il ne faut pas sa sanction pour vous constituer? Pour moi, Messieurs, je crois le veto du Roi tellement nécessaire, que j'aimerais mieux vivre àConstantinoplequ'en France, s'il ne l'avait pas; oui, je le déclare, je ne connaîtrais rien déplus terrible que l'aristocratie souveraine de six cents personnes qui, demain, pourraient se rendre inamovibles, après-demain héréditaires, et finiraient, comme les aristocrates de tous les pays du monde, par tout envahir.
Revenant ensuite à la dénomination de peuple français, il s'étonne qu'elle paraisse choquer quelques membres. Cette qualification de peuple français, a-t-il ajouté, je l'adopte, je la défends, je la proclame, par la raison qui la fait combattre. Oui, c'est parce que le nom de peuple n'est pas assez respecté en France, parce qu'il est obscurci, couvert de la rouille du préjugé; parce qu'il nous présente uneidéç dont l'orgueil s'alarme, et dont la vanité se révolte; parce qu'il est prononcé avec mépris dans les Chambres des aristocrates : c'est par cela même que nous devons nous imposer non-seulement de le relever, mais de l'ennoblir, de le rendre désormais respectable aux ministres, et cher à tous les cœurs.
Après avoir analysé les opinions et les motions des différents orateurs, il déclare persister dans la sienne.
Messieurs, avant que la liberté soit établie, nous avons besoin de son esprit et de sa langue pour en fonder les bases : je réclame donc un de nos droits les plus sacrés, celui sans lequel tous les autres seraient en péril, le droit de dire librement son avis, et de donner un libre essor, non pas à la témérité, mais au vrai courage qui se tait, lorsqu'il n'a pas l'usage légitime de ses droits et de ses moyens.
Si j'insiste ainsi sur la liberté de mon opinion, c'est que j'ai déjà éprouvé que quelques personnes essayent de flétrir l'avis qui leur déplaît; mais de tous les murmures possibles, je ne craius que celui de ma conscience ; et le respect que je dois à cette Assemblée, celui que je me dois à
moi-même, m'impose l'obligation de ne pas fléchir davantage sous le despotisme de plusieurs que sous celui d'un seul ; je demande donc qu'en Continuant aujourd'hui la discussion des motions proposées, on en renvoie ce soir l'examen dans les bureaux, et que la délibération définitive soit remise à demain.
Je vais vous rendre compte maintenant, Messieurs, de mes observations sur les différents modes de constitution qui nous ont été proposés.
De grands principes viennent d'êtrç établis avec une grande éloquence; et je vois dans les motions, dans les avis des préopinants, plus de vérité à recueillir qu'à censurer.
J'adhère aux propositions qui nous déclarent ce que nous sommes en effet, les représentants de la majeure partie de la nation, où les représentants du peuple, en ajoutant qu'en aucun temps, dans aucun cas, nous ne devons reconnaître les séparations des ordres, ni leur prévention négative; et je me félicite'd'avoir développé les mêmes principes dans un plan connu de plu-eieurs de nos collègues, dont j'ai communiqué les détails et remis le précis au bureau, il y a déjà trois semaines; il était conçu en ces termes :
Nous ne pouvons renoncer au principe de l'indivisibilité des Etats généraux; mais nous ne pouvons ni ne devons déclarer que nous les représentons seuls.
Nous constituer Assemblée nationale, sans égard au clergé et à la noblesse, serait une scission désastreuse qui produirait la dissolution des Etats généraux. Nous soumettre aux formes vicieuses des précédents Etats généraux, ce serait annuler notre double représentation, et nous priver des moyens de réformer les abus les plus onéreux au peuple.
Prendre un parti qui ne compromette point nos droits, qui n'offense ceux de personne, et qui nous mette en état d'agir en développant notre caractère national dans toute sa dignité, est le seul conseil que nous puissions recevoir de la raison, d'une prudente fermeté, le seul qui convienne aux dangers de notre position et au salut de la chose publique. Tel est l'objet d'une grande députation au Roi, en lui présentant une adresse qui réunît trois grandes intentions, un monument de nos hommages et de notre fidélité au Roi; un acte déclaratoire des droits, des vœux et des espérances de la nation; une assertion de notre indépendance des ordres privilégiés, comme représentants du peuple, et de notre volonté d'agir eu cette qualité vis-à-vis du monarque, sans rompre avec le clergé et la noblesse, sans nous séparer d'eux s'ils veulent s'unir à nous, et sans reconnaître aucun pouvoir négatif entre le trône et nous.
Cette seule déclaration serait un premier monument des droits de la nation, et un grand pas de ]fait vers une constitution. Elle nous met sur-le-tchamp en activité, sans que les ordres privilégiés Ipuissent nous imputer une scission, et sans nous subordonner à leurs prétentions.
J'ai eu occasion de vous dire depuis que nous |ne devions point adopter un mode de constitution sans savoir où il nous conduit et ce que nous en | pouvons faire. Or, je ne vois point de sûreté dans île premier mode de constitution qui vous a été proposé.
Il semble qu'on vous suppose, Messieurs, étrangers à toutes les considérations, indépendants de tous les obstacles, dominant toutes les volontés, | et arrivant au milieu des siècles sans égard au passé, sans inquiétude pour l'avenir.
Ce n'est point là, Messieurs, notre position-Nous ne sommes point un peuple nouveau sur lequel les lois, les coutumes, les préjugés même n'aient aucune influence. Nous sommes députés aux Etats généraux. Mais que sont les Etats généraux ? c'est la réunion des députés du clergé, de la noblesse et des communes. Le clergé, la noblesse prétendent que les Etats-généraux ont toujours existé en ordres séparés. Nous prétendons avec plus de fondement le contraire. Mais notre assertion peut-elle devenir subitement une loi? Hier, aujourd'hui, nous sommes encore les députés des communes. Un simple acte de notre volonté pourrait-il nous transformer en Assemblée nationale? Et comment un des préopinants a-t-il pu nous dire que quelque titre, quelque constitution nominale que nous donnions à notre Assemblée, la sanction royale lui est inutile, que cette dénomination même devient indifférente au monarque? Le Roi nous appellera, dit-il, le tiers-état; et nous, nous prendrons la qualité de représentants de la nation. Mais depuis quand le chef et les représentants d'une nation peuvent-ils/ sans inconvénients , être discords sur leurs qualités respectives? Prenez bien garde, Messieurs, qu'ici les qualités établissent les droits, qu'agissant pour et au nom de nos commettants, nou3 avons un exercice libre et légitime de nos pouvoirs; mais que pour peu que nous les établissions d'une manière équivoque, soit en les exagérant, soit en les réduisant au moindre terme, nous nous trouverons dans l'impuissance de les développer et de les employer utilement.
Instruits par nos malheurs passés, sans doute nous ne devons pas renouveler aux yeux de l'Europe étonnée le spectacle déplorable des précédents Etats généraux. Sans doute, il ne faut plus qu'on reproche aux représentants de la nation de subordonner l'intérêt général aux intérêts privés des différentes classes qui la composent, et de reconnaître dans les premiers ordres un droit qui appartient exclusivement au monarque, celui de rejeter ou de sanctionner les lois et les impôts consentis ou proposés par l'Assemblée nationale. Mais n'oublions pas que le clergé et la noblese, appelés comme nous à la régénération de l'Etat, ont droit, comme nous, à cette haute destinée. Malheur à ceux qui voudraient dissoudre une aussi sainte communauté!
Sans doute, ce serait la dissoudre que de nous ramener impérieusement aux réformes exclusives et aux tristes époques de notre abaissement et cle notre nullité. Sans doute, le peuple français ne doit plus subir le joug de ces usages funestes qui ont trop longtemps usurpé l'autorité des lois. Il doit au moins se préserver de leurs déplorables effets : et pour cela, Messieurs, quel moyen, quelle précaution nous est nécessaire? Une seule : la volonté ferme, inébranlable de nous y soustraire; la déclaration de cette volonté. Là se trouvent nos droits et nos pouvoirs; au delà èn est l'abus. Là, sans attenter aux droits d'autrui, nous manisfestons avec dignité, avec la puissance de la raison , avec celle de la volonté d'un grand peuple, nous manifestons , dis-je, un caractère vraiment national, qui ne peut nous être contesté. Voulez-vous l'agrandir par de plus imposantes dénominations? Votre force devient faiblesse, et vos paroles restent sans moyens.
Qu'est-ce en effet que la constitution d'une Assemblée quelconque? C'est la déclaration de son existence légale, conformément à une loi déjà faite, ou conformément à une loi qu'on a le pouvoir de faire actuellement.
Si je cherche maintenant ce que c'est qu'une loi, je trouve que c'est une intention juste et utile exprimée par une volonté souveraine- Car ce qui est injuste peut bien être ordonné et exécuté par la force, mais n'aura jamais le caractère auguste de la loi.
D'après ces principes qui sont, je crois, incon-\ testables, je demande ce que signifie le mode J de constilution des représentants de la nation ? Quelle est la loi qui l'autorise? Où est la volonté souveraine qui a exprimé cette intention juste et utile? Sommes-nous seuls la puissance législative? Pouvons-nous y suppléer? La volonté générale vous y a-t-elle autorisés? Vos constituants vous ont-ils enjoint de résoudre de cette manière la question qu'ils n'avaient pas même prévue, sur la vérification des pouvoirs? ont-ils même réclamé dans tous les bailliages, sur le refus des deux premiers ordres d'y procéder en commun? Ce n'est pas que je ne regarde comme injuste, de la part du clergé et delà noblesse, de s'y refuser aujourd'hui.
J'ai déjà eu occasion de le dire, et je le répète maintenant : aucun motif, aucun fait historique ne pouvait détruire cette raison irrésistible qui n'avait jamais été alléguée dans les précédents Etats généraux. Si la vérification commune et réciproque n'a pas toujours eu lieu, c'est parce qu'il n'y a pas de preuve qu'elle ait été réclamée; mais la réquisi tion d'une des parties contractantes suffit pour y obliger les autres.
Cependant, par ce refus obstiné des deux ordres, faut-il que tout périsse? Et la priorité d'une injustice légitimerait-elle celle qui la suivrait?
Si le clergé et la noblesse ne veulent point se lier envers vous, ne vous liez pas envers eux. Que leurs pouvoirs ignorés agissent sur l'ordre dans lequel ils veulent rester circonscrits. Ils en sont les représentants ; et vous l'êtes d'un peuple immense. Mais ils font partie de la nation; ils sont sans doute connus des corps auxquels ils appartiennent ; et vous, les députés des communes, pourquoi vous appelleriez-vous les seuls représentants ae la nation?
Les députés du clergé et de la noblesse vont nous demander qui nous a donné ce caractère d'authenticité et qui les en a privés? Nous répondrons que nous avons sur eux l'avantage d'une intention juste et légale, d'une doctrine vraiment nationale. Mais, ajouteront-ils, il n'y a pas eu plus de vérification commune pour vous que pour nous ; et ce n'est pas de la formule de l'appel et de la forme matérielle de cette salle que vous tirez votre force. L'Assemblée qui a ordonné l'appel n'avait elle-même aucune juridiction sur les autres ordres; et le lieu dans lequel s'est fait cet appel n'est pas exclusivement celui où peuvent se tenir les Etats généraux.
11 est vrai, Messieurs, que vous êtes plus essentiellement les représentants de la nation, que ne le sont les députés du clergé et de la noblesse; i car les premiers éléments de la force sociale et politique consistent dans le corps national qui nous a députés. C'est sous ce rapport que votre I existence est grande, que votre influence doit l'être, et qu'elle est indépendante des prétentions j négatives des deux autres ordres.
Mais au lieu de les anéantir, vous les mettez en action si vous allez au delà de vos pouvoirs. Or, je n'en connais point parmi nous qui nous permette d'adopter et de créer un mode absolument nouveau de constitution. Que disent en effet les pouvoirs les plus impératifs sur l'opi-
nion par tête? de se retirer si l'on vote par ordres Cette recommandation est très-différente de celle de s'établir les seuls représentants connus de la) nation, qui e^t une attaque directe aux autres ordres. Cette attaque provoque dans l'instant une défense, une résistance, une scission; et c'est là, Messieurs, le malheur que je désirerai toujours éviter.
Nous l'éviterons en restant ce que nous sommes, les représentants du peuple, ou de la majeure partie de la nation; car l'une et l'autre désignation nous conviennent également. Je demande seulement qu'on prenne en considération les arrêtés proposés; et j'adopte de préférence ceux qui donnent un plus grand développement à nos motifs.
Cette motion n'est pas goûtée par l'Assemblée.
Les débats augmentent de plus en plus.
Plusieurs membres veulent que la question soij décidée sans désemparer; d'autres demandent d'ajourner au lendemain.
consulte l'Assemblée, et il est décidé que la question sera renvoyée à demain.
fait, au nom de Messieurs du premier bureau, le rapport de l'examen des pouvoirs de MM. Besse, curé de Saint-Aubin; Gré^-goire, curé d'Embermesnil, Dillon, curé du vieux-Pouzages; Bodineau, curé de Saint-Bienheuré de Vendôme; Marolles, curé de Saint-Quentin. L'Assemblée prononçant sur ce rapport déclare les pouvoirs bons; et les actes qui les constituent sont rendus à Messieurs les curés.
La séance est levée à dix heures passées.
Séance du
CLERGÉ.
On reprend la discussion sur la proposition de se réunir au tiers.
Les débats occupent toute la séance sans produire de résultats.
La discussion est interrompue par une députation de l'ordre de la noblesse, à la tête de laquelle est M. de Beaumetz, qui apporte l'arrêté pris aujourd'hui par cette Chambre sur les moyens de remédier à la cherté des grains.
NOBLESSE.
dit qu'il a été mardi porter au Roi l'arrêté de la Chambre ; que Sa Majesté lu^ a répondu qu'elle le recevra, par égard pour lai noblesse; mais que l'usage est qu'on le lui fassé parvenir par le garde des sceaux.
Cette réponse excite des réclamations, et donne lieu à des réserves de la part d'un grand nombre! de membres de l'Assemblée.
Dans la même séance, on prend en considération la proposition du clergé de s'occuper de la misère au peuple.
Voici ce qui est arrêté sur cet objet:
« Arrêté que l'ordre de la noblesse nommera des commissaires à l'effet de se concerter avec! ceux des autres ordres pour aviser aux proposi-| tions qui lui ont été faites par l'ordre du clergé,
et examiner les moyens de remédier à la cherté des grains et à la misère publique. »
On nomme ensuite deux députations pour communiquer cet arrêté aux deux autres ordres.
La séance est levée.
COMMUNES.
Séance du matin.
ayant ouvert la séance, a proposé , de faire une visite de condoléance, au nom de l'Assemblée, à la veuve de M. Liquier, député, à l'inhumation duquel plusieurs membres ont assisté. L'Assemblée l a approuvé.
, curé de Teillé (1), député du ; clergé de la sénéchaussée du Maine, est entré, et I a dit: Messieurs, le second député du clergé de la sénéchaussée du Maine, intimement persuadé I que l'ordre des communes de France est fondé à demander une vérification commune et respec-' tive des pouvoirs entre les trois ordres, s'empresse de vous présenter les siens. La justice, son inclination naturelle lui prescrivent également cette démarche. Citoyen avant que d'être promu au sacerdoce, il n'a point cessé de l'être, ni oublié le rang auquel il doit sa naissance. Il n'a vu dans sa qualité de pasteur que des raisons multipliées de s'unir plus étroitement aux mai-heureux et à la classe si nécessaire des cultivateurs laborieux, victimes infortunées de la main cruelle du fisc. Il ne se croit pas moins que vous, Messieurs, chargé de leurs plus chers intérêts ; et le désir le plus ardent de son cœur a été de pouvoir les soulager. Un monarque bienfaisant nous en procure l'occasion en nous rassemblant ici, Messieurs, pour tarir les sources diverses des malheurs publics. Vos procédés, conçus avec sagesse, conduits avec prudence, pesés'dans la balance de la plus sévère justice et soutenus avec fermeté, seront toujours étayés du suffrage de ma faible voix. Ce sont les sentiments et les dispositions sincères de mon cœur; et je vous prie, Messieurs, de les consigner dans le procès-verbal de votre Assemblée.
M. Bertereau a remis ses pouvoirs sur le bureau, et a pris séance sur les bancs du clergé. L'Assemblée a chargé le bureau des adjoints d'en faire l'examen et le rapport.
MM. du bureau des adjoints, après avoir procédé à cet examen, ont dit , M. Enjubault de la ! Roche portant la parole, que les pouvoirs remis | par M. Bertereau consistaient en un procès-verbal de prestation de serment relatif à son élection ; que ce procès-verbal était sans contradiction et paraissait régulier, mais qu'il n'apparaissait pas ae procès-verbal d'élection.
L'Assemblée a statué que M. Bertereau rapporterait le procès-verbal de son élection dans quinzaine, et cependant qu'il prendrait séance provisoire. Le procès-verbal de sa prestation de serment lui a été rendu.
M. Henriot, député du bailliage de Langres, a remis ses pouvoirs, et ceux de M. Thevenot de Maroise, son collègue, qui s'est présenté.
La discussion commencée nier est reprise.
prend la parole pour défendre et rétablir sa motion ; il s'attache particulièrement à réfuter le mode de constitution présenté par M. le comte de Mirabeau, et celui présenté par M. Mounier.
Que vous propose-t-on ? de vous constituer les représentants de la nation française légalement vérifiés. Et certes, n'est-ce pas là une vérité sensible et assez publique? La vérification en commun est un principe dont vous ne vous êtes jamais départis: cette vérification a été faite entre les membres des communes et une partie de ceux du clergé; et qu'allez-vous donc publier maintenant par votre arrêté, ou plutôt par le titre de votre constitution? Un simple fait, une vérité authentique. Vous êtes les seuls représentants vérifiés, et vous le publierez à la face de la nation. Maintenant pourquoi nous parler de la sanction du Roi, de son veto? Son veto peut-il empêcher que le fait que nous énoncerons, que la vérité que nous publierons ne soit toujours une et toujours immuable? Son veto peut-il empêcher que nous soyons ce que nous sommes et ce que nous devons\être? La sanction royale ne peut changer l'ordre des choses, altérer leur nature. Nous sommes les représentants vérifiés de la nation; le Roi ne peut faire que nous ne le soyons pas: il peut nous forcer à ne point exercer les droits que nous donne ce titre ; mais ce titre, il ne peut nous l'enlever.
Il ne me reste plus qu'une objection à faire. Avec quel étonnement ai-je entendu prononcer, hier matin, parmi nous, le mot d'emprunt ! Quoi l nous ne sommes rien encore, et nous commencerions le bien que chacun de nous se vante de faire par consentir un impôt, par violer le serment que nous avons tous juré de n'accor4er aucun subside tant que la liberté, la propriété et la sûreté publique ne reposeront pas sur des bases immuables! Nous ne sommes rien, et nous priverions la nation des ressources que la Providence lui préparait pour secouer le joug du despotisme! Nous ne sommes rien, et nous lui ferions tout le mal que ses plus cruels ennemis, les vainqueurs les plus barbares pourraient lui faire!
Et quel est le motif de cet emprunt? vous a-t-on dit : c'est de mettre le Roi de notre côté ; c'est de dissiper ces intrigues sourdes et secrètes dont les communes seraient incessamment victimes; c'est, en un mot, de rendre notre cause plus favorable. Nôtre cause est juste, et nous avons pour nous le témoignage de notre conscience. Le Roi n'est pas moins juste; et, comme la justice est une, il ne peut être contre elle. Mais il est obsédé, trompé 1 s'écrie-t-on. Est-cé pour cela qu'il faut acheter la faveur ? Si, par un emprunt modique, vous cherchez à l'acquérir, la noblesse, le clergé, ligués ensemble, en consentiront un plus considérable pour mettre à leur tour le Roi de leur côté ; et c'est alors qu'ils vous diront que vous vous opposez à leur générosité, à leur désintéressement. Non, ne songeons pas à mettre la faveur du Roi à l'encan ; notre parti est celui de la raison et de l'équité, et honorons assez notre monarque pour croire que ce n'est pas à prix d'argent qu'on lui fait embrasser la défense de la justice.
M***, procureur du Roi d'un bailliage royal de Lorraine, parle ensuite. Il adopte la motion de M. l'abbé Sieyès, il réfute celle de M. Mounier, rejette celle de M. de Mirabetfh, en disant quil suffit que le mot peuple prête à l'équivoque pour qu'on le rejette ; que la France est encore loin de
ces peuples célèbres que M. de Mirabeau avait cités ; que Ton disait le peuple athénien, le peuple anglais, mais que Ton n'avait jamais dit le peuple assyrien lorsqu'il obéissait à des satrapes ; que, quant au droit de veto, d'après les raisons de M. Camus, il paraissait inutile de demander la sanction royale, dont le défaut, quoiqu'en dise M. de Mirabeau, n'amènerait pas le despotisme; que ses alarmes et ses craintes sur l'anarchie, dont il menaçait la nation, ne seraient pas l'effet de l'autorité législative résidant dans la nation ; que, loin de retomber dans le despotisme, on tomberait plutôt dans les malheurs de la guerre civile ; que ce serait alors que la nation en aurait l'honneur; que ce serait alors que M. le comte de Mirabeau, qui, descendant du rang oùla naissance l'avait placé, n'a pas craint de descendre au milieu delà nation pour défendre ses intérêts, ne balancerait sans douie pas de se montrera sa tête pour la protéger de son courage, et opposer sa poitrine aux coups qu'on voudrait lui porter.
Plusieurs personnes discutent encore les trois motions principales. Un jeune homme, appelé M. Robert, parle avec une éloquence rare, une précision au-dessus de son âge.
On demande de toutes parts à aller aux voix.
demande la parole. On la lui refuse pendant longtemps. Il annonce une motion tout à fait différente, des idées nouvelles, et il obtient la parole.
, député duBerry (1). L'Assemblée considérant :
1° Que la dénomination d'Etats généraux du royaume est corrélative entre les trois ordres de citoyens qui sont appelés à représenter la nation; que cette dénomination n'est pas applicable à la circonstance présente, tant que la plus grande partie des membres qui représentent le clergé et la noblesse ne se réuniront pas aux autres députés pour y faire connaître leur qualité par la vérification commune dans leurs pouvoirs ;
2° Que ces deux classes privilégiées ne sont pas la nation, mais dans la nation ;
3° Que la nation en admettant dans son sein des classes distinctes de citoyens, n'a jamais pu consentir que l'absence des représentants de ces classes l'empêcherait elle-même de se constituer dans ses représentants. Que si cela était, il s'ensuivrait qu'un peuple, composé de vingt-quatre millions d'individus, cesserait d'être un corps politique et national, ne pourrait se constituer, parce que les députés de trois ou quatre cent mille hommes de la na ion s'opposeraient à sa constitution et à sa représentation légale ;
4° Qu'une telle maxime, que l'abus du pouvoir des grands a établie dans les gouvernements aristocratiques, est absolument contraire au gouvernement monarchique ; ce serait une autorité élevée contre le Roi et la nation, ce serait détruire les principes delà monarchie, que l'Assemblée soutiendra toujours dans toute leur intégrité;
5° Que l'Asseftnblée reconnaît que les députés des ordres privilégiés ont le droit, comme
représentant une partie des citoyens, d'assister et d'être membres de l'Assemblée générale
des représentants de la nation, mais qu'ils n'ont pas celui de s'arroger à eux seuls cette
qualité, en vérifiant leurs pouvoirs en particulier, qu'ils ont encore
A arrêté de se constituer en Assemblée hatio-nale ;
A arrêté en outre que les députés, de quelque ordre qu'ils soient, qui n'auront pas encore fait vérifier leurs pouvoirs dans la salle commune, seront toujours admis à le faire et à prendre en- ; suite part aux délibérations. Elle a arrêté qu'elle1 ne reconnaîtra dans les députés non vérifiés dans * son sein, aucun droit ni qualité, même partielle, de représentants de la nation. Enfin elle a déclaréj qu'elle ne pourra être arrêtée dans ses délibéra- ' tions par aucun droit de veto, que nul ordre de représentants delà nation ne peut opposer à ses co-représentants et qui serait destructif de l'indivisibilité d'une Assemblée nationale.
Cette motion est suivie de vifs applaudisse- ments.
présente une autre motion en ces termes (1) :
Les députés du clergé et des communes de France, dont les pouvoirs ont été reconnus légitimes dans les séances de la présente Assemblée des 13 et 14 de ce mois et autres jours suivants, f constituent dès à présent, l'assemblée active et légitime des représentants de la nation française; mais elle se fait une loi de déclarer qu'une partie du clergé et de la noblesse ont été vainement invités à se réunir à cette Assemblée, pour concourir à la régénération de l'État ; qu'elle ne reconnaîtra jamais d'empêchement ou veto de leur part, entre elle et son souverain, et qu'elle ne cessera de les inviter et de les attendre, sans néanmoins qu'aucun retard ou refus puisse mettre obstacle à l'activité nécessaire au besoin de l'Etat et à l'établissement de la félicité publique.
, doyen, propose de délibérer ; les uns le veulent, les autres prétendent qu'il faut continuer la discussion.
La séance est levée à 2 heures et remise à 5heu- r res du soir.
Séance du soir.
a ouvert la séance a 5 heures.
, curé d'Huillaux (2), député du clergé du Bourbonnais, est.entré, et a dit : Mes-1
sieurs, quarante-deux jours se sont écoulés en I vœux inutiles: et nous venons vous assurer!
qu'aucun de ces jours précieux n'a fini sans que I nous en avons amèrement regretté la
perte; et le lendemain nous a constamment trouvés plus affermis dans la résolution de nous
unir à vous , ! Messieurs, pour opérer le bien commun. La con- f tradiction, les longues
discussions de ce projet j nous en ont de plus en plus fait connaître la sa- , gesse,
Hâtons-nous donc de porter des mains se-courables à ce grand édifice, qui s'écroule de
toutes parts ; réparons, par une plus grande activité, nos premières lenteurs et le malheur
de n'avoir pu ob-
Vous gémissez sur les maux qui affligent vos riasteurs: oubliez leurs intérêts, Messieurs, oubliez-les pour un moment. De plus grands désastres appellent votre attention: oubliez-les pour toujours s'il le faut; c'est le soulagement, c'est le bonheur de nos paroissiens que nous vous demandons avant tout, et à quelque prix que ce soit.
a remis ses pouvoirs sur le bureau, ét a pris séance sur les bancs du clergé, i MM. le duc du Châtelet, le vicomte de Noailles, le marquis de Digoine, des Fossés, le prince de Ôroglie, et le comte de la Marck, députés des membres delà noblesse, se sont présentés, et ont été reçus en la forme ordinaire. Ils ont pris place slur les bancs de la noblesse, et ont communiqué ùn arrêté des députés de leur ordre, qu'ils ont remis sur le bureau après en avoir fait lecture.
Teneur de cet arrêté:
« Arrêté que Tordre de la noblesse nommera es commissaires à l'effet de se concerter avec deux des autres ordres, pour aviser aux propositions qui lui ont été faites par l'ordre du clergé, et examiner les moyens de remédier à la cherté des grains et à la misère publique. Signé : Mont-ihorency-Luxembourg, Bouthillier. >
a répondu : Messieurs, vous nous voyez occupés de l'exécution de la délibération dont nous avons eu l'honneur de vous donner (jonnaissancc vendredi dernier. Quand nous serons constitués, nous nous occuperons sans relâche d'un objet aussi pressant.
MM. Clerget, curé d'Onan ; Longpré, chanoine aeChamplitte ; Rousselot, curédeThiennaut, tous tjrois députés du clergé du bailliage d'Amont en Franche-Comté; Joubert, curé de Saint-Martin, député du clergé du bailliage d'Angoulême ; et Lucas, recteur de Minitri, député du clergé du diocèse de Tréguier, sont entrés, et ont pris séance sur les bancs de MM. du clergé.
a dit: Messieurs, pénétrés de la grandeur de notre caractère, connaissant toute l'étendue des obligations qu'il nous impose, nous ^'avions pas besoin d'être entraînés par l'exemple (jle ceux de nos confrères qui nous*ont précédés1 dans la noble carrière du patriotisme. Intimement persuadés que la force de la raison, la solidité des principes, et surtout l'intérêt de la nation, exigeaient que la vérification des pouvoirs fût faite en commun, soyez persuadés, Messieurs, que l'espèce de délai que nous avons apporté à notre démarche a été le sacrifice le plus douloureux à notre cœur, et n'a été motivé que par l'espérance de réunir à notre opinion tous ceux que nous avons vus avec une amère douleur, faire les plus grands efforts pour consacrer d'iniques usages qui perpétueraient les ajDus que nous sommes yenus détruire. Pressés par les mouvements de iÎLOtre conscience, altérés du bonheur public, ef-fjrayés des funestes conséquences que produi-ijaient infailliblement les irrésolutions perpétuelles de la Chambre du clergé, honorés, ainsi que vous, Messieurs, du titre glorieux de députés de la nation française à ses Etats généraux, nous Vous apportons nos titres, nous soumettons nos pouvoirs à votre vérification, en vous priant de nous donner également connaissance des vôtres, et d'être intimement convaincus que notre seule
ambition, le désir le plus cher à notre cœur, est de coopérer efficacement avec vous au grand œuvre ae la félicité de la nation.
a dit (1): Nous venons enfin, Messieurs, rendus à nos vœux les plus chers, paraître au milieu des représentants de la nation, y produire le titre honorable qui nous associe à leur travail et à leur zèle, et reconnaître ceux à qui elle a confié ses plus grands intérêts, l'ouvrage immortel de son bonheur.
Nous aurions peut-être dû, Messieurs, donner plus tôt l'essor au patriotisme qui nous anime, nous hâter de le confondre avec celui de nos concitoyens; sûrs de trouver parmi eux la lumière et des guides, cet attrait puissant devait doubler notre ardeur. Notre empressement plus tardif n'en était moins réel ; dans les premiers, il a été un sentiment ardent qui n'a pu se contenir et se défendre. Celui qui, mesurant sa marche, a cherché à se communiquer et à se répandre; celui qui a combiné ses forces pour mieux en assurer l'effet; celui qui regrettant, dans les liens de la confraternité, de ne pouvoir entraîner avec lui tous les esprits et tous les cœurs, n'est pas moins digne de vous être offert.
a pareillement fait un discours, mais il ne l'a pas déposé.
MM. Clerget, Longpré, Rousselot, Joubert et Lucas ont remis leurs pouvoirs sur le bureau.
La discussion sur la question du mode de constitution est reprise.
donne de nouveaux développements à sa motion, et combat les réponses de M. l'abbé Sieyès. Vous vous constituerez, dit-il, Assemblée composée de la majorité en l'absence de la minorité. Depuis que les hommes délibèrent, ils doivent céder, obéir à la majorité, nonobstant les refus, les oppositions de la minorité : or, par le titre de cette constitution, vous auriez incontestablement le droit de tout faire, de tout décider, puisque vous êtes la majorité; et ce droit ne dérivera pas de celle de M. l'abbé Sieyès.
Il est encore une autre argument, c'est que vous seriez forcés d'abandonner le titre qu'il vous présente, puisqu'il ne vous appartiendra pas à vous seuls, puisque les autres Chambres se disent vérifiées, et que vous leur laissez le droit de le dire.
Messieurs, la manière dont un des honorables membres a parlé, je ne dirai pas contre ma
motion, elle reste entière, mais contre la dénomination que j'ai choisie pour nous
constituer représentants du peuple français ; l'approbation qu'ont donnée aux objections
plusieurs de ceux qui ont parlé après l'honorable membre, m'ont causé, je l'avoue, une
extrême surprise. Je croyais avoir énoncé clairement mon opinion touchant la séparation des
ordres, et l'on m'accuse d'avoir favorisé la séparation des ordres. Je croyais avoir
présenté une série de résolutions qui montraient les droits et la dignité du peuple ; et
l'on m'apprend que ce mot de peuple a une acception basse, qu'on pourrait nous adapter
exclusivement. Je me suis peu inquiété de la signification des mots dans la langue absurde
du préjugé; je parlais
Il répond à ce que j'ai dit sur la nécessité de la sanction royale, que lorsque le peuple a parlé, il ne la croit pas nécessaire. Et moi, Messieurs, je crois le veto du Roi tellement nécessaire que l'aimerais mieux vivre à Gonstantinople qu'en France, s'il ne l'avait pas : oui, je le déclare pour Ja seconde fois, je ne connaîtrais rien de plus terrible que l'aristocratie souveraine de six cents personnes qiii demain pourraient se rendre inamovibles, après-demain héréditaires, et finiraient, comme les aristocrates de tous les pays du monde, par toute envahir. Mais, Messieurs, puisque ma motion a été mal comprise, je dois la défendre avec des raisons plutôt qu'avec ,des récriminations ou des exemples tirés des langues étrangères. Je dois vous montrer en quoi elle ressemble à toutes les autres, et vous prouver que dans les points où elle en diffère; elle présente de grands avantages; tant que nous sommes ici des individus qui exposons notre sentiment, mon devoir m'impose de défendre le mien, et il n'appartient qu'à la décision de l'Assemblée de me soumettre.
Plus je considère les différentes motions entre lesquelles vous avez à vous déterminer, plus je me pénètre de cette incontestable vérité, c'est qu'elles se rapprochent, c'est qu'elles coïncident en ces points essentiels :
1° La nécessité de se constituer promptement en Assemblée active. Cette nécessité est reconnue par M. l'abbé Sieyès, par M. Mounier, elle l'est par ma motion, qui tend à nous préserver des malheureux effets que pourrait avoir une plus longue durée de l'inaction à laquelle nous avons été jusqu'à présent forcés par la persévérance des classes privilégiées, leur refus de se réunir.
2° L'aveu que notre Assemblée n'est et ne peut être les Etats généraux. Aucun de nous n'ose nous donner ce titre. Chacun sent qu'il n'appartient qu'à une Assemblée de députés des Etats des trois ordres. Ici encore, M, l'abbé Sieyès, M. Mounier et moi, nous nous rencontrons parfaitement.
3° L'avantage qu'il y aurait à trouver quelque autre dénomination sous laquelle cette Assemblée puisse être constituée, et qui, sans équivaloir à celle d'Etats généraux, soit cependant suffisante pour la mettre en activité.
Ici nous sommes d'accord; car soit que nous appelions les représentants connus et vérifiés de la nation les * représentants de la majeure partie
, de la nation, ou les représentants du peuple* notre but est le même; toujours nous réunisj-sons-nous contre la qualification également ab| surde et déplacée d'Etats généraux; toujours cherchons-nous, en excluant ces titres, à er| trouver un qui aille au grand but de l'activité.^ sans avoir le funeste inconvénient de paraître! ] une spoliation des deux autres ordres, dont* * quoique nous fassions, nous ne pourrons nouâ dissimuler l'existence, bien que nous nous acr cordions à penser qu'ils ne peuvent rien pai1 eux-mêmes.
4° Le quatrième point sur lequel nous sommeâ d'accord, c'est la nécessité de prévenir touté opinion par Chambre, toute scission de TAssemi blée nationale, tout veto des ordres privilégiés.
Ici encore je me pJais à rendre hommage aux autres motions ; mais sans croire qu'elles aienit pourvu à ce mal que nous craignons tous, avec plus d'énergie que je ne l'ai fait. En est-il une qui ait plus fortement exprimé que la mienne l'intention de communiquer, non avec les autres ordres, mais directement à Sa Majesté, les mesu4 res que nous estimons nécessaires à la régénéH ration du royaume? En est-il une qui rejette plus fortement que la mienne tout veto, c'est-à4 dire tout droit par lequel les députés des classes; privilégiées, en quelque nombre qu'ils soient, voudraient s'opposer par des délibérations séparées, prises hors de l'Assemblée nationale, à ce qui serait jugé nécessaire pour le bien général de la France ?
Nous sommes donc d'accord sur ces quatre points vraiment cardinaux, vraiment nécessaires; qui devraient nous servir à tous de signal dé ralliement.
En quoi différons-nous ? Qu'est-ce qui peut justifier cette chaleur, cet éloignement que nous marquent les uns pour les opinions des autres t Comment se fait-il que ma motion, si clairement fondée sur les principes, qui les met au-dessus de toute atteinte, si explicite, si satisfaisante pour tout homme qui déteste comme moi touté espèce d'aristocratie, comment se peut-il que cette motion ait été présentée comme si étrange| si peu digne d'une Assemblée d'amis, de servie teurs de ce peuple qui nous a chargés de le dé-^ fendre?
1° Un défaut commun aux dénominations que j'attaque, c'est qu'elles sont longues, c'est qu'elleè sont inintelligibles pour cette portion immense des Français qui nous ont honorés de leur confiance. En est-il un seul qui puisse se faire une idée juste de ce que c'est que les représentants connus et vérifiés de la nation? En est-il un seul qui vous comprenne, quand vous lui direz que vous êtes « l'Assemblée formée par les repré+ sentants de la plus grande partie de la nation, et par la majorité de tous les députés envoyés aux Etats généraux dûment invités, délibérant en l'absence de la minorité dûment invitée ?
A ces titres énigmatiques, à ces doubles logoT gryphes, substituez : les représentants du peuple français, et voyez quelle dénomination offre la définition la plus claire, la plus sensible, la plus propre à nous concilier nos commettants mêmes?
2° Un défaut particulier à une de ces deux motions, c'est qu'elle nous donne un nom qui ne nous désigne pas seuls, qui, par conséquent, ne nous distingue pas, qui peut convenir au^ députés des autres ordres, des autres ChambresL aux députés des classes privilégiées, suivant qu'il vous plaira les appeler : car ils peuvent aussi bien que nous se dénommer les représen-
tants connus de la nation. Supposons que vous, ayez à vous adresser au Roi, oseriez-vous lui u dire que vous êtes les seuls représentants de là I Ration qui soient connus de Sa [Majesté? Lui di-j| iez-vous qu'il ne connaît pas les députés du' lergé, qu'il ne connaît pas ceux de la noblesse our des représentants de la nation, lui qui les à convoqués comme tels, lui qui a désiré qu'ils ] :.ui fussent présentés comme tels, lui qui les a :?ait appeler comme tels, lui qui les a présidés ainsi que nous, dans l'Assemblée nationale, lui i^nfin, qui a reçu leurs discours, leurs adresses comme les nôtres, et qui les a constamment désignés par des termes équivalents à ceux dont il s'est servi avec nous.
Le titre que je vous propose, ce titre que vous réprouvez, n'a point l'inconvénient de s'appliquer à d'autres qu'à nous, il ne convient qu'à nous, jil ne nous sera disputé par personne. Les représentants du peuple français ! Quel titre pour des hommes qui comme vous aiment le peuple, qui sentent comme vous ce qu'ils doivent au peuple !
3° Cette même motion que je combats, tout en vouant mon estime, mon respect à celui qui l'a proposée, vous appelle les représentants vérifiés de la nation, comme si les autres représentants n'avaient pas été aussi vérifiés; comme s'il pouvait [leur être défendu de s'appeler, ainsi que nous, \les représentants vérifiés, parce qu'ils n'ont pas été vérifiés à notre manière.
4° Cette même motion tire une conséquence qui n'a aucun rapport avec les prémières. Consultez celle-ci, on croirait que vous allez vous constituer en Assemblée nationale, en Etats généraux. C'est ce qui résulte de cette phrase remarquable : Il appartient à cette Assemblée, il ri appartient qu'à elle d'interpréter et de présenter Jla volonté générale de la nation. Est-ce là cependant jce qu'on nous propose? Est-ce la conclusion que, selon la motion, vous devez tirer du principe? Non, vous allez vous déclarer les représentants connus et vérifiés de la nation. Vous laissez à ce qu'il vous plaît d'appeler les représentants non connus, non vérifiés, le soin de fixer à leur tour les qualifications dont il leur plaira de se décorer.
5° Cette même qualification ne porte que sur ; une simple dispute de forme, dans laquelle notre j droit n'est fondé que sur des arguments très-subtils, quoique très-solides, et non sur une loi positive.
La mienne porte sur un fait, un fait authentique, indéniable : c'est que nous sommes les représentants du peuple français.
6° Cette même qualification est d'une telle faiblesse, comme l'a observé un des préopinants (M. Thouret), que dans le cas, très-aisé à supposer, où les députés au clergé et de la noblesse se détermineraient à venir dans notre salle pour faire vérifier leurs pouvoir^, et retourneraient ensuite dans leurs Chambres respectives pour y opiner par ordre, cette qualification ne pourrait plus nous convenir.
Celle que je vous propose nous convient dans tous les temps, dans tous les cas, et même dans celui où, comme nous le désirons tous, les dé pu tés des trois ordres-se réuniraient formellement dans cette salle en Etats généraux, pour y voter par tête, et non par ordre.
On vous a dit, Messieurs, on l'a dit au public, on en a fait une espèce de cri d'alarme contre ma motion, qu'elle tendait à chambrer les Etats généraux, à autoriser la distinction des ordres. Mais moi, je vous le demande, je le'demande à tous ceux qui m'ont entendu, à tous ceux qui m'ont
lu ou qui liront ma motion : où s'y trouve cette distinction des ordres, cette nécessité des Chambres? Peut-on ainsi, en prenant une partie de cette motion, passer l'autre sous silence? Je vous ai déjà rappelé les termes dont je me suis servi; je vous ai dit, et j'ai exprimé de la manière la plus forte, que les deux ordres qui veulent s'isoler du peuple ne sont rien quant à la constitution, tant qu'ils veulent être étrangers au peuple; qu'ils ne peuvent avoir une volonté séparée de la sienne ; qu'ils ne peuvent ni s'assembler, ni exercer un veto, ni prendre des résolutions séparées.
Voilà le principe sur lequel ma motion est fondée, voilà le but où elle tend, voilà ce que, à moins de s'aveugler volontairement, tout homme de sens y trouvera.
Si je voulais^employer contre les autres motions les armes dont on se sert pour attaquer la mienne, ne pourrais-je pas dire à mon tour : de quelque manière que vous vous qualifiiez, que vous soyez les représentants connus et véritiés de la nation, les représentants de 25 millions d'hommes, les représentants de la majorité du peuple, dussiez-vous même vous appeler l'Assemblée nationale, les Etats généraux, empêcherez-vous les classes privilégiées de continuer des Assemblées que Sa Majesté a reconnues? Les empêcherez-vous de prendre des délibérations? Les empécherez-vous de prétendre au veto? Empêcherez-vous le Roi de les recevoir, de les reconnaître, de leur continuer les mêmes titres qu'il leur a donnés jusqu'à présent? Enfin, empêcherez-vous la nation d'appeler le clergé, le clergé; la noblesse, la noblesse?
On a cru m'opposer le plus terrible dilemme, en disant que le mot peuple signifie nécessairement ou trop ou trop peu; que si on l'explique dans le même sens que le latinpopulusy il signifie la nation, et qu'alors il a une acception plus étendue que le titre auquel aspire la généralité de l'Assemblée; que si on l'entend dans un sens plus restreint, comme le latinplebs} alors il sup-pose des ordres, des différences d'ordres, et que c'est là cec[ue nous voulons prévenir. On a même été jusqu'à craindre que ce mot ne signifiât ce que les Latins appelaient vulgus, ce que les Anglais appellent mob, ce que les aristocrates, tant nobles que roturiers, appellent insolemment canaille.
A cet argument je n'ai que ceci à répondre : c'est qu'il est infiniment heureux que notre langue, dans sa stérilité, nons ait fourni un mot que les autres langues n'auraient pas donné dans leur abondance; un mot qui présente tant d'acceptions différentes ; un mot qui, dans ce moment où il s'agit de nous constituer sans hasarder le bien public, nous qualifie sans nous avilir, nous désigne sans nous rendre terribles; un mot qui, ne puisse nous être contesté, et qui, dans son exquise simplicité, nous rende chers à nos commettants sans effrayer ceux dont nous avons à combattre la hauteur et les prétentions; un mot qui se prête à tout, qui, modeste aujourd'hui, puisse agrandir notre exissence à mesure que les circonstances le rendront nécessaire, à mesure que, par leur obstination, par leurs fautes, les classes privilégiées nous forceront à prendre en main la défense des droits nationaux, delà liberté du peuple.
Je persévère dans ma motion et dans la seule expression qu'on avait attaquée, je veux dire la qualification de peuple français. Je l'adopte, je la défends, je la proclame par la raison qui la fait combattre.
Oui, c'est parce que le nom de peuple n'est pas
assez respecté en France, parce qu'il est obscurci, couvert de la rouille du préjugé; parce qu'il nous présente une idée dont l'orgueil s'alarme et dont la vanité se révolte, parce qu'il est prononcé avec mépris dans les Chambres des aristocrates, c'est pour cela même, Messieurs, que je voudrais, c'est pour cela même que nous devons nous imposer non-seulement de le relever, mais de l'ennoblir, de Je rendre désormais respectable aux ministres et cher à tous les cœurs.
Si ce nom n'était pas le nôtre, il faudrait le choisir entre tous, l'envisager comme la plus précieuse occasion de servir ce peuple qui existe, ce peuple qui est tout, ce peuple que nous représentons, dont nous défendons les droits, de qui nous avons reçu* les nôtres et dont on semble rougir que nous empruntions notre dénomination et nos titres. Ah! si le choix de ce nom rendait au peuple abattu de la fermeté, du courage... mon âme s'élève en contemplant dans l'avenir les heureuses suites que ce nom peut avoir! Le peuple ne verra plus que nous, et nous ne verrons plus que le peuple; notre titre nous rappellera et nos devoirs et nos forces. A l'abri d'un nom qui n'effarouche point, qui n'alarme point, nous jetons un germe, nous le cultiverons, nous en écarterons les ombres funestes qui voudraient l'étouffer; nous le protégerons; nos derniers descendants seront assis sous l'ombrage bienfaisant de ses branches immenses.
Représentants du peuple, daignez me répondre ; irez-vous dire à vos commettants que vous avez repoussé ce nom de peuple ? que si vous n'avez pas rougi d'eux, vous avez pourtant cherché à éluder cette dénomination qui ne vous paraît pas assez brillante ? qu'il vous faut un titre plus fastueux que celui qu'ils vous ont conféré? Eh ! ne voyez-vous pas que le nom de représentants du peuple vous est nécessaire parce qu'il vous attache le peuple, cette masse imposante sans laquelle vous ne seriez que des individus, de faibles roseaux que l'on briserait un à un ? Ne voyez-vous pas qu'il vous faut le nom de peuple, parce qu'il donne à connaître au peuple que nous avons lié notre sort au sien, ce qui lui apprendra à reposer sur nous toutes ses pensées, toutes ses espérances.
: Plus habiles que nous, les héros bataves qui fondèrent la liberté de leur pays prirent le nom de gueux ; ils ne voulurent que ce titre, parce que le mépris de leurs tyrans avait prétendu les en flétrir ; et ce titre, en leur attachant cette classe immense que l'aristocratie et le despotisme avilissaient, fut à la fois leur force, leur gloire et le gage de leur succès. Les amis de la liberté se choisissent le nom qui les sert le mieux, et non celui qui les flatte le plus ; ils s'appelleront les remontrants en Amérique, les pâtres en Suisse, les gueux dans les Pays-Bas ; ils se pareront des injures de leurs ennemis ; ils leur ôteront le pouvoir de les humilier avec des expressions dont ils auront su s'honorer.
La dernière partie du discours de M. de Mirabeau excite beaucoup de murmures. Au milieu du tumulte et des plaintes. M. de Mirabeau s'écrie : Si ce morceau de mon discours est coupable, je ne crains pas de l'avouer, je le laisse, signé de ma main, sur le bureau.
Lorsque le tumulte est apaisé, on crie de toutes parts : Aux voix ! aux voix !
demande à relire son projet d'arrêté. Il obtient du silence avec peine.
demande la parole ; chacun se récrie, s'impatiente, tout le monde veut aller aux voix: il persiste cependant; quelques-uni veulent l'entendre, et il est écouté.
Voici l'extrait du discours de M. Galand:
Je demande qu'on se constitue en Assemblée légitime et active des représentants de la nation française. La nation est une, indivisible; le cierge n'est qu'une corporation stipendiaire de la nation pour la servir au pied des autels ; la noblesse esj; une corporation de gens illustrés.
A peine a-t-il achevé qu'il reçoit les applaudis-f sements les plus vifs.
demande de nouveau la pa4 rôle; il annonce un très-grand changement dans sa motion. Il propose de substituer à la dénomin nation de représentants connus et vérifiés le titre d'Assemblée nationale.
Cette motion, ainsi changée, paraît à quelques! membres exiger une nouvelle discussion. Les autres veulent délibérer sur-le-champ.
On va aux voix pour savoir si on discutera, ou si on délibérera.
La majorité est pour le dernier parti.
Plusieurs membres se retirent. D'autres veulent opiner sans désemparer. La majorité se déclare pour ce parti.
Les débats se prolongent jusqu'à minuit.
Messieurs, nous allons nous constituer. Un acte aussi important et aussi solennel doit, être fait en plein jour, avec tous les membres, en présence de la nation. Mes sentiments vous sont connus, je déclare que je vote pour qu'on se constitue en Assemblée nationale, non pas dans le moment actuel, mais demain je le signerai de mon sang.
Cette observation détermine l'Assemblée à se réparer et remettre la décision à demain.
La séance est levée.
Séance du
CLERGÉ.
La discussion sur la question relative à la r union est continuée.
, archevêqued'Aix, soutient, dans un discours fort étendu, la distinction des ordres.
, évêque de Chartres, qui a parlé la veille pour demander la vérification des pouvoirs en commun, veut répondre.
La parole lui est refusée, pour l'accorder à M. l'abbé Villeneuve de Bargemont.
M. l'archevêque d'Arles, qui lui succède, demande l'impression du discours de M. l'archevêque d'Aix.
Une députation de l'ordre de la noblesse communique un arrêté de cet ordre relatif aux députations du bailliage d'Auxerre et du Dauphiné.
NOBLESSE.
La Chambre se partage en plusieurs bureaux
pour s'occuper de l'examen de la constitution du royaume. En vertu de ces derniers arrêtés, elle renvoie à des commissaires chargés d'en conférer avec ceux des deux autres, les contestations sur les députations communes ou faites par les trois ordres réunie telles que celle du Dauphiné. Enfin, il est-fait lecture de la réponse du Roi à la communication qu'il a reçue des arrêtés de la noblesse. Elle est ainsi conçue :
« J'ai examiné l'arrêté de l'ordre de la noblesse que vous m'avez remis ; j'ai vu avec peine qu'il persistait dans les réserves et les modifications qu'il avait mises au plan de conciliation proposé par mes commissaires. Plus de déférence de la part de l'ordre de la noblfesse aurait peut-être amené la conciliation que j'ai désirée. »
La séance est levée.
communes.
Séance du matin.
Je vais mettre aux voix les différentes motions relatives à la manière dont l'Assemblée doit se constituer. On a demandé hier que chaque membre apposât sa signature au bas de la délibération, j'ose présenter à l'Assemblée quelques réflexions sur cette demande.
La signature, au lieu de fortifier notre résolution, pourrait l'affaiblir; car, prise par l'Assemblée, elle est censée prise unanimement ; au lieu que la signature, si elle n'est pas universelle, montre que la résolution n'a été arrêtée que partiellement. De plus, la signature pourrait devenir un germe funeste de division entre nous, et commencer, en quelque manière, deux partis dans une Assemblée dont l'union a fait jusqu'ici la plus grande force.
Ces réflexions sont approuvées par l'Assemblée, et la demande des signatures n'a pas de suite.
L'Assemblée arrête que la délibération sera seulement signée du doyen et de deux secrétaires.
Il est fait lecture des cinq motions de MM. l'abbé Sieyès, de Mirabeau, Mounier, Legrand et Pison du Galand, sur lesquelles on a à délibérer. La première motion mise à l'opinion est celle de M. l'abbé Sieyès, en décidant qu'on ira aux voix successivement sur les autres, si la première ne réunit pas la majorité absolue des voix.
La motion de M. l'abbé Sieyès est admise à la majorité de 491 voix, contre 90.
L'Assemblée, en conséquence, arrête la délibération suivante :
« L'Assemblée, délibérant après la vérification des pouvoirs, reconnaît que cette Assemblée est déjà composée des représentants envoyés directement par les quatre-vingt-seize centièmes, au moins, de la nation.
« Une telle masse de députation ne saurait rester inactive par l'absence des députés de quelques bailliages, nu de quelques classes de citoyens ; car les absents qui ont été appelés ne peuvent point empêcher les présents d'exercer la plénitude de leurs droits, surtout lorsque l'exercice de ces droits est un devoir impérieux et pressant.
« De plus, puisqu'il n'appartient qu'aux représentants véritiés de concourir à former le vœu national, et que tous les représentants vérifiés doivent être dans cette Assemblée, il est encore indispensable de conclure qu'il lui appartient, et qu'il n'appartient qu'à elle, d'interpréter jet'de présenter la volonté générale de la nation; il ne peut exister entre le trône et cette Assemblée aucun veto, aucun pouvoir négatif.
« L'Assemblée déclare donc que l'œuvre commune de la restauration nationale peut et doit être commencée sans retard par les députés présents, et qu'ils doivent la suivre sans interruption comme sans obstacle.
« La dénomination d ^Assemblée nationale est la seule qui convienne à l'Assemblée dans l'état actuel des choses, soit parce que les membres qui^T la composent sont les seuls représentants légitimement et publiquement connus et vérifiés, soit parce qu'ils sont envoyés directement par la presque totalité de la nation, soit enfin parce que la représentation étant une et indivisible, aucun des députés, dans quelque ordre ou classe qu'il soit choisi, n'a le droit d'exercer ses fonctions ^f8 séparément de la présente Assemblée.
« L'Assemblée ne perdra jamais l'espoir de réunir dans son sein tous les députés aujourd'hui absents ; elle ne cessera de les appeler à remplir l'obligation qui leur est imposée, de concourir à la tenue des Etats généraux. A quelque moment que les députés absents se présentent dans le cours de la session qui va s'ouvrir, elle déclare d'avance qu'elle s'empressera de les recevoir et de partager avec eux, après la vérification de leurs pouvoirs, la suite des grands travaux qui doivent procurer la régénération de la France.
« L'Assemblée nationale arrête que les motifs delà présente délibération seront incessamment rédigés pour être présentés au Roi et à la nation. »
L'Assemblée vote une adresse au Roi pour lui faire part de la délibération arrêtée. Alors des cris multipliés de vive le Roi! se font entendre.
Après la délibération prise, M. le doyen et les secrétaires observent à l'Assemblée qu'ils n'ont plus de pouvoirs, n'ayant été établis que pour le temps où l'Assemblée ne serait pas encore constituée. L'Assemblée déclare qu'ils doivent exercer leurs fonctions jusqu'à ce que ses officiers soient définitivement nommés. *
On annonce une députation de la part de MM. de e la noblesse. L'Assemblée ayant décidé qu'on irait au devant d'eux, quatre de MM. les députés vont les recevoir, et les introduisent. La députation était composée de MM. le baron de Montboissier, le marquis de Lencosne, le marquis de Crussol, le baron Daurillac, le vicomte de Malartic, le -comte de Ruillier. Ils prennent place sur les bancs delà noblesse. M. lebaron deMontboissierannonce qu'ils sont porteurs d'arrêtés de la noblesse, relatifs à des difficultés qui s'étaient élevées sur des députations entières, lis font lecture de ces arrêtés, et les laissent sur le bureau. En voici la teneur :
du
(La copie laissée sur le bureau le porte ainsi; il semble qu'on doit lire juin 1789.)
« Arrêté que les arrêtés des 13 mai et 9 juin 1789, relatifs à la double députation du bailliage d'Au-xerre, et à la députation du Dauphiné, seront portés à l'ordre du clergé et à celui du tiers-état, avec prière de s'expliquer immédiatement sur ces arrêtés, afin que les commissaires puissent s assembler sans délai en cas d'acceptation, ou que l'ordre de la noblesse puisse prendre un parti ultérieur en cas de refus. »
Extrait du procès-verbal du mercredi 3 mai 1789.
« MM. les commissaires vérificateurs des pouvoirs des députés ont repris la suite de leur rap-
port, et ont dit que quoiqu'ils eussent vérifié les pouvoirs de MM. les députés d'Auxerre, parce que ces pouvoirs leur avaient paru réguliers quant à la forme, ils avaient cru devoir observer à la Chambre, que, suivant le règlement du 7 février dernier, fait pour la Bourgogne, il n'avait été accordé qu'une députation pour Auxerre; que, cependant, les trois ordres de ce bailliage avaient jugé à propos de s'en donner deux, en nommant deux députés de l'ordre du clergé, deux de la noblesse et quatre du tiers-état ; le tout sans y avoir été autorisés par aucune décision postérieure, et même sans l'avoir sollicité : qu'ils se-croyaient d'autant plus obligés de remettre cette observation sous les yeux de la Chambre, que cette double députation ayant eu lieu dans les trois ordres du bailliage d'Aux erre, son résultat intéressait chacun des trois ordres aux Etats généraux.
« M. le comte d'Arsy, second député de l'ordre de la noblesse du bailliage d'Auxerre, a fait lecture d'un mémoire contenant l'exposé des raisons qui avaient déterminé la double députation de ce bailliage.
« La matière ayant été soumise à la discussion, on a mis en délibération s'il ne convenait pas, vu l'intérêt qu'avaient les trois ordres au fait dont il s'agissait de le renvoyer aux commissaires que la Chambre avait décidé de nommer par son arrêté du jour d'hier, pour se concerter avec les autres ordres ; et il a passé à la pluralité des voix de renvoyer l'examen de cette affaire aux commissaires qui viennent d'être indiqués. »
Du
c MM. les commissaires vérificateurs ont terminé le rapport de l'affaire relative à la députation de la province de Dauphiné, en faisant connaître à la Chambre le résultat de leurs déterminations.
« La question, après avoir été profondément discutée, a été réduite à savoir si cette députation serait admise dès à présent, ou si la difficulté à laquelle elle avait donné lieu, serait préalablement soumise à l'examen des commissaires des trois ordres. Et, délibération prise, il a été décidé, à la pluralité des voix, que cette affaire serait préalablement soumise à l'examen des commissaires des trois ordres.
« Signé! MONTMORENCY-LUXEMBOURG, président; BOUTHILIER, secrétaire. »
, après la lecture de ces arrêtés, a répondu en ces termes à celui de MM. de la noblesse qui avait porté la parole :
Monsieur, je suis chargé de vous répondre au nom de l'Assemblée nationale qui siège dans cette salle commune, que tous les députés de la noblesse ont été appelés et invités à la vérification commune des pouvoirs, et à se réunir à 1'Assemblée nationale. Elle ne cessera de désirer qu'ils viennent les présenter, et elle le désire particulièrement pour délibérer en commun sur les moyens de soulager la misère publique.
MM. de la noblesse ont été reconduits de la même manière qu'ils avaient été reçus.
Plusieurs personnes observent que le premier acte de l'Assemblée, après s'être constituée, doit *être de procéder à la nomination de ses officiers; mais l'importance des objets compris dans les
motions exigeant qu'on se livre sans délai à leur examen, il est déclaré, après pne délibération, que M. le président et les secrétaires sont confirmés pour remplir provisoirement les fonctions de ces offices.
jure et promet, entre les mains de l'Assemblée, de remplir fidèlemenTies. fonctions que l'Assemblée vient de lui confier.
Les secrétaires font les mêmes serments.
Par rapport au serment à prononcer par l'Assemblée, il est proposé différentes formules, entre lesquelles la suivante est préférée :
« Nous jurons et promettons de remplir avec zèle et fidélité les fonctions dont nous sommes chargés. »
annonce qu'il va faire prêter le serment selon cette formule, et que le serment sera regardé comme prêté en cette forme par; Quiconque ne se présentera pas pour signer une déclaration contraire. Alors, tout le monde étant debout et la main levée, M. le président prononce la formule du serment. L'Assemblée répond : Nous le jurons et promettons.
présente deux motions sur le parti que l'Assemblée doit prendre relativement à la perception des impôts subsistants.
en présente aussi une sur le même objet, et il ajoute des dispositions relatives à la dette nationale et à la cause de la misère publique. Gomme ces motions paraissent devoir être réunies, présentant les mêmes objets, M. Target propose de les fondre ensemble; ce que l'Assemblée approuve. MM. Target et Chapelier se retirent dans une salle voisine pour les joindre en une seule; ils rentrent, et la présentent à l'Assemblée qui l'adopte en ces termes :
« L'Assemblée nationale, considérant que le. premier usage qu'elle doit faire des pouvoirs dont la nation recouvre l'exercice, sous les auspices d'un monarque qui, jugeant la véritable gloire des rois, a mis la sienne à reconnaître les droits de son peuple, est d'assurer, pendant la durée de la présente session, la force de l'administration publique;
« Voulant prévenir les difficultés que pourraient traverser la perception et l'acquit des contributions ; difficultés d'autant plus dignes d'une attention sérieuse qu'elles auraient pour base un principe constitutionnel et à jamais sacré, au-thentiquement reconnu par le Koi, et solennellement proclamé par toutes les Assemblées de la nation; principe qui s'oppose à toute levée de deniers et de contributions dans le royaume, sans le consentement formel des représentants de 1a nation ;
« Considérant qu'en effet les contributions, telles qu'elles se perçoivent actuellement dans le royaume, n'ayant point été consenties par la nation, sont toutes illégales, et, par conséquent nulles dans leur création, extension ou prorogation;
« Déclare, à l'unanimité des suffrages, consentir provisoirement, pour la nation, que les impôts et contributions, quoique illégalement établis et perçus, continuent d'être levés de la même manière qu'ils l'ont été précédemment, et ce, jusqu'au jour seulement de la première séparation de cette Assemblée, de quelque cause qu'elle puisse provenir.
' « Passé lequel jour, l'Assemblée nationale en-
tend et décrète que toute levée d'impôts et contributions de toute nature qui n'auraient pas été nommément, formellement et librement accordée par l'Assemblée, cessera entièrement dans toutes les provinces du royaume, quelle que soit la forme de l'administration.
« L'Assemblée s'empresse de déclarer qu'aussitôt qu'elle aura, de concert avec Sa Majesté, fixé les principes de la régénération nationale, elle s'oc-pupera de l'examen et de la consolidation de la dette publique; mettant dès à présent les créanciers de l'Etat sous la garde de l'honneur et delà loyauté de la nation française.
« Enfin, l'Assemblée, devenue active, reconnaît aussi qu'elle doit ses premiers moments à j'examen des causes qui produisent dans les pro-înces du royaume la disette qui les afflige, et la recherche des moyens qui peuvent y remé-iiçr de la manière là plus efficace et la plus brompte. En conséquence, elle a arrêté de nommer un comité pour s'occuper de cet important èbjet, et que Sa Majesté sera suppliée de faire remettre à ce comité tous les renseignements dont II pourrait avoir besoin.
La présente délibération sera imprimée et envoyée dans toutes les provinces.
, l'un des secrétaires, est chargé de se transporter à Paris pour faire imprimer chez M. Baudouin les deux actes importants par lesquels l'Assemblée établit ses droits et en com-Bience l'exercice.
La séance est levée à cinq heures, et remise au soir.
Séance du soir.
M. le garde des sceaux avait, dans la matinée, fait prier M. Bailly de se rendre à la chancellerie pour y recevoir une lettre du Roi.
L'Assemblée ne permet pas à M. Bailly de s'absenter,
ne peut se rendre à la chancellerie du'à cinq heures pour y prendre la lettre du Roi. îl en fait lecture à l'ouverture de cette séance.
Voici son contenu :
« Je ne refuserai jamais, Monsieur, de recevoir aucun des présidents des trois ordres lorsqu'ils seront chargés d'une mission auprès de moi, et qu'ils m'auront demandé, par l'organe usité de mon garde des sceaux, le moment que jle veux leur indiquer. Je désapprouve l'expression répétée de classes privilégiées que le tiers-état emploie pour désigner les deux premiers ordres : ces expressions inusitées ne sont propres qu'à entretenir un esprit de division absolument contraire à l'avancement du bien de l'Etat, puisque ce bien ne peut être effectué que par le Concours des trois ordres qui composent les Etats généraux, soit qu'ils délibèrent séparément, soit qu'ils le fassent en commun.
« La réserve que l'ordre de la noblesse avait mise dans son acquiescement à l'ouverture faite de ma part ne devait pas empêcher l'ordre du tiers de me donner un témoignage de déférence. L'exemple du clergé, suivi par celui du tiers, aurait déterminé sans doute l'ordre de la noblesse à se désister de sa modification. Je suis persuadé que, plus l'ordre du tiers-état me donnera de marques de confiance et d'attachement,
et mieux leurs démarches représenteront les sentiments d'un peuple que j'aime et dont je ferai mon bonheur d'être aimé.
« Signé LOUIS.
« A Marly, ce 16 juin. »
Au dos est écrit: A M. Bailly, doyen de Vordre du tiers-état.
Après la lecture de cette lettre, l'on s'occupe de la nomination des commissaires pour la rédaction de l'adresse au Roi arrêtée le matin. Le choix en est déféré au bureau qui nomme les anciens commissaires conciliateurs pour la rédiger. En conséquence, MM. Chapelier, Bergasse et Barnave sont chargés de faire l'adresse projetée.
MM. Chapelier et Bergasse se réunissent pour rédiger l'adresse, et M. Barnave en fait une seconde de son côté.
Un de Messieurs a observé à l'Assemblée qu'il s'était glissé une faute dans la rédaction de la motion qui a été adoptée, et qu'on y avait laissé mal à propos une phrase inutile, commençant par ces mots: nulle autre Chambre de députés, etc. Il a demandé que cette phrase fût retranchée de la rédaction de la délibération prise ce matin; ce qui a été ainsi arrêté par l'Assemblée.
L'air pesant et pestilentiel exhalé du corps de plus de trois mille personnes concentrées dans la salle produira infailliblement un effet funeste sur tous les députés. Je crois qu'il convient à l'Assemblée de donner ses ordres pour faire faire des ouvertures suffisantes au renouvellement de l'air. J'observe de plus que la distribution des bancs est insalubre ; que chacun étant resserré derrière son voisin, à peine peut-il respirer; l'air reste intercepté. Remarquez encore que les banquettes actuellement existantes sont des sièges très-incommodes pour des séances de douze et quatorze heures, comme celle d'aujourd'hui. Je crois donc qu'il est nécessaire d'y faire mettre des dossiers.
L'Assemblée adopte avec empressement les réflexions de M. Guillotin, et elle le charge de présider à tous les changements nécessaires à la construction de la salle et à la distribution des banquettes.
reviennent dans l'Assemblée; ils lisent l'adresse qu'ils ont rédigée ensemble ; elle est entendue avec de grands applaudissements.
lit celle qu'il a faite; elle est accueillie avec les mêmes sentiments que la première.
propose de refondre ces deux adresses en une seule.
Les députés qui préfèrent la première s'y opposent; les partisans de la seconde veulent que l'on n'y change rien.
Je n'ai osé lire cette adresse que parce que plusieurs députés qui l'ont approuvée me l'ont conseillé. Je sens toute la supériorité de la première. C'est moins par amour-propre que je me suis exposé à faire lecture de la mienne que par déférence. Je retire mon projet d'adresse.
Il y a dans la première des senti-
ments de noblesse qui ne sont pas dans la seconde; mais dans celle-ci il y a la sensibilité qui manque à la première. Pour réunir tout ce que chacune a de plus intéressant, je propose de les refondre en une seule.
L'Assemblée adopte l'opinion de M. Target et s'en rapporte aux commissaires sur la rédaction de l'adresse.
La séance est levée.
Nota. — 11 n'y a pas eu de séance le 18 parce que les députés ont assisté à la procession du Saint-Sacrement.
Séance du
CLERGÉ.
Après six jours de délibération, il est enfin arrêté de recueillir les voix sur le parti que l'ordre du clergé doit prendre.
Vérifiera-t-on les pouvoirs en commun dans la salle générale, ou bien les vérifiera-t-on séparément? Telle est la question qui est proposée d'abord, et qui paraît, à une grande partie des membres, devoir être la seule qui puisse être admise.
, archevêque de Paris, avance que la matière sur laquelle on discute depuis huit jours n'est plus la même; que Ja constitution de MM. des communes en Chambre nationale a absolument changé l'état de la question, et propose;
1° De vérifier les pouvoirs dans la Chambre du clergé, et de se constituer en Chambre active ;
2° De persévérer dans l'adhésion pure et simple au plan conciliatoire proposé par les commissaires du Roi;
3° De communiquer la présente délibération aux ordres du tiers et de la noblesse;
4° D'envoyer une députation au Roi pour le supplier de s'occuper, dans sa sagesse, des moyens d'établir une correspondance entre les trois ordres des Etats généraux.
Une partie de la Chambre refuse d'admettre une motion aussi compliquée, et représente qu'on ne doit délibérer que sur la question qui a été discutée. •
,, abbé d'Abbecourt (1), émet l'opinion suivante :
Messeigneurs et Messieurs, j'ose vous prier de me permettre quelques courtes réflexions sur l'objet de la présente délibération, quoiqu'elle ait été discutée avec autant de force que de lumière pour et contre.
En l'examinant avec toute l'impartialité d'un citoyen qui n'a rien à désirer, comblé des
bienfaits du Roi, animé par la plus vive reconnaissance, prêt à sacrifier non-seulement sa
fortune, mais même mille vies, si je les avais, pour le bonheur de mon Roi, le salut de ma
patrie ; mon âme incertaine, égarée, voyant de tous côtés des abîmes, des précipices, le
ilambeau de la guerre
Il faut néanmoins se décider ; le danger augmente par notre incertitude : gémir sur le temps passé, vains regrets!
Quand j'examine la dernière lettre du Roi à MM. du tiers-état, j'y vois bien qu'il semble invoquer les formes anciennes , il s'exprime ainsi :
« Je ne refuserai jamais aucun des présidents des trois ordres.
« Je désapprouve l'expression répétée de classes privilégiées que le tiers-état emploie pour désigner les deux premiers ordres.
« Le bien ne peut être effectué que par lè concours des trois ordres qui composent les Etat s généraux. »
Ces différents extraits, Messeigneurs et Messieurs, de la lettre du Roi à MM. du tiers-état, semblent présumer que son intention est qu'il y ait une Chambre du clergé, une Chambre de la noblesse et une Chambre du tiers-état.
Quand, d'un autre côté, j'examine les termes et la forme adoptée par MM. du tiers-état pour se constituer, l'arrêté qu'il sont fait aussitôt après, j'y vois avec la plus vive douleur qu'ils s'expriment ainsi :.
L'Assemblée nationale entend et décrète; plus loin, j'y trouve ces mots : elle ordonne que ses dé-crets soient imprimés et répandus dans les prc • vinces. Le Roi, néanmoins, Messeigneurs et Messieurs, garde Je silence et ne s'explique pas.
Je gémis ; mon cœur serré par la douleur n e vous dénonce pas ces expressions pour les censurer ; ce parti ne serait peut-être pas prudent; je crois, au contraire, que si nous rompons 1b silence, ce ne doit être que pour employer les armes victorieuses de votre éloquence en faveur delà religion et du respect que nous devons tous au meilleur des rois.
En effet, dans quelles circonstances plus pressantes sauriez-vous les employer, Messeigneurs et Messieurs, ces armes respectables, si ce n'est dans le moment où il s'agit de rétablir le calme dans les esprits et sauver notre commune ^atrietf Cherchons à nous persuader et croyons que les intentions de nos concitoyens sont pures ; alors n'est-il pas de notre devoir de tout sacrifier? privilèges pécuniaires, même nos droits honorifiques, nos prérogatives, oui, nous devons tout abandonner pour voler parmi nos frères.
Vos exemples de vertu, de modération, conj-tribueront sans doute au bien général. Nous avons à traiter avec des citoyens vertueux : ils sont Français, et c'est tout dire : ils aiment là religion, ils en respecteront les ministres. Recherchons nos frères, n'ayons d'autre considérai tion enfin que l'amour de la patrie et le service du Roi. Je ne blâme personne, à Dieu ne plaise!; mais, Messeigneurs et Messieurs, dans la cha£ leur et la longueur de nos discussions, notre zèle même a pu être mal interprété, on a pu nous prêter des vues suspectes ; justifions la pureté de nos intentions à la face de toute l'Europe ; rendons vains les efforts de nos ennemis, qui le sont de la religion.
Dans des circonstances moins pressantes, je voterais pour que nos pouvoirs fussent vérifiés dans cette Chambre, suivant le plan de conciliation proposé par Sa Majesté et que nous avons adopté purement et simplement.
Mais je pense et je crois dans ce moment que l'amour de la patrie, le service même du Roi, le bien et le salut de la religion de l'Etat, sont des
considérations bien puissantes pour tout citoyen et doivent l'être bien davantage auprès de nous, Messeigneurs et Messieurs, qui devons être des anges de paix.
Je crois, dis-je, que nous devons aller faire vérifier nos pouvoirs dans la salle commune des Etats généraux ; mettons, si vous le jugez à propos, toutes les réserves de droit pour les deux premiers ordres : ce premier pas fait pourra être considéré comme une ouverture à la paix si désirable au bien public. Par cette réserve de tous les droits, nous pouvons espérer que cette démarche ne pourra déplaire au Roi.
En un mot, faisons le premier pas pour nous réunir à nos concitoyens, nos frères, nos amis, nos collègues enfin; ils respecteront nos propriétés : n'espèrent-ils pas de voir un jour leurs enfants en jouir avec les mêmes titres et prérogatives que nous? Pourquoi donc craindre qu'ils les anéantissent? Je soumets mon avisa la pluralité des voix, déclarant que cette pluralité doit être l'âme et la base de tout citoyen vertueux, qui ne peut pas croire qu'il puisse s'égarer en suivant la pluralité, sans être soupçonné d'orgueil et d'amour-propre.
Un curé observe ensuite que la motion de M. l'archevêque de Paris est opposée au plan de conciliation, en ce qu'elle tend à vérifier séparé-Iment, et à se constituer sans délai.
Les partisans de cette motion soutiennent qu'on ne peut se refuser de mettre en délibération une 'question proposée par un membre de la Chambre, surtout lorsqu'elle est appuyée par un grand nombre d'opinants. Elle est mise aux voix conjointe-jment avec la première.
Dans le cours des opinions, il s'élève un troisième avis formé des amendements de ceux qui |ne veulent admettre la vérification commune qu'a-jvec certaines modifications; ce troisième avis [consiste à demander qu'avant la vérification commune, il soit fait une nouvelle députation aux deux autres ordres, et que la distinction et l'indépendance des ordres soit préalablement reconnue.
Il résulte du recensement des opinions qu'il y a 135 voix pour le sentiment de M. l'archevêque de paris, 127 pour la vérification en commun, et 12 Ipour le même avis avec des modifications.
Les membres qui ont voté pour la vérification en commun proposent à ceux qui ont adopté le même parti avec amendement, de se réunir aux ,127 qui avaient opiné purement et simplement. Ils je refusent. Alors les 127 disent unanimement et 'jar acclamation qu'ils acceptent les réserves, et )ar conséquent qu'ils ont la majorité. Cependant ' e président annonce que la pluralité est acquise pour se constituer en ordre du clergé, et lève la Séance sans la clore et sans prendre un arrêté définitif.
| La majorité déclare qu'elle va la continuer ; et que, dût-on passer la nuit, elle ne se séparera pas sans avoir constaté le véritable nombre des suffrages, et sans avoir pris un arrêté.
MM. les archevêques de Bordeaux (Champion de Cissé), de Vienne (Lefranc de Pompignan), l'évêque de Chartres (de Lubersac), et tous ceux qui put été du même avis, reprennent leurs places. L'appel est recommencé.
L'arrêté suivant est adopté:
« La pluralité du clergé assemblé est d'avis que la vérification définitive des pouvoirs soit faite dans l'Assemblée générale, sous la réserve de la distinction des ordres, réservés de droit. »
122 membres présents signent cet arrêté avant de se retirer; 22 autres, qui étaient allés dîner, furent signer chez M. l'archevêque de Vienne, comme on était convenu ; 5 autres, du nombre desquels sont MM. les évêques de Rhodès (Colbert de Seignelay) et de Coutances (Talaru de Chal-mazel) ont suivi le même exemple; en sorte que la majorité est de 149 voix.
Cet arrêté est rendu public sur les six heures du soir.
MM. le cardinal de la Rochefoucauld et l'archevêque de Paris sont partis pour Marly, à l'effet de rendre compte au Roi de ces événements.
LISTE DE LA PLURALITÉ DES MEMBRES DU CLERGÉ qui ont voté pour la vérification des pouvoirs en commun et ont signé l'arrêté pris en conséquence.
MM. Decoulmiers, abbé d'Abbecourt, de la députation de Paris.
Mereeret, curé de Fontaine-les-Dijon, député du bailliage de Dijon.
Gennetet, curé d'Étrigny, député du bailliage, de Châlons-sur-Saône.
Oudot, curé de Savigny-en-Revermont, député du bailliage de Châlon-sur-Saône,
Bouillotte, curé d'Arnay-le-duc, bailliage d'Auxois.
Pocheront, curé de Champvert, bailliage de Cha-rolles.
Couturier, curé de Salives, bailliage de Chàtillon-sur-Seine.
Ducret, curé de Saint-André de Tournus, bailliage de Mâcon.
Bluget, curé des Riceys, bailliage de Bar-sur-Seine.
Le François, curé de Mutrécy, bailliage de Caen.
Lévêque, curé de Tracy, bailliage de Caen.
Lalande, curé d'Illiers-l'Évêque, bailliage d'É-yreux.
Lindet, curé de Sainte-Croix de Bernay, bailliage d'Évreux.
Ch ampion de Cicé, archevêque de Bordeaux, sénéchaussée de Bordeaux.
D'Héral, grand-vicaire de Bordeaux, sénéchaussée de Rordeaux.
Malrieu, curé de Loubous, sénéchaussée de Ville-franche en Rouergue.1
Villaret vicaire-général de Rhodez, sénéchaussée de Villefranche en Rouergue.
Cornus, curé de Muret, député de Comminges.
Lasmartre, curé de l'Isle-en-Dodon, député de Comminges.
Goze, curé de Gaas, député de Rivière Verdun.
Lanusse, curé de Saint-Étienne d'Emblàdou, député de Tartas.
Laborde, curé de Corneillan, sénéchaussée de Condom.
Forest de Marmoucy, curé d'Ussel, sénéchaussée de Tulle.
Thomas, curé de Meymac, sénéchaussée de Tulle.
Rivière, curé de Vie, sénéchaussée de Rigorre.
Guillon, recteur de Martigné, sénéchaussée de Rennes.
Thouzetj curé de Sainte-Terre, sénéchaussée de Libourne.
Moyon, recteur de Saint-André-des-Eaux, sénéchaussée de Nantes.
Maisonneuve, recteur de Saint-Étienne de Montluc sénéchaussée de Nantes.
Gabriel, recteur de Questembert, sénéchaussée de Vannes.
Guégan, recteur de Pontivy, sénéchaussée de Vannes.
Loaisel, recteur deRhedon, sénéchaussée de Vannes.
Leissègues de Rosaven, recleur de Plogonnec, sénéchaussée de Quimper.
Guino, recteur d'Elliant, sénéchaussée de Quimper.
Lœdon de Kéromen, recteur de Gourin, sénéchaussée de Quimper.
MM. Lucas, recteur de Minihy, évêché de Tréguier.
Delaunay, prieur-recteur de Plouegat-Chatalau-dren, évèché de Tréguier.
Hingant, recteur d'Andel, sénéchaussée de Saint-Brieuc.
Ruello, recteur de Loudéac, sénéchaussée de Saint-Brieuc.
Simon, recteur de La Boussacq, évêché de Dol.
Ratier, recteur de Broos, éyéché de Saint-Malo.
Allain, recteur de Josselin, évèché de Saint-Malo.
Dubois, curé de Sainte-Madeleine de Troyes, bailliage de Troyes.
Viochot, curé de Maligny, bailliage de Troyes.
Aubert, curé de Couvignon, bailliage de Chau-mont-en-Bassigny.
Monnel, curé de Valedancourt, bailliage de Chau-mont-tn-Bassigny.
Dumont, curé de Villiers-devant-le-Thours, bailliage de Vitry-le-Français.
Brouillet, curé d'Avisé, bailliage de Vitry-le-Français.
Hurault, curé de Broyés, bailliage de Cézanne.
Roussel, curé de Blarenghem, bailliage de Bailleul.
Boudard, curé de la Couture, province d'Artois.
Béhin, curé d'Ilersin-Coupigny, province d'Artois.
Diot, curé de Ligny-sur-Canche, province d'Artois.
Gouttes, curé d'Argellier, sénéchaussée de Béziers.
Martin, curé de Sainte-Aphrodise, sénéchaussée
de Béziers.
Brun, curé de Saint-Chély, sénéchaussée de Mende.
Chouvet, curé de Chomerac, sénéchaussée de Vi-varais.
Ogé, curé de Saint-Pierremont, bailliage de Vermàndois.
Lecèvè, curé de Sainte-Triaize, sénéchaussée de Poitou.
Dillon, curé du Vieux-Pouzanges, sénéchaussée de Poitou.
Ballard, curé de Poiré, sénéchaussée de Poitou.
De Surade, prieur de Plaisance, sénéchaussée de Poitou.
Jallet, curé de Chérigné, sénéchaussée de Poitou.
De Marsay, curé de Neuil-sur-Dive, bailliage de Loudun.
Joyeux, curé de Saint-Jean-de-Châtellerault, bailliage de Chàlellerault.
Chatizel, curé de Soulaine, sénéchaussée d'Anjou.
Rangeard, curé d'Andard, sénéchaussée d'Anjou.
Rabin, curé de Notre-Dame-de-Chollet, sénéchaussée d'Anjou.
Bertereau, curé deTeiller, sénéchaussée du Maine.
Guépin, curé de Saint-Pierre-des-Corps, bailliage de Touraine.
Cartier, curé de la Ville-aux-Dames, bailliage de Touraine.
Yvernault, chanoine de Sain.t-Ursin de Bourges, bailliage du Berry.
Aury, curé d'Hérisson, sénéchaussée de Moulins.
Goullard, curé de Roanne, bailliage du Forez.
Gagnières, curé de Saint-Cyr-les-Vignes, bailliage du Forez.
Desvernay, curé de Villefranche, sénéchaussée du Beaujolais.
Boyer, curé de Néchères, sénéchaussée de Riom.
La Bastide, curé de Paujhiaguet, sénéchaussée de Riom.
Bonnefoy, chanoine de Thiers, sénéchaussée de Riom.-
Brignon, curé de Dore-l'Église, sénéchaussée de Riom.
Mathias, curé de l'Église-Neuve, sénéchaussée de Riom.
Bigot de Vernière, curé de Saint-Flour, bailliage de Saint-Flour.
Lolier, curé d'Aurillac, bailliage de Saint-Flour.
Lubersac, évêque de Chartres, bailliage de Chartres.
Choppier, curé de Flins, bailliage de Nantes.
Le François, curé du Mage, bailliage du Perche.
Dupuis, curé d'Ailly-le-Haut-Clocher, sénéchaussée de Ponthieu.
Bucaille, curé de Fretun, bailliage de Calais.
MM. Marolles, curé de Saint-Jean de Saint-Quentin, bailliage de Saint-Quentin.
Rolin, curé de Verton, bailliage de Montreuil-sur-Mer.
Massieu, curé de Sergy, bailliage de Senlis.
Farochon, curé d'Ormoy, bailliage de Crépy-en-Valois.
Thibaut, curé de Soupes, bailliage de Nemours.
Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, province du Dauphiné.
Joubert, curé de Saint-Martin d'Angoulême.
Landrin, curé de Garancières, bailliage de Mont-fort-PAmaury.
Champeaux, curé de Montigny, bailliage de Mont-fort-FAmaury.
Cousin, curé de Cucuron, sénéchaussée d'Aix.
Mougins de Roquefort, curé de Grasses, sénéchaua-sée de Draguignan.
Gardiol, curé de Callian, sénéchaussée de Draguignan.
Rolland, curé de Caire, sénéchaussée de Forcalquier.
Gassendi, prieur-curé de Barras, sénéchaussée de Forcalquier.
Rigouard, curé de Solliès-la-Fallède, sénéchaussée de Toulon.
Montjallard, curé de Barjols, sénéchaussée de Toulon.
De Villeneuve-Bargemont, comte, chanoine de Marseille, sénéchaussée de Marseille.
Davin, chanoine 4e Marseille, sénéchaussée de Marseille.
Leborlhe de Grandpré, curé d'Oradoux, sénéchaussée de Basse-Marche.
Bodineau, curé de Vendôme, bailliage de Vendôme.
David, curé deLormaison, bailliage de Beauvais.
Delettre, curé de Riyières, bailliage de Soissons.
Favre, curé d'Hotonnes, sénéchaussée de Bugey.
Lousmean-Dupont, curé de Saint-Didier, sénéchaussée de Trévoux.
Mesnard, curé d'Aubigné, sénéchaussée de Saumur.
Brousse, curé de Volcrange, bailliage de Metz.
Fleury, curé d'Ige, bailliage de Sedan.
Renaut, curé de Preux-aux-Bois, bailliage de Hainault.
Barbotin, curé de Prouvy, bailliage de Hainault.
Besse, curé de Saint-Aubin, bailliage d'Avesnes.
Bracq, curé de Ribecourt, bailliage de Cambrésis.
Mayet, curé de Rochetaillée, sénéchaussée de Lyon.
Clerget, curé d'Ornans, bailliage d'Amont.
Longpré, chanoine de Champlitte, bailliage d'Amont.
Rousselot, curé de Thiénans, bailliage d'Amont.
Bruet, curé d'Arbois, bailliage d'Aval.
Burnequez, curé de Mouthe, bailliage d'Aval.
Guillot, curé d'Orchamps-en-Venne, bailliage de Dôle.
Millot, chanoine de Besançon, bailliage de Besançon.
Grégoire, curé d'Emberménil, bailliage de Nancy.
Godefroy, curé de Nouville, bailliage de Mire-court.
Simon, curé de Woël, bailliage de Bar-le-Duc.
Aubry curé de Veel, bailliage de Bar-le-Duc.
Coilinet, curé de Ville-sur-lron, bailliage de Bar-le-Duc.
Colbert de Seignelay, évêque de Rodez, sénéchaussée de Rodez.
Talaru de Chalmazel, évêque de Coutances, bail-, liage de Coutances.
Colaud de la Sallette, chanoine de Die, province de Dauphiné.
Saint-Esteven, curé de Ciboure, bailliage de Labour.
Privât, curé de Craponne, sénéchaussée du Puy.
Landreau, curé de Moragne, sénéchaussée de Saint-Jean- d'Angély.
Samary, curé de Carcassonne, sénéchaussée de Carcassonne.
Blandin, curé de Saint-Pierre-le-Puellier, bailliage d'Orléans.
Vaneau, recteur d'Orgères, sénéchaussée de Rennes.
Chevalier, recteur de Sainte-Lumine de Coûtais, sénéchaussée de Nantes.
MM. Charrier de la Roche, curé d'Aynay, sénéchaussée de Lyon.
De Varelles, curé de Marolles, bailliage de Villers-Cotterets.
Garnier, recteur de Notre-Dàme-de-Dol, évêché de Dol de Bretagne.
Guiraudez de Saint-Mezare, archiprêtre de Laver-dina, sénéchaussée d'Âuch.
Bonnet, curé de Villefort, sénéchaussée de Nîmes.
Hunault, recteur de Billé, sénéchaussée de Rennes.
NOBLESSE.
On soumet à l'examen de la Chambre Je projet de discours à adresser au Roi, relativement à la dernière réponse de Sa Majesté.
La Chambre adopte celui qui suit, proposé par
M. de Croï.
« Sire, l'ordre de la noblesse peut enfin porter au pied du trône l'hommage solennel de son respect et de son amour; la bonté et la justice de Votre Majesté ont restitué à la nation des droits Irop longtemps méconnus. Qu'il est doux pour nous d'avoir à présenter au plus juste et au meilleur des Rois le témoignage éclatant des sentiments dont nous sommes pénétrés !
« Interprètes en ce moment de la noblesse française, c'est en son nom que nous jurons à Votre Majesté une reconnaissance, un amour sans bornes, un respect et une fidélité inviolable ^pour sa personne sacrée, pour son autorité légitime et pour son auguste maison royale.
« Ces sentiments sont et seront éternellement ceux de l'ordre de la noblesse. Pourquoi faut-il que la douleur vienne se mêler aux sentiments dont elle est pénétrée?
« L'esprit d'innovation menace les lois constitutionnelles; l'ordre de la noblesse réclame les principes : il a suivi la loi et les usages.
« Les ministres de Votre Majesté ont porté de sa part aux conférences un plan de conciliation ; Votre Majesté a demandé que ce plan fut adopté, ou un autre, et a permis de prendre les précautions convenables. L'ordre de la noblesse les a prises et suivies conformément aux vrais principes dont il était pénétré; il a présenté £on arrêté à ce sujet à Votre Majesté, et même il l'a déposé entre ses mains : elle aurait désiré y voir plus de déférence.
« Ah ! Sire, c'est à votre cœur seul que Tordre de la noblesse en appelle. Sensiblement affectés, mais constamment fidèles, la pureté de nos motifs, la vérité de nos principes nous donneront toujours des droits à vos bontés : vos vertus personnelles fondèrent toujours nos espérances.
« Les députés de l'ordre du tiers-état ont cru pouvoir concentrer en eux seuls l'autorité des Etats généraux, sans attendre le concours des trois ordres et la sanction de Votre Majesté ; ils ont cru pouvoir convertir leurs décrets en lois; ils en ont ordonné l'impression, la publicité et l'envoi dans les provinces ; ils ont détruit les impôts ; ils les ont recréés; ils ont pensé, sans doute, pouvoir s'attribuer les droits du Roi et des trois ordres. C'est entre les mains de Votre Majesté même que nous déposerons nos protestations, et nous n'aurons jamais de désir plus ardent que de concourir au bien d'un peuple dont Votre Majesté fait son bonheur d'être aimé.
« Si les droits que nous défendons nous étaient purement personnels, s'ils n'intéressaient que l'ordre de la noblesse, notre zèle à les réclamer, notre constance à les soutenir auraient moins d'énergie. Ce ne sont pas nos intérêts seuls que nous défendons, Sire, ce sont les vôtres, ce sont
ceux de l'Etat, ce sont enfin ceux du peuple français.
« Sire, le patriotisme et l'amour de leur Roi forment le caractère distinct des gentilshommes de votre royaume; les mandats qu'ils nous ont donnés prouveront qu'ils sont les dignes héritiers des vertus de leurs pères : notre zèle et notre fidélité à les exécuter leur prouveront aussi que nous étions dignes de leur confiance; et, pour la mériter de plus en plus, nous nous occuperons sans relâche des grands objets pour lesquels Votre Majesté nous a convoqués. »
La minorité de la noblesse fait la protestation suivante :
« Les soussignés, pénétrés du respect le plus profond pour les vertus du Roi, de l'amour le plus inaltérable pour sa personne sacrée et de la reconnaissance la plus vive pour le grand acte de justice qui rétablit la nation dans l'exercice de ses droits, impatients de porter au pied du trône l'hommage de tous leurs sentiments, et de remplir à la fois le vœu de leurs cœurs et celui de leurs commettants, déclarent que c'est avec la douleur la plus vraie qu'ils se voient dans l'impossibilité absolue d'adopter la teneur du discours que la Chambre vient d'arrêter ; déclarent qu'ils ont fait tous leurs efforts pour déterminer l'Assemblée à se renfermer dans l'expression simple de ses sentiments pour le Roi, et à écarter de ce discours tout ce qui rappelle l'idée d'une funesle division entre les ordres, pour présenter sur la légalité des impôts des principes admissibles, et indiquer une dénonciation des démarches de l'un des ordres. Profondément affligés de l'inutilité de leurs efforts, les soussignés sont contraints de supplier la Chambre de reconnaître qu'ils ont été dans la minorité de la présente délibération, se réservant de faire connaître à leurs commettants le refus qu'ils font d'adhérer à une démarche qu'ils auraient adoptée avec transport si, sans retracer des principes inconciliants et inexacts, elle n'eût véritablement présenté qu'un hommage pour Sa Majesté. — Signé : Clermont-Tonnerre, Montesquiou , La Rochefoucauld , d'Aiguillon , Lally-Tollendal, Dupont, de Rochechouart, de Lusignan, Latouche, Pardieu, Liancourt, de La-meth, de Beauharnais, de Broglie, de Montmorency, Wimpfen, de Grillon, de Lacoste, de Tou-longeon, de Latour du Pin, de Croï, Champagny, Phélines, Châtenau, de Puisaie. »
La séance est levée.
COMMUNES.
Un membre fait part à l'Assemblée que la poste a été chargée de trois ballots à l'adresse de M. le duc d'Orléans, du clergé, de la noblesse et des communes ; que M. le duc d'Orléans a reçu le sien, et que deux particuliers se sont présentés et ont réclamé ceux de la noblesse et du clergé; que ceux destinés aux communes n'ont pas été remis, et qu'on assure qu'ils ont été déposés à la Chambre syndicale.
L'Assemblée charge MM. Hebrard et Laborde de Méréville de prendre à ce sujet toutes les instructions nécessaires, et de lui en rendre compte.
annonce qu'il a fait imprimer les arrêtés du 17, selon les ordres de l'Assemblée, et que 2,400 exemplaires ont été tirés.
Je préviens que dans l'impression de l'arrêté il s'est glissé des erreurs qui doivent en empêcher la distribution. Dans la
séance du 17 au soir, l'Assemblée, sur mes observations, a consenti d'effacer le mot publiquement et les mots connus et vérifiés. M. Camus, chargé de faire imprimer l'arrêté, étant parti pour Paris sur les quatre heures avec une minute dans laquelle les premières fautes existaient, j'ai en conséquence fait faire une seconde copie, telle que l'Assemblée l'a approuvée en dernier lieu ; je l'ai envoyée sur-le-champ, par mon domestique, à l'imprimeur de Paris : cette copie est signée du second secrétaire et du président, et il est étonnant que M. Camus, qui est allé à Paris pour présider à l'impression, ne se soit pas conformé à cette copie authentique.
L'Assemblée m'ayant chargé de faire imprimer sur-le-champ les deux arrêtés pris par l'Assemblée nationale dans.la séance du 17 au matin, je suis parti le soir à quatre heures pour remplir ma mission : la copie que j'avais dans les mains est celle que l'Assemblée, par l'organe de ses officiers , m'avait remise ; elle est signée des deux secrétaires et de M. le président.
Ce fut cette copie que. je portai chez l'imprimeur : j'y passai une partie de la nuit, et, le malin, j'y retournai pour corriger les épreuves. Je fus fort étonné devoir effectivement sur l'épreuve les changements dont M. l'abbé Sieyès vient de parler ; j'en demandai la raison à l'imprimeur, qui me montra la nouvelle copie qu'il a reçue pendant la nuit, et qui me dit s'y être conformé.
Alors, ne sachant à quelle version je dois m'en tenir, j'adopte celle que l'Assemblée m'a remise, croyant qu'elle n'aura pas changé ainsi sa délibération sans que M. le président m'en avertît en me disant de m'y conformer.
La copie que j'ai envoyée est tout aussi authentique que celle de M. Camus; au surplus, je demande qu'on supprime les deux mille quatre cents exemplaires.
semble se ranger du parti de M. l'abbé Sieyès, en paraissant répéter les reproches qu'il a faits à M. Camus, disant que tant que la délibération n'est pas sur le procès-verbal, on peut la changer.
11 ne faut attribuer à personne les fautes qui se sont glissées dans les imprimés. M. Camus, étant parti pour Paris, n'a pu connaître les changements faits à Versailles dans la délibération ; on doit même s'empresser de rendre justice à sa prudence, en ne reconnaissant d'autres originaux que celui qui lui est donné; si un secrétaire peut varier et s'en rapporter à toutes les copies qu'on lui présenterait successivement, parce qu'elles lui paraîtraient authentiques, il commettrait une imprudence qui, dans ces circonstances critiques, serait peut-être dangereuse ; il doit s'en rapporter à son mandat, ne point varier; il doit une obéissance absolue.
L'Assemblée, jusque-là indécise, s'empresse de rendre justice à la conduite de son premier secrétaire.
L'on décide que les arrêtés imprimés aujour-. d'hui ne seront pas distribués.
J'objecte qu'il y en a quinze mille de répandus dans le public, et qu'il suffit d'y faire mettre un errata.
Cet avis n'a pas de suite.
annonce que plusieurs membres
ont demandé la parole, et que M. Target a plu-^ sieurs motions importantes à soumettre à l'Assemblée.
Vous avez commencé à donner les preuves de votre désintéressement par la délibération du 17, et la nation reconnaît dans l'Assemblée nationale des hommes dignes de sa con-| fiance. Maintenant, c'est à grands pas que nous devons marcher dans la carrière qui s'ouvre devant nous. Je vais vous proposer des occupations qui doivent continuellement vous mettre en activités Il me semble que maintenant que nous som-i mes constitués, nous devons instruire la nation, par une relation exacte de tout ce qui s'est passé aepuis le 5 mai jusqu'au moment actuel. Vous avez entre autres ordonné qu'il serait fait un exposé de vos motifs, présenté au Roi et à la nation. Pour remplir ces différents objets, je pense que nous devons établir des comités particuliers, composés de vingt personnes choisies dans les vingt bureaux. Le premier sera chargé de rédiger les | mémoires, les adresses, les instructions ordonnées, par l'Assemblée; le second de veiller sur l'impression des pièces, des écrits qui seront publiés par ordre devl'Assemblée. Le troisième sera chargé d'entretenir la correspondance que l'Assemblée jugera utile au bien et à l'intérêt public.
D'après cet exposé, je propose l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale ordonne et arrête qu'il sera établi x sans délai, un comité composé de vingt membres, pris chacun dans les vingt bureaux; que ce comité s'occupera, sans délai, du récit de ce qui s'est passé après le 5 mai dernier : elle arrête pareillement qu'à compter de ce jour les actes de l'Assemblée, et le journal de ses séances, seront rendus publics par la voie de l'impression.
« II est important d'ouvrir des comités qui puissent s'occuper et de la recette, et de la dépense, et de la dette publique. Ces comités prépareront d'avance les grandes occupations auxquelles vous êtes sur le point de vous livrer, et ils ne vous rendront compte de leur travail que quand il eu sera temps. »
Voici, sur ce, le projet d'arrêté que je vous présente :
« L'Assemblée nationale arrête qu'il sera incontinent procédé à la formation de trois comités, composés de vingt personnes prises dans les vingt bureaux; que ces trois comités se livreront provisoirement à l'examen préparatoire des objets relatifs à la recette des revenus publics, à la dépense, à la dette. »
Vous sentez, Messieurs, la nécessité indispensable de former un comité que le malheur du moment rend encore plus pressant que ceux dont je viens de vous entretenir. Ce comité, vous l'avez déjà arrêté le 17 du présent mois pour la re-. cherche des causes de la cherté des grains. Je pense qu'il est nécessaire de rédiger une adresse au Roi pour la communication des pièces, états, renseignements nécessaires pour l'instruction des affaires renvoyées à ce comité. Par la même adresse, le Roi sera supplié que l'Assemblée nationale corresponde directement avec Sa Majesté; honneur qui rejaillit sur le souverain, qui appartient à la dignité de la nation, et qui enfin est | conforme aux anciens usages et à l'antique consti- tution de la monarchie.
Je propose d'établir encore un comité supérieur à tous ceux dont nous venons de parler.
* « L'Assemblée nationale arrête que la division
des vingt bureaux subsistera provisoirement ; arrête pareillement que les comités qui viennent d'être établis seront formés par le choix de vingt Bureaux; arrête en outre que l'on procédera, par la voie du scrutin, dans chaque bureau, à l'élection d'un membre destiné à entrer dans un ipureau générai, qui correspondra avec tous les âutres.
« Les bureaux travailleront au règlement de discipline, au grand œuvre de la déclaration des droits, arrêtés par tous les mandats.
« Arrête pareillement qu'il sera immédiatement, après tous ces arrêtés pris, procédé, par la voie du scrutin, à l'élection d'un président et de deux secrétaires.
Ces motions deviennent l'objet de la délibération.
Plusieurs membres n'approuvent pas des comités aussi nombreux, dont les uns seront fort ilnutiles, les autres n'auront que fort peu d'occupations, et qui tous peuvent se réduire à deux, ijin pour la cherté des grains, et l'autre pour la discussion de la recette , de la dépense et de la dette publique.
D'autres veulent parler pour les adopter.
Tous ces projets sont subordonnés à deux opérations.
La première, celle de nommer vos officiers ; et cela est nécessaire, parce que les officiers actuels pourront être nommés dans ces différents bureaux.
La seconde est la réduction de nos cahiers ; elle est nécessaire parce qu'il est important de se pénétrer de l'esprit de nos mandats ; que c'est là çnfin la source où il faut puiser, où il faut consulter le génie de la nation pour pouvoir faire la déclaration des droits.
J'objecte que le travail de cette réduction vient d'être ébauché par un ouvrage déposé sur le bureau ; l'auteur a. dans.une table, classé dans les mêmes colonnes les demandes des différents bailliages, et d'un coup d'œil on voit le nom du bailliage et sa demande avec celles des autres bailliages sur le même objet. Je propose de faire imprimer cette table.
demande à l'Assemblée si elle veut nommer sur-le-champ ses officiers; elle y consent. 11 observe que les députés dont on conteste les pouvoirs ou les élections peuvent être nommés pfficiers, et que par la suite leur élection peut ussi être déclarée nulle ; que d'un autre côté il erait injuste de les exclure de la nomination. Il baraît, dit-il, raisonnable, dans cette incertitude, 5e suspendre jusqu'à un temps limité l'élection des officiers, si l'on n'aime mieux nommer sur-le-champ la commission et juger ces contestations.
Un membre. MM. les curés qui se sont soumis a la vérification commune doivent donner leurs suffrages, soit pour nommer, soit pour être nommés; ils sont actuellement dans leur Chambre pour l'intérêt commun ; il convient donc d'attendre leur retour.
Ces réflexions éloignent le moment d'élire les officiers.
Un membre. Je demande à M. Bailly l'ouverture des lettres et paquets adressés aux communes.
annonce qu'il les apportera demain à l'Assemblée.
Cette ouverture est suspendue jusqu'après la constitution, attendu que l'Assemblée, avant cette époque, ne se regarde que comme une Assemblée d'individus sans titres et sans qualités.
reproduit les trois points vraiment importants que l'Assemblée, par l'acte de sa constitution et de son arrêté, a déjà fixés.
1° Comité pour la rédaction des motifs delà conduite de l'Assemblée nationale avant sa constitution pour les mettre sous les yeux du Roi et de la nation ;
2° Comité pour les grains et les subsistances ;
3° Comité pour les contestations sur les pouvoirs et les élections.
M. ***, député de Bordeaux. Le premier décret de l'Assemblée nationale, après sa constitution, doit frapper sur la cherté des grains. Le peuple est malheureux, il manque de pain, hâtons-nous de le secourir. Laissons de côté les causes de la disette, ce serait perdre le temps en de vaines recherches ; il faut du pain aux pauvres ; faisons nos efforts pour leur en donner. La cause de la disette est assez connue ; c'est inutilement qu'on l'attribue à des accaparements frauduleux. La grêle, une année malhéureuse, voilà les seules causes qui nous ont privés de l'abondance.
Le Roi, touché de la misère de ses peuples, a montré une sollicitude vraiment paternelle ; il a ouvert des primes , il a donné tous les soins pour faire arriver journellement dans nos ports une grande quantité de grains ; il ne s'agit que de faire refluer ces secours dans les provinces éloignées. Je propose l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, pénétrée des malheurs qui affligent une grande partie de la nation, dé-clare que les secours les plus puissants qu'elle peut dans ce moment donner sont ceux en argent.
« En conséquence, l'Assemblée ordonne qu'il sera procédé sur-le-champ à un emprunt de trois millions ; que cet emprunt sera appelé patriotique; elle déclare qu'elle va procéder incessamment à un comité pour régler le taux des intérêts, le délai, la sûreté des créanciers, et pour distribuer l'argent par lui-même dans les villes, villages, etc. »
C'est vraiment le moyen de nous égarer, si, sur une question de comité, nous voulons traiter cinq ou six objets. Je laisse de côté toutes les motions que j'ai faites sur les finances.
Je les réduis et je demande que l'Assemblée arrête qu'il sera formé dans le jour et sans délai trois comités : le premier, pour remédier à la disette ; le second, pour la rédaction des motifs ; le troisième, pour juger les contestations sur les pouvoirs.
L'Assemblée s'occupe de ces objets.
On convient de nommer un quatrième comité pour le règlement de police.
L'Assemblée adopte l'arrêté suivant :
«Il sera formé quatre comités ; le premier, sous le titre de comité des subsistances, s'occupera de la recherche des causes et des remèdes de la disette des grains qui afflige le peuple dans plusieurs provinces.
« Le second, sous le titre de comité de vérification et contentieux, sera chargé de l'examen et du rapport à l'Assemblée des pouvoirs qui restent à vérifier, et de toutes les difficultés y relatives.
« Le troisième, sous le titre de comité de ré-
daction, s'occupera de la rédaction des motifs de la délibération du 17, et des divers mémoires et adresses qui seront ordonnés par l'Assemblée.
« Le quatrième, sous le titre de comité de règlement, s'occupera des règlements nécessaires pour Tordre et l'expédition des affaires de l'Assemblée. »
Messieurs, la disette des grains afflige la capitale et les provinces ; les cris de la misère se font entendre d'un bout du royaume à l'autre ; et cependant l'on assure que la France recèle encore dans son sein des subsistances en blé pour plus de six mois. Faut-il donc périr au milieu de l'abondance ? Faut-il encore ménager les hommes qui trafiquent de la misère publique?
Des ordres sages sans doute dans leurs motifs, mais funestes par leurs conséquences, ont enchaîné la circulation des blés au préjudice des droits des citoyens et des possesseurs des terres : on nous assure de toutes parts qu'un grand nombre de propriétaires, dans différentes provinces, ont de grandes provisions de grains et ne peuvent les vendre dans les lieux de leur résidence, la circulation étant interrompue; ainsi, d'un côté, les peuples sont réduits à se nourrir d'aliments grossiers, malsains et insuffisants ; de l'autre, les propriétaires ressentent le besoin au milieu des richesses.
Les commissaires départis dans les provinces ont fait, il est vrai, des perquisitions chez les fermiers, les laboureurs et les marchands de blé : ces démarches ont été nécessaires, mais elles sont insuffisantes. Pourquoi ne ferait-on pas des recherches exactes et générales dans les couvents, dans les maisons ou communautés considérables, soit dans les villes, soit dans les campagnes, pour faire circuler, dans les marchés, le superflu de leur consommation, en leur laissant des blés jusqu'au mois de septembre ou'd'octobre? Au premier signal les officiers municipaux peuvent remplir cet objet presque en même temps dans tout le royaume. Cette espèce d'inquisition serait sans doute effrayante si elle était érigée en loi ; mais il est des moments, il est des crises dans lesquelles il faut, pour le salut public, violer un instant les .lois générales.
Pourquoi le ministre du département de la guerre n'emploierait-il pas les mêmes procédés dans les villes de garnison, où de grands abus dans ce genre sont couverts d'un nom respectable?
Pourquoi l'Assemblée nationale, en s'occupant du rétablissement de la circulation des grains, n'accorderait-elle pas des primes d'encouragement à ceux qui approvisionneraient les différents marchés du royaume, sous l'inspection des officiers municipaux ?
Pourquoi ne pas renouveler le prononcé des peines contre les accapareurs et contre toutes personnes convaincues de recéler des blés morts au commerce, ou d'avoir fait de fausses déclarations de la quantité de grains qui sont dans leurs magasins ou dans leurs greniers?
Pourquoi n'ajouterait-on pas à ces injonctions, à ces peines nécessitées par les besoins instants des peuples, des avertissements pressants aux diverses compagnies chargées de la partie des grains, afin qu'ils les fassent moudre sans délai et sans interruption, avant les chaleurs qui dessèchent les rivières ? Les approvisionnements des farines manquent partout, et cependant l'on assure que nous consommerons encore au printemps prochain les blés de 1788.
Mettons-nous donc, Messieurs, dans une infati-| gable activité pour découvrir, déconcerter et, punir les projets désastreux des ennemis du peuple, des ennemis de l'humanité. Montrons-nous dignes d'être ses vrais défenseurs, ses libéra-! teurs légitimes. Nommons à l'instant des ^commissaires chargés d'examiner les causes de la disette, les moyens d'v pourvoir, et le genre de, secours que l'Assemblée nationale peut et doit donner à la France indigente. La nomination de ces commissaires est, je le répète, l'unique et le premier objet qui doit nous occuper: il faut donner du pain au peuple avant de lui donner des lois.
Ainsi, Messieurs, unissons nos travaux aux sollicitudes du Roi, affligé de la situation malheu-l reuse des provinces et de la capitale. Oui, Mes-j sieurs, nous trouverons des moyens pour effrayer le monopole, encourager le commerce, rétablir la circulation des grains, et flétrir ces hommes avides et cruels qui veulent, s'il est permis de parler ainsi, qui veulent vivre de la mort des, peuples.
Ma motion tend à ce qu'il soit procédé à l'ins-1 tant à la nomination de commissaires qui iront, dès leur nomination, examiner les véritables causes de la disette, et aviser aux moyens de la détruire ou de l'adoucir.
Les commissaires indiqueront le genre de secours et les moyens provisoires que l'Assemblée ! nationale peut employer dans le moment actuel, jusqu'à ce que les produits de la nouvelle récolte aient rétabli le prix ordinaire du pain, et assurer les peuples sur leurs subsistances, soit en constatant dans tout le royaume la quantité des grains [ qui s'y trouve, soit en donnant des injonctions aux officiers municipaux d'en pourvoir les mar-f chés, soit en punissant les monopoleurs, accapa- i reurs et autres personnes convaincues d'avoir fait de fausses déclarations sur la quantité des grains qu'elles ont,* soit en donnant plus de liberté au commerce, et des encouragements aux pourvoyeurs des marchés, et des secours d'argent et de blé, au nom de l'Assemblée nationale qui fera un emprunt pour cet objet.
Cette motion est renvoyée au comité des sub- ( sistances.
L'Assemblée a arrêté que les deux comités dë subsistance et de vérification des' pouvoirs, seraient formés chacun de trente-deux de ses mem- [ bres, pris dans chaque généralité du royaume, et présentés par lés députés réunis de chaque généralités; que les deux autres seraient composés de \ vingt de ses membres, pris dans chacun des vingt bureaux ci-devant établis provisoirement, dont l'Assemblée confirme,quant à présent, l'existence, èt qui se réuniront, à l'effet de présenter chacun j un de ses membres pour commissaire.
L'Assemblée s'étant successivement divisée par 1 généralités et par bureaux, ont été présentés :
Par les généralités Pour le Comité Pour le Comité de
des vérification
de subsistances, et contentieux,
MM. MM.
Alsace.' De Turckheim. Rewbel.
Aix. Lemaréchal. Bouche.
Alençon. Roussier. Goupil de Prefeln.
Amiens. Pincepré de Buire. Dumetz.
Auch et Pau, Sentez. Barrière de Vieuzac
Franche-Comté. Lapoule. Cochard.
Bretagne. Laville-le-Roulx. Gleizen.
Berri. Boéry. . Thoret.
Bourgogne. Volfius. Bouchotte.
Champagne. Dubois de Crancé. Prieur.
Caen. Lamy. Ango.
Par les généralité! de
Dauphiné.
Flandre et Artois.
Guyenne.
Pour le Comité des
subsistances,
MM.
Béranger.
Brassart.
Nairac.
iHaynault et Cambr. Hennet.
Lyon. Lorraine. Limousin. La Rochelle. Metz.
Montauban. Moulins. Montpellier. Orléans. Paris.
De Rostaing.
Duquesnoy.
Montaudon.
Garesché.
Dupré de Ballay.
Gouges Carton.
Goyard.
Monneron.
Bouvet.
Pour le Comité de vérification et contentieux,
MM.
Chabroud.
Merlin.
Garat l'aîné.
Delambre.
Delandine.
Regnier.
Delort de Puymalie.
Bonegen.
Claude.
Pons de Soulages. Grellet de fieauregard. Verny. Salomon. Tronchet.
Perpignan. Roca. Terrats. .
Poitou. Thibaudeau. Dabadie.
jRouen. Begoiïen. D'Ailly.
Riom. Huguet. Hébrard.
Soissons. Hanoteau. Lecarlier.
Toulouse. Dupré. Lartigue.
Touraine. Cigongne. Gaultier.
Par les Pour le Comité de Pour le Comité do
bureaux. rédaction. règlement.
MM. MM.
1. Salomon. Rédon.
IL Buzot. Gossin;
III. Emmery, Couppé.
IV. Gaultier de Biauzat. Coroller du Moustoir.
V. Viguier. Henri.
VI. Petion de Villeneuve. Guillotin.
VII. Mounier. Rabaud de Saint-Etienne.
VIII. Champeaax. Delacour d'Ambesieux.
ix. Desmeuniers. Pison du Galland.
k. Gleizen. Garnier.
ki. Barnave. Lanjuinais.
XII. Target Lebois-Desguays.
XJII. Thouret. Regnier.
XIV. Bergasse. Anson.
p. Chapelier. Milscent.
XVI. De Volney. L'abbé Sieyès.
XVII. Bailly. De Laborde.
XVIII. Camus. Thoret.
XIX. Legrand. Duplaquet.
XX. De Roulhac. Dufraisse-Duchey.
Ce qui a été approuvé par l'Assemblée.
a ouvert un paquet adressé à l'Assemblée nationale, contenant un mémoire manuscrit de projet d'utilité publique, avec une lettre d'envoi de M. Milon, conseiller au Châtelet de Paris. L'Assemblée a arrêté que ce mémoire fera bartie de la distribution du travail de l'Assemblée.
, portant la parole au nom de MM. du cinquième bureau, a dit que MM. les députés de Bourg en Bresse avaient remis sous les yeux le procès-verbal de leur élection, dont l'Assemblée avait ordonné le rapport, et qu'il avait été trouvé sans contradiction, et régulier. L'Assemblée a déclaré les pouvoirs de MM. de Bourg en Bresse dé-initivement vérifiés.
a remis la séance à demain huit heures pour neuf heures du matin.
Séance du
COMMUNES.
A neuf heures du matin, heure indiquée pour la séance de l'Assemblée nationale, le président et
les deux secrétaires se sont présentés à la porte de l'entrée principale ; ils l'ont trouvée gardée par des soldats, et ils ont vu un grand nombre de députés qui ne pouvaient entrer : M. le président a demandé l'officier de garde. M. le comte de Vassan s'est présenté, et a dit qu'il avait ordre d'empêcher l'entrée de la salle, par rapport aux préparatifs qui s'y faisaient pour une séance Royale.
lui a dit qu'il protestait contre l'empêchement mis à l'ouverture de la séance indiquée le jour d'hier à l'heure présente, et qu'il la déclarait tenante.
M. le comte de Vassan ayant ajouté qu'il était autorisé à laisser entrer les officiers de l'Assemblée, pour prendre les papiers dont ils pouvaient avoir besoin, M. le président et les secrétaires sont entrés, et ont vu en effet que la plus grande partie des bancs de la salle étaient enlevés, et que toutes les avenues étaient gardées par un grand nombre de soldats.
Us ont remarqué dans la cour et à la porte extérieure plusieurs affiches conçues en ces termes: « Etats généraux. De par le Roi. Le Roi ayant résolu de tenir une séance royale aux Etats généraux, lundi 22 juin, les préparatifs à faire dans les trois salles qui servent aux Assemblées des ordres exigent que ces Assemblées soient suspendues jusqu'après la tenue de ladite séance. Sa Majesté fera connaître par une nouvelle proclamation l'heure à laquelle elle se rendra lundi à l'Assemblée des Etats. A Versailles, de l'imprimerie Royale, 1789. »
et les deux secrétaires étant sortis, ils se sont transportés dans le jeu de paume de la rue du Jeu de Paume, où les membres de l'Assemblée se sont successivement réunis. — Signé, Bailly, président; Camus, secrétaire; Pison du Galland fils, secrétaire.
Séance du jeu de Paume.
Du même jour, dix heures et dçmie du matin, dans la salle du Jeu de Paume, rue du Jeu de Paume.
L'Assemblée étant formée,M. le Président a rendu compte de deux lettres qu'il a reçues ce matin de M. le marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies. La première est de la teneur suivante :
« Versailles, ce
« Le Roi m'ayant ordonné, Monsieur, de faire publier par des hérauts l'intentiou dans laquelle Sa Majesté est de tenir, lundi 22 de ce mois, une séance royale, et en même temps la suspension des Assemblées que les préparatifs à faire dans les trois salles des ordres nécessitent; j'ai l'honneur de vous en prévenir. Je suis avec respect, Monsieur, votre tres-humble et très-obéissant serviteur, le marquis de Brézé.
« P.-S. Je crois qu'il serait utile, Monsieur, que vous voulussiez bien charger MM. les secrétaires du soin de serrer les papiers, dans la crainte qu'il ne s'en égare.
« Voudriez-vous bien aussi, Monsieur, avoir la bonté de me faire donner les noms de MM. les secrétaires, pour que je recommande qu'on les
laisse entrer, la nécessité de ne point interrompre le travail pressé des ouvriers ne permettant pas l'accès des salles à tout le monde ? >
a dit qu'il avait répondu à cette lettre dans les termes suivants :
« Je n'ai reçu encore aucun ordre du Roi, Monsieur, pour la séance royale, ni pour la suspension des Assemblées; et mon devoir est de me rendre à celle que j'ai indiquée pour ce matin à huit heures. Je suis, etc. »
En réponse à cette lettre, M. le marquis de Brézé lui a écrit la seconde dont la teneur suit:
« Versailles, ce
« C'est par un ordre positif du Roi que j'ai eu l'honneur de vous écrire ce matin, Monsieur, et de vous mander que Sa Majesté voulant tenir lundi une séance royale qui demande des préparatifs à faire dans les trois salles d'assemblée des ordres, son intention était qu'on n'y laisse entrer personne, que les séances fussent suspendues jusqu'après celle que tiendra Sa Majesté. Je suis avec respect, Monsieur, votre très-humble et très-obéissant serviteur, le marquis deBrézé. »
Après la lecture de ces lettres, M. le Président a rendu compte des faits portés au procès-verbal de ce jour, et il en a été fait lecture.
présente une opinion qui est appuyée par MM. Target, Chapelier, Barnave, il représente combien il est étrange que la salle des Etats généraux soit occupée par des hommes armés; que l'on n'offre un autre local à l'Assemblée nationale; que son président ne soit averti que par des lettres du marquis de Brézé, et les représentants nationaux que par des placards; qu'enfin ils soient obligés de se réunir au Jeu de Paume, rue du Vieux-Versailles, pour ne pas interrompre leurs travaux ; que blessés dans leurs droits et dans leur dignité, avertis de toute la vivacité de l'intrigue et de l'acharnement avec lequel on cherche à pousser le Roi à des mesures désastreuses, les représentants de la nation doivent se lier au salut public et aux intérêts de la patrie par un serment solennel.
Cette proposition est approuvée par un applaudissement unanime..
VAssemblée ayant délibéré a pris, sur la proposition de M. Target, l'arrêté suivant à l'unanimité des voix, moins une :
« L'Assemblée nationale, considérant qu'appelée à fixer la Constitution du royaume, opérer la régénération de l'ordre ' public, et maintenir les vrais principes de la monarchie, rien ne peut empêcher qu'elle ne continue ses délibérations dans quelque lieu qu'elle soit forcée de s'établir, et qu'enfin partout où ses membres sont réunis, là est l'Assemblée nationale.
« Arrête que tous les membres de cette Assemblée prêteront, à l'instant, serment solennel de ne jamais se séparer, et de se rassembler partout où les circonstances l'exigeront, jusqu'à ce que la Constitution du royaume soit établie et affermie sur des fondements solides ; et que ledit serment étant prêté, tous les membres et chacun d'eux en particulier, confirmeront par leur signature cette résolution inébranlable. »
Lecture faite de l'arrêté, M. le Présidenta demandé pour lui et pour les secrétaires, à prêter le serment les premiers; ce qu'ils ont fait à l'instant ; ensuite, l'Assemblée a prêté le même serment entre les mains de son président.
ayant rendu compte h l'Assemblée que le bureau de vérification avait été unanimement d'avis de l'admission provisoire de douze députés de Saint-Domingue, l'As- i semblée nationale a décidé que lesdiîs députés seraient admis provisoirement ; ce dont ils ont témoigné leur vive reconnaissance. En conséquence, ils ont prêté le serment, et ont été admis ! à signer l'Arrêté.
, député de Saint-Domingue, prenant la parole, a dit :
La colonie de Saint-Domingue était bien jeune quand elle s'est donnée à Louis XIV; aujourd'hui plus brillante et plus riche, elle se met sotis la protection de l'Assemblée nationale.
La prestation de serment a été suivie des cris ? réitérés et universels de vive le Roi ; et aussitôt f l'appel des bailliages, sénéchaussées, provinces et villes a été fait suivant l'ordre alphabétique,; : et chacun des membres présents, en répondant à l l'appel, s'est approché du bureau, et a signé.
D'Aubert, Nau de Belleisle, François, Terme, : le comte ae Mirabeau, Bouche, Audier-Massil-lon, Brunet de Latuque, Brostaret, Goupil de Prefeln, Pochet, P. Colombel de Boissaulard, le Bigot de Beauregard, Meyer, médecin, Leroux, Langlier, de Raze, Gourdan, Cochard, Muguet de Nanthou, Durget, Pernelle, E. Augier, Roy, Marchais, Pougeard du Limbert, Milscent, C. Volney, L.-M. Larevellière-Lepéaux, Brevet de Beaujour, Ruhe, Desmazières, Lemaignan, Boissy d'Auglas, Pélissier, Durand de Maillane, Boulonvard, Bon-nemant, de Lûtter'àd, juge d'Armagnac, La'claverie, Brassart, avocat, Vaillant, Robespierre, Boucher, Sentez, Verchère de Reffy, Marie de Laforge, Paultre-Desépinettes, Guiot, Guiot de Saint-Florent, Babey, Bidault, Christin, Hennet, de Kys-potter, P.-A. Herwyn, Bouchette, Delattre de Balzaert, Marquis, Viard, Duquesnoy, Bazoche, Gossin, Bouchotte, Parisot, Lesterpt de Beauvais, Lesterpt, Ailard, docteur en médecine, Millon de Montherlant, Oudaille, Peiéger, Lavie, Vlery, Guittard, Boéry, Poya de l'Herbey, Thoret, Lè-grand, Sallé de Choux, Auclerc-Descottes, Bau-cheton, Grangier, Blanc, Lapoule, Sales de Cos-tebelle, Rey, Merigeaux, Rocque, Barrière de Vieuzac, Dupont, Druiilon, Turpin, Dinochau, Fisson-Jaubert, Deluze-l'Etang, Valentin-Bernard, Nairac, Lafargue, Latteux, Gros, Gautier des Orcières, Moyot, Poulain de Beauchesne, Pain, I Gabriel de Cussy, Flaust, Goupilleau, Legendre, Francoville, Maliet, Benazet, Ramel Nogaret, Dupré, Morin, Legolias, Billette, Martin d'Auch, I opposant, de Guilhermy, C.-G. Delambre, Pezous, j Ricard, Chasset, Bourdon, Vernier, Simon, Las-j nous, Fleurye, Cherfils, Prieur, Choisy, Petiot, j Paccard, Repoux, Bemigand de Grange, Sancy, Geoffroy, Fricaud, Petion de Villeneuve, Bouvet, ! Pinterel de Louverny, Harmand, Dubois, Creuzé j de Latouche, Frochot, Benoist, Mougeotte de Vignes, Morel, Laloy, Janny, D'Ailly, Gaultier de I Biauzat, Ruguet, Monneron, Dauchy, Meurinne, Hermann, Rewbell, J.-L. Kauffmann, Pegot, Ro- | ger, Pelauque-Beraut, Delacacher de laîalière, Meyniel, Burdelot, Vieillard fils, Besnard, Pouret, j Adam de Verdonne, Mounier, Delacour d'Ambê- | sieux, Beranger, Larreyre, Barnave, Bertrand de Montfort, Bignan de Coyrol, Chabroud, Blancard, Chenet, Lamarque, Revol, Volfius, Hernoux, Gayon, Coupard, Regnault d'Epercv,N Grenot, Merlin, Pinon de Marbeuf, Lebruu, Buffy, Lombard de Taradeau, Mougins de Roquefort, Ver-
dollin, Laborde-Méréville, Sieyès de la Baume, Lemaréchal, Buschey-Desnoës, Buzôt, Beauper-4ey, Latil, Soilier, Mevolhon, Bouche, L. Gidoio, J)elandine, le marquis de Bostaing, Jamier, Foiir-Jiier de la Pommerais, Girod, Lemoine de la "fiiraudais, Bazin, Janson, Laboreys de* Château-Favier, Grellet deBeauregard, Baudyde Lachaud, Tournyol-Duclos, Hell, Corroller-Dumoustoir, J.-H. de Laville-Leroux, E. Lefloch, Garat aîné, Garat àadet, Thevenot de Maroise, Henriot, Keraugon, Leguen de Kerangal; Mestre, J. Wartel, Ghom-bart, Dumas, Lepoutre, Louis Scheppers, Melon, Malès, Delort, Roulhac, Naurissart, Montaudon, Ghavoix, Larade, Dumoustier de la Fond, Bion, Perisse-Duluc, Millanois, Goudard, Girerd, Bernasse, E. Durand, Lamethrie, avocat, Enjubault cle la Roche, Jouy-Desroches, Lancier de Vausse-i|iaye, Ménard de la Groye, Ghenon de Beaumont, floïidet, Desecoutes, Frahcheteau de la Glostière, lUvierre, Cherrier, Ghantaire, Germiot, Petit-Man-fïin, Gillet de la Jacqueminière, Auvry, Laigniere, Verny, Jac, Riquier, Couppé, sénéchal de Lannion, Éeaudouin de Maisonblanche,MazuriédePenanen-èhe, Lacier, Michelon, Berthonier de la Villette, Cornet, Lebrun, Goyard, Du Pont, Girault-Du-plessis, Blin, D. M., Jari, Berthier, Regneault de iunéville, Voulland, Rabaud de Saint-Etienne, Salles, D. M., Soustelle, Ghambon, Quatrefages de la Roquette, Valérian Duclos, Meynier de Salimelles, Gounot, Robert, Ricard, Dumas, Ma-randa d'Oliveau, Parent, Bouvier, Salomon de la Saugerie, Defay, Henri de Longuève, Delapaye de Launay, Pelerin de la Buxière, Target, du Èellier, Lenoir de la Roche, Vignon, Berthereau, Poignot, Germain d'Orsonville, Desmeuniers, Be-vière, Martineau, Treilhard, Dosfant, Garnier, Guillotin, Vabbé Sieyès; Bailleul, F. Margonne, faulhiac de la Sauvetat, Pincepré de Buire, Boul-leville, Dumetz, de Bussv, Terrats, Tixedor, Thuault, Roca, Boullé, Grafran, Robin de Moréry, Perret de Trigadoret, Bouron, Biroteau de Bu-ïondières, Dabbaye, Filleau, Thibaudeau, Laurence, Briaut, Rousselet, Davost, Richon, Bonet de Treyches, Faydel, Durand, Poncet d'Elpech, Mathieu de Rondeville, Gouges Carton, Chapelier, Gleizen, Ruard,Lairjuinais, Claude, Emmery, Michel-Gérard, Defermon, Hardy de Largère, Mau-petit, Radatd'Olemps, Dufraisse, Duchey, Malouet, ÏUberolles, Grenier, Delalande, Taillarda de la Maisonneuve, Thouret, Alquier, Le Couteulx de Canteleu, de Fontenay, Lereffait, Cottin, Denis Lefort, Pellerin, Lemercier, Decretot, Chaillon, Hebrard, Vyau de Baudreuille, Daude, Fouquier aHérouel, Antoine Jaillant, de Cigongne, Dela-0our, Ricard, Moutier, Guinebaud, Menu de Gho-morceau, Garesche, Feraud, F. Jaume, Baco de la Chapelle, Meyfrend, Viguier, Campmas, Lar-tigue, lieutenant général de Toulouse, Fos de La-borde, Raby de Saint-Médard, Roussillon, de Çonegen, Valette, Nioche, Bouchet, Gaulthier, Moreau, Payen-Boisneuf, Beaulieu, Chesnon de Bagneux, Ariveur, Camusat deBelombre, Jeannet, ipillot, Ledéan, Dufers, Pothée, Grénière, Palasne, de Champeaux, Deulneau, Deviefville des Essarts, Lecarlier, Leclercq, Bailly, Dupré de Ballay, Bevisme, Le Goazre de Kervelegan, Delannoy, Leleu de la Ville aux Bois, Mauhiaval, Andurant, Èspic, Perrin, Madier de Monjau, Dubois-Maurin, Defrances, Bourgeois, Aubry-Dubouchet, Lesure, Payen, Barbier, Prugnon fils, C. Fleury, Dubuis-son, Peres, Petit, Besse, curé, J.-B.-G. Delaunay, Simon, curé de Woel, Regnier, Populus, Picquet, Merle, maire de Mâcon, M. Louis Lamy, Bouveyron, B. Ciaye, Delilia de Croze, Manquart de Salines,
Fricot, Bernard, Richard, Castelanet, Delabat, De Lulière, Therrier, Lebois-Desguays, Hauducœur, J. Caschet de Lille, Grégoire, curé, Poultier, Duval de Grandpré, Millet de Lamambre, Vadier, Laziroule, Chevalier, Afforty, L. de Boislandry, Anson, Gontier de Biran,Lofticial,Delattre, Jallet, curé, Lecève, curé de Sainte-Triaize de Poitiers, Pervinquière, Boutaric, Raux, Viellart, Baron, Labeste, Leguiou de Kerinkuf, Poncin, Redon, Gallot, D. M., Gossuin, Regnault, Sachere, Pons-de-Soulages, Girot-Pouzol, Audrieu, Vimal-Flou-vat, Branche, Griffon de Romagné, J. Mollien, Long, Augier, de Neuville, Trouillet, Agier, lieu-tenant criminel, Poulain de Gorbion, Pruche, L'Escurier, Schmits, Voidel, Bizard, Pélé de La-gesse, Desèse, Mayer, Maillot, Schwendt, Broche-ton, Devoisins, Lambel, Latour, Jourdan, Ferté, de Turckeim, Poulain de Boutancourt, Dubois de Crancé, Gérard de Vie, Dourthe, Leblanc, Bonnet, Bordeaux, le matrquis de Gouy d'Arcy, député de Saint-Domingue, le marquis de Perrigny, député de Saint-Domingue, Larchevesque-Thibaut, député de Saint-Domingue, Reynaud, député de Saint-Domingue, le marquis de Rouvray, député de Saint-Domingue, Bodkin-Fitz-Gerald, député de Saint-Domingue, Lucas de Bourgerel, député de Vannes, Mausret de Flory, de Thébaudière, député de Saint-Domingue, La Gharnie, Lasalle, le bailli de Flachslanden, Perrée Duhamel, Bertrand, Laviguerie, Begouen, Leclerc, Debourge-Gournay, Biaille de Germon, Lemoine. BAILLY, président ; camus, secrétaire; plson du galland filSy secrétaire.
Après les signatures données par les députés, quelques-uns de MM. les députés dont les titres ne sont pas encore jugés, et MM. les suppléants, se sont présentés et ont demandé qu'il leur fût permis d'adhérer à l'arrêté pris par l'Assemblée, et d'y apposer leurs signatures; ce qui ayant été accordé par l'Assemblée, ils ont signé :
Huot de Goncourt, Collombel, Duoloz-du-Fros-noy, M. A. Cerisier, Cochon de L'Apparent, Pus-sin, Verdet, P. Peloux, Varin, Parent, Trechot de Clermont, Mauiean, Leclerc, Baudouin, député suppléant de Paris, Pilastre, de l'Arnaud , Daval, Franche-Comté, Augustin Bour-deaux, Ghambon, fils aîné, député non jugé de Montpellier, J. Bodinier, Reiscend, député non jugé.
a averti, au nom de l'Assemblée, le comité concernant les subsistances de s'assembler demain chez l'ancien des membres qui le composent. L'Assemblée a arrêté que le procès-verbal de ce jour sera imprimé par l'imprimeur de L'Assemblée Nationale.
J'annonce à l'Assemblée que M. Martin d'Auch, bailliage de Gastelnaudary, a signé opposant.
Un cri générai d'indignation se fait entendre.
Je demande que l'on entende les raisons de 1 opposant.
Je déclare que je ne crois pas pouvoir jurer d'exécuter des délibérations qui ne sont pas sanctionnées par le Roi.
L'Assemblée a déjà publié les mêmes principes dans ses adressés et dans ses délibérations, et il est dans le cœur et dans
l'esprit de tous ses membres de reconnaître la nécessité de la sanction du Roi pour toutes les résolutions prises sur la constitution et la législation. .
L'opposant persiste dans son avis, et l'Assemblée arrête qu'on laissera sur le registre la signature pour prouver la liberté des opinions.
prend la parole pour faire sentir qu'il est non-seulement nécessaire, mais même essentiel de faire porter au Roi la douleur de l'Assemblée nationale dans la circonstance. 11 veut que l'adresse apprenne à Sa Majesté que les ennemis de la patrie obsèdent sans cesse le Trône, et que leurs conseils tendent à placer le monarque à la tête d'un parti.
Ces expressions paraissent trop fortes à beaucoup de membres.
représente que l'adresse de M. Chapelier ne remplit pas les \ues de l'Assemblée. Il dit qu'il convient que les formes ont été blessées, qu'on y a même mis peu de décence ; qu'aucuns motifs, aucuns prétextes ne peuvent enchaîner l'Assemblée nationale ; mais, qu'à cet égard, elle s'est bien vengée du manque de procédés dont elle a à se plaindre ; que sur le fond, le préopinant va trop loin en se servant des ter-V mes d'ennemis de la patrie, avant de connaître le résultat de la séance royale ; il pense qu'il convient de ménager ces armes pour en faire usage dans une occasion plus opportune; il propose une adresse plus modérée, dans laquelle l'Assemblée témoignerait sa surprise et sa sensibilité de s'être v vue refuser la porte de la salle destinée à l'Assemblée nationale, au moment où la réunion du clergé allait s'opérer.
proposent également une autre version. L'assemblée ne juge pas à propos de prendre une délibération à ce sujet.
L'Assemblée s'ajourne à lundi 22, heure ordinaire, et elle arrête en outre que si "la séance royale a lieu dans la salle nationale, tous les membres y demeureront après que la séance sera levée, pour continuer les délibérations et les travaux ordinaires. La séance est levée à six heures.
Nota. D'après la proclamation de la prochaine séance royale, l'ordre de la noblesse et celui du clergé ont suspendu leurs séances.
Du
Ce soir, à six heures, une députation delà noblesse, composée de quarante-trois membres, a été reçue par Sa Majesté. M. le duc de Luxembourg, président, a porté la parole.
Voici la réponse du Roi :
« Le patriotisme et l'amour pour ses Rois ont toujours distingué la noblesse française ; je reçois avec sensibilité les nouvelles assurances qu'elle m'en donne; je reconnais les droits attachés à sa naissance, je saurai également maintenir pour l'intérêt de mes sujets l'autorité qui m'est confiée, je ne permettrai jamais qu'on l'altère : je compte sur votre zèle pour la patrie, sur votre attachement à ma personne, et j'attends avec confiance I
de votre fidélité que vous adoptiez les vues conciliation dont je suis occupé pour le bonheur de mes peuples: vous ajouterez ainsi au titre que vous avez déjà à leur attachement et à leur considération. »
Séance du
CLERGÉ.
Les membres du clergé qui étaient d'avis de faire la vérification en commun se sont réunie chez M. l'archevêque de Bordeaux, pour se rendre ensuite à une heure dans l'église paroissiale Saint-Louis, où MM. dès communes étaient assemf-blés. Cent quarante-neuf membres s'y sont trouf vés; ils avaient envoyé auparavant quatre déf putés à M. le cardinal de la Rochefoucauld, avec la déclaration suivante :
« Le recensement final des opérations dans l'affaire qui fut discutée, vendredi dernier, par les députés du clergé, ayant établi que l'avis faf vorable à la vérification des pouvoirs en commun obtenait la majorité des suffrages, les adhérents à l'avis de la majorité attendaient le moment oiji tous les députés de l'ordre se trouveraient réunis pour aviser à l'exécution de leur arrêté.
« Un événement imprévu a suspendu la séancç qui devait avoir lieu, et cette séance royale es£ remise à demain mardi.
« L'ordre du tiers s'assemble en ce moment à Saint-Louis ; la majorité du clergé se déterminé à profiter de cette occasion, pour donner exécuj tion à son arrêté, pour que les deux ordres réuf nis procèdent à la vérification commune de leurs pouvoirs, en attendant MM. de l'ordre de la noblesse.
c La majorité du clergé s'empresse de donner connaissance de son projet à Mgrs et MM. les députés du clergé, qui, avant de se rendre dans la salle commune, qui est aujourd'hui à Saint-Louis, se réuniront tous à une heure dans le chœur de ladite église de Saint-Louis. »
communes.
Séance dans Véglise de Saint-Louis.
Des hérauts d'armes ont proclamé aujourd'hui à huit heures du matin le renvoi de la séance royale à demain 23.
L'entrée de la salle royale étant toujours interdite par des gardes, les membres de l'Assemblée se sont réunis d'abord aux Récollets, ensuite en l'église de Saint-Louis, qui offrait un emplacement plus vaste et plus commode.
a ouvert la séance, et fait lecture d'une lettre de M. de Brézé, grand-maître des cérémonies, dont la teneur suit :
« J'ai l'honneur de vous en voyer, Monsieur, une lettre que le Roi m'a ordonné de vous faire tenir. Je vous prie de vouloir bien m'en accuse^ la réception. Je suis avec respect, Monsieur président, votre très-humble et très-obéissant serf-viteur.
« Signé : le marquis de Brézé.
« Versailles, ce
a fait lecture de la lettre du Rloi, que M. de Brézé lui a fait tenir. Elle est de la teneur suivante :
] « Je vous préviens, Monsieur, que la séance que j'avais indiquée pour demain lundi n'aura lieu qjue mardi à dix heures du matin, et que la salle ne sera ouverte que pour ce moment.
« Signé : LOUIS.
«
« Je charge le grand-maitre des cérémonies de vous faire tenir ma lettre. » ' Au dos est écrit : « A Monsieur Bailly, Président die l'ordre du tiers-état. »
a ajouté qu'il avait accusé la réception de cette lettre à M. de Brézé. ] Plusieurs membres de l'Assemblée, absents de là séance du 20 de ce mois, par maladie ou par d'autres empêchements insurmontables, ont demandé à prêter actuellement le serment délibéré ejt prêté dans cette séance. L'Assemblée l'ayant approuvé, il a été fait lecture de l'arrêté qui avait éjté pris.
I Cette lecture faite, les membres absents lors de lja séance, ont déclaré y adhérer, et ont prêté le serment délibéré.
| Quelques-uns de MM. les suppléants s'étantà lfinstant présentés, et ayant demandé à adhérer a l'arrêté par leur signature, l'Assemblée le leur a accordé.
MM. les députés absents et MM. les députés suppléants ont signé.
[ Jeannet le jeune, Joyeux, curé de Saint-Jean-4e-Chatellerault ; Belzais de Courmesnil, Gastai-gnêde, F.-R. Guérin, Picart de la Pointe, Dutrou 4u Bornier, Duvivier, Tronchet, Brillat-Savarin, Guillaume, Boissonnot, Armand, rabbé Duplaquet ; Prévost, Gantheret, de Villars, Lavenue, Couder, J.-G. Perdry, Arnoult, de Laforge, Humblot, Hano-fieau, Telliêr, Ango, G. Lelai, Despatys de Cour-teilles, Douchet, Basquiat, de Mugriet, Lefort, Jfcaigg* Magallon, député de Saint-Domingue, Bal-lard, curé du Poiré, Perier, Hutteau, Bouillotte, curé dy Arnay-le-Duc ; Peyruchaud, Ratier, Meu-mier duBreuil, Dillon, curé du Vieux-Pousauges, Mard-Duplantier, Renaud, Millet de Belleysle, P.-J. î^icodème, Vernin, Monsinat, Louis Lejeans, Michel Roussier, Mercier-Terréfort, adjoint, Royer, curé de Chavannes, député suppléant, Dartis de Marcillac, député suppléant, Febviel, député suppléant, Lesnier, député suppléant, Hu&s, député suppléant, Lacretelle, député suppléant de la ville jte Paris, le Deiste de Botidoux, député suppléant.
Signé : BAILLY, président; Camus, secrétaire; Pison du Galland hls, secrétaire.
a dit que M. Laffon de La-lébat; commissaire d'une partie de la noblesse le Guyenne, opposant au mandat et à l'élection les députés de la sénéchaussée de Guyenne, ad-nis dans la Chambre de la noblesse, demandait au nom de ses commettants que les députés de a noblesse qu'il représentaitfussentadmis, et que a contestation fût jugée par l'Assemblée nationale.
M. Laffon de Ladébat a remis ses pouvoirs sur le pureau.
L'examen de la contestation a été renvoyé au
comité de vérification, pour en être fait rapport à l'Assemblée.
Une députalion de MM. les représentants du clergé ayant été annoncée, l'Assemblée a chargé quatre de ses membres de la recevoir hors de la porte du lieu de la séance. La députation est entrée, accompagnée des personnes chargées de la recevoir. Elle a salué l'Assemblée, qui s'est levée, et a rendu le salut.
Noms de MM. de la députation.
MM. L'évêque de Chartres (de Lubersac).
L'abbé d'Abbecourt (Decoulmiers.)
Le François, curé de Mutrecy.
Thibault, curé de Souppes.
De Champeaux, curé de Montigny.
Mathias, curé d'Eglise-Neuve.
Ayant été invités à prendre séance dans les places du clergé, ils se sont assis, ainsi que les membres de l'Assemblée.
: Messieurs, la majorité de l'ordre du clergé ayant pris la délibération de se réunir pour la vérification commune des pouvoirs, nous venons vous en prévenir, et demander sa place dans l'Assemblée.
a répondu : MM. les députés de l'ordre du clergé aux Etats généraux seront reçus avec tout rempressement et le respect qui leur est dû. Leur place ordinaire de préséance est libre pour les recevoir.
La députation a salué l'Assemblée, qui s'est levée pour rendre le salut : elle a été accompagnée par les membres qui avaient été chargés de la recevoir.
MM. de l'ordre du clergé ayant été annoncés, l'Assemblée a chargé seize de ses membres de les recevoir hors la porte du lieu de la séance; ils sont entrés, accompagnés des membres de l'Assemblée chargés de les recevoir. Ils ont salué l'Assemblée qui s'est levée, a rendu le salut et a témoigné sa sensibilité par des applaudissements réitérés.
MM. du clergé ont pris séance dans leurs places, à droite du président.
, archevêque de Vienne, s'est placé immédiatement à côté du président, à l'invitation de l'Assembléè. Il a dit : Messieurs, nous venons avec joie exécuter l'arrêté pris par la majorité des députés de l'ordre du clergé aux Etats généraux. Cette réunion, qui n'a aujourd'hui pour objet que la vérification commune des pouvoirs, est le signal, et je puis dire le prélude, de l'union constante qu'ils désirent avec tous les ordres, et particulièrement avec celui 4e MM. les députés des communes.
a répondu : Messieurs, vous voyez la joie et les acclamations que votre présence fait naître dans l'Assemblée. C'est l'effet d'un sentiment bien pur : l'amour de l'union et du bien public. Vous sortez du sanctuaire, Messieurs, pour vous rendre dans cette Assemblée nationale, où nous vous attendions avec tant d'impatience. Par une délibération où a présidé l'esprit de justice et de paix, vous avez voté cette réunion désirée. La France bénira ce jour mémorable ; elle inscrira vos noms dans les fastes de la patrie, et elle n'oubliera point surtout ceux des dignes pasteurs qui vous ont précédés, et qui vous avaient annon-
cés et promis à notre empressement. Quelle satisfaction pour nous, Messieurs! Le bien, dont le désir est dans nos cœurs, le bien auquel nous allons travailler avec courage et avec persévérance, nous le ferons avec vous, nous le ferons en votre présence : il sera l'ouvrage de la paix et de l'amour fraternel.
Il nous reste encore des vœux à former : je vois avec peine que des frères d'un autre ordre manquent à cette auguste famille; mais ce jour est un jour de bonheur pour l'Assemblée nationale; et, s'il m'est permis d'exprimer un sentiment personnel, le plus beau jour de ma vie sera celui où j'ai vu s'opérer cette réunion, et où j'ai eu l'honneur de répondre au nom de cette auguste Assemblée, et de vous adresser ses sentiments et ses félicitations.
a dit qu'il remettait sur le bureau la liste imprimée des membres du clergé qui avaient voté pour la vérification des pouvoirs en commun. 11 en sera annexé un exemplaire au procès-verbal.
, abbé d'Abbecourt (1). Dignes représentants de la classe la plus nombreuse de nos frères et de nos compatriotes, j'ai attendu avec impatience l'événement d'une délibération qui devait nous réunir, et resserrer de plus en plus les liens d'une union qui doit affermir le trône, consolider la dette et le crédit national.
Nous sommes tous citoyens, amis, frères ; la générosité et la loyauté sont le partage des français. Tranquilles sur nos possessions, ce serait vous insulter, Messieurs, que d'en demander la garantie.
Enfants d'une même famille nous serons honorés d'en partager les charges; le moment de notre réunion doit être le plus beau de notre vie : si parmi nous il doit se trouver encore de la rivalité, ce ne sera que lorsqu'il s'agira de prouver notre respect au meilleur des rois, et notre amour pour notre commune patrie.
a proposé d'inviter MM. du clergé à nommer seize de leurs membres dont les pouvoirs étaient vérifiés, ou le seraient sur-le-champ, pour entrer dans le comité de vérification, et concourir à l'examen et au rapport, tant des pouvoirs qui restaient ci-devant, que de ceux qui seraient remis par MM. du clergé; ce qui ayant été accepté par l'Assemblée, ont été nommés MM. l'archevêque de Bordeaux, député de la sénéchaussée de Bordeaux ; l'abbé d'Abbecourt, député de la vicomté de Paris; l'abbé de Villeneuve, député de Marseille ; l'abbé Charrier de la Roche, prévôt-curé d'Ainay, député de Lyon; Gouttes, curé d'Argilliers.
a requis, au nom des députés de son ordre, la communication du procès -verbal de la vérification des pouvoirs, ci-devant faite dans l'Assemblée, afin d'en prendre connaissance et d'y faire les observations que le cas pourrait exiger. L'Assemblée a ordonné cette communication.
Messieurs, dans ce jour consacré pour jamais dans la mémoire des hommes, dans ce jour
que la Providence semble avoir voulu
, archevêque de Bordeaux. Nous avons de bons frères qui ne sont pas ici; ils se rendront au vœu de la nation ; noujs vous prions de suspendre ce mouvement de patriotisme pour leur donner le temps de se réunir à nous.
a invité, au nom de l'Assemblée, le comité de vérification à s'assembler, à sik heures du soir, chez M. l'archevêque de Bordeauxl; et le comité concernant les subsistances, à s'asf sembler chez M. Hennet.
Sont entrés MM. le marquis de Blacons et le comte' Antoine d'Agoult, membres de la noblesse du Dauphiné, députés par les trois ordres de cette province. Ils ont été reçus avec de grands applaudissements.
a dit : Messieurs, la majorité du clergé ayant levé toutes les difficultés que présentait notre mandat, nous venons vous soumettre la vérification de nos pouvoirs, et vous demander communication des vôtres. »
MM. de Blacons et d'Agoult ayant remis leurs pouvoirs sur le bureau, l'Assemblée en a renvoyé, l'examen et le rapport au comité de vérification.
MM. de Blacons et d'Agoult ont pris séance aux places de la noblesse.
La séance est levée.
séance royale.
Du X
Les députés se sont rendus à l'heure indiquée au lieu ordinaire des séances. Une garde nombreuse entourait la salle; on avait établi des barrières ; dans les rues circonvoisines et sur l'avenue de Paris, on avait placé des détachements de gardes françaises et suisses, de gardeâ de la prévoté et de la maréchaussée.
Les portes ayant été ouvertes, on a d'abord placé les deux ordres privilégiés. Les membres de l'Assemblée nationale ont été obligés d'attendre) plus d'une heure, la plupart exposés à la pluie. L'Assemblée nationale a témoigné son méconten-J tement par des murmures réitérés. Les deux se-| crétaires sont allés se plaindre de l'indécence d'une attente si longue. '
On proposait de se retirer. M. de Brézé est arrivé ; M. le président a dit qu'il se plaindrait au Roi du manquement des maîtres des cérémonies. Les membres de l'Assemblée nationale sont entrés deux à deux, dans le plus profond silence, à dix heures et demie. L'entrée a été sévèrement interdite au public.
Le Trône était placé dans le fond de la salle ; à droite était le clergé et à gauche la noblesse ;
dans les deux côtés du milieu, jusqu'au fond, étaient les membres de l'Assemblée nationale ; les quatre hérauts et le roi d'armes étaient placés au milieu. Le trône était élevé sur une estrade qui occupait le fond de la salle jusqu'à la seconde colonne. Au bas de cette estrade, autour d'une table, se trouvaient rangés les ministres. Un seul tabouret était vacant : c était celui de M. Necker.
Sur les onze heures, le Roi sortit de son châ-jteau. La voiture du Roi était précédée et suivie Ide la fauconnerie, des pages, des écuyers, et i enfin des quatre compagnies des gardes du corps.
, accompagné des princes du sang, des jducs et pairs, des capitaines des gardes du corps, l est entré dans la salle. A son arrivée, les députés j se lèvent et ils se replacent ensuite.
E*e Roi prononce un discours pour annoncer [l'objet de la séance. Il est conçu en ces termes :
Messieurs, je croyais avoir fait tout ce qui était en mon pouvoir pour le bien de mes peuples, lorsque j'avais pris la résolution de vous |rassembler, lorsque j'avais surmonté toutes les | difficultés dont votre convocation était entourée, 'lorsque j'étais allé, pour ainsi dire, au devant des vœux de la nation, en manifestant à l'avance [ ce que je voulais faire pour son bonbçur.
11 semblait que vous n'aviez qu'à finir mon ouvrage, et la nation attendait avec impatience ; le moment où, par le concours des vues bienfaisantes de son souverain et du zèle éclairé de ses représentants, elle allait jouir des prospérités que I cette union devait leur procurer.
Les Etats généraux sont ouverts depuis près de deux mois, et ils n'ont point pu encore s'entendre sur les préliminaires de leurs opérations. Une parfaite intelligence aurait dû naître du seul amour de la patrie, et une funeste division jette l'alarme dans tous les esprits. Je veux le croire, et j'aime à le penser, les Français ne sont pas changés. Mais, pour éviter de faire à aucun de vous des reproches, je considère que le renouvellement des Etats généraux après un si long terme, l'agitation qui l'a précédé, le but de cette convocation, si différent de celui qui rassemblait vos ancêtres, les restrictions dans les pouvoirs, et plusieurs autres circonstances, ont dû nécessairement amener des oppositions, des débats et des prétentions exagérées.
Je dois au bien commun de mon royaume, je me dois à moi-même de faire cesser ces funestes divisions. (Test dans cette résolution, Messieurs, que je vous rassemble de nouveau autour de moi; ; c'est comme le père commun de tous mes sujets, ic'est comme le. défenseur des lois de mon royaume, que je viens én retracer le véritable esprit, et réprimer les atteintes qui ont pu y être portées.
Mais, Messieurs, après avoir établi clairement Iles droits respectifs des différents ordres, j'attends I du zèle pour la. patrie, des deux premiers ordres, j'attends de leur attachement pour ma personne, j'attends de la connaissance qu'ils ont des maux lurgents de l'Etat, que dans les affaires qui regardent le bien général, ils seront les premiers à i proposer une réunion d'avis et de sentiments que jje regarde comme nécessaire dans la crise actuelle, qui doit opérer le salut de NEtat.
Un des secrétaires d'Etat lit ensuite la déclaration suivante :
Déclaration du Roi, concernant la présente tenue des Etats généraux.
Art. 1er, Le Roi veut que l'ancienne distinction des trois
ordres de l'Etat soit conservée en son
entier, comme essentiellement liée à la constitution de son royaume ; que les députés librement élus par chacun des trois ordres, formant trois Chambres, délibérant par ordre, et pouvant, avec l'approbation du souverain, convenir de délibérer en commun, puissent seuls être considérés comme formant le corps des représentants de la nation. En conséquence, le Roi a déclaré nulles les délibérations prises par les députés de l'ordre du tiers-état, le 17 de ce mois, ainsi que celle qui auraient pu s'ensuivre, comme illégales et inconstitutionnelles.
Art. 2. Sa Majesté déclare valides tous les pouvoirs vérifiés ou à vérifier dans chaque Chambre, sur lesquels il ne s'est point élevé ou ne s'élèvera point de contestation ; ordonne Sa Majesté qu'il en sera donné communication respective entre les ordres.
Quant aux pouvoirs qui pourraient être contestés dans chaque ordre, et sur lesquels les parties intéressées se pourvoiraient, il y sera statué, pour la présente tenue des Etats généraux seulement, ainsi qu'il sera ci-après ordonné.
Art. 3. Le Roi casse et annule, comme anticonstitutionnelles, contraires aux lettres de convocation et opposées à l'intérêt de l'Etat, les restrictions des pouvoirs qui, en gênant la liberté des députés aux Etats généraux, les empêcheraient d'adopter les formes de délibération prises séparément par ordre ou en commun, par le vœu distinct des trois ordres.
Art. 4. Si, contre les intentions du Roi, quel-ques-uns des députés avaient fait le serment téméraire de ne point s'écarter d'une forme de délibération quelconque, Sa Majesté laisse à leur conscience de considérer si les dispositions qu'elle va régler s'écartent de la lettre ou de l'esprit de l'engagement qu'ils auront pris.
Art. 5. Le Roi permet aux députés qui se croiront gênés par leurs mandats de demander à leurs commettants un nouveau pouvoir ; mais Sa Majesté leur enjoint de rester, en attendant, aux Etats généraux pour assister à toutes les délibérations sur les affaires pressantes de l'Etat et y donner un avis consultatif.
Art. 6. Sa Majesté déclare que, dans les tenues suivantes d'Etats généraux, elle ne souffrira pas que les cahiers ou mandats puissent être jamais considérés comme impératifs ; ils ne doivent être que de simples instructions confiées à la conscience et à la libre opinion des députés dont on aura fait choix.
Art. 7. Sa Majesté ayant exhorté, pour le salut de l'Etat, les trois ordres à se réunir pendant cette tenue d'Etat seulement, pour délibérer en commun sur les affaires d'une utilité générale, veut faire connaître ses intentions sur la manière dont il pourra y être procédé.
Art. 8. Seront nommément exceptées des affaires qui pourront être traitées en commun, celles qui regardent les droits antiques et constitutionnels des trois ordres, la forme de constitution à donner aux prochains Etats généraux, les propriétés féodales et seigneuriales, les droits utiles et les prérogatives honorifiques des deux premiers ordres.
Art. 9. Le consentement particulier du clergé sera nécessaire pour toutes les dispositions qui pourraient intéresser la religion, la discipline ecclésiastique, le régime des ordres et corps séculiers et réguliers.
Art. 10. Les délibérations à prendre par les trois ordres réunis sur les pouvoirs contestés et sur lesquelles les parties intéressées se pour-
voiraient aux Etats généraux, seront prises à la pluralité des suffrages; mais si les deux tiers des voix, dans l'un des trois ordres, réclamaient contre la délibération de l'Assemblée, l'affaire sera rapportée au Roi pour y être définitivement statué par Sa Majesté.
Art. il. Si, dans la vue de faciliter la réunion des trois ordres, ils désiraient que les délibérations qu'ils auront à prendre en commun passassent seulement à la pluralité des deux tiers des voix, Sa Majesté est disposée à autoriser cette forme.
Art. 12. Les affaires qui auront été décidées dans les Assemblées des trois ordres réunis seront remises le lendemain en délibération, si cent membres de l'Assemblée se réunissent pour en faire la demande.
Art 13. Le Roi désire que, dans cette circonstance, et pour ramener les esprits à la conciliation, les trois Chambres commencent à nommer séparément une commission composée du nombre des députés qu'elles jugeront convenable, pour préparer la forme et la distribution des bureaux de conférences qui devront traiter les différentes affaires.
Art. 14. L'Assemblée générale des députés des trois ordres sera présidée par les présidents choisis par chacun des ordres et selon leur rang ordinaire.
Art. 15. Le bon ordre, la décence et la liberté même des suffrages exigent que Sa Majesté défende, comme elle le fait expressément, qu'aucune personne, autre que les membres des trois ordres composant les Etats généraux, puisse assister à leurs délibérations, soit qu'ils les prennent en commun ou séparément.
Le Roi reprend la parole :
« J'ai voulu aussi, Messieurs, vous faire remettre sous les yeux les différents bienfaits que j'accorde à mes peuples. Ce n'est pas pour circonscrire votre zèle dans le cercle que je vais tracer, car j'adopterai avec plaisir toute autre vue de bien public qui sera proposée par les Etats généraux. Je puis dire, sans me faire illusion, que jamais Roi n'en a autant fait pour aucune nation ; mais quelle autre peut l'avoir mieux mérité par ses sentiments que la nation française ! Je ne craindrai pas de l'exprimer; ceux qui, par des prétentions exagérées ou par des difficultés hors de propos, retarderaient encore l'effet de mes intentions paternelles, se rendraient indignes d'être regardés comme Français. »
Ce discours est suivi de la lecture de la déclaration que voici :
Déclaration des intentions du Roi.
Art. Ier. Aucun nouvel impôt ne sera établi, aucun ancien ne
sera prorogé au delà du terme fixé par les lois sans le consentement des représentants de la
nation.
Art. 2. Les impositions nouvelles qui seront établies, ou les anciennes qui seront prorogées, ne le seront que pour l'intervalle qui devra s'écouler jusqu'à l'époque de la tenue suivante des Etats généraux.
Art. 3. Les emprunts pouvant devenir l'occasion nécessaire d'un accroissement d'impôts, aucun n'aura lieu sans Je consentement des Etats généraux, sous la condition toutefois, qu'en cas de. guerre, ou d'autre danger national, le souverain aura la faculté d'emprunter sans délai jusqu'à concurrence d'une somme de cent millions; car l'intention formelle du Roi est de ne jamais
mettre le salut de son empire dans la dépendance de personne.
Art. 4. Les Etats généraux examineront avec soin la situation des finances, et ils demanderont tous les renseignements propres à les éclairer parfaitement.
Art. 5. Le tableau des revenus et des dépenses sera rendu public chaque année, dans une forme proposée par les Etats généraux, et approuvée par Sa Majesté.
Art. 6. Les sommes attribuées à chaque départe-mentseront déterminées d'une manière fixe et invariable, et le Roi soumet à cette règle générale les fonds mêmes qui sont destinés à l'entretien de sa maison.
Art. 7. Le Roi veut que, pour assurer cette fixité des diverses dépenses de l'Etat, il lui soit indiqué par les Etats généraux les dispositions propres à remplir ce but, et Sa Majesté les adoptera, si elles! s'accordent avec la dignité royale et la célérité indispensable au service public.
Art. 8. Les représentants d'une nation fidèle aux lois de l'honneur et de la probité ne donne-; ront aucune atteinte à la foi publique, et le Roi attend d'eux que la confiance des créanciers de l'Etat soit assurée et consolidée de la manière la plus authentique.
Art. 9. Lorsque les dispositions formelles annoncées par le clergé et la noblesse, de renoncer à leurs privilèges pécuniaires, auront été réalisés par leurs délibérations, l'intention du Roi est de les sanctionner, et qu'il n'existe plus, dans le payement des contributions pécuniaires, aucune espèce de privilèges ou de distinctions.
Art. 10. Le Roi veut que, pour consacrer une disposition si importante, le nom de taille soit aboli dans tout le royaume, et qu'on réunisse cet impôt soit aux vingtièmes, soit àtoute autre imposition territoriale, ou qu'il soit enfin remplacé • de quelque manière, mais toujours d'après des proportions justes, égales, et sans distinction d'état, de rang et de naissance.
Art. 11. Le Roi veut que le droit de franc-fief soit aboli du moment où les revenus et les dépenses fixes de l'Etat auront été mis dans une exacte balance.
Art. 12. Toutes les propriétés sans exception seront constamment respectées, et Sa Majesté comprend expressément sous le nom de propriétés les dîmesy cens, rentes, droits et devoirs féodaux et seigneuriaux, et généralement tous les droits et prérogatives utiles ou honorifiques, attachés aux terres et fiefs, ou appartenant aux personnes.
Art. 13. Les deux premiers ordres de l'Etat continueront à jouir de l'exemption des charges personnelles; mais le Roi approuvera que les Ëtats généraux s'occupent des moyens de convertir ces sortes de charges en contributions pécuniaires, et qu'alors tous les ordres de l'Etat y soient assujettis également.
Art. 14. L'intention de Sa Majesté est de déterminer, d'après l'avis des Etats généraux, quels seront les emplois et les charges qui conserveront à l'avenir le privilège de donner et de transmettre la noblesse. Sa Majesté, néanmoins, selon le droit inhérênt à sa couronne, accordera des lettres de noblesse à ceux de ses sujets qui, par des services rendus au Roi et à l'Etat, se seraient montrés dignes dç cette récompense.
Art. 15. Le Roi, désirant assurer la liberté individuelle de tous les citoyens d'une manière solide et durable, invite les Etats généraux'à chercher et à lui proposer les moyens les plus convenables de concilier l'abolition des ordres
connus sous le nom de lettres de cachet, avec le maintien de la sûreté publique, et avec les précautions nécessaires, soit pour ménager, dans pertains cas, l'honneur des familles, soit pour réprimer avec célérité les commencements de sédition, soit pour garantir l'Etat des effets d'une intelligence criminelle avec les puissances étrangères.
Art. 16. Les Etats généraux examineront et feront connaître à Sa Majesté le moyen le plus pnvenable de concilier la liberté de la presse avec le respect dû à la religion, aux mœurs et à l'honneur des citoyens.
Art. 17. 11 sera établi, dans les diverses provinces ou généralités du royaume, des Etats provinciaux composés de deux dixièmes des membres du clergé, dont une partie sera nécessaire-iiient choisie dans l'ordre épiscopal; de trois dixièmes de membres de la noblesse, et de cinq dixièmes de membres du tiers-état.
Art. 18. Les membres de ces Etats provinciaux seront librement élus par les ordres respectifs, èt une mesure quelconque de propriétés sera nécessaire pour être électeur ou éligible.
Art. 19. Les députés à ces Etats provinciaux délibéreront en commun sur toutes les affaires, privant l'usage observé dans les Assemblées provinciales, que ces Etats remplaceront.
Art. 20. Une commission intermédiaire, choisie par ces Etats, administrera les affaires de la province pendant l'intervalle d'une tenue à l'autre, èt ces commissions intermédiaires, devenant seules responsables de leur, gestion, auront pour délégués des personnes choisies uniquement par èlles ou par les Etats provinciaux.
Art. 21. Les Etats généraux proposeront au Roi leurs vues pour toutes les autres parties de l'organisation intérieure des Etats provinciaux, et pour le choix des formes applicables à l'élection des membres de cette Assemblée.
Art. 22. Indépendamment des objets d'admi-mistration dont les Assemblées provinciales sont (chargées, le Roi confiera aux Etats provinciaux l'administration des hôpitaux, des prisons, des aépôts de mendicité, des Enfants-trouvés; l'ins-pectiou des dépenses des villes, la surveillance sur l'entretien des forêts, sur la garde et la vente des bois, et sur d'autres objets qui pourraient être administrés plus utilement par les provinces.
I- Art. 23. Les contestations survenues dans les provinces où il existe d'anciens Etats, et les réclamations élevées contre la constitution de ces assemblées, devront fixer l'attention des Etats généraux; ils feront connaître à Sa Majesté les dispositions de justice et de sagesse qn'il est convenable d'adopter pour établir un ordre fixe dans l'administration de ces mêmes provinces.
Art. 24. Le Roi invite les Etats généraux à s'occuper de la recherche des moyens propres à tirer je parti le plus avantageux des domaines qui éont dans ses mains, et de lui proposer également leurs vues sur ce qu'il peut y avoir de plus convenable à faire, relativement aux domaines engagés.
Art. 25. Les Etats généraux s'occuperont du projet conçu depuis longtemps par Sa Majesté, de porter les douanes aux frontières du royaume, afin que la plus parfaite liberté règne dans la circulation intérieure des marchandises nationales ou étrangères.
Art. 26. Sa Majesté désire que les fâcheux effets de l'impôt sur le sel et l'importance de ce revenu goientdiscutés soigneusement, et que dans toutes
les suppositions on propose, au moins, des moyens d'en adoucir la perception.
Art. 27. Sa Majesté veut aussi qu'on examine attentivement les avantages et les inconvénients des droits d'aides et autres impôts, mais sans perdre de vue la nécessité absolue d'établir une exacte balance entre les revenus et les dépenses de l'Etat.
Art. 28. Selon le vœu que le Roi a manifesté par sa déclaration du 23 septembre dernier, Sa Majesté examinera avec une sérieuse attention les projets qui lui seront présentés relativement à l'administration de la justice, et aux moyens de perfectionner les lois civiles et criminelles.
Art. 29. Le Roi veut que les lois qu'il aura fait promulguer pendant la tenue et d'après l'avis ou selon le vœu des Etats généraux, n'éprouvent, pour leur enregistrement et pour leur exécution, aucun retardement ni aucun obstacle dans toute l'étendue de son royaume.
Art. 30. Sa Majesté veut que l'usage de la corvée pour la confection et l'entretien des chemins soit entièrement et pour toujours aboli dans son royaume.
Art. 31. Le Roi désire que l'abolition du droit de main-morte, dont Sa Majesté a donné l'exemple dans ses domaines, soit étendue à toute ia France, et qu'il lui soit proposé les moyens de pourvoir à l'indemnité qui pourrait être due aux seigneurs en possession de ce droit.
Art. 32. Sa Majesté fera connaître incessamment aux Etats généraux les règlements dont elle s'occupe pour restreindre les capitaineries, et donner encore dans cette partie, qui tient de plus près à ses jouissances personnelles, un nouveau témoignage de son amour pour ses peuples.
Art. 33. Le Roi invite les Etats généraux à considérer le tirage de la milice sous tous ses rapports, et à s'occuper des moyens de concilier ce qui est dû à la défense de l'Etat avec les adou* cissements que Sa Majesté désire pouvoir procurer à ses sujets.
Art. 34. Le Roi veut que toutes les dispositions d'ordre public et de bienfaisance envers ses peuples, que Sa Majesté aura sanctionnées par son autorité pendant la présente tenue des Etats généraux, celles entre autres relatives à la liberté personnelle, à l'égalité des contributions, à l'établissement des Etats provinciaux, ne puissent jamais être changés sans le consentement des trois ordres, pris séparément ; Sa Majesté les place à l'avance au rang des propriétés nationales, qu'elle veut mettre, comme toutes les autres propriétés, sous la garde la plus assurée.
Art. 35. Sa Majesté, après avoir appelé les Etats généraux à s'occuper, de concert avec elle, des grands objets d'utilité publique, et de tout ce qui peut contribuer au bonheur de son peuple, déclare de la manière la plus expresse qu'elle -veut conserver en son entier, et sans la moindre atteinte, l'institution de l'armée, ainsi que toute autorité, police et pouvoir sur le militaire, tels que les monarques français en ont constamment joui.
, avant de se retirer, prononce un troisième discours que nous transcrivons.
Vous venez, Messieurs, d'entendre le résultat de mes dispositions et de mes vues ; elles sont conformes au vif désir que j'ai d'opérer le bien public ; et si, par une fatalité loin de ma pensée, vous m'abandonniez dans une si belle entreprise, i seul, je ferai le bien de mes peuples ; seul, je me i considérerai comme leur véritable représentant \
et connaissant vos cahiers, connaissant l'accord parfait qui existe entre le vœu le plus général de la nation et mes intentions bienfaisantes, j'aurai toute la confiance que doit inspirer une si rare harmonie, et je marcherai vers le but auquel je veux atteindre avec tout le courage et la fermeté qu'il doit m'inspirer.
Réfléchissez, Messieurs, qu'aucun de vos projets, aucune de vos dispositions ne peut avoir force de loi sans mon approbation spéciale. Ainsi, je suis le garant naturel de vos droits respectifs ; et tous les ordres de l'Etat peuvent se reposer sur mon équitable impartialité.
Toute défiance de votre part serait une grande injustice. C'est moi, jusqu'à présent, qui fais tout le bonheur de mes peuples ; et il est rare peut-être que l'unique ambition d'un souverain soit d'obtenir de ses sujets qu'ils s'entendent enfin pour accepter ses bienfaits.
Je vous ordonne, Messieurs, de vous séparer tout de suite, et de vous rendre demain matin chacun dans les Chambres affectées à votre ordre, pour y reprendre vos séances. J'ordonne, en conséquence, au grand-maître des cérémonies de faire préparer les salles.
Après le départ du Roi, les députés de la noblesse et une partie de ceux du clergé se retirent, tous les membres de l'Assemblée nationale et plusieurs curés restent immobiles à leur place.
, élevant Ja voix le premier dit, (1) : J'avoue que ce que vous venez d'entendre pourrait être le salut de la patrie si les présents du despotisme n'étaient pas toujours dangereux. Quelle est cette insultante dictature? l'appareil des armes, la violation du temple national, pour vous commander d'être heureux? Qui vous fait ce commandement? Votre mandataire. Qui vous donne des lois impérieuses ? Votre mandataire, lui qui doit les recevoir de vous, de nous, Messieurs, qui sommes revêtus d'un sacerdoce politique et inviolable ; de nous enfin, de qui seuls vingt-cinq millions d'hommes attendent un bonheur certain, parce qu'il doit être consenti, donné et reçu par tous. Mais la liberté de vos délibérations est enchaînée, une force militaire environne l'Assemblée. Où sont les ennemis de la nation? Catilina est-il à nos portes? Je demande qu'en vous couvrant de votre dignité, de votre puissance législative, vous vous renfermiez dans la religion de votre serment ; il ne nous permet de nous séparer qu'après avoir fait la constitution.Quelque temps après, le marquis de Brézé s'approche du président, et dit :
Messieurs, vous avez entendu les intentions du Roi. »
se lève avec le ton et les gestes de l'indignation, et répond ainsi:
Oui, Monsieur, nous avons entendu les intentions qu'on a suggérées au Roi ; et vous, qui
ne sauriez être son organe auprès des Etats généraux ; vous, qui n'avez ici ni place, ni
droit de parler, vous n'êtes pas fait pour nous rappeler son discours. Cependant, pour
éviter tout équivoque et tout délai, je déclare que si l'on vous a chargé de nous faire
sortir d'ici, vous devez demander des ordres pour employer la force ; car
D'une voix unanime les députés se sont écriés : Tel est le vœu de l'Assemblée. Le grand-maître des cérémonies se retire. Un morne silence règne dans l'Assemblée.
Le pouvoir des députés composant cette Assemblée est reconnu ; il est reconnu aussi qu'une nation libre ne peut être imposée sans son consentement. Vous avez donc fait ce que vous deviez faire: si, dès nos premiers pas, nous sommes arrêtés, que sera-ce pour l'avenir! Nous devons persister, sans aucune réserve, dans tous nos précédents arrêtés.
Votre démarche dépend dfl votre situation ; vos arrêtés dépendent de vou$ seuls. Vous avez déclaré ce que vous êtes ; vou$ n'avez pas besoin de sanction : l'octroi de Pim4 i pôt dépend de vous seuls. Envoyés par la nationi h organes de ses volontés pour faire une constitué tion, vous êtes obligés de demeurer assemblés aussi longtemps que vous le croirez nécessaire à l'intérêt de vos commettants. Il est de votre dignité de persister dans le titre d'Assemblée tionale.
, député de Rennes, ayant parlé des applaudissements indiscrets de quelques membres des deux premiers ordres, ajoute : -Le pouvoir absolu est dans la bouche du meilleur des Rois, dans la bouche d'un souverain qui reconnaît que le peuple doit faire ses lois. C'est un lit Ide justice tenu dans une Assemblée nationale: f c'est un souverain qui parle en maître, quand il devrait consulter. Que les aristocrates triomphent; ils n'ont qu'un jour : le prince sera bientôt éclairé. La grandeur de notre courage égalera la grandeur des circonstances. Il faut mourir pour la patrie. Vous avez pris, Messieurs, des délibérations sages ; un coup d'autorité ne doit pas vous effrayer.
Messieurs, nous sommes aujourd'hui ce que nous étions hier. Délibérons.
MM. Pétion de Villeneuve, Buzot, Garat l'aîné et l'abbé Grégoire appuient avec énergie le parti proposé.
(2). Messieurs, quelque ora-f geuses que paraissent les circonstances, noua avons toujours une lumière pour nous guider! Demandons-nous quels pouvoirs nous exer-l çons et quelle mission nous réunit ici de tous les points de la France. Ne sommes-nous que des mandataires, des officiers du Roi? nous devons obéir et nous retirer. Mais, sommes-nous les envoyés du peuple, remplissons notre mission, librement, courageusement.
Est-il un seul d'entre nous qui voulût abjurer la haute confiance dont il est revêtu et
retourner vers ses commettants, leur dire : j'ai eu peur, vous aviez remis dans de trop
faibles mains les destinées de la France ; envoyez à ma place un homme plus digne de vous
représenter ?
On prend les voix par assis et levé, et l'Assemblée nationale déclare unaniment qu'elle persiste dans ses précédents arrêtés.
C'est aujourd'hui que je bénis la liberté de ce qu'elle mûrit de si £eaux fruits dans l'Assemblée nationale. Assurons notre ouvrage, en déclarant inviolable la personne des députés aux Etats généraux. Ce n'est pas manifester une crainte : c'est agir avec prudence; c'est un frein contre les conseils violents qui assiègent le trône.
Après un court débat, cette motion est adoptée à la pluralité de 493 voix contre 34 ; et l'Assemblée, se sépare après avoir pris l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que la personne de chaque député est inviolable ; que tous particuliers, toutes corporations, tribunal, cour ou commission qui oseraient, pendant ou après la présente session, poursuivre, rechercher, arrêter ou faire arrêter, détenir ou faire détenir un député, pour raison d'aucunes propositions, avis, opinions, ou discours par lui faits aux Etats généraux; de même que toutes personnes qui prêteraient leur ministère à aucun desdits attentats, de quelque part qu'ils fussent ordonnés, sont infâmes et traîtres envers la nation, et coupables de crime capital. L'Assemblée nationale arrête que, dans les cas susdits, elle prendra toutes les mesures nécessaires pour rechercher, poursuivre et punir ceux qui en seront les auteurs, instigateurs ou exécuteurs ( l). » Sur le surplus, l'Assemblée a continué la séance demain neuf heures, j Ces arrêtés ont été pris en présence de plusieurs ûe MM. du clergé. Ceux dont les pouvoirs étaient vérifiés ont donné leur voix lors des opinions ; et les autres ont demandé qu'il fût fait mention de leur présence.
ÉTATS GÉNÉRAUX.
Séance du
clergé.
Les membres du clergé se sont rendus à neuf heures dans la salle où ils avaient coutume de s'assembler. On a proposé de commencer par la lecture de la déclaration du Roi. La plus grande partie des membres s'y sont opposés, et ont demandé qu'on allât auparavant aux voix pour savoir si la majorité avait été pour la vérification commune ou non. L'autre partie a objecté que ce qui avait été fait postérieurement à la séance du 19 de ce mois était inconnu à l'Assemblée; que l'ordonnance du Roi cassant et annulant tout ce qui s'était fait, il ne fallait plus s'occuper des actes précédents, mais recommencer toutes les opérations, à dater de la séance royale.
On a insisté, d'un côté, sur la lecture de la déclaration du Roi, et de l'aulre, sur la clôture du procès-verbal de la séanc3 du vendredi 19. Les différents partis n'ayant pu s'accorder, les membres qui avaient voté pour la vérification commune se sont retirés de la salle, et se sont rendus dans celle des communes.
Les membres du clergé restant dans la salle, au nombre de 132, en l'absence des secrétaires, ont nommé MM. de Barmond et Goster pour en remplir les fonctions. On a mis aux voix si l'on ferait la lecture de la déclaration du Roi, ce qui a été accepté et exécuté. On a ensuite délibéré sur ce qu'il y avait à faire dans les circonstances présentes ; l'arrêté suivant a été pris à la majorité de 118 voix.
Les membres du clergé assemblés dans la salle affectée à l'ordre, pour y reprendre leurs séances conformément à la volonté du Roi, lecture faite des discours et de la déclaration de Sa Majesté-concernant la présente tenue des Etats généraux, et en conséquence des articles 1 et 11 de ladite déclaration, sont convenus de reconnaître comme valides tous les pouvoirs déjà légalement vérifiés des membres tant absents que présents, sur la députation desquels il ne s'est point élevé de contestations. Ils ont en conséquence déclaré qu'ils se constituaient dès à présent en Assemblée active de l'ordre du clergé aux Etats généraux ; et ladite Assemblée a arrêté, à l'égard de la communication des pouvoirs entre les ordres, et les jugements à porter sur les pouvoirs contestés, de se conformer aux articles 2 et 10 de ladite déclaration. »
MM. Deloraieu et de Saint-Albin ont déclaré que sur la vérification des pouvoirs ils adoptaient les formes proposées par le Roi ; mais que sur la constitution de la Chambre; ils ne pouvaient, d'après leurs mandats, consentir à ce que le clergé se constituât, et qu'ils en demandaient acte, ce qui leur a été accordé.
On a procédé ensuite à l'élection d'un président. M. le cardinal de la Rochefoucauld a obtenu la majorité des suffrages, et a été proclamé en cette qualité.
La séance a été levée à cinq heures.
noblesse.
a donné lecture de la lettre suivante, qui lui a été adressée par la minorité de la noblesse ;
« Monsieur le président, c'est avec la douleur la i plus vraie que nous sommes déterminés à une démarche qui nous éloigne dans ce moment d'une J Assemblée pour laquelle nous sommes pénétrés I de respect, et dont chaque membre a des droits personnels à notre estime; mais nous regardons comme un devoir indispensable de nous rendre dans la salle où se trouve réunie la pluralité des Etats généraux. Nous pensons qu'il ne nous est plus permis de différer un instant de donner à la nation une preuve de zèle, et au Roi un témoignage de notre attachement pour sa personne, en proposant et procurant, dans les affaires qui regardent le bien général, une réunion d'avis et de sentiments que Sa Majesté regarde comme nécessaire dans la crise actuelle, et comme devant opérer le salut de l'Etat.
« Le plus ardent de nos vœux serait sans doute de voir notre façon de penser adoptée par la Chambre de la noblesse tout entière : c'est sur ses pas que nous eussions voulu marcher; et le parti quenous nous voyons obligés de prendre sans elle est sans contredit le plus grand acte de dévouement dont l'amour de la patrie puisse nous rendre capables; mais dans la place que nous occupons, il ne nous est plus permis de suivre les règles qui dirigent les hommes privés ; le choix j de nos concitoyens a fait de nous des hommes publics ; nous appartenons à la France entière, qui veut par-dessus tout des Etats généraux, et à des commettants qui ont le droit d'y être représentés.
c Tels sont, Monseur le président, nosmotifs et notre excuse ;nous eussionseul'honneurde porter nous-mêmes à la Chambre de la noblesse la résolution que nous avons prise; mais vous avez assuré l'un de nous qu'il était plus respectueux pour elle de remettre notre déclaration entre vos mains; nous avons en conséquence l'honneur de vous prier de vouloir bien lui en rendre compte. »
M. Je comte de Lally-Tolendal demande à faire connaître son opinion au sujet de la séance royale du 23 juin, et prononce le discours suivant :
(1). Messieurs, en réduisant les différentes déclarations qui nous ont été lues hier, on peut y distinguer deux objets.
lo Un nouveau plan de conciliation que le Roi nous offre sur les divisions qui séparent les ordres, et qui empêchent les Etats généraux de commencer.
2° Des instructions sur les différents travaux auxquels nous devons nous livrer, quand les Etats seront commencés et sur les différentes lois que nous pourrons avoir à proposer ou consentir.
L'un et l'autre de ces objets nous ont certainement présenté plusieurs grandes vues de justice et de bienfaisance. Plus d'une disposition nous a frappé par sa sagesse, plus d'une expression a retenti et retentit encore au fond de nos âmes; mais je ne sais quel mélange semblait aussi altérer quelquefois la pureté du bienfait. Des dispositions étaient contrariées par d'autres; on eût dit que le coeur noble et sensible de Sa Majesté avait été arrêté au milieu des mouvements généreux auxquels il s'abandonne.
Ainsi, tandis que le Roi nous invitait encore, nous pressait encore de tout son amour,
suivant l'expression qu'aucun de nous n'a oubliée, d'adop-
Ainsi ces instructions si touchantes en elles-mêmes, ces projets qu'il nous donnait pour nos lois futures, on les intitulait : Déclaration des volontés du Roi. 11 était évident dès hier que c'était une erreur ministérielle ; le Roi, qui jusqu'ici a si constamment honoré son caractère et son cœur en défendant notre liberté contre nous-mêmes, ne pouvait pas avoir eu l'idée de venir au milieu des Etats libres et généraux, nous déclarer sa volonté, sur des points que nous n'avions pas encore mis en délibération. L'acte sur lequel reposera la constitution ne peut pas être intitulé: Déclaration des volontés du /foi; il doit être intitulé : Déclaration des droits de la nationf du Roi et des individus. Quelque juste, quelque bienfaisant que fût un pareil acte, avec le titre sous le- \ quel il a été produit, ce que nous ne tiendrions que de la volonté d'un monarque, nous pourrions le perdre par la volonté d'un autre moins vertueux, moins sensible que celui qui nous gouverne.
Mais le Roi, dans sa bonté, a pu nous tendre un fil pour nous aider à sortir du labyrinthe où nos divisions nous ont engagés ; il a pu rappeler notre attention à tous les objets qui devaient l'occuper; il a pu nous annoncer enfin ses dispo- ! sitions sur les vœux que nous avions à former; et, sous cet aspect, c'est une sollicitude paternelle, c'est un avis salutaire ; ce sont des institutions bienfaisantes qui doivent nous pénétrer de la plus tendre et de la plus respectueuse reconnaissance.
Il serait prématuré de s'occuper dans ce moment, de tous les articles contenus dans les instructions, soit pour les lumières à tirer du fond, soit pour les réclamations que la forme peut nécessiter. Avant de songer aux objets de délibération, il faut avoir une forme de délibérer ; avant que les Etats généraux fassent des lois, il faut qu'ils existent.
Le nouveau plan de conciliation, proposé par le Roi, doit donc seul dans ce moment fixer toute notre attention, et j'adopte entièrement, à cet égard, la résolution proposée par M. le comte de Tonnerre.
Donnons au Roi, Messieurs, cette consolation; donnons-lui cette juste récompense de ses soins paternels : que pour prix de ses bienfaits, il ne recueille pas toujours l'amertume. Allons au tiers, allons-y tous; portons-lui nous-mêmes cette conf-munication de nos pouvoirs que le Roi nous invite à lui donner. Délibérons-y même, si vous le voulez, sur ce qui s'est passé hier. Le Roi nous a invités encore à délibérer en commun sur les objets qui intéresseraient le bonheur général ; or, quels objets intéressent plus le bonheur général, j que ceux qui ont rempli cette séance et les bien-1 faits du Roi, et les droits de ses sujets, et les j moyens de concilier l'exercice de l'autorité légi- f time avec la liberté des Assemblées nationales. I
Nous remonterons ensuite dans notre Chambre ; nous nommerons des commissaires ; nous nous occuperons des moyens d'opérer une réunion constante. Mais je regarde ce grand exemple de notre part ; je regarde cet acte imposant de patriotisme comme seuls capables d'amener le tiers à adopter les mêmes vues de conciliation. C'est par là seulement, c'est par ce mouvement entraînant que nous le vaincrons, et non par des conférences de commissaires dont l'inefficacité I nous est assez prouvée. Enfin c'est par là seule-
ment que nous amènerons l'union et la formation réelle des Etats généraux. II est bien temps, Messieurs, que l'union existe. Il est bien temps que les Etats généraux commencent. Voyez tous les fléaux qui nous menacent ; nous y avons échappé jusqu'ici pnr un miracle qui a été celui de tous les jours et de presque tous les instants. Si nos divisions se perpétuent, il viendra un moment où toute la prévoyance humaine n'y pourra rien. On parle de l'intérêt de la noblesse. Eh, Messieurs, qui, dans cette Chambre, n'en est pas pénétré? Quel gentilhomme est capable de le trahir; de ne pas défendre, au péril de sa vie, les vrais, les justes intérêts de la noblesse. Mais ce sont ces intérêts-là même que je vous conjure de ne pas méconnaître. Etudiez-les bien, songez que dans la marche des révolutions politiques, il est une force des choses qui l'emporte sur celle des personnes, et que si cette marche était trop rapide, le seul moyen de la ralentir serait de s'y prêter. Il a été une époque à laquelle il a fallu que la servitude fut abolie, et elle l'a été; une autre, à laquelle il a fallu que le tiers entrât dans les Assemblées nationales et il y est entré. En voici une ou les progrès de la raison, où les droits de l'humanité trop longtemps méconnus, où le respect que doit inspirer cette masse imposante de vingt-quatre millions d'hommes vont donner à ce même tiers l'égalité d'influence, la juste proportion de droits qui doit encore lui appartenir. Cette troisième révolution est commencée, rien ne l'empêchera. Je crois fermement qu'il ne tient qu'à la noblesse de s'y assigner une place d'honneur, de s'y couvrir d'une gloire plus brillante peut-être que toute celle qu'elle a jamais recueillie, de s'y inscrire pour jamais comme bienfaitrice de la nation. C'est à ce titre, Messieurs, c'est par vos plus chers intérêts, que je vous presse d'acquiescer à la motion de M. de Tonnerre, qui, non-seulement adopte le plan du .Roi, mais qui en garantit l'exécution, et à laquelle j'adhère dans son entier.
La fin de la séance de la Chambre de la noblesse est consacrée à délibérer sur la première déclaration du Roi.
communes.
Présidence de M. Bailly.
Après la lecture du procès-verbal de la veille, il est arrêté qu'il sera établi une imprimerie à Versailles, pour les travaux de l'Assemblée nationale; et M. Baudoin, député suppléant de Paris, a été nommé son imprimeur.
lit une lettre du garde des sceaux, et une autre du marquis de Brézé. Toutes deux ont pour objet d'annoncer que les ordres du Roi sont que l'entrée de la salle des députés du (tiers-état soit désormais dans la rue du Grand-iChantier.
Un membre dit qu'on a fermé les portes de communication intérieure de la salle, pendant que la force militaire avait empêché l'Assemblée d'y continuer s.es séances ; qu'elle est actuellement investie de troupes sous les armes, soit dans l'intérieur de l'hôtel, soit dans les différentes-avenues ; ce qui est contraire également à la liberté de l'Assemblée et au droit qu'elle a d'exercer elle-même s'a police intérieure et extérieure. Il propose de prendre des informations sur les ordres dont les troupes sont chargées, pour délibérer sur le tout.
Un officier des gardes de la prévôté de l'hôtel entre, et dit qu'il est chargé d'empêcher les étrangers d'entrer dans la salle de l'Assemblée, et qu'il y a une porte de communication intérieure, dont il n'a pas ordre d'empêcher l'usage à Messieurs les députés.
, l'un des secretaires, sont charges de prendre des informations sur les ordres dont Staient chargSes les troupes placSes a 1'exterieur de Thfltel; iIs sortentpour remplir l'objet de leur mission. Rentres dans la5 salle, ils rapportenl, par l'organe de M. Pison du Ualand, qu'ayanl de- mands i'oflicier commandant, M. le comte du Bel- ley, lieutenant des gardes frangaises, s'ost pre- sents, et leur a dit qu'il avail l'ordre de laisser entrer £t toute heure, tant individuellement que collectivemont, tous los mombres desEtats genS- raux dans la salle de l'Assemblee gSnSrale, et de ne pas y laisser entrer les Strangers ; et que les gardes placees aux differentes avenues n'otaient destinSes qu'a indiquer les divers acces des salles particuliSres.
Je fais la motion de presenter une adresse au Roi, pour lui cxposer que les re- presentants de la nation doiveiil avoir la police du lieu de leur Assemblee, et lui demand er que les troupes aient a se retirer des environs de la salle des litats libres et generaux, attendu que leur presence est incompatible avec la liberte de l'Assemblee; et que si le Hoi ne les ecarte pas, l'Assemblee nationale se verrait t'orcee de se transferer ailleurs.
Gette proposition est fortement appuyee. Pendant le cours de la discussion, quelques membres seplaignent de laconduitedu garde des sceaux.
J'aurais denonce des aujourd'hui mon digne cousin, le garde des sceaux, si je u'avais la certitude excessivement foadSe qu'il do'nnera ce soir sa demission ; raais je me reserve de le faire.
La deliberation sur la motion de M. Mounier est interrompue par I'arrivee du clerge, precede et annonce par son huissier.
Gent cinquante-un ecciesiastiques formant la majorize, a la tele desquels sont MM. les archevfi- ques de Vienne et de Bordeaux, les Cveques de Goutances, Ghartres et Rhodez, avancent au milieu de la salle, qui retentit d'applaudissements et d'acclamations universels.
Un secretaire porte devant eux les pouvoirs qui avaient ete verities dans le coraite assemble le lundi precedent.
, archevcque de Vienne, apres avoir p|-is place a c6te du president, 1'invitation de ['Assemble, dit:
Messieurs, la majorite du clerge a delibere ce matin, dans la salle oil etaient assembles les deputes de l'ordre aux Etats generaux, qu'il fut refere aux trois ordres reunis du contenu du pro- ces-verbal de la seance royale qui fut tenue hier.
Je prie l'Assemblee, a laquelle vient de se reunir la majorite de l'ordre du clerge, de proce- der incessamment i la verification commune des pouvoirsdes membres dn clerge, qui ne l'onl pas encore cte, pour qu'ils puissent deliberer dans l'Assemblee generaie des representants de la na- tion de tout ce qui s'est passe dans la seance royale dont je viens de parler. »
M, Dillon, curé du Vieux-Pouzauges, dont les pouvoirs sont vérifiés, est invité par l'Assemblée à s'adjoindre provisoirement aux deux secrétaires.
On procède à l'appel des membres du clergé. Aux noms des cinq prélats et de MM. Grégoire et Jailet, curés, on renouvelle les applaudissements.
On prononce le nom de M. l'archevêque d'Aix.
, député de cette sénéchaussée, le dénonce comme infidèle à son mandat, qui lui prescrit la réunion.
, archevêque de Bor deaux9 se lève, en disant :
J'ai l'honneur d'observer que nous ne connaissons pas de scission et que nous avons l'espérance d'être tous réunis ; nous demandons que cette dénonciation ne soit pas écrite.
L'Assemblée, voulant donner une marque de déférence au clergé, arrête aussitôt, par acclamation, qu'il sera sursis à la demande de M. Bouche, pour conserver le bon augure de la réunion totale.
Par suite de l'appel général des membres de l'ordre du clergé, ont été présents :
MM. Decoulmiers, abbé d'Abbecourt, député de Paris. Merceret, curé de Fontaine-les-Dijon, député du bailliage de Dijon.
Gennetet, curé d'Etrigny, député du bailliage de Châlon-sur-Saône.
Oudot, curé de Savigny en Revermont, idem. Bouillotte, curé d'Arnay-le-duc, député du bailliage d'Auxois.
Couturier, curé de Salives, député du bailliage de Châtillon-sur-Seine.
Porcheront, curé de Champvert, député du bailliage de Charolles.
Ducret, curé de Saint-André de Tournus, député du bailliage de Mâcon.
Bluget, doyen de Bar-sur-Seine, curé de Riceys, député du bailliage de Bar-sur-Seïne.
L évêque de Coutances, député du bailliage de Coutauces.
Le François, curé de Mutrecy, député du bailliage de Caen.
Lévêque, curé de Tracy, idem.
De Lalande , curé d'Iliers-l'Evêque, député du bailliage d'Evreux.
Lindet, curé de Sainte-Croix de Bernay, idem. L'archevêque de Bordeaux, député ae la sénéchaussée de Bordeaux.
D'Héral, vicaire-général de Bordeaux, idem. Malrieux, curé de Loubous, député da la sénéchaussée de Villefranche en Rouergue.
De Villaret, vicaire-général de Rhodez, idem. Cornusse, curé de Muret, député de la sénéchaussée de Comminges.
Lasmartres, curé de Lille en Dodon, idem. Goze, curé de Gaas, député de la sénéchaussée de Dax.
DeSaint-Esteven, curé de Ciboure, bailliage d'Ustaritz. L'évêque de Rhodez, député de la sénéchaussée de Rhodez.
Lanusse, curé de Saint-Etienne d'Ambelabou, député de la sénéchaussée de Tartas.
Laborde, curé de Corneillan, député de la sénéchaussée de Condom.
Guiraudez de Saint-Mezare, archiprêtre de Laverdans, député de la sénéchaussée d'Auch.
Forest de Marmoucy, curé d'Ussel, député de la sénéchaussée de Tulle.
Thomas, curé de Meymac, idem.
Rivière, curé de Vie, député de la sénéchaussée Thouzet, curé de Sainte-Terre, député de la sénéchaussée de Libourne.
MM• Malatic, curé de Saint-Denis de Pile, sénéchaussée de Castelmoron d'Albret.
Guillon, recteur de Martigné, député de l'évèché de Rennes.
Hunault, recteur de Billé, idem.
Moyon, recteur de Saint-André-des-Eaux, député de l'évêché de Nantes.
Chevalier, recteur de Sainte-Lumine de Coûtais, idem.
Maisonneuve, recteur de Saint-Etienne de Montluc, idem.
Gabriel, recteur de Questemberg, député de l'évêché de Vannes.
Gjiégan, recteur de Pontivy, idem.
Loaisel, recteur de Rhédon, idem.
De Leessègue, recteur de Plagonec, député de l e - vêché de Quimper.
Guino, recteur d'Elliant, idem.
Loëdon de Kéromen, recteur de Gourin, idem.
Lucas, recteur de Minihy, député de l'évêché de Tréguier.
De Launay, chanoine de Tordre de Prémontré, recteur de Plouagat, idem.
Hingant, recteur d'Andel, député de l'évêché de Saint-Brieuc.
Ruello, recteur de Loudéac, idem. Simon, recteur de la Boussacq, député de l'évêché de Dol.
Garnier, recteur de Notre-Dame de Dol, idem. Ratier, recteur de Broos, député de l'évêché de Saint-Malo.
Allain, recteur de Notre-Dame de Josselin, idem. Dubois, curé de Sainte-Madeleine, député du bailliage de Troyes.
Viochot, curé de Maligny, idem.
Aubert, curé de Couvignon, député dn bailliage de Chaumont.
onnel, curé de Valdelancourt, idem.
Dumont, curé de Villiers-devant-le-Thours, député du bailliage de Vitry-le-François.
Brouillet, curé d'Avisé, idem.
Hurault, curé de Broyés, député du bailliage de Sézanne.
Roussel, curé de Blarenghem, député du bailliage de Bailleul.
Boudart, curé de la Couture, député de la gouvernance d'Arras.
Behin, curé d'Hersin-Coupigny, idem. Diot, curé de Ligny-sur-Canche, idem.
Bonnet, curé de Villefort, député de la sénéchaussée de Nîmes.
Privât, prieur-curé de Craponne, député de la sénéchaussée du Puy en Vélay.
Gouttes, curé d'Argellier, député de la* séné-; chaussée de Beziers.
Martin, curé de Saint-Aphrodise, député de la sénéchaussée de Beziers.
Brun, curé de Saint-Chély, député de la sénéchaussée de Mende.
Chouvet, curé de Chomerac, député de la sénéchaussée de Villeneuve de Berg.
Ogé, curé de Saint-Pierremont, député du bailliage de Vermandois.
Gibert, curé de Saint-Martin de Noyon, idem.
chaussée de BeziersLecève, curé de Sainte Triaize, député de la sénéchaussée de Poitiers.chaussée de Beziers
Dillon, curé du Vieux-Pouzauges, idem.
Ballard, curé du Poiré-sur-Vellaire, idem.
De Surade, curé de Chérigné, idem.
De Marsay, curé de Nueil-sur-Dive, député du bailliage de Loudun.
Joyeux, curé de Saint-Jean-Baptiste, de Châtellerault, député de la sénéchaussée de Chatellerault.
Chatizel, curé de Soulaine, député de la sénéchaussée d'Angers.
Rangeard, curé d'Andard, idem.
Rabin, curé de Cholet, idem.
Bertereau, curé de Teiller, député de la sénéchaussée du Maine,
Guépin, curé de Saint-Pierre-des-Corps, député du bailliage de Tours.
Cartier, curé de la Ville-aux-Dames, idem.
Yvernault, chanoine de Saint-Ursin, député du bailliage du Berry.
MM. Auryf curé d'Hérisson, député de la sénéchaussée du Rourbonnais.
Laurent, curé d'Huilaux, idem.
Goullard, curé de Roanne, député du bailliage de Forez.
Gagnières, curé de Saint-Cyr-les-Vignes, idem.
Desvernay, curé de Ville-Franche, député du bailliage de Reaujolais.
Royer, curé de Nécheres, député de l a sénéchaussée de Riom.
La Rastide, curé de Paulhiaguet, idem.
De Ronnefoy, chanoine de Thiers, idem.
Brignon, curé de Dore-l'Eglise, idem.
Mathias, curé d'Eglise-Neuve, idem.
Bigot de Vernière, curé de Saint-Flour, député du bailliage de Saint-Flour.
Mayet, curé de Roche-Taillée, député de la sénéchaussée de Lyon.
L'évèque de Chartres, député du bailliage de Chartres.
Blandin, curé de Saint-Pierre-le-Puellier, député du bailliage d'Orléans.
Choppier, curé de Flins, député du bailliage de
Mantes et Meulan.
Le François, curé du Mage, député du bailliage du Perche.
Dupuis, curé d'Ailly-le-Haut- Clocher, député de la sénéchaussée de Ponthieu.
Bucaille, curé de Saint-Jean-Raptiste de Saint- Quentin.
Rolin, curé de Verton, député du bailliage de Monlreuil-sur-Mer.
Massieu, curé de Sergy, député du bailliage de Senlis.
Thibaut, curé de Saint-Pierre de Soupes,d éputé du bailliage de Nemours.
L'archevêque de Vienne, député du Dauphiné.
Colaud de la Salcette, chanoine de Die, idem.
Joubert, curé de Saint-Martin d'Angoulême, député de la sénéchaussée d'Angoulême.
Landrin, curé de Garencièrs, député du bailliage de Montfort-l'Amaury.
De Champeaux, curé de Montegny, idem.
Millet, curé de. Saint-Pierre-de-Dourdan, député du bailliage de Dourdan.
Cousins curé de Curcuron, député de la sénéchaussée d'Aix.
Mougins de Roquefort, curé de Grasse, député de la sénéchaussée de Draguignan.
Gardiol, curé de Callian, idem.
Roland, curé du Caire, député de la sénéchaussée de Forcalquier.
Gassendi, curé de Rarras, idem.
Rigouard, curé de la Fallède, député de la sénéchaussée de Toulon.
Montjalard, curé de Rarjols, idem.
De Villeneuve de Rargemont, chanoine, comte de Saint-Victor, député de Marseille.
Davin, chanoine de Saint-Martin, idem.
Le Rorlhe de Grand-Pré, curé d'Oradoux-Fauvis, député de la sénéchaussée de Basse-Marche.
Bodineau, curé de Saint-Bienheuré de Vendôme, député du bailliage de Vendôme.
David, curé de Lormaison, député du bailliage de Beauvais.
Delettre, curé de Rivière, député du bailliage de Soissons.
Favre, curé d'Hotonnes, député du bailliage de Rugey.
Lousmeau Dupont, curé de Saint-Didier de Vallins, député de la sénéchaussée de Trévoux.
Varelles, curé de Marolles, député du bailliage de Villers-Cotterets.
Landreau, curé de Moragne, député de la sénéchaussée de Saint-Jean d'Angély.
Mesnard, curé d'Aubigné, député de la sénéchaussée de Saumur.
Brousse, curé de Volcrange, député du bailliage de Metz.
Fleury, curé d'Ige, député du bailliage de Sedan
Renaut, curé de Preux-aux-Bois, député du bailliage de Quesnoy.
Barbolin, curé de Prouvy, idem.
MM. Besse, curé de Saint-Aubin, député du bailliage d'Avesnes.
Bracq, curé de Ribecourt, député du bailliage de Cambray.
Clerget, curé d'Omans, député du bailliage d'Amont en Franche Comté.
Longpré, Chanoine de Champlitte, idem.
Rousselot, curé de Thienans, idem.
Barnequez, curé de Mouthe, député du bailliage d'Aval en Franche-Comté.
Bruet, curé d'Arbois, idem.
Guillot, curé d'Orchamps en Venne, député du bailliage de Dole.
Millot, Chanoine de Sainte-Madeleine, député du bailliage de Besançon.
Grégoire, curé d'Emberménil, député du bailliage, de Nancy;
Galland, curé de Charmes, député du bailliage de Mirecourt.
Godefroi, curé de NouviJle., idem.
Simon, curé de Woel, député du bailliage de Bar.
Aubri, curé de Véel, idem.
Coitinet, curé.de Ville-sur-Iron, idem.
À la suite de l'appel s'est présenté M. Vaneau, recteur d'Orgères, député de l'évêché de Rennes, lequel ne s'était pas trouvé dans la salle lors de l'appel de ses co-députés.
Il a été fait lecture du procès-verbal de la séance du 22 juin, tenue dans l'église paroissiale de Saint-Louis.
, rapporteur, nommé par le comité de vérification, a dit que le bureau avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par MM. Joubert, député du clergé du bailliage d'Angoulême; Joyeux, député de la sénéchaussée de Châtellerault; Aury et Laurent, députés du clergé de la sénéchaussée de Bourbonnais ; Boyer, de Bonnefoy, de la Bastide et de Brignon, députés du clergé de la sénéchaussée de Riom; Julien, Lucas et Delaunay, députés du clergé du diocèse de Tréguier, qui avaient ci-devant pris séance : ainsi que les pouvoirs remis par MM. les députés des communes de Langres et de Tulle; que ces pouvoirs étaient sans contradiction, et avaient, paru en bonne forme, en observant que MM. du clergé de Moulins ne rapportaient que le procès-verbal de leur prestation ae serment où leur élection était énoncée, et non le procès-verbal de cette élection.
L'Assemblée a reconnu pour légitimes les pouvoirs de MM. du clergé d'Angoulême, de Châtellerault, de Riom, de Tréguier ; et ceux de MM. des communes de Langres et de Tuile; et a arrêté, quant à MM. du clergé de Moulins, qu'ils rapporteraient le procès-verbal de leur élection dans quinzaine, avec séance provisoire. Réservé, , au surplus, de prendre en considération la protestation de partie du clergé et celle de la noblesse de Bretagne.
a fait lecture de la lettre suivante de M. le directeur général des finances.
Versailles, le 24 juin 1789 (1).
« Monsieur le président, s'
t J'ai reçu hier de la part de l'ordre que vous présidez, des marques de bonté, d'estime
et d'intérêt si touchantes, que je vous prie instamment de vouloir bien devenir en celte
occasion l'inter-
J'ai l'honneur d'être avec le plus respectueux attachement, de M. le président, le très-humble et très-obéissant serviteur.
Necker.
L'Assemblée témoigne ses sentiments par de grands applaudissements.
dit qu'il rendra compte à M. le directeur général des finances de l'impression que sa lettre a produite dans l'Assemblée.
annonce que l'intention du clergé est pareillement de la lui témoigner.
Le bureau de vérification est averti de s'assembler ce soir chez Mgr l'archevêque de Bordeaux.
remet la séance à demain neuf heures du matin.
Séance du
minorité du clergé.
Elle s'est occupée de la nomination des officiers. On a proposé de nommer par la voie du scrutin un promoteur et un secrétaire.
M. l'abbé de Montesquiou a été nommé à la première place et M. l'abbé Barmond à la seconde. Tous deux ont prêté sur-le-champ serment de remplir avec zèle et fidélité les fonctions qui leur étaient confiées.
La délibération ayant été reprise concernant la première déclaration du Roi, il a arrêté après avoir entendu le promoteur :
1° Que le clergé adhérait purement et simplement à la déclaration du Roi du 23 de ce mois, concernant la présente tenue des Etats généraux;
2° Qu'il serait fait une députation aux deux autres ordres'pour concerter avec eux la forme des communications des pouvoirs, ou leur proposer de procéder, dans une Assemblée générale des trois ordres réunis, au jugement des pouvoirs qui sont ou qui pourront être contestés.
noblesse.
La première déclaration du Roi ayant fait l'objet des délibérations de la Chambre hier et aujourd'hui, l'arrêté suivant a été pris et présenté au Roi le même jour :
« L'ordre de la noblesse, empressé de donner au Roi des marques de son amour et de son respect, pénétré de reconnaissance des soins persévérants que Sa Majesté daigne prendre pour amener les ordres à une conciliation désirante ; considérant combien il importe à la nation de profiter sans délai des grands bienfaits de la constitution indiqués dans la seconde déclaration des intentions du Roi, lue à la séance du 23 de ce mois ; pressé encore par son désir de pouvoir consolider la dette publique, et réaliser l'abandon des privilèges pécuniaires aussitôt que le rétablissement des bases constitutionnelles lui permettra de dél ibérer sur ces deux objets auxquels la noblesse attache l'honneur national, comme aussi lè vœu le plus cher de ses commettants; sans, être arrêté par la forme de ladite séance pour cette tenue d'Etats généraux seulement, et sans tirera conséquence pour l'avenir, a arrêté purement et simplement, et sans aucune réserve, les propositions contenues aux quinze articles dans la première déclaration du Roi à la séance du 23 de ce mois. En conséquence,, et pour exécuter l'article 5 de ladite déclaration, a arrêté que Sa Majesté sera suppliée de convoquer la noblesse des bailliages dont les députés se jugeront liés par leurs mandats impératifs, afin qu'ils puissent recevoir de nouvelles instructions de leurs commettants et prendre au plus tôt^ en considération, dans la forme indiquée par le Roi, les articles contenus dans la seconde déclaration des intentions cîè Sa Majesté, que l'ordre de la noblesse considère comme le gage le plus touchant de sa justice et de son amour pour son peuple. »
communes.
Présidence de M. Bailly.
La séance ayant été ouverte par M. le président, MM. Rouph de Varicourt, officiai de l'évê-ché de Genève, député du bailliage de Gex; Gué-dan, député du bailliage de Saint-Trivier ; Bottex, député du bailliage de Bourg en Presse; Vallet, curé de Gien, député du bailliage de Gien; et Tridon, curé de Rougères, député de la sénéchaussée de Moulins, se sont présentés.
a dit(l) : Messieurs, nous sommes arrivés à des circonstances qui rendent la tenue des
Etats généraux indispensable, et qui obligent tous ceux qui les composent à adopter les
propositions et les formes qui peuvent les faire réussir. Je me suis convaincu qu'on ne
saurait y mettre obstacle sans devenir la cause des plus funestes désordres auxquels la
religion et l'Etat vont être en proie, s'ils ne sont prévenus par les délibérations sages
des Etats généraux. Il est donc de la plus grande importance d'accueillir toutes les
propositions qui auront pour but de mettre fin aux divisions, de réunir les trois ordres
dans un même avis, et de constituer I 'Assemblée nationale . Je n'avais pas regardé la
vérification en commun comme l'unique moyen nécessaire pour réunir les trois ordres. J'ai
pensé que le plan proposé au nom du Roi pouvait y contribuer efficacement ; mais en donnant
cet avis, je n'ai pas cru qu'il me fût permis de préférer mon opinion à celle de la
pluralité dans mon ordre. J'ai même annoncé expressément que j'opinais sans obstination, et
a dit qu'il était chargé d'une déclaration de M. Bottex , curé de Neuville-sur-Ain% député du bailliage de Bresse, dont la teneur Isuit :
« Je soussigné, curé de Neuville-sur-Ain, député du clergé de Bresse aux Etats généraux, déclare que pour cause de maladie, ne pouvant me présenter aujourd'hui dans l'Assemblée nationale, je prie M. Guédan, curé de Saint-Trivier mon collègue, d'assurer en mon nom, que mon désir est de soumettre à ladite Assemblée la vérification de mes pouvoirs, et de concourir, autant qu'il est en moi, au bien général du royaume, demandant avec instance que mon collègue remette dès aujourd'hui mes pouvoirs à ladite Assemblée, la suppliant de l'accepter pour en faire la vérification; promettant de ratifier et de signer tout ce qui sera fait à ce sujet. A Versailles, dans la matinée du 25 juin 1789. * Signé : Bottex, curé de Neuville (1).
, curé de Gien, a dit (2) : ^Messieurs, i'aidemandé au clergé du bailliage royal de Gien, lorsqu'il s'est agi de travailler à la rédaction de notre cahier, s'il voulait se réunir à MM. de la noblesse et à MM. du tiers-état, pour compléter l'opération ensemble. Mais ce clergé a répondu, unanimement, qu'il procéderait seul à la confection de son cahier et à la nomination de son député, comme cela est prouvé par l'acte qui se trouve à la tête de mes pouvoirs. En conséquence, j'ai toujours cru remplir l'intention de mes commettants, en restantdans la salle du clergé, et en demandant qu'il vérifiât en particulier des pouvoirs qu'on n'a pas voulu me donnér en commun.
Je n'étais pas dans la salle du clergé quand on a pris la délibération de vendredi. Je ne suis revenu de Paris que le 24. Mes pouvoirs étant pour la délibération en commun et le vote par tête, je les apporte moi-même dans la salle, où je trouve lie plus grand nombre des membres du clergé, pour les soumettre à la vérification.
, recteur de l'Université de paris, député de la ville de Paris; et M. Périer, curé d'Etampes, député du bailliage d'Etampes, se présentent également, et portent l'un et l'autre la parole.
M. le recteur dit (3) : Messieurs, c'est avec la plus vive douleur que j'ai vu s'éterniser
les malheureuses discussions qui ont divisé jusqu'ici les trois ordres, et consumer en vains
débats un temps précieux, dont nous devons un compte rigoureux à la nation. Il me tardait
depuis longtemps de sortir de l'état d'inaction dans lequel nous avons été plongés
jusqu'ici, et de nous voir travailler de concert au grand ouvrage de la régénération de
l'Etat, pour lequel nous sommes tous appelés. Tant qu'il m'a été permis d'espérer que les
voies de conciliation, proposées et discutées
dit (1) : Messieurs, porteur d'un cahier qui me prescrit le vœu par ordre, qui m'enjoint de déclarer que le clergé du bailliage d'Etampes, que j'ai l'honneur de représenter aux Etats généraux, entend demeurer inviolablement uni au premier ordre, se conserver dans son intégrité, et protester contre toute scission; j'ai cru de mon devoir et du respect que je dois à mes commettants, de rester jusqu'à ce jour et de voter dans la Chambre de l'ordre du clergé. De nouvelles instructions changent, en ce moment, ma position. Je viens m'unir à vous, et particulièrement à la majorité de mon ordre, duquel je ne cesserai jamais de défendre et de soutenir l'existence, les prérogatives et les intérêts.
MM. du clergé qui venaient de se présenter, ont remis leurs pouvoirs sur le bureau, et pris place sur les bancs du clergé.
M. Baudouin, nommé dans la séance du jour d'hier imprimeur de l'Assemblée nationale, se présente et prête serment entre les mains de M. le président, de bien et fidèlement se comporter dans là charge qui lui a été confiée.
A dix heures, plusieurs de MM. de la noblesse entrent dans la salle nationale. Ils se placent sur leurs bancs.
prend la parole, et dit:
Messieurs, les membres de la noblesse qui viennent en ce moment se réunir à l'Assemblée des Etats généraux, cèdent à l'impulsion de leur conscience, et remplissent un devoir. Mais il se joint à cet acte de patriotisme un sentiment douloureux. Cette conscience qui nous amène, a retenu un grand nombre de nos frères. Arrêtés par des mandats plus ou moins impératifs, ils cèdent à un motif aussi respectable que les nôtres. Vous ne pouvez, Messieurs, désapprouver notre tristesse et nos regrets.
Nous sommes pénétrés de la sensibilité la plus vraie pour la joie que vous nous avez témoignée. Nous vous apportons le tribut de notre zèle et de nos sentiments, et nous venons tra-vaillër avec vous au grand œuvre de la régénération publique.
Chacun de nous se réserve de faire connaître à l'Assemblée le degré d'activité que lui permet sa position particulière.
leur répond en ces termes: Messieurs, votre présence répand ici la consolation et la joie.
Nous disions, en recevant MM. du clergé, qu'il nous restait des vœux à
Travaillons de concert à la régénération du royaume, au soulagement du peuple. Nous porterons la vérité au pied du trône, et sa voix sera entendue par un Roi dont la religion peut être surprise, mais dont les intentions sont justes et la bonté inaltérable.
On fait l'appel de MM. de la noblesse, et Messieurs qui se trouvent présents, sont inscrits, savoir :
MM. le duc d'Aiguillon, député de la sénéchaussée d'Agen.
D'André, député de la sénéchaussée d'Aix. Le marquis de Toulongeon, député du bailliage
d'Amont en Franche-Comté. Le chevalier d'Esclans, idem. Bureau de Puzy, idem.
Le marquis de Lezay de Marnezia, député du bailliage d'Aval en Franche-Comté. Le vicomte de Toulongeon, idem. Le comte de Crillon, député du bailliage de Beauvais. Le vicomte de Beauharnais, député du bailliage
de Blois. De Phélines, idem.
Le vicomte Desandrouins, député du bailliage de
Calais et Ardr,es. Le marquis de Lacoste, député du bailliage de Charolles.
Le comte de Castellane, député du bailliage de
Châteauneuf en Thimerais. Le duc d'Orléans, député du bailliage de Crépy en Valois,
Le marquis de Blacons, député du Dauphiné.
Le marquis de Langon, idem.
Le comte de Lablache, idem.
Le comte Antoine d'Agoult, idem.
Le comte de Virieu, idem.
Le comte de Morge, idem.
Le baron de Chaléon, idem.
Le comte de Marsanne, idem.
De Burle, député do la sénéchaussée de For-
cal quier. D'Eymar, idem.
De Nompair de Champagny, député du bailliage de Forez.
De Prez de Crassier, député du bailliage de Gex. Le marquis de Biencourt, député de la sénéchaussée de Guéret. D'Aguesseau, député du bailliage de Meaux. Fréleau, député du bailliage de Melun. Le comte de Latouche, député du bailliage de Montargis.
Le comte de Montmorency, député du bailliage de
Montfort-rAmaury. Le chevalier de Maulette, idem. Le comte de Clermont-Tonnerre, député de la
ville de Paris. Le duc de la Rochefoucauld, idem. Le comte de Lally-Tollendal, idem. Le comte de Rochechouart, idem. Le comte de Lusignan, idem. Dionis du Séjour, idem. Duport, idem.
Le marquis de Montesquiou-Fezensac, idem. Alexandre de Lameth, député du bailliage de Péronne.
Le marquis de Latour Maubourg, député de la
sénéchaussée du Puy. Le marquis de Sillery, député du bailliage de Reims.
MM. Le baron d'Harambure, député du bailliage de Touraine.
Le duc de Luynes, idem.
Le marquis de Lencosne, idem.
Le baron de Menou, idem.
demande la parole, et dit:
Messieurs, c'est avec transport que nous re- j connaissons parmi vous nos plus chers compatriotes. Au moment de nos élections dans nos provinces, l'amitié avait suivi l'estime que chacun de vous nous avait inspirée; et, collectivement, nous réclamons de nos concitoyens les mêmes sentiments que nous avons pour eux.
Nous ne cherchons pas à nous prévaloir d'avoir devancé peut-être de quelques jours, dans cette salle, le reste des membres de la noblesse: i la sévérité de quelques-uns de leurs mandats, I l'examen du plan proposé par le Roi, les empê- ! chent encore de nous joindre ; mais l'esprit de jus- ! tice et l'amour du bien public, qui les dirigent, les ramèneront sans doute bientôt au milieu de nous.
Oublions, Messieurs, les premiers moments d'inquiétude qui nous ont éloignés. Faisons voir à l'univers que la nation française a conservé son antique caractère. Entraînés" par nos passions, rassemblés de toutes le^parties de ce vaste empire, ayant tous des intérêts à défendre, tenant à nos opinions, et voulant les soutenir impérieusement; malheureusement il en devait résulter l'effervescence gui, pendant quelques moments, nous a agités. Mais envisageons la tempête d'un œil calme et serein ; que nos âmes se calment à proportion des dangers qui nous environnent; portons un œil attentif sur tous les abus que nous devons réformer; n'ayons devant les yeux que le bonheur des peuples qui nous est confié, et que ces motifs sacrés soient le ralliement de nos cœurs et de nos pensées.
Ne perdons jamais de vue le respect que nous devons au meilleur des Rois, si digne par ses vertus personnelles d'être à jamais l'amour de ses peuples. Il nous appelle ses enfants : ah ! sans doute nous devons tous nous regarder comme une famille réunie, ayant des détails différents dans notre maison paternelle. Il nous offre la paix: acceptons-la sans balancer, et qu'il ne voie pas flétrir et sécher dans ses mains le rameau d'olivier qu'il nous présente.
C'est en présence de la nation rassemblée que nous rendons au clergé les hommages que nous devons à ses vertus. La plupart de vous, Messieurs, témoins des peines et consolateurs des habitants des campagnes, vous nous instruirez des détails attendrissants de leurs souffrances, et vous nous aiderez de vos conseils pour trouver les moyens les plus prompts de les soulager.
Et vous. Messieurs, qui réunissez dans votre sein des citoyens distingués dans tous les états, des magistrats éclairés, des littérateurs célèbres, ' des commerçants fidèles, des artistes habiles, ' vous nous aiderez de vos lumières et de votre instruction pour procurer à la France les lois nécessaires à la régénération de l'ordre.
Je m'arrête, Messieurs, et mes yeux se fixent sur les habitants des campagnes qui sont parmi vous, dont les travaux respectables servent à nourrir et enrichir les citoyens de tous les ordres. Si la noblesse de France se glorifie d'avoir le droit de marcher à la tête des légions pour la défense de la patrie, elle honore également cette milice formidable qui fait la gloire et la sûreté | de cet empire.
, député du Jj>ailliage d'Amont eu Franche-Comté, observe pour lui et pour MM. le chevalier d'Esclans et, Bureau de Puzy, députés du même bailliage, qu'il existe une contestation relative à la députation de ce bailliage, et qu'ils viennent la soumettre à la décision de l'Assemblée générale. L'Assemblée renvoie l'examen de cette contestation à la commission de vérification des pouvoirs, pour lui en ifaire son rapport. M. le marquis de Toulongeon, èt ses co-députés demandent que leurs noms ne soient pas inscrits dans la liste des députés de la noblesse jusqu'au jugement de la contestation.
On procède sur-le-champ à la vérification des pouvoirs de seize de MM. de la noblesse, qu'on adjoint au comité de la vérification des pouvoirs.
Noms de MM. les commissaires.
MM.
Le duc de la Rochefoucauld
, puport.
Le comte de Castellane.
\lexandre de Lameth.
marquis de Montes -quiou-Fezensac.
4e marquis de Lacoste.
Le duc d'Aiguillon
. Le baron de Menou.
MM.
Le marquis de Lencosne.
De Phélines. Freteau.
Le marquis de Lezayé de
Marnezia.
Le comte de Montmorency.
Le comte de Latouche.
D'Eymar.
D'André.
L'Assemblée ordonne néanmoins que MM. Je duc de la Rochefoucault, Duport, et le marquis de Montesquiou-Fezensac, qui n'ont rapporté qu'un procès-verbal de prestation de serment énonciatif de leur élection, rapporteront dans quinzaine le procès-verbal de leur élection, et cependant au-jront voix délibérative et séance.
, prieur de Marmoutier, député du bailliage de Tours, s'est présenté et a dit qu'il venait se réunir à la majorité du clergé. 11 a pris séance sur les bancs du clergé.
L'Assemblée arrête que MM. des différents comités des subsistances, de vérifications, de règlement et de rédaction, se réuniront cette après-midi ; et elle nomme de MM. du clergé pour entrer dans le comité des rédactions :
MM. MM.
L'Évêque de Chartres (de Dillon.
Lubersac). Gouttes.
Le recteur de l'Université De Bonnefoy.
(Dumouchel). Privât.
Rangeard. " De Rrignon.
iD'Estaing. * Brun.
Dans le comité de règlement.
MM.MM.
IL'évêque de Rhodez (Col- De Marsay.
bert de. Seignelay). L'abbé de Villaret.
De Saint-Esteven. Chatizel. Garnier.
Colaud de la Salcette. Vallet. Landris. Pocheront.
Dans le comité des subsistances.
MM. MM.
L'évêque de Coutances (Ta- Gassendi.
laru de Chalmazel). Laurent.
Brousse. Lévêque.
Goulard. Littre.
L'abbé d'Abbecourt (De - Joubert.
coulmiérs). Tridon.
La proposition d'une adresse au Roi, pour demander le renvoi des troupes qui environnent la salle des Etats généraux, est reprise et soutenue par M. Barnave.
Il est étrange et surprenant que l'on veuille défendre à la nation l'entrée de la salle nationale! C'est dans ce lieu auguste où l'on stipule ses intérêts, où l'on décide de son sort : c'est donc sous ses yeux que nous devons agir ; c'est en face de la nation que nous devons opérer. Nous environner de gardes, comme on fait, c'est manquer à la nation, c'est l'insulter dans ses représentants. Peut-on délibérer en liberté au milieu des armes ? Sommes-nous au milieu d'un camp ? Doit-on s'étonner, après cela, que les têtes se montent, que les esprits s'échauffent et s'aigrissent, que le peuple se révolte et que les émeutes soient fréquentes? Tout rentrerait dans le calme et dans l'ordre si les représentants de la nation n'étaient plus environnés de soldats.
Il est arrêté qu'il sera fait une députation au Roi composée de vingt-quatre membres, pour lui porter les plaintes de l'Assemblée sur ce que le lieu de ses séances est environné de soldats, son entrée interdite au public, et pour lui représenter que la police de la salle où l'Assemblée se réunit ne peut appartenir qu'à elle-même.
Les membres choisis pour cette députation sont :
De MM. du Clergé :
MM- MM.
L'archevêque de Vienne L'abbé d'Abbecourt
(Le Franc de Pompi - coulmiérs).
gnan). De Surade.
L'évêque de Coutances (Ta- Aury.
laru de Chalmazel). De Champeaux.
De MM. de là Noblesse :
MM. MM.
(De-
Le duc d'Aiguillon. Le marquis de Lacoste. D'André.
D'Eymar.
Le comte de Castellane. De Burle.
MM.
De MM. des Communes :
MM
Pison du GalLand, Vignon. Arnoult. Mounier.
Rabaud de Saint-Etienne. Blanquard 4es Salines.
Chapelier.
Target.
Populus.
Le marquis de Rostaing. Rewbell. De Laborde.
Au moment où l'on s'occupe de cette députation, on apprend qu'il y a de la fermentation hors de la salle ; que le peuple, irrité du spectacle des baïonnettes, menace de se porter à quelque extrémité pour forcer l'entrée. Cependant le bruit augmente; la prudence voulant qu'on cherche tous les moyens possibles de calmer le peuple, cette mission est confiée à MM. Bailly, de Cler-mont-Tonnerre, l'archevêque de Vienne et Pison du Galand.
Ces députés de retour annoncent qu'ils se sont présentés devant le peuple, lui ont fait part des résolutions qu'on avait prises pour que désormais l'entrée de la salle des Etats généraux ne lui fût pas interdite. Ces représentations ont produit leur effet. Le peuple a respecté de simples con-
seils, qui lui ont paru dictés par un zèle véritable pour ses intérêts. La foule s'est dispersée sur-le-champ. L'archevêque de Vienne Ta engagée à se répandre dans la ville pour y rétablir la paix et le calme. S.
On procède au rapport des vérifications des pou-voirs faites le jour d'hier dans la commission établie a cet effet.
curé d'Embermesnil,Bou-cliotte, Garatl'aîné et Yronchet députés des communes, rendent compte successivement de l'examen des titres qui avaient été remis.
Ils exposent d'abord, qu'examen fait des procès-verbaux d'élection de MM. les députés de Castelmoron d'Albret, et de Besancon, qui n'avaient pas été représentés lors de l'appel fait le treize et le quatorze de ce mois, ils les ont trouvés en règle. L'Assemblée les déclare bons, et accorde définitiment séance à MM. les députés de ces bailliages et sénéchaussées, auxquels elle l'avait accordée provisoirement.
ajoutent que, nouvel examen fait des députations de Saint-Pierre-le-Moutier, de la ville de Lyon, et M. Ricard pour la sénéchaussée de Toulon, sur lesquelles il s'était élevé quelques difficultés lors des premiers rapports, il avait paru à MM. les commissaires que ces élections ne contenaient rien que de régulier; eh conséquence l'Assemblée les a jugées légitimes et valables.
Quant aux titres remis par MM. du clergé, MM. les rapporteurs ont dit que la commission avait trouvé en bonne forme et sans aucune difficulté ceux de :
MM. Landrin, curé de Garancières ; Lindet, curé de Sainte-Croix de Rernay; de Lalande, curé d'Iliers-l'Evêque ; Longpré, chanoine de Champ-plite ; Glerget, curé d'Ornans ; Rousselot, curé de Thenans ; Dubois, curé de Sainte-Madeleine ; Vio-chot, curé de Maligny ; Malartic, curé de Pile; Rivière, curé de Vie, "Millot, chanoine de Sainte-Madeleine ; Goullard, curé de Roanne ; Rrun, curé de Saint-Ghely ; Favre, curé d'Hotonnes ; Le François, curé de Métrecy; Luvêque, curé de Tracy ; ForestdeMarmoury, curéd'Ussel; Thomas, curé de Meymac; Leborlhe de Grandpré, curé d'Oradoux; "Gabriel, recteur de Questemberg; Guégan, recteur de Ponlivy ; Loaisel, recteur de Rhédon; Martin, curédeSaint-Aphrodise; Boudart, curé de La Couture ; Behin, curé d'Hersin Coupi-gny; Diot, curé de Ligni-sur-Canche ; Simon, recicur de La Boussacq ; Garnier, recteur de Notre-Dame de Dol ; Guillot, curé d'Orchamps en Venne ; Landreau, prieur de Moragne ; Lanusse, curé de Saint-Etienne-lès-Bayonne ; Jamari, curé de Car-cassonne; Dumont, curé de Villers devant le Thours ; Brouillet, curé d'Aisse ; Guillot, recteur de Martigné ; Vaneau, recteur d'Orgers ; Hunault, recteur de Billê; Ghatizel, curé de Soulaine; Rangeard, curé d'Àndart ; Rabin, curé de Cholet; de Malrieu, curé de Loubous ; de Villaret, vicaire'général de Rhodez ; Thouzet, curé de Sainte-Terre; Le François, curé du Mage ; Moyon, recteur de Saint-André-des-Eaux ; Maison-Neuve, recteur de Saint-Etienne ; Chevalier, recteur de Lumine ; Renaut, curé de Preux au Bois ; Barbo-tin, curé de Prouvy ; Gardiol, curé de Caliian ; Bucaille, curé de Fretun ; Rolin, curé de Verton l'Evêque de Goutances; Pocheront, curé de Champvert ; Bouillotte, curé d'Arnay-le-Duc ; Choppier, curé de Flins ; Privât, curé de Craponne; Boyer, curé de Necheres ; de la Bastide, curé de
Paulhiaguet ; de Bonnefoy, chanoine de Thiers î de Brignon, curé de Dore l'Eglise ; Goze, curé de Gaas ; Millet, curé de Saint-Pierre de Dourdan; Godefroy, curé de Nouville ; l'Evêque de Chartres ; l'Evêque de Rhodez ; Lasmartres, curé de Lille en Dodon ; Ducret, curé de Saint-André de Tour-nus ; Bonnet, curé de Villefort; de Varelles, curé de Marolles; Lousmeau, curé de Saint-Didier de Valens ; Bruet, curé d'Arbois ; Burnequez, curé de Mouthe ; Dupuis, curé d'Ailly ; Rolland, curé de Caire ; Gassendi, curé de Barras ; Delaistre, curé de Rivière ; Duverney, curé de Villefranche ; Ruello, recteur de Loudeac; Hingant, recteur d'Andel ; Lessegues de Rosaven recteur de Plogon-nes ; Guino, recteur d'Elliant ; Loedon de Kéro-men, recteur de Gourin ; Simon, curé deVoel j; Aubri, curé de Véel ; Coilinet, curé de Ville-surj-Iron ; Mesnard, curé d'Aubigné ; Rigouard, curé de la Fallede ; Montjallard, curé de Barjols ; Guéf pin, curé de Saint-Pierre-des-Corps ; Cartier, curé de la Ville-aux-Dames ; Guiraudez de Saint-Me^ zare, archiprêtre de Laverdans ; Gennetet, curé d'Etrigny ; Oudot de Savigny ; Ratier, recteur de Broos ; Allain, recteur de Josselin ; Saint-Esteven, curé de Ciboure ; Bracq, curé de Ribecourt ; De Curade, prieur-curé de Plaisance.
L'Assemblée a ordonné en conséquence que ceux de MM. les députés qui viennent d'être nommés, jouiraient du plein effet de leurs titres^
MM. les commissaires ont terminé leur rapport en disant que quelques-uns de MM. du clergé, savoir :
MM. Laurent, curé d'Heuillaud; Decoulmiers, abbé d'Abbecourt ; Fleuri, curé d'Ige ; Poupart, cur§ de Sancerre ; Auger, curé de Pierremont ; Gibert, curé de Saint-Martin de Noyon ; Couturier, curé de Ghativet ; Ghouvet, curé ae Commersac ; Boutereau, curé de Teillé ; Roussel, curé de» Bla-zenghien ; de Marçai, curé de Saint-Nueil-sur-Die, ne rapportaient, quant à présent, que des actes énonciatifs de leur élection, sans produire le procès-verbal de l'élection. L'Assemblée a ordonné qu'ils le rapporteraient dans quinzaine, et cependant qu'ils auraient séance provisoire.
Il a été fait lecture par les secrétaires des procès-verbaux des séances du treize de ce mois après-midi, et du quatorze avant et après-midi,; contenant le rapport de la vérification des titres de ceux de MM. les députés qui avaient comparu aux appels du 12 et du 13 matin. MM. du clergé et de la noblesse ayant entendu ce rapport, ont déclaré en être satisfaits.
La séance a été levée par M. le président efc continuée à demain neuf heures.
Séance du
MINORITÉ DU CLERGÉ. ;
a rendu compte de la députation dont il avait été chargé auprès du Roi; il a annoncé que Sa Majesté avait paru satisfaite de la conduite du clergé, et particulièrement de la disposition de son arrêté, portant que la renon-| ciation aux privilèges pécuniaires serait un des premiers objets dont l'Assemblée s'occuperait le lendemain; et qu'enfin Sa Majesté avait promis d'examiner la demande du clergé relativement à la conduite qu'il devait suivre.
La noblesse ayant fait prévenir qu'elle allait en* vioyer une députation, plusieurs membres ont été chargés de l'aller recevoir.
MM. les députés de la noblesse entrés et assis, l'un d'eux, portant la parole, a dit :
Messieurs, nous attendions depuis longtemps ajvec impatience le moment où le premier ordre dje l'Etat se serait constitué. L'ordre de la noblesse mous charge, Messieurs, d'avoir l'honneur de vous témoigner avec quelle satisfaction il a reçu cette nouvelle ; avec quelle sensibilité il a vu votre empressement à répondre, par la confiance la plus absolue, aux vues de conciliation proposées par le meilleur des Rois. Nos sentiments pour lui sont ! lés mêmes. Ils sont consignés dans l'arrêté que nous avons pris hier, et que nous sommes chargés de vous apporter. Puisse l'union qui règne entre les premiers ordres, puisse le patriotisme qui les ehflamme maintenir la constitution du plus beau royaume de l'univers, affermir la couronne sur la te te la plus auguste, et faire servir au bonheur de tous cette religion sainte dont vous êtes les organes fidèles, et cette noble fermeté qui, depuis tant de siècles, est le partage de l'ordre du clergé et des gentilshommes français ! 1 La délibération remise à aujourd'hui par l'arrêté du jour d'hier, sur la renonciation aux privilèges pécuniaires, ayant été réclamée par le promoteur, on a recueilli les voix ; il a été arrêté que le clergé consentait à ce que les biens ecclésiastiques supportassent toutes les impositions proportionnellement à leurs revenus, sans exemptions pécuniaires. ! La séance a été levée après trois heures.
NOBLESSE.
Il n'y a eu aucune discussion ou délibération importante.
COMMUNES.
Présidence de M. Bailly.
ayant ouvert la séance, MIM. les évêques d'Orange (Dutillet) et d'Autun (Tallevrand-Périgord) sont entrés, et ont dit qu'ils venaient se réunir à la majorité du clergé, avec léquel ils ont pris séance.
, député de la noblesse de la sénéchaussée de Ponthieu, est entré, et a dit : Messieurs, le mandat de la noblesse de la sénéchaussée de Ponthieu, dont j'ai l'honneur d'être député, me prescrit l'opinion par ordre. J'ai toujours soutenu ce vœu tant par mes actions que dans les conversations particulières (fue jrai eu l'honneur d'avoir avec plusieurs membres de cette auguste Assemblée. Mais ce même mandat me prescrivant aussi d'adopter ljopinion par tête, si le vœu général des Etats généraux est de l'adopter; croyant ce vœu suffisamment exprimé, j'ai l'honneur, Messieurs, de remettre sur le bureau le procès-verbal de mon élection, ensemble la prestation de mon serment, ejt je prie cette auguste Assemblée d'agréer mes hommages respectueux.
MM. de Saint-Albin et de Dolomieu, membres du clergé du Dauphiné, députés par les Etats de dette province; Goubert, curé de Bellegarde, député du clergé des sénéchaussées de Guéret et Haute-Marche; Laporterie, député du clergé de la sénéchaussée de Mont-de-Marsan, sont entrés, et ont dit, par l'organe de M. de Laporterie, qu'ils
venaient se réunir à la majorité des députés de leur ordre, et qu'ils remettraient leurs pouvoirs entre les mains de MM. du comité de vérification. Ils ont pris séance sur les bancs du clergé.
Une députation des électeurs de la commune de Paris a fait demander la permission d'entrer, et a été introduite.
Noms des députésê
MM.
Giroux, Ghanorier, de la Poise, d'Osmond, architecte; Dosmond, avocat; Garran de Coulon, député suppléant; Grpizard, Prévôt de Saint-Lucien, Moreau de Saint-Méry, Oudart, Pitra, Agier, député suppléant; Chignard, Thuriot de la Rosière, Jallier, Garnier, négociant; Piat, Ortillon, Ganilh, Hom.
Us ont dit, M. Moreau de Saint-Méry l'un d'eux, portant la parole : Messieurs, l'Assemblée des électeurs de la ville de Paris nous a députés vers vous pour vous porter le juste tribut de l'amour et de la reconnaissance des habitants de la capitale. Nous ne pouvons pas, Messieurs, vous exprimer tous les sentiments que votre patriotisme a réveillés dans les cœurs français; mais nous osons vous garantir qu'ils sont ceux que vous exprimez vous-mêmes.
L'Assemblée dont nous avons l'honneur d'être les organes, se trouve heureuse d'être à portée de rendre la première un hommage solennel à vos vertus et à votre courage ; et nous ajouterons sans doute à son admiration, en lui disant que nouj avons vu dans son auguste enceinte les rangs les plus éminents briller d'un nouvel éclat par leur réunion avec le plus beau, le premier de tous les titres, celui de citoyen.
Us ont fait lecture de la délibération qui les avait commis, et ont remis une expédition sur le bureau. Teneur de cette expédition.
Extrait du procès-verbal de rassemblée des électeurs de la ville de Paris, en la séance du
« L'assemblée a voté une adresse à l'Assemblée nationale, contenant l'expression de ses sentiments et son adhésion aux arrêtés, notamment à ceux du 17.
« On a nommé pour commissaires à la rédaction, MM. Pitra, Garran de Coulon, d'Osmond et Hom, qui ont rédigé l'adresse en ces termes :
« L'assemblée des électeurs de la ville de Paris, pénétrée de respect et de reconnaissance pour la conduite sage, ferme et patriotique de l'Assemblée nationale, profite du premier moment où elle a pu se réunir après des tentatives inutiles, pour i lui porter l'expression de tous ses sentiments, et j déclare son adhésion invariable aux délibérations de l'Assemblée nationale, et particulièrement à celles du 17 de ce mois. Elle en soutiendra les principes dans tous les temps et dans toutes les circonstances. Elle consacrera à jamais dans son souvenirlesnomsdesdéputés du clergé et de la noblesse qui se sont réunis à l'Assemblée nationale. » « On a nommé pour porter cette adresse à l'Assemblée nationale vingt commissaires qui sont : « MM. Giroux, Chanorier, de la Poize, d'Osmond, architectey Dosmond, avocat, Garran de Coulon, Groizard, Prévôt de Saint-Lucien, Moreau de Saint-Méry, Oudart, Pitra, Agier, Chignard, Thuriot de la Rosière, Jallier, Garnier, négociant, Piat, Gauilh et Hom,
« Les commissaires ayant accepté, il leur a été délivré le présent extrait. Signé, Delavigne, vice-président; Garnier, vice-secrétaire. »
a répondu: ^Messieurs, l'Assemblée remercie MM. les électeurs du tiers-état de Paris des sentiments qu'ils lui ont témoignés par votre organe. Nous sommes charmés que vous soyez ici les témoins du zèle qui nous anime pour le bien public, et vous redirez aux dignes citoyens qui vous envoient vers nous que les ordres sont en partie réunis, et que nous espérons qu'ils le seront bientôt complètement.
MM. delà députation ont été invités à s'asseoir, et à assister à la séance.
, commissaire du comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par MM. Cousin, curé de Cucuron ; Guédant, curé de Saint-Trivier; Bottex, curé de Neuville-sur-Ains ; Périer, curé d'Etampes ; Vallet, curé de Gien; Tridon, curé de Rongères ; Blandin, curé de Sain t-Pierre-le-Puel lier; Delettre, curé delieray-Rivière; le vicomte deToulongeon, le comte de Grillon, le vicomte Désandrouins, le duc d'Orléans, le marquis de Biencourt, le comte de Montmorency, le chevalier de Maulette, le comte de Lally-Toliendal, le marquis de Latour-Mau-bourg. '
Que ces différents pouvoirs étaient sans contradiction, et avaient paru en bonne forme. L'Assemblée a reconnu les députés ci-dessus nommés pour légitimes.
a dit que M. le comte de Lally étant absent en ce moment, il croyait devoir lire un projet de discours joint à ses pouvoirs que l'Assemblée venait de vérifier. Ce discours a été lu ; il est de la teneur suivante :
c Messieurs, .je me présente à cette auguste Assemblée, adhérant de cœur et d'esprit à ses dispositions, mais n'étant point maître de ma volonté sur tous les objets. Je viens me soumettre à une vérification commune. Elle a toujours été dans mes principes, ainsi que dans-mon cœur, et elle ne m'était pas interdite par mon mandat.
« Malheureusement ce mandat ne m'a pas laissé aussi libre sur l'opinion par tête. Il est possible qu'il paraisse moins limitatif à d'autres députés dont je respecte la délicatesse autant que je crois à la mienne, et dont les vertus et les lumières doivent rendre l'opinion imposante. Mais l'obligation qu'entraîne un serment dépend de l'idée qu'on y a attachée en le prêtant. Or, dans l'instant où j'ai prêté le mien, je me suis cru, et je me crois, encore invinciblement enchaîné à l'opinion par ordre.
« On ne transige point avec sa conscience. C'est elle qui m'a impérieusement ordonné la démarche douloureuse, consolante et sacrée à laquelle je viens de me déterminer; mais c'est elle aussi qui m'ordonne, non moins impérieusement, de retourner à mes commettants, et de leur demander de nouveaux pouvoirs.
« S'ils sont conformes aux vœux de mon cœur, et, je ne crains pas de le dire, aux besoins de la patrie, je reviens, Messieurs, m'éclairer par vos lainières, m'enflammer par vos vertus, et joindre ma faible contribution à ces immenses et glorieux travaux par lesquels vous allez assurer le bonheur de la France, celui de tous les ordres de ses citoyens, et celui du monarque si digne de leur amour.
« Si ma liberté ne m'est pas rendue, alors, Mes-
sieurs, je remets avee résignation à mes commettants une mission que je ne croirais plus pouvoir remplir fructueusement, et mes vœux, mefe regrets, mes respects vous suivront de loin danfe votre noble carrière.
« Ma résolution est invariable. Je ne sais, Mesi sieurs, si ma conduite vous paraît fondée, mais j'ose vous assurer que mon motif est pur; et si c'est une erreur, je demande votre indulgence pouf une erreur de la probité.
« Je vous prie de vouloir bien me donner acte du discours que je laisse signé sur le bureau, en y laissant mes pouvoirs.
« Dans la salle de l'Assemblée nationale, ce vingt-cinq juin mil sept cent quatre-vingt-neuf. Signé, le comte de LALLY-ToLLEiNDAL, député de^ citoyens de la ville de Paris.
observe que l'Assemblée ne devait pas donner acte de cette déclaration ni permettre que M. de Tollendal se retirât devers ses comT mettants avant que l'Assemblée eût statué sur cet objet.
demande qu'on prononce sur-le-champ sur les pouvoirs impératifs.
L'Assemblée renvoie à statuer sur ces propositions jusqu'après la vérification des pouvoirs.
est entré, et a dit : Messieurs, j'ai regretté que ma santé m'obligeât de m'absenter pendant quelques instants de cette Assemblée, et qu'un autre que moi ait eu l'honneur de vous lire la déclaration que f'ai cru devoir déposer hier sur le bureau en même temps que mes pouvoirs.
Messieurs, les considérations les plus pressantes, des considérations qui me sont person^ nelles, et qui pesaient également sur ma conf science et sur mon cœur, m'ont forcé de sortir de ligne pour vous faire cette déclaration. Personne ne devait être plus sévère que moi sur l'engage--ment par lequel je me crois encore lié. Personne ne l'avait vu aussi obligatoire que moi ; personue ne l'avait défini comme je l'ai défini devant l'ordre entier de la noblesse, dans ma motion du vingt-neuf du mois dernier. Je dois le dire ici pu--bliquement par respect pour mon devoir , pour l'Assemblée et pour mes collègues.
J'espère, Messieurs, que cette déclaration a trouvé grâce à vos yeux. Peut-être mon zèle ne vous est-il pas entièrement inconnu. Peut-être quelques-uns de mes efforts sont-ils parvenus jusqu'à vous, du moins jusqu'à plusieurs membres de cette illustre Assemblée, dont j'ai recherché les vertus et les lumières.
J'ose vous assurer, Messieurs, qu'il m'a fallu plus de Courage pour vous annoncer un instant d'incertitude dans-ma position, qu'il ne m'en faudra jamais pour défendre vos intérêts, si j'en étais digue, dans les circonstances les plus difficiles.
reprenant son rapport, a dit que le comité avait eu pareillement sous les yeux les actes remis par MM. Blandin, député du clergé du bailliage d'Orléans, et Delettre, député du clergéf du bailliage de Soissons, qui ne consistaient que dans les procès-verbaux de leur prestation de serment, où leur élection est énoncée, et que ces| actes étaient sans contradiction et en bonne forme, L'Assemblée a arrêté que MM. Blandin et Delettn rapporteraient les procès-verbaux de leur électioi sous quinzaine, et que cependant ils auraieni séance provisoire.
a dit que MM. les députés des communes de Douai et Orchies avaient mis sous les jeux du comité le procès-verbal de leur élection, qu'il leur avait été ci-devant ordonné de rapporter, et qu'il avait été trouvé en bonne forme. jfj'Assemblée leur a donné séance définitive.
, curé de Souppes, autre commissaire du comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs de M. Decoul-Jmiers, abbé d'Abbecourt, député de la prévôté de Paris, hors les murs, et qu'ils avaient été trouvés sans contradiction et en bonne forme. L'Assemblée a reconnu M. Decoulmiers pour son député.
, curé desRiceysf autre commissaire, a dit que Je comité avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par MM. Dumouchel, recteur de l'Université de Paris, député du clergé de cette ville, Jpionisdu Séjour, le comte de Rochechouart, et le comte de Clermont-Tonnerre, tous trois députés de la noblesse de la même ville; d'Aguesseau, député de la noblesse du bailliage de Meaux, le yicomte de Beauharnais, député de la noblesse du bailliage de Blois, et le marquis de Sillery, député de la noblesse du bailliage de Reims; qu'ils étaient sans contradiction et en bonne forme.
L'Assemblée a reconnu les députés ci-dessus nommés, pour légitimes.
a dit : Messieurs, notre mandat contient, comme mandat impératif, l'ordre formel, d'obtenir une constitution; et l'énonciation des bases sur lesquelles elle doit être assise exige que nous opinions par ordre, et que nous soyons soumis à la majorité de notre ordre sur celte question. Mais il est ajouté* dans.le même article du mandat, que les Etats généraux aviseront dans leur sagesse à empêcher que le veto d'un des ordres ne s'oppose à la confection aes lois qui intéressent le bonheur public. L'ordre où nous avons siégé d'abord ayant adopté le veto de chaque ordre comme un principe constitutif delà monarchie, il nous devenait impossible de concourir aux délibérations d'une Chambre dont les principes s'opposaient évidemment à Inexécution des intentions expresses de nos commettants; mais il n'est pas de notre délicatesse de juger de nous-mêmes une question que l'obscurité de notre mandat rend problématique : et malgré les motifs puissants qui nous animent et le désir s[rdent d'unir nos travaux aux vôtres, nous sommes obligés d'attendre que l'opinion de nos constituants nous soit plus clairement connue; et, jjusqu'à ce moment, nous prions l'Assemblée de permettre que, sans accepter de voix, nous opinions dans son sein.
, autre commissaire du comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs de MM. les députés du clergé et de la noblesse du Dauphiné, qui avaient ci-devant pris séance dans l'Assemblée, et qu'il était chargé de rendre compte de la réclamation formée contre ljeur députation, par quelques ecclésiastiques et gentilshommes de cette province, dont les détails étaient renfermés dans des mémoires imprimés, distribués à MM. de l'Assemblée.
[ A l'ouverture de ce rapport, MM. de la députation sont sortis du lieu de la séance, à l'exception de M. Pison du Galland, l'un des secrétaires, qui a dit qu'il s'abstiendrait de délibérer,
, après avoir fait son rapport, a dit
que le comité avait unanimement pensé que la réclamation était sans fondement.
L'Assemblée a unanirïiement confirmé l'avis du comité, et déclaré la députation du Dauphiné légitime, sauf à prendre en considération la nouvelle constitution des Etats de province.
MM. de Dauphiné sont entrés et ont dit,M. Le Franc dePompignan, archevêque de Vienne, portant la parole : Messieurs, nos expressions ne pourraient pas rendre la reconnaissance de la députation du Dauphiné ; mais permettez-nous de vous dire que cette province a quelque droit à la confiance de l'Assemblée, par son zèle pour la chose publique.
Il a été fait lecture du procès-verbal des séances des 15, 16, 17 et 19 de ce mois.
, archevêque de Paris, député du clergé de la ville de Paris, est entré, et a dit : Messieurs , l'amour de la paix me conduit aujourd'hui au milieu de cette auguste Assemblée. Agréez , Messieurs , l'expression sincère de mon entier dévouement à la patrie, au service du Roi et au bien du peuple : je m'estimerais trop heureux, si je pouvais y contribuer aux dépens de ma vie. Puissé-je concourir à la conciliation, si nécessaire, et que j'aurai toujours en vue ! Heureux encore, si la démarche que je fais en ce moment peut contribuer à cette conciliation, qui sera toujours l'objet de mes vœuxl
a répondu : Monsieur, [l'Assemblée s'applaudit de votre présence. Il y a longtemps que nos vœux se portent particulièrement vers vous; et l'acte de paix et d'union que, vous faites aujourd'hui est la dernière couronne qui manquait à votre vertu.
annonce qu'on le prévient dans ce moment d'une députation de ce qu'on appelle la majorité de la noblesse.
Quelques personnes proposent de ne pas la recevoir.
Je suis d'avis d'admettre ces députés comme un moyen d'amener la réunion si désirée. J'approuve les principes du 17 juin sur l'intégrité et l'indivisibilité de l'Assemblée nationale; et j'ai professé publiquement et hautement l'opinion que vous pouviez prendre le nom d'Etats généraux. Il faut les traiter comme des députés de la noblesse, quoique la connaissance que nous vous en attestons ne soit pas fondée sur un jugement, mais sur une vérification amiable et provisoire.
La fraternité est de devoir parmi tous les hommes, mais les principes seuls conservent tous les droits, eux seuls peuvent servir de base à la justice et même à la prudence. Les députés de la noblesse qui sont ici présents ont reconnu eux-mêmes que les pouvoirs ne pouvaient être jugés que dans l'Assemblée nationale, puisqu'ils sont venus lui soumettre les leurs ; ils ne peuvent donc pas répondre de la légalité des pouvoirs de la députation qu'on nous annonce; ils ne peuvent pas attester comme tér moins ce qu'ils ont jugé, sans en avoir le droit. Si donc l'Assemblée reçoit la députation, elle ne peut admettre les individus qui la composent que sous le titre de députés présumés de la partie non réunie de la noblesse.
Cet avis est adopté
Au milieu dè celte discussion , les députés nobles réunis votent, par un mouvement fraternel, d'aller au devant de ceux de la noblesse non réunis.
Sont entrés MM. le duc de Liancourt, le comte de Montboissier, le comte de Laipaud, le comte de Rénel, le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean et le duc de Biron. Reçus par MM. de la noblesse réunis dans la salle nationale, ils ont pris séance sur les bancs de la noblesse et ont dit,
portant la parole:
Messieurs, l'ordre de la noblesse nous a chargés d'avoir l'honneur de vous communiquer l'arrêté qu'il a pris hier.
Vous verrez dans l'adhésion qu'il s'est empressé de donner à la première déclaration du Roi, le désir de conciliation qui l'anime; son vœu sincère pour que lés ordres soient ramenés à la concorde, qui ne devrait jamais être altérée entre Français, et sans laquelle il est impossible d'opérer le bien de l'Etat, premier devoir de tout bon citoyen.
Ils ont fait lecture de l'acte dont la teneur suit:
Extrait du procès-verbal des séances de MM. les députés de Vordre de la noblesse aux Etats
généraux, du
« L'ordre de la noblesse, empressé de donner au Roi des marques de sa fidélité et de son respect ; pénétré de reconnaissance des soins persévérants que Sa Majesté daigne prendre pour ramener les ordres à une conciliation désirable, considérant combien il importe à la nation de profiter sans délai du grand bienfait de la constitution indiquée dans la seconde déclaration des intentions du Roi, lue à la séance du 23 de ce mois; pressé encore par son désir de pouvoir consolider la dette publique, et réaliser l'abandon de ses privilèges pécuniaires, aussitôt que le rétablissement des bases constitutionnelles lui permettra de délibérer sur ces deux objets, auxquels l'ordre de la noblesse attache l'honneur national, comme aussi le vœu le plus cher de ses commettants ; sans être arrêté par la forme de ladite séance, pour la présente tenue d'Etats seulement, et sans tirer à conséquence pour l'avenir; a accepté purement et simplement les propositions contenues dans la première déclaration du Roi, lue à la séance du 23 de ce mois.
« En conséquence et pour exécuter l'article 5 de ladite déclaration, a arrêté que Sa Majesté sera suppliée d'assembler la noblesse des bailliages dont les députés s'y jugeraient liés par des mandats impératifs, afin qu'ils puissent recevoir de nouvelles instructions de leurs commettants, et prendre au plus tôt en considération dans la forme indiquée par le Roi, les articles contenus dans la seconde déclaration, des intentions de Sa Majesté, que l'ordre de la noblesse considère comme le gage le plus touchant de sa justice et de son amour pour son peuple. »
Au bas est écrit : « Certifié véritable pour copie conforme à l'original. A Versailles, ce 26 juin 1789 ; et signé : Montmorency-Luxembourg, président de l'ordre de la noblesse; le marquis de Bou-thillier9 secrétaire. »
a répondu : Messieurs, l'Assemblée nationale me charge de vous dire qu'elle n'a pu vous recevoir et ne peut .vous reconnaître que comme des députés nobles non-réunis, comme des gentilshommes nos concitoyens et nos frères;
et elle s'est portée à vous admettre avec d'autan t plus de plaisir, qu'elle désire que vous soyez les témoins des vœux que nous ne cessons de faire pour votre réunion à celte auguste Assemblée, et que vous semblez nous laisser espérer.
MM. de Liancourt, de Montboissier, de Laipaud, de Rénel, de Clermont-Mont-Saint-Jean et de Ri-ron se sont retirés.
Une députation de citoyens de Paris a fait def mander permission d'entrer, et elle a été introf duite.
Noms des députés.
MM. de Mailly fils, Rocher, Debey, Furgand, de laVergne, David, Dubret, Piat, Javon.
Ils ont dit, M. de Mailly fils portant la parole : Monsieur le président, quoique tous les citoyens de la commune de Paris reconnaissent que leurs vœux sont légitimement et suffisamment exprimé? par l'Assemblée de leurs électeu rs, u n grand nombrè d'entre eux ont pensé que dans l'ardeur du zèlè qui les anime, il leur était permis de vous en fairè parvenir le témoignage d'une manière plusimmé diate. Sachant avéc quelle dignité, quelle activité et quelle fermeté vous remplissez les glorieuses et pénibles fonctions qûi vous , sont confiées, ils ne peuvent différer plus longtemps de vous marquer leur profonde sensibilité. Vos efforts, secondés par ceux de tous nos représentants, ont d'abord fondé notre confiance. Le calme, la sécurité et la joie que nous goûtons, après des jours de trouble, d'alarmes et de chagrin, sont encore l'ouvrage de votre commune ardeur, redoubléè parles circonstances, et celui des autres membre^ aujourd'hui réunis.
Pénétrés d'une juste admiration pour tant d'actes patriotiques, nous vous supplions, Monsieur, de vouloir bien être l'interprète de nos sentiments auprès de nos représentants, don^ l'âme sublime s'est manifestée courageusement; auprès des illustres et respectables membres du clergé qui se sont publiquement déclarés no& frères, et qui, par leur réunion à l'Assemblée naf tionale, ont acquis un nouveau titre aux hommal ges de la génération présente et à ceux de la postérité; réunion qui imprimera dans l'esprit des peuples un caractère pour ainsi dire plu? sacré aux délibérations qui doivent leur servir de lois ; enfin, auprès de ces citoyens nobles qui sont disposés à confondre l'intérêt particulier dans l'intérêt général, et à ne chercher leur bon} heur que dans le bonheur de tous.
Quelle satisfaction pour nous de voir parmi eux le premier prince du sang, objet de la vénération publique ! Il ne nous serait pas possible do vous peindre avec assez d'énergie, Monsieur, les; sentiments de tous les citoyens au nom de qui nous vous parlons, leur amour pour le Roi, leuir dévouement à la patrie, leur confiance en ses ref présentants. Nous nous bornons donc à vous ex+ primer ceux de respect et de reconnaissance aveé lesquels nous avons tous l'honneur d'être de Mon} sieur le président, les très-humbles et très-obéissants serviteurs et frères.
Signé: Javon, avocat; Piat, négociant, David, commis du contrôle général ; Furgaud, Delaver-f gne, négociant ; de Mailly, fils du lieutenant-gé4 néralde Laon, avocat au Parlement; Debey, mar| chand-mercier ; Surette, Rennes, A. Delaire ; Duf brai, marchand des six corps ; firosse, Parisotl Fournier, Daugremont, avocat • le Comte, Bache[ du ^filleul, Thierri, Gemice, Dabasse, Buthçux;
pensionnaire du Roi ; Goyet, maître maçon; Cornu, )omain, électeur au bailliage de Versailles; Noël, taure, négociant; Alais, négociant; Reboulh, négociant; Alexandre, pensionnaire du Roi; Jaquini, négociant; J.-B. Geilot, marchand de draps ; Guyot, contrôleur des messageries ; Gui-bert, sous-lieutenant; Paris, Petit, Verneuil, Ghambert, Moreau de la Fayelle, Bourdon, Boiteux de Beaulieu, Sarrazin de Maraise, fils aîné ; Broulard, Vincent, Reboul du Moley, du Moley, Durand, secrétaire; Commaire, professeur d'éducation; Mesnard, Petit, Hasseisfrals, sous-inspecteur des mines de France; Jousseran, Maison-Weuve, le chevalier de Presle, Villemain, Bory, marchand ; Viroy, Sergent, le chevalier d'Aittry, Damont, marchand ; Pérard, géomètre; de Saint-firmin, d'Alloyau, avocat au Parlement; Dibàr-tfant, agent de change; Bavoux, marquis de pareilles, le Gras, de Montberton, Nourry de la felleville ; le chevalier de Corbeau, Caiileux, Marchand fabricant de galons.
a répondu : Messieurs, quoique vous ne soyez pas envoyés par une assemblée régulièrement convoquée, l'Assemblée nationale a cru pouvoir vous admettre. Elle remercie les citoyens de Paris des témoignages de satisfaction qui lui sont adressés. Vous êtes témoins, Messieurs, de l'union qui règne dans cette Assemblée, où nous voyons avec la joie la plus vive siéger aujourd'hui votre digne archevêque. Vous connaissez votre zèle, et vous pouvez instruire la capitale que nous allons travailler avec ardeur au bien public ; mais l'Assemblée çroit devoir inviter tous les habitants de Paris à èalmer l'agitation qui pourrait "s'élever dans le peuple, et à lui faire regarder la paix comme le premier moyen nécessaire au travail de l'Assemblée nationale et à la régénération du royaume.Après cette réponse du président,M. de Mailly a ajouté, en s'adressant à l'archevêque de Paris :
Monsieur, qu'il est flatteur, qu'il est satisfaisant pour nous, de pouvoir apprendre ce soir aux citoyens de la capitale, que nous avons eu le bonheur de vous voir au milieu de l'Assemblée nationale, où l'impulsion de votre cœur vous mt conduit dès le premier jour, si des mains ennemies de la félicité publique ne vous en eussent écarté malgré vous !
j M. l'archevêque de Paris était attendri jusqu'aux larmes.
j M. l'archevêque de Vienne a dit qu'ayant fait les démarches nécessaires afin d'obtenir audience du Roi, pour la députation délibérée hier par l'Assemblée, Sa Majesté lui avait fait répondre Qu'elle lui ferait connaître ses intentions. | lia été fait lecture d'un projet d'adresse à présenter au Roi par la députation. L'Assemblée a Chargé le comité de rédaction de la révision de ce projet, pour être rapporté ensuite à l'Assemblée.
! L'Assemblée a adjoint de MM. de là noblesse.
au comité de vérification'.
; Mj ||
MM. le comte de Morges, le marquis de Mon-tesquiou, le comte de Marsan ne, le comte de liacoste, le duc d'Aiguillon, le baron de Menou, cieLencosne, de Phelines, de Lameth, Fréteau, de Marnezia, le comte de Montmorency, le comte de Latouche, d'André, d'Eymard, le marquis de Sil-ïjery.
au comite concernant les subsistances.
MM. d'Aguesseau, le duc d'Aiguillon, Dio-nis du Séjour, le baron de Menou, le comte de Lablache, le duc d'Orléans, le marquis de Lacoste, le marquis de Latour-Maubourg, le comte de Virieu, de Prez de Crassier, le marcruis de Lu- * signan, de Phelines, le chevalier de Maulette, le comte deRocliechouart, le vicomte de Sandrouin, le baron de Chaléon.
au comité de rédaction.
MM. le comte de Clermont-Tonnerre, le marquis de Blacons, le comte Mathieu de Montmorency, le marquis deMontesquiou, le chevalier Alexandre de Lameth, le comte de Grillon, le vicomte de Toulongeon, de Champagny, le marquis de Sillery, d'Eymard,
au comité des reglements.
MM. Le duc de la Rochefoucaudl, le comte de Crécy, Duport, d'André, le marquis de Lablache, le vicomte de Castellane, le vicomte de Beauharnais, le baron d'Harambure, le marquis de Biencourt, le marquis de Lezay-Marnezia.
MM. Viochot, curé de Maligny, et Guépin, curé de Saint-Pierre-des-Corps, ont été substitués à MM. les abbés d'Abbecourl et de Villeneuve, dans le comité de vérification.
M. Boyer, curé de Nescher, a été substitué à M. Gouttes, curé d'Argilliers, dans celui de rédaction.
MM . Brousse, curé de Volcrange, Gennetet, curé d'Etrignv, Guino, recteur d'Ellant, Gibert, curé de Saint-Martin de Noyon, le François, curé de Gourvignon, ont été, les uns, adjoints au comité concernant les subsistances, les autres substitués à MM. de Villeneuve et Lévêque, curé de Tracy.
a averti les comités de s'assembler ce soir à six heures. Il a remis la séance à demain neuf heures du matin.
Séance du
La minorité du clergé assemblée dans sa Chambre reçoit communication de la lettre suivante :
Lettre du Roi à M. le cardinal de la Rochefoucauld, président de l'ordre du clergé. J
« Mon cousin, uniquement occupé de faire le bien général de mon royaume, et désirant pardessus tout que l'Assemblée des Etats généraux s'occupe des objets qui intéressent toute la nation, d'après l'acceptation volontaire que votre ordre a faite de ma déclaration du 23 de ce mois, j'engage mon fidèle clergé à se réunir, sans délai, avec les autres ordres, pour hâter l'accomplissement de mes vues paternelles. Ceux qui sont liés par leurs pouvoirs peuvent y aller sans donner de' voix jusqu'à ce qu'ils en aient reçu
de nouveaux; ce sera une nouvelle marque d'attachement que le clergé me donnera.
« Sur ce, je prie Dieu, mon cousin, qu'il vous ait en sa sainte et digne garde.
a Signe LOUIS.
« Le
En conséquence de cette lettre l'ordre du clergé prend l'arrêté suivant :
« L'ordre du clergé,
« Vu les articles 1, 6, 7,8 et 9 de la déclaration du Roi du 23 de ce mois, concernant la présente tenue des Etats généraux, l'article premier portant : Le Roi veut que l'ancienne distinction des trois ordres de l'Etat soit conservée en son entier comme essentiellement liée à la constitution de son royaume ; que les députés librement élus par chacun des trois ordres, formant trois Chambres délibérant par ordre, et pouvant, avec l'approbation du souverain, convenir de délibérer en commun, puissent seuls être considérés comme formant le corps des représentants de la nation.
« Par l'article 7, Sa Majesté exhorte, pour le salut de l'Etat, les trois ordres à se réunir pendant cette tenue d'Etats seulement, pour délibérer en commun sur les affaires d'utilité générale, en exceptant, par l'article 8, des affaires qui pourront être traitées en commun, celles qui regardent les droits antiques et constitutionnels des trois ordres, la forme de constitution à donner aux prochains Etats généraux, les propriétés féodales et seigneuriales, les droits utiles, et les prérogatives honorifiques des deux premiers ordres.
« Par l'article 9, le consentemen t particulier du clergé sera nécessaire pour toutes les dispositions qui pourraient intéresser la religion, la discipline ecclésiastique, le régime des ordres et corps séculiers et réguliers.
« Vu aussi la délibération que l'ordre du clergé a prise le 25 du mois de juin, par laquelle il adhère purement et simplement à ladite déclaration, la lettre du Roi à Mgr le cardinal de la Rochefoucauld, président de l'Assemblée, conçue en ces termes... (Elle est rapportée plus haut.)
« L'ordre du clergé, toujours empressé dç donner à Sa Majesté des témoignages de respect, d'amour et de confiance, et justement impatient de pouvoir se livrer à la discussion des grands intérêts d?où dépend la félicité nationale, a délibéré : 1° de se réunir dès aujourd'hui aux deux ordres de la noblesse et du tiers-état dans la salle commune, pour y traiter des affaires d'une utilité générale, conformément à la déclaration du Roi, sans préjudice du droit qui appartient au clergé, suivant les lois constitutives de la monarchie, de s'assembler et dé voter séparément, droit qu'il ne peut ni ne veut abandonner dans la présente session des Etats généraux, et qui lui est expressément réservé par les articles 8 et 9 de la même déclaration ; 2° d'adresser à Sa Majesté une lettre explicative des principes conservateurs de la monarchie, qui ont conduit l'ordre du clergé, et des sentiments d'union et de paix qui l'ont décidé à adopter les plans de conciliation proposés par Sa Majesté, ainsi qu'à se réunir avec les autres ordres dans la salle des Etats généraux. » Gomme cet arrêté ne pouvait être exécuté qu'a-rès la délibération de l'ordre de la noblesse> l'arcbevêque d'Aix et M. l'abbé de Montesquiou ont été priés d'aller conférer avec la noblesse, en lui faisant part de l'arrêté qui venait d'être fait.
Dans cet intervalle, lecture a été faite de l'ar-
rêté proposé dans la séance d'hier ; il a été sanctionné par l'Assemblée tel qu'il suit :
« L'ordre du clergé, jaloux de seconder avec le plus respectueux empressement les vues paternelles du Roi pour le bonheur de ses peuples, ét considérant que le vœu unanime de ses commettants lui fait plus que jamais un devoir de con|-fondre les intérêts temporels des ministres de la religion avec ceux de leurs frères et de leurs concitoyens; aujourd'hui que les abus du régime fiscal ne pèseront plus sur la patrie, et que la justice du souverain fait revivre, en faveur des deux autres ordres, les antiques libertés et franchises nationales conservées sans altération par les Eglises de France, dans toutes les époques de la monarchie, a délibéré :
« 1Q Qu'à l'avenir, les bénéficiers, corps et communautés ecclésiastiques, contribueront dans la même proportion que les autres citoyens à toutes les charges royales, provinciales et municipales), et aux impositions consenties en conséquence par les trois ordres ; |
« 2° Que les propriétés de l'Eglise, soumises, comme les biens laïques, au payement des taxes nécessaires pour la défense et la prospérité dp l'Etat, serviront également d'hypothèques et d|e gages à l'acquittement de la dette nationale, lor^-qu elle aura été reconnue et dûment vérifiée ;
« 3° Que, conformément aux dispositions bien faisantes annoncées par le Roi dans la séance du 23 de ce mois, Sa Majesté sera suppliée d'abolir entièrement et sans retour dans le royaume -1 nom de taille, l'usage de la corvée et les droit de main-morte ; de rendre le tirage de la milicb moins onéreux au pauvre peuple , des villes et des campagnes ;• enfin de convertir les chargels personnelles en subventions pécuniaires auxquelles l'ordre du clergé consent d'être assujettir;
« 4° Qu'en rappelant, sur Je fait de l'impôt, lés établissements les plus utiles et les plus favorables à la loi de l'égalité proportionnelle, il est juste d'indemniser par des suppléments de dotation, et les hôpitaux que la jurisprudence présente affranchit des tributs publics, et les cures à pori-tion congrue, taxées, selon les règlements actuels du clergé, sur un pied hien inférieur à celui qui sert à fixer la quote-part des autres contribuables. »
Lecture a été faite du mémoire que les commissaires avaient été chargés de rédiger dans la séance d'hier, approuvé par l'Assemblée ; il a été délibéré et arrêté que M. le secrétaire serait chargé de le faire imprimer et d'en déposer la minute avec celle des procès-verbaux, aux archives du clergé.
L'ordre du clergé, instruit que celui de la noblesse avait fini sa délibération, lui a envoyé une députation composée suivant l'usage. De retour, M. l'évêque d'Uzès a rendu compte que l'ordre de la noblesse allait se rendre dans la salle des Etats généraux, et qu'il attendait MM. du clergé. L'Assemblée alors est sortie ayant le cardinal de la Rochefoucauld à sa tête, et s'est réunie aux deux autres ordres pour former l'Assemblée nationale.
noblesse.
L'ordre de la noblesse reçoit communication d'une lettre du Roi ainsi conçue :
A M. le duc de Luxembourg, président de Vordre
de la noblesse.
« Mon cousin, uniquement occupé de faire 1 bien général de mon royaume, mais désirant pari-
dessus tout que l'Assemblée des Etats généraux (s'occupe des objets qui intéressent toute la nation, d'après l'acceptation volontaire que votre ordre a faite de ma déclaration du 23 de ce mois, j'engage ma fidèle noblesse à se réunir sans délai avec les deux autres ordres.
« Signé LOUIS.
« Le
En conséquence de cette lettre, et malgré la (protestation de 45 membres, l'ordre de la noblesse |aécide qu'il se réunira aux communes.
communes,
Présidence de M. Bailly.
La séance est ouverte par M. le président.
, prieur de Saint-Ho-tooré de Blois, et M. Chabaud, curé de la paroisse de Saint-Victor, tous deux députés du clergé du bailliage de Blois, entrent dans l'Assemblée, mettent leurs pouvoirs sur le bureau, et prennent place avec MM. du clergé,
, curé de Saint-Gervais, député du clergé de la ville de Paris, vient aussi prendre
séance, et remet ses pouvoirs.
, député de la noblesse du baillage de Saint-Quentin, et M. le marquis de Bouran,député de la noblesse de la sénéchaussée d'Agen, se rendent également dans l'Assemblée, remettent leurs pouvoirs sur 1e bureau, et prennent place avec MM- de la noblesse.
prononce le discours suivant : ^
Messieurs, vivement pressé par le sentiment intime de ma conscience, de venir me placer parmi les membres de cette auguste Assemblée, je ne me permettrais cependant pas cette démarche si je ne croyais répondre au vœu des gentilshommes que j'ai l'honneur de représenter. Je ne puis voir, Messieurs, sans attendrissement le tableau majestueux et touchant de la réunion si désirable de la plus grande partie des représentants de cette nation dont le bonheur futur fait votre unique ambition.
i C'est avec la joie la plus vive, que je me plais à penser que bientôt tous les ordres, animés du même désir et réunis par les mêmes sentiments, n'auront plus gu'un même vœu. C'est cette époque que tout citoyen patriote attend avec la plus grande impatience, comme le seul moyen de donner au Roi les marques les plus tendres de notre amour, et de payer à la nation le tribut qu'elle a droit d'attendre de nous.
Les secrétaires font lecture du procès-verbal des séances des mardi, mercredi; jeudi et vendredi 23, 21, 25 et 26 juin. ' La délibération de l'ordre de la noblesse, dont
ime copie a été laissée hier sur le bureau de l'As-ëmblée, a été introduite par M. Pison du Galand, àecond secrétaire, dans le pfocès-verbal de la séance du 26 juin.
, secrétaire. J'observe qu'il faut la retirer, attendu que, si l'Assemblé^ prouve qu'elle en a eu connaissance, elle doit se hâter et ne peut
même se dispenser de protester contre les principes faux, anti-constitutionnels y contenus, et que ces protestations doivent suivre le procès-verbal dans la teneur de la délibération.
D'après l'arrêté du 23, il est inutile de faire des protestations ; il est aussi inutile d'insérer la délibération.
Les observations de M. Camus sont approuvées d'un côté, rejetées de l'autre.
Un membre observe en leur faveur qu'une pareille pièce étant contraire à la constitution de 1 Assemblée, portant atteinte à ses droits, aux principes de la monarchie, Ton ne peut la laisser subsister dans les registres de l'Assemblée sans manifester les sentiments de réprobation qu'elle inspire à l'Assemblée nationale.
Un autre membre oppose à ces réflexions qu'un procès-verbal est un récit simple de tous les faits d'une Assemblée ; qu'ainsi l'on peut insérer la délibération de la majorité de la noblesse sans aucun danger; qu'au surplus l'on n'a qu'à la repousser par des protestations fortes et énergiques ; que l'on a fait mention de la députation des élecr teurs de Paris, que l'on y a inséré leur discours, et que l'on peut, sans aucune conséquence lâcheuse, en user de la même manière pour la députation de la majorité de la noblesse.
J'ajoute qu'autrefois l'on disait : Nous ordonnons, nous voulons ; que le 23, le Roi avait dit pour la première fois : Je veux, for-donne ; les éloges prodigués par la noblesse à cette innovation qui, à la vérité, et fort heureusement, n'existe que dans les mots, ne doivent "pas se trouver dans le procès-verbal de l'Assemblée ; il suffit d'y insérer les protestations,
Je propose un autre avis, celui d'insérer seulement la réponse faite à la noblesse.
Ce moyen, qui n'a ni les inconvénients de l'inscription de la délibération, ni la force des protestations insérées, a été encore combattu ;. enfin, l'on fiuit par décider que la délibération de la noblesse sera purement et simplement insérée au procès-verbal.
, archevêque de Vienne, observe que plusieurs ecclésiastiques demandent que l'on prenne un ecclésiastique de chaque généralité, pour le faire entrer dans les comités formés par les généralités.
L'Assemblée approuve cette observation. *
présente à l'Assemblée la requête des habitants de Versailles. Le bailliage demande j une députation directe aux Etats généraux.
La requête est envoyée au comité de vérification.
, curé des Riceys, fait rapport de plusieurs pouvoirs examinés au comité de vérification tenu la veille. Ces pouvoirs sont ceux de M. l'archevêque de Paris, de l'évêque d'Orange, de MM. Mayet, curé de la Roche-Taillée, député de la sénéchaussée de Lyon ; de M. Goubert, prévôt du chapitre d'Aubusson, député de la sénéchaussée de Guêret et Haute-Marche; de M. de Champagnv, député de Forez; de M. de Prez de Crassier, député du bailliage de Gex ; de M. de Crecy, député de la sénéchaussée de Ponthieu. M. le rapporteur annonce que ces pouvoirs ont été trouvés en
règle et n'éprouvent aucune contradiction. L'Assemblée les déclare légitimes.
ajoute que le comité, ayanl procédé à l'examen des pouvoirs de M. l'évêque d'Autun, n'a trouvé que le procès-verbal de prestation de serment, énonciatif de l'acte d'élection, mais non l'acte d'élection même. L'Assemblée ordonne que M. l'évêque d'Autun rapportera cet acte dans quinzaine, et que cependant il aura séance et voix délibérative.
ayant fait sur-le-champ rapport des pouvoirs qui venaient d'être remis sur le bureau par MM. de la Rochenégli et Chabaud, l'Assemblée les a reconnus bons et déclarés légitimes.
Un de MM. les secrétaires ayant pareillement rendu compte des pouvoirs remis sur le bureau
Bar M. Veytard, par M. le comte de Pardieu et par
le marquis de Bourran, ceux de M. Veytard et de M. le comte de Pardieu ont été reconnus en bonne forme et déclarés légitimes. A l'égard de M. le marquis de Bourran, le procès-verbal de son élection n'étant pas rapporté, l'Assemblée a ordonné qu'il le serait dans quinzaine, et que cependant M. la marquis de Bourran aurait séance et voix délibérative.
rapporte le résultat de l'examen fait, au comité de vérification, des questions relatives à la députation de Saint-Domingue.
Il fait l'histoire de la colonie de Saint-Domin-gue ; il remonte jusqu'à l'époque où les flibustiers firent une descente dans l'île ; il fixe celle où ils se donnèrent à Louis le Grand ; il passe à la création de l'octroi, il dit qu'il date de 1713, qu'alors il fut accordé pour cinq ans ; il donne 200 lieues de circonférence à la colonie ; il fait monter la population à 40,000 blancs et 500,000 noirs ; il compare l'ouvrage de M. Necker sur l'administration avec le compte rendu de M. de Marbois, intendant de Saint-Domingue, et trouve que le premier portait les impositions de cette colonie à 5 millions, et le second à 6.
11 observe que Saint-Domingue est encore susceptible d'accroissements; qu'il est fâcheux qu'elle gémisse sous l'influence d'un génie oppresseur.
Il a rappelé la forme qu'ont adoptée les colons pour procéder à la nomination des députés ; il aunonce que le nombre en a été porté à 37; qu'ils ont été admis provisoirement au nombre de 12, et que leur vœu se borne à être porté à 20; il résulte, dit-il, de ces réflexions, qu'il y a trois questions à examiner :
La première, pour savoir si la colonie de Saint-Domingue a le droit d'avoir des représentants aux Etats généraux ;
La seconde, si la nomination de ces députés est valable;
La troisième, quel en doit être le nombre.
Sur la première question, il observe que les colons sont tous Français, qu'ils partagent également les charges de la France. Il a fait part de l'avis du comité qui a décidé qu'il n'y avait aucun prétexte plausible pour s'opposer à leur admission ; il cite l'exemple de la Corse, qui a l'avantage d'avoir des représentants ; à plus forte raison l'île de Saint-Domingue doit-elle en avoir. Le comité, ajoute-ii, n'a pas cru devoir s'arrêter à une lettre du ministre qui interdisait à la colonie la faculté d'assister aux Etats généraux actuels, tandis qu'on y donne l'espérance qu'aux Etats
généraux prochains elle pourrait être représentée.
Sur la seconde question, il annonce que le comité a jugé les pouvoirs suffisants, et que la nomination des députés est valable quoique le règlement de convocation n'ait pas été strictement observé.
La troisième question relative à la fixation du nombre des députés a paru plus difficile ; il dit que les sentiments des membres du comité avaient été unanimes sur les deux premières questions, mais qu'ils ont été divisés sur la troisième.
Deux avis différents avaient été ouverts.
Les uns prétendaient que les députés devaient être admis au nombre de vingt. Ils prenaient pour base de leur sentiment l'importance de File de Saint-Domingue, la richesse des colons, sa population, les sénéchaussées, qui sont au nomf bre de 10 ; son commerce, le montant des impoh sitions ; enfin ils étaient d'avis que cette colonie pouvait être regardée comme une grande pro^-vince.
Les autres soutenaient que douze députés représenteraient suffisamment la colonie ; leurs motifs étaient qu'il n'y avait que 40,000 blancs, que les noirs devaient être comptés pour rien, qu'il n'y avait qu'un seul ordre.
11 a fait connaître le résultat des opinions du comité, d'après lequel il y a eu 18 voix pour accorder vingt députés, et m nombre égal pour n'en admettre que douze.
M. Prieur donne ensuite son avis, qui tend p, les, admettre au nombre de vingt.
La discussion s'ouvre.
Je regrette d n'avoir pas été informé qu'on agitait ces question^ majeures. Je me serais livré à un travail que les connaissances que j'ai été à portée de me procurer sur Saint-Domingue m'auraient facilité. Je suis désolé que mon mandat ne me donne qu'une voix consultative. Je ne puis concevoir les raisons qu'on peut apporter pour priver une colonie aussi florissante d'être représentée. Les intrigues doivent cesser, et il est temps que Saint-Domin-gue, qui, depuis si longtemps, gémit sous une anarchie destructive, soit libre.
Je n'ai rien à ajouter sur la nécessité d'admettre des représentants; mais je pense qu'on ne peut se dispenser de se munir de l'autorité royale. Je suis d'avis d'adopter le plus grand nombre de représentants de Saint-Domingue. A une distance immense, il est important de s'attacher cette colonie par des liens inséparables. Je penche pour qu'on en admette au moins vingt.
Je parcourrai d'un œil critique les différents impôts levés sur la colonie. Rappelez-vous les injustices, les vexations qu'on à fait éprouver en tout temps aux malheureux habitants quHa peuplent, et, dans ce nombre, je mets les lois prohibitives; par exemple, le baril de farine se vend, dans ce moment, 80 à 90 livres, tandis que si les ports de l'île étaient libres, on ne le payerait que 45 livres. Les revenus de la colonie pourraient être portés à 100,000,000. Je passe à la question du nombre des représentants. Je distingue à cet égard la population de Saint-Domingue en blancs et en noirs: les premiers au nombre de 40,000, les autres formant une population de 500,000 âmes. Si les noirs sont susceptibles d'être représentés, en accordant 1 députa
par 20,000 âmes, ils devraient en avoir 25. Si les Man'cs seuls sont dans le cas d'avoir des représentants, ils se réduiront par la même raison à 2 députés. Comme je ne veux pas traiter en ce moment la question de l'abolition de l'esclavage, qui, en effet, doit être renvoyée à un temps plus calme, je vote pour 10 députés à raison de l'étendue du commerce et de l'importance de cette colonie.
se borne à faire lecture de l'article de son cahier qui veut que les colonies soient regardées comme provinces.
se borne également à faire connaître le vœu de ses commettants sur l'admission des députés de Saint-Domingue ; il conclut a ce qu'ils ne soient admis que provisoirement.
, archevêque de Bordeaux, demande qu'ils soient admis au nombre de douze, et les autres comme suppléants.
Si l'on admettait un aussi grand nombre de représentants pour Saint-Domingue, les colonies en réclameraient en proportion, et alors ce nombre pourra s'élever à 200.
Cette inégalité de la représentation fae doit pas l'arrêter.
Dans un moment aussi intéressant pour le bien public, je ne me permettrai que de dire un seul mot. J'écarterai même ïous ces témoignages de respect et de vénération qu'inspire une Assemblée aussi auguste.
Ce n'est pas par ambition que la colonie a nommé trente députés et en a envoyé vingt ; elle n'a eu d'autre vue que de coopérer au bien général, que d'apporter des lumières sur des choses inconnues dans la métropole: les culturelles mœurs, les richesses, tout y est d'une nature différente.
Il me semble qu'il n'y a qu'une seule objection (spécieuse contre la députation au nombre de vingt.
Si vous les admettez, vous a-t-on dit, vous [serez obligés d'en admettre deux cents pour les lautres colonies, qui ne tarderont pas à demander légalement une députation.
Mais à cela je répondrai que la population de .Saint-Domingue, ses richesses pour la balance du jcommerce, et ses impôts directs et indirects, excèdent de plus de la moitié les autres colonies ; ainsi donc ce ne serait pour toutes les colonies ique quarante députés que vous admettriez parmi vous.
, député de Bretagne, dit qu'il lest chargé de s'élever contre l'esclavage des nègres, et qu'en attendant que l'humanité et la politique puissent prononcer sur cette question, il ne faut des représentants que pour 40,000 représentés : il demande en conséquence que les nègres ne puissent être considérés dans le calcul du nombre des députés de la colonie, des esclaves ne pouvant être représentés par leurs maîtres.
Je propose :
1° Que le nom deprovinces, îles ou possessions franco-américaines soit substitué à celui de colonie :
2° Que les habitants soient convoqués comme les Français ;
3° Que les plaintes contre les administrateurs soient admises après examen ;
4° Que les Franco-Américains soient invités à fournir des mémoires sur la liberté des nègres et sur les moyens d'améliorer leur sort ;
5° Que les lois prohibitives soient réformées, et que le tableau des impôts directs et indirects soit vérifié.
et un député de la noblesse de Tou-raine déclarent qu'ils sont chargés, par leurs cahiers, de demander que l'on s'occupe du sort des noirs.
Le parlement d'Angleterre s'en occupe dans ce moment, et je peux vous annoncer qu'une société, formée au sein de la capitale, travaille depuis longtemps à rassembler tous les matériaux pour cet objet si digne d'être traité dans un siècle de philosophie et d'humanité ; je demande donc que l'Assemblée prenne en considération la liberté des noirs avant cle se séparer.
On se dispose à aller aux voix sur le second point, savoir quel nombre de députés serait reçu, lorsqu'on annonce que MM. du clergé et de la noblesse non réunis vont se rendre dans l'Assemblée : ce qui suspend la décision.
Il est 4 heures.
On vous a annoncé que le Roi venait d'écrire à la majorité de la noblesse et à la minorité du clergé non réunis, pour les inviter à se rendre enfin dans le sein de l'Assemblée nationale.
C'est sur cette circonstance que je demande la parole.
Messieurs, je sais que les événements inopinés d'un jour trop mémorable ont affligé les cœurs patriotes, mais qu'ils ne les ébranleront pas. A la hauteur où la raison a placé les représentants de la nation, ils jugent sainement les objets et ne sont point trompés par les apparences qu'au travers des préjugés et des passions on aperçoit comme autant de fantômes.
Si nos rois, instruits que la défiance est la première sagesse de ceux qui portent le sceptre, ont permis à de simples cours de judicature de leur présenter des remontrances, d'en appeler à leur volonté mieux éclairée ; si nos rois, persuadés qu'il n'appartient qu'à un despote imbécile de se croire infaillible, cédèrent tant de fois aux avis de leurs parlements, comment le prince qiii a eu le noble courage de convoquer l'Assemblée nationale n'en écouterait-t-il pas les membres avec autant de faveur que des cours de judicature, qui défendent aussi souvent leurs intérêts personnels que ceux du peuple ? En éclairant la religion du Roi, lorsque des conseils violents l'auront trompé," les députés du peuple assurerout leur triomphe ; ils invoqueront toujours la bonté du monarque ; et ce fle sera pas en vain, dès qu'il aura voulu prendre sur lui-même de ne se fier qu'à la droiture de ses intentions et de sortir du piège qu'on a su tendre à sa vertu. Ils ont été calmes dans uu moment orageux, ils le seront toujours; et ce calme est le signe non équivoque du courage.
Mais la journée du 23 juin a fait sur ce peuple, inquiet et malheureux, une impression dont je crains les suites. \
Où les représentants de la nation n'ont vu qu'une erreur de l'autorité, le peuple a cru voir
un dessein formel d'attaquer leurs droits et leurs pouvoirs. Il n'a pas encore eu l'occasion de connaître toute la fermeté de ses mandataires. Sa confiance en eux n'a point encore de racines assez profondes. Qui ne sait d'ailleurs comment les alarmes se propagent, comment la vérité même, dénaturée par des craintes, exagérée par les échos d'une grande ville, empoisonnée par toutes les passions, peut occasionner une fermentation violente qui, dans les circonstances actuelles et les crises de la misère publique, serait une calamité ajoutée à une calamité?
Le mouvement de Versailles est bientôt le mouvement de Paris; l'agitation de la capitale se communique aux provinces voisines, et chaque commotion, s'étendant à un cercle plus vaste, de proche en proche, produit enfin une agitation universelle. Telle est l'image faible, mais vraie, des mouvements populaires; et je n'ai pas besoin de prouver que les derniers événements, dénaturés par la crainte, interprétés par la défiance, accompagnés de toutes les rumeurs publiques, risquent d'égarer l'imagination du peuple, déjà préparée aux impressions sinistres par une situation vraiment déplorable 1
Ah! sans doute/ils seraient pardonnables ces mouvements; fussent-ils même ceux du désespoir, à un peuple qui, sous le règne d'un Roi, s'est vu traîné par la perfidie des mauvais conseils, je ne dirai pas sur les bords, mais sur les pentes escarpées du plus affreux des précipices, lit comment les citoyens auraient-ils les mêmes motifs que les députés pour rassurer leur confiance? Ont-ils vu dans les regards mêmes du Roi, ont-ils senti dans l'accent de son discours combien cet acte de rigueur et de violence coûtait à son cœur ? Ont-ils jugé, par leurs propres yeux, qu'il est lui-même quand il veut le bien, Îui-même quand il invite les représentants du peuple à fixer une manière d'être équitablement gouverné, et qu'il cède à des'impressions étrangères lorsqu'il restreint la générosité de son cœur, lorsqu'il retient les mouvements de sa justice naturelle? Si noire Roi était plus qu'un homme, s'il pouvait tout par lui-même, on ne redouterait pas les effets de cette démarche que des conseillers imprudents et pervers lui ont arrachée; il serait inutile de prémunir le peuple contre les égarements où des intentions criminelles et des séductions adroites pourraient le précipiter.
Quand on se rappelle les désastres occasionnés dans la capitale par une cause infiniment disproportionnée à.ses suites cruelles, tant de scènes déplorables dans différentes provinces où le sang des citoyens a coulé par le fer des soldats et le glaive des bourreaux, on sent la nécessité de prévenir de nouveaux accès de frénésie et de vengeance ; car les agitations, les tumultes, les excès ne servent que les ennemis de la liberté.
Mais les hommes de mauvaise foi qui affectent toujours de confondre la liberté avec les écarts de la licence ; les hommes faibles, incessamment alarmés lorsqu'on leur montre le plus précieux des biens précédé de ses dangers et des convulsions populaires ; le ralliement des partisans du pouvoir absolu, alors armés d'un prétexte ; tant d'infortunées victimes de la fureur du moment, des précautions sanguinaires ou des punitions légitimes; tous ces maux si graves ne sont pas ceux qui, dans ce moment, m'effrayent le plus.
Je considère tous les bons effets d'une marche, ferme, sage et tranquille ; c'est par elle seule qu'on peut se rendre les événements favorables, qu'on profite des fautes de ses adversaires pour
le triomphe du bon droit; au lieu que, jetés peut-être hors des mesures sages, les représentants de la nation ne seraient plus les maîtres de leurs mouvements ; ils verraient d'un jour à l'autre les progrès d'un mal qu'ils ne pourraient plus arrêter, et ils seraient réduits au plus grand des malheurs, celui de n'avoir plus le choix des fautes.
Les délégués de la nation ont pour eux la souveraine des événements, la nécessité ; elle les pousse au but salutaire qu'ils se sont proposé, elle soumettra tout par sa propre force ; mais sa force est dans la raison : rien ne lui est plus étranger que les tumultes, les cris du désordre, les agitations sans objet et sans règle. La raison veut vaincre par ses propres armes; tous ces auxiliaires séditieux sont ses plus grands ennemis.
A qui, dans ce moment, convient-il mieux qu'aux députés de la France, d'éclairer, de calmer, de sauver le peuple des excès que pourrait produire l'ivresse d'un zèle furieux ! C'est un devoir sacré pour les députés que d'inviter leur commettants à se reposer entièrement sur eux du soin de soutenir leurs intérêts, et du soin de faire triompher leurs droits en leur apprenant que, loin d'avoir aucune raison de désespérer, jamais leur confiance n'a été mieux fondée. Trop souvent on n'oppose aux convulsions que la misère ou l'oppression arrachent aux peuples, que les baïonnettes; mais les baïonnettes ne rétablissent jamais que la paix de la terreur et le silence qui plaît au despotisme. Les représentants de la nation doivent, au contraire, verser dans les cœurs inquiets le baume adoucissant de l'espérance, et les apaiser avec la puissance de la persuasion et de la raison. La tranquillité de l'Assemblée deviendra peu à peu le fondement de la tranquillité delà France; et ses F représentants prouveront à ceux qui ne connais- i sent pas les effets infaillibles du régime de la liberté, qu'elle est plus forte pour enchaîner les j peuples à l'ordre public que toutes les cruelles mais petites ressources du gouvernement qui ne met sa confiance que dans ses moyens de contrainte et de terreur. • jl
11 serait donc de la prudence des représen- t tants de la nation de faire une adresse à leurs commettants pour leur inspirer une confiance calme, en leur exposant la position de l'Assemblée nationale ; pour leur recommander, au nom de leurs intérêts les plus chers, de contribuer de toute leur sagesse et de tous leurs conseils au main de l'ordre et de la tranquillité publique, à l'autorité des lois et de leurs ministres ; pour se justifier enfin à leurs yeux quels que soient les événements, en leur montrant qu'ils ont connu tout le prix de la modération et de la paix. Voici le projet d'adresse que je présente :
Projet d'adresse de l'Assemblée nationale à ses commettants. "
Messieurs,, vos députés aux Etats généraux, longtemps retenus dans une inaction bien pénible à leur cœur, mais dont vous avez approuvé les motifs, entraient en activité par le seul moyen qui leur! parût compatible avec vos intérêts et vos droits.
« La majorité du clergé s'était déclarée pour la réunion; une minorité respectable dans la noblesse manifestait le même vœu, et tout annonçait à la France le beau jour qui sera l'époque de sa constitution et dé soû bonheur. « Des événements que vous connaissez ont re-^
tjardé cette réunion, et rendu à l'aristocratie le courage de persister encore dans une séparation qont elle sentira bientôt les dangers.
« L'alarme s'est trop aisément répandue; la capitale a été consternée ; le lieu même où nous sommes a éprouvé une agitation contre laquelle nous avons vu employer des précautions que l'on croit Nécessaires, mais qui n'en sont pas moins alarmantes.
« Tout nous fait un devoir d'aller au-devant des malheurs et des désordres qui dans une situation aussi extraordinaire peuvent sortir à chaque instant de l'inquiétude générale.
« Le renouvellement des Etats généraux après un si long terme, l'agitation qui l'a précédé, le but de cette convocation si différent de celui qui rassemblait vos ancêtres (1), les prétentions de la noblesse, son attachement à des lois gothiques ét barbares, mais surtout les formes vraiment Extraordinaires dont on s'est servi pour faire intervenir le Roi, beaucoup d'autres causes enfin bnt échauffé les esprits ; et l'esprit de fermentation où se trouve le royaume est tel, nous osons le dire, que ceux qui veulent user de violence, lorsque les plus grands ménagements sont tous les jours plus nécessaires, ne se rendent pas seulement indignes d'être regardés comme Français (2), mais méritent d'être envisagés comme des incendiaires.
D'après ces considérations, Messieurs, nous croyons devoir vous présenter le tableau de notre Vraie position, pour vous prémunir contre les exagérations et les craintes qu'un zèle trompé ou que des intentions coupables pourraient affecter de faire prévaloir.
« Dans cette même journée où un appareil plutôt menaçant qu'imposant vous montrait un monarque absolu et sévère, quand l'Assemblée nationale n'aurait voulu voir que le chef suprême, escorté seulement de ses vertus ; dans cette même journée nous avons entendu de sa bouche les déclarations les plus pures de ses grandes vues, de ses intentions vraiment généreuses, vraiment magnanimes. •
« Non, les formes les moins propres à concilier les cœurs ne nous déguiseront point les senti-timents de notre Roi; nous pourrons gémir d'être mal connus de ce prince ; mais nous n'aurons jamais à nous reprocher d'être injustes. Malheur à ceux qui nous peindraient formidables! Nous pourrions le devenir au jour de la justice ; mais ce serait pour eux seuls.
« Et comment les sentiments du Roi pourraient-ils causer quelques alarmes? Si nous connaissions moins ses vues, n'avoms-nous pas la garantie de ses lumières et de son intérêt ? L'aristocratie cessera-t-elle jamais d'être l'ennemie du trône ? Toute son ambition n'est-elle pas de fractionner l'autorité ? Ne sont-ce pas ses prérogatives, ses privilèges, ses usurpations qu'elle cherche à cimenter par de mauvaises lois? Et n'est-ce pas une vérité démontré, que le peuple ne veut que la justice, mais qu'aux grands il faut du pouvoir.
«Ah! l'aristocratie a fait à nos rois le plus erand de tous les maux : elle a souven t
fait douter de leurs vertus môme ; mais la vérité est arrivée au pied du trône, et le Roi
qui s'est déclaré le père de son peuple veut que ses bienfaits
« Nous voyons par l'histoire de tous les temps, surtout par la nôtre, que ce qui est vrai, juste, nécessaire, ne peut pas être disputé longtemps comme illégitime, faux et dangereux; que les préjugés s'usent et succombent enfin par la discussion. Notre confiance est donc ferme et tranquille. Vous la partagerez avec nous, Messieurs, vous ne croirez pas que sous l'empire d'un sage monarque, les justes, les persévérantes réclamations d'un grand peuple puissent être vaines à côté de quelques illusions particulières adoptées par un petit nombre, et qui perdent chaque jour de leurs partisans. Vous sentirez que le triomphe de l'ordre, quand on l'attend de la sagesse et de la prudence, ne doit point être exposé par des agitations inconsidérées.
« C'est à vous, Messieurs, à nous aider dans la carrière qui nous est ouverte par vos conseils et par vos lumières ; vous entretiendrez partout le calme et la modération ; vous serez les promoteurs de l'ordre, de la subordination, du respect pour les lois et pour leurs ministres ; vous reposerez la plénitude de votre confiance dans l'immuable fidélité de vos représentants, et vous nous prêterez ainsi le secours le plus efficace.
« C'est dans une classe vénale et corrompue que nos ennemis chercheront à exciter des tumultes, des révoltes qui embarrasseront et retarderont la chose publique. « Voilà les fruits de la liberté ! voilà la démocratie ! » affectent de répéter tous ceux qui n'ont pas honte de représenter le peuple comme un troupeau furieux qu'il faut enchaîner, tous ceux qui feignent d'ignorer que ce même peuple, toujours calme et mesuré lorsqu'il est vraiment libre, n'est violent et fougueux que dans les constitutions où on l'avilit pour avoir le droit de le mépriser. Combien n'est-il pas de ces hommes cruels qui, indifférents au sort de ce peuple toujours victime de ses imprudences, font naître des événements dont la conséquence infaillible est d'augmenter la force de l'autorité qui, lorsqu'elle se fait précéder de la terreur, est toujours suivie de la servitude? Ah! qu'ils sont funestes à la liberté, ceux qui croient la soutenir par leurs inquiétudes et leurs révoltes ! Ne voient-ils pas qu'ils font redoubler les précautions qui enchaînent lesppuples, qu'ils arment la calomnie au moins d'un prétexte, qu'ils effrayent toutes les âmes faibles, soulèvent tous ceux qui, n'ayant rien à perdre, se font un moment auxiliaires pour devenir les plus dangereux ennemis?
« On exagère beaucoup, Messieurs, le nombre de nos ennemis. Plusieurs de ceux qui ne pensent pas comme nous sont loin de mériter pour cela ce titre odieux. Les choses arrivent souvent à la suite des expressions, et les inimitiés trop aisément supposées font naître les inimitiés réelles. Des concitoyens qui ne cherchent comme nous que le bien public, mais qui le cherchent dans une autre route ; des hommes qui, entraînés
par les préjugés de l'éducation et les habitudes de l'enfance, n'ont pas la force de remonter le torrent; des hommes qui, en nous voyant dans une position toute nouvelle, ont redouté de notre part des prétentions exagérées, se sont alarmés pour leurs propriétés, ont craint que la liberté ne fût un prétexte pour arriver à la licence ; tous ces hommes méritent de notre part des ménagements : il faut plaindre les uns, donner aux autres le temps de revenir, les éclairer tous, et ne point faire dégénérer en querelles d'amour-propre, en guerre de factions, des différences d'opinions qui sont inséparables de la faiblesse de l'esprit humain, de la multitude des aspects que présentent des objets si compliqués, et dont la diversité même est utile à la chose publique sous les vastes rapports de la discussion et de l'examen.
« Déjà nous pouvons nous honorer de plusieurs conquêtes heureuses et paisibles. Il n'est pas un jour qui ne nous ait amené quelques-uns de ceux qui d'abord s'étaient éloignés de nous; il n'est pas un jour où l'horizon de la vérité ne s'agrandisse, et où l'aurore de la raison ne se lève pour quelques individus qui jusqu'à présent avaient été éblouis plutôt qu'éclairés par l'éclat même de la lumière. Que serait-ce si, désespérant de la puissance de la vérité, nous nous étions séparés de ceux que nous invitions inutilement? Nous aurions glacé nos amis même dans les deux premiers ordres de nos concitoyens, nous nous serions privés peut-être de cette réunion si avantageuse à la France, au lieu que notre modération actuelle leur ayant paru un gage de notre modération future, ils ont conclu que la justice dirigeait nos démarches, et c'est en leur nom comme au nôtre que nous vous recommandons cette douce modération dont nous avons déjà recueilli les fruits.
« Qu'il sera glorieux pour la France, pour nous, que cette grande révolution ne coûte à l'humanité ni des forfaits ni des larmes ! Les plus petits Etats n'ont souvent acheté une ombre de liberté qu'au prix du sang le plus précieux.
« Une nation, trop fière de sa constitution et des vices de la nôtre, a souffert plus d'un siècle de convulsions et de guerres civiles avant que d'affermir ses lois. L'Amérique même, dont le génie tutélaire des mondes semble récompenser aujourd'hui l'affranchissement qui est notre ouvrage, n'a joui de ce bien inestimable qu'après des revers sanglants et des combats longs et douteux. Et nous, Messieurs, nous verrons la même révolution s'opérer par' le seul concours des lumières et des intentions patriotiques. Nos combats sont de simples discussions, nos ennemis sont des préjugés pardonnables, nos victoires ne seront point cruelles, nos triomphes seront bénis par ceux qui seront subjugués les derniers. L'histoire n'a trop souvent raconté les actions que de bêtes féroces, parmi lesquelles on distingue de loin en loin des héros ; il nous est permis d'espérer que nous commençons l'histoire des hommes, celle des frères qui, nés pour se rendre mutuellement heureux, sont d'atcord presque dans leurs dissentiments, puisque leur objet est le même et que leurs moyens seuls diffèrent. Ah ! malheur à qui ne craindrait de corrompre une révolution pure, et de livrer aux tristes hasards des événements les plus incertains le sort de la France, qui n'est pas douteux si nous voulons tout attendre de la justice et de la raison.
« Quand on pèse tout ce qui doit résulter, pour le bonheur de 25,000,000 d'hommes, d'une constitution légale, substituée aux caprices ministé-
riels, du concours de toutes les volontés, de| toutes les lumières pour le perfectionnement de nos lois, de la réforme des abus, de l'adoucisse^ ment des impôts, de l'économie dans les financer, de la modération dans les peines, de la règle dans les tribunaux, de l'abolition d'une foule de servitudes qui entravent l'industrie et mutilent les facultés humaines ; en un mot, de ce grand système de liberté qui, s'affermissant sur les bases des municipalités rendues à des élections libres] s'élève graduellement jusqu'aux administrations provinciales et reçoit sa perfection du retour annuel des Etats généraux ; quand on pèse toui| ce qui doit résulter de la restauration de ce vaste empire, on sent que le.plus grand des forfaits, le plus noir attentat contre l'humanité, serait de s'opposer à la haute destinée de notre nation, de la repousser dans le fond de l'abîme pour l'y tenir opprimée sous le poids de toutes ces chaînes] Mais ce malheur ne pourrait être que le résulta? des calamités de tout genre qui accompagnent les troubles, la licence, les noirceurs, les abominations des guerres civiles. Notre sort est dans notre sagesse. La violence seule pourrait rendre douteuse ou même anéantir cette liberté que la raison nous assure.
« Voilà nos sentiments, Messieurs ; nous nous devions à nous-mêmes de vous les exposer, pour nous honorer de leur conformité avec les vôtres ; il était important de vous prouver qu'en poursuivant le grand but patriotique, nous ne nous écarterions point des mesures propres à l'atteindre.
Tels nous nous sommes montrés depuis le moment où vous nous avez confié les plus nobles intérêts, tels nous serons toujours affermis dans la résolution de travailler, de concert avec notre Roi, non pas à des biens passagers, mais à la constitution même du royaume; déterminés à) voir enfin tous nos concitoyens dans tous les or4 dres jouir des innombrables avantages que la| nature et la liberté nous permettent, à soulager le peuple souffrant des campagnes, à remédien au découragement de la misère qui étouffe les vertus et l'industrie, n'estimant rien à l'égal des lois qui, semblables pour tous, seront la sauvegarde commune; non moins inaccessibles aux projets de l'ambition personnelle qu'à l'abatte-i ment de la crainte ; souhaitant la concorde, mais ne voulant point l'acheter par le sacrifice des' droits du peuple; désirant enfin pour unique récompense de nos travaux, de voir tous les enfants de cette immense patrie réunis dans les mêmes sentiments, heureux du bonheur de tous, et chérissant le père commun dont le règne aura été l'époque de la régénération de la France. »
On demande de toutes parts l'impression de cej projet d'adresse.
interrompt la délibération pour annoncer l'arrivée des membres des deux| ordres, non encore réunis.
MM. du clergé et MM. de la noblesse, non réunis, ayant à leur tête : MM. du clergé, M. le cardinal de la Rochefoucauld; et MM. de la noblesse, M. le duc de Luxembourg, entrent dans la salle. j
Messieurs, nous sommes conduits ici par notre amour et notre respect pour le Roi, nos vœux, pour la paix et notre zèle pour le bien public.
Messieurs, l'ordre de la noblesse a arrêté ce matin de se rendre dans la salle nationale, pour donner au Roi des
parques de son respect, et à la nation des preuves de son patriotisme.
Messieurs, le bonheur de ce jour qui rassemble les trois ordres est tel que l'agitation qui accompagne une joie vive ne me jlaisse pas la liberté d'idées nécessaire pour vous répondre dignement ; mais cette joie est une réponse. Nous.possédions l'ordre du clergé; nous possédons aujourd'hui l'ordre entier de la noblesse. Ce jour sera célébré dans nos fastes. Il rend la famille complète ; il finit à jamais les divisions qui nous ont tous mutuellement affligés. JI va remplir le désir du Roi, et l'Assemblée nationale va s'occuper, sans distraction et sans re-Jâche, de la régénération du royaume et du bonheur public
Messieurs, en venant, il y a deux jours, nous réunir à l'Assemblée na-jtionale, nous crûmes servir la patrie ; nous obéî-
mes à l'impulsion irrésistible de notre conscience; mais un sentiment bien pénible se mêlait à la satisfaction que nous éprouvions d'avoir rempli ce que nous regardions comme notre devoir. Aujourd'hui nous voyons avec les transports de la joie la réunion générale qui faisait l'objet de nos désirs. Le bonheur de la France va être le fruit de cet accord unanime, et ce jour est le plus heureux de notre vie.
, président. Le jour de la réunion des trois ordres doit être un jour de réjouissance et de joie." Un moment si touchant pour nous ne doit pas être. employé au travail. Je crois, en conséquence, que cette session doit finir là, et qu'il faut suspendre nos travaux jusqu'à mardi.
Après ces discours, MM. du clergé et MM. de la noblesse sont reçus par l'Assemblée avec de grands applaudissements. On crie plusieurs fois vive le Roi ! Ensuite la séance est levée, et remise au mardi 30 juin, neuf heures du matin.
FIN DES ÉTATS GÉNÉRAUX.
Séance du
ouvre la séance et fait lecture d'une lettre des commissaires des communes de Moncontour en Bretagne, dont la teneur suit:
A. M. Bailly, président de l'Assemblée nationale, à Versailles.
« Monsieur, les communes de Moncontour en Bretagne apprennent que les représentants du peuple français aux Etats généraux se sont constitués en Assemblée nationale le 17 de ce mois, et qu'ils ont pris le même jour différents arrêtés sur des objets de la plus haute importance.
« Toutes ces opérations, fruits du zèle, des lumières et du patriotisme dont les dignes représentants de la nation sont animés, ont répandu diins les communes de Moncontour la joie la plus parfaite.
« Nous soussignés, nous nous empressons, Monsieur, de témoigner, par votre organe, à l'Assemblée nationale, les sentiments de satisfaction et de reconnaissance dont elles sont, comme nous, le plus vivement pénétrées ; nous espérons, Monsieur, que vous voudrez bien offrir de notre part àj cette auguste Assemblée ce faible mais bien sincère témoignage de notre vénération pour elle.
' « Nous avons l'honneur d'être avec respect, Mionsieur, vos très-humbles, etc. J « Les
commissaires des communes de la ville Nfoncontour.
« Montcontour, ce
député des communes de Ver-mandois, maire de Laon, obtient la parole et dit (1) :
Messieurs, lorsque, fidèles aux principes régénérateurs qui doivent assurer les élus de l'Assemblée nationale, vous avez pris le caractère gui seul pouvait convenir à la dignité de la nation dont vous êtes les représentants et aux droits du peuple dont vous êtes les défenseurs, vous avez inspiré à toute la France l'intérêt le plus touchant, et lorsque environnés d'obstacles et menacés d'orages, toujours fermes dans vos principes, vous avez pris la magnanime résolution d'y persister avec une fermeté inébranlable, vous avez ajouté de nouveaux titres à ceux qui vous avaient déjà mérité la reconnaissance publique.
Pénétrés de respect, d'admiration et de gratitude envers vous, Messieurs, émules de votre zèle et de votre patriotisme, les officiers municipaux de la ville de Laon, chef-lieu du bailliage au Vermandois, se sont empressés d'adhérer à vos délibérations, d'en adopter les principes, et de consigner leurs sentiments dans un acte qu'ils nous ont chargés d'avoir l'honneur de présenter à l'Assemblée nationale ; et permettez-nous, Messieurs, de le déposer sur le.bureau.
Heureux d'être en ce moment, Messieurs, les organes de nos concitoyens, il nous est doux de pouvoir vous féliciter sur une réunion qui faisait l'objet de tous les vœux et qui sans doute va combler toutes les espérances.
(Extrait du registre des délibérations de l'Hôtel de Ville de Laon, du 26 juin 1789.)
« Messieurs, partageant les sentiments de l'Assemblée nationale, et rendant hommage à la fermeté et au patriotisme éclairé qui a dicté ces délibérations, auxquelles ils adhèrent, ont arrêté qu'expédition de la présente délibération serait envoyée à MM. les députés du bailliage de Vermandois, avec prière de vouloir bien la présenter à l'Assemblée nationale, comme un témoignage de la reconnaissance de la commune, et ont signé.
« Ainsi signé: Mauclaire, leChenetier, Maynon, Forcaul, Regnault, Maréchal et Rossignol. »
Pour expédition conforme, signé, Dutlos.
, président. Messieurs, l'Assemblée nationale invite MM. du clergé et de la noblesse qui se sont réunis à nous samedi dernier à lui communiquer leurs pouvoirs, afin que l'on puisse les soumettre à l'examen de la commission établie pour la vérification des pouvoirs. Cette opération essentielle terminée, l'Assemblée pourra procéder demain à la nomination de nouveaux officiers.
Un grand nombre les ont remis à l'instant sur le bureau. Plusieurs, dont les noms sont portés en une liste qui sera annexée au procès-verbal de .la présente séance, ont remis sur le bureau différentes déclarations de pouvoirs de leurs commettants. Quelques-unes de ces déclarations contiennent des réserves et protestations.
l'un des députés de la ville de Paris, a dit qu'il se bornait à déclarer qu'il ne donnerait qu'une opinion consultative, jusqu'à ce qu'il eût reçu de nouveaux pouvoirs.
Plusieurs députés de la noblesse nouvellement réunis déposent sur le bureau des actes, des déclarations et des protestations.
Première protestation.
Les députés de la noblesse du Poitou, forcés par leurs mandats impératifs de ne jamais se départir de la délibération par ordre, déclarent qu'ils ne peuvent participer en rien aux délibérations de cette Assemblée, jusqu'à ce que leurs représentants aient pesé dans leur sagesse s'ils jugent convenable de leur donner de nouveaux pouvoirs, et jusqu'à l'obtention de nouvelles lettres de convocation.
Ils font toutes réserves contre les délibérations qui pourraient être prises dans l'Assemblée.
Deuxième protestation.
« On ne marchande pas avec l'honneur; je parle aux représentants de la nation française: qui mieux qu'eux peut juger du point d'honneur?
« Mes commettants m'ont envoyé vers vous pour les soumettre à l'égalité des charges, pour renon-
cer à leurs privilèges pécuniaires; mais ils m'ont astreint, ils m'ont enchaîné à la délibération par ordre; ils révoquent même tous mes pouvoirs; dans le cas où je ne soutiendrais pas de toute ma force cet article de mes cahiers. Il faut être d'accord avec sa conscience.
« Signé : le baron de MonîaGIT, député du Limousin. »
Troisième protestation.
« Je soussigné, député de la haute Auvergne, au bailliage de Saint-Flour, déclare regarder la vérification commune, tenant à l'opinion par tète[ comniecontraireauxdroitsde la noblesse; enconséi quence, je ne peux prendre part aux délibération^ de l'Assemblée, jusqu'à ce que mes commettants m'aient donné de nouveaux pouvoirs.
« Signé le duc de Caylus. »
Quatrième protestation.
M. le comte de Montfort fait une protestation semblable.
Cinquième protestation.
Le marquis d'Ambly déclare que jusqu'à ce qu4 ses commettants lui aient donné de nouveaux pouvoirs, il ne pourra en rien prendre part aux délibérations de l'Assemblée.
, député de Reims, et collègue de M. d'Ambly, n'entend pas cette déclaration sans étonnement. Il demande la parole; il commence par lire les pouvoirs qui lui ont été donnés par la noblesse au bailliage de Reims.
M. le marquis de Sillery. D'après cette lecture, l'Assemblée voit bien quer la noblesse de Champagne donne une liberte entière d'adopter toute loi proposée par les Etats généraux. Ces mandats ne sont impératifs que sur la constitution. Je suis tout aussi délicat que M. d'Ambly; et si mon mandat eût été impératif, je l'aurais rempli avec une aussi grande exactitude que M. d'Ambly.
Sixième protestation.
Un député de la noblesse du Nivernais a ensuite exposé que son mandat était impératif; il a dit qu'il n'était pas besoin d'annoncer qu'il y serait fidèle ; que l'opinion qu'il a conçue de la probité de tous les membres est garant en quelque sorte de la sienne ; que l'on ne transige pas avec sa conscience ni avec un serment. « Mais je retournerai vers mes commettants, a-t-il ajouté, je leur demanderai des pouvoirs plus étendus, et je me hâterai de venir ensuite m'éclairer dans cette auguste Assemblée.
« C'est à vous, Messieurs, à peser dans votre sagesse quelle mesure doit avoir dans vos délibérations une partie de la nation qui va encore se trouver assemblée. »
Septième protestation.
La députation d'Amiens a fait aussi ses protestations.
Liés par la religion du serment, ils ne pourraient avoir voix délibérative; ils vont demander à leurs commettants un mandat moins limité, et ils conserveront voix consultative.
La noblesse du bailliage de Garcassonne a présenté un acte de protestation, le même quant à l'objet, mais beaucoup plus étendu ; il renferme des principes très-développés sur l'avantage du droit ^ de veto sur les lois constitutives de notre monarchie.
Huitième protestation.
Les députés de la noblesse de Brest ont protesté; liés par un serment rigoureux à ta forme ancienne et constitutionnelle des Etats généraux, ils déclarent qu'ils ne se sont rendus dans cette salle que par rinvitatioii qui leur en a été faite par Sa Majesté; déclarent, en outre, qu'ils persistent dans la délibération par ordre jusqu'à de nouveaux pouvoirs.
Neuvième protestation.
r Un député de Paris, en déclarant qu'il attendait de nouveaux pouvoirs, a représenté qu'il pensait avoir le droit de soumettre à l'Assemblée ses réflexions et d'avoir voix consultative.
Dixième protestation.
J La noblesse du Périgord déclare qu'elle ne peut participer en rien aux délibérations qui pourront ^tre prises par les trois, ordres, ou par un des deux, ou deux ensemble.
Onzième protestation.
La noblesse d'Amont proteste également.
Un des députés des communes du même bailliage observe que les cahiers du bailliage d'Amont ne sont pas tels que la protestation l'annonce; et M. de Puzy proteste contre la qualité de député de la noblesse que M. le prince de Beaufremont a prise dans son acte de protestation. I Plusieurs nobles protestent de vive voix.
Un des députés de la noblesse du Nivernais dit que son mandat lui prescrit impérativement de ne point délibérer en commun. On ne transige 'point avec ses sentiments, dit-il; je puis désirer de l'indulgence pour moi, mais j'ai le droit de demander justice pour mes commettants. Je resterai muet ; et l'orateur s'est tu.
On lit encore les protestations de la noblesse |des bailliages de Verdun, du Berry, d'Evreux, 'Bigorre, Bas-Limousin, Basse-Marché, Bourgogne, Castellemoron, Besançon, Nemours, Goutances, iLimoux, Bugey, Sezanne, La Rochelle, Rodez, ;Clermont en Beauvoisis.
, Messieurs, il me semble qu'avant de lire toutes les protestations dont on nous entretient depuis une heure, et de prendre sur cela aucune délibération, il est né-j cessaire que nous vérifiions les pouvoirs de ceux qui les font : car, avant de protester contre l'organisation de la Chambre nationale, il faut d'a-j bord savoir si celui qui proteste en est véritablement membre, et il ne peut être considéré comme tel qu'après que ses pouvoirs ont été vérifiés. ; Mon avis est donc qu'on mette de côté toutes ces protestations, et que l'on s'occupe uniquement des i pouvoirs de ceux de MM. du clergé et de la no-
blesse qui se sont réunis samedi dernier à l'Assemblée nationale.
appuie vivement cette opinion.
Le salut de l'Etat est la loi générale; c'est à l'autorité légitime à détruire les obstacles dans l'état actuel. Quant aux pouvoirs impératifs, l'Assemblée examinera un jour si elle peut en donner; mais cette loi n'est pas faite; les choses sont dans l'état ancien qui a permis les pouvoirs impératifs. Il faut donc prendre les choses sur l'état ancien ; et, dans tous les cas, il est impossible de refuser aux députés de se justifier vis-à-vis de leurs commettants, et de faire des actes et des protestations sur cet objet.
Il n'était pas possible de s'empêcher de recevoir les déclarations jointes aux pouvoirs ; mais il n'en est pas de même des protestations qui supposent un pouvoir reconnu; ainsi on peut renvojer aux commissaires les pouvoirs remis, pour être vérifiés, et les actes entre les mains des secrétaires, pour y être statué après le jugement porté sur la vérification des pouvoirs.
. Je conviens qu'on ne peut s'empêcher de recevoir les actes remis par MM. de la noblesse, en ce que cette remise satisfait la délicatesse des membres qui ont des pouvoirs à remettre. Je demande qu'il leur en soit donné acte, et qu'ils soient renvoyés aux commissaires.
M**\ Ces actes ont pour objet de justifier les députés aux yeux de leurs commettants. Considérés comme protestations, ils ne vaudront qu'autant que la majorité de l'Assemblée y adhérera.
Je demande que la lecture de ces actes soit déclarée nulle, parce que des députés présumés ne pouvant pas protester, mais seulement exhiber leurs pouvoirs, ces actes et ces protestations ne peuvent pas même être lus.
L'Assemblée nationale arrête que les pouvoirs remis sur le bureau par MM. du clergé et de la noblesse nouvellement réunis seront portés au comité de vérification, pour l'examen et le rapport en être fait à l'Assemblée ;
Qu'à l'égard des actes remis sur le bureau par quelques membres du clergé et de la noblesse, ils demeureront entre les mains des secrétaires pour, après la vérification des pouvoirs, être avisé par l'Assemblée ce qui conviendra^
Le comité de vérification des pouvoirs et celui du règlement sont avertis de s'assembler à cinq heures.
La séance se termine à une heure, elle est renvoyée à demain neuf heures.
Liste des membres du clergé et de la noblesse quiont remis des déclarations et des réserves
sur le bureau9 dans la séance du
MM. L'évêque de Beauvais, député du clergé du bailliage de Clermont en Beauvoisis.
Laborde, curé de Corneillan, député de la séné-, chaussée de Condom.
Lecarpentier de Chaillouet, député de la noblesse d'Alençon.
Le marquis de Vrigny, idem.
Le baron d'Andlau, député d'Alsace.
Le baron de Rathsamhausen, idem.
MM. Le baron de Flaschlanden, idem.
Le comte de Montjoye-Vaufrey, idem.
Le baron de Lauderberg-Wergenbourg, idem.
Le prince de Beauffrcmont, député de la noblesse
du bailliage d'Amont en Franche-Comté.
Le président de Yezel, idem.
Le marquis de Moustier, idem.
De Saint-Simon, député de la noblesse d'An-goumois.
Le comte de Culant, idem.
Le comte de Reuillez, député de la noblessed'Anjou.
Le comte de Dieuzie, idem.
Le duc de Choiseul, idem.
De Digoine, marquis du Palais, député de la noblesse d'Autun.
De Moncorps, député delà noblesse d'Auxerre.
Le baron de Crussol, député de la noblesse de Bar-sur-Seine.
Le comte de Laipaud, député de la noblesse de la sénéchaussée de Basse-Marche.
- Le vicomte de la Queuille, député de la noblesse du Bas-Limousin.
Le baron de Poissac, idem.
Le marquis de Monspey, député de la noblesse de Beaujolais.
Le marquis de Clermont-Mont-Saint-Jean, député de la noblesse de Belley.
Le comte de Lachâtre, député de la noblesse de Puivallée.
Le vicomte de Lamerville, idem. De Bengy de Puy-Vallée, idem.
De Grosbois, député de ia noblesse de Besançon.
Le baron de Gonnès, député de la noblesse r de Bigorre.
Le duc de Villequier, député de la noblesse du Boulonnois.
De Garon de la Rivière, député de la noblesse de. Bresse.
De Cardon, baron de Sandrans, idem.
Le duc de Coigny, député de la noblesse de Caen.
Le comte Louis de Varsy, idem. Le baron de Wimpfen, idem.
Le marquis d'Upac de Badens, député de la noblesse de Carcassonne.
Le comte de Montcalm-Gozon, idem.
Le chevalier de Châlon, député de la noblesse de Castelmoron.
Le marquis de Vaudreuil, député de la noblesse de Castelnaudary.
Le comte de Toulouse-Lautrec, député de la noblesse de Castres.
Le marquis de Bernard de Sassenay, député dela nonlesse de Châlon-sur-Saône.
Burignot de Varenne, idem.
Le baron de Montboissier, député de la noblesse de Chartres.
De Graimberg de Belleau, député de la noblesse de Château-Thierry.
- Le comte François d'Escars, député de la no-blesse de Chatellerâult.
Le duc de Liancourt, député de la noblesse de Clermont en Beauvoisis.
Le comte de Montboissier, député de la noblessede Clermont-Ferrand.
Le vicomte d'Ustou de Saint-Michel, député de lanoblesse de Comminges.
Le baron de Montagut-Barrau, idem.
Le marquis de Lusignan, député de la noblesse de Condom.
Achard de Bonvouloir, député de la noblesse de Coutancës.
De Beaudrap, idem.
Le comte de Villarmois, idem.
Le Clerc, baron de Juigné, idem.
Le Mulier de Bressey, pour lui et pour le comte de Lévis, député de la noblesse de Dijon.
Vincent de Pannette, député de la noblesse de Dombes.
Le baron de Gauville, député de la noblesse de Dourdan.
Le marquis d'Usson, député de la noblesse du comté da Foix.
De Villiers, député de la noblesse de Gien.
MM. Le chevalier de Verthamont, député de la noblesôe de Guyenne,
Le président Lavie, idem.
Le vicomte de Ségur, idem.
Malartic, député de la noblesse de la Rochelle,
Du Puch de Montbreton, député de la noblesse de Libourne.
Le baron de l'Iluillier-Rouvenac, député de la noblesse de Limoux.
Le marquis de Mont d'Or, député de la noblesse de Lyon.
Le chevalier de Boisse, idem.
Le marquis de Loras, idem.
Le marquis de Ternay, député de la noblesse de Loudun.
Le comte de Montrevel, député de la noblesse du Maçonnais.
De Montesson, député de la noblesse du Maine,
j Le chevalier de Hercé, idem.
Le vidame de Vassé, idem.
Le bailly de Fresnay, idem.
Le marquis de Juigné, député des Marches-Communes du Poitou et Bretagne.
Le marquis d'Apchier, député de la noblesse qe Mende.
Le comte de Toustain de Viray, député de la noblesse de Mirecourt.
De Menonville, idem.
Le vicomte de Noailles, député de la noblesse de Nemours.
Le président de Saint-Fargeau, député de la no-blessse de la ville de Paris, Le comte, de Levis-Mirepoix, idem.
Duval d'Éprémesnil, député de la noblesse de la prévôté de Paris, hors les murs.
Le duc de Castries, idem.
Le président d'Ormesson, en son nom et en celui du bailly de Crussel, malade.
Le comte de Puisaie, député de la noblesse du Perche.
Le marquis Foucauld de Lardimalie, idem.
Le duc de Montmorency-Luxembourg, député de la noblesse de Poitou.
Le marquis de Crussol d'Amboise, idem.
Le chevalier de Lacoudraye, idem. Le vicomte de Lachâtre, idem.
Le marquis de Ribemont, idem. Le comte de Lambertye, idem.
Le duc de Biron, député de la noblesse de Quercy.
Le marquis de Làvalette-Parisot, idem. Le comte de Plas de Tanne, idem.
Le duc de Croï, député de la noblesse du Quesnoy.
Le comte de la Marck, idem.
Le marquis d'Ambly, député de la noblesse dp Reims.
Le vicomte de Panat, député de la noblesse de Rhodez.
De Cazalès, député de la noblesse de Rivière-Verdun.
Le marquis de Mortemart, député de la noblesse de Rouen.
Le comte de Trie, idem.
Comasera, député de la noblesse de Rous^-sillon.
Le duc de Caylus, député de la noblesse de Saint-Flour.
Le baron d'Aurillac, idem.
Le baron de Rochebrune, idem.
Latour-du-Pin, député de la noblesse de Sain-jtonge. Richier, idem.
Le duc de Mortemart, député de la noblesse de Sens.
Le marquis de Pleurre, député de la noblesse de Sézanne.
Le comte d'Egmont, député de la noblesse de Soissonnois.
Le comte de Renel, député de la noblesse de Toul.
De Maurens, député de la noblesse de Toulouse.
Le marquis d'Avessens de Saint-Romé, idem.
Le marquis d'Escouloubre en son nom et en celui du marquis de Panat, absent pour maladie, idem.
MM. Le baron de Pouilly, député de la noblesse de Verdun.
Le comte de Barrançon, député de la noblesse de Villers-Cotterets.
De Ballidard, député de la noblesse de Vitry-le-Français.
Le comte de Failly, idem.
De Roisgelin, archevêque d'Aix, député de la sénéchaussée d'Aix.
Martinet, prieur de Draon, député de la sénéchaussée d'Anjou.
Breuvard, curé de Saint-Pierre de Douai, député du bailliage de Douai.
Thomas, curé de Mormant, député du bailliage de Melun.
Le comte de Lagalissonnière, député de la sénéchaussée d'Anjou.
Le comte de Dieuzie, idem.
lift comte de Reuillez, idem.
Le duc de Choiseul-Praslin, idem.
Le marquis de Vaudreuil, député de la sénéchaussée de Castelnaudary.
Le baron de Juigné, idem.
De Montesson, député de la sénéchaussée du j Maine.
Le comte de Tessé, idem.
Le marquis de Saint-Maurice, député de la sénéchaussée de Montpellier,
Le marquis de Causans, député de la principauté d'Orange.
Le comte de Laroque de Mons, député de la sénéchaussée du Périgord.
Le duc de Mailly, député du bailliage de Péronne.
Séance du
A l'ouverture de la séance, plusieurs personnes venues de Paris, se disant députées par un grand nombre de citoyens, se présentent à l'Assemblée nationale, et font remettre une lettre à M. le président.
On fait lecture de cette lettre. L'objet de la députation est de solliciter l'Assemblée nationale îl'interposer sa médiation auprès du Roi pour en obtenir la grâce de quelques soldats aux gardes françaises, qui, pour un fait d'insubordination, ènt été mis en prison, et devaient être conduits à Bicêtre. La multitude les a délivrés par la violence.
Les citoyens porteurs de cette lettre font demander à être introduits dans l'Assemblée.
, président. Messieurs, en recevant cette lettre, j'ai déjà prévenu préliminairement ceux qui me l'ont remise que l'Assemblée natio-pale ne pouvait donner aucun ordre sur le différend qui subsiste entre le colonel des gardes françaises et ses soldats. Cependant les circonstances sont pressantes ; le mal est instant ; le salut ae la capitale dépend peut-être du parti que vous allez prendre, et je suis d'ayis de mettre cette affaire en délibération.
L'Assemblée décide d'abord qu'il n'y a pas lieu d'accorder l'entrée à la députation.
Elle met ensuite en délibération la question de savoir s'il sera répondu à la lettre.
M**\ Prenons garde, défions-nous du piège qu'on nous tend en voulant que nous nous mêlions d'une affaire si évidemment étrangère à notre mission et au pouvoir essentiel de l'Assemblée ; on cherche à nous compromettre, ou avec le peuple, ou avec le monarque. S'il arrive un événement fâcheux, on nous peindra comme des tribuns d'un peuple que nous cherchons à soulever; et si cette intervention dissipe cet orage, on nous fera un crime de notre succès. Ainsi, il faut déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer.
D'autres membres cherchent à intéresser l'Assemblée sur le sort de ces malheureuses victimes du zèle égaré. Ils font un tableau des faits ; et en appuyant sur le danger des circonstances et l'urgence du moment, ils établissent qu'il importe aux intérêts de l'Assemblée, au bien de la nation, qu'on prenne en considération la lettre des Parisiens.
, archevêque de Bordeaux. L'Assemblée serait inexcusable si, dans un moment où elle est animée du bien public, elle ne prenait en considération le fait dénoncé. Ces différentes considérations ne peuvent être examinées que par un comité.
L'impassibilité la plus absolue doit être le caractère essentiel de l'Assemblée. Dans une circonstance aussi pénible, il y a une distinction essentielle à faire entre le pouvoir exécutif et le législatif. Le pouvoir militaire, qui est la sauvegarde de la tranquillité publique, est du ressort du pouvoir exécutif.
Ce serait manquer au plus pressant de tous les devoirs que de s'amuser à nommer un comité pour examiner une révolte ouverte. Les troubles populaires ne peuvent être soumis à un pareil examen ; ils sont du ressort du pouvoir exécutif.
appuient ces observations.
On fait une seconde lecture de la lettre ; elle est ainsi conçue :
« Monsieur le président, une nouveauté inouïe vient de répandre l'alarme dans la ville de Paris.
« Le peuple s'est porté en foule hier aux prisons de l'Abbaye pour arracher des fers deux gardes françaises que M. le duc du Chàtelet y avait fait mettre contre toute justice.
« Ces deux malheureuses victimes ont été portées en triomphe au Palais-Royal, où le peuple les a prises sous sa sauvegarde; elles y ont passé la nuit. Nous attendons avec respect, Monsieur le président, que l'Assemblée nationale veuille bien s'occuper des moyens nécessaires pour rendre le calme à la capitale et la liberté à nos frères. »
Plusieurs autres motions sont présentées. Un secrétaire en fait lecture.
Motion de M. Fréteau.
« Nos cahiers nous prescrivent quelle est la marche que nous devons suivre dans une affaire aussi importante et dans une circonstance aussi pritique.
« Nos-cahiers attribuent le pouvoir exécutif au Roi et nous laissent l'exercice du pouvoir législatif.
« Nous devons nous renfermer dans nos mandats; or, de quoi s'agit-il ici? d'un fait de police, d'une discipline militaire qui ne nous concerne pas. Est-ce à nous à nous attribuer la discipline militaire? est-ce à nous à veiller sur la sûreté publique ? Ces soins importanis sont ceux du pouvoir exécutif ; c'est au Roi qu'ils appartiennent. »
détaille avec éloquence les mêmes principes, et en tire la môme conséquence.
. Laissons gronder autour de nous les orages, soyons impassibles sur nos sièges ; faire de bonnes lois, assurer à nos concitoyens le bonheur qu'ils nous ont confié, tels sont les grands travaux auxquels nous sommes appelés.
Plusieurs membrçs n'ont parlé que pour s'opposer au renvoi à un comité, que pour abandonner les gardes-françaises à la justice ordinaire ; personne ne proposait de moyen pour adoucir la rigidité d'un principe, qui, loin de calmer le peuple, l'aurait peut-être excité davantage, lorsque M. Desmeuniers présente cette motion :
Motion de M, Desmeuniers.
« Je n'ignore pas quelles sont les bornes qui séparent le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif; je sais que le pouvoir législatif seul réside dans nos mains. Mais il est des circonstances où ces deux pouvoirs se rapprochent, se confondent, et c'est certainement dans des circonstances aussi orageuses qu'ils doivent agir de concert et d'intelligence pour ramener la paix et le calme.
« Ayant l'honneur d'être député de cette ville, qu'il me soit permis d'y porter plus particulièrement mes regards. Je croirais qu'il convient d'envoyer des députés, non pas au Roi, non pas aux ministres, non pas au colonel des gardes fran çaises, mais à la capitale, pour calmer, par leur présence et leurs exhortations, des troubles dont le feu peut s'étendre rapidement dans toutes les parties du royaume. »
Plusieurs membres de la noblesse parlent ensuite.
prétend qu'il ne faut point prendre connaissance d'une affaire purement militaire, et qui doit être jugée selon les lois militaires.
D'autres membres de la noblesse répondent à la motion de M. Desmeuniers, au sujet de la députation qu'il a proposée pour calmer les émeutes de la capitale. Ils prétendent que cette députation ne peut avoir lieu sans l'autorisation du Roi ; que c'est là un acte public qui appartient à l'autorité exécutive.
Cette opinion est combattue par des membres des trois ordres. Le Roi, disent-ils, ne peut empêcher que les députés ne se transportent dans la ville de Paris pour y ramener la paix : revêtus de l'opinion publique, ils auront une influence qui ne pourra produire que la concorde.
présente un autre moyen de conciliation : il propose d'envoyer à la ville de Paris une adresse dont il fait lecture.
Cette adresse contient les sentiments de paix et les exhortations les plus touchantes pour faire cesser les émeutes populaires, qui contrarient
l'activité des opérations des Etats généraux, ejt donnent lieu aux calomnies les plus atroces, en les attribuant aux membres de l'Assemblée nationale, qui fera tous ses efforts auprès du Roi pour obtenir la grâce des malheureuses victimes qui se sont laissées entraîner par l'impulsion du patriotisme.
propose de charger les députés de la ville de Paris d'écrire, au nom de l'Assemblée, à MM. les électeurs de la ville de Paris, pour le!s inviter à calmer les agitations auxquelles la capitale est livrée.
propose d'envoyer au Roi une députation de quatre prélats, pour solliciter la clémence de Sa Majesté.
On demande à aller aux voix ; M. Chapelier demande la parole.
Cette Assemblée ne doit pas manifester une indifférence trop sévère dans les circonstances malheureuses où nous nous trouvons.
Je distingue, comme tout autre, le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; mais faut-il s'en tenir si strictement à cette distinction, que l'on ne puisse porter des secours aux malheureuses victimes de l'injustice ou du despotisme ?
C'est dans ce moment que les deux pouvoirs qui se balancent mutuellement doivent se confondre pour prévenir les malheurs publics, suites inévitables d'un incendie qui est prêt à se manifester.
C'est dans ce moment qu'il serait dangereux de témoigner une insensibilité cruelle pour ceux qui, dans toute autre circonstance, seraient coupables, mais qui aujourd'hui ne sont que trop excusables.
En effet, quelle est l'origine des révoltes qui éclatent dans Paris? C'est la séance royale, c'est le coup d'autorité porté aux Etats généraux, c'est cette espèce de violation, cette usurpation de l'autorité exécutive sur l'autorité législative, effets funestes, mais toujours inévitables, lorsque l'une de ces deux autorités l'emporte sur l'autre.
Je propose l'arrêté suivant :
Il sera nommé six députés qui s'accorderont avec les ministres du Roi sur le parti à prendre pour apaiser le plus promptement l'émeute de là capitale.
Cet arrêté est couvert d'applaudissements.
M. l'évêque de Langres, n'adoptant point cet arrêté, demande la parole.
évêque de Langres. Ce n'est point le moment d'envoyer une députatioiji prise parmi les prélats pour solliciter la bonté du Roi ; sans doute leur caractère est celui de la re4 ligion et de la charité, mais il ne leur convient point de demander grâce pour des hommes gui sont encore dans un état de sédition ; la question se réduit à celle de savoir si, en allant implorer la clémence du Roi, ce ne serait point tenter une démarche imprudente, qui ne promettrait qu^ l'impunité.
, archevêque de Vienne, est du même avis que M. l'évêque de Langres.
Enfin, après bien des débats, on fait le résume des différentes motions, et l'on va aux voix sur la question de priorité entre les suivantes :
Première motion, de M, de Grillon.
Le président sera autorisé à faire passer au ^arde des sceaux la lettre des envoyés de Paris, en retranchant toutefois les signatures ; déclarera que le pouvoir exécutif ne concerne pas l'Assemblée ; qu'elle intercède auprès du Roi pour obtenir , line amnistie générale.
J On est allé aux voix sur cette première proposition ; on s'est servi, pour opiner, de la manière de se lever et de s'asseoir. Pérsonne ne se lève pour adopter la motion.
Seconde motion, de M. Lemercier.
' Charger M. le président de dire à ceux qui sont vjenus de la part de la ville de Paris : Retournez promptement vers ceux qui vous ont envoyés ; dites-leur que le véritable moyen de mériter les égards de l'Assemblée, qui ne cesse de s'occuper d|e leurs intérêts, est de rentrer dans l'ordre et de porter leurs concitoyens à la paik la plus parfaite.
i Pour délibérer sur cette motion, on procède à la même manière de voter, et personne ne se lève.
Troisième motion, de M. Camus.
Charger quatre de MM. les prélats de se transporter sur-le-champ auprès du Roi pour intéresser qt solliciter sa bonté ;
Charger M. le président de répondre sur-le-champ aux envoyés que ce n'est que par la paix et la tranquillité que le peuple peut aider les opérations de l'Assemblée ; , Charger MM. les députés de la ville de Paris d'écrire à MM. les électeurs pour le même objet. Cette motion est également rejetée.
Quatrième motion, de M. le comte de Roufflers.
L'Assemblée nationale déclare que la connaissance des affaires relatives aux troubles populaires appartient uniquement au Roi; elle condamne ceux qui agitent la ville de Paris, et elle en gémit : ses membres ne cesseront de donner nexemple du plus profond respect pour l'autorité royale, de laquelle dépend la sécurité de l'empire.
Elle conjure donc le peuple de la capitale de rfentrer dans l'ordre et de se pénétrer des sentiments de paix qui peuvent seuls assurer les biens infinis que la France est prête à recueillir de liAssemblée libre des Etats-Généraux, et auxquels la réunion volontaire des trois ordres ne laisse plus d'obstacle.
j Cette motion a le sort des précédentes.
Cinquième motion, de M. Target.
Charger M. le président de dire aux envoyés de Paris de reporter le vœu de la paix et de l'union, seules capables de seconder le travail de l'Assemblée pour la félicité publique;
Que MM, les députés de Paris seront chargés d'écrire à MM. les échevins de la même ville, que 1 Assemblée les invite à seconder de tous leurs efforts les sentiments de paix qui animent l'Assemblée nationale;
Que quatre de MM. les prélats se rendront auprès de la personne du Roi pour l'instruire du
parti pris par l'Assemblée, et supplier Sa Majesté d'employer les moyens infaillibles de la douceur et de la confiance dans le peuple le plus fidèle de la terre ;
Cette motion est rejetée.
Le trouble s'élève tout à coup dans l'Assemblée.
Les évêques crient au despotisme de l'Assemblée ; les curés regardent comme injurieuse une députation prise parmi les prélats ; les nobles se plaignent que l'on n'eût point accepté telle ou telle motion ; les communes ne paraissent point d'accord sur celle qu'il convient d'adopter.
Au milieu de cette division générale un mem- -bre'de la noblesse veut faire cesser la délibération; il éclate avec véhémence contre l'émeute, dont il dit que l'Assemblée veut soustraire les auteurs à la sévérité des lois.
Doit-on voir avec indifférence une vaine populace forcer les portes des prisons, bouleverser l'ordre, etc.? Est-ce à l'Assemblée nationale à protéger de tels excès ? Ne serons-nous pas exposés aux fureurs de la populace si, dans les divers jugements que nous aurons à prononcer, il y en avait de contraires à sa volonté? N'est-ce pas là une véritable anarchie, et la liberté de l'Assemblée n'en serait-elle pas violée?
Ces réflexions, exprimées avec force, font une vive impression ; les uns s'empressent de les repousser, les autres de les développer avec une nouvelle chaleur.
Le tumulte augmente ; plusieurs voix se font entendre pour demander lecture de la motion de M. Chapelier.
Le silence se rétablit alors, et l'on continue la lecture des diverses motions proposées.
Sixième motion, de M. Chapelier.
L'Assemblée nationale nommera six membre pour concerter avec les ministres du Roi, dépositaire du pouvoir exécutif, et aviser ensemble aux moyens les plus prompts, les plus sûrs et les plus doux de rétablir la tranquillité publique.
Plusieurs membres adoptent ce parti ; mais ils sont en trop petit nombre pour qu'il passe.
Les motions de M. de Boufflers et de M. Target sont approuvées par la majorité. Le bureau les réduit l'une et l'autre à une seule. On en propose la lecture à l'Assemblée ; elle est acceptée en ces termes :
arrêté (1).
« 11 sera répondu, par M. le président, aux personnes venues de Paris, qu'elles doivent reporter dans cette ville le vœu de la paix et de l'union, seules capables de seconder les intentions de l'Assemblée nationale et les travaux auxquels elle se consacre pour la félicité publique.
« L'Assemblée nationale gémit des troubles qui agitent eu ce moment la ville de Paris ; et
ses membres, en invoquant la clémence du Roi pour les personnes qui pourraient être
coupables, donneront toujours l'exemple du plus profond respect pour l'autorité royale, de
laquelle dépend la sécurité de l'empire. Elle conjure donc les habitants de la capitale de
rentrer sur-le-champ
« 11 sera fait au Roi une députation, pour l'instruire du parti pris par l'Assemblée nationale, et pour le supplier de vouloir bien employer, pour le rétablissement de l'ordre, les moyens infaillibles de la clémence et de la bonté qui sont si naturelles à son cœur, et de la confiance que son bon peuple méritera toujours.
« Le présent arrêté sera imprimé et rendu public. »
En conséquence de cet arrêté, l'Assemblée nationale députe vers le Roi MM. Le Clerc de Juigné, archevêque de Paris ; de Machault, évêque d'Amiens ; Massieu, curé de Sergy ; Champeaux, curé de Montigny ; le chevalier de Boufflers; de la Li-nière ; le marquis de Lencosne ; le marquis d'A-varay; Arnoul ; Lemercier ; Thouret; Hebrard ; Barrière de Vieuzac; Maillot ; Lapoule ; Emmery.
Une copie de l'arrêté est remise sur-le-champ entre les mains de l'imprimeur de l'Assemblée.
Un des secrétaires fait la lecture du procès-verbal de la séance du jour d'hier.
M. Champion de Cicé,archevêque de Bordeaux; M le duc d'Aiguillon; M. Thibault, curé de Soupes ; M. Mathias, curéd'Eglise-Neuve ; et M. David, curé de Lormaison, font successivement le rap-oort des pouvoirs qui avaient été remis la veille au comité de vérification. Il résulte de leur rapport que les pouvoirs de
MM. Busson de Bonnac, évêque d'Agen, député de la senéchaussée d'Agen.
Malateste de Beauporl, curé de Montaslrue, idem.
De Fournetz, curé de Pui-Miélan, idem.
D'Antroche, évêque de Condom, député de la sénéchaussée d'Albret à Nérac.
Le Clerc, curé de la Cambe, député du bailliage d'Alençon.
Dufrêne, curé de Ménil-Durand, idem.
Fournier, curé d'Heilly; député des bailliages d'Amiens et Ham.
De Machault, évêque d'Amiens, idem.
D'Albignac de Castelnau, évêque d'Angoulême, député du bailliage d'Angoulême.
Dodde, curé de Saint-Péray, député d'Annonay.
Dulau, archevêque d'Arles, député de la sénéchaussée d'Arles.
Du Castaing, curé de la Nux, député de la sénéchaussée d'Armagnac.
Leroux, curé de Saint-Pol, député de la province d'Artois.
Champion de Cicé, évêque d'Auxerre, député du bailliage d'Auxerre.
De Saint-Sauveur, évêque de Bazas, député de la sénéchaussée de Bazas.
Rosé, curé d'Oberstreinbronn, député du bailliage de Belfort.
Piffon, curé de Valeyrac, député de la sénéchaussée de Bordeaux.
Delage, curé de Saint-Christoly, idem.
Meric de Montgazin, vicaire général de Boulogne, député de la sénéchaussée de Boulogne-sur mer.
Letellicr, curé de Bonœil, député du bailliage de Caen.
François de Pierre de Bernis, archevêque de Damas, député de la sénéchaussée de Carcas-sonne.
De Royère, évêque de Castres, député de la sénéchaussée de Castres.
Rozé, curé d'Emalville, député du bailliage de Caux.
De Pradt, vicaire-général de Rouen, idem.
Jules de Clermont-Tonnerre, évêque de Châlons-sur-Marne, député du bailliage de Château -neuf en Thimerais.
MM. Couturier, curé de Salives, député du bailliage de Châtillon-sur-Seine.
De la Rochefoucauld, évêque de Beauvais, député du bailliage de Clermont en Beauvoisis.
De Bonnal, évêque de Clermont, député de la sénéchaussée de Clermont.
Pinelle, curé de Hilsheim, député de Colmar et Schlestadt.
D'Andlau, prince-abbé de Murbach, idem.
Lelubois, curé de Fontenay, député du bailliage de Coutances.
Leroux-Villois, curé de Carantilly, idem.
De Lastic, évêque de Couserans, député de la vi-comté de Couserans.
Farochon, curé d'Ormoy, député du bailliage de Crépy en Valois.
Desmonliers de Mérinville, évêque de Dijon, député du bailliage de Dijon.
Gagnières, curé de Saint-Cyr-les-Vignes, député du bailliage du Forez.
Rouph de Varicourt, officiai de l'évêché de Genève, député du bailliage de Gex.
De la Luzerne, évêque de Langres', député du bailliage de Langres.
Duplessis d'Argentré, évêque de Limoges, dépulé de la sénéchaussée de Limoges.
Guingan de Saint-Mathieu, curé de Sainl-Pienfô, idem.
Cauneille, curé de Belvis, député de la sénéchaussée de Limoux.
De Castellas, doyen de l'église, comte de Lyon, député, de la sénéchaussée de Lyon.
Flachat, curé de Saint Chamont, idem.
Mayet, curé de Rochetaillée, idem.
Bourdet, curé de Bouere, député de la sénéchaussée du Maine.
Grandin, curé d'Ernée, idem.
Le Pelletier de Feumusson, prieur-curé de Dom-front, idem.
Jouffroy de Goussans, évêque du Mans, idem.
Richard de Lavergne, recteur de Clisson, député des Marches-communes du Poitou et Bretagne.
Barbou, curé d'Isle-lès-Villenoy, député du bailliage de Meaux.
Thiébault, curé de Sainte-Croix, député du bailliage de Metz.
Girard, doyen-curé de Lorris, député du bailliage de Montargis.
De la Porterie, curé de Lincouac, député de la sénéchaussée de Mont-de-Marsan.
De Malide, évêque de Montpellier, député de la sénéchaussée de Montpellier.
Font, curé de Pamiers, dépaté de la sénéchaussée de Pamiers.
De Montesquiou, agent du clergé, député du clergé de la ville de Paris.
Chevreuil, chancelier de l'Église de Paris, idem.
Gros, curé de Saint-Nicolas du Chardonnet, idem.
Dom Chevreux, général de la congrégation de Saint-Maur, idem.
Legros, prévôt de Saint-Louis-du-Louvre, idem.
De Bonneval, chanoine de l'Église de Paris, idem.
De Barmond, conseiller au Parlement, idem.
Melon de Pradoux, curé de Saint- Germain-en-Laye, député de la prévôté de Paris, hors les murs.f
Laporte, curé d'Hautefort, député de la sénéchaussée du Périgord.
Delfaut, archiprêtre d'Anglau, idem.
Maury, prieur de Lions, député du bailliage qta Péronne.
De Laplace, curé de Laudevoisin, idem.
Beaupoil de Saint-Aulaire, évêque de Poitiers, député de la sénéchaussée de Poitou.
De Mercy, évêque de Luçon.
De la Rochefoucauld, abbé de Preuilly, député de Provins.
De Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims, député du bailliage de Reims.
Lagoille, de Loche-Fontaine, chanoine de Reims, idem.
Le Tonnelier de Breteuil, évêque de Montaubajn, député du pays et iugerie de Rivière-Verdun.
Pinelière, curé de l'Ile de Ré, député de la sénéchaussée de la Rochelle,
MM. Le cardinal de la Rochefaucauld, député du bailliage de Rouen,
Lebrun, curé de Lipns-la-Forêt, idem.
Do Grieux, prieur de Sainl-Himer, idem.
D. Davoust, prieur de Saint-Otien, idem.
De Damas, doyen de Nevers1, député du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier.
Ruffo de Laric, évêque dè Saint-Flour, député du bailliage de Saint-Flour.
Rigot de Vernière, curé de Saint-Flour, idem.
Lolier, curé d'Aurillac, idem.
Verdet, curé de Vintrange, député du bailliage de Sarreguemines.
Col son, curé de Nitting, idem.
Costel, curé de Foissy, député du bailliage de Sens.
Rastien, curé de Xeuilley, député de Toul.
François de Fontanges, archevêque de Toulouse, député de la sénéchaussée de Toulouse.
Chabannettes, curé de Saint-Michel de Toulouse, idem.
Gausserand, curé de Rivière, idem.
Pons, curé de Mazamet, idem.
Coster, chanoine de Verdun, député du bailliage de Verdun.
Maxime de Sabran, évêque de Laon, député du Vermàndois.
Tous députés du Clergé, et de
À
MM. Le marquis de Fumel-Monségur, dépulé de la sénéchaussée d'Agen.
De Chalon, député de la sénéchaussée d'Albret à Castelmoron.
Le duc d'Havré et dè Croï, député des bailliages d'Amiens et Ham,
Le prince de Poix, idem.
Le marquis de Satilieu, député d'Annonay.
De Provençal, marquis de Fondchàteau, député de la sénéchaussée d'Arles.
Briois deBeaumetz, député de la province d'Artois.
Le comte Charles de Lameth, idem.
Le Sergeant d'Isbergues, idem.
Le comte dé Croix, idem.
De Moncorps, député du bailliage d'Auxerre.
Le comte François du Sainte-Aldegonde, député du bailliage d'Avesnes.
Le prince de Robecq, député du bailliage de Bailleul.
Le marquis de Harchies, idem.
Le duc du Châtelet, député du bailliage de Bar-le-Duc.
Le vicomte de Hautoy, idem.
De Bousmard, idem.
Le baron de Crussol, député du bailliage de Bar-sur- Seine.
Le comte de Laipaud, député de la sénéchaussée de la Basse-Marche.
De Piis, député de la sénéchaussée de Bazas.
Le marquis de Monspey, député de la sénéchaussée du Beaujolais.
I . Le comte de Montjoye-Vaufrey, député du bailliage de Belfort,
Le baron de Landerberg-Wagenbourg, idem.
Le marquis de Gayon, député de la sénéchaussée de Béziers.
De Gleizes de la Blanque, idem.
Le baron de Gonnès, député de la sénéchaussée de Bigorre.
Le duc de Villequier, député de la sénéchaussée de Boulogne-sur-mer.
Le duc de Coigny, député du bailliage de Caen.
Le comte Louis de Varsy, idem.
Le baron de Wimpfen, idem.
Le comte de Toulouse-Lautrec, député de la sénéchaussée de Castres.
Le baron de Cernon, député du bailliage de Chà-lon s-sur-Marne.
Le baron de Montboisier, député du bailliage de jChartres.
Le comte de Chastenayde Lanty, député du bailliage de Châtillon-sur-Seine.
Le comte de Choiseul d'Aillecourt, député du bailliage de Chaumont en Bassigny. * .
MM. D'Esclaibes, comte de Clairmont, idem.
Le comte de Moniboissier, député de la sénéchaussée de Clermont en Auvergne;
Le duc de Liancourt, député du bailliage de Clermont en Beauvoisis.
Le prince de Broglie, député du bailliage de Col-mar.
Le baron de Flachslanden, idem.
Le marquis de Lusignan, député de la sénéchaussée de Condom.
Le comte de Barbotau, député de la sénéchaussée de Dax.
Le comte de Dortan, député de la sénéchaussée de Dole en'Franche-Comté.
Le marquis d'Aoust, député du bailliage de Douay.
Le baron de Gauville, député du bailliage de Dourdan.
Le marquis de Broves, député de la sénéchaussée de Draguignan.
Le comte de Lassigny de Juigné, idem.
Le marquis de Saint-Marc, député du bailliage d'Étampes.
Le #comte de Bonneville, député du bailliage d'Évreux.
Le marquis de Chambray, idem.
Le comte*de Grezolles, député du bailliage du Forez.
De Rancourt Villiers, député du bailliage de Gien.
Le baron d'Andlaude Hombourg, député du bailliage d'Hagueneau.
Le baron de Rathsamhausen, idem.
De Froment, député du bailliage de Langres.
Le comte de Lannoy, député du bailliage de Lille.
Le baron de Noyelles, idem.
Le baron de Poissac, député de la sénéchaussée de Limousin à Tulle.
Le vicomte de Laqueille, idem.
Le comte d'Escars, député de la sénéchaussée de Limoges.
Le vicomte de Mirabeau, idem.
Le baron de l'Huillier Rouvenac, député de la sénéchaussée de Limoux.
Le marquis de Ternay, dépulé du bailliage de Loudun.
Le marquis de Mont-d'Or, député de la sénéchaussée de Lyon.
Le chevalier de Boisse, idem.
Le marquis de Loras, idem.
Deschamps, idem.
Le comte de Montrevel, député du bailliage de Mâcon.
Le marquis de Cypierre, député de la sénéchaussée de Marseille .
De Sinéti, idem.
Le comte de Toustain de Viré, député du bailliage de Mirecourt.
De Menonville, idem.
Le comte d'Hôdicq, député du bailliage de Mon-treuil-sur-mer.
Le chevalier de Boufflers, député du bailliage de Nancy.
Le comle de Ludres, idem.
Le vicomte de Noailles, député du bailliage de Nemours.
Le marquis de Fournez, dépulé de la sénéchaussée de Nîmes.
Le comte de la Linière, idem.
Le baron de Marguerites, idem.
Brueys, baron d'Aigailliers, idem.
Le comte de Sérent, député du bailliage du Nivernais.
Le marquis d'Avaray, député du bailliage d'Orléans.
Seurrat de la Boulaye, idem.
De Barville, idem.
Le marquis d'Usson, député de la sénéchaussée de Pamiers.
De Sairit-Fargeau, député de la prévôté de Paris hors les murs.
Le comte de Puisaie, député du bailliage du Perche.
Le marquis de Paroy, député du bailliage de Provins.
Le duc de Croy, député du Quesnoy.
Le comte de la Marck, idem.
Le marquis de Lafayette, député da la sénéchaussée de Riom.
Le marquis de Laqueille, idem.
Le comte de Mascon, idem,
Le vicomte de Malartic, député de la sénécnaussée de la Rochelle.
Le marquis de Mortemart, député du bailliage de Rouen.
Le comte de Trie, idem.
Le président de Frondeville, idem.
De Belbœuf, idem,
Comaserra, député du Roussillon.
Le chevalier de Monlferré, idem.
Le marquis de Beauchamp, député de la sénéchaussée de Saintonge, à Saint-Jean d'Angély.
De Richier, député de la sénéchaussée de Saintes.
Le comte de Latour-du-Pin, idem.
Le marquis de Ferièrres, député de la sénéchaussée de Saumur.
Le chevalier d'Estagnolle, député du bailliage de Sedan. ;
Le ducdeLévis, député du bailliage de Senlis.
Le duc de Mortemart, député du bailliage de Sens.
Le comte d'Egmont, député du bailliage de Sois-sons.
Le marquis de la Poype-Vertrieux, député de la sénéchaussée de Toulon.
De Vialis, idem.
Vincent de Panette, député de la sénéchaussée de Trévoux.
Le marquis de Mesgrigny, député de la sénéchaussée de Troyes.
Le marquis de Crillon, idem.
Le baron de Macaye, député du pays de Labour, au bailliage d'Ustaritz.
Le comte de Sarrazin, député du bailliage de Vendôme,
Le vicomte des Fossés, député du bailliage de Vermandois.
De Macquerel de Quémy, idem.
Le comte de Miremont, idem.
Le comtt, de Vogué, député de la sénéchaussée de
Vi lleneu v e- de-Berg.
Le comte d'Antraigues, idem.
Le comte de Barbançon, député du bailliage de Villers-Cotterets.
Tous députés de la noblesse, étaient sans contradicteurs, et ne leur avaient paru susceptibles d'aucune difficulté.
En conséquence, l'Assemblée les a déclarés bons et valables. MM. les rapporteurs ont dit qu'à l'égard de MM.
Chaslenay de Puységur, archevêque de Bourges, député du bcilliage de Berry à Bourges.
Villebanois, curé de Saint-Jean-le-Vieux, idem.
Yvernault, chanoine de Saint-Ursin, idem.
Gujon, curé de Baziege, suppléant admis sur la démission de M. Voche, curé de Montgaillard, député de la sénéchaussée de Castelnaudary pour le clergé.
D'Eymar, abbé-prévôt de Neuviller, député du
clergé du bailliage de Haguenau.
De la Rochefoucauld, évêque de Saintes, député du bailliage de Saintonges, pour le clergé.
De Graimberg de Belleau. député de la noblesse du bailliage de Château-Thierry.
Labrousse de Beauregard, idem.
Le baron de Batz, député de la sénéchaussée d'Al-bret à Nérac.
Ils ne rapportaient que des actes indicatifs du procès-verbal de leur élection, et non le procès-verbal d'élection même.
L'Assemblée a ordonné qu'ils le rapporteraient dans quinzaine, et que cependant ils auraient séance et voix délibérative.
ont observé aussi que . Gobel, évêque de Lydda> député du bailliage
de Belfort, était étranger. L'Assemblée a réservé de prendre ce fait en considération, et cependant a laissé à M. l'évêque de Lydda la séance et la voix délibérative.
a déposé la protes*-tation suivante :
Messieurs, mes pouvoirs ne traitant pas la question du délibéré par ordre ou par tête ; la noblesse de la vicomté de Gouserans assemblée trois ser-maines après les Etats généraux (1), avait pensé qu'elle serait légalement décidée au moment ou son cahier serait présenté à cette auguste Assemblée.....Ces motifs l'ont engagée à ne point annoncer de vœu sur cette question. Elle n'aurai t jamais pu croire que l'opinion qui a séduit dans ce moment une partie intéressante de la natioa pût être au moment d'être adoptée par des considérations impérieuses, que nulbon Français n'eût pu prévoir, et auxquelles les races futures auron t peine à croire.....J'avais pris sur moi d'accepterla déclaration du Roi du 23 juin dernier ; intimement convaincu que nul sacrifice raisonnable ne coûterait à mes commettants pour accélérer l'exécution des propositions paternelles de notre monarque et prouver à l'ordre du tiers-état l'attachement particulier dont ils sont pénétrés pour lui..... Mais lorsque la constitution de l'Etat est attaquée dans toutes ses parties, que les prérogatives du trône et la distinction des ordres sont envahies et détruites par l'établissement d'une Assemblée nationale qui n'a reçu ni la sanction royale ni le consentement des deux premiers ordres, je ne puis ni ne dois coopérer en rien à un pareil bouleversement, sans connaître préalablement le vœu du corps qui m'a honoré de sa confiance.
A cet effet, je demande, Messieurs, que vous receviez ma protestation contre tout ce qui pourrait être fait et délibéré de contraire aux formes établies par les anciens usages, ou par la déclaration du Roi du 23 juin dernier, jusqu'à ce que le vœu clairement et librement énoncé de la noblesse de la vicomté de Gouserans puisse guidér son député dans une carrière aussi épineuse.
J'ai l'honneur de vous prier, Messieurs, de m'ac-corder acte de la présente protestation.
Quelques-uns de MM. du clergé, savoir :
Messieurs, de Bonnal, évêque de Glermont : de Lastic, évêque de Cotiserons ; de Sabran, évêque duc de Laon ; Gibert, curé de Saint-Martin de Noyon ; le Tonnelier de Breteuil, évêque de Mop-tauban ; de Talleyrand-Périgord, archevêque àe Reims ; Lagoille de Loche-Fontaine , chanoine sénéchal de l'église de Reims ; le cardinal dç la Rochefoucauld, archevêque de Rouen ; François de Fontanges, archevêque de Toulouse ; Chaban-nettes, curé de Saint-Michel ; Pons, curé de Ma-zamet ; Gausserand, curé de Rivières ; de Bethigy de Mezières évêque d'Uzes ; Benoit, curé de Sainjt-Esprit ;
Ont mis sur le bureau des déclarations signées d'eux, contenant des réserves et protestations relatives à leur comparution dans l'Assemblée. Elites ont été laissées entre les mains des secrétaires, pour y délibérer en même temps [què l'Assemblée délibérera sur celles qui leur furent remises le jour d'hier.
l'un des
Séance du soir, 6 heures (1).
ayant ouvert la séance fait lecture d'une délibération prise par le corps municipal de la ville de Ploermel en Bretagne, le 27 juin 1789, qui venait de lui être remise par % Perret de Treigadoret, l'un des députés de cette \|ille.
L'Assemblée ordonne qu'elle sera insérée au procès-verbal de ce jour.
Suit la teneur de la délibération de Ploermel.
« Le corps municipal de la ville de Ploermel, assemblé en l'hôtel de ville ce jour 27 juin 1789, et auquel se sont réunis à l'instant plusieurs membres de la commune, instruit de ce qui s'est passé aux Etats-généraux, notamment dans la séance du 23 de ce mois, et quoique persuadé que le monarque qui nous gouverne reconnaîtra la surprise faite à sa religion et contraire à ses Vues bienfaisantes, a néanmoins adhéré à tous les arrêtés pris par les représentants des communes ; ejt l'Assemblée nationale a loué, approuvé leur fermeté pour le bien public et les droits de la Ration ; et, animé du même zèle pour le maintien die la liberté et les vrais principes de la monarchie, les assure d'un dévouement entier; et qu'il regardera les violences auxquelles ils pourront êjtre en butte, comme faites à la nation. A, de plus, arrêté que la présente délibération sera envoyée à toutes les municipalités du royaume, et aux principales villes du royaume. »
remet sur le bureau un vo-mmc intitulé : Histoire de France avant Clovisy qui lui a été envoyé par le sieur Nvon, libraire, pour être présenté à l'Assemblée. L'Assemblée le reçoit.
rend compte d'une demande faite par le sieur le Vachez, tendant à ce que ilAssemblée veuille bien accepter la dédicace qu'il désire lui faire, d'une collection des députés a l'Assemblée nationale. L'Assemblée consent à 1 accepter.
La proposition faite, au nom du comité de règlement, pour la distribution des membres en
bureaux, est adoptée. L'Assemblée arrête que ces bureaux seront formés, sans délai, au nombre
de trente, composés de quarante membres chacun, complets ou non complets ; qu'ils seront
formés en suivant la liste imprimée des bailliages par ardre alphabétique, sans distinction
entre les députés ; le premier de la liste, le trente et unième, le soixante et unième, et
ainsi de suite, entrant
Pour l'exécution de celte délibération, les secrétaires sont chargés de faire un tableau de distribution de tous les membres de l'Assemblée, conformément au plan qui vient d'être arrêté, et de le présenter demain à l'ouverture de l'Assemblée.
fève la séance, et la remet à demain neuf heures du matin.
Séance du
ayant ouvert la séance h 10 heures du matin, il a été fait lecture du procès-verbal de celle d'hier.
archevêque de Parià a rendu compte de la députation au Roi, qui avait été délibérée dans cette séance. 11 a dit que la députation ayant été reçue, le Roi avait demandé la lecture de l'arrêté pris dans la même .séance ; que cette lecture ayant été faite, Sa Majesté avait répondu :
« Je trouve votre arrêté fort sage ; j'approuve les dispositions de l'Assemblée des Etats-généraux ; et tant qu'elle continuera à me marquer de la confiance j'espère que tout ira bien. »
11 a été fait lecture des listes de distribution des membres de l'Assemblée en trente bureaux, conformément à l'arrêté d'hier. Ces listes ont été approuvées, et une copie en sera annexée au procès-verbal de la p'résente séance.
, députés du bailliage de Berry, ont présenté à l'Assemblée une délibération de l'hôtel de ville de Châteauroux, du 24 juin dernier. Ils ont dit, M. Le Grand portant la parole :
Messieurs, mon collègue et moi avons l'honneur de vous présenter une délibération prise par la ville de Châteauroux, le 24 juin dernier. Le sentiment profond de la misère n'étouffe point dans le cœur de ses habitants l'admiration que votre conduite et votre patriotisme leur inspirent. Ce juste tribut d'éloges vous est offert par les citoyens de tous les ordres de notre ville, et nous sommes, dans ce moment heureux, les organes du clergé, de la noblesse et des communes.
Lecture faite de cette délibération, elle a été renvoyée au comité concernant les subsistances pour y être prise en considération.
M. d'Albignac de Castelnau, évêque d'Angou-lême i Chastenay de Puvségur, évêque de Bourges ; Villebanois, curé de Saïnt-Jean-le Viel de la même
ville; Cauneille, curé de Relvis ont remis sur le bureau des déclarations relatives à la teneur de leur mandat, de ne pouvoir opiner par tête, les trois ordres réunis, avant qu'ils aient reçu de nouveaux pouvoirs de leurs commettants.
fait lecture d'un acte de lui signé, contenant des réserves faites par les membres du clergé nouvellement réunis.
Il remet ensuite sur le bureau cet acte conçu en ces termes :
« Messieurs, il est de mon devoir de vous déclarer que lorsque les membres du clergé, qui étaient restés dans la Chambre de leur ordre, sont venus avec moi dans la salle commune aux trois ordres, nous avons fait préalablement des réserves, portant que :
« Vu la déclaration du Roi du 23 juin, la lettre de Sa Majesté à moi adressée le 27 juin, les membres du clergé, toujours empressés de donner à Sa Majesté des témoignages de respect, d'amour et de confiance, justement impatients de pouvoir se livrer enfin à la discussion des grands intérêts d'où dépend la félicité nationale, ont délibéré de se réunir dès aujourd'hui aux deux ordres de la noblesse et du tiers-état dans la salle commune, pour y traiter des affaires d'une utilité générale, conformément à la déclaration du Roi, sans préjudice du droit qui appartient au clergé, suivant les lois constitutives de la monarchie, de s'assembler et de voter séparément; droit qu'ils ne veulent ni ne peuvent abandonner dans la présente session des Etats généraux, et qui leur est expressément réservé par les articles VIII et IX de la même déclaration.
* « Je vous prie, Messieurs, de trouver bon que je mette sur le bureau la présente déclaration, et que je vous en demande acte. »
archevêque de Vienne, se lève le premier et dit :
Je ne puis me dispenser d'observer que, lorsque la délibération dont M. le cardinal vient de faire part a été prise, la majorité du clergé était présente et réunie dans cette salle commune.
archevêque d'Aix. Quels reproches pourrait-on nous faire des réserves que nous faisons moins pour nous que pour nos représentants ? J'ajouterai que nous ne nous réunissons que pour travailler au bien public. Aussi déclarons-nous que nous voulons procéder aux affaires de l'utilité commune avec le même courage que pour toute affaire particulière. Tel est le premier et le plus grand intérêt delà nation. Et qu'importent maintenant les petits intérêts dont nous nous occupons? Si je pouvais dire à chacun de nos concitoyens : Nous allons commencer les opérations importantes auxquelles nous sommes appelés, nous allons nous occuper des choses qui concernent l'utilité commune, ils diraient tous - nous avons été trompés, cessons de nous alarmer, ils veulent le bien de la patrie.
11 ne s'agit que des formes ; et qu'importe de quelle manière ils s'assembleront ? Retirons-nous des places publiques ; cessons de nous rassembler, de porter l'alarme dans le cœur du Roi et de nos frères ; laissons nos représentants s'occuper en silence du bonheur public.
Et en effet, Messieurs, pourvu que nous nous livrions à ces grands objets, qu'importent nos protestations et nos réserves? Mais pouvons-nous
exiger de notre conscience l'abandon des manr dats qui nous ont été remis? Avons-nous bien approfondi les lois constitutives de la monarchie ? Avons-nous bien saisi la différence des propriétés ? Avons-nous réfléchi sur la distinction des ordres? Croyez-vous que ce soit l'effet de la volonté impérieuse du législateur ; que ce soit là une loi factice ? Non, Messieurs, ces distinctions sont dans la nature de notre constitution, etellep ont existé de tout temps.
M. l'archevêque d'Aix avait parlé et était retourné à sa place, lorsqu'un député des communes lui a demandé quelle était la conséquence de son discours.
Veut-il rester avec la majorité ou la minorité ?
archevêque de Vienne. J'observe qu'il n'y a plus de majorité ni de minorité.
archevêque d'Aix. Nous n'avons pas protesté ; nous ne faisons que des réserves; nous en demandons acte, et nous në demandons que ce qu'il est impossible de nouls refuser.
M. ***. Je prie M. l'archevêque d'Aix de déclarer s'il entend ou s'il n'entend pas rester ici avec la majorité du clergé.
Ne parlons plus de majorité ni de minorité puisqu'elles n'existent plus.
M. *** : M. d'Aix ne répond pas. Je demande acte de la scission qu'il veut introduire dans Tordre du clergé.
Je déclare que je ne veux pas me retirer.
Pour apaiser ces contestations particulières, qui quelquefois font naître l'aigreur, j'observe que, dans toute Assemblée bieti réglée, personne ne doit se permettre aucune interpellation.
. Ces interpellations ne m'ont pas offensé. Puisque Ton m'a interpellé, je réponds que j'ai déposé dans l'âme dfe mes auditeurs mes véritables sentiments : je m'en rapporte à eux. (On applaudit.)
Je vous avoule que ce n'est pas sans surprise que j'ai entendu appuyer les réserves dont on vous a donné lecture sur les déclarations que l'on a lues dans un|e espèce de lit de justice, tenu par le Roi dans lje sein même des Etats-Généraux; déclarations qu aucun membre n'a sans doute, approuvées, parce que, quand la nation est assemblée, il n'y a aucune puissance qui puisse la soumettre à des lois qui n'ont pas été délibérées, discutées et consenties. J'ai donc vu avec étonnement que lie clergé ne venait ici que pour se conformer aux ordres du Roi, et pour exécuter les déclaration^.
Et quel langage la minorité du clergé vientk elle tenir parmi nous ? Il est contraire à nos arrêtés, aux principes constitutifs de la monarchie.
11 est impossible de donner acte des réserves dont on vient de donner lecture, parce qu'elles ont pour base une loi que nous ne pouvons rél-connaître, parce que nous avons persisté dans nos précédents arrêtés, parce que enfin ces ré-
serves ne sont pas celles du clergé qui était alors parmi nous.
J Or, il faudrait supposer que des individus lignés ensemble peuvent usurper la puissance, le titre qui appartient au corps entier, et qu'eux
sibuis doivent décider de la force de la majorité. ' 8 '
J'observe que des actes étaient si peu avoués du clergé que la majorité de cet ordre, réunie depuis longtemps, déclarait n'y prendre aucune part.
J'ajouterai à la rfespectable déclaration faite par le préopinant, qu'il est fort étonnant qu'on se permette de protester dans cette Assemblée contre l'Assemblée; on ne proteste pas, on ne fait pas de réserves contre la nation. Nul ne peut rester membre de l'Assemblée nationale s'il n'en reconnaît pas la souveraineté; et l'Assemblée elle-même ne peut )as délibérer en présence de quiconque se croit è droit de protester contre ses délibérations. Ce-! 1)1 qui veut protester contre les actes de l'Assemblée doit, pour en acquérir le droit, commencer par se retirer. Mon opinion est qu'il est absolument contraire aux principes et aux convenances de recevoir des pièces pareilles à celle que vient d'offrir M. le cardinal, et surtout d'en donner acte.
Nous sommes réunis dans le sein national, nous sommes parties intégrantes du pouvoir législatif. Sans doute per-spnne ne peut dire je veux; mais personne n'a plus le droit de rappeler ces temps malheureux de la discorde.
. Laissons les individus parler de leurs droits; sians doute, et du moins nous devons le penser, i|is céderont avec le temps à l'opinion publique : iùon avis est de recevoir les réserves, mais de ne ]Jas en donner acte.
. Permettez-moi, Messieurs, de vous présenter deux réflexions; l'une qst relative à la forme et l'autre concerne le fond : 1° quant à la forme, le clergé étant réuni déjà dans la salie, votre procès-verbal ne doit pas renfermer d'équivoque ; or, puisqu'il était dans la salle, on ne peut recevoir comme réserves du clergé celles qu'il ne fait pas,, celles qu'il ne pourrait pas faire, et qui n'appartiennent qu'à la ipinorité.
I 2° Quant au fond, notre conduite est déterminée par le parti que nous avons pris le 30 juin, relativement aux protestations de quelques membres de la noblesse. Il a été arrête que ces actes demeureraient entre les mains de vos secrétaires ; cette première délibération est celle qui doit vous régler dans ce moment.
Il faut faire une distinction çntre les actes qui sont des déclarations et ceux qui sont des protestations.
Quant aux premiers, on peut en donner acte; quant aux seconds, je crois qu'on ne peut même tes recevoir. Les premiers sont plus favorables
Im ce que c'est pour acquitter sa conscience que 'on se détermine à les présenter à l'Assemblée; ;'est en quelque sorte une justification publique ris-à-vis des commettants.
n'admet point la distinction du préopinant.
objecte que ce n'est pas le moment de se livrer à cette discussion.
Un tel acte est moins une réserve, une protestation, qu'un ordre très-impératif que Messieu rs d e 1 a mi nor i té du clergé prétendent intimer à l'Assemblée au moment même où ils se disent réunis à elle pour délibérer en commun. Je laisse à la sagesse des membres de l'Assemblée de décider si ce ne serait pas manquer également à eux-mêmes et à leurs commettants, que de recevoir un acte où des membres des Etats-généraux proclament une volonté différente du vœu de l'Assemblée elr destructive de ses arrêtés, tandis qu'aucune puissance sous le ciel, pas même le pouvoir exécutif, n'a le droit de dire je veux aux représentants de la nation.
demande que sur cette discussion on revienne à l'ordre du jour.
Un député des communes demande que l'acte apporté par M. le cardinal de la Rochefoucauld soit remis dans les mains des secrétaires pour y faire droit s'il y a lieu.
consulte l'Assemblée, et elle déclare ne reconnaître l'acte lu par M. le cardinal de la Rochefoucauld que comme un vœu particulier et individuel, et que les nouvelles déclarations en ce genre, qui seraient remises dorénavant, demeureront dans les mains des secrétaires, pour y être statué en même temps que sur les précédentes.
MM. le comte de Choiseul d'Aillecourt, le comte de Glairmont, le marquis de Bien court et le marquis de Saint-Mexin, députés l'un et l'autre de la^noblesse de la sénéchaussée de Guéret, ont remis sur le bureau des déclarations relatives à la teneur de leurs mandats.
, curé d'Eglise-Neuve, rapporteur nommé par le comité de vérification, a dit que le comité avait eu sous les yeux les pouvoirs remis par :
MM. De Boisgelin, archevêque d'Aix, député de la sénéchaussée d'Aix.
Martinet, prieur de Draon, député de la sénéchaussée d'Anjou.
Breuvard, curé de Saint-Pierre de Douai, député du bailliage de Douai.
Thomas, curé de Mormant, député du bailliage de Melun, tous députés pour le clergé.
Et par
MM. Le comte de Lagalissonnière, député de la sénéchaussée d'Anjou.
Le comte de Reuillez, idem.
Le comte de Dieuzie, idem.
Le duc de Choiseul-Praslin, idem.
Le marquis de Vaudreuil, député de la sénéchaussée de Castelnaudary.
Achard de Bonvouloir, député du bailliage de Coutancës.
De Beaudrap, idem.
Le comte de la Villarmois, idem.
Le baron de Juigné, idem.
De Montesson, député de la sénéchaussée du Maine.
De Hercé, idem.
De Vassé, idem.
Le comte de Tessé, idem.
Le bailli de Fresnay, idem.
Le marquis de Saint-Maurice, député de la sénéchaussée de Montpellier.
Le marquis de Juigné, député des Marches-Communes de Poitou et de Rretagne.
Le marquis de Causans, député de la principauté d'Orange.
MM. Le comte Larogue de Mons, député de la sénéchaussée du Périgord.
Le vicomte de Foucault de Lardimalie, idem.
Le duc de Mailly, député du bailliage de Péronne.
Lo marquis d'Ambly, député du bailliage de Reims.
Le vicomte de Panat, député de la sénéchaussée de Rhodez.
Le marquis de Pleure, député du bailliage de Sé-zanne.
Le comte de Rénel, député du ^bailliage de Tout.
Le baron de Pouilly, député du bailliage de Verdun.
Do Ballidard, député du bailliage de Vitry-le-Fran-çais.
Le comte de Failly, idem.
Tous députés pour la noblesse, qu'ils avaient été trouvés sans contradiction et en bonne forme.
L'Assemblée a reconnu les personnes qui viennent d'être nommées, pour députés et membres de l'Assemblée.
a repris, et dit que M. l'abbé de Pampelonne, suppléant, nommé à la place de M. Lafont de Savines, évêque de Viviers, député du clergé de Villeneuve de Berg en Vivarais, avait présenté ses pouvoirs pareillement en forme et sans contradiction, et une déclaration de M. l'évêque de Viviers, contenant que sa santé ne lui permettant pas de se rendre à l'Assemblée, il renonçait, en tant que de besoin, à sa qualité de député.
L'Assemblée a arrêté que M. de Pampelonne prendrait séance ; ce qu'il a fait.
évêque d'Au-tun et MM. les députés des communes de Loudun ayant respectivement rapporté le procès-verbal de leur élection, qu'ils n'avaient pas rapporté d'abord, et dont le rapport avait été ordonné, l'Assemblée a reconnu que ces procès-verbaux étaient réguliers, et elle a arrêté que M. l'évêque d'Autun et MM. les députés des communes de Loudun prendraient définitivement séance.
rapporteur nommé par le comité de vérification, a rendu compte d'une réclamation du bailliage de Romorentin, et d'une autre du bailliage de Viilefrancœur, contre la députation du bailliage de Blois ; il a dit que le comité avait pensé que ces réclamations devaient être prises en considération pour l'avenir, mais non pas infirmer la députation.
L'Assemblée a confirmé l'avis du bureau.
MM. Mourot, Noussiton, Pemartin, et d'Arnan-dat, députés des communes de Béarn, se sont présents, et ont remis leurs pouvoirs sur le bureau. L'Assemblée en a renvoyé l'examen et le rapport au comité de vérification.
On reprend l'examen de la suite des articles du règlement lus dans la séance d'hier. Les voici tels qu'ils ont été arrêtés :
« On élira un président tous les quinze jours. Ce président pourra être maintenu dans ses fonctions par un autre scrutin au bout de quinze I jours. |
« On procédera au scrutin dans les trente bureaux, qui seront toujours convoqués pour l'après-midi.
« Les bureaux s'occuperont du recensement et dépouillement des billets des votants.
« Chaque bureau enverra deux de ses membres
dans la salle commune, avec un relevé et une liste générale des suffrages.
« Une majorité absolue, c'est-à-dire une voix au-dessus de la moitié, décidera seule l'élection ; si cette majorité n'est point acquise, on fera un nouveau scrutin.
« Si les voix sont partagées entre deux mem^ bres, le plus âgé sera nommé.
« On choisira aussi au scrutin six secrétaires ; une simple pluralité décidera cette nomination. Les secrétaires seront élus pour un mois. »
M. le président avertit l'Assemblée de se former en bureaux ce soir à six heures, pour procéder au scrutin pour la nomination du président etdeè secrétaires.
La séance est levée.
Séance du
ouvre la séance à 10 heures du matin.
, archevêque de Paris, fait lecture d'une lettre qu'il a reçue du Roi, concernant ce qui s'est passé à Paris, dans la soirée du 30 juin.
« Je me suis fait rendre un compte exact, mon cousin, de ce qui s'est passé dans la soirée du 30 juin : la violence employée pour "délivrer des prisonniers à l'Abbave est infiniment condamnable; et tous les ordres, tous les corps, tous les citoyens honnêtes et paisibles, ont le plus grand intérêt à maintenir dans toute sa force l'action des lois protectrices de l'ordre public. Je céderai cependant, lorsque l'ordre sera rétabli, à un sentiment de bonté ; et j'espère n'avoir point de reproches à me faire de ma clémence, lorsqu'elle est invoquée, pour la première fois, par l'Assemblée des représentants de la nation. Mais je ne doute pas que cette Assemblée n'attache une égale importance au succès de toutes les mesures que je prends pour ramener l'ordre dans la capitale. L'esprit de licence et d'insubordination est destructif de tout bien ; et s'il prenait de l'accroisse-^ ment, non-seulement le bonheur de tous les citoyens serait troublé, et leur confiance serait altérée, mais l'on finirait peut-être par méconnaître le prix des généreux travaux auxquels les représentants de la nation vont se consacrer.
« Donnez connaissance de ma lettre aux Etats-généraux, et ne doutez pas, mon cousin, de toute mon estime pour vous.
c Le
« Signé: LOUIS. »
Sur l'enveloppe était écrit : « A mon cousin' l'archevêque de Paris, duc de Saint-Cloud. »
Il a été donné connaissance à l'Assemblée, des[ présidents et secrétaires particuliers élus dans chacun des trente bureaux dans lesquels ses membres se sont partagés :
Savoir :
Bureaux. Présidents. Secrétaires.
MM. MM.
1 De Bonnac, évêque d'Agen. Chapelier.
2 Le comte de Lablache...(Turckeim. /Garnier
3 De Lubersac, évêque delSalomon de la Sau-Chartres...............} gerie.
4 Le duc d'Aiguillon.......Garat.
5 N........................................Petion de Villeneuve,
6 De Lafare, évêque de Nancy. Lapoule.
7 Le i mi IGrégoire. Le comte de Cnllon......jRabaud de Saint-
8 ( Etienne. Le marquis de Lacoste... Mounier.
9 Talaru de Chalmazel, évôAL® «Walief de Bouftlers. Le que de Coutances......L Boufflers.(Regnaud dEperay,
10 Le duc de la Rochefoucauld. Pison du Galland..
11 Gobel, évêque de Lydda.. j5j^erdeBiauzat Mathias.
12 Le comte de Rochechouart. Barnave.
13 De Boisgelin, archevêquelThomeL
14 Le duc de Liancourt......Emmery.
15 De Coulmiers............Duport.
16 Le prince de Poix........Crenière.
17 Le duc de Praslin........archevêque de Bourfes.j®er^asse 'Bouche.
18 Le prince de Broglie.....
19 Le prince de Broglie ......Bouche.
21 De la Luzerne, eveque-duc/de Langres ..........Gaillon.
21 De la Luzerne, évêque-duc/çajuon de Langres............\
22 N.......................Meunier du Breuil..
23 Le duc d'Orléans........ Vice-Secrétaire. Dutillet, évêque d'Orange,^'................;vice-président,......?. jPr,ieVr> 1 ( taire.
24 Desmontiers, évêque de DH'far^et. j on ••«..•. .«..•.•...«.^
25 Lanusse, curé de Saint- ^Thibaut, curé de Etienne-lès-Bayonne.... | Soupes.
26 LeFranc dePompignan, ar-/ni01« ' ni » 1 *r« _ > 'JlCJLa v il.
27 cheveque de vienne.....\veque de Bordeaux .........
28 Le comtedelaTour-du-Pin. ILaborde de Méré-/ ville
29 Leclerc de Juigné, arche- jLofflciaU veque de Paris.v.......\Lofficial.
30 Cortois de Balore, évêquelLe marquis deBla-de Nîmes..............( cons.
Dans l'après-midi du jeudi 2, il avait été procédé à l'examen des scrutins apportés au bureau de l'Assemblée générale pour l'élection du président et des secrétaires. Les scrutins avaient été Apportés :
De la, part du premier bureau, par MM. le marquis de Langon, le comte de Reynaud et Chapelier. De la part du second, par MM. Garnier et Turckeim. De la part du troisième, par MM. Freteau et Schmits.
De la part du quatrième, par MM. de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun et Garat l'aîné.
De la part du cinquième, par MM. de Villeneuve et Garat le jeune.
De la part du sixième, par MM. le comte de Montmorency et Anson.
De la part du septième, par MM. le comte de Doran
De la part du huitième, par MM. le marquis de Lacoste et Mounier.
De la part du neuvième, par MM. Forest et Charier.
De la part du dixième, par MM Aubry et du Limbert,
De la part du onzième, par MM. Gobel, évêque de Lydda et Grellet de Beauregard.
De la part du douzième, par MM. Beaugeard et do Leutre.
De la part du treizième, par MM. le comte d'Antrai-gues et Melon.
De la part du quatorzième, par MM. Beaupoil do Sainte-Aulaire, évêque de Poitiers et Emmery.
De la part du quinzième, par MM. D'André et Fon-tenay.
De la part du seizième, par MM. le prince de Poix et Crenière.
De la part du, dix-septième, par MM. Malouet et Du-quesnoy.
De la part du dix-huitième, par MM. Dupont de Bi-gorre et Fleury.
De la part du dix-neuvième, par MM. Baer de la Chapelle et de Champagny, pour le président;
Par MM. Godefroy et Coroller, pour les secrétaires.
De la part du vingtième, par MM. de Volney et Ros-taing.
De la part du vingt et unième, par MM. Populus et Chaillon.
De la part du vingt-deuxième, par MM. le marquis de Cypierre et Duvivier.
De la part du vingt-troisième, par MM. Menu deCho-morceau et Prieur.
De la part du vingt-quatrième, par MM. le duc de Biron et Target.
De la part du vingt-cinquième, par MM. de Quesnoy et Gennelet par le président;
Par MM. Thibaut et Lanusse pour les secrétaires.
De la part du vingt-sixième, par MM. Lefranc de Pompignan, archevêque de Vienne et Gleizen.
De la part du vingt-septième, par MM. le marquis de Crillon et Dumetz.
De la part du vingt-huitième, par MM. de Saint-Albin et Legrand.
De la part du vingt-neuvième, par MM. Boissy-d*An-glas et Lofflcial.
De la part du trentième, par M. de Blacons.
Le relevé des scrutins en avait été fait par .. les députés, assistés de M. Camus, l'un clés secrétaires de l'Assemblée générale, et il en était résulté que M. le duc d'Orléans se trouvait élu président.
Le temps n'ayant pas permis de vérifier les scrutins relatifs à la nomination des secrétaires, ces scrutins avaient été enfermés dans une enveloppe scellée du cachet de l'un des députés, et remis entre les mains de M. Camus. Cejourd'hui, à sept heures du matin, MM. les députés des bureaux s'étant réunis dans la salle générale, M. Camus a remis sur le bureau le paquet cacheté qui contenait les scrutins pour la nomination des secrétaires. Ils ont été ouverts, et il a été procédé à leur recensement, d'abord dans la salle générale, ensuite, par l'autorisation de l'Assemblée, dans un des bureaux voisins de la salle.
Pendant cette opération, M. \\e président a proclamé l'élection de M. le duc d'Orléans. L'Assemblée â témoigné les sentiments de sa joie par de grands applaudissements.
PRESIDENCE DE M.LEDUC D'ORLEANS.
M. le duc d'Orléans a pris séance à la place du président, et a dit:
Messieurs, si je croyais pouvoir bien remplir la place à laquelle vous m'avez nommé, je la prendrais avec transport ; mais, Messieurs, je serais indigne de vos bontés si je l'acceptais, sachant combien j'y suis peu propre. Trouvez donc bon, Messieurs, "que je la refuse, et ne voyez dans ce refus que la preuve indubitable que je sacrifierai toujours mon intérêt personnel au bien de l'Etat.
De suite, M. le duc d'Orléans a invité l'Assemblée à se former en bureaux sur-le-champ, et à procéder à un nouveau scrutin pour l'élection d'un nouveau président.
L'Assemblée s'étant formée en bureaux, et ayant procédé à un nouveau scrutin, M. le duc d'Orléans a rendu compte de sa vérification : il en est résulté que M. l'archevêque de Vienne était nommé président de l'Assemblée nationale.
presidence de m. le franc de pompignan,
archevêque de Vienne.
a pris séance à la place du président, et a dit:
; Une bouche plus éloquente que la mienne n'exprimerait pas dans ce moment les sentiments qui pressent mon cœur; elle n'égalerait pas le prix de l'honneur que je reçois.
La carrière que j'ai parcourue ne me promettait pas, vers son déclin, un événement aussi glorieux. Que me laisse-t-il à désirer? De m'enseve-, lir, Messieurs, dans mes triomphes, et de porter mes derniers regards sur l'heureuse restauration de notre commune patrie.
M. le marquis de Saint-Mexin, député de la sénéchaussée de Guéret, ayant remis sur le bureau le procès-verbal de son élection, cette élection a été reconnue régulière.
MM. le marquis de Cairon, de Bouville, le marquis de Tiboulot, députés de la noblesse du pays de Caux, ont remis leurs pouvoirs sur le bureau, avec une déclaration relative à la teneur de leur mandat. Rapport fait de leurs pouvoirs, l'Assemblée les a reconnus légitimes. Quant aux déclarations, elle a arrêté qu'elles demeureraient entre les mains des secrétaires, pour y être statué en même temps que sur les précédentes.
a rendu compte du scrutin concernant l'élection des six secrétaires. Il en est résulté que les secrétaires élus à la pluralité des voix ont été: MM. Grégoire, Mounier, le comte Lally-Tollendal, le Chapelier, l'abbé Siéyès, le comte de Clcrmont-Tonnerre.
Les nouveaux secrélaires ont pris place au bureau, à l'exception de M. le comte de Lally-Tollendal, absent pour cause d'indisposition.
fait la motion d'envoyer une députation à M. Bailly, pour le remercier de la manière vraiment distinguée dont il a rempli ses fonctions.
M. l'archevêque de Bordeaux appuie cette motion, qui est soutenue par les applaudissements de toute l'Assemblée, et unanimement adoptée.
recommence son rapport sur la députation de Saint-Domingue. Cette affaire, qui avait été interrompue par les circonstances, est remise en délibération.
Je me renfermerai dans la seule question que nous ayons à exa-
miner, j'entends la détermination du nombre des députés de Saint-Domingue.
J'observerai cependant que nous aurions dû d'abord examiner, et avant de la juger, la question de savoir : s'il faut admettre les représentants des colonies.
On aurait pu dire sur cette question : les colonies n'ont jamais assisté par représentants aux Etats généraux ; elles n'y devaient donc paraître j que sur la convocation du Roi. Or, leurs députés paraissent contre cette convocation et malgré les ordres du Roi.
Ce n'est pas là sans doute une raison pour les exclure, mais c'en est une invincible pour qu'ils ne puissent être admis qu'en vertu d un acte du pouvoir législatif, lequel a incontestablement besoin de la sanction du Roi. Mais les députés des colonies ont été admis.....(I)
J'observerai encore qu'on a entièrement passé sous silence celte seconde et importante question : V I
L'élection des députés des colonies est-elle va-1 lide, et leurs pouvoirs sont-ils en bonne forme ? . Enfin, on n'a pas même essayé d'expliquer pourquoi les hommes de couleur, libres, propriétaires, contribuant aux cha/ges publiques, n'avaient pas même été électeurs, et n'étaient pas représentés.
Mais ce n'est pas de cela dont il s'agit à présent, c'est seulement de savoir quel nombre de députés doit être admis.
Je prierai d'abord de m'expliquer sur quel principe on se fonde pour la proportion de la députation des colonies.
Les colons prétendent que la proportion de leurs représentants doit être en raison des habitants de l'île, des richesses qu'elle produit, et de ses rapports commerciaux; mais 1° je rappelle ce dilemme irrépiiquable :
Les colonies prétendent-elles ranger leurs nègres et leurs gens de couleur dans la classe des hommes ou dans celle des bêtes de somme? Mais les gens de couleur sont libres, propriétaires et contribuables, et cependant ils n'ont pu être électeurs.
Si les colons veulent que les nègres et les gens de couleur soient hommes, qu'ils affranchissent les premiers ; que tous soient électeurs, que tous puissent être élus. Dans, le cas contraire, nous les prierons d'observer qu'en proportionnant le nombre des députés à la population de la France, nous n'avons pas pris en considération la quantité de nos chevaux ni de nos mulets ; qu'ainsi la prétention des colonies d'avoir vingt représentants est absolument dérisoire.
2° J'observe ensuite qu'on s'en est tenu à ces généralités vides de principes et de sens, à vanter ce que nous rapporte la colonie de Saint-Domingue par sa balance du commerce, les 600 millions mis en circulation par elle, les 500 vaisseaux et les 20,000 matelots qu'elle occupe, etc., etc.
Ainsi, l'on n'a pas même daigné se souvenir qu'il est démontré aujourd'hui que les
résultats des prétendues balances de commerce sont entièrement fautifs et insignifiants ;
que les colonies, fussent-elles d'une utilité aussi incontestable que l'ont nié et que le
nient les meilleurs esprits, les têtes les plus fortes qui se soient occupées de ces
matières, il est impossible de concevoir pourquoi elles réclameraient d'autres
En effet ie supplie MM. les diserts proclama-teurs des 600 millions mis dans la circulation par Ile commerce de cette colonie, je les supplie de me dire s'ils ont calculé la quantité de millions que met en circulation la manufacture appelée le labourage, par exemple, et pourquoi, d'après leurs principes, ils ne réclament pas pour les laboureurs un nombre de représenlants proportionné à cette circulation ? Je les supplie de me dire pourquoi,, dans leurs principes, Nantes, Bordeaux, Marseille ne demanderaient pas à fixer le nombre de leurs députés d'après les millions pans nombre que leur commerce met dans la circulation? Je les supplie de me dire pourquoi, toujours dans leurs principes, Paris qui n'est point, qui ne peut pas être, qui ne sera jamais ♦une ville de commerce, a quarante députés, etc.
Le nombre des députés des colonies doit être proportionné au nombre des électeurs et éligibles colons. Or, ce dernier nombre est tel que mon avis est que celui des députés doit être réduit à quatre.
parle en faveur de la députation déjà envoyée. Il fait un tableau |de cette colonie ; il la présente comme susceptible d'améliorations et de grandes augmentations. 11 ajoute que les grands avantages quele royaume en retirait, que l'intérêt du commerce exigeait qu'on ne suivît pas rigoureusement les principes envers cette colonie, dont la députation devait jêtre fixée d'après d'autres bases que celles qui avaient fixé les députations des différentes provinces de la mère-patrie. Il conclut à ce qu'on accorde à Saint-Domingue une députation composée de vingt membres.
Je demande la permission de réfuter M. de Sillery. J'ai appris que la députation de Saint-Domingue n'a été envoyée que par 23,533 blancs, qui seuls avaient formé les assemblées ; il paraît étrange que les députés de cette [colonie, qui n'avaient à représeuter que 23,000 âmes, demandent une députation de 20 représentants.
il paraît très-juste, très-conforme aux principes, d'accorder à cette colonie une députation de quatre membres qui auront voix délibérative ; mais ces quatre députés doivent être pris, non pas parmi ces riches propriétaires qui consomment dans la capitable les fruits douloureux de la sueur de l'esclavage et de la misère; qui, loin de ce nouveau continent, en recueillent les richesses sans en connaître le climat, les usages, i les ressources et les mœurs, mais parmi les véritables colons, parmi ces habitants de Saint-Domingue, que la colonie a nommés ses députés, et oui ont traversé les mers pour venir s'acquitter des nobles fonctions dont ils ont été honorés.
Je n'entrerai point dans l'examen des considérations proposées par les préopinants; je regarde tout cela comme [étranger pour le moment.
Vous avez admis provisoirement douze députés ; votre décision est déjà prononcée. On demande (que vous admettiez huit députés de plus; mais j'observe que votre jugement provisoire ne peut être révoqué quant à présent.
sont d'avis qu'on accepte les douze députés déjà admis. ,
propose à l'Assemblée de donner à la colonie de Saint-Domingue quatre députés qui auront voix délibérative; les autres formeront un comité qui servira à éclairer les opinions de ceux qui auront voix dans l'Assemblée, et les membres du comité auront le droit de séance, sans avoir celui de voter.
Je crois que le préopinant à fait des richesses de Saint-Domingue un tableau plus ingénieux que ressemblant.
Au reste, ce n'est pas des richesses de Saint-Domingue dont il est ici question, c'est* de savoir s'il faut suivre pour Saint-Domingue une autre proportion de députation que celle suivie dans toutes les parties de la France.
M. de Sillery a dit que l'établissement des colonies est superbe, qu'il est susceptible d'accroissement. Je réponds que nous aussi sommes susceptibles d'un grand accroissement.
Que les richesses des colons sont considérables; mais nous aussi sommes considérablement riches ! Que d'après cela, c'est-à-dire cette richesse, il importe que la députation soit nombreuse; mais d'après cela, la nôtre doit l'être aussi.
Pourquoi donc voulez-vous adopter pour Saint-Domingue une loi plus favorable que celle qui a fixé les députations de tous les bailliages? De tous côtés nos provinces réclameraient contre cette distinction ; elles demanderaient que leurs députations fussent augmentées.
Ce n'est pas sans surprise que j'ai entendu dire, pour faire valoir la nombreuse députation, que les nègres, qui n'ont pas le droit de réclamer dans le sanctuaire de la liberté, sont les agents des richesses coloniales; mais nos bœufs, nos chevaux sont également les agents de nos richesses.
Je demande de quel droit les 23,000 blancs qui existent dans les colonies ont exclu des assemblées primaires à peu près un pareil nombre d'hommes de couleur, libres, propriétaires et contribuables comme eux?
Je demande pourquoi surtout, on veut que les 20 blancs qui sont ici représentent les hommes de couleur desquels ils n'ont reçu aucun mandat?
Je demande de quel droit les 23,000 blancs électeurs ont défendu à leurs concitoyens de se nommer des représentants, et se sont arrogé celui d'en nommer exclusivement et pour eux et pour ceux qu'ils ont exclus des assemblées électorales ?
Croient-ils que ces hommes qu'ils ont exclus, nous ne les représentons pas? Croient-ils que nous ne défendrons pas ici ieur cause? Ah ! sans doute, si telle a été leur espérance, je leur déclare qu'elle est outrageante pour nous, et qu'elle sera déçue.
Le nombre des députés doit être en proportion des votants. Cette loi a été générale pour nous; je conclus à ce qu'elle soit la même pour les colons.
Les erreurs sur lesquelles plusieurs des préopinants ont appuyé leurs raisonnements sont en grand nombre; je vais me hâter de les relever. Les habitants du continent ne connaissent que très-imparfaitement les colo-! nies; ils n'en raisonnent que par analogie, et de
là ils se laissent entraîner dans les plus grandes erreurs.
Vous nous avez admis provisoirement dans votre Assemblée, et votre décision a comblé tous les vœux de la colonie. Aujourd'hui les habitants de Saint-Domingue demandent que la députation déjà admise au nombre de douze membres soit portée à vingt. Ce n'est point par ambition, mais c'est qu'ils ont cru que ces vingt députés seront nécessaires pour les mettre au niveau des grands travaux auxquels ils sont appelés.
Saint-Domingue ne doit point être comparé aux provinces du royaume. La colonie est éloignée; elle est isolée; le sol, les habitants, la culture, les richesses, tout y est différent.
Vous avez déjà prononcé un jugement provisoire. Il l'a été par acclamation ; il a été sanctionné; et comment voudrait-on le faire rétracter? Ce jugement aurait-il été l'effet d'une précipitation imprudente? Mais une Assemblée aussi majestueuse, aussi auguste, ne prononce point inconsidérément; elle est aussi sage dans ses délibérations qu'elle doit être immuable dans ses décisions.
La députation a été faite par des colons âgés de vingt-cinq ans. Il est vrai que les métis n'y ont point été appelés; mais les métis sont non affranchis. Les lois françaises, que nous n'avons pas faites, les excluent de nos assemblées ; nous ne pouvions pas de nous-mêmes les y admettre. Quelqu'un a dit qu'ils sont nos ennemis ; moi, je soutiens qu'ils sont nos amis, puisqu'ils nous sont redevables de la liberté.
La population n'est pas la seule chose qu'il faut considérer; il faut avoir égard aussi aux impôts, aux richesses que la colonie verse dans le commerce. Toutes nos colonies y versent à peu près 60 millions, et Saint-Domingue y entre pour 50. Elle supporte plus de 9 millions d'impôts directs ou indirects. .
M. de Gouy parle encore longuement. Au lieu de 20 députés, il réduit sa demande à 18. Nous ne demandons plus, dit-il, que 18 députés; l'un de ceux qui prétendaient à cet honneur est mort dans la traversée, et c'est un premier sacrifice que nous faisons; l'autre est retenu par la maladie.
(On demande que la motion de M. de Montesquiou soit mise aux voix. )
en fait faire une seconde lecture, et on allait la mettre aux voix. Plusieurs j membres demandent qu'elle soit renvoyée aux bureaux pour y être examinée de nouveau et être ensuite décidée à la prochaine séance. Cette proposition est unanimement adoptée.
allait reprendre sa motion sur les pouvoirs limitatifs, lorsque M. le président, d'après le vœu de l'Assemblée, lève la séance.
Séance du
On a ouvert la séance par la lecture du procès-verbal de celles qui ont précédé l'installation des nouveaux secrétaires.
Au mot simple d'Assemblée, porté dans la lettre du Roi insérée dans le procès-verbal de la séance) du 2, M Bouche demande pourquoi on n'a pas ajouté l'épithéte de nationale.
Un secrétaire répond que la première copie de la réponse du Roi contenait l'expression dAsscm^ blée des Etats généraux, qu'il a consulté à ce sujet l'archevêque de Vienne, qui lui a répondu qu'il n'était pas certain du véritable terme qu'avait employé Sa Majesté. Dans cette incertitude on a préféré ne se servir que du mot Assemblée.
annonce qu'il a entendu le premier terme d'Assemblée des Etats généraux.
Cette incertitude engage le président à proposer que les membres qui composaient la députation, se rassemblent pour convenir entre eux de lai véritable version.
Ces membres ne défèrent pas à cet avis ; et cette | discussion n'a pas de suite. |
, chanoine de S. Ursin de Bourges, a déclaré que le vœu d'opiner par ordre, allégué comme impératif par M. Ghastenay de Puységur, archevêque de Bourges, un de ses co-députés du clergé deBerry, ne contient pas cette clause de rigueur. Il a requis que, pour constater son assertion, le mandat fût déposé sur le bureau.
curé de Saint-Martin, co-député de M. d'Albignac de Castelneau, évêque d'Angou-lême, pour le bailliage de cette ville, a déclaré j qu'il ne croyait pas son mandat impératif, et en a demandé le dépôt.
, ex-président, a remercié l'Assemblée, et a dit :
Messieurs, je viens vous offrir l'hommage de ma respectueuse reconnaissance. Votre choix m'a élevé à une grande et importante place; vous m'avez décoré d'un titre qui honore mon nom à jamais. Il ne pouvait me rester que le regret ou l'inquiétude de n'en avoir pas suffisamment rempli les devoirs, de n'avoir pas toujours réussi à vous plaire comme je l'ai toujours désiré. Les té--moignages de satisfaction que l'Assemblée nationale a daigné m'accorder mettent le comble à mon bonheur. Je me suis trouvé dans les circonstances les plus remarquables. J'ai vu commencer vos travaux, j'ai été témoin de votre vertu et de votre fermeté; j'ai vu s'opérer la réunion des trois ordres, et la paix ramener parmi nous les plus flatteuses espérances. Ces moments ont été les plus beaux de ma vie. J'ose vous supplier, Messieurs, de cimenter ce bonheur, qui est votre ouvrage, en me continuant vos bontés, et de me > permettre de mêler au souvenir des honneurs I dont vous m'avez comblé une tendre et respec-1 tueuse sensibilité de ces bontés, qui me seront! toujours chères.
L'Assemblée a répondu par des applaudisse-' ments.
a dit : Dans l'exercice de la place qui vous a été confiée, vous avez laissé un excellent modèle à tous ceux qui la rempliront après vous; mais vous leur a^ez laissé en| même temps un juste motif de craindre de ne pas l'égaler.
Il a été ensuite fait lecture des délibérations municipales de la ville de Château-Thierry, des communautés de Pontivy en Bretagne et Vernouil-let- sur-Seine, qui adhèrent à tous les arrêtés pris
par l'Assemblée nationale, et la félicitent sur la réunion des trois ordres : l'Assemblée en a ordonné le dépôt et l'enregistrement.
On reprend la discussion de l'affaire de la députation de Saint-Domingue.
. Dans la question qui nous occupé, pour s'appuyer sur une base solide, il faut d'abord partir d'un principe; c'est que nous devons regarder Saint-Do-tningue comme une province de France. Laissons de côté l'étendue des terres, la considération qu'elles sont susceptibles d'amélioration ; ces bases pont trop incertaines.
La population offre plus de certitude, et à Saint-Domingue elle est considérable; elle est composée Ide plus de 100,000 habitants.
Les richesses approchent encore du terme vers lequel on doit tendre pour arriver à la plus juste représentation possible.
Le gouvernement s'est lui-même servi de ce ^noyen : j'en prends un exemple dans la députa-jlioir de Paris; on lui a donné des député? à proportion de ses richesses et du commerce qu'elle ^entretient dans toutes les parties du royaume.
Je pense aussi que l'on doit prendre en consi-Idération la division actuelle de cette île. Elle est (divisée en trois provinces : or, je pense que c'est remplir l'esprit du règlement que d'accorder à chacune de ces provinces deux députés.
Les autres auront voix consultative, je ne dis Ipas qu'ils formeront un comité, parce qu'ils ne nous appartient pas de leur permettre ce qu'ils ont droit de faire par le droit naturel..... Je ne fais que reproduire la motion de M. de Montes-quiou, à laquelle je me suis permis d'ajouter un amendement.
, curé du Vieux-Pouzauges. Si c'est dans les temps de calamité qu'on reconnaît les vrais amis, c'est aussi dans les temps où la patrie se trouve en danger que l'on reconnaît les citoyens.
Vous vous rappelez, Messieurs, cette grande et fameuse journée, à jamais mémorable dans notre histoire, où des projets coupables, des complots ministériels nous avaient fermé les portes de cette auguste enceinte que le despotisme avait environnées de tout l'appareil militaire; ce jour si célèbre où les représentants de la nation ont été pour y tenir leurs séances et forcés de se réfugier dans un jeu de paume.
Vous vous rappelez, Messieurs, avec quel intérêt vous y avez accueilli les généreux citoyens de Saint-Domingue qui, animés d'un noble courage, ont demandé à partager vos dangers et vos malheurs. Avec quelle bonté les avez-vous accueillis ! avec quels applaudissements les spectateurs les ont vus descendre dans une arène où la force, le courage et la vertu suffisaient à peine pour en franchir les obstacles 1 .
Je n'ai pu retenir mes larmes à la vue d'un spectacle aussi touchant; eh! devons-nous oublier la douce impression qu'il a faite sur chacun de nous 1
Ils ont, comme nous, prononcé le serment redoutable qui nous réunit tous en ce lieu, jusqu'à ce que la grande régénération de la patrie 6oit consommée.
Il se sont exposés, comme nous, pour l'intérêt commun, à des haines secrètes, mais implacables ; et comment se pourrait-il, Messieurs, qu'après d'aussi grands exemples de patriotisme, qu'après un dévouement aussi généreux, voua délibériez
à réduire ces illustres citoyens à n'avoir que voix consultative ?
Ne les avez-vous pas déjà admis à avoir parmi vous voix délibérative? Pourrez-vous, Messieurs, anéantir ce jugement que vous avez déjà prononcé? Est-ce à une Assemblée aussi auguste à détruire un jour ce qu'elle a réglé la veille ?
Je pense que les douze députés que vous avez admis le 20 juin, dans la séance du J eu de Paume, doivent avoir voix délibérative pendant toute la tenue des Etats-généraux, et que les six autres auront voix consulative.
de Bordeaux. Saint-Domingue est une de ces grandes colonies que nous devons, pour l'intérêt du commerce, attacher de plus en plus à la France. Mais (du moins telle est ma façon de penser) je crois que c'est par les liens de la confiance que nous saurons inspirer aux propriétaires français, que nous pourrons la consolider contre les révolutions qui peuvent arriver dans un pays lointain. Mais cette confiance que les Anglais, que tous les peuples qui ont des possessions dans les Indes ont regardée comme la première base, ils ne l'ont pas cimentée en appelant les colonies parmi eux, en les confondant dans leur gouvernement, en transportant la patrie au delà des mers pour en établir une dans leur propre pays.
Croyons-en l'expérience de nos rivaux ; ils ont su conserver dans le nouveau continent des terres que i'éloignement, que les efforts de la liberté, que les vicissitudes de plusieurs siècles semblent continuellement leur enlever.
Ils ont su, par leur persévérance dans ce principe même, nous dépouiller de celles que nous avions arrosées du sang français, et que nous avions peuplées aux dépens de la mère-patrie.
Les colonies ne doivent pas former une partie de la patrie. Les colonies sont des provinces qui en dépendent.
Plusieurs membres de l'Assemblée interrompent l'orateur, et observent que les questions qu'il examine sont déjà décidées ; qu'il n'est plus temps de contester à Saint-Domingue le droit ae députer, puisque l'Assemblée a reconnu, par une délibération antérieure, la faculté que toute province devait avoir de députer.
, député d'Anjou. Le voeu de la noblesse d'Anjou me prescrit de conclure à l'admission des députés de Saint-Domingue. Elle est dans un état d'oppression, et a besoin d'une complète régénération.
S'il fallait qu'un jour je me retirasse de cette salle, au moins je n'en sortirais pas sans avoir acquitté un devoir que me prescrivent mes cahiers.
La noblesse d'Anjou a manifesté son vœu sur la colonie de Saint-Domingue ; elle exige qu'elle ait une représentation.
Et comment pourrait-on la lui refuser ? Ses richesses sont immenses, son commerce fleurit dans toutes les contrées.
Saint-Domingue est divisé en trois quartiers, le moindre bailliage a eu quatre députés ; pourrait-on lui refuser une députation semblable ?
Je pense donc qu'il faut admettre définitivement les douze députés reçus provisoirement avec voix délibérative, et les autres avec voix consultative.
donne lecture
d'une lettre qu'il vient de recevoir de la part d'une seconde députation de Saint-Domingue.
Extrait de la lettre de la nouvelle députation de Saint-Domingue.
. « Monseigneur, les colons de Saint-Domingue soussignés, actuellement en France, n'ont pu voir d'un œil indifférent le moment où les peu ples français sont appelés par un roi généreux à faire leurs doléances et à travailler à la restauration commune.
« Plusieurs de nos concitoyens se sont réunis d'effet et d'intention pour travailler au bien général.
« Ils ont, sans lettres de convocation, et même de la capitale, fait assembler quelques particuliers pour les nommer députés aux Etats-généraux.
a Le défaut de convocation semblait leur en fermer l'entrée ; mais la nation a cru devoir rejeter ce défaut de forme ; elle a reconnu que les colonies, comme toute autre province, avaient et ont le droit d'être représentées dans l'Assemblée de la nation.
« Les colons soussignés acceptent avec reconnaissance une pareille déclaration.* Relégués au delà des mers, ils se croyaient oubliés. Grâces soient rendues à l'Assemblée nationale qui vient de signaler de la manière la plus éclatante les droits de l'humanité.
« L'Assemblée nationale ne s'est pas contentée de cette déclaration généreuse, elle a encore admis provisoirement les députés qui prétendent avoir été nommés à Saint-Domingue.
« Rien de plus sage, rien de plus prudent. A la distance de deux mille lieues de là métropole, quelle certitude pouvait-on avoir de la légalité d'une telle nomination?
« C'est avec douleur que les colons, malgré leur estime pour les prétendus députés de Saint-Domingue, supplient l'Assemblée nationale de suspendre son jugement définitif jusqu'à ce qu'ils aient eu le temps, par une convocation plus régulière, plus publique, plus libre, de se conformer aux dispositions du règlement de convocation, pour valider les pouvoirs, pour vérifier les élections.
« Et si les électeurs ont été bien choisis, si les députés ont le droit de se dire et de pouvoir être regardés comme les vrais représentants de la colonie, s'ils peuvent parler en leur nom, proposer, délibérer et engager en un mot la colonie, ils en appellent sur ce point à la vérité et aux droits de la nature, ils en appellent au serment de MM. les députés.
« Mais comment ces messieurs pourraient-ils prétendre représeoterSaint-Domingue? Les formes qui rendent valables les élections n'ont pas même été remplies. Les députés ont été nommés dans des assemblées de quinze à vingt personnes. A la vérité, le procès-verbal se trouve chargé de signatures mais ce ne sont que des signatures mendiées et données après coup.
« Les mandats mêmes ont été donnés en blanc, et ils ne peuvent jamais engager les colons.
« Les soussignés supplient l'Assemblée nationale de prendre en considération et de suspendre le jugement pendant le délai suffisant pour légitimer les pouvoirs donnés aux députés.
« Les coloris de Saint-Domingue osent déclarer que si l'Assemblée croyait devoir passer outre, ils protestent contre tout ce qui pourrait être fait, et demandent acte de leur protestation. »
Cette lettre est signée de plusieurs colons. Elle . ne paraît pas faire beaucoup d'impression dans l'Assemblée.
. J'observe qu'au nombrQ de ceux qui protestent, on trouve les signatures des comtes d'Agoult et Sanadon, quoiqu'ils aient assisté à toutes nos délibérations.
M. ***.- J'observe que cette question a déjà été agitée par toutes les puissances de l'Europe qui ont des colonies, sans que jamais elles aient pensé les admettre. La justice naturelle est ici en opposition avec la politique des Etats.
Un membre demande que l'on fasse droit à la protestation des colons.
. Tous les juge j ments ne peuvent être que provisoires ; si quelj-qu'un veut disputer les siens à l'Assemblée, on n^ pourrait rejeter cette réclamation sans l'examiner* il faut donc ouvrir la discussion sur ces protesta* lions.
. Ce jugement n'est par irrévocable, puisqu'il a été rendu sans contradicteurs.
L'Assemblée a persisté dans son dernier jugement, et regarde comme valable la députation de Saint-Domingue.
Le bureau s'occupe en conséquence de. la question sur le nombre de députés.
Saint-Domingue aura-t-il six ou douze députés? C'est ainsi que M. Chapelier pose la ques? tion.
observe que cela est contraire à la liberté des suffrages.
L'Assemblée arrête que chaque député aura la liberté de prononcer sur le nombre des députés.
On procède à l'appel nominal ; sur 756 votants,) • 1 vote pour 8 députés ; 9 pour 4 ; 223 pour 12 ; 523 pour 6.
La majorité est donc pour le nombre 6.
. Je demande que l'on délibère si les autres députés auront séance dans l'Assemblée nationale.
Cette demande est accordée.
M. de Gouy demande s'ils auront voix délibérative.
. Les députés suppléants de toutes! les provinces ne méritent pas moins de faveur que les députés de Saint-Domingue \ au contraire,! la députation de ceux-ci, quoique jugée valable,, n'en est pas moins incertaine.
Cette opinion fait rejeter la demande de M. le' marquis de Gouy d'Arcy.
En conséquence l'Assemblé nationale arrêté : L
« Que Saint-Domingue aura six représentants pour la présente session de l'Assemblée nationale,' et que les autres membres présentés à la députation auront, comme les suppléants des pro-! vinces de France, une place marquée dans l'enceinte de la salle, sans voix consultative ni délibérative. »
, au nom du comité j des subsistances. Le comité que vous avez établi! pour s'occuper de la cherté des grains et des moyens de faciliter la subsistance du peuple! s'est livré avec le zèle que vous avez droit d'at-| tendre de ses membres au travail que vous lui avez imposé. Il a d'abord chargé trois de ses mem«|
près de demander à M. le directeur-général des finances les renseignements nécessaires pour déterminer avec plus de justesse les opérations dans lesquelles votre amour pour vos concitoyens ne vous permet d'apporter aucun retard. Ce ministre nous a donné les états d'entrée et de sortie, jet il s'est chargé de plus de faire lui-même pour le comité un mémoire qui va être mis sous vos lyeux.
fait lecture de ce mémoire.
MÉMOIRE feemis de la part du roi, par m. necker, directeur général des finances (l).
| Je ne puis rendre compte des soins que le Roi il pris, relativement aux subsistances, que depuis le moment de ma rentrée dans le ministère, c'est-à-dire depuis le 25 août 1788.
La libre exportation des grains avait été établie par une loi enregistrée le 17 juin 1787; cette loi avait été généralement applaudie, et en fconséquence l'on s'était livré au commerce des grains dans tout le royaume avec plus d'activité que jamais, et l'on avait envoyé dans l'étranger fine quantité considérable de grains. Cependant, à mon arrivée dans le ministère, je me hâtai de prendre des informations sur le produit delà récolte et sur les besoins des pays étrangers.Xes informations m'ayant donné de l'inquiétude, je proposai à Sa Majesté de~tféfehdre 1 exportation des grains. On crut dans les premiers moments que ces dispositions tenaient aux opinions particulières du ministre, parce que j'ai fait connaître en plusieurs occasions de quelle importance il est pour la France de veiller sans cesse sur les effets d'une exportation illimitée, et de ne se livrer à cet égard à aucun système exa-igér£. Quoi qu'il eft soit, l'expérience a prouvé [combien était convenable l'empressement que l'apportai à solliciter les ordres de Sa Majesté, pour contenir et pour arrêter entièrement l'exporta-Jtion des grains. Ce fut dans les premiers jours de septembre que je commençai à ordonner aux fermiers généraux, de la part du Roi, d'arrêter à plusieurs; frônlteres l'exportation des grains, et le 7 du même mois, Sa Majesté lit rendre un arrêt de son conseil qui défendait d'une manière générale et absolue la sortie des grains hors de son royaume.
Cependant de nouvelles notions générales sur l'étendue de la dernière récolte m'ayant fait craindre que son produit, joint aux réserves des anciens blés, ne fût pas suffisant, Sa Majesté crut jprudent d'exciter le commerce à faire venir des grains de l'étranger, et Sa Majesté permit, par fin arrêt de son conseil du 23 novembre dernier, line prime de 40 sous par quintal de farine, et Ide 30 sous par quintal de blé, sur toutes les Quantités de ces denrées qui seraient importéeses Etats-Unis d'Amérique dans l'un des ports du royaume.
Cette prime n'avait d'abord été annoncée que pour durer jusqu'à la fin de juin, afin de
hâter les secours qui pourraient nous être destinés de cette contrée; mais le Roi, par son
arrêt du
Sa Majesté, par son arrêt du 11 janvier dernier, accorda de semblables encouragements à l'importation des grains qui seraient envoyés en France de tous l.es pays de l'Europe, et les primes, fixées d'abord à 15 sous par quintal de froment, à 12 sous par quintal de seigle, et à 20 sous par quintal de farine, ont été doublées par l'arrêt du conseil du Roi du 20 avril dernier, et le terme en a été prolongé jusqu'au 1er septembre : enfin, le Roi accorda par le même arrêt une prime d'encouragement pour l'introduction des orges, soit en grains, soit en farines.
Toutes ces primes ont été payées comptant dans les ports mêmes et à l'arrivée des navires. Cependant Sa Majesté, justement inquiète que le royaume neYeçùi pas des secours équivalents à ses besoins, et l'expérience ayant instruit que peu de négociants veulent se mêler du commerce des grains, lorsque les prix sont chers et fixent les inquiétudes du peuple, Sa Majesté crut devoir s'assurer d'un approvisionnement extraordinaire, en faisant acheter dans l'étranger, de ses propres deniers et à ses périls et risques, une quantité considérable de blés et de farines, et le Roi confiances commissions aux régisseurs des vivres de II. guerre.
jUs ont été autorisés à faire des achats au dehors dès le mois de novembre, et depuis -cette époque ils n'ont jamais été un moment dans l'inaction.
La commission pour les farines n'a été exécutée que jusqu'à la concurrence de quatre-vingt-dix mille sacs, parce qu'on n'a pu faire ces achats qu'en Angleterre; et dans le cours de ces opérations le prix de la denrée est monté au terme où les lois du pays ne permettent plus l'exportation.
On n'a pas été arrêté de même dans les achats de blés, parce qu'on a pu s'adresser dans plusieurs pays, en Hollande, à Hambourg, à Dant-zick, en Irlande, et pendant quelque temps dans la Flandre autrichienne.
Le Roi a employé son crédit et sa puissante intervention pour obtenir, malgré les défenses gé-générales, une extradition particulière de laSar-daigne, de la Sicile et des Etats du pape, ces blés avaient d'abord été destinés pour la Provence et les autres parties méridionales de la France; mais Sa Majesté ayant été informée qu'on pouvait s'y passer de ces secours, le Roi les fait venir au Havre et à Rouen; mais par un des malheurs qui semblent assaillir la France cette année, une conduite inattendue de la part des Algériens jette l'alarme dans la Méditerranée, et intimide les navigateurs.
Je vais donner maintenant un recensement des divers secours dus aux soins bienfaisants de Sa Majesté.
Quintaux.
c . , / Farines......... 91,343
Secours arrives en Blés............ 673154
France pour le compte J Sei le3.......... 15^113
du Roi, a 1 époque du ) a M 9A7
juillet 1789. ( fc;;;;;;;;; 5£MJ
„ . , I Farines......... 5,427
i GharJ°™ent? fai s Blés............ 48,794
dans différents ports ^ ..............6 353
de 1 Europe, et atten-) 0 »_____________ 3 689
dus a chaque instant, f
A reporter,.*..... 1,041,635
Quintaux,
Report............. 1,041,633
Achats exécutés et( Farines......... ^1,500
de l'expédition des-) SeifflVs.......21850
quels on n'a pas en-) Kf.......... ,
coreavis. [ R> ;;;;;;;;;;;.....^M
I Farines......... 59,500
Blés............ 150,280
Seigles.......... 38,086
Orges.....................
Riz...................16,150
Total des secburs arrivés ou attendus.. 1,404,463
On remettra au comité des subsistances des Etats généraux la liste des vaisseaux qui ont apporté ces divers secours, avec la désignation des ports où vils ont été déchargés ; on joindra à cette instruction tous les détails particuliers qui pourront être demandés par le comité.
11 y a eu des ordres continuellement subsistants dans l'étranger pour faire arriver des grains en France, et les seuls obstacles sont venus de l'impossibilité dyen acheter davantage, parce que les ressources mêmes des pays étrangers ont des bornes.
Les nombreuses armées rassemblées dans le nord et sur les frontières de la Pologne épuisent une grande partie du superflu qui vient à Dantzick, et qui se reverse ensuite à Amsterdam ; et dans cette même année, véritablement malheureuse , non-seulement presque toutes les provinces de France ont été dans la détresse, mais l'Espagne et quelques autres pays de 1 Europe ont éprouvé la même disette. T&ls ontjHé cependant les efforts continuels de Sa Majesté,queles achats faits dans l'étranger par ses ordres et pour Son compte s'éiëv^ron t à p lus de 25 millions ; ainsi le Roi^ entraîné par l'importance de l'objet, s'est conduit, dans la péïiurie de ses finances, comme il l'aurait fait avec la plus abondante richesse. On pourrait demander comment, en des circonstances si difficiles, le Roi a pu obtenir dans l'étranger le crédit nécessaire pour des opérations si étendues. Ceux qui l'ont accordé peuvent seuls répondre pleinement et convenablement à cette question.
On doit faire observer qu'indépendamment de ces achats faits pour le compte du Roi, plusieurs villes ont fait venir des approvisionnements de l'étranger, et que le Roi en a aidé quelques-unes de son trésor et d'autres de son crédit.
Ce sont ces différents achats qui, réunis à ceux du commercé,ml fait baisser les prix des changes, d'une manière si sensible, et qui obligent en ce moment à une fâcheuse exportation du numéraire.^-——...............
On peut présager quels eussent été nos malheurs sans les secours dus à la prévoyante sollicitude du Roi, puisque, malgré des secours et des encouragements dont il n'y a pas d'exemple, la subsistance de la ville de Paris et des provinces qui l'environnent est un objet journalier de sollicitude pour Sa Majesté.
Le Roi continue à faire les plus grands efforts jour obtenir dans tous les pays de l'Europe le jeu de secours, qu'on peut en espérer encore, et : 'on peut dire avec vérité que tous les moyens imaginables ont été mis en usâge. Autrefois Paris était approvisionné non-seulement par le territoire de sa généralité; mais encore par le Sois-
sonnais, la Picardie, la Champagne et la Bourgogne ; et depuis plusieurs mois, à quelques Recours près, venus du Soissonnais, la capitale s'est trouvée dénuée de ses ressources ordinaires, et sans les secours venus de l'étranger pour le compte de Sa Majesté, les plus grands malheur? auraient éclaté. Cependant le Roi, avec ces mêmes* secours, a fait passer des grains dans une multitude de marchés, et jusqu'à vingt et trente lieues de Paris^, comme chacun en a maintenant connaissance. Enfin, après l'émeute de Reims, c'est de Paris même que sont partis des secours qu'on invoquait comme instants. La ville de Caen, après le pillage arrivé dans cette ville, était à la veille de la famine sans les promptes expéditions dè grains que le Roi fit ordonner du Havre et de Rouen, à prendre sur les blés que Sa Majesté avait fait venir de l'étrange]*. C^est encore de Paris que sont partis quelques convois de farine pour cali-mer les inquiétudes de la ville d'Orléans. La ville de Lyon a été dans les plus grandes alarmes qt l'époque où le parlement de Bourgogne a défendu l'exportation des grains dans toute l'étendue dé ison ressort. Le Roi fit partir sur-le-champ quell ques blés de Marseille, et encouragea les officiers municipaux à faire des efforts extraordinaires! len leur promettant de diminuer de son trésor royal la perte de ces opérations. C'est par desbléu tirés du Palatin at que le Roi est venu au secours; de la ville de Nancy. La ville de Rouen, et d'autres le long de la Seine, ont participé aux secours; du Roi. La Picardie a été aidée par Saint-Valéry* le Languedoc par des envois faits à Toulouse: toute la généralité d'Auch, celle de Bordeaux, celle de Montauban, ont été pareillement secoua-rues par des blés étrangers achetés pour le compte de Sa Majesté. Je supprime rénumération des lieux moins considérables qui ont reçu des preuf ves de la sûrvèillahce attentive du Roi. Mais c'est Paris qui, dénué de ses ressources ordinaires elf renfermant une population immense, a eu le plus de besoins et le plus de secours. Toutes les faf rines venues d'Angleterreytint été destinées, e quoique la pénurie de ses environs ait augment les demandes à la halle, tandis que l'introductioi dans Paris par les marchands fariniers a été suc cessivement réduite à cinq ou six cents sacs pai1 jour, cependant le Roi a pu suffire à tout jusqu'à, présent, mais avec une inquiétude continuelle, et Sa Majesté ne sera tranquille qu'au moment où la récolte des seigles aura procuré de nouvelles ressource^ Ce serait sans doute un malheur que d'être partie à cette sortede grains jusqu'à ia moisson des froments ; mais le Roi a dit que si la nécessité des circonstances obligeait à se contenter pendant quelque temps d'un pain mêlé de seigle et de froment, il n'y en aurait que d'une même sorte et pour les riches et pour les pauvres, et que le même serait servi sur sa table. Peut-être nous mettrons-nous à l'abri de cette nécessité, et je l'espère; naais^q:uan4-les hommesj)qtjait tout ce qui est en leur, pouvoir, il ne reste plus qu'à se soumettre -avec- patience aux lois de la nécessité et aux décrets 4e la Providence. Chaque jour on avance versiun temps plus heureux, et les alarmes de cette armée serviront sans doute à faire sentir les inconvénients d'un système permanent de liberté coml-plète pour l'exportation des grains.
J'aurais déjà proposé à Sa Majesté d'ordonner qu'on ne lit dans Paris qu'un seul pain bis de pur froment, au moyen de quoi la quantité nécessaire pour trente jours d'approvisionnement aurait suffi à quarante; mais pendant longtemps cé som
des farines d'Angleterre qui ont suppléé aux besoins de la capitale, et les blés extraits en grande-partie de Pologne et emmagasinés ensuite en Hollande, ayant fait un grand trajet de mer, ne sont pas aussi bons et aussi frais que des blés nationaux, et je craindrais qu'en les convertissant en . rarines bises, les habitants de Paris n'éprouvassent de deux manières une différence dans le pain auquel ils sont accoutumés.
Quant à la circulation intérieure, elle a été constamment ordonnée et protégée par Sa Majesté, et tous les arrêts du Conseii rendus depuis quelque temps ont confirmé cette" sage disposition; maisTe parlement de Bourgogne, et ensuite, à» son imitation, celui de Franche-Comté et celui de\ îïancy, ont défendu la sortie des grains de l'étendue de leur ressort. Les administrations particulières de quelques provinces, de plusieurs villes et de plusieurs districts, ont adopté en partie les mêmes dispositions, et elles ont été soutenues par 1/effervescence du peuple ; en sorte qu'on a été obligé d'employer beaucoup de précautions pour qéfendre la liberté de la circulation: i^^^fallii, rtour la sûreté des convois, placer dégroupés le Ipng^de la Seine ; il a fallu en disperser dans la tranquillité des fefjjni^f|n^jl a fall^^riS^^^^tMlT^ des sup-plémelMjdijJïIe ët dé la>maréchaussée, afin de maintgnir la rrânquilit^p
Les accaparements sont la première cause à la-, quelle la multitude attribue la cherté des grains^f et en effet, on a souvent eu lieu de se plaindre die la cupidité des spéculateurs; mdsiij^st aisé die_ juger -4U'à une époque si peu éloignée des nouvelles moissons, a une époque où le prix de la denréejesi excessifTet où les greniers abondants île seraient pas en sûreté, il est peu croyable qu'il y ait nulle part des réserves importantes de més^eOe^xéultatjies recherches faites par ordre du Boirs'accorde avec ces vraisemblances.
Il est une multitude de précautions et d'infaf-| mations prises par l'administration, dontonn'aja-f mais eu connaissance, parce que les ménagements] nécessaires pour éloigner les inquiétudes, exi-| gjent de garder le secret de ses propres peines ; et| lù Roi ne permet la publicité de ce mémoire quejl parce que chacun est instruit maintenant de la]) situation des choses.
I La longueur et la rigueur du dernier hiveifj avaient déjà exigé les soins les plus actifs de. la/ part de Sa Majesté;il a fallu faire de grandes dé- Y penses pour avoir une quantité de farines suffi-j santé pour nourrir Paris, parce que les moulins à j eau, à cause de la gelée, et les moulins à vent, f par le défaut de mouvement dans l'air, étaient} m plupart sans activité; et l'inquiétude a été si/ -grande, que le Roi 'crut de sa prudence de faire! construire des moulins à bras, lesquels seuls au- [ paient pu procurer les moutures indispensables,) si la gelée eût duré quelques jours de plus. ,
Je ne dois pas négliger de dire que le Roi a ' multiplié cette année les secours d'argent, pour adoucir le sort de la classe la plus indigente du j peuple. Enfin, au milieu de la disette et de la j cherté, le Roi a fait tout ce qui était humainement possible, et tout ce qu'on pouvait espérer d'un ! monarque et d'un père. Le pain, déjà fort cher à Paris, serait considérablement monté de prix, sans les indemnités que le Roi a accordées aux boulangers, et qu'il continue à leur payer. Le Roi, de plus, soit à Paris, soit dans d'autres lieux, a fait vendre les blés qu'il a tirés de l'étranger, à des prix qui lui occasionnent une perte immense,
et ces ventes ont contribué à modérer les préten-tions des autres vendeurs. Les actes de là bienfaisance du Roi, dans ces malheureuses circonstances, sont innombrables; mais j'en ai dit assez, je pense, pour exciter la reconnaissance envers Sa Majesté; ce sont les ministres, témoins de ses tendres sollicitudes pour le sort de ses peuples, qui reconnaissent le plus sensiblement combien il est digne de leur amour, et ce sont eux encore qui le soient avec douleur agité par des peines ae tout genre, tandis qu'aucun prince, par la conscience de ses bonnes intentions, n'eût eu plus de droits à jouir de cette tranquillité d'âme sans laquelle il n'est point de bonheur.
, après avoir terminé la lecture de ce mémoire, continue son rapport en ces termes :
Vos commissaires n'ont négligé l'examen d'au-• cune des considérations qu'ils pouvaient avoir à mettre sous vos yeux, et ils ont conclu que vous ne pouviez, dans ce moment, avoir que trois choses à faire :
[1° Favoriser la circulation de province à province, et de canton à canton dans l'intérieur du rovaume;
2° Porter des secours ou denrées dans les lieux où elles peuvent manquer réellement ;
3° Répandre des salaires et môme des aumônes dans ceux ou la denrée.ne manque pas, mais où les moyens du peuple sont insuffisants pour se la procurer.
C'est l'opinion de votre comité, que l'on ne peut aller trop vite pour les œuvres de bienfaisance, et trop mûrir les actes de législation qui doivent porter l'empreinte de la raison sociale, et s'appuyer sur les principes reconnus par l'opinion publique, sans le concours de laquelle la raison elle-même et les lois seraient dénuées de pouvoir.
Les besoins sont si urgents dans quelques cantons et en même temps la récolte si prochaine, que ce ne sont point des lois qu'on attend de vous, ce sont des secours, qu'il faut donner à ceux dont le besoin les invoque.
Sans doute il ne vous est pas permis par vos mandats de vous occuper ni d'emprunts ni d'impôts, avant d'avoir réglé ce qui concerne la constitution et la périodicité de l'Assemblée nationale; mais les trois moyens pour soulager la misère publique entraînent ou un emprunt, ou un impôt, ou une autorisation de dépense qui nécessitera l'impôt ou l'emprunt.
Seriez-vous donc dans l'impuissance de secourir vos frères, qui vous implorent et la nation assemblée ne pourrait-elle que plaindre la nation?
S'il s'agissait de perpétuer des dépenses ruineuses, de fournir à la prodigalité d'une cour, de rendre des ministres indépendants de la satisfaction publique, certainement alors il vous serait, il vous est défendu de vous prêter à aucun impôt, à aucune contribution, à aucun emprunt. Tel est l'esprit des mandats qui vous lient, et le seul article par rapport auquel ils puissent être impératifs sans danger.
Vous ne pouvez douter que vos commettants n'aient dit que le salpt public était la loi suprême ; qu'ils ne vous aient autorisés à mettre. obstacle aux ravages d'une inondation ou d'un incendie, à repousser l'ennemi si la patrie était attaquée, à secourir le pauvre, à l'arracher de la mort.
Ce n'est pas aux pauvres qu'ils vous ont défendu d'accorder une rétribution; et puisque vous êtes
leurs représentants, vous devez faire ce que les représentés auraient fait eux-mêmes.
Telle est l'opinion du comité des subsistances. 11 ne choisira pas entre les moyens qui vous ont été proposés; il -se borneà les mettre sous vos yeux.
présente six moyens que le comité a cru propres à remplir les vues de l'Assemblée. Il les expose dans les six propositions suivantes :
1° Ouvrir une souscription volontaire de secours pour la subsistance et le soulagement des peuples dans le sein de l'Assemblée, à Paris et dans les provinces;' remettre aux Etats provinciaux, aux assemblées provinciales et aux municipalités, sous l'inspection de l'Assemblée nationale, l'emploi des fonds qui en proviendront ;
2° Autoriser le gouvernement, les Etats provinciaux, les assemblées provinciales et les municipalités à faire les avances et les dépenses que la subsistance et le soulagement du peuple pourraient nécessiter, sous la garantie de la nation et l'inspection de l'Assemblée nationale ;
3° Autoriser dans les provinces où la récolte n'est pas faite et ne serait pas au moment de se faire une contribution de vingt ou de dix sous par tête, ou de telle autre somme qui serait localement jugée suffisante, de laquelle l'avance serait faite dains chaque municipalité par les huit ou dix citoyens les plus riches et les plus hauts imposés des trois ordres, et partager en autant de payements qu'il y aurait de semaines à s'écouler jusqu'à la récolte, à l'effet d'être employés, selon la sagesse des assemblées municipales" en achats ou transports de subsistances, et au plus grand soulagement de la pauvreté, sous la condition qu'il sera rendu compte du tout aux assemblées supérieures d'administration, et par celles-ci à l'Assemblée nationale ;
4° Prendre le temps nécessaire pour rédiger avec le plus grand soin l'exposition des principes qui doivent assurer à tous les Français la libre et mutuelle communication des subsistances et la plus grande égalisation possible des approvisionnements et des prix, afin que le Roi y ayant ensuite donné sa sanciion, cette équitable et utile répartition des subsistances ne puisse plus être interrompue par aucune autorité, et qu elle devienne une loi fondamentale et constitutionnelle de l'Etat ;
5° Remettre à s'occuper des autres questions que pourrait faire naître le commerce des grains et des farines, au temps où il deviendra nécessaire que vous preniez un parti à ce sujet ;
6° Sans attendre aucun éclaircissement ultérieur, prononcer dès aujourd'hui la prohibition de l'exportation des grains et des farines jusqu'en novembre 1790.
Un membre objecte qu'il n'est pas permis par les mandats de s'occuper ni d'emprunts ni d'impôts avant que la constitution soit achevée.
. Il serait fâcheux que la nation assemblée ne pût que plaindre la nation : s'il s'agissait de prodigalités, je suis persuadé qu'alors les mandats seraient impératifs; mais l'esprit des mandats est de soulager Je peuple et d'employer les moyens les plus prompts et les plus efficaces pour y parvenir. Le comité a été unanimement d'accord sur l'urgence.
L'Assemblée ne se croit pas assez éclairée sur cet objet pour le soumettre d'abord à la discussion ♦ Elle arrête que le projet du comité sera en-
voyé aux divers bureaux qui le discuteront sépaL rément, et porteront à l'Assemblée générale, danp la séance prochaine, le résultat de leurs discusj-sions.
La séance est levée.
Séance du
La séance est ouverte à 10 heures du matin.
, membre du comité de vérifica tion, a fait le rapport de l'examen des pouvoir de M. Cortois de Balore, évêque de Nîmes; d M. de Bethisy de Mezières, évêque d'Uzès, député de la sénéchaussée de Nîmes ; de M. Papin, prieur-curé de Marly-la-Ville, nommé pour suppléant de la prévôté de Paris, et quia remplacé M. Leguen, curé d'Argenteuil, décédé; de M. de Lafare, évêque de Nancy, député du bailliage de Nancy, Lq-néville, Vezelise, Blamont, Rozières et Nomériyj; de M. Clapier, député de la sénéchaussée d'Aix en Provence; de M. le marquis de Guilhem-Cler-mont-Lodève, député de Ja noblesse de la vil^e d'Arles ; de MM. Gonlier de Biran, Fournier de la Charmie; LoysetPaulhiac, députés des communés de Périgord* Leur nomination a été reconnue régulière.
a également fait le rapport de l'examen des pouvoirs de M. l'abbé Royer, député du clergé de la ville d'Arles, au sujet desquels se sont élevées plusieurs difficultés dans le comité de vérification, attendu que le clergé d'Arles, atant de nommer son représentant, avait pris part à l'élection du clergé de la sénéchaussée}. M. Hébrard a cependant observé que la pluralité des opinions dans le comité avait été pour l'adf-mission de M. Royer; qu'on s'était fondé sur un règlement fait par le Roi le 4 avril, qui donnfe une députation particulière à la ville d'Arles, en vertu de ses anciens privilèges ; qu'à la vérité, dans les précédentes Assemblées nationales, le clergé de cette ville n'avait point de député, mais que les circonstances présentes et le règlement de Sa Majesté l'ont autorisé à en nommer un, et que lprsque le clergé de cette ville avait concouru à l'élection du député de la sénéchaussée, il ignorait l'existence au règlement.
L'Assemblée a arrêté que M. l'abbé Royer serait admis comme député de la ville d'Arles, pour la présente session des Etats généraux, et sans tirer a conséquence pour l'avenir.
On fait lecture du procès-verbal de la séance du 4.
Après cette lecture, on ouvre la discussion sur le projet du comité des subsistances.
, curé de VOrléanais, prend le premier la parole pour exposer le sentiment général de son bureau.
Les moyens, dit-il, qui vous sont offerts par le comité des subsistances, ne nous présentent que des secours pour l'avenir, mais non pas pour le présent. Les besoins actuels sont urgents ; ils nous pressent de tous côtés : les provinces éprouvent déjà les horreurs de la famine.
Nous devons nous attacher aux deux grands
malheurs qui nous désolent, la disette de blé et la disette d'argent. Les productions de notre sol, un numéraire immense, produit de nos richesses, se sont répandus dans des contrées étrangères, et y répandent, à nos dépens, un superflu que la nature et nos travaux nous avaient prodigué.
Cependant, sans nous livrer ici à des craintes incertaines, nous pouvons sans danger croire que le blé ne manque pas en France. Les provinces frontières n'en sont pas dépourvues; mais c'est vraiment en se rapprochant du centre du royaume que le fléau de la disette s'appesantit davantage.
A Orléans et dans les environs, les troubles et les émeutes réitérés semblent être les avant-coureurs d'une famine prochaine ; dans d'autres provinces on a donné la mort à des malheureuses victimes auxquelles on ne pouvait pas donner du pain. Plus on avance, plus les obstacles se multiplient, et chaque jour présente un accroissement douloureux de nouveaux malheurs.
Il était temps, il y a un mois, de prévoir ces calamités : on pouvait ordonner la libre circulation des grains; je l'ai même proposée dans la Chambre du clergé ; mais à peine ma proposition a-t-elle été faite, qu'un membre s'est élevé contre elle ; il m'a accusé de peu respecter nos lois et l'autorité des cours. Sans doute personne ne respecte plus que moi les lois et la majesté du trône ; mais la religion des princes est souvent séduite, et le premier devoir d'un bon citoyen est de faire briller devant eux le flambeau de la vérité.
Je pense que nous devons encore songer au moyen que j'avais soumis au clergé. Le comité vous l'a présenté, et je le remets sous vos yeux.
Mais ce secours ne serait pas suffisant. Le ûial |est immense : chacun doit chercher, autant qu'il est en lui, à le diminuer ; et c'est ce qui me porte à croire qu'une souscription volontaire en faveur des pauvres contribuera beaucoup à soulager leur misère.
annonce qu'il vient de recevoir une lettre des boulangers de Paris adressée au comité, sur laquelle il y a pressée. L'Assemblée en demande le renvoi au comité des subsistances, qui est invité à s'assembler sur-le-champ.
{^.Messieurs, voici une de ces circonstances où l'impatience est permise, et où l'on prétendrait presqu'à se faire pardonner des discours dont l'utilité serait incertaine. Il s'agit du peuple, de ses malheurs ; nous les sentons tous, nous voudrions tous les soulager. On n'a pas un sentiment qu'on ne veuille épancher, on n'a pas une idée qu'on ne .croie en devoir le tribut. Sur tout autre objet, j'aurais écouté et me serais instruit. Dans la cause du peuple, je ne puis résister à dire ce que j'ai pensé, ce que j'ai cru et ce que j'ai senti.
Apràs avoir mûrement examiné les six propositions par lesquelles a été terminé l'intéressant rapport que nous avons entendu samedi dernier, il m'a paru qu'elles pouvaient se partager également en deux classes.
La première offrant trois moyens de secours effectifs pour l'instant.
La seconde trois objets d'administration dont deux éloignés et un présent.
Quant aux moyens de secours, le premier consiste à ouvrir une souscription. Il m'a paru
diffi-
Les deux autres, dont l'un autoriserait le gouvernement et les Assemblées provinciales à faire des avances sous la garantie delà nation, et dont l'autre autoriserait une contribution locale de dix ou vingt sous par tête, n'auraient pas les mêmes inconvénients. Mais un danger différent fait craindre également de les admettre. Sous un nom ou sous un autre, c'est toujours un octroi, un emprunt, un impôt. Nous ne pouvons pas encore en accorder. Jamais, sans doute, le gouvernement ne mérita plus de confiance, plus de faveur, que dans cet instant et sur cet objet ; mais c'est pour cela même qu'il faut être plus en garde contre nous. Moins il y a de précautions à prendre contre les personnes, et plus il en faut prendre contre les places. Enfin ce serait un exemple ; il n'en faut point donner qui ne soit à l'appui d'un principe. Le principe est que nous ne pouvons encore voter aujourd'hui ni subsides, ni emprunt, et l'on peut même dire, qu'à cet égard, il existe un concert honorable entre le zèle que nous mettons à défendre cette vérité, et l'hommage que lui rend aujourd'hui le gouvernement.
Il faut cependant secourir le peuple, ce peuple qui souffre, ce peuple que nous avons l'honneur de représenter, et l'obligation de défendre.
J'ai cru, Messieurs, que l'on pouvait concilier la rigueur du principe avec le second moyen proposé par Messieurs du Comité, en le modifiant différemment. Vous jugerez si je me suis trompé. Je vais avoir l'honneur de vous lire le projet d'un arrêté ou plutôt d'un décret que je soumets à vos lumières. Vous y verrez que, quant aux trois projets d'administration contenus dans les trois dernières propositions du comité, je les ai adoptées,, que j'ai même hâté l'exécution du premier, du moins en partie, et que j'ai même désiré qu'il fut mis en vigueur ainsi que le dernier à partir de cet instant.
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par le Comité des subsistances, de la souffrance du peuple, de la cherté des grains et de l'infatigable bienfaisance avec laquelle le Roi, depuis un an, n'a cessé et ne cesse encore de lutter contre cette calamité pour en préserver ses sujets.
« Pénétrée de tous les sentiments qu'elle doit éprouver pour le peuple et pour le Roi ;
« Saisie d'un attendrissement respectueux à la lecture du mémoire que sa Majesté a fait remettre au Comité, pour le satisfaire sur les renseignements qu'il avait demandés ;
« Occupée enfin comme elle le sera toujours de remplir et de concilier tous les devoirs,
« A résolu et décrété :
« 1° Que le Roi sera remercié de ses soins paternels au nom de la nation, et avec l'effusion de tous les sentiments qu'il a mérités d'elle en celte occasion.
« 2° Que Sa Majesté qui, seule dans ce moment, peut embrasser d'un coup d'œii tous les besoins de son vaste empire; sera priée de faire savoir par le ministre qui a si dignement concouru à ses vues, si un secours extraordinaire est nécessaire dans la circonstance, et qu'elle en serait la mesure précise, et l'Assemblée promet solennelle-
ment qu'aussitôt que l'établissement et la promulgation des lois constitutionnelles lui permettront de s'occuper des subsides, elle en votera un particulier avant les autres, pour réaliser les secours extraordinaires.
« 3°Que dès aujourd'hui l'exportation des grains et farines à l'étranger sera et demeurera prohibée jusqu'au mois de novembre 1790; sauf à prolonger ou à abréger le temps de cette prohibition, si les circonstances l'exigent.
« 4o Que dès aujourd'hui pareillement, la circulation des grains et des farines sera et demeurera libre dans tout l'intérieur du royaume, sans qu'il puisse y être apporté aucun obstacle par aucune autorité, même* par les arrêts ou sentences des cours de justice, lesquels arrêts et sentences, l'Assemblée nationale annule pour le passé et interdit pour l'avenir.
« 5° Enfin que le présent décret sera porté au Roi, qui sera prié très-respectueusement de le revêtir de sa sanction royale, et de 1& faire proclamer dans toute l'étendue de son royaume.
« Se réservant, l'Assemblée nationale, de pourvoir par la suite aux lois fondamentales qui devront être portées sur les grains, approvisionnements, subsistances, et qui, sanctionnées par le Roi deviendront la règle et assureront la tranquillité de tous ses sujets. Et, en attendant, le comité des subsistances ne cessera de s'occuper des moyens de procurer l'abondance, de rétablir l'ordre, et de rechercher et réprimer les abus, en invoquant toutes les fois qu'il sera nécessaire la décision et l'autorité de l'Assemblée nationale. »
Je crois, Messieurs, que cet acte exprime tous nos sentiments, remplit tous nos devoirs et maintient tous nos principes.
La prohibition de l'exportation des grains à l'étranger n'est qu'une suite de la mesure qui a été déjà prise, elle est commandée par la nécessité du moment, dussiez-vous la modifier, la révoquer même, lorsque vous examinerez la grande question du commerce des grains, l'annonce en sera toujours salutaire en cet instant. Elle seule peut déconcerter la cupidité, elle seule peut faire verser, sur les places publiques, les grains enfouis, les magasins secrets, s'il est vrai qu'il en existe, s'il est vrai, s'il est possible que leurs coupables propriétaires fondent leur fortune sur les larmes et sur la faim de leurs malheureux concitoyens.
La libre circulation dans l'intérieur vous est demandée de toute part et de toute part on vous invoque contre des arrêts dont l'intention sans doute a été pure, mais dont l'effet a été de retenir le superflu dans un lieu et d'envoyer la famine dans un autre.
Enfin, Messieurs, l'arrêté que j'ai l'honneur de vous proposer me paraît important, sous plus d'un rapport. A l'intérêt principal qu'il remplit, se trouvent réunis dgs intérêts secondaires, dignes peut-être de se placer au premier rang. Je m'explique, Messieurs et si mon zèle m'égarait, je compte sur votre indulgence, je la sollicite.
Quelque salutaire que" soit une crise, quelque fortuné que soit un changement, ni Tune ni l'autre ne s'opèrent sans un mouvement quelconque. 11 n'est pas de mouvement sans une espèce de fluctuation, et il n'est pas de fluctuation sans péril dès qu'elle se prolonge. 11 est de votre sagesse de projeter lentement, mais il est de cette sagesse d'opérer une fois promptement. Peut-être l'idée de la puissance publique est-elle un peu affaiblie, ou du moins un peu vague
depuis quelque temps. Vous-même, Messieurs, au sein de la modération qui caractérise votre courage, parce que c'est le courage de la vertu, vous avez craint les effets d'une trop grande émotion; quelque pur qu'en fût le principe, vous avez craint que les démonstrations de la joie ne fussent aussi inquiétantes que les signes du mécontentement. Vous avez recommandé la paix à vos concitoyens, au nom de tous les droits que vous donnait sur eux votre zèle pour leurs intérêts. Le premier acte quel qu'il soit, par lequel vous pouvez rasseoir les esprits, montrer la loi, définir l'autorité, avertir la soumission, cet acte vous n'en doutez pas, sera d'un prix au-dessus de toute expression. Or, dans le décret que j'ai pris la liberté de vous proposer, dans les différentes dispositions qu'il renferme, il me semble que déjà vous commencerez à tout fixer, à tout définir. On y verrait réunis les deux pouvoirs, qui doivent être inséparables; séparez ceux qui doivent toujours être distincts, et subordonnez ceux qui doivent toujours être dépendants.
Il serait beau, Messieurs, il serait touchant que l'ordre imposant qui va être établi par vous dans toutes les parties delà chose publique, se produisît pour la première fois sous une image aussi attendrissante, et que le premier acte émané de la réunion des deux puissances nationale et royale, fût consacré à soulager l'indigence, à nourrir l'affamé, à répandre la consolation et la vie sur tout l'empire.
On a vivement applaudi pendant et après la tenue de ce discours.
. En rendant justice aux intentions du préopinant,.en vantant l'éloquence avec laquelle il a traité son sujet, je sacrifie mon amour-propre à mon devoir. Une loi telle que l'honorable membre l'a proposée est délicate, et l'effervescence en rendra peut-être l'exécution plus difficile. Le bureau dont j'ai l'honneur d'être membre s'est borné à faire un remercîment au Roi pour tous les soins qu'il s'est donnés et le prie de les continuer.
Plusieurs membres parlent ensuite; ils présentent le résumé des avis des différents bureaux sur les propositions du comité. On adopte les unes, on modifie les autres : quelques-unes sont rejetées.
Un membre lit un premier projet d'arrêté. En voici la teneur :
« 1° Remercier Sa Majesté d'avoir sauvé la patrie et d'avoir écarté les approches de la famine;
« 2° La supplier de continuer ses soins paternels pour le soulagement de ses peuples;
« 3° Ordonner la libre circulation des grains dans toute l'étendue du royaume, »
L'orateur d'un autre bureau donne lecture du projet qui y a été adopté. Le voici :
« L'Assemblée a vu avec attendrissement les soins actifs que Sa Majesté s'est donnée pour ses peuples; elle supplie Sa Majesté de les continuer; que la nation lui en aura une éternelle reconnaissance; qu'elle devient une des dettes la plus sacrée qu'elle contracte vis à*vis du monarque, qui ne peut trouver que dans son cœur la récompense d une si belle action.
« L'Assemblée nationale arrête qu'elle s'occù-j pera essentiellement de ces objets lorsqu'elle aura reçu les instructions nécessaires, et que le comité ne cessera de travailler sur des objets aussi importants. »
archevêque de Bordeaux, lit le projet adopté par sou bureau.
« L'Assemblée nationale, considérant la cherté des grains, etc., arrête :
« 1° Que l'Assemblée nationale ne peut que rendre grâce à Sa Majesté des soins, etc., et pour que les Etats ne soient pas retardés dans leur marche, et que leur activité ne soit pas suspendue le Roi sera supplié de continuer les secours qu'il a accordés jusqu'ici à ses peuples;
« 2° Que les associations de bienfaisance redoubleront, s'il est possible,' leurs efforts; que Ton en établira dans tous les lieux où il n'y en a" pas et où ces établissements pourront toutefois s'établir;
« 3° A», surplus, l'Assemblée nationale n'étant chargée que de la question importante qui concerne la constitution^ le Roi, le gouvernement, les Assemblées provinciales et municipales, et enfin tout corps, tout officier chargé de l'administration publique, seront invités à diriger plus particulièrement l'attention la plus sévère à écarter les maux qui affligent le peuple depuis longtemps. »
Le dix-huitième bureau a présenté ensuite son opinion, par l'organe de M. Bouche.
« Les moyens du comité, dit le rapporteur, ont jeté regardés comme dangereux, impraticables, lents et tardifs; mais, sans nous livrer à des réflexions que les préopinants ont déjà soumises à votre sagesse, je me contenterai de faire la lecture de l'arrêté projeté dans le bureau.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport à elle fait par le comité de subsistances, et après avoir entendu la lecture d'un mémoire, arrête :
« De faire au Roi de sincères remercîments des soins que Sa Majesté a pris pour remédier à la disette, et pour le supplier de continuer les soulagements qu'exigent les événements et de donner les ordres les plus sévères pour découvrir les magasins où d'avides propriétaires entassent les grains.
oc L'Assemblée, convaincne du danger de la prohibition de la circulation des grains, considérant que la moisson est presque faite dans les provinces méridionales, que celle* des seigles va bientôt commencer, a arrêté que tous les arrêts du Conseil, arrêts de cours, sentences, de quelques tribunaux qu'ils soient émanés, ordonnances d'intendant,' seront déclarés nuls ; qu'en conséquence la circulation des grains sera autorisée et rétablie, soit par terre, soit par eau.
« L'Assemblée nationale, pénétrée des dangers funestes de l'exportation, arrête qu'elle sera défendue jusqu'au mois de décembre 1790, et jusqu'à ce qu'il en soit autrement ordonné. »
Nous aurions ici terminé le récit des motions, si celle que nous allons transcrire n'entrait dans des détails, et ne montrait plus particulièrement les inconvénients qu'entraînerait l'adoption des moyens proposés par le comité.
, au nom du 21e bu-reau. L'on a observé qu'une souscription volontaire ne serait ni suffisante pour soulager les malheurs qui affligent la France, ni convenable à la dignité de l'Assemblée; d'ailleurs personne ne l'a encore adoptée.
Le second moyen a paru extrêmement vague ; les assemblées provinciales seront autorisées a faire des avances, etc.; mais dans ce projet il n'y a rien de fixe, rien de déterminé: tout y est incertain, et dépend de l'arbitraire ; il est impraticable dans la pratique comme dans la théorie.
La troisième renferme un impôt, une contribution forcée.Il ne convient pas, dans un temps de malheurs, de forcer des Français à la générosité et à la compassion, lorsque le sentiment seul suffit pour ouvrir leur âme à la bienfaisance.
Si le bureau a rejeté ces trois premiers moyens, il n'a pas vu du même œil la libre circulation des grains; ce n'est que par le système contraire que la disette ravage une province, lorsqu'une trop grande abondance reflue dans l'autre. Le bureau a donc cru devoir accepter le projet qui offre la liberté de la circulation, et qu'il faudrait anéantir les lois prohibitives.
11 est encore un moyen qui jusqu'ici ne s'est présenté à l'idée d'aucun membre de cette Assemblée, et qui a fait quelque impression dans Je bureau.
Ce moyen est un emprunt de soixante millions; il a paru d'abord contraire à nos mandats, mais il est si modique! il concerne un tout autre objet que celui qu'on nous prescrit dans nos cahiers; il n'est pas destiné à satisfaire l'avidité du gouvernement : ces considérations ont paru l'emporter.
Quant aux remercîments que l'on projette d'adresser au gouvernement, je ne puis les adopter ; nous ignorons les mesures qu'il a prises pour prévenir la disette, sont-elles sages et sagement combinées ? Attendons pour nous livrer à cette reconnaissance, que l'effet en ait justifié le premier mouvement.^Faisons que le sentiment du regret et de la douleur ne soit pas précédé pat celui de la gratitude.
Le neuvième bureau annonce, par l'organe de M. de Boufflers, qu'il a adopté l'opinion générale, celle de laisser au Roi le soin de remédier à la disette.
, commissaire du vingt-cinquième bureau, a été chargé d'exprimer le même vœu. 11 ajoute que l'exportation fût défendue jusqu'au premier novembre 1790; que la circulation fût permise, et que quiconque y mettrait obstacle serait regardé comme ennemi de l'Etat et traître à la patrie.
Le vingt-septième bureau propose l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, touchée des malheurs du peuple, arrête provisoirement que dans tous les lieux où la récolte ne commencera que dans quinze jours, et où le pain coûtera plus de trois sous la livre, les seigneurs, les curés et les assemblées municipales s'il y en a, sont invités à avancer une somme quelconque destinée à l'achat des grains, lesquels seront distribués de semaine en semaine et après les récoltes aux pauvres nécessiteux, distribution dont l'Assemblée nationale charge la conscience de ceux qui seront appelés à la faire ; lesquelles avances, dûment ainsi faites, seront garanties par la nation qui en fait la première dette de l'Etat. »
. J'interpelle le comité des subsistances de déclarer: 1° S'il ne lui a pas été donné connaissance des propositions faites par M. Jefferson, au nom des Américains, pour la fourniture des subsistances ; 2° de l'offre d'un particulier résidant en Angleterre de vendre de la farine de pois à un prix très-modique; 3° enfin, pourquoi s'il en a eu connaissance, il n'en a pas fait part à l'Assemblée. '
. Le comité ignore absolument ce dont M. de Mirabeau vient de p irler.
. Dans ce cas, je supplie l'Assemblée de suspendre sa décision, et je lui demande vingt-quatre heures pour prendre sur les faits dont je viens de parler les instructions et les renseignements qui me sont nécessaires. J'observe encore que, précisément sur la matière qui nous occupe, l'Assemblée doit se défier de son zèle, et ne hasarder aucune disposition qui puisse compromettre les principes.
observe sur les arrêtés que chaque orateur lit, au nom de son bureau, qu'ils sont contre la règle; que, par cette foririe, l'on interdit toute discussion dans l'Assemblée nationale; qu'au lieu d'écouter et de s'éclairer des avis de tous les membres de l'Assemblée, on se réduit à n'écouter, à n'entendre que ceux des bureaux; qu'enfin ce nouveau régime est contraire au règlement, et divise l'Assemblée en trente confédérations aélibérantes.
observe que les projets d'ar-rêlés ne doivent être regardés que: comme des motions, et que personne n'est privé du droit de ptirler*
Ces deux débats ainsi terminés après les mo-, tions telles que nous venons de les détailler, on continue la lecture des autres.
, au nom du igngt-quatrième bureau. Je pense qu'il est dangereux de prendre un parti sur l'impôt. Lès circonstances sont urgentes. Les vues ne paraissent pas de nature à porter des secours efficaces et prompts : dans cette position, le bureau pense que chaque assemblée municipale doit être autorisée et invitée à faire l'avance d'une somme de 100 livres dans les paroisses de cinquante feux, de 200 dans celles de cent feux, et ainsi de suite. Lesdites avances seraient garanties par la nation.
. Les projets dont l'Assemblée s'occupe ne sont pas de son ressort; l'Assemblée ne peut rien statuer, rien décider, régler, puisqu'elle n'a aucune instruction, aucun état, aucun renseignement; elle ne peut rien ordonner, puisque ces ordres appartiennent au pouvoir exécutif; elle ne peut procurer aucun secours, puisque rien n'est en sa puissance que de faire des lois.
En effet, que peut faire l'Assemblée nationale dans un moment de calamité? Peut-elle arrêter les horreurs de la famine? a-t-elle la puissance de poursuivre les monopoleurs, de les livrer à l'exécration publique et à la vengeance des lois? a-t-elle la force exécutrice pour arrêter et punir des complots que J'ombre du mystère couvre depuis longtemps, que des hommes, qui ont usurpé l'autorité, sanctionnent encore de leur nom, de leur crédit? a-t-elle ces ressources salutaires, ces éclaircissements nécessaires qui résident dans le gouvernement pour faire le bien? Non, sans doute: sans lumières, sans renseignements, sans force exéciitrice, dépouillée de toute activité, réduite à l'impuissance, elle est isolée, abandonnée au seul désir de faire le bien; elle peut l'ordonner, mais c'est tout; agissante jusque-là, sa force expire au delà des bornes qui la resserrent: l'autorité législative n'est rien sans l'autorité exécutrice, et celle-ci peut tout sans le concours de l'autre.
Au surplus, examinons de sangfroid les moyens présentés.
Le premier est une souscription de bienfaisance; mais les âmes généreuses ont-elles
attendu, pour manifester leur sentiment, que l'on ouvrît dans les villes un bureau où l'orgueil et la vanité porteraient avec emphase les dons qu'une avare pitié veut bien laisser tomber sur l'indigence ?
Le second dépendrait de la volonté plus ou moins étendue des individus qui composent les assemblées provinciales; ce ne peut-être là une loi,.et ils n'en ont pas besoin pour remplir ce que leur devoir leur prescrit.
Le troisième déshonorerait la nation; depuis quand la force-t-on à la générosité? Croit-on qu'il est besoin d'une imposition par tête pour soulager la misère? Il aurait mieux valu une simple exhortation qu'une loi qui commande et prescrit: celle ci déshonore les mœurs; celle-là est un hommage qui lui est rendu. 11 y a as^pz longtemps que l'on parle d'épurer les mœurs; est-ce ainsi que l'on aurait commencé?
L'Assemblée nationale a rejeté ces moyens, ou plutôt a semblé reconnaître que c'était à la prudence du Roi, que c'était même un devoir du Roi, une émanation de l'autorité exécutrice ; elle s'est arrêtée.
Ne faut-il qu'ordonner.? elle est prête; mais faut-il exécuter? ce n'est plus qu'un vain fantôme.
Mais laissons de côté les réflexions, et revenons au fait.
Le comité de subsistances peut toujours continuer ses opérations pour dévoiler les monopoles, tandis que l'Assemblée, occupée d'objets moins importants, marcherait à grands pas vers la constitution.
demande également qu'on suspende la délibération actuelle sur les propositions faites par le comité de subsistances, parce que demain il espère avoir à faire part à l'Assemblée de quelques découvertes intéressantes.
M. Bouche étant membre du comité, sur son observation, l'Assemblée cesse de s'occuper de ce qui a fait jusqu'ici la matière de la délibéra^ tion.
annonce une députation de MM. les électeurs de Paris, en observant que ces députations enlèvent des moments précieux à l'Assemblée.
L'Assemblée ayant consenti à la recevoir, sont entrés :
MM.
L'abbé Fauchet.
L'abbé Bertholio.
Bellanget.
N. de Bonneville.
Charton. Petiot.
De Leutre.
Du Mangin.
~ De la Poize.
MM.
Dameuve.
Dupré.
De Montizon.
Tassin,
Prévost de Saint-Lucien.
Le marquis de la Salle.
Jamin.
Pinon.
D'Osmond.
, au nom des électeurs de Paris. L'Assemblée des électeurs de Paris connaît tout le prix des moments que vous consacrez au bien public avec autant de succès que de gloire; elle ne se permettrait pas de vous demander à suspendre le cours de vos travaux, si la circonstance ne lui en avait imposé la nécessité.
Les suites de la journée du 30 juin présageaient les plus grands désordres. Les électeurs étaient assemblés samedi â l'Hôtel-de-Ville. Une lettre
écrite par des citoyens rassemblés au Palais-ïtioyal, les envoyés de ces mêmescitoyens qui se sont fait introduire dans notre salle, nous ont forcés à nous occuper des prisonniers qui attendaient l'exécution de la promesse de Sa Majesté à] l'Assemblée nationale.
La fermentation était extrême au Palais-Royal ; elle prenait les mêmes caractères parmi plus de deux mille citoyens qui assistaient à nos délibérations; la nuit s'avançait, le peuple s'animait, nous prîmes un arrêté qui ramena les esprits, en les frappant par des idées justes; nous y déclarions qu'il n'était pas permis de douter de Ja pa-rble du souverain, qu'aussitôt que les prisonniers seraient réintégrés, vingt-quatre électeurs se transporteraient à Versailles, solliciter, etc. ; qu'ils s'engageaient à ne pas rentrer dans Paris sans avoir obtenu la grâce de leurs concitoyens ; qu'ils étaient prêts à se jeter aux genoux du Roi, à| dire à ce bon prince, comme des enfants à leur plère, qu'ils ne se lasseraient de les embrasser jusqu'à ce qu'il leur eût accordé pardon, etc.
Cette dernière phrase produisit l'effet le plus prompt et le plus désirable. La nuit ne s'était point écoulée, et déjà les prisonniers étaient réintégrés daus les prisons de l'Abbaye; les attroupements ont cessé au, Palais-Royal, le calme règne à Paris. Nous venions vous faire part de cet événement heureux, persuadés, de la sensation agréable qu'il ferait sur vos cœurs.
C'est dans ces circonstances,[Messieurs, que nous sommes arrivés ce matin auprès de vous;- ce n'est plus l'exécution d'une grâce que nous venons vous demander de solliciter. La grâce est accordée, là bonté du Roi s'est développée. Les prisonniers réintégrés sont libres. Un de nos députés vient de nous en apporter les preuves. Ce ne sont plus que des témoignages de la plus vive reconnaissance que nous vous prions de porter au pied du trône de Sa Majesté ; dites au Roi que quiconque voudrait faire soupçonner les sentiments de ses peuples, le trompe et se rend coupable envers la nation ; dites-lui que la paix et le calme seront inaltérables tant qu'il nous chérira autant que nous le chérissons, etc.
1 M. le Président répond :
L'Assemblée nationale apprend avec joie le succès des soins des électeurs de Paris pour rétablir le calme et l'ordre dans la capitale. Elle m'a jamais douté que le Roi n'accordât la grâce qu'il avait daigné lui faire" espérer.
Exprimez, Messieurs, à vos comettants combien elle est satisfaite de leur zèle et de leur patriotisme, etannoncez-leur qu'elle vient de prendre des mesures pour hâter ses travaux, trop longtemps retardés, sur le grand objet de sa convocation, et celui de la constitution du royaume. J L'Assemblée arrête que tous les membres se endront à l'instant même dans les bureaux, pour lommer une personne dans chaque bureau par a voie du scrutin, et que le comité de constitution formé par la réunion de ceux qui auront été shoisis^ commencera ses travaux aujourd'hui à isix heures du soir.
indique la séance prochaine pour demain neuf heures du matin.
Séance du
La séance a été ouverte à neuf heures du matin.
11 a été remis sur le bureau un grand nombre de paquets, adressés les uns aux membres de l'Assemblée nationale individuellement, les autres aux Etats généraux en corps; quelques-uns aux ordres en particulier; et la distribution s'en est faite conformément à leurs suscriptions respectives, le secrétariat restant dépositaire de ceux qui étaient adressés aux Etats généraux.
, après la lecture du procès-verbal de la séance d'hier matin, a mis sous les yeux de l'Assemblée le résultat de celle qu'avait tenue hier au soir le comité des subsistances, pour recevoir les renseignements annoncés par un citoyen de Paris.
comité des subsistances.
Extrait du procès-verbal du
M. lp chevalier de Rutledge, et les boulangers, au nom desquels il a parlé, n'ayant pas donné de renseignements dont on puisse tirer d'utilité pour l'approvisionnement actuel de la ville de Paris, quoiqu'il en ait promis pour la suite, ceux qui font partie de son travail n'ayant rapport qu'à des temps antérieurs, et la nature des objets qu'il a traités étant entièrement du ressort de l'administration , le comité a pensé que c'était à M. le directeur général à en prendre connaissance, et l'a déclaré à M. le chevalier de Rutledge.
Signé : talaru de chalmazel, évêque de Coutances, président ; dupont, faisant les fonctions de secrétaire.
Un de MM. les secrétaires a rendu compte de plusieurs adresses envoyées à l'Afesernblée nationale par les villes de Vitré, Saint-Jean-de-Losne, Saint-Pierre-le-Moutier, et le bourg de Saint-Valiier en Dauphiné, qui, toutes, renfermaient des protestations d'amour et de fidélité pour la ■ personne sacrée du Roi, et exprimaient des senti-' ments de respect, d'admiration, de reconnaissance, de cohésion pour la fermeté, la modération, le patriotisme, et les délibérations de l'Assemblée nationale.
député de Saint-Jean-de-Losne, a prononcé un discours et lu une déclaration dont la teneur suit :
« Messieurs, permettez que je m'acquitte du devoir que m'ont prescrit les habitants de Saint-Jean-de-Losne, mes concitoyens. Qu'ils sôient des premiers qui donnent à cette auguste Assemblée des preuves du patriotisme et du désintéressement qui doivent animer tous les Français.
« Depuis près de six siècles, la ville de Saint-Jean-de-Losne jouit d'immunités et de
prérogatives
« Ses privilèges furent le prix et la récompense de la bravoure et de la loyauté. A chaque occasion, mes concitoyens en ont mérité la confirmation ; à chaque règne ils l'ont obtenue.
« Jaloux à l'excès de leurs prérogatives, en tout temps ils les ont maintenues avec l'énergie et la fermeté qui les caractérisent.
« Mais du moment que la patrie a manifesté ses besoins et sa situation déplorable, ils n'ont considéré leurs privilèges que par la satisfaction qu'ils auraient à les céder.
« Us ont reconnu, ces honnêtes plébéiens, que le citoyen, qui, en tout temps, doit à la patrie le sacrifice de son sang et de sa fortune, lui doit, à plus forte raison, la restitution de ses bienfaits, lorsqu'elle-même est dans la détresse.
« Ils ont reconnu qu'ils seraient indignes de succéder à leurs braves prédécesseurs, si, par un esprit d'intérêt particulier, ils retenaient des concessions qui furent la récompense du dévouement et de la générosité.
« d'est d'après cette noble et intime conviction que mes concitoyens m'ont donné, non pouvoir, mais charge expresse de déclarer en leurs noms, comme en effet.
« Je déclare que la ville de Saint-Jean-de-Losne « renonce, dès à présent, à tous ses privilèges « pécuniaires; et que l'effet de cette renonciation « aura lieu aussitôt que l'Assemblée nationale « aura fixé les bases de la Constitution par une « déclaration expresse des droits de la nation et « de ceux du monarque, et qu'elle aura établi « dans la répartition de toutes les charges et im-« positions l'égalité proportionnelle aux propriétés « et facultés de chaque individu. »
Signé : HernoUX, député des communes du bailliage de Dijon, ayant charge des habitants de la ville de Saint-Jean-de-Losne.
Ce discours et cette déclaration ont été reçus avec des applaudissements universels et il a été arrêté de les insérer d&ns le procès-verbal du jour.
On a fait lecture d'une déclaration remise sur le bureau par le député de la noblesse du bailliage de la Montagne.
donne lecture de la liste des trente membres nommés hier dans les trente bureaux pour former le comité chargé de la distribution des matières sur l'objet de la Constitution :
BUREAUX. MM.
1. Desmeuniers.
2. Turckeim.
3. Fréteau.
4. Le comte de Virieu.
5. Pétion de Villeneuve»
6. Anson.
7. Rabaud de Saint-Etienne.
* 8. Mounier.
? 9. Le comte de Clermont-Tonnerre.
10. Regnier de Nancy.
• 11. 4 Le comte de Lally-Tollendal.
12. Périsse Duluç.
13. Ricard de Sealt.
14. Emmery.
15. D'André.
16. Ulry.
17. Bergasse.
BUREAUX. MM.
18. Bouche.
19. Bailly.
20. De Volney.
21. De Lépaux.
22. Vernier.
23. Brassart.
24. Le comte Alexandre de Lameth.
25. Vaillant.
26. Gleizen.
27. Lanjuinais.
28. Legrand.
29. Treilhard.
30. Brocheton.
a dit, au nom des membrés de ce comité, que, dès hier, ils avaient pousâé leur travail assez loin ; qu'ils espéraient pouvoir répondre très-incessamment à l'impatience ae l'Assemblée ; qu'ils la priaient de vouloir bieln statuer sur toutes les anciennes motions étrangères à la constitution, et n'en plus admettre, d'ici à quelque temps, qui pussent la détourner de ce grand et pressant objet.
On a observé que, par le hasard des choix qui avaient été faits séparément dans chaque bureau, d'un seul de ses membres pour former le comité de distribution, il ne se trouvait dans ce comité aucun ecclésiastique.
Un cri général, parti des communes, a déclaré que l'observation était juste, et qu'il fallait nommer à l'instant six commissaires dans l'ordre du clergé, pour les joindre aux trente premiers.
MM. du clergé ont répondu qu'ils avaient concouru à tous les choix qui avaient été faits, qu'ils n'en désiraient point d'autres, et que leur satisfaction était entière, ainsi que leur confiance.
Les communes ont renouvelé leurs instances; la noblesse s'y est jointe : le clergé a persisté dans son désintéressement et dans son refus.
L'Assemblée nationale a retenti d'acclamatiorjs et de témoignages réciproques d'union et d'estime.
a dit que, sous un doub rapport, et comme ayant l'honneur de présid^ l'Assemblée nationale, et comme membre d clergé, il jouissait de ce combat d'honnêteté gt de sensibilité; qu'il espérait qu'il n'y en aura plus jamais d'autres dans cette salle; et les acclà mations ont recommencé.
annonce que depuis long temps M. l'évêque d'Autun a demandé la paroi sur la question relative aux mandats impératifs.
L'Assemblée ayant témoigné qu'elle l'entendrait avec plaisir M. l'évêque d'Autun monte à la tribune.
évêque dy tun. La question des mandats impératifs, qui fei été indiquée plutôt qu'approfondie dans une dje vos dernières séances, et sur laquelle j'ai osé mb permettre un projet d'arrêté, ne pouvait manquer d'exciter une grande agitation dans les esprits. À cette question semble naturellement attachée la solution d'un grand problème; elle touche à la fois aux points les plus délicats de la morale et aux principes constitutifs des sociétés. 11 importe dp l'analyser avec attention, même avec scrupule afin de prévenir toute équivoque, et jusqu'au plufe léger prétexte d'une fausse interprétation. Les personnes de cette Assemblée les plus accoutu mées à l'éclairer par d'éloquentes et profondes discussions, ne manqueront pas sans doute d'ap
peler tout leur talent sur un sujet d'une si haute importance; pour moi, je dois me borner à vous faire un exposé simple et analytique des différents motifs qui ont parlé à ma raison et à ma conscience, lorsque je me suis déterminé pour la motion que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, et dans laquelle je persiste.
Je me suis fait à moi-même toutes les questions qui m'ont paru appartenir à ce sujet.
Et d'abord : qu'est-ce qu'un bailliage ou une portion de bailliage? c'est, non pas un état particulier, un état uni à d'autres par quelques liens seulement, comme dans tout corps fédératif; mais une partie d'un tout, une portion d'un seul état, soumise essentiellement, soit qu'elle y concoure, soit qu'elle n'y concoure pas, à la volonté géaé-: raie, mais ayant essentiellement le droit d'y con-j courir.
Qu'est-ce que le député d'un bailliage? c'est l'homme que le bailliage charge de vouloir en son i nom, mais de vouloir comme il voudrait lui-même, s'il pouvait se transporter au rendez-vous ; général, c'est-à-dire après avoir mûrement délibéré et comparé entre eux tous les motifs des différents bailliages. Qu'est-ce que le mandat d'un député. ? c'est l'acte qui lui transmet les pouvoirs du bailliage, qui le constitue représentant de son bailliage, et par-là représentant de toute la nation.
Les mandats doivent-ils être entièrement libres? voici ma réponse : On conçoit deux sortes de mandats que l'on pourrait appeler limitatifs, et les mandats qui gênent la liberté: les mandats qui sont vraiment impératifs. Les premiers peuvent exister. Ces deux mots semblent se rapprocher beaucoup, mais les exemples vont les séparer. Je m'explique :
On conçoit trois sortes de mandats limitatifs. Un bailliage peut limiter les pouvoirs de son député, par rapport à leur durée, par rapport à leur objet, et enfin par rapport à l'époque où ils seront exercés. Par rapport à leur durée; c'est ainsi que plusieurs bailliages n'ont délégué leurs pouvoirs que pour un an; ce terme expiré, le pouvoir du député expire; il ne peut plus être exercé par lui qu'autant qu'il lui est accordé de nouveau par le même bailliage. Par rapport à leur objet; ainsi un bailliage peut très-bien dire à son député : Je vous envoie pour cette chose, et ne vous envoie que pour elle. A l'égard de cette chose, qui sera le but de la députation, l'objet de la mission, le député aura tous les pouvoirs qu'aurait le bailliage lui-même s'il était là, sans quoi il ne serait plus son représentant; mais, hors de cette chose,îln'en aura aucun; bien entendu pourtant que si la majeure partie des députés ont des pouvoirs pour un autre objet, ils pourront le remplir sans qu'il puisse y mettre d'obstacle ; car le bailliage dont il est député étant, suivant le principe qu'il ne faut jamais perdre de vue, une partie d'un tout, soumise à la volonté du tout, et par conséquent de la majeure partie, si son député Va pas le pouvoir de faire telle chose, il n'a pas non plus le pouvoir de l'empêcher : les députés la feront sans lui, et cependant la feront pour lui. — Dans cette Assemblée il y a bien peu de pouvoirs limités par rapport à l'objet; ils sont à cet égard de la plus grande étendue, puisqu'il n'existe aucun cahier d'après lequel il ne soit évident que les bailliages ont envoyé leurs députés pour régler la constitution, la législation, l'impôt, et porter la réforme dans tous les abus de l'administration. Dans la suite, lorsque la constitution aura été bien affermie, et qu'il existera une déclaration des droits qui pourra servir de boussole
aux bailliages, les mandats seront nécessairement beaucoup plus restreints quant à l'objet. — Enfin, les pouvoirs peuvent être limités par les bailliages, par rapport à l'époque où ils doivent être exercés. Un bailliage a pu très-bien dire à son député : Je ne vous donne pouvoir de prononcer Vimpôt qu'après que tel ou tel objet aura été définitivement traite. Si le grand nombre des bailliages a tenu le même langage, alors dans le cas où un député proposerait de traiter l'impôt avant cet objet, le grand nombre des députés dira non, par défaut de pouvoir dire oui dans ce moment. — Pour cette tenue d'Etats généraux, il paraît que le grand nombre des bailliages n'a permis à ses députés de traiter de ce qui concerne l'impôt qu'après la constitution et le redressement d'une foule de griefs. C'est un fait à bien éclaircir, quoique du reste on ne puisse douter que la simple raison et les motifs d'une saine politique ne déterminassent les députés, dans toute supposition, •à adopter cette conduite.
Voilà les trois sortes de limites que les bailliages (toujours en se soumettant à la décision de la majorité) peuvent très-légitimement poser aux pouvoirs qu'ils confient à leurs députés; mais ces mandats limitatifs n'ont rien de commun avec les mandats véritablement impératifs ou prohibitifs, tels que ceux qui sont prescrits dans l'arrêté; et je prie les membres de l'Assemblée, qui ont paru ne pas assez les distinguer, et qui ont cru pouvoir conclure des uns aux autres, de bien le remarquer. Il n'y a point de doute que les pouvoirs commis aux députés ne puissent être bornés par les commettants, et quant à l'objet, et quant au temps pendant lequel ils seront exercés ; mais une fois l'objet et le temps bien déterminés, les pouvoirs pour cet objet peuvent-ils être soumis à des clauses impératives ou prohibitives? en un mot, peut-il y avoir, outre les mandats limitatifs, des mandats impératifs?
Je me suis demandé souvent ce qu'était, ce que pouvait être un mandat impératif; je n'en ai pu trouver que de trois sortes : un bailliage aura dit à son député, du moinâ en termes équivalents : « Je vous ordonne d'exprimer telle opinion, de dire oui, non, lorsque telle question sera proposée; ou bien, je vous défends de délibérer dans tel ou tel cas; ou enfin, je vous ordonne de vous retirer si telle opinion est adoptée. » Voilà tout, car sans doute on ne mettra pas au nombre des clauses impératives les divers articles des cahiers simplement énonciatifs des vœux des bailliages. S'il en était ainsi, l'Assemblée nationale serait parfaitement inutile pour tout ce qui ne concernerait pas l'impôt; on n'aurait qu'à compter un à un les vœux de chaque bailliage sur chaque article, dans un dépouillement général des cahiers; et le commis le moins habile suffirait à cette opération.
Or, ces trois mandats impératifs n'ont pas pu, suivant les vrais principes, être donnés par les bailliages ; un bailliage n'a pas pu dire à son député : « Je vous ordonne de manifester telle opinion lorsque telle question sera agitée ; » car, pourquoi envoie-t-il un député? c'est certainement pour délibérer, pour concourir aux délibérations; or, il est impossible de délibérer lorsqu'on a une opinion forcée. De plus, le bailliage ne peut savoir avec certitude lui-même quelle serait son opinion après que la question aurait été librement discutée par tous les autres bailliages; il ne peut donc l'arrêter d'avance ; enfin, et c'est ce qui constitue les députés véritablement représentants, c'est aux bailliages à leur
marquer le but, à leur déterminer la fin; c'est à eux de choisir la route, à combiner librement les moyens- — Au reste, quoique je pense que ce mandat s'écarte des principes, et que toute opinion manifestée d'avance ne doive être considérée q_ue comme un vœu livré à la discussion, et laissé en quelque sorte à la conscience des députés, j'avoue que je ne proscrirais pas ce mandat avec autant de sévérité que les deux autres, surtout à une première tenue d'Etats généraux, où une sorte d'inquiétude peut-être excusée ; lorsque tout ce qui intéresse à la fois et la constitution, et la législation, et tous les droits des hommes, semble être confié aux députés, et surtout si ce mandat n'était impératif que sur un petit nombre d'objets. Quant aux deux autres, les seuls qui sont dans ma motion, je crois que la clause qu'ils renferment est absolument nulle. Je vous ordonne de ne pas délibérer dans tel cas, n'a pas pu être prononcé par un bailliage à ses députés] car délibérer lorsque les autres bailliages délibèrent est à la fois un droit et un devoir ; et d'ailleurs, comme toute délibération est le vœu de la majorité lorsqu'elle commence, et son résultat quand elle finit, ne pas vouloir délibérer lorsque tous les autres délibèrent, c'est contrarier ouvertement la volonté commune et eu méconnaître l'autorité. Enfin, je vous ordonne de vous retirer si telle opinion prévaut est plus réprélïen-sibîe encore, car c'est annoncer une scission, et c'est plus ouvertement encore vouloir que la volonté générale soit subordonnée à la volonté particulière d'un bailliage ou d'une province.
Au reste, en affirmant que ces deux clauses impératives sont nulles, j'ajoute'qu'elles le sont par rapport à l'Assemblée ; c'est-à-dire qu'elles doivent être pour elle comme si elles n'existaient pas ; qu'elles n'autorisent aucune protestation contre elle, qu'elles ne peuvent ni arrêter les opérations de l'Assemblée, ni donner le plus léger prétexte pour en méconnaître les décisions; que tous les suffrages prononcés dans l'Assemblée sont présumés libres; que tous les membres non délibérant*? sont présumés absents, et qu'une absence quelconque ne peut atténuer la force d'aucun de ses décrets.
Ainsi, je pense sur les mandats impératifs, 1° que toute opinion commandée par un bailliage est en général contraire aux principes, puisque l'Assemblée nationale doit être librement délibérante; que, si "elle n'est pas toujours libre quant à la fin, elle doit l'être toujours quant aux moyens; 2° que l'ordre absolu donné à un député de ne pas délibérer est mauvais en soi ; car d'abord, il est insignifiant dans la supposition où les autres députés ne délibéreront pas ; il est répréhensible si les autres délibèrent, , puisqu'alors délibérer devient un devoir; et surtout il est nul par rapport à l'Assemblée, cardans aucune supposition possible il ne peut contarier sa délibération ; 3° enfin, l'ordre de se retirer de l'Assemblée si cette opinion ne prévaut pas, est bien nul encore, s'il est permis de parler ainsi, puisqu'il exprime bien plus positivement le vœu de se soustraire à la décision de l'Assemblée.
Mais s'ensuit-il de là que ces clauses soient nulles pour les députés envers leurs commettants? iNon sans doute : l'arrêté exprime positivement le contraire ; car il y est dit que l'engagement particulier qui peut en résulter envers les commettants doit être promptement levé par eux; ce qui annonce en même temps, et qu'il existe des engagements en raison des clauses, et que c'est un devoir pour les commettants de
! les révoquer, non que cette révocation soit nécessaire à la validité des décrets de l'Assemblée ; mais, d'une part, parce qu'ils n'ont pas eu le droit d'assujettir ainsi leurs députés, et, de l'autre, parce qu'il est de leur avantage de concourir à former la volonté générale, puisque, dans toute hypothèse, ils s'y trouveront soumis.
Je crois donc fermement que les députés sont liés envers leurs commettants par les clauses de tels mandats. C'est un principe de rigueur, il ne doit pas fléchir ici. Je ne suis pas même arrêté par le raisonnement que l'on fait, en disant qu'une clause qu'on n'a pas c-u le droit d'apposer n'est pas obligatoire; car si je pense que les commettants n'ont pas eu le droit d'insérer cette clause, je crois en même temps que le député a eu le droit de s'y soumettre; et cette soumission volontaire qu'il a exprimée, en recelant les pouvoirs, est le titre véritable de son engagement.
Il n'est pas question ici d'une action immorale, qu'on n'a pas le droit'd'exiger, ni do. promettre,' ni de faire quand on l'a promise. Un député a pu promettre qu'il ne délibérerait pas dans tel cas, qu'il se retirait dans tel autre ; qu'il dirait oui ou non sur telle question, puisque c'est le vœu de ceux qu'il allait représenter. Tout le tort est dans ceux qui ont voulu être ainsi représentés ; il n'y a aucune immoralité à promettre cela; il n'y a aucune loi qui le défende : il peut donc l'exécuter; s'il le peut, il le doit; car il l'a promis en acceptant le mandat; et il est inutile de dire combien cette obligation se fortifie lorsqu'à la religion delà promesse se joint la religion du serment'
Mais il m'est impossible de ne pas remarquer que l'on a exagéré prodigieusement le nombre des mandats impératifs, de ceux surtout que le serment a, dit-on, consacrés. Il y a certainement ici beaucoup d'erreurs de fait. Tout le monde a juré qu'il défendrait avec zèle les intérêts de la patrie et les droits de tous les citoyens ; qu'il suivrait dans son opinion l'impulsion de sa con science; mais bien peu, je pense, ont juré qu'ils adopteraient telle opinion en particulier; qu'ils délibéreraient de telle manière ; qu'ils se retireraient dans telle circonstance.
Quant aux mandats eux-mêmes, je suis convaincu qu'il y en a très-peu dont les clauses soient véritablement impératives. Il m'a semblé qu'on se plaisait à chaque instant à confondre les articles quelconques des cahiers avec les clauses du mandat, et j'ai déjà observé combien cette erreur était dangereuse ; et pour dire ici, en finissant ce que je pense sur la fameuse question de l'opinion par ordre ou par tête, à laquelle se rapportent presque tous les mandats impératifs, je crois que, même sur ce sujet, on s'est fort exagéré la rigueur des mandats. Voici comme il me semble qu'on doit les entendre, toutes les fois du moins qu'il n'y est pas dit expressément que le député se retirera de l'Assemblée. Lorsqu'un bailljage a dit à un député : vous opinerez par ordre ou bien par tête, il est impossible qu'il ait voulu lui dire par-là : 'Vous opinerez par ordre, si les autres opinent par tête ; ni vous opinerez par tête si les autres opinent par ordre; il n'a pu même prétendre décider à lui seul cette grande question; il n'a donc pu vouloir lui dire, dans le mandat le plus impératif, que ceci : lorsque cette question s'agitera, vous serez obligé de manifester mon vœu pour l'opinion par ordre; et comme en même temps chaque bailliage ou partie de bailliage a dû dire à son député qu'en tout il serait nécessairement soumis à la majorité, il a voulu par-là qu'il adop-
t{jtt la décision qui serait prononcée, même sur ctette question, par la pluralité des suffrages.
D'après ces réflexions, je persiste dans le projet d'arrêté que je vous ai soumis par la voie de l'impression ; et je supplie qu'on observe qu'il n'est dans tous ses points que l'expression exacte dju principe fondamental, qu'un bailliage ou portion de bailliage, n'étant qu'une partie d'un tout, est soumis essentiellement, soit qu'il y concoure ou non, à la volonté générale, dès qu'il a été dûment appelé.
Voici mon projet d'arrêté : « L'Assemblée nationale, considérant qu'unbail-li âge ou une partie d'un bailliage n'a que le droit de former la volonté générale, et non de s'y soustraire, et ne peut suspendre par des mandats ijupératifs, qui ne contiennent que sa volonté articulière, l'activité des Etats généraux, déclare ue tous les mandats impératifs sont radicalement uls; que l'espèce d'engagement qui en résulte-it doit être promptement levé par les bailliages, ne telle clause n'ayant pu être imposée, et toutes *otestations contraires étant inadmissibles, et ue, par une suite nécessaire, tout décret de ljAssemblée sera rendu obligatoire envers tous les ~ ailliages, quand il aura été rendu par tous sans exception. >>
J'ajouterai ces mots, nul radicalement, par rapport à VAssemblée, car cette nullité n'est vraiment que relative : elle existe pour les mandataires, elle n'existe pas pour l'Assemblée.
J'ajouterai encore que l'arrêté est juste dans tèus ses points; qu'un bailliage faisant partie d'un tout est soumis à la volonté générale, soit qju'il y concoure, soit qu'il n'y concoure pas. De lqt tous les articles de ma motion.
se lève t dit :
J'ai reçu un mandat impératif de la part de mes omettants ; puis-je outrepasser mon mandat sàns pQrter atteinte aux sentiments de probité qjui m'animent ?
porte ensuite la parole ; il adopte lps principes de Mgr d'Autun, mais il en" tire des conséquences plus étendues.. II ne veut pas que lfon respecte les pouvoirs impératifs, même dans la main de ceux qui en sont les porteurs ; il veut qu'on les déclare nuls, et pour l'Assemblée et pour les mandataires.
! En conséquence, il propose d'ajouter l'amendement suivant :
« Sans qu'il soit besoin que les députés aient recours à leurs commettants, l'Assemblée nationale autorise tous ses membres et leur enjoint d'opiner en leur âme et conscience, sauf à se conformer aux cas particuliers qui intéressent Leur province. »
11 appuie cet amendement par la lecture du serment que prononçaient autrefois les députés aux Etats généraux.
Serment fait publiquement par les députés aux Etats généraux antérieurs.
\Je promets et je jure devant Dieu, sur les saints Évangiles, de dire tout ce que je penserai en ma conscience être de Vhonnenr de Dieu, le bien de son Église, le service du Roi et le repos de l'Etat.
On allait continuer cette intéressante dissertation, lorsque l'on annonce une députation de la ille de Nantes.
, orateur de la députation. Nous sommes envoyés par la ville de Nantes pour vous supplier de recevoir dans ce sénat auguste de la nation, les sentiments d'admiration, de respect et de reconnaissance que la sagesse et la fermeté que vous avez manifestées nous inspirent.
La ville de Nantes s'est assemblée, et il a été arrêté unanimement d'envoyer vers cette auguste Assemblée, pour la féliciter de l'énergie qu'elle a déployée dans les périls dont elle a été environnée.
La cité de Nantes croit qu'il est de son devoir de manifester son intention, et elle s'empresse d'adhérer à l'arrêté du 17 juin, et à ceux qui ont suivi.
Nous jurons sur l'autel de la patrie, en présence du juge des rois et de leurs sujets, d'employer nos biens, nos fortunes et notre vie même, à soutenir les principes que vous avez adoptés ; à défendre l'autorité royale contre l'autorité des aristocrates, à maintenir à jamais la couronne dans la maison des Rourbons, qui ne peut avoir d'ennemis que les ennemis de la patrie.
Les citoyens de Nantes chargent leurs députés de proclamer leur reconnaissance pour un Roi qui a rendu à la nation un droit qu'elle avait perdu depuis longtemps, leur vénération pour une Assemblée dont le courage ne s'est pas laissé ébranler au milieu des pièges que- ne cessaient de lui tendre la cabale et l'intrigue, etc. lis lèvent les mains au ciel pour lui demander la prospérité de cet empire, le salut de la patrie et le bonheur de tous ceux à qui nous aurons dû le nôtre.
Adresse des citoyens de Nantes à VAssembléenationale.
« Les citoyens de ia ville de Nantes, transportés d'admiration pour la sagesse et la fermeté que les députés à l'Assemblée nationale viennent de déployer, ont arrêté d'une voix unanime d'envoyer vers cette Assemblée pour la féliciter sur l'énergie qu'elle a développée dans une occasion aussi importante pour le salut de l'Etat.
« La cité de Nantes ayant eu l'avantage d'être une des premières villes qui ont élevé la voix pour réclamer les droits inaliénables des citoyens, se croit obligée de manifester de la manière la plus éclatante, son attachement aux principes dont l'Assemblée nationale vient de faire une profession si noble et si courageuse. Elle s'empresse donc d'adhérer à votre arrêté du 17 juin, et à tous ceux qui l'ont suivi.
« Convaincue que l'intérêt du peuple français est-inséparable de celui de son souverain, et qu'il ne parviendra jamais à secouer le joug sous lequel il gémit depuis si longtemps, qu'en donnant la plus grande extension au pouvoir exécutif, tous les membres qu'un si pressant motif réunit dans ce moment, jurent sur l'autel de la pairie, en présence du juge redoudable des Rois et de leurs sujets, de maintenir l'autorité royale dans toute son intégrité, et de réprimer de toutes leurs forces les attentats de ceux qui auraient la hardiesse de vouloir la partager.
« Remplie de reconnaissance pour cette longue suite de monarques qui ont fait des efforts pour rompre les fers forgés dans les siècles de barbarie, et rappeler l'homme à sa dignité naturelle ; pénétrée des vertus du prince bienfaisant qui a rendu à la nation ses anciennes Assemblées, et qui est persuadé que les droits du Trône et les propriétés des sujets reposent sur la même base; ils char-
gent leurs députés de "proclamer l'hommage respectueux de leur fidélité inviolable pour la maison régnante, de leur amour pour le Roi citoyen que Dieu leur a donné dans sa bonté ; ils lèvent leurs mains vers le ciel, et profèrent le serment de sacrifier leur fortune, de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang pour maintenir le sceptre dans la maison de Bourbon, pour soutenir les décrets de cette auguste Assemblée, pour défendre enfin la liberté de la nation française, qui n'eut jamais pour ennemis que les ennemis mêmes des Rois : ils appellent la vengeance sur la tête coupable des méchants qui oseraient calomnier des sujets fidèles, lorsque ces mêmes sujets ont la noble confiance de mettre leurs droits sous la sauvegarde du Trône, et ne veulent être heureux que du bonheur de leur souverain.
« Les citoyens de Nantes se font un devoir sacré de rendre témoignage au zèle, aux lumières et au dévouement patriotique de l'Assemblée nationale : si on semait des pièges autour d'elle, si on tentait de l'ébranler par la terreur des menaces, ou par la séduction de l'intrigue; elle détournera ses regards, elle apercevra derrière elle vingt-cinq millions de français, qui, les yeux attachés sur cette réunion solennelle, attendent en silence quel sera leur sort et celui de leur postérité. Alors son courage s'élevant à la hauteur du sacerdoce auguste dont la patrie l'a revêtue, elle ne verra plus que la majesté du premier peuple de l'univers ; elle ne pensera plus qu'aux bénédictions dont elle sera accueillie, lorsqu'elle reviendra au milieu de nous, proclamer notre liberté, et les bienfaits d'un monarque adoré, qui ne peut être égaré longtemps, et qui, jaloux de marcher sur les traces de Louis XII et de Henri IV, sent que fa véritable grandeur est de commander à une nation libre, sait que la loi, cette émanation de la sagesse divine, doit être respectée par les potentats eux-mêmes, s'ils connaissent leurs vrais intérêts.
« Les citoyens de Nantes ne se pardonneraient pas d'oublier dans ces jours de sensibilité et d'é-panchement, le tribut de reconnaissance qu'ils doivent à ce prince patriote, qui toujours, ainsi que ses aïeux, s'est déclaré l'ami du peuple; à ces ministres saints qui ont quitté l'asile paisible des autels, pour venir dans le palais des Rois nous prêcher par leur exemple, une religion de paix et à cette brave noblesse si digne de nos respects, qui n'a jamais été plus grande à nos yeux, que lorsqu'elle s'est réunie aux représentants des communes, pour travailler a la régénération de l'empire français.
Signé : Mellinet, Delacourt de la Vigne, coignaud et DrOUIN de perçay, députés des communes de la ville de Nantes.
demande s'il faut faire mention du discours et de l'adresse dans le procès-verbal.
Un grand nombre de voix : Oui, oui !
Plusieurs membres demandent que l'on fasse prendre séance à Messieurs de Nantes,
Cette marque de déférence ne leur est pas accordée; ils se retirent au milieu des applaudissements publics.
La discussion interrompue sur les mandats impératifs est reprise.
Je me crois foréé de m'expliquer sur la motion qui vous est proposée.
Je vous ai dévoilé mes sentiments. S'ils se corr battent, il faut que je me justifie ; s'ils se conc lient, je n'ai plus qu'à me renfermer dans le pltis profond silence ; moi qui m'y suis douloureusement condamné, et qui ai renoncé au droit honorable de décider dans cette auguste Assemblée.
Si la motion de M. l'évêque d'Autun établit des principes hors de toute atteinte ; si elle ménage les scrupules, si elle sert à l'utilité et à rinstrud-tion publique, il faut vous hâter de l'accueillir, et il est difficile de ne pas lui reconnaître ce triple caractère. ,
Il s'agit de décider sur des protestations : quelle en est la cause? Ce sont les mandats impératifs. Que doit-on prononcer? Développons les principes.
Chaque partie de société est sujette ; la souveraineté ne réside que dans le tout réuni ; je dis le tout, parceque le droit législatif n'appartient pas à la partie du tout ; je dis réuni, parce que la nation ne peut exercer le pouvoir législatif lorsqu'elle est divisée, et elle ne peut alors délibérer en commun.
Cette délibération commune ne peut exister que par représentants; là où je vois les représentants de vingt-cinq millions d'hommes, là je vois le tout en qui réside la plénitude de la souveraineté ; et s'il se rencontrait une partie de ce tout qui voulût s'élever contre la nation, je ne vois qu'un sujet qui prétend être plus fort que le tout. Il n'est pas permis de protester, de réserver ; c'e§t un attentat à la puissance de la majorité. Lels principes qui s'élèvent contre les protestations sont les mêmes contre les mandats impératifs. Quelle harmonie pourrait-il exister? Quelle serait l'Assemblée où chaque membre arriverait armé d'une protestation ou d'un mandat qui m forcerait de combattre l'opinion générale ?.Sous le premier point de vue, la motion de M. l'évèqub d'Autun est dans tous les principes.
En second lieu, elle calme la conscience ; elle pardonne au scrupule ; elle ne nous dit pas : vous n'avez pu prononcer tel ou tel serment ; elle noujs fait voir que nous avons eu tort de le prononcer, mais elle ne nous en délie pas.
Enfin, Messieurs, j'ai dit que la motion renfermait un grand objet d'instruction publique. S'il .existe des mandats impératifs, c'est que les citor yens croyaient avoir le droit d'en donner.
Les Assemblées nationales ont été suspendues pendant si longtemps ; les dernières même étaient si dénaturées ; il fallait remonter si haut pour découvrir des vérités politiques, que tout le mondje était dans l'erreur et que chacun croyait pouvoir s'arroger le droit de commander.
Mais au surplus, Messieurs, j'oserai demander un léger amendement. L'Assemblée, par une coni descendance volontaire et patriotique, pourrait accorder un délai très-court et qui n'emportât strictement que le temps d'avoir de nouveaux pouvoirs à ceux qui sont porteurs de mandats impératifs.
Par là vous écarteriez les plaintes injustes, vous préviendriez des protestations partielles, et cette conciliation, cette déférence me paraît précieuse.
C'est dans cet esprit que j'inviterai ceux qui ont déposé des protestations sur ce bureau d'y subsj-tituer des déclarations.
Qu'il serait beau de voir tous les membres d cette grande Assemblée agir et délibérer de con
efêrly les uns avec des suffrages d'intention, les autres avec un suffrage effectif ! C'est alors que nous avancerions avec rapidité vers le bien général ; c'est alors que nous oublierions qu'il fut un temps où nous demeurâmes séparés. Mais maintenant que nous ne pouvons plus être livrés à l'erreur, profitons de ce moment pour assurer à jamais la tenue des Etats généraux, pour les faire agir, vivre et penser ausssi utilement pour l'Etat qipe pour notre gloire.
Le discours de M. de Lally-Tolendal est suivi de ngs applaudissements.
Plusieurs membres des trois ordres appuient la otion de M. l'évêque d'Autun, ou l'amendement M. de Lally-Tollendal.
. Je distingue le cas où un particulier donne des pouvoirs à un autre particulier sur les objets qui l'intéressent personnellement, diî celui où les Assemblées élémentaires donoent à des députés des pouvoirs qui doivent être exercés dans une Assemblée générale. Dans le premier cas, c'est le commettant qui est le légis-lateur, parce qu'il ne s'agit, dans son mandat, que de son intérêt personnel; il a le droit de soumettre à sa volonté celle de son mandataire. Dans le second cas, ce sont des particuliers non légis-lateursqui donnent à leurs députés le pouvoir d être membres d'une Assemblée législative et d'y opiner comme leurs commettants.
Dans ce dernier cas, les commettants particuliers ne peuvent être législateurs, parce que ce n'est pas de leur intérêt particulier seulement que HAssemblée générale doit s'occuper, mais de l'intérêt général. Or, aucun des commettants particuliers ne peut être législateur en matière d'intérêt public. La puissance législative ne commence cju'au moment où l'Assemblée générale des représentants est formée. S'il en était autrement, il aurait suffi aux divers bailliages, aux différents ordres composant les sénéchaussées, d'envoyer des opinions écrites et de former un assemblage d'opinions mécaniques d'après des cahiers bizarres et souvent contradictoires, j Si l'on admettait le système des pouvoirs impératifs et limités, on empêcherait évidemment les résolu fions de l'Assemblée en reconnaissant un i}eto effrayant dans chacun des cent soixante-dix-sept bailliages du royaume, ou plutôt dans les duatre cent trente-une divisions des ordres qui ont envoyé des députés à cette Assemblée. ; D'après ces raisonnements, j'adopte l'opinion ae M. l'évêque d'Autun; mais j'en rejette la disposition qui tend à déclarer que l'engagement qui pourrait résulter des clauses impèratives entre îjm député èt ses commettants doit être prompte-inent levé par eux.
Dès qu'on déclare nulles les clauses impèratives ffles mandats, quel besoin a-t-on de recourir aux éommettants? Ce n'est pas nous qui, en annulant les clauses impèratives, excéderons nos pouvoirs; çe sont eux qui ont excédé les leurs. C'est donc àu pouvoir constitué, devenu législatif, à remédier aux abus du pouvoir contituant, et à lui faire Connaître qu'il a entrepris sur la puissance légis-] ative de la nation, représentée par la collection de ses députés.
Si quelque bailliage, ou seulement une partie, pouvait commander d'avance à l'opinion de l'As-isemblée nationale, il pourrait, par la même rai-non, en repousser les décrets après coup, sous prétexte qu'ils seraient contraires à son opinion mrticulière.
soutient qu'il n'y a pas lieu à délibérer, à moins que, par un effet de cette condescendance et de cette bonté dont l'Assemblée nationale a usé même envers ceux qui en avaient eu le moins de reconnaissance, elle ne leur permît de retirer leurs mandats impératifs.
, évêque de Dijon, est d'avis que l'Assemblée ne peut se constituer, attendu le grand nombre de protestations.
Il se fait encore plusieurs motions qui sont différemment accueillies.
M le comte deChamborsdéputé de la commune de Couserans, à remis ses pouvoirs qui ont été renvoyés au comité de vérification.
Les pouvoirs de MM.Mourot, Roussillon, Pémar-tiri et d'Arnaudat, députés des communes de Béarn, qui avaient été remis au comité des vérifications, ont été rapportés, jugés valables, et admis.
MM. les députés de Saint-Domingue ont remis sur le bureau une déclaration portant :
Qu'obligés, d'après l'arrêté de la Chambre nationale du 4 de ce mois, de se réduire au nombre de six, quant à la voix délibérative, ils avaient observé dans cette réduction l'ordre des élections, de manière que chacune des provinces de Saint-Domingue eût deux représentants ,
Que par le résultat de cette opération, M. le chevalier de Cocherel et M. le marquis de Gouy d'Arcy étaient les représentants de la province de l'Ouest ;
M. de Thebaudière, ancien procureur général, et M. l'Archevêque Thibaut, les représentants de la province du Nord;
M. le marquis de Pérrigny et M. Gérard, les représentants de la province du Sud ;
Que sur.ces six députés,il s'en trouvait quatre qui venaient d'arriver de Saint-Domingue;
Qu'enfin les douze autres députés auxquels l'Assemblée nationale avait accordé droit de séance, étaient :
Pour l'Ouest.
Pour le Nord.
Pour le Sud..
M. le comte de Gormand. M. le chevalier de Courejolles, M. le comte de Magallon. M. le chevalier Doujé.
M. le comte de Reynaud. M. le marquis de Rouvray. M. le comte de Villeblanche. M. le comte de Noë.
M. le Gardeur de Tilly. M. le chevalier de Marmé. M. de Fitz-Gerald Bodkin. M. Duval de Mouville.
a levé la séance après l'avoir prorogée à demain, neuf heures du matin, et après avoir annoncé que toute discussion était terminée sur la motion relative aux mandats impératifs; qu'il ne restait plus qu'à recueillir les voix, et qu'on y procéderait demain à l'ouverture de la séance.
à la séance du
majorite de la noblesse
La majorité de la noblesse se rassemble toujours après l'Assemblée générale dans des comi-
tés particuliers, et voici le fruit de leurs délibérations.
Déclaration de Vordre de la noblesse aux Etats généraux pour la conservation des droits constitutifs de la monarchie française, de Vindépendance et de la distinction des ordres.
L'ordre de la noblesse aux Etats généraux, dont tous les membres sont comptables à leurs commettants, à la nation entière et à la postérité, de l'usage qu'ils ont fait des pouvoirs qui leur ont été confiés et du dépôt des principes transmis d'âge en âge dans la monarchie française ;
Déclare qu'il n'a point cessé cfe regarder comme des maximes
inviolables et constitutionnelles :
La distinction des ordres;
L'indépendance des ordres.
La forme de voter par ordre.
Et la nécessité de la sanction royale pour rétablissement dj3s lois;
Que ces principes, aussi anciens que la monarchie, constamment suivis dans les Assemblées, expressément établis dans les lois solennelles proposées par les Etats généraux et sanctionnées par le Roi, telles que celles de 1355, 1357 et 1561, sont des points fondamentaux de la constitution, qui ne peuvent recevoir d'atteintes, à moins que les mêmes pouvoirs qui ieur ont jlonné force de loi ne concourent librement à les anéantir.
Annonce que son intention n'a jamais été de se départir de ces principes, lorsqu'il a adopté, pour la présente tenue d'Etats seulement, et sans tirer à conséquence pour l'avenir, la déclaration du Rot du 23 juin dernier, puisque l'article premier de cette déclaration énonce et conserve les principes essentiels de la distinction, de l'indépendance et du vote séparé des ordres;-
Que, rassuré de cette reconnaissance formelle, entraîné par l'amour de la paix par le désir de rendre aux Etats généraux leur activité suspendue; empressé de couvrir l'erreur d'une des parties intégrantes des Etats généraux, qui s'était attribué un nom et des pouvoirs qui ne peuvent appartenir qu'à la réunion des trois ordres; voulant donner au Roi des preuves d'une déférence respectueuse aux invitations réitérées par sa lettre du 27 juin dernier, il s'est cru permis d'accéder aux dérogations partielles et momentanées que ladite déclaration a portées aux principes constitutifs;
Qu'il a cru pouvoir (sous le bon plaisir de la noblesse et des bailliages, et en attendant ses ordres ultérieurs) regarder cette exception comme une confirmation du principe qu'il est plus que jamais résolu de maintenir pour l'avenir ;
Qu'il s'y est cru d'autant plus autorisé que les trois ordres peuvent, lorsqu'ils le jugent à propos, prendre séparément la délibération de se réunir en une seule et unique Assemblée.
Par ces motifs, l'ordre delà noblesse, sans être arrêté par la forme de la déclaration lue à la séance royale du 23 juin dernier, l'a accepté purement et simplement.
Conduit par des circonstances impérieuses pour tout fidèle serviteur du Roi, il s'est rendu le 27 juin dans la salle commune des Etats généraux, et invite de nouveau les autres ordres à accepter la déclaration du Roi.
L'ordre de la noblesse fait au surplus la présente déclaration des principes de la monarchie et des droits des ordres, pour les conserver dans leur plénitude, et sous toutes les réserves qui peuvent les garantir et les assurer.
Fait et arrêté à la Chambre de l'ordre de la noblesse, sous la réserve des pouvoirs ultérieurs des commettants, et des protestations ou déclarations précédentes d'un grand nombre de députas de différents bailliages.
Séance du
s'excuse d'avoir ouvert la séance un peu plus tard qu'à l'heure ordinaire.
L'Assemblée pour témoigner son respect applaudit vivement son président.
donne lecture du procès-verbal de la veille.
Il s'élève un différent sur l'article concernant le refus du clergé de nommer quelques-uns de ses membres pour les joindre au bureau central.
Le procès-verbal porte que le clergé ayant concouru au choix de ceux qui te composent, a déclaré qu'il s'en rapportait à ceux qu'ils avaient nommés ; que ce généreux refus a excité des applaudissements universels.
Un curé se lève, et déclaré qu'il est faux que le clergé ait refusé de nommer des personnes de leur ordre qui auraient séance dans le bureau central.
La majorité du clergé se lève contre la réclamation isolée du curé, et persiste dans son refus.
Aussitôt un cri d'approbation part des communes.
Cependant un autre curé veut demander la parole pour s'expliquer sur ce point : il approche du bureau ; mais les cris répétés à l'ordre ! à l'ordre! Je font retourner à sa place.
s'excuse sur ce qu'il avait inséré dans son, procès-verbal. Entouré de tout côtés par des mepihres du clergé, dit-il, j'ai cru transcrire la vérité telle qu'il m'avait semblé l'apercevoir.
Ce nouveau débat se termine à l'honneur du clergé, qui persiste à refuser qu'on réforme le procès-verbal.
demande la permission dl mettre sous les yeux de l'Assemblée une adressa de la ville de Rennes, ainsi que les malheurs de cette cité et son dévouement général.
Un membre de la noblesse demande que l'on asf-sure d'abord à l'Assemblée de quelle manière elle est parvenue, pour savoir .quel degré d'autorité on peut y attacher.
répond qu'une telle interj-pellation est mal fondée ; qu'un citoyen a le droit de présenter une adresse à cette Assemblée ; qu'^L plus forte raison on ne peut priver une grand? ville de ce droit dont joui un particulier.
— L'un des secrétaires rend compte de pluf sieurs adresses envoyées à l'Assemblée nationale
— On reprend la discussion de la motion de Mgr évêque d'Aùtun, relativement aux mandats impératifs.
Plusieurs membres avaient la parole; mais on 'emande que la discussion soit fermée.
président de 'Assemblée, prend la parole. Sans doute vous m'avez pas interdit à votre président d'interposer on avis à l'ouverture de votre délibération sur outes les motions qui ont été faites hier.
Voici ce que j'ai conclu :
1° Que l'activité ne peut être suspendue par pes pouvoirs impératifs ;
2°. Qu'il est important de s'appliquer sur le hamp aux grands objets pour lesquels nous gommes appelés;
3° Que tous les membres de l'Assemblée sont pénétrés du désir, et reconnaissent l'importance de rendre l'Assemblée aussi nombreuse qu'elle doit l'être, aux termes de la convocation ;
4° Qu'il est nécessaire de statuer sur les pouvoirs impératifs.
C'est dans cette idée que je vous propose la lecture de l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur les déclarations,réserves, protestations jointes par différents membres du clergé et de la noblesse aux pouvoirs qu'ils ont remis sur le bureau ;
« Déclare : 1° Qu'aucun de ces actes, en quelques termes qu'ils soient conçus, én quelques formes qu'ils soient rédigés, ne peut suspendre son activité ni arrêter ses travaux, et que toute opposition ou protestation contre l'autorité de l'Assemblée et la validité de ses décrets est nulle de .jpleiu droit ;
i « 2° Qu'elle est disposée à recevoir, en quelque ijemps que ce puisse être de sa session, tous et hacun des membres que la rigueur des mandats urait forcés de se retirer et d'en demander 'autres, ou les nouveaux députés que les élec-eurs leur auraient substitués;
3° Elle se réserve de statuer sur les mandats ilmpératifs, lorsqu'elle s'occupera de la formation et de la constitution des Etats généraux.
propose qu'on déclare, sur coûtes les motions déjà faites, qu'il n'y a lieu à délibérer.
Plusieurs membres demandent qu'on aille aux foix sur l'une des motions. On relit celle de ijtfgr l'évêque d'Autun, comme étant la première.
Puisque M. l'abbé Sieyès a proposé de déclarer qu'il n'y a lieu à délibérer, avant de mettre aux voix aucune des motions principales, il faut prononcer qu'il y a |ieu ou qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Je demande la parole pour rappeler et motiver ma, motion.
Mon avis a été et est encore que, sur cette matière, relativement à l'Assemblée, il n'y a pas même
lieu à délibérer sur le fond. Les principes sur lesquels mon opinion est fondée ont déjà été consacrés par l'arrêté du 17 juin; mais j'ai exprimé en même temps, qu'à cause des circonstances, je croyais nécessaire, sinon de faire un arrêté nouveau, du moins de représenter les principes par une simple déclaration à peu* près dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, instruite par les déclarations de plusieurs de ses membres, que quelques bailliages ont tellement lié leurs députés par des mandats indiscrets, qu'ils pensent ne pouvoir prendre part à la délibération commune; et considérant que ces bailliages ont, par cette erreur, préjudicié à leurs propres intérêts, puisqu'ils se sont privés ainsi de leurs représentants directs à l'Assemblée;
« Juge digne de sa sollicitude générale, d'inviter les bailliages à rendre à leurs députés la liberté nécessaire à. de vrais représentants de la nation. Au surplus, l'Assemblée déclare que la nation française étant toujours tout entière légitimement représentée par la pluralité de ses députés, ni les mandats impératifs, ni l'absence volontaire de quelques membres, ni des protestations delà minorité ne peuvent jamais ni arrêter son activité, ni altérer la liberté, ni atténuer la force de ses statuts, ni enfin restreindre les limites des lieux soumis à sa puissance législative, laquelle s'étend essentiellement sur toutes les parties de la nation et des possessions françaises. »
Plusieurs membres demandent que l'on aille aux voix sur cette proposition.
On lit un projet d'arrêté de M. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale déclare qu'aucun mandat impératif ne peut, en aucun cas, arrêter et suspendre l'activité de l'Assemblée, encore moins assurer la volonté de quelque bailliage contre la majorité des autres bailliages, sauf aux députés porteurs de ces pouvoirs à prendre telles mesures qu'ils jugeront convenables pour faire réformer de tels mandats, et qu'ils ne seront admis dans l'Assemblée, à moins qu'ils ne se soumettent d'avance à la majorité des suffrages.
Il s'élève une rumeur générale dans l'Assemblée.
Un député noble demande la parole. Il observe qu'en admettant la motion de Mgr l'évêque d'Autun, l'on anéantit à jamais la distinction des ordres. Il s'appesantit ensuite sur les droits, sur l'utilité, sur l'avantage de cette division.
répond que cette motion ne porte nulle atteinte à la division constitutionnelle des ordres.
parle ensuite. Il entre dans un examen très-étendu, dont le résultat est qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Malgré la reconnaissance que nous devons pour la quantité de choses que le préopinant vient de préjuger, et pour la mesure incommensurable de lumières qu'il a versées sur nous, je demande la liberté de déclarer.....
L'orateur est interrompu par les murmures de la noblesse qui, mécontente du persifflage dirigé par un défenseur des communes contre un de ses membres, crie à l'ordre!
Le clergé et les communes crient aux voix!
Au milieu des clameurs , une voix demande lecture de la motion de M. l'abbé Sieyès.
Enfin, après de longs débats sur la manière de poser la question, le président la pose en ces termes :
Y a-t-il ou n'y a-t-il pas lieu à délibérer?
On va aux voix par rappel successif de tous les 'députés des différents bailliages; et à la majorité de 700 voix contre 28, il est décidé qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
L'arrêté est conçu ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, regardant ses principes comme fixés à cet égard, et considérant que son activité ne peut être suspendue, ni la force de ses décrets affaiblie par des protestations ou par l'absence de quelques représentants, déclare qu'il n'y a lieu à délibérer. »
Avant de vous occuper de l'objet souverainement important que je vais vous soumettre, je dois rétracter le mot de propositions, que j'ai hasardé l'autre jour, relativement à une négociation américaine pour les subsistances. Je suis porteur d'une lettre de M. Jefferson, où il déclare qu'il n'a point fait de propositions à ce sujet, et même que, sur la réquisition du directeur général des finances, il prévint, il y a plusieurs mois, les Américains que la France ferait un excellent marché pour les grains et les farines. Il n'en est pas moins vrai que les intentions du gouvernement ont été très-mai suivies par la faute des sous-ordres, et qu'une profonde ignorance et le défaut de concert dans la distribution des primes ont privé la France des denrées américaines.
Une multitude de faits du même genre qui sont parvenus à ma connaissance jetteront un grand jour soit sur le commerce des grains, soit sur la théorie de ce commerce, et démontreront toujours mieux combien l'Assemblée nationale doit se garder d'aucune déclaration législative à ce sujet, tant que cette grande question n'est pas profondément instruite.
Ces faits et leurs conséquences seront l'objet d'un travail que je vous demanderai incessamment la permission de vous présenter.
M. de Mirabeau dépose sur le bureau la lettre de M. Jefferson.
s'exprime ensuite dans les termes suivants:
Messieurs, il m'a fallu pour me décider à interrompre l'ordre des motions que le comité se propose de vous soumettre, une conviction profonde que l'objet dont j'ai demandé la permission de vous entretenir jest le plus urgent de tous les intérêts. Mais, Messieurs, si le péril que j'ose vous dénoncer menacé tout à la fois et la paix du royaume, et l'Assemblée nationale, et la sûreté du monarque, vous approuverez mon zèle.
Le peu de moments que j'ai eus pour rassembler mes idées ne me permettra pas sans doute de leur donner tout le développement nécessaire; mais j'en dirai assez pour éveiller votre attention, et vos lumières suppléeront à mon insuffisance.
Veuillez, Messieurs, vous replacer au moment où la violation des prisons de l'abbaye Saint-Germain occasionna votre arrêté du 1er de ce mois. En invoquant la clémence du Roi pour les personnes qui pourraient s'être rendues coupables, l'Assemblée décréta que le Roi serait supplié de vouloir bien employer pour le rétablissement de l'ordre les moyens infaillibles de la clémence et de la bonté, si naturels à son cœur, et de la confiance que son bon peuple méritera toujours.
Le Roi, dans sa réponse, a déclaré qu'il trouvait cet arrêté fort sage; il a donné des éloges aux dispositions que l'Assemblée lui témoignait, et proféré ces mots remarquables: Tant que vous me donnerez des marques de votre confiance, j'espère que tout ira bien.
Enfin, Messieurs, la lettre du Roi à M. l'archet vêque de Paris, en date du 2 juillet, après avoir exprimé les intentions paternelles de Sa Majestél à l'égard des prisonniers dont la liberté suivrait immédiatement le rétablissement de l'ordre j, annonce « qu'il va prendre des mesures pout ramener l'ordre dans la capitale, et qu'il ne doute pas que l'Assemblée n'attache la plus grande importance à leur succès. »
En ne considérant que ces expressions de là lettre du Roi, la première idée qui semblait de4 voir s'offrir à l'esprit était le doute et l'inquié* tude sur la nature de ces mesures.
Cette inquiétude aurait pu conduire l'Assemf blée à demander dès lors au Roi qu'il lui plût de s'expliquer à cet égard, et de éaractériser et détailler ces mesures pour lesquelles il paraissait désirer l'approbation de l'Assemblée.
Aussi, dès ce moment, eussé-je proposé un motion tendante à ce but si, en comparant ce expressions de la lettre du Roi avec la bout qu'elle respire dans toutes ses parties, avec le paroles précieuses qu'on nous a données comm l'expression affectueuse et paternelle du mo narquë, je trouve votre arrêté fort sage, je n'avai cru apercevoir dans ce parallèle de nouveauk motifs pour celte confiance dont tout Français si fait gloire d'offrir des témoignages au chef de 1 nation.
Cependant quelle a été la suite de ces déclarations et de nos ménagements respectueux? Déji un grand nombre de troupes nous environnait Il en est arrivé davantage, il en arrive chaquè jour ; elles accourent de toutes parts; 35,000 homf mes sont déjà répartis entre Paris et Versailles: on en attend 20,000; des trains d'artillerie les suivent; des points sont désignés pour les battei ries; on s'assure de toutes les communications t on intercepte tous les passages; nos chemins, nos ponts, nos promenades sont changés eni postes militaires. Des événements publics, des faits cachés, des ordres secrets, des contre-ordres précipités, les préparatifs de la guerre en urk mot, frappent tous les yeux et remplissent d'inj dignation tous les cœurs.
Ainsi, ce n'était pas assez que le sanctuaire d la liberté eût été souillé par des troupes 1 ce n'était pas assez qu'on eût donné le spectacle inou d'une Assemblée nationale astreinte à des con signes militaires et soumise à une force armée ce n'était pas assez qu'on joignît à cet attentait toutes les inconvenances, tous les manques d'é gards, et, pour trancher le mot, la grossièreté la police brutale. Il a fallu déployer tout l'ap£ pareil du despotisme et montrer plus de soldats menaçants à la nation, le jour où le Roi lui-mêm0 l'a convoquée pour lui demander des conseils et des secours, qu'une invasion de l'ennemi n'en, rencontrerait peut-être, et mille fois plus du moins qu'on n'en a pu réunir pour secourir des amis, martyrs de leur fidélité envers nous, pour remplir nos engagements les plus sacrés, pour conserver notre considération politique, et cette alliance des Hollandais si précieuse, mais si chèrement conquise, et surtout si honteusement perj-duel
Messieurs, quand il ne s'agirait ici que de nous, quand la dignité de l'Assemblée nationale serait
seule blessée, il ne serait pas moins convenable, juste, nécessaire, important pour le Roi même, qiue nous fussions traités avec décence, puis-, qu'enfin nous sommes les députés de cette même nation qui seule fait sa gloire, qui seule constitue 1s|l splendeur du trône, de cette nation qui rendra là personne du Roi honorable à proportion de ce qu'il l'honorera plus lui-même. Puisque c'est à des hommes libres qu'il veut commander, il est temps de faire disparaître ces formes odieuses, ces procédés insultants qui persuadent trop facilement à ceux dont le prince est entouré que ta ajesté royale consiste dans les rapports avilis-nts du maître à l'esclave ; qu'un Roi légitime chéri doit partout et dans toute occasion ne se ontrer que sous l'aspect des tyrans irrités, ou ces usurpateurs tristement condamnés à méconnaître le sentiment si doux, si honorable de la confiance.
j Et qu'on ne dise pas que les circonstances ont nécessité ces'mesures menaçantes; car je vais démontrer qu'également inutiles et dangereuses, soit au bon ordre, soit à la pacification des esprits, soit à la sûreté du trône, loin de pouvoir élire regardées comme le fruit d'un sincère attachement au bien public et à la personne du monarque, elles ne peuvent servir que des passions particulières et couvrir des vues perfides.
Ces mesures sont inutiles. Je veux supposer que les désordres que l'on craint sont de nature à être réprimés par des troupes; et je dis que, djans cette supposition même, ces troupes étaient inutiles. Le peuple, après une émeute dans la capitale, a donné un exemple de subordination infiniment remarquable dans les circonstances. Une prison avait été forcée, les prisonniers en avaient été arrachés et mis en liberté; la fermentation la plus contentieuse menaçait de tout embraser... un mot de clémence, une invitation du Roi ont calmé le tumulte et fait ce qu'on n'aurait jamais obtenu avec des canons et des armes; les prisonniers ont repris leurs fers ; le peuple est rentré dans l'ordre, tant la raison seule est puissante 1 tant le peuple est disposé à tout faire, lorsqu'au lieu de le menacer et de l'avilir, on lui témoigne de la bonté, de la confiance.
; Et dans ce moment, pourquoi des troupes ? Jamais le peuple n'a dû être plus calme, plus tranquille, plus confiant; tout lui annonce la fin de sès malheurs, tout lui promet la régénération du rbyaume. Ses regards, ses espérances, ses vpeux reposent sur nous. Comment ne serions-njous pas auprès du monarque la meilleure garantie de la confiance, de l'obéissance et de la fidélité des peuples? S'il avait jamais pu en douter, il ne le pourrait plus aujourd'hui; notre présence est la caution de la paix publique, et sans doute il n'en existera jamais de meilleure. Aih 1 qu'on assemble des troupes pour soumettre lé peuple aux affreux projets du despotisme! Mais qu'on n'entraîne pas le meilleur des rois à commencer le bonheur, la liberté de la nation avec le sinistre appareil de la tyrannie !
Certes, je ne connais pas encore tous les prétextes, tous les artifices des ennemis du peuple, puisque je ne saurais deviner de quelle raison plausible on a coloré le prétendu besoin de troupes au moment où non-seulement leur inutilité, niais leur danger frappe tous les esprits. De quel œil ce peuple, assailli de tant de calamités, ver-m-t-il cette foule de soldats oisifs venir lui disputer les restes de sa subsistance? Le contraste qe l'abondance des uns (du pain, aux yeux de cjelui qui a faim, est l'abondance), le contraste
de l'abondance des uns et de l'indigence des autres, de la sécurité du soldat, à qui la manne tombe sans qu'il ait jamais besoin de penser au lendemain, et des angoisses du peuple, qui n'obtient rien qu'au prix des travaux pénibles et des sueurs douloureuses ; ce contraste est fait pour porter le désespoir dans les cœurs.
Ajoutez, Messieurs, que la présence des troupes frappant l'imagination de la multitude, lui présentant l'idée du danger, se liant à des craintes, à des alarmes, excite une effervescence universelle; les citoyens paisibles sont dans leurs foyers en proie à des terreurs de toute espèce. Le peuple ému, agité, attroupé, se livre à des mouvements impétueux, se précipite aveuglément dans le péril, et la crainte ne calcule ni ne raisonne. Ici les faits déposent pour nous.
Quelle est l'époque de la fermentation? Le mouvement des soldats, l'appareil militaire de la séance royale. Avant, tout était tranquille; l'agitation a commencé dans cette triste et mémorable journée. Est-ce donc à nous qu'il faut s'en prendre, si le peuple, qui nous a observés, a murmuré ; s'il a conçu des alarmes lorsqu'il a vu les instruments de la violence dirigés, non-seulement contre lui, mais contre une Assemblée qui doit être libre pour s'occuper avec liberté de toutes les causes de ses gémissements? Gomment le peuple ne s'agiterait-il pas, lorsqu'on lui inspire des craintes contre le seul espoir qui lui reste ? Ne sait-il pas que si nous ne brisons ses fers, nous les aurons rendus plus pesants, nous aurons cimenté l'impression, nous aurons livré sans défense nos concitoyens à la verge impitoyable de leurs ennemis, nous aurons ajouté à l'insolence du triomphe de ceux qui les dépouillent et qui les insultent?
Que les conseillers de ces mesures désastreuses nous disent encore s'ils sont sûrs de conserver dans sa sévérité la discipline militaire, de prévenir tous les effets de l'éternelle jalousie entre les troupes nationales est les troupes étrangères, de réduira les soldats français à n'être que de purs automates, à les- séparer d'intérêts, de pensées, de sentiments d'avec leurs concitoyens? Quelle imprudence dans leur système de les rapprocher du lieu de nos Assemblées, de les élec-triser par le contact de la capitale, de les intéresser à nos discussions politiques? Non, malgré le dévouement aveugle de lobéissance militaire, ils n'oublieront pas ce que nous sommes ; ils verront en nous leurs parents, leur amis, leur famille occupée de leurs intérêts les plus précieux; car ils font partie de cette nation qui nous a confié le soin de sa liberté, de sa propriété, de son honneur. Non, de tels hommes, non, de tels Français ne feront jamais l'abandon total de leurs facultés intellectuelles; ils ne croiront jamais que le devoir est de frapper sans s'enquérir quelles sont les victimes.
Ces soldats, bientôt unis et séparés par des dénominations qui deviennent le signal des partis, ces soldats, dont le métier est de manier les armes, ne savent dans toutes leur rixes que recourir au seul instrument dont ils connaissent la puissance. De là naissent des combats d'homme à homme, bientôt de régiment à régiment, bientôt de troupes nationales aux troupes étrangères ; le soulèvement est dans tous les cœurs, la sédition marche tête levée; on est obligé, par faiblesse, de voiler la loi militaire, et la discipline est énervée. Le plus affreux désordre menace la société; tout est à craindre de ces légions qui, après être sor-
tiesdu devoir, ne voient plus leur sûreté que dans la terreur qu'elles inspirent.
Enfin, ont-ils prévu, les conseillers de ces mesures, ont-ils prévu les suites qu'elles entraînent pour la sécurité même du trône ? Ont-ils étudié dans l'histoire de tous les peuples comment les révolutions ont commencé, comment elles se sont opérées? Ont-ils observé par quel enchaînement funeste de circonstances les esprits les plus sages sont jetés hors de toutes les limites de la modération, et par quelle impulsion terrible un peuple enivré se précipite vers des excès dont la première idée l'eût fait frémir? Ont-ils lu dans le cœur de notre bon Roi? Connaissent-ils avec quelle horreur il regarderait ceux qui auraient allumé les flammes d'une sédition, d'une révolte peut-être, (je le dis en frémissant, mais je dois le dire), ceux qui l'exposeraient à verser le sang de son peuple, ceux qui seraient la cause première des rigueurs, des violences, des supplices dont une foule de malheureux seraient victimes ?
Mais, Messieurs, le temps presse ; je me reproche chaque moment que mon discours pourrait ravir à vos sages délibérations, et j'espère que ces considérations, plutôt indiquées que présentées, mais dont l'évidence me paraît irrésistible, suffiront pour fonder la motion que j'ai l'honneur de vous proposer.
Qu'il soit fait au Roi une très-humble adresse, pour peindre à Sa Majesté les vives alarmes qu'inspire à l'Assemblée nationale de son royaume l'abus qu'on s'est permis depuis quelque temps du nom d'un bon Roi pour faire approcher de la capitale et de cette ville de Versailles un train d'artillerie et des corps nombreux de troupes, tant étrangères que nationales, dont plusieurs se sont déjà cantonnés dans les villages voisins, et pour la formation annoncée de divers camps aux environs de ces deux villes.
Qu'il soit représenté au Roi, non-seulement combien ces mesures sont opposées aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté pour le soulagement de ses peuples dans cette malheureuse circonstance de cherté et de disette -de grains, mais encore combien elles sont contraires à la liberté et à l'honneur de l'Assemblée nationale, propres à altérer entre le Roi et ses peuples cette confiance qui fait la gloire et la sûreté du monarque, qui seule peut assurer le repos et la tranquillité du royaume, procurer enfin à la nation les fruits inestimables qu'elle attend des travaux et du zèle de cette Assemblée.
Que Sa Majesté soit suppliée très-respectueusement de rassurer ses fidèles sujets en donnant les ordres nécessaires pour la cessation immédiate de ces mesures également inutiles, dangereuses et alarmantes, et pour le prompt renvoi des troupes et du train d'artillerie aux lieux d'où on les a tirés.
Et, attendu qu'il peut être convenable, en suite des inquiétudes et de l'effroi que ces mesures ont jetés dans le cœur des peuples, de pourvoir provisionnellementau maintien du calme et de la tranquillité, Sa Majesté sera suppliée d'ordonner que dans les deux villes de Paris et de Versailles, il soit incessamment levé des gardes bourgeoises qui, sous les ordres du Roi, suffiront pleinement à remplir ce but sans augmenter autour de deux villes travaillées des calamités de la disette le nombre des consommateurs.
Les signes les moins équivoques d'approbation se manifestent parles vifs applaudissements de toute l'Assemblée.
Le bruit des applaudissements se prolonge.
. La motion qui est faite vient d'autant plus à propos, que j'ai reçu aujourd'hui des ordres qui peuvent rassurer les esprits 4e l'Assemblée et du public ; le Roi m'a fait ordonnër de me rendre auprès de sa personnne à six heures du soir. Jugez-vous à propos, Messieurs, die renvoyer au bureau pour en rendre 'compte demain, comme le demande M. de Mirabeau ?
. 11 me semble que la motion de M. de Mirabeau est tellement importante, qu'elle est de nature à être renvoyée au bureau, et je suis d'avis que la discussion s'établisse aussitôt sur cette motion.
Le sentiment de l'honneur et de la liberté est inné dans le cœur des Français ; il importe à notre honneur que nous délibérions en liberté; cela importe aussi au bien du service du Roi. Quel citoyen, désiraipt reconnaître les droits légitimes de la puissance exécutive, ne se trouverait pas arrêté par cet appareil alarmant : que doit-on espérer, quand ce sera au milieu des troupes que nos travaux se formeront ? Notre réclamation ne saurait être un acte de faiblesse; chacun de nous en est incapable : ce n'est qu'un hommage que je rends aux libertés nationales.
Je propose d'engager M. le président de présenter ce soir au Roi cette considération importante.
. Je ne parle point pour faire adopter ni pour faire rejeter la motion, parrte que je n'en connais pas encore suffisamment la contexture; mais je crois utile de rappeler [à l'Assemblée que dans toutes les Assemblées délibérantes, et notamment aux Etats de Bretagne, on ne se croirait pas assez libre pour délibérer, s'il se trouvait des troupes à dix lieues à la ronde du lieu où ils se tiennent ; qu'il est une vérité incontestable : c'est que l'Assemblée nationale doit être libre dans ses délibérations ; qu'elle ne peut l'être au milieu des baïonnettes ; et enfin, que lors même que le sentiment intérieur de tous ceux qui la composent les élèverait au-dessus de toute crainte, ce n'est pas assez, puisqu'il est absolument nécessaire que le peuple, que la nation les regarde comme libres si l'on ne veut pas perdre tout le fruit de cette Assemblée.
: Personnne n'a osé s'élever contre la motion; car, comment soutenir en effet que des corps et des armées doivent environner l'Assemblée et alarmer nos commettants? 11 y a vingt ans qu'une pareille réclamation fut faite aux Etats de Rretagne ; cette réclamation partit de la noblesse, et les troupes furent retirées.
Lorsque j'ai présenté ma motion, j'étais persuadé et je n'ai jamais douté que la noblesse ne se jetât entre nous et les baïonnettes ; ce n'est pas elle que je redouté; je les connais les conseillers perfides de ces attentats portés à la liberté publique, et je jure sur l'honneur et la patrie de les dénoncer un jour. (On applaudit.)
met sous les yeux de l'Assemblée un article de son cahier qui porte « qu'aucune troupe militaire ne pourra approcher plus pr de dix lieues de l'endroit où seront assembl les Etats généraux, sans le consentement ou demande des Etats. »
curé d'Emberménil. On ne peut se dissimuler que ceux qui craignent la réforme des abus dont ils vivent, épuisent toutes les ressources de l'astuce et font mouvoir tous les ressorts pour faire échouer les opérations de l'Assemblée nationale.
Si les Français consentaient actuellement à recevoir des fers, il seraient l'opprobre du genre humain et la lie des nations ; en conséquence, non-seulement j'appuie la motion, mais je demande qu'on dévoile, dès que la prudence le permettra, les auteurs de ces détestables manœuvres ; qu'on les dénonce à la nation comme coupables du crime de lèse-majesté nationale, afin que l'exécration contemporaine devance l'exécration de la postérité.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée, et qu'on aille aux voix.
Le sujet est si important et la délibération si pressante, que je prie M. le président de faire procéder à l'appel, et de finir la délibération avant de lever la séance.
La discussion est fermée ; ou demande de nouveau à aller aux voix.
M. le comte Mirabeau relit sa motion.
. Le Roi n'aura jamais de garde plus assurée que la confiance de ses sujets ; il est le père de tous les Français ; pourrait-il redouter de se trouver au milieu de ses enfants ? Cependant on environne de troupes cette Assemblée ; on fait venir des extrémités du royaume une effrayante artillerie ; on établit des camps aux environs de cette ville, comme s'il y avait lieu jde craindre des attaques et de livrer des combats. Pour faire cesser ces alarmes, j'adopte la motion de M. le comte de Mirabeau ; mais je propose, par amendement, de retrancher l'article concernant la garde bourgeoise, sauf à y revenir dans la suite, s'il paraît nécessaire.
Cet amendement est adopté.
La motion ainsi dégagée est mise aux voix ; elle passe à l'unanimité, excepté quatre voix. En voici le texte :
« Qu'il sera fait au Roi une très-humble adresse, pour peindre à Sa Majesté les vives alarmes qu'inspire à l'Assemblée nationale de son royaume, l'abus qu'on s'est permis, depuis quelque temps, du nom d'un bon Roi, pour faire approcher de la capitale et de cette ville de Versailles, un train d'artillerie et des corps nombreux de troupes, tant étrangères que nationales, dont plusieurs sont déjà cantonnées dans les villages voisins, et pour la formation annoncée de divers camps aux environs de ces deux villes : qu'il sera représenté au Roi, non-seulement combien ces [mesures sont opposées aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté pour le soulagement de ses peuples, dans cette malheureuse circonstance de cherté et de disette des grains ; mais encore combien elles sont contraires à la liberté et à l'honneur de l'Assemblée nationale; propres à altérer entre le Roi et ses peuples cette précieuse confiance qui fait la gloire et la sûreté du monarque, qui seule peut assurer le repos et la tranquillité du royaume, et procurer enfin à la nation les fruits* inestimables qu'on attend des travaux et du zèle de cette Assemblée : que Sa Majesté sera suppliée très-respectueusement de rassurer ses fidèles sujets, en donnant les ordres nécessaires pour la cessation immédiate de ces mesures, éga-! îement inutiles, dangereuses et alarmantes, et
pour le prompt renvoi des troupes et du train d'artillerie au lieu d'où on les a tirés. »
En conséquence, M. le président qui, dans le cours de la séance, avait annoncé que Sa Majesté lui avait fait dire de se rendre auprès de sa personne à six heures du soir, à été chargé par l'Assemblée nationale de demander au Roi si Sa Majesté voudrait bien recevoir une députation qui lui présentera la respectueuse adresse que l'Assemblée nationale vient de décréter.
M. le Président invite les comités de rédaction^ de vérification de pouvoirs, de règlement et de distribution du travail relatif à la constitution, à s'assetnbler ce soir à six heures, et la séance est prorogée à demain neuf heures du matin.
Séance du
Al'ouverturede la séance,M. le Président dit que, sur l'invitation qui lui en avait été faite par Sa Majesté, il s'était rendu hier au soir auprès du Roi. Le monarque lui a dit qu'il aurait voulu le voir pour lui manifester ses intentions relativement aux troupes qui se sont approchées de Paris et de Versailles ; qu'elles ne porteront jamais aucune atteinte à la liberté des Etats généraux ; que leur rassemblement n'a d'autre but que de rétablir le calme, et que leur séjour ne durera que le temps nécessaire pour garantir la sûreté publique, objet de sa prévoyance. Le Roi a ajouté qu'étant déjà instruit de la délibération prise par l'Assemblée à ce sujet, il recevrait la députation, et lui donnerait une réponse ostensible.
On lit ensuite différentes adresses envoyées à l'Assemblée de la part des électeurs des villes de Rordeaux, Poitiers, Nemours, Châtellerault et Uzerches. Toutes ces adresses expriment les mêmes sentiments de respect, de reconnaissance pour l'Assemblée, et d'aahésion à tout ce qu'elle a déjà fait.
L'Assemblée les accueille avec intérêt et en ordonne l'insertion au procès-verbal.
donne lecture du procès-verbal.
prévient l'Assemblée que M. le rapporteur de la députation du bailliage d'Amont est prêt à faire le rapport de la contestation élevée sur les deux députations de ce bailliage.
fait ce rapport. Il en résulte qu'il existe deux députations de la noblesse.
L'une, au nombre de trois, nommée par la majorité ;
L'autre, par la minorité, également au nombre de trois. La première a été faite dans une convocation des trois ordres;
L'autre, en vertu d'un arrêt du conseil.
Cette affaire est devenue excessivement compliquée par les arrêtés du parlement de la pjovince, les arrêts du Conseil, pour casser les arrêtés et les protestations des deux partis.
Le rapporteur réduit la question à celle de savoir si la députation est valable ou non.
Nous ne suivrons pas dans toutes les divisions les objections, les raisonnements auxquels il a cru devoir se livrer. L'Assemblée étant fatiguée de la prolixité de ce rapport, M. de Saint-Fargeau élève le premier la voix sur les députations du bailliage d'Amont, et s'arrête à un tempérament qui consiste à admettre les deux premiers députés de chaque députation.
Il fonde cette opinion sur diverses "considérations, telles que la crainte d'entretenir la haine dans la noblesse d'une province frontière, et de la laisser divisée en deux factions, en proie à une animosité qui ne s'éteindra qu'avec la génération actuelle.
Un membre. Sans doute, il serait inquiétant de voir les premiers citoyens d'une province s'abandonner à l'esprit de parti ; sans doute, il est bien plus désirable d'étouffer un feu qui peut brûler longtemps ; mais enfin il existe deux députations: il y en a une de régulière, ou elles sont nulles toutes deux. S'il y en a une régulière il faut l'admettre, quelles que soient les considérations, c'est la loi de la justice.
Je crois qu'il faut plutôt les renvoyer toutes deux que d'en admettre une exclusivement.
Un membre de la noblesse parle encore en faveur de la première députation ; il fait part de quelques faits.
1° La minorité qui, au nombre de cent cinquante, a nommé la seconde députation, a quitté la majorité qui, au nombre de cent soixante, est restée dans l'église avec les autres ordres ; 2° par le serment, la minorité a reconnu la légalité de l'Assemblée ; 3° que la minorité avait protesté contre la tenue des Etats généraux, et contre tout ce qui s'y ferait.
L'orateur s'étend ensuite sur les faits généraux, et conclut en faveur de la première députation.
Une discussion s'élève sur la manière de poser la question.
. Je demande s'il ne convient pas d'abord de statuer sur la première députation et d'opiner pour la déclarer ou valable ou nulle.
W¥¥. La question ainsi posée ne se rapproche pas de tous les systèmes.
. Je crois qu'il vaut mieux étendre un peu davantage la délibération, afin qu'elle soit plus nette et plus claire.
On rédige ainsi la proposition :
1° Admettra-t-on la première ou la seconde?
2° Ou les admettra-t-on toutes les deux ?
On procède à l'appel nominal.
Il y a eu 597 voix pour la première députation, 84 pour toutes deux, 3 pour qu'elles eussent séance muette, 1 pour que dans les deux députations il n'y eût que 3 membres, pris indistinctement, qui auraient voix délibérative, 2 pour mettre en délibéré.
évêque d'Agen, demande à l'Assemblée la permission de mettre sous ses yeux une déclaration de la noblesse du bailliage d'Agen.
Extrait de déclaration de la noblesse du bailliage d'Agen.
« Ayant pris en considération l'état actuel des Etats généraux, et après le recensement des suffrages, nous avons vu avec douleur que les efforts de nos députés ayant été jusqu'à ce moment vains et illusoires, pour se mettre en activité et se constituer définitivement en Etats généraux ; désirant contribuer au grand ouvrage du bien public et rendre hommage à l'esprit de paix des membres de l'Assemblée nationale, au courage dont ils ont donné des preuves, à la sagesse qu'ils ont montrée ; étant moins jaloux de nos droits particuliers que de l'intérêt général, nous déclarons être pleinement satisfaits de nos députés, et nous désirons que leurs pouvoirs soient modifiés; encore que nous leur ordonnions de se rendre à la salle générale des Etats généraux, pour participer à la régénération du royaume, sans compromettre toutefois les privilèges honorifiques de la noblesse ; leur enjoignons en outre de ne consentir à aucun emprunt, à aucun subside, que la constitution ne soit invariablement fixée, et leur permettons de se relâcher sur les articles 14 et 15. »
Cette déclaration est reçue avec les plus vifs applaudissements.
lit ensuite le projet d'adresse qu'il a été chargé de rédiger.
Cette adresse fait la plus vive sensation sur l'Assemblée, qui se lève unanimement en signe d'adhésion.
La voici telle qu'elle a été lue et adoptée.
ADRESSE AU ROI.
Sire, vous avez invité l'Assemblée nationale à vous témoigner sa confiance : c'était aller au-devant du plus cher de ses vœux.
Nous venons déposer dans le sein de Votre Majesté les plus vives alarmes. Si nous en étions l'objet, si nous avions la faiblesse de craindre pour nous-mêmes, votre bonté daignerait encore nous rassurer, et même, en nous blâmant d'avoir douté de vos intentions, vous accueilleriez nos inquiétudes; vous en dissiperiez la cause; vous ne laisseriez point d'incertitude sur la position de l'Assemblée nationale.
Mais, Sire, nous n'implorons point votre protection ; ce serait offenser votre justice : nous avons conçu des craintes ; et, nous l'osons dire, elles tiennent au patriotisme le plus pur, à l'intérêt de nos commettants, à la tranquillité publique, au bonheur du monarque chéri, qui, en nous aplanissant la route de la félicité, mérite bien d'y marcher lui-même sans obstacle.
Les mouvements de votre cœur, Sire, voilà le vrai salut des Français. Lorsque des troupes s'avancent de toutes parts, que des camps se forment autour de nous, que la capitale est investie, nous nous demandons avec étonnement : le Roi s'est-il méfié de la fidélité de ses peuples ? S'il avait pu en douter, n'aurait-il pas versé dans notre cœur ses chagrins paternels? Que veut dire cet appareil menaçant? Où sont les ennemis de l'Etat et du Roi qu'il faut subjuguer? Où sont les rebelles, les ligueurs qu'il faut réduire ? Une voix unanime répond dans la capitale et dans l'étendue du royaume ; Nous chérissons notre Roi ;
nous bénissons le ciel du •don qu'il nous a fait dans son amour.
Sire, la religion de Votre Majesté ne peut être surprise que sous le prétexte du bien public.
Si ceux qui ont donné ces conseils à notre Roi, avaient assez de confiance dans leurs principes pour les exposer devant nous, ce moment amènerait le plus beau triomphe de la vérité.
L'Etat n'a rien à redouter que des mauvais principes qui osent assiéger le trône même, et ne respectent pas la conscience du plus pur, du plus vertueux des princes. Et comment s'y prend-on, Sire, pour vous faire douter de rattachement et de l'amour de vos sujets ? Avez-vous prodigué leur sang? Etes-vous cruel, implacable? Avez-vous abusé de la justice ? Le peuple vous impute-t-il ses malheurs? vous nomme-t-il dans ses calamités ? Ont-ils pu vous dire que le peuple est impatient de votre joug, qu'il est las du sceptre des Bourbons? Non, non, ils ne l'ont pas fait : la calomnie du moins n'est pas absurde; elle cherche un peu de vraisemblance pour colorer ses noirceurs.
Votre Majesté a vu récemment tout ce qu'elle peut pour son peuple , la subordination s'est rétablie dané la capitale agitée; les prisonniers mis en liberté par la multitude, d'eux-mêmes ont repris leurs fers; et l'ordre public, qui peut-être aurait coûté des torrents de sang si l'on eût employé la force, un seul mot de votre bouche l'a rétabli. Mais ce mot était tin mot de paix, il était l'expression de votre cœur, et vos sujets se font gloire de n'y résister jamais. Qu'il est beau d'exercer cet empire ! C'est celui de Louis IX, de Louis XII, d'Henri IV. C'est le seul qui soit digne de vous.
Nous vous tromperions, Sire, si nous n'ajoutions pas, forcés par les circonstances : cet empire est le seul qu'il soit aujourd'hui possible en France d'exercer. La France ne souffrira pas qu'on abuse le meilleur des Rois et qu'on l'é-carte, par des vues sinistres, du noble plan qu'il a lui-même tracé. Vous nous avez appelés pour fixer, de concert avec vous, la constitution, pour opérer la régénération du royaume : l'Assemblée nationale vient vous déclarer solennellement que vos vœux seront accomplis, que-vos promesses ne seront point vaines, que les pièges, les difficultés, les terreurs ne retarderont point sa marche, n'intimiderons point son courage.
Où donc est le danger des troupes, affecteront de dire nos ennemis?... Que veulent leurs plaintes, puisqu'ils sont inaccessibles au découragement ?
Le danger, Sire, est pressant, est universel, est au delà de tous les calculs de la prudence humaine.
Le danger est pour le peuple des provinces. Une fois alarmé sur notre liberté, nous ne connaissons plus de frein qui puisse le retenir. La distance seule grossit tout, exagère tout, double les inquiétudes, les aigrit, les envenime.
Le danger est pour la capitale. De quel œil le peuple, au sein de l'indigence et tourmenté des angoisses les plus cruelles, se verra-t-il disputer les restes de sa subsistance par une foule de soldats menaçants? La présence des troupes échauffera, ameutera, produira une fermentation universelle ; et le premier acte de violence, exercé sous prétexte de police, peut commencer une suite horrible de malheurs.
Le danger est pour les troupes. Des soldats français, approchés du centre des discussions, participant aux passions comme aux intérêts du
peuple, peuvent oublier qu'un engagement les a raits soldats, pour se souvenir que la nature les fît hommes.
Le danger, Sire, menace les travaux qui sont notre premier devoir, et qui n'auront un plein succès, une véritable permanence, qu'autant que les peuples les regarderont comme entièrement libres. Il est d'ailleurs une contagion dans les mouvements passionnés. Nous ne sommes que des hommes : la défiance de nous-mêmes, la crainte de paraître faibles, peuvent entraîner au delà du but ; nous serons obsédés d'ailleurs de conseils violents et démesurés; et la raison calme, la tranquille sagesse, ne rendent pas leurs oracles au milieu du tumulte, des désordres et des scènes factieuses.
Le danger, Sire, est plus terrible encore; et jugez de son étendue par les alarmes qui nous amènent devant vous. De grandes révolutions ont eu des causes bien moins éclatantes ; plus d'une entreprise fatale aux nations s'est annoncée d'une manière moins sinistre et moins formidable.
Ne croyez pas ceux qui vous parlent légèrement de la nation, et qui ne savent que vous la représenter, selon leurs vues, tantôt insolente, rebelle, séditieuse, tantôt soumise, docile au joug, prompte à courber la tête pour le recevoir. Ces deux tableaux sont également infidèles.
Toujours prêts à vous obéir, Sire, parce quo vous commandez au nom des lois, notre fidélité est sans bornes, comme sans atteintes.
Prêts à résister à tous les commandements arbitraires de ceux qui abusent de votre nom, parce qu'ils sont ennemis des lois ; notre fidélité même nous ordonne cette résistance, et nous nous honorerons toujours de mériter les reproches que notre fermeté nous attire.
Sire, nous vous en conjurons au nom de la patrie, au nom de votre bonheur et de votre gloire ; renvoyez vos soldats aux postes d'où vos conseillers les ont tirés ; renvoyez cette artillerie destinée à couvrir vos frontières ; renvoyez, surtout, les troupes étrangères, ces alliés de la nation, que nous payons pour défendre et non pour troubler nos foyers : Votre Majesté n'en a . pas besoin. Eh ! pourquoi un Roi, adoré de 25 millions de Français, ferait-il accourir à grands frais autour du trône quelques milliers d'étrangers? Sire, aux milieu de vos enfants; soyez gardé par leur amour : les députés de la nation sont appelés à consacrer avec vous les droits éminents de la royauté sur la base immuable de la liberté du peuple. Mais; lorsqu'ils remplissent leur devoir, lorsqu'ils cèdent à leur raison, à leurs sentiments, les exposeriez-vous au soupçon de n'avoir cédé qu'à la crainte ? Ah ! l'autorité que tous les cœurs vous défèrent est la seule pure, la seule inébranlable; elle est le juste retour de vos bienfaits, et l'immortel apanage des princes dont vous serez le modèle.
On demande que l'adresse soit incessament présentée au Roi par une députation de vingt-quatre membres. En conséquence, M. le président nomme pour composer la députation : pour le clergé, MM. l'archevêque de Vienne, l'évêque de Chartres, les abbés Joubert, Chatizel, Grégoire et Yvernault; pour la noblesse, MM. le duc de la Rochefoucauld, le marquis de Crécy, le vicomte deToulon-geon, le marquis de Blacons, le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre; pour les communes, MM. le comte de Mirabeau, Corroler, Kegnault de Saint-Jean d'Angély, Robespierre, Marquis, Barrière de
Vieuzac, de Séze, Delaunay, Pétion de Villeneuve, Buzot, de Kervélégan et Tronchet.
fait le rapport du comité chargé de préparer le travail de la constitution. En voici le texte (1).
Messieurs, vous avez établi un comité pour vous présenter un ordre de travail sur la constitution du royaume. Il va mettre sous vos yeux celui qu'il a jugé convenable, et vous examinerez dans votre sagesse s'il peut répondre aux vues qui vous.animent.
Pour former un plan de travail sur un objet quelconque, il est nécessaire de l'examiner sous ses principaux rapports, afin de pouvoir classer les différentes parties. Comment établir leur liaison successive, si l'on n'a pas saisi l'ensemble?
Il a fallu nous faire une idée précise du sens du mot Constitution ; et une fois ce sens bien déterminé, il a fallu considérer la constitution telle qu'elle a été entrevue par nos commettants. Nous avons pensé qu'une constitution n'est autre chose qu'un ordre fixe et établi dans la manière de gouverner; que cet ordre ne peut exister, s'il n'est appuyé sur des régies fondamentales, créées par le consentement libre et formel d'une nation ou de ceux qu'elle a choisis pour la représenter. Ainsi une constitution est une forme précise et constante de gouvernement, ou, si Ton veut, c'est l'expression des droits et des obligations des différents pouvoirs qui le composent.
Quand la manière de gouverner ne dérive pas de la volonté du peuple clairement exprimée, il n'a point de constitution; il n'a qu'un gouvernement de fait qui varie suivant les circonstances, qui cède à tous les événements. Alors l'autorité a plus de puissance pour opprimer les hommes que pour garantir leurs droits. Ceux qui gouvernent et ceux qui sont gouvernés sont également malheureux.
Sans doute nous ne pouvons pas dire qu'en France nous soyons entièrement dépourvus de toutes les lois fondamentales propres à former une constitution. Depuis quatorze siècles nous avons un Roi. Le sceptre n'a pas été créé par la force, mais par la volonté de la nation. Dès les premiers temps de la monarchie, elle fit choix d'une famille pour la destiner au trône. Les hommes libres élevaient le prince sur un bouclier, et faisaient retentir l'air de leurs cris et du bruit de leurs armes qu'ils frappaient en signe de joie.
Des révolutions aussi fréquentes qu'elles devaient l'être chez un peuple qui n'avait pas assez clairement tracé les limites et qui n'avait jamais divisé les différents genres de pouvoirs, ont ébranlé le trône et changé les dynasties. Elles ont successivement favorisé l'accroissement ou la diminution de l'autorité royale, mais les Français ont toujours senti qu'ils avaient besoin d'un Roi. La puissance du prince a été longtemps enchaînée par l'aristocratie féodale, mais elle n'a jamais été oubliée par le peuple. On n'a jamais cessé de l'invoquer contre l'injustice, et, dans les temps même de la plus grossière ignorance, dans toutes les parties de l'Empire, la faiblesse opprimée a toujours tourné ses regards vers le trône comme vers le protecteur chargé de la défendre.
Les funestes conséquences du partage de la puissance royale entre les princes de la même
Pour ne pas exposer le royaume à la domination des étrangers, pour réserver le sceptre à un Français et former des rois citoyens, les femmes sont exclues de la couronne. Ces maximes sacrées ont toujours été solennellement reconnues dans toutes les Assemblées des représentants de la nation, et nous avons été envoyés par nos commettants pour leur donner une nouvelle force.
C'est encore un principe certain, que les Français ne peuvent être taxés sans leur consentement; et dans le long oubli des droits du peuple, toutes les fois que l'autorité s'est expliquée sui cet important objet, elle a cependant déclaré que les subsides doivent être un octroi libre et volontaire.
Mais, malgré ces précieuses maximes, noua n'avons pas une forme déterminée et complète de gouvernement. Nous n'avons pas une constitution, puisque tous les pouvoirs sont confondus, puisqu'aucune limite n'est tracée. On n'a pas même séparé le pouvoir judiciaire du pouvoir législatif. L'autorité est éparse; ses diverses parties sont toujours en contradiction; et dans leur choc perpétuel, les droits des citoyens obscurs sont trahis. Les lois sont ouvertement méprisées, ou plutôt on ne s'est pas même accordé sur ce qu'on devait appeler des lois.
L'établissement de l'autorité royale ne suffit pas sans doute pour créer une constitution : si cette autorité n'a point de bornes, elle est nécessairement arbitraire, et rien n'est plus directement opposé à une constitution que le pouvoir despotique: mais il faut avouer qu'en France le défaut de constitution n'a pas été jusqu'à ce jour favorable à la couronne. Souvent des ministres audacieux ont abusé de son autorité. Elle n'a jamais joui que par intervalle de toute la puissance qui doit lui appartenir pour le bonheur dt la nation. Combien de fois les projets conçui pour rendre les Français heureux ont éprouva des obstacles qui ont 'compromis la majesté di trône! N'a-t-il pas fallu combattre sans relâche et presque toujours avec désavantage, contre le prétentions des corps, et une multitude de privi léges.
Le pouvoir, en France, n'a point eu jusqu'à ( jour de base solide, et sa mobilité a souvent pei mis à l'ambition de se l'approprier pour le faii servir au succès de ses vues.
Une constitution qui déterminerait préciserne' les droits du monarque et ceux de la nation, srait donc aussi utile au Roi qu'à nos concitoyer Il veut que ses sujets soient heureux; il joui de leur bonheur; et quand il agira au nom d lois qu'il aura concertées avec les représentai de son peuple, aucun corps, aucun particuli quels que soient son rang et sa fortune, n'ai la témérité de s'opposer à son pouvoir. Son s sera mille fois plus glorieux et plus fortuné c celui du despote le plus absolu. La puissance bitraire fait le malheur de ceux qui l'exerce Les agents ayxquels on est forcé de la conf s efforcent constamment de l'usurper pour 1 propre avantage. Il faut sans cesse la céder 01 conquérir.
Et, comme l'a dit un de nos premiers oratei dans quel temps de notre monarchie voudrait choisir les exemples de notre prétendue cou tution? Proposera-t-on pour modèles les chai de mars et les champs de mai sous la prem et la seconde race, où tous les hommes libre rendaient en armes, et délibéraient sur
affaires publiques? Sans doute, nous ne désirons pas aujourd'hui une liberté orageuse, qui, ayant besoin du concours général et presque existant d'une foule immense d'individus, ne pourrait subsister qu'en rétablissant aussi, à l'exemple-de no3 ancêtres, la servitude domestique et celle de la glèbe, afin qu'en l'absence de la plupart des hommes libres, les esclaves prissent soin de nos terres et de nos maisons. Nous ne désirons pas lune liberté sans règle, qui place l'autorité arbitraire dans la multitude, la dispose à l'erreur, à la précipitation, appelle l'anarchie, et le despotisme marchant toujours à sa suite, prêt à saisir ga proie.
Appellerons-nous conslitution du royaume l'aristocratie féodale, qui, pendant si longtemps, ja opprimé, dévasté cette belle contrée?
Regretterons-nous le temps où les réprésen-jtants du clergé, de la noblesse et des communes, «appelés à de longs intervalles pour fournir des subsides au prince, présentaient des requêtes et des doléances, se laissaient interdire, par des arrêts du Conseil, le droit de délibérer, laissaient subsister tous les abus, se livraient entr'eux à de méprisables querelles, consolidaient l'esclavage au lieu de le détruire, et dévouaient leur patrie, par leur faiblesse, à tous les maux qu'ils (savaient décrire dans leurs plaintes, et dont ils n'osaient entreprendre d'empêcher le retour? Si [c'est là l'exemple qui peut nous séduire, renonçons aux Etats généraux; ils seront inutiles comme les précédents; ils seront des moyens de Iplus pour opprimer la France.
Choisirons-nous le temps qui s'est écoulé depuis 1614, c'est-à-dire, celui où tous les droits ont été méconnus, où le pouvoir arbitraire a laissé la nation sans représentants? Alors pourquoi serions-nous assemblés? Pourquoi aurions-nous accepté la confiance de nos commettants?
Mais nous ne perdrons pas un temps précieux à disputer sur les mots, si tous sont d'accord sur les choses. Ceux mêmes qui soutiennent que nous avons une constitution, reconnaissent qu'il faut la perfectionner, la compléter. C'est une heureuse constitution qu'on désire. Plaçons dans le corps de la constitution, comme lois fondamentales, tous les vrais principes. Répétons-les encore pour leur donner une nouvelle force, s'il est vrai qu'ils aient déjà été prononcés. Détruisons ce qui est évidemment vicieux. Fixons enfin la constitution de la France; et quand les bons citoyens en seront satisfaits, qu'importe que les uns disent qu'elle est ancienne, et d'autres qu'elle est nouvelle, pourvu que, par le consentement général, elle prenne un caractère sacré ?
La plus grande partie des pouvoirs, et peut-, être tous, nous imposent la nécessité de fixer la | constitution du royaume, d'établir ou de déter-I miner des lois fondamentales pour assurer à ja-j mais la prospérité de la France. Nos commettants ' nous ont défendu d'accorder des subsides avant ! l'établissement de la constitution. Nous obéirons donc à la nation» en nous occupant incessamment de cet important ouvrage.
Nous n'abandonnerons jamais nos droits, mais nous saurons ne pas les exagérer. Nous n'oublierons pas que les Français ne sont pas un peuple nouveau, sorti récemment du fond des forêts pour former une association, mais une grande société de 24 millions d'hommes qui veut resserrer les liens qui unissent toutes ses parties, qui veut régénérer le royaume, pour qui les principes de la véritable monarchie seront toujours sacrés. Nous n'oublie!ons pas que nous sommes comp-
tables à la nation de tous nos instants, de toutes nos pensées; que nous devons un respect et une fidélité inviolables à l'autorité royale, et que nous sommes chargés de la maintenir, en opposant des obstacles invincibles au pouvoir arbitraire.
Nous distinguerons, Messieurs, parmi les objets qui nous sont recommandés, ce qui appartient à la constitution, et ce qui n'est propre qu'à former des lois. Cette distinction est facile; car il est impossible de confondre l'organisation des pouvoirs de l'Etat avec les règles émanées de la législation. Il est évident que nous devons nous considérer sous deux points de vue différents, en nous occupant du soin de fixer cettç organisation sur deâ bases solides. Nous agirons comme constituants, en vertu des pouvoirs que nous avons reçus: en nous occupant des lois, nous agirons simplement comme constitués.
Mais devons-nous premièrement nous occuper de la constitution ou des lois? Sans doute, le choix n'est pas difficile. Si l'on préparait des lois avant d'assigner le caractère et les limites des différents pouvoirs, on trouverait, il est vrai, le grand avantage de graduer tellement notre marche,que nous nous exercerions, pour ainsidire, dans les choses plus faciles, pour passer à de plus grandes difficultés; mais ceux qui préféreraient cet ordre, doivent considérer que si nous commencions par nous occuper des articles de la législation contenus dans les différents cahiers, nous ferions naître les questions en grand nombre : chacun, pour donner des preuves de son zèle, voudrait proposer la réforme d'un abus. Dans la diversité des objets qui s'offriront à la fois, il faudra décider quels sont ceux qui méritent le plus d'importance; les discussions n'auront point de terme, et nous retarderons la restauration du crédit national, puisque nous ne pourrons nous occuper des subsides qu'après l'établissement de la constitution.
Ceux qui connaissent le prix du temps, et qui veulent se prémunir contre les événements, choisissent toujours parmi les actions qu'ils se proposent, ce qui est indispensable, avant de passer à ce qui est utile ou à ce qui peut être différé. Certainement les maux de nos concitoyens exigent de nouvelles lois ; mais il est bien moins important de faire des lois que d'en assurer l'exécution ; et jamais les lois ne seront exécutées, tant qu'on n'aura pas détruit le pouvoir arbitraire par une forme précise de gouvernement. D'ailleurs, il n'est pas de loi importante dont les dispositions ne rappellent les différents pouvoirs, et ne soient calquées sur leur organisation.
Il est malheureux, sans doute, que nous ne puissions pas, dans une seule session, faire tout le bien que notre zèle pourrait nous inspirer; mais faisons au moins ce qui est évidemment nécessaire.
Il n'est point de maux dont la liberté ne consolé, pointd'avantagesquipuissenten compenser la perte. Saisissons l'instant favorable, hàtons-nous de la procurer à notre patrie. Profitons des intentions bienfaisantes de Sa Majesté : quand une fois la liberté sera fixée, et que le pouvoir législatif sera déterminé, les bonnes lois se présenteront naturellement. C'est en assurant le retour périodique ou la permanence des Assemblée nationales, c'est en déterminant leurs formes et leur composition, en réglant les limites de tous les pouvoirs, que vous établirez la liberté. Il n'est aucun de nous qui ne dût s'estimer très-heureux de I pouvoir présenter à ses commettants, comme le
seul résultat des travaux de cette Assemblée, une bonne constitution; et sans doute nous ne serions pas honorés de leur approbation, si nous leur présentions quelques lois isolées, en abandonnant la liberté publique.
Le but de toutes les sociétés étant le bonheur général, un gouvernement qui s'éloigne de ce but, ou qui lui est contraire, est essentiellement vicieux. Pour qu'une constitution soit bonne, il faut qu'elle soit fondée sur les droits des hommes, et qu'elle les protège évidemment ; il faut donc, pour préparer une constitution, connaître les droits que la justice naturelle accorde à tous les individus, il faut rappeler les principes qui doivent former la base de toute espèce de société, et que chaque article de la constitution puisse être la conséquence d'un principe. Un grand nombre de publicistes modernes appellent l'exposé de ces principes une déclaration de droits.
Le comité a cru qu'il serait convenable, pour rappeler le but de notre constitution, de la faire précéder par une déclaration des droits des nommes; mais de la placer, en forme de préambule, au-dessus des articles constitutionnels, et non de la faire paraître séparément. Le comité a pensé que ce dernier parti présenterait peu d'utilité, et pourrait avoir des inconvénients; que des idées arbitraires et philosophiques, si elles n'étaient accompagnées des conséquences, permettraient d'en supposer d'autres que celles qui seront admises par l'Assemblée; qu'en n'arrêtant pas définitivement la déclaration des droits jusqu'au moment où. l'on aura achevé l'examen de tous les articles de la constitution, on aurait l'avantage de combiner plus exactement tout ce qui doit entrer dans l'exposé des principes, et être accepté comme conséquence. Cette déclaration devrait être courte, simple, et précise. C'est donc de la déclaration des droits, considérée comme préambule de la constitution, que l'Assemblée doit d'abord s'occuper, sans l'arrêter définitivement.
Ici, le comité doit faire part de ses vues sur la direction des travaux de l'Assemblée, relativement à la constitution : cet objet est trop important pour qu'on ne réunisse pas toutes les lumières. Il serait infiniment dangereux de confier à un comité le soin de rédiger un plan de constitution, et de le faire juger ensuite dans quelques séances. 11 ne faut point ainsi mettre au hasard des délibérations précipitées, le sort de 24 millions d'hommes; il serait plus conforme à la prudence de faire discuter tous les articles de la constitution dans tous les bureaux à la fois, d'établir un comité de correspondance, qui se réunirait à certaines heures pour comparer les opinions qui paraîtraient prévaloir dans les différents bureaux, et qui tâcherait, par ce moyen, de préparer une certaine uniformité de principes.
Comme les articles de la constitution doivent avoir la liaison la plus intime, on ne peut en arrêter un seul avant d'avoir bien mûrement réfléchi sur tous. Le dernier article peut faire naître des réflexions sur le premier, qui exigent qu'on y apporte des changements ou des modifications.
La discussion des articles de la constitution consumera peut-être un temps considérable; mais aucun motif ne doit nous inspirer le dessein d'agir avec précipitation. Le plus grand de tous les malheurs auxquels nous puissions être exposés, serait d'établir une constitution vicieuse. Mais pour qu'on ne puisse pas nous croire dans l'inertie, pendant quenous agiterons les plus grands intérêts, et afin de faciliter à tous les membres de
cette Assemblée les moyens de s'éclairer mutuellement, on tiendrait chaque semaine trois séances générales, où l'on discuterait en public les objets qui auraient déjà été soumis à une discussion dans les bureaux. En nous conduisant ainsi, nous réunirions plusieurs avantages, celui de nous conformer aux principes, et celui de profiter des lumières de ceux qui attendent de nouvelles insj tructions pour voter dans cette Assemblée. Ils s'empresseront sans doute de nous communiquer leurs réflexions; et, pendant cet examen, ils pour-1 ront trouver le temps nécessaire pour obtenir une plus grande liberté, sans que l'activité de l'Assemblée, qui ne doit jamais être suspendue, soit subordonnée à cette considération.
Après la déclaration des droits dont les hommes doivent jouir dans toutes les sociétés, on passe rait aux principes qui constituent la véritable monarchie, ensuite aux droits du peuple Français. Les représentants de la nation, en renouvelant solennellement la déclaration des droits du Roi, appuieront son autorité sur des bases inaltérables. On examinerait successivement tous les moyens qui doivent assurer l'exercice des droits respectifs de la nation et du monarque. Le comité aura l'honneur de mettre sous les yeux la principale division d'un plan de constitution. Si l'As-t semblée le désire, il lui présentera incessament le tableau des sous-divisions.
Nous touchons donc au moment qui doit régler) la destinée de la France. Puisse votre zèle, Mesn sieurs, obtenir tout le succès dont il est digne !| puisse une confiance réciproque dissiper toute^ les alarmes 1 puisse-t-on ne jamais,oublier que tout ce qui est juste et utile, tout ce qui contri-| bue au maintien de l'ordre public, importe à la nation, et que nous en sommes tous les défen-| seurs! Sans doute les députés de toutes les parties du royaume ne s'occuperont plus des anciens1 droits particuliers qui ne garantissaient pas leurs] provinces du joug du pouvoir arbitraire, ils pré-| féreront une liberté générale, une félicité commune, au triste privilège d'être distingués dans la servitude par quelques faibles avantages. Puissent enfin toutes les provinces, par l'organe de leurs représentants, contracter entr'elles et avec le trône une alliance éternelle 1
ORDRE DU TRAVAIL Proposé par le comité.
Art. Ier. Tout gouvernement doit avoir pour unique but, le
maintien du droit des hommes : d'où il suit que pour rappeler constamment le gouvernement au
but proposé, la constitution doit commencer par la déclaration des droits naturels et
imprescriptibles de l'homme.
Art. 2. Le gouvernement monarchique étant propre à maintenir ses droits, a été choisi par la nation Française; il convient,%surtout, à une grande société; il est nécessaire au bonheur de la France : la déclaration des principes de ce gouvernement doit donc suivre immédiatement la déclaration des droits de l'homme.
Art. 3. Il résulte des principes de la monarchie, que la nation, pour assurer ses droits, a concédé au monarque des droits particuliers. La constitution doit donc déclarer d'une manière précise les droits de l'une et de l'autre.
Art. 4. Il faut commencer par déclarer les droits de la nation Française.
11 faut ensuite déclarer les droits du Roi,
Art. 5. Les droits du Roi et de la nation n'existant que pour le bonheur des individus qui la composent, ils conduisent à l'examen des droits des citoyens.
Art. 6. La nation Française ne pouvant être individuellement réunie pour exercer tous ses droits, elle doit être représentée : il faut donc énoncer le mode de sa représentation et les droits de ses représentants.
Art. 7. Du concours des pouvoirs de la nation et du Roi, doivent résulter rétablissement et l'exécution des lois : ainsi il faut d'abord déterminer comment les lois seront établies.
Ensuite on examinera comment les lois seront exécutées.
Art. 8. Les lois ont pour objet l'administration générale du royaume, les actions des citoyens ict les propriétés.
L'exécutiou des lois qui concernent l'administration générale, exige des Assemblées provinciales et des Assemblées municipales. Il faut donc examiner quelle doit être l'organisation des Assemblées provinciales, quelle doit être l'organisation des Assemblées municipales.
ArL 9. L'exécution des lois qui concernent les propriétés et les actions des citoyens, nécessite |ie pouvoir judiciaire ; il faut déterminer comment il doit être confié; il faut déterminer ensuite ses obligations et ses limites.
Art. 10. Pour l'exécution des lois, et la défense du royaume ; il faut une force publique. Il s'agit donc de déterminer les principes qui doivent la diriger.
Récapitulation.
Déclaration des droits de l'homme.
Principes de la monarchie.
Droits de la nation.
Droits du Roi.
Droits des citoyens sous le gouvernement Français.
Organisation et fonctions de l'Assemblée nationale.
Formes nécessaires pour l'établissement des lois.
Organisation et fonctions des Assemblées provinciales et municipales.
Principes, obligations et limites du pouvoir judiciaire.
Fonctions et devoirs du pouvoir militaire.
L'Assemblée ordonne l'impression du rapport. Elle décide, en outre, que les bureaux s'assembleront dans la soirée pour conférer sur cet objet.
La séance est levée.
Séance du
On lit le procès-verbal de la veille.
l'avait rédigé avec tant de précision et une simplicité si éloquente, qu'il s'est attiré les plus grands applaudissements. *
. J'observe que les signes
d'approbation et d'improbation sont défendus; ils ne servent qu'à augmenter le tumulte de l'Assemblée. Tout doit être grave dans un tel sénat : on ne doit donc y entendre ni applaudissements ni murmures.
JJun de MM. les secrétaires propose de faire lecture de quatre adresses envoyées par les communes du bailliage de Mortain, le bureau intermédiaire du district de Colmar, les représentants du bailliage de Sarrelouis, et les communes du bailliage de Dijon.
. Je demande lecture de toutes ces adresses. On a accordé cette faveur aux premières qui ont été envoyées; elles peuvent contenir des faits intéressants; ce sont les témoignages d'amour et de reconnaissance de nos concitoyens ; tout cela me porte à croire que nous en devons faire lecture.
. Je propose un expédient qui remédiera à tous les inconvénients de la perte du temps employé à ces lectures, c'est de charger huit membres d'examiner les adresses envoyées à l'Assemblée, et d'en faire ensuite un rapport succinct.
. J'observe que ces lectures et ces rapports déroberaient nécessairement des moments précieux à l'Assemblée, et je propose d'y sacrifier la première demi-heure après la lecture du procès-verbal, et de commencer à cet effet la séance de. meilleure heure.
Cette proposition est acceptée.
. Je demande la parole pour une motion d'ordre.
Le grand homme qui a prétendu qu'il était impossible de rajeunir un impôt, a avancé une maxime qui ne convient plus à la France. Il ne connaissait pas toutes ses ressources réelles, toutes celles qui peuvent lui venir du patriotisme de ses habitants, des vertus et de la piété du clergé, de l'héroïsme de la noblesse et du dévouement des communes.
Nous avançons à grands pas vers la constitution. Hier, on nous a présenté la division d'un grand travail, c'est le prélude de nos opérations. Bientôt nous arriverons à ce moment désiré où nos droits reconnus seront établis sur des bases immuables. Mais notre activité doit porter son impatience au delà de ce moment même. Nous devons préparer de loin les objets que nous devons traiter successivement; et pour atteindre à un but si important, je pense qu'il serait essentiel d'établir deux comités.
Le premier comité prendra connaissance de tous les impôts, de toutes les pensions: il se fera remettre en conséquence tous les états, bordereaux et résultats nécessaires pour se livrer à une étude aussi compliquée, aussi rebutante, mais qui est si importante pour la nation.
Le second prendra connaissance de l'état actuel de la caisse nationale. J'attache un grand intérêt à l'établissement de ces comités ; ils préviendront, par leur surveillance anticipée, les désordres ruineux qui subsisteront dans cette partie jusqu'à la réformation.
Mais ce n'est pas assez d'établir ces comités ; il faut encore les former.- Sans doute, de quelque côté que je porte mes regards, je ne vois autour de moi que des vertus et du courage : mais comme le mieux peut se trouver à côté du bien, il me semblerait encore qu'on ne devrait choisir les
membres de ces comités que parmi les personnes les plus courageuses, les plus indépendantes, et surtout parmi les bons calculateurs. Je propose donc qu'on délibère sur-le-champ sur ma proposition.
Un membre de la noblesse. Je demande que la délibération soit renvoyée à demain. 11 est de ia prudence d'une Assemblée aussi nombreuse de mûrir une proposition de cette importance, et de la faire discuter dans les bureaux, avant d'en délibérer dans l'Assemblée.
J'appuie la proposition de M. Bouche, non pas pour qu'on délibère sur-le-champ, mais pour qu'on la discute au moins dans les bureaux. Dans un moment de réclamation générale, l'on ne saurait croire combien le li3C se livre à des vexations. Toutes les quotes d'impôts sont presque partout doublées. Plusieurs membres de l'Assemblée peuvent, comme moi, attester ces faits.
Le renvoi est ordonné ; il est décidé que copie de la motion de M. Bouche sera envoyée dans chaque bureau.
Un membre du comité de vérification demande l'attention de l'Assemblée sur divers rapports qu'il va faire.
Le premier regarde la députation de la noblesse de Metz. Voici le fait qui à donné lieu à contes-tatiôn.
Toute la noblesse des trois évêchés devait se réunir pour nommer une seule députation. Les gentilshommes se sont rassemblés, et ont nommé deux députés, aux termes du règlement. Ces députés sont MM. le comte de Custine et de Neu-bourg. La noblesse du bailliage n'a point comparu. 11 a été donné défaut contre elle. Cependant elle s'était assemblée en particulier ; et elle a nommé pour son représentant M. le baron de Poncin.
Le comité conclut à ce que la députation de Metz soit déclarée nulle.
Cet avis, après quelques discussions, est adopté à la majorité de 442 voix contre 131 voix qui voulaient que les deux députations fussent admises.
Le second rapport regarde le jugement des deux députations de la noblesse de Bordeaux.
La première seule est déclarée valable.
fait ensuite le rapport de M. Malouet, député des communes.
Messieurs, l'on peut diviser en trois questions l'examen de la nomination de M. Malouet.
1° Une élection faite par acclamation est-elle régulière? 2°Ya-t-il quelques faits particuliers qui font cesser l'application des principes qui pourraient nous faire admettre la voie de l'élection par acclamation? 3° Enfin, la circonstance qu'il ne se présente pas de contradicteurs, doit-p elle vous engager à cacher le vice de cette élection?
S'il fallait décider qu'il ne peut y avoir que la voie du scrutin commandée parle règlement, pour l'élection d'un député* cette contestation ne présenterait point de difficulté, puisque M. Malouet n'a point été nommé au scrutin.
Mais ce règlement n'est rien moins qu'une loi ; il n'est que provisoire, et enfin il n'engage, il ne forme d'obligation que pour tout ce qui est de raison, de justice et d'équité. Nous devons donc sortir de cette marche commune qui nous astreindrait à une condition qui n'est que passive. Laissons de côté le règlement, et remontons à des principes plus élevés.
Parmi une association d'hommes libres, la loi est la volonté générale. Pour s'occuper de cette volonté, il faut que cette nation se rassemble ou nomme des représentants pour la receuiltir. Mais par quel moyen peut se manifester cette volonté? Sera-ce la voie seule du scrutin? Non, sans doute ; point de loi qui nous réduise à cette unité de moyens, cette disette d'expressions pour former une élection.
L'acclamation est susceptible d'erreur, et même d'abus; sans doute elle n'en est pas dégagée, non plus que le scrutin. Peut-être même ce dernier moyen est-il plus efficace, plus ostensible du vœu général; cependant la raison; les lois ne nous interdisent pas l'acclamation : ce premier mouvement de l'âme est en quelque sorte un honneur.
Je sais qu'il y a des exemples de personnes nommées par acclamation qui ne l'ont pas été au scrutin : qu'en résulte-t-il? que les électeurs ont varié? Non sans doute; cette acclamation n'était pas générale.
Maintenant examinons les faits qui ont influé ou qui caractérisent la nomination de M. Malouet.
M. le sénéchal a prononcé un discours d'apparat pour l'ouverture ; M. Malouet en a prononcé aussi un fort étendu et un fort éloquent.
Le procureur du roi lit ensuite la proposition de nommer M. Malouet par acclamation ; que la province ne pouvait faire un choix plus avantageux, plus utile ; que M. Malouet était un citoyen bien digne de sa confiance, et dont les talents la justifieraient bien. M
M. Malouet refusa sa nomination aussi précipitée. Dans ce moment où l'on parle, dit-il, de regagner sa liberté et de n'obéir qu'aux lois, j'aurais à' me reprocher d'avoir été la cause de leur infraction. L'on s'occupa donc des cahiers ; l'on nomma des commissaires. M. Malouet fut nommé rédacteur et on lut les cahiers.
Lorsque l'on était sur le point d'aller au scrutin, un syndic de communauté s'écria au milieu de l'Assemblée : Nous n'avons pas de plus digne citoyen, d'homme plus recommandable, plus éclairé à nommer que M. Malouet ; n'allons pas au scrutin, mais nommons-le par acclamation.
Celui qui faisait fonction du ministère public prit alors la parole et dit: Mon caractère me force de réclamer la voie du scrutin; mais, en me dépouillant de mon ministère, j'observè que M. Ma=-louet est bien digne de représenter la province aux Etats généraux, et pour abréger, on peut le nommer par acclamation.
Le juge en chef s'est alors levé, a dit aussi qu'il était forcé par les devoirs de sa charge de déclarer à l'assemblée qu'il n'y avait aucun de ses membres qui n'eût le droit de réclamer la voie du scrutin ; mais que, si l'assemblée, par égard aux talents supérieurs et aux connaissances de M* Malouet, le nommait par acclamation, il constaterait la nomination de M. Malouet quand l'assemblée aurait réitéré son vœu.
L'acclamation fut réitérée, et le lieutenant général proclama M. Malouet député. Cette séance est signée de 158 électeurs, et il y en avait 558 dans l'assemblée. Voilà les faits; examinons maintenant la validité de l'élection.
Par qui l'acclamation est-elle attestée? Par 158 personnes. Contre qui l'atteste-t-on? Contre 400 personnes. Il résulte que les 158 ont nommé M. Malouet ; mais il n'en résulte pas la preuve que les 400 aient suivi ce choix.
Ils ne savaient pas signer dira-t-on ; mais il
liait donc en faire mention dans le procès-ver-il ; et tant que cette mention n'est pas faite, it doit présumer au contraire qu'ils savaient >us signer. D'ailleurs, un village ne choisira pas n électeur qui ne sait pas signer. Est-il à croire ne, sur près de 600 hommes , l'élite d'une rovince, il n'y en ait qu'un quart auquel il :ille faire grâce d'une aussi grande ignorance; 'ailleurs, ce ne sont que des considérations qui mduisent insensiblement à l'arbitraire. Dira-t-on que ce sont 158 personnes qui attes-nt une acclamation générale? Mais, encore une fis, l'on répond pour soi et non pas de ses voi-ns dans un cas pareil.
Mais il est un point d'une grande importance; (est que personne n'attaque la nomination de L Malouet et n'élève -de réclamation contre son -ection. Sans doute un point aussi important tt d'une grande faveur. D'un côté, ceux qui én tiendront à la rigueur des principes, diront fie, si personne ne s'élève contre une nullité, iute de réclamant, l'Assemblée exerce sur tous s membres une espèce de ministère public qui Bille au maintien de l'ordre et à ce que les pro-Inces soient représentées. De l'autre, que puisse personne ne se plaint, c'est que la province infirme l'élection de M. Malouet qu'elle consent être représentée par lui. | Les conclusions du comité sont contre l'élec-pn de M. Malouet.
. Messieurs, ce n'est is sans une espèce d'embarras que j'ose vous résenter un principe contraire au rapport lumi-bux que vous venez d'entendre; mais la justice immande, et je dois obéir. Ce principe me pâlit tenir à l'ordre public, à l'organisation de »ute Assemblée et au pouvoir constituant.
I XL n'y a aucune loi lixe, aucune détermination pur lès Etats généraux.
'Le Roi convoque, les commettants élisent, les kputés acceptent ; voilà ce qui constitue des fats.
II n'y a de contestation sur l'élection que re-jtivement aux pouvoirs des uns et des autres. 11 n'y en a, point quand personne ne réclame ; | si tout le monde se tait, s'il existe un concert, ti assentiment parfait entré les trois portions itégrantes qui concourent aux Etats généraux, es Tors il n'y a point de procès, point d'ins-uction, point de jugement. Qu'importe ce qui lest passé dans une assemblée de district puis-ii'elle ne réclame pas ?
L'orateur fait suivre ce début de quelques délits qu'il oppose à ceux donnés par le comité ; ! conclut à ce que la nomination de M. Malouet lit validée.
|M. Malouet est reçu à défendre son élection. [Plusieurs membres parlent successivement. |On va aux voix, et l'élection de M. Malouet* est infirmée à Ja pluralité de 439 voix contre 33. I La séance est levée à. quatre heures, et les bu-Saux sont invités à s'assembler ce soir.
Séance du
Après la lecture du procès-verbal, les députés des communes de Bordeaux demandent qu'il soit fait lecture de l'adresse de leur ville. Cette demande leur est accordée.
On lit aussi celles des villes de Mirecourt, Poitiers, Chalon-sur-Saône, le Croisic, Josselin, et un arrêté de la noblesse de Montargis qui, en approuvant la conduite de M. le comte de Latou-che, son député, lui donne des pouvoirs illimités.
. La députation que vous avez envoyée vers le Roi pour lui présenter votre adresse a été introduite hier à huit heures et demie du soir. M. de Clermont-Tonnerre a fait lecture de l'adresse ; il l'a lue avec cette noblesse et cette fermeté que vous lui connaissez.
a fait donner par son garde des sceaux la réponse suivante :
« Personne n'ignore les désordres et les scènes scandaleuses qui se sont passées, et se sont renouvelées à Paris et à Versailles, sous mes yeux et sous ceux des Etats généraux ; il est nécessaire que je fasse usage des moyens qui sont en ma puissance pour remettre et maintenir l'ordre dans la capitale et dans les environs. C'est un de mes principaux devoirs de veiller à la sûreté publique : ce sont ces motifs qui m'ont engagé à faire un rassemblement de troupes autour de Paris. Vous pouvez assurer l'Assemblée des Etats généraux qu'elles ne sont destinées qu'à réprimer, ou plutôt à prévenir de nouveaux désordres ; à maintenir le bon ordre et l'exercice des lois, à assurer et protéger même la liberté qui doit régner dans vos délibérations ; toute espèce de contrainte doit en être bannie, de même que toute appréhension de tumulte et de violence doit en être écartée. Il n'y avait que des gens mal intentionnés qui pussent égarer mes peuples sur les vrais motifs des mesures de précaution que je prends; j'ai constamment cherché à faire tout ce gui pouvait tendre à leur bonheur, et j'ai toujours lieu d'être assuré de leur amour et de leur fidélité.
« Si pourtant la présence nécessaire des troupes dans les environs de Paris causait encore de l'ombrage, je me porterais, sur la demande des Etats généraux, à les transférer à Noyon ou à Soissons; et alors je me rendrais moi-même à Compiègne, pour maintenir la communication qui doit avoir lieu entre l'Assemblée et moi. »
Cette réponse, loin d'être applaudie, excite des murmures.
Plusieurs membres se lèvent pour l'attaquer et la critiquer, iorque M. le comte de Grillon demande la parole.
. Nous- avons demandé l'éloignement des troupes ; nous devons sans doute pour l'avenir prévoir une pareille circonstance^! en faire l'objet d'une loi; mais devons-nous ; persister dans la demande que nous avons faite?
Le Roi nous a donné sa parole qu'il n'a fait avancer des troupes que pour la sûreté de sa
personne et de la capitale, que son intention n'est pas de gêner les suffrages de l'Assemblée nationale.
Nous devons en croire la promesse de Sa Majesté, La parole d'un Roi honnête homme est une barrière insurmontable. Elle doit dissiper nos craintes et nos alarmes; le danger que nous croyions entrevoir s'éloigne de nous.
Je le répète donc, Messieurs, restons auprès du Roi ; disons-lui qu'en lui demandant l'éloignement des troupes nous avons cédé à notre devoir, et qu'en restant auprès de sa personne, nous n'avons fait que céder à notre amour et à ses vertus.
. Messieurs, sans doute la parole du Roi est digne de la plus grande confiance; nous en devons tous à la bonté connue du monarque, nous pouvons nous abandonner à ses vertus ; mais, Messieurs, la parole du Roi, toute rassurante qu'elle doit être, n'est pas moins un mauvais garant de la conduite d'un ministère qui n'a cessé de surprendre sa religion.
Nous savons tous qu'avec plus de réserve nous aurions évité de grands désordres. Nous savons tous que la confiance habituelle des Français pour leur Roi çst moins une vertu qu'un vice, si surtout elle s'étend dans les parties de l'administration.
Qui de nous ignore en effet que c'est notre aveugle et mobile inconsidération qui nous a conduits de siècle en siècle et de fautes en fautes à la crise qui nous afflige aujourd'hui et qui doit enfin dessiller nos yeux, si nous n'avons pas résolu d'être jusqu'à la consommation des temps des enfants toujours mutins et toujours esclaves ?
La réponse du Roi est un véritable refus; le ministère ne l'a regardée que comme une simple formule de rassurance et de bonté ; il a l'air de penser que nous avions fait notre demande sans attacher à son succès un grand intérêt et seulement pour paraître l'avoir faite.
Il faut détromper le ministère.
Sans doute, mon avis n'est pas de manquer à la confiance et au respect qu'on doit aux vertus du Roi; mais mon avis n'est pas non plus que nous soyons inconséquents, timides, incertains dans notre marche.
Certes, il n'y a pas lieu dedélibérer sur la translation qu'on nous propose; car enfin, même d'après la réponse du Roi, nous n'irons soit à Noyon, soit$ Soissons, que si nous le demandons, et nous ne l'avons]pas demandé, etnousne le demanderons pas, parceque probablement nous ne désirerons jamais de nous placer entre deux ou trois corps de troupes : celles qui investissent Paris et celles que pourraient, d'un moment à l'autre, Jancer la Flandre et l'Alsace.
Nous avons demandé la retraite des troupes : voilà l'objet de notre adresse. Nous n'avons pas demandé à fuir les troupes, mais seulement que les troupes s'éloignassent de la capitale. Et ce n'est pas pour nous que nous avons fait cette demande ; ce n'est certainement pas le sentiment de la peur qui nous conduit ; on le sait bien, c'est celui de l'intérêt général.
Or, la présence des troupes contrarie l'ordre et la paix publique, et peut occasionner les plus grands malheurs. Ces malheurs, notre translation ne les éloignerait pas, elle les aggraverait au contraire.
Il faut donc amener la paix, en dépit des amis des troubles ; il faut être conséquents avec nous-mêmes, et pour cela nous n'avons qu'une conduite à tenir, c'est d'insister sans relâche sur le
renvoi des troupes, seul moyen infaillible de l'o tenir.
Personne ne se lève pour appuyer l'opinion c M. de Mirabeau.
observe qu'il faut prend une délibération.
, evêque de Chartres. La lett du Roi mérite d'être méditée; il convient doi d'en faire faire la distribution dans les bureaux demain on en délibérera.
Cette opinion n'a pas de suite ; la discussi tombe « d'elle-même, et il n'y a pas de délib ration.
à l'Assemblée la moti qu'il fit hier pour la formation de deux comit chargés de préparer les travaux relatifs aux divt ses parties des finances ; il pense que ces comil doivent être formés par les bureaux ; en cons quence, le premier bureau nommera un memb du clergé; le second, un membre de lanobless le troisième, deux des communes, et ainsi suite. '
On annonce un nouveau député du Mans, M. L vré, pour remplacer M. Héliaud, mort dans 1 premiers jours de la session.
Ce député lit une adresse envoyée à l'Assembl nationale par la ville du Mans : elle contient d sentiments d'admiration, de reconnaissance po la conduite noble, courageuse et héroïque de l'A semblée dans les moments de crise où des ci constances fâcheuses l'ont placée, et une adh sion de la part du bailliage à tous les arrêtés l'Assemblée nationale.
, reprend la question que cette lectu avait interrompue : celle des deux comités, parle au nom du 24e bureau.
M. Target. D'après l'examen qui a été fait hi sur l'établissement d'un comité pour prépar d'avance le travail de l'Assemblée, le bureau été d'avis que ce comité fût composé de soixar personnes ; qu'il se subdiviserait ensuite auta qu'il serait nécessaire, selon que les matières nécessiteraient ; que l'on instruira le Roi de .formation de ce comité ; qu'il sera prié de donn les ordres les plus prompts pour faire remett à ce comité les pièces nécessaires pour vérifie approfondir, étudier les finances ; que pour fo mer ce comité, chaque bureau nommera d'abo huit personnes, et que ce sera parmi toutes c personnes réunies que l'on choisira les 60 mei bres du comité par )a voie du scrutin.
L'orateur du 7e bureau parle ensuite. Il est ég lement d'avis de nommer 60 membres pour composer; que l'objet principal de ce comité se de constater les dépenses, la recette, les impo* tioris, etc.; qu'il en sera pris un dans l'ordre c clergé et de la noblesse, et l'autre dans les cou m unes .
porte la parole pour le 3e burea
Ce bureau n'a pas adopté l'avis des deux pri miers sur le nombre des membres qui devront composer. 11 a cru que trente personnes seraie suffisantes pour s'acquitter du travail qui lui s rait destiné, non pas que ce travail ne soit d'ui très-grande importance, mais parce que l'ob; du comité n'est pas de le faire, mais seuleme de le préparer.
Le 30e bureau pense, de plus, que le comi peut appeler à son secours et recueillir toutes 1
lumières que des personnes étrangères voudront bien lui communiquer.
orateur de son bureau, présente un pian qui paraît approuvé.
Toutes les parties de la finance seront indiquées sur différentes feuilles, et tous ceux qui sont plus versés dans la connaissance de tel chapitre que dans celle de tel autre, seront invités à ins-cHre leur nom sur le feuillet qui porte la matière qu'ils veulent traiter. [L'Assemblée choisira parmi les personnes qui se seront présentées pour la composition du comité des finances.
expose que son bureau est d'avis d'établir sur-le-champ un comité des finances; que les obstacles que différentes personnes présentent contre cet établissement ne sont d'aucune considération : l'on a pas à craindre qu'il empiète sur la constitution. Tandis que l'on travaillera a cette constitution, il préparera la matière qui occupera ensuite l'Assemblée.
1 Le bureau a encore senti profondément le besoin et l'utilité des secours extérieurs.
au nom de son bureau, dit qu'on rie peut s'occuper de finances avant que la constitution ne soit achevée; que tout travail qui écarte de cet objet est prématuré; que la constitution doit précéder la législation financière.
Ces réflexions ne produisent que fort peu d'effet; les esprits sont dans l'incertiude et l'indécision sur l'établissement du comité des finances. Les uns le désirent, les autres le refusent.
. Tous les détails qui vien-r ent d'être présentés nécessitent des longueurs^ des débats qui ne devraient naître que pour des objets d'une haute importance.
L'établissement d'un comité de finance est à peine susceptible de discussion, et c'est aller contre le règlement que de perdre un temps précieux pour une si petite cause.
Le comité ne fera que préparer les matières et ne décidera rien ; ce qu'il aura vu repassera sous vos yeux; vous jugerez son travail; il ne fera que faciliter le vôtre; car, bien entendu, les finances sont un objet trop important pour le confier sans réserve à 60 d'entre nous ; chacun de vous est venu ici pour prendre connaissance, et nous devons remplir notre mission.
Il est donc nécessaire d'établir ce comité, non tias pour nous présenter des projets de subsides, mais pour vous faire un rapport de la recette, pour vérifier les états, pour faire en un mot ce que vous ferez après lui. i La seule difficile qui ait paru exister, c'est sur la formation de ce comité. 1 Sansdoute tous les membres de l'Assemblée ne sont pas également instruits sur les finances, et il serait à propos que chaque bureau nommât quatre personnes, et c'est dans ce nombre réuni que l'Assemblée prendra, par la voie dn scrutin, 40 députés qui composeront le comité des finances.
Les principes de M. Le Chapelier paraissent déterminer l'Assemblée.
prie ceux qui s'opposent à l'établissement du comité de se lever; personne ne se lève.
Il y a. un second débat, presque aussi vif que le premier*
Les uns veulent former le comité par généralités, d'autres le nommer par provinces, ou le former des gens les plus instruits, sans distinction de baillage.
On veut enfin le former par bureaux.
Toujours les Etats généraux, dont on avait espéré tant de bien, qui projetèrent des lois si sages, si utiles, devinrent infructueux par les divisions qui s'établirent, surtout lorsqu'on voulut délibérer par province. Je me range du côté de M. Barnaye qui a voté pour le mélange des provinces.
Les uns veulent la nomination par généralités, les autres par bureaux; on prend un parti mitoyen, qui est d'en choisir 32 dans les généralités, et 30 dans les bureaux.
Ainsi, le comité des finances est composé de 62 personnes.
Ce dernier accommodement ayant été adopté, M. de Lafayette demande et obtient la parole,
Quoique mes pouvoirs m'ôtent la faculté de voter encore parmi vous, je crois cependant devoir vous offrir le tribut ae mes pensées.
On vous a déjà présenté un projet de travail sur la constitution. Ce plan, si justement applaudi, présente la nécessité d'une déclaration des droits comme le premier objet de votre attention.
En effet, soit que vous offriez sur-le-champ à la nation cette énonciation de vérités incontestables, soit que vbus pensiez que ce premier chapitre de votre grand ouvrage ne doive pas en être isolé, il est constant que vos idées doivent d'abord se fixer sur une déclaration qui renferme les premiers principes de toute constitution, les premiers éléments de toute législation. Quelque simples, quelque communs même que soient ces principes, il sera souvent utile d'y rapporter les discussions de l'Assemblée.
M. de Lafayette présente ensuite deux objets d'utilité d'une déclaration des droits»
Le premier est de rappeler les sentiments que la nature a gravés dans le cœur de chaque individu ; d'en faciliter le développement, qui est d'autant plus intéressant que, pour qu'une nation aime la liberté, il suffit qu'elle la connaisse, et que, pour qu'elle soit libre, il suffit qu'elle le veuille.
Le second objet d'utilité est d'exprimer ces vérités éternelles d'où doivent découler toutes les institutions, et devenir, dans les travaux des représentants de la nation, un guide fidèle qui les ramène toujours à la source du droit naturel et social.
Il considère cette déclaration comme devant s'arrêter au moment où le gouvernement prend une modification certaine et déterminée, telle qu'est en France la monarchie ; et, renvoyant à un autreordre de travail, d'après le plan proposé, l'organisation du corps législatif, la sanction royale qui en fait partie, etc., etc., il a cru devoir désigner d'avance le principe de la division des pouvoirs. Ensuite il a ajouté :
Le mérite d'une déclaration des droits consiste dans la vérité et la précision; elle doit dire ce que tout le monde sait, ce que tout le monde sent. G'est cette idée, Messieurs, qui seule a pu m'en-gager à tracer une esquisse que j'ai l'honneur de vous présenter.
Je suis bien loin de demander qu'on ladopte; je demande seulement que l'Assemblée en fasse faire des copies pour être distribuées dans les di£
férents bureaux ; ce premier essai de ma part engagera d'autres membres à présenter d'autres projets qui rempliront mieux les vœux de l'Assemblée, et que je m'empresserai de préférer au mien.
On applaudit vivement.
fait lecture du projet qui suit :
La nature a fait les hommes libres et égaux; les distinctions nécessaires à l'ordre social ne sont fondées.que sur l'utilité générale.
« Tout homme naît avec des droits inaliénables et imprescriptible^; telles sont la liberté de toutés ses opinions, le soin de son honneur et de sa vie; le droit de propriété, la disposition entière de sa personne, de son industrie, de toutes ses facultés; la communication de ses pensées par tous les moyens possibles, la recherche du bien-être et la résistance à l'oppression.
« L'exercice des droits naturels n'a de bornes que celles qui en assurent la jouissance aux autres membres de la société.
« Nul homme ne peut être soumis qu'à des lois consenties par lui ou ses représentants, antérieurement promulguées et légalement appliquées.
« Le principe de toute souveraineté réside dans la nation.
« Nul corps, nul individu ne peut avoir une autorité qui n'en émane expressément.
c Tout gouvernement a pour unique but le bien commun. Cet intérêt exige que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, soient distincts et définis, et que leur organisation assure la représentation libre des citoyens, la responsabilité des agents et l'impartialité des juges.
« Les lois doivent être claires, précises, uniformes pour tous les citoyens.
« Les subsides doivent être librement consentis et proportionnellement répartis.
« Et comme l'introduction des abus et le droit des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, il doit être possible à la nation d'avoir, dan3 certains cas, une convocation extraordinaire de députés, dont le seul objet soit d'examiner et corriger, s'il est nécessaire, letf vices de la constitution. »
(1). Messieurs, j'appuie la motion qui vient de vous être soumise; je jouis des applaudissements qu'elle a mérités; à quelques lignes près, susceptibles de discussion, tous les principes m'en paraissent sacrés, tous les résultats précis, toutes les idées aussi simples que grandes: il appartenait à son auteur d'être le premier à vous l'oflrir; il parle de la liberté comme il l'a défendue.
Que cette motion soit donc l'objet de nos méditations, qu'elle soit un des guides de notre travail; qu'elle en devienne même une partie, la première partie, si l'Assemblée générale l'accueille ainsi que moi; mais qu'elle ne forme pas un tout à elle seule, et dès cet instant. L'alternative qu'elle présente à cet égard m'inquiète involontairement. Plus le fond de cette déclaration est séduisant, plus il faut nous garder des inconvénients de la forme : plus son objet a d'utilité, moins il faut le compromettre.
Permettez, Messieurs, que j'insiste plus que
Il est affreux de le dire, il est plus affreux dë le penser; mais nous ne le savons tous que trop, la calomnie nous environne, elle épie nos actions pour les défigurer, nos discours pour les corrompre. Si, avec l'intention la plus pure, nous mettions en avant, dans un acte déclaratoire, les 'droits naturels, sans les joindre immédiatement aux droits positifs, songez quelles armes nous donnerions à nos calomniateurs; comme ils triompheraient; comme ils diraient que sur cette égalité primitive qui ne serait pour eux que la confusion de la société, que sur le droit de naf ture qui ne serait à les entendre, que le droit de la force, nous voulons établir la subvention de toute autorité.
Que serait-ce, Messieurs, si quelques imaginai tions déréglées, comprenant mal nos principes, si quelques esprits pervers, voulant mal les comprendre, se laissaient aller à des désordres, se portaient volontairement à des excès, dont certainement nous gémirions plus que ceux qui nous les reprocheraient, mais qu'on nous reprocherait enfin et que nous nous reprocherions nous-mêmes.
Ne résultât-il enfin de cette déclaration isoléé, que des difficultés qui seraient surmontées, qde des délais qui auraient un terme; le peuple souffre, et il nous demande des secours réels bien plus que des définitions abstraites. Les créanciers de l'Etat ont béni votre sauvegarde. Ils se reposent sur elle, ils sont peut-être au moment de la réclamer, si la majorité d'entre nous est astreinte à n'accorder aucun subside, que lés bases constitutionnelles ne soient établies : qu motif pour presser ce travail et pour le dégager de toutes les entraves qui pourraient l'arrêterf! Car encore ne faudrait-il pas, et, vous le sentez bien, Messieurs, que deux fléaux épouvantables, la famine et la banqueroute, vinssent dévorér des milliers de Français, tandis que les représentants de la nation française sont là réunis, et qqe pour toute réponse, et aux plaintes des victimes et aux interpellations de l'Europe, ces représentants fussent réduits à dire: nous étions impuissants; il ne nous était pas permis de rien accorder; il ne nous était pas permis de sauver la France.
Ainsi, Messieurs, adoptons le projet précieux qui vient de nous être offert : remontons sans doute au droit naturel, puisqu'il est Je principe de tous les autres ; mais parcourons rapidement la chaîne des intermédiaires, et hâtons-nous de redescendre au droit positif qui nous attache au gouvernement inonarchique ; que la déclaration de nos droits soit la déclaration des droits de tous; que l'homme, le citoyen, le sujet, le mo-
nargue, y trouvent chacun ce qui doit lui appartenir et que ce soit, pour ainsi dire, un pacte social, un contrat universel, qui, en distribuant la justice à toutes les parties, force toutes les parties d'être justes, et qui, en leur procurant le bonheur, les amène à l'union.
Je ne doute pas que mes idées ne concourent avec celles de l'auteur de la motion, et j'espère que l'Assemblée me pardonnera de n'avoir pu me refuser à l'expression d'une crainte que je ressens vivement, sur un danger qui est incalculable.
Pour me résumer, je rends à la motion tous les hommages qu'elle mérite. Je demande qu'elle soit envoyée à tous les bureaux; mais je demande en même temps qu'il soit bien arrêté par l'Assemblée de n'y délibérer que provisoirement, et de ne rien statuer en définitif sur cet objet, qu'en statuant sur tous les autres objets de la constitution.
A la fin de ce discours, les applaudissements recommencent dans toutes les parties de la salle, et ils sont longtemps prolongés. ^-JrtrpM y-Tollen d al prévaut; l'As-
semblée ne juge pas à propos de délibérer encore sur cet objet.
La motion de M. de Lafayette est en conséquence renvoyée aux bureaux..
On a fait le rapport de l'élection de M. Maujean, député direct de la ville de Metz.
Cette députation est discutée contradictoire-ment.
On va aux voix. L'appel fait, elle est unanimement déclarée nulle, sauf à la ville de Metz à recommencer une élection plus régulière.
La séance est levée.
Séance du
On fait lecture d'une lettre écrite à l'Assemblée par un grand nombre de citoyens de la ville de Montpellier ; d'une autre écrite par les officiers municipaux de la ville de Saint-Marcellin en Dauphiné, et d'une délibération de la ville de Ta-rascon, qui toutes expriment leur satisfaction au sujet de la réunion de tous les députés, et leur adhésion aux arrêtés de l'Assemblée nationale.
Un membre se lève pour annoncer à l'Assemblée le changement survenu, dans le ministère, le renvoi de M. Necker, son exil hors du royaume, la disgrâce des autres ministres qui avaient mérité la confiance publique. Il peint les troubles qui ont agité la ville de Paris, le désordre qui y règne encore. 11 finit par inviter l'Assemblée à prendre à ce sujet une résolution telle que sa sa-sagesse la lui prescrira.
. Messieurs, le Roi a convoqué les Etats généraux pour la régénération du royaume. On a prononcé les mots liberté, félicité publique. Ils ont réveillé le courage de ceux qui sont intéressés à maintenir le peuple Français dans la servitude. Ils se sont ligués pour protéger les abus. Us ont entouré le trône ; et nous ayons
déjà plusieurs fois éprouvé les funestes effets de leurs intrigues. Ils sont parvenus à priver de la confiance du Roi de vertueux ministres, dignes de la vénération publique et de la faveur du prince, par leur zèle pour ses intérêts et pour le bonheur de la France.
Afin de tromper le monarque avec plus de fa* cilité, ils ont voulu éloigner de lui ceux qu'ils ne pouvaient espérer d'associer à leurs projets. Us redoutaient lèur amour pour le Roi, pour la justice et pour la vérité.
Certainement le Roi a le droit de changer ses ministres ; mais dans ce moment de crise, les représentants de la nation ne trahiraient-ils pas tous leurs devoirs, s'ils n'avertissaient le monarque des dangers auxquels des conseillers imprudents ne craignent pas de livrer la France entière?
Pourraient-ils être animés d'un désir ardent pour le bien de la patrie, et garder aujourd'hui le silence? Ignorent-ils combien les ministres qu'on vient d'éloigner sont chéris par le peuple ; I que dans les circonstances actuelles le crédit pu-! blic ne peut subsister sans eux ; que nous J sommes menacés de la plus affreuse banqueroute, dont le moindre inconvénient serait la honte éternelle du nom Français, et que le sang est près de couler ou coule peut-être en cet instant dans la capitale ?
Ainsi, les ennemis du bien public ne craignent pas de flétrir le caractère national. Ils veulent braver le désespoir du peuple. Ils le provoquent par un appareil menaçant; ils l'environnent de troupes; ils interceptent le passage sur les I grandes routes ; ils attentent à la liberté publique et individuelle.
Ils ont appris au Roi à redouter un peuple dont il est chéri, à prendre contre lui les mêmes précautions qu'exigent les approches de l'ennemi de l'Etat.
L'Assemblée nationale doit éclairer le monarque; elle doit solliciter le rappel des ministres, victimes de leur dévouement aux intérêts du trône et à ceux de la patrie. Par reconnaissance, par amour de la justice, elle doit représenter au Roi les dangers auxquels on expose la France, et lui déclarer que l'Assemblée nationale ne peut accorder aucune confiance aux ministres qui, en restant en place, ou à ceux qui, en acceptant les fonctions de MM. Necker, de Montmorin, de la Luzerne et de Saint-Priest, ont manifesté des principes contraires au bien public.
Par cette démarche vous prouverez que l'appareil militaire ne saurait vous en imposer, et qu'aucun obstacle ne peut enchaîner votre zèle.
Mais permettez-moi de vous rappeler, Messieurs, que malgré l'importance que vous devez mettre à éclairer le Roi sur les desseins de ceux qui l'entourent, vous ne devez pas oublier un seul moment la constitution du royaume. Encore une fois, aucun malheur ne peut-être comparé à celui de ne pas établir une constitution heureuse et durable : aucun avantage ne saurait en tenir lieu. „
Les ennemis du bien public croiraient avoir atteint leur but, s'ils pouvaient vous détourner de cet;objet important, et vous exposer à perdre ainsi l'instant favorable. C'est la constitution qu'ils veulent empêcher; c'est elle qu'ils craignent, qu'ils attaquent indirectement, pour pouvoir l'attaquer bientôt à force ouverte ; mais tous leurs efforts seront vains. Les députés de tous les ordres resteront constamment réunis pour le soutien de la liberté : l'énergie et le pa«*
triotisme croîtront avec les difficultés, et la constitution sera établie.
Ce n'est pas votre courage qu'il faut révoquer en doute. Bien loin de le diminuer, le péril ne fait que l'accroître. Je ne puis cependant vous dissimuler une inquiétude : c'est la seule que peut inspirer une Assemblée d'hommes d'honneur. Je crains que les menaces n'exaltent trop votre courage. Tâchons, Messieurs, d'agir de sangfroid, de nous rallier constamment aux principes, de délibérer avec une prudente lenteur. N'oublions jamais qu'il ne faut pas adopter une constitution qui ne convienne qu'aux circonstances présentes, mais qu'elle doit faire le bonheur de nos enfants; que le plus grand fléau qui puisse affliger un peuple, est d'avoir une constitution incertaine, qu'il soit facile de changer, et qui devienne,la source du trouble et de l'anarchie. N'oublions jamais que l'autorité royale est essentielle au bonheur de nos citoyens;. A quelque point que puissent en abuser aujourd'hui ceux qui ont surpris la religion du Roi, n'oublions jamais que iious aimons la monarchie pour la France, et non la France pour la monarchie. Nous avons toujours un seul but ; il sera le même, quels que soient les obstacles : ce but est la félicité publique. Si nous ne pouvons arriver au port pendant le calme, les orages retarderont notre marche, mais ils ne changeront pas le terme où nous sommes résolus d'arriver.
Je propose « qu'il soit fait une adresse au Roi « et une députation, pour le supplier de rappeler « MM. Necker, deMontmorin, de la Luzerne et de « Saint-Priest ; pour lui représenter que l'Assem-« blée nationale ne peut avoir aucune confiance « dans ceux qui leur ont succédé, ou qui sont « restés en place; pour lui exposer tous les dan-« gers que peuvent produire ce changement, et « les mesures violentes dont il est accompagné, « et pour lui déclarer c^ue l'Assemblée nationale « ne consentira jamais à une honteuse banque-« route, et qu'elle prendra la précaution néces-« saire pour y parvenir, quand elle aura terminé « ses travaux relatifs à la constitution du « royaume. >
(1). Le moment où nous sommes réunis offre ces deux caractères que la force de J'Assemblée nationale est au-dessus de toutes les intrigues et que les périls qui ne peuvent nous atteindre, nous entourent.
Etonnons nos ennemis par le sang-froid de nos délibérations. Loin d'ici tous ces- mouvements oratoires si faciles au milieu des orages publics.
Le pouvoir exécutif a le droit de nommer ses ministres ; que cette vérité soit reconnue hautement; mais l'opinion doit diriger ce pouvoir exécutif : c'est cette vérité qu'il faut porter au prince; représentons lui avec fermeté le mai que la puissance se fait à elle-même, en remplaçant des hommes qui avaient la confiance publique par des hommes qui ne peuvent et ne doivent jamais l'obtenir.
Rendons le calme aux citoyens par les mêmes ûrmes qui doivent rétablir la liberté.
Le moment n'est pas loin où le Roi sera convaincu que le peuple ne s'enflamme que par les
mauvais conseils qui assiègent le trône ; qu'il ne s'irrite que par les moyens que l'on
emploie pour l'apaiser ; qu'il ne brise le joug qu'on veut lui
J'appuie la motion de M. Mounier.
Messieurs, c'est une suite funeste des excès auxquels se portent les ennemis du bien public, que la modération des bons citoyens semble presque devenir coupable, et se trouve forcée malgré elle à sortir des mesures qu'elle s'était prescrites.
Si un retour sur soi-même était permis lorsqu'il faut perdre le sentiment de son existence dans celui d'une calamité générale, je prendrais tous les membres de cette Assemblée à témoin de l'esprit de paix et de justice qui a présidé, j'ose le dire, à tous mes discours, quelque part et dan3 quelque temps qu'ils aient été tenus.
J'espère ne pas m'en écarter, même aujourd'hui, malgré la vive émotion que je ressens ; mais quel que soit le jugement qui m'attend, calomnié ou non calomnié, c'est ici un de ces instants où il faut s'abandonner à sa conscience.
On vient de nous dénoncer, Messieurs, la surprise faite à la religion d'un lloi^neitett^TSliéJU^ sons, et l'atteinte portée aux espérances de la nation que nous représentons.
Je ne répéterai point tout ce nui vous a été dit avec autant de justesse que d*énergie. Je vous présenterai un simple tableau ; et je vous demande de vous reporter avec moi à l'époque du mois d'août de l'année dernière.
Le Roi était trompé.
Les lois étaient sans ministres, et vingt-cinq millions d'hommes sans juges.
Le Trésor public sans fonds, sans crédit, sans moyens pour prévenir une banqueroute générale, dont on n'était plus séparé que par quelques jours.
L'autorité sans respect pour la liberté des particuliers, et sans force pour maintenir l'ordre public.
Le peuple, sans autre ressource que les Etats généraux, mais sans espérance de les obtenir, et sans confiance, même dans la promesse d'un Roi dont il révérait la probité, parce qu'il s'obstinait à croire que les ministres d'alors en éluderaient toujours l'exécution.
A ces fléaux politiques, la nature dans sa colère était venue joindre les siens : le ravage et la désolation étaient dans les campagnes ; la famine se montrait déjà de loin, menaçant une partie du royaume.
Le cri de la vérité est parvenu jusqu'aux oreilles du Roi ; son œil s'est fixé sur ce tableau déchirant ; son cœur honnête et pur s'est senti ému ; il s'est rendu aux vœux de son peuple, il a rappelé un ministre que ce peuple demandait.
La justice a repris son cours.
Le trésor public s'est rempli, le crédit a reparu, comme dans les temps les plus prospères. Le nom infâme de banqueroute n'a plus même été prononcé.
Les prisons se sont ouvertes, et ont rendu à la société les victimes qu'elles renfermaient.
Les révoltes qui avaient été semées dans plusieurs provinces, et dont on avait lieu de craindre le développement le plus terrible, se sont bornées à des émotions toujours affligeantes sans doute, mais passagères, et apaisées par la sagesse et par l'indulgence.
Les Etats généraux ont été annoncés de nouveau : personne n'en a plus douté quand on a vu un Roi vertueux confier l'exécution de ses promesses à un vertueux ministre. Le nom du Roi a été couvert de bénédictions.
Le temps de la famine est arrivé. Des travaux immenses, les mers couvertes de vaisseaux, toutes les puissances de l'Europe sollicitées, les deux mondes mis à contribution pour notre subsistance, plus de 1,400,000 quintaux de farine et de grains importés parmi nous, plus de 25 millions sortis du Trésor royal, une sollicitude active, efficace, perpétuelle, appliquée à tous les jours, à tous les instants, à tous les lieux, ont encore écarté ce fléau ; et les inquiétudes paternelles, les sacrifices généreux du Roi, publiés par son ministre, ont excité dans tous les cœurs de ses sujets de nouveaux sentiments d'amour et de reconnaissance.
Enfin, malgré des obstacles sans nombre, les Etats généraux ont été ouverts.....les Etats généraux ont été ouverts !..... que de choses, Messieurs, sont renfermées dans ce peu de mots ! Que de bienfaits y sont retracés 1 Gomme la reconnaissance de la génération présente et des générations futures vient s'y attacher à jamais !
Quelques divisions ont éclaté dans les commencements de cette mémorable Assemblée: gardons-nous de nous les reprocher 1 un à l'autre, et que personne ne prétende en être totalement innocent. Disonsplutôt, pour l'amour delà paix,que chacun de nous a pu se laisser entraîner à quelques erreurs trop excusables ; disons qu'il en est de l'agonie des préjugés, comme de celle des malheureux humains qu'ils tourmentent ; qu'au moment d'expirer, ils se raniment encore, et jettent une dernière lueur d'existence. Convenons que dans tout ce qui pouvait dépendre des hommes, il n'est pas de plan de conciliation que le ministre n'ait tenté avec la plus exacte impartialité, et que le reste a été soumis à la force des choses. Mais, ali milieu de la diversité des opinions, le patriotisme était dans tous les cœurs. Les efforts pacificateurs du ministre, les invitations réitérées du Roi ont enfin produit leur effet. Une réunion s'est opérée. Chaque jour a fait disparaître un principe de division. Chaque jour a produit une cause de rapprochement. Un projet de constitution tracé par une main exercée, conçu par un esprit sage et par un cœur droit, a rallié tous les esprits et tous les cœurs. Nous avons marché en avant : on nous a vu entrer dans nos travaux ; et la France a commencé à respirer.
C'est dans cet instant, après tant d'obstacles vaincus, au milieu de tant d'espérances et de besoins, que des conseillers perfides enlèvent au plusiuste des rois son serviteur le plus fidèle, et à 1a nation le ministre citoyen en qui elle avait mis sa confiance 1
Ce n'était pas assez. Trois ministres étaient animés des mêmes sentiments que lui, de la même fidélité, du même patriotisme; ils sont frappés de la même disgrâce.
C'était encore trop peu. Cet homme qui; depuis un an, s'est sacrifié pour le royaume, on le présente au Roi comme un criminel qui doit être banni du royaume.
Quels sont donc ses accusateurs auprès du trône? Ce ne sont pas sans doute les parlements qu'il a rappelés. Ce n'est pas sûrement le peuple qu'il a nourri. Ce ne sont pas les créanciers de rEtat qu'il a payés, les bons citoyens dont il a secondé les vœux. Qui sont-ils donc ? Je l'ignore, mais il en est ;.la justice, la bonté reconnues du Roi ne permettent pas d'en douter. Quels qu'ils soient, ils sont bien coupables.
A défaut des accusateurs, je cherche les crimes qu'ils ont pu dénonçer. Ce ministre que le Roi avait accordé à ses peuples comme un don de
son amour, comment est-il devenu tout à coup un objet d'animadversion ? Qu'a-t-il fait depuis un an ? Nous venons de le voir ; je l'ai dit, je le répète : quand il n'y avait point d'argent, il nous a payés; quand il n'y avait pas de pain, il nous a nourris ; quand il n'y avait point d'autorité, il a calmé les révoltes.
Je l'ai entendu accuser tour à tour d'ébranler le trône et de rendre le Roi despote ; de sacrifier le peuple à la noblesse, et de sacrifier la noblesse au peuple. J'ai reconnu dans cette accusation le partage ordinaire des hommes justes et impartiaux, et ce double reproche m'a paru un double hommage.
Je me rappelle encore que je l'ai entendu appeler du nom de factieux ; et je me suis demandé alors quel était le sens de cette expression. Je me suis demandé quel autre ministre avait jamais été plus dévoué au maître qu'il servait, quel autre avait été plus jaloux de publier les vertus et les bienfaits du Roi, quel autre lui avait donné et lui avait attiré plus de bénédictions, plus de témoignages d'amour et de respect.
Membres des commuoes, qu'une sensibilité noble précipitait au devant de lui le jour de son dernier triomphe, ce jour où, après avoir craint de le perdre, vous crûtes qu'il vous était rendu pour plus longtemps, lorsque vous l'entouriez, lorsqu'au nom du peuple dont vous êtes les augustes représentants, au nom du4loi dont vous êtes les sujets fidèles, vous le conjuriez de rester toujours le ministre de l'un et de l'autre, lorsque vous l'arrosiez de vos larmes vertueuses, ah 1 dites si c'est un visage de factieux, si c'est avec l'insolence d'un chef de parti qu'il recevait tous ces hommages, tous ces témoignages de vos bontés ? Vous disait-il, vous demandait-il autre chose que de vous confier au Roi; que de chérir le Roi, que de faire aimer au Roi les Etats généraux? Membres des communes, répondez, je vous en conjure ; et si ma voix ose publier un mensonge, que la vôtre s'élève pour me confondre.
Et sa retraite, Messieurs, sa retraite a-t-elle été celle d'un factieux? Ses serviteurs les plus intimes, ses amis les plus tendres, sa famille même ont ignoré son départ. Il a prétexté un projet de campagne. Il a laissé en proie aux inquiétudes tout ce qui l'approchait, tout ce qui le chérissait : on a passé une nuit à le chercher de tous côtés. Que cette marche soit celle d'un ministre prévaricateur qui veut échapper à l'indignation publique, cela se conçoit ; mais quand on songe qu'il voulait se dérober à des hommages, à des regrets qu'il eût recueillis partout sur son passage, et qui eussent pu adoucir sa disgrâce ; qu'il a mieux aimé se priver de celte consolation, et souffrir dans la personne de tous ceux qu'il aimait, que d'être l'occasion d'un instant de trouble ou d'émotion populaire ; qu'enfin le dernier sentiment qu'il a éprouvé, le dernier devoir qu il s'est prescrit, en quittant la France, d'où on le bannissait, a été de donner au Roi et à la nation encore cette preuve de respect et de dévouement ; il faut, ou ne pas croire à la vertu, ou reconnaître une des vertus les plus pures qui aient jamais été sur la terre.
Doutez-vous, Messieurs, que je n'adhère, autant que je le puis, à la motion qui vient d'être faite? Je la signerais de mon sang.
Je rends hommage, ainsi que M. Mounier, au principe dont il ne faut jamais s'écarter.
Sans doute le Roi est maître absolu de composer son conseil comme il lui plaît ; mais nous pouvons lui indiquer les bons serviteurs, comme
le détourner des mauvais. Nous pouvons lui adresser des prières respectueuses, tendres, soumises. Nous pouvons lui dire qu'il est des circonstances où la vertu d'un prince ne suffit pas à elle seule, où elle a besoin de trouver le concours d'autres vertus dans son conseil, et qu'assurément nous sommes dans une de ces circonstances. Nous pouvons le conjurer par l'amour que nous lui portons, par la fidélité que nous lui garderons toujours, par les entrailles de la patrie déchirée, de rappeler les seuls ministres dignes de sa confiance, et les seuls qui possèdent la nôtre.
Hélas ! je crains bien que la religion du Roi ne soit éclairée trop tard, et que la perte qu'il a faite, ainsi que nous, ne soit irréparable. Je crains bien que celui qui a été deux fois méconnu, deux fois calomnié, deux fois rendu suspect au monarque vertueux, mais trompé, qu'il servait de son cœur comme de son génie ; que celui qui fuit actuellement, comme un proscrit, sur les routes de ce royaume qu'il a fait fleurir pendant son premier ministère, qu'il a fait subsister pendant le second, et pour lequel il a sacrifié son repos, sa fortune, sa santé, ne nous soit à jamais enlevé ; mais nous devons au Roi, nous devons à la nation, de réclamer celui qui les a si bien servis, et ceux qui l'ont si bien secondé, et dans tous les cas, en nous soumettant, si le Roi nous refuse, comme nous sommes aussi libres dans l'expression de nos sentiments, que le monarque l'est dans la distribution de ses faveurs, nous dont on n'a pas surpris la religion, nous qu'on n'a pas induits en erreur, nous pouvons et nous devons voter des témoignages solennels d'estime et de regret, nous devons adresser des remerciements et des hommages à M. Necker et aux trois ministres qui se sont si généreusement dévoués pour les intérêts du Roi et de la nation.
. Messieurs, les dangers qui menacent le royaume sont sans doute au plus haut degré. Le Roi a convoqué les Etats généraux pour travailler à la régénération de l'Etat. Ses généreuses intentions étaient secondées par des ministres vertueux, qui n'ont jamais craint de lui présenter les vérités utiles à sa gloire et à son bonheur, comme à celui de la nation. Ces vrais amis du trône et de la patrie ont marqué trop d'affection pour le bien public, pour ne pas devenir l'objet de la haine des méchants, qui craignent la réforme des abus et le succès de l'Assemblée nationale ; leurs calomnies ont fini par les priver de la confiance du monarque. La plus violente émotion s'est élevée dans le peuple, et tout annonce les derniers malheurs.
C'est un fait certain, et qu'une triste et constante expérience a toujours confirmé, que des ministres pervers suivent toujours les ministres vertueux qu'ils ont fait rejeter. En effet, les méchants seuls sont intéressés à repousser les ministres honnêtes ; et lorsqu'ils ont eu la force de les détruire, ils ont aussi celle de se substituer à eux. Leur entrée dans le ministère est • ainsi un crime, puisqu'ils privent le Roi de fidèles serviteurs, et la nation d'amis et de bienfaiteurs. Pour soutenir "ce crime, ils ont besoin de crimes nouveaux, et font payer à la nation par de longs malheurs, par um dure oppression, l'affection qu'elle marquait à leurs prédécesseurs.
Ainsi, lorsque les mains pures que le Roi est
obligé d'employer pour distribuer sa justice et ses bienfaits à ses peuples sont remplacées par des mains corrompues, l'alliance qui doit subsister entre le trône et la nation semble se relâcher ; un monarque digne de tout notre amour voit tout son peuple ému, la confiance se perdre, l'anarchie élever ses bras menaçants; enfin,pour comble de malheur, le sang coule.....Cette nuit, cette nuit même, cette nuit funeste a été une nuit de violence et de sang! Triste présage, tristes commencements des maux qui menacent la France !
Dans ce funeste état de choses, les représentants de la nation peuvent-ils garder un coupable silence? Non : ils doivent à la vérité, ils doivent à leur fidélité, à leur amour pour le Roi, ils doivent à la confiance dont leurs commettants les ont honorés, de montrer au Roi le criminel abus qu'on fait de sa faveur.
Des bouches éloquentes viennent de nous proposer, Messieurs, de voter un acte de reconnaissance et de regret pour les ministres vertueux que nous venons de perdre, et de demander à la fois au Roi Téloignement des nouveaux et le rappel des anciens.
Qu'il me soit permis de vous offrir à ce sujet quelques réflexions.
La sagesse de nos délibérations peut seule être le salut de l'Etat. Nous marchons entre deux écueils également dangereux, la fougue du peuple, et les entreprises des ennemis du bien public : sans doute l'appareil de violence dont on nous environne ne peut nous ébranler; sans doute nous sommes au-dessus de la crainte ; l'apparence du danger ne peut affaiblir une seule des délibérations que doivent exiger le bien de la patrie, et le devoir sacré que nos commettants nous ont imposé, de régénérer le royaume par une heureuse constitution ; mais aussi l'effervescence populaire, ni aucun sentiment d'aigreur, ne doivent être capables de nous entraîner au delà de la juste mesure que nous devons garder. Nous n'avons de véritables dangers à craindre que dans nous-mêmes ; les représentants de la nation n'ont à redouter que les actes précipités auxquels la chaleur et l'irritation peuvent entraîner leur courage : défendons-nous-en donc, Messieurs; ne précipitons rien, délibérons avec calme au milieu des apparences menaçantes qui nous entourent, et conservons inviolablement les principes que nous avouons.
Nous ne pouvons, nous ne voulons point méconnaître le droit inhérent à la couronne, qu'a le Roi, de nommer les ministres, les agents de son pouvoir. Quelques raisons que nous ayons de regretter ceux auxquels il vient de retirer sa confiance, qu'ils méritaient si justement, et de craindre ceux qui les remplacent, n'affaiblissons point les justes principes qui établissent les droits du trône. Je ne pense pas que nous devions entreprendre de gêner l'exercice de son légitime pouvoir, en désignant au Roi les ministres qu'il doit prendre. Ce serait prêter une arme nouvelle à la calomnie qui nous accuse auprès du Roi; on dirait que nous voulons en quelque sorte porter la main à son sceptre ; il ne faut pas qu'on puisse jamais nous reprocher d'avoir enfreint un seul des principes que nous reconnaissons.
Bornons-nous donc, Messieurs, bornons-nous à rendre aux ministres dont la perte afflige la nation le tribut d'estime et de regret qu'ils ont mérité en se montrant les amis de la vérité, du monarque et du bien public.
Faisons ensuite parvenir au Roi le tableau d^
la vérité ; peignons-lui en traits de feu, dans une adresse, les dangers dont des conseillers pervers investissent le salut de la France, en engageant Sa Majesté à éloigner des ministres qui faisaient aimer le trône, et qui ont abusé de son noip pour adopter des mesures si fatales à la paix publique.
Indépendamment de ce que ce serait violer la prérogative royale dans le choix de ses ministres, que d'insister sur le renvoi ou le rappel de ministres désignés, considérons, Messieurs, que ce moyen, infructueux peut-être, ne marcherait point encore suffisamment vers le grand but qui nous rassemble.
Réunis par un Roi que nous aimons, pour régénérer le royaume, poiir affermir une saine constitution; nos travaux sont devenus l'objet de l'attente universelle; nous devons la faire, cette constitution: nous avons à rendre justice aux créanciers de l'Etat, et à subvenir à ses besoins; c'est par là que nous satisferons à ce que nous devons au souverain, à la patrie, et à nos commettants; c'est par notre inébranlable fermeté à accomplir ces grands devoirs, que nous en imposerons aux ennemis de la nation, qu'ils verront dans notre fidélité et notre courage ceux qui leur feront rendre un compte sévère des maux dont ils seront cause. Il faut leur ôter jusqu'au plus léger espoir de nous détourner du grand ouvrage qui nous est imposé ; il faut qu'aucune cabale, aucune intrigue ne puisse suspendre nos travaux patriotiques. Oui, Messieurs, resserrons les liens qui nous unissent; ne perdons pas un seul instant à travailler à la constitution, pour pouvoir nous occuper ensuite immédiatement du sort des créanciers de l'Etat; renouvelons, confirmons, consacrons ces glorieux arrêtés pris le 17 du mois dernier; unissons-nous à cette résolution célèbre du 20 du même mois, qui attacha sans retour une partie de cette Assemblée à l'accomplissement de nos devoirs communs : actes imposants, qui ont valu à l'Assemblée les suffrages de la France entière. Jurons tous, oui tous, tous les ordres réunis, d'être fidèle à ces illustres arrêtés, qui seuls peuvent aujourd'hui sauver le royaume. A ces vifs, à ces généreux applaudissements qui manifestent vos vœux, puis-je hésiter plus longtemps? Oui, j'y serai fidèle; je m'y unis de toutes les puissances de mon ame; jamais, jamais, j.e ne me séparerai de vous que quand nous aurons rempli l'importante tâche qui nous est prescrite pour le bonheur et la tranquillité du monarque que nous chérissons, et pour la félicité publique ; que nous n'ayons enfin assuré la constitution et consolidé la dette publique, qui repose dès à présent sous la garde de l'honneur national. C'est ainsi que nous ferons trembler les coupables qui voudraient faire perdre à la France les fruits de cette noble Assemblée ; que nous ferons bénir les Etats généraux, et par le Roi dont nous aurons affermi les justes droits et assuré la tranquillité, et par la nation qui nous devra sa félicité.
. Messieurs, dans les temps de calamités publiques, il faut s'attacher aux principes. Le Roi est le maître de composer et de décomposer son Conseil ; la nation ne doit pas nommer les ministres, elle ne peut que les indiquer par le témoignage de sa confiance ou de son improbation.
Quant aux serments, Messieurs, il est inutile de les renouveler; la constitution sera, ou nous ne serons plus. Mais il est des maux plus pres-
sants: Paris est dans une affreuse fermentation ; on s'y égorge, et les troupes y présentent deux spectacles également effrayants: des Français indisciplinés qui ne sont dans la main de personne, et des Français disciplinés qui sont dans la main du despotisme. On a voulu nous rassurer; on nous a répondu par des paroles consolantes; niais les troupes sont alternativement cause et effet: rappelons-nous l'époque du mois d'août, cette époque que M. de Lally nous a si éloquemment retracée; alors il n'y avait plus de tribunaux, plus de justice; les troupes furent retirées, et tout rentra dans l'ordre par l'effet seul de l'esprit public et du redressement des griefs.
Je pense qu'on doit voter une adresse de re-mercîments à ceux qui sont les victimes du despotisme.
Ces longs discours, la multiplicité des propositions faites par différents membres, n'ont fait qu'augmenter le tumulte. On proposait, et on ne décidait rien.
l'un des députés de la ville de Paris, lit une pétition au nom des électeurs de cette ville, qui prient l'Assemblée nationale de lui procurer le rétablissement de la garde bourgeoise, unique moyen de faire cesser les troubles qui déchirent cette capitale.
Divers membres font lecture des avis qui leur ont été envoyés de Paris, avec les détails de tout ce gui s'est passé depuis le départ secret et précipité de M. Necker.
Tous les citoyens ont pris les armes; des troupes étrangères sont en présence et semblent les menacer; elles n'attendent que le premier ordre pour faire un carnage affreux. Le sang des citoyens a déjà coulé ; en un mot, tout semble présager les événements les plus affreux.
Plusieurs membres de la noblesse se lèvent et s'écrient qu'il faut étouffer le souvenir des divisions passées; que tous les députés doivent se réunir pour sauver la patrie prête à périr.
On fait successivement diverses propositions. Les uns veulent qu'il soit fait une députation au Roi, pour lui représenter les dangers qui menacent la capitale, la nécessité de faire retirer les troupes dont la présence est un aliment à la fermentation du peuple. D'autres veulent qu'il soit fait une députation vers la ville de Paris, pour porter à cette ville désolée des paroles de consolation et de paix.
, député de la noblesse de Lorraine. Je n'adopte pas l'avis qui jusqu'ici paraît l'emporter. La députation au Roi me semble au contraire un moyen d'augmenter la fermentation, et insuffisant pour arrêter l'effusion du sang. Le meilleur remède que l'on peut employer est de s'occuper sur-le-champ de la constitution; c>st ainsi qu'il faut prévenir les funestes effets de l'éloignement du plus fidèle et du plus vertueux ministre.
. Je regarde l'adresse que l'on projette pour le Roi comme inutile et dangereuse: inutile, en ce que le Roi est toujours entouré des mêmes ministres. Sa religion est séduite; on ne peut parvenir au Roi que par un canal pestiféré. Depuis le commencement, l'Assemblée n'a cessé d'être dupe, et le Roi dans l'erreur. C'est de là que vous devez sentir la nécessité de la constitution; elle arrêtera sur ce
poinUa responsabilité des ministres; on les rendra comptables de leur déprédation comme de leur conduite.
Un membre de la noblesse. Il suffit de faire mention sur le procès-verbal des regrets qu'a occasionnés le renvoi des ministres, et de dire que ces témoignages ont été jusqu'à demander leur retour et solliciter pour eux une adresse de remercîments.
fait un tableau de toutes les entraves dont la cour environne l'Assemblée; il parle avec une force et une énergie peu communes, sans s'écarter cependant des bornes de la modération.
Il demande en outre un comité pour dénoncer tous les ministres coupables, tous les conseillers perfides du Roi.
, archevêque de Vienne, se lève et représente que les expressions fortes dont s'était servi l'orateur ne devaient pas se trouver dans la bouche d'un ministre de paix.
Un murmure d'improbation interrompt la remarque de M. le président.
répond avec franchise que s'il lui est échappé des expressions trop fortes, et qui ne conviennent pas à la majesté de l'Assemllée, il est prêt à les désavouer.
. Un général, dont la mémoire vivra éternellement dans notre histoire, reçoit le coup de la mort; les soldats tombent dans l'abattement et la douleur; un orateur sacré monte dans la chaire et s'écrie avec vérité: « La mort d'un seul homme est une calamité publique! » C'est dans ce moment surtout que Ton reconnaît la vérité de cette réflexion.
JeNne vous parlerai pas de ce qui s'est passé il y a un an ; une bouche plus éloquente vous en a présenté les détails. Il ne restait pas 500,000 livres au trésor publia ; mais la confiance s'est ranimée, les alarmes ont cessé, et l'ordre s'est rétabli. Pourquoi faut-il que ce moment de tranquillité ait été si rapide?
Aujourd'hui l'on entend de tous côtés des cris d'épouvante et d'horreur. Le despotisme rassemble autour de nou3 des troupes étrangères, comme s'il méditait contre la patrie quelque coup dont les troupes nationales ne voudraient pas se rendre les complices.
Hier, Messieurs, j'ai entendu le canon tonner; j'ai vu le sang couler, des cadavres couvrir les plaines. J'ai vu nos troupes françaises s'entr'é-gorger mutuellement; j'ai vu le peuple se transporter en foule aux spectacles, en faire fermer les portes, et annoncer que dans ce jour de deuil et de douleur l'on devait s'abandonner aux regrets de la perte commune.
Au milieu de la calamité publique, au milieu des conseils pervers qui assiègent Je trône, que peut-on attendre d'un ministère nouveau, dont l'inexpérience ne pourra qu'augmenter encore les troubles de la patrie?
L'orateur finit par appuyer la motion de M, Mounier.
dit, en peu de paroles, qu'il faut rédiger sur-le-champ une adresse au Roi, et s'occuper de la motion de M. le marquis de La-fayette.
annonce qu'il est chargé par MM. les électeurs de la capitale de donner lecture de l'arrêté qu'ils ont pris le 12. Le voici en substance :
« L'Assemblée des électeurs de la ville de Paris, sensiblement touchée des émeutes populaires, et voyant avec le plus grand regret que les moyens faits pour rétablir l'ordre sont précisément ceux qui fomentent le désordre, supplie l'Assemblée nationale de concourir, autant qu'il est en elle, à établir une milice bourgeoise.
termine en priant l'Assemblée de prendre l'arrêté en considération, et de le mettre en délibération.
Plusieurs membres pensent que ce n'est pas le moment de délibérer sur une telle motion; que l'Assemblée a déjà décidé ce point en votant la dernière adresse au Roi; qu'on avait retranché de i'arrêtê la partie où l'on demandait pour Paris et pour Versailles une milice bourgeoise.
Mais la plus grande partie de l'Assemblée paraît ne pas penser de même : on observe que les circonstances sont changées; c'est Paris qui réclame pour sa sûreté une milice bougeoise ; c'est Paris qui est assiégé de troupes étrangères et ennemies; il faut s'empresser d'aller à son secours.
Telles étaient les réflexions particulières que différents membres faisaient entre eux, lorsque M. de Saint-Fargeau prend la parole.
. Je crois que le parti du silence serait très-dangereux dans ce moment. L'Assemblée nationale doit por-tér elle-même au pied du trône les sentiments dont elle est affectée, et calmer l'agitation du peuple.
Lorsque personne ne représente le peuple, il se représente lui-même, et c'est alors qu'il se porte à des excès terribles, qu'on aurait évités en prenant ses intérêts et en allant à son secours.
Je crois qu'il est très-important de faire une adresse au Roi pour le retour des ministres; qu'on ne doit pas surtout y oublier les principes qui tiennent à la responsabilité des ministres, et que l'on doit présenter au Roi les sentiments de douleur dont la nation est affectée; enfin faire mention de l'arrêté lu par M. Guillotin.
. Vous avez à délibérer d'abord sur les troupes ennemies et étrangères qui assiègent un peuple bon et fidèle ; le sang coule, les propriétés ne sont pas en sûreté; enfin le scandale des Allemands ameutés est à son comble. Il n'y a que la garde bourgeoise qui puisse remédier à tous ces malheurs : l'expérience nous l'a appris. C'est le peuple qui doit garder le peuple. Vous avez un second objet de délibération, c'est l'éloigneuient des ministres.
Il est de la dignité de l'Assemblée de voter des remercîments à ces hommes généreux, victimes de leur innocence et de l'intrigue la plus basse. C'est par des témoignages aussi flatteurs que l'on doit encourager les gens de bien ; et tandis qu'ailleurs on récompense le crime, honorons au moins la vertu.
Il est encore un principe adopté dans tous vos cahiers; c'est la responsabilité des ministres.
De cette loi résulte une conséquence nécessaire contre l'ordre arbitraire qui a banni de la France le ministre dont nous pleurons la perte.
Devenu Français par ses travaux, il emporte avecJui nôtre reconnaissance, notre , estime et
notre admiration. Cependant il est banni. Il doit rendre compte à l'Assemblée de sa conduite; s'il est coupable, c'est à nous de le juger.
Mais s'il n'a fait que secourir la France dans les calamités les plus funestes, c'est à nous d'assurer son triomphe.
Le Roi n'a pu l'exiler sans commettre une injustice.
— Un courrier du commandant de Paris est introduit; il remet au président une lettre à peu près conçue en ces termes :
«La foule est immense au Palais-Royal; plus de dix mille hommes sont armés; ils annoncent qu'ils vont attaquer les troupes des Champs-Elysées, puis de là aller à Saint-Denis se joindre aux régiments et se rendre à Versailles.
« Toutes les barrières du côté du nord ont été saccagées. Celle du Trône est en feu.
« Les armuriers ont été pillés, et chacun prend la cocarde verte.
« Paris va être en feu dans un instant. Ils disent qu'ils vont ouvrir toutes les prisons. Ils ont été mal instruits à Versailles; on veut punir les bandits et les garder dans les prisons. »
Après en avoir délibéré l'arrêté suivant ost pris :
L'Assemblée nationale arrête :
« Qu'il serait fait une députation au Roi, pour lui représenter tous les dangers qui menacent la capitale et le royaume; la nécessité de renvoyer les troupes, dont la présence irrite le désespoir du peuple, et de confier la garde de la ville à la milice bourgeoise. »
Il a été de plus arrêté que, si l'Assemblée obtient la parole du Roi pour le renvoi des troupes et l'établissement de la milice bourgeoise, elle enverra des députés à Paris, pour y porter ces nouvelles consolantes, et contribuer au retour de la tranquillité.
Tous les membres de l'Assemblée se sont offerts avec empressement, pour être admis dans la députation qui doit être chargée de se rendre à Paris.
Il a été résolu que les membres de cette députation seraient choisis par le sort, au nombre de quatre-vingts, pris dans les diverses provinces.
Les députés de la ville de Paris ont représenté que connaissant le peuple de cette ville, et étant honorés de sa confiance, il paraissait juste et convenable qu'ils fussént tous admis dans la députation; ce qui a été approuvé par l'Assemblée.
Les députés chargés de se rendre vers le Roi ont été nommés par
, au nombre de quarante, ainsi qu'il suit :
Députation au Roi. CLERGE
MM.
L'archevêque de Vienne.
L'archevêque d'Aix.
L'archevêque d'Arles.
L'évêque de Limoges.
Gennetet.
MM.
Landreau.
Brousse.
Melon.
Mesnard.
Martin.
NOBLESSE.
MM.
Le duc de Praslin.
Le baron de Marguerites.
Le vicomte de Toulongeon.
Le comt do Marsanne.
De Fréteau.
Le marquis de Lezay-Marnezia.
Le duc de Mortemart.
De Provençal.
Le vicomte de Sanrlrouin.
Le marquis de Biencourt,
COMMUNES.
MM.
Conppé.
Giraud Duplessis.
Goupil de Prefeln.
Milscent.
Millon de Montherlant.
Nairac.
Populus.
Cherfils.
Mougeotte de Vignes.
Bertrand de Montfort.
MM.
Turpin. Desèze.
De Guilhermy.
Meunier du Breuil.
Rivière.
Dupont.
Dauchy.
Bonnet de Treiches Salles.
Meynier de Salinelles.
Ces députés sont sortis de la salle, pour s'acquitter de leur mission.
a dit lorsqu'ils ont été rentrés, qu'il avait représenté au Roi la situation alarmante où se trouve le royaume; le danger de voir naître bientôt successivement dans les autres villes les mêmes troubles qui existent dans la capitale; la nécessité de rétablir la tranguilité publique dans la ville de Paris, en éloignant promptement les troupes, et en établissant une milice bourgeoise, et qu'il avait ajouté que l'Assemblée nationale reconnaissait Je droit qu'avait Sa Majesté de régler la composition de son Conseil, mais qu'elle ne pouvait lui déguiser que le changement des ministres était la première cause des malheurs actuels.
Sa Majesté a répondu en ces termes :
Je vous ai déjà fait connaître mes intentions sur les mesures que les désordres de Paris m'ont forcé de prendre; c'est à moi seul de juger de leur nécessité, et je ne puis, à cet égard, apporter aucun changement. Quelques villes se gardent elles-mêmes, mais l'étendue de cette capitale ne permet pas une surveillance de ce genre. Je ne doute pas de la pureté des motifs qui vous portent ' à offrir vos services dans cette affligeante circonstance, mais votre présence à Paris ne ferait aucun bien; elle est nécessaire ici pour l'accélération de vos importants travaux dont je ne cesse de vous recommander la suite.
La réponse du Roi ne satisfait point l'Assemblée ; plusieurs membres témoignent leur indignation de la tranquillité apparente du Roi, au milieu du désordre général, et du peu de condescendance qu'il a pour les demandes de l'Assemblée nationale.
On propose divers projets d'arrêté ; mais on ne se fixe sur aucun.
On propose alors de nommer des commissaires qui seront chargés de rédiger sur-le-champ un projet d'arrêté.
Cette proposition est adoptée.
Les commissaires sont nommés. Ils se retirent un moment, et bientôt ils reviennent apporter le projet d'arrêté qui suif et qui est unanimement approuvé :
« L'Assemblée, interprète de la nation, déclare que M. Necker, ainsi que les autres ministres qui viennent d'être éloignés, emportent avec eux son estime et ses regrets.
« Déclare qu'effrayée des suites funestes que peut entraîner la réponse du Roi, elle ne cessera d'insister sur l'éloignement des troupes extraor-dinairement rassemblées près de Paris et de Versailles, et sur l'établissement des gardes bourgeoises.
« Déclare d? nouveau qu'il ne peut exister d'intermédiaire entre le Roi et l'Assemblée nationale.
« Déclare que les ministres et les agents civils et militaires de l'autorité sont responsables de toute entreprise contraire aux droits de la nation et aux décrets de cette Assemblée.
« Déclare que les ministres actuels et les conseils de Sa Majesté, de quelque rang et état qu'ils puissent être, ou quelque fonction qu'ils puissent avoir, sont personnellement responsables des malheurs présents et de tous ceux qui peuvent suivre.
« Déclare que la dette publique ayant été mise sous la garde de l'honneur et de la loyauté française, et la nation ne se refusant pas d'en payer les intérêts, nul pouvoir n'a le droit de prononcer l'infâme mot de banqueroute, nul pouvoir n'a le droit de manquer à la foi publique sous quelque forme et dénomination que ce puisse être.
« Enfin l'Assemblée nationale déclare qu'elle persiste dans ses précédents arrêtés, et notamment dans ceux du 17, du 20 et du 23 juin dernier.
« Et la présente délibération sera remise au Roi par le président de l'Assemblée, et publiée par la voie de l'impression.
« L'Assemblée arrête de plus que M. le président écrira à M: Necker et aux autres ministres qui ont été éloignés, pour les informer de l'arrêté qui les concerne. »
On demande que la séance soit continuée, afin que l'Assemblée puisse être à portée d'être instruite de tous les événements, pour prendre les délibérations que les circonstances exigeront.
D'autres membres représentent que la longueur de la séance ne permet pas à M. le président de se tenir continuellement à son poste; qu'il convient que l'Assemblée se nomme un vice-prési-dent qui, en l'absence du président, en remplira les fonctions.
Cette proposition est adoptée.
Les membres de l'Assemblée se retirent dans leurs bureaux respectifs pour élire un vice-président.
Le résultat du scrutin est en faveur de M. le marquis de Lafayette, qui réunit la majorité des suffrages. Il a été proclamé vice-président au milieu des applaudissements de toute l'Assemblée.
M. le marquis de Lafayette s'approche du bureau. Messieurs, dans un autre moment je vous rappellerais mon insuffisance et la situation particulière où je me trouve ; mais la circonstance est telle que mon premier sentiment est d'accepter avec transport l'honneur que vous me faites, et d'en exercer avec zèle les fonctions sous notre respectable président, comme mon premier devoir est de ne me séparer jamais de vos efforts pour maintenir la paix et consolider la liberté publique. (On applaudit.)
La délibération est suspendue à onze heures et demie, sans cependant que la séance soit levée.
Séance du
L'Assemblée, qui n'avait point levé sa séance, a repris ses délibérations à 9 heures du matin. On a proclamé les noms de tous les membres
qui avaient été élus pour former le comité des finances, et dont la liste suit :
Comité des finances.
PROVINCES. MM.
Paris. Anson.
Tours. Gaultier.
Picardie. Du val de Grandpré.
Orléans. Lebrun.
Pau. Dupont.
Moulins. Goyard.
Alençon. Périer.
Montpellier. Rocque.
Soissons. Aubry-Dubouchet.
Bourgogne. Volfius.
Flandre et Artois. De Kitspotter.
Lyon. Couder.
Caen. Burdelot.
Bretagne. Jarry.
Auch. De Laterrade.
Toulouse. La Rade.
Montauban. Gouges.
Strasbourg. Sçhwendt.
Saint-Domingue. De Gouyd'Arcy.
Limousin. Naurissart.
Saintonge. De Garesché.
Poitou. Biaille de Germond.
Auvergne. Grenier.
Bordeaux, La Fargue.
Champagne. De Crancé.
Hainault. Nicodème.
Franche-Comté. Vernier.
Rouen. Le Couteulx do Canteleu
Perpignan. Roca.
Provence. Lejeans.
Lorraine. Marquis.
Berri. Poya de PHerbey.
Dauphiné. Bérenger.
Metz. Mathieu de Rondeville.
CLERGÉ. NOBLESSE.
MM.
Dtilau, archevêque d'Arles.
L'abbé Gouttes.
Chatizel.
Gennetet.
Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux.
Surade.
Mayet.
Longpré.
L'abbé Godefroy.
L'abbé Jallet.
Bonnefoy.
L'abbé de la Salcette.
Gibert.
L'abbé de Villaret.
Forest de Masmoury.
MM
Le comte de Castellane.
Le duc de Liancourt.
Le duc d'Aiguillon.
Le baron d'Harambure.
Le marquis de Blacons.
Le comte de Latour-du-Pin.
Le marquis de Lacoste.
Le comte de Croix.
Le baron de Cernon.
Le vicomte de Noailles Le comte de Puisaie.
De Montesquiou.
Le duc de Biron.
Le comte de Lablache, Le comte de Laplanche-Ruillié.
a annoncé, comme un fait positif, quoiqu'il ne le tînt pas des nouveaux ministres qu'il a déclaré n'avoir point vus, que les arrangements pris par M. Necker, pour donner à l'Assemblée tous les renseignements et lui communiquer tous les papiers relatifs aux finances, subsistaient toujours ; qu'à cet effet il allait être établi un vaste dépôt à l hôtel de la guerre, et que les commissaires ou l'Assemblée ne demanderait pas une seule communication qui ne leur fût donnée.
On reprend la discussion de la motion faite il y a quelques jours par M. le, marquis de Lafayette, tendant à ce qu'on mette la déclaration des droits de Vhomme à la tête de la constitution.
Cette motion est longtemps débattue. Les uns
veulent que la déclaration soit mise à la tête de la constitution, pour assurer'invariablement les droits de l'homme, avant d'établir ceux de la société ; d'autres veulent que cette déclaration soit mise à la suite de la constitution, pour en être comme le résultat.
Il n'y arien de décidé à cet égard ; il est arrêté seulement que la constitution contiendra une déclaration des droits de l'homme.
On s'occupe ensuite de régler les formes d'après lesquelles l'Assemblée travaillera à la constitution.
Il y a à cet égard des motions diverses, qui toutes se réduisent à deux avis différents.
Le premier avis est que tous les objets de la constitution soient d'abord divisés et classés, ensuite renvoyés aux bureaux pour y être discutés séparément.
Le résultat de chaque bureau sera ensuite porté à un comité, qui en fera l'analyse et en proposera le résultat unique, qui sera soumis à la discussion et à la décision de l'Assemblée nationale.
Le second avis a été qu'il soit formé un comité de huit membres pris proportionnellement dans les trois ordres. Ce comité formera un plan général et détaillé de la constitution. Il en fera le rapport à l'Assemblée, où chaque partie sera successivement soumise à la discussion.
Ces deux avis donnent lieu à de longs débats.
trouve le moyen suivant plus efficace : établir un comité composé de huit membres choisis au scrutin, suivant la proportion établie parmi les ordres ; le charger d'un plan de constitution, qui passera ensuite sous les yeux de l'Assemblée.
Un membre veut que l'on fasse marcher la déclaration des droits avec la constitution de la monarchie.
. La société la plus éclairée et la plus patriotique qui ait jamais été réunie chez aucun peuple de l'univers doit s'occuper d'un ouvrage aussi important que celui de la constitution d'une monarchie.
Ce travail demande une activité prudente, et veut qu'on éloigne avec soin tout ce qui pourrait porter le caractère de la précipitation ; j'adopte donc l'établissement d'un comité formé au scrutin dans les trois ordres, avec un second comité d'examen, qui révisera le plan de la constitution proposée par le premier.
. Je pense que, dans la crise funeste où l'on se trouve, le temps presse d'arrêter préalablement les articles principaux de la constitution, laissant à des temps plus calmes tous les articles qui entraîneraient dans de longues discussions.
La constitution est déjà faite dans tous les esprits ; ce. ne peut être ici un enfantement laborieux; peut-être n'est-ce que l'ouvrage d'un jour, parce quelle est le résultat des lumières d'un siècle. Hâtez-vous donc d'en faire une ébauche concise et provisoire, sauf à lui donner dans un temps de calme et de fermeté les développements convenables,
. Vous avez nommé un comité pour l'ordre du travail, et le comité a rempli cette tâche. Etablira-t-on un comité de constitution ? Mais les autres membres seront sans activité et ne profiteront pas de leurs lumières. Il serait plus facile de traiter chaque article dans
les divers bureaux, dont les opinions seraient rapportées à un bureau de correspondance, qui les réunirait pour les faire juger par l'Assemblée. Quant à la déclaration des droits, elle ne doit pas être métaphysique, mais claire et simple. Dans le moment il faut s'occuper des pouvoirs et du règlement sur la forme de délibérer.
. Les données sur la constitution sont dans nos cahiers; les pensées et les vœux de nos commettants y sont déposés. Un comité peut les rédiger, et nous verrons si le plan proposé remplit ou contrarie nos pensées et nos mandats ; un petit nombre facilite le travail ; les bureaux examineront, l'Assemblée prononcera.
. Point de hon plan de constitution s'il n'est rédigé par un petit nombre. Une seule personne qui pourrait combiner les droits de l'homme en société suffirait.
Je vote pour un comité de huit personnes instruites du droit public, dégagées de préjugés et d'intérêts personnels.
Un député de la noblesse résume les diverses motions. Des peuples amis de la liberté, dit-il, durent à Lycurgue, Numa, Solon, Penn, chacun en particulier, des codes qui firent l'étonnement de leur siècle et le bonheur de leur nation.
veut que ce travail se fasse par bureaux soumis au comité de correspondance.
La motion de M. Pétion de Villeneuve est ainsi réduite et adoptée :
« Nommer au scrutin un comité de constitution, composé de huit membres seulement, suivant la proportion établie dans les ordres, lesquels membres seront chargés de présenter un projet de constitution, qui sera discuté dans les bureaux, , et reporté à l'Assemblée générale pour y être eusuite délibéré. »,
Pendant le dépouillement du scrutin les membres étaient rentrés dans la salle ; l'Assemblée reprend le cours de ses délibérations.
dit qu'il n'a reçu hier qu'à dix heures du soir l'arrêté pris par l'Assemblée; qu'il s'est rendu aussitôt chez le Roi pour le lui présenter; qu'il n'a point été reçu, le Roi étant passé alors chez la reine ; que ce matin il y est retourné ; qu'il a obtenu audience de Sa Majesté ; qu'il a eu l'honneur de lui remettre l'arrêté en mains propres; et que Sa Majesté lui a répondu qu'elle en examinerait le contenu.
— Un membre, au nom du comité de vérification, fait le rapport des pouvoirs de M. l'évêque de Tournai et de M. l'évêque d'Ypres.
Le rapporteur du comité réduit toutes les contestations qui peuvent naître de l'élection de ces deux évêques à cette seule question :
Deux évêques, étrangers par la naissance et par la situation du siège de leur évéché, mais qui ont une partie de leur diocèse sur le territoire de France, et qui possèdent des fiefs dans cette même partie, peuvent-ils être électeurs ou éligibles pour les Etats généraux de France ; en un mot, être représentants de la nation ?
L'avis du comité est contre les deux évêques.
prend la parole, 11 parle longtemps pour défendre sa nomination.
Son discours donne lieu à. de longues discussions qui se prolongent jusqu'à trois heures.
propose de surseoir à la .délibération, attendu qu'il est tard. En conséquence, on renvoie au soir pour prendre les voix sur cette question.
Avant de suspendre les délibérations, M. le président fait annoncer à l'Assemblée le résultat du scrutin relatif à la nomination de huit membres qui doivent former le comité de constitution.
La majorité des voix désigne pour commissaires MM. Mounier, de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, l'abbé Sieyès, le comte de Cler-mont-Tonnerre, le comte de Lally-Tollendal, Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, Chapelier et Bergasse.
Séance du soir à 5 heures.
On remet sur le bureau des délibérations et adresses de la commission intermédiaire des Etats du Dauphiné, des villes de Laon, Aurillac, Joigny et Hesdin. Ces divers actes expriment les sentiments d'attachement et de ficlélité pour le roi, de respect et de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, et d'adhésion à tous ses arrêtés.
La noblesse des bailliages de Mortagne et de Vendôme a révoqué l'injonction faite à ses députés, et leur donne des pouvoirs illimités. Celle du bailliage de Vendôme a ajouté à cette démarche : elle a voté des remercîments aux 47 gentilshommes qui se sont rendus le 25 juin dernier dans la salle de l'Assemblée nationale. L'Assemblée a témoigné la plus vive satisfaction de la lecture de cet acte.
L'insertion au procès-verbal en a été ordonnée au milieu des acclamations répétées.
On renouvelle la motion pour l'éloignement des troupes ; elle est universellement appuyée. Quelques membres proposent en conséquence qu'il soit fait sur-le-champ une députation au Roi pour lui porter les vœux de l'Assemblée, et que tout travail, toute délibération soit suspendue jusqu'au renvoi des troupes rassemblées autour de la capitale et du lieu des séances de l'Assemblée.
, curé d'Emberménil. Messieurs, vous vous rappelez avec indignation les outrages faits au monarque par çeiW qui, ayant surpris sa religion et compromis son autorité, voulaient faire régner sur les lois un prince qui ne vent régner que par les lois. Un despotisme constitutionnel voulait briser les ressorts du gouvernement, et anéantir les espérances de la nation. Les aristocrates espéraient consommer militairement leurs crimes; mais la force s'unit à la justice. Paris frémissant pensait à garantir la sûreté personnelle de ses mandataires. Le soldat français prouva que l'honneur est aussi son patriotisme, et qu'il ne pouvait être l'instrument des malheurs de ses frères. Hélas! s'il eût été animé des mêmes principes dans le temps des dissentions qui déchiraient, il y a deux siècles, le sein de la France, il eût épargné des larmes à l'humanité, et des gémissements à la postérité.
Depuis l'ouverture des Etats, nous avons vécu au milieu des divisions, parce qu'on voulait ensevelir la raison sous les usages, et faire taire la justice devant L'orgueil.
Nous avons vécu au milieu des vexations, vexations même de la part des subalternes des subalternes. On vous avait ravi la police de votre salle ; des infidélités à la poste ont supprimé des envois qui devaient être remis, quel qu'en fût le contenu. On a voulu soumettre au compas de la censure les opérations de vos séances; en ce moment sont affichées, à l'entrée de cette salle, des prohibitions attentatoires à vos droits; vous avez trouvé sans cesse des intermédiaires entre le souverain et vous, tandis que vous devez travailler immédiatement avec celui à qui la nation a confié les rênes du gouvernement.
Nous avons vécu au milieu des orages : qui n'a pas ouï parler des projets atroces suggérés par la fureur? C'est dans l'histoire du parlement Anglais, près d'être englouti sous les débris de son sanctuaire, qu'il faut aller chercher le modèle des attentats qu'on méditait, dit-on, contre vous ; et si les accusés n'ont pas projeté ces forfaits, au moins est-il vrai qu'on les en a crus capables : il est des vices qui reconnaissent des bornes, mais la scélératesse les franchit toutes.
Il y a donc, Messieurs, des êtres si vils qu'ils feraient rougir d'être homme, si dans cette Assemblée on hes'honorait de l'être1 11 y adonc desêtres atroces qui ont l'oreille fermée à la pitié, et dont le cœur n'admet jamais les remords! Il y a donc des perfides qui prétendent nous intimider, tandis qu'aux fureurs des pervers nous opposons tranquillement l'égide du courage, et que chacun de nous se ferait gloire d'être inscrit dans le martyrologe de la patrie!
Jusqu'ici l'Etat, victime des dépradations dans tous les genres, n'offrait plus qu'une nation en proie à tous les maux ; le pauvre citoyen, le triste citoyen, arrosait ses fers de ses larmes, nos campagnes de ses sueurs, sans oser parler de ses droits; et l'Etat marchait à grands pas vers sa ruine.
Et lorsque la France se réveille, lorsqu'après deux siècles, la famille se réunit sous les yeux d'un Roi chéri, lorsqu'un prince issu de nos Rois, vient s'asseoir au milieu de nous, et s'honorer de la qualité de citoyen; le despotisme agonisant fait un dernier effort, il lève son bras pour nous replonger dans l'avilissement et le malheur.
Vainement ferait-on couler des fleuves de sang; la révolution s'achèvera. La raison étend son empire, elle resplendit de toutes parts ; elle va consacrer les droits respectifs d'une nation idolâtre de son monarque, et d'un monarque qui dans l'amour de son peuple, trouvera son plus ferme appui. Ah! s'il fallait de nouveau nous courber sous le joug, il Vaudrait mieux sans doute fuir avec un ministre chéri au sein de l'Helvétie ou Vers les rivages de Boston, sur lesquels d'illustres chevaliers Français ont aidé à planter l'étendard de la liberté.
Il est donc vrai que notre Roi est obsédé, trompé par ses ennemis et les nôtres;, et qui trompe le Roi, disait Massillon, est aussi coupable que s'il voulait le détrôner. Notre devoir exige, Messieurs, que nous nous ralliions autour de lui pour le défendre et pour relever avec lui le temple de la patrie.
Il y a longtemps, Messieurs, que le peuple est victime : bientôt on connaîtra les sacrificateurs. Les nommerai-je? Non. Leurs noms ne souilleront point ma bouche; mais je demande qu'un comité soit établi pour connaître et révéler tous les crimes ministériels, pour dénoncer à la France les auteurs des maux qui affligent la patrie, pour
invoquer ensuite les formes judiciaires, et livrer les coupables à la rigueur des lois.
La discussion s'engage et les débats devenaient très-vifs lorsqu'on annonce M. le vicomte de IVoailles, qui arrive de Paris portant des nouvelles désastreuses. H entre dans l'Assemblée entouré d'autres députés qui se pressent autour de lui. Dès qu'il paraît il se fait le plus grand silence. Il rend compte de ce qu'il a vu; il dit que la bourgeoisie de Paris est sous les armes et dirigée dans sa discipline par les gardes françaises et les Suisses; que l'Hôtel des Invalides a été forcé; qu'on a enlevé les canons et les fusils; que les familles nobles ont été obligées de se renfermer dans leurs maisons; que la Bastille a été enlevée d'assaut; que M. deLaunay qui en était le gouverneur, et qui avait fait tirer sur les citoyens, a été pris, conduit à la Grève, massacré par le peuple, et sa tête portée au haut d'une pique.
Ce récit produit dans l'Assemblée l'impression la plus triste, toute discussion cesse.
On s'empresse d'envoyer une députation vers le Roi pour lui peindre l'état cruel où se trouve la capilale, et il est arrêté que M. le vicomte de Noailles sera de la députation pour soutenir par sa présence, comme témoin, les vérités qu on doit faire entendre au Roi.
sort avec la députation.
prend place au bureau comme vice-président. Il observe qu'il est de la dignité comme du devoir de l'Assemblée de ne pas interrompre ses travaux et de les continuer avec le calme du courage que les circonstances ne doivent pas altérer.
Plusieurs motions sont faites : les unes nour établir une correspondance, de deux en deux heures, entre Paris et l'Assemblée nationale; les autres pour que l'Assemblée soit toujours en séance jour et nuit, jusqu'après l'établissement des lois conslitutionnelles, ou du moins jusqu'après le rétablissement de la tranquillité publique.
Pendant qu'on discutait ces motions, on a annoncé l'arrivée d'une députation de Paris portant des nouvelles sinistres.
Aussitôt toute délibération cesse; un morne silence se répand dans toute la salle.
Après un moment d'attente les deux députés sont introduits.
l'un d'eux a prononcé le discours suivant :
Messieurs, il est impossible à des cœurs Français, vivement affectés dans ce moment, de vous peindre les malheurs de leur patrie. Pardonnez le désordre de nos idées dans une circonstance des plus désastreuses.
L'établissement de la garde bourgeoise qui avait été fait hier, fort heureusement, avait procuré une nuit assez tranquille.
Par le compte des opérations des districts, rendu au comité permanent, il est constant que plusieurs particuliers non enrégimentés ont été désarmés, et leurs armes apportées, soit aux districts, soit à l'Hôtel-de-Ville.
Ce matin, un escadron de hussards, qui s'est présenté dans le faubourg Saint-Antoine, a répandu une alarme générale, et excité la fureur au peuple.
11 s'est porté dans le quartier de la Bastille pour connaître les intentions du gouverneur. Sur l'avis qui en a été donné au comité, il a invité M. de Rulhière, commandant de la garde de Paris,
et deux compagnies de gardes françaises, à aller au secours des citoyens qu'on disait avoir été attaqués par les hussards; à peine étaient-ils arrivés que les hussards ont disparu.
Bientôt après une partie du peuple a appris au comité que le gouverneur de la Bastille avait fait tirer sur les citoyens. Cle même peuple s'était emparé de trois invalides de la Bastille, qu'il a amenés à l'Hôtel-de-Ville, et que le comité a fait mettre en sûreté dans les prisons de l'hôtel.
Le comité, voulant prévenir les malheurs qui allaient arriver à la Bastille, y a envoyé trois députations, l'une composée de M. l'abbé Fauchet et de trois autres membres du comité, pour conjurer le marquis de Launay de ne point faire tirer le canon de la Bastille, et afin de calmer le peuple, lui proposer de recevoir une garde bourgeoise.
Ces messieurs, après avoir couru le plus grand danger, sont revenus sans avoir eu aucun succès.
Une autre députation s'y est présentée avec un drapeau et un tambour, et a fait le signal de la paix. On l'a laissée pénétrer dans une cour de la Bastille ; et bientôt, une décharge a fait tomber à ses côtés des citoyens morts ou blessés.
M. de Corny, procureur du Roi et de la ville, était de cette députation, et à son retour a instruit le comité de ce fait.
Nous sommes partis sans avoir entendu le résultat des démarches de la troisième députation.
Mais, Messieurs, une heure avant notre départ, nous avons vu le spectacle le plus alarmant. Une
Eartie du peuple, qui avait été témoin des mâl-
eurs arrivés a la Bastille, s'est portée à l'Hôtel-de-Ville, est entrée dans la salle du comité, et a demandé à grands cris le siège de la Bastille.
Dans ce moment le comité a jugé que notre départ était nécessaire, et que nous ne devions pas perdre un instant pour faire part aux généreux représentants de la nation la plus généreuse de l'univers, de la douleur profonde de tous les habitants de la capitale, et les supplier de nous aider de leurs lumières et de leur patriotisme;
Pendant l'intervalle qui s'est écoulé entre la députation vers le gouverneur de la Bastille, et son retour à l'Hôtel-ae-Ville, plusieurs citoyens armés ont amené au comité deux courriers, l'un chargé de la dépêche du ministère de la guerre, contenant des lettres adressées à M. de Sombreuil, gouverneur des Invalides, et à M# Bertier, intendant de l'armée; l'autre chargé d'une lettre adressée au gouverneur de la Bastille.
Le peuple demandait à grands cris l'ouverture de toutes les lettres, le comité est parvenu à sauver la dépêche du ministère de la guerre.
Quant à la lettre au gouverneur de la Bastille, elle avait été ouverte par le peuple qui a exigé que le comité en fît la lecture j elle contenait ordre à ce gouverneur de tenir jusqu'à la dernière extrémité, qu'il avait des forces suffisantes pour se défendre.
« Voici. Messieurs l'arrêté que le comité nous a chargés d'avoir l'honneur de vous présenter.
« Le comité permanent de la sûreté publique, assemblé à l'Hôtel-de-Ville, a arrêté qu'il serait en correspondance journalière avec l'Assemblée nationale;
« Et de députer M. Ganilh, avocat au parlement, et M. Bancal des Issarts, ancien notairé, tous deux électeurs de la ville de Paris, et membres du comité;
« A l'effet de peindre à l'Assemblée nationale l'état affreux où est la ville de Paris; les malheurs
arrivés aux environs de la Bastille; l'inutilité des députations qui ont été envoyées par le comité au gouverneur de la Bastille, avec un tambour et un drapeau pour y porter des paroles de paix, et demander que le canon de la Bastille ne soit point dirigé contre les citoyens; la mort de plusieurs citoyens tués par le feu de la Bastille ; la demande faite par une multitude de citoyens assemblés, d'en faire le siège ; les massacres qui peuvent en être la suite; et de supplier l'Assemblée nationale de vouloir bien peser dans sa sagesse, le plus promptement qu'il lui sera possible, le moyen d'éviter à la ville de Paris les horreurs de la guerre civile.
« Enfin, d'exposer à l'Assemblée nationale que l'établissement de la milice bourgeoise, et les mesures prises hier, tant par l'Assemblée des électeurs que par le comité, ont procuré à la villle une nuit plus tranquille qu'elle n'avait pu l'espérer d'après le nombre considérable des particuliers qui s'étaient armés le dimanche et le lundi avant l'établissement de ladite milice ; que par le compte rendu par différents districts, il est constant que nombre de ces particuliers ont été désarmés et ramenés à l'ordre par la milice bourgeoise. Fait au comité le 14 juillet 1789. »
« Signé,: de Flesselles, prévôt des marchands, et résident du comité; Moreau de Saint-Merry; ancai des Issarts; Rouen, échevin; Vergue, échevin; Chignard; Fauchet, et Ganilh. »
« Nous soussigné, électeur de Paris, membre du comité permanent, et député par ce comité, à l'Assemblée nationale, certifions la copie ci-dessus et de l'autre part, conforme au procès-verbal de la délibération dudit comité. A Versailles ce 14 juillet 1789.
« Signé : Bancal des Issarts. >
, vice-président, a répondu aux députés :
Messieurs, l'Assemblée nationale, pénétrée des malheurs publics,, n'a cessé de s'occuper jour et nuit du moyen de les prévenir ou de les arrêter. Dans ce moment même, son président, à la tête d'une députation nombreuse, est chez le Roi, et lui porte de notre part les instances les plus vives pour l'éloignement des troupes. Je vous invite, Messieurs, à rester I parmi nous, pour être témoins du rapport qui va nous être fait.
Un vœu général s'est manifesté pour que, sans attendre le retour de la première députation, une seconde fût envoyée au Roi, l'instruisît des détails qu'on venait d'entendre, et lui portât l'arrêté qui avait été pris par le comité de l'Hôtel-de-Ville.
observe qu'il est nécessaire, avant de faire partir la seconde députation, d'entendre la réponse qui aura été faite à la premiere.
Un avis a été ouvert pour mander les ministres, et pour commencer à exécuter la déclaration par laquelle l'Assemblée les avait hier rendus responsables de tous les malheurs qui pouvaient arriver.
La seconde députation a été nommée. Comme elle se disposait à sortir, la première est rentrée.
, président, a rendu compte, et la réponse écrite que le Roi
lui avait remise a été lue £ haute voix. Elle était ainsi conçue :
« Je me suis sans cesse occupé de toutes les mesures propres à rétablir la tranquillité dans Paris. J'avais, en conséquence, donné ordre au prévôt des marchands et aux officiers municipaux de se rendre ici, pour concerter avec eux les dispositions nécessaires. Instruit depuis de la formation d'une garde bourgeoise, j'ai donné des ordres à des officiers généraux de se mettre à la tête de cette garde, afin de l'aider de leur expérience, et seconder le zèle des bons citoyens. J'ai également ordonné que les troupes qui sont au Champ-de-Mars s'écartent de Paris. Les inquiétudes que vous me témoignez sur les désordres de cette ville, doivent être dans tous les cœurs, et affectent vivement le mien. »
11 a été demandé de toutes parts que la seconde députation partît ; et elle s'est rendue auprès du Roi.
Elle est revenue peu de temps après ayant eu une prompte audience de Sa majesté.
, archevêque de Paris, qui avait porté la parole, et qui, après avoir conjuré le Roi de se rendre aux vœux de l'Assemblée, lui avait lu en entier l'arrêté pris à l'Hôtel-de-Ville, a rendu compte de la réponse verbale de Sa Majesté, qui portait en substance :
« Messieurs, vous déchirez mon cœur de plus en plus par le récit que vous me faites des malheurs de Paris : il n'est pas possible de croire que les ordres qui ont été donnés aux troupes en soient la cause. Vous savez la réponse que j'ai faite à votre précédente députation; je n'ai rien à y ajouter. »
Il a été proposé d'envoyer demain, dès huit heures du matin, une nouvelle députation à Sa Majesté.
Différentes questions ont commencé à être agitées relativement à l'objet de cette nouvelle députation.
s'étant retiré, M. le vice-président, après avoir entendu quelques discussions, a observé que ce qui était le plus instant, était de renvoyer les députés de Paris munis d'une réponse de l'Assemblée nationale. L'Assemblée a fait aussitôt l'arrêté suivant, dont elle leur a remis une expédition.
« L'Assemblée nationale, profondément affectée des malheurs qu'elle n'avait que trop prévus, n'a cessé de demander a Sa Majesté la retraite entière et absolue des troupes extraordinairement rassemblées dans la capitale et aux environs. Elle a encore envoyé dans ce jour deux députations au Roi sur cet objet, dont elle ne cesse de s'occuper nuit et jour. Elle, fait part aux électeurs des deux réponses qu'elle a reçues. Elle renouvellera demain les mêmes démarches ; elle les fera plus pressantes encore, s'il est possible : elle ne cessera de les répéter, et de tenter de nouveaux efforts, jusqu'à ce qu'ils aient eu le succès qu'elle a droit d'attendre et de la justice de sa réclamation, et du cœur du Roi, lorsque des impressions étrangères n'en arrêteront plus les mouvements. »
Attendu qu'il était près de deux heures du matin, la délibération a cessé ; mais M. le vice-piré-sident a annoncé que la séance tenait toujours, et qu'en cas de nécessité, les délibérations seraient reprises d'un instant à l'autre.
Séance du
L'Assemblée nationale, trop profondément affectée et trop vivement inquiété sur les malheurs publics, pour arrêter ses pensées sur d'autres objets, n'a pas pu suivre le plan ordinaire de ses délibérations ; et au lieu de commencer, comme les autres jours, par la lecture des adresses des différentes villes et du procès-verbal, on a mis en délibération quel parti il y avait actuellement à prendre pour rétablir la tranquillité dans Paris. Plusieurs membres de l'Assemblée ont fait différentes propositions. Quelques-uns ont présenté défe projets d'adresse au Roi.
, présente un projet d'adresse ainsi conçu :
« Sire, l'Assemblée nationale, pénétrée deladou-leur la plus profonde des malheurs de la capitale, a déjà eu l'honneur de supplier Votre Majesté de faire retirer les troupes qu elle a rassemblées aux environs de Paris.
« Il n'est plus temps, sire, de vous déguiser la vérité : un Roi tel que vous est digne de l'entendre, et l'Assemblée nationale va donner à Votre Majesté la preuve la plus signalée de son patriotisme, en lui parlant avec la franchise qui lui convient.
« Votre Majesté est trompée. L'Assemblée nationale va lui retracer les perfides conseils que ses ministres ont osé lui donner. Ils ont dit à Votre Majesté que la nation rassemblée voulait attenter à son autorité ; qu'il existait un parti considérable qui voulait former une constitution qui avilirait la dignité royale ; et que le seul moyen d'éviter ce malheur, était de rassembler vos troupes, et de paraître avec l'appareil formidable de votre puissance.
i « Ils vous ont fait entendre que Paris était à l'instant de se soulever ; et ces indignes conseillers, prévoyant que l'arrivée des troupes serait le signal d'une insurrection générale, peut-être qu'aujourd'hui ils ont encore osé vous dire que la Révolution qu'ils avaient prévue est arrivée ; et peut-être chercheront-ils à se faire un mérite auprès de vous de la prévoyance qu'ils ont eue de vous faire rassembler votre armée. Ahl Sire, voilà les perfides conseils dont l'Assemblée nationale vous demande justice en ce moment. Les cruels peuvent défigurer l'autorité paternelle que vous devez avoir sur vos peuples. Les Français, Sire, adorent leurs Rois, mais ils ne veulent jamais les redouter.
c Hier, Sire, peut-être que, si Votre Majesté avait daigné écouter les prières de l'Assemblée nationale, l'éloignement des troupes aurait été suffisant pour remettre le calme et rétablir l'ordre dans la capitale ; mais, Sire, les massacres qui ont eu lieu hier, la Bastille assiégée et prise, les exécutions sanguinaires qui en ont été les suites, ont porté le peuple à un excès de fureur qu'il est bien plus difficile d'arrêter.
« Ce matin encore, un convoi de farine, qui se rendait à Paris, a été arrêté au pont de Sèvres : si cette nouvelle parvient à la capitale, elle va redoubler le trouble et la colère des citoyens. Ah ! Sire, rappelez-vous votre brave et vertueux
aïeul, Henri IV de glorieuse mémoire : lorsqu'il fut forcé par les discordes civiles de mettre le siège devant la capitale, son humanité lai dictait de laisser passer les convois de vivres nécessaires à la nourriture de ses habitants. Non, Sire, nous ne croirons jamais que cet ordre cruel soit émané de vous.
« Il est peut-être encore un moyen de calmer le peuple irrité. Votre Majesté connaît ceux qui lui ont donné ces perfides cônseils. Eloignez de vous, Sire, ces pestes publiques; ils ont osé calomnier ce vertueux citoyen qui s'était dévoué à votre gloire et au bonheur de la nation. Votre Majesté saura apprécier combien un ministre intègre et économe devait déplaire aux vils courtisans, intéressés aux déprédations et aux désordres, et qu'une des principales causes du soulèvement du peuple est l'éloignement de ce ministre citoyen qui maintenait le crédit national, par la certitude où l'on était de son intégrité.
« Si ces moyens, Sire, ne remettent pas lecalme dans votre empire, venez au milieu de l'Assemblée nationale. Le moment le plus glorieux de votre vie, sera celui où Votre Majesté, entourée de sa fidèle nation, y recevra ces marques d'amour et de respect dont elle est pénétrée pour sa personne sacrée. Oh, Sire ! c'est au milieu de cette nation généreuse que Votre Majesté jugera de la perfidie des conseils que l'on n'a cessé de vous donner ; elle y verra la consternation de PAs-semblée nationale; mais elle sera peut-être étonnée de son calme et de sa tranquillité. Fidèle à la nation qu'elle représente, fidèle à ses principes, fidèle à l'amour constant qu'elle a pour Votre Majesté, rien ne peut altérer ni changer les décrets qu'elle doit prononcer.
« La capitale, instruite de cette marque de confiance du plus aimé des Rois, se livrera avec transport à l'amour qu'elle vous a toujours manifesté, et rien ne peut plus rétablir la paix, que lorsque les peuples seront informés que l'accord règne entre le monarque et l'Assemblée nationale.
« Daignez, Sire, écouter les vœux que nous formons. Par quelle fatalité Votre Majesté ne serait-elle inflexible qu'à la voix de la nation fidèle ? Les flots de sang qui ont coulé empoisonneront la vie du meilleur des Rois, et la nation, Sire, va prononcer l'anathème contre ceux qui vous ont donné ces conseils sanguinaires. »
Cette adresse paraît faire la plus vive impression dans l'Assemblée ; cependant plusieurs membres la combattent comme trop faible ; d'autres la réfutent par un motif contraire.
.' Je propose d'ajouter à l'adresse la phrase suivante :
« Sire, Henri IV, lorsqu'il assiégeait Paris, faisait passer secrètement des blés à la capitale ; et aujourd'hui, en temps de paix, on veut réduire cette même ville aux horreurs de la famine sous le nom de Louis XVI. »
Enfin, au milieu de tant de propositions et après divers débats qu'elles font naître, tous les membres s'accordent sur la nécessité d'envoyer une députation au Roi pour lui faire la demande itérative du renvoi des troupes à leurs garnisons la demande d'une libre communication pour le transports des blés et des farines nécessaires à la subsistance de Paris, communication qui a été arrêtée par les troupes, suivant la dénonciation qui en a été faite par M. Lecointre, négociant à Versailles ; enfin, pour demander au Roi une réponse satisfaisante qui pût permettre à l'Assem-
blée d'aller à Paris porter la nouvelle de l'éloi-gnement des forces militaires, consolider rétablissement des gardes bourgeoises, et essayer de rappeler le bon ordre en rassurant le peuple sur ses craintes et ses alarmes.
Ce parti est adopté à l'unanimité. Il est arrêté qu'une députation de vingt-quatre personnes ira sur-le-champ vers le Roi, pour lui porter les vœux de l'Assemblée.
Les députés sont :
M. de Lafayette, M. de Liancourt, M. d'Avarev, M. de Marguerites, M. le duc de Mortemart, M. le duc de Luy nés, M. l'archevêque de Reims, M. l'évêque de Coutances, M. l'abbé de Villeneuve, M.Forestde Masmoury, M. Gombert, M. Thomas* M. Jaillant, M. Pruche, M. Gérard, M. Hanoteau, M. Roussillon, M. Douchet, M. Bourgeois, M. Le Clerc, M. Poulain de Gerlières, M. Bouron, M. Fii-leau, M. Alquier.
Eh bien! dites au Roi que les hordes étrangères dont nous sommes investis ont reçu hier la visite des princes, des princesses, des favoris, des favorites, et leurs caresses, et leurs exhortations, et leurs présents ; dites-lui que toute la nuit ces satellites étrangers, gorgés d'or et de vin, ont prédit dans leurs chants impies l'asservissement de la France, et que leurs vœux brutaux invoquaient la destruction de l'Assemblée nationale; dites-lui que, dans son palais même, des courtisans ont mêlé leurs danses au son de cette musique barbare, et que telle fut l'avant-scène de la Saint-Barthélemy. • Dites-lui que ce Henri dont l'univers bénit la mémoire, celui de ses aïeux qu'il voulait prendre pour modèle, faisait passer des vivres dans Paris révolté qu'il assiégeait en personne, et que ses conseillers féroces font rebrousser les farines que le commerce apporte dans Ptfris fidèle et affamé.
M. le marquis de Lafayette, vice-président, est chargé de présider la députation. L'Assemblée déclare qu'elle se repose entièrement sur lui du soin d'exprimer à Sa Majesté tous les sentiments de douleur et d'inquiétude dont tous ses membres sont pénétrés.
Les membres de la députation se disposaient à sortir, lorsque M. de Liancourt demande la parole. 11 dit qu'il est autorisé à annoncer à l'Assemblée que le Roi, de son propre mouvement, s'est déterminé à venir au milieu des représentants de la nation, et que M. le grand maître des cérémonies va paraître pour l'annoncer officiellement.
Aces paroles de^M. de Liancourt, la majeure partie des membres de l'Assemblée fait retentir la salle d'applaudissements réitérés.
Attendez que le Roi nous ait fait connaître les bonnes dispositions qu'on nous annonce de sa part; qu'un morne respect soit le premier accueil fait au monarque dans ce moment de douleur... Le silence du peuple est la leçon des rois.
On suspend toute délibération. — La députation reste dans la salle.
En attendant l'arrivée du Roi, on fait lecture des adresses de quelques villes et communautés du royaume, des villes de Strasbourg, Marseille, Nîmes, Cahors, Guingamp, La Roche-Bernard, Paimpol, Seurre, du bourg de llessons en Picardie et de la commune de Beaune.
Toutes ces adresses contiennent l'adhésion la plus formelle à tous les arrêtés de l'Assemblée nationale, qui en ordonne le dépôt et l'enregistrement.
A la lin de ces diverses lectures, le grand-maître
des cérémonies est annoncé. Entré dans la salle, il dit ;
« Messieurs, Sa Majesté m'a chargé de vous dire qu'elle allait venir au milieu de vous. »
La députation déjà nommée pour porter au Roi la réclamation de l'Assemblée nationale est chargée d'aller dans la cour qui précède la salle, recevoir Sa Majesté.
La députation sort, et l'Assemblée entend la lecture d'une délibération de la noblesse de Vil-lers-Colterets, qui révoque les pouvoirs limités qu'elle avait donnés à ses députés, et leur en donne d'illimités. L'Assemblée applaudit à cet acte et en ordonne le dépôt.
paraît à l'entrée de la salle, sans gardes, accompagné seulement de ses deux frères. 11 fait quelques pas dans la salle; debout, en face de l'Assemblée, il prononce d'une voix ferme et assurée le discours suivant :
Messieurs, je vous ai assemblés pour vous consulter sur les affaires les plus importantes de l'Etat. Il n'en est pas de plus instante, et qui affecte plus sensiblement mon cœur, que les désordres affreux qui régnent dans la capitale. Le chef de la nation vient avec confiance au milieu de ses représentants, leur témoigner sa peine, et les inviter à trouver les moyens de ramener l'ordre et le calme. Je sais qu'on a donné d'injustes préventions; je sais qu'on a osé publier que vos personnes n'étaient pas en sûreté. Serait-il donc nécessaire de vous rassurer sur des bruits aussi coupables, démentis d'avance par mon caractère connu? Eh bien 1 c'est moi, qui ne suis au'un avec ma nation, c'est moi qui me fie à vous I Aidez-moi, dans cette circonstance, à assurer le salut de l'Etat; je l'attends de l'Assemblée nationale; le zèle des représentants de mon peuple, réunis pour le salut commun, m'en est un sûr garant ; et comptant sur la fidélité de mes sujets, j'ai donné ordre aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles. Je vous autorise, et je vous invite même à faire connaître mes dispositions à la capitale.
Ce discours du Roi est interrompu à diverses reprises par les applaudissements les plus vifs.
s'avance vers le Roi et répond :
Sire, l'amour de vos sujets pour votre personne sacrée semble contredire, dans ce moment, le profond respect dû à votre présence, si pourtant un souverain peut être mieux respecté que parTamourde ses sujets.
L'Assemblée nationale reçoit avec la plus vive sensibilité les assurances que Votre Majesté lui donne de l'éloignement des troupes rassemblées par ses ordres dans les murs et autour de la capitale etdans le voisinage de Versailles; elle suppose que ce n'est pas un éloignement à quelque distance, mais un renvoi dans les garnisons ou quartiers d'où elles étaient sorties, que Votre Majesté accorde à ses désirs.
L'Assemblée nationale m'a ordonné de rappeler dans ce moment quelques-uns de ses derniers arrêtés, auxquels elle attache la plus grande importance. Elle supplie Votre Majesté de rétablir dans ce moment la communication libre entre Paris et Versailles, et dans tous les temps une communication libre et immédiate entre elle et Votre Majesté. Elle sollicite avec instance l'approbation de Votre Majesté pour une députation qu elle désire envoyer à Paris, dans la vue et avec l'espérance qu'elle contribuera beaucoup à
ramener l'ordre et le calme dans votre capitale. Enfin, elle renouvelle ses représentations auprès de Votre Majesté, sur les changements survenus dans la composition de votre conseil. Ces changements sont une des principales causes des troubles funestes qui nous affligent, et qui ont déchiré le cœur de Votre Majesté.
reprend la parole. 11 dit que, sur la députation de l'Assemblée nationale à Paris, on connaît ses intentions et ses désirs, et qu'il ne refusera jamais de communiquer avec l'Assemblée nationale toutes les fois qu'elle le croira nécessaire.
ajoute que l'Assemblée demande depuis longtemps un libre accès auprès de Sa Majesté; que les voies intermédiaires ne conviennent ni à la majesté du trône ni à celle de la nation.
Le Roi se retire avec ses frères, et retourne à pied au château. L'Assemblée entière se lève et se précipite à sa suite.
Tous les députés, sans observer aucun rang, les trois ordres mêlés, l'accompagnent; ceux qui sont près de lui forment une chaîne qui le préserve de la trop grande aftluence. Souvent elle est rompue par le trop grand nombre de spectateurs qui tous veulent jouir de son aspect. Une femme se jette à ses genoux et les embrasse- Les cris de vive le Roi! retentissent"de tous côtés.
Arrivé à la cour des ministres, les cris d'allégresse et la foule redoublent, les musiciens contribuent à l'enthousiasme par une idée trés-beu-reuse; ils jouent l'air: Où peut-on être mieux qu'au sein de sa famille ?
Les députés devaient accompagner le Roi jusque dans son appartement, passer devant lui et sortir par l'œil-de-bœuf; mais le monarque était tout en sueur et couvert de poussière : les flots du peuple qui se précipitait sur lui l'avaient extrêmement fatigué.
Le Roi parvenu à l'escalier de la cour de marbre, les députés se retirent. Mais la foule devenait de plus en plus considérable ; les gardes du corps sans armes, sans ordre, égarés comme les autres par le délire général, croient cependant qu'ils doivent fermer les portes du petit escalier. Le Roi se retourne et les fait ouvrir.
Le Roi, la reine, M. le dauphin, Madame Royale paraissent un instant après sur le balcon: les applaudissements, les cris de vive le Roi! redoublent.
L'Assemblée étant rentrée dans la salle, M. le duc d'Orléans', qui avait également formé la chaîne autour du Roi, reçoit des applaudissements universels.
On invite les membres de la députation vers Paris, de se rendre au plus tôt dans la capitale. Leur nombre est de quatre-vingt-huit.
Ils sont chargés de faire tous leurs efforts, d'employer tous leurs moyens pour ramener le calme, pour consolider la garde bourgeoise; et de faire publier dans tous les quartiers l'assurance donnée par le Roi, que les troupes vont s'éloigner de Paris et de Versailles.
La députation part avec promptitude afin d'arriver à temps pour demander la grâce et prévenir le supplice de trois officiers soupçonnés d'avoir voulu empoisonner lès gardes françaises;
fait ensuite une motion tendant au renvoi des ministres, comme ne méritant pas la confiance du peuple, et en étant absolument
indignes ; il expose que les citoyens de Paris ne tarderont pas sans doute à demander leur éloi-gnement, et qu'il faut les prévenir, parce qu'il est de la dignité de l'Assemblée de ne pas paraître se laisser entraîner par l'influence du peuple.
appuie cette motion avec l'éloquence et le génie qui le distinguent.
pense autrement.
Après avoir demandé la permission de combattre l'opinion des préopinants, il convient de tous les principes, mais il dit que. dans une aussi belle journée, il faut laisser le Roi dans la joie et goûter en silence le bonheur d'être Roi d'une nation aussi fidèle; qu'il faut au moins lui laisser vingt-quatre heures.
A Dieu ne plaise, dit-il, que je veuille prendre la défense de pareils ministres; à Dieu ne plaise que je veuille empêcher leur dénonciation; mais, dans un aussi beau jour, il n'est pas de la dignité de l'Assemblée de s'occuper d'un ministère aussi avili.
Cette dernière opinion l'emporte.
Un membre-de l'Assemblée donne lecture d'un arrêté pris par les électeurs de la ville de Paris. Ils supplient l'Assemblée de prendre la capitale sous sa protection et sa sauvegarde.
Un des membres de l'Assemblée dit que MM. les gardes du Boi le chargent d'offrir, en leur nom, un détachement pour accompagner la députation qui va à Paris, non pas qu'elle ait besoin d'être défendue, mais pour qu'elle ait une garde d'honneur
L'Assemblée reconnaît à cette proposition l'esprit qui jusqu'à présent caractérise MM. les gardes du corps, mais elle considère qu'une députation nationale, allant pour remettre le calme dans une ville menacée des plus grands malheurs, doit y entrer sans aucune apparence *de forces militaires. Elle arrête que MM. les gardes du Roi seront remerciés d'une offre qui augmente pour eux l'estime de tous les Français, et charge son président et ses secrétaires de leur écrire, pour les féliciter sur leur acte de patriotisme, et les assurer des sentiments de l'Assemblée nationale.
On se sépare pendant quelques heures, et on convient de rentrer dans la salle à huit heures du soir pour recevoir des nouvelles de la députation, si elle envoie des courriers.
L'Assemblée se forme à l'heure indiquée.
annonce, que M. Le Blanc, député de Besançon, est mort, et que sa perte doit être d'autant plus sensible à l'Assemblée, u'eile a été hâtée par la joie qu'a éprouvée ce éputé, aussi instruit que sensible, en apprenant que le Roi est détrompé.
11 est arrêté que l'Assemblée ira au convoi de M. Le Blanc.
Plusieurs particuliers ayant assuré qu'ils avaient personnellement connaissance que la tranquillité régnait dans Paris, et la députation n'ayant envoyé aucun courrier, M. le président remet l'Assemblée à demain, huit heures du matin.
Séance du
On a lu un arrêté de félicitation aux Etats généraux, de la part du corps municipal de la ville d'Angers.
Sur quoi deux membres de la députation d'Anjou ont dit qu'ils étaient autorisés a réclamer contre le titre de représentation que s'attribuait la municipalité; que les offices de l'Hôtel-de-Ville ne se décernant point par le libre choix des citoyens, ces officiers ne pouvaient représenter qu'eux-mêmes; que, notamment dans cette circonstance, ils n'étaient pas recevables à représenter la commune, ayant contrarié de tout leur pouvoir les démarches qu'elle avait faites pour témoigner ses sentiments à l'Assemblée; que cependant, malgré les obstacles, les citoyens étaient parvenus à arrêter, non pas une adresse vague « d'assurances respectueuses, d'espoir dans les « travaux de l'Assemblée », mais un acte formel d'adhésion à tous ses arrêtés.
En conséquence, les deux membres ont demandé qu'il fût fait lecture de cet acte ; qu'il fût mentionné comme seul légal au procès-verbal, et que l'arrêté des officiers municipaux ne fût considéré que comme l'adresse d'un corps particulier, n'agissant qu'en son privé nom ; ce qui a été accordé.
Un membre de la noblesse annonce qu'hier M. le marquis de Lafayette a été nommé colonel général de la milice bourgeoise; qu'il était resté à Paris pour prendre différentes instructions à l'Hôtel-de-ville; mais qu'il attend les ordres de l'Assemblée nationale pour accepter la dignité dont ses concitoyens l'ont honoré.
La déférence de M. le marquis de Lafayette est vivement applaudie.
avance ensuite au bureau. De toutes parts il s'élève des acclamations de joie et des cris de félicitation. Lorsque ce premier moment d'allégresse est passé, M. Bailly annonce que Paris lui a fait l'honneur de le nommer maire de la ville ; qu'il a été élevé à cet honneur par acclamation, et qu'il est prêt à recevoir les ordres de l'Assemblée. (On applaudit vivement, sans cependant prendre de délibération.)
On a fait lecture des procès-verbaux des 14 et 15 juillet.
M. Iieclerc de Juigné, archevêque de Paris, a fait le récit de ce qui s'est passé dans la capitale, relativement à la députation que l'Assemblée j nationale y avait envoyée. Ceux qui composaient cette députation étaient:
archevêque de Paris ; de Talleyrand-Périgord, archevêque de Reims; Champion de Cicé,
archevêque de Bordeaux; de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun; de Lu-bersac, évêque de
Chartres ; Dutillet, évêque d'Orange ; Golbert de Seignelay, évêque de Rodez ; l'abbé de
Montesquiou, agent général du clergé ;
fait lecture d'un récit très détaillé de tout ce qui s'est passé en cette occasion ; le voici :
Messieurs, les commissaires nommés par l'Assemblée nationale pour contribuer au rétablissement du calme dans la ville de Paris, sont partis hier de Versailles à trois heures après midi. Dans le lieu même de leur départ, les acclamations, les applaudissements commencèrent, et dès ce moment ils ne cessèrent plus.
Pendant toute la route, le peuple se rendait en foule sur leur passage, les comblait de bénédictions, et se livrait à tous les transports de la plus vive allégresse. Les militaires partageaient les mêmes sentiments. Officiers et soldats, étrangers et Français, tous paraissaient animés du même esprit. Tous les regards exprimaient l'attendrissement, toutes les bouches le patriotisme et l'humanité. Nous marchions au milieu d'une foule immense, mais nous ne pouvions y avoir que des amis et des frères.
Entrés dans Paris, une brigade de maréchaussée, des gardes de la prévôté et un trompette qui nous avaient joints sur la route, marchaient devant nous et annonçaient l'arrivée des députés. Des bourgeois armés, mêlés avec des soldats, nous environnaient pour former notre cor-tége.
Arrivés à la place Louis XV, nous descendons de nos voitures. Une garde nombreuse nous escorte : un peuple innombrable s'offre de tous côtés à nos regards. Les bourgeois et les soldats armés sont rangés en haie sur notre passage. Les spectateurs tâchent de donner essor au sentiment qui les oppresse, par tous les signes de la plus vive affection. C'est pour eux une vive jouissance que de serrer les mains d'un des membres de l'Assemblée nationale. L'air est incessamment frappé des applaudissements, des cris de joie auxquels se joint le bruit des tambours et des instruments de musique. Les citoyens se félicitent, s'embrassent réciproquement. Tous les yeux sont mouillés de larmes ; partout se montre l'ivresse du sentiment. De toutes parts on s'écrie : Vive le Roi, vive la nation, vivent les députés !
Jamais fête publique ne fut aussi belle, aussi touchante, jamais on ne vit des milliers de citoyens se presser ainsi sur les pas de leurs représentants, pour contempler, dans cette marche auguste et solennelle, l'image de la liberté. L'histoire n'offre point de pareil exemple. L'histoire ne parviendra jamais à retracer ce que nous avons vu et surtout ce que nous avons senti.
Arrivés à l'Hôtel-de-Ville, quel beau spectacle se présente 1 La place est couverte d'une foule prodigieuse de citoyens armés et non armés. Les mêmes acclamations que nous avions entendues sur notre passage sont sans cesse répétées. Entrés dans la salle principale, la foule est si nombreuse, elle est si transportée de joie, que le silence s'obtient avec peine. Enfin, M. le marquis de Lafayette annonce que le Roi est venu au milieu de l'Assemblée nationale, sans pompe, sans appareil. 11 leur fait lecture du discours que le Roi a prononcé ; il leur rappelle les témoignages d'amour et de sensibilité donnés au monarque par les représentants de la nation, et ce beau moment où Sa Majesté est retournée à pied au château, au milieu de l'Assemblée nationale et des habitants de Versailles, gardé par leur amour et leur inviolable fidélité.
« On répond par de nombreux applaudissements et des cris de vive le Roi! Ensuite M. le comte de Lally-Tollendal prend la parole. Après avoir donné au patriotisme, à la fermeté des Parisiens, un juste tribut d'éloges ; après avoir exprimé la douleur qu'avaient éprouvée les représentants de la nation en apprenant les malheurs de la capitale ; après avoir décrit leà scènes touchantes de Versailles, il parle de la liberté et de la patrie ; il parle du Roi, de ses vertus, des devoirs des Français, avec un ton si noble, si propre à émouvoir, avec une éloquence si persuasive, que la foule des auditeurs est entraînée, que l'ivresse est au comble. L'amour de la patrie, l'amour du Roi exaltent toutes les âmes. L'orateur est pressé dans les bras de ceux qui l'entourent : une couronne de fleurs lui est offerte ; sa modestie la repousse ; il en fait hommage à l'Assemblée nationale. Malgré ses efforts, elle est placée sur sa tête. On veut ensuite le présenter au peuple assemblé sur la place. Il résiste en vain; il est porté vers une fenêtre, d'où il reçoit les applaudissements du peuple.
Après le discours de M. de Lally-Tollendal, M. l'archevêque de Paris a fait de nouvelles exhortations pour le rétablissement de la paix, et proposé de se rendre à l'église Notre-Dame pour offrir à Dieu des actions de grâces.
Le président de l'Assemblée des électeurs a prononcé un discours qui respirait le zèle et le
patriotisme. Il a exhorté le peuple à oublier tout ressentiment, et il en a reçu la promesse.
M. le duc de Liancourt a annoncé que Sa Majesté autorisait le rétablissement de la milice bourgeoise.
M. le comte de Clermont-Tonnerre a parlé ensuite avec beaucoup de succès ; il a été fort applaudi.
On a déclaré à M. le marquis de Lafayette qu'il était nommé général de la milice parisienne.
Le grand nombre de citoyens qui remplissaient la salle de l'Hôtel-de-Ville conjuraient les commissaires par les plus vives, les plus pressantes instances, de demander le retour de M. Necker. Ils ont-exprimé le vœu de voir confier à M.Bailly la place de maire de la ville. Cet excellent citoyen, ainsi que M. l'archevêque de Paris, ont reçu des témoignages bien flatteurs et bien mérités de l'affection et de l'estime des parisiens.
Les commissaires de l'Assemblée nationale se sont mis ensuite en marche pour l'église Notre-Dame, dans le même ordre. On a chanté le Te Deum> et on a fait prêter serment à M. de Lafayette de remplir fidèlement les fonctions de général. Le serment a été prêté au bruit du canon, des tambours et d'une musique militaire.
Après le Te Deum, les commissaires 6e sont rendus chez M. l'archevêque. A mesure qu'ils sortaient de l'archevêché ils étaient conduits par une garde bourgeoise au lieu de leur départ, et recevaient sur leur passage les honneurs militaires, au milieu des acclamations des citoyens.
Je dois ajouter que dans toutes les rues de Paris, comme dans la salle de l'Hôtel-de-Ville, on demandait à grands cris l'éloignement des nouveaux ministres et le retour de M. Necker. Les habitants de Paris enviaient le bonheur dont avait joui l'Assemblée nationale, et témoignaient le désir de voir leur monarque au milieu d'eux comme nous l'avions eu au milieu de nous.
Ainsi, Paris va jouir des douceurs de la paix. La milice bourgeoise préviendra tous les désordres ; elle sera commandée par un héros dont le nom est cher à la liberté dans les deux mondes, mais par un héros français qui sait tout à la fois aimer son prince et abhorrer l'esclavage.
Nous devons des regrets sans doute à tous les maux que la capitale a soufferts. Puisse-t-elle ne jamais revoir les terribles moments où la loi n'a plus d'empire ; mais puisse-t-elle ne plus éprouver le joug du despotisme 1 Elle est digne de la liberté ; elle la mérite par son courage et son énergie.
A qui peut-on reprocher le sang répandu ? N'est-ce pas aux perfides conseillers qui ont pu surprendre la religion du Roi, jusqu'au point de faire interdire par des soldats aux représeni tants de la nation, l'entrée du lieu ordinaire de leurs séances; de transformer l'Assemblée nationale en un lit de justice; de rassembler ensuite à grands frais une armée, dans un moment où les finances sont dans Je plus grand désordre, où i l'on éprouve une affreuse disette ; de porter cette armée à Paris, à Versailles et dans les environs, d'alarmer ainsi le peuple sur la sûreté personnelle de ses représentants ; de placer l'appareil de la guerre près du sanctuaire de la liberté, et d'éloigner des ministres vertueux qui jouissaient de la confiance publique ; d'intercepter le pas-sagje sur les routes de Paris à Versailles, et de traiter les sujets du Roi comme les ennemis de i l'Etat?
Sans doute il n'est aucun de nous qui n'eût I désiré de prévenir par tous les moyens possibles
les troubles de Paris ; mais les ennemis de la nation n'ont pas craint de les faire naître. Ces troubles vont cesser: la constitution sera établie: elle nous consolera, elle consolera les Parisiens de tous les malheurs précédents ; et parmi les actes du désespoir du peuple, en pleurant sur la mort de plusieurs citoyens, il sera peut-être difficile de résister à un sentiment de satisfaction en voyant la destruction de la Bastille, où sur les ruines de cette horrible prison du despotisme s'élèvera bientôt, suivant le vœu des citoyens de Paris, la statue d'un bon Roi, restaurateur de la liberté et du bonheur de la France.
L'Assemblée applaudit vivement à ce récit, et en ordonne l'insertion au procès-verbaU
Plusieurs membres demandent que M. le comte de Lally-Tollendal soit prié de lire le discours qu'il a prononcé à l'Hôtel-de-Ville. Toute l'Assemblée répète cette demande.
en fait lecture ; il est ainsi conçu :
Ce sont vos concitoyens, vos amis, vos frères, vos représentants qui viennent vous donner la paix. Dans les circonstances désastreuses qui viennent de s'effacer, nous n'avons pas cessé de partager vos douleurs ; mais nous avons partagé votre ressentiment; il était juste.
Si quelque chose nous console au milieu de l'affliction publique, c'est l'espérance de vous préserver des malheurs qui vous menaçaient.
On avait séduit votre bon Roi, on avait empoisonné son cœur du venin de la calomnie, on lui avait fait redouter cette nation qu'il a l'honneur et le bonheur de commander.
Nous lui avons été dévoiler la vérité : son cœur a gémi, il est venu se jeter au milieu de nous ; il s'est fié à nous, c'est-à-dire à vous ; il nous a demandé des conseils, c'est-à-dire les vôtres ; nous l'avons porté en triomphe, et il le méritait. Il nous a dit que les troupes étrangères allaient se retirer, et nous avons eu le plaisir inexprimable de les voir s'éloigner. Le peuple a fait entendre sa voix pour combler le Roi de bénédictions ; toutes les rues retentissent de cris d'allégresse. Il nous reste une prière à vous adresser : nous venons vous apporter la paix de la part du Roi et de l'Assemblée nationale. Vous êtes généreux, vous êtes Français. Vous aimez vos femmes, vos enfants, la patrie ; il n'y a plus de mauvais citoyens parmi vous ; tout est calme, tout est paisible. Nous avons admiré l'ordre de votre police, de vos distributions, le plan de yotre défense ; mais maintenant la paix doit renaître parmi nous, et je finis en vous adressant, au nom de l'Assemblée nationale, les paroles de confiance que le souverain a déposées dans le sein de l'Assemblée : Je me fie à vous. C'est là nôtre vœu ; il exprime tout ce que nous sentons.
Voilà le discours que j'ai cru devoir prononcer. C'est au nom de l'Assemblée que j'ai parié, et si j'ai reçu des applaudissements, ce n'a été que pour lui en offrir l'hommage.
J'ajouterai qu'il n'y a eu qu'un cri dans l'Hôtel-de-Ville, dans la place de l'Hôtel-de-Ville, dans toute la ville enfin, pour demander Féloignement des ministres, et le retour de l'homme vertueux qui est maintenant éloigné de la cour, et qui a si bien servi la patrie, de M. Necker enfin. Je n'ai pu vous taire le vœu de la capitale parce que mes concitoyens m'ont prié, m'ont conjuré de le déposer au milieu de vous ; et je ne cède qu'à
ma conscience, qu'à mon devoir, en vous portant l'ordre de mes commettants.
M. de Lally-Tollendal est vivement applaudi ; l'Assemblée ordonne l'insertion de son discours au procès-verbal.
M. le comte de Mirabeau fait lecture d'un discours suivi d'un projet d'adresse au Roi, tendant à lui demander le renvoi des ministres dont les conseils pervers ont causé dans la France des scènes si désastreuses.
lit son projet d'adresse; il est ainsi conçu :
Sire, nous venons déposer au pied du trône notre respectueuse reconnaissance pour la confiance à jamais glorieuse que Votre Majesté nous a montrée, et l'hommage que nous rendons à la pureté de vos intentions, à cet amour de la justice qui vous distingue si éminemment, et qui donne à l'attachement de vos peuples pour votre personne sacrée le plus saint et le plus durable des motifs.
Le renvoi des troupes est un bienfait inestimable, nous en connaissons toute l'étendue, mais il semble acquérir un nouveau prix, parce que nous le devons uniquement à vôtre cœur, à votre sollicitude paternelle. Vraiment digne de tenir les rênes de l'Etat, vous ne les avez pas abandonnées dans le moment le plus difficile à ceux qui voulaient, en multipliant les artifices, vous persuader de leur en laisser la conduite.
Vous avez remporté un triomphe d'autant plus cher à vos peuples, qu'il vous a fallu résister à des sentiments et à des affections auxquels il est honorable et doux d'obéir dans la carrière d'une vie privée. Un des plus pénibles devoirs du poste élevé que vous remplissez, c'est de lutter contre l'empire des préférences et des habitudes.
Mais, Sire, une funeste expérience vient de nous montrer que de sinistres conseils, quoiqu'ils aient été pour Votre Majesté l'occasion d'exercer une grande et rare vertu, nous ont fait acheter au prix de la tranquillité publique, au prix du sang de nos concitoyens, le bien que nous eussions d'abord obtenu de la justesse de votre esprit et de la bonté de votre cœur.
il est même certain que, sans ces perfides conseils, ces troupes, dont Votre Majesté nous a daigné accorder la retraite, n'auraient point été appelées.
Ils ont trompé Votre Majesté ; une détestable politique s'est flattée de vous compromettre avec vos fidèles sujets ; nos ennemis on espéré que des excès de notre part ou des emportements du peuple justifieraient l'emploi des moyens dont ils avaient su se prémunir ; ils ont espéré faire des coupables afin de se donner des droits contre la nation ou contre nous; ils auraient surpris à votre religion, à votre amour pour l'ordre, des commandements qui, pouvant être exécutés à l'instant même, auraient créé dans la; France un déplorable état de choses, mis l'aliénation à la place de la confiance et fait avorter toutes vos intentions généreuses parce que, heureux dans le prolongement du désordre et de l'anarchie, ces nommes hautains et indépendants redoutent une constitution et des lois dont ils ne pourront pas s'affranchir.
Sire, où prétendaient-ils vous conduire ? où aboutissait le plan funeste qu'ils avaient osé méditer?
Il n'est douteux pour aucun de nous, qu'ils se proposaient de disperser l'Assemblée nationale et même de porter des mains sacrilèges sur les re-
présentants de la nation ; ils auraient voulu effa- J vous représenter comment se conduiraient dans cer, anéantir ces nobles, ces touchantes décla- cette catastrophe les auteurs de ces turpitudes, rations de votre bouche, connues, admirées de Diminueraient-ils leurs profusions ? Donneraient-l'univers entier ; ils auraient voulu remettre en ils l'exemple de l'obéissance aux lois, du res-vos mains la puissance des impôts que vous avez pect pour une nation généreuse ? Est-ce bien déclarée appartenir au peuple ; ils se seraient ef- dans la vue de régénérer le royaume qu'ils ont forcés d'intéresser les parlements à vous prêter cherché à étouffer l'esprit public dans sa nais-leur ministère ; ils se seraient associés dans votre sance, à établir la défiance entre vous et l'Assem-capitale avec des aventuriers agioteurs, avec ces blée nationale, à interrompre le commerce de vampires dont tout l'art est de pressurer vos peu- sagesse et de bons conseils qui doit s'établir pies pour verser dans votre trésor ce métal, à la entre le peuple et son Roi? possession duquel aboutissait cette atroce poli- Nous avons écarté jusqu'ici la supposition du tique; ils auraient enlin, par impuissance et plus grand des malheurs ; mais nous ne le dissi-aprèsune longue suite de malheurs, violé la foi muterons pas: ces ministres auraient compromis publique, et déshonoré votre règne..... Vous le repos de votre règne. Etaient-ils bien sûrs, nous arrêtez, Sire, votre humanité se révolte; vous ces artisans de violence, que tout eût fléchi sous nous accusez de charger de couleurs sombres des l'impétuosité de leurs mouvements ; que le déprojets avec lesquels vous ne pensez pas qu'au- sespoir des peuples eût été facile à contenir ; cun homme ait été assez téméraire pour vous que 25 millions de Français eussent subi approcher. les lois de leur despotisme ; que les soldats natio-Mais, Sire, nous jugeons par ce qu'ils ont fait, naux, indifférents à la liberté, indifférents aux de ce qu'ils voulaient faire ; ils nous ont calom- lois qui pourtant les protègent lorsqu'après le niés; ils vous ont fait supposer que l'Assemblée service ils rentrent dans l'ordre civil, n'auraient nationale ne s'occuperait pas des travaux dont point opté entre l'obéissance du soldat et les elle était chargée; ils vous ont fait déclarer que devoirs du citoyen? Avaient-ils des pactes avec les vœux des peuples vous étant connus par leurs les princes étrangers? Etaient-ils certains que la cahiers, vous feriez seul le bien pour lequel nous politique offensive, les prétentions, les anciens étions convoqués. Voilà le secret de leur cœur et droits, les jalousies, les vengeances seraient res-le but unique de leurs désirs. Ils ont voulu nous tées assoupies ? N'ont-ils pas exposé le royaume rendre inutiles; ils ont voulu nous dissoudre; I à tous les maux qui ne manquent jamais de fon-ils ont voulu repousser la constitution et l'étouf- dre sur un pays rempli de discordes, que sa fer dans son berceau même. faiblesse et sa désunion désignent comme une
Qu'ils nous le disent, s'ils l'osent : la nation proie?
aurait-elle pris de la confiance dans les travaux Vous avez daigné, Sire, nousappeler pour con-
ministériels ? Eh ! quels autres que des ministres sulter avec vous du bien de l'Etat: ainsi, nous
l'ont conduite à l'état désastreux où elle se avons le dépôt sacré de votre confiance et du
trouve? Aurait-elle oublié que nul impôt n'est mandat de la nation, et nous ne saurions être
légal sans son consentement; que l'emprunt sup- suspects puisqu'on ne peut nous supposer un
posant l'impôt, ne peut mériter aucune confiance autre intérêt que le bien public, essentiellement
s'il n'est ordonné par elle; que la force n'est le vôtre. Eh bien! Sire, sous ce double rapport,
qu'un brigandage lorsqu'on l'emploie pour arra- n0us serions prévaricateurs si nous pouvions
cher des contributions, non-seulement condam- vous taire une partie de la vérité,
nées par les principes, mais solennellement dé- Votre sagesse a prévenu les plus grands mal-
clarées illégales par Votre Majesté ? heurs mais YOtre indulgence ne doit pas proté-
U aurait donc fallu bientôt convoquer une As- ger ceux qui ont creusé sous nos pas i>abîmeque
semblée nouvelle ; mais sur quel fondement les yOUS veileZ (je fermer
ministres avaiént-ils pensé que nos successeurs n mt aient voulu noug arracher Paf_
seraient momffermes que nous, qu ils combat- fection de^ot Majesté if m ,jls aient rig.
traient moins les usurpations feodales, quils re- éde mêler votre Jn0I11'aux calamités qu'ils pré-
clameraient moins les droits du peuple qu ils 5araient aux peuples, pour que nous ne voyions
trahiraient la cause de la liberte? Cette seconde iamnj,, Pn p„v iP= Hipnpî ™nnpraipnr? ri* vn «an-
Assemblée nationale aurait été faible et timide, CStraJa^x cooperateurs de vos su-
que'son^népns^ ou^erme ^ans prin^pes^ « nous est impossible d'accorder aucune con-
?néhranlablft dans ses demandes U auraU fallil «ance à un homme qui, ayant acquis des droits
Si les ministres avaient espéré que la banque- T^LtVZ Z l i SlSii P!S
route pouvait dispenser de recourir à la nation, a f^^Sc? ood^o? îïï
la première, la plus sacrée des intentions de nous ataitcmo^ tous les
Votro Majesté était trahie. Mais quel en eût été maux que la guerre do t en écarter.
le résultat? Le désespoir des uns, l'indignation Il nous est impossible d accorder aucune con -
de tous, la haine de l'autorité auraient nécessité tance à un chef de la justice qui s est montré le
des dépenses incalculables; l'Etat n'eût été dé- plus ardent ennemi d une constitution sans la-
livré d'un fardeau que pour en porter un plus quelle tout ordre judiciaire, meme avec des ma-
accablant, car on ne peut concevoir le travail glstra's vertueux, n est qu un redoutable jeu de
associé au courage, réparant avec usure les sa- hasard, et abusant des droits que lui donne
crifices que le bien public exige ; mais l'indus- sa place sur toutes les presses du royaume, s est
trie productive et laborieuse fait place à l'abatte- 0PP°f de toute sa puissance a la circulation des
ment et à l'oisiveté partout où règne la misère. I lumières.
La banqueroute, dans ces conjectures fatales, I II nous est impossible d'accorder jamais aucune
n'eût donc fait que dessécher toutes les sources confiance au ministre qui, contre les intentions
de la prospérité, et ajouter à la pauvreté une in- I connues du Roi, n'a pas craint, aux yeux de la
digence plus triste et plus oppressive. I nation assemblée, de prodiguer les ordres arbi-
Jugez, Sire, de l'avenir par le passé, et daignez I traires à l'active inquisition, qui ne voit que
dans la perfection de l'espionnage le salut des empires.
La nation croira-t-elle que l'harmonie soit parfaite entre Votre Majesté et nous, si le ministère est suspect, si on le regarde comme l'ennemi de nos travaux, si on croit qu'il n'a cédé un moment à la nécessité et à votre sagesse que pour nous envelopper incessamment de nouveaux pièges ?
Des inconvénients de toute espèce résultent de la défiance ouverte entre nous et les ministres ; nous avons plus que des soupçons de leurs intentions hostiles ; ils ont plus que des doutes des sentiments qu'ils ont provoqués dans nos cœurs : le prince, ami de ses peuples, doit-il être environné de nos ennemis?
Nous ne prétendons point dicter le choix de vos ministres, ils doivent vous plaire : être agréable à votre cœur est une condition nécessaire pour vous servir; mais, Sire, quand vous considérerez la route funeste où vos conseillers voulaient vous entraîner, quand vous songerez au mécontentement de la capitale qu'ils ont assiégée et voulu affamer, au sang qu'ils y ont fait couler, aux horreurs qu'on ne peut imputer qu'à eux seulfl, toute l'Europe vous trouvera clément si vous daignez leur pardonner.
Celte adresse est vivement applaudie et vivement appuyée.
Plusieurs membres ajoutent à la demande proposée par M. de Mirabeau le rappel de M. Necker ; cette demande est appuyée par acclamation.
Quoique en principe il soit vrai que l'Assemblée n'a pas le droit de demander ni le renvoi d'un ministre, ni le rappel d'un autre, il n'est pas moins vrai cependant que, lorsqu'un ministre n'a la confiance, ni de la nation, ni de ses représentants, l'Assemblée nationale peut et doit déclarer qu'elle ne correspondra point avec lui sur les aftaires du royaume, et qu'alors le renvoi d'un tel ministre devient nécessaire ; mais il n'en est pas de même du rappel d'un ministre renvoyé, parce que, parla même raison qu'on ne peut pas forcer l'Assemblée nationale à correspondre avec un conseiller du Roi qu'elle n'estime point, on ne peut contraindre le Roi à reprendre le ministre qui a pu lui déplaire; je pense qu'on ne peut pas demander le retour de M. Necker, et qu'il faut se borner à exprimer à cet égard le vœu de l'Assemblée et celui de la ville de Paris, si hautement proclamé et d'une manière si terrible.
annonce que M. de Villedeuil a donné sa démission.
observe que cette nouvelle ne doit pas empêcher la déclaration.
dépose un projet d'adresse ainsi conçu :
« Sire, la justice est le premier devoir des rois, la rendre est le plus bel attribut du trône. Daignez nous rendre, Sire, un ministre que la nation ne cesse de demander à son Roi, comme des enfants à leur père: le jour qui le rendra à l'administration sera un des plus beaux jours de votre règne* »
Plusieurs membres de la noblesse qui s'étaient
momentanément absentés, étant rentrés, déposent sur le bureau une déclaration conçue en ces termes :
« Messieurs, la fidélité que plusieurs membres de la noblesse devaient à leurs commettants ne leur a pas permis jusqu'à présent de prendre part à vos délibérations ; mais les circonstances actuelles, si intéressantes pour le bien public, sont trop impérieuses pour ne pas les entraîner ; persuadés qu'ils ne font que prévenir le vœu de leurs commettants, auxquels ils vont en rendre compte, ils ont l'honneur de vous annoncer qu'ils donneront désormais leurs voix sur les objets qui vont occuper l'Assemblée nationale. »
Les députés de la noblesse de Paris déclarent qu'attendu que la déclaration précédente établit l'unanimité absolue de l'Assemblée en faveur de l'opinion par tête, ils vont prendre voix délibé-rative dans l'Assemblée.
au nom de presque tous les membres du clergé, fait une semblable déclaration.
prononce à ce sujet un discours qui est vivementapptaudi.il dit entre autres choses, que le courage avec lequel les membres du clergé sont restés fidèles à leurs mandats, annonce à l'Assemblée nationale le courage qu'ils mettront désormais à défendre les principes et les droits de la nation.
On reprend la motion pour le renvoi des ministres et le rappel de M. Necker.
Il est à craindre que la demande faite par le préopinant ne porte quelque atteinte à la liberté et à la puissance que le Roi doit avoir dans la formation de son conseil et du ministère. Refuser sa confiance à un ministre à qui le Roi a donné la sienne, serait de la part de l'Assemblée nationale une manière indirecte d'obliger le Roi à le renvoyer, et un tel droit dans l'Assemblée y ferait naître une multitude d'intrigues pour faire tomber du ministère ses ennemis, et pour s'y faire porter soi-même ; c'est là un des plus grands abus du parlement d'Angleterre et une des causes qui portent le plus d'orages, soit dans la constitution, soit dans le ministère. Mon avis est donc qu'on peut demander le rappel de M. Necker, mais uniquement parce que le Roi a demandé hier des conseils à l'Assemblée nationale pour le retour de la paix, et que le meilleur qu'elle puisse lui donner, c'est le rappel de M. Necker.
Je n'ai point dit qu'il fallait exiger du Roi le renvoi des ministres, mais qu'il fallait l'inviter à les renvoyer ; que l'Assemblée nationale, par sa puissance et par sa communication avec le Roi, est nécessitée à avoir de l'influence sur ses ministres, et que partout où il existe une nation libre, elle doit avoir et peut exercer cette influence.
. Dans une circonstance aussi urgente, je pourrais éviter toute controverse, puisque le préopinant, obligé de convenir avec nous que le Roi nous ayant consultés, nous avons le droit et le devoir de lui proposer ce que nous croirons opportun, ne s'oppose point à l'adresse pour Je renvçi des ministres. Mais je ne crois pas qu'il soit jamais permis dans cette Assemblée de laisser sans réclamation, violer, même dans un discours, les
principes, et de composer avec les amours-propres aux dépens de la vérité.
S'il est une maxime impie et détestable, ce serait celle qui interdirait à l'Assemblée nationale de déclarer au monarque que son peuple n'a point de confiance dans ses ministres. Cette opinion attaque à la fois et la nature des choses, et les droits essentiels du peuple, et la loi de la responsabilité des ministres, loi que nous sommes chargés de statuer; loi plus importante encore, s'il est possible, au Roi qu'à son peuple; loi qui ne sera jamais librement en exercice si les représentants du peuple n'ont pas l'initiative de l'accusation: qu'il me soit permis de m'exprimer ainsi.
Eh! depuis quand les bénédictions et les malédictions du peuple ne sont-elles plus le jugement des bons ou des mauvais ministres? Pourquoi une nation qui est représentée, s'épuiserait-elle en vains murmures, en stériles imprécations, plutôt que de faire entendre le vœu de tous par ses organes assermentés? Le peuple n'a-t-il pas placé le trône entre le ciel et lui, atin de réaliser, autant que le peuvent les hommes, la justice éternelle, et anticiper sur ses décrets du moins pour le bonheur de ce monde?
Mais vous voulez donc confondre les pouvoirs?
Nous aurons bientôt occasion d'examiner cette théorie des trois pouvoirs, laquelle exactement analysée montrera peut-être la facilité de l'esprit humain à prendre des mots pour des choses, des formules pour des arguments, et à se routiner vers un certain ordre d'idées, sans revenir jamais à examiner l'intelligible définition qu'il a prise pour un axiome.
Les valeureux champions des trois pouvoirs tâcheront alors de nous faire comprendre ce qu'ils entendent par cette grande locution des trois pou-voirs; et par exemple, comment ils conçoivent Je pouvoir judiciaire distinct du pouvoir exécutif, ou même le pouvoir législatif sans aucune participation au pouvoir exécutif.
11 me suffit aujourd'hui de leur dire: vous oubliez que ce peuple, à qui vous opposez les limites des trois pouvoirs, est la source de tous les pouvoirs, et que lui seul peut les déléguer. Vous oubliez que c'est au souverain que vous disputez le contrôle des administrateurs. Vous oubliez enfin que nous, les représentants du souverain, nous devant qui sont suspendus tous les pouvoirs, et même ceux clu chef de la nation s'il ne marche point d'accord avec nous, vous oubliez que nous ne prétendons point à placer ni déplacer les ministres en vertu de nos décrets, mais seulement à manifester l'opinion de nos commettants sur tel ou tel ministre.
Et comment nous refuseriez-vous ce simple droit de déclaration, vous qui nous accordez celui de les accuser, de les poursuivre, et de créer le tribunal qui devra punir ces artisans d'iniquités dont, par une contradiction palpable, vous nous proposez de contempler les œuvres dans un respectueux silence? Ne voyez-vous donc pas combien je fais aux gouverneurs un meilleur sort que vous, combien je suis plus modéré? Vous n'admettez aucun intervalle entre un morne silence et une dénonciation sanguinaire. Se taire ou punir, obéir ou frapper, voilà votre système. Et moi, j'avertis avant de dénoncer, je récuse avant de flétrir, j'offre une retraite à i'inconsi-dération ou à l'incapacité avant de les traiter de crimes. Qui de nous a plus de mesure et d'équité?
Mais voyez la Grande-Bretagne! Que d'agita-
tions populaires n'y occasionne pas ce droit que vous réclamez! C'est lui qui a perdu l'Angleterre..... L'Angleterre est perdue! Ah! grand
Dieu! quelle sinistre nouvelle! Eh! par quelle latitude s'est-elle donc perdue? ou quel tremblement de terre, quelle convulsion de la nature a englouti cette île fameuse, cet inépuisable foyer de si grands exemples, cette terre classique des amis de la liberté?.... Mais vous me rassurez.... L'Angleterre fleurit encore pour l'éternelle instruction du monde: l'Angleterre répare dans un glorieux silence les plaies qu'au milieu d'une fièvre ardente elle s'est faite! L'Angleterre développe tous les genres d'industrie, exploite tous les filons de la prospérité humaine, et tout à l'heure encore elle vient de remplir une grande lacune de sa constitution avec toute la vigueur de la plus énergique jeunesse et l'imposante maturité d'un peuple vieilli dans les affaires publiques.... Vous ne pensiez donc qu'à quelques dissensions parlementaires, (là comme ailleurs, ce n'est souvent que du parlage qui n'a guère d'autre importance que l'intérêt de la loquacité); ou plutôt c'est apparemment la dernière dissolu-lution du parlement qui vous effraie.
Je ne vous dirai pas que, sur votre exposé, il est évident que vous ignorez les causes et les détails de ce grand événement, qui n'est point une révolution, comme vous l'appelez; mais je vous dirai que cet exemple offre la preuve la plus irrésistible que l'influence d'une Assemblée nationale sdr les ministres ne peut jamais être désastreuse, parce qu'elle est nulle, cette influence, aussitôt que le sénat en abuse. .
Qu'est-il arrivé, en effet, dans cette circonstance rare où le roi d'Angleterre, étayé d'une très-faible minorité, n'a pas craint de combattre la formidable Assemblée nationale et de la dissoudre? Soudain l'édifice fantastique d'une opposition colossale s'est écroulé sur ses frêles fondements, sur cette coalition cupide et factieuse qui semblait menacer de tout envahir. Eh! quelle est la cause d'un changement si subit? c'est que le peuple était de l'avis du Roi et non de celui du parlement. Le chef de la nation dompta l'aristocratie législative par un simple appel au peuple, à ce peuple qui n'a jamais qu'un intérêt, parce que le bien public est essentiellement le sien. Ses représentants, revêtus d'une invisible puissance, et presque d'une véritable dictature, quand ils sont les organes de la volouté générale, ne sont que des pygmées impuissants, s'ils osent substituer à leur mission sacrée des vues intéressées ou des passions particulières.
Livrons-nous donc sans crainte à l'impulsion de l'opinion publique; loin de redouter, invoquons sans cesse le contrôle universel; c'est la sentinelle incorruptible de la patrie; c'est le premier instrument auxiliaire de toute bonne constitution; c'est l'unique surveillant, le seul et puissant compensateur de toute constitution vicieuse; c'est le garant sacré de la paix sociale, avec laquelle nul individu, nul intérêt, nulle considération ne peut entrer en balance.
Il faut empêcher la réunion des pouvoirs; il faut que L'Assamblée nationale ne confonde pas les pouvoirs exécutif et législatif. Quand on fera la constitution, on posera des limites sacrées à chacun de ces pouvoirs; en attendant, il n'est pas de la dignité de la nation d'avoir de l'influence sur le choix dés ministres.
Sans examiner
la nature des pouvoirs exécutif et législatif, il est certain que la nation a le droit de contrôler l'emploi que les ministres font de l'autorité royale.
Messieurs, vous êtes tous d'accord, mais aucun de vous n'a prononcé le véritable mot. On ne peut pas demander le renvoi des ministres, mais on peut les dénoncer.
Je crois qu'il ne convient pas de demander le rappel de M. Necker. Les représentants de la nation ont fait pour ce ministre tout ce qu'ils pouvaient faire en lui témoignant leur estime et leurs regrets dans un de leurs derniers arrêtés; et le Roi, qui a bien entendu à cet égard et le^ vœux de l'Assemblée nationale et celui de la ville de Paris, les remplira sans doute de lui-même.
Messieurs, nous l'avons vu, nous l'avons entendu, dans les rues, dans les carrefours, sur les quais, dans les places, il n'y avait qu'un cri, le rappel de M. Necker. Tout ce peuple immense nous priait de redemander M. Necker au Roi. Les prières d'un peuple sont des ordres; il faut donc que nous demandions le rappel de M. Necker.
Cet avis réunit tous les esprits. Il est décidé qu'il sera envoyé une députation au Roi, pour lui demander le renvoi des ministres et le rappel de M. Necker.
La rédaction de cette adresse est renvoyée au comité.
lit une lettre de M. le maréchal de Broglie, qui annonce les ordres de détail donnés pour le prompt éloignement des troupes de Paris.
Elle est ainsi conçue:
A M. le président de VAssemblée nationale.
Monsieur le président,
c J'ai l'honneurdevous prévenir que Sa Majesté, qui m'avait appelé auprès de sa personne, pour me charger du commandement des troupes qu'elle avait fait approcher de sa capitale, m'a donné ordre de les faire partir pour retourner dans leurs garnisons respectives et qu'en conséquence, le Roi a fait expédier des ordres, pour que les régiments qui sont ici, à Sèvres et à Saint-Cloud, en partent demain 17, pour se rendre à Saint-Denis et y remplacer ceux qui y sont réunis, lesquels reprendront aussi, demain 17, les routes qu'ils avaient tenues pour venir des différentes frontières. Les troupes qui arriveront demain à Saint-Denis en repartiront le 18 pour retourner de même dans leurs garnisons.
« Signé : Maréchal DE BROGLIE. »
Monsieur l e Président lit ensuite une lettre de M. le premier président du parlement de Paris, dont la teneur suit :
« M. le président, le parlement m'a chargé de faire part à l'Assemblée nationale d'un arrêté qu'il vient de prendre ce matin.
« Je m'empresse de remplir cette mission en vous adressant une copie de cet arrêté.
« Je suis avec respect, monsieur le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
.« Bochard de Saron. »
On fait lecture de l'arrêté: « La cour, instruite par la réponse du Roi, du jour d'hier, à l'Assemblée nationale, de l*brdre donné aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles;
« À arrêté que M. le premier président se retirera à l'instant par devers ledit seigneur Roi, à l'effet de le remercier des preuves qu'il vient de donner de son amour pour ses peuples, et de sa confiance dans ses représentants, dont le zèle et le patriotisme ont contribué à ramener la tranquillité publique.
« Arrête que M. le premier président fera part de l'arrêté de ce jour à l'Assemblée nationale. »
observe que, dans cette lettre le parlement de Paris semble traiter de corps à corps avec l'Assemblée nationale; et que puisque M. le premier président se reîirait devers le Roi, il pouvait bien aussi retirer par devers l'Assemblée nationale.
Cette observation est appuyée par MM. les ducs d'Aiguillon, de Luynes, de PVaslin, de la Rochefoucauld.
MM. Duport, Le Pelletier de Saint-Fargeau et Fréteau tâchent d'excuser la compagnie, sur ce que, dans un ordre si nouveau, elle a bien pu ne pas connaître encore toutes les convenances.
On se disposait à aller aux voix sur le projet d'adresse de M. le comte de Mirabeau, lorsqu'on annonce le renvoi de tous les ministres.
Dans le moment il a été résolu d'envoyer une députation au Roi, pour le remercier au nom de l'Assemblée nationale.
On nomme les membres de cette députation qui est composée de:
CLERGE.
MM.
MM.
Ruffo de Laric, évêque de Lasmartres,
Saint-Flour ; Mesnard;
De La Rochefoucauld, évê- Morel ;
que de Beau vais ; Lalande.
NOBLESSE.
MM.
D'Harembure; De Lannoy ; De Crussol d'Amboise ;
MM.
De Dieuzie ; De Toustain ; De Ferrières*
COMMUNES.
MM.
Duval de Grandpré : Hell;
Verchère de Reffye ; Lesure ; Gossin ; Lanjuinais ;
MM,
Grangier ; Tellier ; Boullé; Auvry ;
Jouy-Desroches; De Neuville.
Un député de la noblesse dit? avant le départ de la députation, qu'il est autorisé à annoncer que, d'après les vœux des Parisiens, le Roi a résolu d'aller se montrer à eux dans la capitale, et qu'il
invite l'Assemblée à faire connaître sa résolution à sa bonne ville de Paris.
Il est arrêté qu'une députalion partira dans l'instant pour instruire la capitale de cette nouvelle satisfaisante.
Cette députation est composée de la façon suivante :
CLERGE.
MM.
MM,
Leclerc de Juigné, arche- Texier, chanoine de Char-
vêque de Paris; très:
Gouttes, curé d'Argellier;
NOBLESSE
MM.
Le prince de Poix ; Le comte de Lachâtre;
MM.
Le comte de Puisaie.
COMMUNES.
MM.
Perret de Trégadoret ; Perrin de Rozières, Long;
MM. Riberolles ;
Gillet de Lajncqueminière. Millanois,
II est arrêté ensuite que le Roi sera prié de permettre qu'une nombreuse députation de l'Assemblée nationale l'accompagne lors de son entrée dans Paris.
La députation déjà nommée se rend chez le Roi. Elle est bientôt de retour.
rapporte que le Roi accepte la députation proposée pour l'accompagner; que Sa Majesté, en lui annonçant le rappel de M. Nec-ker, et pour donner une nouvelle preuve de sa confiance en l'Assemblée nationale, lui a remis la lettre qu'elle a écrite à ce sujet ; elle invite l'Assemblée nationale à la lui envoyer à Bruxelles, où il doit être encore.
L'Assemblée arrête qu'elle joindra à la lettre du Roi, une lettre signée par le président et par les secrétaires.
La lettre est rédigée dans l'instant et lue dans l'Assemblée qui l'adopte ainsi qu'il suit :
« A Versailles, le
« L'Assemblée nationale, Monsieur, avait déjà consigné, dans un acte solennel, que vous emportiez son estime et ses regrets; cet honorable témoignage vousa été adressé de sa part, et vous devez l'avoir reçu.
« Ce matin elle avait arrêté que le Roi serait supplié de vous rappeler au ministère. C'était toul à la fois son vœu qu'elle exprimait, et celui de la capitale qui vous réclamait à grands cris. -
« Le Roi a daigné prévenir notre demande. Votre rappel nous a été annoncé de sa part. La reconnaissance nous a aussitôt conduits vers Sa Majesté, et elle nous a donné une nouvelle marque de confiance, en nous rèmeitant la lettre qu'elle vous avait écrite, et en nous chargeant de vous l'adresser.
« L'Assemblée nationale, Monsieur, vous presse de vous rendre au désir de Sa Majesté; vos talents et vos vertus ne pouvaient recevoir ni une récompense plus glorieuse, ni un plus puissant encouragement.
« Vous justifierez notre confiance ; vous ne préférerez pas votre propre tranquillité à la tranquillité publique.
« Vous ne vous refuserez pas aux intentions bienfaisantes de Sa Majesté pour ses peuples. Tous les momeuts sont précieux. La nation, son Roi et ses représentants vous attendent.
i Signé : jean-georges, archevêque de Vienne, président; le comte de Làlly-Tollen-dal, Mounier, secrétaires. »
L'Assemblée en ordonne l'envoi. Les dMix lettres sont remises par les secrétaires à M. l)u-fresne de Saint-Léon, ami de M. Necker, qui part 5 l'instant pour Bruxelles.
La députation de cent membres destinée à accompagner le Roi à Paris est ensuite formée et composée de:
CLERGE»
MM.
MM
Bonnefoy, chanoine de Thiers ;
Hingarit, curé d'Andel ;
Clerget, curé d'Ornans ;
De Lafare, évêque de Nancy ;
Dusson de Bonnac, évêque d'Agen ;
Desvernay, curé de Ville-francho ;
De Béthisy de Mezières, évêque d'Uzès;
Rigouard, curé de Solliès-Îa-Fallède ;
De Donnai, évêque de Clermont ;
Rivière, curé de Vie;
L'évêque de Tournay ;
Couturier,curé de Salives;
Grégoire, curé d'Ember -
nieni
n
Aubert, curé de Couvignon :
Vallet, curé de Saint-Louis ;
Dubois, curé de Saintô Madeleine de Troyes;
Hurault, curé de Broyés ;
Landreau, curé de Mora* gne;
Champion de Cicé, évêque d'Auxerre ;
Lagoille de Lochefontaine, chanoine de Reims ;
Toitzet, curé de Sainte -Terre ;
Landrin, curé de Garen-cières.
Fougère, curé de Saint-Laurent de Nevers;
Laporfe, curé de Saint-Martial d'Hautefort ;
Dcsaionliers de Mcriaville, évêque de Dijon.
NOBLESSE,
MM.
De la Tour-du-Pin ; D'Avaray ;
Charles de Lameth ; De Paroy ; De Lamarck ; Marquis de Grillon De Virieu ; De Lévis; De Lencosne; j De Crussol d'Âmboise; De Champagny ; D'Aigalliers ; De Beauharnais.
MM
Du Hauloy ; De Lablache ; D'Aurillac ; D'Aguesseau ; De Cernon; De Luynes ; De Pardieu ; De Robecq; De Latouche; De Toulouse-Lautrec D'Arcy ;
Lassigny de Juigné.
COMMUNES.
MM.
Bignan ; Gantheret ; Dubois-Maurin ; Dumetz ;
De Thébaudière ; Bouvier; Ardurant ; Sous telle ; lkullé; ^climîtz ; Champ eaux
MM.
Ledéan ; Le Sacher; Daude;
Brunet de Latuque; Garat l'alné; Vieillard de Coutancës ; De Chomorceau; Dinochau ; Desec >ules ; Tournyol ; Ango ;
MM.
Faydel ; Deulnau ; Augier ; Tellier ;
Dutrou-Bornier; Bérenger;
Poulain de Beauchêne; Girod de Chévry ; Boissy d'Anglas ; Bourdon ; Caslellanet; -Dupré de Carcassonne ; Burdelot ; Laloy ;
MM. Grenot ;
Parent de Chassy; Vaillant ; Arriveur ; De Neuville ; Terrats ; Périer ;
Valentin Bernard; Le Bois-des-Guays ; De Viefville des Essarts; Manhiaval ; Maranda ;
Simon de Maibelle ; Ludières.
La séance est levée et renvoyée à demain dix heures du matin.
Séance du
invite les membres de l'Assemblée à se trouver sur le passage du Roi, qui, pour répondre aux vœux des citoyens de Paris, se rend aujourd'hui dans la capitale.
Tous les membres sortent de l'Assemblée, le Roi passe au milieu d'eux et d'une foule innombrable, accompagné de citoyens armés, précédé et suivi des acclamations de tout le peuple.
L'Assemblée étant rentrée, on fait lecture de diverses lettres et adresses écrites par les municipalités de Nancy, de Châtellerault, de Saint-Remi en Provence, et de Landernau. Ces adresses contiennent une entière adhésion aux arrêtés pris par l'Assemblée.
dit qu'il a écrit au premier président du parlement, pour lui annoncer que l'Assemblée avait pensé qu'il convenait que la communication de l'arrêté pris par le parlement lui eût été faite par une députation plutôt que par une simple lettre.
lit un projet dérèglement préparé par le comité. On demande qu'il en soit fait des copies pour être envoyées dans les bureaux; ce qui est ordonné.
La séance est renvoyée au soir sept heures et demie.
Séance du soir«
On fait lecture d'une délibération de la ville de Besançon et de celle de Romans. Elles contiennent les expressions de la joie publique sur la réunion des députés des trois ordres.
Au retour du Roi, l'Assemblée s'est rendue sur son passage pour recevoir Sa Majesté, qui est arrivée avec le même cortège qui l'avait suivi Je matin lorsqu'il s'était rendu à Paris.
qui avait accompagné le Roi à Paris, faille récit des témoignages d'amour que Sa Majesté a reçus dans la capitale.
Le Roi, arrivé à Paris vers trois heures, l'a
traversé en voiture, sans gardes, entouré de la députation de l'Assemblée nationale, entre deux haies de milice bourgeoise, précédé et suivi de cette même milice, tant à pied qu'à cheval. Sa Majesté a été reçue à l'entrée de la ville par le corpg municipal ; et M. Bailly, remplissant les fonctions de prévôt des marchands, lui a adressé le discours suivant :
c Sire, j'apporte à Votre Majesté les clefs de sa bonne ville de Paris; ce sont les mêmes qui ont été présentées à Henri IV. Il avait reconquis son peuple; ici, c'est le peuple qui a reconquis son Roi.
« Votre Majesté vient jouir de la paix qu'elle a rétablie dans sa capitale; elle vient jouir de l'amour de ses lidèles sujets.'G'est pour leur bonheur que Votre Majesté.a rassemblé près d'elle les représentants de la nation, et qu'elle va s'occuper avec eux à poser les bases de la liberté et de la prospérité publique. Quel jour mémorable que celui où Votre Majesté est venue siéger en père au milieu de cette famille réunie, où eîle a été reconduite à son palais par l'Assemblée nationale entière, gardée par les représentants de la nation, pressée par un peuple immense ! Elle portait dans ses traits augustes l'expression de la sensibilité et du bonheur, tandis qu'autour d'elle on n'entendait que des acclamations de joie, on ne voyait que des larmes d'attendrissement et d'amour. Sire, ni votre peuple, ni Votre Majesté n'oublieront jamais ce grand jour: c'est le plus beau de la monarchie ; c'est l'époque d'une alliance auguste et éternelle entre Je monarque et le peuple. Ce trait est unique; il immortalise Votre Majesté. J'ai vu ce beau jour; et, comme si tous les bonheurs étaient faits pour moi, la première fonction de la place où m'a conduit le vœu de mes concitoyens est de vous porter l'expression de leur respect et de leur amour. »
Le Roi est entré dans la grande salle de l'Hôtel-de-Ville à quatre heures vingt minutes, accompagné de MM. le duc de Villeroi, le maréchal de Beauvau, le duc de Villequier et le comte d'Es-taing. Les cris de vive le Roi ! dont la salle a retenti jusqu'à ce que Sa Majesté fût placée sur son trône, avaient un caractère de bonheur et de sensibilité quaucunes paroles ne pourraient exprimer. M. Bailly a présenté au Roi une cocarde semblable à celle que les citoyens ont adoptée. Sa Majesté l'a reçue et l'a tenue constamment à son chapeau. L'attendrissement dont Sa Majesté était pénétrée s'est peint dans sa physionomie et dans tous ses mouvements, d'une manière qui ajoutait encore à l'émotion des assistants.
Lorsqu'on a pu calmer ce tumulte et qu'on a obtenu le silence, M. Moreaude Saint-Méry, président de Fassembléedes électeurs, a adressé au Roi un discours où il a fait observer à Sa Majesté combien ce peuple, qui faisait éclater des transports si vrais et si universels, méritait peu qu'on eût osé calomnier ses intentions à l'égard de son Roi. « Sire, a-t-il dit, vous n'avez plus qu'à vous répéter cette grande et touchante vérité : Le trône des Rois n'est jamais plus solide que lorsqu'il a pour base Vamour et la fidélité des peuples. A ce titre, le vôtre sera inébranlable. »
M. Etliis de Corïiy, en qualité de procureur du Roi delà ville, a pris la parole et a requis que, pour consacrer l'époque de ce grand jour, il fût élevé un monument à Louis XVI, regénérateur de la liberté publique, restaurateur de la prospérité nationale, le père du peuple français.
Le Roi a voulu parler; mais l'émotion trop forte dont il était pénétré ne lui a pas permis de
prononcer son discours. M. Bailly s'est approché ae Sa Majesté, et après avoir reçu se3 ordres, a dit que le Roi était venu pour calmer les inquiétudes qui pouvaient encore subsister sur les dispositions qu'il avait fait connaître à la nation, et pour jouir de la présence et de l'amour de son peuple ; que Sa Majesté désirait que la paix et le calme se rétablissent dans la' capitale ; que tout y rentrât dans l'ordre accoutumé ; et que, s'il survenait quelque infraction aux lois, les coupables fussent livrés à la justice.
M. Bailly ayant dit ensuite que Sa Majesté permettait de parler, Mi le comte de Lallv-Tollendal s'est levé, et a dit :
« Eh bien! citoyens, êtes-vous satisfaits? Le voilà ce Roi que vous demandiez à grands cris, et dont le nom seul excitait vos transports, lorsqu'il y a deux jours nous le proférions au milieu de vous. Jouissez de sa présence et de ses bienfaits. Voilà celui qui vous a rendu vos Assemblées nationales, et qui veut les perpétuer. Voilà celui qui a voulu établir vos libertés, vos propriétés, sur des fondements inébranlables. Voilà celui qui vous a offert, pour ainsi dire, d'entrer avec lui en partage de son autorité ; ne se réservant que celle qui lui est nécessaire pour votre bonheur, celle qui doit à jamais lui appartenir, et que vous-mêmes devez le conjurer de ne jamais perdre. Ah ! qu'il recueille enfin des consolations ; que son cœur noble et pur emporte d'ici la paix dont il est si digne! Et puisque, surpassant les vertus de ses prédécesseurs, il a voulu placer sa puissance et sa grandeur dans notre amour, n'être obéi que par l'amour, n'être gardé que par l'amour, ne soyons ni moins sensibles ni moins généreux que notre Roi, et prouvons-lui que même sa puissance, que même sa grandeur, ont plus gagné mille fois qu'elles n'ont sacrifié.
« Et vous, Sire, permettez à un sujet qui n'est ni plus fidèle, ni plus dévoué que tous ceux qui vous environnent, mais qui l'est autant qu'aucun de ceux qui vous obéissent, permettez-lui d'élever sa voix vers vous et de vous dire: Le voilà ce peuple qui vous idolâtre, ce peuple que votre seule présence enivre, et dont les sentiments pour votre personne sacrée ne peuvent jamais être l'objet d'un doute. Regardez, Sire ; consolez-vous en regardant tous ces citoyens de votre capitale. Voyez leurs yeux, écoutez leurs voix; pénétrez dans leurs cœurs qui volent au-devant de vous. Il n'est pas ici un seul homme qui ne soit prêt à verser pour vous, pour votre autorité légitime, jusqu'à la dernière goutte de son sang. Non, Sire, cette génération de Français n'est pas assez malheureuse pour qu'il lui ait été réservé dedémen-tir quatorze siècles de fidélité. Nous péririons tous, s'il le fallait, pour défendre un trône qui nous est aussi sacré qu'à vous et à l'auguste famille que nous y avons placée il y a huit cents ans. Croyez, Sire, croyez que nous n'avons jamais porté à votre cœur une atteinte douloureuse qui n'ait déchiré le nôtre ; qu'au milieu des calamités publiques, .c'en est une de vous affliger, même par une plainte qui vous avertit, qui vous implore et qui ne vous accuse jamais. Enfin, tous les chagrins vont disparaître, tous les troubles vont s'apaiser. Un seul mot de votre bouche a tout calmé. Notre vertueux Roi a rappelé ses vertueux conseils. Périssent les ennemis publics qui voudraient encore semer la division entre la nation et son chef! Roi, sujets, citoyens, confondons nos cœurs, nos vœux, nos efforts, et déployons aux yeux de l'univers le spectacle magnifique d'une de ses plus belles nations, libre, heureuse, triom-
phante, sous un Roi juste, chéri, révéré qui, ne devant plus rien à la force, devra tout à ses vertus et à son amour. »
Ces divers discours ont été interrompus, à chacun des traits qui exprimaient les dispositions du peuple à l'égard de son Roi, par les acclamations de toute l'assemblée.
Le Roi, toujours plus ému, a pu à peine proférer ces paroles, qui ont été répétées : Mon peuple peut toujours compter sur mon amour.
La séance étant terminée, le Roi s'est montré par une fenêtre à un peuple innombrable rassemblé dans la place de Grève, à toutes les fenêtres, et qui couvrait tous les toits. Les cris universels de vive le Roi ! ont retenti de toutes parts.— Sa Majesté est ressortie de l'Hôtel-de-Ville, et a retrouvé sur son passage les mêmes transports d'amour et de joie.
Ce récit a souvent été interrompu par les applaudissements et les acclamations de l'Assemblée.
.Avant la fin de la séance, le maire de Poissy se présen te à l'Assemblée, et demande à être entendu. Il rend compte de plusieurs crimes qui ont été commis à main armée par une troupe de brigands dans les villes de Poissy et de Saint-Ger-main, et supplie l'Assemblée de s'occuper de réprimer ces désordres.
Un membre de l'Assemblée observe que cet objet n'est pas de la compétence du pouvoir législatif ; gu'il y a un pouvoir exécutif et les tribunaux judiciaires chargés de maintenir le repos et la tranquillité publics.
annonce que le temps dé sa présidence sera demain expiré, il prie les membres de se retirer demain dans leurs bureaux respectifs pour procéder au scrutin. — La séance est levée.
Séance du
A l'ouverture de la séance, les membres, sur l'invitation du président, sont allés dans leurs bureaux donner leur suffrage pour l'élection d'un nouveau président.
On revient sur le rapport, fait dans la séance d'hier, des troubles de la ville de Poissy.
Un membre annonce qu'une populace indisciplinée s'est emparée du corps de garde et de la caserne des Invalides. Un meunier, nommé Sauvage, a été arrêté et conduit à la halle pour y être pendu. Il était accusé d'avoir accaparé des grains ; vainement plusieurs personnes ont tenté de le justifier: on les a menacées de les écarte-ler si elles entreprenaient sa défense. Ainsi Sauvage, innocent ou coupable, a été victime de la fureur populaire. Un garçon boucher lui a coupé la tête.
Plusieurs membres proposent que l'Assemblée
Divers membres ont offert de s'y transporter pour calmer la fureur populaire, et à l'instant sont partis :
MM.
MM.
De Lubersac, évêque de Perrier;
Chartres ; Camus ;
Massieu, curé de Sergy; Millon de Montherlant;
Choppier, curé de Flins ; Bell;
Le comte de Latouche; Schmits j
Le chevalier de Maulette; lîlry.
dit : M. le marquis de Brézé, grand-maître des cérémonies, s'étant aperçu qu'à l'avant-dernière séance, on avait improuvé qu'il eût parlé à l'Assemblée nationale la tête couverte (quoique cet usage soit fort ancien), a résolu, pour ne pas lui déplaire, d'apporter les ordres du Roi d'une manière plus convenable à la majesté du lieu.
procureur au Châtelet, commandant la garde bourgeoise du district de Saint-Méry, est introduit dans l'Assemblée, et lui adresse la parole en faveur des malheureux habitants du faubourg Saint-Antoine, qui, depuis cinq jours qu'ils avaient quitté leurs travaux pour la patrie, étaient sans pain.
Messieurs, s'écrie M. Bessin, vous êtes les sauveurs de la patrie, mais vous-mêmes vous avez des sauveurs!... Ce sont les hommes intrépides qui viennent de prendre la BnstHle.
Ces premières paroles fixent l'attention de l'Assemblée. Elle écoute avec intérêt le récit que fait l'orateur des actions courageuses des habitants du faubourg Saint-Antoine; il expose ensuite avec chaleur les besoins urgents qui les tourmentent, et le premier il excite la générosité des représentants de la nation en déposant sa bourse sur le bureau pour soulager à l'instant même cette partie des vainqueurs de la Bastille.
appuie fortement les représentations de M. Bessin.
invite les membres qui composent la députation de Paris à se réunir pour délibérer sur les moyens d • procurer aux ouvriers du faubourg Saint-Antoine les secours dont ils ont besoin.
On lit le résultat du recensement des trente scrutins pour la nomination du président. Personne n'a réuni la majorité absolue. MM. de la Rochefoucauld, de Clermont-Tonnerre, de Montesquiou et de Liancourt ont réuni le plus de suffrages. — On retourne aux bureaux pour procéder à un second scrutin.
Des lettres de M. le maréchal de Noailles apprennent à l'Assemblée des détails trés-circons-tanciés de la malheureuse affaire de Poissy et de Saint-Germain.
Dans le même instant, les députés du Dauphiné communiquent des lettres qui leur annoncent que le renvoi de M. Necker a causé un soulèvement général dans leur province; que tous les habitants ont pris les armes pour défendre leur liberté et celle de leurs représentants.
entre dans l'Assemblée pour annoncer que le peuple vient de
saisir, à la porte même de la salle, deux hussards soupçonnés de quelques mauvais desseins, et qu'il parle de les pendre.
Plusieurs députés se précipitent pour courir à la défense de ces malheureux accusés. Le peuple les cède volontiers aux représentais de la nation qui les conduisent dans une des salles, et donnent des ordres pour leur sûreté.
Plusieurs membres demandent que l'Assemblée s'occupe des moyens les plus prompts pour rétablir et maintenir la tranquillité publique.
dit que le meilleur moyen est d'établir dans tous les lieux des milices bourgeoises.
Quelques membres pensent que les maréchaussées suffiraient pour maintenir l'ordre dans les campagnes.
D'autres veulent qu'on emploie le secours des troupes, et qu'on les répartisse dans les villes et les campagnes.
et d'autres membres s'opposent fortement à cette dernière proposition.
Rappeler les troupes dans ce moment, dit M. de Volney, c'est rappeler les alarmes; il faut employer ses propres forces, et intéresser les peuples à leur propre conservation.
Plusieurs membres, entre autres MM. Chapelier, Buzot, de Custine et l'évêque de Montpellier soutiennent le projet d'établissement de milices patriotiques; ils font voir les avantages qu'elles procureront sous la direction des officiers municipaux.
On discute quelque temps cette question, qui tombe ensuite, sans que l'Assemblée délibère à ce sujet.
Le second scrutin pour l'élection du président n'a donné la majorité à aucun de ses membres. Le plus grand nombre de voix s'est partagé entre MM. de la Rochefoucauld et de Liancourt.
On procède incontinent à un troisième, et le résultat est en faveur de M. Liancourt, qui a réuni 600 voix sur 800.
On fait lecture de deux adresses des villes de Cérèmes dans le Cotentin, et de Machecoul.
On lit ensuite une adresse des habitants de la ville de Grenoble, ainsi conçue :
« Les habitants de la ville de Grenoble, considérant l'état actuel des affaires et la désolation que la nouvelle de la disgrâce des ministres a répandue dans leur province, protestent contre tout ce qui s'est passé à la séance royale; regardent en conséquence comme nulles et anticonstitutionnelles les deux déclarations que Ton a surprises à la religion du monarque ; adoptent dans toutes ses parties la protestation del'Assein-blée nationale, en date du 23 juin dernier. »
donne lecture d'une lettre de M. le comte d'Escars, député de la noblesse du Haut-Limousin, qui donne sa démission par raison de santé, et demande que son suppléant, sol admis.
La séance est levée et renvoyée au lundi matin.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture de différentes adresses des villes de Valence, Langres, Mayenne, Laon, Pontarlier, Crémieu, Auray, de la noblesse et des communes de Thimerais, de Saint-Thelo, près Ploërmel, et de plusieurs autres communes. Toutes ces adresses se ressemblent par l'adhésion entière qu'elles expriment aux arrêtés de l'Assemblée nationale. De toutes parts on s'empresse d'envoyer à l'Assemblée des témoignages de la reconnaissance publique pour sa conduite sage et courage use.
en présentant M. le duc de Liancourt, dit :
Messieurs, vos suffrages ont élevé M. le duc de Liancourt à la dignité de votre président. Je lui remets la place que vous avez daigné me confier. C'est ma dernière fonction. Elle est bien propre à faire oublier ou à réparer celles que j'ai exercées jusqu'à présent.
M. le duc de Liancourt, s'étant approché du bureau, prend la parole :
Messieurs, en m'honorant de la faveur insigne dont j'ose ici vous faire mes respectueux remerciements, vous n'avez pas consulté mes forces ; vous n'avez écouté que vos bontés et votre indulgence. Présider l'Assemblée la plus auguste du monde entier, la présider dans des circonstances aussi grandes, succéder aux dignes prédécesseurs qui, à tant de litres, ont mérité vos éloges et l'universelle approbation, est sans doute une tâche difficile que je ne puis me flatter de remplir dignement. Mais, Messieurs, considérez et n'oubliez jamais que je suis votre ouvrage : au défaut des qualités qui peuvent me manquer pour remplir comme vous avez droit de l'exiger l'honorable place que vous m'accordez, j'ose au moins vous assurer que personne ne porte plus sincèrement que moi au fond du cœur le profond respect pour les décrets de l'Assemblée nationale, le dévouement sans bornes pour le bien de notre commune patrie, une disposition plus entière à tous les sacrifices qui pourraient l'assurer, un attachement plus fidèle pour le Roi, et plus d'horreur pour les mauvais citoyens.
Ce sont, Messieurs, les sentiments qui vous animent tous, ils sont l'âme de vos délibérations; et je sens qu'ils sont fortifiés en moi depuis que j'ai le bonheur d'être admis dans cette auguste assemblée que je supplie de regarder avec indulgence celui qu'elle a daigné élever par son choix. (Vifs applaudissements.)
La manière noble et courageuse avec laquelle M. l'archevêque de Vienne a rempli ses fonctions dans des circonstances si critiques mérite que l'Assemblée lui vote des remeroîments.
Cette proposition est vivement applaudie, et adoptée unanimement.
nouveau président, fait part à l'Assemblée d'une lettré qui lui est
« M. le président, je suis arrivé à Bruxelles avec la dépêche que l'Assemblée nationale m'a chargé de remettre à M. Necker, aujourd'hui à midi. 11 en était parti dès mercredi dernier. Mme Necker, qu'une indisposition avait arrêtée, en est aussi partie hier. Je vais me remettre en route pour remplir l'objet de ma mission, en dirigeant ma route sur Francfort, d'après les renseignements qu'on m'a donnés. J'ai cru devoir vous faire part de ce contre-temps par un courrier. »
ajoute que, pour calmer les inquiétudes de la capitale, il a cru devoir faire passer cette nouvelle au comité permanent de Paris.
qui était au nombre des députés envoyés à Saint-Germain, fait le récit de leur mission.
Nous nous sommes transportés, dit-il, à Saint-Germain; la foule n'y était plus; Thomassin venait d'être conduit à Poissy. Nous nous sommes transportés à Poissy ; nous avons prié l'assemblée municipale du premier lieu de se tenir prête sur les deux heures, pour que nous pussions conférer avec elle.
Dans les premières rues de Poissy, nous avons trouvé le calme ; la foule s'était portée vers la prison ; tout le monde était armé. D'abord nous avons fait entendre des paroles de paix, et l'on ne nous a répondu que par des cris effrayants. De tous côtés on entendait : Il faut le pendre, il faut lui couper la tête.
Nous avons demandé les officiers municipaux ; l'un était en fuite, l'autre absent ; aucun n'était dans la ville.
Nous nous sommes adressés à un officier invalide qui nous a appris que jeudi il avait été forcé de monter achevai, de se mettre à la téte de la multitude pour enlever Thomassin ; que c'était un honnête homme, le père de sept enfants, payant 7,000 livres de tailles, et qu'il nourrissait plus de quarante personnes; qu'ils ont amené Thomassin, les pieds et les mains liés, à Poissy, vendredi soir.
M. l'évêque de Chartres a monlé sur une chaise, a cherché à haranguer la multitude, lui a représenté qu'il convenait et même qu'il était de l'intérêt commun de mettre Thomassin dans les mains delà justice, pour l'interroger et connaître ses complices. Ces réflexions ont paru toucher le peuple. M. l'évêque de Chartres a eu une conférence avec Thomassin pour s'instruire de la vérité des faits.
Pendant cet intervalle tout a changé; le peuple s'est ranimé, a repris ses premiers sentiments de fureur; on s'écrie qu'il faut le pendre à l'instant. M. l'évêque de Chartres recommence à parler au milieu du peuple, le supplie d'accorder deux jours de délai ; enfin il demande, pour diviser la foule, que quelques-uns d'entre eux veuillent bien reconduire les députés.
Tout est refusé opiniâtrement, et déjà on prépare le supplice de Thomassin. L'on nous en instruit; le malheureux est tiré de la prison; c'est alors que M. l'évêque de Chartres, à notre tête, se précipite aux genoux de tous ces furieux, que nous leur demandons grâce.
Thomassin est à genoux d'un côté, les députés y sont de l'autre; c'est dans cette attitude suppliante que nous demandons inutilement la vie de la malheureuse victime. On le conduit au pied d'un mur où sont fichés des anneaux pour attacher des bêtes de somme. Thomassin y est attaché; dans cet intervalle on va chercher la potence et le confesseur.
C'est là l'heureux événement qui l'a sauvé. Les habitants de Poissy écoutent les cris de leur conscience, ils s'intimident, le remords les saisit, ils ne veulent pas que le crime souille leur ville; les habitants de Saint-Germain et de Poissy se divisent; Thomassin se réfugie dans la prison. La discorde augmente, et l'on consent que Thomassin parte avec nous, mais en nousîsommant de le remettre dans les mains de la justice, en nous menaçant de nous pendre nous-mêmes s'il n'était pas exécuté. Une pareille menace ne nous épouvante pas; Thomassin monte dans la voiture de M. de Chartres, et c'est à ce prélat qu?il doit la vie; c'est à son éloquence persuasive que nous devons la victoire que nous avons remportée sur des furieux.
A peine sommes-nous en marche, que l'on nous épouvante, que Ton nous fait eraindre que le peuple ne tire sur la voiture de M. l'évêque de Chartres. -
Plusieurs habitants de Poissy nous accompagnent et nous font prendre par des chemins détournés, pour éviter Saint-Germain.
Après une marche très-lente, très-pénible, et surtout après bien des alarmes, et non pas sans des rencontres de quelques femmes qui voulaient nous accabler de pierres, nous sommes enfin arrivés à Versailles.
Nous avons été déposer Thomassin à la prison; le juge a été appelé, et nous y avons fait notre déclaration.
A peine avions-nous terminé cette opération, que quelques furieux sans armes sont venus nous trouver pour nous rappeler notre parole et nous sommer de la tenir. Nous leur avons fait donner un extrait de notre déclaration, en les assurant que la justice allait en décider.
dépose un extrait des minutes du greffe de la prévôté de l'hôtel du Roi, et grande prévôté de France, au siège de Versailles.
Cette pièce est ainsi conçue :
« L'an mil sept cent quatre-vingt-neuf, le samedi dix-huit juillet, six heures et demie du soir, sont comparus en la Chambre du Conseil de la prévôté de l'hôtel, sise à Versailles, enclos de la geôle, et par-devant nous Claude-Joseph Clos, chevalier, conseiller d'Etat, lieutenant général civil, criminel et de policede ladite prévôté de l'hôtel assisté de notre greffier en chef* III. et Rév. seigneur, Mgr Jean-Baptiste-Joseph de Lubersac, évêque de Chartres ; messire Jean-Baptiste Massieu, curé de Sergy, près Pontoise ; messire Louis-Charles de Latouche, capitaine des vaisseaux du Roi, et chancelier de S. A. S. Mgr le duc d'Orléans; messire Edme de RancourtdeVilliers, écuyer; messire François Peteau de Maulette, chevalier de Saint-Louis ; Me Armand-Gaston Camus, ancien avocat au Parlement, et de l'Académie des inscriptions et belles-lettres; Me Marin-Gabriel-Louis-François Périer, avocat en Parlement, ancien notaire au Châtelet de Paris, et Me Augustin Ulry, avocat du Roi au bailliage royal de Bar-le-Duc,'tous députés à l'Assemblée nationale, lesquels nous ont fait la déclaration suivante : [que ce matin, à l'ouverture de la
séance, il a été exposé par M. Périer qu'il y avait émeute à Saint-Germain-en-Laye, contre plusieurs fermiers accusés d'avoir accaparé et emmagasiné des grains ; que dans le cours de cette émeute, le sieur Sauvage avait été massacré sur la place publique dudit Saint-Germain, et que, suivant les avis qu'il venait de recevoir, la vie du sieur Thomassin, fermier à Puiseux, près Pontoise, était actuellement dans le danger le -plus imminent; sur quoi lesdits sieurs comparants, et avec eux MM. Choppier, curé de Flins; Schmits, avocat à Château-Salins; Hell, avocat, procureur-syndic de l'Assemblée provinciale d'Alsace, et Millon de Montherlant, avocat à Beauvais, pareillement membres de l'Assemblée nationale, ont demandé à ladite Assemblée qu'elle les autorisât à se transporter à Saint-Germain, pour apaiser, s'il était possible, le trouble qui paraissait y exister, et sauver la vie au sieur Thomassin, en le remettant entre les mains de la justice; qu'étant arrivés à Saint-Germain sur les onze heures et demie, ils ont appris que ledit sieur Thomassin était actuellement à Poissy, où ils se sont transportés; qu'y étant arrivés sur le midi, ils ont été à la prison, où on leur avait dit que le sieur Thomassin était renfermé, et à la porte de laquelle ils ont trouvé un grand nombre d'hommes, dont la plupart étaient armés, et de femmes, lesquels hommes et femmes on leur a dit être partis de Poissy, de Saint-Germain, et des environs, qui demandaient que ledit sieur Thomassin leur fût livré, pour être à l'instant pendu ; qu'ils sont entrés dans la geôle, ont trouvé dans l'escalier plusieurs personnes armées; que s'étant assemblés dans la salle d'audience, après avoir délibéré sur ce qui était à faire, ils se sont rendus dans la rue à la porte de la prison, où M. l'évêque de Chartres a fait au peuple les discours les plus pathétiques, pour le calmer et apaiser sa fureur, en demandant que le sieur Thomassin fût remis entre les mains de la justice, pour lui faire son procès; et se flattant de l'avoir calmé, ils se sont retirés dans la salle d'audience, où ledit sieur Thomassin a été conduit, et M. l'évêque de Chartres, M. de Villiers et M. Périer se sont retirés avec lui en la Chambre du conseil; après quoi les sieurs comparants et leurs collègues sont descendus une seconde fois dans la rue, les clameurs ayant repris avec plus de fureur que précédemment; cependant M. l'évêque de Chartres ayant parlé de nouveau au peuple, et plusieurs des comparants s'étant répandus dans la foule, ils se flattaient d'avoir obtenu un sursis de deux jours ; qu'en conséquence, ils se retiraient vers la porte de la ville, lorsqu'on vint leur annoncer que le sieur Thomassin venait d'être arraché de sa prison, et qu'on le traînait dans la place publique pour y être pendu; les comparants et leurs collègues s'étant aussitôt jetés dans la foule, ont vu le sieur Thomassin qui avait les mains liées, et que l'on traînait à la mort; qu'ils se sont précipités à genoux aux pieds du peuple, pour demander qu'il fût livré à la justice, et qu'au moins on lui accordât un délai de vingt-quatre heures; mais ils ont été refusés, avec menaces d'attenter à leur propre vie. Le sieur Thomassin a été conduit au pied d'un mur, et l'on s'apprêtait à le pendre : le peuple, à cet effet, avait mandé le curé de la ville, pour le confesser. Ledit sieur Thomassin, les comparants, et leurs collègues, avaient été forcés par le peuple de se retirer, il ne leur était resté d'autres ressources que de conjurer les
gens de Poissy, les larmes aux yeux, d'épargner la vie d'ïm homme qui n'était pas jugé coupable, lorsqu'un des habitants de Poissy, s'est écrié: ne souillons point notre ville d'un crime aussi horrible; cependant plusieurs autres qui étaient près des portes de la ville se préparaient à fermer les barrières, pour tomber en colonne sur les habitants de Saint-Germain, et invitaient plusieurs des comparants de se mettre à leur tété, lorsqu'on leur a représenté qu'ils avaient à craindre une représaille terrible; et que dans la nuit, des habitants dudit lieu de Saint-Germain pourraient venir en force, pour mettre tout à feu et à sang dans leur ville ; que cette considération les a retenus, et les barrières presque fermées, ont été ouvertes. Pendant ce moment de tumulte, le sieur Thomassin a pris la fuite, et s'est réfugié dans la prison. Les comparants et leurs collègues, en ayant été avertis, se sont reportés à l'entrée de la prison, où les habitants de Poissy ayant exigé, avec de grandes clameurs, cjue le procès fût fait au sieur Thomassin, ont enfin consenti de le remettre entre les mains de M. l'évêque de Chartres et de ses collègues, pour être transporté dans les prisons de Versailles. M. l'évêque de Chartres, et plusieurs des sieurs comparants, étan l montés dans la prison, ont emmené le sieur Thomassin, qui a été placé dans la voiture de M. l'évêque de Chartres, et à côté de lui, qu'il était alors trois heures; qu'aussitôt M. l'évêque de Chartres est parti avec ceux des comparants qui étaient dans sa voiture, suivis d'environ trente personnes armées, et qui les ont conduits par des routes détournées jusqu'auprès de Roquen-court, où ils se sont retirés, pour retournera Poissy; et que plusieurs desdits comparants, qui étaient dans d'autres voitures, se sont en allés de Poissy par la ville de Saint-Germain, oùle corps municipal les attendait, pour conférer sur la manière de rétablir le calme, d'où lesdits sieurs comparants se sont rendus, comme dit est, en ladite Chambre du Conseil à Versailles, pour y faire la présente déclaration, laquelle a été rédigée en la présence de M. le marquis de Tourzel, grand prévôt de France, lesdits jours, lieu et an que dessus ; et ont lesdits sieurs comparants signé avec nous et notre greffier. Signé sur la minute, J.-B. deLubersac, évêque de Char-tresse comte de Latoucbe,de Rancourt de Villiers, le chevalier de Maulette, Massieu, curé de Sergy, Camus, Périer, Ulry, Gros, et Tertre, greffier.
« Signé Tertre. »
« Délivré par nous greffier en chef de la prévoté de l'hôtel, soussigné, conforme à la minute étant en nos mains. A Versailles, ce dix-neuf juillet mil sept cent quatre-vingt-neuf.
« Signé Tertre. »
A Rome on décernait une couronne civique à celui qui avait sauvé la vie à un citoyen; je demande que l'Assemblée vote des remercîments à M. de Lubersaç, évêque de Chartres et aux autres députés, — L'Assemblée applaudit unanimement à cette proposition.
est chargé de remercier, au nom de l'Assemblée, M. l'évêque de Chartres et les autres députés, et de donner les éloges mérités à leur zèle intrépide et à leur dévouement généreux.
M. Camus avait passé un fait très-étonnant, et un membre en a fait part. La multitude s'est plainte de ce que l'Assemblée voulait sauver Thomassin en faveur de ses richesses. • L'Assemblée, méprisant cette vile calomnie, passe à l'ordre du jour.
On reprend la discussion sur le rapport fait il y a quelques jours pur M. Merlin sur la députation et les pouvoirs de MM. les évêques d'Ypres et de Tournay.
Plusieurs membres soutiennent la validité de leur élection. M. Simon de Voel la défend par des faits historiques, par des principes du droit public et féodal, concernant les pairies, et par une ordonnance du royaume donnée sous François Ier en faveur des habitants de la Flandre.
Ces deux députés n'étant point habitants ni naturels français, prêtant un serment à un souverain étranger, et ne le prêtant qu'à lui, ne doivent et ne peuvent pas être admis à l'Assemblée des représentants de la nation pour coopérer à des lois qui ne seraient pas obligatoires pour eux.
Après une discussion assez longue, on va aux voix : 408 voix contre 288 prononcent l'exclusion de ces deux évêques.
M. le premier pr sident du grand Conseil fait demander d'être introduit dans l'Assemblée, pour parler au nom de sa compagnie et présenter un arrêté.
Il s'élève des débats sur la manière dont il convient dé le recevoir.
Ce magistrat ne pouvant parler que comme député d'un corps, il doit être debout et découvert.
Quand un individu se présente devant t'Assembléo nationale, il paraît devant ses législateurs, et doit y être dans une attitude qui exprime le respect ; mais des grands corps de magistrature qui représentent le Roi méritent quelques égards de plus que de simples individus.
Il est arrêté que le premier président parlera debout, et qu'ensuite on lui offrira un siège à la droite et au-dessous du président de l'Assemblée.
président du grand Conseil, est introduit, et après avoir déposé sur le bureau un arrêté de sa compagnie, il dit.
Messieurs, le grand Conseil m'ayant chargé de porter au Roi les témoignages de sa reconnaissance pour les preuves que Sa Majesté vient de donner à son peuple, de sa sensibilité, de sa con-liance et de son amour, on m'a imposé l'honorable devoir de remettre aux représentants de la nation l'arrêté que la compagnie a pris à ce sujet.
Quel nouvel ordre de choses et de prospérités, Messieurs, ne nous annonce pas la déclaration vraiment paternelle que le Roi a faite au milieu de vous, qu'il ne veut plus faire qu'un avec la nation ! Cette prospérité nous est donc assurée, puisque nous l'attendons du concours de cette auguste Assemblée, du zèle patriotique gui l'anime ; zèle dont l'heureux effet a été de faire succéder presqu'en un instant, et comme par un espèce de prodige, la confiance et le calme au plus effrayant orage.
à Vorateur. L'Assemblée nationale reçoit avec plaisir, Monsieur, les témoi-
gnages de respect du grand Conseil. Elle est assurée de mériter toujours la reconnaissance des compagnies qui désirent aussi sincèrement que la vôtre, la véritable prospérité du royaume, le bien du peuple et le bonheur du Roi.
On fait lecture de l'arrêté du grand Conseil, conçu en ces termes :
« Le Conseil, pénétré des preuves d'amour et de confiance que le Roi vient de donner à son peuple, et en particulier à la ville de Paris, pour le rétablissement de l'ordre et du calme que son auguste présence v a ramenés ;
«A arrêté que M. le premier président se retirera par devers le Roi, à l'effet de lui porter le présent arrêté, comme un hommage delà reconnaissance de son grand conseil pour ses soins paternels.
« Arrête en outre que copie du présent sera remise par M. le premier président à l'Assemblée nationale, dont le zèle et les démarches patriotiques ont procuré à la nation le bien inestimable delà tranquillité publique. »
L'Assemblée applaudit, et il est décidé que cet arrêté et le discours de M. le premier président seront insérés dans le procès-verbal.
MM. les députés des administrateurs et actionnaires de la caisse d'escompte font demander la permission d'entrer.
L'Assemblée ordonne qu'ils soient introduits. Alors entrent MM.
Boscary, président de l'administration de la caisse d'escompte ;
Cottin, administrateur;
Lavoisier, idem ;
Marignier, commissaire des actionnaires ;
Monneron, idem\
Le Roi de Camilly, idem. Placés derrière le bureau, ils parlent en ces termes:
Nosseigneurs, députés par les actionnaires de la caisse d'escompte, nous venons vous présenter le juste tribut de leur respect et de leur reconnaissance ; à peine échappés aux dangers accumulés sur la tête des paisibles habitants de la capitale, il est glorieux pour nous, Nosseigneurs, d'être les interprètes des sentiments de nos commettants pour l'auguste Assemblée à laquelle la patrie doit son salut.
Ils.donnent ensuite lecture d'une adresse des actionnaires de la caisse d'escompte à l'Assemblée nationale, et la laissent sur le bureau.
leur répond :
Messieurs, l'Assemblée nationale reçoit avec d'autant plus de satisfaction la députation de MM. les actionnaires de la caisse d'escompte, qu'elle a l'heureuse confiance de n'avoir jamais, dans toutes ses démarches et ses arrêtés, eu d'autre but quelesalut et le bien de l'Etat, vers lequel elle ne cessera jamais de diriger toutes ses pensées. Elle a vu avec plaisir que, dans les moments de trouble qui viennent d'agiter la capitale, la caisse d'escompte n'a pas suspendu ses payements.
Elle désire avec transport arriver au moment ou elle pourra achever l'œuvre complète de la consolidation de la dette, et va s'occuper sans relâche de ce travail, dont cependant la délibération ne peut que suivre celle de la constitution. (On applaudit.)
Gomme je compte soumettre demain à l'Assemblée un travail urgent sur la situation actuelle de la caisse d'escompte, je demande que les directeurs et commissaires de la caisse soient autorisés à venir en-
tendre la lecture de mon travail, et qu'ils soient invités à fournir des mémoires, et à nous aider de leurs lumières et de leurs secours.
J'observe que les réparations à faire dans la salle ne permettent pas qu'il y ait demain une assemblée générale; la lecture de ce travail doit être différée à un autre jour.
Je demande alors le renvoi au comité des finances.
MM. les députés de la caisse, sur l'invitation qui leur en est faite, promettent de donner tous les renseignements et mémoires sur le commerce, le crédit public et la caisse d'escompte.
L'Assemblée répond à ces offres par des applaudissements réitérés.
Messieurs, appelé par vous à des fonctions bien importantes sans doute, je m'y dérobe un instant pour élever la voix dans cette enceinte, et y venir déposer les alarmes de ma conscience.
La paix règne enfin dans la capitale; chaque jour vous la voyez se raffermir de plus en plus ; mais chaque jour aussi l'on apprend que la commotion va se faire éprouver successivement dans les autres villes, si l'on ne prend des mesures pour l'arrêter dans les villes lointaines. x
Saint-Germain a vu éclore une révolte terrible; peu s'en est fallu que nos députés ne fussent les victimes de leur patriotisme et de leur humanité; peu s'en est fallu qu'ils ne tombassent sous le fer sacrilège.
Pontoise est menacé des mêmes désordres. Ils existent déjà dans la Normandie, dans la Bourgogne. Et ces détails ne sont points imprudents puisqu'ils sont connus.
Gardons-nous de croire qu'ils sont étrangers à la nation, et n'allons pas nous armer de stoïcisme pour ne faire que des lois quand le meurtre répand le carnage autour de nous.
C'est-à nous à nous opposer aux torrents de sang qui sont prêts à couler.
Quand le Roi est venu nous dire de ramener la paix, de sauver l'Etat, invoquer notre autorité, serait-il juste de l'abandonner et de ne pas lui suggérer un seul moyen à la place de ceux qu'il a réprouvés?
H est plus que temps de raffermir l'autorité publique, de resserrer les liens de la société, sans lesquels une société se dissout nécessairement. J'oserai donc vous proposer, Messieurs, de faire une proclamation dont je vous soumets le projet, après laquelle vous vous livrerez infatigablement à la constitution. Le voici :
« L'Assemblée nationale considérant que, depuis le premier instant où elles'est formée, elle a fait ce qu'elle a pu, ce qu'elle a dû pour lui mériter la confiance des peuples ; qu'elle a déjà établi les premiers fondements sur lesquels reposent la félicité publique et la régénération de l'Etat; que le Roi a dû obtenir pareillement la confiance de ses fidèles sujets ; qu'il les a invités non-seulement à réclamer leurs droits, mais que, sur la demande de l'Assemblée, il a encore écarté tous les sujets qui pourraient lui porter ombrage ; qu'il a éloigné les troupes, banni les conseillers dont la présence était un objet d'inquiétude et d'alarme pour la nation, rappelé ceux dont elle sollicitait le retour ; qu'il est venu au milieu de la nation, avec l'abandon d'un père, lui demander des secours pour sauver l'Etat ; qu'il s'est confondu avec les représentants delà nation;
« Que, dans ce concert parfait entre le chef et les représentants, et après la réunion de tous les ordres, l'Assemblée va s'occuper sans relâche du grand travail delà constitution ;
« Que les troubles nouveaux qui pourraient survenir ne pourraient qu'y être contraires ;
« Que tout citoyen doit frémir aux mots de troubles qui toujours entraînent des proscription? arbitraires, la désertion des villes, l'émigration du royaume, la division des familles, enfin tous les renversements de l'ordre social;
« L'Assemblée nationale a invité et invite tous les Français à la paix, à l'amour de l'ordre, au respect des lois, à la confiance qu'ils doivent avoir dans leurs représentants, à la fidélité dans le souverain. Déclare que quiconque se porterait à enfreindre tous ces devoirs sera regardé comme un mauvais citoyen ;
« Déclare que tout homme soupçonné, accusé, arrêté, doit être remis dans les mains du juge naturel qui doit le réclamer;
t Déclare enfin, en attendant l'organisation qui pourra être fixée pour les municipalités, qu'elle les autorise à former des milices bourgeoises, en leur recommandant d'apporter la plus sévère attention à cette formation, et de n'admettre que ceux qui sont incapables de nuire à la patrie et capables de la défendre. »
député de Nemours. Dans toutes les circonstances difficiles, on ne doit point céder à un premier mouvement : une sage lenteur doit toujours influer sur le choix du moyen. Mais il ne s'agit pas ici de se livrer à des méditations profondes, de renvoyer à des bureaux l'examen d'une chose qui n'en est pas susceptible ; vous n'êtes pas sans doute divisés : je vous en conjure par tout ce que vous avez de vertu, de courage et de patriotisme, délibérons sur-le-champ.
Un religieux de Vordre de Saint-Geneviève observe que !a motion de M. Lally-Tollendal ne tend qu'à rétablissement de la milice dans les villes seulement; mais qu'il faut étendre cet établissement même sur les campagnes.
J'assure l'Assemblée que la province deBretagne jouit de la plus parfaite tranquillité à l'aide des milices bourgeoises qu'on y a établies; il n'est pas besoin d'y envoyer de proclamation, surtout celle qui est proposée et qui contient des expressions plus propres à soulever les peuples qu'à les calmer. Je demande que la proposition soit renvoyée aux bureaux pour y être discutée après mûre réflexion.
J'appuie la motion, et je demande qu'on ajoute à la proclamation un projet d'instruction pour diriger la formation des milices bourgeoises.
M. On doit de la reconnaissance à tous les citoyens qui se sont armés pour conquérir et défendre la liberté de la nation. Quant à la sanction du Roi, je pense qu'on ne peut la lui demander pour aucun règlement quelconque qu'après que la constitution sera achevée. Je crois qu'il suffit, et je propose d'envoyer dans les provinces nos procès-verbaux depuis mercredi, et d'inviter tous les citoyens à la paix.
Il faut aimer la paix, mais aussi il faut aimer la liberté. Avant tout, analysons la motion de M. de Lally. Elle présente d'a-
bord une disposition contre ceux qui ont défendu la liberté. Mais y a-t-il rien de plus légitime que de se soulever contre une conjuration horrible formée pour perdre la nation ? L'émeute a été occasionnée à Poissy sous prétexte d'accaparement; la Bretagne est en paix, les provinces sont tranquilles, la proclamation y répandrait l'alarme et ferait perdre la confiance. Ne faisons rien avec précipitation : qui nous a dit que les ennemis de l'Etat seront encore dégoûtés de l'intrigue ?
évêque de Chartres, parlent successivement. Ils sont d'avis qu'on s'occupe d'un projet de règlement pour ramener la tranquillité, et qu'on autorise la formation des milices, sous l'inspection de l'autorité légitime.
MM. Fréteau, de Grillon et d'autres membres parlent de la nécessité d'établir des milices nationales ; ils écartent le reste de la motion.
Le zèle de M. de Lally égale son éloquence; mais rappelons ce quedeshommes éclairés ont si souvent répété : que le plus grand danger qui environne une assemblée délibérante, c'est la magie de l'éloquence.
Comment blâmer des hommes qui se sont armés pour la liberté? Comment parler de troubles aux provinces qui jouissent de la plus parfaite tranquillité? M. de Lally parle de la sanction du Roi ; mais peut-on la lui demander avant que la constitution lui ait adressé le droit delà donner? J'insiste pour qu'on imprime les procès-verbaux des séances, et qu'on les envoie dans les provinces.
J'observe qu'il faut joindre à l'établissement de la milice bourgeoise un règlement de discipline, pour que le chef de la milice soit choisi à la pluralité des suffrages, et que son élection ne réside pas dans la volonté de quelques magistrats de municipalité véuale, qui ne peuvent défendre les intérêts d'un peuple qu'ils ne représentent pas.
M. ***. il est une autre difficulté ; c'est que toute milice bourgeoise est du ressort de l'autorité exécutrice; qu'il ne dépend pas de nous de pouvoir l'établir dans le royaume.
M. Je trouve trois obstacles insurmontables à la motion de M. de Lally : le premier, c'est de déclarer rebelle tout homme qui a pris les armes pour la défense de la patrie; le second, c'est de hasarder une question infiniment douteuse. M. de Lally propose que la proclamation soit publiée dans toutes les villes, du consentement du Roi. Nous ignorons encore si cette sanction est nécessaire aux décrets de l'Assemblée. Le troisième enfin, c'est que ce serait alarmer toutes les provinces où le calme et la paix régnent encore.
s'écrie: C'est au nom de la liberté que je vous propose ma motion et que je vous conjure de l'adopter.
Au milieu des impies qui renversent le temple des lois, c'est à nous, ministres de la liberté, de prêcher son évangile.
député de Bretagne. C'est ici que l'on sent la grande vérité que les législateurs nous ont apprise: dans les affaires publiques, on doit toujours être en garde contre le charme de l'éloquence, et jamais l'éloquence n'exerce un empire plus puissant que quand elle égale le zèle et la pureté des sentiments de l'orateur.
L'on vous a représenté les provinces disposées à en venir aux armes : le sang prêt à couler ; hier nous avons reçu un courrier de la province, et nous avons appris que tout y est tranquille. L'on vous a dit que M. de Thiars, arrivant de Bretagne, apportait des nouvelles affligeantes ; M. de Thiars n'a pas été en Bretagne,
Et qu'importe à présent la révolte de Saint-Germain et de Poissy ? Sont-ce là ces grandes révolutions dont on veut nous effrayer? Sont-ce là les maux qui bientôt vont nous affliger? Paris est sous les armes ; mais faut-il mettre sur le même rang des citoyens qui courent aux armes pour défendre la patrie et quelques perturbateurs du repos public?
N'alarmons pas nos citoyens en leur représentant la nécessité d'établir une milice bourgeoise, en leur faisant craindre des maux imaginaires, en leur donnant le change sur des émeutes populaires et une révolution légitime et nécessaire ; en plaçant sous leurs yeux le séditieux, armé par la licence, à côté du citoyen, armé pour la liberté.
député tfEvreux. Le devoir d'un citoyen est d'exposer son opinion telle qu'elle est dans son cœur, avec la franchise et le courage qui doivent le mettre au-dessus de toutes les censures. L'on a vivement applaudi à la motion de M. de Lally-Tollendal ;je l'ai écoutée'dans le silence de la réflexion, et je n'ai pas été entraîné par l'exemple. Il propose de déclarer mauvais citoyen et rebelle, tout homme armé indistinctement. Devons-nous donc oublier le généreux courage des Parisiens qui, en, prenant les armes, nous ont rendus la liberté, ont expulsé les ministres, ont fait taire l'intrigue, ont dirigé les pas du Roi dans cette Assemblée?
Hier, nous applaudissions à leur grandeur d'âme, à leur héroïsme ; aujourd'hui nous les appellerons des rebelles; nous les punirons d'avoir sauvé la patrie ; nous leur ferons regretter les éloges que notre reconnaissance leur aura prodigués ?
Mais ce n'est pas tout encore: qui nous répondra que le despotisme ne puisse pas renaître auprès de nous? quel sera même le garant de son entière destruction ? Et si un jour il rappelait ses forces pour nous terrasser, quels seraient les citoyens qui s'armeraient à temps pour la cause de la patrie? Quels seraient les hommes courageux qui oseraient, pour défendre l'Etat, braver l'opinion publique et se dévouer à l'ignominie, triste partage d'un rebelle ?
L'on nous propose de consacrer la maxime la plus impie des gouvernements despotiques: ils ne se soutiennent que par la force et qu'en punissant comme factieux tout homme qui, usant des droits de la nature, défend sa vie, ses biens et sa liberté.
Est-ce à nous à devenir de vils instruments de la tyrannie, de consacrer ses injustices et la violation des droits de la nature? lit si tel était cependant notre aveuglement, aurions-nous encore le droit de nous plaindre de l'esclavage dans lequel nous gémirions ? .
M. de Lally-Tollendal demande à répondre aux objections que l'on vient d'élever contre sa motion ; il obtient la parole.
Jene me permets de prendre la parole que parce que je crois que ma conscience me l'ordonne, et qu'il est d'un besoin urgent que la motion que j'ai eu l'honneur de vous
proposer soit admise sans délai, soit avec l'amendement que j'y apporte, soit avec ceux que l'on vous a iudiqués.
J'ai remarqué que l'on a toujours répondu à ce que je n'ai pas dit.
D'abord l'on a cherché à vous surprendre en prétendant que ce serait alarmer la capitale, que ce serait la juger rebelle; mais je n'ai pas parlé de la capitale.
Au reste, si l'on pense que l'on en puisse tirer la moindre induction contre la capitale, je propose l'amendement suivant: « L'Assemblée nationale déclare, qu'après l'invitation, quiconque manquerait à ses devoirs, sera jugé mauvais citoyen. »
Cet amendement doit faire cesser toutes les alarmes.
L'on a encore beaucoup parlé de la sanction royale; on a prétendu que j'en faisais une obligation pour la suite.
Je ne me suis pas servi du terme sanction ; j'ai employé le mot consentement, ce qui est bien différent. Par là, je ne compromets pas les droits de l'Assemblée; la question reste encore indécise. Il m'a paru nécessaire de présenter aux peuples l'union des deux pouvoirs.
L'on a objecté que nous n'avions pas le droit d'établir une milice bourgeoise : que c'était usurper et compromettre les droits du pouvoir exécutif.
Mais a-t-on oublié que le Roi nous a confié le soin de rappeler la paix parmi nous, de rétablir le calme? Ne nous a-t-il pa3 laissé parla tous les moyens possibles et nécessaires pour la sûreté des citoyens?
Quant aux dangers relatifs au pouvoir exécutif, c'était la proposition qui vous a été faite avant-hier d'en créer de votre propre mouvement, c'est encore la proposition que je vous fais aujourd'hui, puisque le Roi s'en rapporte à votre prudence.
Le grand objet, c'est de faire reparaître la liberté des lois qui est anéantie; c'est de faire revivre cette force publique qui prévient les désordres et qui est la sauvegarde de-toute-la société.
L'on veut cependant que nous voyions tranquilles quand un incendie général gagne toutes les provinces; lorsqu'en Bretagne les citoyens s'arment de toutes parts; tandis qu'en Normandie des ruisseaux de sang coulent ; tandis qu'en Bourgogne le peuple se porte aux plus grands excès, poursuit le commandant, homme respectable, comme un traître et un criminel ; quand l'innocent expire chargé de la haine publique. Et, d'un autre côté, on veut rester inquiets quand les troupes sont éloignées, quand des ministres perfides sont bannis de la présence du Roi, quand les fidèles ministres qui ont toute la confiance de la nation sont rappelés ! Je ne conçois pas comment on peut allier tant de sécurité à tant de terreur.
Un Roi citoyen nous force d'accepter notre liberté, et je ne sais pourquoi on veut la lui arracher comme à un tyran.
Si j'insiste sur ma motion, c'est que l'honneur de ma patrie me presse; c'est que je cède à l'impulsion de ma conscience; et si le sang doit couler, au moins je pourrai me laver les mains de celui qui est prêt de se répandre.
La motion de M. le comte de Lally qui, dans le premier mouvement, avait été apjDlaudie, qui, quand elle a été discutée, cessait d'être approuvée, n'a trouvé presque plus de partisans dans les communes.
Les derniers mots de son discours ont été blâmés hautement ; cependant, #au milieu des murmures, quelques applaudissements se sont fait entendre du côté de la noblesse.
Plusieurs membres demandent le renvoi de la motion aux bureaux. L'Assemblée, consultée par assis et levé, l'arrête ainsi.
lit une lettre de M. le marquis de Lafayette, commandant général de la milice parisienne. Il rend compte des mesures qu'il a prises pour assurer la tranquillité de la capitale. L'Assemblée applaudit et ordonne le dépôt de la lettre.
annonce à l'Assemblée qu'attendu les réparations à faire dans la salle, les bureaux s'assembleront demain à 9 heures et que les députés se réuniront ensuite à l'église de Saint-Louis.
La séance est levée.
Séance du
Le matin l'Assemblée se forme en bureaux et discute divers objets jusqu'à midi ; alors elle se réunit dans l'église Saint-Louis.
Elle commence ses opérations par la lecture des procès-verbaux des séances des 16, 17, 18 et: 20.
annonce ensuite que la motion proposée hier par M. de Lally, n'ayant pas encore été suffisamment discutée, est renvoyée à une autre séance.
On fait ^lecture d'une délibération prise par les trois ordres de la ville de Lyon. Sur la nouvelle de la disgrâce et de l'exil de M. Necker et de M. Montmorin, et des dispositions hostiles dirigées contre la capitale, les citoyens se sont tous assemblés, sans distinction d'ordre, d'état ni de condition ; et ainsi réunis, ils ont pris une délibération par laquelle ils protestent contre tout ce qui a été fait par le ministère, adhèrent à tous lès arrêtés pris par l'Assemblée nationale, lui témoignent leur reconnaissance pour tout ce qu'elle a fait, promettent obéissance aux lois qu'elle donnera à la France, et jurent, sur l'autel de la patrie, de défendre leur liberté et leurs justes droits avec le courage le plus inébranlable, recommandant dès à présent à la France entière les familles des généreux citoyens qui pourraient se sacrifier pour elte*
Cette adresse est vivement applaudie, et le dépôt en est ordonné.
doyen, comte de Lyon, au nom des députés de cette sénéchaussée, réitère à l'Assemblée la renonciation à toute exemption pécuniaire faite par le clergé, la noblesse et les bourgeois de la ville de Lyon ; il demande qu'il en soit fait mention dans Je procès-verbal. On applaudit à cette démarche, et on en ordonné une mention honorable.
premier président de
la cour des monnaies, demande a être introduit ; il est reçu de la même manière que M. le premier président du grand conseil, et dit :
Messeigneurs, la France n'oubliera jamais ce que votre vigilance et votre zèle ont fojt pour la tranquillité de la capitale.
La cour des monnaies m'a chargé de vous offrir l'expression de sa respectueuse reconnaissance. Que ne devons-nous pas attendre, Messieurs, de la réunion de tant de lumières et de vertus!
Un de MM. les secrétaires fait lecture de l'arrêté pris par cette cour le 20 du courant, et le dépose sur le bureau. Il est conçu en ces termes :
« Ce jour, la cour assemblée en la manière accoutumée, un de messieurs a dit que l'Assemblée nationale ayant obtenu, de la bonté et de la justice du seigneur Roi, l'éloignement des troupes et le rétablissement de la tranquillité publique, il croit qu il est du devoir de la cour d'offrir audit seigneur Roi, et à l'Assemblée, l'expression respectueuse de sa reconnaissance, pourquoi il priait la cour d'en délibérer.
« La matière mise en délibération, la cour* a arrêté que M. le premier président se retirera incessamment par-devers le seigneur Roi pour le remercier d'avoir accordé toute sa confiance aux représentants de la nation, et d'avoir dissipé les alarmes de la capitale, en y ramenant, par sa présence, le calme et la sécurité.
« A pareillement arrêté que M. le premier président se retirera par-devers l'Assemblée nationale, à l'effet de lui faire ses remerciements, d'avoir interposé ses bons offices auprès du seigneur Roi pour le rétablissement de la paix dans la capitale.
« Fait en la cour, les jour et an que dessus:
c Signé : MoUSSIER. »
De longs applaudissements suivent cette lecture.
L'Assemblée nationale reçoit avec d'autant plus de plaisir les hommages âes cours supérieures, qu'ils lui sont une assurance nouvelle de leur entier dévouement à la chose publique ; elle me charge, monsieur, de témoigner à la cour des monnaies sa satisfaction particulière.
On fait le rapport des pouvoirs vérifiés de M. le marquis de Bonnay, député de la noblesse du bailliage du Nivernais et Donziois, pour remplacer M. Dumas d'Anlezy, qui avait donné sa dé- ' mission. M. de Bonnay est admis sans réclamation.
Une députation de Saint-Germain-en-Laye se présente ; elle est introduite.
au nom de la députation. Messieurs, nous venons offrir à l'Assemblée l'hommage du plus profond respect, de l'entier dévou-ment et de la plus parfaite reconnaissance des habitants de Saint-Germain.
Vos députés sont des anges de paix ; ils ont rétabli dans notre ville la tranquillité publique. Nous vous apportons les pièces justificatives de l'innocence du malheureux Sauvage, qui a été victime de la dernière émeute, et nous vous supplions d'effacer les préjugés défavorables que cette scène horrible a pu vous donner sur le compte des habitants de Saint-Germain.
Une foule d'étrangers attroupés, qui s'étaient
jetés dans notre ville, avaient médité la mort de cet infortuné. Nous étions nommés pour le juger, et, au moment où son innocence allait être reconnue, ces brigands l'on arraché de nos mains et l'ont assassiné.
D'un autre côté, nous touchons au moment d'éprouver les horreurs de la famine ; il n'y a pas dans notre ville de quoi nourrir les habitants plus de douze jours. Menacés par des brigands, nous avons levé dans notre sein une milice composée de cinq à six cents jeunes gens déterminés; mais ils ne sont pas armés. Nous vous supplions dé nous faire donner des armes pour nous défendre, et de prévenir la disette dont notre ville est menacée.
à la députation. L'Assemblée nationale ne peut jamais douter que des Français ne soient de bons citoyens; elle a donc toujours cru que les habitants de Saint-Germain n'étaient pas coupables des torts que quelques gens malintentionnés leur avaient reprochés.
Quant à la demande des armes, c'est au ministre de la province, Messieurs, que vous devez vous adresser, ainsi que pour l'approvisionnement de votre ville. Le comité des subsistances va cependant donner à ce dernier objet tous les soins qui peuvent dépendre de lui.
invite le bureau chargé du règlement, et celui de constitution, à s'assembler ce floir, et à donner à leur travail toute l'activité qui est en leur pouvoir, afin qu'il puisse être promptement soumis à l'Assemblée.
L^i séance est levée et renvoyée au 23.
à la séance de l'Assemblée nationale du
. PRÉLIMINAIRE DE LA CONSTITUTION.
reconnaissance et exposition raisonnée
Des droits de Vhomme et du citoyen.— Lu les 20 et 21 juilleL 1789, au comité de constitution par M. l'abbé Sieyès (1).
Les représentants de la nation française, réunis en Assemblée nationale, reconnaissent qu'ils ont par leur mandats la charge spéciale de régénérer la ,constitution de l'Etat.
En conséquence, ils vont, à ce titre, exercer le pouvoir constituant; et pourtant, comme la représentation actuelle n'est pas rigoureusement conforme à ce qu'exige une telle nature de pouvoir, ils déclarent que la constitution qu'ils vont donner à la nation, quoique provisoirement obligatoire pour tous, ne sera définitive qu'après qu'un nouveau pouvoir constituant, extraordinairement convoqué pour cet unique objet, lui aura donné un consentement que réclame la rigueur des principes.
Les représentants de la nation française, exerçant dès ce moment les fonctions du pouvuir constituant :
..Considèrent que toute union sociale, et par
conséquent toute constitution politique, ne peut avoir pour objet que de manifester, d'étendre et d'assurer les droits de Vhomme et du citoyen.
Ils jugent donc qu'ils doivent d'abord s'attacher à reconnaître ces droits; que leur exposition raisonnée doit précéder le plan de constitution, comme en étant le préliminaire indispensable, et que c est présenter à toutes les constitutions politiques l'objet ou le but que toutes, sans distinction, doivent s'efforcer d'atteindre.g
En conséquence, les représentants delà nation française
Reconnaissent et consacrent, par une promulgation positive et solennelle, la déclaration suivante des droits de Vhomme et du citoyen.
Ses besoins et ses moyens.
L'homme est, de sa nature, soumis à des besoins ; mais, de sa nature, il possède les moyens d'y pourvoir.
Il éprouve dans tous les instants le désir du bien-être; mais il a reçu une intelligence, une volonté et une force: l'intelligence pour connaître, la volonté pour prendre une détermination, et la force pour l'exécuter.
Ainsi le bien-être est le but de l'homme; ses facultés morales et physiques sont ses moyens personnels : avec eux il pourra s'attribuer ou se procurer tous les biens et les moyens extérieurs qui lui sont nécessaires.
Comment il les exerce sur la nature.
Placé au milieu de la nature, l'homme recueille ses dons; il les choisit, il les multiplie; il les-perfectionne par son travail : en même temps il apprend à éviter, à prévenir ce qui peut lui nuire; il se protège, pour ainsi dire, contre la nature avec les forces qu'il a reçues d'elle ; il ose môme la combattre : son industrie va toujours se perfectionnant, et l'on voit la puissance de l'homme, indéfinie dans ses progrès, asservir de plus en plus à ses besoins toutes les puissances de la nature.
Comment il peut les exercer sur ses semblables.
Placé au milieu de ses semblables, il se sent pressé d'une multitude de nouveaux rapports. Les autres individus se présentent nécessairement, ou comme moyens, ou comme obstacles. Rien donc ne lui importe plus que ses rapports avec ses semblables.
Si les hommes voulaient ne voir en eux que des moyens réciproques de bonheur, ils pourraient occuper en paix la terre, leur commune habitation, et ils marcheraient ensemble avec sécurité à leur but commun.
Ce spectacle change, s'ils se regardent comme obstacles les uns aux autres : bientôt il ne leur reste que le choix entré fuir ou combattre sans cesse. L'espèce humaine ne présente plus qu'une grande erreur de la nature.
Deux sortes de relations entre les hommes*
ii) Çe document n'a j^s élé ifêéiré. au 3Jo^ileuLr.
Les relations des hommes entre eux sont donc de deux sortes : celles qui naissent d'un état de
guerre, que la force seule établit, et celles qui naissent librement d'une utilité réciproque.
Relations illégitimes.
Les relations' qui n'ont d'origine que la force, sont mauvaises et illégitimes. Deux hommes, étant également hommes, ont, à un égal degré, tous les droits qui découlent de la nature humaine.
Égalité de droits. Inégalité de moyens.
Ainsi, tout homme est propriétaire de sa personne, ou nul ne l'est. Tout homme a le droit de disposer de ses moyens, ou nul n'a ce droit. Les moyens individuels sont attachés par la nature aux besoins individuels. Celui qui est chargé des besoins, doit donc disposer librement des moyens. Ce n'est pas seulement un droit, c'est un devoir.
Il existe, il est vrai, de grandes inégalités de moyens parmi les hommes. La nature fait des forts et des faibles; elle départ aux uns une intelligence qu'elle refuse aux autres. Il suit qu'il y aura entr'eux inégalité de travail, inégalité de produit, inégalité de consommation ou de jouissance; mais il ne suit pas qu'il puisse y avoir inégalité de droits.
Tous ayant un droit découlant de la même origine, il suit que celui qui entreprendrait sur le droit d'un autre, franchirait les bornes de son propre droit; il suit que le droit de chacun doit être respecté par chaque autre, et que ce droit et ce devoir ne peuvent pas ne pas être réciproques. Donc le droit du faible sur le fort est le même que celui du fort sur le faible. Lorsque le fort parvient à opprimer le faible, il produit effet sans produire obligation. Loin d'imposer un devoir nouveau au faihle, il ranime en lui le devoir naturel et impérissable de repousser "l'oppression.
C'est donc une vérité éternelle, et qu'on ne peut trop répéter aux hommes, que l'acte par lequel le fort tient le faible sous son joug, ne peut jamais devenir un droit ; et qu'au contraire l'acte par lequel le faible se soustrait au joug du fort, est toujours un droit, que c'est un devoir toujours pressant envers lui-même.
Relations légitimes.
Il faut donc s'arrêter aux seules relations qui puissent légitimement lier les hommes entre eux, c'est-à-dire à celles qui naissent d'un engagement réel.
11 n'y a point d'engagement, s'il n'est fondé sur la volonté libre des contractants. Donc, point d'association légitime, si elle ne s'établit sur un contrat réciproque, volontaire et libre de la part des co-associés.
Puisque tout homme est chargé (Je vouloir pour son bien, il peut vouloir s'engager envers ses semblables; et il le voudra, s'il juge que c'est son avantage.
L'état social, suite du droit naturel.
11 a été reconnu plus haut que les hommes peuvent beaucoup pour le bonheur les uns des autres. Donc une société fondée sur l'utilité réciproque est véritablement sur la ligne des moyens naturels qui se présentent à l'homme pour le conduire à son but ; donc cette union est un
avantagent non un sacrifice, et l'ordre social est comme une suite, comme un complément de l'ordre naturel. Ainsi, lors même que toutes les facultés sensibles de l'homme ne le porteraient pas d'une manière très-réelle et très-forte, quoique non encore éclaircie, à vivre en société, la raison toute seule l'y conduirait.
Objet de l'union sociale.
L'objet de l'union sociale est le bonheur des associés. L'homme, avons-nous dit, marche constamment à ce but; et certes, il n'a pas prétendu en changer , lorsqu'il s'est associé avec ses semblables.
{ Donc l'état social ne tend pas à dégrader, à avilir les hommes, mais au contraire à les ennoblir, à les perfectionner.
Donc la société n'affaiblit point, ne réduit pas les moyens particuliers que chaque individu apporte à l'association pour son utilité privée ; au contraire, elle les agrandit, elle les multiplie par un plus grand développement des facultés morales et physiques ; elle les augmente encore par le concours inestimable des travaux et des secours publics: de sorte que, si le citoyen paye ensuite une contribution à la chose publique, ce n'est qu'unesorte de restitution ; c'est la plus légère partie du profit et des avantages qu'il en tire.
Donc l'état social n'établit pas une injuste inégalité de droits à côté de l'inégalité naturelle des moyens; au contraire, il protège l'égalité des droits contre l'influence naturelle, mais nuisible, de l'inégalité des moyens. La loi sociale n'est point faite pour affaiblir le faible et fortifier le fort; au contraire, elle s'occupe de mettre le faible à l'abri des entreprises du fort; et couvrant de son autorité tutélaire l'universalité des citoyens, elle garantit à tous la plénitude de leurs droits.
L'état social favorise et augmente la liberté.
Donc l'homme, entrant en société, ne fait pas le sacrifice d'une partie de sa liberté : même hors du lien social, nul n'avait le droit de nuire à un autre^Ce principe est vrai dans toutes les positions où l'on voudra supposer l'espèce humaine : le droit de nuire n'a jamais pu appartenir à la liberté.
Loin de diminuer la liberté individuelle, l'état social en étend et en assure l'usage ; il en écarte une foule d'obtacles et de dangers, auxquels elle était trop exposée, sous la seule garantie d'une force privée, et il la confie à la garde toute-puissante de l'association entière.
Ainsi puisque, dans l'état social, l'homme croît en moyens moraux et physiques, et qu'il se soustrait eh même temps aux inquiétudes qui en accompagnaient l'usage, il est vrai de-dire que la liberté est plus pleine et plus entière dans l'ordre social, qu'elle ne peut l'être dans l'état qu'on appelle de nature.
La liberté s'exerce sur des choses communes, et sur des choses propres.
La propriété de sa personne est le premier des droits.
De ce droit primitif découle la propriété des actions et celle du travail, car le travail u'est que l'usage utile de ses facultés; il émane évidemment de la propriété de la personne et des actions.
La propriété des objets extérieurs, ou la prp*
priélé réelle, n'est pareillement qu'une suite et commç une extension de la propriété personnelle. L'air que nous respirons, l'eau que nous buvons, le fruit que nous mangeons, se transforment en notre propre substance, par l'effet d'un travail involontaire ou volontaire de notre corps.
Par des opérations analogues, quoique plus dépendantes de la volonté, je m'approprie un objet qui n'appartient à personne, et dont j'ai besoin, par un travail qui le modifie, qui le prépare à mon usage. Mon travail était à moi ; il l'est encore : l'objet sur lequel je l'ai fixé, que j'en ai investi, était à moi comme à tout le monde; il était même à moi plus qu'aux autres, puisque j'avais sur lui, de plus que les autres, le droit de premier occupant. Ces conditions pie suffisent pour faire de cet objet ma propriété exclusive/ L'état social y ajoute encore, par la force d'une convention générale, une sorte de consécration légale ; et Ton a besoin de supposer ce dernier acte, pour pouvoir donner au mot propriété toute l'étendue du sens que nous sommes accoutumés à y attacher dans nos sociétés policées.
Les propriétés territoriale s sont la partie la plus importante de la propriété réelle. Dans leur état actuel, elles tiennent moins au besoin personnel qu'au besoin social; leur théorie est différente : ce n'est pas ici le lieu de la présenter-
Étendue de la liberté, — Ses limites.
Celui-là est libre, qui a l'assurance de n'être point inquiété dans l'exercice de sa propriété personnelle, et dans l'usage de sa propriété réelle. Ainsi tout citoyen a le droit de rester, d'aller, de penser, de parler, d'écrire, d'imprimer, de publier, de travailler, de produire, de garder, de transporter, d'échanger et de consommer, etc.
Les limites de la liberté individuelle ne sont placées qu'au point où elle commencerait à nuire à la liberté d'autrui. C'est à la loi à reconnaître ces limites et à les marquer. Hors de la loi, tout est libre pour tous : car l'union sociale n'a pas seulement pour objet ]a liberté d'un ou de plusieurs individus, mais la liberté de tous. Une société dans laquelle un homme serait plus ou moins libre qu'un autre, serait, à coup sûr, fort mal ordonnée ; elle cesserait d'être libre; ifr faudrait la reconstituer.
Rapports des engagements avec la liberté.
Il semble au premier aspect que celui qui contracte un engagement, perd une partie de sa liberté. Il est plus exact de dire qu'au moment où il contracte, loin d'être gêné dans sa liberté, il l'exerce ainsi qu'il lui convient; car tout engagement est un échange où chacun aime mieux ce qu'il reçoit que ce qu'il donne.
Tant que dure l'engagement, sans doute il doit en remplir les obligations : la chose engagée n'est plus à lui; et la liberté, avons-nous dit, ne s'étend jamais jusqu'à nuire à autrui. Lorsqu'un changement de rapports a déplacé les limites dans lesquelles la liberté pouvait s'exercer, la liberté n'en est pas moins entière, si la nouvelle position n'est que le résultat du choix que l'on a fait.
Garantie de la liberté.
Vainement déclarerait-on que la liberté est le droit inaliénable de tout citoyen ; vainement la
loi prononcerait-elle des peines contre les in Tracteurs, s'il n'existait, pour maintenir le droit et pour faire exécuter la loi, une force capable de garantir l'un et l'autre.
La garantie de la liberté ne sera bonne que quand elle sera suffisante, et elle ne sera suffisante que quand les coups .qu'on peut lui porter, seront impuissants contre la force destinée à la défendre. Nul droit n'est complètement assuré, s'il n'est protégé par une force relativement irrésistible.
La liberté individuelle a, dans une grande société, trois sortes d'ennemis à craindre.
Les moins dangereux sont les citoyens malé-voles. Pour les réprimer, il suffit d'une autorité ordinaire. Si justice n'est pas toujours bien faite en ce genre, ce n'est pas faute d'une force coer-citive relativement suffisante ; c'est plûtôt parce que la législation est mauvaise et le pouvoir judiciaire mal constitué. Il sera remédié à ce double inconvénient.
La liberté individuelle a beaucoup plus à redouter des entreprises des officiers chargés d'exercer quelques-unes des parties du pouvoir public.
De simples mandataires isolés, des corps entiers, le gouvernement lui-même en totalité, peuvent cesser de respecter les droits du citoyen. Une longue expérience prouve que les nations ne se sont pas assez précautionnées contre cette sorte de danger.
Quel spectacle que celui d'un mandataire qui tourne contre ses concitoyens les armes ou le pouvoir qu'il a reçus pour les défendre, et qui, criminel envers lui-même, envers la patrie, ose changer en instrument d'oppression les moyens qui lui ont été confiés pour la protection commune !
Une bonne constitution de tous les pouvoirs publics est la seule garantie qui puisse préserver les nations et les citoyens de ce malheur extrême.
La liberté enfin peut être attaquée par un ennemi étranger. De là le besoin d'une armée. Il est évident qu'elle est étrangère à l'ordre intérieur, qu'elle n'est créée que dans l'ordre des relations extérieures. S'il était possible, en effet, qu'un peuple restât isolé sur la terre, ou s'il devenait impossible aux autres peuples de l'ai taquer, n'est-il pas certain qu'il n'aurait nullement besoin d'armée ? La paix et la tranquillité intérieures exigent, à la vérité, une force coercitive, mais-d'une nature absolument différente. Or, si l'ordre intérieur, si l'établissement d'une force coercitive légale peuvent se passer d'armée, il est d'une extrême importance que là où est une armée, Tordre intérieur en soit tellement indépendant, que jamais il n'y ait aucune espèce de relation entre l'un et l'autre.
Il est donc incontestable que le soldat ne doit jamais être employé contre le citoyen, et que l'ordre intérieur ae l'Etat doit être tellement établi, que, dans aucun cas, dans aucune circonstance possible^ on n'ait besoin de recourir au pouvoir militaire, si ce n'est contre l'ennemi étranger.
Autres avantages de l'état social.
Les avantages qu'on peut retirer de l'état 60-cial ne se bornent pas à la protection efficace et complète de la liberté individuelle; les citoyens ont droit encore à tous les bienfait?, de l'associa-
tion. Ces bienfaits se multiplieront à mesure que I seul rapport, un corps politique de création so- l'ordre social prolitera des lumières que le temps, ciale. Or tout corps a besoin d'être organisé, li- l'expérience et les réflexions répandront dans mité, etc., et par conséquent d'être constitué, l'opinion publique. L'art de faire sortir tous les Ainsi, pour le répéter encore une fois, la cons- biens possibles de l'état de société, est le premier titution d'un peupie n'est et ne peut être que la et le "plus important des arts. Une association constitution de son gouvernement et du pouvoir combinée pour le plus grand bien de tous, sera chargé de donner des lois, tant au peuple qu'au le chef-d'œuvre de l'intelligence et de la vertu. gouvernement.
Personne n'ignore que les membres de la so- Une constitution suppose avant tout un pouvoir ciété retirent les plus grands avantages des pro- constituant. priétés publiques, des travaux publics. Les pouvoirs compris dans l'établissement pu-
On sait que ceux des citoyens qu'un malheureux blic sont tous soumis à des lois, à des règles, à sort condamne à l'impuissance de pourvoir à des formes, qu'ils ne sont point les maîtres de leurs besoins, ont de justes droits aux secours de changer, leurs concitoyens, etc.
On sait que rien n'est plus propre à perfection- PouToîr c„nstitaailt et pouyoirs constitués, ner l espèce humaine, au moral et au physique, qu'un bon système d'éducation et d'instruction Comme tfont pag pu ge constituer eux_mê_ -ftn sait an'nnp nation fnrmP avpc Ips autres mes' -ils.ne Peuveut pas non plus changer leur
constitution ; de même Us ne peuvent rien sur
Ï^JZS^JiïS&JF1 ,a constitution les uns des autres! Le pouvoir
-^^S'SSm^i^SèSiam des droits constituant peut tout en ce genre. Il n'est point
qSfflSŒ* S^ute^rceIloTleXS eTusim-
bonne constitution peut procurer aux peuples II W dinWto
suffit ici de dire que es citoyens en commun ont Fonction [lbfe d£ toute 'contrainte, et de toute
droit a tout ce que l'Etat peut faire en leur fa- forme) a'utreque ce,le qu>u lui piaît d'adopter.
vetur' £ a a, i ___Anri ii Mais il n'est pas nécessaire que les membres
Les/In. de là société étant ainsi rappelées, il de ia société exercent individuellement le pouvoir
est clair que lesmoyens pub les doivent s j pro- constituant; ils peuvent donner leur confiance à
nortionner qu ils do vent s'augmenter avec la des représentants qui ne s'assembleront que pour
loriune et la prospérité nationales. ^ cet objet, sans pouvoir exercer eux-mêmes aucun
L ensemble de ces moyens, composé de person- deg Jouvoirs |.onslitllés. Au surplus, c'est au
nés et de choses, doit s'appeler l établissement premîer chapitre du projet de constitution qu'il
public afin de rappeler davantage son origine et £ppartieilt d'éclairer sur les moyens de former
Gesimation. i. $. i i w\ I et de réformer toutes les parties d'une consti-
L établissement public est une sorte de corps Jution y ^ ^ u u
politique qui, ayant, comme le corps de l'homme,
des besoins et des moyens, doit être organisé à a|w8i« i
pou près de la même manière. Il faut le douer Droits civils- Droits
de la faculté de vouloir et de celle d'agir. \T > ' v • » . ,
Le pouvoir législatif représente la première, et Nous n avons exposé jusqu à présent que les
le pouvoir exécutif représente la seconde de ces droits naturels et civils des citoyens. Il nous reste
deux facultés a reconnaître 'es droits politiques.
Le gouvernement se confond souvent avec Tac- La, différence entre ces deux sortes de droits
tion ou l'exercice de ces deux pouvoirs; mais ce confsl8te cn ce que les droits naturels et civils
mot est plus particulièrement consacré à désigner s°nt P0™maintien et le développement
le pouvoir exécutif ou son action. Rien S'est desquels la société est formée ; et les droits poli-
plus commun que d'entendre dire : On doit gou- tiques, ceux par lesquels la société se forme. 11
Verner suivant la loi ; ce qui prouve que le pou- ?aut raie.ux> P.00Tf ,a cl^té ?■} WHf
voir de faire la loi est distinct du gouvernement les premiers, droits passifs, et les seconds, droits
proprement dit. ! actHs-
Le pouvoir actif se subdivise en plusieurs branches. C'est à la constitution à suivre cette analyse. Citoyens passifs. Citoyens actifs.
^ , A I Tous les habitants d'un pays doivent y jouir
Ce que c est que la constitution. deg dpoils de citoyen passif. Jtous 0Dt droit à Ia
protection de leur personne, de leur propriété,
La constitution embrasse à la fois la formation île leur liberté, etc., mais tous n'ont pas droit à
et l'organisation intérieures des différents pou- prendre une part active dans la formation des
voirs publics, leur correspondance nécessaire, et pouvoirs publics; tous ne sont pas citoyens ac-
leur indépendance réciproque. tifs. Les femmes, du moins dans l'état actuel, les
Enfin, les précautions politiques dont il est sage enfants, les étrangers, ceux encore qui ne con-
de les entourer, afin que toujours utiles, ils ne tribueraient en rien à soutenir l'établissement
puissent jamais se rendre dangereux. public, ne doivent point influer activement sur la
Tel est le vrai sens du mot constitution ; il est chose publique. Tous peuvent jouir des avantages
relatif à l'ensemble et à la séparation des pou- de la société ; mais ceux-là seuls qui contribuent
voirs publics. Ce n'est point la natioo 311e l'on à rétablissement public, sont comme les vrais
constitue, c'est son établissement politique. La actionnaires de la grande entreprise sociale. Eux
nation est l'ensemble des associés, tous gouver- seuls sont les véritables citoyens actifs, les véri-
nés, tous soumis à la loi, ouvrage de leur volonté, I tables membres de l'association,
tous égaux en droits, et libresdans leurs commu- L'égalité des droits politiques est un principe
uications et dans leurs engagements respectifs, fondamental. Elle est sacrée, comme celle des
Les gouvernants, au contraire, forment, sous cq \ droits civils, De l'inégalité des droits politiques
sortiraient bientôt les privilèges. Le privilège est, ou dispense d'une charge commune, ou octroi exclusif d'un bien commun. Tout privilège est donc injuste, odieux et contradictoire au vrai but de la société. La loi étant un instrument commun, ouvrage d'une volonté commune, ne peut-avoir pour objet que l'intérêt commun. Une société ne peut avoir qu'un intérêt général. Il serait impossible d'établir l'ordre,. si l'on prétendait marcher à plusieurs intérêts opposés. L'ordre social suppose nécessairement unité de but, et concert de moyens.
Une association politique est l'ouvrage de la volonté unanime des associés.
Son établissëment public est le résultat de la volonté de la pluralité des associés/ On sent bien que l'unanimité étant urie chose très-difficile à obtenir dans une collection d'hommes tant soit peu nombreuse, elle devient impossible dans une société de plusieurs millions d'individus. L'union sociale a ses fins ; il faut donc prendre les moyens possibles d'y arriver; il faut donc se contenter de la pluralité. Mais il est bon d'observer qu'alors même il y a une sorte d'unanimité médiate ; car, ceux qui unanimement ont voulu se réunir pour jouir des avantages de la société, ont voulu unanimement tous les moyens nécessaires pour se procurer ces avantages. Le choix seul des moyens est livré à la pluralité ; et tous ceux qui ont leur voeu à prononcer, conviennent d'avance de s'en rapporter toujours à cette pluralité. De là deux rapports sous lesquels la pluralité se substitue, avec raison, aux droits de l'unanimité. Là volonté générale est donc formée par la volonté de la pluralité.
• Tout pouvoir, foute autorité viennent du peuple.
Tous les pouvoirs publics, sans distinction, sont une émanatioade la volonté générale; tous viennent du peuple, c'est-à-dire de la nation. Ces deux termes doivent être synonymes.
Toute fonction publique est, non une propriété, mais une commission.
Le mandataire public, quelque soit son poste, n'exerce donc pas un pouvoir qui lui appartienne en propre, c'est le pouvoir de tous ; il lui a été seulement confié; ii ne pouvait pas être aliéné, car la volonté est inaliénable, les peuples sont inaliénables; ledroitde penser,de vouloir et d'agir pour soi est inaliénable; on peut seulement en commettre l'exercice à ceux qui ont notre confiance ; et cette confiance a pour caractère essentiel d'être libre. C'est donc une grande erreur de croire qu'une fonction publique puisse jamais devenir la propriété d'un homme; c'est une grande erreur de prendre l'exercice d'un pouvoir public pour un droit, c'est un devoir. Les officiers delà nation n'ont au-dessus des autres citoyens que des devoirs de plus; et qu'on ne s'y trompe pas, nous sommes loin, en prononçant cette vérité, de vouloir déprécier Je caractère d'homme public. C'est l'idée d'un grand devoir à remplir, et par conséquent d'une grande utilité pour les autres, qui fait naître et justifie les égards et le respect que nous portons aux hommes en place. Aucun de ces sentiments ne s'élèverait dans des âmes libres, à l'aspect de ceux qui ne se distingueraient que par de3 droits, c'est-à-dire
I qui ne réveilleraient en nous que l'idée de leur intérêt particulier.
Ici peut se terminer l'exposition raisonnèe des droits de l'homme et du citoyen, que nous avons voulu offrir à la nation française, et que nous nous proposons à nous-mêmes, pour nous servir de guide dans l'ouvrage de la constitution auquel nous allons nous livrer. Mais, afin que ces droits éternels soient connus de tous ceux à qui ils appartiennent, etqu'ils puissent être plus aisément retenus, nous en présentons à toutes les classes de citoyens, la partie la plus essentielle en résultats faciles à saisir, dans la forme suivante : Art. 1er. Toute société ne peut être que l'ouvrage libre d'une convention enire tous les associés.
Art 2. L'objet d'une société politique ne peut être que le plus grand bien de tous.
Art. 3. Tout homme est seul propriétaire de sa personne; et cette propriété est inaliénable.
Art. 4. Tout homme est libre dans l'exercice de ses facultés personnelles, à la seule coqdition de ne pas nuire aux droits d'autrui.
Art. 5. Ainsi, personne n'est responsable de sa pensée, ni de ses sentiments; tout homme a le droit de parler ou de se taire; nulle manière de publier ses pensées et ses sentiments, ne doit être interdite à personne; et en particulier, chacun est libre d'écrire, d'imprimer ou de faire imprimer ce que bon lui semble, toujours à la seule condition de ne pas donner atteinte aux droits (i'autrui. Enfin, tout écrivain peut débiter ou faire débiter ses productions, et il peut les faire circuler librement tant par la poste, que par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance. Les lettres en particulier doivent être sacrées pour tous les intermédiaires qui oe trouvent entre celui qui écrit, et celui à qui il écrit.
Art. 6. Tout citoyen est pareillement libre d'employer ses bras, son industrie et ses capitaux, ainsi qu'il le juge bon et utile à lui môme. Nul genre de travail ne lui est interdit. Il peut fabriquer et produire ce qui lui plaît, et comme il lui plaît; il peut garder ou transporter à son gré toute espèce de marchandises, et les vendre en gros ou en détail. Dans ces diverses occupations, nui particulier, nulle association n'a le droit de le gêner, à plus forte raison de l'empêcher. La loi seule peut marquer les bornes qu'il faut donner à celte liberté comme à toute autre.
Art.7 .Touthomme est pareillement le maître d'aller ou de rester, d'entrer ou de sortir, et même de sortir du royaume, et d'y rentrer quand et comme bon lui semble.
Art. 8. Enfin, tout homme est le maître de disposer de son bien, de sa propriété, et de régler sa dépense ainsi qu'il le juge à propos.
Art. 9. La liberté, la propriété et la sécurité des citoyens doivent reposer sur une garantie sociale supérieure à toutes les atteintes.
Art. 10. Ainsi, la loi doit avoir à ses ordres une force capable de réprimer ceux des simples citoyens qui entreprendraient d'attaquer les droits de quelque autre.
Art. il. Ainsi, tous ceux qui sont chargés de faire exécuter les lois, tous ceux qui exercent quelque autre partie de l'autorité ou d'un pouvoir public, doivent être dans l'impuissance d'attenter à la liberté des citoyens.
Art. 12. Ainsi, l'ordre intérieur doit être tellement établi et servi par une force intérieure et légale, qu'on n'ait jamais besoin de requérir le secours dangereux du pouvoir militaire.
Art. 13. Le pouvoir militaire n'est créé, n'existe, et ne doit agir que dans Tordre des relations politiques extérieures. Ainsi, le soldat ne doit jamais être employé contre le citoyen. Il ne peut être commandé que contre l'ennemi extérieur.
Art. 14. Tout citoyen est également soumis à la loi, et nul n'est obligé d'obéir à une autre autorité que celle de la loi.
Art. 15. La loi n'a pour objet que l'intérêt commun; elle ne peut donc accorder aucun privilège à qui que ce soit; et s'il s'est établi des privilèges, ils doivent être abolis à l'instant, quelle qu'en soit l'origine.
Art. 16. Si les hommes ne sont pas égaux en moyens, c'est à dire en richesses, ên esprit, en force, etc., il ne suit pas qu'ils ne soient pas tous égaux en droits. Devant la loi, tout homme en vaut un autre; elle les protège tous sans distinction.
Art. 17. Nul homme n'est plus libre qu'un autre. Nul n'a plus de droit à sa propriété, qu'un autre n'en peut avoir à la sienne. Tous doivent jouir de la même garantie et de la même sécurité.
Art. 18. Puisque la loi oblige également les citoyens, elle doit punir également les coupables.
Art. 19. Tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi, doit obéir à l'instant. 11 se rend coupable par la résistance.
Art. 20. Nul ne doit être appelé en justice, saisi et emprisonné, que dans les cas prévus, et dans les formes déterminées par la loi.
Art. 21. Tout ordre arbitraire ou illégal est nul. Celui ou ceux qui l'ont demandé, celui ou ceux qui l'ont signé sont coupables. Ceux qui le portent, qui l'exécutent ou le font exécuter, sont coupables. Tous doivent être punis.
Art. 22. Les citoyens contre qui de pareils ordres ont été surpris, ont le droit de repousser la ^violence parla violence.
Art. 23. Tout citoyen a droit à la justice la plus prompte, tant pour sa personne que pour sa chose.
Art. 24. Tout citoyen a droit aux avantages communs qui peuvent naître de l'état de société.
Art. 25. Tout citoyen qui est dans l'impuissance de pourvoir à ses besoins, a droit aux secours de ses concitoyens.
Art. 26. La loi ne peut être que l'expression de la volonté générale. Chez un grand peuple, elle doit être l'ouvrage d'un corps de représentants choisis pour un tempscourt, médiatement ou immédiatement par tous les citoyens qui ont à la chose publique intérêt avec capacité. Ces deux qualités ont besoin d'être positivement et clairement déterminées par la constitution.
Art. 27. Nul ne doit payer de contribution que celle qui a été librement votée par les représentants de la nation,
Art. 28. Tous les pouvoirs publics viennent du peuple, et n'ont pour objet que l'intérêt du peuple.
Art. 29. La constitution des pouvoirs publics doit être telle, que toujours actifs, toujours propres à remplir leur destination, ils ne puissent jamais s'en écarter au détriment de l'intérêt social.
Art. 30. Une fonction publique ne peut jamais devenir la propriété de celui qui l'exerce; son exercice n'est pas un droit, mais un devoir.
Art. 31. Les officiers publics, dans tous les I genres de pouvoir, sont responsables de leurs ré- (
varications et de leur conduite. Le Roi seul doit être excepté de cette loi. Sa personne est toujours sacrée et inviolable.
Art. 32. Un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer sa constitution. Il est même bon de déterminer des époques fixes, où cette révision aura lieu, quelle qu'en soit la nécessité.
Séance du
La séance est ouverte par la lecture d'une adresse des communes de Bordeaux, accompagnée de 5,000 signatures et d'une adhésion de 90 électeurs de la même ville.
On lit diverses autres adresses des citoyens de Riom, de Sancoins en Nivernais, de la commune du Havre, et des citoyens négociants des diverses provinces du royaume, assemblés en foire à Beaucaire.
Toutes ces adresses expriment des sentiments de respect, de confiance envers l'Assemblée na-tiçnale, et annoncent les résolutions et les dispositions les plus patriotiques.
La noblesse du Maine et celle delà municipalité de Dombes ont envoyé à leurs députés les pouvoirs les plus illimités.
fait lecture de plusieurs lettres qu'il a reçues de diverses villes qui demandent des secours pour dissiper des troupes de brigands qui, sous prétexte de la disette des grains, infestent le pays et causent des soulèvements. Il donne communication de la réponse qu'il fait à ces différentes demandes, eh anonçant que le Roi a donné des ordres et pris des mesures pour assurer à ces villes la tranquillité publique.
fait lecture d'un avis qui lui a été envoyé par le ministre, et qui lui annonce que des grains venus de Barbarie par les soins de M. Necker, pour l'approvisionnement de Paris, sont arrivés jusqu'à Montlhéry, toujours escortés par des troupes; il demande qu'attendu que les troupes ont été retirées depuis Montlhéry jusqu'à Paris, ou prenne des moyens pour faire arriver ces grains de ce poste jusqu'à Paris, en les.faisant escorter par des milices nationales. M. le président ajoute qu'il a fait passer cet avis du ministre à M. le marquis de Lafayette.
On a annoncé et introduit une députation de la ville de Chartres.
portant la parole, a dit: Nosseigneurs, la nation française, attentive à toutes les
opérations et aux démarches que vous dicte votre sagesse éclairée, n'a pas besoin de vous
engager à continuer les pénibles travaux qu'exige le but qui vous a rassemblés. Elle sait
avec quelle confiance elle peut s'en rapporter à votre activité vigilante et à votre
dévouement patriotique; elle sait que la révolution heureuse qui se prépare ne sera due qu'à
votre zèle et à votre fermeté:
Permettez-nous enfin de donner une adhésion pleine et entière aux arrêtés fermes et courageux qui opèrent le salut de la patrie, et jettent les fondements de la liberté future.
Après nous être félicités avec vous de l'heureux présage que nous offre l'acte de bienfaisance et de justice que vient de faire notre monarque sensible, en rappelant auprès de sa personne sacrée les vertueux ministres, dont les lumières et les conseils ne peuvent que lui être très-utiles pour travailler conjointement avec vous, Nosseigneurs, au grand œuvre que votre ardeur infatigable se propose de perfectionner ; nous partirons pénétrés de la plus respectueuse admiration; nous ferons passer aisément dans les cœurs de nos concitoyens, les sentiments que votre présence nous a inspirés; bientôt nous aurons la douce satisfaction de les voir partager avec nous les flatteuses espérances que notre séjour ici nous a fait concevoir, et joindre les vœux les plus sincères à ceux que nous formons pour le bonheur et la conservation de tous les membres qui composent cette auguste Assemblée.
Est entrée ensuite une députation de la ville de Saumur, qui a dit: Nosseigneurs, la ville de Saumur assemblée à la nouvelle qui s'est répandue dans le royaume, du calme rendu à la capitale par les soins de l'auguste Assemblée nationale, et la démarche attendrissante du meilleur des Rois, n'a retenti que de cris d'allégresse, de reconnaissance et d'ivresse, auxquels se sont mêlées l'acclamation et l'expression les plus vives et les plus énergiques d'une foule d'habitants du pays suumurois, qui y sont accourus.
Une première délibération a manifesté le 16 de ce mois, à Nosseigneurs, ces sentiments de vénération et de confiance dont les citoyens sont pénétrés; les derniers bienfaits que la nation en reçoit, redoublent en eux le désir d'en faire éclater leur transport; et comme l'hommage du cœur est le seul tribut digne de la vertu et du patriotisme, la ville de Saumur, organe du pays saumurois, vous offre le sien, Nosseigneurs, par ses députés, avec sa respectueuse et véritable adhésion à vos arrêtés.
Lecture est faite d'un arrêté de la ville de Saumur.
répond à ces deux députa-tions en ces termes :
Vous êtes instruits, Messieurs, des sentiments paternels avec lesquels le Roi a cédé au vœu de l'Assemblée nationale; vous ne. pouvez douter du zèle des représentants de la nation ; ils ont droit d'exiger que les provinces aient une entière confiauce dans l'heureux accord qui règne enlre le Roi et l'Assemblée nationale, et
que le plus grand calme en soit la preuve: c'est le vœu de tous les bous citoyens.
premier président du parlement de Paris, ayant demandé d'être admis, est entré. Il a dit qu'il était chargé de présenter à l'Assemblée nationale l'hommage du respect et de la reconnaissance de sa compagnie, et de déposer sur le bureau l'arrêté de la Cour du 20 de ce mois.
Lecture est faite de cet arrêté, qui est ainsi conçu :
Du 20 juillet 1789. — «La Cour, toutes les Chambres assemblées, vivement touchée des témoignages d'amour et de bonté que le Roi est venu donner à sa bonne ville de Paris et à tous ses fidèles sujets ;
« Considérant combien les derniers actes de zèle et de patriotisme de l'Assemblée nationale ont concouru au succès des déterminations paternelles du monarque pour le rétablissement du calme dans la capitale:
« A arrêté que M. le premier président se retirera à l'instant par devers ledit seigneur Roi, à l'effet de lui exprimer la vive reconnaissance de la Cour; et qu'il se retirera par devers l'Assemblée nationale, et lui exprimera le respect dont la Cour est pénétrée pour les représentants de la nation, dont les travaux éclairés vont assurer à jamais le bonheur de la nation. »
répond : Monsieur, l'Assemblée nationale voit avec plaisir la justice et le respect que le parlement de Paris rend à ses décrets. Le chef de I illustre compagnie qui la première a eu le bonheur et le courage de pro-noucer hautement le vœu de la convocation des Etats généraux, doit jouir d'une douce satisfaction, en étant introduit dans cette auguste Assemblée. Une des plus essentielles occupations des représentants de la nation sera de faire rendre aux lois le respect auquel est intéressé le bien générai et particulier, et ils acquerront par ce succès un titre de plus à la reconnaissance de tous les citoyens honnêtes et vertueux, et particulièrement a celle des tribunaux.
La réunion sincère de tous les ordres, l'hommage fait à la chose publique par chacun de nous, des usages jusqu'ici respectés, des opinions anciennes, des prétentions privées, les utiles démarches qui en put été le résultat, ne doivent laisser aux bons citoyens aucun doute du zèle pur et infatigable avec lequel l'Assemblée nationale est dévouée sans réserve au grand œuvre de l'heureuse régénération de l'Empire, avec lequel elle s'occupe du bonheur de la nation la plus généreuse et du Roi le plus digne de son amour.
L'Assemblée nationale y voit encore l'heureux présage que, dans cette grande circonstance, aucune classe de citoyens ne laissera, par des considérations particulières, étouffer en elle le sentiment pur et généreux du patriotisme.
premier président de la Chambre des comptes étant entré, a dit: Admis à l'honneur de paraître devant les augustes re-
Srésentants de la nation, je me trouve heureux,
essieurs, d'avoir à vous offrir l'hommage des sentiments qui animent la Chambre des comptes, et dont elle m'avait chargé d'être l'interprète auprès du trône.
Rendez le calme à nos tiistes foyers; vous
êtes notre espoir: la patrie gémissante vous implore comme des divinités tutélaires.
Nos coeurs, notre reconnaissance décernent déjà la palme du patriotisme à vos vertus, à votre courage; couronnez vos travaux; et puisse le bonheur public être bientôt votre ouvrage et votre récompensej La Chambre des comptes, Messieurs, a l'honneur de vous proposer par ma voix, tous les renseignements qu'elle pourra vous donner, lorsque vous vous occuperez des finances.
On fait lecture de l'arrêté qui a été déposé sur le bureau, et qui est conçu ainsi qu'il suit:
Du 18 juillet 1789. — « La Chambre, sur le récit de ce qui s'est passé hier, a arrêté que M. le premier président ira, dans ce jour, porter au pied du trône ses respectueuses félicitations sur le rétablissement du calme dans la capitale, que l'on doit à la loyauté et à la présence du Roi.
« La compagnie se repose sur !e premier président, pour exprimer dignement les sentiments qui l'animent; elle le charge de faire part de son arrêté à l'Assemblée nationale, et de lui offrir l'hommage de tous les renseignements qu'elle peut lui donner, lorsqu'elle s'occupera des finances.
« Arrête en outre que deux de MM. les conseillers-maîtres se transporteront incessamment à rilôtel-de-Ville, pour remettre à MM. de la commune une copie de la présente délibération. »
répond : L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l'hommage de la Chambre des comptes. Le bonheur'de la nation est le seul vœu des représentants de la nation; c'est le seul but de leurs travaux. Elle voit dans l'offre des renseignements sur les finances que lui fait la compagnie que vous présidez, une nouvelle preuve de son désir de se rendre utile à l'Etat. L'Assemblée nationale y aura recours avec confiance, et ne doute pas d'y trouver les moyens de servir le désir impatient dont elle est animée de terminer l'ouvrage important du rétablissement des finances.
A la suite de ces deux députations, on en annonce une de la cour desaiaes.
premier président de cette cour, entre, et remet un arrêté sur le bureau; il prononce le discours suivant:
Messieurs, la cour des aides, créée par la nation assemblée, croirait manquer à son devoir le plus sacre, si elle différait à vous offrir l'hommage de son respect.
Elle a rempli constamment l'honorable mission qui fut donnée, en 1355, aux généraux des finances.
Tant- que son zèle n'a point été arrêté, tant que sa voix n'a point été étouffée par les ennemis du bien public, les peuples ont été heureux; mais ces jours fortunés se sont écoulés prompte-ment.
Des augmentations d'impôts, une répartition arbitraire, des extensions abusives, des vexations de tous les genres, tout présentait, depuis long- I temps, un désordre qui ne pouvait subsister.
Toujours fière de son illustre origine, la cour des aides n'a jamais cessé d'invoquer l'Assemblée de la nation à qui elle devait son existence: ce yœu fut le premier dont elle osa frapper les oreilles d'un jeune Roi avide de la vérité tant qu'il ne consulta que sou cœur.
Les maux publics ont été portés à leur comble par les ennemis de la patrie; un nouveau
cri s'est fait entendre: la France n'a vu de remède à ses malheurs que dans l'Assemblée de la nation; ses vœux enfin ont été exaucés; la force de la nécessité a brisé les obstacles qu'on a semés sur cette heureuse convocation; et tous les Fran» çais, à travers les nuages qui couvrent encore notre horizon, croient entrevoir ici le soleil de la félicité publique.
La cour des aides, Messeigneurs, unit sa voix à celle de tous les citoyens patriotes. Elle ne vient point, par ma bouche, vous offrir ses lumières et ses services; elle attendra les ordres de cette auguste Assemblée, lorsque s'occupant du soulagement des peuples, elle daignera descendre dans les détails des impositions, des perceptions, des répartitions, et enfin de la législation qui régit ces différents objets: heureuse que vous daigniez sanctionner l'estime publique qui a toujours marché à ses côtés, parce qu'elle a toujours suivi la route du devoir et de l'honneur.
Qu'il me soit permis aussi, Messeigneurs, de regarder comme le plus beau jour de ma vie celui où j'ai l'honneur d'être l'organe de la cour des aides auprès de cette auguste Assemblée; elle devient d'autant plus chère à la nation, qu'elle vient de cimenter l'amour du Roi pour ses peuples et leur fidélité à sa personne sacrée.
Elle m'a chargé, Messeigneurs, de vous témoigner son respect et de vous offrir ses remer-cîments sur les mesures que votre sagesse et votre fermeté vous ont inspirées pour concourir au rétablissement de la paix dans la capitale: c'est l'objet principal de la mission dont ma compagnie m'a honoré, et de son arrêté que je demande la permission de remettre sur le bureau.
Lecture est faite de l'arrêté de cette cour ainsi qu'il suit:
« Ce jour, les Chambres assemblées, la cour a arrêté que M. le premier président se retirera dans le jour par devers l'Assemblée, nationale, à l'effet de lui témoigner son respect et lui offrir ses remercîments sur les mesures que sa sagesse et sa fermeté lui ont suggérées pour concourir au rétablissement de la paix dans la capitale.
« Signé: VlVIEN DU GOUBERK. »
répon'l : L'Assemblée nationale se rappelle avec satisfaction que la cour des aides doit son origine au vœu national exprimé par les Etats généraux de ce royaume ; elle reçoit avec plaisir le témoignage de son respect et l'offre des renseignements qu'elle fait par votre organe; elle me charge, Monsieur, de vous en donner l'assurance.
L'Assemblée a paru voir avec satisfaction ces différentes députations: elle a applaudi aux discours qui ont été prononcés.
Un membre rend compte à l'Assemblée des scènes tragiques qui se sont renouvelées hier à Paris, dont MM. Foulon et Berthier ont été les malheureuses victimes. De nouveaux troubles agitent la capitale; les divers districts sont divisés entre eux d'opinions et d'intérêts.
Messieurs, un jeune homme éploré est entré ce matin chez moi, s'est précipité à mes pieds m'embrassant les genoux : « 0 vous, Monsieur, qui avez passé votre vie à pleurer un père, à réhabiliter sa mémoire, par ce nom sacré, Monsieur, intercédez pour moi auprès
de la nation- Rendez-moi le mien, sauvez-le de la mort qui l'attend. »
Cet infortuné jeune homme était le fils de M. Berthier, intendant de Paris. Hélas! je n'ai pu appuyer ses touchantes prières, l'Assemblée ne s'est point formée, et le soir le père de ce malheureux a été exécuté de ia manière la plus affreuse.
M. de Lally-Tollendal saisit cette occasion pour reproduire le projet de proclamation qu'il avait déjà présenté.
On se rappelle que ce projet avait été renvoyé aux bureaux; il n'est pas plus favorablement accueilli aujourd'hui, malgré les différents amendements proposés tant par M. de Lally-Tollendal lui-même que par plusieurs autres membres.
Dès la première phrase, on s'arrête; on ne veut
S oint entendre le détail des malheurs où entre
de Lally-Tollendal, comme proscriptions arbitraires, émigrations du royaume, désertion des villes, division des familles, etc.
Plusieurs membres demandent qu'on y substitue la phrase suivante:
« Tout citoyen doit frémir au mot de trouble qui entraîne après soi le renversement de l'ordre social. »
D'autres soutiennent la motion.
Je ne trouve aucun inconvénient à adopter ce que propose M. de Lally. La proclamation est infiniment plus avantageuse que te silence, dans les circonstances actuelles. La puissance législative doit se montrer aujourd'hui ou jamais. Si cela réussit, comme il y a apparence, vous n'aurez qu'à vous louer de votre courage. Si cela ne réussit pas, au moins vous faites votre devoir; et cette considération doit l'emporter sur toute autre. Je conclus donc à admettre la proclamation de M. de Lally-Tollendal.
Un membre observe qu'il faut distinguer deux classes de citoyens dans Paris: les uns qui mangent leur pam à la sueur de leur front, les autres qui sont dans l'aisance. Il faut ramener ceux-là dans l'ordre et le devoir, et rassurer les autres.
Je commence par déclarer, qu'à mon sens, les petits moyens compromettraient inutilement la dignité de l'Assem-
Examinons quelles sont les causes des désordres de Paris; la première (?t la principale, c'est qu'aucune autorité reconnue n'y existe, c'est que le dissentiment le plus marqué s'établit entre les districts et les électeurs. Ceux-ci ont saisi les rênes de l'administration delà ville sans le consentement formel de la commune, mais autorisés par un péril imminent. A présent qu'ils ne peuvent pas méconnaître le principe, qu'ils sentent que ce consentement est absolument nécessaire, ils ont encore des assemblées; ils ont délibéré si, nonobstant le vœu formé par les districts de créer une administration nouvelle, ils ne resteraient pas revêtus du pouvoir qu'ils exercent; ils ont enfin établi dans leur sein un comité permanent qui n'a point de rapport direct avec les districts, dont l'objet incontestable est le bien public, dont la continuation a été nécessitée par les circonstances, mais dont le fruit est devenu nul, parce que les créateurs et les créés ne sont que de simples particuliers, sans délégation, sans confiance, et que leur pouvoir a cessé au
moment où leur mission d'électeur a été consommée.
De là résulte que les districts ne s'accordent point, ne marchent point ensemble; que durant cette anarchie il est impossible d'égaliser le fardeau, de proportionner les contingents et les secours ; qu'il faut au plus tôt réunir les districts ; qu'on le fera aisément par l'intervention de quelques députés conciliateurs\ que la commune nommera un conseil provisoire, et que ce conseil s'occupera d'un plan de municipalité dont l'établissement assurera la subordination et la paix.
Les municipalités sont d'autant plus importantes qu'elles sont la base du bonheur public, le plus utile élément d'une bonne constitution, le salut de tous les jours, la sécurité de tous les foyers, en un mot, le seul moyen possible d'intéresser le peuple entier au gouvernement et de préserver les droits de tous les individus. Quelle heureuse circonstance que celle où l'on peut faire un si grand bien, sans composer avec cette foule de prétentions, de titres achetés, d'intérêts contraires que l'on aurait à concilier, à sauver, à ménager dans des temps calmes! Quelle heureuse circonstance, que celle où la capitale, en élevaut sa municipalité sur les vrais principes d'une élection libre, faite par la fusion des trois ordres dans la commune, avec la fréquente amovibilité des conseils et des emplois, peut offrir à toutes les villes du royaume un modèle à imiter !
Je demande à M. de Mirabeau s'il a entendu autoriser toutes les villes à se munici-paliser à leur manière? Cet objet est du ressort de l'Assemblée nationale, et il serait trop dangereux de créer des Etats dans l'Etat, et de multiplier des souverainetés.
Le préopinant se trompe sur mes intentions. Ma pensée est précisément que l'Assemblée nationale ne doit pas organiser les municipalités. Nous sommes chargés d'empêcher qu'aucune classede citoyens, qu'aucun individu n'atiente à la liberté : toute municipalité peut avoir besoin de notre sanction, ne fût-ce que pour lui servir de garant et de sauvegarde. ^ Toute municipalité doit être subordonnée au grand principe de la représentation nationale : mélange des trois ordres, liberté d'élection, amovibilité d'offices; voilà ce que nous pouvons exiger; mais, quant aux détails, ils dépendent des localités, et nous ne devons point prétendre à les ordonner. Voyez les Américains; ils oiit partagé leurs terrains inhabités en plusieurs Etats qu'ils offrent à la population, et ils laissent à tous ces EtaJs le choix du gouvernement qu'il leur plaira d'adopter, pourvu qu'ils soient républicains et qu'ils fassent partie de la confédération.
L'orateur conclut à ce qu'on envoie à Paris un député par district, pour établir un centre de correspondance entre toutes les Assemblées, afin de les accorder et de les faire marcher ensemble : il demande aussi qu'on déclare formellement que les fonctions des électeurs sont finies, et que toute Assemblée revêtue de fonctions municipales doit être établie du consentement de tous.
Cette motion est applaudie.
Les coups terribles portés par un ministère coupable ont amené ces catastrophes effrayantes. Il ne faut pas s'abuser : le peuple demande vengeance; mais il faut de la subordination, autrement on n'aurait quitté le joug et la tyrannie du ministère que pour rôtomber
sous le glaive de l'arbitralité, etc. On peut avoir beaucoup d'esprit, de grandes idées, et être un
tyran. (L'orateur paraît fixer M. de Mirabeau.....
On murmure.) Par exemple, Tibère pensait, et pensait profondément; Louis XI sentait, et sentait vivement.
Je voudrais que non-seulement l'Assemblée assurât le peuple de pouvoir tirer vengeance des coupables, mais qu'elle les poursuivît elle-même.
J'adopte en partie la motion de M. le comte de Mirabeau; il faut conférer avec les élus de la commune de Paris; ils peuvent mieux que tous autres donner des renseignements nécessaires, etc. Si leurs vœux sont conformes aux vœux de l'Assemblée, comme il est indubitable, il en résultera les plus grands avantages.
Los premiers coups frappés parle peuple sont dus à l'effervescence qu'inspirent nécessairement l'anéantissement du despotisme et la naissance de la liberté. Il n'était guère possible qu'un peuple qui venait de briser le joug sous lequel il gémissait depuis longtemps n'immolât à sa fureur ses premières victimes ; mais, Messieurs, desf scènes sanglantes et révoltantes viennent de se renouveler dans la capitale; eli! dans quel temps? Lorsque le Roi et l'Assemblée nationale la croyaient dans le plus grand calme ; lorsqu'on avait droit de l'attendre; lorsque pour l'obtenir, ce calme précieux, Sa Majesté est venue au milieu des représentants de la nation leur demander de lui aider à sauver l'Etat; qu'il s'en rapportait à leurs lumières, qu'il se fiait à eux ; lorsqu'il a écarté de sa personne les ministres suspects, et rappelé ceux que la nation voyait avec plaisir autour du souverain ; lorsqu'il a été dans Paris avec l'abandon et la confiance d'un père ! quelle cruauté !
Le gouverneur d'un fort pris d'assaut, d'un fort, gouffre de la liberté, ne pouvait guère avoir un aiutre sort; tombé entre les mains des défenseurs de la liberté, d'un peuple nombreux qu'il avait voulu sacrifier au despotisme, il a eu ce qu'il méritait.
Mais aujourd'hui, Messieurs, rien ne peut justifier la fureur où l'on vient de se porter contre deux individus : ils étaient coupables, sans doute , mais il fallait les juger légalement ; il fallait écouter les représentations de ce digne citoyen appelé par le vœu de ses concitoyens à remplir la place de maire. En vain M. Bailly a-t-ii représenté que les coupables, arrêtés à la clameur publique, n'échapperaient point à la punition qu'ils méritaient ; que la vengeance qu'on en voulait tirer, pour être retardée, n'en serait que plus complète; qu'on aurait révélation de leurs complices, etc., rien n'a été écouté.
On n'a répondu que par des cris épouvantables, disons mieux, par des hurlements : il faut les pendre! Un peuple immense, altéré de sang, a demandé les victimes, menaçant de se faire raison par lamousqueterie^et le canon, si on n'obéissait, si on ne les lui livrait sur-le-champ. Elles ont été arrachées des bras des électeurs et assassinées mille fois.
Le tableau de cette catastrophe, quelque effrayant qu'il fut, serait toujours au-dessous de la réalité. Groira-t-on que dans un siècle aussi éclairé, dans un siècle de lumières, on s'est porté jusqu'à déchirer les entrailles d'un homme et porter son cœur au bout d'une lance, porter la tête d'un autre en triomphe dans les rues, et
traîner son cadavre dans toute la capitale! Croirait-on que des cris de joie, d'allégresse, d'enthousiasme étaient poussés à la vue de ce3 démembrements d'un homme; qu'on formait autour des danses, au son des instruments!
Ne croyez pas, -Messieurs, que ce soit seulement cette classe d'hommes qu'on qualifie de peuple, qui s'est porté à ces excès : un nombre infini de citoyens accompagnait la populace, l'encourageait, l'animait, et plusieurs n'ont pas craint de se laver les mains dans le sang humain.
Je frissonne lorsque j'envisage les suites funestes de ces excès atroces. Le peuple peut s'accoutumer à ces spectacles sanglants, se faire un jeu de répandre le sang. La barbarie peut devenir une habitude; les proscriptions seront éternelles, des haines particulières peuvent servir de prétexte, etc.
Je n'entends pas ici vous effrayer ; mais, Messieurs, je dois vous dire cë que je sais; il existe une liste de proscrits : soixante personnes y sont couchées, et plusieurs des honorables membres de cette Assemblée sont du nombre.
Je conclus qu'il faut prendre sur-le-champ les moyens les plus efficaces et les plus prompts pour arrêter ce désordre.
retrace aussi les événements sanglants qui se sont passés hier à Paris; il donne des éloges aux vues sages des districts de cette ville, qui ne négligent rien pour y ramener le bon ordre et la paix; il propose un projet de proclamation qui est le même que celui proposé pv M. de Lally avec quelques modifications. 11 ajoute. Je vous demande au nom de la capitale, au nom des malheurs publics, de délibérer dans l'instant sur cette proclamation, qui doit être faite à Paris et à dix lieues aux environs.
Je n'avais pas présenté avec tant d'instance un projet de proclamation, pour demander que l'on fixât la puissance de la loi de toutes parts éparse et fugitive. Pour cela, les moments sont précieux. Le peuple a de longues et grandes injures à venger, je serai au besoin le dénonciateur de ses ennemis; mais pour la punition des coupables, il faut que la loi seule instruise, juge et condamne. Je me suis trompé sur plusieurs dispositions de ma proclamation ; j'ai recueilli vos lumières, j'ai applaudi à votre sagesse, j'ai réformé ce projet, j'en ai adouci quelques expressions. Ce n'est plus qu'un récit fidèle de ce que le Roi et l'Assemblée nationale ont fait ; c'est une invitation à la paix; c'est un avis paternel. Pour peu que ce plan ne convienne pas à l'Assemblée, j'y renonce; mais je supplie qu'on adopte un plan quelconque, c'est un objet trop intéressant pour l'abandonner.
Plusieurs membres continuent de discuter les motions de M. de Mirabeau et de M. de Lallv.
en proposent d'autres dont le but est pareillement de tâcher de dissiper les troubles et de ramener les esprits à la paix.
La proclamation de M. de Lally, pure dans ses motifs, modifiée clans ses principes, ne me paraît plus susceptible de difficultés; je pense seulement qu'il est nécessaire d'y ajouter que le Roi sera prié de donner aux municipalités main-forte contre les attroupements, suivant la
demande des officiers municipaux..... Quelques
- membres, en s'opposant à l'établissement des mi-
lices bourgeoises, ont craint les suites d'un armement général. Ces craintes sont bien fondées. La résistance à l'oppression est légitime et honore une nation : la licence l'avilit. Une insurrection nationale contre le despotisme a un caractère supérieur à la puissance des lois, sans en profaner la dignité. Mais lorsqu'un grand intérêt a fait un grand soulèvement, alors le plus léger prétexte suffit pour réveiller les inquiétudes du peuple et
le porter à des excès.....C'est de tels malheurs
qu'il est instant de prévenir, et tel est l'objet de la proclamation, avec l'addition que j'ai proposée. La chose presse, notre silence multiplierait les abus; vouloir attendre que la constitution les arrête, c'est dire que la puissance publique doit disparaître jusqu'à ce que la constitution soit promulguée.....Le peuple se plaint, eh bien! qu'il
désigne les coupables, ils ne doivent point échapper à la sévérité des lois; mais c'est devant les tribunaux qu'ils doivent êire poursuivis; c'est au procureur général du parlement que les plaintes et dénonciations doivent être adressées.
Les bons citoyens attendent tout de vous. Leur confiance en votre sagesse n'a pas de bornes. Il faut faire une proclamation pour inviter les citoyens à la paix et au respect pour la loi; mais je crois aussiqu'il faut joindre à celle de M. de Lally le plan donné par M. de Mirabeau pour l'établissement d'une municipalité.
La motion de M. de Mirabeau est dangereuse, impolitique et contraire à la dignité de l'Assemblée. Elle serait compromise, si elle allait s'occuper de vider les discussions qui divisent les districts et les électeurs, et leur proposer dans ce moment des plans de municipalité qu'elle ne doit tracer que dans la constitution.
En adoptant la proclamation, je propose qu'on ajoute un moyen qui autrefois à réussi, celui d'engager tous les pasteurs de toutes les provinces du royaume à tranquilliser les peuples au nom de ia religion, en leur envoyant directement cette adresse. Qui de vous ne voudrait pas être dans ce moment au milieu de ses paroissiens, pour leur faire entendre des paroles de paix et de confiance dans les travaux de l'Assemblée nationale?
évêque de Chartres, parle avec cette sensibilité d'âme, ce caractère de paix et de bonté dont il sait donner la teinte à tous ses discours. « Mon cœur se soulève, dit-il, au récit des scènes affreuses qui se passent dans Paris. Il faut y porter remède; ies moyens les plus prompts me paraissent les meilleurs". J'invite et j'exhorte l'Assemblée à s'en occuper. »
Les mots de liste de proscription, prononcés par un des préopinants, font impression sur beaucoup de membres. Plusieurs, et même on pourrait dire le plus grand nombre, sont d'avis d'établir un tribunal quelconque, capable de mettre un frein au désordre.
se range de l'avis de M. Camus, en admettant également l'urgence d'un tribunal.
J'observe qu'il existe maintenant trois pouvoirs dans la capitale : 1° l'Assemblée des électeurs; 2° le comité permanent; 3° la puissance naissante des élus des communes. Il paraît qu'il existe parmi les membres qui composent ces
différents pouvoirs l'ambition de primer, si naturelle à l'homme : de ce conflit de pouvoirs il pourrait résulter les plus grands inconvénients ; il faut donc établir un triounal qui ramène tout à l'ordre.
Il ne faut pas se laisser trop alarmer par les orages inséparables des mouvements d'une révolution. L'objet principal est de faire la constitution et d'assurrr la liberté; pour cela, deux inslitutions sont d'abord nécessaires : les gardes bourgeoises et des municipalités bien organisées; ensuite il faut assurer une justice légale pour les crimes d'Etat; alors le peuple s'apaisera et rentrera de lui-même dans l'ordre.
On fait lecture d'un arrêté pris par les électeurs de Paris, le 22 juillet, qui ordonne que toutes personnes arrêtées sur le soupçon de crime de ise-nation seront conduites à la prison de l'abbaye Saint-Germain ; que deux électeurs seront chargés de faire part à l'Assemblée nationale de cette disposition, et de l'engager à prononcer sur le tribunal qui devra juger.
suppléant de Paris, député d'un des districts de cette ville, est introduit ; il dit qu'il est chargé de demanderque l'As-sembléenationale autorise l'érection d'un tribunal formé de soixante jurés, pris dans les soixante districts, qui, après avoir prêté serment entre fes mains de MM. Bailly et de Lafayette, procéderaient contre les accusés par une instruction publique, conformément à l'arrêté qu'il a laissé sur le bureau.
L'Assemblée délibère sur ces deux demandes ; plusieurs membres les combattent.
et plusieurs autres disent que ces établissements sont de véritables commissions, toujours tyranniques et toujours odieuses, qu'il est indigne d'une Assemblée législative d'autoriser; qu'il n'est pas nécessaire d'établir de nouveaux tribunaux ; que la France a des lois, des magistrats et une puissance exécutrice; qu'il ne s'agit que de leur redonner l'activité et l'énergie que les derniers troubles ont affaiblies. Ils concluent à l'admission du projet proposé par M. de Lally.
Je n'ai pas cette fermeté stoïque qui regarde les événements actuels comme de simples accidents. Il faut prendre un parti; il faut, sans délai, inviter les citoyens à la paix et au respect des lois; un plus long silence nous compromettrait, et mettrait la chose publique en danger. Je conclus pour le projet de proclamation.
On propose divers amendements. On veut aller aux voix, mais on renvoie les motions et les amendements à la discussion dans les bureaux, et on convient que l'Assemblée se réunira ce soir à sept heures, pour prendre une délibération défi-tive.
La séance est levée.
Séance du soir.
Les bureaux se sont assemblés pour discuter séparément les motions agitées dans la séance du matin. A huit heures ils se sont réunis en Assemblée générale.
Quelques membres rendent compte de l'opinion de leurs bureaux respectifs.
rappelle la proposition faite ce matin, tendant à ce qu'on employât l'intervention des curés.
Un membre demande que les tribunaux reçoivent par la proclamation une injonction de poursuivre les coupables, pour qu'ils soient punis selon les lois établies.
Cédons, Messieurs, cédons à l'ordre naturel dés choses, en réclamant un tribunal composé de magistrats et de jurés; il existe des crimes, il faut les punir ; faites annoncer cette résolution, et vous verrez renaître le calme; alors vous inviterez le peuple à rentrer dans l'ordre, et votre proclamation ne sera plus que l'expression même de ses vœux, et le retour d'une confiance qu'il n'avait perdue que parce que les lois ont été muettes.
propose l'établissement des jurés.
La discussion allait s'engager de nouveau. Plusieurs membres demandent à aller aux voix, tant sur la motion de M. de Lally, que sur les amendements.
L'Assemblée, consultée par assis et levé, adopte la motion avec l'amendement, qui porte que l'Assemblée déclarera qu'elle va s'occuper de la recherche des agents de l'autorité, coupables du crime de lèse-majesté, et d'établir un comité pour recevoir les dénonciations contre les auteurs des malheurs publics, sauf une nouvelle rédaction qui sera faite avant que la séance soit levée.
A cet effet, le comité de rédaction sort pour s'occuper de son travail. A une heureaprès minuit, la nouvelle rédaction de la proclamation est présentée et lue à l'Assemblée. On y fait quelques légers changements sur les observations de quelques membres, et elle est enfin approuvée et arrêtée en la manière suivante:
proclamation.
« L'Assemblée nationale, considérant que, depuis le premier instant où elle s'est formée, elle n'a pris aucune résolution qui n'ait dû lui obtenir la confiance des peuples ;
« Qu'elle a déjà établi les premières bases sur lesquelles doivent reposer la liberté et la félicité publiques;
« Que le Roi vient d'acquérir plus de droits que jamais à la confiance de ses fidèles sujets ;
« Que non-seulement il les a invilés lui-même à réclamer leur liberté et leurs droits ; mais que, sur le vœu de l'Assemblée, il a encore écarté tous les sujets de méfiance qui pouvaientporter l'alarme dans les esprits;
« Qu'il a éloigné de sa capitale les troupes dont l'aspect ou l'approche y avaient répandu l'effroi ;
« Qu'il a éloigné de sa personne les conseillers qui étaient un objet d'inquiétude pour la nation ;
« Qu'il a rappelé ceux dont elle désirait le retour ;
« Qu'il est venu dans l'Assemblée nationale, avec l'abandon d'un père au milieu de ses enfants, lui demander ae l'aider à sauver, l'Etat ;
« Que, conduit par les mêmes sentiments, il est allé dans sa capitale se confondre avec son peuple, et dissiper par sa présence toutes les craintes qu'on avait pu concevoir ;
« Que, dans ce concert parfait entre le chef et les représentants de la nation, après la réunion consommée de tous les ordres, l'Assemblée s'oc-
cupe et ne cessera de s'occuper du^grand objet de lu constitution ;
« Que toute méfiance qui viendrait actuellement altérer une si précieuse harmonie ralentirait les travaux de l'Assemblée, serait un obstacle aux intentions du Roi, et porterait en même temps une funeste atteinte à l'intérêt général de la nation et aux intérêts particuliers de tous ceux qui la composent ;
« Qu'enfin il n'est pas de citoyen qui ne doive frémir à la seule idée de troubles dont les suites si. déplorables seraient la dispersion des familles, l'interruption du commerce; pour les pauvres, la privation de secours ; pour les ouvriers, la cessation du travail ; pour tous, le renversement de l'ordre social ;
« Invite tous les Français à la paix, au maintien de l'ordre et de la tranquillité publique, à la confiance qu'ils doivent à leur Roi et à leurs représentants, et à ce respect pour les lois, sans lequel il n'est pas de véritable liberté ;
« Déclare, quant aux dépositaires du pouvoir qui auraient causé ou causeraient par leurs crimes, les malheurs du peuple, qu'ils doivent être accusés, convaincus et punis, mais qu'ils ne doivent l'être que par la loi, et qu'elle doit les tenir sous sa sauvegarde, jusqu'à ce qu'elle ait pro* noncé sur leur sort; que la poursuite des crimes de lèse-nation appartient aux représentants de la nation ; que l'Assemblée, dans la constitution dont elle s'occupe sans relâche, indiquera le tribunal devant lequel sera traduite toute personne accusée de ces sortes de crimes, pour être jugée suivant la loi et après une instruction publique ;
« Et sera la présente déclaration imprimée et envoyée, par tons les députés, à tous leurs commettants respectifs. »
La séance est levée.
Séance du
A l'ouverture de la séance, ont été présentées plusieurs adresses rédigées dans les mêmes principes et remplies des mêmes sentimentsque celles qui ont précédé. Après lecture de celle d'Arras, on a rendu compte de celles des villes de Marseille, Moulins, Chàlons-sur-Marne, Saint-Pons en Languedoc, Luxeuil, Lure, Gien-sur-Loir, Sainte-Menehould, Boulai, Romans, Concarneau, Niort, Clamecy, Caussade en Quercy, Castelnau etMontratier, de la même province; Saint-Georges près Montpellier ; deux de la ville de Vienne, en date des U et 18 juillet ; une des citoyens de Reims, une autre des fabricants de la même ville ; une des citoyens de Saint-Pierre-le-Moutier, une autre des électeurs du bailliage de Vire, de la sénéchaussée d'Annonay, de Chàteau-Chinon en Morvan; des électeurs et officiers municipaux de la ville de Meaux, des officiers municipaux de Vienne; des communes de Nuits, Joigny, Saint-Sauveur de Locminé; des remerciements de Ja même ville au clergé, pour le zèle et le patriotisme qu'il a montré aux journées des 17, 23 et 27 juin dernier.
Après la lecture du procès-verbal des séances de la veille, on a lu des lettres d'Evreux, Péronne
(1) Cette séance est incomplète au Moniteur.
et Meulan, qui annoncent rétablissement de leurs gardes bourgeoises ; des déclarations de la noblesse du bailliage deGien et du comté de Ma-corinois, qui donnent aux pouvoirs de leurs députés une extension illimitée.
M. Gouttes, curé d'Argilliers, a fait le rapport de la députation de M. le cardinal de Rohan, évêque de Strasbourg, pour le bailliage d'ïïague-nau et de celle de M. l'abbé Boug, nommé son suppléant.
Messieurs, M. le cardinal de Rohan, nommé d'abord par acclamation par tous les membres du clergé du bailliage d'Haguenau, est ensuite élu par la voie régulière du scrutin. Le lieutenant général du bailliage lui apprend son élection ; il répond en ces termes :
Ma santé ne me permet pas d'accepter, les gens de l'art ne m'en font pas espérer une meilleure de plusieurs mois ; je ne renonce pas cependant à aller aux Etats généraux.
M. l'abbé Boug, nommé son suppléant, consulte M. le garde des sceaux, qui répond, le 24 mai, que la lettre de M. de Rohan contient un refus exprès; qu'un député absent et qui ne peut pas se rendre doit être remplacé par son suppléant, sans qu'il puisse jamais plus faire valoir les droits de son élection.
M. le cardinal est instruit de la réponse de M. le garde des sceaux. Il* était à Saverne, où il s'empresse de consigner devant un notaire sa protestation contre cette décision ; et il fait connaître son intention d'aller aux Etats généraux, lorsque les causes qui l'en empêchent auront cessé.
Un règlement du 3 mai avaitdécidé qu'un suppléant ne serait admis à remplacer un député que dans le cas de mort de celui-ci, ou d'une démission formelle.
M. le cardinal n'a point donné sa démission ; il est vrai qu'il n'a pas accepté expressément, mais' il s'est réservé la faculté d'aller aux Etats généraux, lorsque la maladie, qui tenait plutôt à des causes politiques que physiques, lui permettrait de se rendre à son poste.
M. le rapporteur dit que la majorité des membres du comité est d'avis qu'il faut écrire à M. le cardinal, pour savoir s'il accepte ou s'il refuse la députation.
défend lui-même sa cause dans un discours assez long.
M. La loi doit être une barrière insurmontable, et rien ne peut et ne doit autoriser à la franchir. Il faut donc que désormais chaque ministre soit responsable, non-seulement des maux qu'il fait, mais encore de la suspension du bien qu'il empêche de faire aux autres, et toute tyrannie doit être marquée au sceau de la réprobation.
Trop longtemps le cardinal de Rohan a gémi sous le glaive du despotisme ; il est temps de briser les chaînes d'un prélat qui brûle de partager avec vous les pénibles fonctions de votre sacré ministère, et de contribuer par ses efforts à la régénération du royaume et au grand œuvre de la constitution.
En vain M. Bouga-t-ii prétendu qu'il ne s'agissait, dans les articles du règlement, que de ceux qui avaient déjà exercé la députation. Un mandataire, â-t-il dit, n'est censé mandataire que lorsqu'il est chargé de mandats; un député ne doit conséquemment être réputé tel que lorsqu'il a exercé la députation. Cet argument, tout spé-
cieux qu'il est, ne peut arrêter l'Assemblée.
Un membre de la noblesse combat vivement les prétentions de M. l'abbé Boug. Il fait ce dilemme: M. le cardinal a accepté ou non accepté. Dans ces deux cas, les prétentions du suppléant sont mal fondées.
S'il a accepté, pourquoi M. Boug vient-il se présenter? S'il ne l'a pas fait, si sa non-acceptation était commandée, donc ce refus n'en est pas un. Le droit du garde des sceaux est absolument nul ; il n'avait pas droit de prononcer sur une pareille question.
On remarque que la cause de M. le cardinal trouve de nombreux partisans parmi les députés des communes, qui lë considèrent comme une victime de la tyrannie. Ils observent que sou silence même ne peut être interprété ; qu'il faudrait, delà part de ses commettants, une acceptation formelle de son refus ; qu'il a bien soin d'agir ainsi, puisqu'il a protesté légalement contre l'injustice qu'on lui faisait de le priver d'un droit qu'il ne devait qu'au choix de son clergé pour le représenter aux Etats et stipuler des intérêts.
Ces observations ne sont pas également goûtées des membres delà noblesse et du haut clergé. — Au moins renjarque-t-on qu'ils craignent d'énoncer un avis contraire aux sentiments de la cour. Un grand nombre des premiers quittent les gradins pour ne pas délibérer.
On a conclu que M. le cardinal n'ayant point accepté, il y avait un refus formel. Rétorquez l'argument : il a été forcé de ne pas accepter; donc cette espèce de refus est une vraie acceptation. Il a consigné l'acte de son acceptation par sa réclamation entre les mains du président de son ordre,
La déclaration de M. le cardinal, de ne point renoncer à la faculté d'entrer aux Etats généraux, milite contre les prétentious du suppléant et contre ses procédés.
Jamais une maladie n'a exclu un homme des droits librement acquis par le vœu de ses commettants à les représenter aux Etats généraux et à y stipuler leurs intérêts ; c'est vouloir pervertir les intentions des commettants, et dire qu'ils n'ont pas voulu ce qu'ils ont voté; c'est une absurdité énorme.
Je conclus donc que, ni M. le lieutenant général, ni le suppléant, ni le garde des sceaux, ne pouvaient aller contre le vœu du clergé d'Alsace.
dit qu'il est chargé par ses commettants de réclamer contre la lettre d'exil qui retient M. le cardinal. Il pense qu'un pareil ordre ne peut pas empêcher un député de se rendre à une Assemblée libre.
conclut pour l'admission de M. de Rohan, attendu qu'il n'a pas refusé formellement. Je m'applaudis, ajoute-t-il, d'avoir opiné deux fois pour le soustraire aux vexations du pousroir arbitraire.
(1). Messieurs, ce n'est point l'acte de députation qu'on attaque, lorsqu'on
Sur quoi roule donc, et sur quelle base est appuyée la difficulté qu'on élève pour priver M. le cardinal des fonctions dont nous l'avons revêtu, et de la procuration que nous avons voulu lui confier? On vous produit les termes d'une lettre qu'il a répondue à M. le lieutenant général du bailliage, lorsque celui-ci lui a annoncé la nouvelle de la seconde élection; ces expressions ont fait élever les doutes qu'on produit à votre tribunal : ils ont provoqué la décision ministérielle de M. le garde des sceaux ; ils ont enfin déterminé le suppléant de M. le cardinal de Rohan à se présenter à vous, pour occuper la place de député.
Je vous prie, Messieurs, d'observer que lorsqu'on a eu des doutes sur l'intention réelle de M. le cardinal de Rohan, il aurait été tout simple de l'interroger à diverses reprises, et de le faire expliquer : on a mieux aimé laisser ignorer dans le moment à M. le cardinal, que le règlement du 3 mai, antérieur de neuf jours seulement à la seconde élection, n'admet de suppléant aux Etats généraux, que dans le cas seul de la mort du député; règlement qui suffirait aujourd'hui pour fixer votre jugement, si des motifs plus pressants et plus péremptoires encore ne venaient à l'appui de ma demande.
Qu'est-ce que la députation aux États généraux? C'est, je crois : 1° un choix librement fait par une portion déterminée des citoyens, de celui d'entre eux auquel ils veulent confier leurs pouvoirs, leurs mandats, et la défense de leurs intérêts; 2° c'est l'acceptation libre de ce même choix.
Orf Messieurs, voyez, je vous prie,et pesez dans l'équité si ces deux-conditions ne se trouvent pas entièrement remplies dans les deux actes d'élection de M. le cardinal de Rohan. Je ne parlerai pas du premier, quelque glorieux qu'il soit à sa personne, et quelque avantageux qu'il fût à sa cause; il était présent, et on serait peut être tenté d'en conclure une influence contre laquelle cependant a été sagement opposée la barrière du scrutin; mais je pars du point de la seconde élection. A l'époque du 13 mai, M. le cardinal était absent, et malade : il est choisi et élu, comme la première fois, par la double voie de l'acclamation et du scrutin : il en est instruit le même jour, par une lettre de M. le lieutenant général du bailliage; et il y répond le lendemain celle qu'on cite aujourd'hui comme la preuve de son refus, et que je vous présente au contraire, Messieurs, comme celle de son acceptation.
Malade, souffrant et alité, M. le cardinal a-t-il pu ne pas répondre que sa santé ne lui permettait pas, dans ce moment, de faire hommage au clergé de son zèle, et du désir qu'il avait de lui être utile; mais qu'il ne renonçait pas à la faculté de pouvoir aller aux Etats généraux, lorsque sa santé lui en laisserait la possibilité? Voilà les termes exprès de sa lettre, auxquels, ignorant le règlement du 3 mai, il ajoute que M. l'abbé Boug, nommé son suppléant, peut, en attendant son rétablissement, exercer les susdites fonctions, conformément au vœu du clergé.
Voilà, Messieurs, ce qu'on a cru pouvoir traduire au tribunal de la nation, comme un refus formel; voilà ce qu'une lettre ministérielle de M. le garde des sceaux prononce comme tel aussi, en disant que Vélu absent n'a pas le droit de différer son acceptation, et que si, à raison de quelque empêchement, il n'accepte pas la députation •au moment où elle lui est déférée, le suppléant prend sa place, qu'il demeure seul député, sans qu'on puisse douter de son droit, et sans qu'il en reste aucun à la personne ainsi remplacée.
Quoi! l'esprit du règlement porte sur la santé physique de l'élu député, au moment où on lui annonce son élection! Si, au moment où on est averti de la mission importante qui nous est confiée, on est malade, par là même on est incapable, et déclaré inhabile à la remplir. Et quel est le mot du règlement du 24 janvier, qui annonce ou qui désigne une pareille disposition? Quel est même celui des articles suivants ou précédents, dont on puisse induire une pareille conséquence? Et pourquoi n'at-on pas exclu aussi une quantité de députés qui, pour les mêmes raisons que M. le cardinal de Rohan, n'ont pu se rendre que très-tard aux Etats généraux? Ils avaient des suppléants aussi, qui se sont présentés, mais qui, en vertu du règlement du 3 mai, n'ont pu être admis. Au moment encore où j'ai rtionueur de parler, il est plusieurs députés que des raisons de maladie ou d'autres obstacles ont forcés à ce retard; il en est qui, admis depuis quelques jours, n'ont pu l'être qu%'en présentant un acte formel de refus de celui dont ils étaient suppléants. Toute la différence qu'il y a entre M. le cardinal et ceux des députés qui se sont trouvés maladies au moment de leur élection, c'est qu'il a déclaré ne pouvoir partir dans l'instant, et que les autres ne l'ont pas dit: mais en a-t-il moins manifesté son véritable dessein? Dailleurs, Messieurs, un choix et une acceptation de la nature de ceux dont il s'agit, sont ils donc des actes de rigueur, accompagnés d'un piège pour les électeurs et pour l'élu? Si l'intention réelle des premiers est claire, manifeste et libre, si celle du second le devient par des actes subséquents, doit-on faire dépendre l'effet de cette volonté sacrée d'une interprétation équivoque et d'une décision forcée? Les deux élections de M. le cardinal de Rdhan à Haguenau établirent clairement et irrévocablement l'intention et la confiance absolue du clergé d'Alsace. On a douté, ou voulu douter du dessein et de l'intention de M. le cardinal de Rohan, et on a dit de sa réponse : puisqu'il n'accepte pas formellement et dans l'instant, il refuse; mais, Messieurs, il serait aisé de rétorquer, et de dire : puisqu'il n'a pas refusé formellement, il accepte ; et j'aurais d'autant plus de droit à ce raisonnement, qu'il se réserve expressément, comme vous l'avez vu, la faculté de venir occuper sa place. Mais ai-je besoin de cette ressource? M. le cardinal de Rohan, instruit du doute répandu, surpris d'une décision si contraire à sa propre conscience, s'est hâté d'éclairer les incrédules, et il a consigné devant un officier public l'acte le plus authentique de son acceptation : il est du 4 juin; je l'ai déposé, Messieurs, entre les mains des commissaires vérificateurs; je leur ai remis de plus une déclaration du comité établi à Strasbourg par l'assemblée générale des électeurs ecclésiastiques des deux districts, pour correspondre avec les députés, pendant la tenue des Etats généraux, et au besoin, leur faire connaître les sentiments du clergé de la province. Cette déclaration condamne formellement, et désavoue
les efforts du suppléant, comme contraires à l'esprit du clergé d Alsace, dont le vœu constant à été et est encore de se voir représenter par son prince-évêque : elle prononce que M. Vabbé Boug n'est point fondé a soutenir son prétendu droit d'assister comme député ; et qu'il est au contraire dans le cas de se retirer, à moins que M. le cardinal ne fasse un refus formel et positif. Ce sont là* les paroles expresses de la déclaration.
Si ces témoignages ne vous paraissaient pas suffisants, Messieurs, je vous demanderais la permission d'y en joindre deux autres, qui me sont adressés directement par M. le cardinal de Rohan. L'un est une lettre, et l'autre une procuration en règle pour faire connaître à l'Assemblée nationale ses vrais sentiments et la réalité de son acceptation.
Je la crois entièrement démontrée, Messieurs, par la réunion des preuves unies sous les yeux de vos commissaires, et par l'analyse que je viens d'avoir l'honneur de vous présenter.
Il vous reste à décider si une lettre ministériôlle peut et doit faire changer de nature à des intentions respectives si clairement et si énergique-ment manifestées; si un obstacle involontaire et momentané, tel qu'une maladie, doit priver un citoyen distingué et adoré du peuple dans sa province, de venir au milieu de vous concourir au bien général du royaume, et répondre à la confiance du corps nombreux qui la lui témoigne; s'il dépend enlin d'un ministre d'ajouter, après coup, à un règlement simple, tel que celui ;du 24 janvier, une clause aussi étonnante que celle dont vous avez entendu la lecture, ou un commentaire si étranger au texte, qu'il intervertit les intentions, et leur impose la singulière nécessité de ne pas avoir voulu ce qu'elles ont voté.
Car enfin, Messieurs, supposez même qu'il se fût trouvé quelque ambiguïté dans la réponse de M. le cardinal de Rohan à l'époque de la seconde élection, ce doute ne partait nullement, et il n'est jamais parti de la part des électeurs et du corps ecclésiastique de la province, vraies et seules parties intéressées : il était concentré dans la personne du lieutenant général du bailliage et du suppléant, qui seuls ont interrogé M. le garde des sceaux, et seuls ont provoqué la décision sans laquelle il n'existerait aujourd'hui aucune difficulté.
Quels sont, en ce moment, les adversaires de M. le cardiual de Rohan ? C'est M. l'abbé Boug seul, son suppléant, muni de la lettré de M. le garde des sceaux ; vous ne lui en trouverez pas d'autres. Le clergé nombreux qui a élu ce prince pour son représentant, condamne et désavoue, par l'organe de son comité, et le suppléant et la décision qui le fait agir ; il renouvelle et répète, de la manière la plus positive et la plus flatteuse, son premier, son second et son troisième vœu; il qualifie le droit de suppléant de droit prétendu, tant qu'il ne sera pas le porteur du refus formel de son député, et il confesse qu'il a toujours reconnu dans sa lettre du 14 mai, une acceptation et non un refus.
Or, daignez observer, Messieurs, que le suppléant de M. le cardinal de Rohan ne. peut s é-tayer ni du suffrage de nos commettants, ni de celui de M. le cardinal lui-même ; il ne lui reste, pour se présenter avec quelque apparence de droit, il faut que je le répète, que la lettre de M. le garde des sceaux ; et cette lettre, encore une fois, est ouvertement en contradiction avec le vœu des électeurs et de l'élu.
Je suppose un instant,Messieurs, qu'elle n'eût
pas Hé écrite, et que par conséquent lesuppléant nommé eût attendu, soit en Alsace, soit à Versailles, le rétablissement de la santé de M. le cardinal de Rohan : que serait-il arrivé? Rien autre chose, sinon, que M. le cardinal serait ici depuis quinze jours environ, époque de sa guérison; qu'il y aurait précédé plusieurs députés qui y sont arri-vésdepuis, et d'autres qui n'y sont point encore, et que la discussion qui prive notre province d'un représentant, et qui consume des moments précieux à cette Assemblée, n'aurait pas eu lieu, puisque le clergé d'Alsace était bien loin de soupçonner que l'acceptation de son député fût un problème. Ceci répond, Messieurs, à l'objection qui pourrait être faite, pourquoi M. le cardinal ne s'est-il pas rendu à l'époque de sa guéri-son ? M. le cardinal est élu le 13 mai ; il accepte le 14, en avouant qu'il ne peut partir dans le moment : on interroge M. le garde des sceaux, qui répond le 24, et on est instruit de sa décision le 28 ou 29 à Strasbourg.M. le cardinal, à Saverne, la connaît le lendemain ; et dès le 1er ou le 2 juin, il se hâte de consigner, par-devant notaire, la protestation et l'expression de sa volonté, et il continue d'écrire le 4, le 8 de ce même mois sa surprise et son intention. Une fois la contestation élevée, Messieurs, et portée au tribunal de l'Assemblée nationale, peut-on faire un crime à M. le cardinal de Rohan de n'être pas venu soutenir lui-même sa cause ? C'est comme si on voulait prouver qu'un chagrin et une peine de plus ont la vertu de hâter la guérison d'un malade : je ne puis croire, Messieurs, que cette objection puisse trouver grâce devant un seul membre de cette auguste Assemblée.
Je laisse donc à votre justice et à votre sagesse, Méssieurs, de prononcer, ou, pour mieux dire, je les invoque l'une et l'autre, bien persuadé qu'elles ne peuvent vous inspirer qu'un jugement conforme aux lois que vous venez établir, et à l'ordre nouveau dont vous vous proposez d'étendre l'heureuse influence sur toutes les parties.
Et certes, Messieurs, ceci ne touche-t-il pas à la base du monument que vous voulez élever à la liberté? Si je ne m'abuse point, c'en est ici la première pierre, et je viens en faire hommage au patriotisme; je la crois digne d'être adoptée par vous, je la crois propre à concourir à la solidité et même à l'immortalité de votre ouvrage. Commencez-le par la consécration d'un principe sans lequel l'ombre et l'image même de la liberté n'existeraient jamais; parez-en le frontispice de votre législation : c'est qu'il sera élevé entre l'arbitraire ministériel et la loi une barrière insurmontable : c'est que toutes les volontés seront soumises à l'action de la règle établie, qui contiendra dans les bornes assignées tout dépositaire du pouvoir exécutif : c est enfin que chacun de ces mêmes dépositaires sera responsable, en son propre et privé nom, de tout ordre, de toute décision, qui, signée de lui, aura troublé ou suspendu le cours ordinaire de la loi.
C'est en proclamant et en donnant de l'activité à ces principes, que vous extirperez jusque dans leurs racines, ces abus multipliés de l'arbitraire ministériel, auxquels il est impossible de ne pas attribuer l'origine de nos maux et la cause de désastres : c'est en opposant dès aujourd'hui le sceau de l'improbation sur l'un de ces actes irréguliers, que vous arrêterez le cours, et que vous en proscrirez l'usage contagieux.
M. le cardinal de Rohan, rétabli aujourd'hui, mais plus fort de son zèle que de sa convalescence, .aurait en ce moment, rjionneur et l'inox-
primable satisfaction de se trouver au sein de l'Assemblée nationale, si le vœu flatteur qui l'y appelle n'était intercepté par la décision erronée qui provoque et a fait naître la contestation actuelle. C'est à vous, Messieurs, à faire triompher le vœu de la liberté ; c'est à vous à protéger de votre justice le citoyen que l'arbitraire, par un dernier mais condamnable effort, cherche peut-être à retenir dans les liens pour serrer un instant encore le bout de la chaîne que vous êtes bien décidés sans doute à briser en entier : c'est à vous à procurer aux deux élections de M. le cardinal de Rohan leur plein et entier effet, aujourd'hui que ses forces lui permettent de se réunir à vous, et de partager les soins et la gloire attachés à nos pénibles fonctions : c'est enfin à vous à prononcer un arrêt que son zèle, sa position et sa reconnaissance lui feront également une loi de mettre promptement à exécution.
On demande à aller aux voix.
les recueille : 657 voix contre 37 prononcent l'admission de M. le cardinal de Rohan. M. l'abbé Boug ne pourrait être admis que sur le refus de M. le cardinal.
fait le rapport de la députation de la Bretagne. Voici succinctement les faits :
Les communes et le clergé du second ordre de cette province, en vertu des règlements particuliers faits pour la convocation des Etats généraux, s'étaient assemblés par bailliages pour nommer leurs députés respectifs. Le diocèse de Saint-Pol-de-Léon fut le seul qui ne s'assembla pas.
Pendant que les communes et le clergé du second ordre procédaient à leurs élections, la noblesse et le haut clergé, assemblés à Saint-Brieuc, protestaient contre la nomination des députés qui serait faite autrement qu'en corps d'état.
La noblesse n'a point nommé ses députés; le clergé n'a point complété sa députation. Le comité a pensé que les élections faites par les communes et par une partie du clergé étaient valides, et que les députés élus devaient être admis dans l'Assemblée.
s'élève contre la prétention des provinces qui disent que les députations doivent être faites en corps d'état. La Bretagne, dit-il, n'est pas la seule où l'aristocratie a soulevé de telles prétentions..... Tous les citoyens aujourd'hui ont les mêmes droits ; ce n'est pas un corps particulier qui doit jouir de l'avantage de la représentation au préjudice de l'universalité des citoyens ; c'est la Bretagne entière qui demande à être représentée et qui doit obtenir ce droit. Il conclut pour l'admission de la députation.
député de Bretagne. Messieurs, la décision que vous allez prononcer sur la protestation d'une partie du clergé et de la noblesse de Bretagne, contre la députation du clergé et du peuple de cette province, eût été, ces jours derniers, bien plus intéressante pour nous. Agités tour à tour par l'espoir et la crainte, nous l'eussions attendue avec plus d'ardeur encore et de sollicitude. Vous n'avez plus, Messieurs, de dangers à courir. Votre patriotisme et votre courage les ont dissipés. Vous avez triomphé, par une constance inébranlable, de tous les obstacles qui s'opposaient au bien public. La constitution est censée faite ; oui, Messieurs, elle est censée faite, puisque le Roi s'en est remis à la sagesse de l'Assemblée nationale pour rétablir l'ordre et le
calme dans son royaurtie, et créer, pour ainsi dire, la félicité générale, d'où dépend son propre bouheur. Le serment que nous avons eu l'honneur de prêter avec vous se trouve donc rempli.
Si vous pouviez juger invalides les titres qui nous appellent à partager les fonctions et les travaux dont vous allez vous occuper pendant le reste de la session, nous aurions toujours eu la gloire d'être associés aux périls qui vous menaçaient, et nous jouirions, en retournant dans notre province, de la douce satisfaction de présenter à nos concitoyens le tableau fidèle de votre héroïque fermeté et de vos vertus.
Pénétrés de l'admiration qu'elles nous ont inspirée, nous leur dirions ayee transport, avec enthousiasme : Nous avons vu l'Assemblée la plus auguste qui ait jamais existé dans l'univers, l'élite des hommes les plus éclairés d'un vaste empire, disputant de zèle et d'activité pour établir sur des bases éternelles la félicité de vingt-cinq millions d'hommes.
Nous leur dirions : Braves Bretons, vous venez de proclamer les arrêtés de l'Assemblée nationale, et celui même qui concerne la perception et la durée de l'impôt. Cet hommage rendu solennellement à ses décrets prouve que vous unissez pour toujours vos destins à ceux de la France.
Loin de songer, en effet, à détruire vos droits, vos franchises, l'Assemblée nationale veut, au contraire, les étendre et les consacrer par une " constitution générale pour tout le royaume ; sous cette puissante égide, ils ne seront que plus inviolables.
Nous leur dirions : Oubliez, s'il est possible, jusqu'au nom même qui vous enorgueillit; il désigne sans doute un peuple invincible, il exprime le besoin impérieux de la liberté, il caractérise le plus ardent amour de la patrie. Mais c^s sentiments sont aussi vifs, aussi exaltés dans toutes les parties du royaume qu'en Bretagne.
Considérez, ou plutôt essayez de croire ce qu'ont fait les intrépides conquérants de laBastille 1 Ah I le plus beau nom, celui qui rallie aujourd'hui toutes les provinces, et que vous êtes dignes de porter, c'est le nom de Français !
Cependant, Messieurs, nous osons nous flatter d'être honorés de vos suffrages et de voir confirmer notre élection. Ceux qui ont proscrit d'avance les antiques usages contraires aux droits de l'homme et du citoyen, ne peuvent pas faire cause commune avec les privilégiés de Bretagne. L'Assemblée la plus juste, la plus patriotique, ne rejettera pas la députation d'une grande province parce qu'un petit nombre d'individus a refusé d'y concourir, et que pour la première fois depuis des siècles le peuple a choisi ses représentants. (On applaudit.)
Les députés de Bretagne sortent de la salle.
L'Assemblée délibère sur la protestation de la noblesse et d'une partie du clergé. Elle est unanimement déclarée mal fondée.
MM. les députés de Bretagne sont invités à rentrer dans la salle. Ils reparaissent au milieu des applaudissements universels.
demande que l'Assemblée invite le clergé de Bretagne à compléter ses députations, et la noblesse à nommer ses députés.
appuie cette demande. 11 dit que le haut clergé laisse sans influence et sans députation le clergé qui est le plus occupé et I plus utile.
curé de Soupes, il n'y a pas de haut clergé, il n'existe qu'un ordre du clergé.
Je me suis servi d'une expression vieillie depuis peu. Je dis donc qu'une partie du clergé ne peut pas priver l'autre de son droit de représentation.
L'Assemblée décide que les quatre-vingt-quatre députés des communes et les vingt du clergé déjà nommés jouiront de leur droit, et que le diocèse de Léon et la noblesse pourront procéder à -l'élection de leurs députés, en se conformant aux règlements.
Une députation de la ville de Rouen se présente.
orateur de la députation. Nosseigneurs, les députés des officiers municipaux et les électeurs de la commune de Rouen apportent à vos pieds l'hommage du respect et de l'admiration d'une des plus importantes cités du royaume : daignez le recevoir avec bonté.
Daignez aussi, Nosseigneurs, agréer l'adhésion formelle et entière que leurs commettants donnent avec reconnaissance aux sentiments, aux principes et aux arrêtés de celte auguste Assemblée.
En mettant les créanciers de l'Etat sous Ja sauvegarde de l'honneur et de 1a loyauté du peuple français, vous avez rétabli la conliance, soutenu le crédit, et c'est un grand avantage sur les ennemis de la nation. Votre courageuse persévérance, votre inébranlable fermeté, votre ardent patriotisme ont éloigné ces perfides conseillers qui soulevaient les citoyens contre les citoyens, ces fauteurs du despotisme, qui usurpaient l'autorité du souverain sous prétexte de la défendre ; et vous avez contribué par votre puissante influence au rappel d'un ministre que ses talents et ses vertus rendent si cher à la France.
De grands obstacles, Nosseigneurs, vous écartaient du but qu'il faut atteindre ; mais ce que vous avez fait garantit le succès de ce qui vous reste à faire.
Comment reconnaître tant de bienfaits? Nos âmes sont brûlantes de zèle et de dévouement; mais l'impatience de notre amour était réduite à attendre du temps l'occasion de manifester notre reconnaissance.
(Jne seule s'est présentée, nosseigneurs : nous l'avons saisie avec transport. Notre ville était livrée aux horreurs d'une émeute; des navires, des chariots chargés de grains et de farines destinés pour la capitale étaient attaqués, forcés et pillés; alors, nous osons l'attester, nous craignions pluo pour l'approvisionnement de Paris et de Versailles que pour le nôtre; la famine aurait augmenté les troubles ; ils se seraient étendus dans les provinces; l'Etat entier pouvait être bouleversé.-
Ces dangers affreux ont armé nos concitoyens. Deux corvettes vont au-devant des navires, et les convoient jusque dans notre port. De là leurs cargaisons sont expédiées par terre ou par eau, sous une^escorte respectable : le patriotisme la dirige et l'anime. Une compagnie de volontaires vient de se former, et toujours prête à protéger, jusqu'à leur destination, les objets relatifs à votre subsistance.
Ce service, Nosseigneurs, n'est qu'un devoir : nous ne le rappelons que parce qu'il peut tranquilliser votre sollicitude. (On applaudit.)
L'Assemblée nationale a appris avcc peine les troubles qui ont agité la ville de Rouen, et elle a vu avec satisfaction que
vous avez ramené le calme dans cette importante cité, par l'ordre qui doit en faire espérer la durée. Continuez, Messieurs, à y donner vos soins ; c'est votre premier devoir. Des succès heureux de cette nature récompenseront toujours complètement des Français de toutes leurs peines. Les précautions sages et vigilantes que vous avez prises pour la sûreté de l'approvisionnement de Paris, vous ont mérité l'approbation de l'Assemblée nationale. Elle me charge de vous l'exprimer.
On demande l'insertion au procès-verbal du discours de la députation de Rouen. Cette demande est adoptée.
On fait une seconde lecture de la proclamation tendant à inviter les citoyens à la paix. Il n'est fait aucune observation.
et plusieurs membres de l'Assemblée ayant observé que tous les pouvoirs n'étaient pas encore présentés à la vérification, et qu'il était important de statuer sur l'exclusion des membres qui n'auraient pas exhibé leurs titres,
L'Assemblée nationale a arrêté : 1° que ceux de MM. les députés présents qui n'auraient ?pas encore envoyé leurs pouvoirs au comité de vérification, s'il en est dans ce cas, les remettront au bureau sous vingt-quatre heures;
2° Que le comité de vérification sera autorisé à produire, sous le délai de vingt-quatre jours, à l'Assemblée nationale, une liste exacte, par ordre alphabétique de bailliages, des noms de tous les membres de ladite Assemblée, dont les pouvoirs auront été vériliés ; que cette liste serait imprimée et servirait seule à l'appel, lorsqu'il serait nécessaire de recueillir les voix, et que ceux qui ne seraient pas compris, n'auront pas de séance.
Il a été décidé qu'on reprendrait le soir la proposition d'envoyer vers chaque district de Paris, un député qui offrît des moyens de correspondance continuelle entre tous les districts, pour établir incessamment, et dès demain, un comité chargé non-seulement des travaux qu'exige l'administration journalière de la ville de Paris, mais encore de préparer pour la capitale, la constitution d'une municipalité.
annonce, en conséquence, que les bureaux s'assembleront aujourd'hui à cinq heures et demie du soir, pour s'occuper de cet objet, et que l'Assemblée générale se réunira à huit heures.
Séance du soir à sept heures et demie.
La motion qui avait été renvoyée ce matin à l'examen des bureaux, y ayant été discutée, M. le président a demandé si l'aiiteur voulait l'appuyer par de nouvelles observations, et lui a offert la parole. Personne ne s'étant présenté, il a été arrêté unanimement qu'il n'y avait lieu à délibérer sur cette motion.
Sur la demande faite au nom du vingt et unième bureau, à laquelle ont adhéré la très-grande partie des membres de l'Assemblée, il à été arrêté que lundi prochain le comité de constitution rendrait compte de ses opérations, et que ceux qui le composent seraient pressés de mettre quelques parties de leur travail en état d'être présentées le même jour à l'examen et à la discussion des bureaux.
a fait rapport de la contestation élevée par le sieur Graffara, chargé de la délibération et des mémoires de la ville de Perpignan, sur la validité des pouvoirs des députés des communes du Roussillon : l'Assemblée a décidé unanimement que l'opposition ne pouvait être admise, et que les pouvoirs attaqués étaient valables.
Il a été rendu compte, atl comité de vérification, de l'examen qu'il a fait des pouvoirs présentés par M. le marquis de Saint-Simon et M. le comte de Culant, députés d'Angoulême: ces pouvoirs ayant été trouvés en bonne forme, MM. de Saint-Simon et de Culant ont été admis d'une voix unanime.
Un des membres de VAssemblée a fait une motion tendant à l'établissement d'un comité spécialement chargé de recevoir les mémoires qui lui seraient présentés sur le commerce, et de préparer la discussion de ces matières : l'Assemblée a renvoyé à la prochaine séance la discussion de cette motion.
a annoncé que l'Assemblée se réunirait demain à l'heure ordinaire.
Séance du
MM. les secrétaires rendent compte.des adresses des villes de Brionne en Normandie, de Morlaix, de Beauvais, de Pontivy, de Saint-Malo, d'Ambert en Auvergne, d'Antonne, d'issoudun, d'Abbeville, de Châlon-sur-Saône et de plusieurs autres villes. Toutes expriment les sentiments du plus vif patriotisme et d'admiration pour la conduite de l'Assemblée nationale.
dit à l'Assemblée qu'hier au soir, au sortir de la séance, un député de la commune de Paris lui a remis une lettre signée de divers membres du comité permanent de cette ville, avec un paquet contenant trois lettres ouvertes et une autre cachetée, à l'adresse de M. le comte d'Artois ; ensemble le procès-verbal dressé par le district des Petits-Augustins, d'après lequel il paraît que ces pièces ont été saisies dans la nuit du 22 au 23, sur M. le baron de Castelnau, passant sur le Pont-Royal. M. le président ajoute qu'il a respecté l'inviolabilité du secret des lettres, qu'il ne s'est permis d'en lire aucune, et qu'ayant pris sur lui d'interpréter les sentiments de l'Assemblée, ne pouvant dans ce moment la consulter, il a renvoyé, en présence de MM. les députés, les paquets et le procès-verbal au comité permanent. Il dit qu'il pense que l'Assemblée ne veut ni ne peut se mêler des détails de la police de la ville de Paris et de ses districts.
Quelques députés élèvent la question de savoir si l'Assemblée a ou n'a pas le droit de faire ouvrir ces paquets.
Plusieurs membres invoquent le principe de
D'autres, en convenant du principe* pensent qu'il peut être modifié, et qu'on doit admettre une exception tyns le cas où les lettres seraient soupçonnées d'être écrites par des ennemis et à des ennemis de la liberté nationale.
M ***. Les lettres interceptées sont de M. de Castelnau, notre ambassadeur à Genève; l'une, à l'adresse de M. d'Artois, a été ouverte avec deux autres; une quatrième a été déchirée paf lui, mais les fragments ont été rassemblés. Ces pièces peuvent jeter un grand jour sur les conspirations qui se trament. J'en demande le renvoi à un comité.
Je demande que toutes les lettres interceptées, depuis les troubles, à Paris ou dans les provinces, soient remises dans un dé-sûr, pour être présentées à l'Assemblée nationale quand elle le jugera convenable.
M***, membre de la commune. Quoique je rettde justice à la délicatesse des sentiments de M. le président ; que je sois pénétré de respect pour lui, et intimement persuadé de la pureté de ses intentions et de la droiture de son cœur, les circonstances affreuses où nous nous trouvons, circonstances qui intéressent la liberté publique, me forcent de demander à M. le président si le paquet lui avait été adressé comme individu ou comme président? Dans le premier cas, il pouvait suivre l'impulsion de son cœur ; mais dans le second, il ne devait pas prendre sur lui de le renvoyer ; il devait attendre la décision de l'Assemblée nationale. Par la conduite qu'il a tenue, il laisse l'Assemblée en proie à une incertitude d'autant plus poignante, que cet envoi a été fait par M. Bailly, qui s'en serait dispensé, s'il ne l'avait cru essentiel et nécessaire Là l'Assemblée. ;
Je conclus à ce que tous les papiers relatifs aux circonstances présentes soient communiqués à l'Assemblée nationale; qu'ils soient déposés dans un de nos bureaux, qui en rendra compte à l'Assemblée.
Messieurs, tout l'univers a les yeux ouverts sur nous, et la France attend et a le droit d'attendre de la sagesse de l'Assemblée qu'elle sera en garde contre tout ce qui pourrait préjudicier à la chose publique, et nuire et préjudicier à la liberté. 11 est de la dernière importance d'être en garde contre tout ce qui pourrait tendre à la moindre chose contre l'intérêt général.
L'expérience nous a convaincus de ce que nous avions à craindre des complots et des menées sourdes de ces hommes qui croient encore, même à présent, que des usages, des droits établis contre toute justice et toute raison, doivent avoir leur plein et entier effet, parce qu'on compte des siècles depuis l'établissement et la vigueur de ces usages.
Craignez, Messieurs, craignez que les préjugés, les calomnies ne cherchent encore à vous confondre et à vous abattre, et que les auteurs des complots formés contre nous, pour se venger de notre prévoyance, ne cherchent encore de nouveaux moyens pour triompher de nous.
répond qu'il a bien cru devoir renvoyer le paquet arrêté entre les mains du baron Castelnau ; mais qu'il a pensé, et que
toute l'Assemblée pensera sans doute comme lui, j M. de La Luzerne, évêque de Langres. Après qu'en le faisant remettre à la personne respec- une grande fermentation dans sa patrie et une table qui l'avait envoyé, l'Assemblée sera tou- guerre civile, le grand Pompée eut la générosité jours maîtresse de se prononcer. et la grandeur d'âme de livrer au feu toutes les
L'Assemblée applaudit à son président; et l'ho- lettres qui auraient pu encore proroger le souve-norable préopinant, craignant /[ue cet applau- nir des événements funestes et des malheurs de dissement général ne soit une improbation indi- la patrie.
directe de sa motion, demande à en relire le 11 est permis d'ouvrir les lettres d'un homme commencement, dans lequel il rendait hommage suspect à la patrie; mais on ne peut regarder 'aux sentiments et à la vertu de M. le président. I comme tel qu'un homme dénoncé.
Cet hommage, ou plutôt cette justice, quel'au- f Je conclus donc qu'il est plus conforme à la teur de la motion rendait à M. le président, pa- générosité de la nation de suivre l'exemple du raît flatter l'Assemblée nationale. Romain, et qu'il faut précipiter dans les flammes
les papiers dont il est question.
pose ainsi la question sur la motion du préopinant : Y a-t-U lieu à délibé- Un membre ajoute que si l'insurrection n'a pu rerounon? - être justifiée par aucun droit, c'est qu'il n'y a
avait proposé de déclarer la lèse-nation ; mais que, dans le moment actuel, question par assis et levé, mais la chose reste in- lorsque la paix paraît le mieux consolidée, et qu'il décise. , . I n'existe plus de schisme, plus de division, tout
On voulait aller aux voix par appel nominal ; ] individu quelconque doit être décrété et jugé mais, cette manière de voter est trop longue et I conformément à la loi.
très-fatiguanle ; on n'a pas cru devoir l'adopter. Que le sieur. Gastelnau ne porte en sa personne Pendant ces discussions et ces débats, M. de aucun caractère de réprobation; qu^onn'a con-Gouy d'Arey a demandé la parole avec une es- naissance d'aucun décret contre lui ; qu'il faut pèce d'opiniâtreté; et il a semblé plutôt l'extor- donc distinguer entre les papiers pris entre ses quer que l'obtenir. Il propose le projet d'arrêté mains, et ceux pris au moment de l'insurrection, suivant:.
« L'Assemblée nationale, prenant en considé- M. Duport. Rien n'est plus funeste et plus ration les événements actuels, a arrêté et arrête : préjudiciable à l'ordre de la société, que le que tous les papiers relatifs aux circonstances droit de pouvoir violer, sous quelque prétexte doivent être mis en dépôt, et communiqués, que ce soit, l'inviolabilité du secret des postes ; quand le cas l'exigera, à l'Assemblée nationale. » je lésais, par expérience, non pas personnelle,
mais dans la personne d'un ministre qui avait
. Je m'oppose à cette proposition; I les intentions pures et le cœur droit; je le nomme et je me fonde sur le vœu formel des cahiers hautement : M. Turgota été victime d'une cor-pour l'inviolabilité du secret des lettres. I respondance funeste qui prenait sa cause dans le
L'Assemblée nationale ne peut donner l'exem- droit que le ministre s'était arrogé de violer le pie d'une violation manifeste du secret de la secret des postes, et de pénétrer tous les cœurs, poste, demandé unanimement par tous les ca- pour empêcher les mécontents de se plaindre deniers, sans combattre par sa conduite contradic- l'injustice et du despotisme du ministère, toire le vœu unanime de tous les cahiers. Il est indigne d'une nation qui aime la justice,
Ce serait vouloir mettre aux prises le législa- et qui se pique de loyauté et de franchise, d'exer-teur et la loi ; annuler et anéantir conséquem- cer une telle inquisition, ment les décrets de l'Assemblée. I
Ces raisons doivent déterminera ne pas ad- M. le eomte de Mirabeau. Est-ce à un peu-mettre l'avis du préopinant. Je regarde une lettre pie qui veut devenir libre à emprunter lesmaxi-cachetée comme une propriété commune entre mes et les procédés de là tyrannie? peut-il lui celui qui l'envoie et celui qui doit la recevoir, convenir de blesser la morale, après avoir été ou qui déjà l'a reçue ; et l'on ne peut, sans aller si longtemps victime de ceux qui la violèrent ? ouvertement contre les droits les plus sacrés, se Que ces politiques vulgaires qui font passer avant porter à rompre les sceaux des lettres. la justice ce que, dans leurs étroites combinaisons,
ils osent appeler l'utilité publique ; que ces po-
. Dans un état de guerre, litiques nous disent du moins quel intérêt peut il est permis de décacheter les lettres; et dans I colorer cette violation de la probité nationale, ces temps de fermentation et d'orages, de calom- Qu'apprendrons-nous par la honteuse inquisition nies et de menées, nous pouvons nous regarder I des lettres? de viles et sales intrigues, des anec-et nous sommes vraiment dans un état de I dotes scandaleuses* de méprisables frivolités. % guerre. Croit-on que les complots circulent par les cour-
Nous avons donc le plus grand intérêt de con- I riers ordinaires ? croit-on même que les nouvelles naître les auteurs de nos maux; et pour pou- I politiques de quelque importance passent par voir parvenir à cette connaissance, il faut néces- cette voie? Quelle grande ambassade, quel homme sairement employer les mêmes moyens qu'on chargé d'une négociation délicate ne correspond emploie à la guerre; l'on doit être autorisé à in- pas directement, et ne sait pas échapper à l'es-tercepter et à décacheter tous paquets, lettres, pionnage de la poste aux lettres? C'est donc adresses, venant de pays ou de personnes sus- sans aucune utilité qu'on violerait les secrets des pectes, et on doit regarder comme telles toutes I familles, le commerce des absents, les confidences personnes en fuite. j de l'amitié, la confiance entre les hommes. Un
Ilestessentiel, ilest de la première importance, I procédé si coupable n'aurait pas même une ex-que le peuple sache les ennemis qu'il a à com- I cûsé, et l'on dirait de nous dans l'Europe ; en battre, et plus essentiel encore de faire connaître I France, sous le prétexte de la sûreté publique, à ce même peuple que nous nous occupons da I on prive les citoyens de tout droit de propriété tout ce qui peut l'intéresser.
, eveque de Langrcs. Aprfts une grande fermentation dans sa patrie et une guerre civile, le grand Porapee eut la g6nerosite et la grandeur d'ftme de livrer au feu toutes les lettres qui auraient pu encore proroger le souve- nir des evenements funestes et des malheurs de la patrie.
11 est permis d'ouvrir les lettres d'un homme suspect a la patrie; mais on ne peut regarder comme tel qu'un homme d6nonc6.
Je conclus done qu'il est plus conforme a la generosite de la nation de suivre I'exemple du Komain, et qu'il faut pr£cipiter dans les flammes les papiers dont il est question.
Un membre ajoute que si l'insurrection n'a pu 6tre justice |)ar aucun droit, e'est qu'il n'y a pas de tribunal propre a poursuivre un crime de lese-nation ; mais que, dans le moment actuel, lorsquela pais parait le mieuxconsoIid5e, et qu'il n'existe plus de scliisine, plus de division, tout individu quelconque doit 6tre ddcrete et jug6 conlorm6ment a la loi.
Que le sieur Castelnau ne porte en sa personne aucun caractere de reprobation; qu'on n'a con- naissance d'aucun d6cret contre lui; qu'il faut done distiuguer enlre les papiers pris entre ses mains, et ceux pris au moment de l'insurrection.
. Rien n'cst plus funeste et plus rfyudiciable a l'ordre de la soci6te, que le droit de pouvoir violer, sous quelque pretexts que ce soil, I'inviolabilitG du secret des postes ; je le sais, par experience, non pas personuelle, mais dans la personne d'un ministre qui avait les intentions pures et le cceur droit; je le nomme hautement: M. Turgot a et6 victime d'une cor- respondarice funeste qui prenait sa cause dans le droit que Je ministre s'etuit arrogd de violer le secret des posies, et de pCntrer tous les coeurs, pour empGcher les mGcontents de se plaindre de l'jnjustice etdu despotisme du minist6re.
11 est indigne d'une nation qui aime la justice, et qui se pique de loyaute et de franchise, d'exer- cer une telle inquisition.
. Est-ce aun peu- ple qui veut devenir libre a empruuter les maxi- mes et les procedes de la tyrannic? peut-il lui convenir de blesser la morale, apr6s avoir 6t6 si longtemps viclime de ceux qui la violerent ? Queces poliiiques vulgaires qui font passer avant la justicece que, dansleurs Gtroites coinbinaisons, ils osent appeler Vutilite publique; que ces po- litiques nous disent du moins quel intret peut colorer celte violation de la probit6 nationale. Qu'apprendrons-nous par lahonteuse inquisition des lettres? de viles et sales intrigues, des anec- dotes scandaleuses, de meprisables frivolites. Groit-on que les complots circulent par les cour- riers ordinaires ? croit-on mfiine que les nouvelles politiques de quelque importance passent par cettevoie? Quelle grande ainbassade,quel homme cliargG d'une negotiation delicate ne correspond pas directement, et ne sait pas 6cliapper a l'es- pionnage de la poste aux lettres? G'est done sans aucune utilite qu'on violerait les secrets des families, le commerce des absents, les confidences de 1 amitie, la conliance entre les liommes. Un proc6d6 si coupable n'aurait pas m6me une ex- cuse, et l'on dirait de nous dans l'Europe : en Fiance, sous le pretexte de la sret6 publique, on prive les citoyens de tout droit de prapri6t6 5ur les lettres qui sont les productions du coeur
et le trésor de îa confiance. Ce dernier asile de la liberté a été impunément violé par ceux mêmes que la nation avait délégués pour assurer tous ses droits. Ils ont décidé par le fait, que les plus secrètes communications de Pâme, les conjectures les plus hasardées de l'esprit, les émotions d'une colère souvent mal fondée, les erreurs souvent redressées le moment d'après, pouvaient être transformées en dépositions contre des tiers ; que le citoyen, l'ami, le fils, le père, deviendraient ainsi les juges les uns des autres, sans le savoir; qu'ils pourront périr un jour l'un par l'autre; car l'Assemblée nationale a déclaré qu'elle ferait servir de base à ses jugements des communications équivoques et surprises, qu'elle n'a pu se procurer que par un crime.
L'Assemblée ne prend aucune détermination et passe à l'ordre du jour.
Pons, curédeMazamet; Chabannettes,curé de Saint-Michel; Gausserand, curé de Rivière, députés du clergé de la sénéchaussée de Toulouse, lisent et remettent sur le bureau la déclaration suivante:
« Les soussignés, députés du clergé delà sénéchaussée de Toulouse, déclarent qu'ils ii'ont jamais signé aucune protestation contre les opérations de l'Assemblée nationale, mais seulement une déclaration expositive de leur mandat, et une réserve purement relative aux droits de leurs commettants, d'avoir des représentants à ladite Assemblée ; que depuis l'anéantissement de leur mandat par la réunion totale et consommée des ordres, ils ont opiné et opineront toujours. A Versailles, le 25 juillet 1789, et ont signé : Pons, curé de Mazamet ; Chabannettes, curé de Saint-Michel ; Gausserand, curé de Rivière. »
annonce le regret que lui a marqué M. le comte de Douzon, député de la noblesse de Moulins, de ce que sa santé ne lui permet pas de continuer son service, et la nécessité où il est d'appeler son suppléant.
Les pouvoirs de M. de Livré, député de la sénéchaussée duîMâine, à la place de feu M. Heliand, ont été admis ainsi que ceux des députés du bailliage de Sedan, sur la représentation qu'ils ont faite des pièces qui en établissent complètement la légitimité.
fait le rapport des pouvoirs des députés du clergé du Béarn.
D'après l'avis du comité, l'Assemblée admet les députés nommés, quoique la constitution du Béarn semble n'admettre d'autre députation que celle faite en corps d'états.
fait aussi le rapport des secondes députations nommées par le pays d'Aunis et
Sar la ville de Montpellier. Elles sont rejetées, éanmoins les membres de ces secondes députations obtiennent, comme suppléants, la permission d'assister aux assemblées, sans séance ni voix délibérative, à la tribune des suppléants^
Une députation de la ville de Dieppe est introduite. Un de ses membres fait lecture de l'adresse des habitants de cette ville, ainsi qu'il suit :
« Nos seigneurs, réunis après des efforts longtemps infructueux, les représentants de la commune de la ville de Dieppe ont arrêté d'une voix unanime, de déposer dans le sein de cette Assemblée nationale, comme dans celui de la patrie, les sentiments de son admiration et de sa recon-naisance.
« Pénétrés de la vérité des principes qui doivent être la base de la constitution d'un peuple libre, ils n'ont pu lire qu'avec enthousiasme vos sublimes arrêtés des 17, 18 et 20 du mois dernier. Ils les regardent, avec la France entière, comme les premiers fondements de son bonheur, le Palladium de sa liberté ; ils y adhèrent d'esprit et de cœur, comme à tous ceux gui en ont été la suite et la conséquence nécessaire.
« Convaincus, Nosseigneurs, qu'un ministre honnête homme et citoyen est le présent le plus précieux que le ciel, dans sa bonté, puisse faire a un Roi juste ; les fidèles Dieppois ont déploré la disgrâce de ceux qui réunissaient tous leurs efforts pour entretenir, dans le cœur du meilleur des Rois, le feu sacré de l'amour qu'il avait voué à ses peuples dont on osait calomnier rattachement et la fidélité. Un jour de plus, peut-être, et le sang de nos frères allait couler sur les échafauds ; leurs cendres se confondre avec ceux des ennemis des lois et de la patrie ; et le Français être réduit à dévorer en silence des larmes qui auraient passé pour de nouveaux crimes 1
« Ils se sont évanouis comme un songe, ces jours de tristesse et le deuil; tous les obstacles sont surmontés, toutes les difficultés vaincues. Votre courageuse fermeté a franchi la barrière qui nous rendait le trône inaccessible ; vous avez déchiré le voile épais qui dérobait au monarque l'auguste et sainte vérité. Il se précipite dans vos bras, des cris d'allégresse se font entendre de toutes parts ; des larmes d'attendrissement et de joie coulent de tous les yeux.....Les descendants de ces fidèles Dieppois, qui donnèrent au grand Henri des témoignages si éclatants de zèle et d'amour, renferment dans un seul mot les sentiments dont ils sont pénétrés pour le prince qui l'a pris pour modèle.....Daignez proclamer qu'ils le chérissent
comme leur liberté, et le respectent comme vos décrets.
« Encore quelques efforts généreux, Nosseigneurs, le peuple français est le premier peuple de l'Univers; son Roi, le plus puissant des monarques: et ce grand ouvrage, le fruit de votre patriotisme et de vos lumières, transmet vos noms immortels à la postéritéla plus reculée. Nos descendants, libres et heureux par vous, fixant leurs regards sur l'histoire de ces jours mémorables, s'écrieront, dans les transports de leur admiration et de leur reconnaissance : Nos ancêtres, sans patrie, gémissaient sous un joug insupportable ; étouffé par les intérêts particuliers, l'intérêt général était oublié, ou méconnu. La voix de la raison s'est fait entendre-, bientôt tous les ordres de l'Etat se sont réunis • les ministres des autels ont donné les premiers le grand exemple des sacrifices ; une brave noblesse s'est empressée de marcher sur leurs pas, et les représentants d'un grand peuple, tous animés du même esprit, tous dirigés vers le même but ont travaillé de concert à la régénération de cet empire. L'autorité royale devait être une ; quelques mains ambitieuses et perfides paraissaient vouloir y porter atteinte, en la partageant; leurs criminelles entreprises ont été repoussées: la majesté du trône a repris tout son éclat, et maintenant le peuple français vit heureux, sous son ombre et et à l'abris des lois !
Signe; Augustin Lagriely, le marquis Lecorbeil-ler, Pelst, Frederik Jeay, Bienaimé, J.-P. Blan-quet, Demittiere, Jacques de Laporte, Dufraine l'aîné, Rouyer, Seille, Louis Thorel, Castel le jeune, Robert, de Cornov dit Jacquiest, Pierre le Mounier, J. Petit-Père, N* Porion, Joseph le Mou-
nier, Anquetil, N. Arnoys, Guillaume Vasse, Bourdon fils, Etienne Vasse, Bigot, Riolle l'oncle, Ango* Auclair, Auguste de Touen, Houard, président ; Vasse, secrétaire.
L'Assemblée nationale voit avec plaisir le zèle des différentes villes. Elle voit avec satisfaction les respects, les félicitations et les remerciements de la ville de Dieppe.
ont demandé à être introduits : étant entrés, l'un deux a dit :
Nosseigneurs, la juridiction consulaire de Paris, en se présentant devant cette auguste Assemblée, a pour but de vous offrir les senti-timents dont elle est pénétrée : ce sont ceux de l'admiration, du respect et de la reconnaissance. Puissent, Nosseigneurs, nos félicitations, nos hommages et nos actions de grâces vous être agréables 1 Le commerce, cette brandie si importante d'où dépend la prospérité d'un Etat, et dont nous sommes les représentants par nos fonctions, le commerce attend tout de la haute sagesse, de la prudence consommée, du courage magnanime, du dévouement patriotique qui jusqu'à présent ont dirigé vos travaux et vos délibérations. Le seul vœu que nous ayons à former pour le bonheur de la nation, c'est, Nosseigneurs, qu'elle puisse toujours avoir (les représentants aussi respectables et qui méritent autant sa confiance.
répond : L'Assemblée nationale, dont le devoir est de veiller sur tous les intérêts de ce vaste empire, prendra en considération la prospérité et l'extension du commerce français.
Elle s'appliquera particulièrement à prévenir, par tous les moyens que sa sagesse saura lui indiquer, les faillites, qui, depuis quelque temps, ont inquiété le commerce, et pourraient compromettre la réputation déloyauté quia toujours si essentiellement et si avantageusement distingué la nation française.
L'Assemblée nationale agrée l'hommage de votre respect, et elle me charge, Messieurs, de vous assurer qu'elle en est satisfaite.
fait faire lecture d'une lettre écrite à l'Assemblée par la municipalité de Vesoul, ën date du 22 juillet. Elle est ainsi conçue:
« Nosseigneurs, la ville de Vesoul ne veut point affliger l'Assemblée nationale par le récit de tous les désordres portés à l'excès dans son bailliage ; les châteaux brûlés, démolis, pillés au moins ; toutes les archives enfoncées, les registres et les terriers enlevés, les dépôts violés, les plus horribles menaces et des violences extrêmes.
« La ville de Vesoul se borne à conjurer l'Assemblée nationale de rendre un décret qui puisse ramener la tranquillité publique parmi lesj gens de la campagne, qui semblent douter de la vérité des derniers imprimés qui ont été envoyés aux commandants des provinces.
« Un arrêté de l'Assemblée nationale calmera la partie saine du peuple et des campagnes ; mais, comme il s'est formé en même temps des, bandes de gens sans aveu, il serait essentiel encore que l'Assemblée nationale, par le même arrêté, autorisât d'employer la force pour les contenir.
« Telle est la demande respectueuse et pressante de la ville de Vesoul, représentée par les mem-
bres du comité qu'elle a nommé pour pourvoir à la sûreté publique.
« Signé le comte de Schombert de Saladin; Jacques de Fleury, maire. »
député de Colmar. Je demande la parole pour faire part à l'Assemblée d'une adresse contenant le récit d'un événement affreux qui est arrivé au château de Quincey. — Je voudrais pouvoir dérober à vos yeux le tableau effrayant de la catastrophe sanglante arrivée au château de Quincey ; je frisonne d'horreur: j'ai à vous parler d'un forfait enfanté par la noirceur même ; mais, pour vous instruire des détails, je crois devoir vous lire le procès-verbal de la maréchaussée du lieu.
« Nous, brigadier de maréchaussée, etc., certifions, etc., que nous nous sommes transporté à Quincey ; que nous avons trouvé auprès d'un homme mourant, M. le curé, qui nous a dit que M. de Mesmay, seigneur de Quincey, avait fait annoncer à Vesoul et aux troupes qui; y sont en garnison, qu'à l'occasion de l'événement heureux auquel toute la nation prenait part, il traiterait tous ceux qui voudraient se rendre à son château, et leur donnerait une fête; mais que M. de Mesmay s'était retiré, et avait dit que sa présence pourrait diminuer la gaieté de la fête ; et avait prétexté pour ce, qu'il était protestant, noble et parlementaire: l'invitation de M. le parlementaire avait attiré une foule de personnes, tant citoyens que soldats, qu'on avait conduits à quelque distance du château; que pendant qu'on se livrait à la joie et à la gaieté, on avait mis le feu à une mèche qui allait aboutir à une mine creusée^dans l'endroit où le peuple était à se divertir ; qu'au bruit de l'explosion ils s'étaient transportés au château, qu'ils avaient .vu des hommes flottant clans leur sang, des cadavres épars, et des membres palpitants. »
Le procès-verbal est signé par le brigadier et légalisé par le lieutenant général.
Cette barbarie, exercée contre le droit des gens, ourdie par l'hypocrisie et la noirceur la plus abominable, a mis tout le pays en combustion. On s'est armé de toutes pièces, on s'est jeté sur les châteaux voisins ; le peuple, qui ne connaît pas de frein lorqu'il croit qu'on mérite sa fureur, s'est porté et se porte encore aux derniers excès, a brûlé, saccagé les chartriers de seigneurs, les a contraints de renoncer à leur droits, a détruit et démoli différents châteaux, incendié une abbaye de l'ordre de Citeaux. Madame la baronne d'An-dlau n'a dû son salut qu'à une espèce de miracle.
Le corps municipal, présidé par M. le marquis de Joubert, a pris toutes les mesures que pouvait dicter la sagesse pour arrêter les suites funestes d'une telle fermentation. Mais les moyens sont insuffisants dans une province comme la n^tre, où chaque village peut fournir huit à dix hommes au moins qui ont servi, et qui savent consé-quemmeut manier les armes»
Je prie donc l'Assemblée de prendre en considération la triste situation où se trouve le pays dont j'ai l'honneur d'être représentant, et d'aviser aux moyens les plus prompts pour apporter remède au mal. Je crois qu'il serait bon et avantageux, pour la sécurité et la tranquillité publique: * { v
1° D'établir une garde bourgeoise ;
2° D'établir un comité permanent, aux fins d'à-
viser aux moyens les plus efficaces d'arrêter ce désordre!;
3° Pour apaiser les esprits et faire tout rentrer dans l'ordre, il faut que l'Assemblée nationale fasse une déclaration qui sera rendue publique )ar la voie de l'impression, et qui sera lue au )rône dans toutes les paroisses du bailliage, par aquelle déclaration l'Assemblée assure au peuple que la punition sera proportionnée au crime, et que la tête du coupable n'échappera pas à la vindicte publique.
Il conclut par dire qu'il faut ajouter un amendement relatif aux maux actuels.
Cette adresse et cette motion ont excité dans l'âme de tous les auditeurs des sentiments d'excé-cration contre l'auteur d'un pareil forfait.
On prie M. Pinelle de rédiger sa motion* qui est ajournée.
Plusieurs motions sont faites pour demander la punition des coupables.
fait la motion que M.leprésident soit chargé de se retirer vers leRoi, pour obtenir un ordre de Sa Majesté (jui enjoigne à tous les ministres résidant auprès des cours étrangères de faire la recherche du coupable, d'obtenir qu'il soit arrêté, et que le juge royal du lieu où le crime a été commis soit autorisé à informer contre le criminel, quel qu'il soit, à le décréter et juger définitivement.
observe que le premier président du parlement de Besançon lui a assuré que les poursuites sont commencées, et que cette cour, non moins indignée jue les autres citoyens, a déjà envoyé des commissaires.
l'atné. Il faut que la poursuite du jugement des coupables soit surveillée par l'Assemblée nationale, puisque le crime lui a été dénoncé. Le parlement de Besançon a déjà fait dés diligences; ne lui faisons pas l'injure de penser qu'il ne s'empressera pas de le punir. Le coupable qui vous est désigné sera jugé par son corps; le premier privilège national est d'être jugé par ses pairs.
Un député de Franche-Comté représente la nécessité'de saisir le premier juge de la connaissance de cette affaire. Le peuple demande la vengeance des lois ; il faut donc des juges qui aient sa confiance. Mais, ajoute-t-il, la conduite du parlement de Besançon, lors de la convocation des ordres pour la députation aux Etats généraux, a excité dans la province un mécontentement général, et ce mécontentement est en partie cause des troubles qui déchirent cette province.
et plusieurs autres membres font des observations sur l'abus ^des justices souveraines. 11 y a des lois„ générales, disent-ils, qui permettent aux juges naturels d'informer et de décréter; il faut suivre ces lois, et laisser un libre cours à l'ordre naturel des juridictions.
Quelques députés observent que s'il est vrai, comme tout semble l'annoncer, que le coupable est un membre du parlement de Besançon, le juge royal n'osera faire aucune poursuite qui tendrait à le compromettre vis-à-vis de cette cour.
Nous devons procurer une jus-
tice prompte, une justice qui, par ses formes, puisse assurer la tranquillité publique et mériter la confiance de la province. Sans vouloir faire injure à aucun tribunal, il me semble que tous n'ont pas la confiance publique. Le juge royal a bien, suivant les règles générales, le droit d'informer et de décréter; mais il existe dans quelques parlements des usages ou des règlements qui gênent les fonctions des juges inférieurs dans certaines matières. Dans ces circonstances, l'Assemblée peut demander au Roi des lettres-patentes qui autorisent les premiers juges à prononcer définitivement, nonobstant tous usages, règlements et privilèges qui pourraient exister dans la province, sauf l'appel à telle autre cour du royaume qu'il plaira au Roi d'indiquer.
11 n'est pas de la dignité de l'Assemblée d'entrer dans le détail des formes judiciaires. Elle doit demander qu'on poursuive les coupables ; mais le pouvoir exécutif doit seul régler les formes suivant lesquelles la poursuite sera faite.
et plusieurs autres membres disent que les arrêts de règlement ne sont pas des lois ; que, dans le moment où elles vont reprendre tout leur empire, elles ne peuvent pas plier devant desimpies arrêts de règlement, qui ne peuvent pas soustraire les membres des cours souveraines à l'ordre public et à l'exécution des ordonnances du royaume.
De toutes parts on demande à aller aux voix.
rappelle sa motion ; on y fait quelques changements. Elle est mise aux voix et adoptée à une grande majorité. Elle est rédigée ainsi qu'il suit: 1
« Lecture faite d'une lettre de la ville de Vesoul, én date du 22 juillet, adressée à l'Assemblée nationale, et d'un procès-verbal dressé le 20 du même mois, par un brigadier et des cavaliers de maréchaussée, à la résidence de Vesoul, dont f expéditiona été remise sur le bureau: l'Assemblée nationale, délibérant sur les deux pièces, après avoir entendu le récit de l'é véhement arrivé le 19 du même mois au château de Quincey, près de Vesoul, a arrêté que le président se retirera par devers le Roi, pour lui témoigner l'horreur et l'indignation dont tous les membres de l'Assemblée ont été saisis en apprenant un crime aussi horrible, pour supplier Sa Majesté d'ordonner qu'il soit fait incessamment toutes poursuites nécessaires pour rechercher les auteurs et complices de ce forfait, et dans le cas où ils seraient déjà retirés en pays étranger, supplier Sa Majesté d'enjoindre à ses ministres de les réclamer, afin que les coupables soient punis par les supplices qu'ils méritent. *
fait un rapport sur la réclamation du bailliage du Quesnoy qui annonce quatre députés des communes, sans égard au règlement 'qui en accorde deux à la ville de Valenciennes : l'Assemblée nationale décide que les deux derniers députés nommés par les communes du bailliage du Quesnoy, ne seront point admis.
Lecture est faite du procès-verbal du jour précédent.
H est annoncé que le 20 de ce mois MM. du comité des finances ont nommé pour président de ce comité M. le comte de Latour-du-Pin, et pour secrétaires M. le marquis de Gouv d'Arcy, M. Anson et M. Bcrënger.
annonce que M, de Lafayette lui a mandé que Paris était calme dans ce moment; mais que la sécurité n'y est pas parfaitement rétablie, et qu'on soupçonne des étrangers de fomenter les troubles.
Les bureaux sont invités à s'assembler ce soir.
La séance est levée.
Séance du
Il a été rendu compte des adresses envoyées à l'Assemblée nationale, par les villes de Mâcon, de la Ferté-sous-Jouarre; par les communes de Mon-treuil-sur-Mer ; par les trois ordres de la ville de Montélimart ; par les communes de Louhans et par celle de Saint-Claude ; par les ofticiers municipaux du Havre, et par ceux de Gap, d'Orléans et de Châlons en Champagne.
lia été décerné acte aux députés de Ces divers endroits de la présentation de toutes ces adresses, qui contiennent des félicitations et des hommages à l'Assemblée nationale, et d'adhésion à tous ses arrêtés, notamment à celui du 17 juin ; et il a été ordonné qu'elles seraient déposées et enregistrées.
Un des secrétaires a également rendu compte de plusieurs lettres et réclamations adressées à l'Assemblée nationale.
Il a été arrêté que la requête du clergé et des communes du bailliage de Bouzonville en Lorraine, tendant à attaquer les élections faites dans cette partie du royaume les 13 et 14 mars dernier; et la requête des officiers municipaux de la ville de Metz, qui demandent une décision de l'Assemblée nationale, sur quelques difficultés qui se sont élevées entre eux et les corporations, au sujet de l'élection du nouveau député direct qui doit remplacer celui dont l'élection a été déclarée irrégulière par l'Assemblée nationale, seraient renvoyées au comité de vérification des pouvoirs, pour qu'il fasse incessamment le rapport de ces deux requêtes.
Il a été arrêté que toutes les autres requêtes, lettres et mémoires seraient déposés au secrétariat, pour être remis successivement aux divers comités qui s'occuperont des objets auxquels ces lettres et mémoires peuvent être relatifs.
dit qu'il s'est retiré hier devers le Roi, pour lui exprimer le vœu de l'Assemblée sur le crime affreux commis auprès de Vesoul ; que Sa Majesté lui a répondu qu'elle partageait Tindignation générale, et qu'elle donnerait ordre à ses ambassadeurs dans les cours étrangères d'empêcher qu'aucun asile fût accordé aux auteurs d'un si grand délit.
annonce que M. de Mont-morin lui a fait parvenir une lettre écrite par M. Necker. On fait lecture de cette lettre que nous transcrivons :
« Messieurs, sensiblement ému par de longues agitations, et considérant déjà de près le moment où il est temps de songer à la retraite du monde et des affaires, je me préparais à ne plus suivre que de mes vœux ardents le destin de la France et le bonheur d'une nation à laquelle je suis at-
taché par tant de liens, lorsque j'ai reçu la lettre dont vous m'avez honoré. Il est hors de mon pouvoir, il est au-dessus de mes faibles moyens ae répondre dignement à cette marque si précieuse de votre estime et de votre bienveillance ; mais je dois au moins/Messieurs, vous aller porter l'hommage de ma respectueuse reconnaissance. Mon dévouement ne vous est pas nécessaire ; mais il importe à mon bonheur de prouver au Roi et à la nation française que rien ne peut ralentir un zèle qui fait depuis longtemps l'intérêt de ma vie. »
Les plus vifs applaudissements suivent la lecture de cette lettre.
On reproduit les motions faites dans la séance de samedi j relatives au dépôt des papiers suspectsy pour être examinés par un comité secret.
dit qu'ayant appris samedi au soir que le vœu des bureaux était ou pouvait être de réclamer les papiers qu'il avait envoyés à l'Hôtel-de-Ville, il avait écrit à M. Bailly pour le prévenir de la demande qui pourrait lui être faite, et qu'il a chargé M. Guillotin de la lettre d'avis.
N'ayant trouvé ni M. le maire, ni M. le commandant, j'ai remis cette lettre au comité permanent, à une heure après minuit ; j'ai appris que les papiers étaient au greffe, à la disposition de l'Assemblée nationale.
J'ai appris, et c'est M. Bailly qui me Pa dit, que la seule lettre qui peut intéresser l'Assemblée est celle que M. de Castelnau a déchirée au moment de son arrestation, et dont on a rassemblé les morceaux ; il est intéressant de l'envoyer chercher de suite.
observe que l'Assemblée ayant fait déposer à la ville toutes les pièces de conviction que l'on a pu rassembler, il ne faut pas en diviser celle-ci.
Un membre de la noblesse, développant la rigidité des principes, regarde cette discussion comme un acte de violation du secret des lettres ; il dit qu'il ne faut pas suspendre le moment de la constitution.
Cette discussion est interrompue par la lecture d'une lettre de M. de Castelnau. La voici :
* A Versailles, le 26 juillet.
« Monsieur le président, dès que j'ai appris que l'on avait mis sous vos yeux les lettres que l'on a prises sur moi, j'ai écrit à M. le comte d'Orsay pour qu'il vous engage lui-même à ouvrir les lettres.
« En recevant les ordres du ministre, lors de mon départ, je lui ai demandé un délai de douze jours ; mon dessein était, dans cet intervalle, de passer par le Hainaut, et de mé rendre ensuite auprès de Mgr le comte d'Artois, auquel je suis attaché par ma charge et par les liens, de la reconnaissance.
« Les lettres ne contiennent aue des compliments de la part de M. le comte d Orsay, etc., etc.
« P.-S. M. le comte d'Orsay a demandé un rendez-vous à M. le président; il ne s'y est pas rendu. *
Un membre fait la récapitulation de différentes motions tendant à ce que les papiers ne soient point renvoyés, et prétend qu'on n'en doit écouter aucune.
L'orage est encore sur nos têtes, dit-il ; les dangers augmentent tous les jours. Doit-on prendre des ménagements avec des individus qui ont tramé la perte de la nation ? Tous les fléaux nous poursuivent et nous menacent ; et ils amèneront, si l'on ne prend toutes les précautions nécessaires, la dissolution de l'Assemblée nationale. Je conclus donc qu'il faut que le paquet soit renvoyé à l'Assemblée nationale.
L'Assemblée peut-elle et doit-elle refuser des pièces dénoncées par l'opinion publique, envoyées par le maire de la capitale comme des pièces essentiellement intéres-santés, et nécessaires aux éclaircissements delà plus fatale conspiration qui fut jamais tramée ? Je ne le crois pas. Les ménagements pour les conspirateurs sont une trahison envers le peuple.
M. **\ Le premier principe et le principe fondamental de tout intérêt social est l'intérêt des peuples. Quelle est la conséquence que l'on en doit tirer? La voici : Le premier et le plus grand des devoirs d'une assemblée de législateurs; est de l'assurer, ce salut. Toute autre considération ! doit être subordonnée à celle-ci. Quoique le vœu unanime de nos cahiers soit que le secret de la ' poste soit inviolable, nous ne pouvons et ne de- i vons croire que l'intention de nos commettants soit qu'il faille respecter cette inviolabilité aux dépens de leur salut et de leur liberté. Le plus impérieux de nos devoirs est donc de les leur assurer. Ne serait-il pas ridicule et absurde, en effet, de croire que nos commettants ne pensent et ne veulent pas faire marcher avant toute autre considération tout ce qui intéresse le salut et la liberté commune et individuelle?
En vain me dirait-on qu'il n'est pas de la loyauté de la nation de pousser les choses plus avant ; en vain me dirait-on que nous jouissons du calme. Qui peut répondre que la conspiration est étouffée? Qui peut répondre des suites? Peut-être le mal est-il plus grand que jamais.
Rappelez-vous, d'ailleurs, que vous avez promis la punition des coupables. Eh! comment y parvenir si vous vousôtez tous les moyens d'instruction ? Or, n'est-ce pas de gaieté de cœur vous en priver, que de renoncer à des papiers qui peuvent vous eu donner ?
De tous ces papiers il n'y a que la lettre lacérée dont on pourrait tirer quelque induction. Occupons - nous d'objets plus essentiels : examinons les causes des désordres actuels. Les tribunaux nous envoient des députations, nous font présenter leur hommage ; mais que font-ils pour coopérer au bien public, et remettre tout dans l'ordre? Ils gardent le silence 1 Que ce silence est coupable, que ce silence est alarmant !
Enfin l'on va aux voix; et cette question se termine par décider qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
On fait lecture d'un procès-verbal et d'une lettre des officiers municipaux de Nogent-sur-Seine, qui instruisent l'Assemblée de l'arrestation de M. l'abbé de Galonné à son passage dans cette ville. Voici en substance ce qu'ils apprennent :
« M. l'abbé de Ca'onne, suppléant du clergé du bailliage de Melun, passait par Nogent. Il avait changé de costume. Arrêté par la milice nationale, il a déclaré s'appeler de Héraut, et aller aux eaux de Spa. « La milice a reconnu M. l'abbé de Galonné
sous son double déguisement. Pressé vivement, il a déclaré son véritable nom, et a dit qu'il n'avait changé d'habit qu'à cause des circonstances, et pour n'être pas insulté dans sa route. Il a été arrêté. On a trouvé sur lui plusieurs lettres à son adresse, en français et en anglais, et quelques chansons. Dans ces circonstances, la milice et les habitants de Nogent ont jugé convenable de retenir M. l'abbé de Calonne jusqu'à ce que l'Assemblée nationale se fût expliquée sur son sort. »
Il est certain que M. l'abbé de Calonne a été arrêté légalement ; il était sans passeport ; il était dans un déguisement; enfin il porte un nom qui prête à la suspicion. C'est aux juges à décider du sort de M. l'abbé de Calonne.
Un membre prétend qu'il faut faire avant tout la constitution ; qu'on ne doit songer à M. l'abbé de Calonne que quand elle sera arrêtée et déterminée.
Un autre membre propose, attendu le caractère de M. de Calonne, attendu qu'il est suppléant aux Etats généraux, de lui rendre la liberté; que d'ailleurs tout citoyen doit être accusé pour être arrêté.
Cette question allait se terminer lorsqu'elle a été suspendue par une motion de M. de Volney.
Vous avez dû observer que depuis huit jours nous ne nous occupons point des affaires de l'Etat. Pendant trois jours on s'est occupé du tumulte de Paris ; après, de celui de Saint-Germain ; enfin, de la proclamation.
Il me semble que, pour ne pas nous transformer ici en lieutenants de police du royaume, pour ne pas nous jeter dans un dédale immense, il convient d'établir un comité auquel seront renvoyées toutes les affaires d'administration et de police.
Le même parti a lieu dans le parlement d'Angleterre , dans le congrès d'Amérique. J'irais peut-être encore plus loin, en observant que j'ai pris des renseignements sur les alarmes que nous donne l'Angleterre. Une personne qui en arrive m'a assuré qu'il n'y a qu'une flotte dans la Baltique pour maintenir la balance entre la Suède et le Danemarck. Dans ce moment-ci le parlement d'Angleterre ne s'occupe que d'un déficit d'un million sterling, d'après la déclaration de M. Pitt, ce qui équivaut à 25 millions de notre monnaie.
propose une autre motion : celle de déclarer à toutes les municipalités l'incompétence de l'Assemblée pour reconnaître toute affaire de police et d'administration.
Je félicite l'Angleterre de n'être pas assez immorale pour profiter des circonstances malheureuses où nous nous trouvons.
Un membre lit le projet de lettre suivant qui est adopté :
« Quoique l'Assemblée nationale ne doive pas s'occuper de la police et de l'administration judiciaire du royaume, elle me charge, M. le président, de vous dire que la détention de M. l'abbé , de Calonne ne peut être continuée à moins qu'il ne soit accusé d'un délit. *
Plusieurs membres réclament contre celte dernière phrase, qu'ils disent dangereuse, en ce
qu'elle pourrait provoquer des accusations contre M. l'abbé de Galonné.
Ces observations n'ont pas de suite.
Une lettre des officiers municipaux de la ville de 1-éronne rend compte de l'arrestation de M. l'abbé Maury à son passage dans cette ville, qui, sous prétexte d'aller solliciter de nouveaux jDouvoirs1 de ses commettants, paraissait vouloir prendre une route opposée à celle qui devait le ramener à l'Assemblée nationale. Les officiers municipaux de Péronne et la garde bourgeoise ont jugé prudent de s'assurer de sa personne, en attendant que PAssemblée nationale ait fait connaître ses intentions.
M.Tabbé Maury a écrit aussi à M. le président, pour l'instruire des motifs de son voyage, et de sa détention à Péronne. Il rend justice aux habitants de Péronne, qui ont eu pour lui tous les égards qu'il pouvait en attendre.
Après la lecture de ces lettres, plusieurs membres se lèvent et réclament l'exécution de l'arrêté du 23 juin, qui déclare l'inviolabilité de la personne des députés.
archevêque de Vienne. En quelque lieu que les députés de l'Assemblée nationale se trouvent dans le royaume, ils sont toujours environnés de leur inviolabilité. Si M. l'abbé Maury n'a eu d'autre objet dans son voyage, que d'aller faire changer ses pouvoirs, il le déclarera. S'il a voulu fuir, il en rendra compte à l'Assemblée.
et plusieurs autres membres demandent la liberté de M. l'abbé Maury. Ils le considèrent comme député et comme citoyen. Sous le premier rapport, sa personne est inviolable ; sous le second, toute détention qui n'est pas commandée par une accusation légale est injuste et tyrannique.
Tous les avis se réunissent à autoriser M. le Président à écrire aux officiers municipaux de Péronne la lettre suivante :
« Le devoir de M. l'abbé Maury et l'intérêt général de ses commettants exigeant ici sa présence, MM. les officiers municipaux doivent laisser à M. l'abbé Maury toute la liberté nécessaire pour se rendre à l'Assemblée nationale, etc. »
On reçoit deux députations :
Celle âu Châtelet de Paris et celle de la ville de Pontoise.
lieutenant civil, est reçu dans l'enceinte. Il parle fort bas et dépose sur le bureau l'arrêté suivant :
Arrêté du Châtelet de Paris, du 25 juillet 1789.
« Ce jour, la compagnie assemblée, par continuation de l'assemblée du 23, dans laquelle il a été arrêté qu'il serait fait une députation au Roi et à l'Assemblée nationale ;
« A arrêté que M. le prévôt de Paris et M. le lieutenant civil se retireront par-devers le Roi, pour remercier Sa Majesté des marques de bonté et de confiance qu'elle vient de donner à sa ville de Paris, et lui renouveler l'hommage de sa fidélité et du dévouement de son Châtelet; et qu'ils se présenteront à l'Assemblée nationale pour lui exprimer sa reconnaissance des bons offices qu'elle a rendus à la capitale, la prier de les continuer, et l'assurer du respect, de la vénération
de la compagnie, et de sa pleine confiance dans l'étendue des lumières et la sagesse de l'auguste Assemblée des représentants de la nation. »
L'Assemblée nationale se rappelle avec plaisir que le Châtelet de Paris a opposé une fermeté salutaire aux attentats portés l'année dernière aux droits de la nation. Ce souvenir honorable lui est un titre certain à l'approbation des représentants de cette nation, et vous êtes un garant, Messieurs, de la satisfaction qu'ils reçoivent de vos respects et de vos hommages.
L'on donne des sièges à M. le lieutenant civil et àM. le marquis de Boulainvilliers, prévôt de Paris.
fait introduire ensuite la députation de la ville de Pontoise. Le maire de cette ville exprime à l'Assemblée les sentiments de respect et de reconnaissance qui animent ses habitants. 11 remet un arrêté qui est lu et beaucoup applaudi.
témoigne à la députation la satisfaction de l'Assemblée pour la démarche et les bons sentiments des habitants de la ville de Pontoise.
Il a été fait lecture d'une déclaration de M. le due de Coigny, déclaration signée du baron Félix de Wimpffen, et qui porte qu'en qualité de grand bailly d'épée, et de député du bailliage de Caen, M. le duc de Coigny avait convoqué pour le 25 de ce mois une Assemblée de la noblesse de Caen, afin qu'elle pût lever la défense prononcée par ses mandats, et qu'elle donnât à ses députés des pouvoirs illimités ; que la fermentation qui y règne, avait empêché cette Assemblée, mais que M. le duc de Coigny ayant vu presque tous ses commettants, pendant le séjour qu'il venait de faire auprès d'eux, est sûr de leurs intentions, et qu'en conséquence, croyant pouvoir obéir à son vœu particulier, il déclare qu'il prendra part aux délibérations de l'Assemblée nationale, et qu'il adhérera à toutes celles auxquelles il n'a pas concouru.
a fait demander la permission d'entrer à la barre; l'Assemblée nationale l'ayant permis* il est entré * et a dit: qu'en qualité de grand bailli d'épée de Chauni, il venait réclamer le droit d'une députation particulière pour ce bailliage: il a remis son mémoire qui a été renvoyé au comité de vérification des pouvoirs.
archevêque de Bordeaux, demande la parole et fait à l'Assemblée le rapport suivant sur les premiers travaux du comité de constitution :
Messieurs, vous avez voulu que le comité que vous avez nommé pour rédiger un projet de constitution, vous présentât dès aujourd'hui, au moins une partie de son travail, pour que la discussion puisse en être commencée ce soir même dans vos bureaux.
Votre impatience est juste; et le besoin d'accélérer la marche commune, s'est à chaque instant fait sentir à notre cœur comme au vôtre.
Une constitution nationale est demandée et attendue par tous nos commettants; et les événements survenus depuis notre réunion, la rendent de moment en moment plus ins.ta&te et plus indispensable. Elle seule peut, en posant la liberté
(Jes Français sur des bases inébranlables, les préserver des daagers d'une funeste fermentation, et assurer le bonheur des races futures.
Ju.sw*à ces derniers temps, et je pourrais dire iusqu'àces derniers moments, ce vaste et superbe Empire n'a cessé d'être la victime de la confusion et de Indétermination des pouvoirs. L'ambition et l'intrigue ont fait valoir à leur gré les droits incertains des Rois et ceux des peuples. Notre histoire n'est qu'une suite des tristes combats de ce genre* dont le résultat a toujours été ou l'ac-cffoissement d'un fatal despotisme, ou l'établissement peut-être plus fatal encore de la prépondérance et de l'aristocratie des corps, dont le joug pèse en même temps sur les peuples et sur les Rois.
Les prospérités passagères de la nation n'ont été jusqu'à présent que l'effet du caractère ou des talents personnels de nos Rois et de leurs ministres, ou encore de combinaisons fortuites, que les vices du gouvernement n'ont pu détruire. Le temps est arrivé, où une raison éclairée doit dissiper d'anciens prestiges ; elle a été provoquée, cette raison publique: elle sera secondée par un monarque qui ne veut que le bonheur de la nation qu'il se fait gloire de commander: elle le sera par l'énergie que les Français ont montré dans ces derniers temps; elle le sera par les sen-* timents patriotiques qui animent tous les membres de cette Assemblée.
Loin de nous tout intérêt d'ordre et de corps; loin de nous tout attachement à des usages, ou même à des droits que la patrie n'avouerait pas ! 11 n'est rien qui ne doive fléchir devant l'intérêt public. Eh! quelle classe de citoyens pourrait revendiquer des privilèges abusifs, lorsque le Roi lui-même consent à baisser son sceptre devant la loi, à regarder le bonheur des peuples comme lui prescrivant le plus sacré de ses devoirs, et à rendre ce bonheur même la règle et la mesure de ses prérogatives et de son autorité? -Toutes ces considérations sans doute étaient bien propres à échauffer notre zèle. 11 ne faut pas d'efforts pour se livrer à l'empressement du patriotisme, et s'abandonner à ses pressantes inspirations; combien, au contraire, ne nous en a-t-il pas fallu pour en tempérer les élans! Combien d'imposants motifs nous ont présenté la nécessité de nous préserver d'une dangereuse précipitation! C'est en votre nom, Messieurs, qu'il nous était recommandé de recueillir et de rassembler les vœux et les opinions. C'est à tracer les premiers fondements de l'édifice que vos mains généreuses vont élever à la liberté, et avec elle, à la dignité de l'homme, et à la félicité publique, que vous nous avez appelés: c'est devant vous que nous avons à répondre; c'est devant les représentants d'un grand Empire, c'est devant l'Europe entière dont les regards sont attachés sur bjous, et qui attend de vos lumières un modèle qui sera bientôt imité; c'est pour la postérité, qui tous les, jours commence, qui, dans un moment, nous demandera compte de nos travaux; c'est par ces considérations que nous avons senti qu'il fallait nous asservir à une méthode sévère, et réunir à une méditation profonde sur les bases mêmes de la constitution, l'étude des volontés exprimées par nos commettants.
Ainsi nous avons cru devoir commencer par l'examen de ces volontés, consignées dans les cahiers que nous avons pu consulter. M. le comte de Glermont-Tonnerre va vous présenter le travail raisonné dont il a bien voulu se charger, pour vous» faire connaître l'esprit général de vos cahiers.
Nous avons surtout fixé notre attention sut lea articles que bos commettants roujs ont plus spécialement recommandés, et qu'ils regardent avec justice comme nécessaires et indispensables.
Mais nous avons en même temps reconnu quei ces différentes vues exigeaient l'établissement des moyens suffisants pour les accomplir ; qu'il fallait déterminer et définir les divers pouvoirs institués pour- le maintien de l'ordre social, circonscrire leurs limites, et en même temps les préserver de toute invasion. Que la constitution de l'Empire devait présenter un ensemble imposant, dont toutes les parties liées et correspond dantese»treelles, tendissent au même but, cVst-à-dire à fa félicité publique et à celte de tous les: individus; et qu'enfin notas remplirions mal votre attente, en vous présentant des dispositions éparses, incohérentes et dénuées; des précautions-capables d'en garantir pour toujours Inexécution; et c'est sous ces rapports importants que s'est présenté à nous l'ouvrage que vous nous axea confié.
Et d'abord mous avons jugé d'après vous que la constitution devait être précédée d'une déclaration des droits de l'homme et du citoyen ; non que cette exposition pût avoir pour objet d'imprimer à ces vérités premières une force qu'elles tiennent de la morale et de la raison; qu'elles tiennent de la nature, qui les a déposées dans tous les coeurs auprès du germe de la. vie, qui les a rendues inséparables ae l'essence et du caractère d'homme; mais c'est à ces titres même que vous avez voulu que ces principes ineffaçables fussent sans cesse présents à nos yeux et à notre pensée. Vous avez voulu qu'à chaque instant, fa nation que nous avons l'honneur de représenter, pût y rapporter, en rapprocher chaque article de la constitution,, dont elle s'est reposée sur nous, s'assurer de notre fidélité à s'y conformer, et reconnaître l'obligation et le devoir qui naissent pour elle de se soumettre à des lois qui maintiennent inflexiblement tous ses droits. Vous avez senti que ce serait pour nous une garantie continuelle contre la crainte de nos propres méprises, et vous avez prévu que si, dans la suite des âges, une puissance quelconque tentait d'imposer des lois qui ne seraient pas une émanation de ces mêmes principes, ce type originel et toujours subsistant, dénoncerait à rinstant à tous les citoyens ou le crime ou l'erreur.
Cette noble idée, conçue dans un autre hémisphère, devait de préférence se transplanter d'abord parmi nous. Nous avons concouru aux événements qui ont rendu à l'Amérique septentrionale sa liberté : elle nous montre sur quels principes nous devons appuyer la conservation de la nôtre ; et c'est le Nouveau-Monde, où nous n'avions autrefois apporté que des fers, qui nous apprend aujourd'hui à nous garantir du matheur d'en porter nous-mêmes.
Les membres de votre comité se sont tous occupés de cette importante déclaration des droits. Ils ont peu varié dans le fond, et beaucoup plus dans l'expression et dans la forme. Iteux ont paru réunir les différents caractères des autres!. On vous a déjà fait connaître, par la voie de l'impression, celle de M. l'abbé Sieyès ; celle de M. Mounier vous sera de même communiquée.
La première s'emparant, pour ainsi dire, de la nature de l'homme dans ses premiers éléments, et la suivant sans distraction dans tous ses développements et dans ses combinaisons sociales, a l'avantage de ne laisser échapper aucune des idées qui enchaînent les résultats, ni des nuances
qui lient lés idées elles-mêmes. On y retrouve et la précision et la sévérité d'un talent maître de lui-même et de son sujet. Peut-être, en y découvrant l'empreinte d'une sagacité aussi profonde que rare, trouverez-vous que son inconvénient est dans sa perfection même, et que le génie particulier qui l'a dictée en supposerait beaucoup plus qu'il n'est permis d'en attendre de l'universalité de ceux qui doivent la lire et l'entendre; et tous doivent la lire et l'entendre. C'est par déférence pour ces réflexions, que M* l'abbé Sieyès a disposé les principes de son ouvrage en résultats courts, et plus faciles à saisir.
Celle de M. Mounier est formée d'après les mêmes observations sur la nature de l'homme. L'enchaînement des résultats s'y fait moins apercevoir. Ce sont des formules pleines, mais détachées les unes des autres. Les personnes exercées les liront aisément, et suppléeront les vides laissés entre elles;les autres les retiendront plus facilement, et ne seront pas effrayés, ou par la fatigue d'en suivre attentivement la génération, ou par la crainte de mal choisir dans une suite de propositions celles où réside le résultat qui les intéresse. Vous retrouverez dans le projet de M. Mounier les idées qui vous ont déjà été présentées par M. de Lafayette, et qui ont reçu vos éloges, et M. Mounier a également eu soin de consulter les divers projets remis par plusieurs membres distingués de cette Assemblée.
Vous déciderez, Messieurs, entre ces deux genres de mérite, tous deux si recommandables. Vous peserez ce que l'on doit aux lumières des esprits les plus pénétrants, et ce que l'on doit à la simplicité des autres. Peut-être croirez-vous dëvoir concilier cette double obligation, et de là naîtra une nouvelle forme qui conviendra à tous, comme elle sera l'ouvrage de tous.
Nous joignons à ces deux projets de déclaration-des droits de l'homme et du citoyen le projet du premier chapitre de la constitution sur les principes du gouvernement français. Ici nous avons été guidés et éclairés par une antique tradition et par l'universalité de nos cahiers. Nous soumettons ce projet à votre examen; nous le perfectionnerons par le secours de vos lumières, et nous vous le présenterons ensuite, plus digne de vous, dans le corps entier de la constitution. Nous avons cru pouvoir l'en détacher pour le moment, afin que vous puissiez reconnaître si nous avons rendu avec fidélité les principes de vos commettants sur des objets d'une aussi haute importance.
Nous vous rendrons compte ensuite, et le plus tôt qu'il sera possible, de nos vues pour l'organisation du pouvoir législatif; celle du pouvoir d'administration ; celle du pouvoir judiciaire ; celle du pouvoir militaire, et enfin celle d'une instruction publique et nationale.
Nous invitons, avec empressement, tous les membres de cette Assemblée, à nous faire part de leurs idées sur ces différents objets, et nous croyons devoir fixer spécialement leur attention sur deux questions importantes qui sont relatives à la composition et à l'organisation du corps législatif, et dont la solution entraînera les plus précieuses conséquences.
On demande d'abord si le Corps législatif sera périodique ou permanent.
Le grand nombre des cahiers, il faut l'avouer, ne parle que de la périodicité, et nous ne vous dissimulerons cependant pas que l'opinion unanime du comité est pour la permanence.
Nous avons pense que le pouvoir législatif ne pouvait être, sans danger, condamné au silence
et à l'inaction pendant aucun intervalle de temps; que lui seul a le droit d'interpréter ou de suppléer les lois qu'il a portées ; que se reposer sur le pouvoir exécutif de cette double fonction, ce serait compliquer ensemble deux forces que l'intérêt public exige que l'on sépare ; que commettre cette autorité à des corps, ce serait, par un plus grand malheur encore, exposer tout à la fois, et le pouvoir exécutif, et le pouvoir législatif à une invasion redoutable de leur part ; qu'enfin, ce pouvoir ne pouvant s'exercer par délégation d'aucun genre, devant néanmoins être actif, il restait uniquement à rendre permanente l'Assemblée à laquelle il appartient de le faire agir.
Cle n'est pas qu'aucun de nous ait pensé que cette Assemblée dût être perpétuelle, mais seulement toujours en mesure de se former, toujours continuant ses séances, et ne se renouvelant dans ses membres, que dans une proportion de nombre et de temps qu'il paraîtra convenable de fixer.
Notre opinion n'est pas également arrêtée sur la composition même du Corps législatif : sera-t-il constitué en une seule Chambre, ou en plusieurs?
Les personnes qui sont attachées au système d'une Chambre unique, peuvent s'appuyer, avec une juste confiance, sur l'exemple ae ceflle dans laquelle nous sommes réunis, et dont les heureux effets sont déjà si sensibles. Elles allèguent encore que c'est la volonté commune qui doit faire la loi, et qu'elle ne se montre jamais mieux que dans une seule Chambre ; que tout partage du Corps législatif, en rompant son unité, rendrait souvent impossibles les meilleures institutions, les réformes les plus salutaires ; qu'il introduirait dans le sein ae la nation, un état de lutte et de combat, dont l'inertie politique, ou de funestes divisions pourraient résulter; qu'il exposerait aux dangers d'une nouvelle aristocratie, que le vœu, comme l'intérêt national, est d'écarter.
D'autres, au contraire, soutiennent que le partage du Corps législatif en deux Chambres est nécessaire; qu'à la vérité, dans le moment d'une régénération, on a dû préférer l'existence d'une seule Chambre ; qu'il fallait se prémunir contre les obstacles de tout genre dont nous étions environnés; mais crue deux Chambres seront indispensables pour la conservation et la stabilité de la constitution que vous aurez déterminée; qu'il faut deux Chambres pour prévenir toute surprise et toute précipitation, pour assurer la maturité des délibérations; que l'intervention du Roi dans la législation serait vaine, illusoire et sans force contre la masse irrésitible des volontés nationales portées par une seule Chambre; que devant tendre surtout à fonder une constitution solide et durable, nous devons nous garder de tout système qui, en réservant toute la réalité de l'influence au Corps législatif, intéresserait le monarque à saisir les occasions de la modifier, et exposerait l'Empire à de nouvelles convulsions; que l'activité du Corps législatif, en accélérant sa marche sans utilité, l'expose à des résolutions trop subites, inspirées par une éloquence entraînante, ou parla chaleur des opinions, ou enfin par des intrigues étrangères, excitées par les ministres, ou dirigées contre eux ; que ces résolutions précipitées conduiraient bientôt au despotisme ou à l'anarchie; que l'exemple de l'Angleterre, et même celui de l'Amérique, démontrent l'utilité de deux Chambres, et répondent suffisamment aux objections fondées sur la crainte de leurs inconvénients. Ils ajoutent néanmoins, qu'en partageant le Corps législatif en deux Chambres, ce
doit être sans égard aux distinctions d'ordre, qui pourraient ramener les dangers d'autant plus redoutables de l'aristocratie, qu'ils auraient le sceau de la légalité, mais en faisant ressortir leur différence de l'influence que l'on attribuerait à chacune d'elle, et de la nature même de leur constitution.
C'en est assez, Messieurs, pour vous faire connaître les principaux rapports de la question qui exerce en ce moment vos commissaires : elle est susceptible des plus grands développements, et chacun de ces développements est susceptible lui-même des réflexions les plus graves et les plus sérieuses. Vous les modifierez avec l'application qu'ils exigent. Nous aurons rempli envers vous un premier devoir en la provoquant, et nous en remplirons un autre en accélérant de plus en plus nos travaux.
(On applaudit.)
fait au nom du même comité un second rapport contenant le résumé des cahiers, en ce qui concerne la constitution.
Voici le texte du rapport: Messieurs, vous êtes appelés à régénérer l'Empire français ; vous apportez à ce grand œuvre et votre propre sagesse, et la sagesse de vos commettants.
Nous avons cru devoir d'abord rassembler et vous présenter les lumières éparses dans le plus grand nombre de vos cahiers. Nous vous présenterons ensuite, et les vues particulières ae votre comité, et celles qu'il a pu ou pourra recueillir encore dans les divers plans, dans les diverses observations qui lui ont été ou qui lui seront communiqués ou remis par les membres de cette auguste Assemblée.
C'est de la première partie de ce travail, Messieurs, que nous allons vous rendre compte.
Nos commettants, Messieurs, sont tous d'accord sur un point : ils veulent la régénération de l'Etat; mais les uns l'ont attendue de la simple réforme des abus et du rétablissement d'une constitution existant depuis quatorze siècles, et qui leur a paru pouvoir revivre encore si l'on réparait les outrages que lui ont faits le temps et les nombreuses insurrections de l'intérêt personnel contre l'intérêt public.
D'autres ont regardé le régime social existant comme tellement vicié, qu'ils ont demandé une constitution nouvelle, et qu'à l'exception du gouvernement et des formes monarchiques, qu'il est dans le cœur de tout Français de chérir et de respecter, et qu'il vous ont ordonné de maintenir ; ils vous ont donné tous les pouvoirs nécessaires pour créer une constitution, et asseoir sur des principes certains, et sur la distinction et constitution régulière de tous les pouvoirs, la prospérité de l'empire français. Ceux-là, Messieurs, ont cru que le premier chapitre de la constitution devait contenir la déclaration des droits de l'homme; de ces droits imprescriptibles, pour le maintien desquels la société fut établie.
La demande de cette déclaration des droits de l'homme, si constamment méconnus, est, pour ainsi dire, la seule différence qui existe entre les cahiers qui désirent une constitution nouvelle, et ceux qui ne demandent que le rétablissement de ce qu'ils regardent comme la constitution existante.
Les uns et les autres ont également fixé leurs idées sur les principes du gouvernement monarchique, sur l'existence du pouvoir et sur l'organisation du Corps législatif, sur la nécessité du
consentement national à l'impôt, sur l'organisation des corps administratifs, et sur les droits des citoyens.
Nous allons, Messieurs, parcourir ces divers objets, et vous offrir sur chacun d'eux, comme décisions, les résultats uniformes, et comme questions à examiner, les résultats différents ou contradictoires que nous ont présentés ceux de vos cahiers dont il nous a été possible de faire ou de nous procurer le dépouillement.
t° Le gouvernement monarchique, l'inviolabilité de la personne sacrée du Roi, et l'hérédité de la couronne de mâle en mâle, sont également reconnus et consacrés par le plus grand nombre des cahiers, et ne sont mis en question dans aucun.
2° Le Roi est également reconnu comme dépositaire de toute la plénitude du pouvoir exécutif.
3° La responsabilité de tous les agents de l'autorité est demandée généralement.
4° Quelques cahiers reconnaissent au Roi le pouvoir législatif, limité par les lois constitutionnelles et fondamentales du royaume; d'autres reconnaissent que le Roi, dans l'intervalle d'une assemblée d'Etats généraux à l'autre, peut faire seul les lois de police et d'administration qui ne seront que provisoires, et pour lesquelles ils exigent l'enregistrement libre dans les cours souveraines. Un bailliage a même exigé que l'enregistrement ne pût avoir lieu qu'avec le consentement des deux tiers des commissions intermédiaires des Assemblées de districts.
Le plus grand nombre des cahiers reconnaît la nécessité de la sanction royale pour la promulgation des lois.
Quant au pouvoir législatif, la pluralité des cahiers le reconnaît comme résidant dans la représentation nationale, sous la clause de la sanction royale; et il paraît que cette maxime ancienne des capitulaires lex fit consensu populi et constitutione régis, est presque généralement consacrée par vos commettants.
Quant à l'organisation de la représentation nationale, les questions sur lesquelles vous avez à prononcer, se rapportent à la convocation, ou à la durée, ou à la composition de la représentation nationale, ou au mode de délibération que lui proposaient vos commettants. -
Quant à la convocation, les uns ont déclaré que les Etats généraux ne pouvaient être dissous que par eux-mêmes; les autres, que le droit de convoquer, proroger et dissoudre, appartenait au Roi, sous la seule condition, en cas de dissolution, de faire sur-le-champ, une nouvelle convocation.
Quant à la durée, les uns ont demandé la périodicité des Etats généraux, et ils ont voulu que le retour périodique ne dépendît ni des volontés ni de l'intérêt des dépositaires de l'autorité; d'autres, mais en plus petit nombre, ont demandé la permanence des Etats généraux, de manière que la séparation des membres n'entraînât pas la dissolution des Etats.
Le système de la périodicité a fait naître une seconde question: y aura-t-il ou n'y aura-t-il pas de commission intermédiaire pendant l'intervalle des séances? La majorité de vos commettants a regardé l'établissement d'une commission intermédiaire comme un établissement dangereux.
Quant à la composition, les uns ont tenu à là séparation des trois ordres; mais à cet égard, l'extension des pouvoirs qu'ont déjà obtenue plusieurs représentants, laisse sans doute une plus grande latitude pour la solution de cette question.
Quelques bailliages ont demandé la réunion des deux premiers ordres dans une même Chambre ; d'autres, la suppression du clergé et la division de ses- membres dans les deux autres ordres; d'autres, que la représentation de la noblesse fût double de celle du clergé, et que toutes deux réunies fussent égales à celle des communes.
Un bailliage, en demandant la réunion des deux premiers'ordres, a demandé l'établissement d'un troisième, sous le titre d'ordre des campagnes ; il a été également demandé que toute personne exerçant charge, emploi ou place à la cour, ne pût pas* être députée aux Etats généraux ; enfin, l'inviolabilité de la personne des députés est reconnue par le plus grand nombre des bailliages, et n'est contestée par aucun. Quant au mode de délibération, la question de l'opinion par tète et de l'opinion par ordre est résolue ; quelques bailliages demandent les deux tiers des opinions pour former une résolution.
La nécessité du consentement national à l'impôt est généralement reconnue par vos commettants, établie par tous vos cahiers : tous | bornent la durée de l'impôt au terme que vous lui aurez fixé, terme qui ne pourra jamais s'étendre au-delà d'une tenue à l'autre ; et cette clause impé-rative a paru à tous vos commettants le garant le plus sûr de la perpétuité de vos Assemblées nationales.
L'emprunt, n'étant qu'un impôt indirect, leur a paru devoir être assujetti aux mêmes principes.
Quelques bailliages ont excepté des impôts à terme, ceux qui auraient pour objet la liquidation de la dette nationale, et ont cru qu'ils devaient être perçus jusqu'à son entière extinction.
Quant aux corps administratifs, ou États provinciaux, tous les cahiers vous demandent leur établissement, et la plupart s'en rapportent à votre sagesse sur leur organisation.
Enfin, les droits des citoyens, la liberté, la propriété sont réclamées avec force par toute la nation française. Elle réclame pour chacun de ses membres l'inviolabilité des propriétés particulières, comme elle réclame pour elle-même l'inviolabilité de la propriété publique ; elle réclame dans toute son étendue la liberté individuelle, comme elle vient d'établir à jamais la liberté nationale ; elle réclame la liberté de la presse, ou la libre communication des pensées ; elle s'élève avec indignation contre les lettres de cachet, qui disposaient arbitrairement des personnes, et contre la violation du secret de la poste, l'une des plus absurdes et des plus infâmes inventions du despotisme.
Au milieu de ce concours de réclamations, nous avons remarqué, Messieurs, quelques modifications particulières relatives et aux lettres de cachet et à la liberté de la presse. Vous les pèserez dans votre sagesse, vous rassurerez sans doute ce sentiment ae l'honneur français, qui, par son horreur pour la honte, a quelquefois méconnu la justice, et qui mettra sans doute autant d'empressement à se soumettre à la loi, lorsqu'elle commandera aux forts, qu'il en mettait à s?y soustraire, lorsqu'elle ne pesait que sur le faible. Vous calmerez les inquiétudes de la religion, si souvent outragée par des libelles dans le temps du régime prohibitif ; et le clergé, se rappelant que* la licence fût longtemps la compagne de 1 esclavage,, reconnaîtra lui-même que le premier et le naturel* effet de te, liberté, est le retour de
Tordre, de la décence et du respect pour les objets de la vénération publique.
Tel est, Messieurs, le compte que votre comité a cru devoir vous rendre de la partie de vos cahiers qui traite de la constitution ; vous y trouverez sans doute toutes les pierres fondamentales de l'édifice que vous êtes chargés d'élever à toute sa hauteur, mais vous y désirerez peut-être cet ordre, cet ensemble de combinaisons politiques sans lesquelles le régime social présentera toujours de nombreuses défectuosités. Les pouvoirs y sont indiqués, mais ne sont pas encore distingués avec la précision nécessaire. L'organisation de la représentation nationale n'y est pas suffisamment établie ; les principes de l'éligibilité n'y sont point posés : c'est de votre travail que naîtront ces résultats. La nation a voulu être libre, et c'est vous qu'elle a chargés de son affranchissent t. Le génie de la France a précipité, pour ainsi dire, la marche de l'esprit public ; il a accumulé pour vous, en peu d'heures, l'expérience que l'on pouvait à peine attendre de plusieurs siècles. Vous pouvez, Messieurs, donner une constitution à la France; le Roi et le peuple la demandent ; l'un et l'autre l'ont méritée.
Résultat du dépouillement des cahiers.
principes avoués.
Art. 1er. Le gouvernement français est un gouvernement monarchique.
Art. 2. La personne du Roi est inviolable et sacrée.
Art. 3. Sa couronne est héréditaire de mâle en mâle.
Art. 4. Le Roi est dépositaire du pouvoir exécutif.
Art. 5. Les agents de l'autorité sont responsables.
Art. 6. La sanction royale est nécessaire pour la promulgation des lois.
Art. 7. La nation fait la loi avec la sanction royale.
Art. 8. Le consentement national est nécessaire à l'emprunt et à l'impôt.
Art. 9. L'impôt ne peut être accordé que d'une tenue d'Etats généraux à l'autre.
Art.,10. La propriété sera sacrée.
Art. 11. La liberté individuelle sera sacrée.
questions
Sur lesquelles l'universalité des cahiers ne s'est point expliquée d'une manière uniforme.
Art. 1er. Le Roi a-t-il le pouvoir législatif, limité par les lois constitutionnelles du royaume ?
Art. 2. Le Roi peut-il faire seul des lois provisoires de police et d'administration, dans l'intervalle des tenues des États généraux ?
Art. 3. Ces lois seront-elles soumises à l'enregistrement libre des cours souveraines?
Art. 4. Les Etats généraux ne peuvent-ils être dissous par eux-mêmes ?
Art. 5. Le Roi peut-il seul convoquer, proroger et dissoudre les Etats généraux ?
Art. 6. En cas de dissolution, le Roi est-il obligé de faire sur-le-champ une nouvelle convocation.
Art. 7. Les Etats généraux seront-ils permanents ou périodiques?
Art. 8. BU1& sont périodiques, y aura-t-il, ou
n'y aura-t-il pas une commission intermédiaire?
Art. 9. Les deux premiers ordres seront-ils réunis dans une même Chambre ?
Art. 10. Les deux Chambres seront-elles formées sans distinction d'ordre?
Art. 11. Les membres de l'ordre du clergé seront-ils répartis dans les deux autres ordres?
Art* 12. La représentation du clergé, de la noblesse et des communes sera-t-elle dans la proportion d'une, deux et trois ?
Art. 13. Sera-t-il établi un troisième ordre, sous le titre d'ordre des campagnes ?
Art. 14. Les personnes possédant charges emplois ou places à la cour, peuvent-elles être députées aux Etats généraux ?
Art. 15. Les deux tiers des voix seront-ils nécessaires pour former une résolution ?
Art. 16. Les impôts ayant pour objet la liquidation de la dette nationale, seront-ils perçus jusqu'à son entière extinction ?
Art. 17. Les lettres de cachet seront-elles abolies ou modifiées?
Art. 18. La liberté de la presse sera-t-elle indéfinie ou modifiée?
donne ensuite lecture du projet contenant les premiers articles de la constitution.
Nous, les représentants de la nation française, convoqués par le Roi, réunis en Assemblée nationale, en vertu des pouvoirs qui nous ont été confiés par les citoyens de toutes les classes, chargés par eux spécialement de fixer la constitution de la France, et d'assurerTS prospérité publique; déclarons et établissons, par l'autorité de nos comiïrSTtants, comme constitution de VEmpire français, les maximes et règles fondamentales et la forme du gouvernement, telles qu'elles seront ci-après exprimées ;et lorsqu'elles auront été reconnues et ratifiées par le Roi, on ne pourra changer aucun des articles qu'elles renferment, si ce n'est par les moyens qu'elles auront déterminés.
chapitre premier.
Déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
Art. 1er. Tous les hommes ont un penchant invincible vers la recherche du bonheur ; c'est pour y parvenir par la réunion de leurs efforts, qu'ils ont formé des sociétés et établi des gouvernements, Tout gouvernement doit donc avoir pour but la félicité générale.
Art. 2. Les conséquences qui résultent de cette vérité incontestable sont, que le gouvernement existe pour l'intérêt de ceux qui sont gouvernés, et non de ceux qui gouvernent ; qu'aucune fonction publique ne peut être considérée comme la propriété de ceux qui l'exercent ; que le principe de toute souveraineté réside dans la nation et que nul corps, nul individu ne peut avoir une autorité qui n'en émane expressément.
Art. 3. La nature a fait les hommes libres et égaux en droits ; les distinctions sociales doivent donc être fondées sur l'utilité commune.
Art. 4. Les hommes, pour être heureux, doivent avoir le libre et entier exercice de toutes leurs facultés physiques et morales.
Art. 5. Pour s'assurer le libre et entier exercice de ses facultés, chaque homme doit reconnaître, et faciliter dans ses semblables le libre exercice des leurs.
. Art. 6. De cet accord exprès ou tacite résulte
entre les hommes la double relation des droits et des devoirs.
' Art. 7. Le droit de chacun consiste dans l'exercice de ses facultés, limité uniquement par le droit semblable dont jouissent les autres individus.
Art. 8. Le devoir de chacun consiste à respecter le droit d'autrui.
Art. 9. Le gouvernement, pôur procurer la félicité générale, doit donc protéger les droits et prescrire les devoirs. Il ne doit mettre au libre exercice des facultés humaines d'autres limites que celles qui sont évidemment nécessaires pour en assurer la jouissance à tous les citoyens, et empêcher les actions nuisibles à la société. Il doit surtout garantir les droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les hommes, tels que la liberté personnelle, la propriété, la sûreté, le soin de son honneur et de sa vie, la libre communication de ses pensées, et la résistance à l'oppression.
Art. 10. C'est par des lois claires, précises et uniformes pour tous les citoyens, que les, droits doivent être protégés, les devoirs tracés, et les actions nuisibles punies.
Art. 11. Les citoyens ne peuvent être soumis à d'autres lois qu'à celles qu'ils ont librement consenties par eux ou par leurs représentants; et c'est dans ce sens que la loi est l'expression de la volonté générale.
Art. 12. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
Art. 13. Jamais la loi ne peut être invoquée pour des faits antérieurs à sa publication; et si elle était rendue pour déterminer le jugement de ces faits antérieurs, elle serait oppressive et ty-rannique.
Art. 14. Pour prévenir le despotisme et assurer l'empire de la loi, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, doivent être distincts. Leur réunion dans les mêmes mains mettrait ceux qui en seraient les dépositaires au-dessus de toutes les lois, et leur permettraient d'y substituer leurs volontés.
Art. 15. Tous les individus doivent pouvoir recourir aux lois, et y trouver de prompts secours pour tous les torts ou injures qu'ils auraient soufferts dans leurs biens ou dans leurs personnes, ou pour les obstacles qu'ils éprouveraient dans l'exercice de leur liberté.
Art. 16. Il est permis à tout homme de repousser la force par la force, à moins qu'elle ne soit employée en vertu de la loi.
Art/17. Nul ne peut être arrêté ou emprisonné qu'en vertu de la loi, avec les formes qu'elle a prescrites, et dans les cas qu'elle a prévus.
Art. 18. Aucun homme ne peut être jugé (jue dans le ressort qui lui a été assigné par la loi.
Art. 19. Les peines ne doivent point être arbitraires, mais déterminées par les lois, et elles doivent être absolument semblables pour tous les citoyens, quels que soient leur rang et leur fortune.
Art. 20. Chaque membre de la société avant droit à la protection de l'Etat, doit concourir à sa prospérité, et contribuer aux frais nécessaires dans la proportion de ses biens, sans que nul puisse prétendre à aucune faveur ou exemption, quel que soit son rang ou son emploi.
Art. 21. Aucun homme ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses, pourvu qu'il se conforme aux lois et ne trouble pas le culte public.
Art. 22. Tous les hommes ont le droit de quitter l'îîtat dans lequel ils sont nés, et de se choisir
une autre patrie, en renonçant aux droits attachés dans la première à leur qualité de citoyen.
Art. 23. La liberté de la presse est le plus ferme appui de la liberté publique. Les lois doivent la maintenir en la conciliant avec les moyens propres à assurer la punition de ceux qui pourraient en abuser pour répandre des discours séditieux ou des calomnies contre des particulers.
CHAPITRE II
Principes du gouvernement français.
Article 1er. Le gouvernement français est monarchique; il est
essentiellement dirigé par la loi- il n'y a point d'autorité supérieure à la loi. Le Roi ne
règne que par elle, et quand il ne commande pas au nom ae la loi, il ne peut exiger
l'obéissance.
Art. 2. Le pouvoir législatif doit être exercé par l'Assemblée des représentants de la nation, conjointement avec le monarque dont la sanction est nécessaire pour rétablissement des lois.
Art. 3. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi.
Art. 4. Le pouvoir judiciaire ne doit jamais être exercé par le Roi, et les juges auxquels il est confié ne peuvent être dépossédés ue leur office pendant le temps fixé par la loi, autrement que par les voies légales.
Art. 5. Aucune taxe, impôt, charge, droit ou subside ne peuvent être établis sans le consentement libre et volontaire des représentants de la nation.
Art. 6. Les représentants de la nation doivent surveiller l'emploi des subsides, et en conséquence les administrateurs des deniers publics doivent leur en rendre un compte exact.
Art. 7. Les ministres, les autres agents de l'autorité royale sont responsables de toutes les infractions qu'ils commettent envers les lois, quels que soient les ordres qu'ils aient reçus; et ils doivent en être punis sur les poursuites des représentants de la nation.
Art. 8. La France étant une terre libre, l'esclavage ne peut y être toléré, et tout esclave est affranchi, de plein droit, dès le moment où il est entré en France. Les formalités introduites pour éluder cette règle seront inutiles à l'avenir, et aucun prétexte ne pourra désormais s'opposer à la liberté de l'esclave.
Art. 9. Les citoyens de toutes les classses peuvent être admis à toutes les charges et emplois, et ils auront la faculté d'acquérir toute espèce de propriétés territoriales sans être tenus de payer a l'avenir aucun droit d'incapacité ou de franc fief.
Art. 10. Aucune profession ne sera considérée comme emportant dérogeance.
Art. 11. Les emprisonnements, exils, contraintes, enlèvements, actes de violence en vertu de lettres de cachet ou ordres arbitraires, seront à jamais proscrits ; tous ceux qui auront conseillé, sollicité, exécuté de pareils ordres, seront poursuivis comme criminels, et punis par une détention qui durera trois fois autant que celle qu'ils auront occasionnée, et de plus par aes dommages-intérêts.
Art. 12. Le Roi pourra néanmoins, quand il le jugera convenable, donner l'ordre d'emprisonner, en faisant remettre les personnes arrêtées dans les prisons ordinaires et au pouvoir des tribunaux compétents, avant l'expiration du délai de vingt-quatre heures, sauf au détenu, si l'emprisonne-
ment est reconnu injuste, à poursuivre les ministres ou autres agents qui auraient conseillé l'emprisonnement, ou qui auraient pu y contribuer par les ordres qu'ils auraient transmis.
Art. 13. Pour assurer dans les mains du Roi la conservation et l'indépendance du pouvoir exécutif, il doit jouir de diverses prérogatives qui seront ci-après détaillées.
Art. 14. Le Roi est le chef de la nation ; il est une portion intégrante du corps législatif. Il a le pouvoir exécutif souverain; il est chargé de maintenir la sûreté du royaume au dehors et dans l'intérieur; de veiller à sa défense ; de faire rendre la justice, en son nom, dans les tribunaux ; de faire punir les délits; de procurer le secours des lois à tous ceux qui le réclament; de protéger les droits de tous les citoyens et les prérogatives de la couronne, suivant les lois de la présente constitution.
Art. 15. La personne du Roi est inviolable et sacrée. Elle ne peut être actionnée directement devant aucun tribunal.
Art. 16. Les offenses commises envers le Roi, la reine et l'héritier présomptif de la couronne, doivent être plus sévèrement punies par les lois que celles qui concernent ses sujets.
Art. 17. Le Roi est le dépositaire de la force publique, il est le chef suprême de toutes les forces de terre et de mer. Il a le droit exclusif de lever des troupes, de régler leur marche et leur discipline, d'ordonner les fortifications nécessaires pour la sûreté des frontières, de faire construire des arsenaux, des ports et havres, de recevoir et d'envoyer des ambassadeurs, de contracter des alliances, de faire la paix et la guerre.
Art. 18. Le Roi peut passer, pour l'avantage de ses sujets, des traités de commerce; mais ils doivent être ratifiés par le Corps législatif, toutes les fois que leur exécution nécessite de nouveaux droits, de nouveaux règlements ou de nouvelles obligations pour les sujets français.
Art. 19. Le Roi a le droit exclusif de battre monnaie; mais il ne peut faire aucun changement à sa valeur sans le consentement du Corps législatif.
Art. 20. A lui seul appartient le droit de donner des lettres de grâce dans les cas où les lois permettent d'en accorder.
Art. 21. Il a l'administration de tous les biens de la couronne; mais il ne peut aliéner aucune partie de ses domaines, ni céder à une puissance étrangère aucune portion du territoire soumis à son autorité, ni acquérir une domination nouvelle sans le consentement du Corps législatif.
Art. 22. Le Roi peut arrêter, quand il le juge nécessaire, l'exportation des armes et des munitions de guerre.
Art. 23. Le Roi peut ordonner des proclamations, pourvu qu'elles soient conformes aux lois, qu'elles en ordonnent l'exécution, et qu'elles ne renferment aucune disposition nouvelle ; mais il ne peut, sans le consentement du Corps législatif, prononcer la surséance d'aucune disposition des lois.
Art. 24. Le Roi est le maître absolu du choix de ses ministres et des membres de son conseil.
Art. 25. Le Roi est le dépositaire du trésor public; il ordonne et règle les dépenses conformément aux conditions prescrites par les lois qui établissent les subsides.
Art. 26. Le Roi a le droit de convoquer le Corps législatif dans l'intervalle des sessions ou des termes fixés par les ajournements. Art. 27. Il a droit de régler dans son Conseil,
avec le concours des Assemblées provinciales, ce qui concerne l'administration du royaume, en se conformant aux lois générales qui seront rendues sur cette matière.
Art. 28. Le Roi est la source des honneurs : il a la distribution des grâces, des récompenses, la nomination des dignités et emplois ecclésiastiques, civils et militaires.
Art. 29. L'indivisibilité et l'hérédité du trône sont les plus sûrs appuis de la paix et de la félicité publique, et sont inhérentes à la véritable monarchie. La couronne est héréditaire de branche en branche, par ordre et primogéniture, et dans la ligne masculine seulement. Les femmes et leurs descendants en sont exclus.
Art. 30. Suivant la loi, le Roi ne meurt jamais, c'est-à-dire que, par la seule force de la loi, toute l'autorité royale est transmise, incontinent après la mort du monarque, à celui qui a le droit de lui succéder.
Art. 31. A l'avenir les Rois de France ne pourront être considérés comme majeurs qu'à l'âge de vingt-un ans accomplis.
Art. "32. Pendant la minorité des Rois, ou en cas de démence constatée, l'autorité royale sera exercée par un régent.
Art. 3o. La régence sera déférée d'après les mêmes règles qui fixent la succession à la couronne, c'est-à-dire qu'elle appartiendra de plein droit à l'héritier présomptif du trône, pourvu qu'il soit majeur ; et dans le cas où il serait mineur, elle passera à celui qui, immédiatement après, aurait le plus de droit à la succession. 11 exercera la régence jusqu'au terme où elle doit expirer, quand même le plus proche héritier serait devenu majeur dans l'intervalle.
Art. 34. Le régent ne pourra jamais avoir la garde du Roi; elle sera donnée à ceux qui auront été indiqués par le testament de son prédécesseur. A défaut de cette indication, la garde d'un Roi mineur appartiendra à la reine-mère; celle d'un Roi en démence appartiendrait à son épouse, et à leur défaut, les représentants de la nation choisiraient la personne à qui cette garde serait confiée. Le régent serait choisi de la même manière, dans le cas où il n'existerait aucun proche parent du Roi ayant droit de lui succéder.
Art. 35. Les régents qui seront nommés dans les cas de démence ne pourront faire aucune nomination ou concession, ni donner aucun consentement qui ne puissent être révoqués par le Roi revenu en état de santé, ou par son successeur.
donne lecture d'une lettre de M. le comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, et d'une aiitre lettre de M. le duc de Dorset, ambassadeur d'Angleterre. L'Assemblée autorise son président à accuser réception de ces deux lettres.
Cette correspondance est ainsi conçue :
LETTRE
de M. le comte de Montmorin à M. le duc de Liancourt, président de VAssemblée nationale.
Versailles, le
« Monsieur le président, M. l'ambassadeur d'Angleterre m'a prié instamment d'avoir l'honneur de vous communiquer la lettre ci-jointe. J'ai cru
d'autant moins pouvoir me refuser à ses instances, qu'il me prévint, en effet, verbalement dans les premiers jours du mois de juin, d'un complot contre le port de Rrest. Ceux qui le méditaient demandaient quelques secours pour cette expédition, et un asile en Angleterre ; M. l'ambassadeur ne me donna aucune indication relative aux auteurs de ce projet, et m'assura qu'ils lui étaient absolument inconnus. Les recherches que j'ai pu faire, d'après des données aussi incertaines, ont été infructueuses, comme elles devaient l'être; et j'ai été, dans le temps, obligé de me borner à engager M. le comte de la Luzerne à prescrire au commandant de Brest les précautions les plus multipliées et la vigilance la plus exacte.
« J'ai l'honneur d'être avec respect,
« Monsieur le Président, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : le comte de Montmorin. »
LETTRE
de M. l'ambassadeur d'Angleterre à M. le comte de Montmorin.
« Paris, ce
« Monsieur, il m'est revenu de plusieurs côtés qu'on cherchait à insinuer que ma Cour avait fomenté en partie les troubles qui ont affligé la capitale depuis quelque temps ; qu'elle profitait de ce moment pour armer contre la France, et que même une flotte était sur les côtes pour coopérer hostilement avec un parti de mécontents. Tout dénués de fondement que sont ces bruits, ils me paraissent avoir gagné l'Assemblée nationale; et le Courrier national, qui rend compte des séances des23 et 24 de ce mois, laisse des soupçons qui me peinent d'autant plus que vous savez, Monsieur, combien ma Cour est éloignée de les mériter.
« Votre Excellence se rappellera plusieurs conversations que j'eus avec vous au commencement de juin dernier; le complot affreux qui avait été proposé relativement au port de Brest ; l'empressement que j'ai eu à mettre le Roi et ses ministres sur leurs gardes ; la réponse de ma Cour qui correspondait si fort à mes sentiments, et qui repoussait avec horreur la proposition qu'on lui faisait; en fin les assurances d'attachement qu'elle répétait au Roi et à la nation. Vous me fîtes part alors de la sensibilité de Sa Majesté à cette occasion.
a Gomme ma Goura infinimentà cœur de conserver la bonne harmonie qui subsiste entre les deux nations, et d'éloigner tout soupçon contraire, je vous prie, Monsieur, de donner connaissance de cette lettre, sans aucun délai, à M. le président de l'Assemblée nationale. Vous sentez combien il est essentiel pour moi qu'on rende justice à ma conduite et à celle de ma Cour, et de chercher à détruire l'effet des insinuations insidieuses qu'on a cherché à répandre.
« Il importe infiniment que l'Assemblée nationale connaisse mes sentiments, qu'elle rende justice à ceux de ma nation, et à la conduite franche qu'elle a toujours eue envers la France depuis que j'ai l'honneur d'en être l'organe.
« J'ai d'autant plus à cœur que vous ne perdiez pas un seul instant à faire ces démarches, que je le dois à mon caractère personnel, à ma patrie,
et aux Anglais qui sont ici, afin de leur éviter toutes réflexions ultérieures à cet égard.
« l'ai l'honneur d'être bien sincèrement,
* Monsieur, 4e Votre Excellence, le très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : Dorset. »
REPONSE
de A/, le duc de Liancourt, président de VAssemblée nationale, à «M. le cowte Montmorin.
« Versailles, le
« J'ai reçu, monsieur le comte, la lettre que vous m'avez faitl'honneur de m'écrire, et celle de M. l'ambassadeur d'Angleterre, qui y était jointe; et j'ai donné sur-le-champ communication de l'une et de l'autre à l'Assemblée nationale. Elle me charge d'avoir l'honneur de vous dire qu'elle en a entendu la lecture avec une grande satisfaction ; de vous remercier de, la lui avoir envoyée, et de vous prier de vouloir bien vous charger de faire parvenir à M. le duc de Dorset ses remer-cîments de la communication que cet Ambassadeur a désiré qui en fût faite à l'Assemblée nationale.
« L'Assemblée a arrêté que cette lettre serait envoyée sur-le-champ à Paris, et rendue publique dans tout le royaume, par la voie de l'impression.
« J'ai l'honneur d'être, avec un très-parfait attachement, Monsieur le comte, votre très-humble et très-obéissant serviteur,
« Le duc de Liancourt. »
L'Assemblée ordonne que ces lettres seront rendues publiques par la voie de l'impression. La séance est levée.
à la séance de lyAssemblée nationale du
Projet de déclaration des droit» de l'homme en société ; par M. Target. Présenté au comité de constitution.
Art. 1er?. Les gouvernements ne sont institués que pour le
bonheur des hommes ; bonheur qui, appliquée à tous, n'exprime que le plein et libre exercice
des droits naturels.
Art. 2. L'assurance des droits de l'homme étant la lin, et le gouvernement n'étant que le moyen, il suit que le pouVoir de gouverner n'est point établi pour ceux qui gouvernent, et ne peut être pour eux une propriété; mot applicable seulement aux droits qui sont propres à chaque homme, et dont il use pour lui-même.
Art. 3. La vie de l'homme, son corps, sa liberté, son honneur, et les choses dont il uoit disposer exclusivement, composent toutes ses propriétés et tous ses droits.
Art. 4. Tout homme doit trouver la garantie de ces mêmes droits dans le gouvernement, quelle que soit sa forme.
Art. 5. Le corps politique doit à chaque homme l'assurance contre les attentats qui menacent sa vie, et contre les violences qui menacent sa personne.
Art. 6. Le corps politique doit à diaipie homme des moyens de suosistaoce, soit par la propriété, soit par le travail, soit par les secours de ses semblables.
Art. 7. Tout homme est libre de penser, parler, écrire, publier ses pensées, aller, venir, rester, sortir, même quitter le territoire de l'Etat, user de la fortune et de son industrie, comme il le juge à propos, sous l'unique condition de ne nuire à personne.
Art. 8. Il y a des actions permises, qui ne sont pas honnêtes dans l'ordre moral ; mais dans l'ordre civil et politique, tout ce qui n'est pas défendu est permis.
Art. 9. Rien ne peut être défendu par uti homme, mais seulement par la loi.
Art. 10. La loi n'est que le résultat exprimé de la volonté générale des membres dù corps politique, ou de leurs réprésentants.
Art. 11. Tout ce qui n'est pas permis par la loi aux dépositaires des fonctions du gouvernement, leur est défendu.
Art. 12. L'exercice de la liberté naturelle de chaque homme n'a d'autres limites que la vie, la sûreté, la liberté, l'honneur et la propriété des autres.
Art. 13. La loi elle-même, et par conséquent le gouvernement, simple exécuteur de la loi, ne peuvent point opposer d'autres bornes à la liberté des hommes.
Art. 14. Tous les hommes ont droit à l'honneur, c'est-à-dire à l'estime de leurs semblables, s'ils n'ont pas mérité de la perdre"; et les lois doivent les garantir des effets de la calomnie et des outrages.
Art. 15. La propriété est le droit qui appartient à chaque homme, d'user et de disposer exclusivement de certaines choses ; l'inviolabilité de ce droit est garantie par le corps politique.
Art. 16- Aucun homme ne doit à personne te sacrilice de sa propriété ; il ne la doit pas même au corps politique, qui ne peut s'en emparer que dans le cas d'une nécessité publique, absolue, et seulement après l'avoir remplacée dans la main du propriétaire, par une valeur au moins égale.
Art. 17. Aucun homme ne peut être contraint de livrer une partie de sa propriété pour soutenir les charges publiques, qu'en vertu d'un décret libre et volontaire des membres de la société ou de leurs représentants.
Art. 18. Le droit de propriété ne peut exister que sur les choses. Tout pouvoir- qu'un homme exerce sur d'autres hommes, au préjudice de leurs droits naturels, est une usurpation delà force, et ne peut être une propriété : ce n'est pas un droit, mais un délit.
Art. 19. Les propriétés dont l'exercice est nuisible au corps politique, ne peuvent être enlevées que par un remboursement au moins égal à leur valeur.
Art. 20. La force exécutive et tous les offices publics, n'étant établis que pour le bien de tous, sont une propriété du corps politique, mais non de ceux qui les exercent, et qui ne sont que les mandataires de la nation.
Art. 21. Les attentats à la vie, à la sûreté, à la liberté, à l'honneur, à la propriété des hommes, sont des crimes ; et tous les dépositaires de l'autorité qui s'en rendent coupables, doivent être punis. La personne du Roi, seule dans la monarchie, est inviolable et sacrée. Le Roi n'ayant et ne pouvant avoir d'autré intérêt que celui de la nation, ne peut pas vouloir le mal, mais il peut être souvent et cruellement trompé.
Art. 22. Les hommes étant égaux par nature, la différence des places et celle des moyens ou des forces ne peuvent jamais introduire aucune différence dans leurs droits. Tout privilège est donc un désordre ; les droits, les mêmes pour tous, ne peuvent être enlevés à aucun homme, si ce n'est en punition de ses crimes ou de ses attentats sur les droits d'autrui ; et la peine des mêmes crimes doit être la même, contre tous les membres de la société, sans aucune distinction.
Art. 23. Tous les hommes ont un droit égal de remplir les fonctions et les offices établis dans le corps politique, selon leurs talents et leur capacité.
Art. 24. Aucun art ni aucune profession établis dans l'Etat ne peuvent être réputés vils et dérogeants. -
Art. 25. Les droits des hommes, tenant à leur nature, sont inaliénables et imprescriptibles. Aucun homme ni aucun peuple n'ont jamais voulu, ni pu vouloir abandonner ces droits pour eux-mêmes, et moins encore pour la postérité, soit à un homme, soit à un corps. Tout corps politique, dans lequel ces droits sont en péril, quelle que soit sa forme, et quelque temps qu'il ait duré, est un brigandage, et non pas un gouvernement.
Art. 26. Il n'y a de gouvernement légitime, de quelque nature qu'il puisse être, que celui où non-seulement les droits des hommes sont respectés de fait, mais encore où aucun homme, aucun dépositaire du pouvoir exécutif, ne peuvent les violer impunément.
Art. 27. il peut y avoir de bons administrateurs dans un mauvais gouvernement ; mais le caractère distinctif d'un bon gouvernement, c'est d'empêcher que les mauvais administrateurs eux-mêmes ne puissent violer les droits des hommes.
Art. 28. En toute société politique, ainsi que dans chaque homme, il y a une volonté et une action. L'action est dirigée par la volonté : ainsi la volonté générale, qui est la puissance législative, doit régir l'action du gouvernement, ou la force exécutrice.
Art. 29. La distribution et l'organisation, tant de la puissance législative que de la force exécutrice, régulièrement ordonnée dans ses divers départements, est ce que l'on appelle la constitution de l'Etat.
Art. 30. La constitution est bonne, si les pou voirs sont tellement organisés, qu'ils ne puissent IU se confondre ni usurper l'un sur l'autre, et si la force exécutrice est tout à la fois assez grande, pour que rien ne puisse arrêter son action légitime, et assez subordonnée à ia puissance législative, pour que les agents du chef suprême ne puissent pas violer impunément les lois.
Art. 31. La constitution est différente de la législation. La première déterniine également, l'exercice de la puissance législative, et celui de la force exécutrice. La seconde n'est que la principale branche de la constitution. La constitution ne peut être fixée, changée, ou modifiée, que par le pouvoir constituant, c'est-à-dire par la nation elle-même, ou par le corps des représentants qu'elle en a chargés par un mandat spécial. La législation est exercée par le pouvoir constitué, c'est-à-dire par les députés que la nation nomme dans les temps, et selon les formes que la constitution a fixés.
Projet de déclaration des droits de Vhomme et du citoyen, présenté au comité de constitution, par M. Mounier.
Nous, les représentants de la nation'française,
convoqués par le Roi, réun is en Assemblée nati onale en vertu des pouvoirs qui nous ont été confiés par les citoyens de toutes les classes, chargés par eux spécialement de fixer la constitution de la France, et d'assurer la félicité publique, déclarons et établissons, par l'autoritéde nos commettants, comme constitution de l'Empire français, les maximes et règles fondamentales et la forme de gouvernement telles qu'elles seront ci-après exprimées.
Art. 1er. La nature a fait les hommes libres et égaux en
droits. Les distinctions sociales doivent donc être fondées sur l'utilité commune.
Art. 2. Tout gouvernement doit avoir pour but la félicité générale. Il existe pour l'intérêt de ceux qui sont gouvernés, et non de ceux qui gouvernent.
Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside dans la nation : nul corps, nul individu ne peut avoir d'autorité qui n'en émane expressément.
Art. 4. Le gouvernement doit protéger les droits et prescrire les devoirs. Il ne doit mettre au libre exercice des facultés humaines d'autres limites que celles qui sont évidemment nécessaires pour le bonheur public. Il doit surtout garantir les droits imprescriptibles qui appartiennent à tous les hommes, tels que la liberté, la propriété, la sûreté, le soin de son honneur et de sa vie, la libre communication de ses pensées, la résistance à l'oppression.
Art. 5. C'est par des lois claires, précises et uniformes, que les droits doivent être protégés, les devoirs tracés, et les actions nuisibles punies.
Art. 6. Les lois ne peuvent être établies sans le consentement des citoyens ou de leurs représentants librement élus; et c'est dans ce bens que la loi doit être l'expression de la volonté générale.
Art. 7. La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ce qui n'est pas défendu parla loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
Art. 8. Jamais la loi ne peut être invoquée pour des faits antérieurs à sa publication ; et si elle était rendue pour déterminer le jugement de ces faits antérieurs, elle serait oppressive et ty-rannique.
Art. 9. Pour prévenir le despotisme et assurer l'empire de la loi, les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire doivent être distincts, et ne peuvent être réunis.
Art 10. Tous les individus doivent pouvoir recourir aux lois, et y trouver de prompts secours, pour tous les torts et injures qu'ils auraient soufferts dans leurs biens, dans leur personne ou dans leur honneur, ou pour les obstacles qu'ils éprouveraient dans l'exercice de leur liberté.
Art. II. Nul ne peut être arrêté ou emprisonné qu'en vertu de la loi, avec les formes qu'elle a prescrites, et dans les cas qu'elle a prévus.
Art. 12. Les peines ne doivent point être arbitraires ; mais déterminées par les lois, elles doivent être absolument semblables pour tous les citoyens, quels que soient leur rang et leur personne. ''•
Art. 13. Chaque membre de la société, ayant droit à la proteciion de l'Etat, doit concourir à sa prospérité, et contribuer aux frais nécessaires dans la proportion de ses facultés et de ses biens, sans que nul puisse prétendre aucune faveur ou exemption, quel que soit son rang ou son em-I ploi.
Art. 14. Aucun homme ne peut être inquiété pour ses opinions religieuses, pourvu qu'il se conforme aux lois, et ne trouble pas le culte public.
Art. 15. La liberté de la presse est le plus ferme appui de la liberté publique. Les lois doivent la maintenir et assurer la punition de ceux qui pourraient en abuser pour nuire aux droits d'autrui.
Art. 16. La force militaire, destinée à la défense de l'Etat, ne peut être employée au maintien de la tranquillité publique que sous les ordres de l'autorité civile.
Séance du
a fait part à l'Assemblée de la lettre suivante à M. le duc de Liancourt, président de VAssemblée nationale.
« Soissons, le
« Monsieur le duc, peut-être êtes-vous déjà instruit de l'événement affreux qui nous met au comble du désespoir. Un courrier arrivé de Crespy à une heure et demie nous annonce qu'une troupe de brigands a coupé les blés cette nuit dans la plaine de Béthisy. Actuellement, six heures du soir, il arrive des courriers de Villers-Coterets, Pierrefonds et Attichy, où cette troupe se porte dans ce moment-ci ; elle fauche les grains en plein midi. On dit ces brigands au nombre de 4,000. Nous n'avons que 25 hussards qui viennent de partir pour aller à leur poursuite. Le régiment d'infanterie ne peut que garder la ville et les environs ; vous sentez, monsieur le duc, le besoin que nous avons de cavalerie et de troupes légères; nous comptons sur vos bontés pour mettre sous les yeux du Roi et de l'Assemblée nationale la position dans laquelle nous nous trouvons, dont les suites seront plus terribles que celles du fléau de la grêle que nous avons éprouvé l'année dernière.
« Nous sommes, etc.
« Signé : CLAMCY, maire, ÛELABAT, etc., etc. »
annonce qu'il se propose de faire à cette lettre la réponse suivante :
Vous sentez à quel point je suis pénétré, Messieurs, du désastre affreux dont vous me faites part; je me suis sur-le-champ porté chez M. le comte de Saint-Priest, chargé actuellement du département de la guerre, et lui ai demandé les secours qu'il pourrait procurer à votre malheureux canton, il m'a promis de m'envoyer en conséquence des ordres qui seront contenus dans ce paquet.
« Je me suis sur-le-champ transporté à l'Assemblée nationale, à laquelle j'ai rendu compte
de vos malheurs et de mes démarches ; elle vous
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : de liancourt. »
Cette réponse est approuvée.
a fait connaître que M. le baron d'Andlau-d'Hombourg, député des bailliages d'Haguenau et Wissembourg, obligé d'aller aux eaux de Plombières, l'avait prié d'exprimer à l'Assemblée le regret que lui causait la nécessité où il est d'interrompre ses fonctions pendant quelque temps.
Il a été rendu compte d'une délibération prise par la noblesse du bailliage de Cbâlon-sur-Saône, le 22 de ce mois, par laquelle elle révoque, casse et annulle les pouvoirs impératifs et limités qu'elle avait donnés à ses députés et leur en donne de nouveaux, suffisants, généraux et illimités, pour aviser, remontrer, consentir au bien général, entretenir l'union entre les trois ordres, opiner par tête à l'Assemblée nationale, pour faire enfin tout ce qui dépendra d'eux pour le bien du royaume et le bonheur de la nation.
Il a aussi été rendu compte d'un arrêté de la noblesse du bailliage de Vitry-le-François et des bailliages secondaires, qui révoque le mandat impératif qu'elle avait donné à ses députés, et les autorise à concourir à toutes délibérations qui seront prises dans l'Assemblée nationale dans quelque forme qu'elles puissent l'être.
Une délibération de la noblesse de la sené-chaussée de Dax, en date du 16 de ce mois, portant ampliation de pouvoirs à ses députés, a été mise sur le bureau par M. le comte de Barbotan.On a donné lecture du procès-verbal de la séance de samedi 25 de ce mois.
Sur le rapport fait au nom du comité établi pour la vérification des pouvoirs, l'Assemblée a jugé valables ceux de M. Marsay, député du clergé du bailliage de Loudun; de MM. Lemulier de Bresse^ et le comte de Levis, députés de la noblesse du bailliage de Dijon ; de M. le comte de Mirepoix, député de la noblesse de Paris intra murosy de MM. Biandin et Moutier, députés du bailliage d'Orléans; de MM. les comtes d'flelmstatt et de Gomer, députés de la noblesse de Sarregue-mines, de MM. l'abbé de Laboissière et Leyris-Des-ponchez, évêque de Perpignan, députés du clergé de Roussillon; de M. de Digoine, marquis du Palais, député de la noblesse du bailliage d'Autun; de MM. Duval d'Eprémesnil, le duc de Cas-tries, le président d'Ormesson et le bailli de Crussol, députés de la noblesse de Paris extra muros; de MM. Garon de la Bevière et de Gardon, baron de Sandrans, députés de la noblesse du bailliage de Bourg-en-Bresse, de MM. le comte de Montcalm-Gozon et le marquis de Badens, députés de la noblesse delà sénéchaussée de Garcas-sone; de MM. de Nicolaï, évêque de Cahors, Ayrol-les et Leymarie, députés du clergé du Quercy; de MM. le duc de Biron, le marquis de Lavalettè-Parizot et le comte de Plas-de-Tane, députés de la noblesse de Quercy ; de M. le baron d'Al-larde, député delà noblesse du bailliage de Saint-Pierre-le-Moustier ; de M. le marquis d'Estourmel, député de la noblesse du Gambrésis ; de M. le marquis de Pleure, député de la noblesse du bailliage de Sézanne; enfin ceux de MM.. Dubuisson de Douzon, Destutt de Tracy, Coiffier, baron de
Rreuil, députés de la noblesse de la sénéchaussée de Moulins. M. le comte de Tracy a dit qu'ayant informé ses commettants de la remise de ses pouvoirs dès le 28 juin dernier, il croyait devoir l'observer afin qu'on ne lui imputât pas le retard apporté à la vérification.
a rapporté l'avis du comité de vérification sur les pouvoirs de MM. Saiicetti et Golonna de Gesari Rocca, députés des communes de Corse; de M. Dépéretti de la Roca, député du clergé de cette île; de M. du Puch-de-Monbreton, député de la noblesse de la sénéchaussée de Libourne, et de M. l'abbé Chapt de Rastignac, l'un des députés du clergé du bailliage d'Orléans. Tous ces pouvoirs ont pareillement été jugés valables.
On a donné lecture du procès-verbal de la séance du lundi 27«de ce mois.
On a mis ensuite sous les yeux de l'Assemblée les adresses suivantes, rédigées dans le même esprit que les précédentes : des trois ordres de Dole en Franche-Comté, des officiers municipaux et notables de Bourbonne-les-Bains, des citoyens de Montpellier, des trois ordres de Mortagne, des officiers du bailliage du Perche, des trois ordres de Crest, des électeurs des communes de la sénéchaussée de Libourne, de la ville de Sémur en Auxois, de la ville'des Saillant des trois ordres dePont-Audemer, d'Ornans en Franche-Comté, de la ville de Marsiliargues, de la commune de Gran-ville, de la Ville de Cusset, des trois ordres de Morttélimart, des trois ordres du Puy en Velay, de la ville de Bayeux, des officiers municipaux des électeurs de Nevers, des commissaires des communes de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg, des trois ordres formant la communauté de Thiau-court en Lorraine, des citoyeus de Poligny en Franche-Comté, de la bazoche de Ghâlons-sur-Marne, delà ville de Longwy, province des évé-chés, de la commune de Lons-le-Saunier, des citoyens de Dijon, des électeurs de la sénéchaussée de Mérac, de l ,214 habitants d'Orgelu, de la ville de Limoges, des trois ordres de Montbrison en Forez, des citoyens de Salins en Franche-Comté, des citoyens de la ville et du bailliage de Grayen Franche-Comté, de la ville de Bourg-en-Bresse, des trois ordres de la ville de Nîmes, de la ville de Clamecy, de là ville deSaint-Dié en Lorraine, de la paroisse d'Herbignac, évêché de Nantes, des citoyens de Glermont-Ferrand, du corps politique de Ponthieu, de la commune de Laval, à laquelle sont joints un acte d'adhésion de l'assemblée générale des communes de cette ville, à l'arrêté de l'Assemblée nationale du 17 juin, et autres subséquents; une délibération prise en conséquence de la déclaration faite par la noblesse de Laval, du désir qu'elle a de voir réunir ses députés des trois ordres, et que ceux de la noblesse ne fussent plus gênés par des pouvoirs impératifs et limités; deux autres délibérations concernant l'établissement de la milice bourgeoise, et le discours que M. Enjubault de Boissey, député de la commune de Laval, devait prononcer à l'Assemblée nationale, en lui présentant les pièces de la communauté de Vernouillet-sur-Seine ; des officiers municipaux et nolables de Briey en Lorraine de la municipalité d'Essonne, département de Corbeil ; des trois ordres de Guéret, des eitovens de Calais, de la ville de Morlaix, des officiers municipaux de Troyes en Champagne, de la municipalité des communes de la ville de Saint-Brieuc, des citoyens de la ville de Ghàtelandreu en Bretagne, de la ville de Lanion, de la commune de Ville-Franche en
Beaujolais, de la commune de Nancy, de la commune de Montreuil-sur-Mer, des citoyens de Peze-nas et de la ville de Quimper.
MM. les députés des communes du bailliage de Nemours ont,mis sur le bureau un écrit signé d'eux, par lequel ils demandent qu'un député nommé par la ville de Nemours, soit admis à l'honneur de haranguer l'Assemblée nationale.
premier député de la noblesse du Cotentin, a dit:
Messieurs, Je dois avoir l'honneur de rendre compte à l'Assemblée nationale des motifs de mon absence. Je la supplie de m'entendre avec bonté.
Les députés de la noblesse du Cotentin, retenus, par quelques articles trop impératifs de leurs pouvoirs, dans une inaction qu'ils désiraient ardemment voir cesser, m'ont envoyé vers leurs commettants. J'ai eu le bonheur de les rassembler; et annulant tout ce qui était impératif dans ces pouvoirs, la noblesse du Cotentin m'a ordonné de déclarer à cette auguste Assemblée que son vœu le plus cher est le bien général ; qu'elle veut que ses députés y concourent avec le plus entier abandon de toute prétention particulière; que si dans la première Assemblée, en renonçant à ses privilèges pecuniaires, elle avoitcru pouvoir proposer une légère réserve pour la partie la moins fortunée delà noblesse, elle consent daus ce moment, sans aucune réserve ni restriction, à ce que les impôts que vous allez, Messieurs, substituer aux anciens, soient également répartis sur tous les citoyens, en proportion de leurs facultés, sans distinction d'ordres.
La noblesse du Cotentin m'a de plus ordonné, Messieurs, d'avoir l'honneur de vous représenter que l'état des provinces devient de plus en plus alarmant, et de vous supplier d'employer les moyens les plus prompts pour tâcher de pourvoir à la détresse du peuple, qui augmente chaque jour par l'inclémence du ciel, et le manque absolu de subsistances dans plusieurs endroits.
Elle déclare qu'il n'y a point de sacrifices qu'elle ne soit prête à taire pour contribuer à un objet si pressant: au moindre signal elle est prêle à verser sa contribution.
Elle m'a ordonné enfin de présenter à l'Assemblée nationale l'hommage de son respect, de sa reconnaissance et de sa confiance absolue.
Je supplie respectueusement l'Assemblée nationale de daigner ordonner qu'il soit fait quelque mention de la présente déclaration dans son pro-cês-verbal de ce jour.
Signé : Achard de Bonvouloir, premier député de la noblesse du bailliage du Cotentin.
Il a été présenté de la part du chevalier de Pennasse un mémoire intitulé: Communication patriotique à l'Assemblée nationale. Le mémoire a été renvoyé au comité de constitution.
Il a aussi été présenté une lettre du sieur l'He** mite, curé des Trois-Valois, datée de Nancy le 25 mai 1789, accompagnée d'un mémoire intitulé: « Exemple frappantdes abus des lettres de cachet, ou mémoire du curé des Trois-Valois, présenté au Roi et à nosseigneurs des Etats généraux, pour demander justice des persécutions qu'il a essuyées, notamment par neuf ans d'exil, aont quatre de prison, de la part de son évêque, M, Chaumont de la Galaizière, évêque et comte de Saint-Dié en Lorraine. »
Un mémoire adressé à l'Assemblée, par les
prisonniers de la maison de force de Saint-Venant en Artois ;
Une requête de trois bourgeois de Rouen, qui.' prétendent avoir été illégalement arrêtés et conduits dans les prisons, où ils sont encore détenus;
Une lettre et un mémoire du sieur Perrinet, prisonnier à la tour de Brest en Dauphiné; Une requête du comté de Mâcon ; Une autre des habitants de Ville-Parisis; Une autre des habitants delà paroisse de Cham-bri, élection de Meaux;
Une autre des mayeurs et échevins du village de Walincourt en Cambrésis.
a aussi rendu compte de plusieurs lettres et placets, qui lui ont été adres-. sés par les laboureurs de la ville d'Houdan et des campagnes circonvoisines; par les fermiers du seigneur d'Achères-le-Marché ; par M; Niclot, gentilhomme de Normandie, et par M. le commandeur de Thuisy.
L'Assemblée ne jugeant pas praticable de se livrer à l'examen des plaintes et réclamations contenues dans les différentes lettres, mémoires et requêtes, qui portent toutes sur des objets particuliers, a paru disposée à prendre incessamment les mesures convenables pour se faire rendre compte de ceux qui peuvent mériter son attention. Sur la demande faite par M. le prinee de Poix, au nom de la milice bourgeoise de Versailles, que l'Assemblée nationale voulût bien déférer au vif désir qu'a cette milice de lui fournir une garde d honneur, il a été arrêté qne l'Assemblée recevrait avec plaisir le témoignage du dévouement patriotique des habitants de Versailles : qu'en conséquence, elle trouverait bon qu'ils lui fournissent une garde d'honneur, pour faire le service concurremment avec la prévôté de l'hôtel, qui s'en est acquittée jusqu'à présent à la satisfaction de l'Assemblée nationale.
M. de Volney obtient la parole pour reprendre la motion qu'il avait déjà faite sur Vétablissement d'un comité des rapports, composé de trente personnes chargées de rendre compte à l'Assemblée de tous les objets d'administration et de police.
L'objet de la motion que j'ai eu l'honneur de vous mettre hier sous les yeux étant d'économiser votre temps, je me bornerai à la discussion très-rapide qu'elle exige.
Il n'y a personne de nous qui ne sente que si, sur les moindres objets, il faut toujours délibérer en masse de douze cents personnes, jamais nous ne remplirons le but que nous nous sommes proposé en nous rendant ici.
Ma motion me paraît donc indispensable pour remédier à cet abus. Je ne suis ici que le porteur d'un vœu général; l'utilité en est évidente. Vous en avez vous-mêmes reconnu, Messieurs, la nécessité, en formant différents comités, et surtout le comité de vérification; permettez-moi de vous le proposer pour exemple. Vous avez remarqué que, s'il fallait vous entretenir tous de chaque rapport, la vérification des pouvoirs serait interminable, et, pour abréger, vous avez nommé un comité chargé de vous en faire le rapport. Je sais bien que plusieurs personnes ont soutenu le contraire ; mais soutenir un pareil paradoxe, c'est dire qu'une table des matières est plus longue que le livre.
En établissant le comité que je vous propose, vous serez maîtres de vous faire donner des dé-
i tails nécessaires à votre religion; si la matière n'est que légère, alors vous renverrez au comité. Je suppose une lettre écrite à M. le président; il vous en fait part ; si elle annonce de grands intérêts, vous vous en constituerez juges; si elle ne présente qu'un objet peu digne de vos moments, vous la renverrez au comité.
Si vous n'adoptiez pas le moyen que je vous propose, vous seriez toujours exposés à la multitude de lettres, de requêtes et d'avis, qui nous enlèveront tous nos moments.
Qu'importe les communications qui existent | entre Trianon et le château de Versailles? qu'importe tous les complots qui existent contre nous? s'ils sont réels, il y aura toujours assez de bons | citoyens pour nous en faire part; s'ils ne sont | qu'enfantés par la peur, faut-il qu'ils deviennent notre seule occupation?
Placés sur le haut de la pyramide des intérêts, ce n'est pas à nous d'examiner les pierres et les angles qui la composent ; le bien général, la constitution, voilà notre travail ; hâtons-nous de le consommer.
Le nombre de trente personnes convient à plusieurs membres; il convient aussi à cause des bureaux ou des généralités.
Je vais relire ma motion. « L'Assemblée nationale, attendu les distractions et les retards qu'apportent aux travaux de l'Assemblée et à l'œuvre important de la constitution les affaires de détail, qui se multiplient de jour en jour, arrête qu'il sera fixé un comité pour y être renvoyé tous les cas de police et d'administration, et qu'il en sera fait ensuite rapport à l'Assemblée, s'il y a lieu. »
Un membre propose, par amendement, que le rapport se fasse à toutes les séances, à une heure fixe.
Un autre, que l'on fixe un jour seulement dans la semaine pour ce rapport.
Plusieurs appuient le second amendement et rejettent le^premier. Chaque député arrive, disent-ils, dans la salle, avec des idées neuves, et ce rapport les ferait perdre.
D'autres, mais en petit nombre, combattent la motion. Toute affaire d'administration et de police est du ressort du pouvoir exécutif ; c'est usurper ce second pouvoir que d'ériger un tribunal qui en décidera.
Un autre propose, pour éviter cet inconvénient, de changer les mots police et administration, et de mettre en place affaire qui ne concernerait pas la constitution. En adoptant ces mots, dit-il, on raffermit le pouvoir exécutif. Et dans quel moment sa force et son activité ont-elles été plus nécessaires? Les provinces se soulèvent: le peuple refuse de payer les impôts ; toute la France gémit dans l'anarchie.
attaque l'établissement de ce comité. Il dit que ce serait donner de la consistance à de petits objets de détail qui ne méritent pas d'occuper l'Assemblée.
en adoptant cet établissement, propose, par amendement, que le comité soit autorisé à renvoyer aux ministres la connaissance des objets qu'il jugerait être du ressort du pouvoir exécutif.
combat l'amendement de M. Bouche. Il dit qu'il ne faut pas laisser au comité la faculté de déterminer les cas du renvoi au ministre, des demandeà et pétitions à l'Assemblée ; que ce serait accorder au comité une influence qui pourrait devenir dangereuse, dont il serait facile d'abuser ; que ses seules fonctions devaient se borner à examiner, à rendre compte, et que le droit- de décider devait appartenir à l'Assemblée seule. Il a proposé ensuite quelques changements dans les termes de la motion.
veut que l'Assemblée s'occupe directement de tous les objets de détail. En conséquence, il propose qu'il soit tenu des séances de relevée, qui seraient destinées à cet objet.
regarde comme très-inutile l'établissement de ce comité. Renvoyons, dit-il, un certain nombre d'adresses à chaque bureau, et chacun en fera le rapport à son tour.
s'oppose à la motion par des vues et des considérations générales. Les législateurs, dit-il, ne doivent s'occuper que de faire des lois, et ils doivent s'interdire la connaissance des affaires auxquelles ils ne peuvent pas pourvoir par des lois générales.
L'on rappelle aussi la motion de M. le marquis de Sillery, qui tend à une proclamation générale dans tout le royaume, proclamation dans laquelle l'Assemblée déclarerait son incompétence pour décider sur les affaires d'administration et de police; qu'elle.inviterait aussi toutes les provinces à envoyer au pouvoir exécutif tout ce qui en dépend.
insiste pour cette motion, l'Assemblée ne devant pas, selon lui, se charger d'affaires sur lesquelles elle ne pourrait statuer par aucune loi.
La discussion était déjà épuisée, toutes les idées étaient communiquées, connues, répétées.
demande à relire sa motion, pour faire part à l'Assemblée du changement qu'il y a apporté d'après le vœu général:
Etablir un comité des rapports, auquel seront renvoyés tous les mémoires, plaintes et adresses...;, pour en faire le rapport à l'Assemblée, s'il y a lieu. *
L'on va aux voix sur la motion, sans fixer le nombre des membres du comité. Elle passe à la grande majorité.
Ensuite on va aux voix sur le nombre, et sur la question de savoir si ce comité sera composé par bureaux ou généralités.
Quant au nombre, tout le monde paraît d'accord pour trente personnes ; il n'y a de débats que pour savoir si on prendra les membres dans les bureaux ou dans les généralités.
Ceux qui proposent l'élection par généralités disent que les malheurs arrivés dans les provinces nécessitent des détails locaux que les personnes seules de la province pourraient donner.
Nonobstant ces réflexions, l'opinion par bureaux l'emporte.
Enfin, l'on examine la dernière question. Dans quel temps le bureau fera-t-ii son rapport ? le fera-t-il une fois par semaine? le fera-t-il tous les jours avant les séances?
Il est décidé qu'il se fera dans des assemblées extraordinaires, tenues le soir après les bureaux.
M. Duport, qui avait demandé la parole depuis plusieurs jours, l'obtient aujourd'hui.
Messieurs, je partage avec les autres membres de l'Assemblée le désir qu'ils manifestent de s'occuper promptement de la constitution, et présenterai bientôt mes idées sur ce point. Mais les nouvelles qui nous viennent chaque jour des provinces nous pressent de délibérer. Les événements désastreux du Sois-son nais et le complot de Brest rendraient notre silence coupable. Les destins de la France nous sont confiés : elle attend de nous son salut ; nous lui devons compte des moyens que nous emploierons..... On trame des complots contre la chose publique, nous ne devons pas en douter. Il ne doit pas être question de renvoi devant les tribunaux: vous me dispenserez d'entrer dans aucune discussion ; il faut acquérir d'affreuses et d'indispensables connaissances. C'est la ce qui doit nous occuper.
Nous apprendrons des vérités terribles, mais indispensables. Vous me dispenserez ici de toute discussion: mettons la plus grande activité; que l'œil de notre surveillance soit ouvert de tous côtés.
Je me résume, et je propose l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, considérant tous les maux qui nous environnent, a arrêté et arrête qu'il sera établi une commission de quatre personnes, qui seront chargées spécialement d'en tendre le rapport et les indices sur l'affaire de Brest et autres semblables, t
La motion de M. Duport est très-applaudie.
Plusieurs membres trouvent bon que des ' objets aussi intéressants ne soient confiés qu'à un petit nombre de personnes.
D'autres, tout en rendant justice à tous les honorables membres, insinuent qu'il serait dangereux de confier des choses si essentielles à quatre personnes seulement, et concluent pour que cette commission soit composée de douze membres.
Un autre ne veut point de commission, mais un tribunal provisoire.
député de Colmar. Mes efforts pour l'éloignementdes troupes, l'alarme et l'effroi qu'elles nous inspiraient, vous faisaient croire que la nation était en danger, que vous aviez tout à craindre dans le temple même de la liberté; que des mains forcenées.... je me tais; mais hélas I croyez-vous être dans une position moins critique aujourd'hui? et moi je dis et je soutiens que nos malheurs ont augmenté. Que d'indices, que de preuves de ce que j'avance ! le port de Brest menacé, nos moissons perdues, les brigands répandus sur la surface de la France? Qui les a appelés ? Je ne veux faire aucune application ; mais il existe un principal moteur. Vous l'avez nommé alors, et votre prudence vous a fait deviner ses associés.
Ces papiers saisis sur M. de Castelnau me rappellent qu'il en existait d'autres. Le 14, la frayeur et l'horreur s'emparèrent de vos âmes, et vous fîtes alors la proclamation que l'instruction du crime de lèse-nation appartiendrait à ses représentants.
Pourquoi donc aujourd'hui cette facilité à laisser échapper des papiers qui peuvent vous conduire à l'indice des trames horribles dont nous I avons pensé être les victimes ? On doit déposer
ces papiers, pour en tirer au besoin les éclaircissements nécessaires; on doit en dresser procès-verbal, et c'est à des commissaires choisis parmi vous à qui vous devez confier ce dépôt.
En agissant ainsi, vous aplanissez les difficultés, vous irez plus vite à la connaissance des faits.
Nos ennemis savent que nous sommes en garde contre eux, pour faire échoir leurs ténébreuses menées.
Quand le peuple saura que nous lui avons procuré toute la somme de bonheur qui était en notre pouvoir, que nous avons poursuivi ses ennemis, même quand nos travaux ne seraient pas couronnés de succès, il nous bénira.
En vain prétexterait-on ici l'inviolabilité des lettres. Eh ! de qui sont-elles ces lettres ? de ces hommes dénoncés par la voix publique.
Cette inviolabilité peut-elle entrer en compensation avec le salut de la patrie ?
Quoi donc ! le secret des lettres de personnes suspectes est-il plus sacré que le salut commun ? Je dis suspectes : tout peuple, en effet, chez qui la patrie n'est pas un mot vide, regarde comme traîtres les citoyens qui abandonnent la patrie.
On nous observe que les précautions sont inutiles et que le souverain pourrait s'en alarmer ; que la paix est faite. Comme si jamnis on eût été en guerre avec le souverain ! Anathéme éternel contre l'homme qui en aurait pu même concevoir l'idée! La nation, le Roi ne font qu'un : c'est le Roi qui Ta dit: il l'a dit en épanchant son cœur dans votre sein, il l'a dit lorsqu'il vous demanda de l'aider à sauver l'Etat: combattons ses ennemis et les nôtres; assurons-nous, interceptons leur correspondance, et portons partout des yeux si pénétrants et si actifs, que nous réduisions les restes de la cabale à rester dans une inaction craintive.
II semble que tout conspire contre le bonheur de la France. Des ennemis infatigables dans leur persécution se répandent de tous côtés pour accroître nos maux; la conspiration de Brest n'est que trop véritable, ce port a été sur le point d'être livré aux Anglais. Dans des temps de famine, on coupe les blés; après tous ces désastres peut-on douter que nous n'avons des ennemis externes et internes?
Pour arrêter ces conjurations l'on doit prendre toutes les mesures nécessaires. Et la première de toutes est le dépôt des lettres, et j'appuie de^ toute ma force la motion de M. Rewbèll.
J'appuie encore la motion de M.Duport; surtout le nombre de quatre me paraît suffisant. Il faudrait même qu'ils fussent inconnus; le secret est important, nécessaire.
L'orateur est interrompu par des murmures.
le silence étant rappelé, a repris en ces termes :
Je ne me fusse pas risqué d'indiquer à une si auguste Assemblée une chose impossible comme un moyen raisonnable. J'ai proposé le secret sur les commissaires, parce que j'ai le moyen de le procurer.
Je propose que ce soir, dans les bureaux, on nomme au scrutin, dans l'Assemblée, trente personnes, lesquelles se réduiront entre elles à quinze.
Ces quinze membres choisiront, non pas parmi eux, mais dans toute l'Assemblée, hors d'eux, les quatre qui doivent composer la commission.
Je préférerais cependant que le nombre fût
porté à six, car il faudra qu'ils se transportent de ville en ville pourrecevoir les plaintes contre les persécuteurs et les perturbateurs de la nation.
Lorsqu'ils auront découvert les coupables et auront recueilli les preuves de leur crime, ils en feront le rapport à l'Assemblée.
Il faudrait encore que les six personnes formassent entre elles un comité auquel on remettrait les lettres interceptées.
(Cette dernière phrase a encore excité quelques rires, car il est impossible de remettre des lettres à une personne que l'on ne connaît pas.)
Voici l'arrêté que je propose :
« L'Assemblée nationale, présumant que les malheurs qui affligent le royaume ne proviennent que des complots externes et internes ; qu'il est de la sûreté de l'Etat, qui est la loi suprême, de chercher les moyens qui peuvent procurer la connaissance des auteurs dont les complots ne sont que trop certains: arrête que tous ceux qui saisiront des lettres adressées à des personnes en fuite ou sous la garde de la justice, seront autorisés à les déposer à l'Hôtel-de-Ville de Paris, dans les mains de M. le maire ou du commandant de la milice de Paris, auxquels seuls se feront connaître les membres du comité. »
Ce n'est pas sans une espèce d'étonnement que j'ai entendu jusqu'ici qu'on vous a proposé de sang-froid la violation des lettres; et qu'en voudriez-vous faire, Messieurs? Nul tribunal ne pourrait les recevoir, et vous pourriez vous déterminer à les recevoir, à les lire? et vous pourriez vous déterminer à trahir le vœu général de vos commettants et cette foi publique dont vous êtes les apôtres, dont vous êtes les garants? De telles mesures sont faites pour les tyrans, et nous appartient-il d'avoir leur frayeur, leur crainte et leur lâcheté?
L'on nous dit que ces lettres ont été saisies par le droit de la guerre; mais où est la guerre? contre qui la faisons-nous? où sont nos ennemis?
L'on nous cite des traits d'histoire. En voici un qui est celui de la générosité, et qui doit être le nôtre.
Philippe est en guerre avec Athènes; le courrier qui portait des dépêches au roi de Macédoine est arrêté, mais bientôt après relâché; les dépêches ne sont pas décachetées, et Philippe les reçoit telles qu'on les lui avait envoyées.
Dans quel temps la noblesse d'un si bel exemple nous touchera-t-elle? dans quel temps céderons-nous à la force d'un si beau trait, si ce n'est dahs un temps où vingt-cinq millions d'hommes se réunissent sous les drapeaux de la liberté, plantés sur les ruines des remparts des prisons? Ou bien ne faudra-t-il plus rappeler parmi nous que des temps de désolation et de proscription, ne plus s'occuper que de délation et d'accusation?
Nous n'avons d'autre danger à craindre que celui de la discorde. Il existe quand les citoyens sont divisés et se rendent les ennemis les'uns des autres. L'Etat n'a de sûreté que dans les principes de l'honneur et de la probité.
Les Parisiens, enivrés de leur liberté, se reposent sur les vertus de leur maire et de leur colonel; imitons leur exemple, livrons-nous à la confiance, à la générosité, et ne descendons pas de la hauteur de nos fonctions poursuivre sur les routes du royaume des fuyards qui dérobent leur tête au glaive de la justice, mais qui ne peuvent éviter le supplice des remords. Ne substituons pas à l'inquisition ministérielle une inquisition d'Etat. Le public deviendra avide de nouvelles, et le peuple deviendra avide de sang.
Ne cherchons pas les coupables; félicitons-nous de les avoir éloignés, d'avoir purgé la France de leur présence. Laissons-les s'agiter au loin et lancer des traits qui ne peuvent parvenir jusqu'à nous ; ne songeons qu'à la félicité publique ; abandonnons le salut de la France au patriotisme ; assurons-le par de saintes lois, et ne les violons pas au moment même de les publier.
Vous avez promis vengeance aux malheurs du peuple : nous ne connaissons pas les auteurs des crimes; mais nous sommes bien assurés des forfaits.
La conspiration qui devait livrer Brest, les désordres déplorables de Soissons ne nous les manifestent que trop. Les brigands qui infestent les environs de Soissons sont sans doute soudoyées par ceux qui redoutent la constitution. Nous ne connaissons pas les coupables; mais la France a les yeux ouverts sur ceux qui ont été associés aux plus coupables ministres. Cela seul, sans doute, ne les rend pas coupables, mais au moins il faut remplir l'attente du ppuple, et préserver la France des malheurs dont elle est menacée.
Je ne pense pas qu'il faille des inquisiteurs; ce serait un remède qui tournerait en mal, mais un comité qui informera publiquement; la publicité convient à nos démarches et à notre caractère.
Quatre personnes sont suffisantes, le nombre en doit être petit.
Rien n'empêche donc de nommer les commissaires, et surtout de les nommer promptement.
Il existe trois pouvoirs qui concourent à rétablissement de la société : le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire. Dès que ces trois pouvoirs sont réunis dans la main d'un seul, le despotisme existe; s'il est dans la main d'un tyran, la patrie peut le combattre; mais s'il est dans la main même de la patrie, alors elle se déchire elle-même, aucune force ne peut la rappeler à l'ordre.
On nous propose d'ériger un tribunal qui prononcera sur le sort des coupables; on nous propose d'établir une espèce d'inquisition secrète pour dévoiler les crimes.
Une république fameuse a eu des inquisiteurs pareils; leur jugement frappait comme l'éclair. Le sang a coulé avec profusion, et les vengeances étaient plutôt le signal qui dirigeait le glaive du bourreau que l'ordre de la justice.
Je demande si la France doit avoir un pareil régime? si, parmi ses habitants, dont la douceur et l'aménité forment le principal caractère, on doit élever un pareil monument? Si la liberté était bannie de la terre, elle trouverait un asile dans notre patrie.
Comment peut-on demander un établissement aussi révoltant, immoler des hommes qui ne pourront se faire entendre, qui ne pourront se défendre? Voilà de ces principes qui répugnent à l'honneur, à la délicatesse, à l'humanité; nous venons les détruire et non pas les consacrer.
Le premier devoir que m'ont imposé mes commettants, c'est de rétablir la liberté publique, et je ne suis pas venu pour l'attaquer.
Si vous jugez à propos d'établir une commission, elle doit être publique comme les fonctions des commissaires. D'après mes prémisses, il est facile de voir que je rejette toute commission secrète.
Quant au tribunal, si nous pouvions en créer un, il ne serait que provisoire, il ne serait qu'une
véritable commission; qu'on ne dise pas qu'elle serait différente de celles que les ministres nomment à leur gré pour perdre leurs ennemis.
Elle serait arbitraire comme elles, révoltante comme elles, et établie d'après les mêmes principes.
Dira-t-on qu'elle ne sera pas dangereuse, parce qu'elle sera nommée par la nation ; mais je dis qu'elle en deviendra plus dangereuse. Le despotisme de la multitude e-t le plus funeste de tous.
Je vous demande quelles seront les bornes du pouvoir que nous allons exercer? Qui pourra nous juger? Qui pourra nous rappeler à nos principes? Non, il est dangereux de réunir dans nos mains tous les pouvoirs, toute l'autorité. Je ne pense pas enfin qu'on puisse former une commission, un comité de recherches.
11 me semble que jusqu'ici l'on n'a pas saisi le véritable point de la motion: l'on s'écarte, l'on parle de tribunal, de la violation du secret. Ce ne sont pas les objets qui vous sont proposés. De quoi s'agit-il donc? de former un comité pour recevoir les informations sur des personnes suspectes, de tous les citoyens qui, répandus dans toutes les provinces, voudront donner des détails. Ces preuves seront remises ensuite à un tribunal compétent.
Quant à l'ouverture des paquets, je m'attache aux principes de la morale et du droit public. La violation d'un secret est un crime, et la sûreté publique ne peut exiger un sacrifice de la vertu; cessons donc de témoigner nos craintes pour une motion qui ne peut alarmer notre conscience, qui s'accorde avec nos scrupules et l'intérêt de la patrie. Point de tribunal, point d'interception de lettres; nos registres ne doivent pas être souillés par de pareilles décisions.
Les idées de M. Chapelier, exposées avec simplicité, ramènent tontes les opinions.
MM. de Crillon et Rewbell retirent leur motion, comme rentrant dans celle de M. Duport.
Dès ce moment, la discussion s'est bornée à cette dernière.
L'espèce de dénonciation qui vous a été faite hier doit vous prouver la nécessité d'établir un comité de recherches. Quant au nombre des commissaires, il doit être borné à quatre. Ce choix demandera une attention scrupuleuse, intégrité, fermeté et beaucoup de lumières. Il serait imprudent de confier une charge aussi importante à un plus grand nombre de commissaires.
Quatre commissaires ne suffiraient pas; j'en demande douze, par la raison que ce nombre doit inspirer plus de confiance.
Plusieurs membres parlent encore en faveur et contre l'établissement de ce comité.
Les débats sont très-longs et très-vifs. Après beaucoup d'agitation, on demande à aller aux voix sur la motion de M. Duport.
Une très-grande majorité l'adopte, sauf quelques changements.
En conséquence, il est arrêté que le comité d'informations sera composé de douze membres pris indifféremment sûr toute l'Assemblée sans distinction d'ordres; que le choix en sera fait dans la forme observée pour les secrétaires, et que les membres seront renouvelés ou réélus tous les mois.
On élève la question de savoir si ce comité sera permanent.
Ici on a beaucoup divagué. On a parlé de prendre un bureau pour ce comité; on a parlé de secourir tous les prisonniers d'Etat.
Enfin, en se rapprochant de la question, l'on a dit qu'il fallait qu'il fut. permanent, pour que les quatre commissaires fussent plus à même de connaître les preuves des délits. L'on a dit qu'il devait changer tous les mois à cause de l'importance de ses fonctions.
Enfin il est décidé que le comité changera tous les mois.
au nom du comité des subsistances, rend compte d'une requête des habitants de la. ville d'Houdan, qui demandent une diminution sur le prix du sel.
Cette demande est renvoyée au moment où l'Assemblée s'occupera de l'impôt du sel.
demande à lire un projet d'arrêté; il le présente comme le seul qu'on puisse prendre dans la circonstance actuelle. 11 est ainsi conçu:v
« L'Assemblée nationale, considérant que le payement des impôts ne peut être refusé sans les plus graves inconvénients, jusqu'au moment où, par une répartition plus juste, par une perception douce des impôts moins onéreux, l'Assemblée pourra procurer le soulagement des peuples; que le refus des impôts parait être la cause des malheurs publics, l'Assemblée invite la nation à payer comme par le passé tous les impôts qu'elle a continués par son arrêté du 17. »
Ce projet d'arrêté est vivement combattu. D'un côté on dit: l'Assemblée doit ordonner; de l'autre, elle ne doit pas annoncer le soulagement du peuple, puisque l'Etat est tellement obéré, que le produit des impôts actuels sera à peine suffisant pour payer les dettes du Roi.
Au milieu de tous ces débats, on demande que l'examen de l'arrêté soit renvoyé à tour dans les bureaux.
Celte proposition est adoptée, d'après les réflexions de M. Frétcau, qui a observé que l'arrêté que l'on proposait de prendre était trop important pour le rejeter ou l'admettre en ce moment, et surtout à la fin d'une séance.
Le premier président du bureau des finances de Paris est introduit. Il parle en ces termes :
a M. le président et messeigneurs, le bureau des finances m'a député vers cette auguste Assemblée pour avoir l'honneur de lui présenter son respect et sa reconnaissance de l'intérêt qu'elle a pris aux alarmes de la capitale, et de ses soins pour les dissiper. Comment la nation pourrait-elle désormais borner ses vœux de félicité et de prospérité, puisque ses représentants, messeigneurs, réunissent pour les fixer sur le royaume un zèle sans bornes et les plus grandes lumières?
« J'ai l'honneur de demander à messeigneurs la permission de remettre sur le bureau l'arrêté de ma compagnie^ »
Un de MM. les secrétaires fait lecture du pro-cès-verbal, qui est conçu en ces termes :
a Du
« Ce jour, le bureau des finances, assemblé en la manière accoutumée, un des membres a dit que le Roi ayant adopté les moyens d'assurer la tranquillité publique, qui ont été présentés à Sa Majesté par l'Assemblée nationale, il estimait devoir proposer à la compagnie de présenter audit
seigneur Roi et à l'Assemblée nationale son respect et sa reconnaissance.
« Sur quoi, le bureau, délibérant, a arrêté que M. le premier président se retirera incessamment par devers le Roi, pour offrir audit seigneur Roi le respect et la reconnaissance de la compagnie, d'avoir dissipé, par son auguste présence dans la capitale, l'effroi qui y était répandu, et de s'en être rapporté aux représentants de la nation sur les moyens d'assurer la paix et la félicité de ses sujets.
« A arrêté, en outre, que ledit sieur premier président se retirera aussi par devers l'Assemblée nationale, pour lui présenter le respect et la reconnaissance de la compagnie d'avoir rappelé et rétabli le calme dans Paris, par son intervention auprès du Roi, et de s'occuper avec un zèle infatigable du bonheur de la nation. » (On applaudit.)
à la députation. Monsieur, les hommages que reçoit de toutes parts l'Assemblée nationale lui sont d'autant plus agréables, cjue, portant tous l'assurance d'une adhésion entière à ses principes et à ses démarches, ils portent nécessairement les vrais caractères du patriotisme, du dévouement à la chose publique. L'Assemblée nationale est assurée de trouver en vous, monsieur, ces généreux sentiments, et reçoit avec plaisir l'hommage respectueux que le bureau des iinances de la ville de Paris lui présente.
député du Perche, a entretenu l'Assemblée des troubles qui agitent cette province ; et il fait une motion relative à la perception des impôts actuels.
Cette motion a été appuyée ; mais, d'après l'observation de quelquesmemnres, elle aété ajournée.
La séance est levée.
Séance du
a annoncé à l'Assemblée le retour de M. Necker. L'Assemblée a témoigné, par des applaudissements, sa satisfaction de voir enfin totalement rendu aux vœux de la nation et du Roi, le ministre vertueux dont elle a demandé le rappel.
a annoncé que les nouvelles désastreuses arrivées du Soissonnais étaient dénuées de fondement.
Il a été rendu compte des adresses des villes de Brioude, Lambaile, Gap, Cosne-sur-Loire, Dun-kerque, Roque-Brou, Maurs, Qui m perlé, Apt, Yalogne,Saint-Brieux,Fontenay-le-Comte,Chauny, Charost, Saint-Sauveur - le-Vicomte, Tarascon, Montélimart, Briançon, Montcontour, Annonay, et sénéchaussée, Saint-Marcellin, et de l'ordre des avocats de Morlaix.
premier président du parle-ment de Besançon et député de la noblesse, prend la parole, et
dit qu'il est chargé par sa compagnie de remettre à l'Assemblée nationale un arrêté
Extrait du registre des délibérations du parlement de Besançon.
« Ce jour, la cour, les chambres assemblées, après lecture de l'arrêté de la précédente séance, qui a été approuvé ; M. le président de Camus a fait lecture du procès-verbal dressé par MM. les commissaires à l'exécution de l'arrêt rendu à la précédente séance, contenant les raisons qui les ont empêchés de donner suite à l'exécution dudit arrêt, et a proposé à messieurs de délibérer.
c La matière mise en délibération, il a été arrêté que copies en forme dudit procès-verbal seront envoyées à M. le président, en le priant et le chargeant de les faire parvenir au Roi et à l'Assemblée nationale.
« Arrêté en outre, que M. le premier président demeurerait chargé expressément de supplier le Roi et l'Assemblée nationale de pourvoir le plus promptement possible aux moyens de faire cesser les désordres qui affligent la province, tels que des démolitions de châteaux, incendies de dépôts publics et d'archives particulières, attroupements et excès commis contre différentes personnes, soit dans leurs domiciles, soit sur les chemins publics, malgré tous les soins que l'autorité civile et militaire et les communes des villes y ont apportés jusqu'à présent.
« La cour a arrêté de plus que mondit sieur le premier président demeure chargé d'assurer le Roi et l'Assemblée nationale de sa confiance la plus entière dans les mesures et les moyens qu'ils croiront devoir employer pour le bonheur de la nation, et pour assurer à tous les citoyens la liberté et la sûreté de leurs personnes, ainsi que la propriété de leurs biens ; déclarant qu'elle attend et qu'elle désire l'établissement de toutes lois et décrets que leur sagesse leur dictera, auxquelles la cour déclare qu'elle sera aussi inviolablement attachée, qu'elle l'a été jusqu'à présent à celles dont l'exécution lui a été confiée. »
11 a *été lu ensuite un procès-verbal annexé à l'arrêté ci-dessus, par lequel il constate que la mission donnée par le parlement à ses commissaires, d'informer sur l'événement désastreux qui a eu lieu dans le château de Quincey, a éprouvé quelques obstacles.
cherche à dissiper les préjugés défavorables qu'on avait semés dans l'Assemblée sur le compte de cette compagnie.
Mon intention n'est pas de jeter le moindre doute sur la sincérité des sentiments que le parlement de Besançon exprime à l'Assemblée nationale ; mais je crois devoir observer que la confiance publique ne parle pas en faveur de cette cour ; que pour la faire renaître, elle doit retirer l'arrêté du 27 janvier ; arrêté par lequel le parlement, en cherchant à maintenir les abus des anciens Etats généraux sur leur convocation et leur composition, déclarait que les députés ne pouvaient rien innover sur cet objet ; que les Etats généraux ne pouvaient déroger aux immunités de la province, et que les impôts devaient être consentis paries Etats de la province, et enregistrés au parlement.
C'est dans le défaut de confiance
des peuples, dans les sentiments qui animent cette cour, qu'on doit chercher la cause des désordres qui déchirent cette province. Cette cour, comme douzième parlement, s'est déclarée gardienne des maximes inviolables du royaume. Qu'elle se rende digne de la confiance de la province, et Tordre y renaîtra.
donne de nouveaux détails sur les troubles et les dévastations qui se commettent dans cetie province. Vesoul, dit-il, a été forcé; trois abbayes ont été détruites, onze châteaux ruinés. Le parlement a envoyé une commission sur les lieux, mais elle n'a pas été reçue. Cette cour ne jouit pas de la confiance qui seule peut assurer l'empire des lois. Un arrêt a évoqué l'affaire de Quincey. Cet arrêt est illégal, puisque le coupable est encore inconnu, et que, jusqu'à ce qu'on en ait la connaissance, l'instruction appartient au premier juge... Il y a bien d'autres choses à dire ; mais il n'y a qu un moyen, c'est la suppression du parlement.
Après quelques débats, on demande le renvoi de cette affaire au comité des rapports.
Le renvoi est ordonné.
— Une lettre de lord Georges Gordon, écrite à l'Assemblée en anglais, est renvoyée aux bureaux.
L'Assemblée décide que les originaux des pouvoirs seront déposés aux archives.
fait lecture de la nouvelle rédaction du règlement corrigé et rédigé d'après les observations des trente bureaux. Quelques articles donnent lieu à la discussion.
propose de nommer un membre de chaque bureau pour fixer les articles contestés, et, en attendant, d'admettre provisoirement le règlement.
L'article qui fixe la majorité des suffrages à la moitié plus un est vivement combattu. Quelques membres veulent une pluralité graduée.
ont combattu la pluralité graduée, comme incompatible avec le bien public, et tendant à empêcher la réforme des abus.
demande l'ajournement tde cette discussion.
Je n'ai pas cessé un moment de croire que, quel que soit le règlement de police qu'on nous propose, il sera susceptible d'inconvénients. Eh ! quelle institution humaine n'en a pas? Mais il me parait en générai composé avec assez de sagesse, et pénétré d'un assez bon esprit, pour que je désire son adoption au moins provisoire, et sauf les améliorations gué pourra nous suggérer l'expérience de chaque jour. Toute loi est par sa nature révocable à la volonté de celui qui l'a faite. Le principe contraire serait l'apothéose des préjugés, la proscription de la raison. Mais les premiers éléments de l'ordre doivent être admis le plus tôt possible, lorsqu'on veut travailler à un. plan digne de gouverner les hommes, et capable d'opérer notre bonheur.
Hâtons-nous d'adopter une police quelconque, en attendant que l'habitude des assemblées, le dépouillement des préjugés et nos propres observations nous donnent une police perfectionnée.
Cependant, pour vous ôter les regrets que deux des préopinants voudraient vous donner sur
Padoption de la pluralité simple que prescrit le règlement, j'examinerai en "peu de mots celui des pluralités graduées, que Ton vous propose d'y substituer. Si vous consultez la nature des choses, vous verrez que toute réunion d'hommes en société doit être gouvernée par le vœu de la pluralité de ses membres. C'est là une condition nécessaire de toute association, sans laquelle vous la vouez à l'inertie ou à des troubles toujours renaissants. Ceux qui s'opposent à cette loi sont séduits par l'espèce de frayeur que leur cause l'idée de voir la prépondérance d'un seul suffrage décider les questions les plus importantes. Mais qu'ils ne s'y trompent pas ; ce n'est pas tel ou tel suffrage qui décide, c'est la comparaison de la somme de ceux qui disent oui, avec la somme de ceux qui disent non. Dans le cas où ces deux sommes seraient égales, il n'y aurait point de décision, ou plutôt il y en aurait une ; car alors la loi ancienne serait préférée à la loi nouvelle. Dans le cas où la somme des oui surpasse celle des non, alors la loi nouvelle doit l'emporter ; car enfin, quand la balance est juste, le moindre poids suffit pour la faire pencher de l'un deux côtés.
A la place de cet inconvénient chimérique, on substitue le plus grave de tous les inconvénients, le plus grand de tous les dangers, celui de transporter à la minorité des suffrages l'influence que le bien général donne incontestablement à la majorité. Nous sommes ici douze cents : dans le système de la pluralité, six cent un suffiront pour faire adopter une résolution contre le vœu de cinq cent quatre-vingt-dix-neuf qui ne voudraient pas qu'elle fût prise, ou, ce qui revient au même, qui préféreraient à l'état de choses qu'on vous propose l'état de choses où nous sommes, tant que la résolution proposée n'a point passé.
Suivez l'avis de ceux qui attaquent le système de la pluralité, substituez-y une loi qui exige plus des trois quarts des suffrages pour former une résolution légale, Qu'arrive-t-il ? Qu'alors trois cents auront plus de force pour maintenir leur opinion, que neuf cents n'en auront pour la détruire ; que tant qu'une proposition n'aura pas pour elle neuf cent une voix, elle sera sans force, ou, ce qui revient au même, que le vœu de neuf cents qui veulent d'une manière sera soumis à celui de trois cents qui veulent d'une autre.
Dans ce système, messieurs, que devient la justice ? Que devien t le vœu commun ? Comment alors pourrait-on dire que la loi est l'expression de la volonté générale? Hors du principe clairet fécond de la pluralité simple, je ne vois qu'une rénovation sourde, mais très-effective, des ordres, du veto et de tous ces mouvements contradictoires qui désorganisent la société.
L'avis de M. de Mirabeau ne réunit pas tous les suffrages.
évêque de Chartres. Je m'oppose à l'adoption provisoire du règlement. Vous allez vous occuper des objets les plus importants. Si vous ne délibérez que sur un régime provisoire, on dira que vous avez suivi des formes vicieuses et précaires ; vous soumettrez ainsi vos délibérations à une critique.
appuie cet avis, et il fait quelques observations sur les articles contestés.
Le comité proposait : 1° un changement dans
la manière de prendre les voix ; c'était la voie des recenseurs ;
2° L'établissement d'un comité de quatre personnes chargées de faire la révision des procès-verbaux ;
3° D'imprimer les motions qui seraient faites par les divers membres ;
4° De fixer la majorité à la moitié plus un des votants.
Ces quatre articles, après de longs débats, sont mis successivement aux voix.
La voie des recenseurs est rejetée, presque unanimement, de même que l'établissement d'un comité de révision.
L'article relatif à l'impression des motions est modifié, et l'impression sera bornée aux motions qui regarderont la constitution, la législation ou les finances.
L'article qui fixe la majorité à la moitié plus un des votants est encore discuté.
veut qu'un article de constitution ne puisse passer en force de loi que quand la majorité, non des votants, mais clés membres ayant droit de voter, l'aura adopté.
propose de déclarer que l'As* semblée ne pourra délibérer que lorsqu'elle sera formée de plus de la moitié des membres.
évêque de Chartres, fait une distinction entre les lois nouvelles et celles qui abrogeraient des lois déjà établies et anciennes. Pour les premières, il démande une majorité simple, et deux tiers des voix pour les secondes.
Le doute de M. l'évêque de Chartres doit être résolu: tout ce qui sort de la bouche d'un prélat aussi respectable, d'un ami aussi pur de la justice et des bons principes, mérite à mes yeux la plus scrupuleuse attention. De grandes autorités ont accrédité l'erreur des pluralités graduées, vers laquelle il me paraît incliner; mais chaque jour nous apprend mieux que la vérité est la fille du temps et non des autorités.
S'il faut une plus grande majorité pour anéantir une loi ancienne que pour établir une loi nouvelle, comment distinguerez-vous entre ces deux cas? Est-il une loi nouvelle qui n'emporte pas ou textuellement, ou dans ses conséquences, l'anéantissement d'une loi ancienne?
Exigerez-vous une plus grande majorité pour une loi importante et grave que pour une loi qui ne le serait pas ? Mais alors encore où sera la ligne de démarcation? Quelle est la loi qui ne sera pas susceptible d'être importante et grave dans un temps, minutieuse et peu importante dans un autre? Où sera le critérium qui guidera l'Assemblée pour les distinguer? Et sans un critérium bien clair et bien précis, n'aurez-vous pas multiplié les difficultés, les embarras, et par-là même les intrigues et les divisions?
Vainement, Messieurs, a-t-on dit qu'on peut établir deux majorités fixes, dont l'exercice serait déterminé par la loi. Je répondrai toujours que deux majorités fixes ne me paraissent pouvoir rien produire que des résultats très-peu fixes, et que douze cents personnes délibérant ensemble ont déjà, par la nature des choses, assez de peine à s'entendre et à expédier les affaires, pour qu'on ne leur suscite pas encore de fréquentes questions de compétence.
Et si, comme quelqu'un l'a proposé, vous déci-
dezquela majorité ne pourra prendre' une résolution que dans le cas seulement où la pluralité des représentants de la nation se trouverait rassemblée, alors, Messieurs, vous établissez un ordre de choses où, pour exercer le plus irrésistible veto, il suffira de l'absence.
Or, ce genre de veto est de tous le plus redoutable et le plus sûr ; car enfin on peut espérer, avec des raisons, de fléchir ou de convaincre des personnes présentes; mais quelle influence pour-rez-vous avoir sur ceux qui, pour toute réponse, ne paraîtront pas ?
Sans doute, il convient de fixer le nombre de votants nécessaire pour légaliser une Assemblée, mais gardons-nous de fixer un nombre trop petit ; car alors il serait trop facile à un président qui voudrait intriguer de faire passer tout ce qu'il voudrait. Gardons-nous encore de fixer un nombre trop grand, car alors combien de facilités ne donnerions-nous pas à ceux qui, par leur absence, voudraient paralyser l'Assemblée? A cet égard le règlement me paraît observer un milieu sage. Il fixe ce nombre à deux cents: c'est proportionnellement le double du nombre que les Anglais ont fixé; car leur Chambre des communes est de cinq cent cinquante, et ils se contentent de quarante membres pour toutes les délibérations. En suivant la proportion, nous devrions être contents d'avoir fixé le nombre à cent. Je n'ai pas eu le temps de méditer sur cette question ; mais îe ne verrais pas d'inconvénient à ce que l'on existât pour toute délibération le tiers de la totalité des membres de l'Assemblée nationale.
Plusieurs membres parlent tour à tour en faveur de la majorité simple.
La règle générale de toute Assemblée délibérante est la majorité0 simple. Il faut une raison déterminante, et elle est dans la majorité des suffrages, elle ne peut pas se trouver ailleurs. C'est donc la majorité simple qui forme le décret. Les anciens abus ne méritent pas d'être ménagés. Mon avis est que la majorité des votants décide, et que la majorité consiste dans la pluralité des voix, formée par la moitié plus une.
archevêque dyAix. Mes observations sont un hommage que je rends à la sagesse du règlement. Dans toute Assemblée nationale, la volonté générale est connue par la pluralité. Nous ne sommes pas ici de simples délibérants, mais les représentants d'une nation entière; nous cherchons et nous portons chacun le vœu général. Citoyens de la France, réunis de toutes les provinces indistinctement, nous venons dire dans cette Assemblée, en y donnant nos suffrages : telle est l'opinion de la nation. II est dans la nature d'une Assemblée de représentants d'opiner à la pluralité simple. Toute autre loi aurait une foule d'inconvénients dont l'arbitrairé serait le moindre de tous.
On s'est déjà partagé dans FAssemblée sur le nombre nécessaire de délibérants, pour que la délibération porte le caractère de la volonté générale.... Il y aurait sans doute un grand inconvénient dans une Assemblée incomplète : il semblerait que la nation n'aurait pas exprimé son vœu, si le nombre des votants se trouvait trop réduit. En cela, il me semble que le règlement a trouvé un moyen. Il exige que toutes les discussions essentielles soient portées à trois Assemblées différentes. Tous les représentants sont ainsi prévenus de se rendre à la discussion. S'ils ne
s'y rendaient pas, ce serait une mauvaise volonté qui ne pourrait pas exposer l'Assemblée. Faudrait-il que l'absence de quelques-uns paralysât l'autre portion de l'Assemblée? Non, sans doute ; ceux qui viendraient alors seraient seuls dépositaires de la volonté générale ; et leur vœu, exprimé par la pluralité simple, serait le vœu général.
Ce discours, entendu avec beaucoup d'attention, est couvert d'applaudissements.
Si je me permets quelques réflexions fcur la question proposée. ce n'est pas que je prétende rappeler ici la division des ordres; il n'en existe plus qu'un dans cette salle, c'est celui du bien public.
Dans tous les objets que nous allons traiter, il y en a qui sont plus ou moins intéressants, plus ou moins importants. Ceux qui tiennent à la constitution sont, par exemple, d'un ordre supérieur ; ceux qui ne tiennent qu'à la police de cette Assemblée ne présentent pas, à beaucoup près, un aussi haut degré d'intérêt. Cependant, pour décider les uns ou les antres, faudra-t-il la même influence dans les suffrages, la même maio-rité? Ne serait-il pas plus prudent de les distinguer comme ils le sont déjà par la nature? C'est alors que les premiers exigeront pour être résolus la majorité entière de cette Assemblée, et que les seconds seront suffisamment décidés par la majorité des votants.
Qu'on me permette encore quelques réflexions ; il n'est dans toute association politique qu'un seul acte qui, par sa nature, exige un consentement supérieur à celui de la pluralité: c'est le pacte social qui, de lui-même étant entièrement volontaire, ne peut exister sans un consentement unanime. L'un des premiers effets de ce pacte, c'est la loi de la pluralité des suffrages. C'est cette loi qui constitue, pour ainsi dire, l'existence, le moi moral, l'activité de l'association. C'est elle qui donne à ses actes le caractère sncré de la loi, en constatant qu'ils sont, en effet, l'exnression du vœu général. Qu'à cette simple et belle loi de la pluralité, l'on substitue tout autre degré de majorité ; dès ce moment toutes les fois qu'un objet quelconque aura réuni une pluralité inférieure à la majorité requise, la société est nécessairement condamnée au schisme, car il n'est dans la nature d'aucune société légitime que le plus grand nombre soit assujetti à la minorité.
Si tel est lé danger de tout autre genre de pluralité que la pluralité simple, même dans un état naissant, combien ce danger ne devient-il pas imminent dans un Etat comme la France, où tout est à créer, à combiner, à méditer même; où unelon-gue série d'abus de tout genre> et des siècles d'esclavage, en couvrant la surface entière de la constitution et de l'administration dans toutes leurs parties, ne montre pas* une seule loi à établir qu'au travers d'une croûte épaisse de préjugés ou de désordres à corriger?
Est-ce dans un tel état de choses qu'on peut raisonnablement apporter des obstacles à la faculté de vouloir?
Et si jamais cette faculté doit être laissée à toute son activité, n'est-ce pas surtout lorsqu'elle est entre les mains d'un corps constitué, comme l'Assemblée nationale, de parties hétérogènes dont quelques-unes ont eu tant de peine à s'amalgamer en tout, et entre lesquelles il serait si aisé de réunir une minorité suffisanté pour arrêter
tout? On a tant disséqué le vote par ordre, on a tant frémi du veto des ordrèsîEn ! n'est-ii pas clair que la pluralité graduée est exactement la même prétention sous un nom plus doux, et que dans ce cas comme dans l'autre ce serait toujours le quart ou le tiers de l'Assemblée qui donnerait des lois à la nation?
Toute personne qui a observé les Etats républicains y verra les nobles effets de cette aristocratique invention.
Dans la législation que nos commis de bureaux donnèrent à main armée aux Génevois, en 1782, ils eurent soin d'introduire cette loi de la pluralité graduée, comme l'égide du despotisme aristocratique et militaire auquel ils assujétissaient cette petite, mais respectable République. Non contents de ce qu'aucune loi ne pouvait être faite s par l'Assemblée générale sans le consentement préalable de deux conseils administrateurs, ils mirent la pluralité des trois quarts des suffrages à la place de la pluralité simple qui toujours avait existé. Ainsi une loi qui n'avait été introduite que par la force, qui n'avait reçu pour sanction souveraine que celle d'une Assemblée dont les trois quarts des membres étaient exclus à main armée, devait être maintenue contre la volonté de tous par Je simple vœu du quart plus un d'un simple conseil d'administration ! Qu'est-il arrivé de cette loi? Jamais Genève n'a été plus malheureuse, plus tourmentée, jamais ces arrogants aristocrates eux-mêmes n'ont été plus méprisés, moins redoutés, malgré leurs troupes, malgré des serments forcés, que depuis que leurs concitoyens ont été soumis à cet absurde et criant régime.
A la première occasion qui s'est offerte de mettre la loi en exécution,, au moment où des magistrats, maintenus en place par une minorité de voix, ont voulu gouverner, l'incendie s'est trouvé prêt ; la plus légère étincelle a causé l'em-Jbrasement. Atterrée par la crainte d'une nouvelle garantie, d'un nouveau siège, Genève a conservé cette loi folle qu'une triple garantie armée l'avait forcée d'adopter. Jamais elle ne sera libre, ni par conséquent tranquille, tant que ce monument de la criminelle ambition de ses chefs et de notre injustice ne sera pas entièrement détruit.
Mais pour revenir aux pluralités graduées dans leur rapport avec un grand Etat, supposons la constitution faite ou prête à se faire, et voyons si, comme M. Fréteau le pensait, on pourrait y. joindre alors quelque loi de ce genre pour garantir la constitution.
Si c'est dans le but de mettre' la constitution à l'abri de toute atteinte du Corps législatif qu'on veut établir la pluralité graduée, le moyen est visiblement insuffisant. La constitution n'ayant pu s'opérer par la volonté du peuple lui-même, elle ne peut être détruite que par son aveu : voilà le principe ; consacrez-le, et la constitution est en sûreté. v , ,
Est-ce pour les lois de détail que l'on voulait établir la pluralité graduée? Dans ce cas, outre les inconvénients déjà énoncés, n'est-il pas clair que vous privez les futurs représentants de la nation de leur liberté de législation? Eh ! qui sait à quel point cette entrave que vous mettez à une faculté si nécessaire dans tout bon gouvernement, peut être nuisible à la postérité? Lorsque les Anglais autorisèrent, au commencement du siècle, le fatal système des emprunts nationaux, lorsqu'ils voulurent rejeter sur leurs descendants une portion du fardeau qu'ils pré
tendaient trop pesant pour eux, prévoyaient-ils que cette bévue en finance nuirait un jour à l'influence qu'ils avaient voulu réserver au peuple, en mettant les subsides entièrement à sa disposition ?
La longueur des réflexions de M. Mirabeau avait excité l'impatience. On interrompt l'orateur pour demander que l'on aille aux voix.
On propose un premier amendement :
L'Assemblée ne sera censée complète que lorsqu'elle sera formée de la moitié de ses représentants, relativement aux articles administration, législation et finance.
Cet amendement est rejeté.
On propose un autre amendement ainsi conçu :
Faut-il une majorité différente pour la constitution, la législation et les finances, que pour tout autre article?
Cet amendement est également rejeté.
La question est mise ainsi aux voix :
Le règlement serait-il adopté, sauf les changements que l'expérience fera juger nécessaires?
L'affirmation est reçue à l'unanimité.
On va ensuite aux voix article par article. Voici ceux qui sont adoptés;
REGLEMENT
A L'USAGE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE.
chapitre premier.
Du président et des secrétaires.
1° Il y aura un président et six secrétaires.
2° Le président ne pourra être nommé que pour quinze jours; il ne sera point continué, mais il sera éligible de nouveau dans une autre quinzaine.
3° Le président sera nommé au scrutin, en la forme suivante.
Les bureaux seront convoqués pour l'après-midi; on y recevra les billets des votants; et le recensement et le dépouillement des billets se feront dans les bureaux mêmes sur une liste particulière qui sera signée par le président et le secrétaire du bureau.
Chaque bureau chargera ensuite un de ses membres de porter sa liste dans la salle commune, et de s'y réunir avec deux secrétaires de l'Assemblée, pour y faire le relevé des listes, et en composer une générale.
Si aucune des personnes désignées n'a la majorité des voix, savoir la moitié et une en sus, on retournera au scrutin une seconde fois dans les bureaux, et les listes seront également rapportées dans la salle commune.
Si dans ce second scrutin personne n'avait la majorité, les deux sujets qui auront le plus de voix seront seuls présentés aux choix des bureaux pour le troisième scrutin.
Et, en cas d'égalité de voix entre les deux con-curents, le plus âgé sera nommé président.
4° Les fonctions du président seront de maintenir l'ordre dans l'Assemblée, d'y faire observer les règlements, d'y accorder la parole, d'énoncer les questions sur lesquelles l'Assemblée auraà délibérer; d'annoncer le résultat des suffrages, de prononcer les décisions de l'Assemblée, et d'y porter la parole en son nom.
Les lettres et paquets destinés à l'Assemblée nationale et qui seront adressés au président seront ouverts dans l'Assemblée.
Le président annoncera les jours et les heures j des séances ; il en fera l'ouverture et la clôture ; et, clans tous les cas, ii sera soumis à la volonté de l'Assemblée.
5° En l'absence du président, son prédécesseur le remplacera dans les mêmes fonctions.
6° Le président annoncera, à la fin de chaque séance, les objets dont on devra s'occuper dans la séance suivante, conformément à l'ordre du jour.
7° L'ordredu jour sera consigné dans un registre dont le président sera dépositaire.
8° On procédera dans les bureaux à l'élection des secrétaires par un seul scrutin; chaque bureau portera six noms; et pour être élu, il suffira d'avoir obtenu la simple pluralité des suffrages dans la réunion des listes particulières.
9° Les secrétaires répartiront entre eux le travail des notes, là rédaction du procès-verbal, lequel sera fait en doublas minutes collationnées entre elles, celle des délibérations, la réception et l'expédition des actes et des extraits, et généralement tout ce qui est du ressort du secrétariat.
10° La moitié des secrétaires sera changée et remplacée tous les quinze jours; on décidera au sort quels seront les premiers remplacés, et ensuite ce seront les plus anciens de fonctions.
11° Les secrétaires ne pourront être nommés pour aucun comité ni pour aucune députation pendant leur exercice.
CHAPITRE II.
Ordre de la Chambre.
1Q L'ouverture de la séance demeure fixée à huit heures du matin; néanmoins la séance ne pourra commencer s'il n'y a deux cents mem bres présents.
2° La séance commencera par la lecture du procès-verbal de la veille.
3° La séance ouverte, chacun restera assis.
4° Le silence sera constamment observé.
5° La sonnette sera le signal du silence; et celui qui continuerait de parler malgré le signal, sera repris par le président au nom de l'Assemblée.
6° Tout membrè peut réclamer le silence et l'ordre, mais ens'adressant au président.
7° Tous signes d'approbation ou d'improbation sont absolument défendus.
8° Personne n'entrera dans la salle ni n'en sortira que par les corridors.
9° Nul n'approchera du bureau pour parler au président ou aux secrétaires.
10° MM. les suppléants qui voudront assister aux séances de l'Assemblée nationale, auront une place distincte et qui leur sera exclusivement affectée dans une tribune.
11° La barre de la Chambre sera réservée pour les personnes étrangères qui auront des pétitions à faire, ou pour celles qui seront appelées ou admises devant l'Assemblée nationale.
12° Il est défendu à tous ceux qui ne sont pas députés de se placer dans l'enceinte de la salle; et ceux qui y seront ^urpris seront conduits dehors par l'huissier.
CHAPITRE III.
Ordre pour la parole. 1° Aucuû membre, ne pourra parler qu'après
avoir demandé la parole au président; et quand il l'aura obtenu, il ne pourra parler que debout.
2° Si plusieurs membres se lèvent, le président donnera la parole à celui qui se sera levé le premier.
3° S'il s'élève quelque réclamation sur sa décision, l'Assemblée prononcera.
4° Nul ne doit être interrompu quand il parle. Si un membre s'écarte de la question, le président l'y rappellera. S'il manque de respect à l'Assemblée, ou s'il se livre à des personnalités, le président le rappellera à l'ordre.
5° Si le président néglige de rappeler à l'ordre, tout membre en aura le droit.
6° Le président n'aura pas le droit de parler sur un débat, si ce n'est pour expliquer Tordre ou le mode de procéder dans l'affaire en délibération, ou pour ramener à la question ceux qui s'en écarteraient.
CHAPITRE IV.
-Des motions.
1° Tout membre a droit de proposer une motion.
2° Tout membre qui aura une motion à présenter se fera inscrire au bureau.
3° Toute motion sera écrite, pour être déposée sur le bureau, après qu'elle aura été admise à la discussion.
4° Toute motion présentée doit être appuyée par deux personnes; sans quoi elle ne pourra pas être discutée.
5° Nulle motion ne pourra être discutée le jour même de la séance dans laquelle elle sera proposée, si ce n'est pour une chose urgente, et quand l'Assemblée aura décidé que la motion doit être discutée sur-le-champ.
6° Avant qu'ou puisse discuter une motion, l'Assemblée décidera s'il y a lieu ou non à délibérer.
7° Une motion admise à la discussion ne pourra plus recevoir de correction ni d'altération, si ce n'est en vertu d'amendements délibérés par l'Assemblée.
8° Toute motion sur la législation, la constitution et les finances, sur laquelle l'Assemblée aura décidé qu'il y a lieu à délibérer, sera donnée à l'impression sur-le-champ, pour qu'il en soit distribué des copies à tous les membres.
9° L'Assemblée jugera si la motion doit être portée dans les bureaux, ou si l'on doit en délibérer dans l'Assemblée, sans discussion préalable dans les bureaux.
10° Lorsque plusieurs membres demanderont à parler sur une motion, le président fera inscrire leurs noms, autant qu'il se pourra, dans l'ordre où ils l'auront demandé.
11° La motion sera discutée selon la forme prescrite pour l'ordre de la parole, au chapitre trois.
12° Aucun membre, sans excepter l'auteur de la motion, ne parlera plus de deux fois sur une motion, sans une permission expresse de l'Assemblée ; et nul ne demandera la parole pour la seconde fois, qu'après que ceux qui l'auraient demandée avant lui auront parlé.
13° Pendant qu'une question sera débattue, on ne recevra point d'autre motion, si ce n'est pour amendement, ou pour faire renvoyer à un comité, ou pour demander un ajournement.
14° Tout amendement sera mis en délibération avant la motion; il en sera de même des sous-
amendements, par rapport aux amendements.
15° La discussion étant épuisée, l'auteur, joint aux secrétaires, réduira sa motion sous la forme de question, pour en être délibéré par oui ou par non.
16° Tout membre aura le droit de demander qu'une question soit divisée lorsque le sens l'exigera.
17° Tout membre aura le droit de parler pour dire que la question lui paraît mal posée, en expliquant comment il juge qu'elle doit l'être.
18° Toute question sera décidée à la majorité des suffrages.
19° Toute question qui aura été jugée, toute loi qui aura été portée dans une session de l'Assemblée nationale, ne pourra y être agitée de nouveau.
ORDRE
De la discussion d'une question relative à la constitution ou à la législation.
Toute motion relative à la constitution ou à la législation, sera portée trois fois à la discussion, à des jours différents, dans la forme suivante :
La motion sera lue et motivée par son auteur; et après quelle aura été appuyée par deux membres au moins, elle sera admise à la discussion.
On examinera ensuite si elle doit être rejetée ou renvoyée à la discussion des bureaux : en ce cas, on fixera le jour auquel la question, après avoir été discutée dans les bureaux, sera reportée dans l'Assemblée générale pour y subir la dernière discussion.
Toute motion de ce genre sera rejetée ou adoptée à la majorité des suffrages, savoir : la moitié des voix et une en sus ; et l'on ne pourra plus revenir aux voix.
Les voix seront recueillies par assis et levé; et s'il y a quelque doute, on ira aux voix par l'appel, sur une liste alphabétique par bailliages, complète, vérifiée et signée par les membres du bureau.
CHAPITRE V.
Des pétitions.
1° Les pétitions, demandes, lettres, requêtes ou adresses seront ordinairement présentées à l'Assemblée par ceux de ses membres qui en seront chargés.
2° Si les personnes étrangères qui ont des pétitions à présenter veulent parvenir immédiatement à l'Assemblée, elles s'adresseront à un des huissiers qui les introduira à la barre, où l'un des secrétaires averti par l'huissier ira recevoir directement leurs requêtes.
Des députations.
Les députations seront composées sur la liste alphabétique, afin que les membres soient députés par tour; et les députés conviendront entre eux de celui qui devra porter la parole.
Des comités.
Les comités seront composés de membres nommés au scrutin par listes, et dans les bureaux, comme il a été dit des secrétaires.
Personne ne pourra être membre de deux comités.
CHAPITRE VI.
Des bureaux.
Art. 1er. L'Assemblée se divisera en bureaux, où les motions
seront discutées sans y former des résultats.
Ces bureaux seront composés sans choix, mais uniquement selon l'ordre alphabétique de la
liste en prenant le 1er, le 31e, le
61e, et ainsi de suite.
Ils seront renouvelés chaque mois, et de manière que les mêmes députés ne se trouveront
plus ensemble. Pour cet effet, le premier de la liste sera avec le 32e, le 64e, Je 116e, en sorte
qu'à chaque renouvellement, le second sera reculé d'un nombre ; et de lui au 3e, 4e, 5e
etc. jusqu'à 30, on comptera autant de membres qu'il en aura été compté du 1er au 2e.
Ce travail sera fait par les secrétaires, qui le tiendront toujours prêt pour le jour du renouvellement des bureaux.
Art. 2. Tous les jours de la semaine, hors le dimanche, il y aura Assemblée générale tous les matins, et bureau tous les soirs.
Art. 3. Lorsque cinq bureaux s'accorderont pour demander une Assemblée générale, elle aura lieu.
De la distribution des procès-verbaux.
2° L'imprimeur de l'Assemblée nationale communiquera directement avec le président et les secrétaires ; il ne recevra d'ordres que d'eux.
1° Le procès-verbal de chaque séance sera livré à l'impression le jour qu'il aura été approuvé, et envoyé incessamment au domicile des députés. La copie, remise à l'imprimeur, sera signée du président et d'un secrétaire.
3° Outre cet exemplaire, l'imprimeur délivrera, à la fin de chaque mois, à chaque député, dans son domicile, un exemplaire complet et broché, en format in 4°, de tous les procès-verbaux du mois.
4° Si l'Assemblée nationale ordonne l'impression de pièces, autres que les procès-verbaux, il sera suivi, pour leur impression et leur distribution, les mêmes règles que ci-dessus.
CHAPITRE vin.
Des archives et du secrétariat.
1° 11 sera fait choix, pour servir durant le cours de la présente session, d'un lieu sûr pour le dépôt de toutes les pièces originales relatives aux opérations de l'Assemblée, et il sera établi des armoires fermant à trois clefs, dont l'une sera entre les mains du président, la seconde en celles d'un des secrétaires, et la troisième en celles de l'archiviste, qui sera élu entre les membres de l'Assemblée, au scrutin et à la majorité.
2° Toute pièce originale qui sera remise à l'Assemblée sera d'abord copiée par l'un des commis du bureau; et la copie,collationnée par an des secrétaires et signée de lui, demeurera au secrétariat. L'original sera « aussitôt après déposé aux archives, et enregistré sur un registre destiné à cet effet.
3° Une des deux minutes originales du procès-verbal sera pareillement déposée aux archives ; l'autre minute demeurera entre les mains des secrétaires, pour leur usage et celui de l'Assemblée.
4° Les expéditions de pièces, et autres actes qui sorent déposés au secrétariat, y seront rangés par ordre de matières et de dates, en liasses et cartons; un des commis du bureau sera chargé spécialement de leur garde, et ne les communiquera qu'au président et aux secrétaires, ou sur leurs ordres donnés par écrit.
5° Tous les mois, lors du changement des secrétaires, et avant que ceux qui seront nouvellement nommés entrent en fonctions, il sera fait entre eux et les anciens secrétaires un récole-ment des pièces qui doivent se trouver au secrétariat.
6° L'Assemblée avisera, avant la fin de la session, au choix du dépôt et à la sûreté des titres et papiers nationaux.
Une députation de l'université de Paris a été admise. -
recteur, a dit : Messeigneurs, fidèle dépositaire des sentiments de l'université de Paris, je viens* apporter aux pieds de cette auguste Assemblée l'hommage du respect et de la vénération profonde que lui inspire l'union des vertus sublimes et patriotiques dont vous donnez chaque jour à la France, et à l'Europe entière, le spectacle éclatant.
Envoyés de toutes les parties de ce vaste Empire pour opérer de concert la régénération de l'Etat, vous vous êtes montrés les dignes représentants d'une nation puissante et généreuse, et vous n'avez cessé de soutenir avec la plus noble fermeté le caractère glorieux qui vous était imposé. Déjà la France vous nomme ses héros, ses bienfaiteurs; déjà s'élève de toutes parts un concert harmonieux et touchant que forment l'admiration, la reconnaissance et la joie. Tous applaudissent à vos efforts et à vos succès; et dans la sainte effusion des plus doux sentiments, tous sont heureux de l'idée seule du bonheur que votre sagesse et votre zèle leur préparent.
A quelles espérances, en effet, ne doivent pas se livrer en ce moment tous les cœurs, lorsque la nation vous a vus jusqu'ici marcher d'un pas ferme et inébranlable vers le grand objet de la félicité publique, montrer un front calme et serein au milieu des orages qui se formaient autour de vous; les dissiper par votre seule modération, et, sans autres armes que celles d'un vif amour du bien public, assurer le triomphe delà liberté r
C'est ainsi, Messeigneurs, c'est par cette constance et cette ardeur héroïques, qu'en méritant la reconnaissance de vos concitoyens, vous avez obtenu la confiance du meilleur des Rois. 0 jour à jamais glorieux où, dignes interprètes de ses intentions paternelles, vous avez paru au sein de la capitale comme des anges consolateurs, où votre auguste présence a fait succéder aux angoisses de la terreur et du désespoir, l'ivresse de la joie la plus pure, et a rendu le calme à ces paisibles retraites qu'habitent l'étude et la timide innocence 1
Grâce à vos nobles travaux, ce n'est plus dans les temps reculés de notre histoire, ni dans des annales étrangères que nous chercherons désormais les grands et magnifiques exemples de l'honneur et du patriotisme. Vous serez à l'avenir nos premiers comme nos plus fihers modèles. Vos noms sacrés enflammeront le cœur d'une jeunesse vive et sensible; et au plaisir si touchant d'admirer leurs illustres concitoyens, se joindra, pour plusieurs, la douce et inexprimable
satisfaction de reconnaître et de citer parmi les auteurs de la prospérité publique, les auteurs de leurs jours.
Vous l'aurez donc ainsi créée, Messeigneurs, par la seule force de vos vertus, cette éducation vraiment nationale, désirée depuis si longtemps. Elle fera partie de l'édifice majestueux dont vous posez, en ce moment, les bases solides. C'est avec transport que l'université recevra de vos mains ce dépôt précieux et sacré; heureuse, en secondant le zèle qui vous anime, de préparer au Roi, de fidèles sujets, et à la patrie, des citoyens qui vous ressemblent !
Signé: Dumouchel, recteur de l'université.
La députation a remis l'arrêté dont suit la teneur.
Extrait des registres de l'université de Paris.
« L'université de Paris, extraordinairement assemblée le vendredi 24 du présent mois,
« Considérant les grands et importants objets qui occupent actuellement la première nation de l'univers, assemblée par ses députés;
« Réfléchissant sur le zèle et la fermeté de ces augustes représentants, pour assurer le repos et la tranquillité si nécessaires au bonheur des peuples ;
« Frappée d'étonnement à la vue des projets sublimes de ses illustres concitoyens, projets qui, n'ont pour but que d'asseoir l'autorité légitime sur les bases inébranlables, fondées sur les principes éternels que la nature a gravés dans le cœur de l'homme;
« Pénétrée d'admiration pour ces hommes rares et l'élite d'une nation sensible et généreuse, qui, ne comptant pour rien les travaux inséparables des fonctions augustes auxquelles ils sont appelés, ne s'occupent uniquement qu'à procurer aux générations futures une sage et heureuse constitution, qui puisse fixer à jamais le bonheur après lequel nous avions vainement soupiré, '
« A arrêté de députer vers cette auguste Assemblée son recteur et ses olficiers généraux, pour lui présenter l'hommage de son respect, et l'assurer des efforts qu'elle fera constamment pour inspirer à la jeunesse qui lui est confiée, les sentiments de la plus vive reconnaissance, dont elle est elle-même pénétrée, et pour la diriger selon les principes qu'elle aura établis.
« Elle rappellera sans cesse à la mémoire de ses * élèves les noms et les bienfaits des illustres représentants de la nation, pour exciter en eux la noble émulation, source de toutes les vertus, dont ils sont les modèles.
« Signé: Delneup, ex-recteur, « (JiRAULT de Koudon, greffier. »
répond : Messieurs, l'Assemblée nationale, après avoir achevé J'oeuvre importante de la régénération de cet empire, ne croirait encore avoir rempli que très-incompléte-ment la tâche qu'elle s'est imposée, si, par un plan d'éducation nationale, elle ne trouvait le moyen de pénétrer avec nécessité la jeunesse, du respect dû aux droits de la nation, de la soumission aveugle due à la loi, de l'obéissance et de la fidélité dues au monarque. C'est alors qu'elle pourra se flatter d'avoir assuré son ouvrage en liantje sort des générations futures à la sagesse de ses décrets.
Elle ne doute pas, Messieurs, que l'université de Paris ne serve ses intentions patriotiques avec le zèle qu'elle a fait voir jusqu'ici dans l'enseignement des lettres; elle reçoit aujourd'hui ses hommages avec satisfaction.
Plusieurs membres de MM. des bureaux desfinanceront été admis en députation, et ont dit : Nosseigneurs, admis à l'honneur de présenter à cette auguste Assemblée les respectueux hommages des bureaux des finances, nous voudrions pouvoir lui exprimer, avec une énergie digne d elle, tous les sentiments qu'ont gravés daus nos cœuis les vertus éminentes des illustres représentants de la nation.
Mais quand l'Europe entière admire la sagesse de leur conduite, la? fermeté de leur courage, et l'esprit public qui préside à leurs délibérations, il ne nous reste, comme citoyens, qu'à féliciter la patrie de voir son sort dans des mains à la fidélité desquelles le Roi même s'est abandonné pour le bonheur de ses sujets et la gloire du trône.
Comme magistrats, nous vous devons, Nossei- fneurs, compte de l'emploi de nos fonctions. ous remplirons ce devoir avec empressement. Vous pourrez connaître alors notre institution, vérifier les causes qui l'ont amenée, et celles qui en ont dénaturé le principe.
Les bureaux des finances ne se sont point formés de démembrements ou distraction de pouvoirs attribués originairement à aucun corps de magistrature: c'est la nation elle-même qui, à l'instant où elle a consenti l'impôt, a préposé à son exécution les généraux des finances.; ces officiers, réunis dans la suite aux trésoriers de France, administrateurs du domaine et de la voirie dès l'origine de la monarchie, ont composé les bureaux des finances.
La formation des cours auxquelles ces tribunaux ont été dans le principe unis et incorporés, a, détaché quelque partie de leurs anciennes fonctions, pour rendre plus actives celles que ces ofliciers continuèrent d'exercer privativement, soit auprès des Etats provinciaux, soit dans les administrations formées sous un autre régime, et dont ils rendaient compte à chaque tenue d'Etats généraux.
Depuis l'iuterruption de ces Etats, les agents de l'arbitraire leur ont porté des atteintes qui, sans doute, auraient été mortelles, sans Ja force de leur constitution.
Mais toujours placés, par l'inévitable effet de leur attribution, sur les traces des coopérateurs immédiats du ministère, ils ont sans cesse opposé le pouvoir judiciaire à l'abus du pouvoir dominant.
S'ils n'ont pu remplir toute l'étendue du mandat que leur avait donné la nation, ils se sont tenus, du moins, sur les anciennes bornes, pour les faire reconnaître un jour, et marquer l'espace que l'usurpation aurait franchi.
C'est à la plus grande, à la plus auguste des Assemblées nationales, que les bureaux des finances dénoncent les abus qui les ont forcés de laisser violer le dépôt qu'on leur a confié ; et ils la supplient de permettre qu'ils lui présentent un mémoire, contenant le développement des faits qui ont amené cette révolution.
Ce mémoire la mettra à portée de juger si leur compétence doit cesser dans le nouvel ordre de choses qui se prépare; si elle serait mieux placée dans d'autre corps de magistrature, ou si, au contraire, une meilleure combinaison dans ce
genre de tribunaux déjà fixés dans les chefs-lieux des généralités, ne serait pas plus utile.
Vous considérerez, sans doute, Nosseigneurs, que chaque province, administrant et régissant les finances, l'impôt, la voierie et la municipalité, doit avoir une branche de la puissance exécutive attachée à son administration, et que ces objets sont entrés dans l'organisation des bureaux des finances.
Ce n'est que ce grand intérêt d'ordre et de bien public, qui dicte aujourd'hui leurs très-humbles représentations : ces tribunaux ne peuvent priser leur existence qu'autant qu'elle sera utile et honorée de la confiance de la nation.
leur répond : Messieurs, les représentants de la nation, choisis, librement par elle, ne pouvaient jamais avoir d'autre désir que celui de concourir de tous leurs moments et de toutes leurs facultés au bonheur de leur patrie ; un Roi citoyen les y invite et s'unit à eux : dans cette patriotique intention, ils se flattent de réussir à cet important ouvrage, et de faire, par l'heureuse régénération de la constitution française, bénir, d'âge en âge, l'Assemblée nationale. Ils me chargent, Messieurs, de vous dire qu'ils agréent votre hommage et qu'ils en sont satisfaits.
L'Assemblée nationale examinera le mémoire que vous lui présentez, avec la profonde attention qu'elle portera toujours aux objets qui peuvent intéresser le bien de l'Etat.
ont été admis en députation.
M. le président, portant la parole, a dit :
Nosseigneurs, qu'il est beau de voir réunis dans ce sanctuaire auguste, ceux que la France entière a nommés ses représentants, c'est-à-dire les citoyens les plus vertueux et les plus éclairés, nés pour sa gloire et sa félicité !
Pénétré de cette vérité, moi surtout qui, l'un des électeurs de la ville de Paris, ai pu suivre de plus près les travaux de cette illustre Assemblée, combien je m'applaudis d'être auprès d'elle l'organe de ma compagnie !
Mais s'il est donné au cœur vraiment français, de sentir combien vous êtes précieux et chers à la nation, il n'est donc pas donné à l'homme de pouvoir exprimer ce sentiment du cœur, tel qu'il est I
Daignez donc, Nosseigneurs, avoir égard à la bonne volonté ; daignez agréer le profond respect et l'entier dévouement de l'élection de Paris, et permettez (jue nous laissions sur le bureau, tant l'arrêté qui nous a députés vers vous, qu'un imprimé ayant paur titre : Mémoires des officiers de l'élection de Paris à Nosseigneurs de l'Assemblée nationale.
Ils ont remis un mémoire imprimé et un arrêté dont suit la teneur :
Extrait du registre des délibérations de l'élection de Paris, du
« Aujourd'hui, la compagnie assemblée, considérant : 1° que son titre le plus glorieux est d'avoir pris naissance dans le sein des Etats généraux, dont l'Assemblée nationale est le complément; .2* que s'il appartient à l'Assemblée nationale de connaître comment tout tribunal^ quel ciu'ii soit, s'est acquitté des fonctions à lui confiées, les élections, qui tiennent leur mission
des Etats généraux, doivent plus spécialement que tout autre tribunal, un compte exact à l'Assemblée nationale, non-seulement de tout ce qu'elles ont fait, mais même de tout ce qu'elles ont été empêchées de faire; 3° que si, jusqu'à ce jour, par respect pour des moments consacrés aux travaux de la régénération de la nation française, elle a cru devoir différer à se présenter dans l'auguste Assemblée nationale pour lui offrir ses homrhages, elle ne peut plus longtemps résister à son impatience, et ne pas joindre ses sollicitations et ses vœux aux félicitations et aux vœux de la France entière :
« À arrêté qu'au plus tôt le premier président et MM. le lieutenant, l'assesseur, Delie, de la Dainte, Gary, Boullaye, d'Herbecourt, Sprote, La Carrière, avocat et procureur du Roi, se rendront à Versailles, présenteront à l'Assemblée nationale l'hommage de son profond respect et de son entier dévouement, lui exprimeront autant qu'il est possible, sa vive et sincère reconnaissance du zèle et des efforts vraiment patriotiques avec lesquels l'auguste Assemblée a commencé et continue le grand œuvre d'où dépend la félicité publique, et la supplieront de permettre qu'ils laissent sur le bureau, tant le présent arrêté, qu'un imprimé, ayant pour titre : Mémoire de l'élection de Paris à Nosseigneurs de l9Assemblée nationale.
« Ce fut fait et arrêté en la Chambre du Conseil, les jours et an que dessus. Signé : Marie, Beau-rain, Buisson,Delie, de la Dainte, Gervais, la Carrière, Gary, Sprote, Guillebon, Boullaye, Garan-deau, d'Herbecourt, Bridon, Garnier, Guérin, Auger et Marmotant.
« Signé : Diamy, greffier. Avec paraphe. »
répond: L'Assemblée nationale se fera rendre compte du mémoire qui lui est présenté par les officiers de l'élection de Paris ; elle en pèsera les motifs dans sa sagesse. Elle reçoit aujourd'hui vos hommages, et me charge de vous en exprimer sa satisfaction.
annonce à l'Assemblée que M. Necker demande à être admis pour lui présenter l'hommage de son respect et de sa reconnaissance. Cette annonce a été reçue avec des applaudissements réitérés.
est introduit, et lorsque les applaudissements lui permettent de se faire entendre, il dit:
Monsieur le président, je viens avec empressement témoigner à cette auguste Assemblée ma respectueuse reconnaissance des marques d'intérêt et de bonté qu'elle a bien voulu me donner. Elle m'a imposé ainsi de grands devoirs; et c'est en me pénétrant de ses sentiments et en profitant de ses lumières; qu'au milieu de circonstances si difficiles je puis conserver un peu de courage.
lui répond en ces termes : Monsieur, vous aviez, en vous éloignant des affaires, emporté l'estime et les regrets de l'Assemblée nationale : elle l'a consigné dans ses arrêtés ; et en exprimant ainsi Tes sentiments dont elle était pénétrée, elle n'a été que l'interprète de la nation.
Le moment de votre retraite a été celui d'un deuil général dans le royaume. Le lloi, dont le cœur généreux et bon vous est
connu plus qu'à qui que ce soit, est venu dans cette Assemblée s'unir à nous ; il a daigné nous demander nos conseils : nos conseils devaient être ceux de la nation ; ils étaient de rappeler à lui le ministre qui l'avait servi avectantdedévouement, de fidélité et de patriotisme. Mais déjà le cœur du Roi avait pris de lui-même ce conseil salutaire: et quand nous pensions à lui exprimer nos vœux, il nous remettait la lettre qui vous invitait à reprendre vos travaux ; il désirait que l'Assemblée nationale y joignît ses instances, et il voulait, pour gage"de son amour, se confondre encore avec la nation, pour rendre à la France celui qui en causait les regrets et qui en faisait l'espérance.
Vous vous étiez, en partant, dérobé aux hommages du peuple; vous aviez employé, pour éviter l'expression de son estime, les mêmes soins qu'un autre eût pris pour fuir les dangers de son mécontentement et de sa haine. Vous touchiez au moment où, après une longue et pénible agitation, vous alliez trouver le calme et le repos; vous avez connu les troubles qui agitaient ce royaume, vous avez connu les vœux ardents du Roi et de la nation ; et, sans vous aveugler sur l'incertitude des succès dans la carrière qui de nouveau s'ouvrait à vous, vous n'avez pensé qu'à nos malheurs ; vous vous êtes rappelé ce que vous deviez à la France pour l'attacnement et la confiance qu'elle vous donne; vous n'avez plus pensé à votre repos, et d'après vos propres expressions, vous avez, sans hésiter, préféré le péril aux remords.
L'empressement des peuples qui se portaient en foule sur votre route, la joie pure et sincère qu'a reçue le Roi de votre retour, les mouvements que fait naître votre présence dans cette salle où votre éloge était, il y a quelques jours, prononcé avec tant d'éloquence et entendu avec tant d'émotion, tout vous est garant des sentiments de la France entière. La première nation du monde voit en vous celui qui, ayant particulièrement contribué à la réunion de ses représentants, a le plus efficacement préparé son salut, et peut seul, clans ces moments d'embarras, faire disparaître les obstacles qui s'opposeraient encore à sa régénération. Quel homme avait droit de prétendre à une si haute destinée? lit quel titre plus puissant pouvait assurer la France de votre dévouement le plus absolu?
Peut-il donc être offert à la nation un présage plus certain de bonheur, que la réunion des volontés d'un Roi prêt à tout sacrifier pour l'avantage de son peuple, d'une Assemblée nationale qui fait à l'espoir de la félicité publique l'hommage des intérêts privés de tous les membres qui la composent, et d'un ministre éclairé qui, aux sentiments d'honneur qui lui rendent le bien nécessaire, joint encore la circonstance particulière d'une position qui le lui rend indispensable ?
Et quelle époque plus heureuse, Monsieur, pour établir la responsabilité des ministres, cette précieuse sauvegarde de la liberté, ce rempart certain contre le despotisme que celle où le premier c[ui s'y soumettra n'aura de compte à rendre à la nation que celui de ses talents et de ses vertus?
C'est après ce salutaire établissement, que vous avez sollicité vous-même, dont vous aurez été le premier exemple, que l'homme portant un cœur droit, des intentions pures, un caractère ferme, une conscience à l'abri de tout reproche, pourra, s'il est doué de quelque talent, aspirer ouvertement au ministère. Glorieux, alors de ridée qu'au-
cune action mauvaise, qu'aucune complaisance funeste, qu'aucune intrigue sourde ne pourront être dérobées au jugement delà nation, il bravera les inventions obscures de la haine et de l'envie, et portera dans son cœur l'heureuse confiance que la vérité est toujours plus forte et plus convaincante que la calomnie, quand l'une et l'autre ne peuvent élever la voix que devant une nation généreuse et éclairée.
C'est en vous soumettant aujourd'hui, Monsieur, à cette honorable épreuve, c'est en reprenant la place que vous avez consenti d'accepter, que 1 exercice de vos talents, que votre fidélité inviolable aux intérêts de la nation et du Roi, désormais indissolublement liés, sauront prouver à l'Europe, sans rétonner, combien étaient justes et les regrets publics, et l'allégresse universelle dont il appartenait à vous seul d'être l'objet.
Si, dans cette circonstance, il pouvait m'être permis de laisser échapper l'expression d'un sentiment qui ne m'est que personnel, jediraiscombien il m'est doux de lier l'époque glorieuse pour moi, d'une fonction honorable que je ne doisqu'à^ l'extrême indulgence de cette auguste Assemblée, et que je ne puis justifier que par mon zèle, à l'époque tant désirée de votre retour à un ministère que vous signalerez par votre attachement pour une constitution qui va bientôt assurer le bonheur de l'Empire.
L'Assemblée applaudit vivement le discours de M. le président; elle y trouve ses sentiments et ses principes exprimés avec tant de noblesse, de justesse, d'éloquence et d'énergie, qu'elle ordonne l'impression de ce discours, et son insertion dans le procès-verbal.
Une députation de la ville de la Flèche est admise à présenter à l'Assemblée nationale son hommage et son adhésion à tous ses arrêtés.
répond : L'Assemblée nationale reçoit les témoignages du respectueux dévouement de la ville de la Flèche, et elle me charge de vous en témoigner sa satisfaction.
Il est Jait lecture du procès-verbal de la séance du 28.
suppléant de M. Leblanc, député de Besauçon, décédô ces jours derniers, est admis.
termine la séance en annonçant que l'Assemblée se réunira en bureaux, ce soir et demain matin, à neuf heures.
Réunion dans les bureaux du
Les bureaux s'assemblent à neuf heures du matin.
Dans plusieurs bureaux, la discussion sur la déclaration des droits, ne donne lieu qu'à peu de réflexions.
Dans d'autres, les divers projets sont rejetés.
agite dans son bureau la question de savoir s'il ne faudrait pas établir, pendant la session de l'Assemblée, les états provinciaux, pour que ces nouveaux établissements, à l'ombre de l'Assemblée nationale, pussent se consolider et résister aux révolutions qui affaiblissent et lut-
tent souvent contre des corps dont l'organisation est à peine perfectionnée.
premier député du Vendômois, appuie l'opinion de M. Duport, il se récrie contre la cfrainte que quelques membres témoignent sur ia trop longue session de l'Assemblée.
Pour suppléer à l'insuffisance des curés à portion congrue, et à la modicité de la fortune de quelques députés, on proposera incessamment de faire un payement. M. Pothée émet encore cette idée dans son bureau.
Voici une nouvelle déclaration des droits, quia été discutée dans les bureaux :
Projet de déclaration des droits de l'homme et du citoyen, par M. de Servan, avocat au parlement de Grenoble.
1° Toute société civile est le produit d'une convention entre tous ses membres, et jamais celui de la force ;
2° Le contrat social, qui constitue la société civile, n'est it ne peut être que l'union de tous pour l'avantage de chacun;
3° Ce qui convient au bien commun ne peut être déterminé que par la volonté générale, qui est la seule loi.
4° Nul membre de la société civile n'est obligé d'obéir à d'autre autorité qu'à celle de la loi;
.5° La loi, par rapport à la société civile, n'étant que la volonté générale, la puissance législative appartient originairement ,à tous;
6° Lors même que cette puissance ne peut être convenablement exercée par tous, elle ne peut être irrévocablement exercée par un ;
7° La puissance législative ne peut être confiée par la natiou à des représentants que sous des conditions exactement relatives à l'objet de l'établissement de toute société civile;
8° L'objet de la société civile peut se réduire à la liberté civile, laquelle est le pouvoir que le citoyen a d'exercer ses facultés dans toute l'étendue qui n'est pas interdite par la loi;
9° Les facultés du citoyen se réduisent à disposer de ses pensées, de sa personne et de ses propriétés;
10° Toute vraie législation n'est qu'un système de lois qui doivent se rapporter et tendre à la liberté civile, comme à leur centre commun;
11° Les lois politiques ou constitut.ves conduisent à la liberté civile, lorsque la puissance législative est instituée de manière à connaître et vouloir le bien public, et lorsque la puissance exécutive, ne manquant jamais de pouvoir pour faitre obéir aux lois, en est toujours privée pour les violer.
Les lois civiles conduisent à la liberté civile, lorsqu'après avoir borné l'usage indéfini de la propriété, sous tous les points seulement qui touchent au bien public, elles abandonnent le reste à la raison dechaque+iomme.
Les lois criminelles se rapportent à la liberté civile, lorsque tout homme peut agir sans craindre un châtiment injuste, et lorsque tout homme coupable peut être jugé sans craindre un châtiment excessif.
Les lois religieuses sont conformes à la liberté civile, lorsque, prescrivant dans la morale des actions utiles à tous, elles ne gênent la liberté des hommes, par le dogme et par le culte, qu'autant que ce dogme et ce culte sont nécessaires pour affermir les principes de la morale.
Enfin les lois, surtout de l'opinion, maintiennent la liberté civile, lorsque, dans les actious où les lois positives n'ont rien voulu prescrire, chacun se dirige vers le bien public par la loi seule de l'opinion, qui châtie par la honte et récompense par l'estime.
12° D'après ces principes, dans toute société civile légitimement gouvernée, tout citoyen doit être libre de communiquer et publier ses pensées sur les objets qui ne sont point interdits par les lois-
Tout citoyen doit être libre de disposer de sa personne, de ses actions, de toutes les manières que les lois n'ont pas défendues.
Tout citoyen sera libre de jouir de sa propriété dans toute l'étendue que les lois lui auront laissée.
13° Les droits de l'homme et du citoyen deviendraient illusoires dans la société civile, si tous les membres ne veillaient en commun à leur maintien ; et tous, par conséquent, doivent être libres de former des Assemblées nationales, soit par eux-mêmes, soit par leurs représentants, pour veiller à la conservation de leurs droits.
La liberté de former des Assemblées nationales doit être regardée comme un seul garant de la liberté civile.
Séance du
La séance publique est ouverte à sept heures du scir.
annonce que M. l'abbé de Damas, député de Saint-Pierre-le-Moutier, obligé de se retirer pour cause de santé,, prie l'Assemblée générale d'agréer son suppléant.
dit que M. de iMaissemy, maître des requêtes, chargé de la librairie, lui annonce qu'un paquet considérable, sous l'adresse de l'Assemblée nationale, est arrivé à Calais, et qu'il le fera passer incessamment.
On lit le résultat du recensement des voix pour la formation du comité des rapports, et celui dès informations.
Suivent les listes des membres qui les composent.
Comité des rapports.
MM.
Le comte de Tessé.
Grangier.
Salomon.
Alquier.
Le baron de Marguerites.
Le marquis de Fumel.
Le comte de Grillon.
L'évêque de Saint-Flour.
Le chevalier de Boufflers,
Regnier.
Prugnon.
L'abbé d'Eymar.
Le comte a Antraigues.
Le duc de ViJlequier,
Lavie,
MM.
Gros.
De Beaumetz.
Le duc de Praslin.
Le prince de Broglie.
Yvernault.
Bévière.
Chaillon.
Babey.
Regnaud de Saintonge.
Ducellier.
Dinoch&M, Lenoir de Laroche.
De Tracy.
Arnoult.
L'abbé de Montesquiou»
MM. le duc de Praslin, président.
L'évêjue de Saint-Flour, vice-président,
Regnaud de Saintonge, secrétaire.
Salomon, secrétaire.
Comité d'information.
MM.
Duporf.
L'évêque de Chartres.
Le duc de la Rochefoucauld.
Gleizen.
Freteau.
Tronchet.
MM.
Rewbell. Dandré.
Le comte de Virieu.
Camus.
Rouche.
Petiou de Villeneuve,
déjà nommé pour le premier comité, a observé que le règlement ne permettait pas d'être simulianément de deux comités, et il a été remplacé dans le premier par M. Yvernault.
Un membre du comité des rapports a rendu compte de plusieurs lettres, mémoires, plaintes et demandes adressés à l'Assemblée nationale. Ces diverses pièces, d'après l'indication du rapporteur, ont été renvoyées devers les comités respectifs.
On fait lecture d'un procès-verbal envoyé par les officiers municipaux de Dun, avec une adresse. La municipalité de Dun voyant passer dans ses murs des voitures chargées d'effets, qu'on disait appartenir à M. le prince de Lambesc, a cru voir quelque chose de suspect dans cet envoi; elle a jugé qu'il convenait d'arrêter ces voitures, et en effet elle les a arrêtées. Elle a dressé son procès-verbal qu'elle a envoyé à l'Assemblée nationale avec une adresse.
Après quelques débats, l'Assemblée juge que cette affaire regarde le ministre, et le renvoi en est ordonné.
propose d'arrêter qu'il y aura chaque jour, le dimanche excepté, une séance générale, sans préjudice de la tenue des bureaux qui se formeront toutes les fois qu'il sera nécessaire. — Cette motion est très-débattue.
On observe que le règlement, adopté hier, a fixé deux séances générales par semaine, et arrêté que les bureaux s'assembleront tous les jours, pour discuter les objets qui devraient être traités dans les Assemblées générales. On ajoute que les Assemblées par bureaux sont çliïs utiles, parce que 1rs discussions y sont plus paisibles, et que les lumières s'y communiquent plus facilement.
voit au contraire dans les Assemblées par bureaux plus d'inconvénients que d'avantages. Dans les Assemblées peu nombreuses, dit-il, les différences réciproques affaiblissentjes opinions ; au contraire, dans les grandes Assemblées, les âmes se fortifient, s'électrisent; les noms, les rangset les distinctions n'y sont comptés pour rien; chacun dans les Assemblées générales se regardera comme une portion du souverain dont il est le représentant.
Ces deux opinions partagent longtemps les esprits. M. le président observe que, d'après le pè-glement, une motion ne peut pas être décidée dans la séance même où elle a été faite; en conséquence, il la renvoie à demain. La séance est levée.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin.
On a fait lecture des adresses de la ville de Mussy-JL'Evéque, des officiers de la sénéchaussée de Clermont-Ferrand, des échevins de la ville de Saint-Paul en Artois, des mayeurs et échevins de celles de Bapaume, de Rédon en Bretagne, de Sé-sanne en Brie, d'Issengeaux en Vélay, de Saint-Méan, de Tarascon, de Grignan ; des communes de Domfront, d'Angoulême, de Quintin en Bretagne, d'Ayguières ; des commissaires des communes d'Aix, de Vitré, et du corps des procureurs de la même ville; de Chauny, de la société littéraire de Braye, de Dunkerque ; des communes de Cha-taigneraye en bas-Poitou, du Saint-Esprit, de Saint-Etienne en Forez, et de la ville de Metz. Ces diverses adresses renferment les témoignages de respect, de reconnaissance envers cette Assemblée, et l'adhésion la plus entière à tous ses arrêtés. On a lu de plus une lettre écrite à M. le président, par M. Guffroy, député des Etats d'Artois, dans laquelle il déclare qu'il est chargé par sa province de présenter à l'Assemblée nationale l'expression des mêmes sentiments; l'adresse des officiers municipaux de la ville de Vernon, où ils expriment la joie qu'ils éprouvent de l'heureux accord qui régne entre le monarque et l'Assemblée nationale, et la félicitent sur le succès de son zèle et de sa fermeté; et d'autres adresses du même genre de la ville de. Valognè, de celle de Montcontour; des commissaires des Etats du Dauphiné, de la ville de Saint-Paul-Trois-Châ-teaux, de la ville de Montélimart,' de Bar-sur-Aube, de Moyenwic, et enfin, une lettre de félicitations et un arrêté de la Chambre des comptes de Grenoble.
a déclaré crue ses commettants ont prononcé la révocation ues clauses impératives de ses pouvoirs, et s'en sont rapportés à son zèle.
On a fait lecture d'une délibération de la noblesse du bailliage d'Auxerre, qui accorde la même confiance à ses représentants.
On a fait aussi lecture d'une adresse et d'une délibération des habitants de la ville de Sarlat en Périgord, qui expriment leurs hommages respectueux et leur reconnaissance pour l'Assemblée nationale, eîtpar lesquelles ils déclarent qu'ils renoncent à l'abonnement de la taille, qui leur a été accordé par Charles VII, et confirmé par ses successeurs, en récompense de leur zèle et de leur fidélité.
On a lu les procès-verbaux des deux dernières séances.
a dit que, sur les deuxheures du matin, un courier envoyé par l'hôtel-de-ville de Paris,
lui a remis une lettre par laquelle on lui annonçait que la présence et le discours de M.
Necker avaient porté les représentants de la commune à donner des ordres pour que
M.deBezenval,arrêtépar la milice de Villenauxe,
a ajouté crue, dans sa réponse, il avait demandé qu'on lui fît passer des nouvelles plus récentes, pour l'heure à laquelle l'Assemblée devait se réunir; que sur les huit heures du matin, il a appris, par une seconde lettre de l'hôtel-de ville, que les représentants de la commune, pour empêcher les malheurs dont on était menacé, ont révoqué les ordres donnés pour laisser aller en Suisse le sieur de Bezenval, et pris les précautions nécessaires pour s'assurer de cet officier, jusqu'à ce que l'Assemblée nationale ait statué sur sa détention; et que les électeurs ont déclaré qu'en exprimant un pardon en faveur des ennemis de la ville de Paris, ils n'ont pas entendu prononcer la grâce des criminels de lèse-nation , mais annoncer que désormais les citoyens ne voudront agir et punir que par les lois.
a invité l'Assemblée à délibérer sur cet objet pendant le cours de la séance.
M membre du clergé. 11 ne faut pas s'étonner si la paix ne règne plus dans Paris : la facilité avec laquelle on a accordé à M. Necker la grâce d'un coupable n'a pu produire qu'un effet funeste.
L'Assemblée nationale a demandé la paix, et elle a été refusée. Comment a-t-on pu se flatter que le crédit d'un particulier pourrait obtenir davantage ?
Vous trouverez bon, qu'à l'observation que l'on vient de vous faire je ne réponde rien; mais, pour toute justification d'un ministre que vous avez comblé de bontés, je ne vous demande que la seule permission de lire le discours qu'il a prononcé hier à Paris.
M. Necker s'est exprimé en ces termes en s'adressant à M. Bailly, à M. de Lafayette et aux cent vingt-cinq représentants de la commune de Paris, assemblés à l'hôtel de ville pour le recevoir : « Je manque d'expressions, Messieurs, pour vous témoigner, et en votre personne à tous les citoyens de Paris, la reconnaissance dont je suis pénétré. Les marques d'intérêt et de bonté que j'ai reçues de leur part sont un bienfait hors de toute proportion avec mes faibles services; et je ne puis m'acquitter que par un sentiment ineffaçable. Je vous promets, Messieurs, d'être fidèle à cette dernière obligation, et jamais devoir ne sera plus doux ni plus facile à remplir.
« Le Roi, Messieurs, a daigné me recevoir avec la plus grande bonté, et m'assurer du retour de sa confiance la plus entière. Mais aujourd'hui, Messieurs, c'est entre les mains de l'Assemblée na- • tionale, c'est dans les vôtres que repose le salut de l'Etat ; car en ce moment il ne reste presque
S lus aucune action au gouvernement. Vous donc, essieurs, qui pouvez tant* et par la grandeur et par l'importance de la ville dont vous êtes les notables citoyens, et par l'influence de votre exemple dans tout le royaume, je viens vous conjurer de donner tous vos soins à rétablissement de l'ordre le plus parfait et le plus durable.
Rien ne peut fleurir, rien ne peut prospérer sans cet ordre; et ce que vous avez déjà fait, Messieurs, en si peu de temps, annonce et devient un garant de ce que vous saurez achever. Mais jusqu'à ce dernier terme, la confiance sera incertaine, et une inquiétude générale troublera le bonheur public, éloignera de Paris un grand nombre de riches consommateurs, et détournera les étrangers de venir y verser leurs richesses. Enfin Paris, cette célèbre cité, Paris, cette première ville de l'Europe, ne reprendra son luxe et sa prospérité qu'à l'époque où l'on y verra régner cette paix et cette subordination qui calment les esprits, et qui donnent à tous les hommes l'assurance de vivre tranquilles et sans défiance sous l'empire des lois et de leur conscience.
« Vous jugerez, Messieurs, dans votre sagesse, s'il n'est pas temps bientôt de faire cesser ces persécutions multipliées auxquelles on est soumis avant d'arriver à Paris, et que l'on commence à éprouver à une très-grande distance de la capitale. Il est juste de s'en rapporter à cet é;j;ard à votre prudence et à vos lumières. Mais les amis de la prospérité publique doivent désirer que les abords de Paris rappellent bientôt au commerce et à tous les voyageurs que cette ville est, comme autrefois, le séjour de la paix, et qu'on peut de tous les bouls du monde y venir jouir avec cette confiance et liberté du génie industriel de ses habitants et du spectacle de tous les monuments que cette ville renferme dans son sein et que de nouveaux talents augmentent chaque jour.
« Mais, Messieurs, c'est au nom du plus grand intérêt que je dois vous entretenir un instant d'un sentiment qui remplit mon cœur et qui l'oppresse. Au nom de Dieu, Messieurs, plus de jugements de proscription, plus de scènes sanglantes! Généreux Français, qui êtes sur le point de réunir à tous les avantages dont vous jouissez depuis longtemps, le bien inestimable d'une liberté sage, ne permettez pas que de si grands bienfaits puissent être mêlés à la possibilité d'aucun reproche-Ah ! que votre bonheur pour devenir encore plus grand soit pur et sans tache I surtout conservez, respectez même dans vos moments de crise et de calamité ce caractère de bonté, de justice et de douceur qui distingue la nation française, et faites arriver le plus tôt possible le jour de l'indulgence et de roubli.
« Croyez, Messieurs, en ne consultant que votre cœur, que la bonté est la première de toutes les vertus. Hélas nous ne connaissons qu'imparfaitement cette action, celte force invisible qui dirige et détermine les actions des hommes 1 Dieu seul peut lire au fond des cœurs et juger avec sûreté, juger en un moment de ce qu'ils méritent de peine ou de récompense. Mais les hommes ne peuvent rendre un jugement, les hommes surtout ne peuvent ordonner la mort de celui à qui le ciel a donné la vie, sans l'examen le plus attentif et le plus régulier.
« Je vous présente cette observation, cette demande, cette requête, au nom de tous les motifs capables d'agir sur les esprits et sur les âmes; et j'espère de votre bonté que vous me permettez d'appliquer ces réflexions générales ou plutôt l'expression de ces sentiments si vifs et si profonds, à une circonstance particulière et du moment. Je dois le faire d'autant plus que si vous aviez une autre opinion que la mienne, j'aurais à m'excuser d'un tort auprès de vous, dont je dois vous rendre compte.
« Mardi, jour de mon arrivée à Paris, j'appris à
Nogent que M. le baron de Bezenval avait été arrêté à Villenauxe, et cette nouvelle me fut confirmée par un gentilhomme seigneur du lieu, qui, sans connaître particulièrement M. de Bezenval, mais animé par un sentiment débouté, fit arrêter ma voiture pour me témoigner son inquiétude et me demander si je ne pouvais pas être en secours à M. le baron de Bezenval qui était parti pour la Suisse avec permission du Roi.
« J'avais appris la veille les malheureux événements de Paris et le sort infortuné de deux magistrats accusés et exécutés rapidement. Mon âme s'émut, et je n'hésitai point à écrire de mon carrosse ces mots-ci à MM. les officiers municipaux de Villenauxe :
« Je sais positivement, Messieurs, que M. de Bezenval, arrêté par la milice de Villenaux, a eu permission du Roi de se rendre en Suisse dans sa patrie. Je vous demande instamment, Messieurs, de respecter cette permission dont je vous suis garant, et je vous en aurai une particulière obligation. Tous les motifs qui affectent une âme sensible m'intéressent à cette demande. M. de *** veut bien se charger de ce billet que je vous écris dans ma voiture, sur le grand chemin de Nogent à Versailles.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Ce
« J'ai appris, Messieurs, que ma demande n'a point été accueillie par MM. les officiers municipaux de Villenaux, parce qu'ils vous avaient écrit pour recevoir vos ordres. Eloigné de Paris pendant les malheureux événements qui ont excité vos plaintes, je n'ai aucune connaissance particulière des torts qui peuvent être reprochés à M. de Bezenval ; je n'ai, jamais eu de relations de société avec lui. Mais la justice m'ordonne de lui rendre, dans une affaire importante, un témoignage favorable. Il était commandant pour le Roi dans la généralité .de Paris où, depuis deux à trois mois, il a fallu continuellement assurer la tranquillité des marchés, protéger des convois de grains ; il était donc nécessaire d'avoir continuellement recours au commandant détenu maintenant à Villenauxe ; et quoique, dans l'ordre ministériel, j'aurais dû m'adresser au secrétaire d'Etat de la guerre, qui aurait transmis les demandes du ministre des finances au commandant des troupes, M. de Bezenval m'écrivit fort honnêtement que cette marche indirecte pouvant occasionner de Ja lenteur dans le service public, il m'invitait à lui donner des instructions directes, et qu'il les exécuterait ponctuellement. J'adoptai cette proposition, et je ne puis rendre trop de justice au zèle et à l'activité avec lesquels M. de Bezenval a répondu à mes désirs, et j'ai remarqué constamment qu'il réunissait de la modération et de la prudence à l'activité militaire, en sorte que j'ai souvent eu occasion de le remercier de ses soins et de son attention soutenue. Voilà, Messieurs, ce qui m'est connu de ce général, en ma qualité d'homme public.
« Je dois vous dire ensuite, de la part du Roi, que Sa Majesté honore depuis longtemps cet officier de ses bontés. Je ne sais de quoi il peut être accusé auprès de vous ; mais soumis aux lois de la discipline militaire, il faudrait peut-être des titres d'accusation bien formels pour l'empêcher de retourner dans sa patrie ; et comme étranger, comme membre distingué d'un pays avec lequel la France a depuis si longtemps des relations d'alliance et d'amitié, vous aurez sûrement pour M. de Bezenval tous les égards qu'on
peut espérer d'une nation hospitalière et généreuse. Et puisque ce serait déjà une grande punition que d'amener à Paris, comme criminel ou suspect, ira officier général étranger qui retourne dans son pays avec la permission du Roi, j'ose vous prier.de considérer si vous ne pourriez pas vous borner à lui demander à Villenaux les éclaircissements dont vous pourriez avoir besoin, et la communication de ses papiers, s'il en avait. C'est à vous, Messieurs, à considérer si vous devez exposer ce général étranger aux effets d'aucun mouvement dont vous ne pourriez pas répondre. Car, distingués comme vous êtes, Messieurs, par le choix de vos concitoyens, vous voulez sûrement être avant tout les défenseurs des lois et de la justice ; vous ne voulez pas qu'aucun citoyen soit condamné, soit puni, sans avoir eu le temps de se faire entendre, sans avoir eu le temps d'être examiné par des juges intègres et impartiaux. C'est le premier droit de l'homme ; c'est le plus saint devoir des puissants ; c'est l'obligation la plus constamment respectée par toutes les nations- Ah ! Messieurs, non pas devant vous qui, distingués par une éducalion généreuse, n'avez besoin que de suivre les lumières de votre esprit et de votre cœur, mais devant le plus inconnu, le plus obscur des citoyens de Paris, je me prosterne, je me jette à genoux pour demander que l'on n'exerce, ni envers M. de Bezenval, ni envers personne, aucune rigueur semblable en aucune manière à celles qu'on m'a récitées. La justice doit être éclairée, et un sentiment de bonté doit encore être sans cesse autour d'elle. Ces principes, ces mouvements dominent tellement mon âme, que si j'étais témoin d'aucun acte contraire, dans un moment où je serais rapproché par ma place des choses publiques, j'en mourrais de douleur, et toutes mes forces au moins seraient épuisées.
« J'ose donc m'appuyer auprès de vous, Messieurs, de la bienveillance dont vous m'honorez. Vous avez daigné mettre quelque intérêt à mes services, et dans un moment où je vais en demander un haut prix, je me permettrai pour la première, pour la seule fois, de dire qu'en effet mon zèle n'a pas été inutile à la France. Ce haut prix que je vous demande, ce sont des égards pour un général étranger, s'il ne lui faut que cela; c'est de l'indulgence et de la bonté, s'il a besoin de plus. Je serai heureux par celte insigne faveur, en ne fixant mon attention que sur M. de Bezenval, sur un simple particulier; je le serais bien davantage si cet exemple devenait le signal d'une amnistie qui rendrait le calme à la France, et qui permettrait à tous les habitants de ce " royaume, de fixer uniquement leur attention sur l'avenir, affn de jouir de tous les biens que peuvent nous promettre l'union du peuple et du souverain, et l'accord de toutes les forces propres à fonder Je bonheur sur la liberté, et la durée de cette liberté sur le bonheur général. Ah ! Messieurs, que tous les citoyens, que tous les habitants de la France rentrent pour toujours sous la garde des lois. Cédez, je vous en supplie, à mes vives instances, et que par votre bienfait ce jour devienne le plus heureux de ma vie et l'un des plus glorieux qui puissent vous être réservée. »
La lecture du discours de M. Necker est interrompue par de fréquents applaudissements.
La discussion s'ouvre sur cet objet. j
. Je crois que les troubles qui agitent la capitale tiennent à l'opinion qu'elle a conçue de l'arrêté des électeurs. Elle a cru qu'elle J
pardonnait aux ennemis de la France. Mais ce n'est là qu'une erreur dont il faut arrêter la propagation. La ville de Paris n'a fait qu'annoncer qu'elle renonçait à se faire justice elle-même. 11 ne s'agit donc que de donner une explication qui calmera tout Paris.
Voici un projet d'arrêté :
« L'Assemblée nationale arrête que, quoique la capitale se soit honorée en déclarant que le peuple ne se ferait plus justice à lui-même des coupables de lèse-nation, elle persiste dans ses précédents arrêtés ; qu'elle entend poursuivre la punition des coupables devant un tribunal qui sera établi par la commission dont r\ssemblée ne cesse de s'occuper. »
On annonce une députation du district des Blancs-Manteaux : elle est introduite.
l'un des présidents du district, porte la parole :
Messieurs, un événement important nous amène aux pieds de cette auguste Assemblée. La capitale semblait n'avoir plus rien à désirer, et le calme y devait être rétabli à jamais. Elle avait eu le bonheur de vous recevoir ; elle avait reçu son Roi. Hier, le ministre qu'elle attendait si impatiemment était venu mettre le comble à sa joie. Cette troisième journée, si belle, si touchante, a été l'une de celles où les esprits ont été le plus agités. Ils le sont encore; et c'est auprès de vous que nous venons chercher le remède à cette fermentation... Si tout Paris avait entendu M. Necker, avait été témoin de son émotion, avait vu couler ses larmes, tout Paris aurait fait un décret solennel des sentiments de ce grand ministre. Les électeurs, au nom de la cité, ont prononcé une amnistie générale. Leur arrêté a produit l'impression la plus terrible. Des crimes ont été commis ; les lois en réclament la punition ; et tout à coup un pardon général est annoncé ; il l'est au nom de lous les citoyens, par des citoyens sans mission. Ce même peuple qui, dans un jour, est passé de la servitude à la liberté, n'a pu se prêter à la révolution soudaine qu'on voulait opérer sur son esprit... Il n'a pas reconnu, dans cet arrêlé des électeurs, le caractère- de la loi ; il n'y a pas vu l'expression de votre volonté, qui était et qui est que les coupables soient recherchés, jugés et punis. Tel est l'esprit def vos derniers décrets, et le respect qu'ils inspirent au peuple se joint, dans son esprit, à la haine qu'il conserve encore contre ses ennemis quoique vaincus, et il a fait éclater ses plaintes contre cet arrêté. Alors nous avons pensé que le plus sûr moyen de calmer ?es agitations était de nous plaindre nous-mêmes, de lui faire voir qu'il avait des défenseurs, et nous avons pris l'arrêté que nous vous apportons... Nous sommes rassurés par la pureté de nos intentions. Le besoin de la paix, la nécessité de ramener à l'instant la tranquillité publique, l'influence que vous exercez sur la France entière, nous ont déterminés dans nos démarches.
Ces députés remettent ensuite sur le bureau un arrêté de leur district, par lequel ils désavouent celui des électeurs, et déclarent s'en rapporter, sur la recherche des coupables et leur imnition, à ce qui a déjà été décrété par l'Assemblée nationale.
à la députation. L'esprit du bien public et de la justice anime l'Assemblée nationale depuis qu'elle est formée; c'est lui qui a dicté tous ses arrêtés; bt quel autre peut animer les représentants de la nation? C'est celui qui
va présider encore à la délibération qu'elle va prendre sur le récit que vous venez de lui faire, et sur la question importante que vous venez de soumettre à sa sagesse.
Le plus sûr moyen de rétablir le calme dans Paris est de rassurer le peuple sur la punition des délits publics ; pour cet effet, il faut donner une connaissance officielle de l'arrêté du 28 à l'Assemblée de i'hôtel-de-ville et au peuple. Votre improbation calmera le peuple, et i'hôtel-de-ville apprendra à se contenir dans les bornes de son devoir.
parle ensuite. Son opinion est fondée sur les mêmes principes que celle de M. Camus.
Je ne m'oppose pas à ce qu'on envoie aux districts de Paris l'arrêté du 28, qui porte établissement d'un comité des recherches, pour raison des délits contraires à la sûreté de l'Etat. Mais pour rétablir le calme dans Paris, vous ne devez pas abandonner les principes sacrés qui protègent la sûreté personnelle. Les crimes commis contre la nation doivent sans doute être poursuivis, mais la poursuite n'en appartient à aucune ville, à aucune province en particulier; c'est un devoir qui ne peut appartenir qu'à la nation ou à ceux qui la représentent.
Aucun emprisonnement, par suite de ces délits, ne peut être fait que sur votre réquisition. Quand même la poursuite ne vous en appartiendrait pas exclusivement, je demande s'il peut être permis d'emprisonner un citoyen, à moins qu'il ne soit pris en flagrant délit, ou qu'étant également accusé, il y ait contre lui des preuves suffisantes pour qu'on ait intérêt à s'assurer de sa personne! Vainement parlerait-on des clameurs publiques; ces mots sont très-mal entendus. La clameur publique, qui peut seule autoriser un emprisonnement, est celle qui poursuit le coupable au moment où il vient et où on Ta vu commettre le crime. Si, par clameur publique, on entend un bruit populaire, des soupçons vagues, quel citoyen pourra désormais compter sur cette liberté publique et personnelle que nous sommes chargés de défendre?
Quelque purs que soient les motifs, quelque entraînants que soient les mouvements oratoires qui ont déterminé hier la démarche de I'hôtel-de-ville et des électeurs, il nous est impossible de l'approuver:
Le mot de pardon, l'ordre de relâcher M. de Bezenval, sont impolitiques et également répré-hensibles. Nous-mêmes n'avons pas le droit de prononcer une amnistie. Accusateurs naturels de tout crime public, instituteurs présumés du tribunal destiné à le poursuivre, nous ne pouvons ni punir ni absoudre; nous faisons les lois, nous ne les appliquons pas; nous poursuivons les grands coupables, et par cela même nous ne les jugeons pas. Nous pouvons bien retirer notre accusation, si elle nous paraît dénuée de preuves, mais nous ne pouvons pas innocenter celui que la notoriété publique désigne comme coupable, ni priver aucun individu, aucune corporation du droit de le poursuivre. Le pouvoir de faire grâce, tant qu'il existe, réside éminemment dans la personne du monarque; je dis tant qu'il existe, parce que c'est une grande question quededéter-miner si ce pouvoir de faire grâce peut exister, dans quelles mains il résidera s'il existe, et si les
crimes contre les nations devraient jamais être remis. Je ne prétends pas même effleurer ces questions; je ne les ai pas encore assez étudiées; il ne s agit point de cela aujourd'hui : il suffit que le droit de faire grâce nous soit étranger.
Il nous est plus étranger encore dans cette occasion que dans toute autre. A Dieu ne plaise que j'aggrave la situation de M. de Bezenval! Il est arrêté, il est suspect, il est malheureux; autant de raisons de m'abstenir; mais vous avez déclaré les chefs militaires responsables des événements. M. de Bezenval est accusé par la notoriété publique ; et une municipalité, un hôtel-de-ville, une ville auraient pu donner des ordres pour le relâcher, pour l'innocenter; pour le soustraire à la justice publique! Non, Messieurs ; puisque nous-mêmes ne le pouvons pas, aucune corporation particulière n'a ce pouvoir.
Il nous est donc impossible d'approuver sous aucun point de vue une démarche inconsidérée qui a excité dans Paris une fermentation très-naturelle, et, j'ose le dire, très-estimable. Si même je ne regardais pas les électeurs comme d'excellents citoyens, si je ne songeais pas aux services essentiels* qu'ils ont rendus dans des moments orageux, je vous prouverais que les dissentiments élevés entre les électeurs et les districts sont un des levains les plus actifs de cette fermentation de la capitale; je vous répéterais ce que j'ai déjà eu l'honneur de vous dire, que les électeurs se sont prévalus de la manière dont vous les aviez accueillis, qu'ils en ont conclu que leurs prétentions vous paraissaient fondées, et qu'il est impossible de dissimuler, de plâtrer plus longtemps cet état de choses ambigu et contradictoire. Je vous dirais enfin que les districts n'ont pas oublié leurs droits, qu'ils font tous les jours des réclamations plus fermes et plus persévérantes, et que, pour prévenir les suites des dissentiments, il faut que l'Assemblée nationale prononce, si les électeurs ne se retirent pas d'eux-mêmes.
L'objet des lois est de maintenir la tranquillité publique; tant qu'elles sont en vigueur le peuple se repose sur leur garde ; il attend en silence la vengeance des lois coutre les auteurs de ses maux ; mais si les lois ne sont plus en vigueur, chaque citoyen prétend alors avoir le droit de se venger lui-même, et de là les troubles de la capitale.
Celui qu'elle éprouve dans ce moment vient de ce que le peuple craint que les lois ne soient muettes contre ceux qu'il croit coupables. Un acte dicté contre un acte qu'on n'a pu blâmer a renouvelé ces craintes, détruites par vos sages délibérations sur la foi desquelles le peuple se reposait.
Rassurons-le sur ces craintes; assurons-le que la loi se charge de sa vengeance et le calme renaîtra.
Voici mon projet d'arrêté :
« L'Assemblée nationale, persistant dans ses précédents arrêtés, relatifs à la poursuite qui appartient à la nation contre les auteurs de ses malheurs, ordonne que les arrêtés en date des... seront publiés, affichés dans la capitale, et envoyés dans toutes les provinces du royaume. »
Un membre se plaint du grand nombre des motions ; il dit qu'il faut les présenter les unes après les autres. De là il vient à l'objet de la délibération ; il prouve que les électeurs n'avaient aucun pouvoir, ni celui de pardonner, ni celui de punir, puisqu'ils n'avaient aucune juridiction, ni celui
de publier 5 son de trompe, ni celui de faire afficher, pour rendre la liberté à des prisonniers ; il adopte la motion de M. Target, et rejette l'amendement de M. le comte de Mirabeau.
Je ne me défends pas ici de l'enthousiasme qu'ont éprouvé MM, les électeurs ; mais dès que ce moment est passé, l'on doit se rallier aux principes. Je dirai donc que les électeurs ne pouvaient ni déclarer un pardon qu'ils n'avaient pas le droit de prononcer, puisqu'ils ne sont rien, ni encore moins déclarer ennemis ceux qui troubleraient l'ordre, puisqu'ils n'ont qu'un pouvoir usurpé ; leur qualité d'électeurs dit assez qu'ils ont consommé leurs, droits. A l'égard de l'hôtel de ville, c'est là que résident les véritables représentants de la nation. Ils ont été nommés légitimement ; ils sont les vrais dépositaires de l'intérêt des communes de la capitale. Cependant elle n'a pas eu le droit d'envoyer un courrier pour l'élargissement de M. de "Bezenval. Paris n'a aucune autorité sur un territoire étranger à ses limites.
Et d'ailleurs, depuis que vous avez établi un comité de recherches, vous êtes liés par vos principes; la municipalité ne l'est pas moins. Vous avez décidé qu'il serait fait des informations sur tous les coupables ; or, en voulant soustraire ce prisonnier à nos poursuites, elle a commis une faute. Croit-on que, pour calmer le peuple, il faille faire sa censure?
Ce n'est pas tout. Pour être sûr du prisonnier, il ne faut pas s'abandonner à la lenteur des voies ordinaires ; la dénonciation ne peut être faite que par la partie civile ou parle ministère public. Ici, il n'y a ni l'un ni l'autre; il y a bien davantage : j c'est" la dénonciation faite par la nation entière.
Rien ne prouve mieux la sagesse de vos arrêtés. Si la capitale les avait respectés elle ne serait pas aujourd'hui que décombres et un vaste cimetière. Le peuple et la voix de la justice ont demandé vengeance ; vous avez aussitôt élevé une espèce de tribunal pour recevoir des informations.
Les électeurs auraient dû se conformer à vos arrêtés, et ne pas faire grâce, quand vous appelez la rigueur des lois sur la tête des coupables.
Nous n'avons pas oublié cette journée fameuse du 14 juillet, où les électeurs nous ont annoncé qu'ils avaient intercepté plusieurs lettres criminelles, surtout la lettre de M. de Bezenval au gouverneur de la Bastille. Et maintenant ce sont ces mêmes électeurs qui, après avoir désigné le coupable, vous l'avoir offert en quelque sorte, s'empressent de le retirer de vos mains ! Nous n'avons rien autre chose à faire que de blâmer leur conduite,
II ya longtemps que nous considérions le peuple français s'indignant de son esclavage, brisant ses fers, renversant la citadelle du despotisme, se livrer à des excès que la misère et les oppresseurs avaient rendus bien légitimes ; mais bientôt il est revenu à ses premiers sentiments d'humanité et de douceur.
Pourquoi maintenant reprendrait-il les premiers accès de sa fureur? Tout est consommé, ses dangers se sont évanouis avec ses craintes et avec ses ennemis. Je me disais: peut-être est-il trompé, peut-être exagère-t-on ses malheurs; ce peuple si doux ne devient aujourd'hui cruel que parce qu'il est dans l'erreur. Sans doute il verra que si la clémence d'un prince est touchante, celle d'un
peuple est le plus beau spectacle que l'on puisse offrir à l'univers.
Mais aujourd'hui toutes ces espérances sont évanouies; les électeurs ont révoqué ce généreux pardon, et on ne peut que le regretter. Vous pourriez, dans la délibération que vous allez prendre, le rappeler ; nous devons même cette marque de courage au ministre qui revient parmi nous et à tous ceux qui pourraient encore être trompés.
J'ai entendu parler de rivalités de pouvoirs ; ces rivalités exigent souvent le sacrifice de la justice; c'est entre ces prétentions de l'orgueil que l'on froisse la vie des hommes. J'ai vu que l'intérêt de parti s'élevait sur l'intérêt général ; c'est à la sagesse de l'Assemblée à arrêter un pareil désordre.
Dussé-je être encore dénoncé au peuple, dont j'ai défendu les intérêts aux dépens même des miens, je ne crains pas d'adopter la motion de M. Target, et d'y apporter comme amendement la déclaration de M. Mounier.
le jeune. Le plus grand des crimes est d'attenter à la liberté publique; nous avons été au moment même d'en devenir victimes; mais tous les complots ont échoué ; nous en avons témoigné notre ressentiment; le peuple s'est armé, le sang a coulé ; c'était celui des coupables.
Ces exemples terribles ont intimidé le reste de nos ennemis; les uns ont échappé à notre ressentiment, les autres ont trouvé des supplices avant de trouver des juges. Les lois sont les ministres de la volonté du peuple; quand le peuple agit, il n'a plus besoin de leur organe. Dans ce moment, toutes les villes se sont mises sous la garde de la municipalité.
Aujourd'hui, Messieurs, nous ne sommes plus en danger ; nous pouvons tranquillement promulguer les droits éternels de la souveraineté française, et les droits ineffaçables de l'homme. Un des premiers droits de la nation est de punir les coupables ; mais il en est un plus touchant, celui de faire grâce.
Représentants de la nation, nous sommes assez puissants pour exercer ses vengeances ; serions-nous impuissants pour exercer sa clémence ? En, guerre, les hostilités cessent avec elle. Ces principes sont même ceux du détestable Machiavel.
Je suis loin d'atténuer les crimes de nos persécuteurs ; mais nos progrès sont si rapides, nous nous sommes avancés avec tant de célérité vers le terme de la liberté, qu'on dirait que, depuis le moment d'où nous sommes partis, il s'est écoulé des siècles.
Il est des esprits qui n'ont pu vous suivre dans cette marche si subite ; il faut les laisser derrière nous. Pardonnons-leur d'être restés dans des siècles de barbarie et d'ignorance, comme on pardonne à la folie et à la démence. Marquons donc cette heureuse époque, marquons-la en donnant à notre justice les sentiments même de la générosité et de la modération qui doivent honorer notre siècle.
Enfin, nous devons porter nos regards sur un homme que ses talents nous ont rendu à jamais recommandable. Son départ a été le signal du meurtre ; son retour sera celui de la clémence et de la bonté.
Je réclame dans toute leur rigueur les principes qui doivent soumettre les hommes suspects à la nation à des jugements exemplaires. Voulez-vous calmer le peuple? par-
lez-lui le langage de la justice et de la raison. Qu'il soit sûr que ses ennemis n'échapperont pas à la vengeance des lois, et les sentiments de justice succéderont à ceux de la haine.
professent les mêmes principes et les mêmes sentiments. Tous regardent le projet d'arrêté de M. Target comme suftisant.
Un membre de VAssemblée dit que la municipalité de Paris a envoyé une députation au Roi, et que cette députation doit se présenter ensuite devant l'Assemblée nationale. Il observe qu'il convient de suspendre toute délibération sur l'affaire agitée, afin de profiter des renseignements que donneront les députés de Paris.
La délibération est suspendue en attendant son arrivée.
On reprend la discussion de la motion faite hier par M. Bouche, qui demandait qu'il y eut tous les jours une assemblée générale.
Apres quelques débals, il est décidé qu'il y aura une séance générale tous les matins, et que les bureaux s'assembleront tous les soirs
Une députation de la commune de Paris, ayant à sa tête M. Bailly, est entrée ensuite.
a prononcé le discours suivant : Messieurs, les représentants de la commune de Paris viennent vous apporter le tribut de leurs respects, vous remercier des soins que vous avez pris pour rétablir la paix dans Paris, et pour obtenir du Roi le rappel d'un ministre vertueux ; ils viennent un moment se réunir à cette nation dont ils font partie. Quel spectacle intéressant et nouveau pour nous, que celui de la nation assemblée! Ici sont ses défenseurs; ici bientôt seront ses régénérateurs. Vos arrêtés, fermes et courageux, mais toujours justes et sages, ont vaincu les ennemis de la patrie, ont fait au milieu de leurs manœuvres odieuses éclore la liberté publique ; et cette liberté, qui est due à votre cons-tauce, va être assurée par votre sagesse. Nous venons, Messieurs, adhérer à tous vos arrêtés, au nom de la ville de Paris. Ses citoyens ont admiré votre vertu, et ont imité votre courage.
Je suis aujourd'hui témoin de leur admiration, comme je l'ai été de votre fermeté. Le bonheur a voulu que j'appartinsse à cette auguste Assem--blée, que je fusse choisi pour présider la commune et représenter la ville de Paris. C'est vous, Messieurs, qui m'avez désigné à mes concitoyens qui me ramènent aujourd'hui dans votre sein. Heureux d'être dépositaire de vos sentiments réciproques, de me voir au milieu de vous, de me rappeler avec sensibilité les jours que j'ai passés auprès de vous, heureux surtout de pouvoir dire que je dois tout à vos bontés !
Un autre membre de la députation a rendu compte de ce qui s'était passé pendant la nuit dernière, et a fait lecture des divers arrêtés qui ont été pris par les électeurs et les représentants de la commune. Ces arrêtés ont été remis sur le bureau : ils sont de la teneur suivante :
c Sur le discours vrai, sublime et attendrissant de M. Necker, l'assemblée, pénétrée des sentiments de justice et d'humanité qu'il respire, a arrêté que le jour où ce ministre si cher et si nécessaire a été rendu à la France doitêtreun jour de fête; en conséquence, elle déclare au nom de tous les habitants de la capitale, certaine de n'être pas
désavouée, qu'elle pardonne à tous ses ennemis, qu'elle proscrit toute acte de violence contraire au présent arrêté, et qu'elle regarde désormais comme les seuls ennemis de la nation ceux qui troubleraient par aucuns excès la tranquillité publique; en outre, que le présent arrêté sera lu au prône dans toutes les paroisses, publié à son de trompe dans toutes les rues et carrefours, envoyé à toutes les municipalités; et les applaudissements ipi'il obtiendra feront reconnaître les bons Français.
« Signé du président, de tous les secrétaires et de tous les électeurs. *
« D'après la fermentation produite par le bruit répandu, de l'ordre donné pour que le sieur de Bezenval, officier général, puisse passer en Suisse, et la réclamation de plusieurs districts, il est ordonné à MM. de Corberon et Monluleau, ou autre porteur de l'ordre de le laisser passer, de s'assurer au contraire de sa personne, de ne rien négliger pour la recouvrer, si elle n'est pas entre leurs mains ; de la tenir sous bonne et sûre garde, au lieu où ils la trouveront, et d'en donner avis sur-le-champ à l'Assemblée générale des représentants de la commune, pour être statué ce qu'il appartiendra.
« Fait le
« Signé : MoREAU de saint-méry, de la VlGNE, Delairay, Samaria, Trutat, Grandin, Buisson, Provot. »
« L'Assemblée, sur la réclamation de quelques districts, expliquant, en tant que de besoin, l'arrêté par elle pris ce matin sur le discours et la demande de M. Necker, déclare qu'en exprimant un sentiment de pardon et d'indulgence envers les ennemis, elle n'a point entendu prononcer la grâce de ceux qui seraient prévenus, accusés et couvaincus de crimes de lèae-nation, mais annoncer seulement que les citoyens ne voulaient désormais agir et punir que parles lois, et qu'elle proscrivait en conséquence, comme lé porte l'arrêté, tout acte de violence ou d'excès qui troublerait la tranquillité publique; et cet arrêté peut d'autant moins recevoir d'autre interprétation, que l'Assemblée dont il est émané n'a jamais cru ni pu croire avoir le droit de rémission.
« Signé: De la Vigne, MoreaudeSaint-Méry, président, et Chignard, vice-secrétaire.
a répondu :
Messieurs les députés de Paris, Monsieur Bailly,
Vous avez été témoins des efforts de l'Assemblée nationale ; vous savez combien son vœu continuel n'a d'objet que le salut public, auquel elle tend par ses travaux : la justice que lui rend la municipalité de Paris, sortie de votre bouche, ajoute à la satisfaction qu'elle en reçoit, et lui rend plus agréable encore de voir dans son enceinte les représentants des communes de la capitale.
Messieurs, l'Assemblée nationale a cru devoir suspendre un moment les importants travaux qui cependant intéressent le royaume entier, pour s'occuper de la question quf vous amène ici. A l'annonce de votre députation, elle a même suspendu sa délibération prête à se terminer, afin de ne laisser échapper aucune des lumières qui pourraient éclairer la sagesse de son jugement; instruite de nouveau par vous, elle va reprendre sa délibération. Elle se borne dano cet iustant à
recommander à votre vigilance et à votre patriotisme le soin d'établir et d'entretenir le calme dans la capitale, et ne peut qu'applaudir à vos vues d'ordre et de sagesse. C'est à vous, Messieurs, choisis par vos concitoyens, à exercer cette essentielle fonction, et je suis sûr de prononcer le vœu de l'Assemblée entière, en saisissant cette occasion de vous féliciter du choix honorable que vous avez fait de celui de nos confrères, que vous avez placé à la tête de votre commune, et qui rend si difficile l'honneur de lui succéder dans une place qu'il a remplie avec tant de distinction.
La députation sort, et on continue la discussion.
blâme la conduite des électeurs, en disant que quand il s'agit d'une conspiration contre l'Etat, il faut poursuivre les coupables; qu'écouter alors les sentiments d'indulgénce, c'est compromettre la chose publique.
dit que M. de fiezenval est retenu par un pouvoir illégal; que l'Assemblée, qui n'est que législative, ne peut statuer à cet égard;que c'est le moment de relever le pouvoir exécutif, et que cette affaire doit lui être renvoyée.
Le calme est revenu dans Paris lorsque le peuple vit l'établissement d'un comité de recherches ; sa fureur s'est ranimée lorsque l'amnistie a été accordée par les électeurs. Le souvenir des événements doit diriger vos démarches ; la clémence a ses moments : sans doute, plus on est puissant, plus il est beau de faire grâce. On ne pardonne pas aux infractions d'un grand intérêt. Les électeurs ont excédé évidemment leur pouvoir. J'adopte sur ce point la motion de M. Target : mais la cause publique a été violemment attaquée; vous avez arrêté que les agents du pouvoir seraient responsables.
Le 14, on a intercepté deux lettres, l'une, signée de M. de Bezenval, au gouverneur de la Bastille. Vous seriez inconséquents, si vous ne reteniez sa personne qui doit être mise sous sûre garde. Il faut déclarer que, jusqu'au jugement, il sera sous la protection de la loi.
ajoutent d'autres observations.
L'Assemblée a adopté ensuite un arrêté dans la forme suivante :
c L'Assemblée nationale déclare qu'elle approuve l'explication donnée par les électeurs de Paris à leur arrêté pris le matin du 30 juillet ; que si un peuple généreux et humain doit s'interdire pour toujours les prescriptions, les représentants de la nation sont strictement obligés de faire juger etpu-nir ceux qui seraient accusés et convaincus d'avoir attenté au salut, à la liberté, et au repos publics : en conséquence l'Assemblée nationale persiste dans ses précédents arrêtés relatifs à la responsabilité des ministres et agents du pouvoir exécutif, à l'établissement et d'un tribunal qui prononcera, et d'un comité destiné à recueillir les indications, instructions et renseignements qui pourront lui être envoyés.
« L'Assemblée nationale déclare, en outre, que la personne du sieur baron de Bezenval, si elle est encore détenue, doit être remise en lieu sûr, et sous une garde suffisante, dans la ville la plus prochaine du lieu où il aura été arrêté, et que qui que ce soit ne peut attenter à la personne dudit sieur baron de Bezenval, qui est sous la garde de la loi. »
j La séance a été terminée à quatre heures du soir, et renvoyée à demain, neuf heures du matin.
Séance du er août 1789
À l'ouverture de la séance ont été lues des adresses de Béziers, Sarreguemines, lssoire, Gon-carneau, Coutances, Châteaudun, Saint-Amand-sous-Montrond, Bauge, Béthune, Pernesen Artois, Saint-Mi hiel, Baud en Bretagne, du bourg d'Aousle, des comtés de Leyssin et Chamilin en Dauphiné, des trois ordres de Moutbrison et d'Uzès, des commissaires des trois ordres du ressort de la gouvernance de Lille, un procès-verbal d'assemblée des trois ordres de Marseille, avec une adresse des maires, échevins, magistrats, notables et électeurs représentant la commune*de Besançon, des trois ordres de Marvejols en Gévaudan, de la ville de Pont-à-Mousson, présentée par M. Viardi ; elle annonce que cette ville a fait faire des quêtes employées à diminuer le prix du pain en faveur des pauvres; des directeurs et syndics de la province d'Aunis, remise par M. Griffon ; de Roma-gne et Alquiers, de Briey, remise par M. Duques4--noy; d'Ancenis, remise par M. Giraud-Duplessé ; d'Ëpeneî, province du Dauphiné; du Petit-Paris dans la sénéchaussée d'Angers ; une seconde de la ville d'Angers, un arrêté du parlemeut de Grenoble, qui expriment des sentiments d'actions de grâces envers le ciel, de félicitation envers l'Assemblée nationale, et d'adhésion à ses arrêtés.
Cette lecture a été suivie de celle du procès-verbal de la séance de la veille.
Il est fait rapport des pouvoirs vérifiés de M. Demandre, curé de Saint-Pierre, député du clergé de Besançon, en place de M. Millot, chanoine de Sainte-Madeleine de la même ville, qui s'est démis pour raison de santé. M. Demandre est admis.
communique à l'Assemblée une lettre des officiers municipaux de la ville du Havre. Ils annoncent que le 26 du mois dernier, un particulier, sous le nom de Chevalier, négociant, était allé présenter son passeport, et en avait demandé un autre pour son fils. Cette démarche parut suspecte ; on fit des recherches, et on découvrit que M. Chevalier, négociant, était M. le duc de la Vauguyon, qui passait en Angleterre avec son fils. Invité à déclarer pourquoi il avait caché son nom, il répondit qu'avant obtenu du Roi la permission de voyager, il avait cru prudent, dans ce moment d'anarchie et de fermentation, de cacher son nom ; que son intention était de passer en Angleterre, pour de là se rendre à Ostende. Ces deux voyageurs ont été arrêtés pour être gardés jusqu'après la réponse de l'Assemblée nationale.
L'on ne prend aucune décision sur ce point, attendu que cet objet concerne le pouvoir
exécutif, et cette affaire a été renvoyée à M. le comte de Montmorin.
Quelques membres font des représentations contre l'abus de l'admission des députations, qui faisaient perdre à l'Assemblée un temps précieux qu'elle devait aux travaux de la constitution.
propose que dorénavant il n'en soit plus reçu, pour que l'Assemblée puisse s'occuper constamment et sans nulle distraction de la régénération du royaume.
propose une séance extraordinaire destinée à recevoir et entendre les députations des villes.
fait la motion qu'attendu l'importance des objets dont l'Assemblée doit s'occuper, et qui ne lui permettent pas de s'en distraire, il soit arrêté que, passé le 8 de ce mois, il ne sera plus reçu de députation ; et que les villes, bourgs, municipalités, autres corps et citoyens seront invités à donner à l'Assemblée connaissance de leurs affaires et pétitions par des mémoires.
Plusieurs membres, entre autres MM. Fréleau, Pétion et Desmeuniers, parlent successivement sur cette question, soit pour, soit contre la motion.
Voici ma proposition : « S'occuper constamment et sans aucune distraction de la constitution, telle qu'elle doit être dans un Etat monarchique, sans qu'il soit besoin d'aucune déclaration des droits de l'homme. »
Cet arrêté, qui décidait une des plus impor tantes questions, et qui ne devait avoir pour objet que d'en décider de très-légères et même assez indifférentes, est rejeté à l'unanimité.
en présente un autre :
« Toutes les séances du matin seront exclusivement destinées à la constitution, quelques affaires qui puissent être présentées, quelque intéressantes qu'elles soient, sauf cependant, si M. le président et le comité des rapports le jugent nécessaire, à en accorder de particulières; arrêté en outre qu'aucun membre de l'Assemblée ne pourra aller sans une mission spéciale, dans aucun district, pour en faire ensuite le rapport. » (Quelques applaudissements.)
s'élève contre ces projets d'arrêté. Il observe qu'aucun arrêté ne défendant les députations, il faut les recevoir jusqu'à ce que l'Assemblée en ait décidé autrement.
Je n'aurais pas cru nécessaire de combattre la proposition de l'honorable membre, si, en dépit du règlement et de la raison, elle n'avait été accueillie par quelques applaudissements tumultueux. (A Tordre! à l'ordre! s'écrient quelques voix.) Je suis à l'ordre, puisque je réclame le règlement. Il défend de donner des signes bruyants d'approbation ou d'improbatron, et certes nous prouvons chaque jour que la règle est sage, puisque les contradictoires sont applaudis, et que la méthode des improbations inarticulées établit un véritable ostracisme et nuit à la liberté des discussions.
Mais, pour revenir à la question, je demande
lequel de nous, en recevant l'honneur d'être nommé représentant de la nation, a pensé abdiquer les devoirs ou les droits de citoyen. Je demande si, parce que nous sommes éminemment les surveillants de la chose publique, nous pouvons être privés du droit de concourir individuellement à l'organisation de ces détails dans nos municipalités ; je demande comment on peut interdire à ceux d'entre nous qui ont leur domicile à Paris de porter leurs lumières et leurs vœux dans leurs districts, de remplir les devoirs de simples citoyens, s'il leur est possible, en même temps que les fonctions d'hommes publics. Je demande enfin quelle œuvre est plus digne d'un membre de cette Assemblée, que de chercher, de j concert avec ses concitoyens, une forme muni-j cipale qui facilite la perfection de tous les détails, soulage le Roi, ses serviteurs, l'Assemblée natio-I nale, et promette à Paris des avantages si grands, si importants, si multipliés, que je ne puis y I livrer mon imagination sans une espèce de ravissement.
Certes, l'Assemble nationale ne peut qu'applau-I dir à de tels travaux; il serait aussi coupable de 1 craindre que peu prudent de provoquer de sa ! part dès ordres qui leur fussent contraires ; d'ailleurs, elle saurait bientôt qu'aux bornes de la raison se trouvent les bornes de son empire, et que le véritable ami de la liberté n'obéit jamais aux décrets qui la blessent, de quelque autorité qu'ils émanent, s
Quanta la proposition de ne plus admettre les députations des provinces, j'espère qu'elle ne peut pas même être mise en question. Nous n'avons pas plus le droit que le désir de refuser les avis, les consultations, les communications de nos commettants; et s'il pouvait s'élever dans notre j sein de telles prétentions, l'opinion publique les | aurait bientôt mises à leur place.
garde le silence, et sa motion n'a aucun succès.
Je distingue deux députations; les unes qui sont des députations d'hontieur, soit pour adhérer aux arrêtés, soit pour portera l'Assemblée des témoignages de respect; les autres des députations d'affaires. Les premières, je propose de les recevoir deux fois par semaine, mais de renvoyer absolument les secondes au comité des rapports.
Cette opinion paraît avoir beaucoup d'approbateurs.
appuie la motion de M.Pison du Galland.
Il rappelle les services importants de la capitale ; la nécessité de recevoir sa députation; les circonstances difficiles où elle se trouve.
On donne lecture du projet d'arrêté de M. Pison du Galland.
Le voici:
« Recevoir les imputations présentes, et faire un arrêté poriant que l'importance des affaires dont l'Assemblée s'occupe, ne lui permettant pas de s'en distraire un seul moment, elle ne recevra plus de députation particulière passé le 8 de ce mois, et quelle invite les villes, bourgs, municipalités et autres corporations à ne lui donner connaissance de leurs vœux et de leurs affaires que par un mémoire. »
Il s'élève encore de vives réclamations contre cet arrêté.
Le règlement porte que toute motion ne sera
mise en délibération que le lendemain, excepté dans les cas urgents.
demande la lecture du règlement: on la donne.
On décide que le cas est urgent, et cependant la discussion recommence.
On répète les distinctions do députations d'honneur et de députations d'affaires.
On rappelle ensuite les différentes motions contraires à celles de M. Pison.
On élève même une seconde difficulté : le règlement porte que toute motion qui renferme deux objets sera divisée.
On réclame l'exécution du règlement sur ce point.
appuie cette réclamation ; il dit que l'on a reçu jusqu'ici les députations, qu'on doit en recevoir encore ;
Que sans le courage des Parisiens, l'Assemblée n'existerait peut-être pas, et que c'est au moins unedéférence que l'Assemblée doit leur témoigner.
La matière est mise en délibération.
Premier amendement :
L'Assemblée veut-elle diviser la motion?
Cet amendement est rejeté.
On propose un second amendement ainsi conçu:
Que les députations d'honneur seront reçues deux fois par semaines, et celles d'affaires renvoyées au comité des rapports.
Ce second amendement est également rejeté.
La motion de M. Pison du Galland passe à la majorité, en ces termes :
* L'Assemblée nationale, attendu l'importance de ses travaux qui exigent tous ses moments, a arrêtéque les députations présentes seront admises ainsi que celles qui se présenteront jusqu'au 8 du présent mois seulement ; en conséquence, elle invite les bourgs, villes et villages, les municipalités et autres corps, à lui donner connaissance de leurs vœux et des affaires qu'ils croiront devoir lui communiquer, par la voie du comité des rapports, qui en référera à l'Assemblée. »
Après cet arrêté, la députation des représentants de la commune de Paris est introduite.
député suppléant de la noblesse, portant la parole, dit:
Messeigneurs, nommés par les représentants de la commune de Paris, pour avoir l'honneur de paraître devant cette auguste Assemblée, ce n'est qu'avec crainte que nous venons y remplir la mission qui nous est confiée.
Déjà depuis plusieurs jours une partie de nos délibérations a eu pour objet les divers événements qui ont troublé la ville de Paris; et si nous ne savions pas combien ses intérêts vous sont chers, combien ils importent à l'ordre universel du royaume, nous gémirions en silence sur notre position, et n'oserions pas vous détourner plus longtemps de la constitution que la France entière attend de l'Assemblée nationale.
Mais, Messieurs, pouvons-nous espérer que, nous accordant encore quelques instants, vous achèverez ce que vous avez commencé avec tant de succès pour la capitale? Le jour où vous avez sauvé notre liberté par votre courage, celui où votre présence nous a fait oublier nos malheurs, celui où enfin nos concitoyens ont revu les ministres dont vous aviez demandé le retour, de-
vaient être le signal de la paix et de la tranquillité publique.
Et cependant, Messieurs, peu s'en est fallu que la nuit d'avant-hier ne fût encore marquée par des désastres.
Le peuple redoutait l'évasion de M. de Bezenval ; vous l'avez rassuré par votre arrêté qui lui promet justice; la personne de cet officier général est détenue, quant à présent, à Brie-Comte-Robert. Vous déclarez que vous allez établir un tribunal.
Mais, Messieurs, les représentants de la commune de Paris osent vous supplier de ne pas tarder à remplir cette promesse; ils sont persuadés que cette mesure seule mettra fin à des excès dont les suites et l'habitude peuvent devenir si funestes; ils nous ont chargés de la solliciter de votre sagesse.
Les communes de Paris ont pu, avec tout le royaume, voir dans les décrets émanés de la sagesse de l'Assemblée nationale l'esprit de justice qui, voulant soustraire à des condamnations précipitées les personnes soupçonnées de crimes de lèse-nation, les soumet avec nécessité au jugement régulier d'un tribunal qu'elle doit indiquer, et qui fera partie intégrante de la constitution française.
L'Assemblée nationale croyait à présent ne pas pouvoir contribuer plus efficacement au retour du calme et de la paix, qu'en donnant sans interruption tousses moments au travail de cette constitution tant désirée par le royaume entier ; et que rendant à chacune des parties de ce grand corps politique l'exercice de pouvoirs qui lui appartiennent pour le bonheur de tous,e!leassurerait promp-tement la tranquillité et la prospérité de l'Etat.
Cependant, Messieurs, toujours occupée des moyens qui peuvent être jugés propres à ramener cette tranquilljté et cet ordre, et pensant que la ville de Paris doit en donner l'exemple, elle prendra en considération la question que les représentants de ses communes viennent lui soumettre.
On demande que la requête des représentants de la commune de Paris soit renvoyée au comité des rapports.
L'Assemblée en ordonne le renvoi.
Entre ensuite la députation des citoyens d'Orléans.
porte la parole: Nosseigneurs, les citoyens d'Orléans, au milieu des malheurs particuliers qui les affligent, n'ont pu perdre de vue qu'ils devaient à cette auguste Assemblée leurs respectueux hommages et l'expression de leur profonde reconnaissance.
Chaque jour, Nosseigneurs, couronnant par de nouveaux succès les efforts de votre courage et de votre patriotisme,ajoutait à notre impatience: et nous vous rendrions difficilement combien il nous coûtait de ne pouvoir satisfaire assez tôt le besoin le plus pressant de nos cœurs.
C'est par vos soins généreux que la France, délivrée pour toujours de la crainte du despotisme, gouvernée par des lois sages sous l'autorité du meilleur et du plus juste des rois, va devenir la plus respectable, la plus heureuse monarchie.
Qui pourrait, Nosseigneurs, prendre un intérêt plus vif à vosglorieux travaux, qu'une ville attachée à l'empire français dès son berceau, et dont les citoyens se glorifieront à jamais d'avoir sauvé le rovaumeque vous régénérez aujourd'hui?
Pour prix de leur service et du sang qu'ils ver-
sérent pour l'État, nos pères obtinrent alors des exemptions, des privilèges.
Un ministre oppresseur nouslesaravis dans ces derniers temps; et jamais cette injustice ne nous fut plus sensible que dans un moment où elle nous prive de la douce satifaction d'en faire à la patrie le sacrifice libre et volontaire.
Lorsque ce moyen particulier nous manque, lorsque nous n'avons à cet égard que des regrets à vous offrir, nous n'en sommes que plus jaloux, Nosseigneurs, de rendre cette auguste Assemblée dépositaire de notre adhésion à ses serments et à ses décrets; de lui protester que, dans tous les temps et dans toutes les circonstance, nos concitoyens ont été et seront constamment dans la plus ferme résolution d'en maintenir toute l'autorité, et d'en assurer la plus parfaite exécution.
Si ces sentiments, Nosseigneurs, avaient besoin d'être garantis, ils le seraient par ceux du prince citoyen dont les bienfaits sont notre consolation, et dont le patriotisme seconde si heureusement celui de cette auguste asemblée.
L'Assemblée nationale reçoit avec satisfaction l'expression des hommages et du respect de la ville d Orléans.
Est entrée la députation de la ville de Sens. Un des membres, portant la parole, a dit :
Nosseigneurs, faire revivre les droits constitutionnels de la nation française ; concilier avec prudence et sagesse les pouvoirs qui fixent l'étendue de l'autorité; prescrire en même temps l'empire de l'obéissance due au souverain; resserrer les liens qui rapprochen t le Roi de ses sujets; rendre impossible le moindre mouvement d'erreur de la part du peuple envers son Roi; prévenir les effels de toute calamité préparée par la cupidité, encouragée par l'impunité; mettre des bornes à la licence d'une liberté trop étendue, et souvent nuisible à la douceur de nos mœurs ; substituer une jurisprudence vsage et humaine à des lois trop sévères et trop compliquées; encourager le commerce; quel sublime travail! Quelles augustes fonctions! c'est en raccourci, Nosseigueurs, ce que la nation doit et devra à vos lumières, à votre courage, et à vos infatigables travaux. Déjà vos noms immortels et vos importantes opérations sont gravées au temple de mémoire.
La ville de Sens, dans une circonstance aussi glorieuse pour vous, et si"avantageuse à la nation, s'empresse de vous faire parvenir, par ses députés, le tribut de la vive reconnaissance qu'elle voue à des hommes si précieux à l'Etat; elle nous charge spécialement d'adhérer de la manière la plus formelle à tous les arrêtés cle cette auguste Assemblée; elle vous supplie en même temps d'agréer l'hommage de sa vénération, et de son profond respect.
répond: L'Assemblée nationale voit avec plaisir que la ville de Sens, de concert avec toutes les villes du royaume, rend justice à ses décrets ; elle me charge de vous en témoigner sa satisfaction.
Une députation de l'amirauté de Franeeest entrée.
lieutenant général de l'amirauté de France, a dit :
Monseigneur et Messeigneurs, l'amirauté de France, persuadée combien il est au-dessus de
ses forces de pouvoir rendre à cette auguste Assemblée un hommage digne de lui être offert, se serait renfermée dans les bornes d'une respectueuse admiration, si l'intérêt du commerce maritime ne l'avait encouragée.
La navigation est la plus grande preuve du courage des hommes; elle est le lien des nations; c'est elle qui nous amène avec abondance les richesses de l'univers : rien ne mérite autant d'une Assemblée qui, par la magnanimité de son courage, a semé le germe du bonheur de la France, que de protéger un commerce qui en fait l'éclat et la splendeur.
La félicité de nos concitoyens va naître désormais de vos lumières et de vos vertus.
Et la vôtre consistera à faire respecter les décrets de votre justice.
a répondu: Chargée de régénérer toutes les branches de l'administration du royaume, l'Assemblée nationale prendra en considération celle qui vous a été confiée, et portera ses soins sur la liberté, la sûreté et l'extension du commerce. Elle agrée avec satisfaction les hommages que l'amirauté de France lui présente.
Ces "diverses députations sont reconduites au milieu des applaudissements de l'Assemblée.
On reprend la discussion sur la constitution, par la question de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Elle est ainsi posée.
Mettra t-on ou ne mettra-t-on pas une déclaration des droits de l'homme et du citoyen a }a tête de la constitution ?
Plusieurs membres demandent la parole: le nom de chacun est inscrit sur une liste,' suivant le rang de sa demande; il s'en trouve 56 inscrits.
Je suis chargé, par mon bailliage, de réclamer une déclaration des droits de l'homme, qui serve de base à la j constitution et de guide pour tous les travaux de | l'Assemblée; cette déclaration, qui devrait être affichée dans les villes, dans les tribunaux, dans les églises même, serait la première porte par laquelle on doit entrer dans l'édifice de la constitution nationale. Un peuple qui a perdu ses droits, et qui les réclame, doit connaître les principes sur lesquels ils sont fondés, et les publier. Ce sont des vérités premières absolument nécessaires pour établir une constitution ; c'est de là, comme d'une source, que doivent découler les lois positives. Quelques personnes semblent redouter la publication de ces principes ; mais ne sait-on pas que la vérité n'a pas de plus grand ennemi que les ténèbres? Le peuple sera plus soumis aux lois lorsqu'il connaîtra leur origine et leurs principes.
député de Vendôme (1). Les Français demandent, les Français veulent une constitution libre ; mais avant de faire une constitution, il est nécessaire de déterminer le sens qu'il faut donner à ce mot, qui, comme tant d'autres, est devenu presque insignifiant, à force d'acceptions dont la plupart sont absolument différentes, et quelques-unes même contradictoires. ,
Il me semble que la constitution d'un peuple n'est pas une loi ni un code de lois, dites
improprement constitutionnelles; car l'établissement d'une loi ou d'un code de lois suppose
nécessairement quelque chose d'antérieur : il faut qu'un
11 me semble encore que la constitution d'un peuple ne peut avoir pour objet de fixer la manière de faire les lois et de les faire exécuter, parce qu'un peuple peut et doit changer tel ou tel mode de législation, tel ou tel mode d'exécution quand il le veut ; parce que, d'après ce principe du premier et peut-être du seul publiciste qui nous ait éclairés sur nos droits, que la constitution donne l'existence au corps politique, et que la législation lui donne le mouvement et la vie, on ne peut changer la constitution sans dissoudre la société, tandis que l'on doit toujours choisir entre les moyens d'agir ceux qui paraissent les plus propres à atteindre le but de toute société bien ordonnée, c'est-à-dire le bonheur de tous et de chacun des membres qui la composent; parce qu'entin l'objet de la constitution doit être d'assurer les droits individuels dont la réunion seule forme les droits de tous, tandis que les institutions ne doivent tendre qu'à subordonner les intérêts particuliers à l'intérêt générai (1).
Il me semble enfin que la constitution d'un peuple ne peut pas être un contrat entre ce peuple et son chef; je me contenterai d'en donner une raison : c'est qu'un contrat a pour objet de faire reconnaître par un des contractants les droits de l'autre, et réciproquement, afin qu'en cas de contestation, le magistrat puisse prononcer entre eux ; mais entre un peuple et son chef, il ne peut y avoir de juge, et par conséquent de contrat, puisqu'une des parties au moins pourrait l'annuler à chaque instant.
Si la constitution d'un peuple n'est pas une loi ni un code de lois, qu'il ne s'impose que successivement, qu'il peut faire ou ne pas faire, qu'il peut modifier, changer, abroger à sa volonté ; si ce n'est pas tel ou tel mode de législation ; si ce n'est pas l'institution d'un gouvernement dont il n'a besoin que pour faire exécuter les lois qu'il a faites, si entin ce n'est pas un contrat qui serait essentiellement nul (2); qu'est-ce donc que la constitution d'un peuple ? Il faut que je m'explique avant de répondre.
L'homme dans rétat de nature n'est ni libre ni esclave; il est indépendant, il exerce ses
facultés comme il lui plait, sans autre règle que sa volonté, sans autre loi que la mesure de
ses forces; en un mot, il n'a ni droits à exercer^ ni devoirs à remplir. La nature ne donne
rien d'inutile ; et si l'homme isolé avait des droits, contre qui et comment les
exercerait-il ? Hors de l'état de société, il n'y a ni personnes obligées, ni force publique,
ni gouvernement, ni tribunaux; mais il faut conclure de ce que je viens d'établir, que
l'homme
Ainsi l'homme isolé n'a point de droits; telle est la loi de la nature.
L'homme en société a des droits naturels et imprescriptibles; tel est l'axiome de la raison : des citoyens qui lès exercent forment un peuple libre ; des sujets qui ne les exercent pas ne sont qu'une troupe d'hommes enchaînés ou trompés.
C'est l'établissement de ces droits naturels et imprescriptibles, antérieurs aux lois qui n'établissent que des droits positifs ou relatifs, que j'appelle la constitution d'un peuple, et je ne crois pas que l'acte de cette constitution doive en énoncer d'autres.
On peut voir, par celte définition simple et vraie, que ce n'est pas une nouveauté que les Français demandent; que^tous les peuples ont la même constitution, tacite ou exprimée, parce qu'ils ont tous les mêmes droits ; qu'ils les tiennent de la nature, et qu'aucune puissance, aucune volonté n'ont pu les en dépouiller; que dans le cas même où ils ne les auraient jamais exercés, ils peuvent le faire aussitôt qu'ils le veulent; que si ces droits ne sont pas énoncés sur une Charte, ils sont gravés dans le cœur de citoyens s'ils sont libres, ils sont empreints sur leurs, fers s'ils sont esclaves ; qu'en lin, l'acte de la constitution du peuple français, exprimé d'après ces principes incontestables, serait nécessairement le code naturel de toutes Ie3 sociétés de l'univers.
On m'objectera sans doute que des exemples récents ont appris à étendre davantage le sens
du mot constitution. Je ne me contenterai pas de répondre qu'on a eu tort d'appliquer ce mot
à ce qui constitue comme à ce qui organise un peuple; mais je dirai que le principal vice des
constitutions modernes, est d'avoir établi, par le même acte, des droits de différente nature
; d'avoir cou-fondu ce qui donne l'existence au corps politique avec ce qui le conserve, en
un mot, la constitution du peuple dans le sens précis avec ses ins^ titutions (1). Des
citoyens accoutumés à regarder la constitution de l'Etat dont ils sont membres, comme le
palladium de leur liberté, et craignant qu'on ne cherche à l'anéantir sous prétexte de la
11 ne faut pas réfléchir longtemps pour se pénétrer de cette vérité ; il ne faut que considérer avec un peu d'attention les effets d'une constitution mixte chez un peuple voisin, pour en faire l'application.
J'ajouterai enfin qu'une constitution est vicieuse, lorsqu'au lieu de se borner à établir les droits d'un peuple, elle tend à gêner ce peuple dans l'exercice de ses droits : ce qui arrivera toujours lorsqu'on lui présentera comme constitutionnel ce qui n'est que d'institution, et comme nécessaire ce qui n'est que relatif.
Il me reste maintenant à chercher quels sont j les droits naturels et imprescriptibles dont i'ê- j nonciation doit seule, à ce qu'il me semble, faire i l'acte de la constitution d'un peuple : je n'aurai pas besoin d'employer de grands efforts ; il sont si connus, si évidents, que leur extrême simplicité est sans doute la seule raison qui ait pu décider à en imaginer d'autres.
Je trouve que ces droits sont précisément ceux qu il faut exercer pour établir ceux dont on nous a fait la longue énumération dans les différents projets qui ont été distribués jusqu'à présent ; je trouve que toute association étant volontaire, la volonté seule des associés peut déterminer leurs rapports; je trouve enfin que toute société existant par un pacte et no pouvant se conserver que par rétablissement et l'actiou des lois, les hommes en se réunissant se sont nécessairement imposé le devoir de se soumettre aux lois et de reconnaître l'autorité chargée de les faire exécuter, et ainsi ont naturellementetimprescriptiblemént acquis le droit de faire leurs lois, et de créer, conserver, circonscrire et déterminer l'autorité qui les exécute.
Tels sont les principes qui m'ont dicté le projet suivant :
« Les Français,considérant qu'il leur était impossible de s'assembler tous dans un même lieu et de se communiquer leurs intentions s'ils s'assemblaient dans des lieux différents, ont librement choisi dans chaque province ou dans chaque partie de province des mandataires (!) qu'ils ont envoyés à Versailles, pour les constituer en peuple (2) libre.
« Fidèles aux ordres de leurs commettants, dont ils exercent les droits et expriment les volontés, ces mandataires constitués en Assemblée nationale ont déclaré et déclarent à jamais :
« 1° Que la volonté du plus grand nombre étant la loi de tous, chaque citoyen a le droit de concourir à la formation des lois en exprimant son vœu particulier.
2° Que chaque citoyen doit être soumis aux
« 3° Que chaque citoyen a le droit de concourir à l'institution du pouvoir chargé de faire exécuter les lois.
« 4° Que chaque citoyen a le droit de demander la conservation ou l'abrogation des lois et des institutions existantes, et la création de lois et d'institutions nouvelles.
« 5° Que le pouvoir législatif et institutif appartenant essentiellement au peuple, chaque citoyen a le droit de concourir à l'organisation de tous les pouvoirs.
« 6°Que l'exercice de ce pouvoir peut ê!re confié à des mandataires nommés par les habitants de chaque province dans un nombre proportionné à celui aes commettants.
« 7° Que l'époq.ue de la tenue des Assemblées nationales, leur aurée ou la permanence même de l'une de ces Assemblées, ne peuvent être déterminées que par la volonté des citoyens, exprimée par eux ou par leurs mandataires.
« 8°Qu'aucuns impôts, sacrifices ni emprunls ne peuvent être faits, exigés, ni perçus sans le consentement du peuple.
« 9° Qu'enfin ces droits étant naturels, imprescriptibles, ils doivent être inviolables et sacrés ; qu'on ne peut y porter atteinte sans se rendre coupable du crime irrémissible de lèse-nation ; qu'appartenant indistinctement à tous les citoyens, ils sont tous libres, tous égaux aux yeux de" la loi, et qu'ayant tous les mêmes droits, ils ont aussi les mêmes devoirs et les mêmes obligations. »
C'est ainsi que je vois, que j'entends l'acte de la constitution d'un peuple, qu'il serait môme possible de simplifier encore : car il est certain que le droit de faire les lois et de n'être soumis qu'aux lois, comprend tous les autres, puisqu'une loi nouvelle peut toujours donner le'droit que l'on croit utile, et que l'abrogation d'une loi peut toujours anéantir le droit qui paraît nuisible; que le droit d'instituer et organiser le pouvoir exécutif est le plus sûr garant de l'exécution des lois ; qu'enfin des droits dont les autres droits émanent et qu'on peut exercer à volonté, sont l'équivalent de tous les droits existants et possibles.
Je ne crois pas qu il soit nécessaire de prouver d'une manière particulière que, lorsqu'on est certain de n'obéir qu'aux lois qu'on a faites ou consenties, on est parfaitement maître et de sa per^ sonne et de sa propriété.
Je conclus de tout ce que j'ai dit, qu'une déclaration de droits bien entendue (1) n'est pas autre chose que l'acte de la constitution du peuple, et que les actes par lesquels un peuple s'organise doivent former la constitution du gouver-vernement du peuple, si le mot propre d'institutions, dont je me suis servi, ne paraît pas assez expressif.
Comme je ne tiens pas aux mois, mais aux choses, je propose le projet qu'on vient de lire,
soit comme l'acte de la constitution du peuple français, soit comme une déclaration de
droits, soit enfin comme le préliminaire de la constitution du gouvernement du peuple.
Pour élever un édifice, il faut poser des fondements: on ne tire pas de-conséquences sans avoir posé (le principes; et avant de se choisir des moyens et de s'ouvrir une route, il faut s'assurer du but. Il est important de déclarer les droits de l'homme avant la constitution, parce que la constitution n'est que la suite, n'est que la lin de cette déclaration. C'est une vérité que les exemples de l'Amérique et de bien d'autres peuples, et que le discours de M. l'archevêque de Bordeaux ont rendue sensible.
Les droits dé l'homme en société sont éternels; il n'est besoin d'aucune sanction pour les reconnaître.
Ori parle d'adopter provisoirement cette déclaration ; mais croit-on qu'on pourrait la rejeter par la suite? Les droits de l'homme sont invariables comme la justice, éternels comme la raison; ils sont de tous les temps et de tous les pays.
Je désirerais que la déclaration fût claire, simple et précise; qu'elle fût à la portée de ceux qui pourraient le moins sentir.
Loin de nous ces détestables principes, que les représentants de la nation doivent craindre de l'éclairer I Nous ne sommes plus dans ces temps de barbarie où les préjugés tenaient lieu de raison. La vérité conduit au bonheur. Serions-nous ici si les lumières de la sagesse n'eussent dissipé les ténèbres qui couvraient notre horizon? En serions-nous enfin au point où nous en sommes?
Mais une déclaration des droits doit-elle s'en tenir à ce seul résultat ? C'est la première question : la seconde consiste dans la forme; il vous en a été présenté deux pour la déclaration; laquelle choisirez-vous ?
Pour abréger, pour simplifier, il serait nécessaire qu'il n'y eût pas autant de déclarations que d'individus. On pourrait prendre, par exemple, la déclaration de M. l'abbé Sieyès, et la discuter article par article.
Une autre question, non moins importante, est celle de savoir si la déclaration des droits sera raisonnée ?
Je me suis demandé à moi-même quels incoii: vénients cela pouvait produire.
11 est sans doute des vérités qui sont dans tous les cœurs, il n'est pas nécessaire de prouvera l'homme qu'il est libre; le sera-t-il plus quand on le lui prouvera ? Ce n'est là qu'une objection. Bien des peuples ignorent cette liberté, en ignorant l'étendue et les produits. Suivons l'exemple des Etats-Unis ; ils ont donné un grand exemple au nouvel hémisphère ; donnons-le à l'univers ; présentons-lui un modèle digne d'être admiré.
Pour me résumer, je voudrais une déclaration des droits motivée; que l'on en prît une pour modèle dans toutes celles qui nous ont été présentées; qu'elle fut méditée, discutée dans le silence et dans les bureaux, pour être ensuite discutée dans l'Assemblée générale.
Placera-t-on à la tête de la constitution la déclaration des droits de la société? Voilà la question qui doit nous occuper en ce moment.
Nous sommes appelés à fixer la constitution. Comment peut on se persuader qu'en se livrant à l'examen d'une déclaration des droits de i'bpmme,
c'est s'écarter du travail principal auquel nous sommes appelés?
Je pense que le contraire est facile à prouver ; c'est remplir le vœu de nos commettants, c'est remplir la moitié des fonctions qu'ils nous ont confiées, que de faire cette déclaration des droits.
G'est enfin se soumettre à leur intention, et céder à leur empressement.
Quel est l'objet de la constitution ?
C'est l'organisation de l'Etat.
Quel en est le but ?
C'est le bonheur public.
Quel est le moyen d'y parvenir?
C'est la constitution.
Quel est le bonheur public ? ce n'est pas, si l'on considère en masse tous les individus, ce n'est pas l'accomplissement du désir; ce ne sont pas les passions qui ne cessent de nous agiter, vaine chimère que l'homme poursuit sans cesse: c'est le bonheur naturel, qui u'ôte rien aux autres ; c'est l'exercice plein, entier et libre de tous les droits.
Voilà la véritable fin de tout gouvernement.
Et cependant on nous'proposede laisser ignorer à nos commettants quels sont ces droits ! '
Ils sont inutiles à publier, dit-on ; et, par une assertion plus étonnante encore, les lumières qui sont répandues parmi le peuple conduisent à la licence.
Ce sont là les prétextes que l'on oppose contre des vérités immuables, contre des vérités qui sont dans la nature des choses. L'on veut enfin nous forcer à choisir des moyens ayant de nous en assurer la fin.
Non, sans doute : les vérités que nous avons à publier né sont pas assez, connues.
L'ont-elles été des peuples de l'Asie?
L'ont-elles été des tyrans qui ont fait gémir le monde sous le poids de leur orgueil et sous l'oppression ?
L'ont-elles été des peuples de l'Europe, qui nous environnent, et dont les plus libres conservent encore les ruines des monuments du despotisme ?
L'ont-elles été du peuple que l'habitude de l'esclavage a abruti, et qui ignore jusqu'à son titre d'homme?
11 ne faut pas instruire les peuples, dit-on.
Ce ne sont point les lumières que l'on doit craindre. La vérité ne peut être dangereuse ; elle apprend à l'homme quels sont ses droits, quels sont ses titres; elle lui apprend aussi quels sont ses devoirs.
En apprenant à l'homme quels sont ses droits, il respectera ceux des autres ; il sentira qu'il ne peut jouir des siens qu'en n'attaquant pas ceux des autres, et il sentira enfin que la force de son droit est dans le respect qu'il aura pour celui des autres.
C'est ainsi que la vérité devient utile, et que la lumière, qui brille sur ces beaux fondements, brille aussi dans les siècles autant que dans la monarchie sur laquelle elle repose.
J'ajouterai que quelques hommes s'efforcent inutilement de dérober la lumière aux hommes: la vérité frappe à la porte de tous les esprits, et les erreurs que nous aurions favorisées seraient un crime dont nous serions les premiers coupables et les premiers punis.
Le peuple ne sommeille pas toujours ; il rassemble ses forces pour secouer le joug dont on le fatigue ; c'est à nous à diriger ses efforts avec sagesse, avec prudence. Je crois donc que les droits des hommes ne
sont pas assez connus, qu'il faut les faire connaître. Je crois quef loin d'être dangereuse, cette connaissance ne peut être qu'utile.
Si nos ancêtres eussent fait ce que nous allons faire, s'ils eussent été instruits comme nous le sommes, si des articles positifs eussent opposé des barrières insurmontables au despotisme, nous n'en serions pas où nous en sommes.
C'est en gravant sur l'airain la déclaration des droits de l'homme, que nous devons faire cesser les vices de notre gouvernement, et en préserver la postérité.
Messieurs, il me semble qu'il ne s'agit pas de délibérer aujourd'hui sur le choix à faire entre les différentes déclarations de droits qui ont été soumises à l'examen des bureaux; il est une grande question préalable, (jui suffira sans doute pour occuper aujourd'hui les moments de l'Assemblée : y aura-t-il une déclaration des droits placée à la tête de notre constitution? En me décidant pour l'affir-mative, je vais tâcher de répondre aux différentes objections que j'ai pu recueillir.
Les uns disent que ces vérités premières étant gravées dans tous les cœurs, i'énonciation précise que nous en ferions ne serait d'aucune utilité.
Cependant, Messieurs, si vous daignez jeter les yeux sur la surface du globe terrestre, vous frémirez avec moi, sans doute, en considérant le petit nombre des nations qui ont conservé, ie ne dis pas la totalité de leurs droits, mais quelques idées, quelques restes de leur liberté ; et sans être obligé de citer l'Asie entière, ni les malheureux Africains qui trouvent dans les îles un esclavage plus dur encore que celui qu'ils éprouvaient dans leur patrie ; sans, dis-je, sortir de l'Europe, ne voyons-nous pas des peuples entiers qui se croient la propriété de quelques seigneurs ; ne les voyons-nous pas presque tous s'imaginer qu'ils doivent obéissance à des lois faites par des despotes, qui ne s'y soumettent pas ? En Angleterre même, dans cette île fameuse qui semble avoir conservé le feu sacré de la liberté, n'existe-t-il pas des abus qui disparaîtraient si les droits des hommes étaient mieux connus?
Mais c'est de la France que nous devons nous occuper; et je le demande, Messieurs, est-il une nation qui ait plus constamment méconnu les principes d'après lesquels doit être établie toute bonne constitution? Si l'on en excepte le règne de Charlemagne, nous avons été successivement soumis aux tyrannies les plus avilissantes. A peine sortis de la barbarie, les Français éprouvent le régime féodal, tous les malheurs combinés que produisent l'aristocratie, le despotisme et ranarchie; ils sentent enfin leurs malheurs; ils prêtent aux rois leurs forces pour abattre les tyrans particuliers; mais des hommes aveuglés par l'ignorance ne font que changer de fers ; au despotisme des seigneurs succède celui des ministres. Sans recouvrer entièrement la liberté de leur propriété foncière, ils perdent jusqu'à leur liberté personnelle; le régime des lettres de cachet s'établit : n'en doutons pas, Messieurs, l'on ne peut attribuer cette détestable invention qu'à l'ignorance où les peuples étaient de leurs droits. Jamais, sans doute, ils ne l'auront approuvée, jamais les Français, devenus fous tous ensemble, n'ont dit à leur Roi : « Nous te donnons une puissance arbitraire sur nos personnes: nous ne serons libres que jusqu'au moment où il te conviendra de nous rendre esclaves, et nos en-
fants aussi seront esclaves de tes enfants: tu pourras à ton gré, nous enlever à nos familles, nous envoyer dans des prisons, où nous serons confiés à la garde d'un geôlier choisi par toi, qui, fort de son infamie, sera lui-même hors des atteintes de la loi. Si le désespoir, l'intérêt de ta maîtresse ou d'un favori convertit pour nous en tombeau ce séjour d'horreur, on n'entendra pas notre voix mourante; ta volonté réelle ou supposée l'aura rendu juste; tu seras seul notre accusateur, notre juge et notre bourreau. » Jamais ces exécrables paroles n'ont été prononcées ; toutes nos lois défendent d'obéir aux lettres de cachet ; aucune ne les approuve ; mais le peuple seul peut faire respecter les lois. Que pouvaient les parlements, ces soi-disant gardiens de notre constitution ; que pouvaient-ils contre des coups d'autorité dont ils éprouvaient eux-mêmes les funestes effets ? Que pourraient même les représentants de la nation contre les futurs abus qui s'introduiraient dans l'exercice du pouvoir exécutif, si le peuple entier ne voulait faire respecter les lois qu'ils auraient promulguées ?
J'ai répondu, ce me semble, à ceux qui pensent qu'une déclaration des droits des hommes est inutile: il en est encore qui vont plus loin, et qui la croient dangereuse en ce moment, où tous les ressorts du gouvernement étant rompus, la multitude se livre à des excès qui leur en fait craindre de plus grands. Mais, Messieurs, je suis certain que la majorité de ceux qui m'écoutent pensera, comme moi, que le vrai moyen d'arrêter la licence est de poser les fondements de la liberté : plus les hommes connaîtront leurs droits, plus ils aimeront les lois qui les protègent, plus ils chériront leur patrie, plus ils craindront le trouble ; et si des vagabonds compromettent encore la sûreté publique, tous les citoyens qui ont quelque chose à perdre se réuniront contre eux.
Je crois donc, Messieurs, que nous devons placer une déclaration des droits des hommes à la tête de notre constitution. Quoique décidé dans mon opinion particulière entre celles qui nous ont été proposées, je pense que celle que nous adopterons doit être discutée avec soin, et que nous pourrons peut-être ne rejeter en totalité aucune de celles qui nous ont été proposées; je crois que cette même déclaration doit être admise avant les lois, dont elle est la source, et dont elle réparera dans la suite les imperfections ou les omissions.
En revenant donc à la question simple, pour opiner sur la question de savoir s'il faut ou non orner le frontispice de notre constitution d'une déclaration des droits des hommes, je me décide entièrement pour l'affirmative.
Une déclaration des droits renfermé nécessairement des matières abstraites et sujettes à des discussions ; il n'est pas prudent d'exposer les droits sans établir les devoirs. Une déclaration des droits est comme un traité de morale qui ne serait pas entendu de toutes les classes des citoyens et dont on pourrait abuser.
Une déclaration des droits de l'homme doit être une suite de vérités simples, tirées de sa nature : elle doit, comme son nom l'indique, déclarer et ne jamais ordonner. Ce sont des lois qui fixent les droits, qui prescrivent les devoirs : ce sont elles qui établissent l'état du citoyert, elles seules peuvent donc contribuer à son bonheur ; et la déclaration des
droits serait un chef-d'œuvre, que la société n'y trouverait pas son bonheur, si la loi était mauvaise. Ces raisons suffiraient peut-être pour prouver l'inutilité d'une déclaration des droits, capable de devenir dangereuse, parce que l'ignorance pourrait en abuser. D'après ces raisons, je conclus à ce que la déclaration des droits suive la constitution, comme une espèce de traité succinct des droits et des devoirs du citoyen français.
évêque d'Auxerre, soutient, avec quelques autres députés, que cette déclaration est pour le moment inutile ; que l'exemple de l'Amérique septentrionale n'est pas concluant, puisque cette contrée n'offre que des propriétaires, des cultivateurs, des citoyens égaux; qu'ainsi il faut d'abord commencer par établir des lois qui rapprochent les hommes avant de leur dire, indistinctement parmi nous, comme dans les Etats-Unis: vous êtes égaux.
évêque de Langres. La constitution d'un empire n'a pas besoin d'une déclaration des droits. Le citoyen d'une république a les mêmes droits que le sujet d'une monarchie.
La constitution est un code et un corps de lois ; tout ce qui n'est pas loi est étranger à la constitution. Les principes parlent à la raison pour la convaincre, et les lois à la volonté pour la soumettre. 11 y a beaucoup de personnes qui ne seront pas en état d'entendre les maximes que vous leur présenterez.
Mon opinion n'est pas qu'on doive tenir le peuple dans l'ignorance ; mais je veux qu'on l'é-claire par des livres, et non par la loi ni la constitution. Ne mettons rien d'inutile ; évitons les dangers des abus, et faisons de bonnes lois. Je propose' donc qu'il ne soit pas mis de déclaration des droits dans la constitution; qu'on y ajoute seulement un préambule simple et clair, qui ne renferme que des maximes incontestables.
La nécessité de la déclaration des droits a été démontrée avec évidence. Quel-ques-uns des préopinants ont pensé qu'elle pourrait être dangereuse ; d'autres ont craint de rétablir la liberté primitive des hommes sortant des forêts, de peur qu'ils n'en abusent ; mais il faut connaître leurs droits avant de les établir. 11 faut doné une déclaration des droits. Cette déclaration a deux utilités pratiques : la première est de fixer l'esprit de la législation, afin qu'on ne la change pas à l'avenir; la seconde est de guider l'esprit sur le complément de cette législation, qui ne peut pas prévoir tous les cas..... On a dit qu'elle était inutile, parce qu'elle est écrite dans tons les cœurs; dangereuse, parce que le peuple abusera de ses droits dès qu'il les connaîtra. Mais l'expérience et l'histoire répondent, et réfutent victorieusement ces deux observations.
Je crois qu'il est indispensable de mettre à la tête de la constitution une déclaration des droits dont l'homme doit jouir. 11 faut qu'elle soit simple, à portée de tous les esprits, et qu'elle devienne le catéchisme national.
Messieurs, c'est avec l'inquiétude et le regret du temps qui s'écoule, des désordres qui s'accumulent, que je prends la parole. Le moment où nous sommes exige plus d'action et de réflexion que de discours. La nation nous attend ; elle nous demande l'ordre, la paix et des
lois protectrices : que ne pouvons-nous, Messieurs, sans autre discussion, les écrire sous la dictée de la raison universelle qui, après l'expérience de vingt siècles, devrait seule parler aujourd'hui ! car elle a tout enseigné, et ne laisse plus rien de nouveau à dire aux plus éloquents, aux plus profonds publicistes.
Mais lorsque, dans des circonstances pressantes, en présence de la nécessité qui s'avance, des hommes éclairés semblent essayer leurs forces, on doit cédera l'espoir ou au moins au désir d'arriver à un résultat précis, et d'accélérer votre travail.
La question qui vous occupe présente encore, et tel est l'inconvénient de toutes les discussions métaphysiques, elle présente, dis-je, une somme égale d'objections et de motifs pour et contre.
On veut une déclaration des droits de l'homme, parce qu'elle est utile, et le préopinant l'a démontré en en réduisant l'expression. Plus étendue, telle qu'on l'a proposée, on la rejette comme dangereuse.
On vous a montré l'avantage de publier, de consacrer toutes les vérités qui servent de fanal, de ralliement et d'asile aux hommes épars sur tout le globe. On oppose le danger de déclarer d'une manière absolue les principes généraux du droit naturel, sans les modifications du droit positif. Enfin, à côté des inconvénients et des malheurs qu'a produits l'ignorance, vous avez vu les périls et les désordres qui naissent des demi-connaissances et de la fausse application des principes.
Des avis si différents se réunissent sur l'objet essentiel ; car une différence de formule et d'expression, un résumé plus précis et une plus longue énumération des principes n'importent pas au bonheur, à la liberté des Français.
Certes, je ne balance pas à dire qu'il n'est aucun des droits du citoyen qui ne doive être constaté et garanti par la constitution.
Les droits de l'homme et du citoyen doivent être sans cesse présents à tous les yeux. Ils sont tout à la fois la lumière et la fin du législateur : car les lois ne sont que le résultat et l'expression des droits et des devoirs naturels, civils et politiques. Je suis donc loin de regarder comme inutile le travail présenté par le comité. On ne peut réunir en moins de paroles de plus profonds raisonnements, des idées plus lumineuses, de plus importantes vérités. Mais convertirons-nous en acte législatif cet exposé métaphysique, ou çré-senterons-nous les principes avec leur modification dans la constitution que nous allons faire ?
Je sais que les Américains n'ont pas pris cette précaution ; ils ont pris l'homme dans le sein de la nature, et le présentent à l'univers dans sa souveraineté primitive. Mais la société américaine, nouvellement formée, est composée, en totalité, de propriétaires déjà accoutumés à l'éga-lilé, étrangers au luxe ainsi qu'à l'indigence, connaissant à peine le joug des impôts, des préjugés qui nous dominent, n'ayant trouvé sur la terre qu'ils cultivent aucune trace de féodalité. De tels hommes étaient sans doute préparés à recevoir la libérté%dans toute son énergie : car leurs goûts, leurs mœurs, leur position les appelaient à la démocratie.
Mais nous, Messieurs, nous avons pour concitoyens une multitude immense d'hommes sans propriétés? qui attendent, avant toute chose, leur subsistance d'un travail assuré, d'une police exacte, d'une protection continue, qui s'irritent quelquefois, non sans de justes motifs, du spectacle du luxe et de l'opulence.
On ne croira pas sans doute que j'en conclus que cette classe de citoyens n'a pas un droit égal à la liberté. Une telle pensée est loin de moi. La liberté doit être comme l'astre du jour, qui luit pour tout le monde. Mais je crois, Messieurs, qu'il est nécessaire, dans un grand empire, que les hommes placés par le sort âans une condition dépendante voient plutôt les justes limites que l'extension de la liberté naturelle.
Opprimée depuis longtemps et vraiment malheureuse, la partie la plus considérable de la nation est hors d'état de s'unir aux combinaisons morales et politiques qui doivent nous élever à la meilleure constitution. Hâtons-nous de lui restituer tous ses droits, et faisons l'en jouir plus sûrement que par une dissertation. Que de sages institutions rapprochent d'abord les classes heureuses et les classes malheureuses de la société. Attaquons dans sa source ce luxe immodéré, toujours avide et toujours indigent, qui porte une si cruelle atteinte à tous les droits naturels. Que l'esprit de famille qui les rappelle tous, l'amour de la patrie qui les consacre, soient substitués parmi nous à l'esprit de corps, à l'amour des prérogatives, à toutes les vanités inconciliables avec une liberté durable, avec l'élévation du vrai patriotisme. Opérons tous ces biens, Messieurs, ou commençons au moins à les opérer avant de prononcer d'une manière absolue aux hommes souffrants, aux hommes dépourvus de lumières et de moyens, qu'ils sont égaux en droits aux plus puissants, aux plus fortunés.
C'est ainsi qu'une déclaration des droits peut être utile, ou insignifiante, ou dangereuse, suivant la constitution à laquelle nous serons soumis.
Une bonne constitution est l'effet ou la cause du meilleur ordre moral. Dans le premier cas, le pouvoir constituant ne sait qu'obéir aux mœurs publiques. Dans le second, il doit les réformer pour agir avec efficacité. Car il faut détruire et reconstruire ; il faut élever le courage des uns en leur marquant un terme qu'ils ne doivent pas dépasser; il faut diriger l'orgueil des autres sur de plus hautes destinées que celles de la faveur et du pouvoir, assigner de justes mesures aux avantages de la naissance et de la fortune, marquer enlin la véritable place de la vertu et des dons du génie.
Tel est, Messieurs, vous le savez, le complément d'une bonne constitution; et comme les droits de l'homme en société doivent s'y trouver développés et garantis, leur déclaration doit en être l'exorde; mais cette déclaration législative s'éloigne nécessairement de l'exposé métaphysique et des définitions abstraites qu'on voudrait adopter.
Remarquez en effet, Messieurs, qu'il n'est aucun des droits naturels qui ge se trouve modilié par le droit positif. Or, si vous présentez le principe et l'exception, voilà la loi. Si vous n'indiquez aucune restriction, pourquoi présenter aux hommes dans toute leur plénitude des droits dont ils ne doivent uservqu'avec de justes limitations ?
Je suppose que, dans cette conception des droits, nous n'ayons aucun égard à ce qui est, que toutes les formes de gouvernement soient des instruments libres entre nos mains ; aussitôt que nous en aurons choisi une, voilà dans l'instant même l'homme naturel et ses droits modifiés. Pourquoi donc commencer par le transporter sur une haute montagne, et lui montrer son empire sans limites, lorsqu'il doit en descendre pour trouver des bornes à chaque pas?
Lui direz-vous qu'il a la libre disposition de sa personne, avant qu'il soit à jamais dispensé de servir malgré lui dans l'armée de terre ou de mer? qu'il a la libre disposition de son bien, avant que les coutumes et les lois locales qui en disposent contre son gré ne soient abrogées ? Lui direz-vous que, dans l'indigence, il a droit au secours de tous, tandis qu'il invoque peut-être en vain la pitié des passants, tandis qu'à la honte de nos lois et de nos mœurs aucune précaution législative n'attache à la société les infortunés que la misère en sépare? Il est donc indispensable de confronter la déclaration des droits, de la rendre concordante avec l'état obligé dans lequel se trouvera l'homme pour lequel elle est faite. C'est ainsi que la constitution française présentera l'alliance auguste de tous les principes, de tous les droits naturels, civils et politiques; c'est ainsi que vous éviterez de comprendre parmi les droits des articles qui appartiennent à tel ou tel titre de législation.
Telle est la considération qui m'avait fait adopter de préférence, dans le projet que j'ai présenté, un premier titre des droits et principes constitutifs. Car, encore une fois, tout homme pour lequel on stipule une exposition de, ses droits appartenant à une société, je ne vois pas comment il serait utile de lui parler comme s'il en était séparé.
j'ajoute, Messieurs, une dernière observation : les discussions métaphysiques sont interminables. Si nous nous y livrons une fois, l'époque de notre constitution s'éloigne, et des périls certains nous environnent. Le gouvernement est sanslorce et sans moyens, l'autorité avilie, les tribunaux dans l'inaction; le peuple seul est en mouvement. La perception des impôts est nulle, toutes les dépenses augmentent, toutes les recettes diminuent : toutes les obligations onéreuses paraissent injustes.
Dans de telles circonstances, une déclaration expresse des principes généraux et absolus de la liberté de l'égalité naturelle, peut briser des liens nécessaires. La constitution seule peut nous préserver d'un déchirement universel. Je propose donc, pour l'accélérer, qu'en recevant comme instruction le travail au comité; et renvoyant à un dernier examen la rédaction d'une déclaration des droits, on commence dès ce soir dans les bureaux, et demain dans l'Assemblée, la discussion des principes du gouvernement français, d'après le plan de M. Mounier ou de tout autre; que la discussion soit fixée par titres et par articles, que le comité de rédaction soit chargé de recueillir le résultat des discussions et des changements proposés à chaque séance, et qu'un jour de la semaine soit assigné pour la délibération des articles discutés.
Le plus beau moment pour la nation française et pour nous est sans doute celui où elle réclame une constitution : ou va l'établir, ce bonheur qui manqua à nos pères ; nous devons en faire jouir nos descendants, et la France peut reprendre le sentiment de sa gloire et de son ancienne splendeur.
Mais, en parlant de constitution, de droits naturels, de principes imprescriptibles, ne nous laissons point aller à des idées trop abstraites ; gardons-nous du développement même de principes vrais au fond, ingénieux dans la forme, mais inutiles en ce moment, et ayons le bon esprit de savoir borner notre carrière, si nous voulons arri-) ver au but.
La déclaration des droits naturels de l'homme offre sans doute l'objet d'un travail très-philosophique, mais en même temps très-peu à la portée du plus grand nombre de ceux qui doivent être soumis à la loi ; elle renferme des principes qui sont dans tous les esprits, ou qui doivent y être : sans doute, toute bonne constitution est fondée sur le droit naturel, et la nôtre reposera aussi sur ces vérités immuables qui le constituent ;. mais ces vérités sont de tous les âges, de tous les lieux, et on ne peut les méconnaître.
Ce n'est pas des droits naturels fixés au berceau des peuplades naissantes qu'il faut s'occuper; c'est des droits civils, du droit positif propre à un grand peuple, réuni depuis quinze siècles, vieilli au milieu des lois discordantes, mais éclairé en ce moment par l'histoire, qui n'est que l'expérience des faits, par la philosophie, et surtout par son intérêt, loi suprême des Etats, comme elle est celle des individus qui les composent. Loin de remonter donc à l'origine de l'ordre social, améliorons celui où nous sommes placés; abandonnons l'homme naturel pour nous occuper du sort de l'homme civilisé; et, sans chercher ce que nous avons été, ni même ce que nous sommes, lixons ce que nous devons être.
Les auteurs des déclarations des droits naturels ont très-bien établi que l'homme est né libre, qu'il doit l'être encore-dans l'exercice de ses facultés, dans la disposition de sa propriété, dans l'emploi de son industrie : je me plais à adopter, à professer les mêmes principes; mais conservons les principes pour nous, qui faisons les lois, et hâtons-nous de donner aux autres les conséquences, qui sont les lois elles-mêmes. Locke, Cumberland, Hume, Rousseau et plusieurs autres ont développé les mêmes principes; leurs ouvrages les ont fait germer parmi nous; si nous avions à créer une théorie politique, sans doute nous devrions travailler à l'imitation de ces écrivains fameux ; mais il ne s'agit pas de la théorie, mais de la pratique; de l'universalité des gouvernements, mais du nôtre; la plupart de vous, Messieurs, n'ignorent pas les idées vastes que ces philosophes ont répandues sur la législation des empires, et nous ne les perdons pas de vue, dans la seule application que nous avons à en faire : oui, je le répète, c'est cette application seule qui doit à l'instant même vous occuper.
Sans doute, l'homme doit savoir qu'il est libre, mais il faut faire plus que de le lui déclarer, il faut ordonner qu'il l est; la loi qui empêchera qu'on attente à sa liberté sans corps de délit constant, trouvera mieux que tous les raisonnements que a liberté de l'homme est naturelle et sacrée. La oi qui proscrira ces lettres de cachet, monument de la tyrannie, qui sont pour nous ce qu'est pour l'Asie le cordon fatal, cette loi fera plus pour le bonheur public et notre sûreté individuelle que tous les préambules et les préliminaires. Inutilement a-t-on dit que si, dans l'avenir, un tyran venait à déroger à la loi, du moins la déclaration des droits naturels subsistant toujours pourrait l'arrêter, et servirait à nos neveux de témoignage de notre sagesse. Le tyran qui mettrait sous les pieds la loi foulerait de même une vaine déclaration; et quant à la race future, la loi prouvera bien plus en notre faveur que sa préface ; en effet, c'est être sage que de gagner du temps dans un moment où nous en avons assez perdu, et où nous ne devons plus en avoir à perdre ; c'est être sage que de ne pas ouvrir aux esprits français une vaste carrière de contestations, de commentaires et d'opinions; car si les articles offrent même
parmi nous une longue discussion, pense-t-on que l'imagination des autres reste tranquille, et ne se divisera pas sur les mêmes objets? De là les écrits contraires ; de là ces débats qui affaibliront toujours un peu le respect profond qu'on doit avoir pour tout ce qui émane de l'Assemblée éclairée des représentants de la nation.
Ou cette déclaration sera illimitée, ou elle sera restreinte dans les principes : dans le premier cas, elle sera dangereuse, parce que chacun l'interprétant à sa volonté pourra lui donner une extension effrayante; dans le second cas, elle sera fausse, parce que, si l'on suit la filiation des droits naturels, ceux-ci doivent être généraux, et ne peuvent se circonscrire ensuite que par le droit civil.
Une déclaration des droits illimitée, pour être conforme à l'essence des choses, sera avidement accueillie par le peuple qu'elle rappellera à l'égalité, à la liberté primitive ; mais celui-ci con- disparaît sitôt quvient de naître, un autre plus fort, et dont les facultés intellectuelles seront plus étendues, a vu le jour? Concevra-t-il que la liberté, quoique fille de la nature, est sous la tutelle des lois positives, et ne peut s'exercer à faire tout ce qui est utile si cela nuit aux autres, ni tout ce qui olaît si cela détruit leur jouissance? L'égalité, a liberté, étant le partage de tout individu dans 'ordre naturel, il faut bien que tout individu dans l'ordre politique consente à en sacrifier une partie, pour assurer l'égalité réciproque et la liberté mutuelle de tous. Comment, dès les premiers moments de notre réunion, donner au peuple des explications abstraites, et publier des commentaires qu'il ne lira pas? Dès lors ne peut-il pas abuser de sa force et troubler la société générale, en voulant réacquérir des droits privés qu'il croirait n'avoir jamais dû perdre? Qu'on les lui restitue, ces droits, mais avec les réserves que doivent apporter les lois de la propriété, de la justice et de la tranquillité publique. Gardons-nous de rompre sur-le-champ une aiguë conservée par les siècles, sans nous mettre à l'abri du torrent, dont les flots peuvent s'étendre plus loin que nous ne l'aurions prévu, répandre la consternation et ravager les héritages.
Une déclaration des droits restreinte serait incomplète. Il faudrait déterminer, après de longues discussions, et les principes qui devraient y entrer dans toute leur généralité, et ceux au contraire dont il faudrait poser les limites. Dès lors elle serait, sans doute, au-dessous de la vérité, au-dessous des ouvrages philosophiques qui ont fait circuler dans la elasse éclairée les connaissances utiles au bonheur des hommes ; mais ces ouvrages, à la portée de ceux qui gouvernent, ne le sont pas encore assez universellement de ceux qui sont gouvernés ; d'ailleurs, ils n'offrent pas un résultat de lois obligatoires; et chacun ae ceux qui voudraient les observer les expliquerait d après son intérêt, ses vues ou ses espérances.
Une déclaration des droits m'a paru légitime et nécessaire, mais devoir plutôt suivre que précéder la constitution que nous allons établir : dans tous les cas, on pourrait toujours la placer à son frontispice. En gravant sur la base de cette constitution des types trop généraux, craignons d'être ensuite asservis ou inconséquents dans nos décrets constitutifs et dans nos lois. Les uns, pour se renfermer dans la déclaration, peuvent
devenir extrêmes et peut-être injustes, les autres, s'ils en sortent, paraîtront disparates, quoique souvent utiles et nécessaires. Une pareille déclaration doit donc être mûrement réfléchie-, et pour la méditer, nous avons devant nous tout le temps que nous allons employer à rétablissement de nos principes constitutionnels et de nos lois. Pourquoi transporter, dit un publiciste, les hommes sur le haut d'une montagne, et de là leur montrer tout le domaine de leurs droits, puisqu'on est obligé ensuite de les en faire redescendre pour les placer dans l'ordre politique où ils doivent trouver des limites à chaque pas?
Dans le grand nombre d'excellents articles produits dans les projets de déclaration, il en est plusieurs qui appartiennent directement et doivent servir de bases aux droits des peuples et du souverain ; ce sont ces articles dont il faut sur-le-champ faire des lois, puisque ce sont ces droits qu'il faut fixer. Une division plus simple que toutes celles qui nous ont été offertes, une division adoptée par le plus grand nombre des publicistes, et dont on n'aurait peut-être pas dû s'écarter, faciliterait le travail, et présenterait un rapprochement plus aisé dans la discussion et les opinions.
Cette division serait : 1° l'examen des droits de la nation, antérieurs à tout autre, et dont tout autre émane ; des droits de la nation, c'est-à-dire des citoyens qui la composent, et qui marchent égaux devant la loi qu'ils ont volontairement et librement consentie ;
2° L'examen des droits du monarque qui fait exécuter cette loi, et dont le pouvoir, à cet égard, doit être libre et indépendant;
3° L'examen des droits de ceux qui l'exécutent et qui tirent leur pouvoir et de la nation et du souverain. Telles sont les trois branches de l'arbre social, et tels sont les trois et uniques points de notre travail, et le plan dans lequel il faudrait nous circonscrire : dans le peuple assemblé la puissance législative ; dans le Roi, le pouvoir exécutif ; dans ceux qu'il emploie, la force militaire et judiciaire, l'une et l'autre déterminées d'après le consentement général. Voilà notre tâche, elle est assez grande, assez importante, pour nous occuper sans distraction à la bien remplir.
En me résumant, je répète que nous ne sommes pas venus établir des principes que nous devons connaître, mais en promulguer les résultats ; travailler, non à des préliminaires de lois, mais-à la formation même aes lois. Le dix-huitième siècle a éclairé les sciences et les arts ; 11 n'a rien fait pour la législation. Le moment est arrivé de la créer. Que la loi soit concise, pour qu'elle puisse se fixer dans le souvenir même de nos enfants ; qu'elle soit simple, pour qu'elle soit entendue de tous. Gardons pour nous l'étude des principes, les bases du travail, et fai-sons-en cueillir aux peuples les fruits. Ainsi se cachent au sein de la terre les vastes fondements d'un palais, et l'œil du citoyen jouit seulement de l'ensemble et de la majesté de l'édifice. Hâ-tons-nous de l'élever, cet édifice, etpuisse-t-il mériter la contemplation des sages et les regards de la postérité 1
Plusieurs membres observent que l'attention est déjà fatiguée d'avoir suivi tant d'orateurs, et demandent l'ajournement de la discussion.
observe qu'il y a encore quarante-sept membres inscrits pour la parole, et qu'il est déjà très-tard.
D'après ces observations, la discussion est renvoyée à lundi prochain.
invite les bureaux à s'assembler ce soir pour élire son successeur et trois secrétaires, pour remplacer les trois qui sortiront en tirant au sort.
La séance est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du eraout 1789
Analyse des idées principales sur la reconnaissance des droits de Vhomme en société, et sur les bases de la constitution présentées au comité de constitution, parM. Thouret, député de Rouen.
Ier
La nature a mis dans le cœur de l'homme le besoin et le désir impérieux du bonheur.
L'état de société politique le conduit vers ce but, en réunissant les forces individuelles pour assurer le bonheur commun.
Le gouvernement est le mode d'activité choisi par chaque société, pour diriger l'emploi de la force publique vers son objet.
Le gouvernement doit donc être constitué de manière qu'il ne puisse jamais blesser les droits de l'homme et du citoyen, puisqu'il n'est établi que pour les protéger.
§11.
Le premier droit de l'homme est celui de la propriété et de la liberté de sa personne.
De ce droit primitif et inaliénable dérivent:
1° Celui de ne pouvoir être contraint ou empêché dans ses actions, arrêté ni détenu, si ce n'est en vertu des lois publiques, et d'un jugement régulier qui en ait prononcé l'application.
2° Celui de penser, de converser, et d'écrire, sans pouvoir être repris pour ses opinions, ses discours et ses écrits, si ce n'est en vertu des lois publiques, et d'un jugement régulier.
De là: 1° la liberté de conscience et d'opinion religieuse ;
2° La liberté des actions et du travail ;
3° La liberté de la presse;
4° La liberté inviolable du commerce épisto-laire ;
5° L'abolition absolue des lettres de cachet.
§ III
C'est un droit de l'homme libre, d'acquérir des propriétés, de les posséder, et de les protéger.
Du droit de propriété dérivent:
1° L'interdiction de déposséder un propriétaire hors le cas d'une nécessité publique constatée, et à charge de l'indemniser complètement;
2° Le droit de chaque citoyen de ne payer que les impôts consentis pair les représentants de la nation.
3° Le droit de la nation de ne consentir par ses représentants, que la quotité d'impôts reconnue nécessaire pour les besoins publics.
§ iv.
L'égalité de tous les droits naturels et civils est elle-même un droit dont le régime social ne peut priver aucun individu.
Dans l'ordre naturel, tous les hommes étant égaux, chacun d'eux a au même titre tout ce qui appartient à la nature de l'homme. Aucun ne peut être ni autrement libre, ni autrement propriétaire qu'un autre.
Dans l'ordre social, les citoyens étant égaux, puisque nul ne peut être plus ou moins citoyen qu'un autre, tous ont le même droit à tous les avantages de l'état de société, — à la possession de toutes les places, emplois et fonctions de l'établissement public; — et nul ne doit contribuer plus qu'un autre aux charges communes de l'association.
Dans l'ordre légal, les citoyens étant égaux devant la loi, elle les oblige tous également ; — elle doit aussi punir également les coupables; — les punir tous du même genre de peine, pour les mêmes fautes; — et fidèle à l'intérêt commun, n'accorder à qui que ce soit ni faveurs ni privilèges.
• §v.
De l'obligation de garantir la liberté, la propriété et l'égalité individuelles, résultent en faveur de la nation les droits suivants :
1° Celui de faire les lois conjointement avec le Roi, et de ne se soumettre qu'à celles qu'elle aurait librement consenties ;
2° Celui de connaître et de régler les dépenses publiques, d'inspecter l'emploi des fonds, et de s'en faire rendre compte;
3° Celui de surveiller l'exercice du pouvoir exécutif, et d'en rendre tous les agents responsables, en cas de prévarication.
Sans le droit du corps social à la législature, le pouvoir du chef deviendrait arbitraire.
Sans la surveillance, la nation pourrait être trompée, et la constitution se dénaturer.
Sans la responsabilité, rien ne préviendrait la déprédation des finances, ou les abus d'autorité.
§ VI.
Le moyen de mettre la société en état de remplir ses fins, est de bien organiser les pouvoirs publics.
Les pouvoirs publics émanent tous du peuple : ils ne peuvent ni se constituer eux-mêmes, ni changer la constitution qu'ils , ont reçue. C'est dans la nation que réside essentiellement le pouvoir constituant.
La nation a le droit indubitable et imprescriptible d'exercer ce pouvoir toutes les fois que sa sûreté, sa propriété et son bonheur exigent que la constitution de son gouvernement soit éclaircie, réformée ou régénérée. Elle peut l'exercer par ses représentants aussi bien que par elle-même.
Les représentants actuels ont reçu complètement ce pouvoir de leurs commettants.
§ VII.
Les pouvoirs publics se divisent en quatre classes, ou espèces différentes :
1° Pour faire les lois, régler les dépenses publiques, octroyer l'impôt, et maintenir la constitution, la nation a besoin d'un corps de représentants, chargé de ses pouvoirs, et les exerçant pour elle.
De là l'Assemblée nationale, en qui réside le pouvoir législatif.
2° L'obligation de faire exécuter les lois, de mettre la force publique en activité, tant au dedans qu'au dehors du royaume, et de diriger l'administration générale d'une manière uniforme, exige dans les grands Etats un chef qui soit le principe et le centre de tous les mouvements du corps politique. — Cette unité de chef chargé de gouverner suivant les lois est le caractère distinctif de la monarchie.
De là le Roi, en qui réside le pouvoir exécutif.
3° Pour l'exécution locale des lois relatives à l'administration générale du royaume, il faut dans chaque province des administrateurs subordonnés, chargés des détails de cette exécution.
De là les assemblées provinciales et municipales, en qui réside le pouvoir administratif.
4° L'exécution des lois qui ont pour objet les actions et les propriétés des citoyens nécessite l'établissement des juges.
De là les tribunaux de justicef en qui réside le pouvoir judiciaire.
C'est de l'organisation régulière, de la correspondance, de la séparation et de l'indépendance de ces quatre pouvoirs, que résultera une bonne constitution.
SECTION PREMIÈRE.
DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE. g Ier. De sa composition.
1° Il paraît nécessaire de réduire pour l'avenir le nombre des députés ou représentants.
2° Ils seront tous élus librement, et suivant une règle de proportion combinée en raison composée de la population et de la contribution de chaque district électeur.
3° Aucun des officiers, agents et employés du pouvoir exécutif, y compris les juges et magistrats chargés du pouvoir judiciaire, ne doit être éligible.
4° 11 paraît bon de statuer que, pour être député, il ne sera pas nécessaire de posséder une propriété foncière.
5° Il serait juste d'assurer, relativement aux districts électeurs qui comprendront quelque ville importante, qu'il/y aura un ou plusieurs députés pris dans la population de cette ville.
6° Il ést essentiel qu'à l'avenir les élections soient faites en commun, par les citoyens de toutes les classes réunies. —Il reste à opter entre le parti de laisser les élections parfaitement libres sur les citoyens de toutes les classes indifféremment, et celui d'assurer à chaque classe une part fixe et proportionnelle dans la représentation. — Si l'on prend ce dernier parti, il faudrait ordonner que chaque députation soit composée de six membres, dont un du clergé, deux de la noblesse, trois des communes.
7° La formalité des assignations personnelles aux possesseurs de fiefs, aux bénéficiera et aux communautés, doit être supprimée. Il suffit des convocations publiques aux prônes des paroisses, et par affiches.
8° Il faut abolir aussi l'usage dangereux des procurations pour élire au droit d'un absent.
9° Par cette raison, et attendu que la propriété d'un fief ne donne pas plus de part au droit de cité que celle de tout autre bien, les mineurs, les veuves et les filles qui posséderont des fiefs,
ne pourront plus à l'avenir se faire représenter aux élections.
10° La constitution étant faite, les pouvoirs des députés devront être à l'avenir illimités et absolus: ou pourrait même ordonner qu'ils résulteront suffisamment du seul acte de l'élection, sans qu'il soit nécessaire de les énoncer expressément; à la seule exception de ce qui sera dit ci-après, pour le cas d'un changement à provoquer dans la constitution.
11° Il serait bon qu'il ne fût plus remis de cahiers aux représentants, et que si le district électeur voulait proposer quelques vues, ou former quelques demandes à l'Assemblée nationale, il les adressât directement à l'Assemblée par requête ou pétition. — Cette forme ferait mieux sentir que l'élection rend le député représentant, non du district, mais de la nation entière.
12° Il n'y aura plus à l'avenir dans l'Assemblée nationale "de distinction d'ordres en chambres séparées : les députés, de quelque rang ou classe qu'ils soient, continueront de siéger, délibérer et voter en commun.
§ II. L'Assemblée nationale sera-t-elle composée d'une seule Chambre, ou divisée en deux?
La raison indique que le Corps représentatif doit être un, comme la nation représentée est une.
L'Assemblée nationale est instituée pour former, recueillir et proclamer la volonté générale. Cette volonté est une et indivisible. Il est donc inconséquent de diviser le Corps législatif en deux sections, pour en faire sortir une seule volonté.
Si l'une des Chambres n'a pas le veto sur l'autre, les inconvénients de la division ne sont rachetés par aucun prétexte d'utilité.
Si l'une des Chambres a le veto, le Corps législatif, constitué pour agir, se trouve organisé pour ne rien faire : ce corps, à qui l'harmonie intérieure et la méditation paisible sont si essentielles, est livré aux agitations de la dissension et de la discorde; et, en dernière analyse, le droit de législature attribué au corps entier reste exclusivement à une seule de ses parties ; car la législature suprême appartiendra toujours à la seule Chambre qui aura le droit d'empêcher tout ce qu'elle ne voudra pas permettre.
La Chambre haute serait-elle composée de députés des trois ordres dans la proportion établie? En ce cas, cette Chambre formée des mêmes éléments, et animée du même esprit que la Chambre basse, n'aurait aucun motif, aucun intérêt de penser autrement qu'elle. Elle ne présenterait aucune garantie raisonnable de son utilité particulière/
La Chambre haute serait-elle composée d'un certain nombre de nobles, soit électifs, soit désignés à raison de leurs titres ou de leurs emplois? — Dans le cas des nobles électifs, la noblesse se trouverait maintenue en ordre séparé par l'effet de la représentation de l'ordre entier dans les membres qu'il aurait élus pour la Chambre haute: Elle acquerrait même une double influence, et par ceux de ses représentants qui siégeraient dans la Chambre basse, et par ceux dont elle aurait rempli la Chambre supérieure. — Dans le cas des nobles titrés non élus, les mêmes inconvénients subsisteraient par l'identité d'intérêts, de prétentions et de préjugés qui unit presque tous les nobles, et par cet esprit de corps si difficile à fondre dans l'esprit national, tant qu il
subsiste quelques illusions dont il peut se repaître et s entretenir. — De quelque manière que les nobles formassent une Chambre séparée, cette Chambre assurerait toute la classe noole, avec la prérogative qui détacherait ses affections de l'état commun de la nation, une influence politique beaucoup trop puissante. Cet état de choses se rapprocherait de si près de l'abus delà séparation et du veto des ordres, que la prudence ne permet pas d'en courir le danger.
Si le gouvernement d'Angleterre a réalisé le système des trois pouvoirs en opposition, cet exemple, outre qu'il est inapplicable en France à la position relative des communes et de la noblesse, n'est pas tellement imposant qu'il ait empêché plusieurs bons publicistes de dévoiler l'illusion de sa théorie, celle de la plupart des effets qu'on lui attribue, et de montrer que la réussite de la législature anglaise tient à d'autres causes. 11 est assez évident par la nature des choses qu'il ne peut y avoir essentiellement que deux puissances en paraljèle, celle de la nation et celle du Roi. La troisième redonde, complique, et produit des chocs, ou augmente les causes d'inertie.
Le système des deux puissances principales balancées par une troisième est malfaisant, par cela seul que la troisième, armée du droit de tout empêcher, peut empêcher autant le bien que le mal, et qu'elle facilite et nécessite la corruption, comme en Angleterre, soit pour arrêter, soit pour diriger l'action du Corps législatif au gré du gouvernement.
L'unité de l'Assemblée ne présente aucun danger pour l'exercice de la législature sur tous les objets communs et ordinaires, qui ne touchent point aux bases de la constitution. Alors l'intérêt de tous, celui d'obtenir les meilleures lois, est simple, uniforme, et ne produit aucun motif de commotion ou d'esprit de parti. Il suffit d'assurer la maturité des arrêtés sur ces matières, en statuant qu'ils ne pourront être pris qu'après que l'objet en aura été exposé trois fois à la discussion et à la délibération par intervalles de huitaine.
C'est pour la sûreté de la constitution, que les mouvements partiaux et précipités d'une Assemblée unique sont réellement à craindre ; mais le moyen exposé dans le paragraphe suivant ne peut-il pas y remédier aussi solidement que la double Chambre, sans avoir aucun de ses inconvénients?
§ III. Moyen de garantir la constitution maigre l'unité de l'Assemblée nationale.
La stabilité de la constitution importe, autant à la nation pour le maintien de sa liberté, qu'au Roi pour la conservation de sa prérogative. Les deux intérêts se réunissent ainsi pour prévenir l'abus que les représentants pourraient faire de leurs pouvoirs, en altérant la constitution, soit au détriment de la nation, soit au préjudice de l'autorité royale.
D'autre part, la nation conserve le droit inaliénable de faire à la constitution les réformes que de grands changements moraux ou politiques pourraient rendre nécessaires.
Ce double but se trouverait rempli en statuant comme clauses essentielles de la constitution même :
1° Que la constitution est mise par la nation sous la garde des futures Assemblées nationales, uniquement chargées de la maintenir, et décla-
rées impuissantes et incompétentes pour y faire aucun changement sans le mandat de la nation le plus exprès ;
2° Que la constitution est mise aussi sous la garde du Roi, et que Sa Majesté est spécialement autorisée d'employer pour sa conservation le moyen exprimé ci-après dans l'article 5;
3° Que pour toute espèce de changement à faire à la constitution, l'existence du mandat de ! la nation ne pourra être reconnu que quand la moitié au moins des districts élémentaires et électeurs l'aura énoncé formellement dans les pouvoirs des députés ;
4° Que dans toute Assemblée nationale où il ne se trouvera pas la moitié des pouvoirs uniformes pour demander un changement à la constitution, aucun membre ne pourra faire la motion du changement, à peine d'être déclaré déchu de toute espèce de voix à l'instant même, et incapable d'être député à l'avenir ;
5° Que dans le même cas, si l'Assemblée nationale se permettait de délibérer sur la motion, et de l'adopter par un arrêté, le Roi, usant de l'autorité que la nation lui remet pour réprimer cette entreprise, pourrait casser l'arrêté et dissoudre l'Assemblée, qui serait convoquée de nouveau et sans délai ;
6° Que, quand il aura été vérifié que la moitié au moins des pouvoirs provoque un changement à la constitution, l'Assemblée nationale pourra le délibérer, mais avec une pleine liberté de suffrages* comme si le vœu n'en était pas exprimé, et à la charge de ne prendre son arrêté qu'après que la matière, mûrement examinée par bureaux, aura été discutée trois fois en séance générale, à huit jours de distance;
7° Que l'arrêté qui sera pris dans cette première session n'aura aucune exécution, même provisoire; qu'il sera cependant imprimé avec le précis exact des débats qui l'auront précédé, et publié dans tout le royaume, pour être examiné par les districts électeurs, qui en diront leur avis, et révisé par l'Assemblée nationale;
8° Que cette Assemblée nationale subséquente, chargée de la révision, sera formée extraordinai-rement au nombre de 1,200 représentants, comme l'Assemblée actuelle, et mettra trois fois la matière en délibération, à quinze jours d'intervalle, avant de prononcer définitivement;
9°, Que, dans toutes les délibérations qui auront pour objet un changement à faire à la constitution, l'arrêté ne pourra passer qu'à la pluralité des deux tiers des suffrages.
§ IV. Permanence ou périodicité des sessions de VAssemblée nationale.
11 faut entendre pw permanence que les députés nommés pour un temps déterminé puissent être rassemblés en toute occasion; que le retour des sessions se fasse comme par continuation des séances, et que ce retour ait lieu au moins une fois l'an.
Plusieurs raisons obligent de préférer, pour le plus grand bien de la nation, le parti de la permanence à celui de la simple périodicité par intervalles de plusieurs années.
1° Le pouvoir législatif, étant l'âme et la volonté du corps politique, ne peut pas être longtemps absent ou privé d'exercice, sans donner lieu aux plus grands inconvénients. Il n'y en aurait pas de moindres à le faire suppléer, soit par le pouvoir exécutif, soit par les corps chargés du pouvoir judiciaire.
2° La trop longue suspension de la surveillance sur les dépenses et sur les autres objets confiés aux agents du pouvoir exécutif enhardirait au renouvellement aes abus.
3° La régénération qui s'opère, contrariant plusieurs préjugés et blessant quelques intérêts particuliers, la présence et l'activité du Corps législatif sont nécessaires pour déconcerter les résistances et prévenir les entreprises funestes.
La permanence de l'Assemblée nationale est donc indispensable d'abord pour son affermissement, ensuite pour l'assiduité du service qu'exigeront les besoins de l'Etat et les détails secondaires de sa parfaite régénération.
On ne pourrait faire d'objections que celles : 1° de la aépense; 2«> de l'embarras et du grand mouvement que les élections occasionnent.
Sur la première, il faut considérer que le nombre de députés pouvant être diminué, la dépense ainsi réduite et comparée aux facultés de la nation n'est rien au prix des avantages politiques, civils et même pécuniaires qu'elle retirera de la permanence de l'Assemblée.
Quant à la seconde objection, il faut convenir de la nécessité de simplifier le mode des élections. On peut adopter un plan qui, en produisant ce premier avantage, aurait de plus l'utilité de lier par un régime commun les divers ordres d'Assemblées, d'imprimer à tous ces corps politiques un mouvement simple, uniforme et gradué, de composer enfin l'Assemblée nationale de sujets déjà initiés à l'administration et expérimentés aux affaires.
Les assemblées de paroisse, de district et de province, étant composées de sujets élus pour trois ans et se régénérant par tiers, pourquoi n'en serait-il pas de même de l'Assemblée nationale rendue permanente?
Les sujets passant des assemblées de paroisse à celles de district, et de là aux assemblées provinciales, pourquoi ne passeraient-ils pas de même de celles-ci à l'Assemblée nationale?
Rendre les membres des assemblées provinciales électeurs de droit, y ajouter un égal nombre d'électeurs choisis librement par chaque province, et tirer du tiers des sujets sortant annuellement des assemblées provinciales ceux qui régénéreront l'Assemblée nationale; ce plan doit paraître le plus simple, le mieux lié, et le plus propre tant à faciliter le service qu'à produire le bien.
g V. Droits et fonctions de VAssemblée nationale.
Ils sont :
1° De proposer au Roi et de concerter avec lui toutes les lois ;
2 D'obliger par ces lois toutes les provinces et tous les corps, comme les simples particuliers de quelque rang et état qu'ils soient, sans que l'exécution de ces lois puisse être empêchée, modifiée ni retardée par aucune cour ou tribunal de justice, sous prétexte de vérification ou enregistrement;
3° De régler le service des différents départements de l'administration et d'en fixer les dépenses;
4° D'octroyer les impôts nécessaires pour l'acquit de ces dépenses, d'en fixer la nature et le mode de perception, et d'assurer l'égalité de la répartition entre les provinces;
5° De prendre toutes les mesures nécessaires pour qu'il ne puisse être fait aucjin divertissement ni dissipation de deniers publics ;
6° De se faire rendre compte tous les ans de
toutes les recettes et dépenses de l'Etat dans les divers départements, et de publier ces comptes par la voie de l'impression ;
7° De réformer successivement toutes les parties de la législation civile et criminelle pour donner à la nation un code analogue à ses mœurs actuelles et digne de ses lumières;
8° De régler suivant les vrais principes de l'ordre public, et conformément à l'intérêt des justiciables, la nature, la hiérarchie, la composition et le ressort territorial des tribunaux judiciaires;
9° De dénoncer à la nation les ministres qui auraient encouru la responsabilité et de les faire juger. — Idem des cours supérieures de justice qui auraient porté atteinte soit à la constitution, soit à la puissance administrative, ou qui auraient vexé leurs justiciables.
SECTION II.
DU ROI OU DU POUVOIR EXÉCUTIF.
La nation doit reconnaître et confirmer que le Gouvernement français est monarchique et que la légitime possession du trône appartient à la famille régnante.
Elle doit confirmer le droit et l'ordre d'hérédité à la couronne;
Prononcer sur le cas de la régence et sur l'âge de la majorité des rois ;
Déclarer que la personne du Roi est sacrée, inviolable, et irréprochable ;
Que le Roi fait partie du Corps législatif; que sa sanction est nécessaire pour l'établissement des lois ; qu'elles doivent être revêtues de son sceau et publiées en son nom ;
Qu'au Roi seul appartient sans réserve et dans toute sa plénitude, l'exercice du pouvoir exécutif;.:
Qu'il est le chef des tribunaux, que la justice doit y être rendue en son nom, et sous son inspection,; mais qu'il ne peut en aucun cas, dispenser de la loi ;
Qu'il a l'administration, le commandement et la disposition de l'armée tant de terre que de mer, pour la défense du royaume ; mais que les troupes ne peuvent être employées contre le peuple, même en cas d'émeute, si ce n'est sur la réquisition signée d'un magistrat civil;
Qu'il a l'administration du département des affaires étrangères, le droit tant de recevoir et d'envoyer les ambassadeurs, que d'arrêter et de signer les traités de paix et d'alliance ; qu'il peut aussi faire des traités de commerce, mais à condition de consulter les chambres de commerce avant de les accorder èt de les faire ratifier ensuite par l'Assemblée nationale s'ils produisent de nouveaux assujettissements à la charge du peupler . > ;V
Que le Roi a seul le droit de faire battre monnaie et d'y mettre son effigie, mais sans pouvoir en changer le titre qu'avec le consentement de l'Assemblée nationale ;
Qu'il a seul le droit d'anoblir les citoyens qui méritent cette distinction par leurs services publics ;
Qu'il a seul le droit d'accorder les lettres de grâce dans les cas prévus par la loi ;
Qu'à lui seul appartient le choix de ses ministres et la composition de son conseil ;
Qu'il a seul le droit de nommer à tous les emplois civils et militaires relatifs à l'exercice du pouvoir exécutif; — aux bénéfices dont la nomi-
nation appartient à la couronne, — et aux places de la magistrature, mais sur la présentation qui lui sera faite de trois sujets pour chaque place, par les assemblées provinciales ;
Qu'il ne peut accorder de récompenses pécuniaires sur le trésor public que jusqu'à concurrence du fonds qui pourrait être destiné à cet emploi par l'Assemblée nationale.
SECTION III.
DES ASSEMBLÉES MUNICIPALES ET PROVINCIALES OU DU POUVOIR ADMINISTRATIF.
§ I. Des assemblées municipales.
Ces assemblées sont très-importantes à conserver ou à établir en chaque paroisse de campagne. Celles de la plupart des villes ont besoin d'être réformées ou perfectionnées. 11 faut en établir partout où il n y en a pas, et les rendre partout librement électives.
Elles sont indispensables comme bases élémentaires de la représentation et de l'organisation générales, elles le sont encore pour éclairer l'administration intérieure, pour assurer la précision et l'eflicacité du service dans les plus petits détails ; enfin pour propager l'esprit public et former des sujets à la régénération des assemblées supérieures.
On peut conserver provisoirement l'ordre établi dans la composition actuelle des municipalités de campagne, jusqu'à ce que l'expérience des assemblées provinciales ait éclairé sur la meilleure manière d'y faire les réformes qui paraîtront nécessaires.
Ces assemblées seront chargées :
l°De la répartition des impôts entre les individus et sur les fonds dans 1 étendue de chaque communauté;
2° De la direction des affaires, travaux et dépenses delà communauté;
3° De la surveillance sur tous les ouvrages publics et ateliers de charité qui seront ordonnés dans la paroisse;
4° De la police simple, mais nécessaire, qu'il convient d'établir dans les villages ;
5° Du soin de concilier ou de décider sommairement, comme tribunaux de paix, toutes les contestations légères entre les membres de la communauté, pour dommages de bestiaux, querelles et injures verbales, salaires de domestiques et gens de travail, livraisons, fournitures et autres objets minutieux de ce genre, consistant en fait, et de valeur moindre de cent livres.
Ces assemblées serontencore chargées de correspondre avec l'assemblée supérieure, de lui faire parvenir les instructions qui leur seront demandées et d'exécuter les ordres qu'elles en recevront.
§ 2. Des assemblées provinciales.
Le titre d'assemblée provinciale est substitué à celui d'Etats provinciaux, pourconserver l'analogie avec le titre d'Assemblée nationale qui remplace celui & Etats généraux.
11 sera créé en chaque province une assemblée provinciale revêtue des mêmes droits, pouvoirs et fonctions qu'auraient eus les Etats provinciaux, dont elle ne différera que de nom.
Les membres des assemblées provinciales doivent être élus librement par les trois ordres réunis en commun, mais de manière qu'il y en ait
sur six, un du clergé, deux de la noblesse et trois des communes; si l'on aime mieux laisser la liberté des élections sur les citoyens de toutes les clasees indifféremment.
La base de la représentation dans les assemblées provinciales sera toutours prise plus ou moins médiatement dans les élections paroissiales ; mais il est très-difficile de fixer régulièrement le mécanisme des élections médiates, si on ne fait pas de nouvelles divisions de territoire.
Dans les assemblées provinciales, les délibérations seront toujours prises en commun et les opinions comptées par têtes.
Les membres seront élus pour trois ans et la régénération se fera chaque année par tiers.
Une commission intermédiaire, dont les membres seront également nommés pour trois ans et régénérés par tiers, administrera les affaires pendant l'intervalle d'une tenue à l'autre et rendra compte de sa gestion.
Si quelque province est tellement considérable en territoire et en population, qu'une seule commission intermédiaire ne puisse pas suffire, il en sera établi plusieurs.
Il est essentiel, pour la sûreté et la facilité du service, de conserver entre les assemblées provinciales et les municipalités le lien des assemblées de district ou de département, ou, du moins, un bureau de correspondance, composé de six membres et de deux procureurs-syndics. L'utilité très-marquée dont ces assemblées ont été en Haute-Normandie montre quels avantages on en peut retirer partout.
On perdrait beaucoup en substituant à ces assemblées un simple délégué ou correspondant par district. Un corps dont les membres se surveillent, s'encouragent, et mettent en commun leur zèle et leurs efforts, présente à la chose publique plus de moyens d'activité et de motifs de confiance qu'un seul homme. Les connaissances' sont plus étendués dans le corps, la surveillance partagée plus certaine et la masse du travail commun plus considérable. L'exactitude de la répartition des impôts établit seule la nécessité de ces assemblées intermédiaires dans les grandes provinces ; car l'assemblée provinciale ne pourrait répartir avec connaissance entre toutes les paroisses de son vaste ressort', et il ne serait pas proposable de confier à un seul homme la répartition entre les paroisses d'un arrondissement.
Les assemblées provinciales à créer doivent être chargées de tous les objets d'administration déjà confiés à celles qui subsistent, savoir :
De la répartition et assiette des impôts;
De la direction, exécution, et du payement des travaux publics ;
De l'inspection sur les dépenses des communautés de paroisse ;
De la manutention et de l'emploi des fonds destinés aux soulagements, encouragements et améliorations publiques dans la province.
Elles doivent être chargées en outre :
De la recette et du versement des deniers publics:
De l'administration des hôpitaux, des prisons, des dépôts de mendicité, et des Enfants-Trouvés;
De l'inspection de la régie et des dépenses des hôtels de ville ;
De la surveillance sur l'entretien des forêts, la garde et la vente des bois, sur l'amélioration des domaines et l'économie de leur administration, etc.
Il est essentiel d'assurer de la manière la plus solide que les assemblées provinciales ne pourront être troublées dans l'exercice de leur administration par les entreprises du pouvoir judiciaire.
Réciproquement, elles ne pourront usurper aucune partie de ce pouvoir, ni de la puissance législative.
Elles ne pourront octroyer aucun impôt pour quelque cause ni sous quelque dénomination que ce soit,
Elles n'en pourront répartir aucun que jusqu'à concurrence de la quotité accordée par l'Assemblée nationale et pour la durée seulement du temps qu'elle aura fixé.
Elles ne pourront dans aucun cas contrevenir aux arrêtés de l'Assemblée nationale, en troubler ni en suspendre l'exécution. Elles seront chargées au contraire d'en maintenir l'effet et de dénoncer les infractions qui pourraient y être faites.
Toutes les lois qui seront promulguées à chaque session de l'Assemblée nationale leur seront envoyées ; elles en formeront dans leurs archives un dépôt pour la province, et les notifieront aux assemblées qui leur sont subordonnées.
SECTION IV.
DES TRIBUNAUX DE JUSTICE OU DU POUVOIR
JUDICIAIRE.
La Constitution doit déclarer : 1° Que le pouvoir judiciaire, faisant partie des pouvoirs publicsy ne peut appartenir en propriété à aucun corps, ni à aucun individu ;
2° Que le pouvoir judiciaire, n'étant que constitué, reste toujours soumis au pouvoir constituant, qui peut en tout temps changer, réformer et modifier la constitution qu'il lui avait donnée;
3° Que le pouvoir judiciaire est essentiellement distinct du pouvoir législatif, et qu'il lui est subordonné: — qu'ainsi les tribunaux de justice ne peuvent faire aucunes lois ou règlements qui en aient la force; — qu'ils ne peuvent, par l'enregistrement et la publication, conférer le caractère légal aux actes qui leur seraient proposés par le Roi sans le consentement de l'Assemblée nationale, ou par cette Assemblée sans la sanction du Roi; — qu'enfin ils doivent se soumettre aux actes de la puissance législative portés sur eux-mêmes, et faire exécuter ceux qui obligent les justiciables;
4° Que le pouvoir judiciaire est essentiellement distinct du pouvoir exécutif suprême, et qu'il lui devient subordonné quand il viole les lois; — qu'ainsi nui tribunal ne peut ni usurper aucune des fonctions confiées à l'autorité du Roi, ni empêcher l'exercice de cette autorité, soit par des arrêts de défense, soit de toute autre manière; — et que les actes du pouvoir judiciaire, contraires aux lois, peuvent être déférés au Roi, qui a le droit de les annuler en son conseil;
5° Que le pouvoir judiciaire est de sa part indépendant du pouvoir exécutif dans l'exercice légitime de ses fonctions ; et que, pour assurer celte indépendance, aucun juge ne peut être arbitrairement dépouillé de son office ;
6° Que le pouvoir judiciaire, également distinct du pouvoir administratif, est circonscrit dans les bornes de la justice distributive pour le jugement des contestations privées enfre les citoyens, et pour la punition des crimes;
7° Que la fonction de juger ne pouvant être ni un droit, ni un domaine héréditaire, ni un effet
commerçable, l'odieuse vénalité des charges est abolie; et qu'il sera pourvu, par les moyens les plus prompts, au remboursement des offices vénaux, dés à présent supprimés ;
8° Que les tribunaux étant faits pour les justiciables, et non les justiciables pour les tribunaux, le ressort territorial de chaque juridiction doit être fixé relativement aux besoins et à la commodité des citoyens, et qu'il doit y avoir dans chaque province un tribunal souverain ;
9° Que par la même raison, la trop grande multiplicité des tribunaux est un désordre; et qu'il doit y être remédié par la suppression de tous ceux qui sont inutiles, notamment par celle des tribunaux d'exception ;
10° Que le pouvoir de juger émanant du peuple, comme les autres pouvoirs publics, et le peuple étant seul intéressé à la bonne administration de la justice, c'est aux représentants du peuple qu'il appartient d'élire et de présenter au Roi les sujets qu'ils croient les plus dignes de cette importante fonction;
11° Que le peuple a le droit de conférer les magistratures pour un temps fixe et déterminé, aussi bien que pour la durée de la vie des officiers qu'il élit;
12° Que la fonction des juges n'est que d'appliquer la loi, et leur devoir de se conformer au sens littéral, sans s'en écarter, ni se permettre de l'interpréter;
13° Qu'en matière criminelle, le bien de la justice, le vœu d'une grande partie de la nation et l'intérêt de l'accusé étant qu'il soit avant tout déclaré par ses pairs coupable ou non coupable, il doit être dès à présent établi pour la recherche des crimes, un ordre de jugement préalable par jurés, avant que les tribunaux judiciaires puisseut prononcer et appliquer la peine.
Séance du
La séance s'est ouverte à neuf heures.
a annoncé que le résultat du scrutin de samedi dernier, pour l'élection du nouveau président, s'était déclaré en faveur de M. Thouret.
a pris place au bureau, et il a adressé à l'Assemblée un discours par lequel, eu lui témoignant sa profonde et respectueuse reconnaissance, il s'est excusé d'accepter la place qu'on lui déférait. Dès 1$, surveille et à l'instant même où il avait appris sa nomination, il avait annoncé cette résolution dans une lettre qu'il avait écrite à M. le duc de Liancourt.
Suivent la lettre et le discours de M. Thouret:
« Versailles, le er août 1789
« Monsieur le duc,
c J'apprends, en rentrant chez moi, l'honneur infini que l'Assemblée nationale a bien voulu me, faire, en m élevant à la dignité de son président. Cet honneur était tellement au-dessus de mes espérances, que je ne m'étais pas permis d'y aspirer. Si j'eusse été présent lorsque l'élection a été
déterminée, j'aurais, à l'instant même, supplié l'Assemblée d'agréer, avec l'hommage de ma respectueuse reconnaissance, les motifs d'excuse qui me portent à lui remettre l'honorable fonction qu'elle a daigné me confier. Je ne m'empresserai pas moins de concourir à ses importants travaux d'une manière moins éclatante, mais plus conforme à l'insuffisance de mes moyens.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, monsieur le duc, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : THOURET. »
Messieurs, lorsque vous avez daigné m'élever à l'honneur de vous présider, cette laveur inestimable était au-dessus de toutes mes espérances; je ne me serais pas cru permis de porter si haut des vœux dont rien n'aurait pu justifier à mes yeux la présomption; mon premier, mon plus vif sentiment fut, et est encore celui de la profonde et respectueuse reconnaissance dont j'ose vous supplier d'agréer l'hommage.
Pressé par ce même sentiment, par l'obligation de vous en donner le plus utile et le plus digne témoignage, je cédai avec empressement au devoir que j'ai rempli par la lettre que j'eus l'honneur d'écrire, dès le soir même, à M. le duc de Liaucourt.
C'est en sentant tout le prix de l'honneur que vous m'avez déféré, et qui ne pourrait pas m'être ravi, que j'ai le courage de me refuser à sa jouissance, quand, sous d'autres rapports, il eût été peut-être excusable de penser que le courage était de l'accepter.
J'aurai encore assez de force en cet instant, je prendrai assez sur moi-même, pour sacrifier au majestueux intérêt de votre séance, des détails dont l'objet me serait personnel : ie sens bien que l'individu doit disparaître où les soins de la cause publique ont seuls le droit de se montrer, et de dominer. Qu'il me soit seulement permis de dire que je suis capable et digne de faire à cette grande cause tous les sacrifices à la fois ; et que c'est à ce double titre que je viens vous demander de recevoir mes remercîments et ma démission.
sur la démission de M. Thouret, a été invité par l'Assemblée à continuer de remplir la place de président, jusqu'à ce qu'il eût été procédé à un nouveau scrutin, qui a été renvoyé à deux heures après-midi.
Ou a lu et annoncé à l'Assemblée plusieurs pièces, entre autres une délibération des habitants et corps commun de la ville de Salers, du 19 juillet 1789; une adresse des officiers municipaux de la ville d'Autun, du 29 juillet; une des citoyens de Vertus en Champagne, du 27 du même mois ; une de la ville d'Ernée au Maine, du 30 ; toutes exprimant des sentiments de fidélité pour le Roi, d'attachement à la monarchie, de reconnaissance pour l'Assemblée nationale, d'adhésion à ses décrets, d'estime et de confiance pour le ministre vertueux que le Roi a rendu aux désirs de ses peuples.
On a rendu compte d'une déclaration par laquelle la noblesse d'Anjou, en félicitant l'Assemblée nationale sur l'heureuse union qui la rend l'appui de la patrie, adhère à toutes ses décisions; d'une autre déclaration par laquelle la noblesse de Bar-sur-Seine a révoqué le mandat impératif qu'elle avait donné à M. le baron de Crussol, son député ; et l'on a annoncé qu'il avait été remis sur le bureau un ouvrage intitulé: Catéchisme du genre humain.
Il a été fait lecture du procès-verbal de la séance du samedi 1er août , et Ton a notifié à l'Assemblée la nouvelle distribution des bureaux.
Diverses motions qnt été faites relativement à la forme des discussions et des délibérations publiques.
Nous sommes arrivés au moment de la constilution. Chacun s'empresse de communiquer ses idées, chacun vient ici faire briller ses talents et son génie ; ces discours d'apparat sont eans doute fort agréables pour les auditeurs, mais ils ne le sont pas autant pour l'Assemblée nationale. Il y aura peut-être 200 personnes qui parleront sur la constitution, et l'on sent bien quels sont les retards qu'une telle abondance de paroles apporte à l'empressement que nous avons de former la constitution. Je propose un moyen d'accélérer vos délibérations ; c'est d'in^ viter M. le président d'avoir sur son bureau un sablier de cinq minutes seulement, et que, quand l'un des bassins sera rempli, M. le président aver> tira l'orateur que son temps est passé.
Cette motion a été d'abord applaudie-
Plusieurs personnes ont demandé que l'on délibérât sur-le-champ.
Cette demande a été mise en proposition, et l'affirmative est décidée à la très-grande majorité.
La motion paraît d'abord généralement approuvée, et M. le curé du Vieux-Pouzauges prie M. le président, pour remplacer le sablier, de mettre sa montre sur la table, et de n'accorder que cinq minutes à l'orateur.
observe que la motion n'étant pas passée, on ne pouvait pas encore s'y conformer.
Un membre, Je crois qu'il ne faut rien précipiter ; il vaut mieux entendre des discours trop longs, que de n'en entendre aucuns qui pourraient éclairer et instruire l'Assemblée ; si chaque membre n'avait que cinq minutes pour parler, la crainte de passer le moment fixé le rendrait peut-être inintelligible ; aucune assemblée a-t-elle jamais délibéré en si peu de temps?
Je crois que bien du monde trouvera le fond de cette motion blâmable. Jamais, en effet, on ne s'est avisé de circonscrire les mouvements du génie et de l'éloquence ; c'est à la sagesse du député qui a la parole à s'arrêter où il doit, et à la prudence du président de le ramener à l'ordre, s'il arrive à un honorable membre de s'emporter au delà des justes bornes soit du temps, soit de la modération.
Le terme de cinq minutes est beaucoup trop court. Je pense qu'il conviendrait mieux de fixer le nombre des orateurs, que le temps de la discussion ; et je propose qu'après que dix orateurs auront parlé, si l'on juge la discussion assez débattue, on aille aux voix.
Convient-il à l'Assemblée nationale^ appelée pour rétablir la liberté en France, de commencer d'enlever la liberté des suffrages ? Plusieurs des préopinants m'ont donné le courage de combattre l'opinion de M. Bouche; car il y en a à combattre une motion qui tend à nous faire gagner du temps et à nous éviter de l'ennui.
Dans aucune Assemblée on n'a jamais restreint
l'orateur à s'expliquer en cinq minutes sur les grands comme sur les petits objets; ces moments sont trop rapides pour un peuple qui n'est pas encore accoutumé à délibérer. Les Anglais, qui depuis longtemps sont faits à la forme déli-bérative, parlent pendant une heure, deux heures, et quelquefois davantage.
Je n'en saurais dire davantage... J en demande bien pardon à la nation ; mais je ne sais ce que je dis ; la crainte de passer les cinq minutes m'empêche de rallier aucune idéevet cet . exemple de l'effet funeste que produirait la motion de M. Bouche vaut mieux que toutes les raisons que je pourrais employer.
Cette simplicité ingénieuse paraît convaincre presque toute l'Assemnlée, et elle devient la source de beaucoup d'amendements.
demande que l'on établisse une communication de bureau a bureau.
Je demande que l'on inscrive désormais tous ceux qui demanderont la parole sur deux listes ; que les noms de ceux qui seront pour la motion soient inscrits sur la première liste, et ceux qui seront contre, sur la seconde ; que l'on appelle les noms pour et contre alternativement, en sorte que la motion soit également défendue et également combattue. Ce moyen évitera les répétitions toujours ennuyeuses, toujours rebutantes; l'on s'attachera aux objections, et non à répéter les mêmes réflexions que des préopinants auront présentées en faveur de la meme opinion.
Un membre propose un sous-amendement à celui du préopinant, tendant à mettre en question, quand l'une des listes sera épuisée, si l'Assemblée veut aller aux voix.
Je ne me contenterai pas de proposer des amendements contre une motion dont je sens tous les dangers ; je crois devoir me déclarer formellement contre son adoption. Ma conscience me force de m'élever contre une motion qui a d'abord paru enlever tous, les suffrages de l'Assemblée. J'aurai le courage de la combattre, car quoique celte opinion semble n'être proposée que pour hâter le moment de la constitution ; plus approfondie, on voit qu'elle ne tendrait qu'à écarter toutes les idées qui peuvent la rendre plus durable, plus sage et plus digne de tous les éloges de nos contemporains et de Ja postérité.
En effet, comment a-t-on pu vous proposer de ne délibérer que pendant cinq minutes sur des lois que tout l'univers approuvera ou blâmera, auxquelles le salut de 25 millions d'hommes est attaché, que peut être des nations entières attendent pour les prendre pour modèles?
Je ne sais quels termes employer pour caractériser une telle motion ; quel est l'orateur qui, sur les objets les plus importants que l'on ne peut même prévoir, peut sur-le-champ présenter ses idées, ses réflexions, ses objections dans un espace de cinq minutes? L'histoire d'aucun peuple ne fournit l'exemple d'une pareille sévérité.
évêque de Langres. Déjà, par une délibération précédente, on avait astreint les discussions dans les bureaux, en prescrivant des assemblées tous les jours et des bureaux tous les soirs. Si Ton restreignait encore à dix orateurs ou à quelques minutes cette discussion si nécessaire pour préparer la constitution de l'Etat, la liberté des opinions serait attaquée et presque détruite.
Comment réduire, en effet, à dix opinions ou débats les douze cents représentants chargés de discuter et de juger, si c'est par la collision des pensées que la raison se prépare et que le jugement se mûrît? Aussi un curé a-t-il ingénieusement observé que l'histoire ne nous offre qu'une époque où le sablier a été la mesure de l'éloquence.
Du temps du grand Arnaud, en Sorbonne, la loi fatale du sablier fut proposée par l'esprit de parti, et son adoption fut le triomphe de la cabale et de l'injustice.
En effet, circonscrire l'opinion, enchaîner la pensée, donner des limites au développement d'une idée salutaire, dévouer à un pareil esclavage les productions de l'esprit public, asservir à une pendule les émanations d'un cerveau politique, compasser la raison de chaque représentant d'une nation vive et spirituelle, est une idée trop nouvelle pour le xvnie siècle et pour une Assemblée législative qui, après 200 ans de despotisme, a besoin de dire et de faire tant de choses pour la liberté publique. A-t-on jamais proposé dans le sénat britannique de rendre prisonniers, sous la tyrannie de l'heure et du cadran qui l'indique, l'éloquence de Pitt ou l'énergie de Fox?
Arnaud, dont je vous parle, valait lui seul toute la Sorbonne, disait Descartes-, je ne présume pas qu'on en puisse jamais dire ni penser autant de l'Assemblée nationale ; mais souvent un seul individu a tant de lumières qu'on devrait un peu mieux écouter l'homme qui mérite de l'être.
D'après ce trait d'histoire, plusieurs membres s'empressent de rejeter le sablier.
On demande de toutes parts à aller aux voix.
— Les cèdres du Liban sont renversés ! s'écrie un curé.
demande la parole : il l'obtient. Lés raisons qu'il apporte ne font qu'ajouter encore à la certitude du danger du sablier ; il conclut par ces mots : Si je ne m'excepte, il n'y a personne ici qui ait abusé de la parole.
La matière est mise en délibération, et la motion ou l'amendement de M. Pétion de Villeneuve est adopté.
venait de recevoir dans l'instant des lettres anonymes, par lesquelles il était prié de lire à l'Assemblée d'autres lettres anonymes/
demande à l'Assemblée si elle est dans l'intention d'en écouter la lecture § un non général fait retentir la salle.
insiste, le même non est de nouveau prononcé avec la même opiniâtreté.
observe que l'auteur anonyme de la lettre le menace de le dénoncer au Palais-Royal, s'il n'en donne pas lecture. Pour toute réponse, on crie de tous côtés : Au feu ! au feu les lettres!
entretient l'Assemblée d'une circonstance plus sérieuse et plus affligeante.
Son oncle, vieillard octogénaire, et qui ne professe pas les mêmes principes que le neveu, a été obligé de chercher un asile chez l'évêque de Râle, pour dérober sa tête aux fureurs populaires. L'é-
vêque de Râle est'àchaque instant menacé ; les lettres, les avertissements sont dé plus en plus effrayants.
M. le comte de Clermont demande un passeport signé de M.1 le président, pour ramener son oncle en France, et le mettre sous la protection de l'Assemblée, dans le lieu même de la séance.
Cette proposition paraît d'abord accueillie : un membre demande même que cette faveur soit accordée à différents membres des parlements, qui se trouvent dans le même cas ; il nomme M. Dampierre, détenu à Moret.
et plusieurs autres personnes observent que l'Assemblée compromettrait son autorité en accordant de pareilles demandes.
Je pense, comme le préopinant, que l'Assemblée nationale se compromettra sérieusement toutes les fois qu'elle sortira de son caractère, et qu'elle excédera les bornes de sa juridiction naturelle; mais loin d'en tirer la même conséquence que lui, je soumets à votre sagesse cette question préliminaire : Les passeports sont-ils ou ne sont-ils pas de votre juridiction? ]\ est d'autant plus nécessaire de la décider, que si vous accordez un seul passeport, vous ne devez en refuser aucun.
Sans doute il y a quelques contrariétés, je dirai même, avec le préopinant, quelques calamités particulières, mais elles tiennent inévitablement aux calamités publiques auxquelles seules nous sommes chargés de remédier. Quelques particuliers ont été arrêtés dans leur voyage, quelques-uns même sont détenus jusqu'à ce qu'on ait pris des éclaircissements sur eux : ne voilà-t-il pas un malheureux sujet de distraction pour l'Assemblée nationale? C'est une aimable qualité, sans doute que la facilité aux émotions, mais elle exclut souvent les vertus et même la sagesse do l'homme public.
Quoi qu'il en soit, Messieurs, hier on vous a officiellement averti qu'un citoyen notable, qui a occupé de très-grandes places où de très-grands succès ont précédé le moment fatal qui l'a si cruellement compromis, par une apparente association avec des nommes chargés du mépris, public, et qui, dans ce moment même, est revêtu d'un caractère qu'on eût respecté dans tous les pays de l'Europe, celui d'ambassadeur du Roi, a été arrêté, et qu'il est détenu au Havre pour une simple ^contravention de police, un changement de nom qu'avec des préventions plus favorables on eût appelé un acte de prudence.1
Vous n'avez pris aucun parti à cet égard ; vous avez cru devoir laisser aller le cours naturel des choses; pouvez-vous accorder aujourd'hui à l'oncle de M. de Tonnerre, à l'ami de M. de Tollendal ce que vous avez refusé hier à l'ambassadeur du Roi ? Je ne le crois pas, et je crois moins encore qu'il vous convienne de perdre dans rles détails d'une police intérieure et particulière un temps toujours précieux.
cherche à refuler le préopinant. Les routes, dit-il, doivent être libres pour tout le monde, et tout ce qui tend à assurer la sûreté est de la compétence de l'Assemblée; elle ne peut se compromettre tant qu'elle conservera les principes d'équité qui l'ont dirigée jusqu'ici.
Malgré ces réflexions, l'affaire est renvoyée au comité des rapports*
Un gentilhomme député demande un moment d'audience pour entretenir l'Assemblée des mal heurs qui affligent sa province : il sollicite, il presse l'Assemblée de l'entendre.
On le renvoie au comité des rapports, et Ton reprend la discussion sur la déclaration des droits.
On a déjà prouvé la nécessité d'une déclaration des droits de l'homme. Après tous les discours que vous avez entendus, ie n'en répéterai pas ici les motifs. Je répondrai à l'objection qu'en déclarant à tout homme qu'il est maître de sa vie, c'est lui permettre le suicide ; le désespoir seul de vivre dans l'esclavage porte à l'excès du suicide. Quelquefois des mains suicides, armées par l'amour, par la honte et le désespoir, se sont immolées, pour ne point survivre au renversement de leur fortune, à la perte de leurs jouissances ; mais ces excès sont indépendants de toute espèce de déclaration.
On a fait une autre objection ; c'est qu'en permettant de dire sa pensée, on ouvrait un libre champ à l'obscénité. La liberté, au contraire, rend les mœurs plus pures.
A Rome, les poètes ne se sont livrés à l'obscénité que lorsque la liberté n'existait plus. Entin, >on a dit qu'il est nécessaire d'assujettir à des passeports de province en province la dernière classe des citoyens. Je réponds qu'il est inutile de faire des lois pour qu'elles soient méprisées. 11 ne faut pas commander ce qu'il est facile d'éluder; et pourquoi gêner la liberté des uns, quand on la rendra aux autres?
Mais il nous est indispensable de fixer les droits de l'homme en état de société ; ces droits sont de tous les temps et de toutes les nations; ils ont survécu aux empires dont ils ont fait le bonheur, et ils semblent participer à l'éternité de celui qui les a dictés.
Tout ce qui est étranger à ces droits doit être rejeté, tout ce qui y a des rapports doit faire partie de la déclaration.
Si ces lois premières n'avaient jamais été inconnues, personne ne les réclamerait aujourd'hui ; mais dans quel siècle vivons-nous? Les vérités les plus pures, les principes les plus certains sont gravés dans le plus grand nombre des cœurs ; mais malgré cela tout est obscurci; le despotisme a tout corrompu, tout dégradé ; l'ignorance est absolue pour les uns, et les autres flottent encore entre l'incertitude et la crainte.
Dans cet état de choses, comment peut-on douter qu'il ne soit utile d'éclairer ceux que les ombres de l'ignorance enveloppent encore ? Devons-nous imiter cette triste pitié qui couvre d'un voile les victimes de la justice humaine ?
Est ce à nous qu'il appartient d'envelopper de ce voile nos travaux et nos bienfaits ?
La déclaration contiendra les vrais principes de l'homme et du citoyen,
Les articles de la constitution n'en seront que les conséquences naturelles.
Autrement ce serait exiger du peuple une foi aveugle qu'il ne nous doit pas; c'est lui ravir le moyen de nous juger; c'est aller contre une vérité éternelle, puisqu'àlui seul appartient ie droit de nous juger.
Mais enfin quel danger peut offrir une déclaration des droits ?
L'on vous a fait valoir le prétexte d'affaiblir le respect dû à la religion et à la propriété. La religion est la base des empires; la propriété en est le lien ; mais loin de les attaquer, de les mettre en danger, elle ne fait que les rendre plus
respectables, puisqu'elle doit prouver que les lois qui en découlent et la religion ont une même source et sont réellement un bienfait de la divinité.
J'y aperçois de nouveaux motifs de reconnaissent de la part du peuple, de nouveaux sentiments de respect et d'admiration envers l'Etre suprême.
Mais il faut dire plus encore : les lois de la religion sont impérissables; elles consolent les peuples.
Je propose l'arrêté suivant:
« L'Assemblée nationale, considérant qu'il est nécessaire, pour former l'esprit public, de faire à l'avance une déclaration des droits qui précédera la constitution française, c'est-à-dire une déclaration des principes applicables à toutes les formes de gouvernement, arrête qu'il importe de fixer les idées:
c 1° Sur l'émanation des principes dans toute société ;
« 2° Sur la liberté de chaque individu dans les rapports de la société ;
« 3° Sur la propriété ;
« 4° Sur les lois qui ne doivent être que l'expression *du sentiment général ;
« 5° Sur l'établissement des formes de procédure ;
« 6° Sur les barrières qui doivent séparer les trois pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire ;
« 7° Quelle est l'étendue de la puissance militaire envers les concitoyens?
« 8° Enfin tous les autres principes que l'Assemblée nationale croirait devoir y insérer. >
répond à M. Desmeuniers. Il s'élève contre la déclaration ; il fait une distinction entre l'homme en état de nature et l'homme en société. Il dit que l'homme naturel n'a aucun rapport, n'a aucun droit, aucune propriété, qu'il n'a même pas de liberté, puisque l'esclavage n'existe pas dans la nature.
se lève et répond à M. Biauzat.
Avant d'examiner en elles-mêmes les différentes déclarations des droits de l'homme et du citoyen, il est une autre opération soumise au jugement de l'Assemblée, celle de savoir s'il est convenable, utile, nécessaire, de faire précéder par cette déclaration la constitution que nous allons faire.
Sans doute il n'est pas nécessaire de faire fairo un examen particulier des droits de l'homme isolé, abandonné à lui- môme, tel que la nature l'a abandonné dans les forêts. L'homme n'a de rapport qu'avec les choses ; l'homme n'a de droits que dans les sociétés.
L'état des hommes en état de nature a été trop bien éclairci, trop bien approfondi par un auteur immortel, pour que nous ayons besoin de nous livrer ici à de nouvelles discussions; c'est à nous de profiter de son ouvrage.
Les peuples, quand la tyrannie les persécute et les écrase, usent de leur force/et recouvrent leur liberté.
La religion est un bienfait pour les malheureux; elleessuie leurs larmes, et par l'espoir d'un avenir heureux, leur fait supporter les maux présents. Certes, ce n'est pas en sortant de l'oppression et de l'esclavage, ce n'est pas en sortant d un éclat d'infortune, que le peuple s'avisera de mépriser la religion ; il sentira que son état actuel est un
bienfait du créateur, et la religion lui apprendra à bénir déplus en plus la Providence qui a veillé sur son salut, confondu les méchants, et anéanti leurs complots.
L'on craint pour les propriétés ; fausse alarme : le peuple veut vivre en société, et il ne peut ignorer que si les propriétés ne sont fermement consolidées, la société est nulle, ou n'est dans le fait qu'une guerre perpétuelle.
En état de nature, l'homme a droit à tout ce que la force peut lui procurer.
En état de société, l'homme n'a de droit qu'à ce qu'il possède.
Voilà les maximes : or, n'est-il pas intéressant, nécessaire, d'apprendre à l'homme ce qu'il doit ou ne doit pas posséder ? Ne doit-on pas craindre dans tous les sens les effets de son ignorance?
Il est donc indispensable de faire une déclaration des droits pour arrêter les ravages du despo-tisme.Si nos ancêtres nous eussent laissé ce grand ouvrage, nous ne nous occuperions pas de le procurer à nos neveux.
La déclaration est indispensable afin que si le ciel, dans sa colère, nous punissait une seconde fois du fléau du despotisme, on pût au moins montrer au tyran l'injustice de ses prétentions, ses devoirs et les droits de ses peuples.
Peut-on dire au peuple qu'il est libre, quand les lois, les coutumes, les usages, mettent de tous côtés des entraves à la liberté!
s'expliquent laconiquement; ils paraissent ne vouloir pas fatiguer l'Assemblée par des répétitions, et développent, avec un avantage que leur précision n'a pas affaibli, la nécessité de la déclaration.
s'élève contre la déclaration ; il répète, d'après plusieurs autres, qu'il n'y a pas de déclaration de droits à faire pour l'homme en état de nature.
D'après le système du préopinant, il ne s'agirait que d'une dispute de mots; tout le monde reconnaît Futilité d'une déclaration des droits; mais l'on n'est pas d'accord sur le nom; M. Crinière l'adopte sous la dénomination de constitution; M. Hardi emploie les mêmes raisonnements; dès lors il est facile de leur faire voir que ce qu'ils voient comme constitution n'en est pas une, et qu'elle n'est qu'une déclaration des droits. Cette discussion est ajournée.
M'**, curé de.... Je demande l'indulgence de l'Assemblée pour un timide débutant qui parle pour la première fois et peut-être pour la dernière. Il ne faut pas porter ses regards au delà de sa chaussure, et je vais parler d'une affaire de mon métier. (On rit.)
Avant la réunion des ordres, ne devait-on pas élever un autel dans la chapelle de l'Assemblée nationale? Eh! à quel dieu aurait-il été consacré? serait-ce à un dieu inconnu, deo ignoto? (On rit.) Non, Messieurs, nous sommes toujours les vrais enfants de l'Eglise catholique, apostolique et romaine. ( On écoute en silence. )
Je rappelle M. le curé à l'ordre et au fait. Il ne s'agit pas ici de questions de religion.
Eh! mais, monsieur le président, Brevis esse laboro} obscurus fio.
Je ne trouve pas mauvais que M. le curé cite Horace à propos de l'Eglise catholique, apostolique et romaine; mais:
Non erat hic locus...
sans se déconcerter, reprend le fil de son oraison, et affirme que l'Assemblée nationale est et doit être catholique, apostolique et romaine.
Puis, après une très-savante transition, il parle des députés trépassés, sur la tombe desquels son éloquence jette des fleurs.
Enfin il parle d'un aumônier pour la salle...
observe qu'il est tard, et que le comité des rapports ayant différents objets à mettre sous les yeux de l'Assemblée, on se réunira à sept heures et demie.
La séance est levée à deux heures, et remise à ce soir six heures.
Séance du soir.
annonce que le résultat des suffrages, sur 945 votants, est en grande majorité en faveur de M. Chapelier.
Les applaudissements répétés et réitérés prouvent combien l'Assemblée est sensible à ce choix.
Messieurs, vous avez exercé pendant quinze jours, sans relâche, la bienveillante indulgence qui vous avait portés à m'élever à la place la plus honorable du monde entier. Vous m'avez comblé de faveurs et de bontés ; les sentiments profonds dont je me sens pénétré sont si fort au-dessus de toute expression, que j'ai l'honneur de vous supplier, Messieurs, de permettre que je me borne, dans ce moment, à vous assurerque les occasions les plus belles de ma vie, les plus désirées pour mon cœur, seraient celles par lesquelles je pourrais convaincre l'Assemblée nationale de ma sensible et respectueuse reconnaissance et de mon dévouement sans réserve.
Vous venez de m'honorer de la distinction la plus flatteuse que puisse recevoir un citoyen.
Ni mon zèle, qui est un devoir, ni mes trop faibles moyens, n'ont pu me mériter une si grande marque d'estime.
Je dois en faire hommage à la province dont j'ai l'honneur d'être député; elle a conservé, dans un temps où la France n'avait plus que le souvenir de ses droits, des restes précieux de liberté; elle a souvent eu l'avantage d'éclairer les rois et de lutter avec succès contre le despotisme des ministres qui. trompaient leur bonté et compromettaient leur pouvoir.
Vous avez voulu, Messieurs, reconnaître dans la personne d'un des représentants de cette province les services qu'elle a quelquefois, et tout récemment encore, rendus au royaume par sa courageuse résistance.
je sens combien votre choix et le motif qui l'a dicté m'imposent d'obligations, et je m'excuserais
de remplir la place que vous me confiez, et que les talents de mes prédécesseurs ont rendue si difficile, si je n'espérais que vous daignerez être mes guides, et qufobjet de vos bontés, je le serai également de votre indulgence.
Vous êtes maintenant occupés du travail le plus important : donner une constitution au royaume est le sujet actuel de toutes vos pensées. La France en désordre vous conjure de hâter ce travail sans le précipiter. Je serais trop heureux, Messieurs, si je pouvais contribuer à avancer de quelques ' instants un si grand ouvrage, et, organe de votre volonté, prononcer quelques articles fondamentaux de la liberté et du bonheur public. (On applaudit.)
, au nom du comité des rapports, donne quelques détails de ses premiers travaux.
Par des lettres de toutes les provinces, il paraît que les propriétés, de quelque nature qu'elles soient, sont la proie du plus coupable brigandage ; de tous les côtés les châteaux sont brûlés, les couvents sont détruits, les fermes abandonnées au pillage. Les impôts, les redevances seigneuriales, tout est détruit; les lois sont sans force, les magistrats sansautorité, la justice n'est plus qu'un fantôme qu'on cherche inutilement dans les tribunaux.
Pour remédier à de tels désordres, le comité des rapports propose l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, imformée que le payement des rentes, dîmes, impôts, cens, redevances seigneuriales, est obstinément refusé; que les habitants des paroisses se réunissent et témoignent dans des actes l'engagement de ces refus, et que ceux qui ne veulent pas s'y soumettre sont exposés aux menaces les plus effrayantes, et éprouvent de mauvais traitements; que des gens armés se rendent coupables de violence, qu'ils entrent dans les châteaux, se saisissent des papiers et de tous les titres, et les brûlent dans les cours;
« Déclare qu'occupée sans relâche de tout ce qui concerne la constitution et la régénération de l'Etat, elle ne peut, quelque pressants que soient les objets particuliers qui lui sont soumis, détourner ses regards de eelui auquel elle est fixée, et suspendre ses travaux dont toute l'importance exige la continuité;
a Déclare qu'aucune raison ne peut légitimer les suspensions de payement d'impôts et de toute autre redevance, jusqu'à ce qu'elle ait prononcé sur ces différents droits; déclare qu'aucun prétexte ne peut dispenser de les payer; qu'elle voit avec douleur les troubles que ces refus occasionnent, et qu'ils sont essentiellement contraires aux principes du droit public que l'Assemblée ne cessera de maintenir. »
La discussion s'ouvre sur ce projet. Il s'élève plusieurs opinions très-opposées. Quelques-uns sont d'avis qu'il n'y a lieu à délibérer, attendu que l'Assemblée n'a pas de preuves légales des désordres qu'on lui annonce, et contre lesquels on lui propose de statuer.
. Je combats cette opinion. L'Assemblée est la sauvegarde de la société; il suffirait que la tranquillité publique fût seulement menacée, pour qu'elle soit autorisée à
Erendre toutes les mesures propres à la maintenir, a notoriété des faits constatés par les lettres des personnes publiques donne des preuves incontestables des troubles qui agitent les provinces \ et ces preuve* ainsi acquises suffisent pour exiger
de l'Assemblée un acte d'invitation et de prévoyance, tel que l'arrêté proposé par le.comité.
énonce le vœu des curés de son bailliage; il fait le tableau des persécutions inouies qu'on vient d'exercer en Alsace envers les juifs ; il dit que, comme ministre d'une religion qui regarde tous les hommes comme frères, il doit réclamer dans cette circonstance l'intervention du pouvoir de l'Assemblée en faveur de ce peuple proscrit et malheureux.
observe que la féodalité est une matière délicale, et de toutes les questions la plus importante pour les habitants de la campagne. Il pense qu'il serait dangereux de rien promulguer sur ce point jusqu'après l'achèvement delà constitution.
Quelques membres appuient cette observation. Un député de la noblesse ajoute que l'Assemblée ayant déjà fait une déclaration pour inviter le peuple à la paix, il convient d'en iaire une autre pour remettre les anciennes lois en vigueur.
Un membre observe qu'il importe de s'assurer de la vérité des faits.
répond que les lettres sont bien positives.
Quelques-uns demandent des procès-verbaux ; il n'y en a point.
. J'observe que les faits n'étant point constatés, il ne convient pas à l'Assemblée de faire une déclaration sur des objets douteux; elle doit être très-circonspecte sur le choix des preuves; dans les tribunaux, les lettres, les certificats sont rejetés, et une Assemblée aussi solennelle, aussi auguste, ne doit pas montrer moins de scrupule.
. Je réponds à cette dernière objection, que le pouvoir exécutif, pour prononcer des jugements, a besoin d'une certitude non équivoque; mais qu'il suffit au pouvoir législatif d'être assuré des faits officiellement; au surplus, les lettres envoyées au comité des rapports sont suffisantes, puisqu'elles sont émanées de personnes en place, des corps de magistrature, etc.
prend la parole, et réduit la question à deux propositions :
1° Adoptera-t-on le plan d'une déclaration ?
2° Adoptera-t-on celle présentée par le comité des rapports, ou la renverra-t-on au comité de rédaction ?
Plusieurs membres interrompent M. le président, l'interrogent, lui reprochent de s'écarter du règlement, qui ordonne que toutes les motions ne seront mises en délibération que le lendemain.
, avec la plus grande modération, répond à chacun sur le règlement. Il dit qu'il faut distinguer les motions relatives aux impôts, aux finances et à la législation; que ces seules motions sont celles qui ne doivent être mises en délibération que le lendemain ; qu'au surplus, il demande la volonté de l'Assemblée, pour décider si on mettra sur-le-champ la matière en délibération.
La très-grande majorité vote pour que l'on délibère sur-le-champ.
Malgré ce jugement, les réclamations recommencent, mais peu à peu l'ordre se rétablit, et la discussion continue.
propose de renvoyer au bureau. Cette opinion n'a aucun suceès.
Plusieurs membres prétendent qu'il ne faut pas de déclaration, les autres que celle présentée par le comité des rapports n'est pas convenable.
M.***. Il ne faut pas appeler droits légitimes des droits injustes, et pour la plupart fondés sur la force-et la violence. Il ne faut pa3 parler des droits féodaux; les habitants des campagnes en amendent la suppression, la demandent dans les cahiers, et ce serait les irriter que de faire une pareille déclaration.
Un député breton réclame l'exécution de ses cahiers, qui portent que les seigneurs ne pourront forcer leurs censitaires à aucunes déclarations censuelles.
observe que cette motion est étrangère à celle que l'on agite.
Un membre propose un arrêté, en disant qu'il faut se hâter de remédier aux maux actuels ; que bientôt la France sera dans le plus grand désordre; que c'est la guerre des pauvres contre les riches ; et que si l'on n'apporte aucun remède à la suspension du payement des impôts , le déficit sera de plus de 200 millions; que M. le contrôleur général se plaint du vide de ses caisses. Il lit le projet suivant :
« L'Assemblée nationale, persistant dans son arrêté du 17 juin, ordonne que tous les impôts actuels seront perçus, comme par le passé, jusqu'à ce que l'Assemblée les ait remplacés par d'autres impôts plus justes et moins susceptibles d'inconvénients ; défense à gui que ce soit de s'opposer au payement des impôts, sous peine d'être poursuivi extraordinairement et puni selon la rigueur des ordonnances.
« Tous ceux qui attenteront à la liberté et la propriété de chaque individu seront poursuivis par le procureur du Roi; enjoint à tous baillis, sénéchaux, prévôts de les poursuivre. » Ce projet n'a pas de suite. Après bien des discussions, des contradictions, on admet le plan de la déclaration, et l'on renvoie au comité de rédaction pour en proposer une.
Le résultat du scrutin pour la nomination des secrétaires a été en faveur de MM. Fréteau, l'abbé, de Montesquiou et Pétion de Villeneuve. M. Em-mery est élu pour remplacer M. Chapelier, qui avait laissé une place vacante en montant au fauteuil.
Un membre du comité des rapports rend compte d'une pétition faite à l'Assemblée par les maires et syndics de Toul, et de différentes municipa lités de Lorraine.
Dans le pays de Toul, les habitants avaient eu jusqu'à ce jour, en dépôt, des armes qui leur étaient confiées, pour que, dans l'occasion , ils pussent s'armer promptement. Deux ordres, signés de M. de Broglie, les en en ont dépouillés dans une circonstance où ils ont besoin de se mettre en défense contre les brisands qui infestent les provinces. Ils prient i Assemblée, par l'organe de leurs syndics, do vouloir bien se
1er Série, T, VIII
concerter avec le ministre, et obtenir que leurs armes leur soient rendues.
L'avis du comité est que la demande doit être accordée.
L'Assemblée adopte l'avis du comité. Un autre rapport occupe l'Assemblée. M. l'évêque de Noyon, voyageant avec un ecclésiastique, a été arrêté à son passage à Dôle. Interrogé et visité par l'ordre des officiers municipaux, il a été détenu et l'est encore. Quoiqu'ils n'aient rien trouvé sur lui de suspect, ils ont jugé à propos de le garder à vue jusqu'à ce que l'Assemblée consultée eût décidé de son sort.
Le comité a pensé que cette détention était illégale ; il a proposé le renvoi de cette affaire au ministre ; cependant il a pensé qu'il convenait que M. le président écrivît aux officiers municipaux de Dôle, pour leur rappeler les principes. Cette proposition est adoptée. M. Malouet obtient la parole pour une motion d'ordre.
. C'est travailler à la constitution, c'est en assurer le succès, que de fixer un moment votre attention sur le nouvel ordre de choses qu'elle va opérer et sur la transition subite de l'état ancien de la nation à un état nouveau.
Un plan successif d'améliorations et de réformes dans un nouveau gouvernement laisse le temps de remplir tous les vides, de pourvoir à tous les déplacements d'hommes et de choses, et d'ordonner complètement chaque partie à mesure qu'elle subit l'examen du législateur. Mais lorsque, sans autre précaution qu'une volonté toute-puissante, une grande nation passe subitement delà servitude à la liberté; lorsque tous les abus et ceux qui en profitent sont à la fois frappés du même coup, il se mêle nécessairement, Messieurs, £ ces nobles efforts du patriotisme un sentiment d'inquiétude et de terreur sur les périls et les désordres momentanés dont un tel ébranlement menace les différentes classes de la société.
Nous avons pros.crit les fautes et les erreurs de plusieurs siecles ; l'expérience et les lumières de tous les âges vont présider à notre Constitution. Mais l'exposition des meilleurs principes est la moindre partie des devoirs et des talents du législateur ; et lorsqu'il ne laisse apercevoir que des motifs et des vues générales, il faut encore qu'il connaisse tous les détails intérieurs et qu'il agisse sur tous les ressorts de la société pour en régler le mouvement, en prévenir les écarts, concilier le présent avec l'avenir, les institutions nouvelles avec les besoins du moment et la vie morale de l'Etat avec son existence physique. Cetleréflexion, Messieurs, s'applique à notre position.
L'Etat périssait par la multitude et la gravité des abus que vous allez réformer. Mais il n'est peut-être pas un de ces abus qui ne soit actuellement la ressource de ceux qui y participent, et qui ne soit lié à la subsistance de diverses classes de salariés.
Un grand nombre d'emplois ou de fonctions publiques, de grâces non méritées, de traitements exagérés et de moyens abusifs de fortune, doit être supprimé ou réduit. Un nouvel ordre et plus de simplicité dans la régie des finances, dans l'administration de la justice, dans la représentation des grandes places, va influer graduellement sur tous les états, d'où résulteront deux effets certains ; l'un dont la perspective ne peut et rc
que consolante et salutaire, est la diminution du luxe ; l'autre, plus prochain, plus pressant, est le désœuvrement instantané et la cessation des salaires ou profils d'un grand nombre d'individus, domestiques, ouvriers et employés de toute espèce. De là suit encore la diminution des aumônes pour les pauvres, celle des consommations pour les riches, ce qui occasionnera aussi momentanément une réduction dans les profits des marchands et entrepreneurs.
Un vice particulier à la France rend toutes ces réformes aussi nécessaires que leur effet pourrait être dangereux, si on ne se hâtait d'v pourvoir. 11 n'existe dans aucun autre Etat policé, et nous ne trouvons dans l'histoire d'aucun peuple une aussi grande quantité d'officiers publics et d'employés de tous les genres, à la charge de la société, qu'il y en a parmi nous.
D'un autre côté, la diminution du travail et de l'industrie dans les classes productives fait depuis quelques années des progrès effrayants ; plusieurs manufactures et grand nombre de métiers ont été abandonnés dans plusieurs provinces; des milliers d'ouvriers sont sans emploi : la mendicité s'est accrue sensiblement dans les villes et dans les campagnes. Le commerce maritime est frappé de la même inertie. Les étrangers partagent nos pêcheries et notre cabotage. Les armements diminuent, quoique le frêt de nos vaisseaux soit à haut prix, soit que cet état de langueur du commerce intérieur et extérieur dépende de celui de l'agriculture trop imposée et desséchée par les spéculations de l'agiotage, soit qu'il résulte du désavantage de nos relations po-liques avec les puissances étrangères; de cette multitude de règlements et de droits fiscaux qui obstruent tous les canaux de l'industrie, ou enfin de la réduction des capitaux que les agents du commerce y consacrent, parce que le luxe, la vanité, le grand nombre de charges et d'emplois stériles, éloignent malheureusement de tous les travaux productifs les hommes qui s'y sont enrichis ; quelle que soit enfin la cause du mal, il existe, et notre devoir pressant, le grand intérêt national est de le faire cesser.
Or, remarquez, Messieurs, que ce mal si funeste, ce désœuvrement de plusieurs salariés, cette diminution de travail et de moyens de subsistance dont nous nous plaignons aujourd'hui, va s'aggraver demain par une cessation de gages et de salaires d'une multitude d'hommes qui subsistaient hier directement ou indirectement de la solde des abus, ou des fonctions publiques, ou des divers revenus que nous allons supprimer ou réduire.
Ainsi, par la suite d'un mauvais système de commerce, par tous les vices de notre économie politique et rurale, le désœuvrement, la mendicité, la misère, affligent une portion considérable de la nation : et par la suite de vos opérations, Messieurs, qui tendent au rétablissement de l'ordre, si vous les séparez des mesures et des précautions de détail qu'il est en votre pouvoir d'employer, vous augmenterez infailliblement le désœuvrement, la mendicité et la misère.
11 ne s'agit point ici de vaines hypothèses ou Feulement de probabilités. Ce sont des faits positifs que je vous annonce. Aucun homme instruit ne peut contester l'état actuel du commerce et des manufactures. Le spectacle des villes et des campagnes, les prélats, les pasteurs charitables, tous les préposés du gouvernement déposent avec moi de la misère puolique, et tout observateur attentif des effets momentanés Jo h révolution
présente en voit l'accroissement certain, si vous n'y pourvoyez.
Sans doute la liberté vaut la peine d'être achetée par des maux passagers ; mais ceux qui en souffriront le plus en jouiront le moins ; et quand un sentiment de justice et d'humanité ne suffirait pas pour nous décider à voler à leur secours, un intérêt puissant, celui de la liberté même, nous y oblige ;#car elle a deux espèces d'ennemis également dangereux, les hommes puissants et les hommes faibles, les favoris et les victimes de la fortune.
Remarquez en effet, Messieurs, que dans tous les âges, dans tous les pays, ceux qui n'ont rien, ceux dont la vie est un fardeau, ont toujours vendu leurs services et souvent leur liberté à ceux qui peuvent la payer.
Je me reprocherais/ Messieurs, de vous avoir affligés par ces tristes détails, si je ne voyais la réparation possible et prompte de tant de maux ; et c'est alors que mon cœur s'ouvre à l'espérance et à la joie, en apercevant la génération qui nous suit jouir sans orage du superbe héritage que nous lui transmettons.
Avant ae vous exposer les mesures que je crois indispensables dans les circonstances actuelles, je dois vous rappeler les principes et les moyens qui en assurent le succès.
Toutes les dépenses stériles épuisent les nations comme les grands propriétaires. Toutes les dépenses utiles les enrichissent.
Toute nation riche et libre peut disposer dans son propre sein, et sans aucun secours étranger, d'un crédit immense qui n'a d'autres limites que ses capitaux ; et l'emploi bien ordonné d'un tel crédit allège ses charges au lieu de les aggraver.
Toute dépense intérieure de l'Etat, qui aura pour objet de multiplier le travail et de répartir les subsistances à tous les indigents, ne sera jamais qu'une charge fictive pour l'Etat, car elle multipliera effectivement les hommes et les denrées.
Je crois. Messieurs, que dans une Assemblée aussi éclairée, ces assertions peuvent être considérées comme démontrées, et qu'il serait superflu de leur donner'plus de développement.
Je regarde donc comme certain que nous verrons bientôt notre constitution appuyée sur un système de finances raisonnable et vraiment digne d'une grande nation, qtie la ressource ruineuse des emprunts disparaîtra, et que les moyens des grandes opérations se développeront avec elles.
Je reviens maintenant à celles que j ai à vous proposer ; et si je vous indique une dépense nouvelle, commandée par la nécessité la plus irrésistible, celle-ci a le double avantage d'être au nombre des dépenses productives, et d'appartenir également aux devoirs les plus sacrés de tous les citoyens. Elle peut donc être en partie prélevée sur leurs jouissances et sur le crédit national, dont la régénération doit bientôt et nécessairement multiplier le numéraire fictif et effectif.
Mais examinons d'abord les différentes classes d'hommes sur lesquels doivent frapper les réformes et tous les changements qui se préparent.
Je ne parle point des déprédateurs ; s'ils existent, s'ils sont convaincus, tout ce qu'on leur doit çt à la nation, c'est de les punir. Après eux viennent les hommes inutiles et largement payés. Il en est de tous les rangs ; que justice en soit faite !
Mais les salaires modiques des hommes même inutiles, les emplois, les fonctions nécessaires
qui subiront des réductions, réclament des égards; et la justice, la raison, la dignité même de la législation, eri réformant les abus, commandent de sages proportions. L'ordre et ses bienfaits ne se séparent jamais de la modération.
Dans cette première classe d'individus directement attaqués, les réformes, les déplacements n'occasionneront que de moindres jouissances, et ce n'est pas là, Messieurs, que je veux porter votre attention et vos secours.
Les marchands, fabricants et divers entrepreneurs éprouveront tout de suite une diminution de profits, et déjà il est nécessaire de leur préparer de nouveaux débouchés.
Mais c'est la classe indigente et salariée, celle qui ne vit que de ses services et de son industrie, qui mérite toute votre sollicitude. C'est pour elle qu'il faut assurer des subsistances et du travail ; et quelques calculs approximatif^, en réunissant ceux actuellement désœuvrés à ceux qui doivent l'être incessamment, m'en font porter le nombre à quatre cent mille individus. Tel est, Messieurs, l'objet de deux propositions par lesquelles je finis; travail et subsistance fondés sur les obligations de la société envers ceux qui en manquent, et sur les ressources immenses de la nation j)our assurer l'un et l'autre.
On propose : qu'il soit établi par les assemblées provinciales et municipales, dans toutes les villes et bourgs du royaume, et dans chaque paroisse des grandes villes, des bureaux de se-• cours et de travail, correspondant à un bureau de répartition qui sera formé dans la capitale de chaque province.
Les bureaux de répartition correspondront à un bureau général de surveillance, qui sera permanent à la suite de l'Assemblée nationale. Les fonds des bureaux de secours seront formés de la réunion de tous ceux qui composent les établissements de charité autres que les hôpitaux, et le supplément sera fourni sur les contributions de la paroisse, lesquelles serout remplacées par une taxe équivalente sur tous les contribuables, et par les moyens résultant du crédit national.
Aussitôt que les bureaux seront institués, on fera appeler dans chaque paroisse tous les individus dépourvus de travail et de subsistance. Il en sera dressé un rôle exact, contenant les signalement, profession et domicile de chacun, et il sera assuré dans l'instant, à tous ceux qui se présenteront, une nourriture suffisante en argent ou en nature, sauf à employer ceux qui seront en état de travailler dans les ateliers de la paroisse.
Dans le cas où il n'y aurait point de travaux publics ou particuliers, propres à occuper les indigents dans la paroisse de leur domicile, il en sera dressé un état au bureau de répartition, contenant leurs nom, âge, qualité, profession, et ledit bureau les distribuera dans la province aux divers entrepreneurs d'arls et manufactures qui voudront s'en charger, et s'adressera pour l'excédant au bureau général de surveillance, dans lequel seront classés, par signalement' et profession, tous les hommes sans emploi dans les provinces.
Le bureau général sera spécialement chargé de prendre, dans les places et chambres de commerce, toutes les informations nécessaires pour le meilleur emploi des hommes qui seront inscrits sans salaire et sans occupation. Ceux qui, sans avoir de profession décidée, seraient susceptibles de servir sur mer ou sur terre, y seront destinés ; les hommes que Von ferait venir des
provinces, pour suivre leur destination, voyageront par étapes aux frais des villes par lesquelles ils passeront. Tous les indigents ainsi avoués par leurs paroisses seront traités avec les égards dus à des citoyens malheureux. Les secours seront .gradués proportionnellement à l'état et profession. Tous ceux qui n'appartiendront au rôle d'aucune paroisse, et seront surpris sans passeport, seront arrêtés comme vagabonds et il en sera formé des escouades à la disposition des entrepreneurs des travaux des grands chemins.
Pour augmenter le travail et les salaires dans le royaume, 011 propose : de consulter toutes les chambres de commerce et villes à manufactures, pour connaître les obstacles qui s'opposent à l'accroissement du commerce et de l'industrie nationale, les règlements et établissements qui y nuisent, ceux qui y contribueraient, et notamment les moyens les plus propres à augmenter le travail et conséquemment les salaires par l'établissement de nouveaux métiers et manufactures.
Cette motion excite quelques rumeurs. — Elle est renvoyée aux bureaux.
La séance est levée.
Séance du
La séance a été ouverte à 9 heures du matin.
MM. les secrétaires ont lu les titres d'un grand nombre d'adresses de villes, et notamment des officiers municipaux de Buzançais, du bailliage de Viilers-Cotterets, des citoyens d'Annonay de Blave, de Loudun, de Saint-Claude, de Sois-sons, a'Agen, d'Auxerre, de la paroisse de Lys, d'Epernay, de Narbonne, d'Agde, de Nyon en Dauphiné ; de Saint-Sever, de lloanne et Coteau de Beaujolais, de Cambrai, de Castres, avec 800 signatures, de Blois, de Toulon-sur-Arroux, de Caen,. des consuls de Soissons, de Saint-Jean de Gardionningue en Languedoc, de Castelnau-dary, d'Arnai-Ie-Duc, de Boulogne-sur-Mer, de Dinan en Bretagne, de Rhodez, de Lusignan, de Cluny, de Bourbon-l'ArchambauIt, des gentilshommes de Bresse, de ceux de la Basse-Marche, suivant un procès-verbal en forme, et une lettre y annexée. Parmi les lettres et mémoires particu -fiers, il s'est trouvé un ouvrage sur la presse, des écrits offerts à l'Assemblée par M. l'abbé de Lubersac, et autres.
On a lu les pouvoirs de M. le marquis Duhart, député du pays de Soulle : ces pouvoirs ont été approuvés, d'après la vérification qui en avait été faite au comité le 25 juillet.
On a fait aussi lecture du procès-verbal des deux séances du jour d'hier.
a proposé ensuite de reprendre la discussion sur la déclaration de droits, dont il a été présenté plusieurs plans pour être mis en tête de la Constitution.
Plusieurs orateurs prennent la parole et sont interrompus par les cris redoublés; aux voix% aux voix !
, député de Bigorre. Le projet de faire une constitution est vaste, sans doute ; mais, pour l'exécuter, sont-ce des talents ou de la sagesse qu'on exige de nous? Etablissons et fixons d'abord les devoirs de l'homme; car à qui donnerons-nous des lois, lorsque l'esprit si naturel d'indépeudance aura exalté tous les esprits, et rompu les liens qui entretiennent le pacte social? Préférons le doux sentiment de faire le bien, à la vanité de nous faire admirer; que la postérité nous rende justice, et que, parmi tous les litres dont les représentants de la nation auraient pu s'honorer, ils n'ambitionnent et ne cherchent à mériter que celui de sage. Pour cela, commençons par faire une déclaration des droits et des devoirs de l'homme, afin qu'au moment qu'il pourra les connaître, il sache l'usage qu'il doit en faire, et les bornes qu'il doit y mettre. Alors la déclaration des droits présentera beaucoup d'avantages, et pas un danger. L'homme est porté à obéir à la loi, quand il en connaît les motifs; il soumet volontiers sa force à son intelligence: et l'observation de la loi ne lui coûte rien, quand il croit trouver son bonheur dans l'obéissance.
M***, curé. Vous allez enfin préparer une nouvelle constitution à un des plus grands empires de l'univers ; vous voulez montrer cette divinité tutélaire, aux pieds de laquelle les habitants de la France viennent déposer leurs craintes et leurs alarmes ; vous leur direz : voilà votre Dieu, adorez-le.
(L'orateur est obligé de faire le sacrifice de quelques phrases de ce genre pour en venir à la question.)
Après avoir ~parlé du besoin impérieux de faire la Constitution promptement, il ajoute: En effet, serait-il nécessaire de faire des lois pour ceux qui ne les accepteront pas? L'esprit ci'insubordina-tion agite toutes les classes de citoyens. Pour éviter tous ces inconvénients, hâtons-nous de travailler à la Constitution et d'en poser les premiers principes. Ils sont dans nos cahiers ; ils sont dans nos tètes.
Dans nos cahiers, nous devons remplir le vœu de nos concitoyens, nous soumettre à la volonté impérieuse dont nous sommes les dépositaires.
Dans nos têtes, parce que chacun de.nous est comptable de sa pensée à l'Assemblée"; que si donc il conçoit une bonne idée, il la doit communiquer.
C'est d'après cela que l'on doit rédiger la déclaration des droits. Elle a été si débattue pour et contre, que je ne me permettrai pas de la discuter. Que I'oli ne pense pas que lea lumières sont trop grandes, que les hommes sont trop instruits pour se dispenser de faire la déclaration. C'est souvent sur les peuples les plus instruits que le despotisme règne avec plus d'empire. Que l'on jette un coup d'œil sur l'histoire; les sciences n'ont presque servi qu'à consoler les hommes de l'esclavage.
. Si je n'étais rassuré par l'indulgence que vous m'avez accordée jusqu'ici, et si je ne devais à mes commettants le tribut de toutes mes pensées, je ne me serais pas permis de suspendre davantage votre délibération.
La Constitution sera-t-elle précédée d'une déclaration des droits de l'homme et du citoyen? Ce sont les vœux de nos commettants, et la nécessité nous en fait une loi.
La constitution d'un pays est le mode des lois qui gouvernent les hommes.
Pour établir ces lois, il faut développer les principes avec lesquels elles ont des rapports intimes. 11 est donc nécessaire de les rappeler; mais ce n'est pas des lois propres à tous les pays qu'il faut ici. La constitution d'un empire aussi vaste, aussi étendu, exige plus de combinaisons.
Dans l'ordre moral toutes les lois devraient s'appliquer à tous les pays, à toutes les nations; mais une longue expérience nous a démontré que les lois d'un pays ne sont pas applicables à tel autre. Les législateurs d'un peuple aussi immense doivent prendre en considération la différence des mœurs et des usages, qui varient comme les climats et les productions des pays.
Le but de nos travaux est de rendre la nation heureuse sans doute. Nous avons de grandes difficultés, de grands obstacles à surmonter; les relations des lois embrassent bien des objets.
11 est une grande considération à laquelle on doit s'arrêter; c'est l'intérêt des habitants de la campagne ; ce sont les plus nombreux et les plus utiles ; ils s'en rapportent à nous sur leurs intérêts ; ils nous abandonnent le soin de faire des lois.
Il ne faut pas leur en présenter d'inintelligibles'; il ne faut pas leur présenter des discussions philosophiques, qui, sans doute, les mécontenteraient ou qu'ils interpréteraient mal; il faut tout rapporter aux principes. Les idées que nous présenterons en seront les conséquences ; c'est ainsi que nous devons guider leur conduite et les diriger vers le bonheur.
Je me permettrai donc de vous adresser cette réflexion-ci : que ce n'est pas un ouvrage profond, un ouvrage philosophique qu'il faut leur présenter; les habitants des campagnes ne sont pas faits à des idées métaphysiques.
Ce n'est cependant pas que je regarde la déclaration des droits comme inutile; moi-même je la crois très-nécessaire. Mais j'aurais désiré que ceux qui nous l'on présentée l'eussent fait d'une manière plus simple, moins compliquée et à la portée de tout le monde; j'aurais encore désiré qu'elle fût présentée dans une forme moins didactique.
Législateurs de ce vaste empire, réfléchissez que vous devez faire le bonheur de vingt-quatre millions d'hommes; que votre premier devoir est de faire tout ce qui peut le leur procurer. Surtout n'oubliez pas, en apprenant à l'homme quels sont ses droits,, de lui apprendre aussi ses devoirs, de lui en montrer aussi la chaîne ; dites-lui que, le premier ou le dernier anneau en étant séparé, sa longueur est la même.
. L'on vous propose de mettre à la tête de votre constitution une déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Un pareil ouvrage est digne de vous ; mais il ne serait qu'imparfait si cette déclaration n'était pas aussi celle des devoirs.
Les droits et les devoirs sont corrélatifs ; ils sont en parallèle ; l'on ne peut parler des uns sans parler des autres ; de même qu'ils ne peuvent exister l'un sans l'autre, ils présentent des idées qui les embrassent tous deux. C'est une action active et passive.
On ne peut uonc présenter une déclaration des droits sans en présenter une des devoirs. Il est principalement essentiel de faire une déclaration des devoirs pour retenir les hommes dans les limites de leurs droits ; on est toujours porté à les exercer avec empire, toujours prêt h les étendre;
et les devoirs, on les néglige, on les méconnaît, on les oublie.
Il faut établir un équilibre, il faut montrer à l'homme le cercle qu'il peut parcourir, et les barrières qui peuvent et doivent l'arrêter.
Beaucoup ont soutenu la thèse contraire ; beaucoup ont dit qu'il était inutile de parler spécialement des devoirs, puisque l'on ne pouvait exister qu'autant qu'il existe des droits. Je ne suis pas de leur avis, et je crois que la déclaration des droits est inséparable de celle des devoirs.
. Je n'ai qu'un mot à dire sur la question incidente : chaque homme, ayant le même droit à la liberté et à la propriété, a des droits incontestables, comme il a aussi des devoirs qui le forcent à respecter la liberté et la propriété d'autrui. Ces devoirs naissent naturellement des droits du citoyen.
On pourrait peut-être détailler, dans le corps de la déclaration, quelques-uns de ces devoirs ; mais je penserais que le titre seulement doit annoncer une déclaration des droits du citoyen, et non des devoirs. Ce mot de citoyen annonce une corrélation avec les autres citoyens, et cette corrélation engendre les devoirs.
Mais ces devoirs étant indéfinis, se multipliant autant que les droits, il serait impossible de les fixer, de les déterminer tous : et des gens peu instruits pourraient croire qu'il n'existe de devoirs que ceux qui seraient insérés dans la déclaration.
Quelques orateurs absents ont perdu leur tour pour la parole ; d'autres ont voulu prendre leur place ; mais des cris répétés de tous les côtés de l'Assemblée : Aux voix, aux voix ! étouffent la parole de ceux qui veulent parler.
se lève, malgré les cris et ie tumulte. Un moment de calme et de silence lui permet de se faire entendre pour soumettre un amendement. Il propose d'ajouter le mot devoirs à la déclaration des droits, et il présente ainsi la question suivante :
Fera-t-on ou ne fera-t-on pas une déclaration des droits et des devoirs de l'homme et du citoyen ?
La salle retentit tout à coup d'applaudissements partis du côté du clergé.
M. l'évêque de Chartres annonce qu'il veut la parole. Il a beaucoup de peine à se faire entendre; enfin on lui accorde le silence.
, évêque de Chartres. S'il faut une déclaration des droits, il y a un écueil à éviter. On court risque d'éveiller l'égoïsme et l'orgueil. L'expression flatteuse de droits doit être adroitement ménagée ; on devrait la faire accompagner de celle de devoirs, qui lui servirait de correctif. 11 conviendrait qu'il y eût à la tête de cet ouvrage quelques idées religieuses noblement exprimées. La religion ne doit pas, il est vrai, être comprise dans les lois politiques ; mais elle ne doit pas y être étrangère. (Le côté du clergé applaudit vivement. On écoute avec calme dans la partie opposée.)
Plusieurs membres parlent pour et contre la proposition de M. Camus.
(De toutes parts on crie aux voix. — Les orateurs ne peuvent plus se faire eutendre.)
met aux voix la proposition de M. Camus, comme amendement à la question principale.
L'épreuve par assis et levé est douteuse. On
fait l'appel nominal. L'amendement est rejeté à la majorité de 570 voix contre 433.
fait part à l'Assemblée d'une note que le Roi vient de lui envoyer avec une lettre d'envoi. Il fait lecture de la lettre et de la note.
Lettre du Roi au président de VAssemblée nationale.
« Je vous envoie, Monsieur, une note que, comme président, vous lirez de ma part à l'Assemblée nationale.
« Signé : LOUIS. »
Note du Roi à l'Assemblée nationale.
« Je crois, Messieurs, répondre aux sentiments de confiance qui doivent régner entre nous, en vous faisant part directement de la manière dont je viens de remplir les places vacantes dans mon ministère.
« Je donne les sceaux à M. l'archevêque de Bordeaux (Champion de Cicé) ; la feuille des bénéfices à M. l'archevêque de Vienne (Le Franc de Pompignan); le département de la guerre à M. de la Tour-du-Pin-Paulin, et j'appelle dans mon conseil M. le maréchal de Beauveau.
« Les choix que jfe fais dans votre Assemblée n\ême vous annoncent le désir que j'ai d'entretenir avec elle la plus constante et ia plus amicale harmonie.
« Signé : Louis. »
De nombreux applaudissements retentissent dans la salie.
Cette note est lue une seconde fois; les mêmes applaudissements se font entendre.
L'Assemblée, sur la proposition de plusieurs de ses membres, vote unanimement une adresse de remereîment au Roi sur la marque de confiance qu'il vient de donner à l'Assemblée nationale.
L'adresse est renvoyée au comité de rédaction.
On revient à la discussion. La question est posée; et, presque à l'unanimité, l'Assemblée décrète que la Constitution sera précédée de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
propose les articles suivants pour servir de déclaration des principaux devoirs des Français :
1° Tout Français doit respect à Dieu, à la religion et à ses ministres ; il ne doit jamais troubler ie culte public.
2° Il doit respect au Roi, dont la personne est sacrée et inviolable.
3° La première des vertus d'un Français est la soumission aux lois ; toute résistance à ce qu'elles lui prescrivent est un crime.
4° il doit contribuer, dans la proportion de ses propriétés, de quelque nature qu'elles soient, aux frais nécessaires à la défense de l'Etat et à la tranquillité qu'un bon gouvernement lui assure.
5° Il doit respecter le droit d'autrui.
Ce projet est renvoyé à l'examen des bureaux.
, annonce que deux députations demandent à entrer.
La première est celle des six corps du commerce de la ville de Paris qui viennent présenter à l'Assemblée leurs respects et leurs hommages.
. C'est dans une Assemblée nationale que les commerçants de la première ville du royaume sont sûrs d'être reçus avec intérêt. Le commerce est la source la "plus abondante des richesses, et ceux qui rendent tributaires toutes les nations sout les premiers citoyens. L'Assemblée nationale s'occupera des moyens qui peuvent débarrasser le commerce des entraves qui le gênent. Elle reçoit avec satisfaction l'hommage de votre reconnaissance.
Le lieutenant générai de la Table-de-Marbre entre ensuite. 11 reste à la barre. Son discours contient une espèce de dénonciation contre le pouvoir ministériel, qui jusqu'ici a entretenu les déprédations dans les forêts, et finit par un tribut d'hommages à l'Assemblée.
. L'Assemblée s'occupera des parties de l'administration dont la réforme ou l'amélioration peut rendre à l'Etat sa première splendeur; elle ne doute pas qu'en entrant dans ces détails elle verra avec quelle exactitude votre compagnie a rempli ses fonctions. L'Assemblée nationale reçoit l'hommage de vos respects.
consulte l'Assemblée pour savoir si elle veut entamer la discussion sur la déclaration des droits de l'homme.
L'Assemblée, vu le peu de temps qui reste, décide qu'elle entendra un rapport sur l'état de la ville de Brest.
Un des membres du comité des rapports entame le récit de ce qui s'est passé à Brest, et détaille spécialement la- difficulté qui est née entre la bourgeoisie et la garnison, au sujet de la garde des magasins à poudre. Cette division, accrue et étendue par l'arrivée de la nouvelle du renvoi de M. Necker, a déterminé deux mille jeunes gens de Nantes à partir armés, pour appuyer la cause des habitants de Brest. La formation d'un conseil général et permanent n'a rétabli le calme que momentanément ; et la dernière résolution de la bourgeoisie a été d'adresser à l'Assemblée nationale un mémoire détaillé, explicatif des causes de cet événement, et apporté par un courrier exprès de la part du comité permanent.
L'objet principal du mémoire est la demande d'un général de toutes les forces existantes dans la province, avec désignation de M. le comte d'Es-taing, comme réunissant la confiance de la Bretagne, l'intégrité et la capacité.
lit deux lettres, une de M. le comte de Montmorin, et l'autre rie M. le duc de Dorset, relative aux dispositions de la cour de Londres. Les voici :
« Versailles, le
« Monsieur le président, M. l'ambassadeur d'Angleterre me prie encore de donner connaissance à l'Assemblée nationale de la lettre qu'il vient de m'écrire. Comme cette lettre est une suite de celle que j'ai déjà eu l'honneur de communiquer à l'Assemblée la semaine dernière, par l'organe de son président, j'ai pris les ordres de Sa Majesté, qui m'a autorisé à suivre la môme marche à l'égard de celle-ci. *
« J'ai l'honneur d'être avec respect, etc.
« Signé : le comte de Montmorin. »
« Paris, le
« Monsieur, ma cour, à qui j'ai rendu compte de la lettre que j'ai eu l'honneur d'écrire à votre Eminence le 26 de juillet, et qu'elle a eu la bonté de communiquer à l'Assemblée nationale, vient, par sa dépêche du 31, que je reçois à l'instant, non-seulement, d'approuver ma démarche, mais m'a autorisé spécialement de vous renouveler, dans les termes les plus positifs, le désir ardent de Sa Majesté britannique et des ministres de cultiver et d'encourager l'amitié et l'harmonie qui subsistent si heureusement entre les deux nations.
« Il m'est d'autant plus flatteur de vous annoncer ces nouvelles assurances d'harmonie et de bonne intelligence, qu'il ne peut que résulter le plus grand bien d'une amitié permanente entre les deux nations, et qui est d'autant plus à désirer, que rien ne peut contribuer davantage k la tranquillité de l'Europe que le rapprochement des deux cours.
« Je vous serai obligé de communiquer à M. le président de l'Assemblée nationale cette confirmation des sentiments du Roi et de ses ministres.
« J'ai l'honneur d'être bien sincèrement, etc.
« Signé : dorset.
in vite le comité de rédaction à se rendre au bureau de bonne heure, à l'effet de rédiger la déclaration arrêtée hier, et l'adresse au. Roi.
11 presse les membres du comité de vérification de se réunir, pour que, le travail étant fini, l'Assemblée arrête irrévocablement le sort des députés dont les pouvoirs sont en suspëns.
propose de nommer à la place de M. l'archevêque de Bordeaux, de M. de la Tour-du-Pin, de M. Fréteau et de M. Emmery, des membres nouveaux pour les comités de constitution, d'information, des rapports, de ti-nances, etc.
observe néanmoins .àl'Assemblée que l'article XI du règlement, relatif à l'incompatibilité de la place de secrétaire avec toutes les autres fonctions, et notamment avec le travail des comités, n'est pas assez clairement exprimé, pour qu'on puisse l'étendre aux membres qui étaient déjà de quelque comité, lorsqu'ils sont appelés au secrétariat. La délibération est remise à demain sur cet objet.
On lit la liste suivante de MM. les présidents et secrétaires nommés dans les différents bureaux:
presidents. bureaux. et
vice-présidents.
MM.
I. Le comte de Roche -
chouart.
II. De Talleyrand-Périgord,
archevêque de Reims.
III. Simon de Maibelle.
IV. Dulau, archev. d'Arles. Favre.
V. De Saint-Fargeau.
VI. Champion de Cicé, évê-
que d'Auxerre,
secretaires
et
vice-secrétaires.
MM. Turpin.
Le vicomt de La-
queuille. Hébrard.
Grelletde Beauregard.
Dubois..
Prieur.
De Kitspotter.
Herwyn.
Delarenne.
l'Abbé Gibert.
Le comte de Sérent.
presidents BUREAUX. j et
vice-présidents.
MM.
Vil. Le comte d'Hodicq. VIII. Le présidentd'Ormesson.
IX. Le vicomte de Ségur,
X. Le marquis de Crillon.
XI. Le duc d'Orléans. Le duc de Coigny.
XII. Le comte d'Egmont.
De La Luzerne, évêque duc de Langres.
XIII. Le marquis de Vaudreuil. Tronchet
XIV. De Lubersac, évêque de
Chartres. Le comte de Crillon.
XV. Le cardinal de la Ro-
chefoucauld
XVI. Palasne de Champeaux.
XVII. Le comte de Latouche.
XVIII. Le Clerc de Juigné, ar-
chevêque de Paris. D'Ailly.
XIX. D'Aguessean.
XX. De Lastic, évêque de
Couserans.
XXI. Le duc d'Havré de
Croï.
XXII. Le duc de Croy.
XXIII. De La Rochefoucauld*
évêque de Beauvais»
XXIV. Le comte de Virieu.
XXV. De Lafare, évêque de Nancy.
XXVI. Le comte de Montmo-
rency.
XXVII. Talaru de Chalmazel,
évêque de Coutances. XXX VIII. Mounier.
XZIX. Le duc de La Rochefoucauld.
XXX. Le duc de Lévis.
secretaires.
et
vice-secrétaires. MM.
Giraud-Duplessis.
Vieillard.
d'Arnaudat.
Long.
Camus.
Grangier.
Couppé.
Le comte de Pardieu. Le marquis de Rostaing. Baudouin de Maison-
Blanche. Alexandre de Lameth. Regnault.
Gleizen. Lapoule. Lanjuinate.
Thibault. Martineau.
Le Noir de la Roche. Guillotin.
L'abbé de Dolomieu. Treilhard.
Gillet de la Jacquemi-
nière. De la Borde. Le marquis de Gouy
d'Arcy. Des meuniers. Arnoult.
Gauthier de Biauzat. Garnier, de Paris. Francoville. Bouchotte. Vaillant
Dosfand.
Le Couteux de Can-
teleu. Henry de Longueve. L'abbé de Champeaux. Grégoire.
Rabaud de St-Etienne.
L'abbé de Barmond.
Voulland.
Redon.
Buzot.
Crénière.
Delacour d'Ambesieux. Daude. Dillon.
lève la séance et l'indique pour ce soir à six heures.
Séance du soir.
Les bureaux s'étant réunis sur les six heures, pour l'élection des présidents et des secrétaires de chaque bureau, et pour la nomination d'un archiviste de l'Assemblée, ainsi que pour celle des membres destinés à remplacer les nouveaux ministres dans les comités dont ils faisaient partie, l'Assemblée générale ne s'est formée que sur les huit heures.
fait d'abord lecture du projet d'arrêté relatif à la sûreté du royaume, qui avait été renvoyé au comité de rédaction.
le lit ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, considérant que, tandis qu'elle est uniquement occupée d'affermir le bonheur du peuple sur les bases d'une constitution libre, les troubles et les violences qui affligent différentes provinces répandent l'alarme dans les esprits, et portent l'atteinte la plus fu-
neste aux droits sacrés de la propriété et de la sûreté des personnes ;
« Que ces désordres ne peuvent que ralentir les travaux de l'Assemblée, et servir les projets criminels des ennemis du bien public ;
« Déclare que les lois anciennes subsistent et doivent être exécutées jusqu'à ce que l'autorité de la nation les ait abrogées ou modifiées;
« Que les impôts, tels qu'ils étaient, doivent continuer d'être perçus aux termes de l'arrêté du 17 juin dernier, jusqu'à ce qu'elle ait établi des contributions et des formes moins onéreuses au peuple ;
« Que toutes les redevances et prestations accoutumées doivent être payées comme par le passé, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné par l'Assemblée ;
« Qu'enfin les lois établies pour la sûreté des personnes et pour celle des propriétés doivent être universellement respectées.
« La présente déclaration sera envoyée dans toutes les provinces, et les curés seront invités à la faire connaître à leurs paroissiens, et à leur en recommander l'observation. »
. Le but du projet d'arrêté que l'Assemblée vient* d'entendre est d'arrêter l'effervescence des provinces, d'assurer la liberté publique, et de confirmer les propriétaires dans leurs véritables droits.
Mais comment peut-on espérer d'y parvenir, sans connaître quelle est la cause de l'insurrection qui se manifeste dans le royaume ? et comment y remédier, sans appliquer le remède au mal qui l'agite?
Les communautés ont fait des demandes : ce n'est pas une constitution qu'elles ont désirée; elles n'ont formé ce vœu que dans les bailliages : qu'ont-elles donc demandé? que les droits d'aides fussent supprimés; qu'il n'y eût plus de subdélégués; que les droits seigneuriaux fussent allégés ou échangés.
Ces communautés voient, depuis plus de trois mois, leurs représentants s'occuper de ce que nous appelons et de ce qui est en effet la chose publique; mais la chose publique leur paraît être surtout la chose qu'elles désirent et qu'elles souhaitent ardemment d'obtenir.
D'après tous les différends qui ont existé entre les représentants de la nation, les campagnes n'ont connu que les gens avoués par elles, qui sollicitaient leur bonheur, et les personnes puissantes qui s'y opposaient.
Qu'est-il arrivé dans cet état de choses? Elles ont cru devoir s'armer contre la force, et aujourd'hui elles ne connaissent plus de frein : aussi résulte-t-il de cette disposition que le royaume flotte, dans ce moment, entre l'alternative de la destruction de la société, ou d'un gouvernement qui sera admiré et suivi de toute l'Europe.
Gomment l'établir, ce gouvernement? Par la tranquillité publique. Gomment l'espérer, cette tranquillité? En calmant le peuple, en lui montrant qu'on ne lui réaiste que dans ce qu'il est intéressant pour lui de conserver.
Pour parvenir à cette tranquillité si nécessaire, je propose :
1° Qu'il soit dit, avant la proclamation projetée par le comité, que les représentants de la nation ont décidé que l'impôt sera payé par tous les individus du royaume, dans la proportion de leurs revenus;
2° Que toutes les charges publiques seront à l'avenir supportées égaleineut par tous ;
3° Que tous les droits féodaux seront racheta- I vous occupez efficacement de leurs plus chers
bles par les communautés, en argent*ou échan- intéiêts, mon vœu serait que l'Assemblée natio-
gés sur le prix d'une juste estimation, c'est-à- nale déclarât que les impôts seront supportés
dire d'après le revenu d'une année commune, également par tous les citoyens, en proportion
prise sur dix années de revenu; de leurs facultés, et que désormais tous les droits
4° Que les corvées seigneuriales, les mains- féodaux des liefs et terres seigneuriales seront
mortes et autres servitudes personnelles seront rachetés par les vassaux de ces mêmes fiefs et
détruites sans rachat. terres, s'ils le désirent ; que le remboursement
A l'instant un autre député noble, M. le duc sera porté au denier fixé par l'Assemblée; et
d'Aiguillon, propose d'exprimer avec plus de dé- j'estime, dans mon opinion, que ce doit être au
tail le vœu formé par le préopinant; il le'con- denier 30, à cause de l'indemnité à accorder,
çoit ainsi. C'est d'après ces principes, Messieurs, que j'ai
rédigé l'arrêté suivant, que j'ai l'honneur de sou-
. Messieurs, il n'est ner- mettre à votre sagesse, et que je vous prie de
sonne qui ne gémisse des scènes d'horreur dont prendre en considération:
la France offre le spectacle. Cette effervescence « L'Assemblée nationale, considérant que le
des peuples, qui a affermi la liberté lorsque des premier et le plus sacré de ses devoirs est de
ministres coupables voulaient nous la ravir, est faire céder les intérêts particuliers et personnels à
un obstacle à cette même liberté dans le moment l'intérêt général;
présent, où les vues du gouvernement semblent « Que les impôts seraient beaucoup moins oné-
s'accorder avec nos désirs pour le bonheur pu- reux pour les peuples, s'ils, étaient répartis éga-
blic» lement sur tous les citoyens, en raison de leurs
Ce ne sont point seulement des brigands qui, facultés;
à main armée, veulent s'enrichir dans le sein « Que la justice exige que cette exacte propor-
des calamités : dans plusieurs provinces, le peu- lion soit observée:
pie tout entier forme une espèce de ligue pour «Arrête que les corps, villes, communautés et
détruire les châteaux, pour ravager les terres, et individus qui ont joui jusqu'à présent de privi-
surtout pour s'emparer des chartriers, où les ti- léges particuliers, d'exemptions personnelles,
très des propriétés féodales sont en dépôt. Il cher- supporteront à l'avenir tous les subsides, toutes
che à secouer enfin un joug qui depuis tant de les charges publiques, sans aucune distinction,
siècles pèse sur sa tête; et il faut l'avouer, Mes- soit pour la quotité des impositions, soit pour la
sieurs, cette insurrection, quoique coupable (car forme de leurs perceptions,
toute agression violente l'est), peut trouver son * L'Assemblée nationale, considérant en outre
excuse dans les vexations dont il est la victime, que les droits féodaux et seigneuriaux sont aussi
Les propriétaires des fiefs, des terres seigneu- une espèce de tribut onéreux, qui nuit à l'agri-
riales, ne sont, il faut l'avouer, que bien rare- culture, et désole les campagnes;
mént coupables des excès dont se plaignent leurs « Ne pouvant se dissimuler néanmoins que ces
vassaux; mais leurs gens d'affaires sont souvent droits sont une véritable propriété, et que toute
sans pitié, et le malheureux cultivateur, soumis propriété est inviolable;
au reste barbare des lois féodales qui subsistent « Arrête que ces droits seront à l'avenir rem-
encore en France, gémit de la contrainte dont il boursabfes,a la volonté des redevables, au denier
est la victime. Ces droits, on ne peut se le dis- 30, ou à tel autre denier qui; dans chaque pro-
simuler, sont une propriété, et toute propriété vince, sera jugé plus équitable par l'Assemblée
est sacrée ; mais ils sont onéreux aux peuples, nationale, d'après les tarifs qui lui seront pré-
et tout le monde convient de la gêne continuelle sentés.
qu'ils leur imposent. « Ordonne enfin, l'Assemblée nationale, que
Dans ce siècle de lumières, où la saine philo- tous ces droits seront exactement perçus et main-
sophie a repris son empire, à cette époque fortu- tenus comme par le passé, jusqu'à leur parfait
née où, réunis pour le bonheur public, et dégagés remboursement. »
de tout intérêt personnel, nous allons travailler Ces deux motions, présentées avec le ton du
à la régénéracion de l'Etat, il me semble, Mes- plus vif intérêt sur le sort des habitants des cam-
sieurs, qu'il faudrait, avant d'établir cette consti- pagnes, dont elles devaient adoucir les maux,
tution si désirée que la nation attend, il fau- calmer l'effervescence, et combler tous les vœux,
drait, dis-je, prouver à tous les citoyens que ont été accueillies avec un transport de joie
notre intention, notre vœu est d'aller au-devant inexprimable.
de leurs désirs, d'établir le plus promptement Un des membres de VAssemblée relève avec sen-possible cette égalité de droits qui doit exister sibilité combien il serait touchant pour tous les entre tous les hommes, et qui peut seule assurer citoyens d'apprendre que les membres des com-leur liberté. Je ne dcmte pas que les pro- mûries ayant sollicité hier le zèle de l'Assemblée priétaires de fiefs, les seigneurs de terres, loin de I nationale contre les violences exercées sur les se refuser à cette vérité, ne soient disposés à personnes et les propriétés des nobles, ceux-ci, faire à la justice le sacritice de leurs droits. Ils par un retour généreux, donnaient aujourd'hui à ont déjà renoncé à leurs privilèges, à leurs I toutes les classes du peuple français une preuve exemptions pécuniaires; et dans ce moment, on I si marquée de leur patriotisme, ne peut pas demander lu renonciation pure et I
. Un désordre uni-simple à leurs droits féodaux. I versel s'est emparé de l'Etat, à raison de l'inac-Ges droits sont leur propriété. Ils sont la seule I tion de tous les agents du pouvoir; aucune société fortune de plusieurs particuliers ; et l'équité dé- I politique ne peut exister un seul moment sans fend d'exiger l'abandon d'aucune propriété sans I lois et sans tribunaux, pour garantir la liberté, la accorder une juste indemnité au propriétaire, qui I sûreté des personnes, et la conservation des procède l'agrément de sa convenance à l'avantage I priélés. J'insiste sur la nécessité de maintenir et public. I de ne pas abandonner les lois, quoique impar-D'après ces puissantes considérations, Mes- I faites, qui ont pour objet la conservation de l'ordre sieurs, et pour faire sentir aux peuples que vous « général.
M. Dupont représente que les tribunaux chargés de maintenir Ja tranquillité publique, conformément à ces lois, existent de droit comme de fait, tant qu'ils ne sont pas supprimés;
Qu'il n'est possible aux représentants de la nation de réformer la législation, qu'après qu'ils auront déterminé, par la constitution même, de quelle manière les lois, nouvelles doivent être proposées, adoptées et exécutées.
Et qu'il est très-nécessaire que le calme, la paix et la justice, rétablis dans tout l'empire, dispensent l'Assemblée nationale de toute autre sollicitude que de celle qui est inséparable du soin dont elle est occupée, de choisir et d'arrêter le3 éléments de cette constitution sage et durable.
En conséquence, il fait la motion suivante:
Déclarer que tout citoyen est obligé d'obéir aux lois, en respectant la liberté, la sûreté et la propriété des autres citoyens;
Que les tribunaux doivent agir sans cesse pour l'exécution de ces lois;
Et qu'il est enjoint par elles, comme par le vœu des représentants de la nation, aux milices bourgeoises et à tous corps militaires, de prêter main-forte pour le rétablissement de l'ordre et de la paix, et pour la protection des personnes et des biens, toutes les fois qu'ils en seront requis par les municipalités et les magistrats civils.
, député de la Basse-Bretagne. Messieurs, une grande question nous a agités aujourd'hui; la déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été jugée nécessaire. L'abus que le peuple fait de ces mêmes droits vous
Êressedeles expliquer, et de poser d'une main abile les bornes qu'il ne doit pas franchir; il se tiendra sûrement en arrière.
Vous eussiez prévenu l'incendie des châteaux, si vous aviez été plus prompts à déclarer que les armes terribles qu'ils contenaient, et qui tourmentent le peuple depuis des siècles, allaient être anéanties par le rachat forcé que vous alliez ordonner.
Le peuple, impatient d'obtenir justice et las de l'oppression, s'empresse à détruire ces titres, monuments de la barbarie de nos pères.
Soyons justes, Messieurs: qu'on nous apporte ici les titres qui outragent, non-seulement la pudeur, mais l'humanité même. Qu'on nous apporte ces titres qui humilient l'espèce humaine, en exigeant que les hommes soient attelés à une charrette comme les animaux du labourage. Qu?on nous apporte ces titres qui obligent les hommes à passer les nuits à battre les étangs pour empêcher les grenouilles de troubler le sommeil de leurs voluptueux seigneurs.
Qui de nous, Messieurs, dans ce siècle de lumières, ne ferait pas un bûcher expiatoire de ces infâmes parchemins, et ne porterait pas le flambeau pour en faire un sacrifice sur l'autel du bien public?
Vous ne ramènerez, Messieurs, le calme dans la France agitée, que quand vous aurez promis au peuple que vous allez convertir en prestations en argent, rachetables à volonté, tous les droits féodaux quelconques ; que les lois que vous allez promulguer anéantiront jusqu'aux moindres traces dont il se plaint justement. Dites-lui que vous reconnaissez l'injustice de ces droits acquis dans des temps d'ignorance et de ténèbres.
Pour le bien de la paix, hâtez-vous de donner ces promesses à la France; un cri générai se fait entendre; vous n'avez pas un moment à perdre;
un jour de délai occasionne de nouveaux embrasements; la chute des empires est annoncée avec moins de fracas. Ne voulez-vous donner des lois qu'à la France dévastée?
En établissant les droits de l'homme, il faut convenir de la liberté. Plusieurs membres de cette Assemblée trouvent inutile de traiter des droits de l'homme, disant qu'ils existent dans le cœur, que le peuple les sent; mais qu'il ne faut les lui faire connaître que d'une manière simple et à 1a portée de tous. Les droits de l'homme ont été jugés être les préliminaires de la constitution; ils tendent à rendre les hommes libres; pour qu'ils le soient, il faut convenir qu'il n'y a qu'un peuple, une nation libre, et un souverain; il faut convenir des sacrifices de la féodalité nécessaires à la liberté.et à une bonne constitution ; autrement il existe des droits de champaris, des chefs-rente3, des fiscalités, des greffiers, des droits de moute; nous verrons toujours exercer la tyrannie de l'aristocratie et le despotisme; la société sera malheureuse; nous ne ferons enfin de bonnes lois qu'en nous organisant sur un code qui exile l'esclavage.
Il ne faut pas, Messieurs, remonter à l'origine des causes qui ont successivement produit l'asservissement de la nation française, ni démontrer que la force seule et la violence des grands nous ont soumis à un régime féodal. Suivons l'exemple de l'Amérique anglaise, uniquement composée de propriétaires, qui ne connaissent aucune trace de la féodalité. Je frémissais hier au soir de voir adopter de sang-froid la motion qui tendait à punir les malversations dans les châteaux ; pour moi, je pense que, malgré la justice de cet arrêté, on devait en rendre inséparable la destruction du monstre dévorant de la féodalité, de l'assujettissement le plus fatal des vassaux pour les moulins, et la rapidité du fisc à répandre partout le désespoir, en saisissant féodalement, par des formes illicites et ruineuses, les propriétés des médiocres fortunés, qui n'ont pour garant de l'existence de leur famille qu'un triste hameau et un seul champ, sans que le seigneur du fief arrête le cours de l'agiotage auquel il donne lieu, en accordant sa confiance à des personnes avides de s'enrichir, par les séquestres des rentes et des propriétés, par des formalités outrées, par des exploits et autres suites de chicane, dont les frais montent souvent à 300 livres pour une rente de 60 livres. Le lise finit par surprendre les titres des vassaux; et pour fin de ses prétentions, se fait payer par le propriétaire, et jouit d'un bien pour fin de payement. Peu importe au fisc que le vassal doive ou ne doive pas, qu'il ait satisfait ou non au fief; muni des archives de son seigneur, il regarde seulement les noms des vassaux, et dans deux heures de temps il forme cent exploits; s'il trouve vingt personnes en solidité de chef de rente, il forme autant d'exploits et de requêtes.
Le seigneur, concédant des charges à des prix excessifs à tous ses agents et officiers de fief, les force d'excéder le tarif de leurs fixations, pour entretenir le luxe aux dépens d'un vassal ignorant. Les meuniers sont dans le même cas; le droit de moute sera donc affranchi au seigneur de fief, à raison du denier vingt-cinq, ou denier trente, en admettant la valeur du droit de moute, par chaque année et pour chaque particulier, à trois livres, sauf d'en payer la rente de trois livres, jusqu'au remboursement et affranchissement d'icelle, et chaque particulier aura par ce moyen la liberté de faire moudre où il lui plaira.
C'est l'unique moyen d'arrêter le cours de «l'oppression des sujets et de conserver les droits légitimes des seigneurs; c'est un de ceux que je présente à celte auguste assemblée pour le bonheur de la nation. Je finis par rendre hommage aux vertus patriotiques des deux respectables préopinants qui, quoique seigneurs distingués, ont eu les premiers le courage de publier des vérités jusqu'ici ensevelies dans les ténèbres de la féodalité, et qui sont si puissantes pour opérer la félicité de la France.
Ce discours est vivement applaudi.
L'enthousiasme saisit toutes les âmes. Des motions sans nombre, plus importantes les unes que les autres, sont successivement proposées.
fait une motion vigoureuse contre l'abus des pensions militaires; il demande que le premier des sacrifices soit celui que feront les grands, et cette portion de la noblesse, très-opulente par elle-même, qui vit sous les yeux du prince, et sur laquelle il verse sans mesure et accumule des dons, des largesses, des traitements excessifs, fournis et pris sur la pure substance des campagnes.
propose l'égalité des peines sur toutes les classes des citoyens, et leur admissibilité dans tous les emplois ecclésiastiques, civils et militaires.
représente les peuples gémissant sous la tyrannie des agents inférieurs des justices seigneuriales, dont il demande l'extinction, ainsi que celle de tous les débris du régime féodal qui écrase l'agriculture.
, évêque de Nancy, s'empare de la parole, après l'avoir disputée à un de ses confrères.... Accoutumés à voir de près la misère et la douleur des peuples, les membres du clergé ne forment d'autres vœux que ceux de les voir cesser. Le rachat des droits féodaux était réservé à la nation qui veut établir la liberté; les honorables membres qui ont déjà parlé n'ont demandé le rachat que pour les propriétaires. Je viens exprimer, au nom du clergé, le vœu de la justice, de la religion et de l'humanité ; je demande le rachat pour les fonds ecclésiastiques, et je demande que le rachat ne tourne pas au profit du seigneur ecclésiastique, mais qu'il en soit fait des placements utiles pour l'indigence.
, évêque de Chartres, présentant le droit exclusif de la chasse comme un fléau pour les campagnes ruinées depuis plus d'un an par les éléments, demande l'abolition de ce droit, et il en fait l'abandon pour lui. Heureux, dit-il, de pouvoir donner aux autres propriétaires du royaume cette leçon d'humanité et de justice.
A ce mot, une multitude de voix s'élèvent; elles partent de MM. de la noblesse, et se réunissent pour consommer cette renonciation à l'heure même, sous l'unique réserve de ne permettre l'usage de la chasse qu'aux seuls propriétaires, avec des mesures de prudence, pour ne pas compromettre la sûreté publique.
Tout le clergé se lève pour adhérer à la proposition ; il se forme un tel ensemble d'applaudissements et d'expressions de bienveillance, que la délibération reste suspendue pendant quelque temps.
Bientôt le zèle du bien public calmant cette
excusable effervescence, M. Le Pelletier de Saint-Fargeau développe des considérations de bienveillance et de justice, d'après lesquelles, pour le soulagement des laboureurs et des propriétaires accablés de tant d'infortunes, il croyait devoir stipuler que la renonciation aux privilèges et immunités pécuniaires s'appliquât à la présente année, et que les communes des campagnes ressentissent sur-le-champ ce soulagement, par la cotisation des nobles et des autres exempts, faite à leur décharge, dans la forme qui serait jugée la plus convenable par les assemblées provinciales.
, revenant sur ce que l'extinction des justices des seigneurs doit faire espérer de soulagement aux peuples, demande que l'Assemblée vote la gratuité de la justice dans tout le royaume, sauf les précautions tendant à éteindre l'esprit de chicane et la longueur indéfinie des procès.
Plusieurs curés demandent qu'il leur soit permis de sacrifier leur casuel.
A ces mots, un membre de la noblesse réclame pour cette classe précieuse des ministres du culte l'accroissement des portions congrues. Les applaudissements redoublent de la part des citoyens de tous ordres.
propose qu'une taxe en argent soit substituée à la dîme, sauf à en permettre le rachat, comme pour les droits seigneuriaux. Il annonce, en appuyant les premières motions, avoir déjà rendu compte de l'offre qu'il a fait faire à tous ses vassaux de les admettre incontinent à ces différents rachats.
Les signes de transports et l'effusion de sentiments généreux dont l'Assemblée présentait le tableau, plus vif et plus animé d'heure en heure, n'ont pu qu'à peine laisser le temps de stipuler les mesures de prudence avec lesquelles il convenait de réaliser ces projets salutaires, votés par tant de mémoires, d'opinions touchantes, et de vives réclamations dans les assemblées provinciales, dans les assemblées des bailliages, et dans les autres lieux où les citoyens avaient pu se réunir depuis dix-huit mois.
Quelques-uns des membres de la noblesse offren t de sacrifier jusqu'à leur droit exclusif de colombier.
On est revenu sur l'extinction absolue des mainmortes de Franche-Comté, de Bourgogne, et de3 autres lieux qui les connaissent.
, archevêque d'Aix, dépeignant avec énergie les maux de la féodalité, prouve la nécessité de les prévenir par la prohibition de toutes les conventions de ce genre, que la misère des colons pourrait dicter par la suite, et d'annuler d'avance toute clause capable de les faire revivre: il rappelle les maux non moins effrayants que l'extension arbitraire des impôts, et surtout des droits prétendus domaniaux, de la gabelle et des aides, a produits dans tout le royaume, où l'esprit de fiscalité corrompt la loyauté et la droiture des sentiments du peuple, comme il altère la sincérité des contrats et des actes, absorbe l'aisance et arrête la circulation des fonds.
Après cette observation, qui semblait épuiser le projet si étendu des réformes, l'attention et la sensibilité de l'Assemblée ont été encore réveillées et attachées par des offres d'un ordre tout nouveau.
Les députés des provinces appelés pays d'Etats, se livrant à l'impulsion de leur générosité, ou se prévalant de celle de leurs commettants, exprimée par leurs cahiers, ou enfin la présumant, et se rendant en quelque sorte garants de leur ratification, offrent la renonciation aux privilèges de leurs provinces, pour s'associer au régime nouveau que la justice du Roi et celle de l'Assemblée préparent à la Fraïice entière.
Les députés du Dauphiné ont ouvert cet avis en rappelant ce que leur province avait fait à Vizille sur cet objet, et l'invitation qu'elle avait adressée à tous les autres pays d'Etats, de vouloir l'imiter. A l'heure même, les députés des communes de Bretagne, s'approchant du bureau, allaient témoigner leur adhésion, conçue en termes divers, suivant la nature de leurs mandats, lorsque M. le président de l'Assemblée a réclamé le droit que sa place paraissait lui donner, de présenter lui-même le vœu de sa province à la nation: il a exposé les motifs de prudence qui avaient engagé quelques sénéchaussées, et notamment celles de Rennes, de Nantes, Guérande, Vannes, Dol,Fougère, Dinan, Quimperlav, Carhaix et Ghantelin, à lier en partie les mains de leurs mandataires, jusqu'à ce que le jour du bonheur et de la sécurité, succédant pour toute la France à des jours d'attente et d'espoir, les autorisât à confondre les droits antiques et révérés de la Bretagne, dans les droits plus solides encore et plus sacrés que les lumières de l'Assemblée assuraient en ce moment à l'empire français tout entier.
D'autres députés de Rennes font remarquer combien il est naturel de présumer et d'attendre cet engagement et ce sacrifice de la part de leur ville, qui, la première de toutes, a adhéré aux arrêtés de l'Assemblée nationale; qui, la première aussi, a voulu que la loi et l'impôt se déterminassent dans l'Assemblée, afin de ne compromettre aucun droit particulier, mais de les réunir et de les fortifier tous par l'adhésion générale, au moment même où se formerait l'acte destiné à défendre les droits de tous les citoyens.
Un autre député breton déclare que dès ce moment il adhère au sacrifice des privilèges de la province, ne se trouvant point lié par son cahier; il stipule seulement, pour la Bretagne, la garantie mutuelle établie par les clauses du traité de réunion de sa province avec une monarchie dont toutes les parties allaient désormais s'appuyer, se soutenir, se fortifier et se défendre par une fédération dont le cœur du prince lui-même serait le centre, comme l'amour des peuples pour lui en serait le nœud.
Les députés du clergé de Bretagne, gênés par des mandats impératifs, ont témoigné le regret de ne pouvoir renoncer aux droits et franchises de leur province, et déclaré qu'ils allaient informer leurs commettants du sacrifice patriotique fait par d'autres députés, et solliciter de nouveaux pouvoirs.
A peine l'impatience des députés de Provence et de Forcalquier a-t-elle pu laisser achever aux membres qui venaient de parler leur déclaration patriotique ; tous les membres des sénéchaussées de cette province se sont avancés au milieu de lu salle, et là il ont annoncé que, lorsque leurs commettants leur ont prescrit impérativement de ne pas renoncer aux privilèges dont la province jouit depuis sa réunion libre et volontaire à la couronne, ils. ne prévoyaien t pas sans doute l'heureuse réunion de tous les ordres; qu'ils savent que leurs commettants n'ont pas moins de zèle et de patriotisme que les autres Français, qu'ils ne
doutent pas qu'ils ne s'empressent de réunir leurs intérêts a ceux du reste du royaume, et de confondre leurs droits dans la constitution que cette auguste assemblée va donner à toute la France, et qu'ils vont leur rendre compte de cette mémorable séance, et les engager à envoyer sur-le-champ leur adhésion.
Eu ce moment, un membre des communes exprime la renonciation de la ville de Grasse aux privilèges pécuniaires desquels elle jouit comme propriétaire de fiefs.
Le député d'Arles annonce qu'il forme depuis plusieurs jours, et qu'il a déjà communiqué à ses commettants, le désir de les voir se réunir, sur cet objet, aux dépuiés des provinces.
La principauté d'Orange n'insiste que sur la conservation d'une administration particulière, réclamée par sa situation au milieu d'une terre réputée étrangère.
Acet instant, les députés de la Bourgogne réclament la parole; mais ils sont interrompus par un député du clergé de Provence: celui-ci, revenant sur ce qui avait été allégué au sujet des mandats, rappelle ce principe salutaire, qu'ils ne peuvent lier aucune partie de la France sur la part con-tributoire que chacune des provinces du royaume doit supporter en proportion de ses forces dans l'impôt général, quoique en vertu des cahiers il faille le vœu des commettants pour renoncer aux formes de l'administration, de la répartition et de l'assiette des quotes-parts.
Le député noble de Dijon se rend garant du vœu de son bailliage pour la renonciation à ses privilèges, en se réservant d'en prévenir ses commettants.
Ceux des communes, autorisés (en cas d'abandon pareil de la part des autres provinces) au sacrifice de leurs privilèges, les déposent entre les mains de l'Assemblée nationale. Ils sont imités par lés députés du bailliage d'Autun, par ceux de Chalon-sur-Saône, du Charolais, du Beaujolais, du bailliage de la Montagne, de l'Auxerrois, de Bar-sur-Seine.
Le député des communes de l'Auxois acquiesce aussi pleinement, y étant autorisé par ses pouvoirs. Celui de la noblesse est forcé de se rékrer à des mandats plus étendus que ceux dont il est porteur ; et les communes du Maçonnais, en renonçant sous les mêmes conditions que celle de Dijon, se réservent, comme elles l'ont eu de lout temps, le droit de former une province particulière, administrée par leurs Etats, auxquels l'Assemblée donnera une meilleure organisation et une plus juste représentation.
Les députés de la Bresse, du Bugey, et de la principauté de Dombes acquiescent pleinement au vœu de la Bourgogne, sauf la réclamation insérée aux cahiers, sur l'échange de cette principauté.
Les privilèges de la ville de Saint-Jean-de-Losne, déjà remis à l'Assemblée nationale dans une de ses séances précédentes, sont de nouveau sacrifiés à l'intérêt général du royaume.
Les députés du Languedoc demandent à leur tour la parole, par l'organe de M. de Marguerites.
. Les représentants de diverses sénéchaussées de Languedoc déclarent que l'ordre de leurs commettants leur prescrit, de la manière la plus impérative, une obligation dont il ne leur est pas possible de s'écarter.
La province de Languedoc est régie depuis longtemps par une administration inconstitution-
nelle et non représentative. Elle a condamné celte administration comme contraire à ses anciens privilèges, dont le plus précieux était d'octroyer librement l'impôt, et de lé répartir elle-même; elle demande rétablissement'de nouveaux États en une forme libre, élective, et représentative, et des administrations diocésaines et municipales, organisées dans la même forme. Tel est le vœu général, telle est la volonté de la province de Languedoc; elle a lié l'accord ou la répartition de l'impôt à la suppression de l'administration actuelle et à l'établissement de nouveaux Etats.
Et quoique leurs mandats ne les autorisent pas à renoncer aux privilèges particuliers de la province, assurés néanmoins des vœux de leurs commettants, et delà haute estime que leur doit inspirer l'exemple des autres provinces, ils s'empressent de déclarer à l'Assemblée nationale que dans tous les temps leurs commettants s'empresseront de se conformer à ses décrets ; qu'ils souscriront aux établissements généraux que sa sagesse lui inspirera pour l'administration des provinces, et qu'ils s'estimeront heureux de se lier par de pareils sacrifices à la prospérité générale de l'empire.
, qui ne siège que comme représentant de la vicomté de Paris, se réunit au préopinant, pour réclamer l'honneur de sacrifier de nouveau aux représentants de la nation leur prérogative de baron, à laquelle ils ont déjà renoncé dans les Assemblées particulières du Languedoc.
, évêque df Uamp;ès. Il me serait doux d être possesseur d'une terre, pour en faire le sacrifice en la remettant entre les mains de ses habitants ; mais nous les avons reçus, nos titres et nos droits, des mains de la nation, qui seule peut les délruire ; nous ne sommes pas représentants du clergé ; nous assistons aux Etats de ia province à des titres particuliers, et nous n'en avons d'autre que celui de dépositaires passagers; nous ferons ce que l'Assemblée statuera sur ce point, et nous nous livrerons à sa sagesse.
, évêque de Nîmes, et M. de Alalide, évêque de Montpellier, parlent dans le même sens. Le premier ajoute la demande expresse de l'exemption des impôts et autres charges, en faveur des artisans et des manœuvres qui n'ont aucune propriété.
La province de Foix, les communes du Béarn, la sénéchaussée de Lannes, et le député du pays de Soulle, regrettent de ne pouvoir annoncer que leur vœu personnel et l'espoir qu'ils conçoivent de voir incessamment arriver la ratification de leurs commettants, dont les députés de RoussiJlon, ceux du Bigorre et du duché d'Albret (clergé et communes) peuvent se passer, comme déjà autorisés au sacrifice de tout ce qui peut intéresser l'utilité générale du royaume»
, au nom des députés de la commune de Paris, présente aussi à l'Assemblée l'offre, autorisée par leur mandat, de la renonciation la plus expresse aux immunités pécuniaires dont jouissent les habitants de la capitale, et même à la compétence exclusive du prévôt de Paris, et au privilège du sceau du Châtelet, en cas de suppression des privilèges de même nature existant dans le royaume.
Gçux de la prévôté et vicomté adhèrent à leur déclaration, autant qu'elle les touche.
Les députés de Lyon rappellent et renouvellent les déclarations pareilles, par eux déjà faites dans la séance tenue à l'église de Saint-Louis.
Les députés d'Agen, chargés d'attaquer les privilèges pécuniaires de Bordeaux, sont appuyés par le député de Bordeaux même, M. Nairac, qui stipule la renonciation aux droits et immunités pécuniaires de cette ville, quoique consacrés par le temps et par les monuments les plus incontestables, réservant les autres droits de cité, dont leurs cahiers ne leur permettent pas jusqu'ici de se départir.
La même réserve est apposée en faveur des privilèges de la ville de Marseille, dont le clergé se soumet à l'égalité de la contribution, n'ayant encore «le pouvoirs que sur cet article. Celui de Tulle exprime le sacrifice de ses privilèges pécuniaires, de son casuel, du droit de ses fief>t banalités et autres.
Tous les députés de Lorraine protestent, en termes touchants, que leur province, réunie la dernière, ne regrettera jamais la domination de ces souverains adorés qui firent le Bonheur de leur peuple, et s'en montrèrent les pères, s'ils sont assez heureux pour pouvoir, au sein de la régénération et de la prospérité publique, se livrer à leurs frères, et entrer avec le surplus des citoyens dans cette maison maternelle de la France, prête à refleurir sous l'inlluence de la justice, de la paix et de l'affection cordiale de tous les membres de cette immense et glorieuse famille. Ils attendent avec confiance que leurs commettants sanctionneront et ratifieront un hommage dont le motif est dans tous les cœurs, et dont l'expression est commandée par l'exemple universel.
Les députés de Strasbourg se soumettent, pour leurs commettants, à l'égalité entière de répartition des impôts, sous la seule réserve de l'administration et des privilèges de leur ville, à laquelle ils se réfèrent sur ces objets consignés dans ses capitulations, et N relatifs, en grande partie, à sa situation si importante et si précieuse au royaume.
Le même zèle inspire les mêmes déclarations aux députés de la Normandie, du Poitou, de l'Auvergne, duGlermontois, de la vicomté deTurenne, de la principauté de Mohon, de la noblesse de Châlons-sur-Marne, de celle de Dourdan, de Sedan, sous la réserve que fait celle-ci des privilèges de sa ville, dont le commerce et l'existence même au pied des Ardennes, dans un sol stérile, tient uniquement à ses exemptions. Les députés des commmunes de Sedan adhèrent à cette réverve.
Les représentants des villes d'Amiens, d'Abbe-ville, de Péronne, de Soissons, de Reims, de Verdun (sauf la ratitication du clergé de ce pays), de Sarrelouis, de Bar-le-Duc, de Réthel, de Vitry, de Château-Thierry, de Saint-Dizier, de Châlons, de Langres,de Clermont en Auvergne, de Villeneuve-de-Berg et de la Voûte en Vivarais, de Bourges, d'issoudun, du Mans, de Poitiers, de Cahors, de Bergerac, de Sarlat, d'Etampes, se joignent aux autres députés.
Celui d'Aval en Franche-Comté réserve le droit 1 des Etats de sa province, de stipuler seuls l'exemption de la gabelle, des aides, du papier timbré et de toute distraction du ressort.
Celui d'Amont exprime le même vœu et le même regret d'être forcé de demander acte de sa résistance à celui de la pluralité même ; mais, d'après d'autres articles de son mandat, il présente, comme ceux de Dôle, l'espoir de voir sa
provihce s'empresser d'accéder au vœu national, j cours souveraines. Il dit qu'après le sacrifice si
dont ils allaient lui faire part, noble que le monarque a fait de l'espèce de pré-
Tous lis dépulés d'Artois imitent la générosité rogative dont il était en possession, relativement
des autres provinces, en abandonnant, sous la à la législation, il ne restait rien aux officiers
réserve de la ratification de leurs commettants, de sa cour à offrir à la nation, qui fût digne
le régime particulier des Etats, assuré parles ca- d'elle et de ses glorieux exemples; qu'à peine
pitulations faites avec Louis XIV. osait-il lui présenter et la prier d'accepter, comme
il faisait pour lui et ses collègues, le faible sa-
expriment personnellement leur re- le committimus, l'hérédité des offices, la noblesse
nonciation à cette forme d'Etats, qui a rendu transmissible, quelques exemptions pécuniaires ;
l'administration du pays en quelque sorte héré- mais que ce qui était en leur pouvoir, ce qu'ils
ditaire, et propre à un petit nombre de familles regardaient comme un devoir sacré, dont ils
nobles de l'Artois. L'un d'eux s'applaudit d'avoir donneraient l'exemple à tous, ils le promettaient
pu prévenir l'instant actuel, en renonçant, dans par son organe, savoir : un dévouement sans
le sein même des Etats de la province à cette bornes à l'exécution des lois nationales, une
antique prérogative attachée à ses domaines. étude de tous les jours et une application infa-
Les députés du Boulonnais adhèrent à la décla- tigable pour en connaître l'esprit, pour en éten-
ration de l'Artois, et sont imités par ceux de Ca- dre et en assurer l'empire, et surtout pour fon-
laiset d'Ardres. der et affermir dans le cœur des justiciables qui
Les gouvernances de Lille, Douay et Orchies leur seraient assignés ce respect profond pour
renoncent également au privilège d'avoir leurs les droits de l'homme, qui a dicté en ce moment
Etats, et demandent une administration provin- au prince, aux ecclésiastiques, aux nobles, aux
ciale à l'Assemblée. illustres corporations des grandes cités, aux pro-
Les députés de la Flandre maritime déclarent vinces entières, tous les sacrifices qu'exigent la
aussi renoncer à la forme de leur administration liberté, la sûreté, l'honneur et la propriété de
actuelle, en exprimant le même vœu. tous les habitants du royaume.
Le député du Cambrésis annonce que les trois Le député du Beaujolais se rapproche du bu-
ordres de sa province, soumis dans tous les temps reau pour sti puler la réforme des lois relatives
à une contribution aux impôts, entièrement égale aux corporations d'arts et métiers, dans les-
entre eux, ne peuvent qu'acquiescer de nouveau quelles les maîtrises sont établies, et leur perfec-
aux vues de justice de l'Assemblée. tionnement et réduction aux termes de la justice
Cet hommage est renouvelé par un député et de l'intérêt commun,
présent, au nom de M. le duc d'Orléans, baron Un député de Blois avait déjà réelamé pour l'é-
de Commines, et par M. le comte d'Egniont, galité absolue des peines portées contre tous les
baron de Vaurins. coupables, et pour que le droit de toutes les
classes de citoyens à être admis à tous les emplois
, évêque de Cou- ecclésiastiques, civils et militaires, fût reconnu
tances, fait aussi, en son nom, le sacrifice du droit et déclaré.
de déport, réservant à ses archidiacres l'exercice Un député ecclésiastique de Lorraine a aussi
du leur, tant qu'ilsme l'auront pas abandonné. formé le vœu, qu'en demeurant uni de* cœur et
i d'esprit au chef de l'église, on stipulât la sup-
propose que l'Âssem- pression des annales, blée décrète qu'il soit frappé une médaille pour
éterniser la mémoire de 1 union sincère de tous MM. Duvernay, curé de Villefranche en Beau-
les ordres, de l'abandon de tous les privilèges, jolais, tioulard, curé de Roanne, et Matliias,
et de l'araent dévouement de tous les individus I curé d'Eglise-iSeuve, annoncent l'intention de re-
pour la prospérité et la paix publiques. I mettre lés bénéfices dont ils jouissent, pour s'en
L'Assemblée le charge du soin de surveiller tenir à leur cure. Un grand nombre de leurs collè-
i'exécution de ce vœu patriotique. I gues réclament sur ce point l'exécution des canons.
Alors M. fjcclerc de Juigné, archevêque de
Un membre de la noblesse de Sens vote pour Paris, se lève, et demande que l'Assemblée or-
au'une députation soit adressée au Roi, à l'effet donne qu'un Te Deum soit chanté dans la cha-
de lui porter l'hommage des sacrifices dont ses pelle du Roi, en présence de Sa Majesté et de
vertus ont inspiré l'idée, et fourni l'occasion à la tous les membres de l'Assemblée nationale, nation.
Plusieurs officiers de justice, parlant au nom M. de Lally-Tollendal. Messieurs, il faut de tous, s'approchent du bureau, et essayent de terminer cette séance comme vous l'avez commercer la foule des députés qui, empressés d'ap- I mencée et comme vous l'avez remplie. Il faut y )orter leurs diverses renonciations, en couvraient mettre un dernier sceau digne d'elle et de vous, es degrés, et d'élever la voix pour exprimer l'a- I Je ne sais si - mon cœur m'entraîne trop loin ; )andon des privilèges de leurs charges, n'aspi- mais s'il se trompait, j'en accuserais cette ivresse rant qu'à la considération d'un service agréable dont votre patriotisme le remplit : je ne crois et utile à la nation. cependant pas qu'il s'égare.
Dans cet instant, un député de Franche-Comté, I Messieurs, au milieu de ces élans, au milieu
d'accord avec ceux de Provence, propose l'ex^ j de ces transports qui confondent tous nos senti-tinction de la vénalité des offices; l'Assemblée I ments, tous nos vœux, toutes nos âmes, ne de-accueille cette idée avec transport; plusieurs 1 vons-nous pas nous souvenir du Roi? du Boi qui députés de la province y joignent le vœu de la I nous a convoqués, lorsque les Assemblées natio-
suppression de leur parlement. nales étaient interrompues depuis près de deux
i siècles ; du Roi qui nous a invités le premier à
, conseiller au parlement de cette réunion fortunée que nous venons de con-Paris, saisit ce moment pour offrir aux reprében- sommer ; du Roi qui nous a abandonné de lui-
tan ts de la nation l'hommage respectueux des
cours souveraines. II dit gn'aprts le sacrifice si noble que le monarque a fait de Pespece de pre- rogative dont il etait en possession, relativement a la legislation, il ne restait rien aux ofliciers de sa cour h offrir a la nation, qui Hit digne d'elle et de ses glorieux exemples; qu'i peine osait-il lui presenter ct la prier d'accepter, commc il faisait pour lui et ses colleges, le faible sa- crilice de quelques vaines prerogatives de charge, le comraitiimus, 1'heredite des offices, la noblesse transmissible, quelques exemptions pecuniaires; mais que ce qui etait en leur pouvoir, ce qu'ils regardaient eomme un devoir sacr6, dont ils donneraient I'exemplea tous, ils le promettaient parson or^ane, savoir: un devouement sans homes 1 execution des lois naiionales, une etude detous les jours et une application infa- tigable pour enconnaitre l'esprit, pour en eten- dre et en assurer l'erapire, et surtout pour fon- der et affermir dans le coeur des justiciables qui leur seraient assignes ce respect profond pour les droits de Tiiommc, qui a dicte en ce moment au prince, aux eccl6siastiques, aux nobles, aux illustres corporations des grandes cites, aux pro- vinces entieres, tous les sacrifices qu'exigent la liberie, la stlrcte, I'fionneur et la propn6t6 de tous les habitants du rovaume.
Le depute du Beaujola'is se rapproche du bu- reau pour stipuler la reforme des lois relatives aux corporations d arts et metiers, dans les- quelles les mattrises sont eiablies, et leur perfec- tionnement et reduction aux termes de la justice et de Tinteret commun.
Un depute de Blois avait deja reclame pour re- gality absolue des peines portees contre tous les coupables, et pour que le droit de toutes les classes de citoyensaetreadmis h tous lesemplois eccldsiastiques, civils et militaires, fiit rcconnu et declare.
Un depute ecciesiastiquc de Lorraine a aussi forme le vceu, qu'en demeurant uni de' coeur et d'esprit au chef de I'gglise, on stipulat la sup- pression des annates.
, cur£de Villefranche en Beau- jolais, foulard, cur6 de Roanne, et lllalliia», cur6 d'Eglise-Neuve, annonrent I'intnntion de re- mettrc les b6nelices dont ils jouissent, pour s'en tenirileur cure.Un grand nombre de ieurs colle- gues reclament sur ce point I'exGcution des canons.
Mors M. JLcclerc tic Julgnc, archevequc de Paris, se ICYe, et dcmande que 1'Assemblee or- donnequ'unTc Deum soil cliante dans la cha- pelle du Hoi, en presence de Sa MajestC et de tous les membres de l'AssemblGe uaiionale.
. Messieurs, ii faut terminer cette seance comme vous l'avez coui- mencee et comme vous l'avez remplie. II faut y mettre un dernier sceau digne d'elle et de vous. Je ne sais si mon cccur m'entraine trop loin; mais s'il se trompait, j'en accuserais cette ivressc dont votre palriotisine le remplit: je ne crois cependant pas qu'il s'6gare.
Messieurs, au milieu de ces elans, au milieu de ces transports qui confondent tous nos senti- ments, tous nos vocux, toules nos Ames, ne de- vons-nous pas nous souvenir du Roi? du Hoi qui nous aconvoques, lorsque les Assemblies natio- nals etaient interrompues depuis pres de deux siecles; du Roi qui nous a invites le premier fc cette reunion fortun6e que nous venons de eon- sommer; du Roi qui nous a abandonne de lui- toys les droiW que sa justice a reconnn
ne pas devoir conserver ; du Roi enfin qui est venu se jeter dans nos bras, et qui, ce matin encore, nous offrait et nous demandait une constante et amicale confiance ! Dans ce beau jour, que chacun recueille sa récompense, que chacun ait son bonheur ; que le bonheur public en soit le dernier résulat; que l'union du Roi et du peuple couronne l'union de tous les ordres, de toutes les provinces et de tous les citoyens.
C'est au milieu des Etats généraux que Louis XII a été proclamé Père du peuple. Je propose qu'au milieu de cette Assemblée nationale, la plus auguste, la plus utile qui fut jamais, Louis XVI soit proclamé le Restaurateur de la liberté française.
La proclamation a été faite à l'instant par les députés, par le peuple, par tous ceux qui étaient présents et l'Assemblée nationale a retenti pendant un quart d'heure des cris de vive le Roi ! vive Louis XVI, restaurateur de la liberté française !
La séance s'était étendue bien avant dans la nuit, quand M. le président, après avoir pris le vœu de l'Assemblée, suspend le cours de ces déclarations patriotiques, pour en relire les chefs principaux, et les faire décréter par l'Assemblée, sauf la rédaction ; ce qui est exécuté sur l'heure à l'unanimité, sous la réserve exigée par les serments et les mandats de divers commettants.
Suivent les articles arrêtés.
Abolition de» la qualité de serf et de la mainmorte, sous quelque dénomination qu'elle existe.
Faculté de rembourser les droits seigneuriaux.
Abolition des juridictions seigneuriales.
Suppression du droit exclusif de la chasse, des colombiers, des garennes.
Taxe en argent, représentative de la dîme.
Rachat possible de toutes les dîmes, de quelque espèce que ce soit.
Abolition de tous privilèges et immunités pécuniaires.
Egalité des impôts, de quelque espèce que ce soit, à compter du commencement de l'année 1789, suivant ce qui sera réglé par les assemblées provinciales.
Admission de tous les citoyens aux emplois civils et militaires.
Déclaration de l'établissement prochain d'une justice gratuite, et de la suppression de la vénalité des offices.
Abandon du privilège particulier des provinces et des villes. Déclaration des députés qui ont des mandats impératifs, qu'ils vont écrire à leurs commettants pour solliciter leur adhésion.
Abandon des privilèges de plusieurs villes, Paris, Lyon, Bordeaux, etc.
Suppression du droit de déport et vacat, des annates, dé la pluralité des bénéfices.
Destruction des pensions obtenues sans titres.
Réformation des jurandes.
Une médaille frappée pour éterniser la mémoire de ce jour.
Un Te Deum solennel, et l'Assemblée nationale en députation auprès du Roi, pour lui porter l'hommage de l'Assemblée, et le titre de Restaurateur de la liberté française, avec prière d'assister personnellement au Te Deum.
Les cris de vive le Roi ! les témoignages de l'allégresse publique, variés sous toutes les formes, les félicitations mutuelles des députés et du peuple présent, terminent la séance.
Avant de la lever, M. le président lit une lettre qui lui est écrite par MM. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, Le Franc de Pompignan archevêque devienne, et M. le comte de LaTour-Du-Pin, appelés par le Roi au ministère. Elle est conçue en ces termes :
« Monsieur le président, appelés par le Roi dans ses conseils, nous nous empressons de déposer nos sentiments dans le sein de l'Assemblée nationale.
« Les marques de bien veillance dont nous avons été comblés depuis l'instant heureux de notre réunion, et surtout notre fidélité aux principes de l'Assemblée nationale, et notre respectueuse confiance en elle, sont les motifs les plus capables de soutenir notre courage. *
« Nous ne perdron s jamais de vue que, pour bien répondre aux intentions du Roi, nous devons toujours avoir présente à la pensée cette grande vérité, que l'Assemblée nationale a ramenée, et qui ne retentira plus en vain: que la puissance et la félicité des rois ne peuvent dignement s'asseoir et durablement s'affermir que sur les fondements du bonheur et de la liberté des peuples.
«Daignez, monsieur le président, être notre interprèle auprès de l'Assemblée, et lui offrir, en notre nom, la protestation sincère de ne vouloir exercer aucune fonction publique qu'autant que nous pourrons nous honorer de son suffrage, et conserver notre dévouement à ses maximes.
« Nous sommes avec respect, etc.
« Signé: -j* J. G., arch. de Vienne ; J.M., arch. de Bordeaux, Latour-Du-Pin. »
(On applaudit.)
La séance est suspendue à deux heures après minuit, et continuée à demain midi.
Séance du
déclare la séance ouverte.
dit :
Messieurs, permettez-moi d'avoir l'honneur de vous rendre compte d'un fait très-simple, arrivé hier, mais que les circonstances peuvent rendre de quelque importance.
L'absence de M. le comte d'Artois ayant permis de donner des congés à plusieurs de ses gardes du corps, des palefreniers ont été chargés, à mon insu, par le major et le commandant de l'hôtel, de porter les mousquetons des gardes absents dans leur salle au château; ils portent l'inscription des gardes du corps, et l'on m'assure qu'ils sont au nombre de vingt.
Ces palefreniers, qui ont vu sortir de l'hôtel des gardes, où sont aussi mes. écuries, ma
voiture vide qui venait me prendre au château pour me mener dîner dans la ville de
Versailles, ont
Cette voiture, arrivée dans une cour du château, a été arrêtée et visitée par la milice bourgeoise.
Cette voiture est connue dans Versailles depuis longtemps.
Mon cocher était vêtu de ma livrée.
Il était deux heures et demie après midi.
Ce fait évident ne mériterait peut-être pas, Messieurs, de vous être présenté ; mais j'espère que vous ne blâmerez pas le sentiment de délicatesse qui me porte à vous en instruire, et à en laisser sur le bureau ma déclaration signée ce 5 août 1789.
Signé : Bailli de Crussol.
11 ^t été donné acte à M. le bailli de Crussol de la déclaration qu'il a laissée par écrit sur le bureau.
Le comité des rapports demande un moment d'audience pour proposer les moyens de prévenir le danger qui résulterait des difficultés continuelles que les villes elles-mêmes apportent à la communication des denrées.
Un membre observe que cet objet doit être renvoyé à la séance du soir ; que celle du matin est consacrée à la constitution.
On répond que cette séance est précisément la suite de celle accordée hier soir au comité des rapports.
Le comité obtient en conséquence la parole.
, au nom du comité des rapports. Paris a établi, sur la route de cette ville au Havre, quatre commissaires, pour faciliter la circulation des grains et l'approvisionnement de la capitale. Malgré ces précautions, les convois sont fort souvent arrêtés.
Des bateaux de grains, escortés par la milice bourgeoise d'Elbeuf, descendaient à Louviers ; ils étaient destinés pour Paris ; un des chefs de la milice, revêtu de son uniforme, était sur un des bateaux.
La milice bourgeoise de Louviers a rencontré ce convoi et Ta arrêté ; le peuple s'est rassemblé; le chef de la milice, qui était sur un des bateaux, a été mis aux fers et jeté dans les cachots, pour le dérober à la fureur du peuple, et les grains ont été conduits dans Louviers.
L'Assemblée a été frappée des inconvénients qui résultaient de ces obstacles dans la circulation des denrées, et des malheurs affreux qui seraient la suite de ces violences.
Le comité propose, pour faire cesser ces désordres, le projet d'arrêté suivant:
« L'Assemblée nationale, occupée constamment1 de ^constitution, et affligée des excès auxquels se livrent les différentes villes, etc., autorise la milice bourgeoise et les tribunaux à se servir dej toute leur autorité pour s'opposer à toutes voies^ de fait, etc. »
Cet arrêté n'est pas approuvé. On y ajoute l'amendement suivant :
N^Que Içs juges, baillis, sénéchaux, etc., seront autorisés à requérir la force militaire. »
Un membre propose de faire deux arrêtés pour Louviers et Elbeuf, et un troisième pour Paris ; l'Assemblée ne juge pas à propos de multiplier ainsi ses décrets.
. De tous côtés on se plaint d'entreprises faites contre les personnes et les propriétés par des brigands qui courent les provinces, et des obstacles qu'on oppose partout à la libre circulation des subsistances. Je crois donc devoir reproduire la motion que j'avais faite hier, tendant à rendre au pouvoir exécutif et aux tribunaux toute leur énergie.
Cette proposition n'a pas de suite.
Il s'élève quelques débats pour fixer la manière dont la force publique sera employée, savoir : si l'on emploiera les troupes réglées à la réquisition des municipalités, ou si l'on ne se servira que des milices bourgeoises actuellement armées, pour repousser les violences et rétablir l'ordre aans les provinces.
Après quelques difficultés, les esprits se réunissent en faveur d'un projet de proclamation qui est arrêtée ainsi qu'il suit :
« L'Assemblée nationale, constamment occupée de procurer à la France un bonheur général qui ne peut être assuré que par une sage constitution, apprend à chaque instant, avec une nouvelle douleur, les violences et voies de fait dont on use en différente lieux contre les propriétés et les personnes de divers citoyens, et particu-lièment contre des convois de grains et farines destinés à l'approvisionnement de différentes villes du rovaume.
«Elle déclare en conséquence qu'il est du devoir des municipalités et milices bourgeoises de s'opposer à de telles entreprises. Elle invite en même temps Je gouvernement à prêtera l'autorité municipale l'assistance de la force militaire dans le cas de nécessité, et lorsqu'il en aura été requis, pour rétablir la sécurité des citoyens, la liberté du commerce et le bon ordre universel. »
a annoncé que M. l'abbé de Pannat, député du bailliage de Chaumont en Vexin, a donné sa démission; que M. Delettre, curé de Berny-Rivière, député du Soissonnais, a rapporté le procès-verbal de son élection ; que les pouvoirs de M. le baron de Luppé, député de la sénéchaussée d'Auch; de M. Lemoine de Beile-lsle, député du bailliage de Chaumont en Vexin ; de M. le marquis d'Angosse, député de la sénéchaussée d'Armagnac; ceux de MM. de Sassenay et de Varennes, députés du bailliage de Chalon-sur-Saône; de MM. le duc de Caylus, baron d'Aurillac et baron de Rochebrune, députés du bailliage de Saint-Flour, sont en règle ; que M. le comte d'Escars, député de la sénéchaussée de Limoges, ayant donné sa démission, a été remplacé par M. le comte de Roys, dont les pouvoirs sont également en règle, ainsi que ceux de M. le marquis Du Hart, député par la noblesse du bailliage de Soûles, qui a rapporté le procès-verbal de son élection, faite avec celle des députés des communes; qu'enfin les pouvoirs de MM. deChaillouet et marquis de Vrigny ont été véritiés le 1er juillet, et que c'est par erreur qu'il n'en a pas été fait mention jusqu'ici. En conséquence de ce rapport, l'Assemblée nationale a admis et reconnu pour députés vérifiés MM. De-lettre, curé de Berny-Rivière, le baron de Luppé, Lemoine de Belle-Isle, le marquis d'Angosse, de Sassenay, de Varennes, le duc de Caylus, le baron d'Aurillac, le baron de Rochebrune, le comte de Roys, le marquis du Hart, de Chaillouet, et le marquis de Vrigny. Ces deux derniers ont représenté une ampliaUon de pouvoirs qui leur a été
donnée le 29 juillet par plusieurs gentilshommes des bailliages d'Exmes et d'Argentan, secondaires du bailliage d'Alençon.
Il a été donné lecture du projet de rédaction du procès-verbal de la séance d'hier soir, qui sera représenté à l'Assemblée avant d'être imprimé.
MM. les députés du clergé et de la noblesse d'Alsace ont dît, par l'organe de M. le prince de Broglie, que s'étant trouvés hier en trop petit nombre à l'Assemblée pour se permettre de prendre une résolution définitive, et s'étant réunis ce .matin, ils déclaraient adhérer à ce qui a été décidé hier par la pluralité des provinces; qu'ils se faisaient honneur d'adopter les sentiments patriotiques dont plusieurs avaient eu l'avantage d'énoncer le vœu les premiers, et qu'ils allaient rendre compte à leurs commettants de l'engagement qu'ils prenaient pour eux, et sous leur ratification. 11 a été donné acte à MM. les députés du clergé et de la noblesse d'Alsace de leur déclaration, qu'ils ont remise signée d'eux, sur le bureau.
MM. les députés des communes et des villes impériales d'Alsace, par l'organe de MM. Rew-bell et Bernard, ont fait la même déclaration pour leurs commettants respectifs.
MM. les députés de la noblesse de Touraine ont remis sur le bureau une déclaration signée d'eux, portant que, quoiqu'ils eussent adhéré avec empressement aux abandons et sacrifices qu'a exigés l'extinction du régime féodal, consentis par tous les représentants de la noblesse des autres provinces, ces abandons et satrifices excédant leurs pouvoirs, ils ne les ont pu ni dû faire que sous la réserve de l'adhésion que leurs commettants s'empresseront sûrement de donner, et qu'ils notifieront avec la plus grande satisfaction à l'Assemblée nationale, dès qu'ils l'auront reçue,
, député du clergé de Béarn, a aussi déposé sur le bureau une déclaration signée de lui, portant « qu'ayant des pouvoirs illimités de ses commettants pour concourir au plus grand bien général, il adhère, en leur nom, à tous les arrêtés et délibérations pris jusqu'à ce jour par l'Assemblée nationale, et à tous les] arrêtés et délibérations qu'elle prendra à l'avenir, ses commettants étant disposés à faire en conséquence tous les sacrifices, et n'ayant rien dé plus à cœur que de manifester, en toute occasion, le patriotisme le plus pur et le plus étendu. »
député du bailliage de Belley en Bugey, a déclaré, au nom de ses commettants, par un écrit qu'il a signé et déposé sur le bureau, que s'étant trouvé absent de la séance du 4 au 5, il se réunit aux députés des deux autres ordres de ce bailliage, pour tous les abandons et sacrifices qu'ils ont faits pour le bien public.
députés de la noblesse de la sénéchaussée de Draguignan, en adhérant à tout ce qui a été arrêté dans la soirée d'hier 4 de ce mois, ont déclaré que par la nature de leur mandat, n'ayant pu donner sur beaucoup d'articles que leur vœu personnel, ils réservent expressément à cet effet l'adhésion particulière de leurs commettants, et croient pouvoir assurer d'avance qu'ils ne le céderont point en générosité aux gentilshommes les plus patriotes du royaume. Us ont demandé que cette déclaration; signée
d'eux, fût insérée dans le procès-verbal de cetfe séance.
donne lecture de l'arrêté pris dans la séance d'hier, tel qu'il a été libellé par le comité de rédaction.
projet d'arrêté.
L'Assemblée nationale considérant:
1° Que dans un Etat libre, les propriétés doivent être aussi libres que les personnes;
2° Que la force de l Empire ne peut résulter que de la réunion parfaite de toutes les parties, de l'égalité des droits et des charges;
3° Que tous les membres privilégiés, et les représentants des provinces et des villes se sont empressés de faire, comme à l'envi, au nom de leurs commettants, entre les mains de la nation, la renonciation solennelle à leurs droits particuliers et à tous leurs privilèges ;
Arrête et décrète ce qui suit:
Art. 1er. Les mainmortes, mortes-tailles, corvées, droits de
feu, guet et garde, et toutes autres servitudes féodales, sous quelque dénomination que ce
soit, même les redevances et prestations pécuniaires établies en remplacement d'aucuns de ces
droits, sont abolis à jamais sans aucune indemnité.
Art. 2. Les droits de banalité, quels qu'ils soient, et tous droits seigneuriaux, tels que cens, rentes, redevances, droits de mutations, cham-parts, terrages, droits de minage, mesurage et autres, sous quelque dénomination que ce soit, seront rachetables à la volonté des redevables, au prix qui sera fixé, soit de gré à gré, soit selon les proportions qui seront réglées par l'Assemblée nationale.
Art. 3. Le droit exclusif de colombier est aboli à jamais.
Les fuies et colombiers sont supprimés.
Art. 4. Le droit exclusif de la chasse et de la pêche est pareillement aboli, et tout propriétaire est autorisé à pêcher et à faire pêcher dans les ruisseaux et rivières qui coulent le long de sa terre, à détruire et faire détruire, seulement sur son héritage, toute espèce de gibier.
Art. 5. Le droit de garenne est également aboli.
Art. 6. Les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnités, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée aux moyens de rapprocher la justice royale des justiciables.
Art. 7. Les dîmes en nature, ecclésiastiques, laïques et inféodées pourront être converties en redevances pécuniaires, et rachetables à la volonté des redevables, selon la proportion qui sera réglée, soit de gré à gré, soit parla loi, sauf leur remploi à faire par les décimateurs.
Art. 8. Toutes les rentes foncières, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, seront rachetables.
Art. 9. II sera pourvu incessamment à l'établissement de la justice gratuite, et à la suppression de la vénalité des offices de judicature. m
Art. 10. Les droits casuels des curés de campagne sont supprimés; il sera pourvu à l'augmentation des portions congrues et à la dotation des vicaireâ, et il sera fait un règlement pour fixer le sort des curés des villes.
Art. 11. Tous privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais; la perception $'ea fera sur fous les
citoyens et sur tous les biens, de la même manière et dans la même forme, et il va être avisé aux moyens d'effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'imposition courante.
Art. 12. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'Empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, villes, corps et communautés, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans les droits communs à tous les Français.
Art. 13. Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civils et militaires.
Art. 14. Les annates et les déports sont supprimés.
Art. 15. La pluralité des bénéfices et des pensions ecclésiastiques n'aura plus lieu pour l'avenir.
Art. 16. Sur le compte qui sera rendu à l'Assemblée nationale de l'état des pensions et des grâces, elle s'occupera de la suppression de celles qui n'auraient pas été méritées, et de la réduction de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer la somme dont le Roi pourra disposer pour cet emploi.
Art. 17. L'Assemblée nationale décrète qu'en mémoire des grandes délibérations qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté un Te Deum, en actions de grâces, dans toutes les paroisses et églises du royaume.
Art. 18. L'Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI, restaurateur de la liberté française.
Art. 19 et dernier. L'Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, pour lui porter l'hommage de sa respectueuse reconnaissance, et la féliciter du bonheur qu'elle a de commander à une nation si généreuse. Sa Majesté sera suppliée de permettre que ce Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même.
Lecture faite du projet d'arrêté, il est reconnu que la discussion ne pourra pas porter sur le fond, mais uniquement sur la forme.
La séance est levée et remise à demain neuf heures du matin.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
11 est fait lecture des adresses de félicitation et d'adhésion des trois ordres de Saint-Maixant, de Toulon-sur-Arroux, de la ville de Limoux, du sieur Louis Paulin de Lavie, avocat en parlement, habitant de la ville de Monestier-Saint-Chaffre en Vélay; des trois ordres de Felletin, de la ville de
Berres ; de plusieurs citoyens, officiers municipaux, électeurs et commune d'Hennebont; delà ville de Digne, de la ville de Lorient, de la ville de Saint-Fargeau, de la ville de Villeneuve-le-Roux, de la ville d'Ambert en Auvergne, de la ville de Carcassonne; des trois ordres de Nar-bonne, des trois ordres de la ville de Montalieu, diocèse de Carcassonne ; de la communauté de Draguignan ; des trois ordres de la sénéchaussée de Béziers; des citoyens de Lodève; des trois ordres de la ville d'Agde, de la ville et paroisse de Saint-Nicolas de Londeau, de la ville de Siste-ron; de la principauté, et nommément des arbalétriers d'Orange; des jeunes citoyens.de la ville de Bergues, à laquelle est jointe une délibération des officiers municipaux ; du comité des électeurs des communes du bailliage de Bourbon-Lancy, de la ville de Thiers, de la ville de Vanvez, diocèse de Nîmes; de la ville d'Arles, de la ville de Tours, de la ville de Calais, de la ville de Port-Louis, de la ville d'Alais, de la ville de Lunéville, du bourg de Chorges en Dauphiné; enfin, de la commune de Loriol en Dauphiné.
annonce qu'on va relire le projet d}arrêté rédigé par le comité de rédaction ; il rappelle de nouveau aux membres qui auraient des observations à proposer, qu'elles ne doivent porter que sur la rédaction et non sur le fond.
Le projet d'arrêté est relu pour être discuté article par article.
Après cette lecture, un grand nombre d'orateurs se présentent pour discuter les articles.
M. le curé de.... Tous les membres privilégiés se sont empressés de faire un généreux abandon des droits qui ne paraissent avoir d'autre fondement qu'un usage antique.
Je conçois très-bien que la sanction royale n'est pas nécessaire pour l'abolition des droits abusifs dont le clergé et la noblesse viennent de faire un sacrifice à la chose commune. Mais il est des droits qui sont plus respectables. Vous pensez que le Roi réunit les droits d'une infinité de fondateurs. Croyez-vous, Messieurs, que l'on puisse se porter à 1 abolition de ces droits sans la sanction expresse du monarque?
Réfléchissez que ces droits remontent jusqu'à Charlemagne; que les dîmes sont des concessions consenties au moins tacitement par tous les Etats généraux précédents. Elles sont donc des propriétés, et à ce titre elles sont inviolables et sacrées.
Forcez, Messieurs, les détenteurs de ces propriétés à en faire l'usage qu'ils doivent en faire ; qu'elles refluent sur la classe indigente des citoyens.
Sages médecins des maux de la France, ne souffrez pas que quelques individus soient des espèces de polypes qui absorbent tous les sucs nourriciers. Faites-les, ces sucs, couler par différents canaux pour vivifier le corps entier; mais gardez-vous d en tarir la source.
D'ailleurs, quand même je le voudrais, il n'est pas en mon pouvoir de consentir à la suppression des dîmes; ce serait aller diamétralement contre le vœu de mes commettants. Je demande donc que l'article des dîmes soit distrait de l'arrêté.
Cette observation obtient peu de faveur, et elle excite des rumeurs dans une grande partie de l'Assemblée.
Un noble du Limousin, gui, jusqu'ici enchaîné par des pouvoirs impératifs, jouissait des prc-
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miers moments de liberté que ses commettants avaient rendue à sa conscience, se félicite de pouvoir aussi participer de cœur et de volonté aux sacrifices de Ja noblesse, dans une circonstance, dit-il, où elle ajoute à la magnanimité de ses pères le plus généreux désintéressement.
Un ecclésiastique prend place à la tribune. Je ne viens faire ici quelques réflexions que sur le préambule. Je respecte trop vos moments pour les employer à des discussions inutiles. J'aurais parlé dans les bureaux, mais ils sont fermés ; et puisque je suis privé des avis de ceux qui y parlaient avec autant de sagesse que ceux qui nous éclairent ici, pour remplir la mission dont je suis honoré, je suis forcé de m'expliquer.
Je n'avais rien à offrir à la patrie; mais toutefois, en admirant le généreux désintéressement de ceux qui ont fait tant de sacrifices, je m'applaudis en secret de n'en avoir aucun à faire.
J'ai deux réflexions à développer sur le préambule que nous discutons.
Il faut distinguer les intérêts généraux et les . intérêts particuliers.il me semble que l'arrêté ne doit contenir que les abandons faits par les villes et les provinces. Sur tout le reste, il faut encore y réfléchir longtemps ; nos démarches doivent avoir la sage lenteur de la loi.
Ce n'est pas sur des proclamations faites dans l'enthousiasme, sur des offres de particuliers qui n'offrent rien en leur nom, que l'on peut se décider... (Violents murmures.)
Cet ecclésiastique, qui revenait ainsi sur un objet déjà décidé, propose des comités pour le décider une seconde fois.
Un autre ecclésiastique a cherché à mettre M. le président en contradiction avec lui-même. M. le président, dit-il, a annoncé qu'il ne pouvait faire aucun sacrifice sans en avoir consulté ses commettants; nous réclamons ici le même principe.
En outre, il y a une infinité d'artjcles qui seuls méritent les plus mures réflexions. Le règlement porte que l'on doit les discuter dans les bureaux. 11 faut donc se livrer d'abord à cette discussion préliminaire.
. Je m'oppose à toutes les lenteurs que peut-être un repentir tardif apporte au plus noble désintéressement; je propose de laisser de côté le préambule, pour délibérer sur les articles.
. Je crois devoir attaquer directement les propositions des préopinants ecclésiastiques, et d'abord je soutiens que les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation. (Violente agitation dans une partie de VAssemblée ; applaudissements dans Vautre.)
Je m'appuie même sur les cahiers des ecclésiastiques, qui demandent à la nation les augmentations des portions congrues : donc ils ont reconnu les droits incontestables de la nation sur les biens de l'église. Ils n'auraient pas proposé à ceux qui n'auraient aucun droit ue partager des biens qui ne leur appartiennent pas. [On applaudit.)
Le clergé n'a rien de mieux à faire que de sauver au moins les apparences, et de paraître faire de lui-même tous les sacrifices que les circonstances impérieuses le forceront à faire.
Je demande si, après les sacrifices faits par Messieurs de la noblesse; si, après les sacrifices
faits par Messieurs des communes, qui certes en font ausi de très-grands, à proportion de leur fortune ; je demande si on peut remettre en question ce qui a déjà été décidé ; je demande si, lorsque M. le président a pris sur un papier tous les arrêtés, et lorsque l'on a, presqu'à l'unanimité, adopté toutes ces vérités, on peut douter encore de leur adoption ?
* 11 ne s'agit aujourd'hui que de savoir si la rédaction qui a été faite par le comité est conforme à la note de M. le président, sur laquelle nous avons été aux voix.
Un membre de la noblesse. Je prends la parole pour parler des droits honorifiques. Il y aurait trop de désavantage à m'étendre après les préopinants. Aucun sacrifice ne coûtera à la noblesse, et cependant, Messieurs, il ne faut considérer que les avantages ou les désavantages qui pourront en résulter pour les gens de la campagne, les colons et les cultivateurs.
Une seconde réflexion que j'ai à vous soumettre, c'est que l'on ne peut attaquer une loi sacrée que vous vous êtes vous-mêmes prescrite.
Vous avez dit vous-mêmes que, toutes les fois que vous traiteriez une matière importante, l'on délibérerait trois jours de suite.
Je le répète, Messieurs, la .noblesse ne prétend pas rétracter ici les généreux sacrifices qu'elle a laits à la patrie ; mais elle réclame la loi qui vous fait un devoir de délibérer entièrement sur des objets importants.
Elle désirerait avoir encore de nouveaux sacrifices à faire à la nation; elle ne désire, elle ne veut que conserver des droits qui ne nuisent à personne, droits honorifiques qu'elle a bien payés par les services rendus aux lois et à la patrie, plus encore payés par les flots de sang qu elle a répandus.
. Toutes ces observations ne tendent qu'à écarter l'objet important de l'Assemblée, la rédaction du fameux arrêté.
Il n'y a ici ni motion, ni amendement à faire ; c'est un sentiment de patriotisme qui porte la noblesse et les ecclésiastiques à faire des sacrifices.
Il ne s'agit que de les recevoir; il ne s'agit pas de délibérer trois jours pour accepter un bienfait.
. J'observe que le règlement est ponctuellement exécuté, puisque c'est le troisième jour de la délibération.
objecte qu'il ne fallait pas se livrer à des discussions étrangères à l'ordre du jour, que c'était d'autant reculer le moment de la constitution.
, évêque de Langres, prie l'Assemblée de ne pas attribuer à l'ordre entier des sentiments particuliers à quelques membres.
, évêque de Dijon, dit que le clergé saura faire tous les sacrifices que l'on exigera.
, tant que nos paroissiens n'éprouveront aucun besoin, les curés se trouveront heureux du bonheur de ceux qui les environnent.
Après la déclaration de ces généreux sentiments de la part des préopinants, on en vjent
enfin au premier article du préambule,de l'arrêté.
Cet article donne lieu à de grandes discussions.
11 s'est élevé sur cet objet une question fameuse qui embarrasse les jurisconsultes, que les tribunaux ont diversement jugée ; et pour la résoudre, il faut, pour ainsi dire, s'environner des ténèbres qui couvrent la jurisprudence féodale. Nous allons rappeler le premier article. « Les mainmortes, morte-tailles, corvées,droits de feu, guet et garde, et toutes autres servitudes féodales, sous quelque dénomination que ce soit, même les redevances, les prestations pécuniaires établies en remplacement de mêmes droits, sont abolis à jamais, sans aucune indemnité. »
L'on a distingué entre les mainmortes personnelles et les mainmortes réelles. Les premières, a dit un noble, doivent être supprimées; les secondes sont une concession faite; elles sont des propriétés, donc elles doivent êtrerache-tables.
On a réclamé encore contre le droit de feu, qui, dans beaucoup d'endroits, est la banalité du four; il est représentatif d'une concession, donc il est encore rachetable.
entre dans des détails très-êtendus sur ces deux objets. Il réfute avec beaucoup de succès les sentiments du préopinant qui, se voyant convaincu, s'est écrié qu'il renonçait, au nom de ses commettants, à tous les droits dont la cause n'était pas utile à tous ceux qui les payaient.
, député de la noblesse, combat la cause de l'anarchie féodale avec un succès égal à celui qu'il avait déjà obtenu dans la dernière discussion de la féodalité.
Que l'on ne dise pas, dit-il, que les mainmortes sont des concessions faites et acceptées librement. En Franche-Comté, en Bourgogne, elles prennent leur origine dans les guerres civiles des enfants de Louis le Débonnaire : les vainqueurs étaient les maîtres ; les vainqueurs firent la loi, et il a fallu se soumettre.
En 1553,un arrêté des Etats de Bourgogne soumit les personnes libres, possédant mainmortes réelles, à tous les devoirs des gens de mainmorte. Ce sont là les droits que l'on veut contraindre à rembourser. 11 n'y en eut jamais qui méritèrent mieux l'anéantissement.
Pour faire cesser les différentes opinions élevées sur la distinction de la mainmorte, il propose le changement suivant :
Et toutes les autres servitudes pures, personnelles.
Ce changement ne fait pas cesser les débats. Les uns proposent de faire entrer dans l'arrêté le droit de retrait féodal. Les autres parlent de droits honorifiques. Enfin les débats sur la mainmorte continuent toujours.
, évêque d'Autun, propose l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale déclare que les servitudes féodales et personnelles sont supprimées que tous les droils qui ont lieu sans qu'il y ait prestation et tradition, seront supprimés sans indemnité ;
« Que tous les droits qui ont eu lieu par prestation et tradition seront rachetables ;
« Et que les assemblées provinciales fixeront le mode de rachat* »
Ce projet d'arrêté n'a également aucun succès.
Plusieurs membres lisent ou modifient divers autres projets d'arrêté, sans pouvoir réunir les suffrages : les débats, les colloques s'échauffent, et l'on ne finit rien.
en lit un qui ne trouve aucune approbation.
Le commencement est à peu près le même que celui de M. l'évêque d'Autun, à l'exception qu'il parle des droits féodaux et seigneuriaux.
Et il finit par dire que l'Assemblée nationale jugera seule des contestations qui s'élèveront sur ces différentes abolitions.
propose l'arrêté suivant, qui n'a encore qu'un succès momentané.
« Toutes mainmortes personnelles ou réelles, et toutes servitudes féodales personnelles, ensemble toutes lés prestations pécuniaires, établies en remplacement, sont abolies à jamais ; tous devoirs et autres droits féodaux, quels qu'ils soient, sont rachetables au taux qui sera réglé par l'Assemblée nationale. »
Un membre demande qu'on ^ y ajoute cette phrase : en sorte que toutes féodalités et cen-sives puissent être eteinles dans le royaume.
fait une remarque très-judicieuse sur le droit de boage, qui se trouverait compris sous le mot de servitudes. Ce droit qui existe dans plusieurs, provinces, est concédé par des propriétaires qui se réservent, dans différentes saisons, la faculté d'y conduire des bœufs ; que, sur cette faculté, les pères de famille ont fait des établissements, ont assuré des dots, des douaires, et l'Assemblée ne doit point y porter atteinte.
Un membre de la noblesse de Saintonge réclame ses mandats et s'oppose à toute abolition actuelle de la féodalité. Il a fait, dit-il, tous les sacrifices qu'il pouvait faire en son nom ; mais il se réserve au nom de ses commettants.
D'autres membres, mais en petit nombre, suivent cet exemple.
termine enfin ccs longs débats. Il propose d'anéantir surtout la faculté d'exiger des aveux et dénombrements, et dans cet esprit il lit un projet d'arrêté qui paraît réunir tous les suffrages ; l'Assemblés marque son impatience pour aller aux voix.
avait déjà mis la motion de M. Duport en délibération, lorsque quelques voix réclament l'arrêté de M. Target ; M. Mounier demande la parole.
dit qu'il adopte avec empressement l'arrêté de Al. Duport.
n'obtient la parole que très-difficilement, après une longue opposition
Il s'élève contre une phrase de l'arrêté de M. Duport, où il est dit que toutes redevances et prestations pécunaires mises en remplacement seront abolies.
Ces droits, dit-il, se sont vendus et achetés de-puis des siècles ; c'est sur la foi publique qu'ils ont été mis dans le commerce, que l'on en afait la
base de plusieurs établissements ; en les anéantissant, c'est anéantir des contrats, ruiner des familles entières, et renverser les premiers fondements du bonheur public.
propose de retrancher la phrase qu'il vient de citer.
La glèbe, ajoute-t-il, a été générale dans le royaume ; j1 n'est pas étonnant qu'elle soit devenue la base de plusieurs conventions qu'il importe de ne pas anéantir.
. Tout ce qui est injuste ne peut subsister. Tout remplacement à ces droits injustes ne peut également subsister. Donc on ne peut les exiger. C'est la jurisprudence des tribuuaux. Toutes servitudes réelles y sont abolies, et les droits qui les représentent sont également abolis. (On applaudit.)
met l'arrêté de M. Duport en délibération.
Le voici tel qu'il a été adopté à la grande majorité (1 ).
« L'assemblée nationale détruit entièrement le régime féodal ; elle décrète que, dans les droits et devoirs tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la mainmorte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité. Tous les autres Jsoût déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront iixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdits droits qui ne sont point supprimés parce décret continueront néanmoins à être perçus jusqu'au remboursement. »
Quelques membres de la noblesse ayant observé qu'il n'était pas question dans cet article des droits honorifiques, et qu'il était juste de les conserver aux seigneurs ; M. le président a demandé à l'Assemblée si eile voulait délibérer sur cette proposition.
. S'occuper de la discussion de ces droits qui ne sont attaqués par personne, c'est les infirmer.
. J'appuie l'observation de M. le duc de Liaucourt ; il n'y a là ni amendement ni motion ; il n'y a pas lieu à délibérer.
Un membre réclame avec force contre les observations des préopinants, et fait la motion expresse de la suppression de tous les droits honorifiques.
On met en délibération s'il y a lieu à délibérer. Il est arrêté qu'il y a lieu à délibérer.
. L'Assemblée nationale vient de décider que c'est le cas de délibérer sur les droits
honorifiques ; mais il ne s'ensuit pas de là qu'il faille en faire la suite de l'arrêté qui
vient d'être pris ; car c'est diamétralement opposé. Je ne crois pas qu on puisse délibérer à
trois heures sur une chose aussi importante ; je ne crois pas que l'ordre du jour puisse
permettre cette délibération et que l'on suspende l'arrêté pris dans la nuit du mardi, arrêté
que
Ces raisons ont fait rejeter la délibération sur les droits honorifiques.
Trois heures et demie étant sonnées, M. le Président a levé la séance, et en a indiqué une autre à six heures du soir.
Séance du soir.
dit que, pour se conformer aux ordres de l'Assemblée, il s'est rendu chez le Roi, pour lui parler de l'affaire de Brest et de celle des trois évêchés ; qu'il a trouvé Sa Majesté seule ; qu'elle l'a accueilli avec beaucoup de bonté, et qu'elle lui a dit qu'elle ferait connaître incessameut sa réponse à l'Assemblée.
il a dit que M. le garde des seaux l'avait prévenu quele Roi avait accordé les entrées familières de sa chambre au président de l'Assemblée nationale, pour rendre à l'avenir la correspondance plus facile entre Sa Majesté et l'Assemblée.
annonce qu'un des premiers magistrats du royaume vient de faire supprimer un droit de péage très-avantageux pour lui, mais très-nuisible pour le commerce.
Ce respectable magistrat avait instamment prié M. le président de ne pas le nommer ; c'était la seule récompense qu'exigeait sa modestie ; mais elle aurait trop coulé à l'Assemblée : M. le président a cru devoir nommer l'auteur de cette belle action ; c'est M. le premier président du parlement de Bordeaux, M. Le Berthon.
a dit enfin que M. Vol ter de Neurbourg avait fait le même sacrifice dans ses domaines ; qu'il abandonnait en outre les droits de lods et ventes qui lui appartenaient dans toute l'étendue du territoire de Sentrits, et une somme de 6,692 liv. 5 s. qui lui était due par le gouvernement pour arrérages d'une pension ; que son acte d'abandon, qui était sur le bureau, serait déposé dans~ies archives de l'Assemblée.
s'est approché du bureau pour donner lecture des nouveaux pouvoirs qu'il avait reçusdeses commettants ; et il s'est expliqué en ces termes : Connaissant le respect et la confiance de mes commettants aux lumières de cette auguste Assemblée, j'avais prévenu leur permission en adhérant à ses décrets, bien convaincu que leur approbation justifierait mon zèle et répondrait à tous les vœux de mon cœur.
Le comité des rapports a rendu compte a l'Assemblée de l'affaire de M. le duc de la Vauguyon.
. Il a été ministre dans des temps où toute la cour trempait dans la conjuration la plus atroce.
Il a été ministre, et n'a pas refusé : il est dans un état de suspicion, et il doit être détenu jusqu'à la preuve authentique de son innocence.
M. Varchevêque de Langres réfute M. Desmeuniers.
parle aussi en faveur de M. le duc de la Vauguyon ; il invoque les principes qui veillent à la sûreté de tous les individus.
Cette délibération se passe au milieu du tumulte et du désordre le plus grand.
rappelle inutilement à Tordre. Il demande ensuite à un des commissaires du bureau des douze, s'il n'y aucune accusation contre M. le duc de la Vauguyon. Le bureau assure qu'il n'y a aucun indice contre lui.
Plusieurs membres continuent cependant à demander avec chaleur son arrestation.
. Je prie l'Assemblée d'observer que, s'il est un cas où l'opinion d'un petit nombre de membres doit l'emporter sur celle du plus grand, c'est lorsque le petit nombre déclare n'être pas assez instruit pour donner un avis réfléchi, lorsqu'il demande à s'éclairer par l'avis des autres; or, je suis de ce petit nombre.
M. de la Vauguyon est arrêté , ou pour une simple contravention de police et alors il est assez puni par plusieurs jours d'alarmes et de détention, ou pour cause de conspiration, et alors il doit être gardé dans une prison sûre. Mais jusqu'ici rien n'est moins prouvé que le délit quelconque pour lequel il est détenu.
S'il est ici quelqu'un qui connaisse un crime à la charge de M. delà Vauguyon, qu'il l'allègue, et alors nous ordonnerons qu'il soit transféré sous sûre garde. Nous nommerons le tribunal qui doit le juger et les commaissaires qui devront procédera l'accusation. Mais si personne n'accuse le citoyen qui réclame sa liberté, je vous le demande, Messieurs, pouvons-nous le retenir un instant dans les fers sans blesser la justice ?
Mon avis est que M» le président soit chargé d'écrire à la municipalité du Havre que nous ne connaissons pas de motifs pour que la détention de M. de la Vauguyon soit continuée, et que nous laissons au pouvoir exécutif la décision entière sur ce qui concerne cet ex-ministre.
L avis de M. le comte de Mirabeau est adopté.
L'Assemblée prononce l'arrêté suivant :
« Sur le compte rendu à l'Assemblée nationale de la détention de M. le duc de la Vauguyon, faite par la milice bourgeoise du Havre, l'Assemblée arrête de ren voyer cette affaire au pouvoir exécutif, et charge M. le président d'écrire à la municipalité du Havre pour lui faire connaître la délibération de l'Assemblée et lui faire passer copie de sa lettre au ministre. »
Il a aussi été rendu compte de l'emprisonnement illégal de M. Helle, lieutenant-bailli seigneurial de Landeser en Haute-Alsace : l'Assemblée a décrété que cette affaire serait également renvoyée au pouvoir exécutif, et elle a rendu son arrêté général, en l'étendant à toutes les affaires de nature semblable.
a annoncé à l'Assemblée que les deux premiers articles du projet d'arrêté ayant été décidés irrévocablement dans la séance du matin et fondus dans un seul, on allait discuter le troisième.
On propose un premier amendement ainsi conçu:
« Que les ordonnances qui ordonnent la fermeture des colombier? pendant les semailles auront leur effet, à moins que le propriétaire n'ait cent arpents. »
Ce projet, qui était contradictoire à l'arrêté, est rejeté.
Un autre membre observe qu'il est des provinces
où le droit de colombier est universel ; d'autres Où les pigeons ne font aucun tort, soit parce que les terres ne sont pas cultivées pour les blés, soit pour d'autres causes ; qu'il ne convient pas de les détruire dans ces provinces, et qu'il faut renvoyer cet objet aux Assemblées provinciales.
présente un projet qui paraît fort peu accueilli. Le voici :
« Tout propriétaire aura le droit de tuer les pigeons sur ses terres. »
Un membre y substitue le suivant :
Les colombiers ouverts seront supprimés, et les laboureurs seront autorisés à tuer les pigeons dans les temps de semailles, lorsqu'ils se trouveront vagants sur leurs terres.
réclame ici l'exécution de son cahier, qui porte la destruction des pigeons. Cependant, comme cette destruction intéresse toutes les provinces, il propose de renvoyer aux Assemblées provinciales.
Un député d'Auvergne expose ce qui se passe dans sa province.
Tout vigneron, tout laboureur a des colombiers, le droit n'en est pas exclusif, et il n'en résulte, en Auvergne, aucun inconvénient.
M. ***, cultivateur. Je crois devoir reprocher ici à l'Assemblée cette variation dans ses décrets : vous avez anéanti les colombiers; comment peut-on agiter aujourd'hui la question de les conserver ? Si cette fluctuation dans les idées subsiste encore, ce ne sont pas les Etats généraux, mais les Etats éternels.
(Les murmures et le tumulte augmentent. Les colloques, les disputes particulières recommencent; l'ordre est longtemps interrompu.)
est forcé de dire qu'il va rompre la séance.
Inutilement réclame-t-il le respect que l'Assemblée se doit à elle-même ; l'agitation dure toujours, et le calme ne se rétablit que quand le président paraît vouloir effectivement se retirer.
reprend la parole. Il observe que le point de discussion est bien simple : ou adopter le projet présenté par le comité de rédaction, ou dire que les colombiers demeureront supprimés.
donne lecture d'un arrêté que l'on met en délibération, et qui passe à la grande majorité. Le voici :
« Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli. Les pigeons seront renfermés aux époques fixées par les communautés, durant lequel temps ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.»
A dix heures la séance est levée et remise au lendemain 9 heures.
Séance du
Il a été présenté des adresses de félicitation, remerciments et adhésion de la communauté de Flàyose en province ; de la ville de Pertuis ; de la commune de Langres ; de la ville de Cas tel-Jaloux en Albret, de la ville de Fréjus ; de la généralité de la Trêve de Landivisiaù, paroisse de Plongourvest, sénéchaussée de Lesneven en Bretagne ; des trois ordres de Mirepoix ; de la communauté de Saint-Pons en Languedoc; de la ville de Beaume-sur-le-Doubs en Franche-Comté ; du comité permanent de Crépy en Valois, de la ville de Sarreguemines ; de la ville de Saint-Hip-polvte et des peuples des Cevènes de tout rang et de tout état ; des trois ordres du district d'Age-nois; des officiers du bailliage et présidial de Coutancës ; de la ville de Magny, de celle de Forcalquier, de la municipalité de Luçon, du corps des officiers du guet, gardes-côtes de la division de Luçon ; des députés électeurs du bailliage de Rochefort ; des officiers municipaux de la ville de Treguier et du conseil général de la communauté de Claviers. Il a aussi été présenté une délibération des officiers du bailliage et présidial de Bourg du 8 mars 1789, par laquelle ils renoncent à leurs exemptions pécuniaires, au titre et à la propriété de leurs offices, et consentent à administrer gratuitement la justice; une délibération de la ville de Saint-Diez, paria-quelle cette ville rend compte de l'établissement de sa milice bourgeoise. Enfin M. Bourdon, député du bailliage de Caux, a déposé sur le bureau uu imprimé qui fait connaître les mesures prises par les députés électeurs de la ville de Dieppe, en exécution de l'arrêté de l'Assemblée nationale du 23 juillet.
MM. les secrétaires ont annoncé que M. l'abbé Clerget, curéd'Ornans, député du bailliage d'Amont en Franche-Comté, avait remis au secrétariat un exemplaire d'un ouvrage de sa composition, intitulé : Le cri de la raison, ou examen approfondi des lois et des coutumes qui tiennent dans la servitude mainmortable 1,500,000 sujets du Roi, dédié aux Etats généraux; avec cette épigraphe : Non prius audita. L'Assemblée a agréé cet hommage de M. l'abbé Clerget.
a fait part à l'Assemblée de la démission de M. le marquis de Gayon, député de la sénéchaussée de Béziers, qui lui avait écrit que sa santé ne lui permettant pas d'assiter plus longtemps à l'Assemblée nationale, il la priait de vouloir bien recevoir sa démission et admettre son suppléant.
député d'Alsace, a exprime les regrets de M. le cardinal de Rohan, de ne pouvoir pas se rendre à l'Assemblée aussitôt qu'il l'aurait désiré, et il a rendu compte des raisons trop légitimes qui justifient ce retard provenant des troubles d'Alsace.
a soumis ensuite à la dis-
observe que, dans l'arrêté pris le 4, il n'a rien été décidé au sujet de la pêche, qui se trouve comprise dans la nouvelle rédaction.
appuie cette observation, ainsi que M. Fréteau. D après cela, ce qui concerne le droit de pêche est rayé de l'article 4, la discussion ne devant porter que sur le droit de chasse.
parle le premier. Il veut parler sur le fond ; M. le président lui ayant observé qu'il devait se renfermer dans la discussion de la rédaction, M. l'abbé de Bonnefoy se remet à sa place.
, évêque de Chartres. Je demande que l'on ajoute que le gibier ne pourra être détruit qu'avec des armes innocentes. (On rit.)
. Faudra-t-il couvrir son champ d'engins, de pièges, de filets? les voyageurs ne cour-ront-ils pas autant de risques que si tous les propriétaires étaient armés? Pourquoi ces distinctions? quel sera celui à qui vous accorderez la liberté de porter un fusil? quel sera celui à qui vous la refuserez? Ce privilège ne sera-t il pas humiliant, et ne sera-il pas aussi injuste que l'injustice à laquelle vous voulez remédier?
Sans doute, dans un moment de liberté, l'effervescence peut emporter les citoyens au delà des bornes, c'est l'effet d'un, ressort trop longtemps comprimé. Mais ces moments passés, le calme renaîtra bientôt. Il est des provinces où la liberté de là chasse n'a jamais été méconnue, où tous les citoyens sont armés, et où jamais il n'arrive aucun désordre; d'ailleurs, un fusil est une arme défensive, et une arme nécessaire à celui qui voudra pendant la nuit garder son champ pour éloigner les bêtes fauves; et l'Assemblée nationale n'a pas le droit d'ordonner à un citoyen de ne pas défendre sa propriété.
propose un arrêté diamétralement opposé à celui de l'Assemblée, en se fondant sur ce qu'il ne faut pas rendre chasseur un peuple obéré par 4 milliards de dettes.
Voici mon projet:
* Tous gibiers destructeurs des forêts, tels que sangliers, cerfs, seront détruits. Tous gibiers destructeurs des moissons, comme les lapins, seront détruits: Tous propriétaires qui en conserveront dans leurs forêts seront tenus à dédommager du dégât qui aura été fait. Tout propriétaire sera autorisé à détruire tout gibier sur son champ par lacet, collet, etc. »
propose de faire un règlement pour déterminer de quelle manière le gibier sera détruit.
. Voici une idée neuve pour nous, mais très-vieil le en Angleterre: c'est de fixer la quotité de terre que devra posséder celui qui voudra avoir le port d'armes. J'insiste sur ce droit en faveur de mes commettants, qui font trois repas d'un lièvre. Faites un pareil règlement, et les armes ne seront que dans les mains de ceux
qui peuvent répondre du mauvais usage qu'ils en feraient.
Je demeure auprès d'une vaste forêt, dit un député breton ; chasse qui veut, et personne n'en abuse.
. Dans la nuit du 4, l'Assemblée a supprimé Te droit exclusif de la chasse; son intention n'a pas été de rien déterminer sur l'espèce des armes dont on pourrait se servir pour chasser. Le port d'armes doit être l'objet d'une délibération séparée.
. Vous n'avez rien décidé relativement aux armes. Cette question vous sera bientôt soumise. Empêchons que les moyens employés pour défendre les propriétés nuisent à la chose publique... Ne nous effrayons pas sur les suites qu'on croit devoir craindre de ta liberté des armes. Il ne faut pas s'étonner que le ressort de la liberté, comprimé depuis plusieurs siècles par le pouvoir arbitraire, se détende aujourd'hui avec impétuosité. Mais tout va rentrer dans l'ordre. Il est un autre objet qui doit vous occuper. Le régime des capitaineries pèse sur les propriétés ; leurs prisons sont remplies de victimes. Je propose donc qu'il soit ajouté à l'article:
1° Sauf à se conformer aux lois de police qui seront faites relativement à la sûreté publique.
2° Toute capitainerie est dès ce moment abolie, ainsi que les tribunaux établis pour connaître des délits de chasse. Il sera pourvu, par des moyens compatibles avec la liberté et le respect dû au Roi, à la conservation des plaisirs personnels à Sa Majesté.
3° Le président sera autorisé à demander au Roi que les prisonniers arrêtés pour délits de chasse soient mis en liberté.
Un membre du clergé propose de demander la grâce des malheureux condamnés aux galères ou au bannissement pour fait de chasse.
appuie les amendements de M. de Clermont-Tonnerre.
. J'observe que, dans la rédaction du second article proposé par M. le comte de Clermont-Tonnerre, il faut ajouter capitainerie royale, parce que les capitaineries dont nous jouissons sont appelées royales. (On applaudit.)
demande qu'on statue sur le remboursement du prix des charges des capitaineries.
observe encore qu'il ne suffit pas de mettre capitainerie royale, parce qu'il y en a qui ne portent pas ce nom; il propose de mettre toutes capitaineries, même royales, etc.
met en délibération l'arrêté suivant :
« Le droit exclusif do la chasse et des garennes ouvertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement a la sûreté publique. »
Cet article passe à une grande majorité.
met ensuite en délibération
Je ne com l'Assemblée c décider que
l'amendement'proposé sur l'abolition des capitaineries.
Quelques députés voudraient que l'on laissât au Roi l'honneur d'un pareil sacrifice.
D'autres membres demandent qu'on ne touche pas aux plaisirs du Roi.
. On vient de déclarer que le droit de chasse est inhérent à la propriété, et ne peut plus en être séparé.
prends pas comment l'on propose à ui vient de statuer ce principe, de e Roi, ce gardien, ce protecteur de toutes les propriétés, sera l'objet d'une exception dans une loi qui consacre les propriétés. Je ne comprends pas comment l'auguste délégué de la nation peut être dispensé de la loi commune. Je ne comprends pas comment vous pourriez disposer en sa faveur de propriétés qui ne sont pas les vôtres.
Mais la prérogative royale 1 Ahl certes la prérogative royale est d'un prix trop élevé à mes yeux pour que je consente à la faire consister dans le futile privilège d'un passe-temps oppressif. Quand il sera question de la prérogative royale, c'est-à-dire, comme je le démontrerai en son temps, du plus précieux domaine du peuple, on jugera si j'en connais l'étendue, et jeaéfle d'avance le plus respectable de mes collègues d'en porter plus loin le respect religieux.
Mais la prérogative royale n'a rien de commun avec ce que l'on appelle les plaisirs du Roi, qui n'enserrent pas une étendue moindre?iue la circonférence d'un rayon de vingt lieues, où s'exercent tous les raffinements de la tyrannie des chasses. Que le Roi, comme tout autre propriétaire, chasse dans ses domaines; ils sont assez étendus sans doute. Tout homme a droit de chasse sur son champ, nul n'a droit de chasse sur le champ d'autrui: ce principe est sacré pour le monarque comme p:ur tout autre. *
Quant à la suppression des tribunaux pour le fait des chasses, elle est impossible à prononcer sans un autre arrangement dans l'ordre judiciaire, puisqu'ils connaissent d'autres délits;et l'addition que l'on vous propose est inutile, puisque du moment où vous déclarez qu'il ne peut pi us y avoir de délit pour le fait des chasses, vous abrogez les lois qui les concernent, et vous dépouillez par le fait tous les tribunaux de cette juridiction.
En général, Messieurs, prenons garde de surcharger nos décrets de formules oiseuses et de prescriptions inutiles: c'est ainsi que l'on discrédite la loi? et que l'on introduit l'arbitraire; et pour en citer un exemple avec toute la circonspection que l'on doit à un arrêté déjà pris, je désire vivement que cette formule, sauf les lois de police qui pourront être faites, n'émane jamais de cette Assemblée: car elle est superflue si elle énonce simplement que le législateur peut faire des lois pour la sûreté publique; mais elle est dangereuse, elle favorise la tyrannie, si elle subordonne le droit commun des citoyens à des lois qui pourront être faites.
assure qu'il tient d'une personne digne de foi, que l'on se sert de pièges d'hommes dans les capitaineries.
Les capitaineries sont abolies d'un consentement unanime. Un paragraphe est ajouté à l'article.
Le voici tel qu'il est décrété :
c Art. 2. Le droit exclusif de cliasse et des garennes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et de faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique.
« Toutes capitaineries, même royales, et toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies ; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du Roi. »
propose de statuer sur les peines prononcées et les emprisonnements pour fait de chasse.
L'Assemblée prend la résolution suivante:
« M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existant à cet égard. »
On allait entamer la discussion de l'article sui-tant, lorsque M. le Président annonce l'arrivée des ministres envoyés par le Roi.
On donne ordre de les introduire.
Un moment après sont entrés, MM. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux, garde des sceaux ; M. le maréchal de Beauvau; M. le comte de Montmorin; M. de La Luzerne, évêque de Langres; M. Necker, contrôleur général des finances ; M. le comte de Saint-Priest ; M. Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne et M- le comte de La Touc-du-Pin-Paulet, ministre de la guerre.
Les ministres accueillis par des applaudissements prennent place dans le parquet.
Un grand silence s'établit.
»
, archevêque de Bordeaux, prenant la parole, dit : Messieurs, nous sommes envoyés vers vous par le Roi, pour déposer dans votre sein les inquiétudes dont le cœur paternel de Sa Majesté est agité.
Les circonstances sont tellement impérieuses et pressantes, qu'elles ne nous ont pas permis de concerter avec vous les formes avec lesquelles doivent être reçus les envoyés du Roi ; formes auxquelles nous n'attachons personnellement aucune importance, mais que vous jugerez sans doute nécessaire de régler pour l'avenir, par un juste égard pour la dignité et la majesté du Trône.
Pendant que les représentants de la nation, heureux de leur confiance dans le monarque, et de son abandon paternel à leur amour, préparent le bonheur de la patrie et en posent les inébranlables fondements, une secrète et douloureuse inquiétude l'agite, la soulève, et répand partout la consternation.
Soit que le ressentiment des abus divers dont le Roi veut la réforme, et que vous désirez de proscrire pour toujours, ait égaré les peuples; soit que l'annonce d'une régénération universelle ait fait chanceler les pouvoirs divers sur lesquels repose l'ordre social: soit que des passions ennemies de notre bonheur aient répandu leur maligne influence sur cet empire : quelle qu'en soit la cause, Messieurs, la vérité est que l'ordre et la tranquillité publics sont troublés dans presque toutes les parties du royaume.
Vous ne l'ignorez pas, Messieurs, les propriétés sont violées dans les provinces ; des mains incendiaires ont ravagé les habitations des citoyens ; les formes de la justice sont méconnues,
et renaplacées par des voies de fait et par des proscriptions. On a vu en quelques lieux menacer les moissons et poursuivre les peuples jusque dans leurs espérances.
On envoie la terreur et les alarmes partout où l'on ne peut envoyer des déprédateurs ; la licence est sans frein, les lois sans force, les tribunaux sans activité ; la désolation couvre une partie de la France, et l'effroi l'a saisie toute entière ; le commerce et l'industrie sont suspendus, et les asiles de la piété même ne sont plus à l'abri de ces emportements meurtriers.
Et cependant, Messieurs, ce n'est pas l'indigence seule qui a produit tous ces tioubles. On sait que la saison ménage des travaux à tous, que la bienfaisance du Roi s'est exercée de toutes les manières, que les riches ont plus que jamais partagé leur fortune avec les malheureux. Se pourrait-il donc qu'à cette époque, où la représentation nationale est plus nombreuse, plus éclairée, plus imposante qu'elle n'a jamais été; où la réunion de tous les membres de l'Assemblée dans un seul et même corps, et son union intime de principes et de confiance avec le Roi, ne laissent aucune resssource aux ennemis de la prospérité publique; se pourrait-il que tant et de si grands moyens fussent impuissants pour remédier aux maux qui nous pressent de toutes parts!
Vous l'avez justement pensé, Messieurs : une belle et sage constitution est et doit être le principe le plus sûr et le plus fécond du bonheur de cet empire. Sa Majesté attend avec la plus vive impatience le résultat de vos travaux, et elle nous a expressément chargés de vous presser de les accélérer; mais les circonstances exigent des précautions et des soins dont l'effet soit plus instant et plus actif. Elles exigent que vous preniez les plus promptes mesures pour réprimer l'amour effréné du pillage et la confiance dans l'impunité; que vous rendiez à la force publique l'influence qu'elle a perdue. Ce n'est point celle que vous autoriserez, qui sera jamais dangereuse; c'est le désordre armé qui le deviendra chaque jour davantage. Considérez, Messieurs, que le mépris des lois existantes menacerait bientôt celles qui vont leur succéder : c'est aux lois que la licence aime à se soustraire, non point parce qu'elles sont mauvaises, mais parce qu'elles sont des lois. Vous réformerez les abus qu'elles présentent; vous perfectionnerez l'ordre judiciaire dans toutes ses parties. Le pouvoir militaire deviendra, comme il doit l'être, de plus en plus redoutable à l'ennemi, utile au maintien de l'ordre, sans qu'il puisse être jamais dangereux pour le citoyen.
Mais jusqu'à ce qne votre sagesse ait produit ces grands biens, la nécessité réclame le concours de vos efforts et de ceux de Sa Majesté, pour le rétablissement de l'ordre et l'exécution des lois.
Sa Majesté compte assez sur la sagesse des résolutions que vous prendrez à ce sujet, pour vou3 annoncer d'avance qu'elle s'empressera de les sanctionner et de les faire exécuter dans tout son royaume.
Il était juste, Messieurs, de vous entretenir d'abord de la subversion générale de la police publique. Il était juste de vous demander l'emploi de tous vos moyens pour son rétablissement. Le ministre vertueux que le Roi vous a rendu, qu'il a rendu à vos regrets et à votre estime, va vous montrer, sous une nouvelle face, les funestes effets de ces mêmes désordres ; il va mettre sous vos yeux l'état actuel des finances.
Vous reconnaîtrez ce que les lenteurs, et en beaucoup d'endroits, la nullité des perceptions, forment de vide dans le Trésor royal, ou plutôt dans celui de l'Etat ; car le Roi ne distingue pas son trésor de celui de la nation; et quand ses besoins vous sont connus, vous ne pouvez vous dispenser d'y subvenir, sans ébranler, clans une proportion quelconque, toutes les fortunes et l'organisation même du corps politique.
Vos commettants, il est vrai, se sont flattés que la constitution pourrait avoir reçu sa sanction, avant qu'il fût nécessaire de vous occuper d'aucun impôt, ni même d'aucun emprunt; mais ils ont également voulu que vous consolidiez la dette publique, et que vous rejetiez, avec une juste indignation, toute mesure qui serait capable d'allérer la confiance.
Le temps est venu, Messieurs, où une impérieuse nécessité semble vous commander, et vous avez déjà fait connaître l'esprit qui vous anime, en prorogeant les impôts établis, et en plaçant les créanciers de l'Etat sous la sauve-garde de l'honneur et de la loyauté française.
Le Roi, Messieurs, vous demande de prendre en considération cet important objet, clans lequel il ne veut janjais avoir d'intérêt séparé des vôtres. 11 a vouiu que sa franchise égalant le sentiment de sa confiance, on ne vous dissimulât rien, il désire enfin que, vous associant à ses sollicitudes, vous réunissiez vos efforts aux siens, pour rendre à la force publique son énergie; au pouvoir judiciaire, son activité; aux deniers puulics, leur cours nécessaire et légitime.
Et nous, Messieurs, que vous avez si sensiblement honorés de votre bienveillance, nous, ministres d'un Roi qui ne veut faire qu'un avec sa nation, et qui sommes responsables envers elle, comme envers lui, de nos conseils et de notre administration ; nous qui sommes intimement unis par notre amour pour le meilleur des rois, par notre confiance réciproque et muiuelle, par notre zèle pour le bonheur de la France, et par notre fidèle attachement à vos maximes, nous venons réclamer vos lumières et votre appui, pour préserver la nation des maux qui l'affligent, ou qui la menacent.
Après le discours de M. le garde des sceaux, M. Necker a pris la parole.
, Je viens, Messieurs, vous instruire de l'état présent des finances, et de la nécessité devenue indispensable de trouver sur le champ des ressources.
A mon retour dans le ministère, au mois d'août dernier, il n'y avait que quatre.cent mille francs en écus ou billets de la caisse d'escompte au Trésor royal; le déficit entre les revenus et les dépenses'ordinaires était énorme, et les opérations antérieures à cette époque avaient détruit le crédit entièrement.
11 a fallu, avec ces difficultés, conduire les affaires sans trouble et sans convulsion, et arriver à l'époque où l'Assemblée nationale, après avoir pris connaissance des affaires, pourrait remettre le calme et fonder un ordre durable.
Cette époque s'est éloignée au delà du terme "qu'il était naturel de supposer; et en même temps des dépenses extraordinaires et des diminutions inattendues dans le produit des revenus, ont augmenté l'embarras des finances.
Les secours immenses en blés, que le Roi a été obligé de procurer à son royaume, ont donné lieu, non-seulement à des avances considérables, mais ont encore occasionné une perte d'une
grande importance, parce que le Roi n'aurait pu revendre ces blés au prix coûtant, sans excéder les facultés du peuple, et sans occasionner le plus grand trouble dans son royaume. Il y a eu de plus, et il y a journellement^ des pillages que la force publique ne peut arrêter. Enfin, la misère générale et le défaut de travail ont obligé Sa Majesté à répandre des secours considérables.
On a établi des travaux extraordinaires autour de Paris, uniquement dans la vue de donner une occupation à beaucoup de gens qui ne trouvaient point d'ouvrage; et le nombre s'en est tellement augmenté, qu'il se monte maintenant à plus de douze mille hommes. Le Roi leur paye vingt sous par jour; dépense indépendante de l'achat des outils, et des salaires des surveillants.
Je ne ferai pas le recensement de plusieurs autres dépenses extraordinaires amenées par la nécessité; mais je n'omettrai point de vous rendre compte d'une circonstance de la plus grande gravité: c'est delà diminution sensible des revenus, et du progrès journalier de ce malheur.
Le prix du sel a été réduit à moitié, par contrainte, dans les généralités de Caen et d'Alençon, et ce désordre commence à s'introduire dans le Maine. La vente du faux sel et du tabac se fait par convois et à force ouverte dans une partie*de la Lorraine, des Trois-Evêchés et de la Picardie ; le Soissonnois et la généralité de Paris commencent à s'en ressentir,
Toutes les barrières de la capitale ne sont pas encore rétablies; et il suffit d'une seule qui so;t ouverte, pour occasionner une grande perte dans les revenus du Roi. Le recouvrement des droits d'aides est soumis aux mêmes contrariétés. Les bureaux ont été pillés, les registres dispersés, les perceptions arrêtées ou suspendues cjans une infinité de lieux dont l'énumération prendrait trop de place, et chaque jour on apprend quelque autre nouvelle affligeante.
L'on éprouve aussi des retards dans le payement de la taille, des vingtièmes et de la capita-tion ; en sorte que les receveurs généraux et les receveurs des tailles sont aux abois, et plusieurs d'entre eux ne peuvent tenir leurs traités.
La force de l'exemple doit empirer journellement ce malheureux état des affaires ; et les conséquences peuvent en être telles, qu'il devienne au-dessus de votre zèle et de vos moyens de prévenir le plus grand désordre et dans les finances et dans toutes les fortunes, et d'empêcher, au moins pendant longtemps, la dégradation des forces de ce beau royaume.
Je crois donc, Messieurs, que vous sentirez la nécessité d'examiner, sans un seul moment de retard, l'état que je vous présente des secours indispensables pour empêcher une suspension de payements, et le Roi ne doute point que vous ne sanctionniez ensuite l'emprunt qu'exigent la sûreté des engagements, et des dépenses inévitables pendant deux mois ; terme qui vous suffira sans doute pour achever ou pour avancer les grands travaux dont vous êtes occupés, et pour établir un ordre permanent, et tel que la France a droit de l'attendre de votre zèle éclairé, et des dispositions justes et bienfaisantes de Sa Majesté.
Il est vraisemblable qu'avec 30 millions, il sera possible de pourvoir aux besoins indispensables pendant l'intervalle que je viens d'indiquer ; mais il n'y a pas un instant à perdre pour rassembler cette somme. Je crois qu'il ne faut point chercher à décider la confiance par de hauts intérêts : ce n'est point de la spéculation qu'il faut attendre des secours dans les circonstances
présentes, mais d'un sentiment généreux et patriotique ; et ce sentiment répugnerait à accepter aucun intérêt au-dessus de l'usage.
Je proposerais donc, Messieurs, que l'emprunt fût simplement à cinq pour cent par an, remboursable à telle époque qui serait demandée par chaque prêteur à la suivante tenue des Etats généraux ;
Que ce remboursement fût placé en première ligne dans les arrangements que vous prendrez pour rétablissement d'une caisse d'amortissement.
Mais comme il est très-possible que par le résultat de vos soins et de vos travaux, les affaires générales du royaume et de la finance acquièrent un grand degré de prospérité, et qu'un intérêt- de cinq pour cent devienne en peu de temps un intérêt précieux, je voudrais que le remboursement de l'emprunt proposé n'eût lieu qu'avec le consentement des prêteurs.
Je proposerais que cet emprunt fût en billets au porteur ou en contrats, au choix des prêteurs; et qu'il fût stipulé que dans le cas où le Roi, de concert avec l'Assemblée nationale, ordonnerait la conversion en contrats des effets au porteur actuellement existants, ceux de l'emprunt proposé ne pourraient jamais être soumis à cette conversion sans le consentement des prêteurs.
Je proposerais encore que l'on dressât une liste de tous les prêteurs et de tous les souscripteurs qui, par eux-mêmes ou par la confiance de leurs correspondants et de leurs clients, auraient rempli cet emprunt patriotique, et que cette liste fût communiquée à votre Assemblée, et conservée, si vous le jugiez à propos, dans vos registres.
Vous ne vous refuserez pas, Messieurs, à la sanction de cet emprunt. Plusieurs cahiers, sans doute, ont exigé que la constitution fût réglée avant le consentement à aucun impôt, à aucun emprunt ; mais pouvait-on prévoir les difficultés qui ont retardé vos travaux ? pouvait-on prévoir la révolution inouïe arrivée depuis trois semaines ? Vos commettants vous crieraient, s'ils pouvaient se faire entendre : Sauvez l'Etat, sauvez la patrie ; c'est de notre repos, c'est de notre bonheur que vous êtes comptables. Et combien ne l'êtes-vous pas aujourd'hui. Messieurs, que le gouvernement ne peut plus rien, et que vous seuls avez encore quelque moyen pour résister à l'orage 1 Pour moi, j'ai rempli ma tâche ; je dépose entre vos mains la connaissance des affaires ; et de quelque moyen que vous fassiez le choix, mon devoir se borne à respecter vos opinions, et à donner, jusqu'au dernier moment, des témoignages de zèle et de dévouement.
On ne doit pas se dissimuler qu'au milieu des troubles dont nous sommes environnés, le succès de cet emprunt n'est pas démontré. Cependant, un premier emprunt, garanti par les représentants de la nation la plus attachée aux lois de l'honneur, et la plus riche de PEurope, présente un emploi à l'abri de toute inquiétude réelle. On apercevra, sans doute aussi, qu'indépendamment des sentiments généreux et patriotiques qui doivent favoriser le succès de cet emprunt, il y a bien des motifs de politique propres à déterminer les capitalistes. Il est manifeste que chacun a un intérêt majeur à prévenir une confusion générale et à vous laisser le temps d'arriver à votre terme. Ah ! Messieurs, que ce terme est nécessaire ! qu'il est pressant 1 Vous voyez les désordres qui régnent de toutes parts dans le royaume : ces désordres s'accroîtront si vous n'y portez pas, sans délai,une main salutaire et conservatrice; il
ne faut pas que les matériaux du bâtiment soient dispersés ou anéantis, pendant que les plus habiles architectes en composent le dessin.
Vous considérerez, Messieurs, s'il n'est pas devenu indispensable d'inviter ceux qui disposent aujourd'hui de quelque manière d'une puissance exécutrice, à maintenir le recouvrement des droits et des impôts établis, tant qu'ils font partie des revenus de l'Etat. On ne peut payer sans recevoir, on ne peut recevoir sans l'action des lois, et cette action s'affaiblit lorsqu'aucun pouvoir ne la rassure et ne la soutient. L'habitude de se soustraire aux charges publiques, déjà si attrayante par elle-même, acquiert de nouvelles forces par l'exemple ; et lorsqu'elle n'est pas combattue de bonne heure, il n'est souvent plus possible de la dominer sans les moyens les plus violents. Vous ne pouvez donc, Messieurs, vous dispenser de jeter un regard d'inquiétude sur 1 état de la France, atin de prévenir que des précautions trop tardives n*empêchent ce beau royaume de profiter des bienfaits que vous lui préparez. Le Roi, Messieurs, est disposé à concourir à vos vues, et les ministres auxquels il a donné sa confiance s'en serviront selon ses intentions, pour contribuer avec vous au bonheur de la nation. Réunissons-nous donc pour sauver l'Etat, et que tous les gens de bien entrent dans cette coalition; il ne faut pas moins que l'efficacité d'une pareille alliance pour surmonter les difficultés dont nous sommes entourés. Le mal est si grand, que chacun est malheureusement à portée de l'apprécier ; mais au centre où les ministres du Roi sont placés, il présente un tableau véritablement effrayant. Tout est relâché, tout est en proie aux passions individuelles, et d'un bout du royaume à l'autre, on soupire ardemment après un plan raisonnable de constitution et d'ordre public, oui rétablisse le calme et présente l'espoir du bonheur et de la paix.
Malgré nos maux, le royaume est entier, et la réunion de vos lumières peut féconder tous les germes de prospérité. Que personne donc, ni dans cette Assemblée, ni dans la nation, ne perde courage: le Roi voit la vérité; le Roi veut le bien ; ses sujets ont conservé pour sa personne un penchant que le retour de la tranquillité de son royaume fortifiera et augmentera. Livrons-nous donc, Messieurs, à l'heureuse perspective que nous pouvons découvrir ; un jour, peut-être, au milieu des douceurs d'une sage liberté et d'une confiance sans nuages, la nation française effacera de son souvenir ces temps de calamité ; et en jouissant des biens dont elle sera redevable à vos généreux efforts, elle ne séparera jamais de sa reconnaissance, le nom du monarque à qui dans votre amour vous venez d'accorder un si beau titre.
a repondu : L'Assemblée nationale est profondément affligée des maux dont vous venez de l'entretenir ; elle prendra en considération les faits et les propositions que vous venez de lui soumettre.
se lève, et dit : Donnons cette nouvelle preuve de patriotisme. Mes cahiers m'y autorisent. Sauvons l'Etat. Ici même, avant que les ministres du Roi se retirent, sans délibérer et par acclamation, accordons l'emprunt qu'ils nous demandenl. iNous délibérons ensuite sur la forme qui est proposée.
Les ministres du Roi se retirent et sont recon-
duits avec les mêmes applaudissements qu'on leur a donnés à leur arrivée.
On continue la délibération sur la demande de l'emprunt.
expose qu'il ne peut voter d'emprunt; que cependant il engagerait ses commettants pour 600,000 liv.; que c'est sa fortune, et qu'il se porte caution pour eux jusqu'à la concurrence de cette somme.
L'Assemblée sent vivement le prix de ce généreux désintéressement.
M./A\ Pour abuser de tant de vertus, il faudrait avoir le cœur le plus pervers. Sans doute le gouvernement est dans la détresse; mais il n'y est qu'après avoir mujtipjié les déprédations. Ces déprédations subsistant encore en grande partie, est-il étonnant qu'il ait perdu sa force et son énergie ? est-il étonnant qu'il soit tombé daus la dégradation et le discrédit? De toutes parts on bâtit des écuries superbes, des palais pour le garde-meu-ble, des hôtels pour di s chiens de chasse. Le Roi est sans cesse accompagné de meutes, de troupes de chasseurs. Est-ce donc pour payer des dépenses aussi insensées que l'on demande 30 millions?
, il est trop juste de venir au secours de l'Etat ; c'est une nécessité, et cet empressement, auquel vous cédez sans effort, est un beau mouvement de la part des ministres et de la part de la nation.
Mais la générosité est quelquefois dangereuse; la prudence ne doit pas cesser de nous guider, et nous ne devons pas surtout oublier que nous devons un compte exact de nos sentiments, et que nous ne devons écouter que le cri de notre conscience. Le ministre nous a exposé l'état des finances. Il nous adonné quelques détails; mais il ne nous a pas démontré qu'au moment même il importait de voter l'emprunt. Il a déposé sur le bureau des états qu'il est nécessaire d'examiner.
Vous avez établi un comité de finances ; il doit les vérifier, et ce n'est que d'après le rapport qu'il nous aura fait que nous délibérerons ensuite sur l'emprunt.
Dans le projet qui vous a été présenté, il est d'ailleurs des inconvénients sensibles.
Vous avez délibéré, arrêté que tous les biens, tous les fonds, seraient assujettis aux subsides, et cependant on vous propose déjà d'affranchir cet emprunt de la loi générale.
Il n'y a aucun de nos cahiers qui ne demande l'extinction de l'agiotage, et l'on vous propose des billets au porteur.
Il est une autre considération que je ne dois pas passer sous silence.
Il nous est prescrit de ne consentir d'impôt et d'emprunt qu'après la constitution. Je n'examine pas s il est possible d'enfreindre cette loi si sacrée, si solennelle; mais je demande si on peut la violer sur-le-champ, sans délibérer, sans discuter ; si on peut la violer par la forme la plus vicieuse, la plus fausse, celle de l'acclamation.
Je demande que l'affaire soit renvoyée au comité des finances, qui demain en fera le rapport à l'Assemblée, et l'on ne délibérera que demain sur l'emprunt.
déclare, au nom de ses commettants, qu'il ne peut consentir l'impôt; qu'il est étonnant qu'un étranger se soit permis de faire la motion de délibérer sur-le-champ sur un pa-
reil objet; que cet étranger a cité son cahier, et ue son cahier porte le contraire. Cet étranger, It-il, est M. de Glermont-Lodève.
. L'Assemblée doit-elle ou ne doit-elle pas accorder l'emprunt qui lui est demandé? Voilà la question sur laquelle nous avons à décider.
On pourrait la présenter en d'autres termes, et dire : L'Assemblée nationale doit-elle ou ne doit-elle pas tenir ses promesses? doit-elle ou ne doit-elle pas préserver l'honneur du nom français, veiller à la sûreté de l'empire, et sauver la capitale du désespoir de ses habitants ? Je ne dis pas un mot qui ne soit d'une vérité démontrée.
L'Assemblée nationale a déclaré par un premier arrêté qu'elle prenait les créanciers de lEtatsous sa sauvegarde. Par un second arrêté, elle a renouvelé cette mêmedéclaration,en ajoutaut qu'aucun pouvoir n'avait le droit de prononcer l'infâme mot de banqueroute. Le refus de l'emprunt, peut ôter le seul moyen de satisfaire aux créanciers de l'Etat. Le refus de l'emprunt peut nécessiter la banqueroute; il peut violer tous ces engagements si consolants pour les peuples, et si honorables pour l'Assemblée. Il peut faire rétracter toutes ces bénédictions dont on l'avait comblée.
Serait-il digue de la nation française que le premier instant de sa réunion en corps législatif fût signalé par la violation des engagements de l'Etat ?
Serait-il digne d'une nation loyale et fidèle, quand son roi s'est livré à ses conseils, et s'en est reposé sur son amour, de le délaisser au milieu des malheurs publics?
Serait-il digne d'une nation généreuse et hospitalière d'abuser d'un étranger vertueux, qui s'est naturalisé parmi elle par de longs et glorieux services?
Qu'aurait-elle à répondre au roi qui lui dirait : J'ai adopté les mesures que vous m'aviez indiquées, j'ai rempli mon conseil de ceux que vous désiriez y voir, et voilà que vous m'abandonnez avec eux?
Qu'aurait-elle à répondre au ministre qui lui dirait : J'étais dans le port, vous êtes venue m'en arracher pour me remettre de nouveau à la merci des orages ; j'ai consenti à m'y exposer pour vous, et vous m'y livrez sans me donner aucun moyen d'y résister? vous compromettez ma gloire que je n'avais acquise qu'en vous servant; vous m'abandonnez à l'envie, à la calomnie, au mécontentement de ceux qui voudront exiger tout de moi, quand je ne pourrai plus rien pour eux?
J'ai invoqué, Messieurs, la sûreté de l'empire. Que devient l'armée, si l'on ne peut fournir le prêt des troupes ? Etes-vous bien rassurés sur le besoin qu'on peut avoir de celte armée; et cette confidence singulière qui vous a été faite de la part d'une cour étrangère, cette affectation surtout de vous réitérer une seconde fois des intentions pacifiques, ne vous ont-elles laissé aucune incertitude? En nous repliant sur nous-mêmes, n'aurions-nous pas quelques motifs pour nous méfier de ces assurances?
J'ai parlé de la capitale, du désespoir de ses habitants. Le développement de cette vérité poui^-rait devenir dangereux, et n'est pas nécessaire. La prudence ordonne de se taire, et votre pénétration saura bien saisir l'excès.des malheurs qu'entraînerait à Paris, dans cet instant, une suspension de payement.
Qu'oppose-t-on, que peut-on opposer à cette première nécessité, à ce premier devoir de ve-
nir au secours de la chose publique qui périt?
Des cahiers dont la pluralité n'est rien moins qu'établie sur cet objet; des cahiers dans lesquels on n'a ni prévu ni pu prévoir l'état actuel des choses; des cahiers qu'on met perpétuellement à l'écart, dont on se souvient trop peu sur les autres objets, et qui, quand même on les rappellerait pour tous devraient être oubliés pour celui-ci.
Mon cahier m'avait aussi prescrit à moi de ne cousentir aucun emprunt jusqu'après la reconnaissance et la confirmation des droits constitutionnels.
Je ne dirai pas que ce même cahier m'enjoignait d'un autre côté de rendre les propriétés sacrées, et que sans un emprunt toutes les propriétés vont être violées.
Je ne dirai pas qu'ailleurs il exprimait le vœu qu'aucune dépense nécessaire ne restât suspendue, et qu'elles le seront toutes si l'on n'accorde un emprunt.
Je ne dirai pas qu'il voulait encore que la dette publique fu t consolidée, et que sans l'emprunt elle va cesser d'être acquittée.
Mais je dirai que cet article, fût-il resté aussi obligatoire qu'il l'était devenu peu par les autres articles qui l'ont suivi, à partir de ce moment Steul, je me croirais obligé par celte loi suprême du salut du peuple, de voter l'emprunt qu'on nous demande, et que je m'y croirais obligé sous peine de trahir mon devoir de citoyen, mon devoir de Français et mon devoir de représentant de la nation.
Je dirai qu'il y a une grande différence à mettre dans les cahiers entre ce qui est pojnt fondamental de gouvernement ou de législation, par conséquent invariable, et ce qui est simplement règle de conduite, par conséquent soumis aux circonstances et nécessairement abandonné à notre conscience.
Je dirai que toutes les clauses conditionnelles imaginées pour assurer la constitution sont sans objet, et parconséquent sans force, aujourd'hui que la constitution est sûre, aujourd'hui qu'il n'est pas de pouvoir sous le ciel qui puisse l'empêcher, comme il n'en est plus, grâce au ciel, qui le veuille.
Je dirai enfin, en me servant des mêmes paroles proférées avec tant d'âme et de vérité, il yaquel-ques jours, par un honorable membre de cette Assemblée, que si nous refusons l'emprunt qui nous est demandé, nous risquons de faire une constitution pour une société qui ne sera plus, de dresser des lois qui ne seront plus destinées à régir le sort de personne, et d'être coupables, aux yeux de l'univers et de la postérité, de la dissolution déchirante du plus bel empire qui ait jamais existé.
Mais devons-nous voter par acclamation, sans examen? Non, Messieurs. Le ministre si digne de notre confiance n'a sûrement pas eu l'idée de nous faire illusion ; il ne veut point emporter nos délibérations par un entraînement momentané. Concilions le devoir de notre prudence aveç celui de notre zèle. Que le comité des finances s'assemble dès ce soir, qu'il s'instruise de la nécessité de l'emprunt quant au fond, qu'il nous fasse connaître son opinion sur la forme, et qu'il mette l'Assemblée en état d'ouvrir sa séance dès demain par celte délibération, de laquelle peut dépendre médiatement ou immédiatement le sort de la France.
. J'avoue que je suis pressé entre la nécessité d'un emprunt et la
lettre impérieuse des mandats. La première idée qui se présente à moi, c'est de donner l'exemple des contributions patriotiques et volontaires. Offrons notre crédit individuel ; voilà ce que nous devons à nous-mêmes et à la chose publique : s'il faut quelque chose de plus, adressons-nous à nos commettants, demandons leur autorisation, pour subvenir au courant de mois en mois ; surtout, faisons convoquer les assemblées provinciales, afin qu'elles pourvoient aux moyens de rétablir les perceptions et de rendre aux provinces la tranquillité. Au reste, ce que je dis ici n'est peut-être pas ce que je proposerais si j'avais le temps de réfléchir, du moins je ne l'assure pas ; mais je conclus de la situation dans laquelle je me trouve que la délibération doit être ajournée.
demande le renvoi au comité, et la réserve d'assigner pour gage de cet emprunt les biens du clergé qui appartiennent à la nation.
On demande de tous côtés d'aller aux voix pour savoir si on délibérera à l'instant, ou si on enverra au comité des finances.
Cette proposition, avec tous les mémoires remis par M. Necker, est renvoyée au comité des finances, qui est chargé de les examiner et d'en faire demain le rapport à l'Assemblée.
La séance est levée.
Séance du
dit que le comité des finances n'a pas terminé ses opérations, qu'il n'achèvera que sur les onze heures ; que, jusqu'à ce moment, il propose d'entendre le comité des rapports.
Cette proposition n'est pas acceptée.
On revient au projet d'arrêté du 4 sur les privilèges.
donne lecture de l'article VI ; il est ainsi conçu :
« Les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée au moyen de rapprocher la justice royale des justiciables »
observe qu'il n'y a de discussion à faire que sur la forme de la rédaction. Ce pendant il y a plus de douze personnes qui ont parlé toutes sur le fond, ce qui a troublé l'ordre.
propose d'ajouter: « toutes justices. »
propose de changer la fin de l'article, et d'y substituer : c Jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée à un remplacement plus avantageux pour le peuple, d'après les renseignements des assemblées provinciales. »
ajoute qu'il ne faut pas supprimer les justices foncières, parcequ'elles sont un lien entre le vassal et le seigneur, soit par
les tutelles, soit par les inventaires, enfin par tous les actes d'une justice locale.
représente qu'en abolissant les justices seigneuriales on donne une grande liberté aux gens de la campagne pour toutes sortes de dévastations, que les forêts étaient déjà dévastées, et qu'ainsi les procédures commencées pour fait ae ces délits demeureraient suspendues, et qu'il n'y aura plus de frein à opposer à la licence.
détruit cette assertion en disant que les procédures commencées ne seront pas suspendues, puisque les officiers des justices seigneuriales doivent encore continuer leurs fonctions.
. Votre intention a été, en supprimant les justices seigneuriales, d'améliorer le sort des peuples; mais votre but ne sera pas rempli, tant que vous laisserez subsister les prévôtés. Je demande que l'article porte: « Que toutes les justices seigneuriales seront supprimées, sous quelque dénomination qu'elles soient. »
, député de Strasbourg, demande une exception par rapport à l'Alsace, où des princes étrangers possèdent divers droits de féodalité en vertu des traités passés avec nos rois, et dont ils ne manqueront pas de réclamer l'exécution. Il fait le détail de ces droits, et demande qu'ils ne soient pas supprimés sans indemnité.
réclame le remboursement des justices qui ont été données en engagement et par le Roi, et que l'Assemblée autorise les déclarations des députés qui sont gênés par leurs mandats.
Un député de la noblesse dit qu'en supprimant les justices seigneuriales, on romprait le lien qui attache le seigneur avec les tenanciers; que la noblesse ne pouvait mieux faire que d'offrir de faire rendre la justice gratuitement.
propose d'accorder aux municipalités la police des campagnes, et aux notaires royaux la connaissance des tutelles et curatelles.
remarque qu'en voulant procurer l'avantage du peuple, l'Assemblée ne faisait que celui des officiers royaux, et il propose d'ajouter par amendement à l'article: « Jusqu'à ce qu'il ait été pourvu à leur remplacement. »
Quelques autres membres parlent ensuite et touchent au fond de l'article..
observe que la discussion ne doit porter que sur la rédaction. En faisant remarquer que l'article, tel qu'il a été rédigé par le comité, est à peu près le même que celui proposé par M. Pison du Galland, il dit qu'au changement ou amendement proposé, on pourrait substituer celui-ci : « Jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée nationale à un nouvel ordre judiciaire. »
Cet amendement est adopté.
L'article est mis aux voix et presque unanimement décrété ainsi qu'il suit :
« Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité, et néanmoins les officiers
de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire. »
, au nom du comité des finances. Messieurs, le comité des finances s'est occupé, d'après vos ordres, d'examiner l'état actuel des finances du royaume. Il a pris l'aperçu du rapport entre la recette et la dépense, et'il m'a chargé de le placer sous vos yeux, pour vous mettre à portée de juger de la nécessité de l'emprunt qui vous est proposé.
M. d'Aiguillon détaille ensuiteles diversartickes de dépense et de recette, et il en résulte que le total ae la recette des mois d'août et septembre, ne se porte qu'à 37,200,000 livres, tandis que la dépense doit nécessairement se monter à 60,000,000.
11 a ensuite proposé des réflexions et quelques changements que le comité a jugés nécessaires dans le préambule et les divers articles du projet présenté par M. Necker, et il lit un projet de décret qui modifie celui du ministre.
Le rapport fait, M. le Président pose ainsi qu'il suit les questions qui doivent être l'objet de la délibération :
1° Votera-t-on un emprunt? 2° Quelle en sera la qualité? 3° Quelle en sera la force?
La première est mise d'abord à la discussion.
parle le premier. Nous ne pouvons, dit-il, consentir d'emprunt avant la constitution. Ainsi l'ordonnent nos commettants, qui nous ont liés par nos mandats. Nous l'avons juré, et nous ne pouvons pas transiger avec nos mandats ni avec nos serments. Mais l'Etat est près de sa ruine, le laisserons-nous périr? Non, sans doute; nous avons des fortunes considérables; que nos biens servent de sûreté aux prêteurs, et nous aurons ainsi concilié nos mandats et nos serments avec les moyens de sauver l'Etat.
. L'on ne peut transiger avec sa conscience, l'on n'élude pas la sainteté des serments ; voilà ce que j'ai entendu dire bien souvent ici, voilà ce que je répète aujourd'hui.
Lorsque les ordres se sont réunis, plusieurs, pressés par le péril de l'Etat, se sont rendus dans cette salle; mais ils ont consulté le vœu de leurs commettants: ne puis-je pas invoquer aujourd'hui cette rigidité de principes que l'on nous imposait dans d'autres temps?
Nous sommes entre le danger de forcer une banqueroute, et la crainte^e violer nos pouvoirs ; il faut éviter l'un et l'autre malheur.
J'observerai que la lecture que l'on nous a faite des détails donnés par le contrôleur général a été très rapide,et plus encore le projet d'emprunt; qu'il serait bon d'examiner individuellement ces différents états puisque nous devons délibérer individuellement. Je pourrais ajouter que le comité des finances ne peut rien examiner eu notre nom ; que la puissance qui nous est déléguée, nous ne pouvons la déléguer ; que je suis venu ici pour discuter, pour vérifier les finances, et que je ne puis charger uu autre de l'acquit de ma conscience.
Mais rentrons dans la question ; et d'abord je déclare que je ne peux consentir d'emprunt, tant que la constitution ne sera point faite, tant que la dette de l'Etat ne sera point discutée et vérifiée.
On dit que l'Etat est en danger: certes la
conscience qui voudra se trahir trouvera des motifs qui justifieront toujours assez les causes de sa conduite; mais moi, je ne cherche pas quelles sont autour de moi les circonstances et les révolutions; je ne sais pas vaincre mes principes ; je m'y attache et je les défends sans cesse. Mes cahiers, voilà ce que je consulte ; ils sont, dira-t-on, des instructions ; mais mes pouvoirs sont des lois.
Ils avaient raison, ceux qui, se rendant au désir et à la nécessité de la réunion, ont dit qu'ils ne pouvaient rien ; et moi aussi j'ai raison quand je viens vous dire que je ne puis davantage. Je n'existe que par mes pouvoirs, je n'ai de force, d'existence que par mes pouvoirs, et l'on ne doit pas me blâmer de me servir dans ce mo-mentdesmêmes armesque d'autres personnesplus sages, plus scrupuleuses surtout, ont employées dans un autre temps. Je ne puis voter d'emprunt, je le répète : arrêtez les bases de la constitution, vérifiez les dettes du roi, satisfaites l'impatience de tout une nation, et mon incapacité cessera.
Pourquoi répéter ici les emprunts? Oubliez-vous que c'est la forme la plus onéreuse et la plus dangereuse qu'un gouvernement obéré puisse mettre en usage ?
Avez-vous oublié que le gouvernement n'a cessé d'emprunter? 60,000,000 aux notaires, 24,000,000 à la caisse d'escompte, 89,000,000 d'anticipations, 69 millions de retard dans les rentes ; en un mot, car je ne puis suivre tous ces emprunts accumulés, un total de 369,000,000 dont il est redevable, qu'il a empruntés de force ou de gré!
Et cependant vous ne voulez pas vérifier la dette! Et que pourrai-je dire à mes commettants, lorsqu'ils me reprocheront d'avoir accumulé emprunt sur emprunt, lorsqu'ils me rappelleront que mon premier devoir était de vérifier la dette ? Je serai coupable, et rien ne pourra affaiblir le reproche que j'aurai mérité.
La constitution n'est pas faite, et c'est encore ce qui semble augmenter mon incapacité.
Elle sera faite, vous a-t-on dit.
Elle sera faite ! Mais elle ne l est donc pas, mais vous violerez donc vos serments, si vous constatez un emprunt avant la constitution ?
Elle sera faite I rien ne peut donc s'y opposer. Heureux ceux dont les craintes et les alarmes ne troublent pas la sécurité ; mais j'en ai ; je ne veux rien perdre de ma part pour faire la constitution.
M. Necker est contrôleur général ; puisse-t-il l'être longtemps ! Mais, huit jours avant sa disgrâce, qui aurait pu prévoir sa chute, surtout au milieu ues transports de la nation, lorsqu'elle se félicitait de l'avoir pour toujours ?
Et qui ne connaît les orages de la cour et ses révolutions? Qui ne sait qu'à la cour on a toujours promis au peuple de ne pas le tromper, et qu'on t'a trompé sans cesse? Qui ne sait qu'on lui a promis oe respecter la propriété, la liberté, et que l'on a toujours violé l'une et l'autre ?
Je vous demanderai encore : que pourra faire votre emprunt de 30,000,000, lorsque les rentes en retard excèdent plus de 30,000,000? Ne voyez-vous pas que l'on cherche à connaître vos dispositions? On vous présente un emprunt de 30,000,000 aujourd hui, demain on vous en présentera un de 60. C'est ainsi que l'on abuse de votre facilité et de votre bonté. Sera-t-elle donc éternelle, comme le repentir qui nous force de la rejeter ?
Vous dites que la constitution se fera ; mais vous
n'en avez pas encore posé les premières bases. Est-ce la féodalité supprimée? Mais elle ne l'est pas puisqu'elle est subordonnée à ce règlement que vous devez faire pour le rachat.
Est-ce la liberté de la chasse ? Mais que signifie ce règlement que vous devez donner, et qui peut-être rendra impossible la puissance dfr vos bienfaits ?
Sont-celes capitaineries détruites? Mais vous vous êtes arrogé le droit de les rétablir, sous le prétexte spécieux qu'il fallait veiller aux plaisirs au roi.
Non, vous n'avez pas encore fait le premier article de la constitution. Et comment peut-on le rédiger dans une assemblée aussi orageuse, aussi versatile, qui, le matin, détruit ce qu'elle a fait la veille, et qui remet sans cesse aux opinions ce qu'elle a arrêté?
Voulez-vous que je vote votre emprunt ? Vérifiez la dette de l'Etat; faites l'examen, non pas comme le comité des finances s'est donné la peine de le faire, faites l'examen des états que l'on vous a donnés ; consultez, interrogez et vérifiez ; faites surtout que le décret de l'emprunt, soit accompagné de tous les décrets passés dans la nuit du 4, et je vote l'emprunt ; mais rappelez-vous que telle est ma mission, que telle est la vôtre, et que ni vou3 ni moi n'en avons d'autre.
Ce sont les sentiments que je témoigne au nom de tout mon bailliage.
. Pouvez-vous autoriser l'emprunt, et les conditions de l'emprunt sont-elles admissibles?
Telle est la question que vous avez à agiter en ce moment.
Vous représentez le peuple, et vous exercez sa toute-puissance; dès que vous excédez sa volonté, vous ne pouvez rien, vous n'êtes plus rien.
Il veut une constitution ; mais il veut subsister encore après cette constitution; il serait inutile de la faire pour un peuple qui n'existerait plus.
Aussi faut-il, pour consentir cet emprunt, que la nécessité en soit prouvée. Quelles funestes ressources que celles qui ne présentent d'autre subsistance à dévorer que celle de l'avenir 1 II faut au préalable que toutes les autres ressources aient été épuisées, que toutes les économies les plus sévères aient été mises en usage.
Personne n'a plus de confiance que moi dans le comité des finances : je lui confierais ma fortune, parce que ma fortune est à moi ; mais je ne puis lui confier le soin de prononcer sur celle des autres : ils m'en ont remis la défense : c'est à moi de remplir ma mission. C'est une nécessité pour tous de vérifier l'emprunt ; c'est une nécessité pour tous d'examiner s'il n'y a pas des moyens d'économie qui pourraient l'écarter. Je le répète, c'est la plus désastreuse de toutes les ressources ; elle ruine l'Etat même dans les siècles à venir, elle écrase la génération présente, et prépare des malheurs à celles qui lui succéderont.
Un emprunt nécessite un impôt. En votant un emprunt, c'est établir un impôt, c'est ajouter encore à la masse effrayante qui écrase le peuple.
Qui peut nous assurer que les moyens d'économie sont épuisés ? L'opulence de la cour, le faste insultant qu'elle affecte, en sont-ce là les garants? Est-ce là ce que doit être le cortège d'un prince bienfaisant, qui règne sur un peuple de malheureux ?
Ce n'est donc pas ici qu'il faut chercher des emprunts ; ce sont les économies les plus sévères,
les plus grandes; et c'est là ce qui peut sauver l'Etat, l'autre ne prépare que sa chute.
. J'ai été le premier hier à modérer l'enthousiasme patriotique qui vous entraînait. Mes intentions étaient pures, et cependant j'avais besoin que votre verlu les justifiât ; j'aurais eu trop de remords si j'avais couru le risque de compromettre votre décision en vous proposant de la différer. Mais ne doutant pas qu'elle ne fût la même aujourd'hui qu'elle allait être hier, je n'ai pas voulu qu'on pût la faire regarder comme l'effet d'une surprise, d'une émotion passagère ; et puisque parmi les systèmes que enaque jour voit éclore, il en est qui souffrent avec peine la sensibilité dans un homme public et qui ne trouvent pas tout simple qu'un bon citoyen soit affligé des maux de sa patrie, j'ai désiré que votre sensibilité, éclairée par la discussion, augmentée plutôt qu'affaiblie par un examen détaillé, ne pût être traitée ni d'erreur, ni de faiblesse.
Mon objet a été rempli, et ma confiance n'a point été trompée.
Votre comité des finances vient de vous faire un rapport aussi décisif que son examen a été scrupuleux. Plus instruits aujourd'hui, vous n'en êtes que plus vivement émus des malheurs publics, que plus impatients de remédier à ceux qui existent et de prévenir ceux qui menacent.
Et cependant des contradictions s'élèvent encore 1
Messieurs, l'emprunt est nécessaire, il est indispensable.
Je ne me lasserai point de vous présenter l'honneur du nom français, la sainteté de vos promesses, l'inviolabilité de la foi publique, le péril de la trahir, la position de la capitale, la subsistance des citoyens, le prêt des troupes, le salut de l'empire, en un mot, tout ce que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier, tout ce que l'on a si étrangement appelé de belles choses ( 1). et ce que j'appelle, moi, sévèrement, de grands besoins, de grands dangers et de grands devoirs.
L'Assemblée nationale, vous a-t-on dit, ne doit pas compromettre son crédit.
Je demande à qui importera le crédit de l'Assemblée nationale, si la chose publique périt, parce qu'elle n'aura pas voulu le compromettre?
Je demande quel sera le crédit de l'Assemblée nationale, le jour où les payements seront suspendus, faute d'un emprunt que l'Assemblée nationale n'aura pas voulu consentir?
Je demande si l'Assemblée nationale peut hésiter entre un consentement même stérile, qui prouvera du moins qu'elle aura fait tout ce qu'elle pouvait, et un refus qui, justement ou injustement, la fera paraître responsable de tous les malheurs qui arriveront?
Veut-on que tous les habitants de la capitale, recueillant, pour prix de leurs généreux efforts en faveur de la liberté, la misère et la faim, viennent nous demander compte de leur fortune et de leur subsistance, et croit-on que nous les apaiserons en leur disant que nous avons voulu ménager notre crédit ?
Songe-t-on enfin que si l'emprunt est refusé, dans huit jours nos villes peuvent être sans sûreté, nos frontières sans défense, et que nous pouvons détruire en une heure l'ouvrage de quatorze siècles ?
On nous a dit que 30 millions ne suffiraient pas pour faire face à tous les besoins. A-t-on prétendu par là nous instruire ou nous réfuter?
Certes, nous savons que 30 millions ne payeront pas la dette publique, et nous n'avons pas dit qu'ils la payeraient. Mais quand on vous a exposé, Messieurs, que 30 millions suffiraient pendant deux mois aux besoins pressants, et que, ce temps écoulé, l'Assemblée nationale aurait vraisemblablement établi un ordre de choses qui ferait face à l'universalité des dépenses, on vous a dit une chose très-simple à énoncer, très-facile à comprendre, et il semble qu'elle n'était pas susceptible de l'objection qu'on lui oppose.
On nous a parlé d'inviter le Roi àdes réformes ; sans doute il en est encore de grandes qu'il doit et qu'il veut faire; mais songez, Messieurs, que celles qu'il a déjà faites l'année dernière, et qui sont considérables, commencent à peine à être sensibles cette année ; et voyez ce que produiraient pour le moment celles qu'il pourrait faire aujourd'hui.
On vous a proposé d'autres moyens; mais quels retards, quelle incertitude ne naîtront pas de ces moyens compliqués , inconnus, incertains ! On vous parle des assemblées provinciales, elles n'existent pas encore ; d'inviter les peuples ; comment vous répondront-ils ? de vous adresser à vos commettants ; croyez-vous avoir leur autorisation avant deux mois ? d'otfrir votre crédit personnel, individuel ; pensez-vous que ce garant suffise à la confiance? on croira sans doute à vos intentions ; on admirera votre dévouement ; mais ne doutera-t-on pas de vos moyens ? Dans cet instant où toutes les fortunes paraissent ébranlées, où tous les possesseurs sont inquiétés, quel autre crédit peut exister que celui de la nation ?
C'est pour le moment, Messieurs, c'est pour la minute, c'est aujourd'hui plutôt que demain, ce matin plutôt que ce soir, qu'il faut pourvoir au besoin et au danger. Ce sont des moyens prompts qu'il faut, des moyens simples, connus, routiniers même, jusqu'à ce que vous ayez frayé de nouveaux chemins et fixé un nouveau but. C'est un emprunt qu'il faut ouvrir, et un emprunt national.
J'ai traité hier la question des mandats, et l'on a attaqué mon principe sans atteindre mon argument.
Je ne me répéterai point/J'ai prouvé, je crois, mon respect religieux pour les serments, et je le prouverai encore ; mais j'admire que ceux qui invoquent aujourd'hui, sans les produire, de prétendus mandats impératifs, soient les mêmes qui ont soutenu qu'il ne pouvait exister dans l'Assemblée de suffrages asservis ; les mêmes qui ont établi en principe fondamental, que tous les membres libres suffisaient pour constituer entre eux une délibération valide. Je n'aurais pas de moi-même invoqué cet argument ; mais il doit être permis de les combattre avec leurs armes. Si les membres qui étaient absents de l'Assemblée ne l'ont pas empêchée d'être complète, comment ceux qui y seraient muets aujourd'hui en entraîneraient-ils. la dissolution ? Quiconque ne se croit pas libre n'opinera point. Quiconque se croit libre entend le cri de la patrie. Je crois l'être, je le suis, j'appelle tous ceux qui le sont, et je leur demande de voler avec moi au secours de la patrie.
. Ceux qui jusqu'ici ont élevé la voix par leur éloquence et leurs vertus ont dû vous
exciter à l'enthousiasme; mais ce sentiment d'exagération ne convient pas à l'Assemblée ;
l'enthousiasme pourrait lui faire perdre l'estime de la nation.
Les emprunts n'ont été jusqu'ici employés que pour en hâter la chute, et nous devons craindre de réduire les finances dans un état de choses où toutes les forces de la France ne pourraient l'en tirer. Il ne faut pas juger des choses comme on les voit dans la capitale. L'intérêt, l'esprit de commerce influent sur les idées et sur les opinions ; il faut aussi voir les choses telles qu'elles sont dans les provinces. Si la capitale mérite nos. regards, nous ne devons pas les concentrer sur la métropole seule ; nous lui devons nos soins, et nous les devons aussi aux provinces.
Il est une vérité de fait : c'est que la masse des impôts ne peut être augmentée ; le peuple les rejette; le peuple ne veut plus les payer; et cependant comment pouvez-vous vous flatter qu'en les multipliant encore et en les augmentant ils seront mieux payés?
L'on vous a parlé de réformes. Eh ! qui ne sait qu'elles ont été faites sous un ministère qui se faisait un jeu de tromper les hommes? Qui ne sait qu'elles n'ont produit aucurr soulagement?
Pour assurer la confiance des préteurs, sans laquelle ces offres sont illusoires, et celle des commettants, sans lesquels vous n'êtes rien, il faut assurer un gage qui indique que l'emprunt sera indépendant de tout impôt.
fait soumission de prêter 40,000 livres sans intérêts.
. Messieurs, en chargeant le comité des finances de nous porter un préavis sur la demande que nous font les ministres d'autoriser le Roi à un emprunt de 30 millions, vous avez voulu laisser à chacun des membres de cette Assemblée le temps de la réflexion ; car nul travail actuel sur l'état des finances ne pourrait servir à diriger notre détermination. Il n'entre dans l'esprit de personne que le Trésor puisse se passer de secours, et ce n'est pas un emprunt de 30 millions qui empirera le rapport de nos finances avec les ressources nationales.
Nous devons nous diriger par de plus hautes considérations. 11 faut sans doute pourvoir au courant. Telle est même la nature des malheurs qui multiplient nos embarras, que nous courrions le risque de les aggraver, si une rigidité de principes que rien ne tempérerait nous laissait indifférents pour des besoins ou des égards dont il est impossible de se dissimuler l'importance.
Mais n'est-il aucun moyen de conserver cette rigidité, et de répondre cependant à l'attente du ministère? Si ce moyen existe, le patriotisme, la saine politique, et, s'il faut parler clairement, les ménagements infinis avec lesquels nous devons user de la confiance de nos commettants, ne nous font-ils pas la loi de nous servir de ce moyen ?
Avant de vous le proposer, qu'il me soit permis, Messieurs, d'exprimer une réflexion que m'arrache le sentiment de la grandeur de nos devoirs.
Elle ne peut plus exister dans l'ordre nouveau qui va régir l'empire, cette prompte obéissance que notre sensibilité savait transformer en témoignage d'amour pour la personne du monarque ue nous représentaient ses ministres. Aucun 'çux; ne doit désormais rien attendre que des
volontés libres delà nation, et un examen réfléch peut seul leur imprimer ce caractère. En nous tenant en garde contre les résolutions précipitées, nous éloignerons de l'esprit des ministres toute tentative qui ne s'adresserait pas uniquement à notre raison ; et dès lors rien n'en Viendra troubler le libre exercice.
Surpris hier par une demande à laquelle nous n'étions pas préparés, je hasardai mon opinion plus que je ne la donnai; et me représentant la pluralité des instructions de nos commettants, et les circonstances où se trouve l'Assemblée, il me parut que les premières nous empêchaient d'accorder l'emprunt sous les formes ordinaires, et que les secondes nous interdisaient l'essai d'un crédit que nous ne devons jamais compromettre.
Je proposerai donc d'avoir recours à nos commettants, en leur indiquant une forme qui ne compromet point les motifs généreux qu'ils ont de n'accorder les secours pécuniaires qu'après avoir irrévocablement fixé les bases de la constitution.
On a craint trop de lenteur dans cette manière de pourvoir à des besoins très urgents; cependant je crois impossible d'échapper à ce dilemme:
Ou nous avons la certitude morale que nos commettants nous autoriseraient à l'aire les emprunts que ces besoins exigent, et alors la résolution de demander cette autorisation suffit déjà au ministre des finances pour trouver dans ses propres ressources les moyens d'attendre cette autorisation; ou nous devons la regarder comme tr^g-douteuse, et alors nous prononçons nous-mêmes l'impossibilité d'accorder l'autorisation qui nous est demandée.
Dira-t-on qu'en supposant possible le refus de l'autorisation, si nous la demandons, nous n'avons pas à craindre le désaveu du consentement que nous donnerons pour la nation à l'emprunt, sans,la consulter, parce qu'au défaut des égards auxquels nous avons droit de prétendre, les circonstances impérieuses, que nos commettants n'ont pas pu prévoir, justifieraient assez notre conduite, et d'autant mieux qu'un emprunt de 30 millions est trop peu considérable pour diminuer la force des choses qui rend à la nation sa liberté, ou pour aggraver le poids de la dette?
J'admettrai cette réponse, Messieurs. Eh bien, qu'en résultera-t-il ? Que nous n'osons pas nous fier à la certitude de l'autorisation que la rigueur de'notre devoir nous oblige à demander à;nos commettants en toute état de cause, et que nous nous prévalons, pour autoriser l'emprunt, d'un consentement que, par décence, la nation ne pourra pas refuser une fois que nous l'aurons donné.
Mais puisque nous présentons ce résultat de notre position, ne vaudrait-il pas mieux respecter scrupuleusement la sage politique de nos commettants, et faire servir dans cette circonstance notre propre responsabilité, comme médiatrice entre l'inflexibilité avec laquelle la nation doit se maintenir dans la position qu'elle a prise relativement à l'impôt, et la nécessité de pourvoir à des besoins qu'il serait trop dangereux de négliger ?
Songez, Messieurs, à l'état actuel des esprits. Une défiance excessive et sourde à tous les raisonnements est toujours prête à dicter les résolutions les plus étranges : faut-il nous exposer à lui donner contre nous l'ombre d'un prétexte ? Ceux qui nous ont menacés de Paris, nous demandant compte d'avoir refusé l'emprunt, croient-ils que les provinces aient renoncé au droit de nous dire ; Pourquoi Vavez-vous accordé ?
Pour moi, je frémis de ce danger, et ne pensant pas qu'il puisse jamais nous convenir de résister à une défiance, même injuste, je crois que nous devons nous résoudre à tous les sacrifices personnels qui seront en notre pouvoir, plutôt que de nous écarter de la lettre de nos mandats sur l'objet des subsides.
Je n'hésite donc pas à vous proposer que l'emprunt de 30 millions, actuellement nécessaire au gouvernement, soit fait sur l'engagement des membres de cette Assemblée, chacun pour la somme dont ses facultés permettront de se rendre responsable envers les prêteurs, somme dont nous ferons incessamment la souscription entre les mains de notre président, pour être remise à Sa Majesté, et servir de caution à l'emprunt de 30 millions, dont ses ministres demandent l'autorisation à l'Assemblée.
J'ai déjà indiqué un puissant motif pour nous déterminer à cette résolution patriotique. Elle nous laisse toute la confiance de nos commettants, puisque nous restons fidèles aux intentions consignées dans leurs mandats sur les secours pécuniaires, et que nous ne les obligeons point à s'en rapporter à nous sur le jugement des circonstances qui rendent cet emprunt nécessaire ; en sorte qu'ils ne peuvent pas redouter de favoriser aucune politique ténébreuse qui consisterait à gagner du temps par des incidents; car, n'engageant pas la nation, nos propres hypothèques ne pourraient pas se répéter deux fois ae suite avec succès.
Mais cette résolution a d'autres avantages : elle est patriotique; et, sous ce point de vue, nous donnons l'exemple le plus propre à ramener tous les sujets de l'empire à la subordination volontaire qui caractérise l'homme libre, le vrai citoyen. Nous mettons le sceau à notre arrêté du 4 de ce mois, dont la précipitation semble nous accuser du besoin d'émotions vives pour nous résoudre à des sacrifices généreux, tandis qu'on doit également les attendre de nos plus mûres délibérations.
Elle nous revêt de toute la force morale dont nous avons besoin pour rétablir et conserver la perception des impôts et la soumission aux lois et aux usages, jusqu'à ce que les changements annoncés soient mis en état de prendre leur place.
Devenant nous-mêmes dans nos propres personnes la caution d'un emprunt destiné aux besoins de l'Etat, nous avertissons avec énergie tout intérêt sordide de s'éloigner enfin d'opérations qui sont le triste fruit de nos malheurs ; nous appelons de plus en plus l'esprit public, si nécessaire au rétablissement de la sûreté générale et individuelle ; nous montrons noire confiance dans les ressources nationales pour maintenir la foi publique, tandis que nos ennemis n'avaient que l'exécrable ressource de la violer; nous annonçons que, mettant tout notre espoir dans les bons exemples, une inflexible rigueur doit poursuivre les mauvais.
Enfin, le Roi lui-même prendra dans notre dévouement toute la force dont il peut avoir besoin pour résister non à ses goûts, puisque nul monarque ne fut plus disposé à ia simplicité qui appartient à la vraie grandeur, mais aux artisans de ce faste déprédateur qui multiplie autour du trône tant d'êtres inutiles.
Vous n'hésiterez donc pas, Messieurs, à prendre le noble parti que je vous propose ; et si
vous
Cette proposition est reçue avec beaucoup de faveur; elle paraît réunir toutes les opinions de l'Assemblée, et suspend un moment les débats, mais ils recommencent bientôt.
(1). Messieurs, j'ai à soumettre à l'Assemblée un objet de délibération qu'elle trouvera sûrement de la plus haute importance. Nul de nous ne peut se dissimuler l'état inquiétant du royaume : une grande révolution s'y est opérée, mais elle est accompagnée de convulsions qui mettent notre patrie en danger.
Les peuples, las d'un joug insupportable que les divers pouvoirs avaient appesenti sur eux, se sont ébranlés de toutes parts, et il ne leur a fallu que le sentiment de leurs forces, pour qu'à l'instant leurs fers fussent brisés ; vous avez, Messieurs, par l'arrêté déjà célèbre que vous avez pris mardi dernier, rendu à la nation française toute la majesté que son nom lui promettait depuis longtemps. Ce bienfait lui sera assuré par une sage constitution, et rien n'arrêtera plus sa marche vers les plus hautes destinées.
Elle a cependant encore un grand obstacle à surmonter. La foi publique est chargée d'une dette immense, et le peuple, accablé d'impôts, désigne ouvertement ceux qui lui sont devenus intolérables. Il faut, Messieurs, satisfaire et le peuple et les créanciers de l'Etat. Sans doute il n'est point d'amélioration que vous ne projetiez dans les perceptions ; sans doute il n'est point de réforme d'abus pécuniaires que vous n'ordonniez avec sévérité. Mais, Messieurs, ces moyens seront insuffisants pour atteindre l'un et l'autre but que vous proposez. Déjà dans cette Assemblée, une grande vérité s'est fait entendre : les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation : le moment est venu pour elle de les revendiquer, parce que le moment est venu où cette nation rentre dans la plénitude de ses droits.
Le clergé a été doté primitivement des biens destinés au service du culte divin. Le culte divin a pour ministres essentiels les évêques et les curés. L'ordre public veut que les uns et les autres soient payés par l'Etat. Il exige de plus que la fortune des curés soit sensiblement accrue.
La prospérité nationale nous commande l'annihilation de la dlme ecclésiastique, et il n'échappera sûrement, Messieurs, à aucun de vous que cette disposition donnera à l'impôt sur les terres des facilités inappréciables.
Un grand nombre de motifs se joignent à ce que j'ai eu l'honneur de vous soumettre, mais vous y suppléerez si aisément, que ie me conten* terai de vous offrir une esquisse d'arrêté sur cet important objet de délibération.
Si vous considérez que ces diverses dispositions doivent être l'Ouvrage d'une mûre
réflexion, du moins il pourra vous paraître du plus grand
Et c'est ici, Messieurs, que vous apercevrez la liaison naturelle de ma proposition, avec les circonstances actuelles et les demandes du gouvernement.
« L'Assemblée nationale déclare : 1° que tous les biens dits ecclésiastiques, de quelque nature qu'ils soient appartiennent, à la nation ;
«2° Qu'à dater de l'année 1790, toutes dîmes ecclésiastiques seront et demeureront supprimées ;
.r 3° Tous les titulaires quelconques garderont pendant leur vie un revenu égal au produit actuel de leurs bénéfices, et cette somme leur sera payée par les Assemblées provinciales, en observant de plus, que la dotation des curés doit être sensiblement augmentée ;
«4° Les Assemblées provinciales régleront pour l'avenir le taux des honoraires des évêques, qui sont, avec les curés, les seuls ministres essentiels du culte divin. Elles fixeront également les fonds destinés au service des cathédrales et aux retraites des anciens pasteurs ;
« 5° Elles pourvoiront aussi à pensionner d'une manière équitable les personnes de l'un et l'autre sexe, engagées dans les ordres monastiques, lesquels ordres seront supprimés. »
a. J'appuie cette motion. 11 y a une grande différence entre les propriétés des citoyens et celles des corps. Lorsqu'on a fait une fondation, c'est la nation qu'on a dotée, car la nation se trouve toujours entre l'individu qui donne et le corps politique qui reçoit. Personne ne refusera sans doute à la nation le droit qu'elle a exercé jusqu'à ce jour de supprimer de son sein les corps politiques qu'elle juge inulile?, et de tourner leurs biens à l'usage le plus utile de la société. (Plusieurs membres du clergé murmurent et interrompent.)
Chaque citoyen a des droits sacrés qui existent indépendamment de la société ; mais les corps politiques n'existent que pour la société, et n'existent que par elle ; ce n'est pas àeux que l'on donne, c'est à la société, et c'est pour sa prospérité.
Personne ne refusera sans doute à la nation le droit de supprimer les corps poiitiquès ; à plus forte raison de les modifier ; à plus forte raison peut-elle appliquer ses biens à l'utilité générale ; à plus forte raison peut-elle disposer d'une partie de ses biens.
Dans ce moment où le régime féodal a été anéanti, il serait offensant de croire qu'une partie du haut clergé pût apporter des obstacles à une délibération aussi instante. Ils savent que les prêtres ne sont que des magistrats spirituels, qui n'ont pas plus de droits que le magistrat de la loi, et que celui qui défend la patrie.
Je demande donc qu'on donne aux créanciers de l'Etat les biens ecclésiastiques pour gage de leurs créances.
Les murmures violents du clergé couvrent les dernières paroles de l'orateur.
, évêque de Chartres. Je réfuterai en quatre mots ce système.
. L'intérêt du clergé demande qu'il écoute patiemment cette discussion. Je remarque que l'esprit de justice dirige et anime l'Assemblée.
remarque qu'il serait d'abord nécessaire de prouver que les biens de l'église appartiennent a la nation, avant d'établir qu'ils doivent servir d'hypothèque à l'emprunt.
(1), député de la noblesse du Haut-Limousin, fait la motion suivante : Il n'est pas un de nous, Messieurs, qui n'ait senti, en voyant les ministres du Roi venir solliciter la sanction de l'Assemblée nationale pour un emprunt de trente millions, que ce secours était purement momentané, et, comme l'a dit un des préopinants, insuffisant.
Le ministre des finances vous a présenté un aperçu raisonné des maux qui menacent la patrie : il vous a dit que les moyens de perception étaient presque nuls, et conséquemment la cessation des payements très-prochaine, si l'on ne venait promptement au secours de la chose publique.
Quant au premier objet, je suis bien convaincu qu'il faut s occuper des moyens d'y remédier. Mais tout le monde sait que, lorsque les ressorts d'une machine aussi compliquée sont une fois détraqués, il faut infiniment de temps et de soins pour la remettre en activité.
Mais nous avons des ressources à offrir relativement au second objet ; et il est de notre dignité de les présenter à l'instant même.
Je crois qu'il sera démontré qu'en diminuant le nombre des objets à payer, on diminuera d'autant les embarras duministére, on assurera davantage l'hypothèque des prêteurs ; et c'est sur ce point que je crois devoir soumettre mes idées aux lumières de cette auguste Assemblée.
Je n'ai pu refuser un tribut légitime d'admiration à la force d'âme de l'honorable membre (2) qui le premier a donné l'idée et l'exemple du sacrifice des intérêts de ses commettants et des siens, à l'aperçu du bien général dont il a cru voir le germe dans la disposition de l'arrêté qu'il a proposé.
Je suis si profondément pénétré de ce même sentiment d'admiration, que je ne doute point que l'auteur de la motion, et ceux qui l'ont appuyée, n'attendent une occasion favorable, pour faire l'abnégation glorieuse de quelques jouissances plus personnelles et plus directement utiles aux besoins urgents de l'Etat : je crois devoir leur rappeler que la voici, cette occasion, et je mets autant d'empressement à la leur offrir, que je suis convaincu qu'ils en mettront à la saisir.
Je crois qu'il est nécessaire d'établir, d'abord qu'il est de devoir pour moi d'insister sur cet objet important, et que j'ai un titre pour faire accueillir ma proposition.
Je me contenterai, pour le premier objet, de lire un acticle du cahier qui renferme les vœux de mes commettants, et par conséquent l'énoncé de mes devoirs. L'article 12 du chapitre 6 dit que, « parmi les moyens d'économie nécessaires à placer à côté des projets de dépense ou d'augmentation, les Etats généraux prendront en considération l'abus de l'énorme quantité de grâces et de charges accumulées sur une même tête, qui ne pourraient être bien remplies, si elles étaient actives, et qui ne font qu'augmenter la dépense, si elles ne le sont pas. »
Quant à mon titre, le voici : je fais sur le bu-
Je crois avoir suffisamment établi que j'ai droit et devoir de parler,-en cette occasion importante. Je propose donc à l'Assemblée d'énoncer qu'elle va nommer un comité, chargé de recevoir avec reconnaissance l'abandon volontaire que les membres de cette respectable Assemblée pourront faire des grâces exagérées dont eux et leur famille sont comblés, et d'examiner toutes celles dont la proportion n'est point équivalente aux services qui les ont méritées.
Si l'Assemblée se détermine à mettre à profit cet élan de patriotisme, qui, sans doute, ne s'affaiblira jamais, mais dont il est quelquefois essentiel de saisir ie mouvement instantané, je suis persuadé qu'on verra cesser les abus multipliés qui ont nécessité les plaintes de mes commettants ;
Que telle personne, qui a obtenu des secours énormes et perpétuels pour soutenir un grand nom, croira que sa façon de penser et son énergie doivent seules en maintenir lagloire, et fera le sacrifice de ce qu'elle tient du souverain ;
Que ceux qui, après avoir réuni sur leur tête toutes les grâces réservées aux courtisans, ont encore obtenu celles dues aux guerriers actifs et utiles, feront à l'Etat et à eux-mêmes la justice de se dépouiller librement des unes ou des autres ;
Que celui qui, chargé d'un gouvernement aux portes de Paris, en possède un autre aux frontières les plus éloignées du royaume; s'empressera de ne garder que celui des deux auquel il peut donner une surveillance active ;
Que si quelqu'un a trouvé le moyen de faire payer à la nation ses dettes personnelles, il lui offrira le remboursement des avances qu'elle lui a faites, dans un moment où elle a besoin de toutes ses ressources ;
Que d'autres demanderont qu'on annulle les échanges onéreux au Roi et à l'Etat, qu'ils ont sollicités ;
Que les personnes qui ont bâti, presque sous nos yeux, un palais sur un terrain domanial, se trouveront, par la prompte restitution d'un dépôt amélioré, être les bienfaiteurs de la patrie ;
Que ceux qui réunissent sur leur tête des places municipales, domestiques et militaires à la cour, et tiennent encore le premier rang dans nos provinces et dans nos armées, s'empresseront, par un choix éclairé, de prouver que, loin de vouloir tout envahir, ils ont la générosité de sacrifier leur intérêt personnel à l'intérêt public ;
Qu'une seule famille enfin, qui est dénoncée par la clameur publique pour posséder deux millions de revenus en grâces et bienfaits, se fera un devoir de renoncer aux uns, et-de justifier au public les services qui ont mérité les autres.
Je conviendrai facilement, à cet égard, de la vérité de l'axiome qui établit qu'il ne faut croire que ia moitié des ouï-dire ; mais cette moitié est encore beaucoup ; car je crois que nous en sommes au point où l'on peut calculer la valeur d'un million de revenu.
J'imagine qu'on ne s'arrêtera point au sacrifice des pensions et des grâces connues, et qu'on renoncera généreusement aussi à ces traitements obscurs sur les régies, les fermes, les postes, les provinces d'Etats, etc., à ces concessions de domaines sans nombre : car l'insatiabilité est un Protée qui s'enveloppe sous toutes les formes; et il paraîtra bien doux à la nation de la voir entièrement démasquée en ce jour par un dévouement généreux et patriotique.
Toutes ces considérations me font insister sur la demande que je viens de faire à l'Assemblée, et sur laquelle je la supplie de délibérer. Je vais relire la rédaction d'arrêté que je propose.
,« Il sera nommé sur-le-champ un comité chargé de recevoir avec reconnaissance l'abandon volontaire qu'on lui fera des grâces qui sont accumulées sur les mêmes têtes ou dans les mêmes familles, et de faire un examen scrupuleux de toutes les pensions et traitements sur les différentes régies et branches d'administration quelconques, qui ne seront pas proportionnés aux services qui les ont mérités.
« L'Assemblée nationale espère de l'esprit de patriotisme qui semble animer tous ses membres, qu'elle trouvera dans cette ressource une hypothèque certaine pour l'emprunt proposé, et qu'elle recueillera dans son propre sein les moyens d'en payer les intérêts. »
(On applaudit de divers côté3 de la salle.)
. Je suis chargé par mes commettants de proposer tout ce qui peut être utile au bien de l'Etat. En conséquence, j'ai proposé la suppression des droits féodaux. Quant à la renonciation aux bienfaits du Roi, je ne puis parler que pour moi. J'ai refusé toute récompense au retour delà guerre d'Amérique; et lorsque j'ai été nommé député, j'ai renoncé à la survivance de commandant de la Guyenne, parce que j'ai cru que les survivances étaient un mal. (On applaudit.)
annonce qu'il soutiendra à la fois et la proposition de M. Lameth et les droits du clergé.
. Je ne jugerai pas si les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation; mais je juge qu'il est nécessaire de voter l'emprunt. On objecte contre l'emprunt le vœu des commettants. La plupart des cahiers, il est vrai, nous défendent de nous occuper d impôts avant que la constitution soit faite; mais ce qu'on doit appeler constitution est déjà fait; car Sa Majesté a annoncé qu'elle sanctionnerait toutes les décisions de cette Assemblée. 11 n'y a donc plus d'obstacles. Mon avis est que l'emprunt soit accordé.
On crie de toutes parts : Aux voixI aux voix!
consulte l'Assemblée, et l'emprunt est décrété unanimement.
met ensuite aux voix la seconde proposition, et il est décrété que cet emprunt sera de trente millions.
Une députation du bailliage de Nemours est in-
troduite, et présente à l'Assemblée les hommages respectueux de ce bailliage.
répond que l'Assemblée les reçoit avec satisfaction.
La suite de la séance est renvoyée à ce soir six heures.
Séance du soir.
La séance est reprise à six heures. *
Plusieurs adresses de félicitations, de remercî-ments et d'adhésion ont été mises sur le bureau de la part des trois ordres de la ville de Saint-Lô, de la ville de Varenne en Clermontois, de la communauté de Dominé et Cenac en Périgord, de la communauté de Lorgues, et des notables bourgeois et habitants de la ville de Thorigny au duché de Rourgogne.
Il a été présenté une pétition du sieur Duvivier, graveur général des monnaies et médailles du Roi; elle porte que le sieur Duvivier a gravé la médaille de M. Necker, et que si l'Assemblée daigne en agréer l'hommage, il s'empressera d'annoncer au public qu'il peut se la procurer à la Monnaie des médailles, où l'on ne recevra que les frais de fabrication. M. le Président a dit qu'il ne doutait pas que l'Assemblée nationale n'agréât son hommage.
Une députation de la ville de Saint-Denis a été introduite à la barre, et a demandé le pardon de ceux qui ont participé au meurtre commis dans la nuit du 2 au 3 de ce mois, en la personne du maire de celte ville.
a répondu que l'Assemblée nationale prendrait en considération la requête des habitants de Saint-Denis, et qu'elle les exhortait à faire régner dans leur ville le bon ordre et la paix.
Une députation des habitants de la Guadeloupe, introduite à la barre, y a présenté une pétition qui tend à ce que l'Assemblée nationale veuille bien : 1fixer le nombre des députés que la Guadeloupe doit avoir ; 2° déterminer les formes de l'élection ; et 3° admettre les députés provisoirement nommés, jusqu'à ce qu'ils aient été confirmés ou remplacés selon les mêmes formes. M. le Président a répondu que l'Àssemblée nationale ferait examiner la pétition des habitants de la Guadeloupe par le comité de vérification, et qu'elle prononcerait sur son rapport.
, curé d'Aurillac, au nom du comité des rapports. Messieurs, vos moments sont précieux, il n'est pas juste de vous enfaire perdre ; le bureau est pénétré de cette vérité, mais cependant il est des circonstances désastreuses que nous sommes forcés de mettre sous vos yeux. —Je ne m'appesantirai pas sur les détails. M. le cardinal de Rohan n'est arrêté dans sa province que par des scènes sanglantes. Une foule d'hommes armés dévastent l'Alsace. Ce pays est dans ce moment le théâtre de l'injustice et de la cruauté. Les propriétés sont en proie à des brigands qui ont trempé leurs mains dans le sang des propriétaires. Une abbesse a été une des victimes de leur fureur. Précédés d'un prétendu député, ils portent un édit du Roi en français et en allemand, par lequel édit ils s'autorisent à commettre leurs vexations et leurs cruautés, à renverser les lois et les usages locaux.
Le rapporteur couclut qu'il est nécessaire de faire circuler dans les provinces le dernier arrêté relatif aux troubles, en ajoutant que M. le président se concertera avec le pouvoir exécutif pour faire cesser de tels excès.
M. J'arrête un moment M. le rapporteur pour lui demander entre les mains de qui est le pouvoir exécutif. D'après les exécutions terribles qui se font de toutes parts, ce [pouvoir est entre les mains du peuple, qui veut se venger dans ce moment de la longue oppression des grands et de l'injustice des tribunaux à faire acception entre un coupable riche et un coupable pauvre. — Le rapporteur, d'après un imprimé, a pronostiqué que les malheurs actuels dureraient encore trois mois. — Il serait facile de mettre ce prophète en défaut. Pour cela, il faut seulement qu'on punisse les complots, que l'Assemblée suive rigoureusement les décrets qu'elle a portés à ce sujet : tout rentrera dans l'ordre. — Le mal est si grand, si général, que le rapporteur du comité, par une lettre prise au hasard dans le nombre de celles adressées au comité, a fait voir à l'Assemblée qu'un seigneur propriétaire avait été condamné au feu, et qu'il n'avait échappé à ce supplice qu'en renonçant à la moitié de ses possessions. — Un peuple nouvellement libre se porte toujours à des excès : mais tout rentrera dans l'ordre après la constitution. Les brigands sont en grand nombre, mais ils ne sont ni aussi braves ni aussi nombreux que les honnêtes citoyens.
, curé dyAurillac. Les autres lettres annoncentde tous côtésdesabominations pareilles.
. En votant l'emprunt, nous n'avons rempli qu'une partie de nos devoirs. Il faut nous occuper de la félicité publique et du bonheur de nos commettants; il faut soutenir les lois sans acception de personne. — Je vous en conjure, au nom de la patrie, rendons au pouvoir exécutif et au pouvoir judiciaire la force dont ils ont besoin. Il faut ordonner aux troupes de maintenir l'ordre et de soutenir les municipalités, et prier le Roi de prêter son pouvoir dans ces circonstances malheureuses.
Cette motion n'a pas de suite.
Le comité des rapports fait aussi paît d'une lettre de Rouen, adressée à un député. Cette lettre l'instruit de l'exécution de deux individus jugés prévôtalement comme chefs de cabale.
On annonce aussi à l'Assemblée la détention d'un courrier à Bordeaux; il s'y était rendu après avoir parcouru le Poitou, l'Angoumois et la Guyenne.
Plusieurs membres sont d'avis qu'il soit amené à l'Assemblée, d'autres qu'on l'interroge sur les lieux.
Un membre. L'infernale confédération n'est pas totalement éteinte; les chefs en sont bien dispersés, mais elle peut renaître de sa cendre. On sait qu'une foule tant d'ecclésiastiques que de gentilshommes y avaient trempé. Les communes de France ne peuvent donc être trop sur leurs gardes.
. Une personne vient de recevoir une lettre qui ne confirme point le fait, mais à coup sûr il y en a un d'appréhendé dans une ville de Saintonge.
certifie, au ndm du comité des
douze, qu'on n'y a reçu aucun éclaircissement ni connaissance sur les troubles arrivés.
. Messieurs, il est nécessaire de prendre un parti. Si on me dit que l'Assemblée nationale compromettra son autorité, son crédit, je dirai hautement que je vois déjà l'empire français s'écrouler. Il est donc nécessaire de prendre l'arrêté suivant :
« D'après l'exposé qui a été fait des malheurs qui arrivent dans les différentes parties du royaume, considérant que la liberté publique est en'danger, l'Assemblée déclare :
« 1° Que les lois seront exécutées;
« 2° Que les officiers donneront main-forte;
« 3° Que le Roi continuera la levée des impôts. »
. Je propose, par amendement, de déclarer au peuple que l'on s'occupe de son bien. Il faut faire de nouveaux sacrifices, ce sera ainsi qu'on ramènera la paix ; et enfin, il me paraît nécessaire de faire imprimer ce qui s'est passé à la séance du 4, et de l'envoyer dans les provinces.
On demande que la séance soit levée.
indique la prochaine séance au lendemain 10 heures du matin pour s'occuper uniquement de l'emprunt.
Séance du
II a été présenté des adresses de félicitation, remercîments et adhésion de la part de la communauté de Vezenobre, des officiers municipaux, notables et troupes nationales d'Arbois, des électeurs de là ville de Mont-Cenis, du curé de Saint-Martin de Chaurnont en Vexin, des commissaires de la noblesse de Nîmes, des trois ordres de la ville de Trévoux, des électeurs et du comité des communes de la sénéchaussée de La Rochelle, de la ville et commune deGhâtillon-sur-Seine, de la ville de'Brives en Limousin, de celle de Saint-Flour et des citoyens deTarascon, avec l'imprimé d'une délibération prise par ces derniers, le 27 juillet.
annonce que la délibération est ouverte sur la forme de l'emprunt décrété hier.
. Je m'estime heureux que mes commettants m'aient laissé la liberté de voter des secours provisoires pendant la tenue des Etats généraux. Il est noble sans doute et glorieux pour les représentants de la nation d'offrir leur garantie personnelle pour la sûreté d'un emprunt; mais je crois que cette démarche est un outrage pour leurs commettants. Je suis certain qu'ils nous envieraient la gloire d'avoir voulu seuls et sans eux courir au secours de la patrie. Ils ne désapprouveront pas l'emprunt que nous allons consentir; s'ils devaient le désapprouver, ils le désapprouveraient également s'il était fait sous notre garantie. La proposition, qui a été faite, d'engager les biens du clergé comme une hypothèque de cet emprunt^ est abso-
lument inadmissible. Ce serait décider une grande question avant de l'avoir discutée. L'emprunt est instant, et nous n'avons pas le temps de discuter. Quant à la forme de l'emprunt, je pense qu'il vaut mieux mettre l'intérêt a un prix un peu plus bas, sans retenue, que de le soumettre à une retenue qui pourrait retarder le succès de l'emprunt.
. Le projet de voter un emprunt sous notre caution individuelle ne peut pas être admis. Nous violerions en cela l'esprit de nos mandats, quoique nous parussions en observer la lettre. Plusieurs membres de l'Assemblée pourraient ne vouloir pas se soumettre à la solidarité; d'ailleurs, les prêteurs ne se soucieraient pas d'être forcés de courir après leur gage, et l'emprunt serait manqué ; il doit donc être fait au nom et sous la garantie de la nation. C'est à nous de le voter librement, et de surveiller par un comité l'emploi des deniers pour qu'ils ne soient employés qu'à des besoins indispensables. Je propose donc l'établissement de ce comité; ce sera un sûr moyen de tranquilliser nos commettants et d'inspirer de la confiance.
L'intérêt proposé par le ministre me paraît illégal. C'est en s'écartant de la loi que le gouvernement a causé tous nos malheurs, et a sans cesse accru la masse excessive de nos dettes.
. Il y a bien des articles à rayer dans l'état de dépense qui vous a été fourni par le ministre, et j'en cite trois: 1° cet état porte 120,000 livres par mois, pour les arrérages d'uu emprunt fait pour payer les dettes d'un prince du sang. Ce n'est point à la nation à payer cette dette; d'ailleurs, ce prince du sang s'est retiré dans ses terres; il y va vivre d'économies, et il payera lui-même ses dettes;
2° Qu'importe à ma province que l'on construise le pont de Louis XVI ? elle ne doit aucun impôt à cet égard ;
3° Le payement des murs pour la clôture de la ville de Paris, invention des financiers qui tourne à leur profit seul.
. Je réclame le payement des murs; les murs sont faits et ils ont été faits par des Limousins; je les représente, ce sont des ouvriers de ma province, il est équitable qu'ils soient payés.
Il semble que l'on ait voulu établir une différence entre les intérêts ou arrérages de l'emprunt actuel, et les intérêts et arrérages des anciens emprunts. Cela suppose que, quant aux payements des arrérages, il peut y avoir de l'inexactitude; et, en effet, elle existe. Les créanciers des rentes éprouvent un retard considérable.— Il est de la justice de la nation d'empêcher que leur condition ne soit pire que celle des nouveaux prêteurs ; les nouveaux prêteurs n'ont pas plus de droit à l'exactitude des payements que les anciens. Ainsi, la distinction proposée par le projet est dangereuse et alarmante pour les anciens créanciers; elle est d'ailleurs contraire à l'équité, naturelle. Il faut comparer le Roi à un citoyen; supposons qu'un citoyen qui aurait beaucoup de deltes fasse de nouveaux emprunts, supposons qu'il prenne des mesures pour que les derniers prêteurs aient la préférence sur les anciens, cette préférence serait-elle donc compatible avec les premières lois
de la morale ? La première des maximes, en matière de gouvernement, c'est l'honnêteté; et la préférence dont il s'agit dans le projet est malhonnête.
Je réclame encore contre cette promesse, qu'il ne sera point fait de retenue sur les intérêts. Déjà elle suppose qu'il pourra en être fait sur les anciens créanciers, et j avouerai que cela est injuste, parce que le sort de tous ceux qui ont des revenus doit être égal. Je sais bien que l'on pourra me répondre que c'est une opération de nuance, et qu'en matière de finances tous les calculs se portent sur les besoins, et non pas sur les règles d une véritable justice, de cette justice qui doit diriger la conduite de tous les hommes ; car, dans quelque situation qu'un homme se trouve, son premier devoir est d'être juste et honnête. Mon opinion est donc que l'empr:unt doit être pur et simple, et qu'il ne doit y être question ni de préférence accordée aux nouveaux sur les anciens, aux derniers venus sur les premiers venus, ni de l'affranchissement de toute espèce de retenue.. Il résultera de là un grand bien: c'est qu'enfin on parviendra à bannir l'agiotage et à tarir cette source de la facilité des emprunts qui ont réduit la France dans l'état déplorable où elle est. Je réclame encore sur ce que l'un des motifs du nouvel emprunt a pour objet le payement des pensions. Quoi donc! il sera emprunté pour payer des pensions ! A qui ces pensions sont-elles payées? A quelques familles privilégiées, à des musiciens, à des musiciennes, à des histrions, à des officiers de chasse, à d'autres personnes de cette espèce!
Un autre objet de l'emprunt est la construction des murs de Paris. Vous savez tous, Messieurs, que les financiers ont voulu mettre cette ville immense entre quatre murailles, dans une sorte de prison. Vous savez tous, Messieurs, combien cette construction, qui présente des bureaux si dispendieux, a excité de réclamations; d'ailleurs, il s'agit de savoir si ces murs subsisteront. Emprunter pour les payer, c'est reconnaître leur légitimité; et voilà peut-être ce qui excitera la plus vive réclamation, et de la part de la ville de Paris, et de la part de la nation entière. Ainsi je demande que les pensions soient rayées de l'état jusqu'à nouvel examen. Je demande que l'article concernant la dépense des murs de Paris soit purement et simplement rayé.
. Tout emprunt en finance nécessite un impôt, parce que ce n'est que par l'impôt que l'Etat peut se libérer de l'emprunt ; de sorte que, lorsque hier vous avez voté un emprunt de 30,000,000, vous avez nécessairement voté l'impôt de la même somme à des époques plus ou moins rapprochées. L'article 2 du projet des arrêtés qui furent pris dans la mémorable et délicieuse nuit du 4 au 5 de ce mois porte que tous les privilèges pécuniaires, en matière de subsides, sont abolis, et que la perception se fera sur tous les citoyens et sur tous les biens-, de la même manière et dans la même forme. Je demande, pour la satisfaction du royaume et pour la consolation de mes commettants, qu'il soit sursis à la délibération de la forme de l'emprunt jusqu'à ce que la rédaction de l'article 2 soit approuvée, et je prie l'Assemblée de délibérer sur ma motion.
. On ne peut, sans attenter à la foi des engagements, lever le plus léger tribut sur les rentes anciennes, ni en imposer sur les nouvelles, sans rehausser les inté-
rêts et commettre une grande faute en finance. Je demande que la proposition des retenues soit, à cause de sa haute importance, traitée à part, et discutée avec d'autant plus de maturité, que de son résultat dépendent exclusivement l'honneur et le crédit national. Dans un temps où les droits de l'homme et du citoyen sont le cri général du ralliement, où la restauration du crédit public, ruiné par de longs désordres, est l'un des premiers objets qui réclament l'attention ; dans un temps où l'Assemblée nationale vient de déclarer qu'elle place les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté nationale; où elle a dit qu'il n'appartient à personne de prononcer l'infâme mot ae banqueroute, noijs avons peine à concevoir cette proposition d'assujettir les créanciers de l'Etat à des impositions, à des retenues, sur les rentes que leur doit la nation.
On nous dit que toute nation étant souveraine, n'est liée par ses propres actes qu'autant qu'elle juge à propos de leur continuer sa sanction. Cette maxime est vraie; elle est juste relativement aux actes par lesquels cette nation agit sur elle-même; mais elle ne Test pas relativement à ceux par lesquels elle contracte avec une autre partie.
Les premiers sont des lois, vraies émanations de la volonté général?, qui cessent d'exister toutes les fois que la volonté qui leur donna l'être juge à propos aeles détruire.
Les autres sont de véritables contrats soumis aux mêmes règles, aux mêmes principes que les conventions entre particuliers. Si, par le contrat, la nation s'est obligée en recevant une certaine somme à payer annuellement une certaine rente, cette obligation est aussi sacrée pour elle que pour tout particulier qui en aurait contracté une du même genre ; et si celui-ci ne pourrait refuser le payement de ce qu'il aurait promis, sans tomber dans l'injustice ou la banqueroute, comment et sous quel prétexte une nation pourrait-elle s'en dispenser?
On nous dit que la nation a le droit d'imposer. Sans doute que les impositions doivent être réparties avec justice, — nous en convenons encore ; — mais on ajoute qu'il faut pour cela que tous les genres de propriété soient 'imposés : ceci demande quelques explications.
Il n'est point vrai qu'il faille que tous les genres de propriété soient imposés ; mais ce qui est vrai, c'est que tous les individus sans exception doivent être soumis à l'impôt.
Or, direz-vous, par exemple, qu'un impôt mis sur les terres seulement ne porte que sur les propriétaires ou les fermiers? N'est-il pas évident que s'ils en font l'avance, ils exercent à leur tour une reprise sur le consommateur, et, qu'en dernier résultat, c'est toujours celui-ci qui paye l'impôt, quoique en apparence l'Etat ne lui demande rien? Or, ce consommateur qui vient de payer sa part de l'impôt sur les terres est précisément ce rentier sur qui vous voudriez mettre un impôt direct en lui retenant une partie de la rente que lui doit la nation.
La même observation peut se faire pour tous les autres impôts, gabelles, traites, aides, etc. Il n'en est aucun que le rentier ne supporte en proportion de ses facultés et de ses dépenses.
Soumettre le rentier à une retenue, à un impôt direct sur sa rente, ce n'est donc pas vouloir qu'il paye sa part des contributions publiques ; c'est vouloir qu'il la paye deux fois.
Et combien cette prétention n'est-elle pas injuste, si l'on réfléchit que cette retenue, cette imposition directe, est formellement condamnée
par le contrat du rentier avec la nation ; qu'en lui demandant son argent, on lui a promis qu'aucune retenue, aucun impôt ne pourraient avoir lieu sur la rente qui lui fut promise?
Alors la retenue, l'impôt dont on parle, étant une contravention manifeste à un contrat exprès, devient, quant à la nation qui a promis, quant aux prêteurs à qui la promesse a été faite, une véritable banqueroute.
Ne nous laissons point tromper par des mots. Une banqueroute n'est autre chose que la rupture des engagements d'un débiteur envers ses créanciers, Elle est innocente lorsqu'elle résulte d'une impossibilité réelle de remplir ses engagements ; elle çst frauduleuse lorsque cette impossibilité n'est que simulée, lorsque le débiteur qui prétend ne pouvoir pas payer est réellement en état le le faire.
Quel est ici le cas de la nation?. Quelqu'un peut-il dire qu'elle soit hors. d'état de payer ? et lors même qu'on hasarderait de le dire, est-il bien vrai qu'une telle assertion suffit pour autoriser ce qui, dans le fait, est une banqueroute?
Ne perdons point de vue que les engagements des nations envers les particuliers sont du même genre, ont la même force, entraînent les mêmes obligations, et de plus strictes, encore, que ceux des particuliers entre eux.
Suffit-il qu'un négociant dise à ses créanciers: je ne puis pas payer les intérêts que je vous ai promis, pour qu'il soit dispensé de les payer en entier ? La loi civile, qui n'est ici que l'interprète du droit naturel, l'assujettit à des formalités dont le but est de prouver que celte impossibilité existe; ne faut-il pas qu'il dresse un état particulier de ses créances et de ses dettes ; qu'il le présente aux créanciers; qu'il joigne toutes les pièces; qu'il en affirme la vérité par serment ?
Et l'on voudrait que, sans aucun examen, sans avoir fait son inventaire, avant d'avoir sondé ses ressources, une nation riche et puissante manque à ses engagements ; que, se déclarant banquerou-tière, opprobre inouï dans les fastes des nations, elle se prive pour jamais de tout moyen de rétablir son crédit? Non, Messieurs, vous ne le souffrirez pas.
. Je propose de charger les biens ecclésiastiques d'une somme annuelle de 1,500,000 livres pour les intérêts, et 500,000 livres pour l'amortissement; de prélever à chaque mutation un droit d'annate sur les bénéfices qui viendront à vaquer; et à la vacance des grands bénéfices, de tourner au profit de la nation ces pensions inutiles, ou peu méritées, dont ils étaient grevés. Venez, ministres des autels, venez au secours de la patrie ; écoutez sa voix qui vous appelle ! C'est elle qui vous donna ces biens ; vous en êtes les sages usufruitiers, vous lui en devez le sacrifice ; quelque grand qu'il soit ; c'est l'avoir obtenu que de vous en offrir l'idée.
MM. l'archevêque d'Aix, les évêques de Langres, de Nîmes et d'Autun se sont levés avec vivacité.
, archevêque d'Aix, a dit : La démarche à laquelle M. Delandine nous invite honorerait infiniment le clergé: Je m'empresse de publier ses vœux: c'est un devoir, c'est un sentiment naturel qu'il me charge de vous exprimer, et nous allons nous retirer pour délibérer sur les moyens.
, curé de Sergy, dit qu'il s'oppose à ce queleclergé se retiredans une chambre séparée.
, archevêque d'Aix. Il faut savoir par quels moyens nous pouvons donner un gage assuré pour le remboursement du capital et des intérêts dont nous voulons nous charger.
observent que l'emprunt est voté par la nation, et que c'est à elle de le remplir et d'en fournir le gage.
, archevêque d'Aix. Je n'ai pas pen^é un seul instant que ce fût la nation qui votait l'emprunt; et je me serais grandement trompé si j'avais exprimé une autre idée. La nation aura Voté l'emprunt, il sera affecté sur les biens ecclésiastiques, et nous serons trop heureux d'offrir nos biens à son hypothèque.
. Je m'oppose à l'admission de celte offre. Je Réclame pour la nation l'honneur de supporter en entier le fardeau des charges publiques.
. J'appuie l'avis de M. Pétion. J'observe ensuite que cet emprunt ne peut suffire que pour les dépenses de deux mois ; qu'il faut se presser d'achever le travail de la constitution et sur les finances, qu'alors on s'occupera des moyens d'économie. Quant au comité de surveillance qu'on a proposé, je le crois inutile. Cette surveillance empiéterait sur le pouvoir exécutif. Les besoins connus de l'Etat éloignent toute crainte de dilapidation. La responsabilité des ministres doit nous rassurer encore, ainsi que le terme prochain de la reddition de leurs comptes. Dans le projet produit par le comité des finances, on annonce l'établissement, d une caisse nationale. Je croirais cet établissement dangereux dans ce moment. Je crois que sous tous les rapports il mérite de longues et de sérieuses réflexions.
. Je regarde l'intérêt à cinq pour cent sans retenue comme illégal, usuraire et contraire à tous les principes* Existerait-il donc des Français assez avides pour se prévaloir de notre profonde et douloureuse détresse? Nous ferions renaître les privilèges pour favoriser les capitalistes; quand le peuple meurt accablé sous le faix des impôts, eux seuls en seraient affranchis! C'est alors qu'il faudrait imprimer les noms des prêteurs, afin qu'ils retirassent tout à la fois leur or et l'exécration publique.
L'extrême nécessité, le salut de l'Etat vous ont forcés à accorder l'emprunt; n'empêchez pas que l'impôt l'atteigne; sinon ce n'est pas à la nation à le garantir,c'est à nous à supporter individuellement les maux auxquels nous aurions gratuitement donné naissance. Eloignons du trésor royal cette foule d'agioteurs qui sucent le sang des peuples ; sauvons l'Etat par nos sacrifices, sans offenser les principes par nos décrets.
En quelle forme l'emprunt délibéré doit-il être fait? Est-ce au nom de la nation ? Est-ce au nom du souverain, sous la garantie nationale ?
Un impôt serait moins funeste à la nation ; il ne frappe que la génération présente, tandis que l'emprunt écrase les générations futures. Le corps législatif ne doit donc pas consacrer d'avance une pareille forme d'administration, fcontre
laquelle plusieurs cahiers s'élèvent. Pour concilier les principes avec les besoins, le Roi ouvrira l'emprunt et vous n'aurez fait que le délibérer, le crédit naîtra de votre garantie.
Quant au gage offert par le clergé, il ne serait pas décent d'offrir celui d'un corps particulier; la nation n'a besoin que d'elle-même. D'ailleurs combien d'obstacles un pareil gage mettrait à l'exécution de projets sur les biens ecclésiastiques ! Il faut soumettre aussi les prêteurs aux retenues, afin que les citoyens les plus riches contribuent aussi aux charges de l'Etat.
Le comité de surveillance qu'on vous propose ferait tort aux représentants de la nation. Cet établissement, injurieux à la dignité royale, serait encore destructif de la confiance que vous avez témoignée si solennellement à un ministre vertueux, et contraire à la majesté du peuple français.
demande que, dans le préambule du décret sur l'emprunt, l'Assemblée nationale énonce les motifs qui l'ont déterminée.
présente des vues générales sur les emprunts, et propose ensuite d'établir celui-ci à quatre et demi pour cent ; et pour augmenter l'attrait, voici la forme qu'il adopte: quatre pour cent en rente perpétuelle, un demi pour cent en tontine, de manière que le dernier de deux cents prêteurs aurait la totalité de son capital en rentes viagères. Pour éviter l'agiotage, les deux intérêts seraient stipulés dans le même contrat.
. Il serait précoce d'entamer la question des biens du clergé. Vous avez mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de la loyauté française ; il est inutile de chercher un autre gage, personne ne doute de la sûreté de cette hypothèque. La responsabilité des ministres dispense l'Assemblée de surveiller l'emploi des finances.
On demande de toutes parts que la discussion soit fermée, et que le projet soit mis aux voix.
, député de Nantes, dit qu'il versera 30,000 livres dans l'emprunt sans intérêts.
, député du bailliage de Caux, fait la même offre. On applaudit, et on demande par acclamation que le nom de ces députés soit inscrit 6ur le procès-verbal.
veut présenter un projet de décret, il est interrompu; les cris aux voix! aux voix! l'empêchent de se faire entendre.
Les articles du projet du comité sont mis successivement aux voix.
L'article qui fixait l'intérêt à cinq pour cent avec retenue est de nouveau débattu ; on observe qu'il valait mieux prendre cette retenue dans l'intérêt même, et on a proposé de le fixer à quatre et demi pour cent sans retenue.
appuie cette observation en faisant sentir l'incertitude qu'entraîne avec lui le mot retenue ; et il ajoute que cette incertitude éloignerait beaucoup de capitalistes.
Cette observation est approuvée, et l'intérêt est fixé à quatre et demi pour cent. Voici les articles tels qu'ils ont été décrétés.
DECRIET
« L'Assemblée nationale, informée des besoins urgents de l'Etat, décrète un emprunt de 30 millions aux conditions suivantes :
« Art. 1er. L'intérêt sera à quatre et demi pour cent, sans
aucune retenue.
« II. La jouissance de l'intérêt appartiendra aux prêteurs, à commencer du jour auquel ils auront porté leurs deniers.
« IIl.Le premier payement des intérêts se fera le 1er janvier 1790, et les autres payements se feront ensuite, tous les six mois, par l'administrateur du trésor public.
« IV. Il sera délivré à chaque prêteur (1) des quittances de finances, sous son nom, avec promesse de passer contrat, conformément au modèle ci-après.
« V. Aucune quittance ne pourra être passée au-dessous de 1,000 livres. » La séance est levée.
Séance du
La séance est ouverte à 9 heures du matin par la lecture d'une ampliation de pouvoirs aux députés delà noblesse du Poitou.
, au nom du comité de rédaction, fait lecture d'un projet de décret pour le rétablissement de la tranquillité publique. Il lit ensuite la formule du serment pour les troupes.
juge convenable qu'on établisse une formule pour avertir le peuple qu'on agira contre ceux qui fomegteront et participeront à des mouvements séditieux comme contre les rebelles. Il cite le bill de mutiny publié en pareil cas en Angleterre, et il réclame l'exécution de formes semblables dans la proclamation proposée.
appuie cette proposition ; il ajoute qu'elle produit en Angleterre les effets les plus prompts pour dissiper les attroupements, puisqu'après la promulgation de cette loi cinq personnes trouvées ensemble sont arrêtées et condamnées à mort.
..... Dans diverses provinces, le peuple, non content de brûler les chartriers des seigneurs, porte ses excès jusque sur les personnes. Je propose donc d'ajouter à la proclamation que tous les habitants d'une paroisse répondront des incendies, à moins qu'ils ne prouvent que ces désordres ont été commis par des étran gers.
, La formule de serment pour les troupes, proposé par le comité, demande un examen
réfléchi. Si les troupes juraient de ne prendre les armes contre les citoyens que sur la
réquisition de l'Assemblée nationale et des ma-
. Je pense que l'arrêté proposé par le comité ne peut être pris qu'après la constitution. Je demande l'envoi et la publication de celui du 4, qui seul rétablira la tranquillité publique.
propose d'envoyer tout à la fois l'arrêté du 4 août, le décret de l'emprunt et celui proposé. Il dit que c'est le moyen de ne pas jeter le peuple dans des conjonctures dangereuses.
. Le serment proposé pour les troupes pourrait cacher quelques dangers par l'étendue de pouvoirs qu'il donnerait aux municipalités. L'influence des municipalités sur la juridiction militaire tenant à de grandes questions dont les bases ne sont pas encore posées, je demande qu'on ne s'en occupe qu'après la constitution. L'ouvrage le plus pressant est de terminer la rédaction de l'arrêté du 4 ; en y joignant ensuite les divers autres arrêtés, on fera connaître à la nation que l'Assemblée a surveillé ses intérêts.
. C'est avec la joie la plus pure que je vois s'approcher le jour de la liberté publique. Je pense qu'il est nécessaire que la constitution militaire soit liée à la constitution politique. Les municipalités ne sont pas encore établies dans les campagnes; les syndics des communautés doivent être autorisés à faire marcher les troupes sur leurs réquisitions.
Je m'étais proposé de prendre la parole pour parler de moi, pour dire que les papiers publics se sont trompés sur mon compte ; mais j'ai respecté la discussion qui occupe l'Assemblée, et jo me borne à la prier de recevoir de moi la déclaration que mes sentiments n'ont jamais varié, et que je reviens au milieu d'elle vivre ou mourir pour la patrie.
On demande à aller aux voix.
M. Je trouve deux inconvénients à la formule du serment proposé.
Le premier, que le serment devait se prêter devant le corps entier.
Le second, qu'en ajoutant: sur la réquisition des municipalités, il faut distinguer celles qui ne sont pas électives, parce que celles qui ne le sont pas sont dans la dépendance du Roi.
Quelle que soit la formule du serment que l'on fasse faire aux troupes, ce serment ne doit et ne peut jamais engager ni lier le soldat au point de le faire agir contre les devoirs de l'homme et du citoyen. Trop longtemps on a regardé le soldat comme un automate fait pour suivre simplement l'impulsion qu'on lui donne. Dans le siècle de la philosophie, dans ce siècle de lumières, où tous les devoirs de l'humanité sont connus,
le soldat doit être regardé comme un homme et comme citoyen.
Où en serions-nous, grand Dieu ! Si les gardes-françaises n'eussent pas eu assez déraison, assez de-philosophie, pour préférer les devoirs sacrés de l'homme et du citoyen aux lois rigides du code militaire ? Ils eussent fait main-basse sur leurs concitoyens; Versailles et Paris eussent été inondés de sang; la France serait aujourd'hui le théâtre d'une guerre civile d'autant plus funeste, que le despotisme aurait voulu écraser et faire trembler des êtres qui tous voulaient recouvrer leurs premiers droits, les droits imprescriptibles de la liberté.
Pourquoi donc aujourd'hui vouloir encore lier le soldat citoyen par une formule de serment qui aurait entraîné les plus grands malheurs si le soldat s'y était conformé? Et pourquoi croire lier l'officier par une formule de serment qu'il saura, quand il lui plaira, faire plier devant ses intérêts et son ambition? On peut conclure, et non sans raison, qu'un serment, n'importe la forme sous laquelle on le fait prêter, est absolument inutile. Peut-on croire en effet que l'homme méchant, que l'homme traître, se fera un scrupule de fausser son serment? Ces êtres-là, pour qui le crime a des attraits,et qui sont prêts à sacrifier le sacré et le profane à leurs intérêts particuliers, à leur passion dominante, ne seront jamais arrêtés par un serment ; au contraire, violer leur parole, trahir leur conscience, est un aiguillon de plus pour les porter à'faire le mal.
L'homme vertueux, n'importe l'état qu'il professe dans la société, se gardera bien de dépasser le but marqué par les premiers devoirs, les premiers droits de l'homme et du citoyen. Ainsi, quelque tournure que l'on donne à la formule du serment qu'on lui fera prêter, son coeur lui dira toujours, lui criera sans cesse qu'il doit rester immobile, et ne point écouter la voix impérieuse d'un scélérat qui lui commande le crime.
Le maréchal de Broglie, ce général qui a pour jamais souillé et terni les lauriers qu'il avait cueillis à la retraite de Prague, est un exemple frappant de ce que j'avance,
Trop sensé pour avoir accepté le commandement du dernier camp sans pénétrer les raisons de la cour, il est chargé et sera toujours chargé, aux yeux des générations présentes et futures, de l'exécution de la conspiration infernale formée contre la patrie.
Ce coupable général, pour sonder les dispositions de ses soldats leur rappela leur serinent ; n'avez-vous pas juré, leur dit-il, fidélité au Roi ? Je compte sur votre parole. « Nous la tiendrons, répondirent les troupes; mais sachez qu'en promettant fidélité au Roi, jamais nous n'avons entendu nous engager à nous souiller du sang de nos frères. »
Une connaissance des droits et des devoirs de l'homme, mise à la portée de tous les citoyens, bien sentie d'un chacun, vaudrait infiniment mieux que toutes les tournures et formules de serment.
L'une, en quelque façon, préviendrait le crime, en apprenant à l'homme jusqu'où il peut aller et où il doit s'arrêter. Les autres ne sont que des précautions inutiles contre l'homme subalterne, accoutumé au crime, auquel il se livre d'autant plus volontiers, qu'il voit un des chefs lui en donner l'exemple.
. La proclamation qu'on vous propose n'est point une loi générale, mais un décret provisoire retatif aux circonstances. Le serment
des troupes est indispensable dans un moment où tous les liens delà subordination paraissent rompus, où les troupes elles-mêmes pourraient devenir dangereuses. L'arrêté proposé confie la force aux personnes qui ont joui de plus de confiance, en la conférant aux Iribunaux et aux municipalités.
Si cette distinction de loi générale et de décret instantané avait été bien saisie, personne sans doute ne se serait élevé, contre le projet du comité.
. Le serment des troupes est prématuré ; je demande que la formule soit séparée des autres objets délibérés.
Cette motion est appuyée, on* demande d'aller aux voix.
sépare la formuledu serment de la proclamation proposée, qui est mise aux voix et adoptée à une grande majorité. Il consulte ensuite l'Assemblée pour savoir s'il y a lieu à délibérer sur la formule du serment
La majorité est pour l'affirmative.
fait sentir le danger qu'il y aurait à confier la puissance militaire à des officiers municipaux nommés par le Roi, dans les villes de guerre surtout, et il propose qu'elle ne soit accordée qu'aux municipalités électives.
, Vainé, s'élève contre cette restriction, et il soutient que le#décret et la formule du serment n'étant que provisoires, on ne peut se dispenser d'accorder le même droit aux officiers municipaux nommés par le Roi, parce qu'ils en ont besoin également pour maintenir la tranquillité publique, et qu'on ne peut les soupçonner de vouloir la troubler.
lit la formule du serment, ainsi qu'il l'a rédigé.
Elle est mise aux voix et adoptée*
Voici le texte entier du décret :
décret
« L'Assemblée nationale, considérant que les ennemis de la nation ayant perdu l'espoir d'empêcher, par la violence du despotisme, la régénération publique et l'établissement de la liberté, paraissent avoir conçu le projet criminel de revenir au même but par la voie du désordre et de l'anarchie; qu'entre autres moyens ils ont, à la même époque, et presque le même jour, fait semer de fausses alarmes dans les différentes provinces du royaume, et qu'en annonçant des incursions et des brigandages qui n'existaient pas, ils ont donné lieu à des excès et des crimes qui attaquent également les biens et les personnes, et qui, troublant Tordre universel de la société, méritent les peines les plus sévères; que ces hommes ont porté l'audace jusqu'à répandre de faux ordres, et même de faux édits du Roi, qui ont armé une portion de la nation contre l'autre, dans le moment même où l'Assemblée nationale portait les décrets les plus favorables à l'intérêt du peuple ;
« Considérant que, dans l'effervescence générale, les propriétés les plus sacrées, et les moissons mêmes, seul espoir du peuple en ces temps de disette, n'ont pas été respectées ;
« Considérant enfin que l'union de toutes les forces, l'influence de tous les pouvoirs, l'action de
tous les moyens et le zèle de tous les bons citoyens doivent concourir à réprimer de pareils désordres ;
« Arrête et décrète :
« Que toutes les municipalités du royaume, tant dans les villes que dans les campagnes, veilleront au maintien de la tranquillité publique; et que, sur leur simple réquisition, les milices nationales, ainsi que les maréchaussées, seront assistées des troupes, à l'effet de poursuivre et d'arrêter les perturbateurs du repos public, de quelque état qu'ils puissent être;
« Que les personnes arrêtées seront remises aux tribunaux de justice et interrogées incontinent, et que le procès leur sera fait; mais qu'il sera sursis au jugement et à l'exécution à l'égard de ceux qui seront prévenus d'être les auteurs de fausses alarmes et les instigateurs des pillages et violences, soit sur les biens, soit sur les personnes; etque cependant copies des informations, des interrogatoires et autres procédures, seront successivement adressées à l'Assemblée nationale, afin que, sur l'examen et la comparaison des preuves rassemblées des différents lieux du royaume, elle puisse remonter à la source des désordres, et pourvoir à ce que les chefs de ces complots soient soumis à des peines exemplaires qui répriment efficacement de pareils attentats ;
« Que tous attroupements séditieux, soit dans les villes, soit dans les campagnes, môme sous prétexte de chasse, seront incontinent dissipés parles milices nationales, les maréchaussées et les troupes, sur la simple réquisition des municipalités.
« Que dans les villes et municipalités des campagnes, ainsi que dans chaque district des grandes villes, il sera dressé un rôle des hommes sans aveu, sans métier ni profession, et sans domicile constant, lesquels seront désarmés ; et que les milices nationales, les maréchaussées et les troupes veilleront particulièrement sur leur conduite ;
« Que toutes ces milices nationales prêteront serment entre les mains de leur commandant, de bien et fidèlement servir le maintien de la paix, pour la défense des citoyens, et contre les perturbateurs du repos public; et que toutes les troupes, savoir, les officiers de tout grade et soldats, prêteront serment à la nation et au Roi, chef de la nation, avec la solennité la plus auguste.
« Que les soldats jureront, en présence du régiment entier souslesarmes, de ne jamais abandonner leurs drapeaux, d'être fidèles à la nation, au Roi et à la loi, et de se conformer aux règles de la discipline militaire;
c Que les officiers jureront, à la tête de leurs pes, en présence des officiers municipaux, de rester fidèles à la nation, au Roi et à la toi, et de ne jamais employer ceux qui seront sous leurs ordres contre les citoyens, si ce n'est sur la réquisition des officiers civils ou municipaux, laquelle réquisition sera toujours lue aux troupes assemblées (1) ;
« Que les curés des villes et des campagnes feront lecture du présent arrêté à leurs
paroissiens réunis dans l'église, et qu'ils emploieront, avec tout le zèle dont ils ont
constamment donné des preuves, l'influence de leur ministère, pour rétablir la paix et la
tranquillité publique, et pour ra-
Sa Majesté sera suppliée de donner les ordres nécessaires pour la pleine et entière exécution de ce décret, lequel sera adressé à toutes les villes, municipalités et paroisses du royaume, ainsi qu'aux tribunaux, pour y être lu, publié, affiché et inscrit dans les registres.
On est revenu à la discussion sur les articles de la rédaction de Varrêté du 4, relatif à Vabolition des privilèges.
, qui n'avait pas assisté à la séance du 4 août, demande a faire quelques observations sur les articles relatifs à la féodalité; il obtient la parole.
M. le marquis de Thiboutot. Je ne saurais admettre, Messieurs, pour l'intérêt de mes commettants, la rédaction de l'arrêté qui se trouve dans ce moment-ci soumis à votre jugement.
Elle semble annoncer à l'ordre de la noblesse la suppression de ses droits féodaux. C'est sur ces droits qu'est fondée l'existence des fiefs; c'est sur l'existence des fiefs que son fondées les distinctions de la noblesse, et je ne crois pas, Messieurs, qu'après le sacrifice volontaire qu'elle a fait de ses privilèges pécuniaires, vous vouliez la dépouiller de ses privilèges honorifiques.
Vous n'ignorez pas que son intention n'est pas de s'en dépouiller elle-même; et comme il n'est point de Français qui n'ait eu dans ce moment-ci les yeux ouverts sur elle, il n'en est point aussi qui ne sache qu'autant elle a misd'empressement à se soumettre à l'égalité de l'impôt, autant elle a cru pouvoir exiger de fermeté de ses représentants pour la défense des distinctions qui la caractérisent, et qu'elle croit nécessaires à conserver dans une monarchie.
Vous ne pourriez donc regarder l'abandon qu'en ont fait hier quelques-uns des députés comme son propre vœu. L'empressemeut avec lequel ils l'ont fait doit même vous prouver qu'ils n'en ont point envisagé les conséquences, et vous devez être d'autant moins étonnés qu'ils ne les aient point envisagées, qu'il n'était question de cet objet, si intéressant pour leurs commettants, que comme d'un objet accessoire et secondaire de votre arrêté.
Les premiers mouvements de l'homme, Messieurs, sont sans doute pour la nature ; mais les seconds chez lui, doivent être pour la raison. Il est dans la nature de tout gentilhomme fran-v çais de ne plaindre aucun sacrifice pour l'intérêt de sa patrie ; mais il est de la raison et du devoir de ceux mêmes d'entre eux qui auraient oublié hier le vœu de leurs commettants, pour ne s'occuper que du leur, d'exprimer aujourd'hui ce vœu, de se conformer aux in tentions bien connues de leur ordre, et de défendre de tout leur pouvoir sa propriété honorifique.
On vous a présenté, Messieurs, les droits féodaux comme nuisibles à l'agriculture ; mais est-il un état, est-il même une république où l'agriculture soit aussi florissante qu'elle l'est en Angleterre? Et les seigneurs de terres ne jouissent-ils pas en Angleterre de presque tous les droits dont les anciens seigneurs normands jouissaient en ' Normandie, lorsqu'ils ont conquis ce royaume, et qu'ils y ont apporté les lois de leur pays?
On vous a proposé de supprimer sans indemnité les corvées qui se trouvent encore dues aux propriétaires de quelques terres par les habitants des campagnes, et on a voulu vous faire envisa-
ger ces corvées comme des restes de l'ancienne servitude de la.France. Mais ne sont-elles donc pas, Messieurs, ainsi que tous les droits des seigneurs, le produit de la cession qu'ils ont faite de la plus grande partie de leurs terres à ceux qui n'en avaient pas ? Cette cession à bail perpétuel, connue sous le nom d'inféodation, ne doit-elle pas être, par la nature des choses, soumise aux mêmes lois que (Telles faites à bail emphytéotique ou à bail de neuf et sept ans ? Et s'il a toujours été permis d'exiger des corvées des particuliers auxquels on a cédé, par bail à terme, le profit qu'on pouvait faire sur ses. terres, n'a-t-il pas toujours dû l'être aussi d'en exiger de ceux auxquels on a cédé pour un temps indéfini le même profit?
Vous savez, Messieurs, qu'il n'existe pas plus de charges sans bénéfices, que de bénéfices sans charges. Vous savez qu'on n'a jamais conclu ni accepté de marché, que lorsqu'on a trouvé plus d'avantage que de désavantage à le conclure ou à l'accepter.
Vous avez déjà fait connaître l'esprit d'équité qui vous anime, en consacrant les droits de propriété, et en adoptant pour base ou pour premier principe de la constitution française, que tout citoyen avait un droit égal à la justice de la société. Les gentilshommes, Messieurs, sont de3 citoyens. il n'est aucun de leurs droits fépdaux qui ne soit le prix du droit sacré de propriété qu'ils avaient sur les terres qu'ih ont inféodées. Il n'eu est donc aucun dont il nef dût leur être tenu compte, si l'intérêt public pouvait en exiger le sacrifice.
Je ne doute pas d'ailleurs, Messieurs, que vous ne pesiez dans votre sagesse si les mœurs des habitants des campagnes, si le commerce même, n'auraient pas à perdre infiniment à la permission qu'il vous a été proposé d'accorder à chaque cultivateur, de détruire dans tous les temps toute espèce de gibier sur ses terres.
Il vous a encore été proposé de porter au denier trente l'estimation de la valeur de tous ceux des droits de ces terres dont on croyait que les seigneurs ne pouvaient êtreprivéssansindemnité.
Je dois vous prier de considérer que le plus grand nombre des rentes seigneuriales se trouve déjà réduit à la quatre-vingt-seizième partie de leur valeur, parce que le plus ^rand nombre des seigneurs a autrefois consenti à en recevoir le payement en argent, et que celles de ces rentes qui se perçoivent en argent ne leur produisent conséquemment plus aujourd'hui que 5 sous au lieu d'un louis, que 125 livres au lieu de 12,000 livres, et que 1,000 écus au lieu de 288,000 livres qu'elles devraient leur produire.
Je dois opposer aux reproches que j'ai entendu faire en général au contrat féodal, dans cette auguste Assemblée, ce qu'en pensait, il y a quelques années, un des plus célèbres jurisconsultes du siècle.
11 n'est point, disait-il, de contrat plus favorable au débiteur. Il est le seul dont on puisse abandonner l'effet sans donner contre soi un droit de recours et d'indemnité, lorsqu'on se trouvé trop grevé. Il est assujetti à une forme et à des lois particulières, pour la contrainte des redevables, qui tendent également à diminuer pour eux les frais de justice, et à alléger leur sort.
Dans le plus grand nombre de provinces du royaume, les lois protègent le vassal et restreignent la liberté que le seigneur pourrait avoir d'abuser de ses droits. Des titres authentiques,
une possession constante, peuvent seuls lui en procurer l'exercice, et souvent il ne jouit pas, pour ses redevances, des privilèges que la loi accorde à son vassal pour les siennes. Dans les basses justices, il ne peut demander que trois années de ses rentes; et il semble que le contrat soit tout à l'avantage du vassal, puisqu'il contient en sa faveur une condition dont la réciprocité devrait être la base, et dont cependant le seigneur se trouve privé.
11 résulte, Messieurs, de toutes les observations que j'ai pris la liberté de vous faire: 1° qu'il n'existe plus, au moins généralement en France, de droits féodaux qu'on puisse regarder comme injustes ou comme oppressifs; qu'il n'en est aucun qui ne représente celui de l'ancienne propriété des seigneurs sur les terres qui y sont sujettes; qu'il n'en est aucun qui n'appartienne à des citoyens; et que, comme l'a très-bien dit une des déclarations des droits de l'homme remises à nos bureaux, nul citoyen ne peut être privé, même pour le bien public, d'aucune de ses propriétés, que sous la condition d'en être payé, d'abord à raison de la plus grande valeur à laquelle elle puisse être estimée et, de plus, avec un surcroît dont la proportion doit être fixée par la loi, pour indemniser le propriétaire de ce qu'il ne vend pas volontairement; 2° qu'il conviendrait que la partie de l'arrêté dans laquelle il est question des droits féodaux fût rédigée en termes généraux, pour mieux remplir le but que l'Assemblée se propose, c'est-à-dire pour arrêter les entreprises des habitants des campagnes, auprès desquels on n'a pas craint sans doute, dans ce moment, d'employer les moyens les plus extraordinaires, d'abuser même du nom du Roi pour les porter à toutes sortes d'excès à l'égard de la noblesse ; mais que la misère a peut-être aussi rendus assez injustes pour croire qu'ils peuvent se libérer envers leurs seigneurs des charges attachées aux bénéfices qu'ils leur doivent sans être obligés de les racheter.
Je laisse d'ailleurs à l'équité et à l'honnêteté des communes à décider si elles auraient dû, si elles devront jamais permettre, même à des membres de la noblesse, de proposer à l'Assemblée, et surtout d'y discuter des objets sur lesquels elles ont des intérêts contraires à ceux de cet ordre. Elles sont trop justes sans doute pour vouloir être en même temps juges et parties. Et comment ne seraient-elles pas à la fois l'un et l'autre dans une délibération commune où l'on compte les voix, et où, quelle que fût la façon de penser de la noblesse, elle n'aurait jamais rien de mieux à faire que de paraître céder de bon gré ce qu'elle serait toujours obligée de céder de force, vu la prépondérance qu'elles y ont sur elle de deux voix, et peut-être même de trois contre une? Il semble qu'il vaudrait encore mieux qu'elles exigeassent d'elle, avec une franchise digne des deux ordres, le sacrifice que dans la sagesse de leur patriotisme elles jugeraient nécessaire qu'elle fît à l'intérêt du bien public. Elles ne doivent certainement pas douter qu'elle ne soit toujours portée à le préférer au sien propre.
Ce discours excite, à plusieurs reprises de violents murmures.
L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur les propositions qu'il contient.
La discussion continue sur la rédaction des décrets du 4.
Un secrétaire fait lecture de Varticle VII, relatif aux dîmes.
, curé d'Argelliers(1). Messieurs, daignez, je vous prie, m'accorder votre attention, et me permettre de soumettre à votre jugement des questions sur lesquelles j'ai réfléchi depuis longtemps, dont la solution m'a paru très-difficile et )eut, si l'on s'égare, entraîner les conséquences es plus funestes. Je sais que les richesses de 'Eglise ont été presque toujours la cause de la perte des ministres de la religion, et ont très-souvent occasionné celle de la religion chrétienne dans de grands empires. La Suède et l'Angleterre nous en ont fourni des exemples frappants. Si les évêques de Suède n'eussent pas été si puissants, le grand Gustave n'eût jamais cherché à introduire le luthéranisme dans son royaume ; et tout le monde sait que ce ne fut que pour se soustraire à la puissance formidable des évêques, qu'il prit ce parti.
Personne n ignore que notre religion toute sainte n'a pas besoin de cet appui pour se soutenir ; que la pureté de sa morale, la simplicité de ses préceptes à la portée de tout le monde, suffisent pour lui faire donner partout la préférence sur tous les autres cultes, lorsqu'elle sera connue et annoncée par des ministres qui prêcheront autant par leurs vertus que par leurs instructions, et qui pourront dire, comme le grand Apôtre: « Soyez nos imitateurs, comme je le suis de notre divin Maître. » Imitatores mei estote, sicut et ego Christi. Car qui ignore que ce sont elles (2) qui, dans tous les temps, lui ont porté les coups les plus funestes ; que ce sont elles qui ont fait entrer dans le redoutable ministère des autels une foule de sujets sans autre vocation que l'espoir d'un riche bénéfice; que ce sont les vices de ces mauvais ecclésiastiques qui, en déshonorant la religion, ont attiré sur elle et sur les di gnes ministres dont elle s'honore toute la haine des peuples et les persécutions qu'ils souffrent dans ce moment?
Je ne m'attacherai pas, Messieurs, à vous prouver que, si vos lois, quelque sages qu'elles puissent être, n'ont pas la religion pour base, elles ne tendront jamais au but que doit se proposer tout législateur. Je présume trop de vos lumières pour n'être pas persuadé que, lorsqu'il en sera question, vous ordonnerez que la religion et ses ministres soient respectés, et, ce qui est encore plus intéressant, que vous prendrez tous les moyens nécessaires pour que ces ministres se rendent respectables parleurs lumières et encore plus par leurs vertus.
Mais est-ce au clergé à faire à l'Etat l'abandon de ses biens? Est-il de l'intérêt de l'Etat de dépouiller le clergé de toute propriété quelconque, et de le salarier en argent? Ne serait-il pas plus à propos de laisser aux ministres nécessaires à la religion, et surtout aux pasteurs, des fonds d'un produit suffisant pour subvenir à leurs besoins et secourir les pauvres?
Voilà, sans doute, trois questions bien intéressantes et sur lesquelles je vous prie de me permettre de faire quelques réflexions.
Tout le monde sait que nous ne sommes qu'usufruitiers des biens que nous possédons ; que
ces biens appartiennent au clergé en général, et non à chaque individu en particulier; que la
nation a sanctionné cette propriété dans des assemblées générales ou Etats généraux ; que
tous les béné-îiciers quelconques, séculiers ou réguliers, n'ont
Tout le monde sait que si les bénéficiers sont trop multipliés, ainsi que les maisons religieuses, que si les uns et les autres ne remplissent pas leurs obligations, la nation a le droit de supprimer les bénéfices, de réunir les maisons, et d'ordonner l'emploi des revenus de la manière la plus utile à la religion et à la société, d'empêcher que l'Eglise n'acquiert de trop grands biens. C'est ainsi qu'on s'est conduit même dès les premiers siècles de l'Eglise, et quelques membres du clergé s'étant plaints des réformes à cet égard, saint Jérôme leur répondit en disant : « Je ne blâme point les empereurs d'avoir porté de pareilles lois; elles sont sages; ils le devaient; mais ce qui me fâche, c'est de voir que le clergé ait forcé les empereurs à les porter. »
Une vérité non moins constante encore, c'est que dans tous les temps de misère ou de calamité, on a pris une partie des biens de l'Eglise pour subvenir aux besoins pressants de l'Etat. Ën dernier lieu, sous Charles IX, il en fut vendu une partie; et comme les circonstances présentes sont aussi affligeantes qu'elles ont pu l'être par le passé, je crois que la nation a le droit de prendre pour subvenir à ses besoins pressants, tout ce qui n'est pas nécessaire au culte divin, àl'en-cretien des ministres et au soulagement des pauvres, auxquels ils sont spécialement destinés. Mais s'en suit-il de là que nous, comme membres du clergé, nous devions les offrir et les donner? Je ne croif pas que nous en ayons le droit, mais
2u'à l'exemple de saint Ambroise, nous devons
ire que nous ne les donnons pas, mais que nous les laissons prendre.
M. l'évêque d'Autun propose à l'Etat de s'emparer de tous les biens du clergé et d'en salarier les membres. Je me suis souvent occupé de cette question, et je vous avoue franchement que j'y ai trouvé de grandes difficultés ; je croirais qu'il serait peut-être plus à propos de donner, surtout aux pasteurs et aux maisons religieuses que vous voudrez conserver, des biens-fonds suffisants pour leur subsistance, que de leur donner de l'argent; et voici mes raisons que je vous prie de peser dans votre sagesse: vous trouverez toujours dans la suppression des dîmes et la vente des maisons supprimées de grandes ressources pour l'Etat. Si vous payez en argent les ministres, il faudra prélever cette somme sur la totalité des contribuables, et tout le monde sait que si le pauvre a déjà beaucoup de peine à payer l'impôt, il payera bien plus difficilement encore, lorsqu'il sera surchargé de l'impôt qui sera surajouté pour le service divin. Et qu'on ne dise pas que, cet impôt étant moindre que la dime, il aimera mieux le payer que de payer la dîme. Non, Messieurs; ce serait se faire illusion. Celui qui ne recueille pas assez de blé pour se nourrir toute l'année et qui est obligé de l'acheter, donnera plus volontiers une gerbe qui vaut trente sous et qu'il recueille, que quinze sous qu'il n'a pas, et qu'il ne peut se procurer qu'à lorce de travail et d'économie. 11 mangera la gerbe, et, poursuivi par le collecteur, il payera en frais plus qu'il n'aura gagné en gardant sa gerbe.
Au reste, Messieurs, ce que j'en dis ne doit pas
vous faire présumer que je regrette la dîme. Les disputes, les procès, les inimitiés qu'occasionnait sans cesse ce genre de revenu, entre le pasteur et les paroissiens, m'a toujours fait désirer sa suppression et son changement en dotation en biens-fonds que je crois plus utile et plus avantageuse à l'Eglise et à l'Etat.
vous savez tous, Messieurs, qu'il n'est presque aucun curé dans le royaume, qui ne soit étranger à sa paroisse, y en ayant très-peu qui parviennent à cette place dans le lieu même de leur naissance ; que quelque zélé que soit un curé de campagne, les fonctions du saint ministère ne l'occupent presque point dans le cours de la semaine; excepté le temps de Pâques, il n'a d'occupation que les dimanches et fêtes, et lorsqu'il a des malades. Vous savez aussi que dans le plus grand nombre de paroisses, il est le seul homme lettré et le seul par conséquent qui ait assez de lumières pour faire des expériences dans l'agriculture, l'encourager par ses leçons et ses exemples, et se rendre ainsi utile à une classe de citoyens intéressants, qui se conduisent toujours plutôt par la routine que par la réflexion.
Vous savez aussi que l'oisiveté est la mère de tous les vices et qu'il faut- nécessairement de l'occupation à un homme, sans quoi il devient à charge à lui-même et à la société; que le grand apôtre, qui doit être le modèle de tous les prêtres, s'occupait au travail des mains, dans les intervalles de liberté que lui laissait la prédication de l'Evangile, et qu'il nous a recommandé cetexer-cice comme indispensable. Omnia ostendi vobis9 quoniam sic laborantes oportet suscipere infirmos, et meminisse verbi Domini, quod dixit : Beatius est rnagis darequam accipere; que le très-grand nombre de curés qui n'ont pas de maisons de société dans leur voisinages sont presque toute l'année occupés à courir chez leurs voisins, ou à recevoir des visites; ce qui produit souvent les plus mauvais effets, occasionne des jalousies, des haines, des calomnies contre des personnes qui, pour faire du bien, dans leur état, devraient toujours être non-seulement pures, mais à l'abri de tout soupçon.
Les travaux du saint ministère ne pouvant donc occuper suffisamment un pasteur, l'étude ne lui fournissant pas non plus un moyen suffisant, et l'agriculture ayant des attraits et un avantage connus de tout le monde, j'ai toujours cru qu'il serait de la plus grande utilité et pour l'Eglise et pour -l'Etat, que les pasteurs eussent au moins la majeure partie de leur dotation en biens-fonds; car, outre qu'elle les attacherait davantage au sol, qu'ils pourraient faire des recherches et des expériences utiles à l'agriculture, cela les mettrait plus en état de secourir les pauvres dans leurs besoins... Je m'explique : tout le monde sait que les pauvres de la campagne ont plus besoin de pain que d'argent, et si le curé est obligé de l'acheter pour lui-même, il ne le donnera pas aussi facilement que s'il a recueilli le blé. Que s'il reçoit tout son revenu en argent, il sera plus tenté par l'avarice ; que si, au contraire, il recueille assez de blé pour pouvoir en vendre, il le donnera de préférence à ses paroissiens et toujours à meilleur marché qu'ils ne pourraient l'avoir au marché le plus prochain.
Vous n'entendez sans doute pas, Messieurs, donner aux propriétaires la propriété des dîmes gratuitement. Je crois que vous avez voulu soulager les pauvres, et vous le deviez; mais je crois qu'il serait ae votre sagesse d'autoriser
chaque communauté à emprunter les fonds nécessaires pour faire l'achat de ce bien et l'attri buer à l'Eglise d'une manière irrévocable.
Mais, me direz-vous, où trouver la ressource dont nous avons besoin dans le moment? Le voici : d'abord, dans la suppression actuelle de tous les bénéfices qu'on appelle vulgairement simples, et qui sont, selon moi, de vrais monstres dans l'ordre de la religion, puisqu'ils ne servent le plus souvent qu'à entretenir le luxe et la mollesse de ceux qui les possèdent, et non à l'édification de l'Eglise et au soulagement des pauvres^ et si l'Esprit-Saint a eu raison de nous dire : Qui non laborat nec manducet ; homo natus ad laborem, sicut avis ad volatum; je demande s'il n'est pas du devoir de l'Eglise et de l'Etat de réformer au plus tôt de pareils abus; d'ordonner que tous ceux qui possèdent de ces sortes de bénéfices ne jouiront désormais que de ce qui sera nécessaire pour leur nourriture et entretien, tel, comme je l'ai dit, qu'il est prescrit par les canons de l'Eglise; que le surplus de Jeurs revenus sera adjugé pour les besoins de l'Etat et qu'il sera déclaré que désormais, il n'y aura plus ni abbayes, ni prieurés simples, chapelles, etc. Que les Réguliers seront obligés de se réunir dans des fnaisons de leur Ordre, non-seulement en nombre suffisant pour faire le service divin et observer leur règle, mais autant que la Communauté pourra en nourrir vu son revenu, et ce que pourra produire leur travail, à moins qu'ils ne s'attachent particulièrement à l'étude ou à l'enseignement. Car je vous crois trop sages et trop prudents pour vouloir les séculariser; outre que vous ne pouvez pas les dégager des vœux qu'ils ont faits, il ne serait ni de votre intérêt, ni de celui de la religion et des mœurs de répandre dans la société des hommes tels que les religieux de l'ordre de Gluny, qui ont eu l'imprudence de vous donner ce qui ne leur appartenait pas, et d'y mettre comme condition la réserve d'une pension beaucoup supérieure à ce qui est dû à des êtres inutiles et même nuisibles à la société, et qu'on peut comparer à ces frelons gourmands et paresseux qui vont dévorer la substance de la sage et laborieuse abeille.
Conservez cependant les religieux utiles, il en j est, tels que ceux de la congrégation de Saint-Maur, celle de France, les ordres mendiants qui ont rendu et rendent encore de très-grands services à l'Eglise ; ils ont trop bien mérité d'elle et de la patrie, pour ne pas leur rendre la justice qui leur est due. Rappelons chacun à son devoir; que tous les hommes deviennent citoyens, que personne n'oublie qu'il se doit tout entier à Dieu et à la patrie, qu'un égoïste est un être malfaisant qu'il faut détester, s'il ne veut employer ses talents et ses moyens d'une manière utile à la société.
Ne tardons pas, Messieurs, à remettre l'ordre partout, le plus tôt possible. C'est de là
que dépend le salut de la religion et de l'Etat. J'ai appris avec le plus vif regret qu'il
venait de se faire une nomination de trois abbay,es, dont une a été donnée à un jeune homme
de vingt-deux ans (1) et cela, tandis que de respectables ministres du Seigneur ont à peine
de quoi vivre, àprès avoir bien mérité pendant cinquante-six ans de l'Eglise et delà patrie
(2).
Qu'il sera donné par le comité ecclésiastique un plan de réunion de toutes les maisons régulières de chaque ordre, afin que les religieux soient réunis en nombre suffisant pour observer leur règle dans sa rigueur;
Qu'il soit déclaré qu'ils seront tous soumis à l'ordinaire et non au pape, parce qu'il ne doit y avoir personne d'exempt de la juridiction de l'évêque dans so,n diocèse, ni de celle du curé dans sa paroisse ;
Qu'il sera ordonné que le président se retirera devers le Roi, pour le prier d'ordonner que tous les membres du clergé séculier et régulier, quels qu'ils soient, qui ne sont pas attachés à Paris par leur place, soient obligés de se retirer sur-le-champ de la capitale et de se rendre chacun dans son diocèse ;
Que tous ceux qui possèdent deux bénéfices, dont un est de la valeur de deux à trois mille livres, soient obligés, en conformité des lois de l'Eglise, de renoncer à l'un des deux; à plus forte raison ceux qui, comme personne ne l'ignore, en ont plusieurs d'un revenu immense;
Qu'il sera ordonné que la dotation des bénéfices nécessaires, tels que les évêchés, chapitres et cures, sera faite en grande partie en biens-fonds, autant que les localités pourront le permettre.
Un membre propose de laisser cet article à l'écart, parce que prononcer le remboursement des dîmes, c'est en reconnaître la légalité.
. L'intention de l'Assemblée, en prononçant le remboursement des dîmes, est sans doute d'en laisser une jouissance provisoire, jusqu'à ce qu'elle ait statué sur le traitement à faire aux ecclésiastiques.
. II faut faire une distinction entre les dîmes ecclésiastiques et les dîmes laïques; les premières sont une taxe sur les terres qui n'atteint pas les capitalistes; les secondes sont une propriété transmise d'âge en âge dans les familles; je propose de rédiger ainsi l'article :
« Toutes les dîmes ecclésiastiques de quelque nature qu'elle soient sont éteintes et supprimées. Toutes les dîmes inféodées, réputées rentes foncières, seront rachetables selon le taux et les moyens réglés par l'Assemblée. »
. Le rachat ou la faculté de la conversion des dîmes en redevances pécuniaires est un bienfait illusoire. La dîme ne mérite pas la môme faveur que les droits féodaux. Ceux-ci supposent une concession primitive de fonds dont ils sont le prix ; maisle3 fonds sujets à la dîme n'ont pas été concédés par le clergé. La dîme n'est pas un droit foncier, mais une contribution, un impôt; elle est pour le clergé ce que les deniers publics sont pour le pouvoir exécutif. La nation doit la subsistance aux ministres du culte, mais les moyens sont à sa disposition. L'article, tel qu'il est rédigé par le comité, n'est pas digne du corps législatif; c'fcst une véri-
table transaction, et l'Assemblée doit parler en législateur, et non en arbitre; je propose de re-diger ainsi l'article :
« Toutedime sera supprimée à dater du 1er janvier prochain. L'Assemblée pourvoira sans délai aux lensions à faire aux ecclésiastiques, ainsi qu'à .'indemnité de la dîme féodale. »
soutient les mêmes principes. 11 dit que la dîme n'est pas un droit foncier, qu'elle ne s'arrérage pas, qu'elle est due par les fruits; en un mot, qu'elle est une contribution pour les ministres du culte et pour son entretien.
, député de Besançon(1). Messieurs, le Seigneur a fait une loi aux ministres de l'Eglise, d'être entièrement détachés des biens temporels et de n'attendre leur subsistance que de la charité des peuples qui leur doivent les aliments et l'entretien nécessaire (2); c'est donc un devoir imposé au peuple de contribuer à la subsistance des ministres qui travaillent pour lui (3); et ce droit à la libéralité des lidèles n'est dû qu'au travail et à l'œuvre actuelle du ministre (4).
Les curés et les pasteurs qui portent le poids de la chaleur et du jour, doivent être, sans contredit, plus favorisés dans cette libéralité ou rétribution, puisqu'elle est la récompense du travail des ministres qui desservent les paroisses (5).
Les peuples ont fourni à cette rétribution de différentes manières : dans une partie des paroisses, les peuples du district ont assigné des héritages, dont les fruits serviraient à la subsistance de leurs pasteurs; c'est ce qu'on appelle dotation de la cure, fonds de cure, etc ; dans d'autres paroisses, les peuples ont fourni, en denrées ou en argent, la rétribution de leur desserte : c'est ce qu on appelle pension ou portion congrue, con-grua pastoris sustentatio, dont le taux a baissé ou augmenté successivement, suivant les temps, la valeur de l'argent et le prix des denrées. Il est des paroisses enfin, surtout dans les campagnes, dont les peuples ont trouvé plus commode, pour le moment, de fournir à la subsistance de leurs pasteurs, en leur donnant une portion des fruits de leurs récoltes : portion plus ou moins considérable, suivant les districts ou l'attachement des peuples à leurs pasteurs, la dixième partie, la clouxième, etc. Ce mode de rétribution est nommé dîme ou décime (décima, qui dérive du mot décimer), parce qu'en effet il diminue les fruits de la récolte du cultivateur, en proportion de ce que le ministre en retranche: dans certaines paroisses encore, les peuples donnent des mesures de grains ou autres denrées, des veaux, des chevreaux, des agneaux à leurs curés, pour concourir à leur subsistance et à leurs besoins. Ces maximes et ces points de fait sont incontestables.
Il s'en suit bien clairement que les ecclésiastiques ne peuvent pas prétendre qu'ils soient
propriétaires de cette rétribution fournie en comestibles et choses d'usage. Contre cette
prétention chimé-
Et d'abord, la variété dans l'espèce de rétribution; ici, contribution en argent; là, contribution en fruits, denrées, animaux et autres choses servant aux besoins de la vie.
En second lieu, l'inégalité de la contribution : la dixième, la deuxième, la treizième gerbe, etc. En des paroisses, la dîme affecte la totalité des territoires; en d'autres paroisses, au contraire, la dime n'affecte que tels cantons de tels territoires, tels fonds de certains districts : des villages payent telle quotité déterminée de fruits, par ménage de paroissiens, des mesures de grains, de la vendange ou d'autres fruits suivant les différentes localités. Cette variété dans la chose décimable et l'inégalité de la contribution montrent que ce mode de fourniture aux pasteurs n'a été qu'un tribut précaire, momentané et relatif aux besoins du pasteur, chargé de la desserte et du peuple qui devait sustenter son ministre, et qui le faisait d'une manière différente suivant l'aisance et la facilité du moment et du lieu.
Troisièmement la propriété présuppose le domaine du fonds ou d'une chose certaine et existante : or, peut-on dire qu'un ecclésiastique soit le propriétaire des fonds dont les cultivateurs lui ont donné une portion des fruits pour sa subsistante ? Peut-on dire qu'un ecclésiastique soit le propriétaire du troupeau, parce qu'on lui a donné, pour son besoin ou par affection, une partie de la tondaison, ou une partie des agneaux ? Un ecclésiastique a-t-il le droit, a-t-il le pouvoir de contraindre le propriétaire d'un fonds à le cultiver, en raison de l'habitude dans laquelle est le propriétaire du fonds, de remettre à cet ecclésiastique une portion quelconque de sa récolte ? Un pasteur a-t-il le droit de forcer ses paroissiens de tenir et nourrir des troupeaux de moutons sous prétexte qu'ils lui ont donné des agneaux et de la laine? Ainsi, supposer que la contribution à la desserte des paroisses, en fruits ou de telle autre manière, la dîme en un mot, soit une propriété, c'est supposer une servitude attachée aux fonds, conséquemment abusive et à supprimer; c'est supposer une copropriété des fruits entre l'ecclésiastique qui fait la desserte de la paroisse et le propriétaire cultivateur du fonds, suppositions évidemment absurdes.
Qu'est-ce donc? Et comment nommer l'habitude dans laquelle sont les peuples, dans plusieurs districts, de fournir en denrées à la subsistance des ministres et l'habitude où sont ceux-ci, de recevoir de la sorte, la rétribution de leur desserte? La réponse est facile: en effet, cette contribution, ne pouvant être convertie en une propriété ou possession inhérente aux fonctions pastorales, n'est autre chose que la manière volontaire, le mode que les paroissiens de ces districts ont choisi, dans le principe, pour leur facilité, à l'effet de fournir à leurs pasteurs la subsistance due au travail de leur desserte. Dès lors les contribuables trouvant le mode qu'ils avaient choisi trop gênant ou trop onéreux, sans contredit, il leur est libre de s'acquitter par une autre voie, de l'obligation de sustenter leurs pasteurs : il ne faut en cela que changer le mode de la prestation, et l'Assemblée nationale doit d'autant plus volontiers abolir celui de la fourniture en grains ou autres fruits que ce mode étant infiniment plus accablant pour les cultivateurs, cette classe utile de citoyens de l'Etat est la plus digne sans doute de protection et de soulagement. Une raison décisive, c'est que les pasteurs ont
la faculté de renoncer à la dîme, d'en faire l'a- j et de semence, dont il a fait l'avance. Pour se
bandon et d'obtenir en place la rétribution de procurer de l'engrais et labourer ses champs, le
leur desserte eit argent, si cela convient davan- cultivateur est obligé d'acheter, soigner et nour-
tage à leurs arrangements ou à leurs intérêts. Eh rir du bétail dont la perte le ruine souvent :
quoi 1 le cultivateur serait-il donc le seul privé quatre autres gerbes qui forment un second tiers,
de la voie qui lui serait la plus facile pour sa sont aussi déduites pour les frais de culture, la
libération? Ce système est contre toutes les règles nourriture du cultivateur, de sa famille, des ou-
et contre toute justice. vriers qu'il emploie, des animaux qu'il nourrit,
N'est-ce pas une absurdité également cho- l'hébergeage des denrées, etc. Il ne reste que
quante, de dire que les habitants des campagnes, l'autre tiers, en raison de la propriété du fonds,
loin de profiter de la dîme ecclésiastique, en Dans les campagnes, l'usage commun est que le
souffriraient au contraire, s'il fallait qu'ils payas- propriétaire perçoit seulement le tiers des fruits :
sent en argent la pension congrue de leurs curés ; les deux tiers restent au cultivateur pour ses
une semblable proposition ne fera pas prendre frais d'engrais, labour, semence, nourriture du
le change à une Assemblée aussi éclairée. En cultivateur et de son bétail et autres dépenses
effet, les membres du clergé, qui ont mis en nécessaires.
avant ce paradoxe, ignorent-ils donc que les gens Sur le tout, le propriétaire et le fermier cultiva-
des campagnes, ces cultivateurs précieux à l'Etat, teur payent les impôts, et supportent toutes les
connaissent à coup sûr et sauront apprécier, aussi charges qui affectent la propriété et les facultés;
bien que messieurs du clergé, ce qui sera le plus le cultivateur paye même une portion de l'impôt,
avantageux à leur position? Les gens des campa- en raison du bétail qu'il occupe au labourage ; et
gnes savent parfaitement, puisqu'ils en portent le ce n'est pas seulement sur la portion des-fruits
poids, que la plus grande partie des dîmes ecclé-, qui demeurent à la propriété du fonds, que l'ec-
siastiques, outre les fonds possédés par les ecclé- clésiastique ou son fermier lève la dîme; c'est
siastiques, se trouvent moins entre les mains des sur la totalité des fruits, sur les portions qui ser-
curés qui desservent les paroisses, qu'en celles vent d'inderhnité au cultivateur, des frais d'en-
des titulaires des grandes abbayes, des posses- grais, labour et semences, comme sur la tierce
seurs, des bénéfices opulents, ou des corps et portion des fruits qu'il cède à la propriété ; en un
communautés ecclésiastiques, également inutiles mot, c'est sur la production absolue que Vhomme
à la desserte des paroisses, puisqu'ils ne s'en à la dîme prend, sans peine et frais quelconques,
mêlent pas. C'est là le nœud véritable : c'est la dixième ou la douzième partie des fruits de
une contravention ouverte à la destination de la tout le territoire, dégagée de toute espèce de
dîme, et par conséquent un abus manifeste que charges, dépenses et fournitures; de manière que
l'Assemblée de la nation doit réformer, pour tirer dans un territoire d'un produit commun, qui don-
de l'oppression, sous le poids de laquelle ils nerait, par exemple, vingt-quatre mille mesures
gémissent depuis trop longtemps, des cultivateurs de toute espèce de grains, du poids de qua-
nécessaires à l'Etat, du découragement desquels rante livres, le décimateur emporte net, deux
la nation souffrirait sans doute, si cette classe de mille ou deux mille quatre cents mesures de
citoyens utiles était contrainte plus longtemps de grains, outre la dîme sur les vins, le chanvre et
fournir à l'engrais, à la semence, à la culture et autres fruits, sur le maïs même qui est la nour-
aux impôts qui pèsent sur eux et sur leurs fonds, riture habituelle des gens de campagne d'une
pour en remettre, surtout à des bénéflciers opu- partie des provinces du royaume. Ainsi sur plu-
lents, qui ne font rien pour la desserte des pa- sieurs territoires, en prenant le tiers du produit
roisses, une partie notable, sobre et dégagée de effectif des fonds, la dîme ruine et décourage la
toute espèce de dépense, soins et contributions: classe utile des cultivateurs, pour fournir au su-
un tribut semblable serait l'impôt le plus dur de perflu des monastères inutiles, des chapitres
l'Etat et le plus abusif. opulents, des abbayes et prieurés, dont les titu-
Voyez, Messieurs, le tableau touchant que pré- laires viveut la plupart dans l'oisiveté, et dans
sente la perception de la dîme ecclésiastique et un luxe que la religion désapprouve et con-
l'abus qui en résulte ! représentez-vous la surface damne.
d'un territoire orné des épis d'où sortent les 11 est temps que ces abus finissent. Les dîmes grains nécessaires à notre subsistance : les culti- sont presque toutes entre les mains des ecclésias-vateurs et leurs familles, souvent accompagnés tique3 qui ne font rien pour le service des pa-d'ouvriers qu'ils nourrissent et salarient, s em- roisses, qui est cependant la destination de toutes pressent, au temps de la récolte, de moissonner dîmes ecclésiastiques. A peine la huitième partie ces épis précieux. Les gerbes mises en tas par les des dîmes est-elle entre les mains des pasteurs: soins des cultivateurs, paraît le valet d'un monas- j les cures sont dotées en fonds de terre ou à portion tère, le fermier ou le préposé du fermier d'un congrue payée aux curés par les monastères, abbé, d'un prieur, enfin l'homme a la dîme: il chapitres d'autres titulaires gui profitent dans le choisit, parmi les gerbes, de dix ou de douze repos, du surplus du produit de la dîme. Les l'une ; et successivement, des gerbes prises en peuples doivent concourir aux frais de la desdifférents tas, il forme les siens, de manière que serte des paroisses, au service du culte divin, à le dixième ou le douzième des gerbes les mieux la fourniture de la subsistance de leurs pasteurs, choisies de tout le territoire se trouve confisqué En fournissant à ce tribut d'une manière conve-au profit de l'homme à la dîme. nable, les peuples salisferont à leur obligation
Il n'y eut jamais d'impôt qui pesât davantage primitive et tout rentrera dans l'ordre,
sur les peuples, surtout sur la classe la plus utile Mon opinion est donc qu'il soit décrété par
des citoyens? puisque cet impôt ou tribut est du l'Assemblée nationale que toutes dîmes ecclésias-
tiers au moins du revenu effectif des terres; la tiques et que les redevances qui en tiennent lieu,
démonstration en est facile. sous quelque dénomination qu'elles puissent être,
En supposant, en effet, la dîme au dixième qui sont et demeurent abolies et supprimées ; sauf a.
est le taux le plus ordinaire, ou au douzième, le pourvoir, d'une autre manière, à la dépense rela-
cultivateur doit prélever quatre gerbes de douze, tive au culte divin, à l'entretien convenable des
qui est le tiers, par indemnité des frais d'engrais | ministres dès autels, et autres objets qui concer-
nent la desserte des paroisses. Mais, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu par l'Assemblée nationale, il paraît juste que les curés et autres ecclésiastiques qui desservent les paroisses, continuent de percevoir les dîmes qui sont actuellement la rétribution du service pastoral.
En ce qui touche les autres dîmes, comme elles ont une cause différente, elles doivent avoir aussi un traitement différent. Le rachat en paraît juste, puisque la quotité de fruits peut être le prix d'une convention entre celui qui a donné et celui qui a reçu le fonds. C'est dans l'exécution, lorsqu'il s'agira de terminer la valeur du rachat de cette autre espèce de dîmes, que l'Assemblée nationaleaura égardaux frais d'engrais, semences, culture et impôts, pour régler la valeur du rachat, proportionnellement aux charges qui affectent le fonds et son produit.
regarde l'établissement des dîmes en faveur du clergé comme sacré ; il cherche à le prouver par une discussion très-savante, et conclut à ce que la dîme soit rachetée, que le prix du rachat soit placé solidement pour l'intérêt des ministres et des pauvres.
, curé, demande que la discussion de l'article ne se borne pas à la rédaction. 11 dit qu'en supprimant les dîmes on ôtait aux pasteurs les moyens de secourir les pauvres ; qu'une telle suppression éloignera les jeunes gens du ministère des autels. Il représente que l'article ne pourvoit pas au dédommagement qui est nécessairement dû aux patrons, soit laïques, soit ecclésiastiques, qui vont être réduits à l'indigence.
, curé, et quelques autres, rappellent que les deux tiers des habitants des campagnes souhaitent que les dîmes soient perçues en nature, que cette perception facilite les secours que ls curés donnent à leurs paroissiens, qui préfèrent les recevoir en denrées plutôt qu'en argent.
, évêque de Dijon. La postérité n'apprendra pas sans élon-nement que l'Assemblée nationale a eu la force et le courage de supprimer en peu d'instants tout ce qui était évidemment contraire à la félicité publique.
Si le sacrifice des dîmes pouvait encore y cofttribuer, le clergé se féliciterait de l'avoir consenti ; mais cette question, sous bien des rapports, demande qu'on en fasse l'objet d'une discussion sérieuse et réfléchie. Si cependant l'Assemblée juge qu'elle doit convertir les dîmes en une prestation pécuniaire qui ne serait pas sans danger, je demande qu'elle ne permette pas des remboursements partiels qui nuiraient au remplacement, et que les capitaux qui en proviendraient soient placés en fonds de terre sans droits d'amortissement ; car je pense qu'il est de l'intérêt de l'Etat, de celui de la religion, et même de celui de l'Assemblée, que l'église ne soit pas sans propriétés.
dit que la rédaction est vicieuse : il propose d'en supprimer comme inutile le mot inféodées ; d'ordonner que le remplacement en soit fait en biens-fonds, et de ne pas permettre de rachat partiel. Il ajoute que les curés, attachés à leurs propriétés, instruits de l'agriculture, trouveront, dans cette disposition, des
moyens plus aisés d'économie, et plus de facilité à secourir leurs paroissiens.
, évtêque de Langres. Le décret de la nuit du 4 a prononcé le remboursement ; on ne peut donc revenir contre ce qui est décrété. La dîme ecclésiastique^est une propriété sacrée, autorisée p a r l a loi et. par tous les Etats généraux. Si elle est abusive, pourquoi les dîmes laïques ne le sont-elles pas ? Si elles le sont, pourquoi seraient-elles toutes remboursées ? Les ecclésiastiques sont-ils propriétaires, ou la nation l'est-elle ? A qui les.dîmes ont-elles été données ? est-ce à la nation ? Non, sans doute ; elles n'ont été données ni à la nation ni par elle. (11 s'élève des murmures dans divers côtés de la salle ; plusieurs voix crient à l'ordre!) L'orateur reprend. En les supprimant, à qui appartiendront-elles ? A la nation. Mais une nation n'a qu'une existence morale, elle n'est pas susceptible de propriété. Pour savoir de quelle utilité sont les possesseurs ecclésiastiques, il faudrait savoir de quelle utilité sont les ministres du seigneur, les corps religieux, les évêques, etc. Après une longue et profonde discussion, souvent interrompue par des murmures et par des cris à l'ordre ! à l'ordre ! l'orateur a conclu à ce que les dîmes ecclésiastiques fussent déclarées rachetables, ainsi que les dîmes inféodées ; que le rachat ne pût en être fait que par les communautés, et que l'emploi du prix en provenant fût fait par les bénéficiers.
. Je crois devoir combattre le préopinant. Sur la tête des particuliers, les dîmes, comme les autres redevances, avaient pu devenir des propriétés, parce que les particuliers qui avaient pu les vendre, les transmettre à leurs héritiers, leur avaient imprimé tous les caractères de la propriété ; mais dans les mains du clergé, qui n'a jamais vendu ni transmis en succession, les dîmes n'ont jamais pu se revêtir du même caractère.
Je conclus à ce que : 1° les dîmes soient entièrement supprimées, sauf à aviser aux moyens de pourvoir à la dépense du culte divin et à l'entretien des ministres des autels, et qu'en attendant elles soient perçues en la manière accoutumée ;
2° Quant aux dîmes inféodées, qu'elles soient déclarées rachetables en la forme qui sera déterminée par l'Assemblée nationale ;
3° Que néanmoins le prix des dîmes et droits féodaux des ecclésiastiques soit employé d'après des lois relatives à l'aliénation des biens de l'Eglise.
(Ce discours est vivement applaudi.)
. Le préopinant a si bien discuté la matière des dîmes, il en a tellement posé les principes, qu'il n'y a presque rien à ajouter. Je voudrais cependant rendre plus sensible encore qu'il ne l'a fait combien l'article VII, de la rédaction duquel vous êtes occupés, exprime mal vos intentions.
Vous n'avez pas pu, je le soutiens, Messieurs, statuer ce que semble dire cet article, savoir : que la dîme serait représentée par une somme d'argent toute pareille ; car elle est si excessivement oppressive, que nous ne pourrions, sans trahir nos plus saints devoirs, la laisser subsister, soit en nature, soit dans un équivalent pro-
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proportionnel ; il me sera facile de le démontrer en deux mots.,
Supposons le produit d'une terre quelconque à douze gerbes..................12
Les frais de culture, semences, avances, récoltes, entretien, etc., emportent au moins la moitié, ci . . . . . . .... . . 6
Les droits du roi sont évalués à Jun huitième de la récolte, ci une f gerbe et demie. ....... 1 1/2 ( y
Droits du Roi de nouveau, pour \l'année de jachère. ...... 11/2 /
Reste au cultivateur seulement trois gerbes. ...............3
Dont il donne au décimateur. .... 1
Il lui reste les deux tiers de son produit net. ................. 2
Le décimateur emporte donc le tiers de la portion nette du cultivateur.
Si à cet aperçu qui, loin d'être exagéré, porte sur une moyenne proportionnelle très-affaiblie, vous joignez les considérations d'économie politique qui peuvent servir à apprécier cet impôt, telles que la perception d'un tel revenu sans participer aux avances, ni même à tous les hasards ; l'enlèvement d'une grande portion des pailles dont chaque champ se trouve dépouillé, et qui prive par conséquent le cultivateur d'une partie considérable de ses engrais ; enfin la multiplicité des objets sur lesquels se prélève la dîme, les lins, les chanvres, les-fruits, les olives, les agneaux, quelquefois les foins, etc., vous prendrez une idée juste de ce tribut oppressif, que l'on voudrait couvrir du beau nom de propriété.
Non, Messieurs, la dîme n'est point une propriété ; la propriété ne s'entend que de celui qui peut aliéner le fonds ; et jamais le clergé ne l'a pu. L'histoire nous offre mille faits de suspension de dîmes, d'application de dîmes en faveur des seigneurs, ou à d'autres usages, et de restitution nsuite à l'Eglise ; ainsi les dîmes nront jamais été pour le clergé que dfes jouissances annuelles, de simples possessions révocables à la volonté du souverain.
Il y a plus : la dîme n'est pas même une possession, comme on l'a dit ; elle est une contribution destinée à cette partie du service public qui concerne les ministres des autels : c'est le subside avec lequel la nation salarie les officiers de morale et d'instruction.
(De violents murmures s'élèvent parmi les membres du clergé.)
J'entends, à ce mot salarier, beaucoup de murmures, et l'on dirait qu'il blesse la dignité du sacerdoce ; mais, Messieurs, il serait temps, dans celte révolution qui fait éclore tant de sentiments justes et généreux, que l'on abjurât les préjugés d'ignorance orgueilleuse qui font dédaigner les mots salaires et salariés. Je ne connais que trois manières d'exister dans la société , il faut y être mendiant, voleur ou salarié. Le propriétaire n'est lui-même que le premier des salariés. Ce que nous appelons vulgairement sa propriété n'est autre chose que le prix que lui paye la société pour les distributions qu'il est' chargé de faire aux autres individus par ses consommations et ses dépenses: les propriétaires sont les agents, les économes du corps social.
Quoi qu'il en soit, les officiers de morale et d'instruction doivent tenir sans doute une place
très-distinguée dans la hiérarchie sociale ; il leur faut de la considération, afin qu'ils s'en montrent dignes ; du respect même, afin qu'ils s'efforcent toujours davantage d'en mériter ; il leur faut de l'aisance, pour qu'ils puissent être bienfaisants. Il est juste et convenable qu'ils soient dotés d'une manière conforme à la dignité de leur ministère p et à l'importance de leurs fonctions ; mais il ne faut pas qu'ils puissent réclamer un mode pernicieux de contribution comme une propriété.
Je ne sais pourquoi on leur disputerait que la dîme est d'institution nationale : elle l'est en effet, et c'est à cause de cela même que la nation a le droit de révoquer et d'y substituer une autre institution. Si l'on n'était pas enfin parvenu à dédaigner autant qu'on le doit la frivole autorité des érudits en matière de droit naturel ou public, ie défierais de trouver à propos des dîmes, dans les capitulaires de Charlemage, le mot solverint ; c'est dederint que l'on y rencontre toujours ; mais qu'importe ? La nation abolit les dîmes ecclésiastiques, parce qu'elles sont un moyen onéreux de payer la partie du service public auquel elles sont destinées, et qu'il est facile de les remplacer d'une manière moins dispendieuse et plus égale.
Quant aux dîmes inféodées et laïques, le préopinant a tout dit. Il a bien exposé le principe que la propriété n'appartient réellement qu'à celui qui peut transmettre, et qu'on troublerait tout en remontant au travers du commerce des propriétés pour jeter des doutes sur le titre primitif.
, évêque de Perpignan, défend la dîme en nature, non pas cependant comme une propriété ecclésiastique, car il convient qu'elle est une propriété nationale, mais il la défend par des principes de religion et de morale. Il dit que la suppression des dîmes va priver de tout secours les pauvres dont le clergé prend soin ; il prie la nation de prendre en considération l'état de celte classe malheureuse. Après avoir fait sentir combien cette matière est délicate et difficile à approfondir, il demande que l'article Vil du projet d'arrêté soit laissé provisoirement tel qu'il a été décrété, et que la discussion se borne à la simple rédaction.
, évêque de Rodez, et M. Garat, le cadet, se sont présentés ensuite pour prendre la parole. Il était tard ; l'impatience de finir cette discusion s'est manifestée dans l'Assemblée. Plusieurs membres demandaient qu'elle fût fermée, et qu'on allât aux voix.
a consulté l'Assemblée par assis et levé, si la discussion serait fermée, ou si on la renverrait à Taprès-dîner.
11 a été décidé que la discussion serait continuée dans la séance de ce soir.
Là séance est levée et remise à 6 heures du soir.
Séance du lundi 10 août au soir.
, d'après l'observation qui a été faite par plusieurs membres, propose de substituer au mot prêteur, dans l'article IV du décret sur l'emprunt, le mot porteur. Ce changement est adopté sans difficulté.
On reprend la discussion sur les dîmes.
parle le premier; après un discours dans lequel il reconnaît la toute-puissance deJa nation sur la disposition des biens ecclésiastiques, il demande l'abolition de la dîme, et se réunit à l'avis ue M. Chasset.
, évêque de Rodez, parle des biens du clergé, comme étant essentiellement nécessaires au maintien de la religion et à la décence du culte, et comme une propriété des pauvres.
Mes principes sur la dîme ecclésiastique n'ont pas pu être exppsés dans cette séance. Il ne s'agissait pas de juger l'affaire au fond, mais seulement de recevoir ou rejeter la rédaction de l'article VII de l'arrêté du 4, que le comité de rédaction avait présenté dans les termes suivants:
« Les dîmes en nature, ecclésiastiques, laïques et inféodées, pourront être converties en redevances pécuniaires, et rachetables à la volonté des contribuables, selon la proportion qui sera réglée, sôit de gré à gré, soit par la loi, sauf le remploi à faire par les décimateurs, s'il y a lieu. »
Je connais aussi bien qu'un autre tous les inconvénients de la dîme, et j'aurais pu à cet égard enchérir sur tout ce qui a été dit. Mais, parce que la dîme est un véritable fléau pour l'agriculture, parce qu'il est plus nécessaire d'affranchir les terres de cette charge que de tout autre redevance, et parce qu'il est certain encore que le rachat de la dîme peut être employé plus utilement et plus également que la dîme elle-même, je n'en conclus pas qu'il faille faire présent d'environ 70,000,000 de rente aux propriétaires fonciers.
Quand le législateur exige ou reçoit des sacrifices dans une circonstance comme celle-ci, ils ne doivent pas tourner au profit des riches; 70,000,000 de rente étaient une ressource immense : elle est perdue aujourd'hui. Je dois croire que j'ai tort, puisque l'Assemblée en a jugé autrement; mais peut-être ce tort ne paraîtra-t-il pas si grave à ceux qui voudront bien m entendre.
On a comparé la dîme à un impôt: elle a très-certainement les inconvénients du plus détestable de tous les impôts; mais on se trompe, sinon sur ses effets, au moins sur son origine. Lorsque la nation, ou plutôt la loi, a parlé pour la première fois de la dîme, elle s'était déjà établie depuis plus de trois siècles; elle était différente, suivant les lieux, soit dans sa quotité, soit relativement aux espèces de produits.
Ces différences subsistent encore aujourd'hui; elles sont la suite naturelle de la manière dont la dîme s'était établie. Elle a été d'abord un don libre et volontaire de la part de quelques propriétaires. Peu à peu l'ascendant des idées religieuses l'a étendue presque partout; elle a fini par être une véritable cession, surtout par ceux qui transmettaient leurs biens; les héritiers ou les donataires les acquéraient à cette condition, et ils n'entraient dans le commerce que chargés de cette redevance. Aiusi il faut regarder la dîme comme une charge ou une redevance imposée à la terre, non par la nation, comme on le prétend sans aucune espèce de preuves, mais par le propriétaire lui-même, libre assurément de donner son bien à telles conditions qu'il lui plaisait.
Il y a plus: c'est qu'il est impossible d'imaginer comment ni quand la nation aurait pu imposer çette prétendue taxe publique. On voit seule-
ment que beaucoup de redevables, tantôt dans un lieu, tantôt dans un autre, refusaient quelquefois de l'acquitter. Alors ces contestations se terminaient, comme tous les procès, par les juges. Les premières lois connues à cet égard n'ont été que la rédaction d'usages en vigueur. Toutes nos coutumes sont dans ce cas. Elles n'ont pas même dit: la dîme sera établie; elles ont dit: c'est à tort que quelques-uns refuseraient de payer la dîme. La loi doit garantir toutes les propriétés, elle garantissait celle-là comme toutes les autres; et en vérité celle-là ne valait pas moins qu'une autre. Quand on considère avec impartialité à quelle origine on peut faire remonter toutes les propriétés, on a bien tort assurément de se montrer difficile sur l'origine des dîme3....
Quoi qu'il en soit, il suit:
1° Que la dîme ne doit point être comparée à un impôt, ou une taxe mise sur les terres, telle que les vingtièmes, par exemple; mais à une véritable redevance mise sur ses biens par le propriétaire lui-même. L'impôt n'est consenti que pour un temps; il est révocable à la volonté des représentants de la nation, au lieu que la dîme a été cédée à perpétuité par ceux mêmes qui pouvaient s'en dessaisir;
2° Par conséquent elle ne doit pas être supprimée au profit des propriétaires actuels qui d'ailleurs savent très bien qu'ils n'ont jamais acheté la dîme, et qu'elle ne saurait leur appartenir;
3° Néanmoins la dîme étant, à juste raison, placée dans la classe des propriétés légitimes à la vérité, mais nuisibles à la chose publique, il faut l'éteindre comme on éteint ces sortes de propriétés, c'est-à-dire en offrant une indemnité;
4° Le rachat doit être convenu de gré à gré entre les communautés et les décimateurs, ou réglé au taux le plus modique par l'Assemblée nationale ;
5° Enfin, les sommes provenant de ce rachat peuvent être placées de manière à ne pas manquer à l'objet primitif des dîmes, et cependant elles peuvent fournir à l'Etat des ressources infi-^ niment précieuses dans la circonstance.
C'est ainsi que j'avais conçu l'affaire des dîmes, et je conviens que je n'ai pu être de l'avis de tout le monde. Mais, pour n'en être point confus, j'ai considéré que j'étais chargé de dire mon avis, et non celui des amis ou des ennemis du clergé.
Au moment encore où j'écris, je suis étonné, affligé plus que je ne voudrais l'être, d'avoir entendu décider, « que les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sont abolies, sauf à aviser aux moyens de subvenir, etc., etc. »
J'aurais désiré qu'on eût avisé aux moyens de subvenir, etc., avant d'abolir; on ne détruit pas une ville, sauf à aviser aux moyens de la rebâtir.
J'aurais désiré qu'on n'eût pas fait un présent gratuit de plus de 70,000,000 de rente aux propriétaires actuels; mais qu'on les eût laissés racheter cette redevance comme toutes les autres, et avant les autres, s'ils la trouvent la plus onéreuse.
J'aurais désiré que par un emploi bien administré de ces rachats, on eût secouru la chose publique, en lui prêtant à trois et demi ou quatre pour cent; et l'on eût fait un fonds suffisant pour nourrir les curés, les vicaires, et tant d'autres ecclésiastiques qui vont mourir de faim, en attendant qu'on ait avisé aux moyens, etc., parce qu'il est bien difficile do conjecturer que la dîme sera payée de fait jusqu'au remplacement promis, malgré les ordres de l'Assemblée.
J'aurais désiré qu'on eût ainsi évité le besoin du remplacement annoncé. Car, si le remplacement est payé par un nouvel impôt sur la généralité des contribuables, ceux qui n'ont point de terres, il faut en convenir, ne trouveront pas très-agréable d'être chargés de la dette de messieurs les propriétaires fonciers.
Si le remplacement ne porte que sur les fonds de terre, comme tous les propriétaires ne payent pas-la dîme aux mêmes taux et sur les mêmes produits, les unsperdront, les autres gagneront à cette conversion ; et puis cette idée ressemble un peu au projet d'égaliser les dettes. Si le remplacement n'est réparti sur les propriétaires qu'à raison de ce que chacun payait déjà, était-ce bieifi la peine de rejeter le rachat que je demande?
Enfin, je cherche ce qu'on a fait pour le peuple dans cette grande opération, et je ne le trouve pas. Mais j'y vois parfaitement l'avantage des riches : il est calculé sur la proportion dés fortunes, de sorte qu'en y gagne d'autant plus qu'on est plus riche. Aussi, j'ai entendu quelqu'un remercier l'Assemblée de lui avoir donné, par son seul arrêté, 30^000 livres de rentes de plus.
Beaucoup de personnes se persuadent que c'est aux fermiers qu'on a fait le sacrifice de la dîme. C'est connaître bien peu les causes qui règlent partout le prix des baux ; en général, toute diminution d'impôt ou de charge foncière retourne au profit du propriétaire. Les gros propriétaires n'en deviendront pas plus utiles, ou n'en feront pas mieux cultiver leurs terres, parce qu'au lieu de 10, de 20,000 livres de rentes, ils en auront à l'avenir 11 ou 22.
Quant aux petits propriétaires, qui cultivent eux-mêmes les champs, ils méritent certainement plus d'intérêt. Eh bien ! il était possible de les favoriser dans le plan du rachat que je propose : il n'y avait qu'à faire dans chaque paroisse une remise sur le prix total du rachat, à J'avantage des petits cultivateurs, et proportionnellement à leur peu d'aisance. Cette opération eût été digne de la sagesse du législateur, et n'eût fait tort ni au clergé, ni à l'Etat, attendu la différence des placements.
J'ai beaucoup entendu dire qu'il fallait bien aussi que le clergé fît son offrande. J avoue que les plaisanteries qui portent sur le faible dépouillé me paraissent cruelles. Je répondrai sérieusement que tous les sacrifices qui avaitent été faits jusque-là ne frappaient pas moins sur le clergé que sur la noblesse, et sur cette partie des communes qui possède des fiels et des seigneuries. Le clergé perdait même déjà beaucoup plus que les autres, puisque lui seul avait des assemblées de corps, et une administration particulière à sacrifier.
Je n ajoute plus qu'un mot ; y a-t-il beaucoup de justice à déclarer que les dîmes inféodées qui sont de même nature, et ont les mêmes origines, soit qu'elles se trouvent dans des mains laïques ou dans des mains ecclésiastiques, sont "supprimées avec indemnité pour le laïque et sans indemnité pour l'ecclésiastique?... Ils veulent être libres, ils ne savent pas être justes.
Je ne sais, Messieurs, si quelques personnes trouveront que les observations que j'ai à vous présenter seraient mieux placées dans toute autre Douche que dans la mienne ; une plus haute considération me frappe : c'est que tout membre de l'Assemblée lui doit son opinion quand elle est juste, et qu'il la croit utile. Je dirai donc mon avis.
L'Assemblée nationale a arrêté le 4, que
la dîme était rachetable. Aujourd'hui, û s'agit de la rédaction de cet article, et l'on vous propose de prononcer que la dîme ne doit point être rachetée. Soutiendra-t-on qu'il n'y a dans ce changement qu'une différence de rédaction? Certes, une telle plaisanterie est trop léonine; elle mon. tre bien d'où part le mouvement irrégulier qui s est, depuis peu, emparé de l'Assemblée; ce mouvement que nos ennemis applaudissent en souriant, et qui peut nous conduire à notre perte. Puisqu'il faut remonter aux motifs secrets qui vous guident, et dont, sans doute, vous ne vous êtes pas rendu compte, j'oserai vous les révéler.
Si la dîme ecclésiastique est supprimée sans indemnité, ainsi qu'on vous le propose, que s'en suit-il? Que la dîme restera entre'les mains de celui qui la devait, au lieu d'aller à celui à qui elle est due.
Prenez garde, Messieurs, que l'avarice ne se masque sous l'apparence du zèle. Il n'est pas une terre qui n'ait été vendue et revendue depuis l'établissement de la dîme. Or, je vous le demande, lorsque vous achetez une terre, ne l'ache-tez-vous pas moins les redevances -dont elle est chargée, moim la dîme qu'on paye de temps immémorial? La dîme n'appartient à -aucun des propriétaires qui la payent aujourd'hui; je le répète, aucun n'a acheté, n'a acquis en propriété cette partie du revenu de son bien. Donc aucun propriétaire ne doit s'en emparer. Je me suis demandé pourquoi, au milieu de tant d'opinants qui paraissent n'annoncer que le désir du Bien public, aucun cependant n'a été au delà du bien particulier. On veut tirer la dîme des mains ecclésiastiques; pourquoi ? est-ce pour le service public? est-ce pour quelque établissement utile? Non ; c'est que le propriétaire voudrai! bien cesser delà payer : elle ne lui appartient pas ; n'importe, c'est, un débiteur qui se plaint d'avoir à payer son créancier, et ce débiteur croit avoir le droit de se faire juge dans sa propre cause.
S'il est possible encore de réveiller l'amour de la justice qui devrait n'avoir pas besoin d'être réveillé, je vous demanderai non pas s'il vous est commode, s'il vous est utile de vous emparer de la dîme, mais si c'est une injustice. Je le prouve avec évidence, en démontrant, comme je viens de le faire, que la dlme, quel que soit son sort futur, ne vous appartient pas. Si elle est supprimée dans la main du créancier, elle ne doit pas l'être pour cela dans celle du débiteur. Si elle est supprimée, ce n'est pas à vous à en profiter.
Par le prompt effet d'un enthousiasme patriotique, nous nous sommes tout à coup placés dans une situation que nous n'aurions pas osé espérer de longtemps. On doit applaudir au résultat ; mais la forme a été mauvaise; ne faisons pas dire à la France, à l'Europe, que le bien même nous le faisons mal. Nous nous trouvons étonnés de la rapidité de notre marche, effrayés presque de l'extrémité à laquelle des sentiments irréfléchis auraient pu nous conduire. Eh bien ! dans cette nuit si souvent citée, où l'on ne peut pas vous reprocher le manque de zèle, vous avez déclaré que les dîmes étaient rachetables ; vous n'avez pas cru pouvoir aller plus loin, dans le moment où vous avez cependant montré le plus de force pour marcher en avant. Aujourd hui vous ne savez plus vous contenir ; la dîme, si l'on vous en croit, ne mérite plus même d'être rachetée, elle ne doit pas même devenir une ressource pour l'Etat. Vous projetez d'en augmenter
votre fortune particulière, dans un moment où tous les autres contribuables sont menacés de voir diminuer la leur.
Il est teu ps de ie dire, Messieurs: si vous ne vous conteniez pas de rédiger vos arrêtés du 4; si vous les changez de tout en tout, comme vous prétendez le faire à l'égard de ta dîme, nul autre décret n'aura le droit de subsister: il suffira à un petit nombre d'entre nous de demander la révision de tous les articles, d'en proposer le changement. Rien n'aura été fait, et les provinces apprendront avec étonnement que nous remettons sans cesse en question les objets de nos arrêtés.
J'ose défier que I on réponde à ce raisonnement: la dîme a été déclarée rachetable; donc elle a été reconnue par l'Assemblée elle-même pour ce qu'elle est, pour une possession légitime: elle a été déclarée rachetable; donc vous ne pouvez pas la déclarer non rachetable.
Ce n'est pas ici le moment d'entrer dans une autre discussion. Si vous jugez que la dîme doive subir un autre examen sur te fond, attendons au moins, Messieurs, que l'Assemblée s'occupe des objets de législation ; alors vous conviendrez peut-être que je suis aussi sévère en cette matière que ceux qui ont la plus haute opinion des sacrifices que les corps doivent s'empresser de faire à l'intérêt général de la nation.
Mais alors je soutiendrai encore, je soutiendrai jusqu'à l'extrémité, que ces sacrifices doivent être faits à l'intérêt national, au soulagement du peuple, et non à l'intérêt particulièr des propriétaires fonciers, c'est-à-dire, en général, des classes les plus aisées de la société.
Je me borne donc à ce qui doit faire l'objet de votre délibération actuelle, et je propose l'article suivant, qui n'est que le développement de votre arrêté du 4:
Toutes dîmes seront rachetables en nature ou en argent, de gréàgré, entre les communautés et décimateurs, ou d'après le mode qui seia fixé par l'Assemblée nationale, et le prix du rachat des dîmes ecclésiastiques sera converti en revenus assurés, pour être employés, au gré de la loi, à leur véritable destination. »
( I). Messieurs, je ne réponds ni à la haine, ni à l'envie, ri aux plaisanteries de mauvais ton qui tombent sur le clergé comme sur une victime dévouée. Il est encore des hommes justes, même parmi ceux qui peuvent si aisément abuser de leur force. C'est à eux que je m'adresse.
On affirme que la nation est propriétaire des biens du clergé, parce que ces biens servent en même temps de salaire aux ecclésiastiques. L'idée la plus simple en fait de propriété est qu'un bien appartient à celui à qui il a été donné, ou qui l'a acquis. Les biens ecclésiastiques n'ont point été donnés à la nation, mais au clergé, à de certaines charges ou conditions. S'il ne refuse pas d'en remplir les charges, on ne peut pas le dépouiller.
Mais, dit-on, la nation peut décréter qu'elle n'a pas besoin de clergé. On s'attend
peut-être que je vais combattre cette idée: pas du tout; je veux, au contraire, la prouver.
Le service ecclésiastique est un service public ; le corps du clergé est un des corps
politiques dont l'ensemble forme le gouvernement. A ce titre, il existait pour la chose
Cependant, afin d'écarter toute équivoque, je remarque que la nation est propriétaire en ce sens, que tous les biens, tant des corps que des particuliers, sont dans la nation, et doivent tous contribuer à la dépense publique; mais gardons-nous de croire qu'elle soit propriétaire en ce sens, que les biens des associations ou des particuliers lui appartiennent : du moins ce n'est pas ainsi qu'on l'a entendu jusqu'à présent.
Actuellement, qu'il me soit permis de dire à ceux qui poursuivent le clergé, dans la vue de s'emparer de ses biens : les propriétés ecclésiastiques vous tentent-elles? eh bien! détruisez le corps ; attendez la mort des titulaires, et vous aurez tout. Car, très-certainement,lorsque l'usufruitier ou l'administrateur viager vient àmourir; si le propriétaire n'existe plus, ce n'est plus à lui que le fonds peut appartenir. Alors vous jugerez la question : est-ce l'Etat quidoit hériter du bénéfice, ou bien doit-il retourner à la famille du fondateur?
Tels sont les principes en cette matière. Tant que le corps du clergé ne sera point supprimé, il est seul propriétaire de ses biens: or, vous ne pouvez ravir la propriété ni des corps, ni des individus. Vous avez beau faire déclarer à l'Assemblée nationale que les biens dits ecclésiastiques appartiennent à la nation: je ne sais ce que c'est que de déclarer un fait qui n'est pas vrai. C'est à faire des lois que le corps législatif est appelé, et non à décider des faits. C'est pour réformer, pour modifier les pouvoirs publics, que la nation délègue l'exercice de son pouvoir constituant, et non pour déplacer les propriétés. Lors môme que, saisissant un moment favorable, vous feriez déclarer que les biens du Languedoc'appartienent à la Guienne, je ne conçois pas comment une simple déclaration pourrait changer la nature des droits. Je conviens seulement que si les Gascons étaient armés, et-s'ils voulaient et pouvaient, par une grande supériorité de forces, exécuter la prétendue sentence, je conviens, dis-je, seulement, qu'ils envahiraient la propriété d'àutrui. Le fait suivrait la déclaration, mais le droit ne suivrait ni l'un ni l'autre.
Le passage suivant e^t extrait d'une brochure de l'année passée : « La nation elle-même, quoique suprême législateur, ne peut m'ôler ni ma mai-
son, ni ma créance. En remontant aux principes, on rencontre la garantie de la propriété comme le but de toute législation. Gomment imaginer que le législateur puisse me la ravir? Il n'existe que pour la protéger... Ajoutons que le législateur représente la volonté commune de la nation; qu'il agit par des lois générales, jamais par des actes particuliers d'autorité. Il ne peut dépouiller les uns au profit des autres; et sa procuration, quelque étendue qu'elle soit, ne saurait l'autoriser à écraser une classe de citoyens pour soulager les autres. »
Tenons-nous en donc au principe. Tant que le clergé existera, vous ne pouvez pas en hériter. Voulez-vous ces biens ? tuez le propriétaire. Gela n'est pas bien difficile; il suffira d'un acte du pouvoir constituant, par lequel il sera décrété que la nation n'a plus besoin, et ne veut plus du corps politique du clergé.
Apres cette opération, il reste encore l'usufruitier titulaire; car on sait que les bénéficiers sont à titre inamovible. Les usufruitiers sont des individus physiques; on ne les tue pas de la même manière qu'un corps moral ; et puisqu'il n'est pas vraisemblable, qu'on fasse faire son procès à chaque bénéficier pour s'en défaire plus tôt, il est nécessaire autant que juste d'attendre la fin de l'usufruit, ce qui ne peut pas tarder beaucoup. En attendant, les extinctions journalières seront assez considérables pour avancer vos vues. Il me semble que cette manière d'aller à votre but est non-seulement plus justifiable en principe, mais encore elle serait d une meilleure politique; et, dans la circonstance en particulier où nous sommes, je ne sais si vous pouvez en prendre une autre, sans vous exposer à une infinité de maux tant particuliers que publics, qu'il est de votre sagesse et de votre humanité de prévenir. Il ne faut point punir cent mille ecclésiastiques d'être ecclésiastiques, puisque la loi n'avait pas dit que c'était un crime de le devenir; et, en vérité, à l'exception d'un petit nombre que le crédit ou Je hasard a trop favorisés, on peut m'en croire, le sort des autres n'est pas un sort à envier. Il faut en convenir aussi, de semblables réformes ne doivent point se brusquer, et jamais moment n'aurait été plus mal choisi pour jeter tout-à-coup dans le public de ces grands changements qui dérangent à la fois une multitude infinie de rapports, et qui sont si propres à exciter les uns contre l'intérêt des autres.
Je crois avoir suffisamment indiqué la véritable marche à suivre pour la destruction du clergé, si l'on persiste à vouloir l'anéantir. J'avoue que j'estime davantage une conduite franche, qui ne craint point d'annoncer clairement son but, parce qu'alors au moins on peut choisir entre les moyens d'y arriver, et qu'on peut attaquer la chose, sans avoir l'inhumanité d'assassiner la personne (1).
Reprenons la suite de nos premières idées.
Les biens ecclésiastiques appartenaient sans doute à ceux qui les ont donnés. Ceux qui les
ont donnés pouvaient en faire un tout autre usage#
Je passe aux motifs et à la nature des concessions faites au clergé.
La France a adopté et professe la religion catholique-romaine. S'il v a, comme l'on dit, quarante mille paroisses dans le royaume, on peut croire, en s'en tenant à deux prêtres par paroisse, qu'il en faudra près de cent mille. Il serait difficile d'apprécier leurs salaires l'un dans l'autre, à moins de 1,200 livres. Dans cette supposition, voilà déjà une somme de 120 millions, reconnue indispensable pour soutenir en France le culte établi, sans compter les frais de la chose.
Deux moyens se présentent pour acquitter cette somme : vaut-il mieux laisser les propriétés du clergé continuer la charge du service ecclésiastique, ou bien est-il plus sage, plus prudent et moins onéreux de répartir ce nouveau fardeau sur les peuples parla voie de l'impôt?
On a cru, autrefois, que le produit net d'une terre, au lieu d'être consommé inutilement par un propriétaire oisif, pouvait être chargé d'acquitter un service public. Les fiefs militaires doivent leur origine à cette idée. Les fondateurs des bénéfices, dans un temps où les idées religieuses avaient plus d'empire qu'aujourd'hui, ont voulu assurer de la même manière le service dçs autels. Ils ont, à l'envi, doté le clergé d'une partie de leurs propriétés, à telles charges ou conditions. Peut-on dire sérieusement que, par de tels actes, les fondateurs des bénéfices ont fait tort à la nation ?0nt-ils dépouillé le peuple, en le dispensant de payer un impôt de plus ?
Si des citoyens aussi zélés pour l'intérêt du peuple, dans un ordre différent, avaient fondé de même le service de la magistrature sur le produit net de quelques terres dans chaque ressort, les accuseriez-vous d'avoir chargé la nation, en rendant la justice gratuite ?
La généralité des contribuables aujourd'hui ne fournit pas moins de 140 millions pour la dépense militaire de terre et de mer. Ce service, on ne le niera pas, était autrefois à la charge des fiefs, comme le service ecclésiastique est encore à la charge des bénéfices. Si cette dépense était prise, comme autrefois, directement sur le pro auit net des fiefs, il y aurait à la vérité un moindre nombre de consommateurs libres et oisifs, mais regarderait-on ce retour à l'ancien ordre, comme un accroissement de charge pour les peuples que vous soulageriez par là de plus de 140 millions d'impôts !
Cessez donc de dire que la nation s'est dépouillée en faveur des ecclésiastiques. Les fondateurs des bénéfices sont au contraire venus à votre secours. Le produit des terres qu'ils ont léguées au service des autels, serait consommé par d'autres. 11 le serait, ou par des gens oiseux, ou par des citoyens qui ne se chargent d'un service public qu'à la condition de recevoir un nouveau salaire. Ne vaut-il pas mieux que ces propriétés, qui d'ailleurs ne sont pas moins utiles à l'Etat entre des mains ecclésiastiques, qu'entre des mains laïques, puisqu'elles payent la même contribution, soient en même temps le salaire d'une fonc-
tion publique, et deviennent ainsi une décharge réelle pour la nation, de plus de 120 millions délivrés d'impôts? Par quel étrange renversement d'idées les ecclésiastiques vous paraîtraient-ils supportables, si vous les aviez à votre charge, et ne pouvez-vous les souffrir, parce qu'ils ne sont à charge à personne? Vous les haïssez : soit ; mais je le répète, mettez-vous en évidence ; il ne tient qu'à vous qu'il n'y en ait bientôt plus.
Le clergé catholique a cela de particulier, que tout homme qui a reçu le sous-diaconat devient inhabile à tout autre état. Ce sont vos lois qui l'exigent ainsi. Hâtez-vous donc d 'avertir les pères de famille de ne plus destiner leurs enfants à un état qui est proscrit dans le fond de vos cœurs. Défendez à vos évêques de recevoir ceux qui, dans l'ignorance de vos vues, pourraient se présenter à l'ordination ; car votre loi est atroce, si elle ouvre un état aux citoyens, et qu'ensuite elle leur fasse un crime d'y être entrés. Que si l'habit d'un ecclésiastique vous le rend si odieux, que ce soit une jouissance pour vous de lui tendre des pièges, souvenez-vous au moins, qu'avant de le prendre, cet habit, votre compatriote était comme vous, qu'il vous ressemblait entièrement; prévenez-le au moins de ne pas s'exposer aux malheurs que vous lui préparez.
Les gens à préjugés m'ont blâmé d'attaquer les privilèges : aujourd'hui ils me blâment de défendre la propriété. Ainsi, tout homme qui se tient avec fermeté sur la ligne des principes e?t sûr de déplaire à ceux qui s'en écartent, soit d'un côté, soit de l'autre. Je ne doute pas le moins du monde que ceux qui poursuivent avec tant d'acharnement le clergé du dix-huitième siècle n'eussent été les premiers à flatter superstitieusement celui du douzième': le même principe les guide; ils servent le préjugé régnant.
Je n'adopterai point la maxime qu'il faut écraser le faible, et caresser les pieds du fort. Tout citoyen digne d'être libre (et c'est un grand malheur que tout le monde ne le soit pas) n'est aux pieds de personne, et il n'opprime personne. Plus on a une haute opinion de ses droits, plus on respecte les droits d'autrui. Comment pourriez-vous être libres, si vous ne savez pas être justes ?
Je vais considérer les biens des ecclésiastiques sous un autre point de vue. Tout homme qui aura réfléchi sur les différentes sortes de superstitions et d'intolérances qui régnent successivement dans la société s'étonnera moins de l'inexprimable confusion d'idées qui obscurcit aujourd'hui toutes les questions relatives au clergé ; et il plaindra peut-être ceux qui, placés sur les confins de toutes les intolérances, sont destinés à être les victimes de toutes, sans espoir de trouver un abri auprès de la raison et des principes de justice qu'ils réclament en vain.
On ne veut pas voir que les biens de nos prédécesseurs, c'est-à-dire des Français qui ont vécu dans les siècles passés, pouvaient se transmettre jusqu'à nous de deux manières : ou par la voie ordinaire et légale de l'hérédité; ou par une voie tout aussi légale et peut-être plus sage, celle de l'élection. Je m'éxplique:
Un citoyen riche, maître de disposer de son bien, fait son testament et dit: Je veux laisser mes biens à mes enfants ; mais je ne les connais pas. D'ailleurs, je ne veux pas que mes enfants, parce qu'ils auront de quoi vivre, restent inutiles à la chose publique. Je prie donc le peuple ou le magistrat de nommer lui-même aux différentes parties de mes propriétés, suivant la qualité etla mesure du service public que mes descendants se rendront capables d'acquitter.
Au milieu des coutumes ridicules et barbares dans lesquelles nous avons vécu, il est résulté deux bons effets de cette manière de transmettre son bien par élection plutôt que par la loi commune de l'hérédité. Le premier a été, comme je viens de le dire, d'obliger à être utiles ceux qui ont voulu prendre part à leur patrimoine ; le second, de soustraire au moins une partie des biens de nos aïeux au dévorant droit d'aînesse. On ne niera pa3 sans doute que ces biens ecclésiastiques, tant enviés, n'aient été le partage de ces puînés, à qui d'indignss lois ou de sots préjugés ravissaient leur héritage direct. Une partie de la propriété de nos pères est donc ainsi parvenue, sous une sorte de garde publique, à ceux de leurs enfants que le préjugé déshéritait, mais que leurs services réhabilitaient dans leur patrimoine.
Ce mode d'hérédité n'est peut-être pas si ridicule I et je ne vois pas, surtout, qu'il soit taché d'un grand vice, à cause précisément de la condition qui exige, dans le candidat, des talents ou des vertus pour être habile à hériter. Cependant, telle est cette haine aveugle et jalouse dont je ne cesse de parler, parce que je ne cesse d'en rencontrer des r preuves, qu'on pardonnerait plutôt aux ecclésiastiques la possession des biens de leurs pères, s'il n'étaient chargés d'aucun service public.
Ou plutôt, puisqu'il faut le dire, on s'accoutume à regarder le clergé comme une horde étrangère et ennemie, tombée de je ne sais où, et qui ne tiendrait par aucun lien aux fondateurs des bénéfices. 11 semble qu'en changeant d'habit ou d'état on ait cessé d'être les enfants des hommes qui vivaient autrefois. Cette liliation, seul titre sur lequel on fonde tant de réclamations, tant de plaintes, les laïques croient bonnement qu'eux seuls la possèdeut. Ils vous parlent sana cesse de leurs ancêtres, et jamais des vôtres ; et parce qu'ils ont hérité gratuitement de la presque totalité de leurs biens, ils en déduisent qu'à eux seuls aussi devrait appartenir le patrimoine ecclésiastique, que nous considérons, dans ce moment, comme l'héritage des puînés. Tels sont les sentiments généreux dont 1 expression nous frappe presque à chaque instant. Cruelle position, que d'être toujours en butte à.des hommes passionnés, dont pas un pourtant ne voudrait être à votre place, aux mêmes conditions qui vous l'ont acquise : car je ne parle pas cle quelques abbés inutiles, favorisés par d'heureuses circonstances, que la moindre réforme ferait disparaître pour jamais.
Lorsque j'entends les laïques se livrer à une chaleur extrême contre les biens ecclésiastiques, je me demande toujours : A qui donc en veulent-ils? Prétendent-ils dépouiller ceux qui possèdent? Ils disent que non; ils conviennent qu'il faut attendre leur mort. En ce cas, qui dépouilleront-ils, si ce n'est leur propre postérité? Est-ce que les biens ecclésiastiques peuvent passer à d'autres qu'aux enfants des laïques? Que»veulent-ils donc ? ôter à leurs enfants par jalousie contre leurs frères.
Sans doute, une partie des biens ecclésiastiques peut recevoir uu meilleur emploi, puisque ces biens sont non-seulement une propriété, mais encore un salaire. La loi conserve uu grand empire sur la latitude des fonctions ainsi salariées; elle peut, sans violer la propriété, lui indiquer sa plus véritable destination. Soué ce point de vue, rien n'est plus intéressant pour la nation qu'une
réforme utile à laquelle on ne peut pas douter que toute la partie saine du clergé ne se prêtât avec zèle.
Outre la direction de l'emploi, conformément à l'esprit des fondations et à l'intérêt public, j'attribue encore à la loi le choix des propriétés, qui, pouvant choquer l'intérêt général, peuvent mériter d'être éteintes moyennant indemnité. Mais cette règle est générale pour toutes les classes de la société. Toutes les fois qu'une propriété quelconque est jugée nuisible à la chose publique, elle doit être supprimée, avec dédommagement pour le propriétaire, soit de gré à gré, soit d'après une règle fixée par la loi elle-même. La dîme, par exemple, que je regarde comme la prestation territoriale la plus onéreuse et la plus incommode pour l'agriculture, peut et doit être rachetée, ainsi qu'on vient de le proposer dans la séance du 4 août. Mais, quand on conserve quelque idée de justice et de logique, on ne conclura pas de toutes ces vérités, que les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation et non au clergé, et qu'on peut les lui enlever, en se contentant de lui assigner, n'importe comment, des salaires convenables. Le clergé possède en propriété les biens qui lui ont été donnés en propriété ; ces biens sont grevés d'une prestation de services ; c'est une charge de la fondation ; il faut qu'elle soit acquittée. Quelle est la propriété qui n'a pas été soumise à quelque charge? Serait-ce une raison pour qu'un bien ainsi transmis ne pût pas être une propriété? A-t-on jamais permis à celui en faveur de qui une redevance a été imposée d'expulser le propriétaire et de s'emparer du bien ? A cet égard, j'ai suffisamment indiqué les principes. Je le répète : tant que le propriétaire existe, vous ne pouvez que surveiller et diriger fe service auquel il est tenu ; ou si une partie de sa propriété est nuisible, la supprimer avec indemnité. Si vous avez des projets sur la propriété elle-même, une autre conduite vous est ouverte.: détruisez l'association politique ou le corps moral ; attendez la mort des usufruitiers titulaires (l), car une possession viagère est aussi une propriété, et, alors, vous seuls évidemment pouvant" hériter de tous ces biens, vous en ferez ce qu'exigera l'intérêt public.
On suppose entre l'usufruit et la propriété, des différences qui font plus dans je mot que dans la chose. Qu'est-ce que l'usufruit, si ce n'est une propriété à vie? Qu'est-ce qu'une propriété à vie, si ce n'est pas un usufruit perpétuel ? Vous dites : L'usufruitier ne peut pas aliéner la terre; aussi ne demande-t-il pas à la vendre ; et puis, qu'importe cette aliénation, si la terre est bien cultivée? Le propriétaire qui ne veut pas aliéner, ressemble parfaitement à l'usufruitier qui ne le peut pas.
Les bénéfices peuvent être regardés comme des substitutions perpétuelles; on ne se plaint
pas des substitutions laïques ; et cependant, quelle dif-
J'avoue que je ne conçois rien à la plupart des raisonnements qui se font en cette matière : ou dirait que la seule expression d'usufruitier fait pitié; et l'on entend partout répéter cet étrange non-sens : comment ose-t-on comparer un usufruitier à un propriétaire? Pour moi, je ne vois pas en quoi l'usufruitier serait plus utile ou plus intéressant pour l'Etat, s'il devenait propriétaire libre; ou comment la propriété sert mieux l'Etat que l'usufruit dont il s'agit, puisque celui-ci, outre sa contribution commune, fournit encore un salaire particulier. Tout ce que j'y vois de différence n'est qu'à l'ayantage privé du propriétaire. Il est plus maître que l'usufruitier de faire, sil veut, un mauvais usage de son bien, et d'employer librement tout son temps à ses jouissances personnelles; mais cette différence n'est pas telle que le public ne puisse se dispenser de la reconnaissance.
On ajoute, en se fâchant, qu'il est ridicule de comparer un célibataire à un père de famille. Je ne compare rien ; mais, avant de considérer la qualité de célibataire dans l'officier chargé d'une fonction publique quelconque, je remarque que tout homme voué à un service public, mérite, s'il le remplit dignement, non pas le courroux ou le dédain, mais l'estime et l?t reconnaissance de la part des citoyens, qui n'ont à songer qu'à leurs intérêts particuliers ; je remarque surtout, que ce sentiment n'est pas juste, qui porte ces d'erniers à se croire une grande et méritoire supériorité sur ceux qui veillent à l'utilité commune. Après cela, je demande si l'on veut considérer le célibat ecclésiastique comme un bien ou comme un mal pour la chose publique. Si c'est un bien, il n'y a plus de reproche à faire. Si c'est un mal, à qui la faute? Pourquoi, dans votre ordinaire et brillante impartialité, n'osez-vous pas condamner le célibataire laïque, libre pourtant d'accepter le lien du mariage, tandis que vous couvrez d'une critique amère le célibataire forcé? Ainsi se conduirait le législateur, s'il voyait avec indifférence toute fainéantise chez celui qui a , l'usage de ses bras, et s'il voulait punir de son oisiveté celui-là seulement qu'il a commencé par garrotter de chaînes. Ils veulent être libres, et ils ne savent pas être justes !
Le titre de père de famille est respectable, sans doute; mais combien j'ai vu d'hommesintrigants, ambitieux, n'invoquer qu'en faveur d'une basse cupidité, et d'une lâcheté réelle, l'intérêt que Von porte à cette qualité! Certes, il n'est pas très-commun encore que les citoyens se marient par patriotisme et pour le bien del'Etat.Les vues par-
ticulières, l'intérêt personnel sont bien pour quelque chose dans ces sortes d'arrangements; et celui qui a le plaisir et la peine d'élever ses enfants, n'a pas tout à fait le droit d'envier celui surtout à qui telle fonction publique et les lois enlèvent cette possibilité.
Revenons aux propriétaires; on voit qu'il en ert de deux sortes : les propriétaires libres, et ceux qui sont chargés d'un service public.
Une opinion exagérée présente les propriétaires libres, comme la classe la plus importante de l'Etat. Il est plus exact de dire qu'ils en sont en général les citoyens les plus fortunés. Voilà ce qui les distingue des autres, et non une prétendue supériorité sur toutes les autres classes. Le grand intérêt de l'Etat réside dans les propriétés, et non dans tel ou tel propriétaire. Pour que 1rs terres soient productives, il faut de bons cultivateurs, il faut (les avances considérables. Le consommateur oisif du produit net n'est pas, quoi qu'on dise, la cause la plus essentielle de la reproduction; car le travail et les avances existeraient encore sans doute, lors même que le consommateur cesserait d'être oisif. Ce qui est important pour l'Etat, est donc que les terres soient bien culiivées, et qu'elles payent une forte imposition proportionnelle. On ne persuadera jamais à un homme capable de réfléchir qu'il y va du salut public que le produit net restant appartienne à l'homme oiseux plutôt qu'à celui qui, de plus, et à ce titre, est chargé d'un service public quelconque. Cependant, tel est le préjugé en vigueur dans la plupart des têtes, qu'un gros propriétaire libre, et puissamment occupé de ses jouissances personnelles, se regarde bonnement comme l'être le plus important, comme l'objet précieux en faveur de qui roule toute la machine politique, et pour qui doivent travailler ou s'agiter toutes les classes de citoyens qu'il appelle ses salariés. Que d'erreurs à corriger avant que l'on puisse avoir une bonne constitution!
Les possesseu rs des bénéfices ecclésiastiq ues son t dans la classe des propriétaires chargés d'un service public, En ce sens, ils sont encore aujourd'hui ce qu'ils ont toujours été, à la différence des possesseurs des liefs militairesqui, d'une part, ont cessé le service, et, de l'autre, se sont attribué la propriété nue et simple de leurs fiefs. Heureux dans leur usurpation, ils reprochent apparemment aux ecclésiastiques de ne les avoir pas imités; mais pourtant que serait-il arrivé, si les titulaires ecclésiastiques avaient sui vi cet exemple? 11 en serait résulté, comme nous l'avons dit, au moins cent vingt millions de plus d'impositions sur les peuples. Plus je réfléchis sur cette alternative; moins je puis trouver mauvais que le fer-vice ecclésiastique ait continué d'être à la charge des terres cédées à cet effet au clergé; et même j'oserai regretter que les dépenses militaires aient cessé d'être acquittées par cette énorme quantité de fiefs fondés en faveur d'un corps national militaire qui n'existe plus. On ne me fera jamais accroire que cette manière d'assurer les deux grands services publics fût plus onéreuse aux peuples que l'impôt doût il est presque partout accablé.
J'ai déjà prouvé que rien n'empêche un corps moral et politique de posséder, et d'être propriétaire. I/histoire et l'état actuel des sociétés humaines fourmillent d'exemples à cet égard. Si néanmoins on réussit à établir la maxime contraire, que fera-t-on des domaines des villes, des biens appartenant à cent établissements publics, comme hôpitaux, maisons d'éducation,etc.? Après des fondations aussi utiles, il serait superflu de
citer l'ordre de Malte, celui de Saint-Lazare, etc.; mais on peut demander comment on établira une exception en faveur de la nation elle-même, ce corps moral et politique qui embrasse tous les autres, et qui n'est pas plus habile à posséder que toute autre association. Certes, si le plus petit bailliage ne juge une contestation de quelques écus qu'avec poids et mesure, on peut s'étonner de l'extrême vivacité avec laquelle un corps revêtu de la fonction de législateur remue et préjuge les questions et les affairés les plus importantes dans leurs relations morales et politiques.
L'affranchissement des terres ou leur libération de toutes charges, excepté celle de l'impôt, est une des plus belles lois qu'il soit possible de faire. Mais, la première de toutes, et la plus importante sans doute, est celle qui protège toute propriété, et qui, lorsque l'intérêt de la chose publique exige l'extinction de quelque partie, ne la supprime pourtant dans les mains de son légitime possesseur, qu'en l'indemnisant de sa perte. Je ne m'explique pas pourquoi, dans l'Assemblée nationale, tant de députés se hâtent d'invoquer leurs cahiers sur une foule de détails quelquefois insignifiants, et qu'aucun, dans une circonstance assez grave cependant, ne s'avise de réclamer le premier article de tous les cahiers, qui dit : la propriété doit être sacrée et inviolable.
Avant de finir, il est bon de remarquer qu'une partie des erreurs que je combats, peut venir d'une simple inexactitude de langage. On entend dire continuellemenl que le Roi donne un bénéfice, comme on dit qu'il donne une pension, un commandement : l'expression est fausse. Le Roi ne donne point de bénéfice, il v nomme. Ce sont les propriétaires, les fondateurs qui ont donné. Les bénéfices n'appartiennent pas au Roi; il ne peut point les garder; il ne peut pas, en bonne règle, les laisser vacants, et lorsqu'il y nomme, ce n'est pas de la même manière qu'il nomme à une pension, à un emploi. 11 ne fait autre chose que de désigner celui à qui, d'après les intentions du fondateur, tel bénéfice doit appartenir pendant sa vie. Ainsi les biens du clergé peuvent être assimilés aux substitutions à perpétuité. Le choix du titulaire usufruitier n'a pas toujours appartenu au Roi. On sait comment s'est opéré le changement arrivé à cet égard; mais la nomination aux bénéfices, en changeant de main, n'a pas pour cela changé de nature : ce n'est jamais qu'un choix entre des personnes habiles d'ailleurs à posséder.
Je n'ai seulement pas le temps de relire ce que j'ai écrit. Les ennemis du clergé le pressent avec tant de vivacité, et le moment-est si favorable pour satisfaire au sentiment qui les pousse, que vraisemblablement mes observations arriveront trop tard, si l'on daigne même y faire la moindre attention. En ce cas, je me contenterai de répéter avec les gens sages : qu il est bien aisé aux Français de commettre les plus grandes injustices,' dès qu'ils se mettent à sentir au lieu de penser, et à décider les questions avant de les avoir apprises.
L'Assemblée nationale a décidé de plus, dans la nuit du 4, que la pluralité des bénéfices n'aurait plus lieu à l'avenir. Je n'ai nulle envie de rappeler sur cette question les lois déjà faites, ni d'en proposer de nouvelles, qui pourraient facilement valoir beaucoup mieux. Je ne veux que soumettre quelques observations qu'il eût été bon de prévoir avant de rien arrêter.
Les bénéfices simples, dans l'état actuel, ne peuvent être considérés que comme des récompenses
ecclésiastiques. Or, défendre la pluralité des bénéfices, n'est-ce pas dire : nous ne voulons point récompenser ceux qui travaillent; les bénéfices simples ne doivent être conférés qu'à ceux qui ne font rien? N'est-ce pas interdire à un seigneur de donner un bénéficede cent écus à son curé,.quel-qu'utile qu'il soit dans sa paroisse, quelque bien qu'il se conduise envers lui? Lorsqu'une abbaye viendra à vaquer, n'est-ce pas dire au Roi : vous cherchez un homme sans état, sans occupation pour la lui donner? Peut-on dire à celui qui possède une abbaye de 40,000 livres de rente, et qui serait très-propre pour un évêchéde 30,000 livres, vous ne pourrez devenir utile qu'en sacrifiant votre revenu? Enfin, comment approuver qu'un homme puisse posséder un bénéfice de cenf mille livres, et qu'il ne puisse pas réunir deux chapelles de cent écus?
Il n'est point de questions qui n'ait une certaine latitude. Il n'est point de changement qui n'entraîne des suites.Ne serait-il passage, n'est-il pas digne d'un corps législatif de les prévoir, et de songer aux moyens de remédier aux inconvénients, avant de rien statuer?
le jeune. Les individus et les corps tels que le clergé, ont une existence toute différente dans la société. Les individus existent par eux-mêmes; ils portent dans la société les droits qu'ils ont reçus de la nature ou qu'ils ont acquis par leur industrie; la société existe par les individus; les corps au contraire existent par la société. En les détruisant elle ne fait que retirer la vie qu'elle leur a prêtée, ce qui peut être quelquefois un grand acte de bienfaisance et pour les membres de ce corps, et pour la société tout entière. (De vifs murmures l'interrompent. On n'a pas besoin de discussion philosophique, lui disait-on d'un côté; de l'autre, on lui criait : Parlez, parlez I)
, le jeune. Les biens des particuliers et ceux du clergé nese ressemblent pas davantage; il y a entre eux des différences essentielles, et je demande que la dime soit convertie en un traitement payé par le trésor public; que pour les possesseurs actuels, la proportion du traitement soit celle du produit de leurs dîmes, et que pour leurs successeurs le traitement soit proportionné à l'étendue de leurs paroisses, d'après l'avis des administrations provinciales.
Les murmures qui interrompent l'orateur se prolongent longtemps après qu'il est descendu de la tribune.On demande à aller aux voix, mais le président ne peut pas se faire entendre. Enfin, après une longue agitation, l'Assemblée se disperse sans prendre aucune délibération. La séance est levée à onze heures et demie.
Séance du
La discussion est reprise sur Varticle 7 du projet présenté par le comité de rédaction pour l'abolition des privilèges. L'article 7 est relatif aux dîmes.
expose que la question n'est pas éclaircie, qu'elle pourrait donner lieu à de vifs débats et qu'il vaudrait mieux en renvoyer la discussion à une autre époque.
Dans la nuit du 4 août, le clergé, en consentant à la suppression des dîmes, avait entendu sans doute faire un acte de patriotisme, et accorder un bienfait au peuple; mais, si le rachat est ordonné, s'il est accordé ae la manière que te clergé le demande, quel bienfait la nation aura-t-elle retiré de la suppression des dîmes, dont le rachat sera plus greveux que la dîme elle-même?
Lorsque le clergé se levait avec tant d'ardeur pour prononcer la suppression des droits féodaux, était-ce pour élever sa puissance sur les débris des autres ordres? Ce doute si naturel ne disparaîtra que lorsque vous apprendrez au peuple ce que vous vouliez faire pour lui. Vous avez voulu sans doute soulager la nation ; vous avez entendu faire quelques sacrifices? Eh bien ! au moyen du rachat des dîmes, la nation serait surchargée; vous n'auriez fait aucun sacrifice, puisque vos revenus en seraient augmentés.
On remet dans ce moment à M. Ricard des pièces dont il demande de faire la lecturé.
Ce sont, dit-il, des actes par lesquels plusieurs curés, reconnaissant que la conversion des dîmes en argent serait plus onéreuse aux peuples, les remettent et en font abandon dans les mains de la nation.
Aussitôt plusieurs curés, qui n'avaient point connaissance de cette déclaration, se lèvent pour déclarer qu'ils y adhèrent. La déclaration est remise sur le bureau, et un grand nombre de membres du clergé s'empressent d'y. apposer leurs signatures. On compte parmi les premiers signataires M. Le Franc de Pom pignan, arche vêque d'Aix, plusieurs évêques, dom Chevreuse. M. Decoul-miers, abbé d'Abecourt, et un grand nombre de gros bénéficiers. Pendant une demi-heure le bureau est plein de membres qui vont signer leur déclaration, au milieu des applaudissements et des mouvements tumultueux de la joie de l'Assemblée et de l'auditoire.
, député des communes de Saint-Quentin, donne sa démission, dans les mains de la nation, d'un prieuré, en disant qu'il s'en remet à sa justice pour un traitement; attendu, quoi qu'en dise M. de Mirabeau, qu'il est trop vieux pour gagner son salaire, trop honnête pour voler, et qu'il avait rendu des services qui devaient le dispenser de mendier.
Lorsque le calme est un peu rétabli, M. l'archevêque de Paris demande la parole.
Au nom de mes confrères, au nom de mes coopérateurs et de tous les membres du clergé qui appartiennent à cette auguste Assemblée; en mon nom personnel, Messieurs, nous remettons toutes les dîmes ecclésiastiques entre les mains d'une natfon juste et généreuse. Que l'Evangile soit annoncé, que,le culte divin soit célébré avec décence et dignité, que les églises soient pourvues de pasteurs vertueux et zélés, que les pauvres du peuple soient secourus : voilà la destination de nos dîmes, voilà la liu de notre ministère et de nos vœux ; nous nous contions dans l'Assemblée nationale, et nous ne doutons pas qu'elle ne nous procure les moyeqs de remplir dignement des objets aussi respectables et aussi sacrés. (On applaudit.)
s'avance vers le bureau, et déclare que le vœu que M. l'archevêque de Paris vient d'énoncer est celui du clergé de France, qui met toute sa confiance dans la nation.
cvêque de Perpignan. Les sentiments que M. l'archevêque de Paris vient de vous exprimer étaient déjà gravés dans nos cœurs. La précipitation des délibérations nous a empêchés de les exprimer tous à la fois. Nous avions cru que les dîmes étaient une propriété sacrée ; la nation en désire la suppression, nous cédons à ses désirs. Mais je demande qu'il ne soit pas fait mention des signatures particulières. Plusieurs membres sont absents, d'autres sont liés par leurs mandats, les causes qui les empêchent de signer ne seraient pas connues.
. Je crois qu'il vaut mieux qu'il existe une déclaration commune, et qu'il soit constaté que l'abandon des dîmes a été fait par le clergé.
,évêqued'Autun, propose l'article présenté hier par M. Chasset, et il demande qu'on y ajoute qu'il a été adopté unanimement.
On demande la lecture de l'article tel qu'il a été proposé par le comité. Plusieurs membres font diverses observations et mo lilications. On en fait une nouvelle rédaction qui a été adoptée. (Voyez tous les articles tels qu'ils ont été décrétés. Séance du 11 août au soir.)
On fait lecture de l'article 8 du projet du comité, qui perte le rachat des rentes foncières, soit en nature, soit en argent.
dit qu'il faut : 1° ajouter à l'article que le prix et le mode du rachat seront fixés par l'Assemblée ; 2° additionner le droit de champart, de terrage, et autres droits fonciers ; 3° n'autoriser que le rachat solidaire et non partiel.
réclame pour la Bretagne une exception pour les domaines congéables. D'après les observations faites et les additions proposées par quelques membres, on fait une nouvelle rédaction de l'article quia été adopté.
On passe à la discussion de l'article 9, qui porte qu'il sera pourvu incessamment à l'établissement ae la justice gratuite, et à la suppression de la vénalité des offices de judicature.
Plusieurs membres proposent par amendement qu'il soit dit que dès ce moment la justice sera rendue gratuitement.
, et plusieurs autres membres, officiers de justice, offrent l'abandon des droits de leurs charges.
Messieurs, d'après votre arrêté, vous devez vous occuper de rapprocher les justiciables des tribunaux royaux; vous devez vous occuper de couper court à tous ces frais, à toutes ces vexations de tous genres qu'entraîne après soi la justice ou plutôt la chicane. Vous savez aussi bien que moi, Messieurs, qu'il y a longtemps que la justice est impayable, et que, tout en la rendant, on se rend coupable des plus grandes injustices. Votre intention est de remédier à ces abus, et vous voulez eu con-
séquence procéder à l'établissement d'une justice gratuite.
Gardez-vous d'abuser, sous cette dénomination illusoire, le peuple, qu'on a si souvent trompé à cet égard.
Tout le monde a connu ces tribunaux de Mau-peou, qui devaient rendre gratuitement justice au peuple. On sait qu'il n'y eut jamais de temps où tous les suppôts de la chicane montrèrent plus de voracité et de rapacité.
C'est dans ce temps, plus que dans aucun autre, où les extorsions, les exactions de toute espèce, pesaient sur le peuple.
J'ose donc vous observer qu'avec les meilleures intentions du monde vous verriez avorter les fruits de vos travaux, si vous ne preniez les plus sages mesures pour contenir ou anéantir tous les subalternes suppôts de la justice, les huissiers, les sergents, les procureurs et les avocats. C'est la voracité de ces sortes de sangsues qui a fait enfanter au ciseau d'un sculpteur ces deux statues pittoresques, dont l'une représente un homme nu, parce qu il a perdu son procès, et l'autre un homme en chemise, parce qu'il a gagné le sien.
Si donc vous ne trouvez le moyen d'écarter les maux qu'apportent dans la société tous les agents de la justice, vous aurez manqué votre coup.
Je demande qu'il soit permis à tout homme de plaider sa propre cause, sans qu'il soit besoin de faire passer ses papiers par les mains de ces agents rapaces, sans qu'il soit besoin du ministère ni d'un huissier ni d'un procureur, etc.
Je ne suis pas capable d'indiquer les moyens d'opérer cette grande révolution : c'est à l'Assemblée nationale à les rechercher dans sa sagesse. Je le demande, parce que de tous les impôts sous lesquels le peuple gémit, c'est celui-là qui lui pèse le plus.
Je demande encore qu'il ne soit permis à aucun officier de justice de s'établir dans les bourgs et villages. Les paysans payent à grands frais de mauvais conseils qu'ils leur donnent; et partout où il existe decesagentsde la justice, les serpents de la discorde remplacent les doux sentiments de confiance.
Ici l'orateur est interrompu. Aussi finit-il par dire assez précipitamment: Ce faisant l'Assemblée nationale fera justice.
Je m'élève également contre la vénalité. Je ne ferai point le tableau des maux qu'entraîne après soi la distribution de la justice, telle qn'elle se rend aujourd'hui.
Rien n'est plus douloureux, rien n'est plus funeste que la vénalité de la justice. Les guerres les plus désastreuses causerait nt moins de maux que n'en cause dans trois cent mille familles l'esprit de chicane enfanté par la vénalité.....Cetteabolition est donc de la plus grande importance pour le bien général ; c'est au comité à vous indiquer les moyens les plus prompts et les plus efficaces..... L'Assemblée nationale les pèseradans sa sagesse.
Les citoyens se disputent l'honneur de faire les plus grands sacrifices à la patrie.
Pénétres de l'enthousiasme du patriotisme qui vous anime, les tribunaux se feront un devoir d'obéir à vos décrets et de rendre gratuitement justice au peuple. On avait demandé que l'on commençât à rendre gratuitement la justice, dès que la promulgation de l'arrêté aurait eu lieu. Mais, Messieurs, combien d'officiers de justice seront dans l'impuissance de suivre l'impulsion de leur cœur ; combien d'officiers de justice eu
effet seront obligés de se retirer, faute des moyens de subsister! Les tribunaux seront déserts, et nous aurons la douleur d'avoir contribué à les désorganiser : il faut donc attendre à faire exécuter pleinement votre arrêté, que vous ayez pourvu d'une manière digue de la nation à l'organisation de ces tribunaux pour rendre la justice gratuite.
La seule errreur à laquelle cette Assemblée peut se laisser aller est la noblesse et l'amour du bien public. Vous en êtes pleins, il faut vous en délier.
demande qu'on se borne à déclarer :
1° La suppression de la vénalité des offices, en pourvoyant au remboursement des titulaires:
2° Que la justice soit gratuite, à la charge de payer les officiers de justice comme on paye les officiers militaires ;
3° Que les juges soient élus par les justiciables de leur ressort.
Les sacrifices que l'on demande des officiers de justice ne sont pas au-dessus des facultés des officiers des cours souveraines ; mais les juges inférieurs ne seront peut-être pas en état de supporter ce sacrifice. (Plusieurs officiers de bailliage se lèvent pour dire que ces sacrifices sont déjà faits.) Ces sacrifices ont été faits par les officiers qui sont ici présents ; mais en est-il de même de tout le royaume? Je pense que la vénalité doit être abolie ; mais on ne peut dépouiller les officiers de justice de leur état, sans leur assurer leur remboursement.
insiste sur un article de son cahier, relatif à la justice gratuite.
Au moyen de quelques changements, l'article est adopté.
On décrète successivement les articles XII et XIII, qui n'ont pas donné lieu à de grandes discussions.
Avant la fin de la séance, M. de I^ally-Tol-lendal fait lecture d'une lettre du syndic des banquiers expéditionnaires en cour de Rome, qui envoient à l'Assemblée un mémoire sur les an-nates.
On renvoie à ce soir pour en prendre connaissance.
La séance est levée.
Séance du mardi 11 août au soir.
La séance est ouverte par la lecture du mémoire envoyé par le collège des expéditionnaires en cour de Rome, sur les annates. Ce mémoire présente comme impolitique la suppression de cette contribution, qui est modique, et qui facilite le commerce de la France avec l'Italie.
Varticle 12 concernant les annates et les déports est mis en délibération.
(1;. Messieurs, le mémoire dont on vous a donné lecture contient deux parties : l'une qui
concerne les annales, 1 autre le déport ; il est aussi peu complet dans l'une de ces parties
que dans l'autre.
Il faut maintenant entrer dans quelques détails sur ces servitudes.
Le payement des annates entraîne, sans objet, un transport d'argent hors du royaume. Rome eft le centre d'unité de la religion catholique; le pape est le chef visible de l'Eglise. Je suis très-éloigné d'attaquer ces vérités que je respecte ; mais il me semble qu'on peut reconnaître un centre d'unité, sans porter un tribut d'argent à l'évêque qui l'occupe.
Les autres servitudes consistent dans l'expédition d'une multitude de bulles et de signatures pour des provisions, des dispenses, etc. Pourquoi s'adresser au pape à raison de tous ces objets auxquels il est du pouvoir et du devoir des évê-ques de subvenir. D'ailleurs, les expéditions ne sont pas gratuites ; Rome nous envoie ses bulles scellées de plomb, et nous lui remettons l'or du royaume. Nos pères ont sans ces^e réclamé contre ces abus. Nous ne devons pas échanger l'or de France contre le plomb de Rome. Qu'on veuille bien me passer cette expression, c'est celle des Pithou, des Dupuy.
Autre abus : ce n'est pas seulement à Rome qu'on envoie ainsi chercher des bulles et des provisions; on envoie également en la vice-légation d'Avignon pour le Dauphiné et la Provence; en la nonciature de Lucerne pour quelques pays voisins de la Suisse, et dans tous lieux, on paye.
Autre abus encore-: nous ne connaissons que des pays libres. L'Eglise gallicane entière est une Eglise "libre. Mais à Rome, on distingue dans la France des pays libres et des pays d'obédience, parce qu'on les regarde comme sujets à une domination particulière de la part du pape ; telles sont la Provence et la Bretagne. Là, les expectatives, les réserves ont lieu, les bénéfices sont conférés alternativement parie pape et par l'évêque.
Voilà des abus qu'il faut abolir du même coup.
11 n'est pas nécessaire de parler, dans le décret de l'Assemblée nationale, des préventions, résignations et dévoluts ; les noms de tous les actes introduits dans les derniers siècles souilleraient la pureté de son décret. Il faut dire que toutes les églises de France sont également libres, et statuer que, sous quelque prétexte que ce soit, on n'enverra plus d'argent à Rome. Mais qui donnera, dit-on, les provisions aux évêques? La réponse est dans les anciens canons des conciles : les évêques seront confirmés par le métropolitain, et celui-ci par le concile national.
Un député observe que le collège des expéditionnaires avait adressé un mémoire à l'Assemblée relativement au produit des annates. Et M. Roussillon ajoutait que François 1er ne consentit au droit d'annates qu'en considération du commerce exclusif que la France ferait avec les Etats du pape. Il a présenté ensuite les avantages que l'importation et l'exportation donnaient à la province de Languedoc et les rapports de ce
genre qui existaient entre les villes de Lyon, de Marseille et l'Italie, et dont les Anglais demandaient depuis longtemps à jouir.
. Ces vues mercantiles et fausses ne doivent pas influer sur les principes d'une matière qui est d'un ordre plus important; passant ensuite aux déports% je ferai remarquer que cet usage qui consiste à percevoir les fruits d'une année des cures vacantes en faveur de l'évêque ou de l'archidiacre, est plus abusif en Normandie que partout ailleurs. Dans la plupart des can-tous de celte province, les curés gagnent la totalité des fruits de l'année la veille de Pâques, de manière que s'ils meurerft après, le successeur n'ayant rien*à recevoir, ne dessert pas la cûre; les héritiers la font desservir : vient ensuite l'année de déport pour l'archidiacre ; on adjuge au rabais la desserte; souvent un moine, qui veut sortir du cloître, écarte tous les concurrents par l'offre du prix le moins considérable.
A Paris, le déport n'a pas lieu sur toutes les vacances qui arrivent pendant l'année, mais sur celles qui arrivent depuis le mercredi des cendres jusqu'à la Trinité.
Il faut convenir cependant que dans plusieurs diocèses même de ta Normandie, dans le diocèse du Mans et celui de Paris, ie désintéressement des prélats qui les gouvernent et la véritable idée qu'ils ont de leurs devoirs, diminuent l'abus de la perception des déports ; mais ces événements heureux ne sont qu'accidentels et l'abus est dans la chose même; il faut donc supprimer les déports, mais avec cette réserve de pourvoir à la dotation des archidiacres qui n'en ontd'autre que ce droit. Il est des archidiacres qui remplissent un ministère utile, celui de visiter annuellement les paroisses, ce qu'ils ne pourraient faire sans dotation.
Il est encore des droits de ce genre, tels que le droit de dépouille, de cotte-morte, de meilleur animal, de celui devacat dans plusieurs diocèses des provinces méridionales, et autres droits de pareille nature, qui, sous différents noms, ont lieu en divers diocèses, en faveur des évêques, archidiacres, chapitres et églises. Dans quelques-uns, l'archidiacre ou l archiprêtre prennent après la môrt du curé son bréviaire, son bonnet carré, son cheval ou sa vache. On a vu à Paris un procès assez singulier sur ce sujet. Un curé de Saint-Eustache laissa un carrosse et deux chevaux ; l'archidiacre voulut s'en emparer. Les héritiers le refusaient, parce qu'ils soutenaient que l'archidiacre n'avait droit qu'àla monture du curé et qu'un carrosse n'était pas une monture. On agita donc sérieusement la différence qu'il pouvait y avoir à être porté par un cheval ou traîné par deux chevaux, et de graves audiences furent employées à entendre une si savante discussion.
« Il faut donc terminer de pareilles contesta-lions et tarir dans son principe la source de toutes ces perceptions injustes. »
Plusieurs membres présentent encore des observations sur l'article 12. Cet article est ensuite adopté. Les articles 13 et 19 sont adoptés sans grande discussion, et le décret est rendu dans les termes suivants:
DÉCRET RELATIF A L ABOLITION DES PRIVILÈGES.
«Art, 1er. L'Assemblée nationale détruit entièrement le régime
féodal. Elle décrète que, dans les droits et
devoirs, tant féodaux que censuels, ceux qui tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui les représentent, sont abolis sans indemnité; tous les autres sont déclarés rachetables, et le prix et le mode du rachat seront fixés par l'Assemblée nationale. Ceux desdils droits qui ne sont point supprimés par ce décret continueront néanmoins a être perçus jusqu'au remboursement.
• Art. 2. Le droit exclusif des fuies et colombiers est aboli.
« Les pigeons seront enfermés aux époques fixées par les communautés ; durant lequel temps, ils seront regardés comme gibier, et chacun aura le droit de les tuer sur son terrain.
«Art. 3. Le droit exclusif delà chasse etdesgarennes ou vertes est pareillement aboli, et tout propriétaire a le droit de détruire et faire détruire, seulement sur ses possessions, toute espèce de gibier, sauf à se conformer aux lois de police qui pourront être faites relativement à la sûreté publique.
«Toutes capitaineries même royales, et toute réserve de chasse, sous quelque dénomination que ce soit, sont pareillement abolies; et il sera pourvu, par des moyens compatibles avec le respect dû aux propriétés et à la liberté, à la conservation des plaisirs personnels du lloi.
« M. le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour simple fait de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus, et l'abolition des procédures existantes à - cet égard.
«Art. 4. Toutes les justices seigueuriales sont supprimées sans aucune indemnité, et néanmoins les officiers de ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire.
«Art. 5. Les dîmes de toute nature, et les redevances qui en tiennent lieu, sous quelque dénomination qu'elles soient, connues et perçues, même par abonnement, possédées par les corps séculiers et réguliers, par les bé-néficiers, les fabriques, et tous gens de main-morte, même par l'ordre de Malte, et autres ordres religieux et militaires, même celles qui auraient été abandonnées à des laïques, en remplacement et pour option de portions congrues, sont abolies, sauf a aviser aux moyens , de subvenir d'une autre manière à la dépense du culte divin, à l'entretien'des ministres des autels, au soulagement des pauvres, aux réparations et reconstructions des églises, et presbytères, et à tous les établissements, séminaires, écoles, collèges, hôpitaux, communautés et autres, à l'entretien desquels elles sont actuellement affectées.
« Et cependant, jusqu'à ce qu'il y ait été pourvu, et que les anciens possesseurs soient entrés en jouissance de leur remplacement, l'Assemblée nationale ordonne que lesdites dîmes continueront d'être perçues suivant les lois et en la manière accoutumée.
« Quant aux autres dîmes, de quelque nature qu'elles soient, elles seront rachetables de la manière qui sera réglée par l'Assemblée; et jusqu'au règlement à faire à ce sujet, l'Assemblée nationale ordonne que la perception en sera aussi continuée.
« Art. 6. Toutes les rentes foncières perpétuelles, soit en nature, soit en argent, de quelque espèce qu'elles soient, quelle que soit leur origine, à quelques personne» quelles soient dues, gens de main-morte, domanistes, apanagistes, ordre de Malte, seront rachetables; les champarts de toute espèce, et sous toutes dénominations, le seront pareillement, au taux qui sera fixé par l'Assemblée. Défenses seront faites de plus à l'avenir créer aucune redevance non remboursable.
« Art. 7. La vénalité des offices dejudicature et de municipalité est supprimée dès cet instant. La justice sera rendue gratuitement. Et néanmoins les officiers pourvus de ces offices continueront d'exercer leurs fonctions et d'ep percevoir émoluments jusqu'à ce qu'il ait été pourvu par l'Assemblée aux moyens de leur procurer leur remboursement.
« Art. 8. Les droits casuelsdes curés de campagne sont supprimés, et cesseront d'être payés aussitôt qu'il aura été pourvu à l'augmentation des portions congrues et à la pension des vicaires, et il sera fait un règlement pour fixer le sort de curés des villes.
« Art. 9. Les privilèges pécuniaires, personnels ou réels, en matière de subsides, sont abolis à jamais. La per-
ception se fera sur tous'les citoyens et sur tous les biens, de la même manière et de la même forme : et il va être avisé aux moyens d'effectuer le payement proportionnel de toutes les contributions, même pour les six derniers mois de l'année d'imposition courante.
«Art. 10. Une constitution nationale et la liberté publique étant plus avantageuses aux provinces que les privilèges dont quelques-unes jouissaient, et dont le sacrifice est nécessaire à l'union intime de toutes les parties de l'empire, il est déclaré que tous les privilèges particuliers des provinces, principautés, pays, cantons, villes et communautés d'habitants, soit pécuniaires, soit de toute autre nature, sont abolis sans retour, et demeureront confondus dans le droit commun de tous les Français.
a Art. ll.Tous les citoyens, sans distinction de naissance, pourront être admis à tous les emplois et dignités ecclésiastiques, civiles et militaires, et nulle profession utile n'emportera dérogeance.
« Art. 12. A l'avenir il ne sera envoyé en cour de Rome, en la vice-légation d'Avignon, en la nonciature de Lucerne, aucuns deniers pour annates ou pour quelque autre cause que ce soit; mais les diocésains s'adresseront à leurs évêques pour toutes les provisions de bénéfices et dispenses, lesquelles seront accordées gratuitement, nonobstant toutes réserves, expectatives et partages de mois, toutes les églises de France devant jouir de la même liberté.
«Art. 13. Les déports, droits de cotte-morte, dépouilles, vacal, droits censaux, deniers de Saint-Pierre, et autres du même genre établis en faveur de3 évêques, archidiacres, archiprêtres, chapitres, curés primitifs et tous autres, sous quelque nom que ce soit, sont abolis, sauf à pourvoir, ainsi qu'il appartiendra, à la dotation des archidiaconés et des archiprêtres qui ne seraient pas suffisamment dotés.
«Art. 14. La pluralité desbénéfices n'aura plus lieu à l'avenir, lorsque les revenus du bénéfice ou des bénéfices dont on sera titulaire excéderont la somme de 3,000 livres. Il ne sera pas permis non plus de posséder
Elusieurs pensions sur bénéfices, ou une pension et un énéfice, si le produit des objets de ce genre que l'on possède déjà excède la même somme de 3,000 livres.
« Art. 15. Sur le compte qui sera rendu à l'Assemblée nationale de l'état des pensions, grâces et traitements, elle s'occupera, de concert avec le Roi, de la suppression de celles qui seraient excessives, sauf à déterminer à l'avenir une somme dont le Roi pourra disposer pour cet objet.
«Art. 16. L'Assemblée nationale décrète qu'en mémoire des grandes et importantes délibérations qui viennent d'être prises pour le bonheur de la France, une médaille sera frappée, et qu'il sera chanté en actions de grâces un Te Deum dans toutes les paroisses et églises du royaume,
«Art. 17.L'Assemblée nationale proclame solennellement le Roi Louis XVI Restaurateur de la liberté française.
« Art. 18. L'Assemblée nationale se rendra en corps auprès du Roi, pour présenter à Sa Majesté l'arrêté qu'elle vient de prendre, lui porter l'hommage de sa plus respectueuse reconnaissance, et la supplier de permettre que le Te Deum soit chanté dans sa chapelle, et d'y assister elle-même.
« L'Assemblée nationale s'occupera, immédiatement après la constitution, de la rédaction des lois nécessaires pour le développement des principes qu'elle a fixés par le présent arrêté, qui sera incessamment envoyé par MM. les députés dans toutes les provinces, avec le décret du 10 de ce mois, pour y être imprimé, publié, même au prône des pcroisses, et affiché partout où besoin sera. >>
On fait lecture d'une proclamation faite au nom du Roi, par laquelle S* Majesté annonce la suppression de toutes les capitaineries, et mande . aux officiers et gardes de continuer leurs fonctions pour le fait seulement de la conservation des moissons et récoltes.
Cette proclamation est conçue dans les termes suivants :
« Sa Majesté, toujours disposée à tous les sacrifices que rintérét de ses sujets peut demander,
même lorsqu'ils sont relatifs à ses plaisirs personnels, veut et entend que toutes les capitaineries soient supprimées ; mais en même temps Sa Majesté doit, pour le maintien de l'ordre et la conservation des propriétés, prendre des mesures efficaces, afin que, sous prétexte de chasse, personne ne puisse porter atteinte au droit d'autrui. A ces causes le Roi fait inhibitions e.t défenses à tous et à chacun de s'introduire dans les plaines ncn moissonnées, sous prétexte de chasse, et d'y commettre aucun dégât sous peine d'être puni suivant la rigueur des ordonnances.
« Mande et ordonne à tous les officiers et gardes de ses capitaineries de continuer leurs fonctions pour le fait seulement de la conservation des moissons et récoltes ; enjoint aux maréchaussées de s'y réunir, aux milices bourgoises d'y veiller, et aux troupes réglées de prêter main-forte sur la réquisition des officiers de police. Et sera la présente ordonnance imprimée et affichée partout ou besoin sera, à ce qu'aucun n'en ignore.
« Fait à Versailles, le 10 août mil sept cent quatre-vingt-neuf.
« Signé : LOUIS.
Plus basy le comte de Saint-Priest. »
En discutant l'article des pensions il a été observé qu'un ancien officier, M. de Narbonne, a offert dès le mois de novembre dernier, de faire remise au Trésor royal de 34,500 livres d'arrérages de pensions, et qu'il a fait le sacrifice de tous les droits qu'il percevrait dans sa terre même des droits honorifiques.
Ensuite on fait la lecture d'une lettre datée de Lamotte-Tilly, le 8 de ce mois, écrite par M. Terray,qui fait remise d'une pension de 4,000 livres dont il jouit depuis trois ans, et qui lui avait été accordée après treize années employées à des fonctions publiques; il déclare que dans ce moment, l'avoir méritée et pouvoir en offrir l'extinction, était d'uu prix infiniment au-dessus de ses services. (On applaudit.)
, députés de la noblesse du bailliage dyE creux, ont présenté une déclaration, signé d'eux, portant qu'ils ont l'honneur de remettre sur le bureau les nouveaux pouvoirs qui leur ont été donnés par leurs commettants le 14 juillet dernier et qu'ils adhèrent, selon l'étendue de ces pouvoirs, à l'arrêté pris par l'Assemblée nationale le 4 de ce mois; qu'en conséquence, ils ont envoyé ledit arrêté à leurs commettants.
a indiqué la séance à demain neuf heures du matin.
Séance du
annonce à l'Assemblée qu'il n'a pu hier être admis auprès du Roi, mais qu'il doit obtenir
audience aujourd'hui à deux heures et demie. Il met ensuite en délibération si on ira
Il est décidé que le grand costume convient à cette cérémonie.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du 4.
Puisqu'on veut détruire le régime féodal, il faut porter la hache sur tous les abus qui en naissaient; en conséquence, je propose l'abolition du droit d'aînesse.
s'élève contre cette proposition.
fait remarquer que, cette loi ne pouvant appartenir qu'à la législation civile, on ne doit s'en occuper qu'après l'achèvement de la constitution qui est en ce moment le véritable objet des travaux de l'Assemblée.
, au nom du comité des finances, dit : Plusieurs membres du comité ont pensé que le traitement des députés devait être fixé.
Dans un temps où vous ne pouviez offrir à la nation aucun avantage, aucune -réforme, où les finances étaient dans le plus grand désordre, il n'était pas temps de vous entretenir de cet objet ; aujourd'hui les circonstances ne sont plus les mêmes ; vous avez accordé un emprunt qui va remplir la caisse nationale et vous avez à montrer à la France tous les sacrifices qui ont été faits.
Il est de toute vérité que les commettants doivent pourvoir aux besoins de leurs représentants. Plusieurs provinces ont déjà rempli ce devoir et il semble que l'Assemblée nationale doit faire un traitement égal pour tous et qu'il convient d'indemniser les députés de leurs frais de voyage.
Je propose donc l'arrêté suivant:
PROJET D'ARRÊTÉ.
« L'Assemblée nationale, sur la motion d'un de ses membres, a décrété :
« 1° Que le traitement qui doit être fait à chaque député serait payé par jour..... et que pour le voyage de chacun, il lui serait tenu compte de quatre jours s'il n'est pas au delà de 50 lieues de Versailles, de huit jours s'il est dans la distance de cent lieues et de quinze jours si l'éloignement est plus considérable ;
« 2°Qu'il serait établi un comité de quatre personnes pour s'entendre avec le ministre de la feuille des bénéfices, pour aviser au moyen de payer ce traitement. »
fait ensuite une motion tendant à la nomination de plusieurs comités, pour l'exécution de l'arrêté pris le 11 :
1° D'un comité de quinze personnes choisies au scrutin dans les bureaux, et parmi les membres n'ayant aucune fonction particulière dans l'Assemblée, pour préparer le travail des affaires du clergé ;
2° D'un comité composé d'un même nombre de membres, et élus de la même manière pour s'occuper des règlements à faire sur la liquidation des offices de judicature ;
3° D'un comité pour les droits féodaux, dont les membres seraient choisis par généralité
Cette motion est accueillie par l'Assemblée.
Si l'on discute séparément dans l'Assemblée les divers projets de déclaration des droits, on perdra un temps considérable: en conséquence, je demande l'établissement d'un comité, qui, après l'examen de ces divers projets, présentera lundi prochain une déclaration des droits qui sera soumise alors à la discussion de l'Assemblée, et je demande que les membres qui avaient déjà proposé des projets de déclaration soient exclus de ce comité.
Cette proposition est adoptée, et il est décidé en outre que ce comité sera composé de cinq membres.
, membre du comité de rédaction, lit un projet d'adresse au Roi, conçu dans les termes suivants :
a Sire, l'Assemblée nationale apporte à Votre Majesté une offrande vraiment digne de votre cœur: c'est un monument élevé par le patriotisme et la générosité de tous les citoyens. Les privilèges, les droits particuliers, les distinctions nuisibles au bien public ont disparu. Provinces, villes, ecclésiastiques, nobles, citoyens des communes, tous ont fait éclater, comme à l'envi, le dévouement le plus mémorable ; tous ont abandonné leurs antiques usages avec plus de joie, que la vanité n'avait jamais mis d'ardeur à les réclamer. Vous ne voyez devant vous, Sire, que des Français soumis aïix mêmes lois, gouvernés par les mêmes principes, pénétrés des mêmes sentiments, et prêts à donner leur vie pour les intérêts de la nation et de son Roi. Comment cet esprit si noble et si pur n'aurait-il pas été ranimé encore par l'expression de votre confiance, par la touchante promesse de cette constante et amicale harmonie, dont jusqu'à présent peu de rois avaient assuré leurs sujets, et dont Votre Majesté a senti que les Français étaient dignes?
« Votre choix,Sire, offre à la nation des ministres qu'elle vous eût présentés elle-même. C'est parmi les dépositaires des intérêts publics, que vous choisissez les dépositaires de votre autorité. Vous voulez que l'Assemblée nationale se réunisse à Votre Majesté pour le rétablissement de l'ordre public et de la tranquillité générale. Vous Sacrifiez au bonheur du peuple vos plaisirs personnels.
« Agréez donc, Sire, notre respectueuse reconnaissance et l'hommage de notre amour, et portez dans tous les âges le seul titre qui puisse ajouter de l'éclat à la Majesté Royale ; Jle titre que nos acclamations unanimes vous ont déféré; le titre de restaurateur de la liberté française. »
On propose de renouveler le comité de rédaction, le temps d'exercice de ceux qui le composaient étant expiré.
rappelle qu'il a été décidé que le comité de vérification ferait une liste des députés vérifiés, et demande qu'elle soit remise incessamment, afin qu'elle puisse servir à faire l'appel dans les délibérations importantes qui se préparent pour les jours suivants.
, qui avait formé opposition à la députation de M. Gobel, évêque de Lydda, suffragant de Baie, déclare se départir de son opposition, et demande que le jugement de cette contestation soit remis à la fin de la session.
,évêque de Lydda, fait ses remerçî-ments à M. Lavie; il proteste qu'il prouvera tou-
jours à l'Assemblée son zèle et ses vœux pour le bien public, vœux trop longtemps contrariés par des mandats impératifs.
La proposition de M. Lavie est décrétée.
propose rétablissement d'un comité composé de trente-quatre membres élus par généralités pour la liquidation des droits féodaux et des rentes foncières.
Cette proposition est adoptée.
invite les membres de l'Assemblée à se retirer dans les bureaux pour procéder à l'élection des membres qui doivent former les divers comités dont l'établissement a été décrété, et à l'élection d'un archiviste.
La séance est levée.
à la séance de l'Assemblée nationale du
CHARTE
CONTENANT LA. CONSTITUTION FRANÇAISE DANS SES OBJETS FONDAMENTAUX
Proposée à l'Assemblée nationale par Charles-François Douehe, avocat au Parlement et dé-» puté de la sénéchaussée d'Aix (1).
DIEU, LA LOI, LA PATRIE ET LE ROI.
Le .... du mois de....; de Tan 1789 après Jésus-Christ, 1371 ans après Pharamond, premierRoi de France; 892 ans après Hugues-Capet, tige de l'auguste Maison des Bourbons, actuellement régnante, et la seizième année du règne de Louis XVI, proclamé le restaurateur de la liberté française, la nation, considérant que la succession des siècles, le changement de règne, les guerres de terre et de mer, le luxe, de nouvelles mœurs, de nouveaux besoins, ont altéré la constitution politique, économique, civile, militaire et liscale de la monarchie française, a, sous les yeux d'une multitude innombrable:de spectateurs de tous les Etats, proposé, discuté, rétabli et fixé la constitution par l'organe de l'Assemblée nationale convoquée à Versailles le 27 du mois d'avril dernier, séante en cette ville, et composée de représentants librement élus dans toutes les provinces, villes, bourgs et villages du royaume, et chargés de pouvoirs exprès pour régénérer la constitution. Elle l'a recueillie dans les maximes suivantes, destinées à devenir Ja charte des droits de l'homme, du citoyen, du monarque et du sujet français, et à faire le bonheur de la génération présente et de celles qui lui succéderont,
Art. 1er. En se dégageant des mains de lasimple nature pour
vivre en société, l'homme n'a point renoncé à sa liberté ; il ne s'est soumis qu'à en régler
l'exerciCe et l'usage par des lois modérées, justes ét convenables; ou ce qu'il a perdu de la
liberté,, la société s'est obligée de le lui rendre en protection.
Art. 2. Chercher des soutiens, se rendre heureux, fut le motif qui fonda les premières sociétés; rendre heureux les autres, ne leur jamais nuire dans leurs propriétés, leurs personnes et leur liberté, fut le lien de ces sociétés ; il doit l'être encore de toutes celles qui existent.
Art. 3. Toute société que les hommes forment entre eux,doit être l'effet d'une convention libre. Les lois, lès devoirs et les peines, la protection et la sûreté, doivent y être égaux, lors même que les talents, l'industrie, les titres, les dignités, la fortune ou la naissance n'y admettent point une égalité de. profits, d'honneurs et de préséances.
Art. 4. La société est imparfaite, si elle n'a pas pour but le bien de tous les associés en général, et de chacun en particulier.
Art. 5. La sûreté y dépend des services mutuels.
Art. 6. Le bien commun doit donc être, en société, la règle de nos actions. On ne doit jamais y chercher l'avantage particulier, au préjudice de l'avantage public.
Art. 7. Les hommesinégaux en moyens moraux et physiques, sont égaux en droits aux yeux des lois qui dirigent la société dont ils sont membres. L'inégalité des premiers a donc dû établir l'égalité des seconds.
Art. 8 .Rien n'étant plus convenable à la société que la compassion, la douceur, la bénéficence, la générosité, il suit que les hommes vivant eu société doivent se secourir dans leurs infirmités, leur vieillesse et leur indigence : ce qui établit la loi de la reconnaissance, de l'hospitalité, de l'humanité.
Art. 9. Les devoirs, qui nous règlentpar rapport à nous-mêmes, nous aident à nous régler aussi par rapport aux autres hommes.
Art. 10. De ces devoirs, nous voyons naître la religion et la morale, bases nécessaires de toute société.
Art. 11. Les lois dont la société est armée, n'ont de force que pour empêcher les hommes de violer la justice et leurs devoirs envers les autres.
Art. 12. C'est à la société que l'homme est redevable d'un nouveau genre de devoir, Vamour de la patrie, sentiment qui n'existe pas dans l'état de nature, et qui doit surtout caractériser le Français*
Art. 13. La religion n'a aucun pouvoir coaclif semblaBle à celui qui est dans les mains des lois civiles, parce que des objets qui diffèrent absolument de leur nature, ne peuvent s'acquérir par le même moyen.
Art. 14. Dans toute société, il doit y avoir un culte public et dominant; mais cette loi ne peut gêner la croyance ou les opinions particulières des individus associés, lorsqu'elles ne troublent point l'harmonie générale et l'ordre reçu, public et dominant dans la société.
Art. 15. Considéré du côté des lois naturelles, tout homme a le droit de vendre, d'acheter, de trafiquer, de se livrer à tous les genres d'industrie dont il est capable, de parcourir l'étendue des terres et des mers qui se présentent à ses regards, de rester, de sortir, de revenir, de penser comme il le juge à propos, de publier ses pensées, de les faire circuler librement ; mais considéré du côté des lois sociales, il ne peut et ne doit jouir de ce droit, qu'autant qu'il ne blesse point les lois de la société.
Art. 16. Une société bien ordonnée a des principes et des lois. Les premiers soumettent la raison, les secondes commandent à la volonté.
Art. 17. Une république, un peuple, une nation ne font qu'une grande société qui doit être ré^ie par les maximes qu'on vient d'exposer. Ces maximes regardent donc tous les Français réunis en corps de nation.
Art. 18. Plus que tout autre peuple de la terre, les Français naissent et viventlibres. La magna-
nimité, la générosité, le courage, la bienfaisance, la loyauté, sont le caractère clistinctif des Français ; d'où il suit que les Français sont les hommes de la terre dont le gouvernement paraît avoir le plus développé, formé et adouci les facultés physiques et morales.
Art. 19. Tout esclave reprend sa liberté en entrant dans les terres dé la domination française.
Art. 20. La France est un Etat monarchique, c'est-à-dire un état où un seul gouverne par des lois fixes et fondamentales.
Art. 21. Ces lois ne peuvent être faites que par la nation assemblée par ses représentants. Elle s'est donnée librement au monarque ; elle peut et pourra toujours se donner des lois, ou changer et modifier celles qu'elle se sera données.
Art. 22. Le monarque les sanctionne, et, dès ce moment, elles obligent tous les individus de l'Etat.
Art. 23. G'est dire en d'autres termes, que la nation seule a la puissance législative, et que le monarque a la puissance exécutrice.
Art. 24. Ce double droit résidait originairement dans 'les mains de la nation ; elle a gardé le premier; elle a^fait le dépôt du second dans les mains du monarque.
Art. 25. La monarchie française est héréditaire de mâle en mâle, dans la maison des Bourbons, suivant l'ordre de primogéniture.
Art. 26. Les filles sont exclues de la succession au trône.
Art. 27. Lorsque la branche régnante manque par défaut d'enfants mâles, le plus proche parent du monarque défunt succède au trône.
Art. 28. Lorsque ce parent sera accusé par la voix publique d'avoir donné au monarque défunt des conseils perfides et préjudiciables à la nation, celle-ci s'assemblera par des représentants, examinera et jugera la nature de ces accusations. Si le parent est trouvé coupable, la nation se réunira contre lui, et il sera déclaré indigne du trône, avec toute sa descendance directe et collatérale, et le plus proche parent, après lui, du monarque défunt, sera reconnu monarque par la nation (1).
Art. 29. Les rois de France seront désormais majeurs à dix-huit ans complets et révolus.
Art. 30. Si le roi régnant laisse, en mourant, un successeur au-dessous de cet âge. La nation s'assemblera tout de suite par des représentants librement élus, et confiera la régence du royaume au parent du jeune monarque, qu'elle croira le plus digne et le plus capable de ces fonctions. Un jeune roi destiné à devenir le père de ses peuples, ne peut et ne doit recevoir que des mains de la nation dont il est l'enfant, celui qui doit l'élever à faire le bonheur de son empire, et lui apprendre à le régir un jour comme un bon père et un roi éclairé.
Art. 31. La personne du monarque est sacrée et inviolable. Sa couronne ne dépend d'aucune puissance de la terre ; aucune ne peut délier ses sujets du serment de fidélité qu'ils lui ont prêté.
Art. 32. Le monarque a le droit de choisir ses ministres et ses conseils; mais, autant qu'il: est possible, il doit les choisir tels que la nation puisse avoir confiance en eux, et celle-ci a toujours le droit de les dénoncer. Ils ne peuvent sortir du royaume, avant d'avoir rendu, à l'Assemblée nationale, compte de leur gestion ; c'est
d'après ce compte qu'ils doivent être jugés par les représentants de la nation.
Art. 33. La liberté individuelle, l'honneur, la vie des hommes, les propriétés de tout genre, ne sont en France que dans les mains des lois consenties parla nation. Tout ce qui ne s'y fait pas au nom des lois est criminel, et tout sujet a le droit de ne point obéir.
Art. 34. Rendre, ou faire rendre la justice à tous ses sujets indistinctement, est dans les mains du monarque un droit, un devoir, une espèce d'apanage ; et cette justice doit être rendue prompte-raent, exactement, gratuitement, et de la manière la plus impartiale.
Art. 35. Les tribunaux de justice ne peuvent être établis en France, que dé la manière la plus conforme aux intérêts des sujets, des provinces et des villes. Ils font partie des pouvoirs publics, et n'appartiennent.à aucun individu en particulier. Ils ne peuvent être constitués que par la nation, et ne peuvent changer la forme de leur constitution.
Art. 36. Les tribunaux de justice, dont l'établissement a été consenti par la nation, sont seuls chargés de poursuivre, de punir, ou d'absoudre, conformément aux lois faites par la nation, et suivant les formes établies par elle.
Art. 37. Tout acte de despotisme et arbitraire, les lettres closes, dites lettres de cachet, les prisons d'Etat, les ordres ministériels, toutes les violences que les hommes en place pourraient commettre dans les provinces et les villes, sont condamnés et proscrits à perpétuité. Les lois seules ont le droit de commander l'obéissance la plus prompte. La force sans la loi n'est qu'une violence ; et tout homme qui n'agit pas au nom de la loi, se rend coupable du crime de lèse-nation, parce qu'il rompt le fil qui lie l'homme au citoyen et au sujet.
Art. 38. Les directeurs des postes aux lettres et leurs commis porteront le plus grand respect au secret des lettres, et seront fidèles à les faire parvenir à leur destination. S'ils manquent à cette loi, ils seront poursuivis extraordinairement. Aucun négociant ou marchand ne pourra occuper des places dans les directions des postes aux lettres.
Art. 39. Il est expressément défendu aux tribunaux de justice, quels que soient le nom, la forme et le district que la nation trouvera à propos de leur donner, de se mêler de l'administration de l'Etat, des provinces ou des villes, ni d'aucun objet de politique et d'économie publiques. Les fonctions des juges sont bornées à rendre la justice. Ils usurpent s'ils vont au delà, et deviennent perturbateurs de l'ordre public.
Art. 40 Les dépositaires du pouvoir exécutif, tous les agents de ce pouvoir, soit politique, civil ou militaire ou fiscal, sont resp onsables envers la nation de leur conduite, et de la perfidie ou de la corruption des conseils qu'ils donnent au monarque.
Art. 41. Le monarque a le droit de faire la paix, la guerre, des traités d'alliance ou de commerce ; mais la nation lorsqu'elle s'assemble, a le droit de juger si des paix conclues, des guerres déclarées, et des traités d'alliance ou de commerce signés, sont utiles ou nécesssaires.
Art. 42. Sans le consentement exprès de la nation, le monarque ne peut établir des impôts, en proroger la durée, leur donner des extensions : sans son consentement exprès, il ne peut faire des emprunts : les uns et les autres ne peuvent être que le résultat de la volonté générale.
Art. 43. La nation reconnaît que la plus grande partie de ceux qui existent aujourd'hui, que tous ceux qui existent principalement depuis 1614, n'ont été ni établis, ni consentis par elle ; et à ce sujet, elle réclame tous les droits qu'elle trouve dans son contrat primitif avec le monarque.
Art. 44. Le payement des impôts est le prix de la protection et de la sûreté publique. Tous les impôts, de quelque nature qu'ils soient, sous quelque nom qu'on les connaisse, seront payés par tous les sujets et citoyens, de l'Eglise, de la noblesse et des communes, sans aucune distinction, exemption ou privilège, et proportiohnément aux biens et revenus de tous, de quelque source qu'ils viennent. Les impôts ne pourront être établis et et perçus que d'une tenue d'assemblées nationales à 1 autre.
Art. 45. Sans le consentement exprès de la nation, le monarque ne peut changer, diminuer ni augmenter la valeur de l'or et de l'argent, ni d'aucun métal monnaie. Sans ce consentement, il ne peut ordonner la refonte des monnaies.
Art. 46. Toute perception pécunaire dejoyeux-avénement au trône; est abolie et supprimée.
Art. 47. — En France, nul ne peut être contraint, ou décrété dé prise de corps et emprisonné qu'au nom des lois faites et consenties parla nation.
Art. 48. Ce n'est qu'au nom de ces lois qu'un Français, un sujet du monarque, peuvent, dans les cas marqués par elles, perdre leur liberté, leur honneur, leur vie ou leur propriété.
Art. 49. D'une tenue d'assemblées nationales à l'autre, le monarque a le droit de faire des lois provisoires d'administration et de police générales; mais les assemblées nationales ont celui de juger si ces lois sont utiles ou nécessaires, si elles doivent être continuées ou abrogéès^res-ter telles qu'elles ont été faites, ou être modifiées.
Art. 50. La religion catholique, apostolique et romaine est et demeurera en France la seule religion nationale, dominante et publique, comme la seule vraie, la seule qui prêche la saine morale, qui ennoblisse, et qui rende durable tout ce qui se fait pour le bonheur des hommes dans un gouvernement juste et modéré.
Art. 51. On ne peut faire un crime à personne de ses opinions ou de sa croyance religieuse, pourvu qu'elles ne troublent point l'ordre public et le culte national.
Art. 52. Chacun aura désormais en France la liberté la plus illimitée d'imprimer, de faire imprimer et de faire circuler ses pensées et ses ouvrages. Il n'en sera garant et responsable à la loi, que dans le cas où ils nuiront à autrui dans son honneur ou sa propriété, à l'ordre public et au culte religieux national.
Art. 53. Les seuls ouvrages sur la religion nationale seront soumis à la censure publique. Une funeste expérience n'a que trop appris que, dans ce genre, on n'écrit, on ne fait jamais rien qui ne soit du plus dangereux exemple.
Art. 54. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour l'utilité publique ; et, dans ce cas, elle doit lui être payée sur-le-champ et au plus haut prix. Sur-le-champ, parce qu'il est privé de son bien; au plus haut prix, pour le dédommager de la peine qu'il souffre à céder ce qu'il désirerait garder.
Art. 55. Dans les besoins publics, dans les circonstances urgentes, la nation a le droit de s'assembler par des représentants.
Art. 56. Dans les mêmes cas, les provinces et les villes ont le même droit.
Art. 57. Pendant les dix premières années, à compter du premier mai 1790, les assemblées nationales seront convoquées tous les ans.
Art. 58. Après ces dix premières années, elles ne seront plus convoquées que de trois en trois ans. Leur ouverture sera fixée au premier mai.
Art. 59. Aucun officier de judicature, aucun agent du fisc, aucun homme attaché au service ou à la suite du monarque, nepourrayêtre admis.
Art. 60. Les lois que ces assemblées feront et qui seront sanctionnées par le monarque, seront, ainsi que les lois provisoires faites par lui dans l'intervalle d'une assemblée nationale à l'autre, adressées aux Etats de chaque province.* Ces Etats les adresseront aux tribunaux de justice, pour les enregistrer purement et simplement, et pour les faire exécuter.
Art. 61. Le droit de réclamer, de remontrer sur ces lois, n'appartiendra qu'aux Etats de chaque province.
Art. 62. Ces Etats seuls pourront fixer le lieu de la résidence des tribunaux de justice et l'étendue de leurs districts, sous la ratification des assemblées nationales.
Artr 63. Les assemblées nationales une fois formées ne peuvent être dissoutes que par elles-mêmes. Elles ont le droit de s'ajourner.
Art. 64. Si le monarque voulait les dissoudre avant que les grands intérêts pour lesquels elles auraient été convoquées fussent décidés par elles, le payement des impô;s sera arrêté sur-le-champ dans tout le royaume.
Art. 65. Le compte des finances des provinces et des villes sera rendu public toutes les années. Celui des finances de la France sera rendu aux assemblées nationales. Ce qu'on appelait trésor royal sera appelé trésor national.
Art. 66. Pendant l'intervalle d'une assemblée nationale à l'autre, il n'y aura jamais de commission intermédiaire (1).
Art. 67. Tous les membres de ces assemblées nationales, sans distinction d'ordres, d'état et de citoyens, seront réunis dans une même chambre, et y opineront en commun sur tous les objets.
Art. 68. Les députés des communes y formeront toujours la moitié de l'Assemblée. Les présents, plus un, y feront les délibérations. Mais il faudra que les présents forment au moins le quart de l'Assemblée.
Art. 69. Il en sera usé de même dans les Etats particuliers des provinces.
Art. 70. Toutes les provinces du royaume seront établies en pays d'Etats. Celles qui ont déjà ce genre d'administration seront autorisées à s'assembler pour le rectifier, en corriger les abus, et mettre dans son organisation toute la plénitude de liberté de confiance et de représentation qu'elles croiront nécessaire, à moins que l'Assemblée nationale ne pourvoie elle-même à celte organisation avant de se séparer.
Art. 71. Le monarque est le commandant sû-prêmedes milices et des armées; mais ces armées et ces milices appartiennent à la nation. Elle a le droit de leur faire prêter serment de fidélité, de respect et d'obéissance.
Art. 72. Elles ne peuvent être employées contre les citoyens, à moins que les villes ou les pro-
vinces, dans des cas de révolte, dë sédition ou d'incursion de brigands, ne demandent leurs secours au monarque ou à ceux qu'il aura délégués dans le commandement.
Art. 73. Toutes les villes auront le droit de se garder elles-mêmes, si elles y trouvent leur intérêt ou leur commodité, et à cet effet elles pourront établir des milices bourgeoises.
Art. 74. Les talents distingués, les vertus émi-nentes, de grands services rendus au public,donnent à tous les citoyens français, sans distinction de nobles et de roturiers, le droit d'aspirer à toutes les places, à toutes les charges, à toutes les dignités ecclésiastiques, civiles et militaires.
Art. 75. Les lois non consenties par la nation, qui excluaient des places distinguées et des corps privilégiés les citoyens non nobles, sont révoquées, annulées et supprimées à jamais.
Art. 76. Le monarque a seul le droit d'accorder la noblesse, de rétablir ceux qui en sont déchus, de relever de la dérogeance, de commuer les peines, de donner des lettres de grâce, de rémission, d'abolition et de réhabilitation.
Art. 77. La noblesse ne pourra jamais être acquise à prix d'argent. L'Assemblée nationale examinera s'il convient ou non qu'elle reste trans-missible et héréditaire.
Art. 78. Le régime féodal, la vénalité et l'hérédité des offices de judicature sont abolis. Les justices seigneuriales sont supprimées. Un nouvel ordre judiciaire sera établi. La justice royale sera rapprochée, autant qu'il sera possible,'des justiciables. Tout sujet sera désormais jugé par ses pairs, dans les tribunaux qui seront établis en dernier ressort.
Art. 79. L'Assemblée nationale prononce la suppression du casuel des curés et de la dîme ecclésiastique. Mais l'un et l'autre seront payés exactement, jusqu'à ce qu'elle ait pourvu aux moyens de les remplacer.
Art. 80. L'Assemblée nationale décrète qu'elle prendra des moyens pour mettre dans le commerce les biens du clergé et de l'ordre de Malte, et pour donner des revenus fixes aux ministres de l'autel.
Art. 81. Avant de se séparer, l'Assemblée nationale, continuant d'user de son droit primitif, inaliénable, imprescriptible et supérieur à toute entreprise du monarque, fera les lois et les règlements qu'elle croira nécessaires sur la formation et l'organisation des assemblées nationales, des Etats ou assemblées des provinces, du régime municipal; sur la composition des tribunaux de justice, les bornes d,e leur juridiction, et l'étendue de leurs districts, sur la justice civile et criminelle, la religion et les mœurs, l'administration des finances du royaume, des provinces et des villes; sur le nombre, l'objet, la levée des impôts et la manière d'en faire l'emploi, les suppressions, les réformes, les établissements divers, en un mot sur tout ce qui pourra appeler et fixer le bonheur et la gloire au dedans et au dehors de la France.
idées sur les basés de toute constitution, SOU-mises à VAssemblée nationale, par M. Rabaud de Saint-Etienne (1).
De la Constitution.
La Constitution est une forme précise adoptée pour le gouvernement d'un peuple.
Ce mot vient de cum statuta, établi ensemble, établi de concert : il suppose donc une convention, un accord, c'est à dire le consentement général à être gouverné ainsi.
Toute constitution suppose donc que les contractants ont fait des lois en se réunissant en société; et en effet les lois sont des contrats, des conventions. Des hom nes qui vont former une société et devenir un peuple conviennent ensemble de se soumettre à telles ou telles conditions. Par le consentement de tous, ces conditions deviennent obligatoires pour tous, et on les appelle des lois. Mais ces lois seraient inutiles, s il n'y avait un ordre établi, une forme convenue pour les faire exécuter : c'est cette forme qu'on appelle gouvernement.
La Constitution réunit donc deux choses; des lois convenues par tous, et une forme pour les faire exécuter, convenue également par tous : les lois et le gouvernement; c'est de ces deux choses que l'Assemblée nationale doit s'occuper.
De l'objet des lois ou conventions.
Les lois ou conventions obligatoires, passées entre des hommes formant ensemble une société, ont pour objet de les rendre plus forts et plus heureux : les hommes doivent donc gagner à entrer en société; et, sans cela, ils n'y entreraient pas.
Ils sont plus forts par l'association de plusieurs forces; ils sont plus heureux par l'association des secours.
De l'association des forces naît une protection de tous en faveur de chacun, et, par conséquent, la sûreté de chacun sous la sauvegarde de tous. De l'association des secours naît la garantie de tous, pour procurer la félicité de chacun.
Cependant les hommes entrant ,en société y viennent avec tous leurs droits, car on ne peut pas dire qu'ils en aient fait quelque sacrifice; ils peuvent y être disposés, mais ils ne l'ont pas fait encore.
Non-seulement ils Viennent avec tous leur,s droits, mais ils viennent pour les y conserver, pour les mettre en sûreté, et sous une garantie plus puissante : la société doit donc donnera chaque homme une jouissance plus assurée de tous les droits qu'il y apporte. '
Des droits des hommes.
Pour connaître les droits de l'homme, il faut connaître le but pour lequel il a été créé, et qu'il ne perd jamais,de vue : c'est celui de sa conservation. Tout ce qui tend à le détruire, il le fuit ; tout ce qui tend à le conserver, il le cherche. Ce sentiment lui vient du droit qu'il a à l'existence : être, être bien, être le plus longtemps possible, voilà l'objet pour lequel il a été créé; c'est son droit primitif, inaliénable, et dont tous les autres ne sont que l'application.
Il suit de là qu'aucun autre homme ne peut l'empêcher de se procurer les moyens de conserver son existence; qu'il a lui-même le droit de s'opposer aux torts qu'on pourrait lui faire à cet égard; qu'il a par conséquent lé droit de conserver son être, et de faire tout ce qu'il juge nécessaire pour cela : c'est ce droit que l'on appelle liberté.
Mais chaque homme a ce droit, autant et tout aussi pleinement que les autres : cest ce droit
relatif que l'on appelle égalité c'est-à-dire égalité de droits.
Entin, l'homme peut posséder des choses propres à conserver son être, à satisfaire ses besoins, et sur lesquelles il étend toute la plénitude de son droit de liberté, et c'est ce qu'on appelle propriété. Le but de l'association commune èst de mettre tous ces droits, pour chacun, sous la sauvegarde de tous, et c'est ce qu'on appelle sûreté.
On peut conclure de tout ce qui vient d'être dit, que les droits que les hommes apportent dans la société, se rapportent à ces trois : liberté, égalité, propriété ; d'où il suit que le but des lois conservatrices doit être de leur en garantir la sûreté.
La mauvaise constitution est celle qui viole ces droits : la bonne constitution est celle qui les assure; l'excellente constitution est celle qui leur donne le plus grand développement possible.
De la liberté.
Les lois doivent avoir pour objet de conserver à chacun de nous tout ce en quoi il est libre de droit.
L'homme est libre dans sa personne, car aucun homme ne naît avec le droit de gêner la personne d'un autre, puisque nous avons vu que tous naissent libres également ;
Dans sa pensée, car aucun homme ne naît avec le droit de gêner la pensée d'un autre;
Dans ses opinions, car les opinions sont des jugements que nous avons formés ou adoptés ; ce sont des pensées avouées par nous;
Dans ses discours, car la parole est libre comme la pensée, puisqu'elle n'est qu'une pensée prononcée;
Dans ses écrits, car ils ne sont que la parole communiquée;
Dans ses actions, car elles sont les actes que chaque homme fait et à droit de faire pour l'utilité et la conservation de son être;
Dans son industrie et ses travaux, car, destinés â conserver son existence, toute gêne qu'il recevrait à cet égard serait un attentat à son premier droit inviolable.
Dans l'usage de ses propriétés, car elles ne sont ou ne doivent être que le fruit de ses travaux et de son industrie.
De l'égalité.
On pose pour principe dans la formation d'une société, que tous les hommes qui y entrent sont égaux. On ne veut pas dire par là qu'ils sont tous égaux détaillé, de force, de talents, d'industrie, de richesses, ce qui serait absurde; mais qu'ils son égaux en liberté, et que par conséquent chacun apporte un droit égal à la protection commune.
Si les hommes font des sacrifices à la société dans laquelle ils entrent.
Les lois ont pour objet de conserver aux hommes leurs droits; mais elles sont également faites pour chaque individu : donc il n'y en a aucun dont les droits ne doivent être conservés.
La société ne saurait s'écarter de ce principe, ni ordonner à quelques-uns de faire des sacrifices que les autres ne feraient pas : mais les hommes, en entrant en société, lui font-ils réellement des sacrifices de leurs droits ?
D'abord, l'homme ne peut sacrifier son droit de liberté ; ce droit est une chose inaliénable; il est inhérent à la nature de l'homme, il est éternel comme tous les principes, lesquels sont indestructibles et subsistent nécessairement. Celui qui croirait pouvoir sacrifier un de ses droits croirait une folie, car le droit est une chose indivisible et commune à tous les hommes, qu'aucun d'eux, ni tous ensemble, ne peuvent altérer.
Et qu'on ne prenne pas ceci pour une subtilité. Parce qu'on voit tous les jours les hommes sacrifier leur liberté, on pense qu'ils sont libres de le faire, c'est-à-dire, qu'ils sont libres de n'être pas libres. Mais qu'on y prenne garde : c'est Y exercice de leur liberté qu'ils sacrifient, et non pas le droit ; et l'aliénation, même volontaire, qu'ils font de cet exercice, est une consécration solennelle du droit qu'ils ont à la liberté. Dire qu'on peut suspendre l'exercice de tel droit, c'est dire qu'on a ce droit.
Il en est de même de la propriété, car on peut aliéner ses propriétés et les donner ; mais on ne peut pas aliéner le droit de propriété. Il en est de même enfin de l'égalité, car il est impossible à aucun homme de faire qu'il ne soit né tout aussi libre qu'un autre.
Il est clair maintenant que les droits de l'homme sont choses naturelles, inaliénables, et par conséquent imprescriptibles; et ce qui reste à voir, c'est ce que l'homme peut sacrifier à la société de Vexercice de ces droits.
Pour parvenir à le connaître, il ne faut que savoir quel est le but de la réunion de plusieurs hommes en société. Leur intention est d'ôter à chacun le pouvoir de nuire aux autres et de lui donner le pouvoir de les servir. La société doit donc exiger, au premier égard, que l'exercice de la liberté de chacun soit tel qu'il ne puisse nuire à aucun, et de faire cesser le droit, ou plutôt le pouvoir du plus fort. Mais ce droit n'en est pas un, car il n'est pas commun à lous, il n'est pas indivisible, il n'est pas dans la nature humaine : donc le sacrifice de ce droit n'est pas un sacrifice fait par tous à la société; c'est un aveu que fait le plus fort, de céder à une force plus grande encore, celle de la réunion de plusieurs.
Il suit de là que la société n'exige point des hommes qui y entrent le sacrifice de leur liberté ; elle exige seulement qu'ils ne l'emploient pas à nuire aux autres ; et c'est ce que leur prescrivait déjà la nature.
La société fait plus : elle étend et favorise l'exercice de notre liberté, elle en écarte tous les obstacles, elle en remplit parfaitement le but, qui est la conservation et l'embellissement de notre existence; puisqu'en nous amenant à faire un plus grand nombre d'actes libres en faveur des autres elle amène également les autres à en faire un plus grand nombre en notre faveur.
On ne peut donc dire à aucun égard que l'homme ait sacrifié sa liberté en s'unissant avec d'autres hommes : d'où il suit que s'il y a de l'esclavage, ce n'est que par un oubli total des principes et de ces droits éternels qui ne se prescrivent jamais.
Quant à ce qu'on appelle les sacrifices de la propriété, ce sont des échanges que fait chacun de ce qu'il a contre ce que déposent tous les autres. En effet, si chacun donne, chacun reçoit r il donne telle chose pour avoir telle autre; d'où il suit que la loi de l'impôt" est, comme toutes les autres, une convention où chacun examine d'abord ce qu'on lui donne, et ensuite ce qu'il donne,
Cette convention est donc volontaire; et, pour s'exprimer d'une manière exacte, on ne doit pas l'appeler un sacrifice : autrement, il faudrait dire aussi que le commerce est un cours de sacrifices continuels, puisque chacun y donne sa propriété en échange de quelque autre chose.
Donc l'homme ne sacrifie ni sa liberté ni sa propriété.
Enfin, l'homme ne sacrifie en aucune manière ce qu'on appelle ses droits ; car l'homme n'a qu'un droit, ainsi que nous l'avons dit : c'est le droit à l'existence : il le porte dans la société pour Py conserver et l'étendre; et tout ce qu'on appelle ses droits n'est que l'application de son aroit unique et primitif.
Mais l'homme ne fait des conventions, des échanges, des conditions et des lois, que pour conserver et embellir son existence : donc, bien loin de sacrifier la moindre chose de son droit, il le conserve, l'affermit et l'étend.
Si Vhomme social est gêné dans sa liberté.
Du droit qu'a l'homme à conserve!1 et embellir son existence résulte la libre application de tous les moyens que la nature lui a donnés pour cela, soit en forces, soit en talents. Il apporte ces forces et ces talents dans la société; il y apporte la volonté de les appliquer : donc il y arrive libre.
Mais il ne sacrifie point cette liberté, ainsi que nous Pavons prouvé; il Pétend au contraire, il l'affermit : donc il reste libre.
Mais ce qui est vrai d'un des associés est vrai de tous : donc tous arrivent libres également.
Cependant si nul n'a droit sur la liberté et sur la propriété des autres, il faut que nul ne puisse y attenter : ce sera leur première condition, et par conséquent leur première loi. Ne faites pas aux autres ce que vous ne voudriez pas qui vous fût faît : cet axiôme est la grande loi ae la liberté.
Il suit de là que nulle société ne peut défendre et interdire aucun acte à ses membres, hors ceux par lesquels ils pourraient nuire à quelqu'un. Mais cette loi existait naturellement avant la convention, et voici comment :
Chaque homme avait le droit, pour conserver son existence et les propriétés qui servaient à l'entretenir, de repousser les attaques et les usurpations d'un autre. Chacun, en entrant dans la société, y a porté ce droit; seulement il a chargé tous les autres dG l'aider de leurs forces et de leurs moyens, et il leur a dit : Je n'emploierai pas mes forces, pourvu que vous me protégiez de toutes les vôtres, et je vous rendrai le même service à mon tour.
Bien loin donc que la loi ôte de la liberté de chacun, elle l'affermit et l'étend. Donc, il ne faut pas dire que la loi gêne le droit de liberté des personnes ; car, même avant la loi, et dans l'état de nature, le pouvoir de faire du mal n'était pas un droit. J'ai cru nécessaire de rappeler ici ce que j'ai déjà prouvé plus haut.
De la liberté dans les discours, dans les écrits et dans les actions.
Les lois ne gênent donc point la liberté des individus quand elles leur défendent de nuire aux autres. Nous sommes donc libres de dire, d'écrire et de faire tout ce qui peut nous convenir; et quoiqu'il soit défendu par la convention que nous avons passée de rien dire, ni écrire, ni raire qui puisse nuire aux autres, notre liberté n'est pas
r plus gênée après la loi qu'elle ne l'était auparavant.
Mais il suit de là qu'il n'y a que les associés réunis qui puissent faire la loi, parce qu'il n'y a qu'eux qui puissent juger de ce qui leur convient, et qu'arrivant libres également, chacun sait parfaitement ce en quoi chaque autre pourrait lui nuire.
Il est donc évident qu'un d'entre eux ne le doit ni ne le peut.
Il ne le doit pas, car: 1° aucun homme ne naît, ainsi que nous Pavons prouvé, avec le droit de gêner la liberté d'un autre, à plus forte raison celle de plusieurs ou celle de tous ; 2° il est prouvé aussi que tous sont libres également.
Il ne le peut pas, car il est physiquement impossible qu'un seul puisse juger "de ce qui convient à tous.
Donc il n'y a que la convention de tous qui puisse défendre tels discours, tels écrits, telles actions, en conséquence de ce qu'ils nuisent aux autres; et s'ils ne leur nuisent point, ils sont permis.
De la liberté de la pensée.
La pensée n'entre point dans la classe des choses que les hommes peuvent défendre, relativement à l'exercice de la liberté.
La pensée échappe à tout empire, à toute gêne : celui qui voudrait la sacrifier ne le pourrait pas; et puisqu'il ne peut y avoir ni sacrifice, ni volonté de le faire, elle reste à chacun parfaitement libre et indépendante.
D'ailleurs, la société elle-même ne peut en exiger le sacrifice, puisqu'elle ne demande que celui des actes qui peuvent nuire à la société et aux individus. Mais la pensée n'est pas un acte; on ne la sent ni ne la voit : donc la société ne saurait exiger qu'aucun individu fasse le sacrifice de sa pensée à l'intérêt générai qu'elle ne touche pas.
Enfin, la pensée purement telle ne nuit à personne ; quand elle est publiée, ce n'est plus une pensée, c'est un discours; et nous venons de poser le vrai principe à cet égard.
De la liberté dans les opinions.
L'homme n'est pas borné à avoir des pensées vagues et décousues; il a de plus la faculté et le besoin de les rapprocher les unes des autres, et de former sur elles des jugements.
Quand ces jugements sont fixés dans l'esprit, on les appelle des opinions.
Or, on ne saurait dire que l'homme, libre d'avoir des pensées, ne le soit pas de les rapprocher les unes des autres, et d'en tirer des conséquences; car ce serait dire qu'il n'est pas libre de raisonner; et certainement, ce n'est que pour raisonner qu'il pense.
On ne saurait dire non plus qu'il n'est pas libre de raisonner mal, car c'est à choisir entre le bien et le mal que consiste la liberté ; et l'être qui, nécessairement, raisonnerait toujours bien, ne serait pas libre (1).
On ne saurait dire enfin qu'on peut interdire à tel ou tel homme de se former telle ou telle opi-
nion, car ce serait lui interdire la suite des raisonnements qu'il a faits pour se la former, et par conséquent chacune de ses pensées l'une après l'autre, et par conséquent, en dernière analyse, l'usage de la faculté de penser.
Il reste à examiner si l'on peut ordonner , à tel ou tel homme de' quitter son opinion pour en rendre une autre : mais ce serait lui ordonner 'avoir les pensées, et de faire les raisonnements qu'il ne fait pas, et de ne faire pas ceux qu'il fait : ce serait vouloir ôter de son esprit les pensées qui y sont; ce serait y en supposer d'autres qui n'y sont pas, lui faire abandonner les conséquences qu'il tire, en faveur de celles qu'il ne tire point, et lui faire avouer pour bon raisonnement celui qui lui paraît mauvais : ce qui est absurde.
Ce qui fait qu'on a mal raisonné jusqu'aujourd'hui à ce sujet, c'est qu'un homme s'est toujours mis à la place de toute la société qu'il n'était pas, ni ne représentait pas : il a voulu exiger, au nom e la société* des sacrifices qu'elle ne pouvait exiger elle-même, et que sa volonté particulière fût la règle de toutes les autres. Ce n'est pas le moindre abus de la loi confiée à un seul.
conclusion.
11 suit des principes que je viens d'exposer, si je ne me suis pas trompé, qu'il n'y a nul inconvénient à placer à la tête de la législation les motifs qui l'ont déterminée; qu'il est au contraire indispensable de poser les principes de toute bonne constitution, de fixer la règle immuable où s'instruiront nos contemporains et la postérité, et de prévenir ainsi que ceux qui viendront après nous puissent méconnaître ou négliger leurs droits, et s'abandonner insensiblement aux progrès successifs et terribles du despotisme.
C'est d'après les principes que j'ai établis, que j'ai essayé de donner un exemple du préliminaire que je souhaiterais à la Constitution. Je le présente avec une respectueuse modestie, et je ne le livre à l'impression que pour ne pas occuper, inutilement peut-être, l'auguste Assemblée dont la nation compte tous les instants.
Principes de toute constitution soumis a l'Assemblée nationale, par
M. Rabaud de Saint-Arienne
Du droit naturel et imprescriptible des hommes en société.
Art. 1er. Tout homme a droit à exister, à conserver son
existence, et# à la rendre aussi heureuse qu'il lui est possible. Ge droit est inaliénable et
imprescriptible. Les hommes ont apporté ce droit dans la société, et leur but, en s'y
réunissant, a été de le conserver.
«Tous se réunirent avec le même droit et dans le même but : donc ils étaient égaux en droits.
Nul d'entreeux n'apporta le droit de contraindre les autres en quoi que ce soit : donc ils étaient libres, et ils étaient libres également. v Leur association n'a pu leur ôter cette liberté, puisqu'ils ne se sont réunis que pour conserver et affermir leur droit à l'existence : donc ils continuent d'être libres. Ils ne peuvent conserver et embellir leur exis-
tence que par les moyens que la nature leur a donnés : donc ils sont libres d'employer tous ces moyens.
Leur réunion en société eut pour objet de conserver à chacun, sans exception, le droit qu'il avait à l'existence : donc la société doit défendre à chacun d'employer ses moyens à nuire au droit d'autrui.
Chacun emploie ses moyens à se procurer des propriétés pour conserver et embellir son existence : donc la société doit défendre à chacun d'attenter à la propriété d autrui.
Chacun est libre de penser, de dire, d'écrire et de faire tout ce qui ne peut nuire à autrui : donc la société ni aucun de ses membres ne peut le lui défendre.
Chacun est maître de sa personne : donc il n'y a aucun homme qui puisse attenter à la liberté individuelle d'un autre.
Hors ce en quoi il pourrait nuire à autrui, la société ne peut contraindre aucun homme dans ses pensées, dans ses opinions, dans sa religion, dans ses discours, dans ses écrits, dans ses actions, dans ses travaux, dans son industrie et dans l'usage de ses propriétés.
Tout ce que les lois ne défendent pas est permis.
Des lois.
Art. 2. Si les hommes ne se sont réunis en société que pour conserver et maintenir leur existence, pour être plus forts et plus heureux, la société doit remplir ce but.
Ils ont fait pour cela des conditions ou conventions entre eux, où tous ont contracté volontairement et librement.
Ces conditions étant convenues par tous, sont obligatoires pour tous ; et alors on les appelle des lois.
Les lois ont pour objet de maintenir la vie, la liberté, l'honneur, la personne et la propriété de chacun, par une protection générale, uniforme et commune.
Les lois étant inutiles, si elles n'étaient exécutées, il a fallu des peines, afin que chacun fût obligé d'obéir.
Les peines sont la compensation exacte des délits : elles doivent donc leur être exactement proportionnées.
Les lois étant faites pour tous, les peines sont aussi pour tous : donc tous doivent etrë soumis aux mêmes peines, également et sans distinction.
Nul homme ne peut être actionné, poursuivi, arrêté, emprisonné, jugé, puni, que selon la loi, dans les cas qu'elle a prévus, et selon les formes convenues et accordées par tous.
Si la société a besoin de contributions communes, tous les membres sont obligés d'y entrer, proportionnellement à leurs facultés.
Du consentement général aux lois.
Art. 3. Les lois quelconques, civiles, criminelles, de finances et autres, devant être obligatoires pour tous, doivent être librement convenues, accordées et consenties par tous.
Si le consentement de tous ne peut être obtenu, le plus petit nombre est lié par le consentement du plus grand.
Si la société, que nous appellerons désormais nation, est trop nombreuse pour être rassemblée en totalité, elle peut donner des pouvoirs de con-
sentir pour elle à des représentants librement élus, nommés et délégués par elle. La nation peut seule établir la manière d'élire, de nommer, de déléguer ses représentants et d'organiser sa représentation.
Le pouvoir suprême réside toujours dans la nation entière, et ne peut être transféré à un ou à plusieurs, ou à,la totalité de ses représentants.
La nation a le droit de ratifier ou de rejeter ce que ses représentants ont consenti; elle peut suspendre l'exercice de ce droit; elle ne peut pas l'aliéner.
Du gouvernement.
Art. 4. Il ne suffit pas d'avoir des lois; il faut encore veiller à leur exécution et au maintien de l'ordre qui en est une suite : il faut donc un mode de gouvernement.
La nation entière et réunie ne pouvant veiller à l'exécution des lois, elle est obligée de conlier le pouvoir exécutif qu'elle ne peut exercer; mais il lui appartient souverainement.
Le pouvoir souverain appartient à la nation; tous les pouvoirs qu'elle confie ou délègue émanent d'elle, et sont comptables à elle.
Elle ne peut confier le pouvoir de faire des lois ; car elle cesserait d'être le souverain : elle a toujours le droit de reprendre ce pouvoir quand elle l'a perdu et de changer ses lois selon qu'il ui convient.
Elle peut confier ce pouvoir exécutif à un homme ou à plusieurs.
Si elle confie ce pouvoir à un homme, à un roi, ce roi doit exercer son pouvoir selon les lois.
La personne du Roi est inviolable et sacrée compie la loi, et parce qu'il est l'organe de la loi.
Si le Roi distribue en diverses mains le pouvoir exécutif, tous ceux auxquels il est distribué sont comptables et responsables envers la nation, parce que la nation est le souverain. ,
Des pouvoirs distribués.
Art. 5. Les pouvoirs ne sont délégués que pour le bon ordre et Ja sûreté de la nation, soit au dedans, soit au dehors.
La nation fait veiller au bon ordre et à la sûreté du dedaus, par des hommes chargés des fonctions judiciaires ; ils sont tous responsables envers la loi.
Elle fait veiller à la sûreté du dehors par des hommes chargés de défendre l'Etat et de protéger les propriétés, la liberté commune; ils sont punissables s'ils y portent atteinte.
La nation consent librement des contributions et des subsides pour sa défense, pour sa sûreté et pour le maintien des lois ; les administrateurs de ces deniers sont responsables envers elle.
Les différents pouvoirs doivent être confiés à différentes personnes.
Tels sont les principes d'après lesquels toute constitution a été formée et doit être maintenue : c'est ainsi que se formeraient des hommes qui n'auraient pas encore éprouvé les abus de la civilisation dégradée.
Mais le malheur des temps nous ayant appris â connaître les affreux secrets du despotisme et ses ressources variées et infinies pour opprimer les hommes, il faut associer les principes de la
Constitution à une déclaration plus rigoureuse, qui prévoie sûrement tous les cas, et qui fasse disparaître, s'il est possible, de dessus le globe, les moyens employés par toutes sortes de tyrannies." * . ....
Aussi, après un mûr examen, j'adopte avec de légères modifications, la déclaration des droits de M.* l'abbé Sieyès. J'ai cru devoir proposer mon plan de principes de toute constitution dans un ordre naturel, parce que je crois qu'ils doivent servir de base à la nôtre. J'ai essayé de poser les fondements de l'édifice : M. l'abbé Sieyès en a tracé les remparts.
Considérations sur les gouvernements et principalement sur celui qui convient a lafrance, soumises a l'assemblee nationale pM. Mounierp, membre du comité chargé du travail relatif à la Constitution (1 ).
introduction.
Il est peut-être des circonstances où l'on est excusable de parler de soi. Je sais que plusieurs personnes m'accusent d'avoir des principes faibles. On conviendra du moins que, dans le moment présent, on n'a nul besoin de courage pour montrer de l'énergie dans «les prétentions et de la philosophie dans les moyens; mais que pour avouer des principes faiblesy il faut avoir un peu de fermeté.
Ceux qu'on me reproche sont cependant les mêmes qu'on a souvent jugés exagérés dans le cours de l'année précédente ; c'est que mes opinions n'ont point changé avec les événements : je ne crois pas qu'elles aient été jusqu'à ce jour favorables au despotisme. Je ne crois pas que j'aie pu nuire à ma patrie en prouvant les dangers des privilèges des provinces dans l'assemblée tenue à Visille le 21 juillet 1788, où l'on déclara que les Etats de Dauphiné ne reconnaîtraient jamais d'autres subsides que ceux qui seraient accordés par les Etats généraux; —en publiant sans relâche qu'il fallait oublier tous les préjugés de lieux, de corps et de profession, adopter pour patrie la France entière, et mettre la liberté publique sous la garde de tous; — en contribuant à la constitution des Etats de Dauphiné, à laquelle les circonstances ont donné de grands défauts, mais qui a porté les autres provinces à réfléchir sur les droits des peuples; — en dénonçant dans l'assemblée tenue à Romans pendant le cours du mois de novembre les inconvénients de la séparation des ordres- et en y soutenant la nécessité de faire délibérer les trois ordres constamment réunis et de compter les suffrages par tête dans les Etats généraux de 1789, pour faciliter l'établissement de la Constitution : vérités qui furent consacrées dans une lettre écrite au Roi, au nôm du Dauphiné; en combattant dans les Etats de la même province les systèmes présentés par la majorité des notables ; — en distinguant aans mes observations sur les Etats généraux les moyens propres à établir la Constitution, de ceux qui doivent la maintenir.
Il pourrait m'être permis de dire que, dans un temps où il était dangereux de résister aux ministres, j'ai donné quelques preuves de zèle et de fermeté ; mais je dois avouer que je n'aime point à créer les obstacles pour le plaisir de les
combattre; que je ne suis l'ennemi de'l'autorité que lorsqu'elle veut opprimer le peuple; que f abhorre l'abus de la force, la tyrannie ou la licence de la multitude, autant que le pouvoir arbitraire d'un seul; que dans tout ce que j'ai fait, dans tout ce que j'ai écrit pour la révolution présente, j'ai tâché d'exprimer l'amour de la justice et de la modération; que j'ai hautement professé mon attachement extrême au gouvernement monarchique; que je' n'ai jamais séparé la liberté du peuple, de la puissance légitime du monarque; que ma province m'en a donné l'exemple et prescrit le devoir.
C'est encore d'après les mêmes principes que je hasarde de publier quelques réflexions, rédigées à la hâte, sur la Constitution qui convient à la France.
De la liberté.
Le peuple français veut la liberté; ce nom sacré comprend lui seul tous les- droits dont rhommedoit jouir dans l'ordre social. 11 n'exprime pas la faculté de faire sa volonté sans aucune réserve ; car, si chaque individu possédait cette faculté, il aurait le droit de nuire à ses semblables ; le plus fort, le plus adroit parviendrait à subjuger les autres: la liberté deviendrait l'apanage d'un petit nombre ; ou si la servitude générale n'était pas établie, tout se déciderait par la violence, et les citoyens seraient dans un état de guerre perpétuelle.
La liberté appartient à tous les hommes ; mais, pour qu'ils puissent tous en jouir, il faut que nul n'attaque impunément celle des autres. La liberté consiste donc à pouvoir faire tout ce qui n'est pas nuisible à autrui.
Pour empêcher un citoyen d'attenter à la liberté d'un autre, il faut déterminer les droits et les devoirs de tous ; il faut défendre les actions nuisibles, et établir des peines contre ceux qui s'en rendent coupables.
Pour déterminer les droits et les devoirs, il faut établir des règles que les citoyens puissent connaître, et auxquelles ils puissent se conformer. Ces règles sont appelées des lois, parce qu'elles lient et qu'elles obligent tous les membres de la société. C'est donc l'autorité de la loi qui assure la liberté générale ; c'est la loi qui détruit l'empire de la force; c'est elle qui protège tous les droits ; sans elle, il ne peut point exister de liberté.
Mais remarquons bien les caractères des lois. On ne peut donner ce nom qu'à des règles précises qui apprennent aux citoyens ce qu'ils doivent faire et ce qu'ils doivent éviter, qui n'aient pas un effet rétroactif ou une exécution relative à des faits antérieurs, qui soient le résultat d'une volonté calme et réfléchie, et qui ne soient jamais dirigées par la prévention ou la haine contre un individu, ou par le désir de-lui être favorable. Ainsi les lois ont cet avantage, que n'étant rendues que pour la société en général, elles imposent à tous les citoyens des obligations communes; que, lorsqu'il faut décider les cas particuliers, elles préviennent la partialité des jugements, elles éclairent ou contraignent la volonté des magistrats; qu'elles avertissent sans cesse chaque individu de ses devoirs; qu'elles offrent un secours constant à la faiblesse: et enfin qu'elles instruisent le peuple des bons et des mauvais desseins de ses chefs, en lui donnant une mesure certaine pour juger leur conduite dans l'exercice de leurs fonctions.
Du pouvoir arbitraire et de Vanarchie.
Une nation qui n'a point de lois ne peut se régir que par les décisions d'une volonté passagère, qui change suivant les temps, les circonstances, les personnes, et qui n'étant éclairée par aucune règle cède à la prévention, à la haine, à la pitié, à toutes les passions.
Le pouvoir ainsi exercé sans règles, sans principes constants, est celui que nous appelons pouvoir arbitraire. En quelques mains qu'il soit placé, les citoyens ne sont pas libres; ils ne peuvent jouir en'sûrcté d'aucun de leurs droits; leur vie même est toujours en danger ; l'innocence peut être facilement confondue avec le crime ; et les actions les plus indifférentes peuvent être qualifiées de délits.
Que le pouvoir arbitraire soit confié à un seul ou à plusieurs ou à la multitude, il a toujours les mêmes effets , et je n'y mets d'autre différence, si ce n'est que, plus le nombre de ceux qui l'exercent est considérable, plus la liberté personnelle est en péril.
Le despotisme d'un seul est ordinairement tempéré par le sentiment de sa faiblesse, et par la crainte de trop irriter ses sujets ; mais quelle digue opposer au pouvoir arbitraire de la multitude ?
C'est sans doute un superbe spectacle pour un ami des hommes de voir un peuple sentir qu'il n'est pas né pour servir les caprices de ceux qui le gouvernent, et pour être possédé comme un vil troupeau, se réveiller d'une longue léthargie, s'indigner du poids de ses fers, et braver la mort pour briser le joug de l'esclavage. Sans doute un peuple qui possède ce noble courage est digne d'être libre ; mais combien il importe à son bonheur qu'après s'être affranchi de la servitude, il se soumette à l'empire de la loi ; car il exerce lui-même la souveraineté, entraîné par le sentiment de sa force, la moindre résistance lui paraît un crime digne de mort: c'est dans le feu des passions qu'il prononce ses volontés. S'il n'était pas passionné, il ne gouvernerait pas ; l'obstacle qu'apporte nécessairement le grand nombre aux délibérations les rendrait impossibles ; si l'on voulait s'obstiner aies prendre dans le calme, il faudrait renoncer à délibérer. On ne peut y parvenir qu'en captivant l'attention, en dominant le tumulte par la force de l'éloquence, en réveillant les passions des auditeurs, en excitant leur entousiasme. Les partis violents sont les seuls qui peuvent être entendus ; la modération et la prudence paraissent des actes de faiblesse. Cédant aux premières impressions, un pareil peuple ne prendra jamais le temps nécessaire pour consulter les avis du savoir et de l'expérience. Il se laissera séduire par de faux bruits, parce qu'il est essentiellement crédule ; et, dans ses moments de fureur, il exercera l'ostracisme envers un grand homme. Il voudra la mort de Socrate, le pleurera le lendemain, et quelques jours après lui dressera des autels. •
Dans cet état d'anarchie, l'observateur est d'abord séduit par l'image flatteuse de l'indépendance ; mais il est bientôt convaincu qu'au milieu de cette multitude en agitation, aucun homme ne jouit de la liberté et de la sûreté. Une calomnie, un simple soupçon suffisent pour le mettre en danger : la faveur du peuple ne saurait même l'en garantir ; et comme les sentiments extrêmes sont les seuls qui animent les assemblées tumul-
tueuses, il n'est point d'intervalle entre l'amour et la haine; et rien n'est plus commun dans les fastes de la puissance populaire, que de voir la multitude briser de ses mains l'idole qu'elle avait encensée le jour précédent.
Ce qui sur tout est de la plus terrible conséquence dans le despotisme de la multitude, c'est que ceux qui ne savent pas réfléchir, (et c'est toujours le plus grand nombre) soutiennent cette autorité jusqu'au moment où ils-en deviennent les victimes ; qu'ils la soutiennent parce qu'ils la partagent ; c'est que peu d'hommes ont le courage de lui résister. Rien n'est plus fréquent que de rencontrer des gens d'honneurqui s'empressent de lutter contre l'autorité arbitraire d'un seul ; mais devant la force de la multitude, tout cède à l'instant, on obéit sans rougir; et comme elle distribue elle même la gloire, puisqu'elle forme l'opinion publique, il faut avoir le plus sublime courage pour ne pas flatter toutes ses passions ; il faut savoir dédaigner la gloire, et même braver la honte.
Pour achever de caractériser le despotisme populaire, en doit ajouter qu il se termine le plus souvent par le pouvoir arbitraire d'un seul. Quand la multitude est venue au point de redouter ses propres excès, elle se choisit un chef, et finit par obéir à tous ses caprices.
Je le répète donc : la véritable liberté n'est que la sûrelé des biens et des personnes ; cette sû-re'é n'a point d'autres fondements que le respect des lois. La licence ou l'anarchie est donc la plus cruelle1 ennemie de la liberté. La licence il est autre chose que le pouvoir arbitraire, c'est la faculté de pouvoir nuire impunément ; et dans ce sens, ie despotisme d'un monarque absolu, n'est que la licence d'un seul, comme l'anarchie est la licence delà multitude.
De la division des pouvoirs.
Pour que les lois puissent maintenir la liberté, il faut assurer leur exécution : c'est la nécessité d'établir des lois et de les exécuter qui exige les institutions que nous appelons gouvernement.
Pour empêcher la tyrannie, il est absolument indispensable de ne pas confondre avec le pouvoir de faire les lois celui qui doit les faire exécuter; si leur exécution était confiée à ceux qui les établissent, ils ne se considéreraient jamais comme engagés par des lois antérieures.
L'exécution des lois est fréquemment arrêtée par le choc des passions qu'elles combattent. Les passions de ceux qui sont chargés de les faire observer sont aussi mises en mouvement par une sorte de réaction. S'il leur est permis d'écouter leurs volontés particulières, la loi n'est plus impartiale, ou plutôt on abuse de son nom pour déguiser un régime oppresseur.
Quant au "pouvoir judiciaire, il n'est qu'une émanation du pouvoir exécutif, qui doit le mettre en activité et le surveiller constamment ; mais, afin que le pouvoir exécutif n'introduise par l'arbitraire dans les tribunaux, ne domine pas la conscience des juges, les lois doivent garantir leur liberté dans l'exercice de leurs fonctions, etne pas permettrequ'ils soient dépossédés de leur emploi pendant le temps qu'elles auront déterminé, si ce n'est pour une prévarication, et en vertu d'un jugement légal.
C'est une vérité incontestable que la réunion des pouvoirs détruit entièrement l'autorité des lois et forme le despotisme.
Dans les républiques anciennes, on n'avait point assez connu l'importance de la division des pouvoirs législatif et exécutif. On avait établi des corps, des magistrats à qui l'on avait confié divers degrés de puissance ; mais le pouvoir arbitraire était sans cesse à côté de la loi. Aussi de violentes convulsions troublaient souvent la paix publique. La liberté, la licence, et là servitude, se succédaient rapidement. A Rome, par exemple, le droit de faire des lois appartenait au peu|3le, au sénat, au préteur; ils avaient aussi Je droit de les faire exécuter, etmême celui de juger. On ne doit pas être surpris qu'avec un pareil gouvernement, le peuple romain n'ait pu conserver sa liberté. 11 n'aurait pas tant tardé de déchirer lui-même le sein de sa patrie pour la précipiter ensuite dans î'esclavage, si ses chefs n'eussent eu le soin de le conduire souvent à l'ennemi, et de diriger son ardeur vers la conquête du monde.
Mais comment doivent être exercés les pouvoirs législatif et exécutif? Il faut prendre ici pour seul guide le plus grand avantage de la société, et se rappeler que le meilleur gouvernement est celui qui porte au plus haut degré le bonheur et la sûreté du peuple.
Pour qu'un peuple puisse, sans de très-grands inconvénients, se réserver le pouvoir de faire des lois, il faudrait qu'il fût très-peu nombreux, qu'il eût des mœurs simples, que ses intérêts fussent faciles à régler, et que les fortunes fussent à peu près égales ; c'est-à-dire, qu'il n'existe pas sur la terre de peuple connu à qui la démocratie, dans le sens qu'on attache pour l'ordinaire à cette expression, puisse véritablement convenir.
Si le nombre des personnes qui délibèrent est trop considérable, les résolutions sont prises au milieu du tumulte, on ne s'éclaire point par la discussion, on ne réfléchit pas sur les conséquences. Tous les individus sont entraînés par l'imitation, ou par la crainte d'encourir l'indignation publique en combattant les opinions qui plaisent à la multitude. Si les fortunes sont inégales, les pauvres seront forcés d'abandonner ie soin des affaires publiques; et, sans leur conserver aucune influence, les riches s'empareront du gouvernements
Je suis même si frappé des inconvénients inséparables de la démocratie pure, qu'en supposant qu'il existât une nation digne de la posséder, je ne pourrais lui en conseiller l'usage. En effet, uu peuple dont le nombre n'excéderait pas douze ou quinze cents hommes éclairés, égaux en richesses, pleins de zèle pour leur patrie, serait certainement, par sa situation, le plus propre à exercer en corps le pouvoir législatif.
Cependant, n'agirait-il pas prudemment, s'il considérait que b s circonstances qui lui facilitent l'exercice de ce pouvoir, doivent bientôt cesser, que la population s'augmentera, que les richesses seront bientôt inégales, qu'il deviendra impossible à tous les citoyens de passer leur temps à délibérer sur l'intérêt général, que les magistrats chargés de l'exécution des lois, usurperont le droit exclusif de les proposer, tromperont la multitude, ne lui laisseront qu'une influence apparente, ou que, dans un moment d'effervescence, elle se choisira un chef, et lui donnera tous les genres d'autorité?
D'ailleurs, quand uu peuple se réunit en corps pour faire les lois, peut-il exister une puissance capable de balancer la sienne? Est-il facile de le convaincre du danger de la réunion des pouvoirs? Si les magistrats chargés de l'exécution k des lois ne parviennent pas à le tromper ou à
le séduire, à multiplier leurs prérogatives, à se rendre maîtres du temps et des sujets de délibé-tion, auront-ils quelques moyens de prévenir des changements continuels dans les lois? Pourront-ils empêcher le peuple d'ordonner, d'exécuter, de juger arbitrairement
Qu'on ne me cite pas les exemples des anciennes républiques; elles pourraient fournir beaucoup de preuves en faveur de ces réflexions ; d'ailleurs, les anciennes républiques étaient toutes de véritables aristocraties, puisque la plus grande partie de leurs habitants étaient esclaves, et que les* citoyens pauvres vendaient leur liberté pour se procurer leur subsistance. Ainsi, par cette affreuse politique, ils excluaient du gouvernement la classe la plus nombreuse, et rendaient les délibérations moins difficiles. On doit aussi remarquer que, malgré la confusion des pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire , plusieurs corps différents en partageaient l'exercice avec le peuple; et ce partage, en suscitant des rivalités et des agitations continuelles, tempérait le pouvoir arbitraire, et empêchait les divers partis de s'y livrer avec sécurité.
Il est inutile de démontrer combien il serait absurde, pour éviter les inconvénients de la démocratie, de rendre un seul homme le maître absolu de tout un peuple, ou de réserver le droit de faire des lois, à un pe'it nombre de personnes à qui il appartiendrait héréditairement, ou qui choisiraient elles-mêmes pour remplir les places vacantes. L'aristocratie est le pire des gouverne-, ments, lors même qu'elle use avec modération de son autorité; elle avilit le caractère public; elle voue le plus grand nombre des citoyens au mépris de quelques familles.
S'il est dangereux de laisser la législation au peuple en corps, il serait bien plus dangereux encore de lui laisser les pouvoirs exécutif et judiciaire; ils acquerraient dans ses mains une force supérieure à celle des lois. Ils ne seraient plus destinés à faire respecter les résolutions du Corps législatif, mais les décisions arbitraires de la multitude.
Tous les peuples doivent donc confier ou déléguer l'exercice des pouvoirs; mais ils doivent aussi tellement les diviser et en assigner les limites, que ce qu'ils ont établi pour l'utilité commune ne puisse jamais être employé contre le but de son institution. Ils doivent s'interdire tous les moyens de résistance contre les lois, et ne s'en doivent réserver que contre la tyrannie.
On ne me soupçonnera pas, sans doute, de vouloir nier que toute autorité émane de la nation ; mais la seule conséquence qu'il faut tirer de ce principe, c'est qu'aucun gouvernement n'existe pour l'intérêt de ceux qui gouvernent ; car, si tous les pouvoirs émanent du peuple, il importe à sa félicité qu'il n'en ait pas l'exercice, et qu'il ne conserve que l'influence nécessaire pour empêcher les dépositaires de ses pouvoirs d'en faire un usage contraire à ses intérêts.
De toutes les républiques anciennes et moder-cines, celles qui se sont le plus rapprochées des vrais principes sont certainement les Etats-Unis de l'Amérique; ils ont confié le pouvoir législatif à des représentants du peuple, et le pouvoir exécutif à un magistrat.
La représentation du peuple était inconnue aux anciens ; et quand on réfléchit à tous ses avantages, on est tenté de pardonner au gouvernement féodal, dont elle tire son origine, tous les maux qu'il a faits à l'Europe. La représenta-
tion du peuple, malgré tous les sophisines des admirateurs outrés des Grecs et des Romains,"est véritablement la plus belle, la plus heureuse de toutes les institutions politiques.
Le peuple a toujours assez de lumières pour sentir le prix de la vertu. Les hommes qu'il choisit sont ordinairement dignes de sa confiance. Il exerce, par la nomination de ses représentants, la véritable autorité qu'il importe de lui réserver, pour la conservation de la liberté publique* et qui, bien loin d'avoir des inconvénients, est la source des plus grands avantages.
Le pouvoir législatif ne doit pas être confié à des hommes sans fortune, qui n'auraient ni assez de loisir, ni assez de lumières pour s'occuper avec succès du bien général; mais, par la représentation, il s'établit des liens de fraternité entre les riches et ceux qui sont forcés de travailler pour leur subsistance. Les premiers ont intérêt à mériter les suffrages des autres ; ils cherchent à se concilier l'opinion publique. Dans tous les pays où les représentants du peuple sont librement élus, le rang et l'opulence inspirent moins d'orgueil, les mœurs sont moins corrompues, et le luxe moins effréné.
Du pouvoir exécutif, confié à temps et par élection.
Dans les républiques américaines, tous les genres de pouvoirs sont confiés pour un temps aéterminé et par élection. Il est facile de voir qu'un pareil gouvernement ne peut convenir qu'à une population peu considérable.
Le pouvoir exécutif est, pour la*" félicité publique, d'une importance absolument égale au pouvoir législatif ; ou plutôt ils ne peuvent pas exister l'un sans l'autre. A quoi servirait une loi, si la force publique ne la faisait pas observer ? Ainsi, le pouvoir exécutif et l'autorité de la loi sont absolument inséparables.
L'exécution de la loi éprouve plus d'obstacles en proportion du nombre des citoyens. Dans un petit Etat, il y a moins de crimes à punir; les abus sont facilement aperçus et réformés. Au contraire, dans un Etat d'une grande étendue et et d'une immense population, il faut une surveillance continuelle pour maintenir la tranquillité publique. Les infractions envers les lois sont plus multipliées, plus difficiles à découvrir, et les troubles beaucoup plus dangereux. Il y a donc nécessité de confier plus de force au pouvoir exécutif dans un grand Etat que dans une petite république. On ne dirige pas une armée comme une légion, et une légion comme une compagnie de soldats : il faut toujours proportionner le levier à la pesanteur du corps qu'on veut mettre en mouvement.
Rien ne prouve mieux la nécessité de donner au pouvoir exécutif une grande force que les précautions prises par les anciens pour suppléer à la faiblesse des moyens employés ordinairement à l'exécution des lois. Delolme a fait lui-même cette réflexion, efc rappelé les imprudentes ressources de l'ostracisme et de la dictature auxquelles les Athéniens et les Romains avaient recours dans certaines circonstances. Il est difficile de concevoir une constitution plus vicieuse que celle qui obligeait un peuple à bannir tous les hommes qui obtenaient un granl crédit par leurs talents ou leurs vertus, ou celle qui forçait un autre peuple à donner à un seul le droit de vie ou de mort sur tous les citoyens.
Le pouvoir exécutif est nécessairement faible, s'il est confié à te i.ps et par élection. Le magistrat qui en est revêtu est alors dans une certaine dépendance de ceux qui l'ont choisi. Il est lié par la reconnaissance envers les personnes qui lui ont procuré des suffrages ; il peut être surtout retenu par la crainte de susciter, pendant l'exercice de ses fouctions, des ennemis qui puissent répandre l'amertume sur le reste de ses jours. Les intrigues, les sollicitations, les menaces ralentiront sans cesse son courage;" les ordres qu'il fera transmettre aux agents qui lui sont subordonnés, ne seront pas fidèlement remplis ; ils auront souvent intérêt à lui désobéir, et rarement à lui témoigner de la soumission et de la fidélité; ils ne pourront penser à sa puissance sans entrevoir le jour déterminé où elle finira. Il doit même exister un intervalle, dans tous les Etats-Unis, où le pouvoir exécutif est presque sans force, c'est celui où le dépositaire est près du terme de ses fonctions. Aussi plusieurs observateurs, en approuvant toutes les résolutions de la plupart des législatures américaines, ont cru apercevoir que jusqu'à ce jour le pouvoir exécutif n'avait pas eu une assez grande autorité, que les subsides ne sont pas payés, les tribunaux peu respectés et les délits impunis ; mais que l'inobservation des lois n'y entraîne pas de grands désordres, parce que les mœurs y sont douces, les besoins faciles-à satisfaire, et que les hommes n'y sont pas entassés comme en Europe: quoi qu'il en soit, il est du moins certain que si le pouvoir exécutif des gouverneurs américains est suffisant pour les Etats-Unis, il ne le serait pas pour une grande nation.
D.u gouvernement fédératif.
11 est vrai qu'un peuple nombreux pourrait se diviser et former plusieurs souverainetés qui se ligueraient entre elles, comme les cantons suisses, les provinces unies et les Etats-Unis de l'Amérique: voici, je crois, les suites nécessaires de l'union fédérative. Elle pourra subsister sans trouble, si les diverses parties de l'union n'ont d'autre intérêt commun que celui de la paix et de la guerre; c'est-à-dire si elles se bornent à contracter une alliance, si elles se forment par une assemblée permanente de leurs envoyés respectifs, si ces envoyés ne s'occupent que du soin cle veiller à la défense générale du pays, qu'ils n'aient aucune armée à leurs ordres, qu'ils ne puissent faire aucune loi, imposer aucun subside, et enfin, si chaque province dispose à son gré de ses forces parti eu li ères ^ sauf à fournir les secours stipulés par les traités d'association ; mais surtout il faut que ce peuple soit purement agricole, qu'il soit à l'abri des invasions, par sa position naturelle, que les diverses provinces aient à peu près les mêmes produits, les mêmes moyens d'industrie, qu'elles ne puissent jamais se trouver en concurrence pour leur commerce, qu'elles n'exigent pas différents genres de protection. Il faut que ce peuple reste pauvre, indifférent oux querelles de ses voisins, et que s'il y prend quelque part, ce soit comme auxiliaire stipendié.
Si un peuple veut être commerçant, s'il veut avoir quelque influence sur les intérêts des nations, protéger les moyens de maintenir la paix générale; si les provinces ont divers genres de richesses; s'il faut, pour l'intérêt des unes, des forces maritimes, pour celui des autres, de grandes forces de terre ; si plusieurs, entourées
de voisins puissants, sont obligées d'assurer leurs frontières par des troupes nombreuses: il est évident qu'une simple alliance ne suffirait pas pour les mettre en sûreté contre les invasions de leurs ennemis, que les provinces maritimes ne sauraient supporter seules les frais de l'entretien d'une flotte, les provinces frontières, les frais d'une forte armée. Il faudrait donc alors resserrer les liens et confondre les intérêts, assujettir toutes les parties de l'union aux mêmes charges, aux mêmes avantages, créer un corps législatif et une puissance exécutrice pour régler tout ce qui intéresse l'association en général, leur confier des armées, les autoriser à établir des impôts.
Mais bientôt la jalousie éclatera entre les provinces. La différence de leurs intérêts les mettra souvent en opposition ; chacune d'elles ayant ses lois, son gouvernement, aura des préjugés particuliers; chacune d'elles voudra retirer les plus grands avantages de l'association; il n'y aura point d'esprit public. On supportera avec peiue les sacrifices qu'exige le maintien de l'union. Pour faire respecter les décrets du corps fédératif, il faudra sans cesse augmenter ses prérogatives ; la place du chef de ce corps deviendra bientôt, par son importance, un sujet de brigues et de querelles. Pour les prévenir, un stathoudérat héréditaire sera établi; et enfin le stathouder, en profitant des rivalités des provinces, parviendra bientôt à les assujettir, les unes par les autres, à son autorité absolue (1).
Mais qu'importe, au reste, la question de savoir si un gouvernement fédératif peut être durable? Gomment regretterait-on de n'être pas né sous un pareil gouvernement, puisqu'il est vrai que le pouvoir exécutif y obtient rarement assez d'autorité pour faire observer les lois, puisqu'il est vrai que toute société, pour peu qu'elle soit nombreuse, n'a pas de parti plus prudent à suivre, que de confier le pouvoir exécutif héréditairement à un seul magistrat, soit qu'on l'appelle roi, duc, comte et marquis, suivant l'étendue du territoire; et personne n'ignore que, dans la situation actuelle de l'Europe, qui probablement sera à peu près la même dans bien des siècles, on doit s'estimer très-heureux d'appartenir à un grand Etat, afin de n'être pas traité avec injustice ou considéré comme tributaire par une puissance voisine.
Du gouvernement monarchique.
Quel gouverne nent convient donc le plus à une grande nation? Il est impossible d'hésiter dans la réponse: c'est le gouvernement monarchique.
Je ne comprends pas, sous le nom de monarchie, tous les gouvernements auxquels on est en usage de le prodiguer : partout où la volonté du prince est une loi, je ne puis apercevoir que le despotisme. Mais j'entends par monarchie le gou-
vernement où un seul régit suivant la loi, où un seul est chargé de la faire exécuter; et personne n'ignore que lorsque le pouvoir exécutif est dans les mains d'un seul, il a plus de force et de célérité que lorsqu'il est confié à un corps qui perd à délibérer le temps où il est nécessaire d'agir.
Ainsi la véritable monarchie est le gouvernement de la loi ; et certainement on ne peut pas en faire un plus bel éloge; car il n'est point de citoyen qui ne soit libre lorsque la loi est supérieure à toute autorité.
La dissertation précédente sur les autres gouvernements peut faire naître quelques réflexions sur l'excellence de la monarchie; elle paraîtra peut-être inutile, car en général les Français aiment la monarchie. Mais il est bon de rappeler tous ses avantages; ceux qui les connaîtront désireront bien plus encore de voir établir, dans la constitution du royaume, toutes les parties nécessaires à la perfection de cette forme de gouvernement.
Je crois non-seulement que le gouvernement monarchique est le seul qui convienne à un grand peuple, mais encore que c'est celui qui convient le plus à tout peuple dont le nombre excède deux ou trois cents mille hommes. Il a surtout l'avantage de pouvoir se concilier avec la liberté générale de tous les membres de la société, tandis que, sous le nom de république, sous le nom même de démocratie, existent tant d'aristocraties réelles. On peut même dire que, chez les anciens, aucun peuple n'était libre, puisque la multitude était esclave dans tous les pays ; et c'est la raison pour laquelle leurs institutions peuvent si rarement convenir aux peuples modernes.
En fixant la constitution de la France, il faut bien considérer l'immense population de ce royaume. Une association aussi nombreuse est si loin de la nature qu'il ne faut pas prétendre la gouverner avec des moyens simples, tels que ceux qui pourraient suffire pour régir une ville ou une petite province.
Quand on réfléchit sur ce sujet important, on est surpris de voir que le moyen qui séduit le plus l'imagination est souvent celui qui s'oppose le plus au bonheur public, et qu'on est foccéd'en préférer un autre qui, au premier aperçu, semblait contredire les lumières de la raison.
On doit surtout vne pas suivre aveuglément toutes les leçons des philosophes : leur juste prévention contre les préjugés vulgaires les a presque toujours entraînés au delà des bornes. Ils ont souvent qualifié d'erreurs méprisables des maximes ou des opinions nécessaires à la félicité des citoyens; ils n'ont pas assez considéré que les institutions politiques, malgré leurs vices apparents,-doivent quelquefois leur origine à l'expérience. En matière de gouvernement, beaucoup de philosophes ont imité l'exemple de Platon, et créé des républiques qui ne pourront jamais exister que dans leurs livres.
On doit encore observer que ceux qui proposent "pour bases du gouvernement des principes puisés dans les écrits des moralistes et des philosophes ont un grand avantage sur ceux qui veulent diriger les institutions d'après la faiblesse et les passions des hommes. Il est plus facile aux premiers de se faire entendre et d'exalter l'imagination de la multitude, qui confond si fréquemment la licence avec la liberté ; mais ceux qui donnent à cette dernière expression le véritable sens qu'elle doit avoir ont de grandes difficultés à vaincre. Les précautions qu'ils désirent, pour
rendre la liberté durable, exigent, pour être approuvées, bien plus de sang-froid et de réflexion.
Sans doute il ne peut exister aucun gouvernement parfait. Les défauts s'augmentent avec la complication des moyens nécessaires pour maintenir l'ordre public dans un vaste royaume; mais il faut examiner ces moyens avec l'attention la plus sévère, et adopter ceux qui offrent le moins d'inconvénients et le plus d'avantages.
L'organisation d'un gouvernemen t monarchique doit être teUe que le monarque jouisse de toute l'autorité nécessaire pour faire exécuter les lois, pour maintenir la sûreié et la tranquillité dans l'intérieur, et garantir l'Etat des entreprises de ses ennemie.
Si la dignité royale était élective, elle excile-rait tellement l'ambition, que chaque vacance du trône susciterait des brigues, des complots, entraînerait des querelles sanglantes, ainsi que le prouvent les exemples de plusieurs peuples anciens et modernes. D'ailleurs, pendant le temps consacré aux élections, il n'y aurait point, dans le royaume, de pouvoir exécutif assez respecté pour faire observer les lois ; c'est-à-dire que la mort d'un roi serait toujours le signal du trouble et de l'anarchie. La couronne doit donc être indivisible et héréditaire; et la loi de l'hérédité doit toujours être inviolable, afin que les citoyens ne s'égorgent pas sur les marches du trône pour se donner des rois.
L'autorité du Roi n'étant que l'exécution de la loi, il n'est aucune partie du gouvernement et de l'administration à laquelle cette autorité puisse être étrangère. Mais je ne veux point ici faire le détail des prérogatives qui doivent lui être réservées.
En examinant les principes qui doivent régler l'organisation du gouvernement français, n'oublions jamais que, pour prévenir le despotisme, il faut rendre impossible la réunion de tous les pouvoirs, dans quelques mains qu'elle dût être placée.
Quels moyens doivent être destinés à empêcher le Roi d'abuser de la force publique, pour faire exécuter ses volontés particulières, et pour s'emparer exclusivement de la puissance législative? Ces moyens sont très-simples et très-connus: la permanence ou le retour annuel des Assemblées nationales, — la nullité de tous les subsid* s qui ne seraient pas accordés par ces Assemblées, — la liberté de la presse, — l'armée constituée de manière à ne pouvoir jamais être employée contre la liberté publique, — des administrations provinciales, — des municipalités, — tous les citoyens plus directement intéressés aux affaires publiques, — la responsabilité des ministres, de tous les autres agents de l'autorité, et la destruc-lion des ordres arbitraires.
11 faudrait trop de temps pour analyser ces diverses parties de la Constitution ; mon objet n'a pas été d'expliquer tous les principes de la monarchie, mais seulement de proposer quelques réflexions sur des points importants que j'ai cru n'être pas assez médités.
L'autorité du monarque devant être tellement réglée qu'elle puisse faire le bonheur du peuple, mais qu'elle ne puisse jamais lui imposer le joug d une honteuse servitude, ii est absolument nécessaire que cette autorité soit rendue ferme et stable dans ses mains, afin qu'il, soit impossible à tout corps, à tout particulier de la lui ravir ; car une autorité usurpée n'est plus réglée par la loi : en lui ôtant la place que la Constitution lui avait assignée, on la met hors des limites ; elle
n'a plus aucun frein, et rien ne peut l'empêcher de nuire.
Pour maintenir les droits de la couronne, il faut que la personne du Roi soit inviolable et sacrée ; car, s'il n'était pas hors de l'atteinte des tribunaux ou de toute autorité, il existerait un pouvoir exécutif supérieur au sien, il ne serait plus monarque.
Il doit être considéré comme le chef de la nation et le représentant de la majesté du peuple français : il doit être le distributeur des honneurs et des grâces : un grand éclat doit annoncer son éminente dignité.
La Constitution doit, en organisant le pouvoir législatif, l'environner de tous les obstacles nécessaires, pour qu'il ne porte jamais atteinte au pouvoir exécutif ou qu'il ne puisse pas s'en emparer.
On dira peut-être, quand on aura lu mes réflexions sur ce sujet, que je parle avec prolixité des précautions à prendre pour garantir l'autorité du Roi des entreprises du Corps législatif, tandis que je ne donne aucun développement aux moyens d'arrêter les entreprises de l'autorité royale ; mais la raison de cette différence est facile à comprendre. Dès qu'un peuple est éclairé sur ses droits, dès qu'il a recouvré sa liberté, il ne saurait la perdre que par le mauvais usage qu'il peut en faire ; mais quand il importe à la conservation de cette même liberté, de placer une grande puissance dans les mains d'un seul homme, il faut bien plus de combinaisons pour la défendre de toute usurpation, et pour l'investir d'une force réelle, qu'il n'en faut pour l'empêcher d'asservir le peuple. Nul n'est plus pénétré que moi de la nécessité de retenir l'autorité royale dans de justes limites ; mais les moyens me paraissent trouvés, ils sont dans la bouche de tout le monde.
Du Corps législatif.
Nous avons vu précédemment que la loi, pour être toujours dirigée vers l'intérêt public, ne doit pas être faite sans l'intervention des représentants librement élus par le peuple : ils ne peuvent être nommés que pour un temps court, afin que, devant rentrer bientôt dans la condition de simples citoyens, ils n'oublient ou ne trahissent jamais les droits attachés à ce titre.
On doit faire participer au choix des représentants le plus grand nombre de citoyens possible, en prenant seulement quelques précautions pour ne pas admettre des hommes sans domicile ou d'une extrême indigence.
On doit exiger qu'on n'élise pour représentants que des personnes ayant unp propriété en immeubles, sans qu'il soit nécessaire qu'elle ait une valeur considérable. Je croirais qu'elle devrait suffire si elle valait 12,000 livres en capital.
On dira que c'est mettre obstacle à la confiance ; mais les électeurs ne choisissent pas un représentant pour leur seul intérêt ; c'est pour celui de la nation entière: il est bon d'éclairer leur choix par des règles précises. Il faut qu'un membre du Corps législatif soit au-dessus du besoin, qu'il soit intéressé à tous les genres de loisfet de subsides, qu'il soit intéressé au maintien de l'ordre public, aux progrès de l'agriculture, à la prospérité de sa patrie ; il est donc utile qu'il ait une propriété. Les- Anglais, les treize Etats unis de l'Amérique ont exigé un revenu considérable pour qu'un citoyen puisse ! prétendre à la qualité d'éligible. Il faudrait avoir
une philosophie bien hardie pour vouloir être plus exempt de préjugés que les Américains.
Je ne pense pas que le monarque doive jamais former lui-même des lois : il peut seulement recommander de prendre un objet en considération ; et cette recommandation ne peut produire quelque effet qu'autant qu'elle donnerait lieu à un des membres de proposer une loi nouvelle, suivant les formes déterminées ; mais si le Roi envoyait aux représentants de la nation des édits dont tous les articles seraient préparés, la Couronne pourrait se hâter de prévenir leurs desseins toutes les fois qu'elle en serait instruite, leur faire perdre ainsi l'usage de former eux-mêmes les iois, et se l'attribuer exclusivement : la liberté serait moins assurée ; car un monarque qui a le droit exclusif de proposer les lois saisit l'instant favorable pour accruître sa puissance par un acte de la législation, ou bien il laisse les abus se multiplier, et au lieu de les combattre par les les lois, il les protège et les tourne à son avantage. Je crois donc, comme Delolme, que l'initia-tive en matière de législation ne doit jamais appartenir au monarque, et qu'en cela le gouvernement monarchique offre une perfection qu'il est impossible de rencontrer dans la plupart des républiques, où, pour empêcher les corps législatifs de se livrer aux changements avec trop de précipitation, les magistrats jouissent du droit exclusif de proposer les lois.
Au surplus, l'initiative exercée par le sénat ou les représentants est plutôt favorable qu'elle n'est nuisible à la majesté du trône. Il n'est plus exposé au danger de proposer des lois qui pourraient être rejelées. Il refuse ou il approuve, sans en expliquer les motifs.
De la sanction royale.
Les représentants ne doivent pas faire des lois sans le concours du monarque, dont la sanction est absolument nécessaire. Cette question est déjà décidée par les cahiers ; car, dans le plus grand nombre, il est dit expressément que toutes les lois seront concertées avec le Roi. On ne pourrait donc déclarer cette sanction inutile, sans contredire le vœu de la nation. Mais, quand ce principe ne serait pas exprimé dans les pouvoirs donnés par les commettants, il suffirait qu'ils n'eussent pas indiqué clairement une volonté contraire, pour qu'il dût être respecté.
Tout corps, de quelque manière qu'on le compose, cherche à augmenter ses prérogatives : toute autorité veut s'accroître, si l'on n'oppose une digue à son ambition. Les représentants du peuple pourraient devenir les maîtres absolus du royaume, si leurs résolutions ne rencontraient aucun obstacle. Il est certainement impossible d'espérer que les représentants de la nation aient toujours les mêmes opinions et les mêmes desseins que le prince et ses ministres : dans beaucoup de circonstances, ces diverses autorités auront à se combattre. La prudence et la sagesse exigent qu'on ne laisse à aucun des deux partis des armes assez dangereuses pour qu'il soit facile à l'un d'opprimer l'autre et d'usurper ses droits. Donner aux représentants de la nation la faculté de faire seuls toutes les lois, serait soumettre à leur volonté les prérogatives de la couronne.
L'élection libre des représentants permet sans doute d'espérer que la plupart seront toujours des hommes vertueux; mais partout seront
les hommes, il faut prévoir les eff ts de leurs passions. Ne serait-il pas à craindre qu'à l'avenir une assemblée nombreuse de représentants, si ses résolutions n'éprouvaient jamais la moindre résistance, se laissât facilement entraîner par des orateurs adroits ou enthousiastes? et le désir même du bien ne pourrait-ihpas être un moyeu , certain de l'égarer? On lui persuaderait que tout ce qui serait fait par elle le serait plus justement, plus exactement que par une autre autorité. Par exemple, on se plaindrait d'une injustice dans la distribution des emplois, elle voudrait se la réserver; on blâmerait la discipline de l'armée, elle voudrait en régler les détails; elle finirait bientôt par oublier qu'il existe un monarque: n'étant retenue par aucun frein, elle prendrait sa volonté pour unique règle, et alors elle établirait des lois pour les personnes,^ pour les circonstances, pour des actions antérieures.
Quand l'Assemblée des représentants disputerait au trône une portion d'autorité, elle aurait pour ses prétentions l'appui de la multitude flattée ae l'accroissement du pouvoir dans les mains de ceux qu'elle aurait choisis ; et la couronne n'aurait aucun moyen de défense, s'il ne lui était assuré par la Constitution.
Qu'on ne pense pas qu'il soit facile de suppléer la sanction royale, et qu'en traçant dans la Constitution les limites de l'autorité des représentants, il leur soit impossible de les franchir; certainement toutes les règles seront inutiles, lorsqu'on s'en rapportera à ceux qu'elles intéressent, pour le soin de les interpréter. Certainement on ne saurait commettre une plus grande imprudence, que de confier à un corps, ou à un individu, l'exécution de la loi qui doit enchaîner sa volonté.
La lot n'est qu'un vain mot, quand il n'existe aucun moyen pour la faire respecter. D'après ce principe incontestable, comment pourrait-on lier les représentants et prévenir l'accroissement de leur puissance, si l'on se bornait à écrire leurs devoirs, et si la combinaison des ressorts du gouvernement ne défendait pas l'autorité royale ?
Espérer que la nation pourrait empêcher le Corps législatif de s'emparer du pouvoir exécutif serait admettre qu'elle est en état de se gouverner elle-même, sans chef et sans lois. Il faudrait donc laisser à tous les districts la faculté de censurer le Corps législatif, exposer les représentants à perdre la confiance publique sur les moindres soupçons, sur la moindre calomnie, et permettre à chaque individu de condamner la loi. Ainsi vouloir établir par la Constitution, comme quelques-uns le proposent, un droit de veto en faveur des commettants, serait introduire dans le gouvernement français la source des troubles les plus affreux, livrer les lois au mépris, et tout subordonner à la violence. D'ailleurs, dans les districts, apercevrait-on les changements insensibles ? Et si ces changements étaient trop favorables à la démocratie, la multitude voudrait-elle s'en plaindre?
Toutes les fois que la nation voudra juger entre ses représentants et le Roi, elle ne pourra le faire sans se placer au-dessus d'eux, sans anéantir leurs pouvoirs ; elle ne pourra donc intervenir que par le désordre, l'insurrection ou l'anarchie. Cette triste interven tion ne peut jamais être désirée par les bons citoyens, à moins que la tyrannie ne soit au comble ; mais il ne faut jamais la provoquer, et surtout ne jamais calculer l'organisation d'un gouvernement, sur les moyens propres à le détruire.
Et que peut-on redouter de la sanction royale, lorsque la fiscalité qui corrompait précédemment toutes les lois n'existera plus ? Comment le Roi pourrait-il avoir intérêt à rejeter celles qui seraient utiles au peuple?
Certainement les plus belles fonctions de la souveraineté sont celles du Corps législatif; si le monarque n'en était pas une portion intégrante, s'il n'avait aucune influence sur l'établissement des lois, il ne serait absolument qu'un magistrat à ses ordres ou un simple général d'armée; le gouvernement ne serait plus monarchique mais républicain: l'autorité royale n'obtiendrait plus le respect du peuple, puisqu'elle ne Contribuerait plus à lui procurer de bonnes lois. Remarquons ici qu'il est infiniment important pour le bien public, de conserver au trône une grande majesté; que comme chef de la nation, le Roi doit toujours être traité avec respect, et que si la nation elle-même était assemblée, elle aurait besoin d'un chef, et devrait avoir pour lui les plus grands égards! ; ; : f
Mais ceux qui s'opposent à la sanction royale disent que le: Roi n'est qu'un délégué de la nation, et qu'il nepeut pas avoir le droit de s'opposer à sa volonté; c'est ainsi que, par l'abusdes expressions, on obscurcit les vérités les plus simples.
Il est très-vrai que le Roi est le délégué de la nation ; il doit s'honorer de ce litre ; mais les députés choisis dans chaque district ne sont pas la nation ; ils ne sont aussi que des délégués : ils n'ont d'autre pouvoir, d'autre autorité que celle qu'ils ont reçue par leurs mandats, et à l'avenir ils n'en auront d'autre que celle qu'établira la Constitution. Cette autorité se bornera toujours à concerter les lois avec le monarque, tandis que celui ci est délégué tout à la fois pour être chef suprême de la nation, portion intégrante du Corps législatif, dépositaire des forces publiques, et chargé de faire exécuter la loi.
La nation n'exerçant pas elle-même sa puissance, et ne devant pas l'exercer, ne peut avoir d'autre volonté que celle des personnes qu'elle en a rendues dépositaires, à moins qu'elles n'en abusent pour la retenir dans, l'oppression. Ainsi la volonté de la nation française se formera par le concours des volontés de son Roi et de ses représentants.
Et qu'on réfléchisse combien il serait injuste d'ôter au prince le droit de sanctionner les lois, tandis que la couronne a exercé pendant plusieurs siècles toute la plénitude du pouvoir législatif. Les députés qu'il a convoqués, qu'il a invités à la réforme des abus, à la régénération du royaume, les députés qui l'ontnommé le Restaurateur de la liberté française, pourraient-ils vouloir jusqu'à ce peint affaiblir l'autorité royale, et ne lui laisser, pour ainsi dire, que le vain titre de roi ?
Je sais que la reconnaissance ne doit jamais faire sacrifier les droits d'un peuple; mais lorsqu'un monarque s'est rendu digne de l'amour de ses sujets, c'est au moins un motif de plus pour ne détruire aucune de ses prérogatives, sans la plus évidente nécessité.
Qu'on ne dise pas qu'en laisssant au monarque le droit d'approuver ou de rejeter une loi nouvelle, on réunit les pouvoirs législatif et exécutif dans les mêmes mains : un pareil droit n'est>pas le pouvoir législatif, mais seulement une portion de ce pouvoir, puisque le Roi n'aura pas la faculté de donner force de loi à ses volontés particulières. Ainsi ce droit ne réunit pas tous les pouvoirs dans les mains du Roi, et il prévient cette réunion dans celles des représentants. Deloime a très-judicieu-
sement observé que le partage du pouvoir exécutif i'énerve entièrement, et qu'il est un malheur pour l'Etat, taudis que le partage du pouvoir législatif produit au contraire les plus grands avantages, en ce qu'il ralentit la marche de la législation, et la rend sage et réfléchie. Il faut en effet beaucoup de lenteur et de prudence pour rétablissement des lois, et beaucoup de promptitude et d'activité dans leur exécution.
C'est donc un des principes les plus sacrés de la monarchie, que le Roi est portion intégrante du corps législatif, et que, pour conserver l'indépendance de la couronne, pour garantir la liberté du peuple des entreprises qui pourraient être faites dans la suite par ses représentants, pour la dignité du trône, pour le bonheur public, il a le droit de rejeter une loi par un veto, ou de l'ap-)rouver par sa sanction, sans être forcé de donner es motifs de son refus; car, s'il était obligé de es faire connaître aux représentants, ceux-ci pourraient se croire en droit de les juger, et con-séquemment de ne point y avoir égard.
Les constitutions américaines ne laissent au gouverneur, en matière de législation, qu'un pouvoir suspensif dont le temps est déterminé ; mais cet exemple ne peut être appliqué à une monarchie. Les gouverneurs de l'Amérique ont une très-faible autorité ; elle ne saurait prévenir les abus de pouvoir des sénateurs et des représentants, et j'ignore si elle peut suffire à la population de leurs Etats ; mais la puissance de ces gouverneurs est trop peu considérable, pour que les Chambres législatives en soient envieuses, et cherchent à la diminuer, pour augmenter la leur.
D'ailleurs, les prérogatives des gouverneurs ou présidents américains sont sous la sauvegarde de tous ceux qui peuvent espérer leur succéder. Comme ils ne possèdent leur place que pour un petit nombre d'années, il est peu de membres du Corps législatif qui ne conçoivent l'espérance d'y parvenir un jour. L'autorité du Roi de France doit être au contraire très-grande pour le bonheur de ses sujets, elle doit être héréditaire. Tous les efforts peuvent être dirigés contre elle, il faut que la Constitution lui assure les moyens de s'en garantir.
Plusieurs de ceux qui reconnaissent la nécessité de la sanction du monarque pour toutes les lois prétendent qu'on ne doit pas la demander )our la Constitution: ils se fondent sur une supposition métaphysique; ils disent que TAssem-)lée actuelle étant une convention nationale pour ixer la Constitution exerce tous les droits du peuple français, et qu'elle doit régler tous les pouvoirs, sans que le consentement du prince soit nécessaire.
Voici mes réflexions sur ce sujet : j'ignore pourquoi on se plaît à considérer une nation comme une société sans gouvernement, sans lois, sans magistrats, et enfin comme un corps désorganisé ; j'ignore pourquoi on cite des hypothèses chimériques ; car 24 millions d'hommes ne peuvent être réunis dans une seule assemblée, et s'il était possible qu'ils fussent réunis, je demande si la puissance royale, une fois établie, cesserait d'exister. Un peuple en corps qui ne reconnaîtrait aucun chef serait dans les convulsions de la plus horrible anarchie.
AinsHP, supposer que l'Assemblée nationale représente une nation sans monarque, une société naissante, est vraiment une supposition absurde. Si l'Assemblée nationale est ce qu'on nomme chez les Anglais une convention, il faut au moins reconnaître qu'elle a été formée pour agir de con-
cert avec le Roi, et que la puissance du monarque qui l'a convoquée existait avant elle.
On ne peut sans doute comparer cette convention à celle qu'établirent les Anglo-Américains, lors de leur insurrection contre l'Angleterre. Ce peuple avait brisé tous les liens qui l'attachaient à la Grande-Bretagne ; il était rentré dans son indépendance naturelle; il n'avait aucun pouvoir à maintenir ; il avait, pour ainsi dire, tout à créer, ainsi, la convention de chaque Etat ne devait consulter que la pluralité des suffrages de ses membres. L'Assemblée de France, au contraire, a été convoquée par le Roi. La nation n'a jamais eu le dessein de porter atteinte aux véritables principes de la monarchie ; elle a voulu seulement qu'on déterminât des limites pour qu'elle ne dégénérât plus à l'avenir en puissance arbitraire. Tous les députés trouvent à cet égard leurs devoirs écrits dans les mandats. Il leur est recommandé de joindre leurs efforts à ceux du prince, pour rétablir sur des bases solides la félicité générale.
S'il est vrai que jusqu'à ce jour on ait pu dire que le peuple français n'avait point, de constitution, on ne doit pas cependant le considérer comme dépourvu de tout gouvernement. L'Assemblée nationale est chargée par ses commettants de faire respecter l'autorité du Roi. Si elle avait le droit de fixer la Constitution sans qu'il y prît aucurfe part, il faudrait en conclure qu'elle a ie droit de disposer à son gré de toutes les prérogatives de la couronne.
Je suis loin de comparer l'influence qui peut appartenir au Roi sur la constituiion, avec celle qui doit lui être réservée sur les lois. Il peut refuser des lois sans en expliquer les motifs, tandis qu'il n'aurait pas le droit de déclarer qu'il s'oppose à l'établissement d'une constitution ; car, après avoir appelé ses sujets à la liberté, il ne peut pas dire: je ne veux pas qu'ils soient libres. Je soutiens seulement qu'étant intéressé à la Constitution, étant chargé de la faire observer, ayant un pouvoir antérieur qu'elle doit régler et non pas détruire, il est nécessaire qu'il la signe et la ratifie. S'il trouvait, dans quelques articles, de grands inconvénients, il pourrait demander qu'ils fussent changés ; et les représentants verraient à leur tour si les changements exigés ne compromettraient point la liberté publique.
Suite des observations sur la composition du Corps législatif.
Je crois avoir démontré, par les réflexions précédentes, combien il importe à la liberté publique d'empêcher, par la Constitution, la réunion de tous les pouvoirs dans les mains des représentants, et de maintenir l'indépendance de l'autorité du Roi. J'ajoute maintenant que, pour remplir ce but important, il ne suffirait pas de déclarer nécessaire la sanction royale.
La sanction royale peut être, dans quelques occasions importantes, de la plus grande utilité : mais il est impossible de se dissimuler que ce moyen serait faible et presque inutile, s'il n'était secondé par d'autres ressorts. Les représentants auraient, pour enchaîner le veto du Roi, unearme à laquelle un monarque peut rarement résister ; c'est le refus de l'impôt.
J'avoue que cette arme est si dangereuse qu'elle peut blesser ceux mêmes qui l'emploient, s'ils ne s'en servent pas avec les plus grandes précautions. 11 est certain qu'en refusant avec obstination les
subsides, on brise à la fois tous les liens du gou- partie de la Constitution elle-même,, elle ne re-vernement; mais, daus la chute de l'édifice, la posera jamais sur des bases solides; les incon-r puissance royale serait la première écrasée : c'est vénients retracés précédemment pour démontrer elle qui en soutient toutes les parties, elle courrait la nécessité de la sanction royale, subsisteront le premier danger; et dans l'instant où tout paye- dans toute leur force, et rien ne pourra retenir ment lui deviendrait impossible, elle cesserait l'autorité des représentants dans de justes limites, d'être une puissance. Il est sans doute bien inu- si le corps qui prépare les lois n'est formé que tile de présenter ici toutes les conséquences qui par une seule Assemblée. Lorsqu'elle serait en-résultent de la nécessité du consentement des traînée par l'enthousiasme ou la prévention, je représentants de la nalion, pour la perception demande si elle obéirait facilement à un prin-des subsides. Il est facile de juger, par la cruelle cipe constitutionnel. Ne pourrait-il pas arriver situation où se trouve un gouvernement lorsque des circonstances où deé projets chimériques de le désordre est dans ses finances, quelle arme ter- perfection auraient séduit un instant l'opinion rible ont ceux qui peuvent à leur gré empêcher publique? et les représentants assurés.d'un pa-ou faire naître ce désordre.
reil appui ne se se hâteraient-ils pas d'exécuter Quelques personnes ont tort de prétendre que ces projets? Voudraient-ils se soumettre aux la ressource de l'impôt soit illusoire. Je la trouve formes qui leur auraient été tracées? et leur d'une si grande force, si propre à gêner tous les impatience ne les jugerait-elle pas inutiles? Ne mouvements de l'autorité, que je n'hésite pas de tâcheraient-ils pas de vaincre la résistance du croire que la Constitution de France imitera monarque, par tous les moyens qui seraient en l'exemple de celle d'Angleterre, et défendra leur pouvoir ? Et n'est-il pas évident que, dans expressément aux représentants de la nation de cette lutte dangereuse entre le trône et les rejoindre aux lois de subsides d'autres lois pour présentants, il n'existerait alors aucun concilia-forcer le Roi à les sanctionner sans distinction.
teur, aucun moyen de tempérer la violence des En prenant même la précaution de séparer les efforts respectifs, qu'aucun principe ne serait subsides des autres lois, l'impôt n'est pas moins respecté, et que la querelle ne se terminerait que un ressort efficace pour affaiblir, pour annuler lorsque l'une des deux autorités aurait subjugué pour ainsi dire, le moyen de résistance qu'on l'autre, et conséquemment détruit la liberté pu-laisse au monarque, par la faculté de sanctionner blique?ou de refuser une loi nouvelle. Comme l'impôt [bailleurs, toutes les fois qu'on agit avec pas- est la base de sa puissance, le terme constant des sion, on se fait aisément illusion à soi-même ; onefforts de ses ministres, il faut sans cesse obser- ferme volontairement les yeux sur les infractionsver les plus grands ménagements envers le corps des lois, on les interprète, on les élude au gré qui en dispose. II faut craindré de l'irriter; et de ses désirs. La passion même du bien publicla nécessité d'opposer le veto royal à une de ses produit les mêmes effets. Une seule Assembléerésolutions est une extrémité très=fâcheuse, qui qui croira qu'un changement importe au bon-peut avoir les plus funestes conséquences. Si les heur de l'Etat, brisera l'obstacle que lui oppose- représentants attaquaient avec passion une partie rait la Constitution ; ét en supposant qu'on n'o-des prérogatives du prince, et qu'ils eussent sur- sât point la mépriser trop évidemment, on lui tout en leur faveur l'opinion de la multitude, le porterait des atteintes indirectes, qui ne seraient veto pourrait compromettre l'autorité de la cou- pas facilement aperçues, ou qui ne paraîtraient ronne. • I pas importantes. Personne n'ignore comment
Le veto du Roi offre donc, pour la Constitution, toutes les institutions s'éloignent , avec le temps, une protection bien insuffisante ; il ne pourrait du but qui les a formées, comment tous les corps certainement mettre la liberté publique et son altèrent, d'une manière insensible, le régime autorité à l'abri des erreurs ou des entreprises qui leur était prescrit, et comment surtout ilsd'une seule Assemblée. savent invoquer l'éternelle excuse des circon-
Personne n'a été plus convaincu que moi de la stances,nécessité de délibérer par tête, et en un seul Dans la première session d'un corps délibérancorps, dans les Etats généraux de 1789. Pour qui avait une constitution à observer, et qui nedonner une constitution à un peuple, il faut né- pouvait y faire aucun changement, sans la par-cessairement adopter des moyens qui triomphent ticipation des constituants, j'ai compté trois in- de tous les obstacles et qui facilitent la destruc- fractions pendant l'espace d'un mois, tion des abus; mais j'ai pensé, et je pense encore, La plupart des Etats unis de l'Amérique ontque les mêmes moyens, mis en usage après la formé leur corps législatif de deux Chambres et Constitution, la rendraient incertaine, favorise- d'un gouvernerneur. La Pensilvanie n'a établi raient les changements, ne permettraient jamais qu'une seule Chambre ; mais les Pensilvaniens une bonne législation, et auraient une force irré- reconnaissent aujourd'hui que leur constitution asistible, qui pourrait entraîner la France dans les été-dirigée par des idées trop abstraites et tropmd- plus grands malheurs. laphysiques, et qu'on n'avait pas assez examiné
Je sens que la constitution d'un peuple ne quel frein exigent les passions des hommes, et
/ peut pas être éternelle ; mais on sera du moins quellesinstitutions contribuentle plus à leur bon-
4 forcé d'avouer qu'il ne faut rien négliger pour la heur. Les bons citoyens de cet Etat demandent
rendre durable; que le moindre dérangement deux Chambres, et sont au moment de les ob-
dans I organisation des pouvoirs peut exciter des tenir.troubles, occasionner la réunion des pouvoirs Non-seulement une seule Assemblée pourraitdans les mêmes mams, c'est-à-dire le despo- rendre la Constitution incertaine; mais elletisme. 11 faut donc que la Constitution une fois bouleverserait fréquemmeut toutes les lois : cha-établie soit respectée, et qu'elle ne puisse subir que jour une proposition nouvelle conduirait à aucun changement qui n'ait été préparé par de une délibération précipitée ; ou si on observaitlongues réflexions et par la nécessité la plus évi- des formes, des délais, si l'on faisait plusieur; n . , ■ / V , ,, l lectures d'une proposition, lorsqu'elle aurait sé-
Malgré le veto du Roi, malgré toutes les de- duit le plus grand nombre, il n'y aurait aucun fenses, toutes les précautions qui pourraient faire | moyen de mettre à profit le temps fixé par les
règlements ; les discussions seraient troublées, et les discours qui combattraient un système favorisé ne seraient pas entendus. L'instabilité delà législation la ferait mépriser par le peuple. Les juges, dans l'impossibilité de retenir toutes les lois, de calculer les époques de leur établissement et celles de leur abrogation, finiraient par se décider arbitrairement; le calme serait sans cesse interrompu dans le royaume par des innovations ; la monarchie française serait un édifice dont les bases n'auraient aucune solidité ; le goût des changements et le dessein même de l'embellir l'ébranlerait sans cesse, et bientôt occasionnerait sa chute.
Je suis même convaincu qu'aucune assemblée ne peut observer un règlement avec exactitude ; mais qu'importent quelques inobservations d'un règlement pour la police intérieure, lorsque la loi n'est pas à la disposition d'une seule assemblée? Je cite cet exemple, pour prouver qu'il est impossible de limiter les observations d'un corps délibérant, s'il a lui seul la garde des limites, et s'il n'est pas arrêté par des obstacles qui puissent l'empêcher de les détruire ou de les franchir.
Confier à l'avenir la législation à une assemblée pourrait être également favorable à une aristocratie de représentants, en leur procurant la réunion des pouvoirs, et à la tyrannie démocratique, en exaltant les idées de la multitude, enfin cette forme de gouvernement pourrait être favorable au despotisme d'un seul, et conséquem-ment elle serait toujours funeste à la liberté de la nation. Combien de fois l'Assemblée n'apercevrait pas les pièges que lui tendraient des orateurs animés par la plus funeste des passions, celle de la célébrité-, ou des orateurs vendus à un parti factieux, qui chercheraient à s'élever sur les ruines de l'autorité royale, ou enfin ceux dont les ministres ambitieux dirigeraient les discours 1
Ces réflexions prouveraient l'utilité d'un corps placé entre le Roi et les représentants. Ce corps devrait être constitué de manière qu'il ne pût jamais nuire à la liberté publique, qu'il fût intéressé à maintenir la Constitution, à empêcher les représentants de détruire ou d'usurper l'autorité royale, à empêcher le Roi d'empiéter sur les droits des représentants.
Ce que je conçois de plus parfait en ce genre est la pairie d'Angleterre. Les membres de la Chambre des pairs n'ont aucun rapport avec ce que nous appelons un ordre de noblesse : leur famille ne forme pas une classe distincte et séparée des autres citoyens : leurs fils aînés seuls peuvent prétendre à l'espoir de parvenir à la Chambre haute ; mais les cadets et tous ceux qui leur succèdent ne peuvent entrer que dans la Chambre des communes. Les lords n'ont aucun intérêt à délibérer contre la félicité générale, puisque leurs frères et leurs enfants n'échapperaient pas à l'avilissement et à l'infortune des autres citoyens; mais ils ont les plus puissants motifs pour conserver; l'autorité de la couronne contre les entreprises des représentants du peuple, et à défendre la liberté dupeupie contre les entreprises de la couronne»
Que deviendrait le pouvoir et la dignité des pairs d'Angleterre si le Roi acquérait le despotisme absOlu, ou si les représentants du peuple s'emparaient du pouvoir exécutif. Dans le premier cas, ils subiraient,5 comme les autres citoyens, le joug de l'esclavage : dans le second, ils seraient subordonnés à la Chambre des communes.
Les pairs britanniques doivent donc être considérés comme des magistrats héréditaires, établis pour le maintien de la Constitution.
Cette hérédité choque d'abord les notions philosophiques. Il est absurde, dit-on, qu'un homme naisse magistrat. Mais encore une fois, rien n'est plus dangereux en politique, que de s'arrêter au premier aperçu. Ce qui paraît un inconvénient, est un grand bien dans certaines circonstances, parce qu'il prévient des inconvénients plus funestes. La magistrature des pairs est héréditaire en Angleterre, comme celle du Roi, parce que cette hérédité présente des avantages inappréciables : elle rend les pairs indépendants des princes et du peuple, et les attache au maintien des droits de la Chambre haute.
Je connais les vices de la constitution britannique, et surtout l'irrégularité de la représentation dans la Chambre des Communes; mais je suis toujours convaincu qu'on ne peut organiser avec quelque perfection un gouvernement monarchique, sans se rapprocher des principes de celui des Anglais. On ne prétendrait pas pouvoir faire mieux que cette nation, si l'on se rappelait qu'elle a profité des lepons de l'expérience, et qu'elle a employé des siècles à concilier la liberté publique avec l'autorité du Roi.
Les opinions en France sont très-souvent des opinions de mode, qui changent et se répandent aussi subitement que les variétés dans les costumes. Il y a peu de temps que, sur la foi de quelques écrivains, on professait l'admiration la plus outrée pour la constitution d'Angleterre. Aujourd'hui on affecte de la mépriser, d'après un auteur américain rempli de contradictions. On ne voit pas qu'il est plus facile de censurer cette constitution, que de bien saisir la liaison de toutes les parties. On ne voit pas que presque tous les Etats unis de l'Amérique ont calqué leur gouvernement sur celui d'Angleterre, avec des changements que la faiblesse de leur population a pu autoriser.
Les reproches si souvent répétés de vénalité et de corruption, sont infiniment exagérés. Ce qu'ils ont de réel est étranger à la constitution, et se rencontre partout où ceux qui gouvernent onl des grâces à distribuer, c'est-à-dire dans tous les pays connus. Les résolutions du Parlement, lors de la dernière maladie du Roi, prouvent, il est vrai, l'influence extrême de M. Pitt ; mais cette influence même démontre qu'il n'existait pas de corruption. La corruption aurait dû faire pencher la balance en faveur du prince de Galles, qui était au moment d'acquérir la dignité suprême, et qui tôt ou tard, en supposant même la guérison du Roi, devait avoir la possibilité de récompenser : on devait abandonner un ministre contre lequel tous les amis du prince héréditaire formaient une opposition déclarée, et de qui on ne pouvait rien espérer car naturellement on devait croire la maladie du Roi incurable. Ainsi l'influence de M. Pitt a été celle de la vertu.
Mais il faudrait trop prolonger cet écrit, si je voulais défendre la constitution britannique contre toutes les attaques de ses adversaires, et démontrer ce que je regarde comme certain, (malgré l'infâme presse des matelots, et d'autres abus qui ternissent ce gouvernement,) que l'Angleterre est actuellement Je pays de l'Europe où l'on jouit de la plus grande liberté.
Il serait au pouvoir des Français de former une institution à peu près semblable à la pairie d'Angleterre ; mais les idées actuellement reçues s'y opposent tellement, qu'il est inutile de s'en occuper davantage, et je n'en ai parlé que pour la
satisfaction d'avoir indiqué la forme que je croyais la plus parfaite, pour un corps législatif dans une monarchie. D'autres feront peut-être plus d'efforts pour détruire les préjugés actuellement répandus sur ce sujet, et cette noble entreprise serait digne de l'éloquence de M. Bergasse, qui, dans un de ses ouvrages, a déjà fait connaître combien il désirerait en France l'établissement d'une Chambre des pairs.
Dans mes observations sur les Etats généraux, j'avais présenté l'esquisse d'un projet de deux Chambres, dont je n'avais pu combiner tous les détails avec assez de réflexion ; mais du moins j'avais été dirigé par le désir de confier le maintien de la dignité et de la puissance du trône, à des personnes qui par leur distinction étaient intéressées à les maintenir, en évitant néanmoins de faire renaître la séparation des ordres, et en ne leur donnant même aucune. représentation particulière.
Plusieurs personnes voudraient établir en France dans Je corps législatif, au lieu d'une magistrature héréditaire, un sénat, dont tous les membres seraient élus pour rester en place pendant leur vie. Je ne pense pas qu'on puisse adopter ce projet, qui n'aurait point l'avantage de la pairie héréditaire. Un pair britannique s'intéresse à la conservation de sa dignité, qui doit passer à l'un de ses enfants. 11 consentirait difficilement à la sacrifier pour son intérêt personnel, et il refuserait son suffrage à des lois qui, en donnant trop d'extension aux prérogatives de la couronne, anéantiraient l'autorité de la pairie.
Un sénateur à vie ne pourrait s'affectionner autant à son emploi. 11 serait à craindre qu'il ne s'en fît un moyen de fortune pour sa famille, surtout sur la lin de sa carrière, lorsque le désir du repos le rendrait indifférent au maintien de sa place. Il serait à craindre que le Sénat ne fût trop dirigé parllnfluence ministérielle : au surplus, si l'on démontrait que ces craintes sont chimériques, je cesserais de combattre ce projet.
D'autres proposent aussi de diviser les représentants de la nation en deux Chambres, qui ne présenteraient aucune différence ni dans l'élection de leurs membres, ni dans la durée de leurs fonctions. On doit préférer sans doute une division quelconque de Chambres à une seule Assemblée ; mais il faut réfléchir que deux Chambres absolument semblables n'offrent qu'une séparation en deux bureaux, que ceux qui les composeraient seraient susceptibles de se laisser entraîner par les mêmes moyens, et qu'un enthousiaste ou un homme corrompu pourrait, pour préparer le succès de ses vues, rassembler la majorité d'une Chambre, et la disposer en faveur de l'opinion qu'il devrait fournir dans l'autre Chambre.
Si Ton veut ralentir le3 délibérations, et donner une sorte de révision à deux Chambres sur leurs résolutions respectives, il faut non pas qu'elles aient des intérêts opposés, mais une position différente qui les empêche de s'animer des mêmes passions, et qui permette d'espérer que les mêmes circonstances ne pourront les égarer toutes les deux en même temps j il faut consé-quemment établir des règles différentes pour le choix et les qualités des membres qui les composent.
Nous devons au moins espérer qu'on établira un sénat formé comme la plupart des premières Chambres américaines, et une Chambre de représentants. Celle-ci pourrait être composée d'environ six cent personnes élues par les citoyens de tous rangs dans chaque district, et nommées pour
le terme de trois ans. C'est dans la Chambre des représentants que toutes les lois de l'impôt prendraient naissance, ainsi que dans celle d'Angleterre, sans que le Sénat pût jamais y faire le moindre changement.
Le Sénat serait formé par trois cents représentants élus par les administrations provinciales, pour le terme de six ans. Pour que cette nomination ne pût pas donner aux administrations provinciales une trop grande prépondérance, et qu'elle ne devinssent pas un centre de cabales et d'intrigues, il faudrait ordonner que lors de l'élection de sénateurs, on joindrait aux administrations provinciales, un nombre égal de députés particuliers, choisis d'après les mêmes règles que les membres des administrations.
Les sénateurs devraient être âgés de trente cinq ans accomplis, et posséder en immeubles dix mille livres de revenu. On trouvera peut être que c'est accorder la préférence aux richesses, et accroître la cupidité ; mais puisque le bien public exige une différence de position entre les deux Chambres, et qu'on ne veut pas adopter une magistrature héréditaire, il faut nécessairement profiter de la distinction des fortunes. Le nombre des propriétaires qui ont dix mille livres de revenus en immeubles est très-considérable. L'opulence procure tant d'avantages, qu'il est imposible de rien ajouter aux efforts multipliés de tous les citoyens pour y parvenir. Ces efforts sont même très-utiles au bien public, quand ils ne sont pas contraires aux lois, puisqu'ils nécessitent l'amour du travail et l'emploi de tous les talents, et qu'ils diminuent les inconvients de la trop grande inégalité des fortunes.
Un riche propriétaire a plus d'intérêts au mafri-tien de la tranquillité publique, il a plus de motifs pour redouter les innovations. Par la composition d'un sénat telle qu'on vient de l'indiquer, on joindrait à la différence des richesses la prudence que donne l'âge le plus avancé. Ce sénat serait chargé de l'honorable soin de maintenir la Constitution, de ne pas souffrir qu'il y fût fait le moindre changement, si ce n'est par les formes qu'elle aurait déterminées, et de défendre les prérogatives de la couronne.
Les sénateurs restant plus de temps en place que les représentants, et ne pouvant jamais être renouvelés à la fois, mais seulement par proportion, apprendraient mieux à connaître combien il est important de ne jamais changer une loi sans nécessité, et suivraient avec plus de constance les mêmes principes.
Je pense que le Sénat devrait avoir le droit de refuser une loi par un veto. S'il n'avait qu'un droit suspensif, une mauvaise loi triompherait de ses efforts; l'amour-propre irrité de ceux qui en auraient été les auteurs dans la Chambre de.3 représentants la ferait reparaître subitement après les termes fixés. L'obstacle passager, causé par le Sénat, ne serait propre souvent qu'à redoubler leur impatience ; et alors le veto royal ne se-' rait plus assez fort pour l'arrêter.
Indépendamment de cette considération, je vais en proposer une autre que je crois sans réplique. Pour que le Sénat puisse être utile au maintien de la liberté et de l'autorité royale, il est évident qu'il doit être respecté, il doit être une sorte de magistrature créée par la nation, avcJf¥ la préséance sur la Chambre des représentants, frapper les regards par quelque appareil, quelques marques de dignité ; mais il est facile de voir que s'il n'avait que le pouvoir suspensif, les riches propriétaires, les hommes éclairés préféreraient d'être
élus représentants; et le Sénat ne serait formé que par ceux qui n'auraient pu réussir à se faire nommer dans 1 autre Chambre; il serait bientôt ridiculisé par son impuissance, et parle peu d'importance de ses fonctions.
11 faudrait donner au Sénat le droit de proposer des lois comme à la Chambre dès représentants. Les hommes aiment à faire usage de leur puissance. Si le Sénat ne pouvait montrer la sienne qu'en exerçant le droitdé veto, il serait à craindre qu'il n'en fit trop souvent usage ; car il pourrait s'en servir avec moins d'inconvénients pour lui-même que l'autorité royale ne pourrait se servir du sien. En laissant -au'Sénat la faculté de proposer une loi, on le rend moins empressé d'exercer, sans une grande nécessité, le droit de veto.
Cette composition du Sénat doit plaire même aux plus démocrates. Je n'imagine pas que l'orgueil puisse s'irriter de voir accorder la préséance à un Sénat formé par des hommes plus favorisés de la fortune ; car c'est toujours le même intérêt. D'ailleurs les personnes ricnes ne se destineraient pas toutes au Sénat, un très-grand nombre s'empresserait d'entrer dans la Chambre des représentants. 11 ne sera jamais humiliant d'avouer qu'on n'a pas en immeubles un revenu de dix mille livres.
En Angleterre, les chevaliers qui représentent les comtés doivent être plus ricnes que les représentants des bourgs et des cités, et les pairs doivent l'être plus encore. Chez les Américains, les membres des sénats ou des conseils doivent avoir un revenu plus considérable que ceux de la Chambre des représentants. Je pourrais trouver des exemples à peu près semblables dans un grand nombre de républiques. On sait que les Romains ont été longtemps classés par leurs revenus dans les assemblées générales.
Ceux qui ont profondément réfléchi sur le gouvernement monarchique trouveront peut-être la formation de ce sénat suffisante pour remplir le but auquel il serait destiné. Je déclare que j'appréhende aussi qu'il ne le soit, et que je ne le trouve pas assez intéressé à soutenir les prérogatives royales ; mais enfin cette composition des deux Chambres est au moins ce qu'il faut obtenir pour le salut de la France. Si elles sont formées avec moins de différence encore, ou si l'on n'en établit qu'une seule, on peut s'attendre à l'incertitude ou à la versatilité dans la législation, à la faiblesse du pouvoir exécutif, à l'anarchie, à tous les maux qu'elle peut produire.
Qu'on ne dise pas que les veto du Roi et des deux Chambres pourraient retenir le Corps législatif dans l'inaction. Le Roi et les sénateurs auraient intérêt à passer une loi pour augmenter leur puissance; et, dans ce cas, ce serait leur consentement, et non pas leur veto, qui serait funeste. Ils s'opposeraient probablement aux innovations qui tendraient à diminuer leurk prérogatives ; et alors ils ne feraient que maintenir la Constitution ; mais toutes les lois qui ne seront relatives gu'à la liberté personnelle, à la police, à l'administration, aux propriétés, quel motif auraient-ils de les rejeter, si elles leur paraissent avantageuses à l'Etat? Il faudra donc, pour qu'ils les combattent, qu'elles leur paraissent contraires à la Constitution, ou nuisibles au bien public. Ainsi les veto du Roi et du Sénat ne seraient pas un obstacle à l'établissement des bonnes lois.
Il est impossible que le Roi, le sénat et les représentants s'acccordent à repousser toutes les lois nécessaires, et à détruire le gouvernement; et, comme je l'ai déjà observé dans un de mes pré-
cédents ouvrages, l'inconvénient de manquer une loi utile est bien.moindre que celui d'en faire trop facilement de mauvaises.
Jamais aucun peuple n'a jusqu'à ce jour fait consister la liberté publique dans la faculté illimitée de multiplier les lois sous les formes les plus démocratiques; on a décidé qu'on ne pouvait être forcé d'obéir à ce qui était contraire à la volonté générale; mais on n'a jamais pensé qu'il fallût mettre cette volonté générale toujours en activité. On a assigné aux magistrats, presque dans toutes les républiques, le droit exclusif de proposer les lois ; le peuple n'y peut donc pas faire autant de lois qu'il en désire. On pourrait citer une foule de précautions auxquelles les anciens avaient recours pour éviter les changements inconsidérés dans la législation. Il est plus avantageux sans doute de ne pas réserver à des magistrats le droit de proposer des lois ; mais créons au moins des obstacles pour en prévenir la multiplicité et pour assurer leur sagesse.
Deux Chambres paraissent encore plus indispensables quand on réfléchit aux moyens simples et naturels qu'elles procurent pour le jugement des crimes, dans les fonctions publiques, par les ministres ou d'autres personnes constituées dans les hautes dignités. Le pouvoir exécutif serait sans force si les ministres du Roi étaient exposés à la vengeance des mécontents, dont ils ne peuvent éviter d'accroître chaque jour le nombre. Il importe autant à la sûreté publique de garantir les ministres des vexations suscitées par des ani-mosités particulières, que d'assurer leur punition quand ils sont coupables. Autoriser contre eux des poursuites criminelles, sur les plaintes d'un seul dénonciateur, serait empêcher le prince de pouvoir former son conseil. Un ministre, relativement à ses fonctions, ne doit être accusé que par les représentants du peuple : c'est à eux seuls à décider s'il est criminel envers la nation, et à demander qu'il soit puni, lorsque les preuves de ses fautes leur auront paru évidentes.
Si les représentants poursuivaient un ministre devant un tribunal ordinaire, ils donneraient à ce tribunal une autorité dangereuse : s'ils le poursuivaient devant des jurés, les ministres ont tant d'ennemis, que souvent la récusation ne suffirait pas pour exclure tous ceux qui devraient leur être suspects ; d'ailleurs un petit nombre de particuliers serait facilement entraîné par le cri public et par l'influence des représentants.
Mais, en formant deux Chambres, les représentants poursuivraient les coupables devant le Sénat; et l'on ne pourrait avoir aucun doute sur les crimes d'un ministre ou d'un agent de l'autorité, jugé coupable par les représentants et ensuite par les sénateurs La faculté de juger les accusations connues en Angleterre sous le nom d'im-peachement ne pourrait pas être considérée comme une réunion de pouvoirs ; car le Sénat n'aurait pas le droit de faire des lois, mais seulement celui d'y concourir : et conséquemment, en exerçant pour ce genre de délit le pouvoir judiciaire, il serait dirigé par des règles antérieures qu'il ne-pourrait pas abroger à sou gré. Ainsi, il n'y aurait point de réunion de pouvoirs ou d'autorité arbitraire.
On ne fait point encore assez pour la sûreté et l'indépendance du trône, si le Hoi n'a pas le droit de dissoudre la Chambre des représentants, et de former par ce moyen une sorte d'appel au peuple, de leurs résolutions. Il peut arriver des circonstances malheureuses où l'une, des deux Chambres et même toutes les deux, irritées contre
l'autorité royale, ou contre ses agents, adopteraient des mesures alarmantes qui, malgré le veto royal, seraient propres à bouleverser la Constitution et à mettre ie trône en danger. Je ne citerai pas ici un exemple connu de tous mes lecteurs. Cet exemple n'eût jamais existé, si le droit de dissoudre n'eût pas été abandonné par l'infortuné qui fut la victime de sa faiblesse. Ce droit essentiel pour la conservation du gouvernement monarchique ne sera nullement contraire à la liberté, s'il est décidé par la Constitution que, dans Pacte même qui dissout une des Chambres, une nouvelle convocation sera indiquée, afin qu'une autre Assemblée soit formée dans le plus court délai.
Des pouvoirs qui doivent à l'avenir être confiés aux représentants.
Si l'on désire d'assurer à la nation française une jouissance longue et paisible du bonheur qu'on lui prépare, il faut que la Constitution trace précisément les fonctions des représentants, que celles des électeurs soient bornées à les choisir, qu'ils puissent leur donner des instructions, et non leur dicter des ordres absolus ni gêner leur conscience.
Si la Constitution elle-même n'investit pas de plein droit à l'avenir les représentants d'une sorte de magistrature, d'une fonction publique et légale, si chacun d'eux n'est que le porteur de la volonté de son district, il sera au pouvoir d'un seul homme, dans le plus petit village, de bouleverser le gouvernement.
11 n'aura qu'à faire dans l'assemblée de la commune une proposition bien exagéré, bien propre à séduire la multitude. Elle deviendra un ordie pour le député; elle sera publiée, imitée dans toutes les assemblées du même genre : les représentants seront envoyés pour en faire une loi. La Constitution sera detruite ou changée, et le royaume livré à des troubles funestes. D'ailleurs les lois seraient souvent impossibles; car, dans une foule de circonstances, les mandats seraient impératifs en sens contraire ; il n y aurait par ce moyen aucune majorité de suffrages.
Actuellement les représentants ne peuvent agir qu'en vertu des pouvoirs qu'ils ont reçus, parce qu'aucune loi n'a réglé leurs fonctions ; mais, après rétablissement de la Constitution, il serait certainement contraire à tous les principes qu'une ville, un district ou une province pût faire la loi à tout le royaume, et menacer de se séparer de l'association, ou de désobéir aux décisions du corps législatif. Certainement une petite partie de la nation ne peut pas exercer un droit qui n'appartiendrait qu'à la nation entière, s'il était possible qu'elle s'assemblât dans une vaste plaine, et qu'elle jr délibérât à la pluralité des voix.
On objectera peut-être que la pluralité des mandats formerait alors la pluralité des suffrages de la nation; mais comment concilier les vœux contraires, pour former une majorité de voix entre des perronnes qui ont délibéré sur des questions différentes, à un grand éloignement les unes des autres, et sans s'être communiqué leurs avis? Au surplus, je crois avoir démontré qu'il n'est jamais convenable à un peuple, et surtout à un peuple nombreux, de se réserver le pouvoir législatif. J'ajouterai qu'il lui serait bien plus funeste encore de l'exercer partiellement, et de transporter la souveraineté dans chaque division du territoire. Il désunirait alors le corps social, qui serait bientôt détruiU
Tour que le gouvernement français ait quelque
stabilité, le corps législatif quelque puissance, et le corps social une force d'ensemble, il faut donc que l'Assemblée nationale chargée par ses commettants d'établir une constitution,.etconséquem-merit d'organiser tous les pouvoirs, détermine précisément en vertu de l'autorité qui lui a été confiée, les fonctions des membres du corps législatif, et qu'il soit défendu aux électeurs d'imposer des lois à leurs députés, et d'exiger d'eux des engage rents de se conformer à leurs volontés, à peine de nullité de l'élection.
La Constitution doit être promulguée comme définitive.
Je voudrais faire apercevoir les dangers d'un système excessivement répandu sur la manière de promulguer la Constitution. Un grand nombre de personnes paraissent croire qu'on ne peut la présenter comme définitive, et qu'il faut en soumettre le projet aux provinces, ou à une nouvelle Assemblée. On se fonde sur les prétendus vices de la représentation actuelle; mais, quand il serait vrai que la représentation aurait été défectueuse en quelques points, n'est-elle pas devenue légitime par le consentement du peuple français?
Le premier caractère que doit avoir une représentation, est certainement la confiance de ceux qui l'ont formée. Il est vrai que, dans plusieurs parties du royaume, on s'est plaint de quelques articles du règlement provisoire, et qu'on a témoigné le désir de voir adopter, pour les assemblées futures, une organisation plus régulière; mais existe-t-ilun seul district, dans leroyaume, où le corps des habitants ait refusé, où il ait désavoué la représentation? Les mandats donnés aux membres de l'Assemblée renferment tous les pouvoirs suffisants pour reconnaître, déclarer ou établir les lois fondamentales de la Constitution de la France ; et je ne pense pas qu'aucun député eût accepté ses pouvoirs, s'il eût pu croire qu'ils étaient rendus nuls par la nature de la représentation. J'observe encore que si la représentation actuelle était assez irrégulière pour annuler les pouvoirs relatifs à la Constitution, elle annulerait également ceux qui seraient relatifs à toute autre matière, et alors toutes les résolutions prises par l'Assemblée ne seraient que de simples projets.
La France est actuellement en proie à l'anarchie la plus alarmante. Tous les lieus de la subordination sont brisés : si l'on ne se hâte de les renouer, bientôt il ne sera plus% temps. L'habitude de la force et de la violence se sera tellement enracinée que les lois ne pourront plus obtenir les respects delà multitude. Il faut donc donner le plus tôt possible au royaume une constitution.Tousles bons citoyens la uésirent comme un port dans la tempête ; ils s'empresseront de s'y mettre à Pabri. Elle sera un signal de ralliement pour les amis de l'ordre et de la liberté ; mais oser entreprendre de soumettre la Constitution au jugement des provinces ou d'une nouvelle assemblée serait vouloir sacrifier la France pour des subtilités métaphysiques, l'exposer a tous les fléaux réunis, et ruiner pour jamais la plus belle contrée de l'univers.
Toutes les provinces n'ont-elle? pas récemment adressé à l'Assemblée nationale des témoignages de confiance? et si l'on croit qu'elles doivent ratifier les résolutions de leurs représentants, il est évident qu'elles pourront chercher vainement une constitution pendant des siècles. Les différences d'avis dans les districts exigeraient des délibérations nouvelles, ensuite une autre ratification ;
et il n'y a point de motifs pour croire qu'on pourrait enfin parvenir à un résultat;
Une constitution provisoire, bien loin d'être un remède aux maux actuels, un moyen de rétablir la tranquillité, ne serait certainement qu'un sujet fécond de troubles etde malheurs, lin la renvoyant à la décision des provinces, il serait impossible d'espérer qu'elles parvinssent à adopter les mêmes opinions. En attendant la volonté d'une autre assemblée, on maintiendrait l'anarchie, on lui donnerait de nouvelles forces. Il serait impossible d'espérer qu'elle pensât, sur tous les points, comme la première. Le résultat commun de ces deux partis serait donc de nouveaux débats, de nouvelles haines, la ruine du royaume, et la perte de liberté sans retour.
Des moyens de corriger les vices de la Constitution.
Je trouve aussi les plus grands dangers dans le système de ceux qui voudraient annoncer des époques fixes et des convocations extraordinaires pour corriger la Constitution; c'est comme si Ton voulait, à des temps marqués, rendre les lois sans force, rompre tous les ressorts du gouvernement, et livrer la France à toutes les fureurs de la discorde.
Certainement on ne pourrait pas désigner un terme pour des changements indéterminés dans le gouvernement, sans que chaque individu ne prît soin de les prévoir, et de les calculer au gré de ses désira. On méprise une autorité dont on espère l'anéaniissemeut prochain, et l'empire de la violence serait bientôt le seul en vigueur. Le bonheur public étant inséparable de la force des lois, il faut que le gouvernement soit stable, et qu'on inspire aux Français, dès leur enfance, le plus profond respect pour la Constitution. 11 n'èst pas à craindre que ce respect soit un moyen d'oppression , car la Constitution ne peut être chérie du peuple que lorsqu'elle lui procure des avantages sensibles. Les hommes ont plus de penchant à maudire leur sort qu'à le bénir, il faut calmer les inquiétudes de leur imagination, pour leur apprendre à sentir le prix des biens dont ils jouissent; mais si ces biens ne sont pas réels, il est difficile de leur en faire supposer l'existence.
J'admire le respect religieux des Anglais pour les défauts mêmes de leur constitution ; c'est qu'ils savent que le bien et le mal sont quelquefois si intimement liés, qu'en voulant ôter celui-ci on arrache l'autre, et que le bien étant plus difficile à rétablir, le mal seul est ensuite replacé.
Je ne veux pas dire qu'une constitution puisse être éternelle : mais il me semble que les changements ne devraient jamais être précipités, que surtout il faudrait employer les moyens qui n'excitent ni trouble ni convulsion, qu'il est inutile, ou plutôt qu'il est funeste d'indiquer des époques fixes pour en renouveler l'examen. Ceux qui connaissent les hommes savent que mille ou douze cents personnes ne s'assembleraient pas extraordinairement pour déclarer que tout est bien et digne d'être conservé. Quelque excellente que pût être la Constitution, elle aurait,sûrement des inconvénients ; et souvent, sans réfléchir qu'ils tiennent à de plus grands avantages, dans le dessein de la perfectionner, on la détruirait, ou on la rendrait plus vicieuse encore.
Je désirerais donc qu'il n'y eût jamais d'assemblée extraordinaire, soit pour maintenir, soit pour corriger la Constitution, que sa solidité résultât de l'organisation des pouvoirs, que les moyens de corriger ses défauts fussent placés
dans cette même organisation, et que les corrections fussent lentes et difficiles. Pour changer un seul article de la Constitution, le consentement du Roi et des deux Chambres serait nécessaire. Le consentement étant donné, le changement serait annoncé dans le royaume, comme un simple projet, afin de profiter de toutes les lumières. Le projet ne deviendrait une loidéfinitiveque lorsqu'il aurait obtenu un second consentement du corps législatif, après un terme où il y aurait eu une nouvelle élection de représentants.
Il me semble qu'on parviendrait à concilier ainsi les motifs qui proscrivent la trop grande facilité des changements, et ceux qui ne permettent pas qu'on les rende impossibles. Je crois surtout qu'il ne pourrait être proposé, de cette manière, que des changements utiles, et qu'ils n'exciteraient, aucune commotion.
Les partisans d'une convocation extraordinaire ne manqueront pas de dire que cette forme attenterait aux droits du peuple ; mais je répondrai que le peuple n'a point de droits contraires à son bonheur, et que l'on confond trop souvent sa force et sa puissance avec ses droits.
Dès qu'il est prouvé que la nation ne peut, sans nuire à son bonheur, exercer par elle-même la souveraineté, il ne faut donc pas l'exciter à la reprendre, sous le prétexte de corriger la Constitution, puisqu'on provoquerait la plus affreuse anarcnie.
Il n'est nullement contraire aux droits du peuple français de confier, en son nom, au corps législatif, le droit de faire des changements dans la Constitution, avec les précautions qu'on vient d'indiquer, ou d'autres du même genre. Une convocation extraordinaire, qui ne serait pas combinée de manière à prévenir la réunion des pouvoirs, pourrait opérer la tyrannie démocratique, ou la dissolution de la société. Je ne crois pas qu'il soit prudent, qu'il soit même juste d'inviter le peuple à désorganiser le corps politique.
S'il est utile à la félicité générale de garantir le monarque et les représentants de toute entreprise sur leur autorité respective, cette utilité ne doit-elle pas être constamment protégée ? Après avoir ôté.à la couronne tous les moyens de nuire et ne lui avoir laissé que ce qu'exige le bonheur public, voudrait-on encore ne pas lui assurer la jouissance paisible de ses prérogatives? Faut-il fixer un terme où ces limites seront arrachées, et où l'une de ces autorités pourra devenir arbitraire?
Mais je prévois une autre objection : c'est qu'on priverait le peuple de tous les moyens de secouer le joug, si tous les pouvoirs s'accordaient pour le lui rendre insupportable. Premièrement, cet açcord est impossible ; et s'il ne l'était pas, if existe un remède terrible, il est vrai, celui de l'insurrection; mais, dira-t-on, ne vaudrait-il pas mieux éviter ce cruel moyen, et en indiquer d'autres? — une bonne constitution n'impose jamais au peuple la nécessité de l'insurrection, et la rend impossible, tant qu'elle n'est pas nécessaire; si elle l'est une fois, il n'est point de pouvoir sur la terre capable de l'empêcher ; mais les moyens que vous présentez pour éviter 1 insurrection ne sont précisément autre chose que les maux de l'insurrection elle-même, rendus fréquents et inévitables. Ceux que je propose ne laissent cette ressource que lorsqu'elle est absolument indispensable. Et vous, vous voudriez la transformer en fléau périodique!
Puisse une heureuse constitution être bientôt le fruit des travaux de l'Assemblée nationale!
Jamais il ne fut plus dangereux de perdre un seul moment. Puisse-t-on sentir que si Ton voulait trop entreprendre, on s'exposerait à manquer tous les succès ; que le plus important devoir est d'assurer la liberté publique, et que pour l'assurer, il suffit d'organiser le corps législatif, et de placer les limites nécessaires pour que les différents pouvoirs ne s'entre-détruisent pas, et ne se réunissent jamais entièrement dans les mêmes mains !
Sans doute les bases des réformes essentielles doivent être posées, et aucun abus ne peut être consacré ; mais que tous les abus ne soient pas détruits à la fois ; car leur destruction doit être faite avec juslice et lenteur ; et quand on s'occupe du bonheur général, il ne faut pas tellement oublier celui des individus, qu'on les prive de tous les moyens de se procurer leur subsistance.
Quel citoyen ne doit pas frémir d'impatience, dans l'attente d'une constitution qui doit faire cesser l'anarchie, nous permettre de remplir une de nos obligations les plus sacrées, celle d'acquitter les dettes de l'Etat, de rétablir l'ordre et l'économie dans les finances, de rendre l'activité à la perception des subsides, et de mettre l'égalité enlre la recette et la dépense ?
Si l'on ne place dans la Constitution que ce qui est nécessaire pour le maintien de la liberté, elle sera courte, simple et claire.
Ah ! puisqu'une destinée fatale a voulu que la liberté fût toujours achetée par de grands sacri- j fices, puisque la témérité des ennemis du bien public avait inspiré de fausses mesures qui, en provoquant l'emploi des forces individuelles, ont préparé la plus funeste anarchie, puisque cette anarchie n'a pas encore cédé aux preuves de justice et de bonté données par le Roi, à son dévouement généreux; c'est de la vertu, c'est du courage des bons citoyens, qu'il faut espérer le salut de la patrie. Ils sentiront la nécessité de n'établir dans aucune partie du royaume un pouvoir indépendant du corps législatif. Dans ma province, on a juré de défendre la liberté publique, et de maintenir dans toute son intégrité l'autorité royale, sans laquelle la liberté ne peut pas exister en France. C'était jurer de combattre l'anarchie, et ce serment doit être écrit dans le cœur de tous les bons Français.
DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME EN SOCIÉTÉ,
Présentée à l'Assemblée nationale, par M. l'abbé Sieyès
Les représentants de la nation française, réunis en Assemblée nationale, reconnaissent qu'ils ont, par leurs mandais, la charge spéciale de régénérer la Constitution de l'Etat, et que la nécessité des circonstances leur impose le devoir d'achever promptement ce grand ouvrage.
En conséquence, ils vont exercer le pouvoir constituant;
Et pourtant, comme la représentation nationale actuelle n'a pas été formée par la généralité des citoyens, avec cette égalité et cette parfaite liberté qu'exige une telle nature de pouvoir, l'Assemblée nationale déclare que la Constitution qu'elle va donner à la France sera incessamment revue par
un nouveau pouvoir constituant (2), délégué pou cet unique objet, d'une manière plus conforme à la rigueur des vrais principes de toute société.
Les représentants de la nation française exerçant les fonctions du pouvoir constituant considérant d'abord que toute union social et par conséquent toute constitution politique ne peut avoir pour objet que de protéger et de servir les droits ue l'homme vivant en société.
lis jugent donc qu'ils doivent commencer par reconnaître ces droits; ils jugent qu'il sera utile de faire précéder le plan de constitution par l'exposition motivée de ces droits; et par cette marche régulière, ils veulent se présenter à eux-mêmes comme l'objet ou le but qu'ils doivent constamment se proposer et s'efforcer d'atteindre.
En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et consacre, par une promulgation positive et solennelle, les droits de Vhomme et du citoyen, ainsi qu'il suit :
Art. 1er. L'homme reçoit de la nature des besoins impérieux,
avec des moyens suffisants pour V satisfaire.
Art. 2. Il éprouve dans tous les instants, le désir du bien-être. Les secours qu'il a reçus de ses parents, ceux qu'il reçoit ou qu'il espère de ses semblables, lui font'sentir que de tous les moyens de bien-être l'état de société est le plus puissant.
Art. 3. L'objet d'une association politique ne peut être que le plus grand bien de tous.
Art. 4. Toute société ne peut être que l'ouvrage libre d'une convention entre tous les associés.
Art. 5. Tout homme est seul propriétaire de sa personne. Il peut engager ses serveies, son temps, mais il ne peut pas se vendre lui-même. Celte première propriété est inaliénable.
Art. 6. Tout homme doit être libre dans l'exercice de ses facultés personnelles, pourvu qu'il s'abstienne de nuire aux droits d'autrui.
Art. 7. Ainsi, personne n'est responsable de sa pensée, ni de ses sentiments; tout homme à le droit de parler ou de se taire; nulle manière de publier ses pensées et ses sentiments ne doit être interdite à personne; et en particulier chacun est libre d'écrire, d'imprimer ou de faire imprimer ce que bon lui" semble, toujours à la seule condition de ne pas donner atteinte aux droits d'autrui. Enfin tout écrivain peut débiter ou faire débiter ses productions, et il peut les faire circu-
1er librement tant par la poste, que par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance. Les lettres eu particulier doivent être sacrées par tous les intermédiaires qui se trouvent entre celui qui écrit et celui à qui il écrit.
Art. 8. Tout citoyen est pareillement libre d'employer ses bras, son industrie et ses capitaux, ainsi qu'il le juge bon et utile à lui-même. Nul j genre de travail ne lui est interdit, il peut fabriquer et produire ce qu'il lui plaît, et comme il lui plaît; il peut garder ou transporter à son gré toute sorte de marchandises, et les vendre en gros ou en détail. Dans ces diverses occupations, nul particulier, nulle association n'a le droit de le gêner, à plus forte raison de l'empêcher. La loi seule peut marquer les bornes qu'il faut donner à cette liberté, comme à toute autre.
Art. 9. Tout homme est pareillement le maître d'aller ou de rester, d'entrer ou de sortir, et même de. sortir du royaume et d'y rentrer quand et comme bon lui semble.
Art. 10. Enfin tout homme est le maître de disposer et d'user de son bien et de son revenu, ainsi qu'il le juge à propos.
Art. H. La liberté, la propriété et la sécurité des citoyens doivent reposer sous une garantie sociale supérieure à toutes les atteintes.
Art. 12. Ainsi, la loi doit avoir à ses ordres une force capable de réprimer ceux des simples citoyens qui entreprendraient d'attaquer les droits de quelque autre.
Art. 13. Ainsi, tous ceux qui' sont chargés de faire exécuter les lois, tous ceux qui exercent quelque autre partie de l'autorité ou d'un pouvoir public, doivent être dans l'impuissance d'attenter à la liberté des citoyens.
Art. 14. Ainsi, l'ordre intérieur doit être tellement établi et servi par une force intérieure et légale, qu'on n'ait jamais besoin de requérir le secours dangereux du pouvoir militaire.
Art. 15. Le pouvoir militaire n'est créé, n'existe et ne doit agir que clans l'ordre des relations politiques extérieures. Ainsi le soldat ne doit jamais être employé contre le citoyen. 11 ne peut être commandé que contre l'ennemi extérieur.
Art. 16. Tout citoyen est également soumis à la loi; et nul n'est obligé d'obéir à une autre autorité que celle de la loi.
Art. 17. La loi n'a pour objet que l'intérêt commun : elle ne peut donc accorder aucun privilège à qui que ce soit; et s'il s'est établi des privilèges, ils doivent être abolis à l'instant, quelle qu'en soit l'origine.
Art. 18. Gomme tout citoyen a un droit égal à défendre sa vie, son honneur, et sa propriété, nul moyen de défense ne doit être accordé à l'un exclusivement à l'autre.
Art. 19. Si les hommes ne sont pas égaux en moyens, c'est-à-dire en richesses, en esprit, en force, etc. il ne suit pas qu'ils ne soient pas tous égaux en droits. Devant la loi, tout homme en vaut un autre; elle les protège tous, sans distinction.
Art. 20. Nul homme n'est plus libre qu'un autre. Nul n'a plus de droit à sa propriété qu'un autre n'en peut avoir à la sienne. Tous doivent jouir de la même garantie et de la même sécurité.
Art. 21. Puisque la loi oblige également les ci toyens, elle doit punir également les coupables.
Art. 22. Nul ne doit être appelé en justice, saisi et emprisonné que dans les cas prévus, et dans les formes déterminées par la loi.
Art. 23. Tout ordre arbitraire ou illégal est nul.
Celui ou ceux qui l'ont demandé, celui ou ceux qui l'ont signé, sont coupables. Ceux qui Je portent, qui l'exécutent ou le font exécuter, sont coupables. Tous doivent être punis.
Art. 24. Les citoyens contre qui de pareils ordres ont été surpris ont le droit de repousser la violence par la violence. Mais tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi doit obéir à l'instant. 11 se rend coupable par la résistance.
Art. 25. Tout citoyen adroit à la justice la plus impartiale, la plus exacte et la plus prompte, tant pour sa personne que pour sa chose.
Art. 2o. Tout citoyen a droit de plus aux avantages communs qui peuvent naître de l'état de société.
Art. 27. Tout citoyen qui est dans l'impuissance de pourvoir à ses besoins, ou qui ne trouve pas du travail, a droit aux secours de la société, en se soumettant à ses ordres.
Art. 28." La loi ne peut être que l'expression de la volonté générale. Chez un grand peuple, elle doit être l'ouvrage d'un corps de représentants choisis pour un temps court, médiatement ou immédiatement, par tous les citoyens qui ont à la chose publique intérêt avec capacité. Ces deux qualités ont besoin d'être positivement et clairement déterminées par la Constitution.
Art. 29. Tous les pouvoirs publics viennent du peuple et n'ont pour objet que l'intérêt du peuple.
Art. 30. Un citoyen ne doit pas prétendre à avoir plus d'influence qu'un autre sur la formation de la loi.
Art. 31. La constitution des pouvoirs publics doit être telle que toujours actifs, toujours propres à remplir leur destination, ils ne puissent jamais s'en écarter, au détriment de l'intérêt social.
Art. 32. Une fonction publique ne peut jamais devenir la propriété de celui qui l'exerce; son exercice n'est pas un droit, mais un devoir.
Art. 33. Les officiers publics, dans tous les genres de pouvoirs, sont responsables de leurs prévarications, et comptables ae leur conduite.
Art. 34. Nulle charge municipale ou autre ne peut être imposée à un citoyen qu'avec son consentement, ou celui de ses représentants.
Art. 35. Pareillement, nul ne doit payer de contribution nationale, que celle qui a été librement votée par les représentants de la nation.
Art. 36. Il ne doit être voté de contribution, ou imposé de charge, que pour les besoins publics.
Art. 37. Le nombre des places doit donc être rigoureusement borné au nécessaire. Il est absurde surtout qu'il y ait dans un Etat des places sans fonctions.
Art. 38. Nul citoyen ne doit être exclu d'aucune place, pour raison de ce qu'un stupide et insolent préjugé a longtemps appelé défaut de naissance. Il faut, pour toute espèce de service public, préférer les plus capables.
Art. 39. De ce que tout service doit avoir et a son salaire, il suit que les pensions (1) sur le Trésor public ne peuvent être sollicitées qu'à titre de récompense, ou bien à titre de secours de charité.
Art. 40. Les récompenses pécuniaires supposent des services éminents ou très-longs, rendus
à la chose publique par des hommes qui ne peuvent plus être employés utilement, et qui n'ont d'ailleurs point de fortune.
Art. 41. Quant aux charités publiques, il est évident qu'elles ne doivent être répandues que sur des personnes qui sont dans une impuissance réelle de pourvoir à leurs besoins ; et il faut entendre par ce mot les besoins naturels et non des besoins de vanité; car il n'entrera jamais dans l'intention des contribuables de se priver quelquefois même d'une partie de leur nécessaire,
Gour fournir au luxe d'un pensionnaire de l'Etat.
faut encore que les secours de charité cessent, au moment ou finit l'impuissance qui les justifiait.
Art. 42. Un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer la Constitution. Il est même bon de déterminer des époques fixes ou cette révision aura lieu quelle qu'en soit la nécessité.
PROJET DE CONSTITUTION SOUMIS A L'ASSEMBLÉE
NATIONALE
Par M. l'abbé Sieyès.
TITRE I.
Des droits et des principes constitutifs.
Les représentants de la nation, munis de ses pouvoirs pour fixer la Constitution de l'Etat, déterminer les droits et l'exercice de la puissance législative et de la puissance exécutive, considérant que la liberté, l'ordre et la félicité publique ne peuvent être solidement fondés que sur les principes immuables de la justice et de la raison ; que l'homme est sorti libre des mains de la nature ; qu'en devenant membre d'une société politique, son intention a été de mettre ses droits naturels sous la protection d'une force commune ; lesdits représentants réunis en Assemblée nationale reconnaissent et consacrent à jamais, comme inviolables, les droits de l'homme et du citoyen ; déclaren t :
Art. 1er. Que la nation française est éminemment libre et
indépendante de toute autorité, pactes, tributs, lois et statuts qu'elle ne consentirait pas
à l'avenir.
Art. 2. Que le culte public volontairement adopté par le peuple français doit être religieusement pratiqué et dirigé par l'église Gallicane, sans qu aucun citoyen ou étranger puisse être troublé ou inquiété dans l'exercice d'une autre religion.
Art. 3. Que la volonté générale est que les provinces et pays composant l'empire français soient soumis à un gouvernement monarchique, sans altération ni dérogation aux principes et aux droits nationaux qui constituent un tel gouvernement.
Art. 4. Que la nation a seule le droit et confère à des représentants l'exercice du pouvoir législatif, conjointement avec le Roi.
Art. 5. Que le roi et ses successeurs légitimes en ligne directe sont et seront personne sacrée et inviolable, chef suprême de la nation, dépositaire inamovible de la puissance royale, ayant indivi-s^blement le pouvoir de gouverner et administrer l'Etat, conformément aux lois proposées, consenties et promulguées en l'assemblée des Etats généraux, ayant spécialement le droit de commuer et remettre les peines encourues par les coupables, de distribuer les dignités et emplois ecclésiasti-
ques, civils et militaires, de rendre et faire rendre la justice dans les tribunaux légalement établis, de pourvoir à la sûreté intérieure et extérieure de l'empire, de déclarer la guerre, faire la paix, contracter des alliances, et d'avoir dans toutes les parties de l'administration civile et politique, une autorité légale, ponctuellement obéie, sous les peines prononcées, ou qui seront prononcées par les lois.
Art. 6. Qu'aucune personne, prince ou magistrat, autres que les représentants ae la nation assemblés, n'ont le droit et le pouvoir d'arrêter et proposer au Roi aucune contribution, lois, statuts, création, réformation et suppression des tribunaux, ou de consentir et de sanctionner de tels actes, dans le cas où ils seraient proposés par le Roi.
Art. 7. Que tous les pouvoirs législatifs et exécutifs doivent être essentiellement et continuellement employés à protéger la vie, la liberté, l'honneur et la propriété de tous les citoyens ; de sorte que chacun ne soit responsable de sa conduite qu'aux lois, et n'ait à redouter, dans aucun cas, le pouvoir arbitraire d'aucun magistrat ou agent de la puissance exécutive,
Art. 8. Que l'Assemblée nationale sera permanente et organisée ainsi qu'il sera ci-après statué.
Art. 9. Que tout accusé doit être jugé coupable ou non coupable par ses pairs, avant que le tribunal devant lequel il est traduit puisse prononcer une peine.
Art. 10. Qu'il est libre à tout citoyen de publier, pour sa propre défense ou pour l'instruction publique, tout ce qu'il avisera, en demeurant responsable de ses écrits.
Art. 11. Qu'aucune considération politique, aucun besoin ou service public ne pouvant prévaloir sur le droit que tout homme a à sa propre subsistance, ceux dépourvus de toute propriété, tels que les manœuvres et journaliers, ne peuvent être soumis à aucune contribution personnelle.
Art. 12. Que tous les impôts doivent être mesurés sur les besoins effectifs de l'Etat, et également supportés par tous les citoyens, proportionnellement à leur fortune, sans distinction ni privilège pour qui que ce soit.
Art. 13. Qu'il ne peut être établi ni toléré, à la charge delà nation, aucun droit abusif.
Art. 14. Que tous les citoyens, de quelque rang et condition qu'ils soient, ont droit à toute profession et industrie légitimes, et peuvent être promus aux honneurs et dignités ecclésiastiques, civils et militaires, proportionnellement à leurs mérites, talents et services.
Art. 15. Que tout officier et bas officier de l'armée de terre et de mer, avant d'être admis à son grade, sera tenu de prêter serment de fidélité au Roi et à la nation.
Art. 16. Qu'aucune troupe militaire ne peut être employée, même en cas d'émeute, contre le peuple, que sur la réquisition d'un magistrat civil, ou d'après une proclamation royale, scellée et contresignée par le chancelier.
Art. 17. Que les principes élémentaires de la législation et les droits constitutifs de la nation seront professés et enseignés dans tous les col* léges et maisons d'éducation.
TITRE IL
De l'organisation et du pouvoir de FAssemblée nationale et des assemblées provinciales et municipales.
Art. 1er. Le premier mai de chaque année, il y aura dans toutes
les villes, bourgs et villages du royaume, une réunion d'habitants de toutes les classes chez
le plus ancien de chaque famille, et un des membres sera député à l'assemblée de paroisse,
qui se tiendra le même jour sous Ja présidence du syndic ou premier officier municipal.
Art. 2. Les paroisses composées de plus de mille feux seront divisées en assemblées de quartier et chaque quartier enverra à l'assemblée de paroisse le dixième de ses députés.
Art. 3. L'assemblée de paroisse élira ses représentants annuels à raison de trois sur cent feux, et ils formeront le conseil municipal.
Art. 4. Tous les deux, ans le premier juin, les représentants d'un nombre de paroisses formant dix mille feux se rassembleront dans le lieu principal de leur arrondissement, et nommeront en commun douze députés, dont quatre seront choisis parmi les propriétaires de fiefs, deux dans le clergé, et six dans toutes les classes de citoyens propriétaires de quinze cents livres de rente au moins en fonds de terre.
Art. 5. Toutes les députations semblables d'un même district formeront les Etats provinciaux.
Arl. 6. Tous les trois ans, le premier de juillet, chaque Etat provincial députera la douzième partie de ses membres à l'Assemblée nationale, qui sera permanente dans la capitale, et dont le$ membres seront ainsi renouvelés au bout de trois années, sauf les vacances et prorogations d'une session à l'autre, déterminées par l'Assemblée et par le Roi, et qui ne pourront excéder un intervalle de trois mois.
Art. 7. L'Assemblée nationale sera divisée en deux Chambres, dont la première, appelée Chambre des communes, sera composée de tous les députés nobles ou non nobles, même des ecclésiastiques qui auront été élus comme représentants des communes. La seconde sera composée de tous les laïques et ecclésiastiques élus en qualité de propriétaires de fiefs, ayant dix mille livres ds rente au moins en fonds de terre. Elle sera appelée Chambre du conseil. Nul ne pourra être élu représentant avant vingt-cinq ans accomplis, et admis à la Chambre du conseil avant trente ans.
Art. 8. Les deux Chambres se réuniront pour nommer un président et deux vice-présidents de l'Assemblée nationale, un greffier en chef et des secrétaires, lesquels seront choisis parmi les membres de l'Assemblée, et amovibles à sa volonté. La Chambre des communes nommera particulièrement un promoteur et deux assistants ; et la Chambre du conseil élira parmi les magistrats et gens de lois qui ne seront pas membres de l'Assemblée, douze commissaires, qui auront séance au parquet de la Chambre et voix consultative seulement.
Art. 9. Toutes les affaires de législation, plaintes, pétitions et propositions quelconques, seront portées à la Chambre des communes, où elles seront discutées et délibérées en la forme prescrite par ses propres règlements, et l'arrété des communes sera dans le jour porté à la Chambre du conseil, [
pour y être de nouveau discuté et délibéré. Dans le cas où, à la majorité des voix, l'arrêté des communes serait admis à la Chambre du conseil, il serait de suite présenté au Roi, pour recevoir la sanction royale, et converti en acte législatif.
Art. 10. Si le Roi refuse sa sanction à un arrêté approuvé par les deux Chambres, il sera regardé comme non avenu pendant la présente session.
Art. 11. Si la Chambre du conseil rejette une résolution de celles des communesen matière de législation et d'administration, elle chargera ses commissaires magistrats de faire le rapport motivé de sa décision à la Chambre des communes, en y joignant leur propre avis;sur quoi les représentants des communes prendront une nouvelle délibération, qui ne pourrait être que d'annuler leur arrêté, ou de requérir la réunion des Chambres, pour discuter de nouveau la matière, et en délibérer en commun. Alors, et dans ce cas seulement, la décision ne pourra être formée que par une majorité de voix des deux tiers ; à défaut de quoi, l'arrêté remis en délibération, serait irrévocablement annulé pendant la présente session.
Art. 12. Le promoteur et ses assistants dans la Chambre des communes, seront spécialement chargés de la recherche et dénonciation de tous les abus d'autorité, prévarications, déprédations, vexations, déni de justice, interprétations arbitraires, ou inexécution des lois de la part des administrateurs et magistrats individuels et collectifs. Ils en feront le rapport à la Chambre, qui ordonnera les informations à la poursuite et diligence du promoteur.
Art. 13. Tout accusé, de quelque rang et condition qu'il soit, et en quelque dignité ou office qu'il soit constitué, cité à la barre de la Chambre, sera obligé d'y comparaître et de subir l'interrogatoire qui sera ordonné.
Art. 14. S'il résulte des informations et interrogatoires qu'il y a lieu de poursuivre un jugement, l'accusé sera renvoyé à la Chambre du conseil. Alors les pairs de France y seront appelés, et eux séant à la droite du président, la Chambre se formera en Cour suprême de justice, et jugera souverainement, ouï le rapport et les conclusions des commissaires magistrats.
Art. 15. L'Assemblée nationale déterminera l'espèce, la qualité, la distribution et la durée des impôts, se fera rendre compte de toutes les recettes et dépenses de l'Etat dans les divers départements, et nommera annuellement une commission des deux Chambres, pour les vérifier. Elle examinera et réformera successivement toutes les parties de la législation et de l'administration civile et militaire, abrogera les anciennes ordonnances dont les inconvénients auront été reconnus, et formera un nouveau code national, civil et criminel, dans lequel seront classés tousses droits et actions civils, les délits et les peines, les formes de procédure, instructions et jugements déterminés conséquemment aux mœurs, aux lumières et au vœu général de la nation.
Art. 16. Les Etats provinciaux seront chargés de diriger et inspecter la répartition des impôts, des recettes et dépenses de la province, le versement des contributions dans la caisse nationale, les chemins, canaux, manufactures et établissements publics, les collèges et les maisons d'éducation.
Art. 17. Les Etats provinciaux ne pourront rendre en leur nom aucune ordonnance, qu'en ce qui concerne les recettes et dépenses de la province, leur vérification et la répartition des impôts. Sur tous les autres objets de police et d'admi-
nistration, ils s'adresseront au flôi, ou aux commissaires de Sa Majesté, qui, sur leurs remontrances, et après en avoir rendu compte au Roi, ordonneront ce qu'il appartiendra.
Art. 18. Les représentants des paroisses, formant le conseil d'une ville ou d'un bourg, éliront les officiers-municipaux", chargés de la police et administration des fonds de la communauté, sous les ordres des Etats provinciaux. Ils arrêteront en commun la répartition des impôts assignés sur la paroisse, relativement à l'évaluation des terres et biens-fonds, lesquels seront cadastrés.
Art. 19. Les Etats provinciaux, les municipalités et leurs délégués seront tenus de rendre compte régulièrement aux commissaires de Sa Majesté de tous les détails de leur administration ; et s'il y a négligence, abus, ou prévarication, lesdits commissaires du Roi feront assembler ex-traordinairement les Etats provinciaux ou les conseils de ville, pour en connaître et y remédier, en faisant poursuivre et informer contre ceux qui seraient prévenus de prévarication.
TITRE III.
De la délégation et subdivision du pouvoir exécutif.
Art. 1er. Le pouvoir exécutif agira conformément au texte et à
l'esprit de la loi.
Art. 2. Toutes les parties de l'administration civile, militaire et politique étant immédiatement sous l'autorité du Roi, Sa Majesté s'en fera rendre compte directement par les administrateurs individuels et collectifs, ou indirectement par ses représentants, qu'elle autorisera à transmettre ses ordres Dans ce dernier cas, lesdits représentants ou délégués ne pourront réunir les pouvoirs civil ou militaire; et ceux auxquels le pouvoir judiciaire aura été départi ne pourront connaître d'aucun autre détail d'administration militaire ou civile.
Art. 3. Le pouvoir militaire, transmissible par le monarque, consiste à commander les troupes, à les faire agir contre les ennemis de l'Etat, à les tenir pendant la paix dans une exacte discipline dans les garnisons, dans les camps ou dans les routes; à juger dans les conseils de guerre tous les délits militaires, et à faire exécuter lesdits jugements.
Art. 4. Aucun citoyen exerçant une profession ou emploi civil ne peut être dans aucun cas soumis au pouvoir militaire; et si la sûreté intérieure de l'Etat exige en certaines circonstances le secours et l'emploi des troupes, les commandants desdites troupes attendront la réquisition du magistrat civil.
Art. 5. Le pouvoir d'administration, transmissible par le Roi, consiste à diriger la haute police du royaume, les recettes et dépenses de PEtat dans tous les départements; à inspecter, consentir ou empêcher les actes d'administration des Etats provinciaux, des villes et communautés; à suivre et rendre compte des relations politiques de la France avec les étrangers, des entreprises du commerce et de la navigation, des travaux et des besoins de l'agriculture ; à régler tous les détails économiques de la guerre et de la marine, à préparer, par une inspection exacte et des comptes rendus avec fidélité, les décisions du monarque sur tout ce qui intéresse l'ordre public, la sûreté intérieure et extérieure de l'Etat, la protection des bonnes mœurs, du culte public et des arts.
Art. 6. Le pouvoir d'administration agira conformément au texte et à l'esprit des lois, sans infliger aucune peine afflictive autre que la révocation des employés qui lui sont subordonnés; et s'il y a lieu d'arrêter aucun citoyen pour prévarication, malversation, désobéissance aux lois, il sera remis dans l'instant par l'administration entre les mains de son juge naturel, pour être son procès instruit dans les formes légales.
Art. 7. Tout administrateur sera comptable par lui-même et ses subordonnés de l'autorité qui lui sera départie, et des détails économiques qu'il dirigera, mais ne pourra être, à raison de ses fonctions, cité et accusé que devant l'Assemblée nationale.
Art. 8. Le pouvoir judiciaire sera circonscrit dans les contestations relatives aux droits et actions civils, et dans les cas d'infraction des lois qui garantissent la propriété et la sûreté des citoyens. Il agira conformément au texte littéral de la loi, sans pouvoir s'en écarter.
Art. 9. Il y aura deux degrés de juridiction supérieure et inférieure, soumis aux mêmes formes de procédure, instruction et jugement, lesquelles seront réglées avec une telle simplicité et clarté, que chacun puisse obtenir justice le plus promptement et aux moindres frais possible.
Art. 10. L'étendue territoriale de chaque juridiction supérieure et inférieure sera réglée convenablement aux besoins des justiciables, et chaque province aura au moins un tribunal souverain.
Art. 11. Tout citoyen pourra se défendre par lui-même ou par procureur, en matière civile et criminelle.
Art. 12. Il sera établi, en matière criminelle seulement, un ordre de jugemeut préalable par jurés, avant que les juges puissent prononcer une peine afflictive contre l'accusé. S'il est absous par les jurés, il sera renvoyé; s'il est jugé coupable, il lui sera permis d'appeler à ia Cour souveraine, qui ne pourra aggraver la peine prononcée par le premier juge.
Art. 13. Tous les tribunaux d'exception seront supprimés.
Art. 14. La vénaljlé des charges sera abolie ; elles seront successivement remboursées par les Etats provinciaux, au décès de chaque titulaire, et toutes les charges de judicature seront à la nomination du Roi, suria proposition des Etats provinciaux, qui présenteront trois sujets pour une place vacante.
Art. 15. S'il y a plainte et recours au Roi en matière civile contre un arrêt d'une cour de justice, Sa Majesté fera examiner dans son Conseil les motifs de la plainte, et casser, s'il y a lieu, l'arrêt en question pour être l'affaire renvoyée à un autre tribunal ;et il sera rendu compte à l'Assemblée nationale des cassations motivées par une infraction manifeste de la loi.
TITRE IV.
Des mœurs.
Art. Ier. Chaque communauté, chaque ville, chaque province
assistera les pauvres et pourvoira au soulagement de son territoire. Le pouvoir exécutif
veillera à ce que cette obligation soit religieusement remplie, à ce qu'une charité active et
éclairée prévienne la mendicité, et à ce que, dans l'étendue du royaume, aucun individu ne
manque de secours, de travail et de subsistance.
Art. 2. Il y aura dans tous les Etats provinciaux un registre ouvert sous le nom de registre d'hon-
neur, où seront inscrits, par les Etats, tous les citoyens qui se seront distingués par des actes de bienfaisance, de vertu, par des services utiles et par des talents supérieurs; ils pourront être, par une délibération des Etats, proclamés très-dignes ou très-illustres citoyens.
Art. 3. Les principes de l'éducation publique seront puisés dans la morale, l'histoire et les lois nationales.
Art. 4. Il y aura dans tous les théâtres et spectacles publics un jour, chaque mois, destiné à célébrer la mémoire des grandes actions et des hommes illustres de la nation.
Art. 5. Il y aura une fête nationale célébrée annuellement le jour où sera promulguée la Constitution, et des prix seront décernés, dans toutes les classes de citoyens, aux pères et aux mères de famille dont les enfants se seront distingués par leurs talents et leurs bonnes mœurs.
Art. 6. Les hommes qui se feront remarquer par une conduite déréglée seront éloignés de toutes les charges et emplois publics.
Art. 7. Il ne pourra être fait aucun changement à la Constitution que sur la demande de la moitié des Etats provinciaux du royaume.
Projet de déclaration de droits, présenté a l'Assemblée nationale par M. Ho tiges -Carton, député des six sénéchaussées du Quercy (I).
avertissement.
Encore une déclaration de droits! va-t-on s'écrier en voyant cette brochure. Je m'y attends, et cependant j'ai eu le courage de mettre la main à la. plume. Je vais rendre compte des motifs que j'ai eus. Si le lecteur n'en est pas satisfait, il doit cesser de lire.
Une déclaration des droits de l'homme et du citoyen a été jugée par l'Assemblée nationale devoir précéder la Constitution. Il en a été présenté plusieurs projets ; presque tous n'offrent que des principes isolés : tout le monde en reconnaît la Justesse, mais ils ne sont que sentis, et il reste à l'aire apercevoir la chaîne qui les lie à ces vérités fondamentales qui, semblables aux axiômes des géomètres, se présentent à l'esprit dans le dernier degré de l'évidence. M. l'abbé Sieyès est le seul qui a remonté jusqu'à leur source : « s'empa-rant(2), pour ainsi dire, de la nature de l'homme dans ses premiers éléments, et la "suivant sans distraction dans tous ses développements et dans ses combinaisons sociales, il a l'avantage de ne laisser échapper aucune des idées qui enchaînent les résultats, ni des nuances qui lient les idées elles-mêmes; » mais elles sont si arbitraires, l'esprit a tant de peine à suivre le til de ses raisonnements, qu'il paraît que le plus grand nombre renonce à faire usage de son plan.
Cependant, si l'on considère quel est le but que l'on se propose en faisant une déclaration de droit ; si l'on confient qu'elle doit être plutôt le plus fort boulevard de la liberté que nous venons de recouvrer, que le simple énoncé des principes qui vont nous guider dans le grand ouvrage de la Constitution, on devra convenir que nous ne saurions assez faire apercevoir la relation intime de ces mômes principes avec les vérités élémentaires dont ils émanent; vérités également simples et
immuables, et qu'il suffit de montrer pour les reconnaître. Tout ce que l'on peut exiger, c'est qu'on le fasse d'une manière simple, claire, et à portée de tout le monde. Or, c'est précisément ce que j'ai tâché de faire,
On a pensé généralement, et d'abord je l'ai cru aussi, qu'une déclaration de droits ne saurait être assez courte; mais mon opinion a changé à cet égard depuis que j'ai fait attention et reconnu que la liberté du citoyen étant exposée à être attaquée de tant de manières différentes, on ne pouvait assez multiplier les moyens de défense.
Dans ce sens, une déclaration de droits est un recueil de remèdes qui doit être d'autant plus volumineux qu'il y a plus de maladies à guérir.
D'après cette considération, j'ai recueilli ce que j'ai trouvé de plus propre à entrer dans mon plan. J'ai fait principalement usage du recueil des constitutions américaines et des projets de MM. l'abbé Sieyès et Mounier, et de celui qui a été discuté dans le sixième bureau. Semblable à l'abeille oui sait si bien s'approprier les substances qu'elle cueille sur les fleurs, j'aurais pu sans doute m'ap-proprier aussi les productions de ces différents auteurs, en les faisant passer à travers les filières de mon faible génie ; c'est une charlatanerie assez en usage parmi les écrivains ; mais, comme je ne suis pas du métier, j'ai eu le scrupule d'employer, autant que j'ai pu, leurs propres expressions, et leurs articles en entier. D'ailleurs j'ai considéré que j'avais l'honneur d'être appelé conjointement avec eux à élever le grand et magnifique édifice de la liberté; et.jamais je n'ai vu un maçon, posant une pierre, jaloux de voir son compagnon en poser une autre.
On remarquera peut-être dans cet ouvrage que plusieurs articles émanent si facilement de ceux qui les précèdent, qu'il ne valait pas la peine de les énoncer; mais on ne les jugera pas inutiles, si on les considère comme des pierres d'attente propres à fixer d'avance plusieurs points essentiels de la procédure et de la législation.
Je dois prévenir cependant qu'après avoir établi les.axiômes de la science politique, je ne me suis pas contcnté de lier par une chaîne de raisonnements les divers articles insérés dans les différents projets de déclaration que j'ai cités; j'ai cru encore indispensable d'exposer les droits fondamentaux des sociétés : j'ai pensé qu'une constitution étant (comme le dit très-bien M. Rabaud de Saint-Etienne) une forme précise adoptée par le gouvernement d'un peuple, cette forme était déterminée et par des principes qui ne changent jamais, et par des principes qui sont sujets à varier, parce qu'ils émanent des mœurs et des préjugés des siècles, et même du caractère des législateurs.
Sous ce point de vue, on doit considérer une déclaration de droits comme la collection des principes inaltérables qui entrent dans la constitution de toute espèce de gouvernement libre ; et on doit reconnaître qu'elle sera d'une utilité inappréciable toutes les fois qu'on entreprendra d'altérer la Constitution, puisque l'on sera forcé de la comparer sans cesse avec les changements qu'on pourrait se proposer, et qui ne sauraient être adoptés toutes les fois qu'ils se trouveront en opposition avec elle.
Il est donc essentiel de traiter des droits immuables, non-seulement de l'individu cons:dcré successivement dans l'état de nature et de société, mais encore des sociétés elles-mêmes.
J'ai recherché dans cette dernière partie ce qui constitue les différents gouvernements, et les mo-
tifs qui peuven t faire adopter l'un ou l'autre. Mon intention a été d'amener tous les Français à cette conséquence : le gouvernement monarchique est celui qui nous convient le mieux. Je désire que tous y souscrivent avec la môme sincérité que je le fais.. Ce principe, bien mieux que la vaine cérémonie du sacre de nos rois, unira intimement le prince et les sujets, et fera dans tous les temps la principale force de l'Etat.
Qu'il me soit également permis de relever une erreur qui s'est propagée et qui peut devenir d'autant plus contagieuse, qu'elle a été adoptée par un écrivain qui a l'art de développer des idées profondes avec autant de clarté que de sagacité.
« L'homme de l'état de nature (dit M. Crenière) n'est ni libre, ni esclave; il est indépendant. »
Je voudrais bien savoir ce que c'est qu'un être qui n'est ni libre ni esclave. Je voudrais savoir encore s'il peut y avoir entre l'indépendance et la liberté d'autre différence que celle que l'on peut concevoir entre de l'eau bouillante et une plus ou moins chaude.
c II n'a point de droits à exercer, ajoute M.Crenière »j mais, dans ce cas, comment pourrait-il y en avoir dans l'état de ciloyen ? Serait-il possible qu'une foule de zéros accumulés donnât une valeur réelle ? Une société de commerce pourrait-elle avoir des capitaux sans les mises des associés ? Telle est la société politique ; elle a des droits parce que chaque citoyen en apporte ; et celui-ci n'en a à son tour que parce qu'il les possédait en sortant des mains de la nature.
Et qu'on ne se représente pas l'homme de la nature comme un être isolé. Pourquoi, naturellement bienfaisant et sensible, ne vivrait-il pas avec ses semblables sous les lois de la justice et de la morale ? Est-ce que la conscience ne saurait pas lui dire comme à nous, qu'il ne faut pas faire à autrui ce que nous ne voudrions pas qui nous fût fait ?
Pour moi, jç n'aperçois que cette différence caractéristique entre l'homme de la nature et l'homme vivant sous les lois de la société : le premier n'a d'autre appui que sa propre force, et le second a encore celui de toute la société qui lui a garanti tous ses droits, comme il a garanti à son tour les droits de chacun de ses concitoyens.
PROJET DE DÉCLARATION DE DROITS.
L'Assemblée nationale considérant qu'elle a été convoquée principalement poqr régénérer l'Etat et détruire les abus de toute espèce qui s'opposent à sa félicité, a reconnu qu'elle ne saurait y parvenir sans établir une constitution fixe et permanente.
Cette constitution sera le contrat qui unira le Roi et la nation par des engagements réciproques dictés pour le bonheur de tous, par l'amour et la confiance.
Mais afin que ces engagements soient à jamais observés, il faut qu'ils soient avoués par la raison ; il faut qu'il n'y ait pas de Français qui n'en reconnaisse toute la justice et la sainteté.
Il est donc indispensable de constater les principes sur lesquels ils sont fondés : c'est pourquoi l'Assemblée nationale a jugé convenable de faire précéder ladite constitution par une déclaration des droits de l'homme, du citoyen et des sociétés.
Droits de Vhomme.
Art. 1er. Chaque homme tient de la nature le droit de veiller à
sa conservation et celui d'étré heureux.
Art. 2. Pour assurer sa conservation et son bonheur, elle lui a donné une volonté et des qualités physiques et morales.
Art. 3. Ainsi tout homme a le droit essentiel d'user de ses facultés suivant sa volonté.
Art. 4. La nature a donc fait les hommes indépendants les uns des autres, c'est-à-dire entièrement libres.
Art. 5. Ainsi les hommes sont égaux, non en force et en moyens, mais en droits.
Art. 6. Ces droits essentiels et imprescriptibles, puisqu'ils dérivent de la nature de l'homme, sont celui de jouir de l'honneur, de la vie et d'une liberté entière ; celui d'acquérir des propriétés, de les transmettre à qui bon lui semble, de les posséder et de les défendre en repoussant la force par la force ; en un mot le droit de chercher et d'obtenir par tous les moyens qui sont en son pouvoir la sûreté et le bonheur.
Droits du citoyen.
Art. 7. Dans l'état de nature, chacun, pour le maintien et la défense de ses droits, n'a pu faire usage que de sa propré force, qui le plus souvent a dû être insuffisante. De là l'intérêt commun qu'ont eu les hommes de se réunir en société, c'est-à-dire de mettre les droits de chaque individu sous la protection et la sauvegarde de tous.
Art. 8. Ainsi une société politique est l'effet d'une convention libre entre tous les citoyens, et son objet doit être nécessairement le plus grand bien de tous, et la conservation des droits qui leur sont accordés par la nature.
Art. 9. Mais ils ne peuvent exercer des droits opposés entre eux, sans que l'un l'emporte sur l'autre, et qu'il en résulte une altération dans la liberté et l'égalité. Ainsi chaque citoyen doit faire l'abandon de tous les droits qui nuisent à ceux d'un autre. Ce sacrifice est d autant plus juste, qu'il est le prix des autres droits qui lui restent, dont le libre exercice lui est pleinement garanti par la société.
Art. 10. Ainsi tout citoyen est libre dans l'exercice de ses facultés personnelles, à la seule condition de ne pas nuire aux droits d'autrui.
ArU 11. Ainsi personne n'est responsable de sa pensée ni de ses sentiments, et nulle manière de les publier ne doit lui être interdite ; chacun est libre d'écrire et de faire imprimer ce que bon lui semble, toujours sous la condition de ne pas donner atteinte aux droits d'autrui. Enfin, tout écrivain peut débiter ou faire débiter ses productions, et il peut les faire circuler librement, tant par la poste, que par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance. Les lettres en particulier doivent être sacrées pour tous les intermédiaires qui se trouvent entre celui qui écrit et celui à qui il écrit.
Art. 12. Tout citoyen est, sous la même condition, le maître d'aller ou de rester partout, quand et comme bon lui semble ; enfin, de disposer de ses propriétés ainsi qu'il le juge à propos.
Art. 13. Tous les droits dont l'exercice est prohibé doivent être clairement énoncés ; car il est juste que chaque citoyen puisse bien connaître quels sont ceux qui lui restent. Cette énoncia-
tion s'appelle loi. Ainsi la loi n'est pas faite pour I conque d-autorité ne doivent être considérés
permettre ; elle ne Test que pour défendre. que comme ses mandataires.
Art. 14. De là cette conséquence : tout ce qui n'est pas défendu par la loi est permis, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas.
Art. 15. Ainsi tout citoyen est libre d'employer ,ses bras, son industrie et ses capitaux, comme il le juge bon et utile à lui-même. Nul genre detra-vail ne peut lui être interdit. Il peut fabriquer et produire ce qu'il lui plaît, et comme il lui plaît : il peut garder ou transporter à son gré toute espèce de marchandises, et;les vendre en gros ou en détail,
Dans ces diverses ' occupations, nul particulier, nulle association n'a le droit de le gêner, forte raison de Tempêcher- La loi seule peut mar- quer les bornes qu'il faut donner à cette liberté comme à toute autre.
Droit des sociétés.
Art. 16. Une société quelconque ne peut avoir pour objet que l'intérêt commun. Les destinations sociales doivent être fondées sur l'utilité com- mune.
Art. 17. Chaque homme dans l'état de nature jouissant sur lui-même d'un droit absolu et uni- versel, il faut bien que la société possède aussi sur elle-même le même droit, c'est-à-dire que la souveraineté réside dans tous les membres d'une société considérée collectivement.
Art. 18. Ainsi une société quelconque possède incontestablement toute espècede pouvoirs. Elle a en tout temps celui de revoir et de réformer sa constitution ; celui de faire des lois, de les faire exécuter, et de prononcer sur leur violation; c'est-à-dire, qu'en vertu de sa souveraineté, elle possède éminemment les droits législatif, exécutif et judiciaire.
Art. 19. Tous les citoyens étant égaux, nul ne peut imposer la loi à un autre; elle ne peut être que l'expression de la volonté générale ; tous doi-vent donc la respecter et lui obéir.
Art. 20. Ainsi tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi se rend coupable par la résis- tance.
Art. 21. Tous devant être égaux aux yeux de la loi, ils ont un droit égal à la justice la plus im-partiale, la plus exacte et la plus prompte, tant pour leurs personnesque pour leurs propriétés ; et ils doivent l'obtenir gratuitement.
Art. 22. La volonté générale n'est jamais aussi bien exprimée que quand elle est celle de tous les citoyens; à défaut elle doit être énoncée par la majorité des suffrages.
Art. 23. Une minorité, quelle qu'elle soit, ne peut arrêter la promulgation d'une loi ; car il est évident que dans ce cas le petit nombre empê-cherait de défendre ce qui est nuisible au plus grand. (Voyez l'article 13).
Art. 24. Tous les citoyens devant avoir unepor-tion égale dans les avantages de la société, ils doivent exercer une influence égale dans les dé-libérations publiques.
Art. 25. Ainsi un des principaux points d'une constitution doit être la manière dont un peuple doit s'assembler, pour qu'il puisse, toutes les fois qu'irsera nécessaire, manifester ses volontés li-brement, clairement, facilement et promptement.
Art. 26. Une société a le droit, en vertu de sa souveraineté, de déléguer à qui bon lui semble les pouvoirs qu'elle possède. Ainsi tous ceux qui dans une nation sont revêtus d'une portion quel-
Art. 27. Les officiers publics, dans tous les genres de pouvoirs, sont responsables de leurs prévarications, et comptables de leur conduite
# Art. 28. Un gouvernement ne doit exister que pour l'intérêt de ceux qui sont gouvernés, et non pour l'intérêt de ceux qui gouvernent,
Art. 29. Les fonctions publiques doivent donc suivre les besoins publics; le nombre des places doit être rigoureusement borné au nécessaire ; il est absurde surtout qu'il y ait des places sans fonctions.
Art. 30. Il est également absurde qu'un citoyen à plus puisse être exclu d'une place pour raison de ce
qu'un stupide préjugé appelle défaut de naissance, 11 faut, pour toute espèce de service public, pré- férer les plus capables.
Art. 31. Des pensions sur le Trésor public ne I , peuvent être sollicités et obtenues qu'à titre de récompense pour des services rendus par des hommes sans fortune, qui ne peuvent plus être employés utilement,
Art. 32. S'il est, dans la société ^générale, des sociétés particulières, elles doivent lui être subor- données. Sa souveraineté lui donne incontesta- blement le droit de les réformer, même de lesdé- truire, et de faire de leurs biens telle application que bon lui semblera, s'ils ne sont transmissibles ni par donation, ni par droit de succession.
Art. 33. Si un peuple est trop nombreux, et qu'il occupe un espace trop étendu, il lui est im- possible de se réunir, et il est réduit à former des assemblées partielles, et à se choisir des re- présentants. Ces assemblées doivent être circon- scrites de manière que tous ceux qui en ferontpartie puissent y être appelés commodément, promptement et facilement,
Art. 34. Ainsi, si une nation est renfermée dans quinze ou vingt lieues carrées, et s'il y aune ville au centre de cet espace, il est naturel que le peuple se divise en un certain nombre de cantons, dont chacun formerait une corpora- tion, et que chaque canton nomme ses représen- tants, et les charge de se réunir avec les autres dans cette ville, pour y traiter des affaires pu- biiques. Dans une telle hypothèse, chaque ci- toyen influerait directement dans le choix des représentants de la nation,
Art. 35. Si trente ou même soixante districtssem- blables se réunissent en corps de nation, il sera également naturel que les représentants de cha- cun d'eux en nomment d'autres, et que ceux-cise rendent, de concert, au centre de la province, qui ne peut qu'être ou devenir la ville principale,Dans un tel cas, il serait statué par les représen- tants des représentants,
Art. 36. Enfin, si un certain nombre de pro vinces sont réunies en corps de nation, il est en- core naturel que leurs représentants chargent un certain nombre de délégués de se réunir dans la capitale de l'empire, pour y traiter des intérêts communs. Dans ce dernier cas, la représentation s'éloignerait encore d'un degré,
Art. 37. Voilà la marche simple que la raison nous indique pour former les corps politiques: ils doivent être les éléments les uns des autres, afin que chaque citoyen puisse, comme membre de la souveraineté/exercer toute l'influence possi- ble. Leur nombre doit dépendre du degré de po- pulation et de l'espace qu'une nation occupe, en telle sorte qu'il y ait entre eux et elle le même rapport que celui qui existe entre plusieurs cercles concentriques.
Art. 38. Tous les citoyens étant égaux en droits, chacun doit avoir sa voix dans la corporation élémentaire où il est appelé pour voter individuellement; et il en résulte que chacune des autres doit fournira la corporation qui lui est immédiatement supérieure un nombre de représentants proportionné au nombre de ceux qu'elle représente elle-même (1).
Art. 39. Si un peuple est trop nombreux,et qu'il occupe trop d'espace, il est encore réduit à déléguer les différents pouvoirs qui constituent ta souveraineté.
Art. 40.11 peut sans doute les déléguer à qui bon lui semble, mais si la puissance exécutrice a le droit de faire des lois, elle ne promulguera que celles qui serviront à étendre son autorité. Si elle a le droit de juger, elle pourra frapper par le glaive de la loi ceux qui ne voudront pas souscrire à ses volontés particulières.
De même le pouvoir sur la vie et la liberté des citoyens serait arbitraire si ceux à qui le pouvoir de faire les lois serait confié avaient celui d'en faire l'application à leur gré.
Enfin il est visible que la réunion des trois pouvoirs porterait les abus à leur comble. Ainsi la liberté d'un peuple est en danger, tant que les pouvoirs législatif, exécutif et judiciaire, ne sont pas distincts et séparés.
Art. 41. Le juge ne doit, dans aucun cas, substituer sa volonté privée à la volonté générale; une impartialité parfaite doit être son caractère; il doit être uniquement l'organe de la loi.
Art. 42. Ce n'est donc pas au juge à constater les faits : ce soin doit être réservé à des jurés, choisis librement par les parties, sur une liste dressée antérieurement en vertu de la loi.
Art. 43. La loi devant éviter toute espèce d'arbitraire, aucun citoyen ne peut être tenu de répondre pour-un délit quelconque, à moins qu'il ne lui soit énoncé pleinement et clairement, substantiellement et formellement; et il ne peut être contraint de s'accuser ou de fournir des preuves contre lui-même. Il a au contraire le droit de produire toutes celles qui peuvent lui être favorables, d'être confronté face à face avec les témoins et d'être entendu pleinement dans sa défense, par lui-même, ou par un conseil à son choix.
Art. 44. Si un citoyen a été arrêté et emprisonné hors les cas prévus par la loi, il doit lui être adjugé l'indemnité qu'elle aura dû avoir fixée.
Art. 45. Puisque la loi oblige également les citoyens, elle doit punir également les coupables ;
mais nul ne pourra être exilé ou privé de la vie, de la liberté ou de ses biens, qu'en vertu de la loi et après un jugement de ses pairs.
Art. 46. Dans les poursuites criminelles, la vérification des faits dans le voisinage du lieu où ils se sont passés est de la plusgrande importance pour la sûreté de la vie, de la liberté et de la propriété des citoyens. Ainsi les ministres des lois ne sauraient être assez à portée des justiciables.
Art. 47. La liberté, la propriété et ia sécurité des citoyens, doivent reposer sous une garantie sociale, supérieure à toutes les atteintes. Ainsi il doit y avoir une force capable de réprimer ceux des simples citoyens qui entreprendraient d'attaquer les droits de quelque autre, et une armée capable de défendre la société contre les attaques des ennemis étrangers.
Art. 48. Les impôts sont donc nécessaires pour le soutien d'une société; il est évident qu'ils ne doivent jamais excéder les besoins.
Art. 49. La-protection de l'Etat devant s'étendre à toute espèce de propriété, chaque citoyen ne peut être dispensé, sous quelque prétexte que ce soit, de l'obligation de contribuer en proportion de ses biens.
Art. 50. La contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen, ils ont tous le droit d'en constater la nécessité, de .la consentir librement, d'en suivre l'emploi et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée ; et s'ils ne peuvent pas l'exercer par eux-mêmes, il faut bien qu'ils en contient l'exercice à quelqu'un.
Art. 51. Ils rie sauraient le confier au corps chargé de juger ; car ses membres, par la nature de leurs fonctions, doivent être constamment séparés.
Ils ne sauraient non plus le confier au corps exécutif, sans que la liberté en souffrît - car, dès qu'il aurait à sa disposition et l'armée et le Trésor, rien ne pourrait l'empêcher d'usurper tous les autres pouvoirs.
Art. 52. 11 est donc nécessaire que le peuple, à raison de l'impôt, confie tous ses droits au corps législatif, qui devra y être assujetti comme le reste des citoyens.
Art. 53. Le corps législatif devant être le gardien de la liberté par rétablissement des lois sur lesquelles elle doit être fondée, il est nécessaire qu'il s'assemble fréquemment pour surveiller leur exécution. Il convient doue qu'il n'accorde l'impôt que pour un an, afin que les besoins toujours renaissants du corps exécutif le déterminent puissamment à concourir à cette mesure de toutes ses forces.
Art. 54. La puissance exécutrice est principalement établie pour diriger toutes les forces de l'Etat, mais elles ne doivent jamais servir à opprimer le peuple; ainsi tes troupes ne doivent prêter serment qu'à la nation entre les mains du corps exécutif, et elles ne devront être employées contre les citoyens qu'à la réquisition du magistrat, à l'exception des cas qui doivent avoir été prévus par la Constitution.
Art. 55. Il est donc très-essentiel que la constitution de l'armée soit l'ouvrage de la puissance législative.
Art. 56. Le peuple est intéressé à établir une balance entre les corps exécutif et législatif, de manière que l'un ne puisse pas être opprimé par l'autre. 11 faut donc que le corps législatif puisse délibérer avec la plus grande liberté; en conséquence: 1° Aucun de ses membres ne doit être dans le cas de redouter d'être recherché dans
aucun temps pour des avis et des opinions qu'il aurait pu manifester dans les Assemblées, et sa personne doit être déclarée inviolable.
2° Le corps exécutif ne pourra, sous aucun prétexte, se mêler de la police des assemblées du corps législatif. Il n'ordonnera dans aucun temps aux soldats d'approcher du lieu où elles se tiendront, à moins qu'il n'en soit requis par l'autre, auquel cas lesdits soldats seront uniquement aux ordres du corps législatif.
Art. 57. Il faut également que le corps exécutif, non-seulement ait connaissance de toutes les résolutions du corps législatif qu'il doit être chargé de faire exécuter, mais qu'il ait encore le droit de s'opposer efficacement à toutes celles qu'il jugera nuisibles: ainsi aucune resolution du pouvoir législatif ne pourra être érigée en loi que par la sanction du corps exécutif.
Art. 58. Le pouvoir exécutif aura encore dans tous les temps le droit de faire au corps législatif les demandes et propositions qu il croira avantageuses à la chose publique, et s'il éprouve un refus de sa part, il aura celui de s'adresser au peuple en qui réside la plénitude des pouvoirs, de le faire assembler pour qu'il prononce lui-même, qu'il manifeste ses intentions à ses représentants; et même pour qu'il lui en substitue d'autres, s'il le juge nécessaire.
Art. 59. Par le même motif, si le corps exécutif s'oppose par un veto à quelque décret du corps législatif, celui-ci aura le droit, sans que le premier puisse s'y opposer, de faire assembler le peuple qui devra manifester son vœu sur ledit décret.
Art 60. Le pouvoir exécutif peut être confié (sans que la liberté soit compromise) à un seul individu, ou à plusieurs, ou à une partie considérable du peuple. De là naît la distinction des trois espèces de gouvernement, savoir: le monarchique, l'aristocratique et le démocratique.
Art. 61. Si un peuple est peu nombreux et qu'il occupe peu d'espace, un grand nombre d'individus peut sans inconvénient avoir part au pouvoir exécutif. Ce nombre doit diminuer à mesure que le peuple est plus nombreux et que son territoire est plus vaste; en telle sorte que.....
Art. 62. L'intérêt d'une grande nation exige que le pouvoir exécutif soit concentré dans une seule personne, afin que son activité,, qui doit être toujours proportionnée aux obstacles qui doivent être surmontés, et à la masse qui doit être mise en mouvement, soit la plus grande possible.
Art. 63. Il résulte de cet exposé, que si chaque nation a le plus grand intérêt à bien discerner le gouvernement qui lui convient le mieux, son choix ne saurait être fait au hasard, et qu'il doit être principalement déterminé par sa population et l'étendue de son territoire.
Art. 64. Quelle que soit l'étendue et la population d'un Etat, le pouvoir législatif ne saurait être confié à un seul, sans compromettre la liberté. Il y aurait à craindre qu'il ne consultât que son propre intérêt dans l'établissement des lois.
Art. 65. Dans toute espèce de gouvernement, les membres du corps législatif et ceux du corps judiciaire doivent être amovibles et révocables à volonté. Le peuple, en les faisant rentrer dans la classe ordinaire des citoyens, évite le danger d'être opprimé par eux.
. Art, 66. Il doit en être de même dans une république pour les membres du corps exécutif. Mais si dans une monarchie le peuple voulait se
réserver le droit de renvoyer le Roi, et même celui d'en nommer un autre à son gré après sa mort, il est aisé de prévoir que le Roi ne manquerait pas de faire usage des grandes forces qui lui auraient été confiées, pour se maintenir sur le trône ou pour le transmettre à sa postérité, et que cette réserve du peuple serait une source perpétuelle de cabales, de factions et de guerres civiles.
Art. 67. Le bonheur d'une société, qui ne peut exister au milieu des dissentions, exige donc que dans une monarchie Je pouvoir exécutif soit concentré dans une seule famille, et que l'ordre de la succession à la couronne soit déterminé d'avance d'une manière claire et invariable.
Alors l'ambition du monarque est satisfaite. Son intérêt et celui du peuple ne font qu'un, et la tranquillité publique ne peut être altérée.
Art. 68. Il est de l'intérêt d'une nation que le corps exécutif soit respecté et jouisse de la plus haute considération, sans quoi les lois seront mal exécutées.
Ainsi dans une monarchie il doit être érigé en principe que le Roi ne peut mal faire, et sa personne doit être sacrée.
Art. 69. Si donc il survient des abus d'autorité dans l'exercice du pouvoir exécutif, ils ne peuvent être imputés qu'à ses ministres, qui doivent eu demeurer responsables.
Art. 70. La loi ne pouvant atteindre les délits secrets, c'est à la religion et à la morale à la suppléer.
Ainsi le bon ordre et la conservation d'une société dépendent essentiellement de la piété, de la religion et des bonnes mœurs, qui ne peuvent se répandre parmi tout un peuple que par des instructions publiques, et par l'exercice d un culte public. Aussi les corps exécutif et législatif devroiit-ils veiller soigneusement à ce qu'il y ait dans tous les temps des fonds convenables et suffisants pour la construction et l'entretien des églises, et pour la subsistance de ses ministres.
Art. 71. Et néanmoins aucun membre de la société ne pourra sous aucun prétexte être inquiété pour ses opinions religieuses. Il ne doit point cesser de jouir de tous les droits de citoyen, tant qu'il se conforme aux lois et qu'il ne trouble pas le culte public.
PROJET DE DÉCLARATION DES DROITS DE L'HOMME ET
DU CITOYEN,
Discuté dans le sixième bureau de VAssemblée nationale (1).
Les représentants du peuple français, réunis et siégeant en Assemblée nationale, à l'effet de régénérer la Constitution de l'Etat, et de déterminer les droits, l'exercice et les limites du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif; cpnsidérant que l'ordre social et toute bonne constitution doivent avoir pour base des principes immuables; que l'homme, né pour être libre, ne s'est soumis au régime d'une société politique, que pour mettre ses droits naturels sous la protection d'une force commune; voulant consacrer et reconnaître solennellement, en présence du suprême législateur de l'univers, les droits de l'homme et du citoyen, déclarent que ces droits reposent essentiellement sur les vérités suivantes..
Art. leP. Chaque homme tient de la nature le droit de veiller à
sa conservation et le désir d'être heureux.
Art. 2. Pour assurer sa conservation et se procurer le bien être, chaque homme tient de la nature des facultés : c'est dans le plein et entier exercice de ces facultés que consiste la liberté.
Art. 3, De l'usage de ces facultés dérive le droit de propriété.
Art. 4. Chaque homme a un droit égal à sa liberté et à sa propriété.
Art. 5. Mais chaque homme n'a pas reçu de la nature les mêmes moyens pour user desesdroils. De là naît l'inégalité entre les hommes : l'inégalité est donc dbns la nature même.
Art. 6. La société s'est formée par le besoin de maintenir l'égalité des droits, au milieu de l'inégalité des moyens.
Art. 7. Dans l'état de société chaque homme, pour obtenir l'exercice libre et légitime de ses facultés, doit le reconnaître dans ses semblables, le respecter et le faciliter.
Art. 8. De cette réciprocité nécessaire résulte, entre les hommes réunis, la double relation des droits et des devoirs.
Art. 9. Le but de toute société est de maintenir cette double relation; delà l'établissement des lois.
Art. 10. L'objet de la loi est donc de garantir tous les droits, et d'assurer l'observation de tous les devoirs.
Art. 11. Le premier devoir de tout citoyen étant de servir la société selon sa capacité et ses talents, il a le droit d'être appelé à tout emploi public.
Art. 12. La loi étant l'expression de la volonté générale, tout citoyen doit avoir coopéré immédiatement à la formation de la loi.
Art. 13. La loi doit être la même pour tous ; et aucune autorité politique n'est obligatoire pour le citoyen, qu'autant qu'elle commande au nom de la loi.
Art. 14. Nui citoyen ne peut être accusé, ni troublé dans l'usage de sa propriété, ni gêné dans celui de sa liberté, qu'en vertu de la loi, avec les formes qu'elle a prescrites, et dans les cas qu'elle a prévus.
Art. 15. Quand la loi punit, la peine doit toujours être proportionnée au délit, sans aucune acception de rang, d'état ou de fortune.
Art. 16. La loi ne pouvant atteindre les délits secrets, c'est à la religion et à la morale à la suppléer. Il est donc essentiel, pour le bon ordre même de la société, que l'une et l'autre soient respectées.
Art. 17. Le maintien de la religion exige un culte public. Le respect pour le culte public est donc indispensable.
Art. 18. Tout citoyen qui ne trouble pas le culte établi, ne doit point être inquiété.
Art. 19. La libre communication des pensées étant un droit du citoyen, elle ne doit être restreinte qu'autant, qu'elle nuit aux droits d'autrui.
Art. 20. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous, et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée.
Art. 21. Pour l'entretien de la force publique, et les autres frais du gouvernement, une contribution commune est indispensable; et sa répartition doit être rigoureusement proportionnelle entre tous les citoyens. '
Art. 22. La contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque ci-
toyen, il a le droit d'en constater la nécessité, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée.
Art. 23. La société a le droit de demander Compte à tout agent public de son administration.
Art. 24. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, et la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas une véritable constitution.
Séance du
A l'ouverture de la séance, il a été rendu compte des adresses de la ville d'Oloron en Béarn, de Montmorillon en Poitou, de Château-du-Loir, de la municipalité dePaulhaguet,de la ville de Saint-Geniez en Uzadois, de la municipalité de Gavrus, de l'isle Bouchard, avec un arrêté; de Saint-Pol-de-Léon, de la ville de Sarlat, de la ville d'Etam-pes, de Clermont en Beauvoisis, de Bourbon-Lancy, de la noblesse de Baugé en Anjou, de Bellesme, de la noblesse de Bourmont en Bassi-gny, de Cueurs en Provence, de la noblesse de Château-Gontier, de Bercquemont, de Chably, de Nérac en Albret, de la ville de Dorât en Basse-Marche; de l'extension des pouvoirs de M. de Ri-chier, député de Saintonge; des adresses des villes d'Hyères, de Cremieu, de Condom, et du procès-verbal des événements de la même ville; des villes de Bayonne, de Saintes, deCardiilat-sur-Garonne, des électeurs de Bordeaux, de Saint-Andéol, de Mezuy en Condomois, de Vezenobre, de la noblesse de Vire en Normandie, de Wailly-sur-Aine ; de l'extension de pouvoirs pour le clergé de Clermont en Beauvoisis; de la déclaration du député de Nérac, par laquelle, d'après l'aug-meutation de ses pouvoirs non encore vérifiés, il offre le rachat de ses droits personnels, bac, péage, pèche; de la déclaration du député de Sarre!ouis par laquelle il renonce à ses privilèges personnels comme seigneur et juge; d'une lettre d'un M. Allemand, pourtant offre de ses ouvrages sur la navigation intérieure ; de la ville de Bar-sur-Seine, d'une représentation et réclamation de la ville de Lorient; des officiers municipaux de la ville d'Avranches; des trois ordres de Pézenas, de Minde-sur-Loire, de Semur en Brionnais, des trois ordres de Montpellier, de Lunas, de Poussan au diocèse de Montpellier, de Beaune, de Lavans, de Suze- la-Rousse, deSoissons, de Rieux,de Mezières, de Saint-Etienne en Forez, d'ivry, du bourg de Livron, de Villeneuve de Berg, de la ville d'Ai-gueperse, de Douai, de Saint-Pol-Trois-Châteaux, de Thionville, et de Saint-Pierre-le-Moutier.
Un membre du comité de vérification a rendu compte de la vérification des pouvoirs des députés des communes du pays de Soulle, et de leur régularité; il a ensuite annoncé que les pouvoirs de M. le marquis de Rochefort, députéde la sénéchaussée du Mont-de-Marsan, avaient été vérifiés dès le 30 juin dernier.
Un de MM. les secrétaires a présenté à l'Assemblée un livre de M. l'abbé Fauchet, intitulé : De la religion naturelle.
a dit qu'il s'était rendu chez le Roi pour savoir l'heure où Sa Majesté voudrait bien recevoir l'Assemblée, et la prier d'assister au Te Deum qui devait être chanté en exécution de l'arrêté du 4 août; que Sa Majesté lui avait fait l'honneur de lui répondre qu'elle recevrait l'Assemblée aujourd'hui à midi, et qu'elle assisterait immédiatement après au Te Deum qui serait chanté dans sa chapelle.
a dit ensuite qu'hier matin, peu après la séance levée, la milice bourgeoise de Sève lui avait remis un paquet de lettres adressées à M. l'évêque de Beauvais, qui avaient été saisies dans une charrette; que M. l'évêque de Beauvais ayant ouvert ces lettres en sa présence et devant deux membres de l'Assemblée qui se trouvaient là, on n'y avait remarqué que des affaires relatives au bureau de charité de Beauvais.
, évêque de Saintes, a demandé que le Président fût autorisé à signer avec les deux membres de l'Assemblée qui s'étaient trouvés présents à l'ouverture de ces lettres, un procès-verbal contenant la vérité des faits; ce qui a été ordonné par l'Assemblée.
a fait lire une adresse de la ville de Louviers, qui rend compte à l'Assemblée de l'exécution de ses ordres en rendant la liberté au sieur Guilbert d'Elboeuf.
Le sieur Cousin, citoyen de Brie-Comte-Robert, au nom de cette ville, a présenté un bouquet d'épis de blé et en a fait hommage à l'Assemblée nationale.
au nom du comité des rapports, rend compte d'une plainte du procureur du roi de Falaise. Cet officier, poursuivi par le parlement de Rouen pour avoir rédigé le cahier dans lequel son bailliage demandait la suppression de la vénalité des charges d,e juridi-cature, et même des parlements, s'est adressé depuis trois mois au Conseil pour obtenir la cessation des poursuites vexatoires faites contre lui ; il n'a pu encore obtenir la justice qu'il réclame, et il a dénoncé à l'Assemblée nationale la conduite du parlement de Rouen comme attentatoire à la liberté nationale.
Le rapporteur observe que le comité a pensé, qu'attendu que l'Assemblée n'étant instruite de cette affaire que par une seule partie, elle ne pouvait rien statuer sans avoir entendu l'autre; et que d'ailleurs le conseil étant déjà saisi juridiquement de cette affaire, étant miini de toutes les pièces nécessaires, elle devait être renvoyée à M. le garde des sceaux.
demande que le procureur général du parlement de Rouen soit mandé par l'Assemblée pour lui rendre compte de sa conduite.
Cette proposition est appuyée par plusieurs membres.
dit que l'Assemblée ne peut dans ce moment rien décider à cet égard; qu'il fallait avant tout qu'elle s'assurât de la vérité des faits
en vérifiant la procédure; que sans cela elle courrait risque de se tromper et de se compromettre.
dit que dans les affaires de cette sorte, il y a une route tracée, de laquelle il ne fallait pas s'écarter; qu'il fallait faire ce que fait le Conseil lorsqu'on lui dénonce des arrêts attentatoires aux lois, c'est-à-dire demander au parlement les motifs de sa conduite.
pense que l'Assemblée ne doit rien faire, rien préjuger avant d'avoir connaissance de la procédure qui lui était dénoncée, et dont elle pouvait demander communication par M. le garde des sceaux.
Prenons garde, Messieurs, d'usurper un pouvoir qui ne nous ap-tient pas. Nous sommes un corps purement législatif; nos fonctions doivent se borner à faire de3 lois; ainsi nous n'avons pas le droit de juger. Je pense donc que l'avis d et comité doit être adopté.
propose le renvoi de cette affaire au comité d'instruction.
On demande à aller aux voix sur la proposition du comité; elle est adoptée.
représente à l'Assemblée que la discipline.militaire commence à se relâcher; que les désertions sont devenues très-fréquentes; qu'il peut en résulter les inconvénients les plus graves pour la nation. En conséquence, il propose l'établissement d'un comité qui serait chargé de préparer une nouvelle constitution de l'armée, d'examiner, de concert avec le ministre de la guerre, l'étendue et la force du corps militaire, de déterminer les sommes que la nation pourrait fournir à son entretien, de faire en un mot tout ce qui serait nécessaire pour préparer une prompte organisation pour tout le corps de l'armée.
dit que l'entretien de l'armée doit être une dépense nationale, soumise à des circonstances variées, qu'il est par cela même im^ possible de fixer invariablement; qu'elle doitétre fixée non pas seulement sur les revenus de l'Etat, mais d'après des circonstances qui tantôt exigent plus et tantôt moins.
Il relève une erreur qui s'est glissée dans le décret qui a ordonné que les troupes prêteraient serment à la nation, ^e décret, dit-il, porte que les troupes prêteront serment dans les mains des officiers municipaux; sans doute l'intention de l'Assemblée a été que ce serment fut prêté, non pas dans les mains, mais en présence des offiders municipaux. Je demande donc que l'on corrige cette erreur.
demande à l'Assemblée si son intention dans le même décret a été de dire que les troupes pourraient être appelées à la réquisition des officiers civils ou municipaux, ou bien des officiers civils et municipaux. Il dit qu'il importe que cette équfvôque soit levée, et qu'on mette à la réquisition des officiers civils et municipaux.
Il s'engage une discussion assez longue.
Le rédacteur de
la formule n'est pas plus pur en principe qu'heureux en rédaction.
Jamais les forces militaires ne doivent être subordonnées aux forces civiles, ou bientôt il n'y aurait plus d'armée, surtout si dans le régime actuel elles étaient soumises à la volonté des municipalités, qui ne sont que des établissements monstrueux de despotisme.
J'ai bien entendu parler de l'aristocratie militaire, judiciaire, de l'aristocratie de l'église; mais je n'ai jamais connu une plus cruelle, une plus tyran nique autorité que celle usurpée par les officiers municipaux, et ce serait la porter à son comble que de mettre encore dans leurs mains le dernier moyen de l'oppression."
Les citoyens seraient sans cesse sous le joug de leur pouvoir, si le mépris dont sont couvertes les municipalités ne servait quelquefois à les en affranchir.
Je le prouverai, moi qui appartiens à une province dont le chef municipal a fait tirer le premier coup de fusil sur ie peuple, ce qui a allumé le feu de la guerre; j'en entretiendrai l'Assemblée en temps et lieu.
Maintenant revenons au comité militaire. Tout ce qui a rapport à l'armée appartient incontestablement à l'Assemblée; elle en a ie droit, et elle doit en connaître.
Je ferai une distinction. Si l'auteur eût voulu fixer' votre attention sur des détails qui vous auraient éloignés de la Constitution, il faudrait rejeter sa motion ; elle eut été prématurée.
SU ne fait que porter vos regards sur le rapport que l'armée peut avoir avec le corps social, -elle n'est pas prématurée, et l'on doit délibérer.
Il est décidé que les changements proposés par M. de Virieu et par M. de Clermont-Tounerre seront faits, et qu'à la place de ces mots: es-mains des officiers municipaux, on mettra: à la tê le de leurs troupes, en présence des of ficiers municipaux. La seconde correction sera faite de la manière suivante: on remplacera les mots: sur la réquisition dts officiers civils et municipaux, par ceux-ci : officiers civils ou municipaux.
lève la séance à midi pour se rendre à la téte de l'Assemblée, chez le Roi, lui présenter les arrêtés du 4 août,* ladresse qui lès accompagne et pour assister ensuite au Te deum.
Séance du soir à sept heurts.
a annoncé que le recensement des scrutins, pour la formation du nouveau comité composé de cinq membres destiués à recevoir les plans de Constitution, ayant été fait, la pluralité s'était réunie en faveur de M. Desmeuniers, de M. l'évêque de Langres, de M. Tronchet, de M. le comte de Mirabeau et de M. Rhédon.M. Tronchet a observé que le règlement ne permettait pas de nommer membre d'un comité, celui qui l'était déjà d'un autre; mais l'Assemblée ne s'^st point arrêtée à l'observation, attendu que ces cinq personnes doivent finir leur travail pour lundi, jour auquel l'Assemblée demande qu'on lui soumette un plan choisi parmi ceux qui ont été offerts ou recueillis, et formé des différentes vues combinées et rapprochées
M. le président a rendu compte de la réponse faite ce matin par ie Roi à l'adresse de l'Assem-
blée nationale. (Voyez plus haut le texte de cette adresse — séance du 12 août).
a dit: « J'accepte avec reconnaissance le titre que vous me décernez ; il répond aux motifs qui m'ont guidé, lorsque j'ai rassemblé autour de moi les représentants de la nation. Mon vœu maintenant est d'assurer avec vous la liberté publique, par le retour si nécessaire de l'ordre et de la tranquillité. Vos lumières et vos intentions m'inspirent une grande confiance dans le résultat de vos délibérations.
Allons prier le ciel de nous accorder son assistance, et rendons-lui des actions de grâces des sentiments généreux qui régnent dans votre Assemblée. »
a ensuite soumis à l'Assemblée la décision du point de savoir comment on ferait la nomination des membres des deux comités composés de quinze membres chacun, chargés l'un des matières ecclésiastiques, et l'autre de la liquidation des offices de judicaturo. L'Assemblée a décrété qu'il serait nommé trois membres par bureau, et que les quatre-vingt-dix personnes ainsi nommées se réduiraient à trente, lesquelles se partageraient en deux bureaux de quinze chacun.
a soumis ses doutes sur la rédaction de l'article des dîmes, qui est le cinquième de l'arrêté porté au Roi ce matin. 11 a observé que ces mots, jusqu'à ce que les anciens possesseurs fussent entrés en jouissance de leur remplacement, pourraient présenter une autre idée que celle qui a été réellement adoptée par l'Assemblée, et que plusieurs membres lui ayant communiqué la même remarque, il croyait devoir soumettre à l'Assemblée la manière d'obvier à l'incertitude que cette rédaction laissait dans l'esprit de plusieurs députés, et qu'elle pourrait occasionner dans 1 esprit des peuples.
, un de MM. les secrétaires, a rendu compte de l'état de la minute qui se trouvait conforme à l'épreuve de l'imprimeur, signée par celui qui avait tenu ia plume dans la séance du onze, ainsi que par M. le président.
, un de MM. les secrétaires, a attesté avoir lu plusieurs fois à l'Assemblée l'art. 5 parfaitement conforme à l'imprimé, et il a produit ia première minute paraphée à tous les articles et à tous les renvois, tant antérieurs que subséquents au paragraphe contesté.
et d'autres membres en grand nombre, ont déclaré se rappeler parfaitement qu'ils avaient entendu plusieurs fois la lecture de l'art. 5, conforme en tout à la rédaction des deux minutes et de l'épreuve signée.
Alors la délibération a changé d'objet, et plusieurs membres ont proposé des rédactions plus claires.
Messieurs du clergé ont déclaré qu'ils n'avaient jamais entendu par le mot de remplacement, ni celui de rachat de la dîme, ni celui d'équivalent, et que leur objet avait été de laisser la nation entièrement maîtresse du sort des ministres du culte qui avaient renoncé à leur possession, sauf les égards qu'il lui plairait d'avoir pour l'aisance dont ils avaient joui, pour leur âge, et pour l'ancienneté de leurs services. Il a été proposé alors de décréter qu'attendu
qu'il a été reconnu dans l'Assemblée que par le mot de remplacement énoncé dans l'article 5, on n'a point entendu le rachat de la dîme ni un équivalent, mais seulement un traitement convenable, il n'y avait lieu à délibérer sur une autre rédaction ; et cet avis a été adopté.,
a remis la séance à demain, neuf heures du matin.
Séance du
Lecture a été faite de3 procès-verbaux des 5, 6, 7, 8, 9, et 11 de ce mois.
On a rendu compte ensuite des adresses : 1° de la municipalité de Dourdan ; 2° des électeurs et notables de Douai; 3° des communes de la Guerche en Bretagne ; 4° des citoyens de Grave-lines ; 5° des citoyens de Chaumont en Bassigny ; 6° de Bellac en Basse-Marche ; 7° de Moulins en Gilbert; 8° du pays de Foix; 9° de Rhuis en Bretagne; 10° delà communauté de Saint-Omer; 11° de Saint-Gauden ; 12° de l'université de Caen ; 13° d'Airvault en Poitou; 14° des Chanoines de Brioûde, et d'une délibération du bureau intermédiaire du district deColmar ; 15° de Luze; 16° du bureau de la ville de Saint-Florentin; 17° du comité provisionnel, et de la commune de la même ville; 18° de la ville et communauté de Vézenobre, diocèse d'Alais ; 19° de l'ordre de la noblesse, et de celui des communes de la ville de Lavàur* Le chapitre de cette ville a adhéré à la délibération ; 20° de la ville de Bar-sur-Seine.
M. Turben, membre des Académies royales de Nancy, de Caen, et de la société patriotique Bretonne, a dédié à l'Assemblée nationale un ouvrage qui a pour litre : Des devoirs des Français. _
M. de Ladebat, membre de l'Académie royale des sciences, lettres et arts de Bordeaux, a également dédié à l'Assemblée un discours sur la nécessité et les moyens de détruire l'esclavage dans les Colonies, et une déclaration des droits de l'homme.
M. d'Hillerin a fait aussi hommage à l'Assemblée, d'un ouvrage sur la procédure criminelle, traduit de l'italien.
M. Duquesnoy demande la parole pour faire une motion.
. S'il faut discuter l'opinion de tel ou tel individu, s'il faut nous livrer à toutes les opinions que l'on nous soumettra pour le travail important de la Constitution, il est évident qu'il durera longtemps.
C'est pour prévenir ces inconvénients que'vous avez nommé un comité de Constitution ; ce comité ne vous a présenté jusqu'ici aucun plan, si ce n'est l'ouvrage de M. l'archevêque de Bordeaux, qui encore n'offre que la distribution et la division des matières. Ce comité nous laisse donc aujourd'hui au même point où nous étions lorsque nous l'avons créé ; les membres qui le composent ont donné divers plans; mais ce n'est pas le plan général, celui de toutes les opinions du comité, mais bien des plans individuels. Ainsi nous allons retomber dans l'inconvénient que
nous voulions éviter, et c'est pour nous en éloigner une seconde fois que j'ai l'honneur de vous offrir un moyen de prévenir ce danger.
Personne d'entre nous n'a accepté de projet. Cependant personne n'est pas sans avoir quelques idées particulières sur la Constitution.
II faudrait donc avant tout fixer celles qui sont générales.
Ainsi, par exemple, il est clair que l'Assemblée ne veut qu'une ou deux Chambres. Il conviendrait de faire cette question, et alors elle servirait de base au comité ; ce serait un point donné dont le comité se rapprocherait pour en tirer toutes les conséquences nécessaires, et son travail serait conforme parla aux vues de l'Assemblée.
Cette idée est facile à saisir. Ainsi je proposerai sur-le-champ l'ordre que je croirai devoir être adopté.
Je distingue les objets de la Constitution en deux classes.
La première, qui tient à des choses pressantes, et qui par leur nature doivent être traitées sur-le-champ ; la seconde, celles qui doivent faire l'objet d'un travail plus éloigné.
La première classe présente des questions qui sont sans doute très-importantes ; elles fixeront les rapports et l'étendue du pouvoir de l'Assemblée.
Ainsi, je demanderais que l'on s'occupât d'abord d'une proposition annoncée dans bien des cahiers. L'Assemblée sera-t-elle permanente ou périodique?
Sans doute la nécessité d'empêcher les progrès de la puissance exécutrice, d'arrêter son extension prodigieuse, semble avoir frappé tous les esprits.
La seconde est celle qui est relative aux élections ; ainsi je demanderais quelles sont les qualités nécessaires dans ceux qui doivent être éligibles, soit pour l'Assemblée nationale, soit pour les Assemblées secondaires. Vous déciderez si l'Assemblée nationale sera composée des représentants de la nation ou des représentants des corps, s'il n'y aura plus qu'un seul intérêt ou différents intérêts opposés, enfin l'intérêt de la nation ou l'intérêt des corps.
Je vous supplie, Messieurs, d'observer qu'en décidant les formes et les qualités de l'élection, vous hâtez le moment des assemblées provinciales.
Vous rendez aussi à la puissance exécutrice le moyen de rétablir l'ordre; car ces assemblées seules pourront, par la confiance qu'elles inspireront, opposer une barrière insurmontable à la sédition.
Les autres questions ne sont point aussi importantes pour le moment, mais elles le sont autant pour l'avenir. Quelle sera l'iniluence de l'autorité royale sur la législation? Le Roi aura-t-if le droit de veto? Ce droit sera-t-il limité ou non ?
Y aura-t-il deux chambres? quelles seront leurs fonctions, leur influence?
Telles sont les questions que l'on devrait, ce me semble, traiter d'avance, pour ramener le comité à des points déjà avoués par l'Assemblée; vous éviteriez par là une foule de projets particuliers qu'il faudrait discuter. Voici mon projet d'arrêté :
L'Assemblée nationale, considérant que pour hâter le moment de l'établissement de la Constitution, il est nécessaire de fixer les bases do cette Constitution ;
A arrêté, avant tout examen sur la Constitution
d'examiner les questions suivantes, divisées en deux classes.
Première classe.
1° L'Assemblée nationale sera-t-elle permanente ou périodique?
2° Quelles seront les qualités des éligibles, soit dans l'Assemblée nationale, soit dans les assemblées secondaires ?
Seconde classe.
1° Quelle sera l'influence de l'autorité royale en matière de législation ? Aura-t-elle le droit de veto ? Ce droit sera-t-il limité ou illimité, absolu ou suspensif?
2° L'Assemblée nationale sera-t-elle composée d'une ou de deux chambres? s'il y en a deux, comment seront-elles composées? Quels seront leurs droits, leurs pouvoirs et leur influence réciproque?
Avant de délibérer sur la motion du préopinant, il faudrait connaître le travail du comité. M. Bergasse a un travail complet, il faut le connaître, et l'Assemblée ne doit fixer sa marche qu'après l'avoir médité.
La motion actuelle présente sans doute des questions très-intéressantes. L'organisation des assemblées offre une grande discussion; mais, avant de s'en occuper, ne faudrait-il pas fixer l'organisation des assemblées secondaires?
il parait que dans ce moment-ci nous avons besoin de force et d'action. Nous avons, à la vérité, l'autorité de l'opinion ; mais cette puissance n'est que morale. Nous ne pouvons faire exécuter nos décrets que par le secours des municipalités; elles seules sont en action ; mais ces municipalités sont encore sous la verge du despotisme; ce sont des établissements élevés sur les ruines de la liberté publique, et dans la dépendance du pouvoir exécutif. Il me paraît donc que dans le principe nous devons nous occuper d'organiser les assemblées paroissiales, les assemblées municipales, les assemblées provinciales, et enfin l'Assemblée nationale.
Il est important et nécesaire de mettre sur-le-champ ces assemblées en activité. Par là vous serez certain de votre autorité, vos décrets seront exécutés ; par là vous ferez facilement consommer l'opération d'établir par égalité la perception des impôts pour les six derniers mois ae l'année.
Une circonstance me paraît influer sur ce projet. Il faut préparer le plan de toutes les assemblées graduelles ; il faut donner des ordres pour leur établissement ; tout cela nécessite au moins un délai de deux mois. Ainsi toutes les assemblées seront, dans le courant d'octobre, en activité, c'est à-dire à l'époque où l'on renouvelle les rôles.
Ce moyen me paraît seul suffisant pour apaiser la fermentation du peuple. Aussi j'appuie la motion de M. Duquesnoy dans la première partie. L'amendement que je propose, c'est de former des assemblées de divers grades avant de s'occuper de la Constitution. Mais je regarde comme nécessaire de s'occuper avant tout des assemblées secondaires, et de rétablir en quelque sorte le pouvoir exécutif de l'Assemblée. Il faut donc former les assemblées paroissiales, former les assemblées municipales, les assemblées provincia-
les, et enfin l'Assemblée nationale! Tel est l'ordre des choses, tel est celui que je propose.
appuie la proposition de M. de Volney, et il consent que la partie de sa motion qui y a quelque rapport soit rédigée dans les termes proposés par ce dernier.
dit qu'avant de s'occuper de la discussion des diverses motions proposées, il est intéressant de connaître le travail des comités; en conséquence, il demande, quant à présent, la question préalable sur ces motions et amendements.
en appuyant cet avis, remarque que la motion faite est contraire à la marche que l'Assemblée s'était prescrite et à l'ordre de travail déjà établi ; il ajoute qu'il est à propos d'engager le comité de Constitution à présenter incessamment son travail sur la Constitution et ses vues sur l'établissement des assemblées secondaires.
Tous les jours l'Assemblée rend des décrets; à qui en conliera-t-elle l'exécution? Ce sera sans doute aux municipalités. La plupart de celles qui existent sont vénales, et ont perdu toute autorité et toute confiance. Il faut Jonc s'empresser de créer des municipalités nationales; il n'est pas moins important d'établir des assemblées provinciales nationales, pour donner des instructions locales, dont les représentants de la nation ont un besoin fréquent. Sous ces deux rapports, l'amendement de M. de Volney doit être adopté. Je demande que le comité de rédaction soit chargé de présenter incessamment un travail sur ce sujet.
Le pouvoir judiciaire, ébranlé par l'arrêté du 4, qui abolit la vénalité des charges, doit fixer aussi l'attention de l'Assemblée. Il faut charger le comité de rédaction de présenter sans délai les bases d'un travail qui ait pour but de lui rendre son énergie.
Quand même la déclaration desdroitsde l'homme serait retardée, les principes qu'elle doit consacrer vivraient toujours dans nos cœurs, et ce délai ne compromettrait point la chose publique.
J'appuie la motion. Elle offre à l'Assemblée le seul parti que sa sagesse et son amour du bien public puissent adopter. Le comité de Constitution offre en général plus de discussions que de résultats; il doit se borner maintenant à préparer le travail sur les quatre questions présentées.
propose, pour faciliter le travail, que les députés de chaque généralité soient autorisés à se réunir et à préparer ainsi les éléments des assemblées secondaires.
annonce que lundi le comité de Constitution présentera un travail très-considérable, et propose de renvoyer après ce rapport l'examen de la notion de M. I)u-quesnoy. Il observe qu'en suivant une autre marche, ce serait remonter des conséquences aux principes.
On demande d'aller aux voix.
pose ainsi la question: y
a-t-il lieu à délibérer sur la motion de M. Du-quesnoy?
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion quant à présent.
Un membre du comité de vérification a dit que les pouvoirs des députés de la noblesse d'Auxois avaient été examinés et trouvés en règle.
a dit à l'Assemblée que le résultat du scrutin pour la nomination de l'archiviste était en faveur de M. Camus ; qu'il avait réuni cinq cent trente et une voix sur six cent quatre-vingt-douze.
Il a observé que les membres qui devaient composer le comité pour les affaires ecclésiastiques, et celui pour la liquidation des oftices de magistrature, n'étaient pas encore élus; qu'ilfallait que les bureaux s'assemblassent pour les choisir.
Il a averti l'Assemblée que le temps fixé pour l'exercice de ses fonctions allait expirer, et qu'il la priait de vouloir bien faire choix d'un nouveau président.
Il lui a annoncé enfin, que le Roi l'avait fait prévenir d'une procession qui devait avoir lieu le jour de l'Assomption, dans l'après-dînée, et du désir qu'il avait de voir une députation de l'Assemblée assistera cette cérémonie.
L'Assemblée s'est empressée de répondre à cette invitation, et elle a arrêté d'envoyer une députation solennelle.
a levé la séance, et il l'a ajournée au lundi neuf heures du matin. L'Assemblée s'est divisée dans les bureaux pour procéder aux différentes nominations.
Séance du
ouvre la séance par la proclamation de M. de Clermont-Tonnerre à la présidence. L'ex-président prononce le discours suivant :
Quand vous me fites l'honneur de me nom mer président, je déclarai que mon vœu le plus ardent était dé voir poser quelques-uns des articles qui devaient servir de base à la Constitution. Mes espérances ont été surpassées. Vous avez fait dans un jour l'ouvrage d'un demi-siècle.
Les représentants d'une nation généreuse se sont disputé l'honneur de faire les plus grands sacrifices à la patrie. L'égalité des droits est établie, les proviuces sont unies, tous les intérêts n'ont plus qu'un même centre.
Vous avez à corriger les abu3 que l'effervescence du moment a fait naître, à rétablir le calme que la renaissance de la liberté a troublé : quant à moi, la place dont vous m'avez honoré m'inspirera toujours la plus respectueuse reconnaissance.
S'il était possible d'exprimer ma reconnaissance et mon respectueux dévouement pour cette auguste Assemblée, je me. serais mis en devoir de le faire; mais cela est au-dessus de mes forces. Fort de la loi
dont je ne me suis jamais départi, ma conscience ne se démentira jamais. Vos bontés me donneront du courage pour remplir les fonctions de la place dont vous m'avez honoré, et l'exemple de mes prédécesseurs me soutiendra.
Ces deux discours sont universellement applaudis.
Un membre propose de voter des remerciements à M. Chapelier. Cette motion est acceptée avec la plus vive reconnaissance.
On rend compte de l'envoi fait par M. le garde des sceaux :
1° D'une déclaration du roi donnée pour l'exécution du décret de l'Assemblée du 10 de ce mois;
2° D'une ordonnance concernant la main-forte à donner par les troupes, lorsqu'elle sera réclamée par les officiers civils ou municipaux, et le serment que devront prêter les troupes tant de terre que de mer;
3° D'une ordonnance portant amnistie pour tous les soldats et matelots qui ont quitté leurs drapeaux ou leurs corps sans congé, depuis le mois de janvier dernier;
4° De la liste de treize galériens condamnés pour fait de braconnage;
5° Enfin, de la procédure commencée au parlement de Rouen contre le procureur du roi de Falaise.
Voici les pièces :
Extrait de la déclaration pour le rétablissement de la paix.
« Les désordres occasionnés par des personnes mal intentionnées ont répandu l'alarme dans le cœur du roi. Pour en arrêter les progrès, Sa Majesté a résolu de déposer dans le sein de l'Assemblée SfS inquiétudes et ses craintes. Le roi est persuadé de la sagesse des mesures qu'elle a déjà prises pour concourir avec lui au rétablissement de la paix.
« En conséquence, Sa Majesté ordonne à tous gouverneurs, lieutenants, jùges, etc., de tenir la main à l'observation de toutes les lois et d'assister les officiers civils et les milices bourgeoises, lorsqu'ils requerront le secours militaire, etc. »
Extrait de l'ordonnance qui enjoint aux troupes de prêter serment.
« Il sera prêté par les troupes le serment suivant : savoir, pour les soldats et pour les officiers, tel que la formule en a été rédigée par l'Assemblée nationale. Le corps militaire sera sous les armes, etc. »
Extrait d'une lettre du Roi aux armées françaises.
Braves guerriers, les nouvelles fonctions que je vous impose ne déplairont pas à votre courage. Les officiers qui vous commandent vous donneront l'exemple du patriotisme et de la subordination aux lois. La plus grande soumission que je puisse attendre de mon armée est celle dont ils me donneront des preuves en contribuant au rétablissement de l'ordre.
« L'honneur seul suffit, sans doute; cependant j'ai tout fait pour améliorer le sort des soldats, au milieu même du désordre de mes finances. J'espère le faire encore, mais dans des temps
plus heureux. C'est au nom de la pairie, c'est au nom de mes ancêtres que je vous conjure de rentrer dans la route du devoir, etc. »
Extrait de l'ordonnance qui accorde une amnistie générale.
« Sa Majesté, prenant en considération les circonstances qui ont forcé les soldats à abandonner leur corps, leur promet une amnistie générale, à condition qu'ils seront rentrés sous leurs drapeaux au 1er octobre prochain. »
La même ordonnance sera envoyée au grand amiral pour les troupes maritimes.
L'on a donné les noms des treize forçats rendus à la liberté.
Il y en avait trois condamnés à vie: le premier par arrêt du parlement de Paris de 1761, pour avoir tiré sur un garde-chasse, le second, par arrêt du parlement de Besançon, pour avoir commis différents excès contre un garde-chasse; et le troisième par arrêt du parlement de Rouen, pour différents vols et faits de braconnage.
Plusieurs membres observent que l'intention de l'Assemblée n'a pas été de donner la liberté à un assassin et à un voleur ; l'on renvoie l'examen de cette affaire au comité des rapports*
L'Assemblée demande la lecture de la déclaration des droits de l'homme, rédigée par le comité des cinq (1).
au nom du comité des cinq. Messieurs , la déclaration des droits de l'homme en société n'est sans doute qu'une exposition de quelques principes généraux applicables à toutes les formes de gouvernement.
Sous ce point de vue, on croirait un travail de cette nature très-simple et peu susceptible de contestations et de doutes.
Mais le comité que vous avez nommé pour s'en occuper s'est bientôt aperçu qu'un tel exposé, lorsqu'on le destine à un corps politique, vieux et presque caduc, est nécessairement subordonné à beaucoup de circonstances locales, et ne peut jamais atteindre qu'à une perfection relative. Sous ce rapport, une déclaration de droits est un ouvrage difficile.
11 l'est davantage lorsqu'il doit servir de préambule à une Constitution qui n'est pas connue.
Il l'est enfin, lorsqu'il s'agit de le composer en trois jours, d'après vingt projets de déclarations qui, dignes d'estime chacun en leur genre, mais conçu sur des plans divers, n'en sont-que plus difficiles à fondre ensemble, pour en extraire un résultat utile à la masse générale d'un peuple préparé à la liberté par l'impression des faits, et non par les raisonnements.
Cependant, messieurs, il a fallu vous obéir ; heureusement nous étions éclairés par les
réflexions de cette Assemblée sur l'esprit d'un tel travail. Nous avons cherché celte forme
populaire qui rappelle au peuple, non ce qu'on a étudié dans les livres ou dans les
méditations abstraites, mais ce qu'il a lui-même éprouvé ; en sorte que la déclaration des
droits, dont une association politique ne doit jamais s'écarter, soit plutôt le langage qu'il
tiendrait, s'il avait l'habitude d'exprimer ses idées, qu'une science qu'on se propose de lui
enseigner.
C'est ainsi que les Américains ont fait leur déclaration de droits ; ils en ont à dessein écarté la science; ils ont présenté les vérités politiques qu'il s'agissait de fixer sous une forme qui pût devenir facilement celle du peuple, à qui seul la liberté importe, et qui seul peut la maintenir.
Mais en nous rapprochant de cette méthode, nous avons éprouvé une grande difficulté, celle de distinguer ce qui appartient à la nature de l'homme, des modifications qu'il a reçues dans telle ou telle société ; d'énoncer tous les principes de la liberté, sans entrer dans les détails, et sans prendre la forme des lois ; de ne pas s'abaudonner au ressentiment des abus du despotisme, jusqu'à faire moins une déclaration des droits de l'homme qu'une déclaration de guerre aux tyrans.
Une déclaration des droits, si elle pouvait répondre à une perfection idéale, serait celle ,qui contiendrait des axiomes tellement simples, évidents et féconds en conséquences, qu'il serait impossible de s'en écarter sans être absurde, et qu on en verrait sortir toutes les Constitutions.
Mais les hommes et les circonstances n'y sont point assez préparés dans cet empire et nous ne vous offrons qu'un très-faible essai, que vous améliorerez sans doute, mais sans oublier que le véritable courage de la sagesse consiste à garder, dans le bien même, un juste milieu.
lit ensuite le projet de la déclaration des droits du comité. Il est conçu en ces termes :
projet de déclaration des droits de l'homme en société.
Les représentants du peuple français constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme, sont l'unique cause des malheurs publics et de la corruption du gouvernement, ont résolu de rétablir, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme; afin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs ; afin que les actes du pouvoir législatif et exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient, plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondéés désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare les articles suivants:
1° Tous les hommes naissent égaux et libres ; aucun d'eux n'a plus de droit que les autres de faire usage de ses facultés naturelles ou acquises:
ce droit, commun à. tous, n'a d'autre limite que la conscience même de celui qui l'exerce, laquelle lui interdit d'en faire usage au détriment de ses semblables.
2° Tout corps politique reçoit l'existence d'un contrat social, exprès ou tacite, par lequel chaque individu met en commun sa personne et ses facultés sous la suprême direction de la volonté générale, et en même temps le corps reçoit chaque individu comme portion.
3° Tous les pouvoirs auxquels une nalion se soumet, émanant d'elle-même, nul corps, nul individu ne peut avoir d'autorité qui n'en dérive expressément. Toute association politique a le droit inaliénable d'établir, de modifier ou de changer la Constitution, c'est-à-dire, la forme de son gouvernement, la distribution et les bornes des différents pouvoirs qui le composent.
4° Le bien commun de tous, et non l'intérêt particulier d'un homme ou d'une classe d'hommes quelconque, est le principe et le but de toutes les associations politiques. Une nation ne doit donc reconnaître d'autres lois que celles qui ont été expressément approuvées et consenties par elle-même ou par ses représentants souvent renouvelés, légalement élus, toujours existants, fréquemment assemblés, agissant librement selon les formes prescrites par la Constilution.
5° La loi, étant l'expression de la volonté générale, doit être générale dans son objet, et tendre toujours à assurer à tous les citoyens la liberté, la propriété et l'égalité civile.
C° La liberté du citoyen consiste à n'être soumis qu'à la loi, à n'être tenu d'obéir qu'à l'autorité établie par la loi, à pouvoir faire, sans crainte de punition, tout usage de ses facultés qui n'est pas défendu par la loi, et par conséquent à résister à l'oppression.
7° Ainsi, libre dans sa personne, le citoyen ne peut être accusé que devant les tribunaux établis par la loi; il ne peut être arrêté, détenu, emprisonné que 3ans les cas où ces précautions sont nécessaires pour asssurer la réparation ou la punition d'un délit, et selon les formes prescrites par la loi: il doit être publiquement poursuivi, publiquement confronté, publiquement jugé. On ne peut lui infliger que des peines déterminées par la loi avant l'accusation; ces peines doivent toujours être graduées suivant la nature des délits, et enfin égales pour tous les citoyens.
8° Ainsi, libre dans ses pensées, et même dans leur marjiféstatiori, le citoyen a le droit de les répandre parla parole, par l'écriture, mi l'impression, sous la réserve expresse de ne pas donner atteinte aux droits d'autrui; les lettres en particulier doivent être sacrées.
9° Ainsi, libre dans ses actions, le citoyen peut voyager, transporter son domicile où il lui plaît, sortir même de l'enceinte de l'Etat, à la réserve des cas désignés par la loi.
10° On ne saurait, sans attenter aux droits des citoyens, les priver de la faculté de s'assembler dans la forme légale, pour consulter sur la chose publique, pour donner des instructions à leurs mandataires, ou pour demander le redressement de leurs griefs.
11° Tout citoyen a le droit d'acquérir, de posséder, de fabriquer, de faire lecommerce, d'employer ses facultés et son industrie, et de disposer à son gré de ses propriétés. La loi seule peut apporter des modifications à cette liberté pour l'intérêt général.
12° Nul ne peut être forcé de céder sa propriété à quelque personne que ce soit: le sacrifice n'eu
est dû qu'à la société entière, mais seulement dans le cas d'une nécessité publique ; et alors la société doit au propriétaire une indemnité équivalente.
13° Tout citoyen sans distinction doit contribuer aux dépenses publiques dans la proportion de ses biens.
14° Toute* contribution blesse les droits des hommes, si elle décourage le travail et l'industrie, si elle tend à exciter la cupidité, à corrompre les mœurs, et à ravir au peuple ses moyens de subsistance.
15° La perception des revenus publics doit être assujettie à unecomptabiiité rigoureuse, à des règles fixes, facile à connaître, en sorte que les contribuables obtiennent prompte justice, et que les salaires des collecteurs des revenus soient strictement déterminés.
16° L'économie dans l'administration des dépenses publiques est d'un devoir rigoureux; le salaire des officiers d'Etat doit être modéré, et il ne faut accorder de récompenses que pour de véritables services.
17° L'égalité civile n'est pas l'égalité des propriétés ou des distinctions; elle consiste en ce que tous les citoyens sont également obligés de se soumettre à la loi, et ont un droit égal à la protection de la loi.
18° Ainsi, tous les citoyens sont également admissibles à tous les emplois civils, ecclésiastiques, militaires, selon la mesure de leurs talents et de leur capacité.
19° L'établissement de l'armée n'appartient qu'à la législature; le nombre des troupes doit être fixé par elle; leur destination est la défense de l'Etat; elles doivent être toujours subordonnées à l'autorité civile; elle ne peuvent faire aucun mouvement relatif à la tranquillité intérieure, que sous l'inspection des magistrats désignés par la loi, connus du peuple, et responsables des ordres qu'ils leur donneront.
reprenant son discours :
Voilà, Messieurs, le projet que votre comité vous apporte avec une extrême défiance, mais avec une docilité profonde: c'est à la Constitution qui suivra la déclaration des droits à montrer de combien d'applications étaient susceptibles les principes que nous vous proposons de consacrer.
Vous allez établir un régime social qui se trouvait,^ y a peu d'années, au-dessus de nos espérances; vos lois deviendront celles de l'Europe, si elles sont dignes de vous; car telle est l'influence des grands Etats, et surtout de l'empire français, y/ que chaque progrès dans leur constitution, dans leurs lois, dans leur gouvernement, agrandit la raison et la perfectibilité humaine.
Elle vous sera due, cette époque fortunée, où tout prenant la place, la forme, les rapports que lui affirme l'immuable nature des choses, la liberté générale bannira du monde entier les absurdes oppressions qui accablent les hommes, les préjugés d'ignorance et de cupidité qui les divisent, Ie3 jalousies insensées qui tourmentent les nations, et fera renaître une fraternité universelle, sans laquelle tous les avantages publics et individuels sont si douteux et si précaires.
C'est pour nous, c'est pour nos neveux, c'est pour le monde entier que vous travaillez; vous marcherez d'un pas ferme mais mesuré vers le grand œuvre; la circonspection, la prudence, le recueillement qui conviennent à des législateurs, accompagneront vos décrets. Les peuples admi-
reront le calme et la maturité de vos délibérations, et l'espèce humaine vous comptera au nombre de ses bienfaiteurs.
pour se conformer au règlement, ordonne que-'ce travail sera imprimé sur-le-champ, et envoyé dans les bureaux pour être discuté demain en assemblée générale.
M. Bergasse se présente ensuite à la tribune pour faire un rapport au nom du comité de Constitution sur l'organisation du pouvoir judiciaire.
(l). Messieurs, notre dessein aujourd'hui est de vous entretenir de l'organisation du pouvoir judiciaire.-
C'est surtout ici qu'il importe de ne faire aucun pas sans sonder le terrain sur lequel on doit marcher, de n'avancer aucune maxime qui ne porte avec elle l'éminent caractère de la vérité, de ne déterminer aucun résultat qui ne soit appuyé sur une profonde expérience de l'homme, sur une connaissance exacte des affections qui le meuvent, des passions qui l'entraînent, des préjugés qui, selon les diverses positions où il se trouve, peuvent ou le dominer, ou le séduire.
C'est ici qu'à mesure qu'on avance dans la carrière qu'on veut parcourir, les écueils se montrent, les difficultés croissent, les fausses routes se multiplient, et que le législateur, s'il abandonne un seul instant le fil qui doit le diriger, errant au hasard, et comme égaré dans la région orageuse des intérêts humains, se trouve exposé sans cesse ou à manquer ou à dépasser le but qu'il se propose d'atteindre.
De toutes les parties de notre travail, celle dont nous allons vous rendre compte est donc incontestablement la plus difficile; et, nous devons le dire, nous sommes loin de penser qu'à cet égard nous ne soyons demeurés bien au-dessous de la tâche qui nous était imposée. Mais il nous semble que du moins nous aurons assez fait dans les circonstances importunes où nous sommes, et quand le loisir nous manque pour donner à nos idées tout le développement dont elles sont susceptibles, si, en examinant le plan qui va vous être soumis, vous vous apercevez que nous avons découvert le seul ordre judiciaire qu'il faille adopter, le seul qui, en garantissant nos droits, ne les blesse jamais, le seul qui, dès lors, puisse convenir à un peuple libre, parce qu'il résulte immédiatement des vrais principes de la société, et des premières lois de la morale et de la nature.
Influence du pouvoir judiciaire.
On ne peut déterminer la manière dont il faut organiser le pouvoir judiciaire, qu'autant qu'on s'est fait une idée juste de son influence.
L'influence du pouvoir judiciaire n'a point de bornes; toutes les actions du citoyen
doivent être regardées, en quelque sorte, comme de son domaine ; car, pour peu qu'on y
réfléchisse, on remarquera qu'il n'est aucune action du citoyen qu'il ne faille considérer
comme légitime ou illégitime, comme permise ou défendue, selon qu'elle est conforme ou non à
la loi. Or, le pouvoir judiciaire étant institué pour l'application de la loi, ayant, en
conséquence, pour but unique d'assurer l'exécution de tout ce qui est permis, d'empêcher tout
ce qui est défendu, on conçoit qu'il n'est aucune action sociale, même aucune action
L'influence du pouvoir judiciaire est donc, pour âinsi dire, de tous les jours, de tous les instants ; et, comme ce qui influe sur nous tous les jours et à tous les instants ne peut pas ne point agir d'une manière très-profonde sur le système entier de nos habitudes, on conçoit qu'entre les pouvoirs publics, celui qui nous modifie le plus en bien ou en mal est incontestablement le pouvoir judiciaire.
De toutes les affections humaines, il n'en est aucune qui corrompe comme la crainte, aucune qui dénature davantage les caractères, aucune qui empêche plus efficacement le développement de toutes les facultés. Or, si les formes du pouvoir judiciaire, de ce pouvoir qui agit sans cesse, étaient telles dans un Etat qu'elles n'inspirassent que la crainte par exemple, quelque sage d'ailleurs qu'on voulût supposer la Constitution politique de l'Etat, quelque favorable qu'elle fût à la liberté; par cela seul que le pouvoir judiciaire ne développerait que les sentiments de crainte dans toutes les âmes, il empêcherait tous les effets nalurels de la Constitution. Tandis que la Constitution Vous appellerait à des mœurs énergiques et à des habitudes fortement prononcées, le pouvoir judiciaire ne tendrait à vous donner, au contraire, que des mœurs faibles et de serviles habitudes ; et parce qu'il est de sa nature, comme on vient de le dire, de ne jamais suspendre son action, il vous est bien aisé d'apercevoir qu'assez promptement il finirait par altérer tous les earac* tères, et par vous disposer aux préjugés et aux institutions qui amènent le despotisme, et qui, malheureusement, le font supporter.
Aussi tous ceux qui ont voulu changer l'esprit des nations, se sont-ils singulièrement attachés à organiser au gré de leurs desseins le pouvoir judiciaire. Trop habiles pour en méconnaître l'influence, on les a vus par la seule forme des jugements, selon qu'ils se proposaient le bien ou le mal des peuples, appeler les hommes à la liberté et à toutes les vertus qu'elle fait éclore, ou les contraindre à la servitude et à tous les vices qui l'aecompaguent.
Athènes, Sparte, Rome surtout, déposent de cette importante vérité; Rome où le système judiciaire a tant de fois changé, et où il n'a jamais changé qu'il n'en soit résulté une révolution constante dans les destinées de l'Empire.
On ne peut donc contester l'influence sans bornes du pouvoir judiciaire ; mais, si son influence est sans bornes, si elle est supérieure à celle de tous les autres pouvoirs publics, il n'est donc aucun pouvoir public qu'il faille limiter avec plus d'exactitude que celui-là; il n'en est donc aucun qu'il convienne d'organiser avec une prudence plus inquiète et des précautions plus scrupuleuses.
Objet du pouvoir judiciaire.
Or, pour constituer le pouvoir judiciaire de manière à ce que son influence soit toujours bonne, il n'est besoin, ce me semble, que de réfléchir avec quelque attention sur le but qu'on doit naturellement se proposer eu le constituant.
C'est parce qu'une société ne peut subsister sans lois, que, pour le maintien de la société, il faut des tribunaux et des juges, c'est-à-dire une classe d'hommes chargés d'appliquer les lois aux diverses circonstances pour lesquelles elles sont
faites, et autorisés à user de la force publique, toutes les fois que, pour assurer Texécutiou des lois, l'usage de cette force publique devient indispensable.
Mais le grand objet des lois en général étant de garantir la liberté et de mettre ainsi le citoyen en état de jouir de tous les droits qui sont déclarés lui appartenir par la Constitution, on sent que les tribunaux et les juges ne seront bien institués qu'autant que dans l'usage qu'ils feront de l'autorité qui leur est conliée et de la foyrce publique dont ils disposent, il leur sera comme impossible de porter atteinte à cette même liberté que la loi les charge de garantir.
Pour savoir comment il faut instituer les tribunaux et les juges, on doit donc, avant tout, rechercher en combien de manières on peut porter atteinte à la liberté.
Il y a, comme on sait, deux espèces de liberté : la liberté politique et la liberté civile.
La liberté politique, qui consiste dans la faculté qu'a tout citoyen de concourir, soit par lui-' même soit pas ses représentants, à la formation de la loi.
La liberté civile, qui consiste dans la faculté qu'a tout citoyen de faire tout ce qui n'est pas défendu par la loi.
Or, la liberté politique est en danger, toutes les fois que, par l'effet d'une circonstance ou d'une institution quelconque, le citoyen ne concourt pas à la formation de la loi avec la plénitude de sa volonté ; toutes* les fois que, par une certaine disposition des choses, la loi qui devrait toujours être l'expression de la volonté générale, n'est que l'expression de quelques volontés particulières ; toutes les fois encore que la puissance publique est tellement concentrée, distribuée, ou ordonnée', qu'elle peut facilement faire effort contre la Constitution de l'Etat, et, selon les événements, la modifier ou la détruire.
La liberté civile est en danger toutes les fois que le pouvoir qui doit protéger le citoyen dans sa personne ou sa propriété est tellement institué, qu'il ne suftit pas pour cet objet; toutes les fois encore que, suffisant pour cet objet, il devient malheureusement facile de l'employer au détriment de la personne ou de la propriété.
On ne peut mettre la liberté politique en danger sans y mettre la liberté civile. On sent, en effet, qu'à mesure que le citoyen perd de sa liberté politique ou de la faculté dont il jouit de concourir à la formation de la loi, sa liberté civile, qui n'est elle-même protégée que par la loi, doit être nécessairement moins garantie.
On ne peut mettre également la liberté civile en danger,sans y mettre également la liberté politique. On sent, en effet, que si le pouvoir destiné à protéger la liberté civile, c'est-à-dire cette espèce de liberté dont l'usage est de tous les jours, tendait au contraire à l'altérer, le peuple, esclave par sa Constitution civile, serait bientôt sans force et sans courage pour défendre sa Constitution politique.
Afin que le pouvoir judiciaire soit organisé de manière à ne mettre en danger ni la liberté civile ni la liberté politique, il faut donc que, dénué de toute espèce d'activité contre le régime politique de VEtat, et n'ayant aucune influence sur les volontés qui concourent a former ce régime ou à le maintenir, il dispose, pour protéger tous les individus et tous les droitss d'une force telle, que, toute-puissante pour défendre et pour secourir, elle devienne absolument nulle, sitôt que changeant sa
destination, on tentera d'en faire usage pour opprimer.
Cela posé,
Le pouvoir judiciaire sera donc mai organisé, s'il dépend, dans son organisation, d'une autre volonté que de celle de la nation.
Car alors la volonté particulière, à laquelle la faculté d'organiser le pouvoir judiciaire aurait été laissée, maîtresse de toutes les formes des jugements, serait aussi maîtresse, comme on vient de le voir, d'influer à son gré toutes les habitudes du citoyen, de corrompre ainsi le caractère national par l'exercice même de la loi, et, en substituant aux opinions fortes et généreuses d'un peuple libre, les opinions faibles et lâches d'un peuple esclave, de porter une atteinte mortelle à la Constitution.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé si les dépositaires de ce pouvoir ont une part active à la législation, ou peuvent influer, en quelque manière que ce soit, sur la formation ae la loi.
Car l'amour de la domination n'est pas moins dans le cœur de l'homme que l'amour de la liberté; la domination n'étant qu'une espèce d'in-dépeudance, et tous les hommes voulant être indépendants: or, si le ministre de la loi peut influer sur sa formation, certainement il est à | craindre qu'il n'y influe qu'à son profit, que pour I accroître sa propre autorité, et diminuer ainsi, soit la liberté publique, soit la liberté particulière.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si les tribunaux se trouvent composés d'un grand nombre de magistrats, et forment ainsi des compagnies puissantes.
Car, s'il est convenable pour un peuple qui ne | jouit d'aucune liberté politique, qu'il existe des compagnies puissantes de magistrats, capables de tempérer par leur résistance l'action toujours désastreuse du despotisme, cet ordre de choses, I au contraire, est funeste pour tout peuple qui pos-j sêde une véritable liberté politique : des compa-I gnies puissantes de magistrats, disposant du terrible pouvoir de juger, mues comme involon-I tairement dans toutes leurs démarches par le dangereux esprit de corps, d'autant moins exposées dans leurs jugements à la censure de l'opinion que la louange ou le blâme qu'elles peuvent ou mériter ou encourir se partagent entre un grand nombre d'individus, et deviennent, pour ainsi dire, nuls pour chacun ; de telles compagnies, dans un Etat libre,'finissent nécessairement par composer de toutes les aristocraties la plus formidable, et on sait ce que l'aristocratie peut engendrer de despotisme et de servitude dans un Etat quelconque lorsqu'elle s'y est malheureusement introduite.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si le nombre des tribunaux et des juges se trouve plus considérable qu'il ne convient pour l'administration de la justice.
Car tout pouvoir public n'est institué comme il doit l'être qu'autant qu'il est nécessaire ; et il n'y a de pouvoir public nécessaire que celui qui maintient la liberté : d'où il suit qu'un pouvoir qui n'est pas nécessaire est un pouvoir qui, dès lors, ne maintient pas la liberté : or, un pouvoir qui ne maintient pas la liberté, par cela seul qu'il est pouvoir ou puissance, agit nécessairement contre la liberté ; car toute force qui n'est pas employée pour elle, est employée contre elle, il importe donc de la détruire. Si dans un Etat les tribunaux étaient tellement constitués, si leur
compétence était tellement réglée ou tellement embarrassée qu'une action civile ou un délit pût y ressortir de plusieurs tribunaux à la fois, que beaucoup de tribunaux encore d'espèces ditîé-rentes fussent employés à faire ce qui pourrait être fait par une seule espèce de tribunaux, il y aurait là des pouvoirs publics qui ne seraient pas nécessaires, il y aurait donc là des pouvoirs publics qui tendraient à nuire à la liberté, et il faudrait réduire le nombre des tribunaux et de leurs espèces jusqu'à la limite du besoin, jusqu'au terme où leur établissement serait démontré rigoureusement indispensable.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, s'il est ou la propriété d'un individu qui l^xerce ou la propriété d'un individu qui en commet un autre pour le faire exercer.
Car, en général, il est de principe qu'un pouvoir public ne peut être la propriété de personne; et la raison de ce principe est simple : partout où un pouvoir public devient une propriété individuelle il y a un pouvoir qui ne suppose aucun choix préliminaire dans la personne de celui qui en jouit, qui se transmet comme toute autre propriété peut se transmettre par vente ou concession. Or, des pouvoirs de ce genre rompent l'égalité naturelle des citoyens; ils n'existent pas dans un Etat sans qu'il y ait des hommes puissants par eux-mêmes, des hommes exerçant une autorité indépendamment du concours médiat ou immédiat de ceux sur lesquels ils l'exercent; et, partout où il y a de tels hommes, on ne peut pas dire que la liberté soit entière.
De plus, et dans le premier cas, si le pouvoir judiciaire est la propriété du juge qui l'exerce, n'esl-il pas à craindre qu'il n'offre à l'esprit du juge aussi souvent l'idée d'un droit que l'idée d'un devoir ; et celui qui dispose du pouvoir de juger comme d'un droit, celui qui le considère comme une propriété qu'il exploite, plutôt que comme un devoir qu'il doit remplir, ne sera-t-il pas tenté d'en abuser? et, parce qu'ici l'abus, quelque faible qu'on le suppose, est toujours un attentat contre la liberté du citoyen, ne faut-il pas s'occuper soigneusement de le prévenir?
De plus, et dans le second cas, si le pouvoir judiciaire est la propriété d'un individu qui peut commettre à volonté un autre individu pour le faire exercer, l'individu qui sera commis, tenant d'un autre l'autorité dont il est revêtu, pourra-t-il jamais être présumé hors de la dépendance de cet autre? Or, pour que la justice soit impartialement rendue, pour que la manière de la rendre inspire surtout une grande confiance au peuple, ne convient-il pas qu'elle le soit par des juges qui ne dépendent jamais des personnes, mais de la loi, et qui, au-dessus de la crainte ^et de la complaisance, se trouvent dans l'exercice de leurs fonctions, en pleine puissance, si l'on peut se servir de ce terme, de leur conscience et de leur raison ?
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si le peuple n'influe en aucune manière sur le choix des juges.
Car, afin que le pouvoir exécutif soit un, il est convenable sans doute que le dépositaire du pouvoir exécutif nomme les juges; mais il ne faut pas moins de certaines formes, avant cette nomination, qui empêchent tout homme qui n'aurait pas la confiance du peuple de devenir juge. Par exemple, ne serait-il pas à souhaiter que, parmi nous, les assemblées provinciales nommassent à chaque vacance de place dans les tribunaux trois sujets, parmi lesquels le prince se-
rait tenu de choisir? Ainsi se concilierait ce qu'on doit au prince avec ce qu'on doit à l'opinion du peuple dans une matière qui intéresse si essentiellement sa liberté; ainsi les emplois de magistrature ne seraient jamais le prix de l'adulation et de l'intrigue; et pour les obtenir, il faudrait toujours avoir fait preuve de suffisance et de vertu.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si son action n'est pas tellement étendue sur la surface de l'empire, que, présent partout, il puisse être à la portée de tous les citoyens, et ne soit jamais vainement imploré par aucun.
Car ce n'est pas assez que la loi soit égale pour tous; afin que son influence soit bienfaisante, il faut encore que tous puissent l'invoquer avec la même facilité: autrement, on verrait commencer la domination du fort sur le faible, et toutes les conséquences fatales qu'elle entraîne. Il convient donc que les tribunaux et les juges soient tellement répartis, que la dispensation de la justice n'occasionne que le moindre déplacement possible au citoyen, toutes les fois qu'il sera nécessaire qu'il se déplace, et que la perte de temps employé à l'obtenir ne soit jamais telle que le citoyen pauvre préfère le dépouillement ou l'oppression, à l'usage ou à l'exercice de son droit.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si la justice n'est pas gratuitement rendue.
Car la justice est une dette de la société, et il est absurde d'exiger une rétribution pour acquitter une dette. De plus, si la justice n'était pas gratuite, elle ne pourrait être réclamée par celui qui n'a rien ; et afin que la liberté existe dans un empire, il faut que celui qui n'a rien puisse demander justice comme celui qui a; il faut former des institutions qui mettent celui qui n'a rien en état de lutter avec égalité de force contre celui,qui a. De plus encore, si la justice n'était pas gratuite, elle corromprait en quelque sorte elle-même son propre ministre; le juge, voyant dans l'exercice de la justice un moyen d'acquérir, pourrait être tenté d'ouvrir son âme à l'avarice; et un juge avare est toujours l'esclave de celui qui paie, et le tyran de celui qui ne peut pas payer.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si, dans les tribunaux, l'instruction des affaires, soit civiles, soit criminelles, n'est pas toujours publique.
Car, s'il est des hommes qu'il importe, dans l'exercice de leur ministère, d'environner le plus près possible de l'opinion, c'est-à-dire, de la censure des gens de bien, ce sont les juges. Plus leur pouvoir est grand, plus il faut qu'ils aperçoivent sans cesse à côté d'eux la première de toutes les puissances, celle qu'on ne corrompt jamais, la puissance redoutable de l'opinion; et ils ne l'apercevront pas, cette puissance, si l'instruction des affaires est secrète. Dans un ordre de choses si vicieux, vous laissez nécessairement une grande latitude aux préventions du juge, à ses affections particulières, à ses préjugés, aux intrigues des hommes de mauvaise foi, à l'influence des protections; aux délations sourdes, à toutes les passions viles qui ne se meuvent que dans l'ombre, et qui n'ont besoin que d'être aperçues pour cesser d'être dangereuses. Couvrez le juge des regards du peuple; et comme il n'y a que des hommes consommés dans le crime qui, étant observés de toutes parts, osent mal faire, soyez certains, surtout si le peuple est libre, si sa censure peut s'exprimer avec énergie, qu'il n'y aura rien de si rare qu'un
juge prévaricateur,, parce qu'il n'y a rien de si rare qu'un homme qui ose affronter la honte et s'environner, de sang-froid, d'une grande infa-mié.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé si le juge jouit du dangereux privilège d'interpréter la loi ou d'ajouter à ses dispositions.
Car, on aperçoit sans peine que si la loi peut être interprétée, augmentée, ou, ce qui est la même chose, appliquée au gré d'une volonté • particulière, l'homme n'est plus sous la sauvegarde de la loi, mais sous la puissance de celui qui l'interprète ou qui l'augmente; et le pouvoir d'un homme sur un autre homme étant essentiellement ce qu'on s'est proposé de détruire par l'institution de la loi, on voit clairement que ce pouvoir au contraire acquerrait une force prodigieuse, si la faculté d'interpréter la loi était laissée à celui qui en est dépositaire.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si, en matière criminelle, les formes de ce pouvoir sont telles qu'elles ôtent toute confiance à l'accusé; c'est-à-dire, si elles sont telles, que l'accusé, certain de son innocence, n'ait cependant pas assez de son innocence, pour échapper à la peine dont il est menacé.
Car, on n'a pas tout fait, quand on a ordonné la publicité des instructions pour toute espèce d'affaires, quand on a interdit au juge la faculté d'interpréter la loi: en matière criminelle, il faut plus encore; il faut qu'il n'y ait aucune des formes employées à la découverte d'un délit et d'un coupable, oui ne soit également propre à procurer la justification de l'innocence.
Une des raisons naturelles qui font que les hommes vivent en société, c'est sans doute parce que ce n'est que dans l'ordre social que leur existence peut être suffisamment protégée.
Le but de l'ordre social serait donc manqué, si, lorsque l'existence d'un individu quelconque est en danger, la loi ne faisait pas d'autant plus pour lui, que les risques qu'il court sont plus grands.
Or, certainement, notre existence n'est jamais plus en danger que dans les accusations criminelles. C'est dans les accusations criminelles que la loi surtout ne doit rien omettre, afin qu'il ne nous manque aucune des ressources qui nous sont nécessaires pour nous garantir; et la première de toutes les ressources est, sans contredit, la confiance dans la loi.
Que faites-vous avec des formes judiciaires qui n'inspirent aucune confiance à l'accusé? Vous placez l'accusé dans une situation troublée, où sa raison ne suffit plus pour diriger l'usage de ses facultés; vous le dépouillez de ses forces quand vous devriez les accroître; vous lui ôtez son courage quand jamais il n'eut plus besoin de courage ; vous contrariez la nature elle-même, qui, ayant placé au dedans de nous uu instinct conservateur , veut si impérieusement que notre énergie se déploie, en raison de ce que le danger qui nous menace est plus prochain et plus grand; et vous savez cependant que ce n'est pas pour diminuer l'exercice des droits ou des moyens qu'il tient de la nature, que l'homme consent à vivre en société.
Ainsi donc vous commettez une grande injustice, vous offensez essentiellement la liberté naturelle, qui ne diffère pas de la liberté sociale, quand vous croyez cependant ne rien faire que pour la liberté, et vous violez les droits de l'homme par les formes mêmes qui doivent les assurer.
Mais, comment, par l'institution même des formes destinées à procurer la conviction des coupables, parviendrez-vous à faire naître la confiance dans le cœur de l'homme injustement accusé?
La confiance naîtra, lorsque la loi permettra que l'accusé fassé autant de pas pour se disculper qu'on en fera contre lui pour prouver qu'il est coupable. Si vous produisez des témoins qui m'accusent, il faut que, dans le même temps, je fasse entendre les témoins qui me justifient.
La confiance naîtra, si l'accusé est le maître de choisir à son gré ses moyens de justification. Il est bien étrange qu'il existe des codes criminels, qui laissent au juge la faculté de rejeter, en entier ou en partié, les moyens de justification de l'accusé; il est plus étrange encore que, dans un siècle de lumières, un abus si déplorable ait trouvé des panégyristes.
La confiance naîtra si l'accusé n'est pas réduit, pour écarter l'imputation qui lui est faite, à se renfermer dans les circonstances de l'imputation ; si, comme en Angleterre par exemple, il peut faire parler en faveur de son innocence sa vie tout entière ; s'il a le droit de confronter pour me servir de l'expression d'un magistrat célèbre, le crime qu'on lui suppose avec la conduite antérieure qu'il a tenue; si les bonnes actions, si les vertus deviennent utiles et peuvent ainsi servir comme de défenseurs et de témoins à celui qui s'en est longtemps environné.
La confiance naîtra, si le magistrat qui applique la loi est distingué du magistrat qui met sous la puissance de la loi, c'est-à-dire, du magistrat qui décrète l'accusé. La législation criminelle est nécessairement désastreuse partout où la distinction dont il s'agit ici n'est pas soigneusement établie. Tant que le magistrat qui décrète sera le même que celui qui juge, vous aurez toujours à craindre que, s'il a décrété sur de faux soupçons, son amour-propre ou sa prévention ne le portent à justifier, par une condamnation inique, un décret injutement lancé.
La confiance naîtra, si, non seulement le magistrat qui décrète est distingué du magistrat qui applique la loi, mais si le magistrat qui applique la loi ne peut le faire qu'autant qu'un autre ordre de personnes, des jurés, par exemple, auront prononcé sur la validité de l'accusation. Parce qu'il est dans le cœur de celui qui dispose de quelque puissance d'aimer à en faire usage, il faut, autant qu'il est possible, ne pas mettre le juge dans une position où il soit le maître de multiplier à son gré les occasions d'exercer son ministère : or, cet inconvénient, qui laisse une si grande activité aux passions particulières, cesse absolument, si, semblable au glaive qui ne peut frapper qu'autant qu'il est mu par une force étrangère, le juge ne peut déployer l'autorité de la loi qu'autant qu'il est déterminé par une décision qui n'est pas son ouvrage.
La confiance naîtra, si, par la méthode qu'on emploiera pour former l'ordre de personnes qui doit prononcer sur la validité d'une accusation, il se trouve qu'il n'est aucune de ces personnes qui ne-puisse être considérée comme du choix de l'accusé ; aucune qui, à son égard, ne soit à 1 abri de tout soupçon d'inimitié ou de vengeance ; aucune qui, par rapport à lui, ne soit daus cet état d'impassibilité si désirable pour assurer l'impartialité des jugements. C'est surtout par de telles précautions, qu'on donne à l'homme faussement accusé la liberté d'esprit dont il a besoin pour s'occuper utilement de sa défense. Ce n'est
qu'autant que vous le laissez le maître de rejeter du nombre de ceux qui doivent prononcer sur son sort quiconque peut lui inspirer le plus léger sentiment de crainte, que vous mettez une véritable sécurité dans son cœur, et que, fort de son innocence, vous faites que, parmi les périls de l'accusation même la plus redoutable, jamais il n'aperçoit dans la loi qu'une autorité qui protège, et non pas un pouvoir armé pour l'opprimer ou le détruire.
Voilà quelques-uns des moyens qu'on peut mettre en œuvre afin d'entretenir la confiance dans l'âme des accusés, et concilier ainsi ce qu'il faut faire pour la recherche des délits et la punition des coupables avec ce qu'on doit à la liberté du citoyen, à cette liberté pour Je maintien de laquelle toutes les lois sont instituées.
Au reste, on s'apercevra facilement qu'il n'est aucun des moyens dont nous parlons ici qui ne nous ait été fourni par la jurisprudence adoptée en Angleterre et dans l'Amérique ibre, pour la poursuite et la punition des délits: c'est qu'en effet, il n'y a que cette jurisprudence, autrefois en usage parmi nous,, qui soit humaine: c'est u'il n'y a que cette jurisprudence qui s'associe une manière profonde avec la liberté : c'est que nous n'avons rien de mieux à faire en ce genre que de l'adopter promptement, en l'améliorant néanmoins dans quelques-uns de ses détails, en perfectionnant, par exemple, encore, s'il est >ossible, cette sublime institution des jurés qui a rend si recommandable à tous les hommes accoutumés à réfléchir sur l'objet de la législation et les principes politiques et moraux qui doivent nous gouverner.
Le pouvoir judiciaire sera donc mal organisé, si, dans le cas où l'ordre public exigerait qu'en une certaine partie de l'administration de la justice on laissât quelque chose à faire à la prudence du juge, la loi ne prenait pas de telles précautions, qu'il devînt comme impossible au juge d'abuser, dans les circonstances où la loi s'en rapporterait à sa prudence, de l'autorité plus ou moins étendue qui lui serait confiée.
Ici je veux parler de la police, qui a pour objet de prévenir les crimes, et qui, si elle est mal instituée, suffit toute seule pour dépraver entièrement le caractère d'un peuple, et opérer une résolution profonde dans le système de ses opinions et de ses mœurs.
C'est à notre police, si inconsidérément célébrée, à ses précautions minutieuses pour entretenir la paix au milieu de nous, à son organisation tyran-nique, à son activité toujours défiante, et ne se développan t jamais que pour semer le soupçon et la crainte dans tous les cœurs, au secret odieux de ses punitions et de ses vengeances; c'est à l'influence de toutes ces choses, que nous avons dû si longtemps l'anéantissement du caractère national, l'oubli de toutes les vertus de nos pères, notre patience honteuse dans la servitude, l'esprit d'iptrigue substitué parmi nous à l'esprit public, et cette licence obscure qu'on trouve partout où ne règne pas la liberté.
Quoi qu'on fasse, il entre toujours quelque chose d'arbitraire dans la police (1). Gomme
elle
Or, en premier lieu, la loi aura rempli son objet si elle dispose tellement l'ordre social que la police ait peu d'occupation. Les limites de la police s'étendent d'autant plus que l'ordre social est plus mauvais. Partout où la loi sagement ordonnée pour le développement facile des facultés de Fhomme lui fait trouver, à côté de son travail, une subsistance assurée et des jouissances paisibles, il se commet peu de délits; et il n'est malheureusement que trop vrai que c'est dans l'organisation peu réfléchie des gouvernements et leur opposition avec le développement naturel de nos facultés qu'il faut aller chercher la cause de presque tous les crimes.
En second lieu, la loi aura rempli son objet, si elle ne confie pas l'exercice de la police aux mêmes magistrats et aux mêmes tribunaux qui son t chargés de punir les crimes ; car c'est ainsi que la police 3e corrompt, parce que c'est ainsi qu'elle étend son empire, et qu'elle ne se corrompt qu'en étendant son empire. Le magistrat qui doit prévenir le crime étant aussi celui qui doit le punir, est assez porté à ne pas distinguer ces deux espèces de fonctions ; à ne voir que des crimes, où il ne faut voir que des fautes; à n'apercevoir que des coupables, où il ne faut apercevoir que des hommes qui peuvent le devenir; et, en confondant ainsi deux ministères très-différents, à ôter à la police ce caractère de modération et de douceur qui seul peut faire supposer ce qu'il y a d'arbitraire dans ses fonctions.
En troisième lieu, la loi aura rempli son objet, si elle fixe un terme assez court, de deux ou trois années, par exempte, après lequel les juges de police cesseront de l'être ; et si elle les fait dépendre entièrement, et sans aucune intervention du prince, de la nomiuation et du choix du peuple.
. Tant qu'un homme ne dispose que du pouvoir d'un moment, et que, destiné à rentrer dans la
classe ordinaire des citoyens il sent qu'il ne peut accroître ce pouvoir sans se nuire à
lui-même lorsqu'il n'en disposera plus, il n'est pas à craindre qu'il en abuse, et qu'il
fasse servir à
Tant que, d'un autre côté, le choix des juges de police dépendra essentiellement du peuple, ii faut s'attendre qu'en ce genre ii choisira toujours les meilleurs juges. On ne gagne le peuple que par le bien qu'on lui fait; et j'ose dire qu'il est impossible qu'il puisse confier l'exercice de la police à celui, par exemple, qui se serait fait remarquer par des mœurs dures, des actions douteuses, une conduite insolente ou inconsidérée.
De plus, il y a une raison particulière pour que le peuple choisisse seul ses juges de police, tandis qu'au contraire il est bon que le prince intervienne dans la nomination des autres juges. En se soumettant à l'autorité des autres juges, le peuple ne se confie qu'à la loi, parce que les autres juges ne peuvent agir que par elle; mais en se soumettant à l'autorité nécessairement un peu arbitraire d'un juge de police, ce n'est pas à la loi seulement, c'est en beaucoup de circonstances à un homme que le peuple se confie. Or, on voit bien que cet homme-là doit être absolument de son choix.
Enfin, le pouvoir judiciaire sera mal organisé, si les juges ne répondent pas de leurs jugements.
Je crois qu'il suffit d'énoncer cette proposition pour la faire adopter. Une nation où les juges ne répondraient pas de leurs jugements serait, sans contredit, la plus esclave de toutes les nations; et oh conçoit aisément que l'esprit de liberté augmente chez un peuple, en raison de ce que la responsabilité des agents du pouvoir exécutif y est plus étendue.
Mais il y a des bornes à tout; s'il faut que les juges soient responsables, il convient aussi que les limites de cette responsabilité soient tellement déterminées, qu'on ne puisse pas sans cesse les inquiéter à l'occasion de leurs jugements. Tout homme qui exerce des fonctions publiques, doit jouir d'une certaine sécurité en les exerçant : autrement, trop ordinairement dominé par la crainte, au lieu d'obéir à la loi, ce serait à celui qui lui inspirerait quelque crainte qu'il obéirait.
Rien n'est donc si essentiel, en même temps qu'on rend les juges responsables, que cette responsabilité soit déterminée de façon que, suffisante pour les empêcher d'abuser de leur ministère, elle ne soiteependant pas telle qu'elle les empêche d'en user.
Ce n'est pas ici le lieu de fixer les caractères de la loi concernant la responsabilité des juges, cette loi devant comprendre un plus grand nombre de circonstances, selon qu'on laisse plus ou moins de pouvoir au juge, selon que le Code civil et criminel est plus ou moins perfectionné.
On observera seulement que, quoiqu'en général il paraisse convenable que la fonction de juge soit à vie, à cause des connaissances malheureusement assez étendues qu'elle suppose, connaissances qu'on serait peu jaloux d'acquérir, si elles ne devaient procurer dans la société un état permanent à celui qui les possède, cependant il serait à désirer qu'après un certain terme, les juges eussent besoin d'être confirmés. Dans un pareil ordre de choses, il est bien peu à craindre que le juge qu'une bonne opinion environne courre le risque de perdre sa place; le peuple a trop d'intérêt à conserver un bon juge. Il n'y aurait donc que le mauvais juge qui aurait un déplacement à redouter; et il y a tant de manières d'être mauvais juge, on peut prévariquer çn tant de façons dans l'emploi du pouvoir judi-
ciaire, sans paraître néanmoins offenser la loi, sans se trouver dans aucune circonstance où Y on soit responsable à ses yeux, qu'il faut ici laisser quelque chose à faire à l'opinion, et souffrir que celui dont la conduite n'a pas été constamment assez pure pour être au-dessus de tout soupçon, soit forcé, à certaine époque, à renoncer à un ministère qu'on ne peut bien exercer qu'autant qu'on inspire une grande confiance en l'exerçant.
Tels sont, à peu près, messieurs, les écueils qu'il faut éviter en constituant le pouvoir judiciaire, si, comme je l'ai dit en commençant, on veut que ce pouvoir ne porte aucune atteinte ni à la liberté politique, ni à la liberté civile.
Or, dans une pareille carrière, marquer les écueils, c'est nécessairement tracer la route ; les principes ici se montrent à mesure que les abus se découvrent.
De ce que le pouvoir judiciaire se trouve mal organisé toutes les fois qu'il l'est d'après les fausses maximes dont je viens de vous entretenir, il est donc nécessairement vrai que le pouvoir judiciaire se trouvera bien organisé, toutes les fois qu'il le sera d'après les maximes contraires.
Ainsi donc, en revenant sur tout ce que j'ai dit; afin que le pouvoir judiciaire soit bien organisé, il faudra :
En premier lieu, que dans son organisation> comme dans les changements qu'il peut subir, le pouvoir judiciaire ne dépende essentiellement que de la volonté de la nation.
En second lieu, que les dépositaires du pouvoir judiciaire ne participent en rien à la puissance législative.
En troisième lieu, que les tribunaux ne soient composés que d'un petit nombre de magistrats.
En quatrième lieu, qu'il ne soit pas créé plus de tribunaux que ne l'exige le besoin de rendre la justice.
En cinquième lieu, que les charges de magistrature ne soient pas vénales, et que le droit de faire rendre la justice ne soit la propriété ou la prérogative d'aucun citoyen dans l'Etat.
En sixième lieu, que* le prince seul nomme les juges ; mais qu'il ne puisse les choisir que parmi les personnes qui lui seront désignées par le peuple (1).
En septième lieu, que les tribunaux soient, le plus qu'il sera possible, rapprochés des justiciables.
En huitième lieu, que la justice soit rendue gratuitement.
En neuvième lieu, que l'instruction des affaires, tant criminelles que civiles, soit toujours publique.
En dixième lieu, qu'aucun juge en matière civile ou criminelle n'ait le droit d'interpréter la loi, ou d'en étendre les dispositions à son gré.
En onzième lieu, qu'en matière criminelle, les formes de la procédure soient telles qu'elles procurent une instruction qui soil autant à la décharge qu'à la charge de l'accusé; et parce qu'il n'y a que les formes du jugement par jurés ou par pairs, qui, à cet égard, satisfassent le vœu de la raison et de l'humanité, qu'en matière criminelle, nulle autre procédure ne soit admise que la procédure par jurés.
En douzième lieu, que, dans cette partie de l'administration de la justice où ii faut
laisser
Enfin, et en dernier lieu, qu'en quelque matière que ce soit, les juges soient responsables de leurs jugements.
Il me semble que ces propositions sont actuellement autant de vérilés démontrées,
Or, de ces vérités démontrées résulte, pour le pouvoir judiciaire, le projet de Constitution suivant : (1)
CONSTITUTION DU POUVOIR JUDICIAIRE (2).
TITRE PREMIER.
Des tribunaux et des juges en général.
Art. 1er. La nation seule a le droit de détermi ner la
constitution des tribunaux, et aucun changement ne peut être fait dans l'organisation du
pouvoir judiciaire, sans qu'elle l'ait ordonné ou sans qu'elle y ait consenti par ses
représentants.
Art. 2. Les tribunaux et les juges ne doivent participer en aucune manière à l'exercice de la puissance législative ; et tout citoyen qui occupera une place quelconque dans la magistrature, tant qu'il occupera cette place, ne pourra être membre du Corps législatif.
Art, 3. Il ne sera pas établi plus de tribunaux, et chaque tribunal ne sera pas composé de plus déjugés, que ne ledemande l'administration exacte de la justice.
Art. 4. Nulle charge désormais, donnant le pouvoir judiciaire, ne pourra, sous aucun prétexte que ce soit, être créée pour être vendue (3).
Art. 5. La justice, ainsi qu'il s'est pratiqué jusqu'à présent, sera rendue au nom du Roi, comme suprême dépositaire du pouvoir exécutif.
Art. 6. L'administration de la justice étant une fonction publique qui ne peut, en aucun
cas, devenir la propriété d'un citoyen, nul citoyen
Art. 7. Il sera pourvu à ce que la justice soit gratuitement administrée ; et le Corps législatif, sur les instructions que lui feront parvenir les assemblées provinciales, fixera pour les juges et les officiers des tribunaux, des honoraires suffisants, en raison de la dignité de leurs places, et de l'importance ou de la nature de leurs fonctions (1).
Art. 8. L'instruction et le jugement de toute espèce d'affaires seront publics. En conséquence, et contre l'usage actuel des tribunaux, dans toutes les causes qui exigent un examen de titres et une discussion par écrit, le rapporteur sera tenu de lire son l'avis à l'audience, et les juges, dans de telles causes, ne pourront rendre sentence ou arrêt qu'après avoir entendu dans la même audience sur le travail du juge rapporteur les observations sommaires des parties ou de leurs avocats.
Art. 9. Il ne sera permis à aucun juge, en quelque manière que ce soit, d'interpréter la loi ; et dans le cas où elle serait douteuse, il se retirera par devers le Corps législatif, pour en obtenir, s'il en est besoin, une loi plus précise.
Art. 10. Tous les juges, sans exception, seront responsables de leurs jugements; et lorsqu'on s'occupera de la réforme du code civil et criminel, il sera porté une loi pour déterminer les circonstances et les limites de cette responsabilité.
TITRE II. Des tribunaux et des juges en matière civile.
Art. 1er. Le royaume sera divisé en tin certain nombre de
provinces, à peu près de même étendue, dans chacune desquelles il sera établi une
administration provinciale.
Art. 2. Chaque province aura sa cour suprême de justice, placée autant que faire se pourra, dans la ville la plus centrale de la province, laquelle cour de justice sera composée au plus de deux présidents, de vingt conseillers, de deux avocats généraux, et d'un procureur général.
Art. 3. Dans le ressort de chaque cour suprême de justice, il sera formé un certain nombre de districts à peu près égaux, et dans chaque district on établira un tribunal du second ordre, lequel sera composé au plus d'un président, de six ou huit conseillers, de deux avocats et d'un procureur du Roi.
Art. 4. Chaque ville, chaque bourg, chaque paroisse de campagne, aura de plus des juges de paix, dont on fixera le nombre en raison de la population des lieux où ils seront établis.
Art. 5. Il y aura en outre dans toutes les villes un peu considérables des tribunaux de commerce ; et dans les villes maritimes, des tribunaux de commerce maritime ou des amirautés.
Art. 6. Toutes les cours ou tribunaux, connus sous le nom de cours ou tribunaux
d'exception, demeureront supprimés, et la connaissance des affaires pour lesquelles les
tribunaux d'exception
Art. 7. Les fonctions et la compétence des nouveaux juges seront réglées de telle sorte en matière civile :
Les juges de paix, assistés de deux notables, connaîtront sans appel de toutes les causes personnelles qui n'excéderont pas la valeur de cinquante livres ; ils ne pourront connaître que de ces causes, et ils seront tenus de renvoyer par devant les juges ordinaires toutes celles qui excéderont cette valeur.
Les tribunaux de commerce et les amirautés connaîtront de toutes les matières de commerce, et il jugeront sans appel celles qui n'excéderont pas la valeur de deux mille livres.
Les tribunaux ordinaires connaîtront de toutes les causes, soit réelles, soit personnelles, au-dessus de cinquante livres, à 1 exception des seules causes de commerce ; et si l'on pense qu'il soit convenable de conserver aux tribunaux ordinaires la faculté de juger sans appel, jusqu'à la concurrence d'une certaine somme, on déterminera par une loi particulière les circonstances où ils devront juger sans appel, et la somme jusqu'à la concurrence de laquelle ils pourront juger.
L'appel des sentences des juges de paix, quand ils excéderont leur compétence; des tribunaux de commerce et des tribunaux ordinaires, quand ils jugeront à la charge de l'appel, ou qu'ils excéderont aussi leur compétence, sera relevé par devant les cours suprêmes de justice de chaque province, oui prononceront en dernier ressort sur toutes les contestations, quelles que soient les qualités des parties.
Art. 8. Toute partie aura le droit de plaider sa cause elle-même, si elle le trouve convenable ; et afin que le ministère des avocats soit aussi libre qu'il doit l'être, les avocats cesseront de former une corporation ou un ordre, et tout citoyen ayant fait les études et subi les examens nécessaires pour exercer cette profession, ne sera plus tenu de répondre de sa conduite qu'à la loi.
Art. 9. Aucune femme ne pourra plaider contre son mari, aucun mari contre sa femme, aucun frère contre son frère, aucun fils oupetit-lils contre son père ou son aïeul, et réciproquement, que, préalablement, il ne se soit retiré par-devant le luge de paix, lequel prendra connaissance de l'objet de la contestation, et sera autorisé à interposer pendant l'espace d'un mois, sa médiation, pour appaiser ces différeuds domestiques, et faire tout ce que lui suggérera sa prudence, afin de prévenir une explosion fâcheuse dans les tribunaux.
Art. 10. Dans la ville où siégera la cour suprême de justice, et dans les lieux où seront établis les tribunaux du second ordre, il sera formé un bureau charitable de jurisconsultes et de citoyens recommandables par leur probité, qui s'occuperont spécialement d'examiner les causes des pauvres, et de les aider gratis de leurs conseils dans la poursuite de leurs droits.
Art. 11. Tout citoyen pauvre, auquel le bureau de jurisprudence aura donné une consultatiôn favorable, pourra, si bon lui semble, faire plaider sa cause par l'un des avocats du Roi, dans le tribunal ordinaire, ou par l'un des avocats généraux, dans la cour suprême; en conséquence, chacun des avocats généraux, dans la cour suprême, ou des avocats du Roi, dans le tribunal ordinaire, d'année en année, et à tour de rôle, sera spécialement chargé de la cause des pauvres.
Art. 12. Le code civil sera corrigé, et une commission sera nommée pour en mieux ordonner, et surtout'pour en simplifier les formes (1).
TITRE III. Des tribunaux et des juges en matière criminelle.
Art. 1er. 11 n'y aura d'autres juges, pour la poursuite et la
punition des délits, que les juges de paix et la cour suprême de justice.
Art. 2. Tout citoyen accusé d'un crime, ou arrêté en flagrant délit, sera traduit par-devant le juge de paix.
Art. 3. Le juge de paix, assisté de quatre notables, entendra l'accusateur et ses preuves, l'accusé fet sa première défense.
Art. 4. Si le juge de paix et ses assesseurs opinent à l'unanimité que l'accusé est manifestement innocent, c'est-à-dire qu'il y a impossibilité ou contradiction à ce qu'il soit coupable, le juge de paix prononcera son renvoi.
Art. 5. Si le juge de paix et ses assesseurs trouvent qu'il y a quelque probabilité à ce que l'accusé soit coupable, ils le feront traduire sur-le-champ dans la maison d'arrêt, au cas où le délit qui lui est imputé serait de nature à encourir une peine afrlictive ; et ils le relâcheront, sous caution de se représenter, au cas où le délit qui lui est imputé serait d'une autre espèce.
Art. 6. Incontinent après la détention,, ou le cautionnement de l'accusé, et dans les vingt-quatre heures, le juge de paix avertira la cour suprême de justice qu'il a mis un citoyen sous la puissance de la loi. Là se borneront les fonctions du juge de paix.
Ai t. 7. Dans chaque cour suprême de justice, il sera nommé annuellement deux juges, suivant l'ordre du tableau, pour présider à l'instruction des procès criminels.
Art. 8. Le ressort de la cour suprême étant partagé en districts, chacun de ces juges aura un égal nombre de districts sous sa juridiction.
Art. 9. Aussitôt que la cour suprême de justice aura été avertie qu'un citoyen a été mis sous la puissance de la loi, le juge suprême, dans l'un des districts duquel le délit se trouvera ou sera supposé commis, ordonnera, dans un délai qui sera fixé, l'apport de la procédure faite par le juge dé paix, et la comparution de l'accusé.
Art. 10. La procédure du juge de paix ayant été apportée, et l'accusé comparaissant, l'instruction du procès commencera dans un délai qui sera également fixé.
Art. 11. Cette instruction sera suivie, et il sera procédé au jugement de l'accusé suivant les formes usitées dans la procédure par jurés.
Art. 12. Aucun accusé, en conséquence, ne sera déclaré coupable que par la sentence de ses pairs, et le juge ne pourra appliquer la loi ni prononcer la peine qu'après que les pairs de l'accusé l'auront déclaré coupable.
Art. 13. Pour faire jouir, le plus tôt possible,
Art. 14. La même commission sera également chargée de la rédaction d'un nouveau projet de législation criminelle, où elle s'occupera de faire correspondre ensemble, de la manière la plus exacte, les délits et lés peines, observant que les peines soient douces, et ne perdant pas de vue cette maxime : Que toute peine qui n est pas nécessaire est une violation des droits de Vhoçnme, et un attentat du législateur contre la société.
Art. 15. En attendant la réforme des tribunaux et la promulgation du nouveau code, et de la nouvelle législation criminelle, l'ordonnance de 1670, et les lois criminelles jusqu'à présent en usage, seront observées suivant leur forme et teneur, à l'exception de quelques-unes de leurs dispositions, qui demeurent abrogées par les dispositions contenues dans les articles suivants.
Art. 16. Aucun décret de prise de corps ne pourra être désormais décerné sans le concours de trois juges, et à la pluralité de deux sur un.
Art. 17. Tout accusé, dorénavant, aura le droit de se choisir un ou plusieurs conseils pour sa défense.
Art. 18. L'examen des faits justificatifs de l'accusé ne sera plus renvoyé après l'instruction du procès, et les témoins pour ou contre lui seront entendus en même temps à l'audience.
Art. 19. La peine de mort simple sera la plus forte qu'on puisse prononcer contre un coupable.
Art. 20. La peine de mort ne sera plus prononcée que dans le cas de meurtre ou de haute trahison. .
Art. 21. La distinction des peines demeure dès à présent et pour toujours abolie.
Art. 22. La confiscation des biens du condamné n'aura lieu en aucun cas ; seulement s'il y aune partie plaignante au procès, et si elle articule et prouve quelque dommage de la part du condamné, il lui sera, sur les biens de ce dernier, adjugé une somme égale à l'estimation du dommage qu'elle aura souffert.
Art. 23.11 sera promulgué, durant cette session, une loi provisoire, portant ré formation des lois criminelles et de l'ordonnance criminelle, dans celles de leurs dispositions seulement qui sont contraires aux articles 16,17, 18, 19, 20, 21 et 22 du présent titre.
TITRE IV. Des tribunaux et des juges en matière de police.
Art. 1er. II ne s'agit ici. que de la police qui a pour objet
de prévenir les délits, et non ae la police qui administre les intérêts politiques et
économiques de la cité.
Art. 2. La police sera exercée dans les villes, bourgs et villages, au nom des municipalités.
Art. 3. Il n'y aura d'autres juges de police que les juges de paix.
Art. 4. Afin que la police soit exactement administrée dans les villes, elles seront divisées en districts à peu près égaux en étendue, et chaque district aura son juge de paix.
Art. 5. Afin que la police soit exactement administrée dans les bourgs et villages, les bourgs et villages seront réunis en cantons ; et chaque canton aura sa municipalité et son juge de paix.
Art. 6. 11 sera de plus nommé dans chaque district des villes quelques citoyens notables, lesquels feront les fonctions d'assesseurs auprès du juge de paix.
Art. 7.11 sera pareillement nommé, dans chaque canton, quelques citoyens notables, lesquels feront aussi les fonctions d'assesseurs auprès du juge de paix du canton.
Art. 8. On s'occupera incessamment de rédiger un code et une loi de police, ayant pour objet de déterminer les fondions de municipalités, des juges de paix et de leurs assesseurs en matière de police, les formes des sentences des juges de paix, les circonstances où il sera permis d'appeler de leur sentence, le genre de peine qu'ils pourront prononcer, et spécialement les limites de leur surveillance et de leur autorité.
Art. 9. La rédaction de la loi et du code de police sera confiée à la commission chargée de la loi et du code criminel, la loi de police qui a pour objet de prévenir les crimes, devant absolument correspondre avec la loi criminelle qui a pour objet de les punir, et l'une et l'autre ne pouvant être portées au degré de perfection dont elles sont susceptibles, qu'autant qu'on les appuiera sur les mêmes principes, et qu'elles seront un seul et même ouvrage.
TITRE V ET DERNIER. De Vélection et de la nomination des juges.
Art. 1er. Nul citoyen ne pourra être élu juge avant trente ans.
Art. 2. Les juges des cours suprêmes de justice et des tribunaux ordinaires seront nommés par le Roi, sur la présentation que les assemblées provinciales lui feront de trois sujets pour chaque place vacante dans les cours ou les tribunaux.
Art. 3. Les juges des tribunaux de commerce et des amirautés seront élus et nommés à la pluralité des voix, et sans l'intervention du prince, dans l'assemblée des négociants, marchands et capitaines de navires, de chacune des villes où sera établi un tribunal de commerce ou une amirauté. Il n'y aura d'excepté de cette règle que le président de chaque tribunal de commerce et de chaque amirauté, dont la nomination demeure réservée au Roi, comme celle des juges des cours et des tribunaux ordinaires, sur la présentation qui lui sera pareillement faite de trois sujets par l'assemblée des négociants, marchands et capitaines de navire, dont on vient de parler.
Art. 4. Les juges de paix et leurs assesseurs seront élus et nommés à la pluralité des voix, et sans l'intervention du prince, par les assemblées générales des municipalités.
Art. 5. On déterminera par une loi particulière quelles personnes pourront être élues juges d'une cour suprême de justice, ou d'un tribunal ordinaire.
Art. 6. On déterminera par une loi particulière quelles personnes pourront être élue3 juges ou présidents d'un tribunal de commerce ou d'une amirauté, et on fixera par la même loi la durée des fonctions, tant des présidents que des juges des tribunaux de commerce et des amirautés.
Art. 7. On déterminera par la loi constitutive des municipalités quelles personnes doivent être
élues juges de paix ou assesseurs de juges de paix, et ou fixera par la même loi la durée des fonctions, tant des juges de paix que de leurs assesseurs.
Art. 8. Enfin on déterminera par la loi constitutive des assemblées provinciales tout ce qui concerne l'élection et la nomination des jurés (l).
Messieurs, ici se termine notre travail sur la constitution du pouvoir judiciaire.
C'est à regret qu'en nous occupant de la constitution de ce pouvoir, nous nous sommes vus forcés de vous proposer un ordre de choses absolument différent de celui qui est établi depuis si longtemps au milieu de nous.
S'il nous eût été possible d'améliorer simplement, au lieu de détruire pour reconstruire de nouveau, nous l'eussions fait d'autant plus volontiers que la nation n'a sans doute pas oublié tout ce qu'elle doit à ses magistrats, combien, dans des temps de trouble et d anarchie, leur sagesse lui fut salutaire ; combien, dans des temps de despotisme, et quand l'autorité, méconnaissant toutes les bornes, menaçait d'envahir tous les droits, leur courage, leur fermeté, leur dévouement patriotique ont été utiles à la cause, toujours trop abandonnée, dés peuples ; avec quelles heureuses précautions ils se sont occupés de conserver au milieu de nous, en maintenant les anciennes maximes de nos pères, cet esprit de liberté qui se déploie aujourd'hui dans tous les cœurs d'une manière si étonnante et si peu prévue.
Tant d'efforts pour empêcher le mal méritent certainement de notre part une grande reconnaissance.
Malheureusement, quand on est appelé à fonder sur des bases durables la prospérité d'un empire, ce n'est pas de reconnaissance qu'il faut s'occuper, mais de justice; ce n'est pas ce qu'on doit à plusieurs, mais ce qu'on doit à tous, qui peut devenir la règle de nos déterminations; et les magistrats eux-mêmes nous blâmeraient certainement si, empêchés par les égards que nous faisons profession d'avoir pour eux, nous ne remplissions pas la tâche qui nous est imposée dans toute son étendue.
Or, il ne faut pas se le dissimuler, et les prin-
Il est donc indispensable qu'une révolution absolue s'opère dans le système de nos tribunaux ; mais elle ne peut s'opérer en un moment, et d'autres établissements doivent être préparés avant que vous puissiez vous occuper du nouvel ordre judiciaire qui vous est proposé.
Cependant jamais empire ne s'est trouvé dans un état de dissolution plus déplorable que celui-ci; tous les rapports sont brisés, toutes les autorités sont méconnues, tous les pouvoirs sont anéantis; on renverse toutes les institutions avec violence; on commande tous les sacrifices avec audace ; on s'affranchit avec impunité de tous les devoirs ; chaque jour éclaire de nouveaux excès, de nouvelles proscriptions, de nouvelles vengeances; les crimes se multiplient de toutes parts,,et la palme de la liberté ne s'élève encore au milieu de nous que couverte de sang et de pleurs.
Au sein de tant de désordres et d'anarchie, et quand jamais la justice n'eut besoin de se déployer avec un appareil plus imposant, que vous reste-t-il à faire? Ce que vous avez déjà fait en partie, Messieurs, mais ce que vous n'avez peut-être pas fait d'une manière assez expresse. 11 vous reste à demander un dernier acte de patriotisme à ces mêmes magistrats qui, en tant d'occasions, nous ont donné des preuves si éclatantes de leur amour pour le bien public. Ils voient, comme nous, que les provinces veulent une magistrature nouvelle, et qu'en vous proposant une autre constitution du pouvoir, judiciaire nous ne faisons que céder au vœu généralement exprimé de nos commettants; ils ne peuvent donc pas se dissimuler qu'une révolution dans l'administration de la justice devient inévitable; mais ils voient en même temps comme nous, que si, jusqu'à l'époque de la création de cette nouvelle magistrature, les tribunaux demeuraient sans exercice, il serait impossible de calculer les maux de toute espèce qu'une telle inaction pourrait produire : or, ils sont citoyens comme ils sont magistrats ; vous devez donc les inviter à seconder de tout leur pouvoir les efforts que vous faites pour rappeler la paix au milieu de vos concitoyens; et il nous semble qu'ils s'empresseront d'autant plus à répondre à votre invitation, qu'il y a pour eux une véritable grandeur, dans l'instant même où la nation exige de leur part d'importants sacrifices, à s'occuper du bien public avec autant de zèle que si leur dévouement devait leur obtenir, ou une autorité plus puissante, ou des prérogatives plus étendues.
Ce n'est pas tout : les magistrats ne peuvent rien par eux-mêmes, si la force publique ne les environne; il conviendrait donc aussi de rendre à la force publique tout le ressort qui lui est nécessaire pour agir avec efficacité. Qu'il me soit permis d'exprimer ici mon opinion personnelle : on ne m'accusera pas sans doute de ne point aimer la liberté; mais je sais que tous les mouvements des peuples ne conduisent pas à la liberté; mais je sais qu'une grande anarchie produit promptement une grande lassitude, et que le despotisme, qui çst une espèce de repos, a presque
toujours été le résultat nécessaire d'une grande anarchie. Il est donc bien plus important qu'on ne le pense de mettre fin aux désordres dont nous gémissons; et si on ne peut v parvenir qu'en rendant quelque activité à la force publique, il y a âonfi une véritable inconséquence à souffrir qu'elle demeure plus longtemps oisive. Qu'on ne me dise pas que cette force peut encore devenir dangereuse. D'abord, je ne sais pourquoi, je pense que les hommes qui se défient toujours sont nés pour la servitude; que la confiance est l'apanage des grands caractères, et que ce n'est que pour les hommes à grands caractères que la Providence a fait la liberté. Et puis, qu'a-t-on à redouter quand tous les citoyens sont à leur poste, quand une profonde révolution s'est faite dans les habitudes sociales, quand les préjugés auxquels nous obéissons ne sont déjà plus que d'antiques erreurs, quand, à force d'expérience, d'infortunes, on est enfin parvenu, non pas simplement à connaître, mais à sentir qu'on ne peut être heureux qu'avec la liberté? Laissons donc là toutes ces craintes pusillanimes ; et lorsque nous disposons d'une somme incalculable de moyens pour amener à sa perfection l'ouvrage que nous avons commencé, ne souffrons plus des désordres qu'il est de notre devoir, autant que de notre intérêt de prévenir. Que Je chef de cet empire, que ce Roi que vous venez de proclamer à si juste titre, et avec tant de solennité, le restaurateur de la liberté française, s'entende avec vous pour rétablir le calme dans nos provinces; que, par vos soins réunis, par une surveillance commune, aucun jour de désolation ne se mêle aux jours qui vont se succéder; que pour l'honneur de l'humanité cette révolution soit paisible, et que désormais le bien que vous êtes appelés à faire ne laisse, s'il se peut, dans l'âme d'aucun de vos concitoyens, ni regrets amers, ni souvenirs douloureux.
Le discours de M. Rergasse est vivement ap -plaudi ; l'Assemblée en ordonne l'impression.
— On fait différents rapports. Plusieurs nobles de Bretagne ont été arrêtés par la milicé bourgeoise.
Le rapporteur propose de décréter que cette affaire sera renvoyée au ministre et que M. le président communiquera ce renvoi aux membres des comités permanents de Nantes et de Saint-Malo, en leur annonçant que l'opinion de l'Assemblée était que les gentilshommes détenus devaient être libres de se rendre où bon leur semblerait.
fait ensuite lecture d'une lettre signée par MM. les gentilshommes bretons, actuellement à Brest, par MM. les oflicirrs de l'artillerie et du génie des régiments de Normandie et de Beauce, et par le commandant en second de la marine ; dans cette lettre, MM. les gentilshommes bretons se plaignent amèrement du soupçon injurieux que l'on voudrait répandre sur la noblesse de la province, relativement au complot formé contre le port de Brest, d'après l'annonce vague de M. lambassadeur d'Angleterre ; ils ajoutent que de pareils bruits ne sont propres qu'à semer la défiance et la division entre les diverses classes de citoyens d'une grande province, ainsi qu'à donner lieu à des actes répréhensibles, également contraires à la liberté individuelle, à l'ordre public et à l'honneur national ; qu'en conséquence il est urgent d'engager M- le duc de Dorset à donner des rensei-
gnements plus précis. relativement au complot qui a, dit-on, menacé le port de Brest, afin que s'il est avéré qu'aucun gentilhomme breton ne s'est rendu coupable de cette affreuse trahison, un témoignage public anéantisse promptement les effets de la calomnie; et afin aussi que si quelque gentilhomme se trouve convaincu d'avoir trempé dans Ce complot criminel, son nom soit voué à l'exécration publique, la noblesse n'ayant rien de plus à cœur que d'appeler sur la tête du coupable la vengeance des lois.
Une lettre datée de Rennes, signée par les commissaires des Etats de Bretagne témoigne les mêmes sentiments, et annonce qu'ils ont cru se devoir à eux-mêmes et à leurs concitoyens d'exciter les recherches de tous ceux qui pourraient concourir à dévoiler une trame aussi odieuse, et qu'ils se sont adressés à cet effet à MM. les comtes de Montmorin et de Saint-Priest, ministres du Roi, ainsi qu'à M. le comte de Thiars, commandant en chef en Bretagne.
L'Assemblée, après une longue discussion, a cru qu'il n'y avait pas lieu de délibérer, et il est arrêté que M. le président communiquera en réponse cette décision tant à MM. les commissaires des Etats de Bretagne qu'à MM. les gentilshommes bretons actuellement à Brest.
invite les comités des finances, des rapports et tous les bureaux à se réunir ce soir à six heures.
La séance est levée.
Séance du
a annoncé à l'Assemblée que M. le comte de Lally-Tollendal et M. l'abbé Sieyès sortaient de place, le temps d'exercice de leurs fonctions étant expiré ; que M. l'abbé de Montesquiou abandonnait aussi le secrétariat par la voie du sort, et qu'ils étaient remplacés par MM. de Talleyrand-Périgord, évêque d'Autun, le comte de Montmorency, et l'abbé de Barmond.
Un de MM. les secrétaires a donné lecture des adresses de la ville et communauté de Millau en Rouergue ; de la ville de Montaigu en Poitou ; des citoyens de tous les ordres de la ville et vicomté d'Auvillard en Guyenne; de la commune de Châteaulin en Bretagne ; de la ville de Mon-teils, près Montauban ; du village d'flargicourt, bailliage de Saint-Quentin ; des trois ordres de la ville de Lorient ; des trois ordres de la ville de Bressuire ; de la ville de Dormans ; des trois ordres de la ville de Vie ; de la ville haute de Carcassonne ; des habitants de la municipalité de Saverne ; des trois ordres de Marseille, en faveur de M. de Beausset, chanoine de Saint-Victor ; du bourg de Bigny, sénéchaussée de Brignols ; de la ville de Saint-Ambroise ; de la ville de Saint-Pau l-trois-Châteaux en Dauphiné ; et de la ville de Négre-Pelisse.
Il a été rendu compte de l'hommage que les membres de l'association de bienfaisance judiciaire de la ville de Paris, ont fait à l'Assemblée de leur règlement.
Il a été rait part aussi de l'offre noble et géné-
relise faite par M. Chalan, procureur du Roi, de Melun, de ta finance de son office pour venir au secours de l'Etat.
On a donné lecture des procès-verbaux des treize et quatorze de ce mois.
a soumis à la discussion le projet de déclaration des droits de l'homme en société, présenté par messieurs du comité des cinq chargés de l'examen des différentes déclarations des droits.
La déclaration des droits est un acte dans lequel il faut énoncer les droits de l'homme tels qu'ils sont. Sans cela cette déclaration devient inutile.
Je remarque quelques erreurs dans la déclaration que l'on nous présente. On nous dit d'abord : c'est une suite de principes.
Un principe est l'expression d'une vérité. Un droit est l'effet d'une convention. Avec l'un, on raisonne, on discute ; avec l'autre, on agit. L'on nous a parlé souvent de la déclaration des droits de l'Amérique. Si elle est ainsi rédigée, je la crois absurde ; elle ne peut produire aucun effet.
Le maintien de la liberté dépend de deux choses ; de la déclaration des droits (tout homme doit les connaître) et de la Constitution.
Nos droits sont invariables, toujours constants; toujours les mêmes, et cependant ils augmentent ou ils diminuent selon l'opinion des auteurs des déclarations de droits. Le comité des cinq nous a présenté un projet de dix-neuf articles ; un membre nous en a montré un de vingt ; un autre de trente ; enfin on les a portés jusqu'à soixante-seize.
Un droit est le résultat d'une convention ; il en est de deux sortes ; celles qui sont nécessaires, et celles qui sont possibles.
La convention nécessaire est celle sans laquelle la société ne peut exister, qui fait de la volonté du plus grand nombre la volonté générale, la volonté de tous. Les conventions possibles sont celles de particuliers à particuliers.
Il est donc aussi essentiellement deux sortes de droits. Or, s'il faut, dans la déclaration des droits, y expliquer ceux de la dernière classe, cette déclaration deviendrait incomplète, parce qu'on ne peut les expliquer tous ; incertaine, parce qu'on peut les modifier, les varier sans cesse.
J'ai consacré bien des veilles, et je n'ai pas trouvé d'autre projet plus convenable que la déclaration suivante, dont je vous ai déjà donné lecture :
« Les Français, considérant qu'il leur est impossible de s'assembler dans un même lieu, et qu'ils ont nommé des représentants par province, pour promulguer leurs lois, et les constituer en peuple libre.
« Arrêtent que la volonté du plus grand nombre devient la volonté générale ; que chaque citoyen doit y être soumis ; que chaque citoyen a le droit de participer à la Constitution, à la régénération des lois, et à la création des nouvelles ; que le pouvoir législatif appartient au peuple ; que l'époque des Assemblées nationales ne peut être déterminée que par le peuple ; que l'impôt ne peut être établi sans le consentement du peuple ; enfin que ces droits étant naturels, étant imprescriptibles, ce n'est que par leur réunion qu'ils deviennent les droits de tous. »
Telles sont les idées que je vous avais proposées autrefois sous un autre titre, et que ie vous propose maintenant sous le litre de déclaration
des droits. Veut-on s'en écarter ? tout devient arbitraire, tout est vague. Si quelqu'un est étonné de la simplicité de ces vues, j'ai l'honneur de lui déclarer que ce n'est pas sans peine que l'on parvient à des idées simples.
Il faut, avant tout, déterminer les points de discussion. Il me semble que l'on peut les réduire à ceci :
1° Examiner le plan ou le système général de l'ouvrage.
2° Discuter la vérité ou la fausseté de chaque article.
3° La manière de le rédiger.
Je propose cette marche pour abréger et pour mettre de l'ordre-*dans notre travail.
En rentrant dans la première partie, je me demande ce que l'on entend par 1a déclaration des droits. Je crois, comme le préopinant, que c'est l'expression de tout ce qui appartient à l'homme en société ; c'est ce qu'il peut faire ; c'est ce que l'on ne peut, si ce n'est par violence,, l'empêcher de faire ; mais les droits ne peuvent exister que par des conventions.
L'on ne peut se dispenser de faire des déclarations, parce que la société change. Si elle n'était pas sujette àr des révolutions, il suffirait de dire que l'on est soumis à des lois ; mais vous avez porté vos vues plus loin : vous avez cherché à prévoir toutes les vicissitudes ; vous avez voulu enfin une déclaration convenable à tous les hommes, à toutes les nations. Voilà l'engagement que vous avez pris à la face de l'Europe. Il ne s'agit pas ici de composer avec les circonstances ; il ne faut pas craindre ici, de dire des vérités de tous les temps et de tous les pays.
Je trouve que dans les différents projets que l'on nous a présentés, l'on n'a pas énoncé tous les droits essentiels, sans lesquels l'homme n'est pas essentiellement libre ; sans doute il est difficile de les saisir tous ; mais il me semble que je pourrais les saisir plus facilement si je posais ainsi la question : quels sont les droits avec lesquels vous êtes libres ou vous ne l'êtes pas ?
L'objet d'une déclaration est donc de comprendre tous les droits quelconques. Qu'importe qu'ils soient contraires à la Constitution ? La déclara-' tion est pour les établir, la Constitution est pour les modifier et les circonscrire. Ainsi, par exemple, il est dit dans la déclaration des droits que tout citoyen a le droit de faire le commerce. C'est à la Constitution à restreindre ce droit, si toutefois il peut être restreint ; mais, comme il ne doit pas l'être, alors vous n'annoncez que ce que tout le monde sait, puisque la loi n'a pas le pouvoir d'empêcher de faire le commerce. Ce sont là les réflexions générales que je me suis permises sur la déclaration des droits.
Si j'entre ensuite dans un examen plus particulier, j'y trouve desmaximesqui sontisolées, et qui deviennent particulières à différentes branches d'administration. D'ailleurs, tous les droits de l'homme n'y sont pas exprimés. D'après cela, adopterons-nous le plan du comité des cinq ? Ce plan est vicieux, puisqu'il ne répond pas à Ja définition que nous en avons donnée. Ainsi nous voilà au point où nous en étions quand nous avons nommé le comité des cinq, avec cette consolation cependant, que la déclaration qui nous a été présentée est peut-être la moins défectueuse. Je crois donc que, pou r terminer, il faut remettre l'ouvrage dans les mains d'un plus petit nombre qui le travaillera encore; et c'est le moyen, lorsqu'il y aura moins de contradiclion dans les i opinions des réducteurs, qu'il règne plus de clarté,
plus d'ordre et plus de solidité dans la déclaration.
L'homme n'a pas été jeté au hasard sur le coin de terre qu'il occupe. S'il a des droits, il faut parler de celui dont il les tient ; s'il a des devoirs, il faut lui rappeler celui qui les lui prescrit. Quel nom plus auguste, plus grand, peut-on placer à la tête de la déclaration, que celui de la divinité, que ce nom qui retentit dans toute la nature, dans tous les cœurs, que l'on trouve écrit sur la terre, et que nos yeux fixent encore dans les cieux?
député du Limousin. La lecture très-rapide que l'on nous a donnée de la déclaration des droits ne me permet d'y faire que de légères observations.
D'abord, on dit que le premier motif de cette déclaration est pour rétablir les droits des hommes. Ces droits sont inaliénables ; jamais ils ne peuvent être anéantis. On peut perdre la liberté, mais on n'en perd jamais le droit ; mais jamais les Français n'ont consenti à en sacrifier l'exercice au despotisme des rois et de leurs ministres. Ainsi je propose de mettre au lieu de rétablir le mot rappeler.
Je ferai encore quelques courtes observations sur l'article 19. Un membre, qui a l'habitude de séduire par son éloquence (M. le comte de Mirabeau) vous a dit que les municipalités n'offrent que des corps d'aristocratie. Cette vérité a été unanimement sentie, et cependant il propose de mettre l'armée sous la dépendance des municipalités. Cela est contraire au serment que les troupes doivent prêter ; cela est contraire enfin à la nature des choses. Le pouvoir législatif peut sans contredit fixer le nombre des troupes, déterminer leur traitement ; mais le» gouvernement en appartient au pouvoir exécutif. Je demande donc encore la suppression de cet article,
La liberté est une liqueur généreuse qui demande un vase solide pour la contenir.
Ce n'est pas en faisant retentir le cri de liberté que l'on apaisera le feu des provinces. L'homme se laisse emporter facilement au-delà de ses devoirs. Soyez sans cesse à côté de lui, la main sur le col, l'œil sur son visage, votre cœur contre son cœur, c'est alors qu'il jouit de la liberté sans se livrer à ses excès. Je demande donc que l'on retranche, dans le sixième article, ces mots : et par conséquent peut résister à toute oppression.
Ce n'est pas dans des temps aussi difficiles qu'il convient de publier de pareilles vérités. Toute la France est en armes, la fermentation agite toutes les parties de l'empire. Soyons calmes et nous serons libres ; soyons modérés, et nous serons inexpugnables. N'imitons pas ces enfants qui jouent avec des armes qui ne doivent être maniées que par des hommes faits. L'empire de l'abus avait été longtemps le législateur de cet empire; pour remédier à tous ces maux, n'en faisons pas naître de plus grands. Votre corps politique est près d'expirer, fatigué des convulsions qui se sont succédées rapidement ; laissons-lui rappeler ses forces ; c'est le seul moyen de retrouver la paix.
Je présente mon avis avec la modestie qui m'appartient, et je conclus à la radiation.
Vous aviez sous les yeux bien des projets. Le choix vous a paru difficile, et pour terminer vous avez nopimé un
comité qui résoudrait toutes ces déclarations en une seule. Ce comité vient de vous offrir son ouvrage; mais il n'est pas parfait, il ne remplit pas notre attente; je dirai même que ce n'est pas ce que nous avons demandé. Nous voilà donc au point où nous en étions lorsque nous avons nommé le comité des cinq. Dans cette irrésolu^ tion, nous avons promis à la France une décla-tion des droits ; nous en avons plusieurs et elles ne nous conviennent pas. Il en faut adopter une. Le comité de Constitution nous en a fourni deux dignes d'éloges. M. l'abbé Sieyès en a également donné une qui n'a pas paru inférieure; enfin celle de notre comité des cinq ne doit pas être oubliée.
Je proposerais donc que l'on choisît parmi ces déclarations, que l'on en prît une, et que l'on délibérât article par article : avec ce moyen le plan serait déjà tracé, l'ouvrage serait ébauché ; il ne faudrait que le perfectionner.
Les réflexions des préopinants, la multitude des projets, le comité que vous avez nommé, et les réflexions qui vous ont déjà été faites, vous font comprendre que l'ouvrage de la déclaration n'était pas facile.
Peut-être, en vous exposant mon opinion, hasarderai-je beaucoup ; mais actuellement il serait dangereux de se taire, tout citoyen est comptable de sa façon de penser.
Vous avez adopté le parti de la déclaration des droits, parceque vos cahiers vous imposent le devoir de la faire; et vos cahiers vous en ont parlé, parce que la France a eu pour exemple l'Amérique. Mais que l'on ne dise pas pour cela que notre déclaration doit être semblable. Les circonstances ne sont pas les mêmes : elle rompait avec une métropole éloignée; c'était un peuple nouveau qui détruisait tout pour renouveler tout.
Cependant ii y a une circonstance qui nous j rapproche de leur révolution ; c'est que, comme les Américains, nous voulons nous régénérer ; la déclaration des droits est donc essentiellement nécessaire. On se demande ce que cela signifie ; l'on craint que l'esprit ne se trompe sur les conséquences que Ton en peut tirer. Certes, quand elles seront annoncées à la nation d'une manière claire et précise, il n'y aura ni erreur ni fausses interprétations. Je le répète, une déclaration des droits de l'homme est absolument nécessaire.
La première idée qu'elle rappelle, c'est moins de déclarer les droits que de se constituer ; car elle est une partie intégrante de la Constitution, et les principes de ia Constitution doivent renfermer toutes les maximes du gouvernement.
Quel serait l'état d'un peuple naissant? S'occuperait-il à déclarer ses droits ? Non, sans doute ; il jetterait les bases sur lesquelles il voudrait faire reposer ses lois.
Nous n'avons pas été assez loin. Il ne s'ensuit pas de ce que les Américains n'ont déclaré que les droits de l'homme, que nous devions en rester là. La déclaration des droits ne doit être, en quelque sorte, que le préambule de la Constitution.
Si l'Assemblée nationale se décide pour une déclaration, elle ne doit pas suivre servilement, et se borner à l'exemple des Etats-Unis.
Dans les déclarations qui nous ont été présentées, ii y a un premier défaut ; tantôt les articles qui les composent sont ou moyens, ou conséquences, ou principes. Je pensé, en outre, que
le préliminaire de la Constitution doit avoir un plan, un ordre quelconque, et il n'y en a aucun.
En outre, si les idées qu'elles présentent en sont vraies, l'ensemble est impossible à saisir.
De plus, je souhaiterais tant de clarté > de vérité, de netteté -dans les principes et les conséquences, que tout le monde pût les saisir et les apprendre ; qu'ils devinssent l'alphabet des enfants ; qu'ils fussent enseignés dans les écoles.
C'est avec une aussi patriotique éducation qu'il naîtrait une race d'hommes forts et vigoureux, qui sauraient bien défendre la liberté que nous leur aurions acquise ; .toujours armés de la raison, ils sauraient repousser le despotisme, qui, des pieds du trône, s'étend dans les différentes ramifications du gouvernement.
Il faut encore éviter un autre inconvénient : c'est celui de rétrécir la déclaration des droits ; il ne faut pas qu'elle soit si pure et si simple qu'elle devienne insuffisante. Il faut qu'elle consacre des principes qui veillent h la conservation des droits; aussi j'adopte avec empressement, parmi celles qui vous ont été présentées, la déclaration des droits de M. l'abbé Sieyès, elle porte avec elle des maximes représentatives que j'adore ; elle m'apprend mes droits; elle me protège dans larelraite la plus éloignée, loin du trône, loin du centre de la justice, contre les tyrans obscurs qui voudraient appesantir leur pouvoir usurpé sur ma tête. Aussi je demande que les principes et préservatifs qui sont contenus dans la déclaration des droits de l'abbé Sieyès, soient insérés dans la déclaration des droits que le comité des cinq a rédigée, et que l'on suive les observations que j'ai indiquées.
Je propose, en très-peu de mots, un expédient dont l'effet sera très-prompt. D'abord choisir un plan, ensuite entrer dans les détails.
Messieurs, le comité des cinq a trop réfléchi sur les déclarations de droits qui ont servi de base à son travail, pour n'être pas convaincu qu'il est beau-coupplus facile de les critiquer que d'enfaireune bonne; et les anciens débats sur cette matière, comme ceux qui ont occupé la séance, ne vous laissent probablement aucun doute à cet égard.
Quand nous avons appelé le tribut de notre zèle un très- faible essai, ce n'était pas par modestie; c'est notre opinion que nous avons très-franchement énoncée. Mais il nous suffit, pour être exempts de tout reproche, d'avoir offert un projet où se trouvent réduits, dans un petit nombre d'articles, tous les principes que renferment les autres exposés. Telle était notre mission, et non, comme Ta dit un des préopinants, de choisir entre ces projets.
Un écueil sur lequel toucheront toutes les déclarations des droits, c'est la presque impossibilité de n'y pas empiéter sur la législation, au moins par des maximes. La ligne de démarcation est si étroite, pour ne pas dire idéale, qu'on la franchira toujours; et je ne conçois pas même de quelle utilité pratique serait une déclaration de droits qui n'indiquerait jamais, je ne dirai point avec le préopinant les conséquences des principes qu'elle énonce, mais leur application, puisque chacun entendrait à sa manière des maximes dont les intérêts privés tireraient a leur gré les plus fausses conséquences.
Si un peuple vieilli au milieu d'institutions anti-sociales pouvait s'accommoder des principes philosophiques dans toute leur pureté, je n'aurais
pas hésité d'adopter la déclaration des droits de M. l'abbé Sieyès; il y pose le principe fondamental de toutes les sociétés politiques, savoir: « que les hommes en se réunissant en société n'ont renoncé à aucune partie de leur liberté naturelle, puisque dans l'état de la plus grande indépendance nul d'eux n'a jamais eu le droit de nuire à la liberté, à la sûreté, ni à la propriété d'autrui ; qu'ils n'auraient pu aliéner aucun des droits qu'ils tiennent de Dieu et de la nature, et qui sont inaliénables; qu'ils ont au contraire voulu et dû étendre, par des secours réciproques, leur sûreté, l'usage de leur liberté, leur faculté d'acquérir et de conserver leurs propriétés. »
Ce ne sont pas là les expressions de M. l'abbé Sieyès, mais ce sont ses idées, et ce paragraphe est une déclaration de droit tout entière. Tout est dans ce principe si élevé, si libéral, si fécond, que mon père et son illustre ami, M. Quesnav, ont consacré il y a trente ans, que M. Sieyès a démontré peut-être mieux qu'un autre; et tous les droits, tous les devoirs de l'homme en dérivent.
Mais ce principe n'est certainement encore ni généralement répandu, ni universellement admis. Des hommes de première force s'y refusent, et les philosophes seraient ralliés tous parla savante déduction de M. l'abbé Sieyès, qu'on ne pourrait certainement pas faire de ce principe, pour le commun des hommes, la déclaration de leurs droits.
Si les circonstances étaient calmes, les esprits paisibles, les sentiments d'accord, on pourrait faire, .sans crainte des réclamations ni des événements, l'énoncé des maximes générales qui doivent guider le législateur. Mais quand leurs résultats les plus immédiats, les plus évidents, blessent une foule de prétentions et de préjugés, une opposition violente s'élève contre telle ou telle exposition des droits de l'homme, qui n'est au fond qu'une opposition à toute déclaration de ce genre, et les projets se multiplient au gré de l'amour-propre associé avec les intérêts particuliers et la mauvaise foi; alors les difficultés augmentent à l'infini, et Ton s'entend opposer sérieusement, à propos d'une série de principes, immuables comme l'éternité, des difficultés d'un jour; on voudrait qu'une déclaration de droits fût un almanach de telle année.
C'est une autre difficulté très-grave que la différence d'opinions qui se trouve souvent dans les membres d'un comité, qu'à l'exemple des politiques à vues courtes et ambiguës, l'on compose ainsi quelquefois à dessein. L'un présente un travail, l'autre y fait des retranchements, celui-ci une addition; dès lors plus de plan, plus de cohérence, et cependant il faut se soumettre; car, enfin, le premier devoir d'un comité est de donner un travail composé des idées sur lesquelles tous tombent d'accord.
A quoi réussiriez-vous, Messieurs, si des personnes choisies pour proposer à l'Assemblée les projets de déclaration de droits ou de Constitution ne parvenaient pas à produire l'opinion de la pluralité d'entre elles? Ce que le comité n'a pu faire à cet égard, l'Assemblée le pourra-t-elle plus facilement?
Je crois donc inutile et le renvoi dans les bureaux, où l'on ne choisira apparemment pas uu des projets déjà rejetés, et le choix d'une des déclarations au scrutin, comme si les choses pouvaient jamais, sans lâcheté, être subordonnées au scrutin, ou même au nouveau comité de déclaration, aussi longtemps du moins qu'un ca-
nevas de rédaction, si je puis parler ainsi, ne sera pas définitivement arrêté. De toutes les chopes humaines, je n'en connais qu'une où le despotisme soit non-seulement bon, mais nécessaire: c'est Ja rédaction; et ces mots comité et rédaction hurlent d'effroi de se voir accouplés.
Quoi qu'il en soit, nous quittons l'ordre du jour, et nous revenons sur nos pas. II n'est pas question des autres projets de déclaration des droits, puisqu'ils sont jugés; l'Assemblée n'en veut pas.
11 s'agit de rejeter ou d'adopter celui du comité, et d'en mettre par conséquent les articles en discussion. Sans doute on peut, on doit l'améliorer, le modifier, ôter, ajouter à sa rédaction, le rejeter peut-être, et enfin tout ce que l'Assemblée trouvera convenable ; mais on ne peut s'occuper du moyen de s'en procurer un autre qu'après qu'on aura prononcé sur celui-ci.
Je ne crois pas que l'Assemblée puisse adopter le système de M. Crenière : ce système tend à confondre la déclaration des droits et les principes fondamentaux de la Constilution; c'est le système de Hobbes, rejeté de l'Europe entière.
Quelques personnes ont dit que par la déclaration du comité on modifiait les principes: or, il est impossible de modifier des principes.
Ils sont les mêmes pour tous le3 temps et pour toutes les circonstances.
Jamais on n'a voulu modifier les principes; on a voulu en constater la vérité par l'application. C'est ainsi, par exemple, qu'un privilège, n'est pas toujours injuste, quoique, dans le principe, ce soit une atteinte à la liberté.
Les discussions ont encore duré longtemps, mais toujours sans aucune détermination.
Enfin l'on propose d'aller aux voix. Il n'y a de motion que celle de M. le marquis dé Paulette. On en donne lecture. La voici:
« L'Assemblée nationale, séparée en bureaux, procédera, par là voix du scrutin, au choix d'un projet de déclaration des droits. Chacun écrira sur un billet le nom de l'auteur ou le titre de la déclaration; ces billets seront vérifiés selon la forme ordinaire, et le projet qui aura réuni le plus de suffrages sera soumis à la discussion, article par article. »
On allait aux voix, lorsque M. le comte de Mirabeau demande la parole.
Je propose, comme individu, et non comme membre du comité des cinq, d'arrêter de nouveau que la déclaration des droits doit être une partie intégrante, inséparable de la Constitution, et en former le premier chapitre.
Je propose encore, et le long embarras de l'Assemblée me prouve que j'ai raison de le proposer, de renvoyer la rédaction définitive de la déclaration des droits au temps où les autres parties de la Constitution seront elles-mêmes entièrement convenues et fixées. (Les applaudissements et les murmures se confondent.)
Au milieu des marques de bonté que m'attire cette proposition, je m'aperçois #que quelques amis très-zélés de la liberté, dont je respecte les opinions et les talents, n'approuvent pas cette motion ; ils sonl effarouchés, sans doute, par la crainte de voir que la déclaration des droits ne soit compromise, et que, sous prétexte de la reculer, quelques malveillants ne parviennent à la faire disparaître. Mais il m'est impossible de par-
tager cette défiance, quand un décret solennel de cette Assemblée a statué une déclaration de droits, quand trente projets ont été soumis à vos délibérations, quand la pluralité bien décidée des représentants de la nation est d'accord sur les principes qu'elle doit contenir, quand il ne s'élève de doutes que sur la rédaction, quand ces doutes appartiennent presque en entier à l'inconvenance d'un moment si orageux, et où l'on abuse avec tant d'impétuosité de nos arrêtés les plus sages ; enfin à la crainte que si la rédaction définitive de la déclaration des droits précédait le travail de la Constitution, les conséquences ne se trouvassent trop éloignées des principes, et peut-être en opposition trop sensible avec eux; il me paraît que c'est une méfiance fort exagérée, que de redouter l'omission de la déclaration des droits ; et certes, s'il élait dans la puissance de quelques obscurs conspirateurs d'annuler ainsi, par le fait, les délibérations de l'Assemblée nationale, j'ose croire que l'opinion publique me range parmi ceux qui poursuivraient avec le plus d'ardeur celte espèce de révolte contre vos arrêtés. Cette nouvelle motion est vivement attaquée par divers députés.
la trouve déraisonnable.
dit que c'est proposer à l'Assemblée une résolution indigne d'elle, en la faisant écarter de son arrêté précédent.
soutient la même opinion avec force.
s'étend sur la même idée, en présentant la proposition du renvoi de la rédaction comme l'effet de cette supériorité de talents avec laquelle M. de Mirabeau sait guider l'Assemblée vers des buts contraires.
après avoir renouvelé l'examen sur l'utilité ou l'inutilité d'une déclaration, après l'avoir présentée comme la lumière qui précède la loi, adopte l'opinion de M. de Mirabeau.
l'appuie également, en disant que l'on veut faire regarder les articles de la déclaration des droits comme autant d'articles de foi.
et autres la rejettent avec rigueur. Ils disent que M. de Mirabeau a le talent d'entraîner l'Assemblée dans des opinions contraires; que lui-même a parlé en faveur du décret qui ordonne que la déclaration sera suivie de la Constitution.
Je commencerai, pour toute réponse aux attaques personnelles dont quelques préopinants ont jugé à propos de m'ac-cabler, par manifester un sentiment qui porte plus de douceur dans mon âme que les traits décochés contre moi n'y peuvent jeter d'amertume.
Si, par impossible, quelqu'un de vos décrets me paraissait blesser la jutice ou la raison, j'ai tant de respect pour cette Assemblée que je n'hésiterais pas à vous le dénoncer, à vous dire que vous devez montrer un mépris profond pour cet absurde dogme d'infaillibilité politique, qui tendrait à accumuler sur chaque siècle la rouille des préjugés de tous les siècles, et soumettrait les générations h venir aux erreurs des générations passées.
Mais je n'ai point attaqué votre décret,, j'ai maintenu la nécessité d'une déclaration des droits; ma motion, laissée sur le bureau, porte ces propres mots : qu'il sera déclaré que l'expo-position des droits est partie intégrante et inséparable de la Constitution. Mes doutes n'ont porté que sur le moment favorable à la rédaction de ce travail. Ces doutes étaient assez motivés peut-être par les difficultés toujours renaissantes qu'il rencontre, par la nature des objections qu'on nous* a faites, par les sacrifices qu'on a exigés de nous, par les embarras inextricables où nous jette l'ignorance absolue de ce qui sera statué dans la Constitution ; mais, quoi qu'il en soit, j'ai pu melromper sans qu'il puisse être permis de jeter sur mes intentions un doute qu'aucun membre de cette Assemblée, qu'aucun citoyen au courant des affaires publiques, n'a pu concevoir sur moi.
Sans doute, dans le cours d'une jeunesse très-orageuse, par la faute des autres, et surtout par la mienne, j'ai eu de grands torts, et peu d'hommes ont, dans leur vie privée1, donné plus que moi prétexte à la calomnie, pâture à la médisance; mais j'ose vous en attester tous: nul écrivain, nul homme public n'a plus que moi le droit de s'honorer de sentiments courageux, de vues désintéressées, d'une fi ère indépendance, d'une uniformité de principes inflexibles. Ma prétendue supériorité dans l'art de vous guider vers des buts contraires est donc une injure vide de sens, uu trait lancé du bas en haut, que trente volumes repoussent assez pour que je dédaigne de m'en occuper.
il sera plus utile de vous montrer, Messieurs, par un exemple sensible, les difficultés qui, je le soutiens nettement, rendent impraticable aujourd'hui une rédaction de la déclaration des droits.
Voici ce que porte l'article X :
« On ne saurait, sans attenter aux droits des citoyens, les priver de la faculté de s'assembler dans la forme légale, pour consulter sur la chose publique, pour donner des instructions à leurs mandataires, ou pour demander le redressement de leurs griefs. »
J'avais proposé à mes collègues du comité de rédiger l'article ainsi:
« Tout citoyen a le droit d'avoir chez lui des armes, et de s'en servir, soit pour la défense commune, soit pourra propre défense, contre toute agression illégale qui mettrait en péril la vie, les membres, ou la liberté d'un ou de plusieurs citoyens. *
Mes collègues sont convenus tous que le droit déclaré dans cet article est évident de sa nature, et l'un des principaux garants de la liberté politique et civile; que nulle autre institution ne peut le suppléer; qu'il est impossible d'imaginer une aristocratie plus terrible que celle qui s'établirait dans un état, par cela seul qu'une partie des citoyens serait armée et que l'autre ne le serait pas; que tous les raisonnementscontraires sont de futiles sophismes démentis par les faits, puisque aucun pays n'est plus paisible et n'offre une meilleure police que ceux où la nation est armée. Messieurs du comité n'en ont pas moins rejeté l'article, et j'ai été obligé de déférer à des raisons de prudence qui me paraissent préoccuper cette Assemblée même, puisque le récit de ma proposition excite quelques murmures. Cependant, il est bien clair que les circonstances qui vous inquiètent sur la déclaration du droit naturel qu'a tout citoyeu d'être armé, sont très-
passagères : rien ne peut consoler des maux de l'anarchie, que la certitude qu'elle ne peut durer ; et certainement, ou vous ne ferez jamais la Constitution française, ou vous aurez trouvé un moyen de rendre quelque force au pouvoir exécutif et à l'opinion avant que votre Constitution soit fixée. Quel inconvénient y aurait-il donc, sous ce rapport, à ce que la rédaction de la déclaration des droits fût renvoyée à la fin du travail de la Constitution ? Je pourrais faire vingt rapprochements pareils, et surtout montrer qu'il n'est pas un seul projet de déclaration des droits dont les défauts ne tiennent en grande partie au contraste des circonstances avec le but d'une telle expression.
Mais, Messieurs, avoir raison ou se tromper est peu de chose, et n'intéresse guère que l'amour-propre. Entendre soupçonner ou persifler ses intentions dans une Assemblée politique où l'on a fait ses preuves, est une tolérance qu'un homme qui a le sentiment de sa dignité personnelle ne connaît pas ; et j'espère que vous approuverez cette courte explication.
' ramène les esprits à l'exa men de la déclaration. Il combat les motions de M. de Maulette et de M. de Mirabeau. Vous avez nommé un comité pour rédiger une déclaration ; vous ne l'avez pas encore examinée, comment pouvez-vous la rejeter ?
A la fin on va aux voix, et l'examen du projet de la déclaration est renvové dans les bureaux.
M
au nom du comité des rapports, communique à l'Assemblée une lettre écrite de Caussade, le 9 de ce mois, par laquelle MM. les officiers municipaux de cette ville annoncent qu'une jeunesse inconsidérée s'est emparée de M. de Cazalès; qu'ils ont eu beaucoup de peine de l'arracher de ses mains, et qu'il est maintenant détenu dans une auberge, et gardé par la milice bourgeoise ; qu'ils attendent la décision et les ordres de l'Assemblée sur la conduite qu'ils ont à tenir.
Le rapporteur communique en même temps un projet de réponse, portant que M. de Cazalès n'étant accusé d'aucun délit, sa personne était inviolable ; qu'il est nécessaire de le mettre en liberté, pour qu'il vienne prendre dans l'Assemblée la place qui lui appartient.
On fait lecture d'une lettre de M. d'Agues-seau, député du bailliage de Meaux, par laquelle il prévient l'Assemblée que le Roi a établi un comité de quatre magistrats pour l'examen des affaires contentieuses des départements; que Sa Majesté a bien voulu jeter les yeux sur lui pour être un des membres de ce comité ; mais que le profond resp jct qu'il a pour l'Assemblée ne lui permet d'accepter aucune fonction étrangère à celle qu'il a l'avantage d'exercer auprès d'elle, sans lui en faire l'hommage et demander son agrément.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet objet.
lève la séance, en avertissant l'Assemblée de se rendre dans les bureaux sur les six heures du soir.
Séance du
MM. les secrétaires ont présenté des adresses de félicitation, remerciements et adhésion de la communauté du bourg de Villepreux ; de la ville de Saint-Avold en Lorraine ; des officiers municipaux et des députés des communes de Lanion ; des trois ordres ue Sain t-Li mule d'Agénois ; des citoyens de la ville d'Argenton en Berry; du conseil politique de Pamiers, et des députés de la généralité; des habitants, du corps municipal et conseil politique de Tulle; des officiers du présidial de la même ville ; des habitants de la ville de Château-Renard, et des députés des paroisses de Triguerres, Douchy, Moncorbon, Chuelles, Saint-Firmin-des-Bois, La Selle en Hermoy, Saint-Germain, Melleroy, Chenevenoult-les-Nonains, la Chapelle-sur-Laverouet Dioy; des trois ordres de la communauté d'Albon ; des citoyens de la ville de Monllucon ; de la ville de Pau en Béarn; des juges de la juridiction des baronnies du Faouet, Barrégan, vicomté de Meslan, et annexes de celle de la commanderie de Saint-Jean du Croisty, et autres membres en dépendant, qui déclarent se soumettre en entier à l'arrêté de l'Assemblée nationale du 4 de ce mois, et renoncer à toutes immunités et à tous privilèges qui pourraient empêcher la régénération de la nation; delà ville et communauté de Vannes; du comité d'administration de la ville de Châ-teau-Gontier en Anjou; des habitants de la ville et île de Bouin ; des citoyens de la ville de Ghollet ; des trois ordres de la ville de Bourg-Saint-Andéol en Vivarais ; de la bourgeoisie d'Haguenau, et des électeurs de la campagne du Nivernois et Donziois.
Il est donné lecture du procès-verbal de la séance du 17 et de celui de la séance du 18 août.
MM. le marquis de Mesgrigny et Camusat de Belombre, députés de la sénéchaussée de Troyes, remettent sur le bureau l'expédition d'une délibération prise, Je 15 de ce mois, par les officiers du bailliage et siège présidial de Troyes, portant qu'à compter de ce jour, cette compagnie jugera gratuitement tous les procès et contestations, tant civils que criminels, qui seront portés en son tribunal en première instance et par appel.
(2). Messieurs, les officiers du bailliage dont nous avons l'honneur d'être députés ont prévenu nos vœux ; saisis d'une juste admiration pour le noble désintéressement des magistrats qui sont dans cette auguste Assemblée, et jaloux de les imiter, ils nous chargent de vous représenter l'acte particulier de leur zèle patriotique; il nous est d'autant plus doux de vous offrir cet hommage, que leur empressement à se dévouer les premiers pour la chose publique lui donne un nouveau prix.
L'Assemblée ayant désiré la lecture de cet arrêté, un de MM. les secrétaires a lu ce qui
suit :
« La compagnie du bailliage de Troyes, assemblée pour conférer sur les affaires présentes, considérant les grands et mémorables travaux que Nosseigneurs de l'Assemblée nationale ont entrepris pour le soulagement du peuple, l'établissement d'une Constitution solide et durable, le bonheur de la nation et la gloire du nom français ;
« Pénétrée de la plus respectueuse admiration pour le zèle et les motifs de nosdits seigneurs ; persuadée que l'hommage le plus pur et le plus agréable qu'elle puisse offrir à l'Assemblée nationale de son dévouement, serait de-faire jouir le plus promptement qu'il est en elle, les peuples de son ressort, des heureux effets de cette bienfaisance qui anime et dirige les décisions de cette auguste Assemblée ;
« Considérant que ce bailliage étant le premier des grands jours de la province dont la ville de Troyes est la capitale, lui doit l'exemple des vertus qui réfléchissent de l'Assemblée nationale;
« La compagnie a arrêté unanimement et déclaré qu'à compier de ce jour, elle jugera gratuitement tous les procès et contestations, tant civils que criminels, qui seront portés à son tribunal en première instance et par appel ;
« Promettent et s'engagent les officiers de ladite compagnie, soussignés, sur leur honneur et leur devoir, tant pour eux que pour leurs confrères absents, d'exécuter la présente déclaration ;
« Persuadée du désintéressement qui anime les juges de son ressort, la compagnie les invite de même dans ce moment à rendre la justice gratuite, et à redoubler d'efforts et de zèle pour procurer à tous leurs justiciables le même avantage ; les invitant et leur enjoignant néanmoins de vider procès mus et à mouvoir ; "ordonne qu'il y sera pourvu à la diligence du procureur du Roi par la compagnie elle-même, selon son autorité, par toute voie due et raisonnable ;
« Arrête en outre que la présente déclaration sera incessamment présentée à Nosseigneurs de l'Assamblée nationale, pour être très-humblement suppliés de lui donner son approbation.
« Fait et arrêté dans la ville de Troyes, le 15 août 1789. »
Après la lecture de cet acte de désintéressement et de patriotisme, les plus vifs applaudissements se sont fait entendre dans l'Assemblée.
député de la noblesse d'Aix, dit : Messieurs, lorsque l'honorable membre qui vous traça hier un si beau plan d'ordre judiciaire témoignait le désir de voir les parlements concourir avec ardeur à la construction de ce grand édifice, je souhaitais vous apporter, au nom du parlement d'Aix, son adhésion respectueuse. Assuré des sentiments de cette compagnie, qui donna dans tous les temps l'exemple du désintéressement, et qui, dès le mois de mars dernier, a renoncé, sans qu'on l'exigeât, à l'exemption des tailles dont elle jouissait depuis sa création, j'étais certain qu'elle s'empresserait de professer les principes de cette auguste Assemblée. Je m'estime heureux de pouvoir être aujourd'hui son interprète, et de présenter à l'Assemblée nationale les témoignages de sa confiance et de son respect.
présente et dépose sur le bureau un arrêté de la teneur suivante :
Extrait des registres du parlement seant in Aix, du smaedi 8 aout 1789
« Les Chambres ayant été assemblées, sur ce qui a été proposé que la cour doit, avant la tin de ses séances, taire parvenir à l'Assemblée nationale ses vœux et ses hommages, la matière mise en délibération, la cour a unanimement arrêté de charger M. D'André, conseiller en i celle, de présenter à l'Assemblée nationale, dont il a l'honneur d'être membre, les témoignages de son respect et de son amour, d'assurer l'Assemblée de son adhésion aux maximes qu'elle soutient avec une si généreuse fermeté, de la contiance entière dans laquelle est la cour que la Constitution qui va être donnée au royaume fera le bonheur du peuple français et des habitants de cette province, et que l'ordre, la paix, la cessation des troubles et la réunion des cœurs, seront les fruits heureux des lois sages auxquelles auront concouru tant de vertus et de lumières réunies.
« Signé: d'Albert Saint-Hippolyte.
« Collationné. Signé: Sancisies. »
L'Assemblée témoigne qu'elle reçoit avec satisfaction les hommages du parlement d'Aix.
député de Lorraine, demande à l'Assemblée d'entendre la lecture d'une lettre qui lui est adressée par M. l'évêque de Saint-Dié ; elle est conçue en ces termes :
« Le vœu connu de l'Assemblée nationale, concernant la pluralité des bénéfices, me paraissant aussi conforme à la justice qu'à l'esprit de l'église, je n'hésite pas à opter entre les deux que je pos-^ sède, et j'envoie aujourd'hui à M. l'archevêque de Vienne la démission de mon évêché. * (On applaudit vivement.)
M. Rédon s'étant excusé d'entrer au comité de recherches et d'informations, parce qu'il était nommé du comité des matières féodales , M. Bu-zot, qui avait réuni le plus de suffrages après les membres dernièrement élus pour le comité de recherches a été nommé pour y remplacer M. Rédon.
La discussion sur la déclaration des droits, présentée par le comité des cinq, est reprise.
Après avoir comparé les divers plans de déclaration des droits avec celle de M. de Lafayette, j'ai vu que cette dernière est le texte dont les autres ne forment que le commentaire. Je trouve dans le plan de M. Mounier les mêmes maximes augmentées de plusieurs autres. Je conclus pour celui de M. de Lafayette, qui est simple et clair, et qui réunit en peu de mots les droits primitifs de l'homme. Je désire seulement qu'on y ajoute: « que l'homme a un droit sacré à sa conservation et a sa tranquillité, et que l'Etre suprême a fait les hommes libres et égaux en droits. »
Le principe de toute société consiste dans la propriété et dans la liberté.
L'homme perd de cette liberté à raison de ce que la loi lui défend.
L'homme perd de sa propriété par les contributions qu'il doit à la chose publique.
Telles sont les restrictions que l'on doit apporter aux principes fondamentaux.
11 semble, au surplus, que c'est les reconnaître
que de promettre à chacun liberté, sûreté et propriété.
Si les principes sont certains, si chacun connaît ses droits, il paraît qu'il est plus facile de les concevoir que de les exprimer ; chacun de nous a senti que si c'était notre devoir d'éclairer nos concitoyens sur leurs droits, il n'était pas moins prudent de les éclairer sur l'exercice de ces mêmes droits; c'est un flambeau salutaire dans les mains de l'homme sage et paisible, qui devient une torche incendiaire dans les mains d'un furieux.
Sans doute tous les principes que l'on nous a présentés sont vrais en eux-mêmes ; mais il a fallu étayer les conséquences qui pouvaient devenir dangereuses.
Aussi cette méthode a-t-elle gêné tous ïes auteurs; tantôt il a fallu taire des principes, tantôt il a fallu les circonscrire. C'est ainsi qu'il a fallu prévenir les fausses interprétations. C'est à vous à guider le peuple dans les routes obscures où il serait entraîné. C'est à vous à l'instruire.
Vous allez lui indiquer ses droits; mais ces droits supposent des devoirs: il est incontestable que les uns ne peuvent exister sans les autres; ils ont entre eux des idées relatives. Il est incontestable ( en effet, qu'aucun citoyen n'a de droits à exercer, s'il n'y a pas un autre citoyen qui ait des devoirs à remplir envers lui.
Il faut donc établir que les droits ne peuvent exister sans les devoirs; ainsi, lorsque nous établissons que la vie de l'homme, son honneur, son travail, forment sa propriété, il convient cependant de dire qu'il en doit une portion à la patrie. Ainsi il convient encore d'ajouter que, lorsque l'on porte atteinte à ses droits, il ne doit pas repousser la force par la force, mais recourir à la justice.
Nous n'oublierons pas surtout de rappeler à l'homme qu'il ne tient pas la vie de lui-même; que les vertus sont récompensées. C'est par la méditation de ces vérités que l'on rétablit la morale et que l'on parvient à rendre les hommes vertueux.
Un membre a présenté un projet qui, dans deux colonnes, renferme les droits de l'homme et les devoirs du citoyen. Cette forme éprouvera peut-être des difficultés ; mais jamais on ne doit renoncer au mieux. Et si l'Assemblée n'en reconnaît pas la nécessité, elle ne peut se refuser à celle d'y céder.
Je demande donc une déclaration qui renferme les droits et les devoirs de l'homme en société.
Pour trancher le nœud gordien, je propose qu'à la place d'une déclaration des droits, on mette simplement à la tête de la Constitution : pour le bien de chacun et de fous, nous avons arrêté ce qui suit, etc.
Vous avez deux grands inconvénients à éviter : le premier, de vous traîner sur les pas des préjugés; le second, de vous égarer dans les détails obscurs de la métaphysique, et de substituer des maximes artificielles aux vérités simples de la nature : il faut remonter au principe générateur et en suivre les conséquences. Il existe, et il doit en exister un qui embrasse tous les droits et tous les devoirs de l'homme; c'est celui de veiller à la conservation de son être; les autres n'en sont que la suite naturelle.
propose d'aller aux voix pour admettre ou rejeter la discussion du projet
proposé par le comité des cinq, article par article.
Il est arrêté presque unanimement de ne pas s'en occuper.
II fallait cependant un projet quelconque, comme un canevas sur lequel l'Assemblée rédigerait une déclaration.
voyant qu'on refusait la proposition de choisir un des projets présentés, réfute avec beaucoup de précision les objections qu'on lui avait faites la veille, sur le danger à opiner pour ce choix dans les bureaux. La forme de l'appel des voix, dit-il, est une opération fatigante et défectueuse. L'ennui des lectures pourrait faire adopter par lassitude un projet qui ne serait pas le meilleur. Dans les bureaux, au contraire, chacun jouira de son suffrage et de sa liberté, en indiquant le nom de l'auteur et le titre du projet; les listes des bureaux ne seront pas des résultats, mais de simples résumés; les membres sont plus rapprochés, et les inexactitudes moins fréquentes. Cette méthode est plus courte que celle de l'appel en assemblée générale, puisque dans les bureaux on appellera trente membres à la fois.
représente que l'Assemblée a rejeté d'avance la manière de prendre les voix par bureaux. Il regarde comme une subtilité de dire que les résumés des bureaux n'étaient pas des résultats.
oppose le règlement qui ne permet pas d'autre forme de délibérer que par assis ou levé et par l'appel des voix en cas de doute sur la majorité; ce qui exclut l'appel des voix par bureaux.
s'y oppose aussi, et dit qu'il désire qu'on mette en délibération les différents projets proposés.
fait valoir en faveur des projets de déclarations proposés par les membres du comité de Constitution la même considération qui avait fait délibérer sur le projet proposé par le comité des cinq.
L'Assemblée nationale a décrété qu'une déclaration des droits de l'homme serait mise en tête de la Constitution à établir: ainsi il n'y a plus à revenir sur cette question.
Ce serait peut-être un argument pour ceux qui trouvaient quelques inconvénients à cette déclaration que la difficulté que nous éprouvons à en arrêter une, la diversité de celles qui nous ont été présentées, les débats qui s'élèvent sur les textes, sur le sens de la plupart, sur leur trop grande étendue ou sur leurs bornes trop circonscrites, sur la profondeur de l'une, que l'onappelle obscurité, et sur la simplicité de l'autre, que l'on traite de faiblesse.
Si, entre douze cents que nous sommes, nous avons tant de peine à nous réunir sur la manière d'entendre cette déclaration, croirons-nous que l'intelligence de vingt-quatre millions d'hommes s'y fixed'une manière uniforme?
"Les Anglais, c'est-à-dire le peuple du monde entier qui entend le mieux la science du gouvernement, je ne crains pas de le dire, j'avais besoin de le dire, et lorsque nous naissons à peine à cette science, en vérité il y a trop de témérité à
nous de prétendre rabaisser ceux que dts siècles de méditation et d'expérience ont
éclairés, et que la nature n'a pas doués inégalement entre tous hs hommes delà faculté de
penser et de recueillir; les Anglais, dis-je,ont plusieurs actes qui constatent leurs droits
et qui sont les fondements de leurs libertés. Dans tous ces actes, soit sous leur grande
charte sous le roi Jean, soit dans leurs différentes pétitions, et sous les trois Edouard,
sous Henri IV, soit dans leurs pétitions des droits sous Charles Ier, soit enfin dans leur bill du droit et dans leur acte déclaratoire sous Guillaume,
ils ont constamment écarté toutes ces questions métaphysiques, toutes ces maximes générales
susceptibles de dénégation, de disputes éternelles, et dont la discussion atténue toujours
plus ou moins le respect dû à la loi qui les renferme ; mais ils y ont substitué de ces
vérités de fait qu'on ne peut entendre que d'une manière, qu'on ne peut réfuter d'aucune, qui
n'admettent ni discussion ni définition, et qui réduise la mauvaise foi elle-même au silence.
Ainsi, quand ils ont dit qu'aucun homme ne soit emprisonné ou arrêté que par un jugement
légal de ses pairs, la liberté des Anglais est devenue un axiome, personne n'a eu besoin de
raisonner, personne n'a osé disputer, chacun a su qu'il était maître de lui, et que la loi
seule pouvait entreprendre sur sa liberté, et que c'était de lui que la loi tenait ce
pouvoir.
C'est sans doute une grande et belle idée que celle d'exposer tous les principes pour en tirer toutes les conséquences; de faire remonter tous les hommes à la source de leurs devoirs ; de les pénétrer de la dignité de leur être avant de leur assurer la jouissance de leurs facultés, et de leur montrer la nature avant de leur donner le bonheur.
Mais je demande, et c'est le seul objet du rapprochement que je viens de faire, je demande ce que j'ai déjà demandé il y a longtemps, que l'on écarte de cette idée le mal qui peut se placer à côté du bien dans les meilleurs institutions ; je demande que cette déclaration de droits soit aussi courte, aussi claire, aussi réduite qu'il se pourra; que, le principe posé, on se hâte d'en tirer la véritable conséquence, pour que d'autres n'en tirent pas une fausse, et que, après avoir transporté l'homme dans les forêts, on le reporte sur ie-champ au milieu de la France.
J'ai lu toutes ces déclarations; j'ai admiré la profondeur des unes, la sagacité des autres. Le projet proposé par M. Mirabeau est satisfaisant sous un rapport; c'est un ce ceux.qui ont le plus écarté toutes ces subtilités métaphysiques. Plusieurs articles peuvent et doivent remplir toutes les vues; mais d'autres sont trop vagues : plusieurs principes, justes en eux-mêmes, mais trop généralisés, pouvaient entraîner des conséquences effrayantes; l'article 3, par exemple, pourrait entraîner des dangers incalculables.
J'avoue qu'aucune ne m'a paru aussi claire, aussi simple, aussi sévèrement conformes aux principes, et cependant aussi sagement adaptée aux convenances, aux lieux et aux temps, que celle projetée par M. Mounier. J'y trouve celle de M. de Lafayette, dont je fais un grand cas, et je -l'y trouve encore perfectionnée. Je crois qu'on pourrait même la réduire, y faire quelques changements, y joindre le début de celle qu'a proposée hier M. de Mirabeau. Je l'inviterai surtout à y joindre un article que j'ai trouvé dans celle de M. Pison du Galand, sur le rapport de l'homme avec l'Etre suprême ; qu'en parlant de la nature on parle de son auteur* et qu'on ne
croie pas pouvoir oublier, en formant un gouvernement, cette première base de tous les devoirs, ce premier lien des sociétés, ce frein le plus puissant des méchants, et cette unique consolation des malheureux L'article de M. du Ga-land est applicable à tous les cultes, à toutes les religions ; j'insiste pour qu'il fasse partie de la déclaration; j'insiste pour que M. Mounier soit invité à corriger, d'ici à demain, soi projet de déclaration, et à le mettre sous les yeux de l'Assemblée.
Si cette déclaration devait encore entraîner plus de débats, je me joindrais à l'avis qui a été ouvert hier de marcher en avant sur les points de la Constitution, sauf à revenir ensuite sur les principes généraux dont nous les faisions précéder. Je ne serai point effrayé de l'inconséquence qu'on voudrait reprocher a ^ette marche. Les principes de fait que nous avons à établir sont indépendants des principes de raisonnement d'où nous voulons les faire dériver.
Ces principes de fait sont les seuls qui nous soient tracés, qui nous soient dictés par tous nos commettants; notre fidélité est comptable de ceux-là; c'est notre zèle qui a voulu rechercher les autres. Enfin le peuple attend, le peuple désire, le peuple souffre; ce n'est'pas pour son bonheur que nous le laissons plus longtemps en proie aux tourments de la crainte, aux fléaux de l'anarchie, UX passions mêmes qui le dévorent et qu'il reprochera un jour à ceux qui les ont allumées. 11 vaut mieux qu'il recouvre plus tôt sa liberté, sa tranquillité ; qu'il recueillesplus tçt les effets, et qu'il connaisse plus tard les causes.
Il y a deux manières de voter; elles sont fixées par le règlement; c'est la voie de l'appel nominal, ou le vote par assis et levé.
Je m'oppose au vote dans les bureaux qui a été demandé.
Je propose d'aller aux voix par assis et levé sur chaque projet de déclaration des droits en suivant l'ordre de leur présentation, et d'accepter celui qui aura réuni le plus de suffrages.
La première question à résoudre me semble celle-ci : ira-t-on aux voix?
Sur cette question il y a unanimité.
Sera-t-il procédé par la voie de l'appel au choix d'une des déclarations des droits de l'homme et du citoyen, soumises à l'Assemblée, sous la réserve expresse que la déclaration préférée sera ensuite discutée article par article?
Cette question est résolue affirmativement.
En conséquence il a été procédé à l'appel des voix pour choisir la déclaration de droits dont les articles seraient d'abord discutés. La pluralité des suffrages s'est réunie en faveur de celle qui a pour titre : Projet de déclaration des droits de l'homme et du citoyen, discutée dans le sixième bureau de l'Assemblée nationale (1). La déclaration de M. l'abbé Sieyès a obtenu le plus de voix après celle-ci.
a dit que l'imprimeur avait
La proposition faite à l'Assemblée de se réunir ce soir à sept heures, pour entendre différents rapports, a été agréée à la pluralité des voix.
MM. les Secrétaires ont lu la liste des trente dépulés choisis dans le nombre des quatre-vingt-dix nommés dans les trente bureaux, pour former deux comités de quinze chacun ; le premier, sous le titre de : Comité des matières ecclésiastiques ; le second, sous le titre de : Comité de judicature.
MM. les Secrétaires. ont aussi présenté, de la part du sieur Leclerc, écuver, chevalier des ordres du Roi, membre de plusieurs académies, un manuscrit intitulé : Exposition succincte de ce que la raison dicte à tous les hommes pour éclairer leur conduite et assurer leur bonheur sous toutes les formes de gouvernement.
11 a été rendu compte du projet ou titre de la médaille votée dernièrement par l'Assemblée nationale. On est convenu que ce projet et le dessin de la médaille resteraient au secrétariat pour y être soumis aux observations des membres de l'Assemblée, et qu'ensuite il en serait délibéré.
a invité le comité des rapports à s'assembler à cinq heures, celui des subsistances à six heures; ainsi que les trente membres désignés pour former les deux comités des matières ecclésiastiques et civiles, afin de se distribuer dans ces deux comités.
La séance est continuée à 7 heures du soir.
Séance du soir.
L'Assemblée, qui avait été indiquée à -sept heures et demie, est ouverte par un rapport du comité de vérification, relatif à la députation du Couserans. Le point de difficulté consistait à savoir si la députation du Couserans était complète, et si M. Isle devait être considéré comme député direct, ou simplement comme suppléant.
entendu, la discussion faite, l'Assemblée décrète que M. Isle sera suppléant.
Sur la réflexion faite que le député direct du pays des Quatre-Vallées n'a pas paru à l'Assemblée, on propose que M. Isle conserve sa place jusqu'à ce que ce député se présente.
L'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à délibérer quant à présent.
rapporte une affaire concernant la municipalité des villes deGivet et Charlemont, dont les habitants réclament, avec des formes uu peu-vives, une reddition de comptes, au sujet de la vente des grains, et de la mauvaise qualité des farines.-
dit avoir reçu un mémoire particulier sur cette affaire.
L'Assemblée autorise M.' le président à renvoyer au pouvoir exécutif, afin quele compte des officiers municipaux de ces deux villes soit rendu à la commune.
avant ensuite rapporté une réclamation faite par la commission intermédiaire
de la province d'Alsace, à raison de la publication d'une lettre écrite par un député sur les événements mémorables de la nuit du 4 août, il s'est élevé quelques débats, pour savoir si Ton ferait la lecture des pièces qui avaient donné lieu à la réclamation.
M. le vicomte de Mirabeau, MM. les évêques de Langres et de Saintes, demandent cette lecture ; mais l'Assemblée, après avoir entendu M. Lavie qui a rendu compte des faits, déclare qu'il n'y a lieu à délibérer.
Le rapport des affaires particulières étant terminé, M. le comte de Mirabeau fait une motion tendant à ranimer le crédit national.
Messieurs, il n'est sans doute aucun de nous qui ne sente l'importance du crédit national, et qui ne prévoie combien il sera nécessaire d'en faire usage, pour remplir les engagements que nous avons déclarés inviolables.
Nous devions espérer que les revenus publics resteraient du moins ce qu'ils étaient jusqu'au moment où vous les remplaceriez par des contributions plus sagement assises et plus équitable-ment réparties. Mais, dans le trouble et l'anarchie où les ennemis de cette Assemblée ont plongé le royaume, des perceptions importantes ont disparu, et il est devenu tous les jours plus difficile de pourvoir aux dépenses que nécessitent les besoins de l'Etat.
Ce malheur ne les rend ni moins urgentes ni moins considérables. Au contraire, en même temps que de nouveaux déficits se forment, il est chaque jour plus important de se précautionner contre l'anarchie. Nous devons craindre surtout d'exposer le royaume au désespoir qui résulterait d'une longue cessation de payements que fournit le revenu public. La chaîne de ceux qui subsistent nar la circulation de ces payements est immense. On y rencontre sans doute des hommes assez riches pour supporter de grandes privations ; mais ces riches sont des agents de la circulation, et si elle s'arrêtait dans leurs mains, la pénurie atteindrait une foule d'individus qui ne peuvent être privés de rien sans sacrifier de leur j)lus étroit nécessaire. A ceux-ci se joindrait cette masse d'hommes que la cessation des salaires ou des rentes qu'ils reçoivent immédiatement du Trésor public jetterait aussi dans la misère. Et qui peut calculer les effets d'une telle suspension, dans le moment où tous les citoyens attendent avec inquiétude un meilleur régime, mais où rien encore n'est remplacé ?
Cependant nous ne pouvons pas rétablir soudainement les finances. La sagesse et la maturité doivent présider à cet important ouvrage.
Quelle est donc la ressource de l'Etat dans des circonstances aussi critiques ? Le crédit national ; et certes, Messieurs, il devrait n'être pas difficile de l'établir. Le royaume reste encore le même. L'ennemi ne l'a pas dévasté. Les pertes que nous avons faites sont calculables. En considérant la nation comme un débiteur, elle est toujours riche et puissante ; elle est loin d'avoir reçu aucun échec qui puisse la rendre insolvable.
Que la concorde se rétablisse, et le numéraire caché, de quelque manière que ce soit, reparaîtra bientôt, et les moyens de prospérité reprendront une activité nouvelle, une activité augmentée de toute l'influence de la liberté.
11 est donc nécessaire, il est donc urgent de nous occuper du crédit. Heureusement ce n'est pas une œuvre compliquée. Il suffit de conuaitre
les causes qui le suspendent. Il suffit, du moins en ce moment, de se pénétrer du besoin de les faire cesser; et bientôt le crédit renaîtra ; bientôt il nous fournira les moyens d'attendre paisiblement que le revenu public suffise à toutes les dépenses.
Ces considérations m'ont fait un devoir, Messieurs, de vous parler aujourd'hui de l'emprunt que vous avez décrété. Jusqu'à présent on y porte peu d'argent. N'attendons pas qu'on vienne nous dire qu'il ne se remplit point. Apercevons de nous-mêmes que, sans un changement favorable au crédit, cet emprunt ne sera pas réalisé avant que de nouveaux besoins d'emprunter arri-vent, et nous trouvent dans les mêmes perplexités.
Laissons là les vaines déclamations contre les financiers, les gens d'affaires, les banquiers, les capitalistes. A quoi serviraient les plaintes qui s'élèveraient contre eux dans cette Assemblée, si ce n'est à augmenter les alarmes ?
Quand il ne serait pas souverainemsnt injuste de revenir sur des contrats revêtus de toutes les sanctions, qui depuis deux siècles obtiennent notre obéissance, chercherons-nous à travers des mutations journalières le créancier que nous voudrions trouver trop riche de nos prodigalités? Si nous le trouvions, qui de nous oserait le punir de n'avoir pas repoussé des gains séduisants et offerts par des ministres restés impunis! Mais si les difficultés d'une aussi odieuse recherche nous la rendent impossible, frapperons-nous en aveugles sur les propriétaires d'une dette respectable sous tous ses aspects? Car vous n'avez pas oublié, Messieurs, que c'est la fidélité du Roi envers les créanciers de l'Etat qui nous a conduits à la liberté, et que si, écoutant les murmures dont je parle, il eût voulu se constituer débiteur infidèle, il n'était pas besoin qu'il nous délivrât de nos fers ?
Loin donc d'inquiéter les citoyens par des opinions que nous avons solennellement flétries, appliquons-nous à maintenir sans cesse sur la dette publique une sécurité sans laquelle les difficultés deviendront enfin insurmontables.
Nous avons voulu déterminer l'intérêt de notre emprunt; nous nous sommes trompés. Le ministre des finances ne pouvait pas lui-même le fixer avec aucune certitude.
Il comptait sur un mouvement patriotique; son opinion nous a entraînés. Mais lorsque des mesures sont indispensables, faut-il faire dépendre leur succès d'un sentiment généreux?
Ce sentiment ne pouvait agir que par une entière confiance dans l'Assemblée nationale. Mais tout en méritant cette confiance par nos intentions et par notre dévouement sans bornes à la chose publique, ne lui avons-nous donné aucune atteinte involontaire?
On s'éclairera de plus en plus sans doute sur les circonstances qui ont hâté vos arrêtés du 4 de ce mois, et avec le temps vous n'aurez pas même besoin d'apologie : il n'en est pas moins vrai que si ces arrêtés eussent paru lentement, si les discussions qui les ont suivis les eussent précédés, il n'en serait résulté aucune inquiétude sur les propriétés. Certainement elles n'ont reçu aucune atteinte; mais, pour reconnaître cette vérité, il faut que l'on s'accoutume à distinguer ce qui appartient à la nation d'avec ce qui appartient aux individus, et ces abstractions ont à lutter contre l'habitude.
Je vous ai dit, Messieurs, que nous avions voulu contre la force des choses fixer l'intérêt de l'emprunt. Cette fixation n'a pas été seule-
ment intempestive; elle a produit un autre mal.
Nous avions mis la dette publique sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté nationale, et en fixant l'intérêt de notre emprunta quatre et demi pour cent, sans égard au prix actuel des effets royaux, lequel rapporte un intérêt beaucoup plus considérable, il a paru que nous voulions établir une différence entre la dette contractée et celle que nous résolvions de contracter. Nous avons semblé dire que l'une nous sera plus sacrée que l'autre : contradiction malheureuse ! Elle était loin de notre intention. Mais la défiance raisonne peu, et les formes de cet emprunt ont ainsi donné des alarmes sur la dette publique, tandis qu'il devait être considéré comme un moyen d'en assurer le remboursement.
Pensé-je donc que nous devions décréter un emprunt à un intérêt égal à celui que rend le prix actuel des fonds publics? Non, Messieurs; mais, en autorisant l'emprunt, nous devions laisser au ministre, dont les intentions ne sont pas suspectes, le soin d'en régler les conditions selon l'exigence de3 conjonctures.
Tout ce que je viens d'avoir l'honneur de vous exposer est très-simple, et vous y auriez pourvu si nous avions en général plus de temps pour nous consulter sur les questions importantes, si nos délibérations étaient plus tranquilles, si, ne pouvant rien sans la réflexion, on nous laissait plus de moyens pour réfléchir.
Je ne saurais trop le répéter, Messieurs : le respect pour la foi publique est notre sauvegarde, et le crédit national est dans ce moment l'unique moyen de remplir les devoirs qu'elle nous impose. Quand, par impossible, nous voudrions suivre la détestable maxime qu'il n'est point de morale en politique, avons-nous dans les mains une force publique qui se chargeât de contenir la juste indignation des citoyens?
Nous ne pouvons compter ni sur le crédit du Roi, ni sur celui du ministre des finances. Quand tout est remis par le roi, par ses serviteurs, par la force des événements, dans la main de l'Assemblée nationale, est-il possible de pourvoir à la chose publique par un autre crédit que celui de la nation? Et si les volontés ne se réunissent pas dans l'Assemblée nationale, où se formera le crédit public? A quel état de confusion ne marcherons-nous pas?
Je propose donc d'arrêter que l'Assemblée nationale, persévérant invariablement dans l'intention la plus entière de maintenir la foi publique, et considérant la nécessité urgente des fonds de l'emprunt décrété le 9* août, à l'intérêt de quatre et demi pour cent, autorise Sa Majesté à employer les moyens que la situation des affaires et les besoins impérieux du moment lui paraîtront exiger, pour assurer à l'emprunt un succès plus prompt, lors même que ces moyens apporteraient quelques modifications à l'article 4 de l'arrêté du 9 août.
La publicité de cet arrêté suffira pour dissiper les fausses craintes que des fatalités imprévues ont fait naître , et les personnes qui dépendent du maintien de la foi publique sentiront de plus en plus qu'il est de leur intérêt de seconder les intérêts de l'Assemblée nationale, puisqu'elles tendent au rétablissement de l'ordre public, sans lequel les mesures les plus sages ne peuvent avoir aucun succès.
La motion de M. le comte de Mirabeau est mise sur le bureau. — Quelques membres représentent qu'il n'y a pas encore assez de temps écoulé pour
que les ordres aient pu parvenir chez l'étranger, et même dans nos provinces éloignées ; que si les capitalistes de Paris veulent pressurer l'Etat, il faut s'adresser aux provinces, y créer des caisses d'escompte.
L'Assemblée, après avoir ordonné l'impression de la motion et le renvoi aux bureaux, se sépare de dix à onze heures, avec indication au lendemain matin.
La séance est levée.
Séance du
à l'ouverture de la séance, a rendu compte de la lettre qu'il avait reçue de M. le marquis de Montesson, député du bailliage du Mans, qui lui envoyait sa démission, et a proposé qu'il fût remplacé par M. le comte de Praslin, son suppléant, dont les pouvoirs avaient été remis au comité de vérification : ce qui a été agréé.
Un de MM. les secrétaires a fait lecture de la liste des membres qui composent les comités des affaires du clergé et de judicature. Le résultat du scrutin a donné pour membres du Comité des affaires ecclésiastiques :
MM.
Lanjuinais.
D'Ormesson.
Grand in.
Martineau.
Delalande.
Le prince de Robecq.
Sallé de Choux.
Treillhard.
MM.
Legrand.
Vaneau.
Durand de Maillane.
L'évêque de Clermont.
Despatys de Courteiiles.
L'évêque de Luçon.
De Bouthillier.
et pour membres du Comité de Judicature :
MM.
Gossin.
Dinocheau.
Dufraisse-Duchey.
Jouye des Roches.
Lofncial.
Meunier-du-Breuil.
De Mortemart.
Henri de Longuève.
MM.
Milscent.
Piffon.
L'évêque de Saintes.
Target.
Tellier.
De Sillery.
Girauld Duplessis.
conformément à l'arrêté de la veille, a soumis à la discussion de l'Assemblée |3 projet de déclaration du sixième bureau.
député de Paris. Si ce bureau existait encore, je serais bien surpris de voir la préférence que l'on a donnée à cette déclaration. Ce n'était qu'un simple canevas que chacun des membres de ce bureau se proposait de remplir ; l'on avait cru d'abord devoir en exclure tous les détails, en faire ensuite un corps plus méthodique et plus complet ; enfin il faut le rendre capable ae recevoir un tissu plus fort et d'une ordonnance plus digne de l'Assemblée.
Cette déclaration ne contient pas des principes contestés ; elle est courte, simple
On l'a dit avec raison, jamais la déclaration n'aura qu'une perfection relative. Dans les circonstances où nous sommes, vctre position est très-embarrassante. Vous avez promis à la France une déclaration des droits ; vous sentez les difficultés d'un travail aussi pénible. Les difficultés viennent de ce que la matière est nouvelle pour nous ; le temps nous presse ; il faut marcher en avant et placer au dehors les remparts que nous voulions placer au dedans. 11 me semble que, pour abréger, on doit passer les douze premiers articles : ils ne contiennent que des vérités connues, ou pas assez importantes. Je proposerai de commencer notre travail par le treizième article.
Le premier principe d'une déclaration doit être de faire servir la force et les moyens de tous à maintenir le bonheur de tous ; celui de la réunion des hommes en société n'a pu avoir d'autre motif. Faites respecter les droits de tous et de chacun : voilà tout ce que vous avez à faire. Je propose ce préambule :
« Les représentants de la nation française, réunis en Assemblée nationale, chargés de rédiger la Constitution de l'Etat, après avoir invoqué l'Etre suprême ;
c Considérant que le but de toute société est de manifester, d'étendre et d'assurer les droits de l'homme et du citoyen ;
« Qu'aucun corps politique constitué ne peut excéder les bornes du pouvoir;
« Qu'il est surtout indispensable d'ôter au corps législatif tous les moyens d'en abuser, en ie renfermant dans la défense des droits de l'homme, et qu'il importe de constituer tous les autres pour que les droits que des citoyens tiennent de la nature soient à l'abri de toute atteinte ;
« En conséquence, elle déclare les articles suivants, où les pouvoirs constitués'trouveront les limites dans lesquelles ils doivent être renfermés. »
J'appuie le préambule de M. de Laborde, et je réponds à M. Desmeuniers, qui a avancé que la déclaration ne pouvait avoir qu'une perfection relative. Une déclaration doit être de tous les temps et de tous les peuples ; les circonstances changent, mais elle doit être invariable au milieu des révolutions.
Il faut distinguer les lois et les droits : les lois sont analogues aux mœurs, prennent la teinte du caractère national ; les droits sont toujours les mêmes. Quant au préambule de M. de Laborde, je proposerais d'ajouter deux principes incontestables: : >
« 1° L'homme n'entre en société que pour acquérir, et non pour perdre ;
« 2° Toute société est le résultat d'une convention. »
Ce sont là les deux principes que je voudrais insérer dans le projet.
Des idées simples et sublimes, des réflexions touchantes ont entraîné toutes les opinions vers le préambule de la déclaration du sixième bureau. Ce préambule n'annonce que des vérités déjà bien connues ; mais l'art avec lequel elles sont dites semble les rajeunir. Comment peut-on dire avec plus de
noblesse, avec plus de dignité, que l'homme pour être libre se met sous la protection de la force commune ?
Ce qui me touche davantage encore, c'est l'invocation à l'Etre suprême ; l'on n'y dit pas que nous tenons nos droits de la nature ; c'est un pacte que la nation fait sous les auspices delà Divinité. Eh ! qu'est-ce que la nature ? quelle idée présente-t-elle ? C'est un mot vide de sens, qui nous dérobe l'image du créateur pour ne considérer que la matière. Voici le préambule que je proposerai :
« Les représentants du peuple français, réunis en Assemblée nationale,
« Considérant que l'ordre social et toute bonne Constitution doivent avoir pour base des principes immuables ; que l'homme, créé avec des facultés et des besoins, et, par conséquent, avec le droit inaliénable d'exercer les unes et de'satisfaire les autres, ne s'est soumis au régime d'une société politique que pour mettre ses droits sous la protection d'un^ force commune ;
* Considérant que les gouvernements n'existent que pour l'intérêt des gouvernés, et non pour l'intérêt de ceux qui gouvernent ; et qu'il est essentiel d'annoncer à tous les membres du corps social leurs droits inaliénables et imprescriptibles, afin que les réclamations des citoyens, fondées sur des principes incontestables, puissent en même temps tourner et servir au maintien des lois et au bonheur de tous ;
« Voulant enfin consacrer, au nom du peuple français et en présence de l'Etre suprême, les droits imprescriptibles de tout citoyen, déclarent qu'ils reposent sur les vérités suivantes, etc. »
après avoir proposé de mettre à la tête de ia Constitution l'ouvrage du plus grand des législateurs, le décalo-gue, lit un préambule qui, comme il le dit lui-même, avait le mérite d'être court. Il soutient que ces mots, sûreté, propriété, liberté, renfermaient tous les droits ; et que si l'on se livre aux subtilités métaphysiques, on risque de n'être entendu que de très-peu de personues, et admiré de celles qui ne comprendraient pas.
propose une tout autre forme de préambule ; celle de faire part des circonstances qui ont rendu nécessaire une déclaration des droits :
«L'an 1789, la 16eannée du règne de Louis XVI, les représentants réunis en Corps législatif ;
« Considérant que, depuis longtemps et particulièrement depuis quelquesannées, les contributions des peuples ont été dissipées, tes trésors publics épuisés, la sûreté, la liberté et la propriété violées d'une manière indigne ;
« Considérant que les causes de ces désordres tiennent à l'ignorance du peuple, à l'oubli des devoirs de la part du pouvoir exécutif, ont arrêté les articles suivants..... t
Plusieurs membres insistent pour qu'on mette dans le préambule ces mots : en présence de l'Etre suprême ; d'autres observent que la présence de l'Etre suprême étant partout, il est inutile de l'énoncer.
évêque de Nîmes, soutient aveçforce la première opinion. C'est une, idée triviale, a-t-oû dit, que l'homme tient son existence de Dieu. Plût à Dieu qu'elle le fût encore davantage, et qu'elle ne fût jamais contestée 1
Mais quand on fait des lois, il est beau de les placer sous l'égide de la Divinité.
ramenant celte discussion aux faits historiques, disent que les législateurs de Rome,-de la Russie et de l'Amérique ont invoqué l'Etre suprême dans les premières pages de leur code.
Après avoir relu les divers préambules proposés, on s'arrête à celui du projet rédigé par le comité des cinq, sur lequel M. Desmeuniers fait quelques corrections d'après les observations faites dans la discussion. Il est adopté en ces termes :
« Les représentants du peuple français, constitués en Assemblée nationale, considérant que l'ignorance, l'oubli ou le mépris des droits de l'homme sont les seules causes des malheurs publics et de la corruption des gouvernements, ont résolu d'exposer, dans une déclaration solennelle, les droits naturels, inaliénables et sacrés de l'homme, alin que cette déclaration, constamment présente à tous les membres du corps social, leur rappelle sans cesse leurs droits et leurs devoirs; afin que les actes du pouvoir législatif et ceux du pouvoir exécutif, pouvant être à chaque instant comparés avec le but de toute institution politique, en soient plus respectés; afin que les réclamations des citoyens, fondées désormais sur des principes simples et incontestables, tournent toujours au maintien de la Constitution et au bonheur de tous.
« En conséquence, l'Assemblée nationale reconnaît et déclare, en présence et sous les auspices de l'Etre suprême, les droits suivants de l'homme et du citoyen.... »
On fait lecture des dix premiers articles.
Le premier article du projet qui vous est soumis parle de désirs et de besoin; ce n'est pas une déclaration de désirs que nous avons à faire. Le second, je ne l'entends pas, et je doute que mes commettants puissent l'entendre.
Le troisième, le quatrième et le cinquième peuvent se réunir ensemble, et c'est ainsi que je le propose, d'aprèfl l'avis de M. de Lafayette:
« Les droits inaliénables et imprescriptibles de l'homme sont la liberté, la propriété, la sûreté, l'égalité des droits, la conservation de son honneur et de sa vie, la communication de ses pensées et la résistance à l'oppression. »
Quant à cette dernière partie, j'observerai qu'elle est sans danger; elle est dans notre constitution de Provence que nous abandonnons, parce que nous espérons que vous nous en donnerez une meilleure.
propose de supprimer les dix premiers articles, et d'y substituer ceux-ci:
« Art. 1er. Chaque homme tient de la nature le droit d'user de
ses facultés, sous l'obligation de ne pas nuire à l'exercice des facultés d'autrui ; l'un est
son droit, l'autrejest son devoir.
« Art. 2. La sûreté, la liberté et la propriété ; l'un, qui est le droit de jouir; l'autre, qui est le pouvoir exclusif de posséder certaines choses; c'est là ce qui constitue le droit des hommes.
« Art. 3. Les moyens etles facultés deshommes ne sont pas le's mêmes: et le but de toute société est de maintenir l'égalité au milieu de l'inégalité des moyens.
« Art. 4. Lorsque les hommes perdent de leurs droits en se réunissant dans la société civile, ils
acquièrent une plus grande assurance de les confirmer.
« Art. 5. Hors delà société, il n'y a aucune garantie. Dans la société, au contraire, la loi garantit tous les droits. »
évêque de Langres, propose de substituer l'article suivant aux deux premiers articles :
a L'auteur de la nature a placé dans tous les hommes le besoin et le désir du bonheur, et les facultés d'y parvenir; et c'est dans le plein et entier exercice de ces facultés que consiste la liberté. »
archevêque d'Aix, et un autre orateur terminent la discussion. Le premier a parlé avec éloquence ; le second avec une prolixité qui a ennuyé les galeries, surtout lorsqu'il a dit que la société commençait avec la mère et le fils. Les tribunes et les galeries se vident; alors M. de Mortemart observe que la séance est irrégulière ; le règlement porte qu'elle doit être publique, et les galeries sont désertes.
L'heure était très-avancée, et cependant l'Assemblée n'avait encore rien adopté.
présente les articles suivants:
« Art. 1er. Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en
droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l'utilité com-♦mune.
« Art. 2. Le but de toute association politique est la conservation des droits naturels et imprescriptibles de l'homme. Ces droits sont: la liberté, la propriété, la sûreté et la résistance à l'oppression.
«Art. 3. Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la nation. Nul corps, nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. »
Ces articles sont adoptés.
dit que, depuis un mois, il est arrivé à Paris et dans les environs plusieurs convois de froment escortés par des volontaires présents à cette Assemblée. Elle leur en a témoigné sa satisfaction par de vifs applaudissements.
La séance est levée, et les bureaux sont invités à s'assembler à six heures du soir pour s'occuper de l'emprunt.
PRÉSIDENCE DE M. LE .COMTE STANISLAS DE CLERMONT-TONNERRE.
Séance du
Un de MM. les secrétaires a fait lecture d'un acte souscrit le 8 août en la ville de Quimper en Bretagne, par cinquante gentilshommes qui s'y sont trouvés réunis ledit jour. Par cet acte, ces gentilshommes s'empressent de déposer entre les mains des communes de ladite ville l'expression de leurs sentiments patriotiques et leur adhésion aux arrêtés de l'Assemblée nationale, relative-
ment à tous les objets qui sont et qui seront décidés par elle. Cet acte adressé au sieur Kerve-legan, député à l'Assemblée nationale, avec une lettre d'envoi, signée du sieur Kerquelon-Pen-nenjean, doyen, des cinquante gentilshommes, et du sieur de Carné leur secrétaire, a été déposé sur le bureau de l'hôtel de vitle de Quimper.
On a lu ensuite les procès-verbaux des deux séances de l'Assemblée nationale du 19, et celui de la séance d'hier.
s'est excusé d'accepter la nomination qui a été faite de lui pour le comité des informations, attendu qu'il a déjà été nommé dans son bureau membre du comité de rédaction.
a mis à la discussion l'article 7 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen.
prenant la parole, présente deux articles ayant pour objet de développer d'une manière plus énergique les principes des articles 7, 8, 9 et 10 du projet du comité.
Voici en quels termes ils sont rédigés :
t 1° La liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui : ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a évidemment de bornes que celtes qui assurent à tous les autres membres de la société la jouissance des mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi.
« 2° La loi ne peut défendre que les actions évidemment nuisibles à la société : tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »
Ces nouveaux articles sont devenus l'objet des débats.
Plusieurs amendements ont été proposés.
demandent la suppression du mot évidemment, placé dans le premier article. Si ce mot évidemment subsiste, disent-ils, c'est rendre tous les citoyens juges de la loi : il en résultera pour le législateur une incapacité de défendre les actions nuisibles; chacun dira : la loi n'a pas dû défendre cette action parce qu'elle n'est pas nuisible : donc la loi sera nulle.
Le mot évidemment est retranché.
propose un amendement. Le second article commençait ainsi : la loi ne peut défendre, etc. Il propose de changer le mot peut en doit.
s'élève contre cette proposition ; il trouvait plus d'énergie dans le mot peut. La déclaration des droits, dit-il, est pour empêcher les abus du Corps législatif. Substituerez-vous le mot doit; c'est supposer à ce corps la faculté, la puissance d'en commettre, et ce mot le réduit à une incapacité absolue. Pour abréger cette discussion, un membre a proposé, par forme de sous-amendement, de mettre les deux mots ne peut et ne doit. L'amendement de M. Martineau est adopté.
évêque de Langres, voulait ajouter la liberté civile et proposait de dire la liberté civile consiste, etc.
Cette objection a entraîné dans une discussion
sur le droit naturel et sur le droit civil. Ml l'évêque de Langres disait qu'il ne peut être question ici de la liberté naturelle, mais delà liberté politique; que telle action était conforme à l'une et contraire à l'autre. Cette opinion a été combattue par plusieurs membres, et surtout par MM. Populus, Volneyet Rhédon.
Jusqu'à présent les articles ne peuvent être entendus que de l'homme qui n'est pas encore en état de société; et là où il n'y a pas de société, il ne peut y avoir de loi. C'est quand la loi est faite que la société se forme, et que l'homme est alors placé sous l'empire de la loi. De quoi s'agit-il jusqu'ici, dans la déclaration des droits? De la liberté naturelle, des droits que tout homme apporte en naissant. Ce n'est donc pas encore ici le moment de parler de la liberté; il s'agit, non pas de l'homme gêné dans l'exercice de ses droits, mais de l'homme avec la plénitude de ses droits. La liberté porte sur les droits naturels ou sur des conventions. Parlez vous des premiers, alors vous ne pouvez prononcer que le seul mot de liberté. Parlez-vous de la liberté conventionnelle, alors vous parlez de la liberté civile.
Ces réflexions font rejeter l'amendement de M. l'évêque de Langres.
M. de Lameth a voulu abréger, je vais abréger davantage. Il vous propose deux articles ; je n'en propose qu'un : c'est celui du comité des cinq. Le voici :
« La liberté du citoyen consiste à n'être soumis qu'à la loi, et à n'être tenu d'obéir qu'à l'autorité établie par la loi ; à pouvoir faire, sans crainte de punition, tout usage de ses facultés qui n'est pas défendu par la* loi. *
Un membre s'élève contre la définition de la liberté donnée par M. de Lameth. Ce n'est pas assez, dit-il, de dire que la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; il faut dire davantage. Il faut intéresser les mœurs et les commander; c'est là le premier but des lois. Nous avons une définition plus exacte et plus noble dans les premières lois de l'univers: Liber-tas est non solum quod liceat, sed etiam quod ho-nestum sit.
On va aux voix sur les articles et les amendements, et la rédaction de M. de Lameth est décrétée ainsi qu'il suit :
« 1° La liberté consiste à faire tout ce qui ne nuit pas à autrui ; ainsi l'exercice des droits naturels de chaque homme n'a de bornes que celles qui assurent aux autres membres de la société la jouissance de ces mêmes droits. Ces bornes ne peuvent être déterminées que par la loi ;
« 2° La loi n'a le droit de défendre que les actions nuisibles à la société. Tout ce qui n'est pas défendu par la loi ne peut être empêché, et nul ne peut être contraint à faire ce qu'elle n'ordonne pas. »
On met ensuite à la discussion l'article XI, destiné à rappeler une des plus belles prérogatives attachées au nom de citoyen, celle.de pouvoir être admis à toutes les places et emplois de la société.
Vous voulez exciter l'émulation, en apprenant à tous les hommes que dans un empire bien constitué la dignité de leur vocation est la même, et que les préjugés ne doivent pas jouir de ce qui n'appartient qu'au
talent. Je propose en conséquence de donner une forme plus énergique et plus étendue à l'article XI, eu statuant surtout que le droit d'exercer les divers emplois de la société ne peut être arbitraire ni exclusif.
C'est par de pareilles expressions que, dans leurs déclarations des droits, les Américains ont extirpé tous les germes des aristocraties.
propose l'article suivant pour remplacer les articles 11, 12, 13, 14 et 15e du projet :
« Du principe de l'égalité civile dérive que les peines portées par la loi doivent être infligées sans aucune distinction, suivant les délits et les crimes, et que les emplois et les places doivent être accordés, sans aucune distinction, aux talents et à la vertu ; tous les citoyens y sont admissibles suivant la mesure de leur capacité. »
propose d'autres articles qui trouvent beaucoup d'approbateurs :
c Art. Ier. La loi est une convention des citoyens réunis- elle
se forme par la volonté générale. Comme il n'est personne qui n'ait concouru par soi-même ou
par ses représentants à la formation de la loi, il n'est personne aussi qui ne soit obligé de
s'y soumettre ; il n'est personne qui ne soit forcé de faire ce qu'elle commande; il n'est
personne qui ne soit forcé de ne pas faire ce qu'elle défend.
c Art. 2. S'il résiste, il se révolte contre la loi.
« Art. 3. Tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi doit se soumettre à la loi, ou au magistrat qui parle au nom de la loi.
« Art. 4. Tout citoyen ne peut être appelé, saisi ou mis en prison, qu'au nom de la loi, que dans les cas prévus par la loi, et avec les formes qu'elle a prescrites.
« Art. 5 . Tous les hommes sont égaux aux yeux de là loi; elle inflige à tous les mêmes punitions, et elle les appelle tous aux dignités, aux places et aux emplois de la société, sans autre distinction que celle des talents et de la vertu. »
a présenté ensuite un projet qui laissait subsister l'article IX du projet du sixième bureau et le dernier de |Ê Martineau.
« Art. 1er. Les lois n'étant que des conventions faites par la
société, chaque citoyen doit y concourir par lui-même ou par ses représentants.
« Art. 2. La volonté de la loi subsistant dans l'ordre des volontés particulières, ne peut imposer la nécessité d'obéir à ce qu'elle ne prescrit pas. »
Ces deux articles ne remplissant pas ce que portent les articles qu'on veut supprimer, l'Assemblée ne marque aucun empressement de les adopter.
est le seul qui parle en faveur de l'article 11 du sixième bureau; il y fait un amendement, celui de retrancher le mot récompense.
propose également, sans aucun succès, les articles suivants :
« Art. 1er. La loi est l'expression de la volonté générale ;
elle seule peut commander par l'organe des magistrats, et tous les citoyens y sont soumis.
« Art. 2. Tous les citoyens ont le droit de coopérer médiatemen t ou immédiatemen t à sa forma tion. Tous les citoyens doivent aussi jouir également des avantages qu'elle procure. Ainsi ils sont fous
appelés, sans distinction, à tous les emplois civils, ecclésiastiques et militaires.
« Art. 3. Aucun citoyen ne peut être arrêté, accusé ni puni, que dans les cas prévus parla loi; tous les citoyens, coupables de même crime, sans distinction, sont sujets aux mêmes peines. »
croient qu'il est plus conforme à la série naturelle des idées de placer et traiter l'article 12 avant le 11, comme étant relatif à établir le caractère que doit avoir la loi; mais la motion de M. de Volney n'a pas réussi.
propose une rédaction qui embrasse plusieurs articles.
veut qu'on se borne à rédiger le onzième, et que l'on y conserve l'expression du devoir de tout citoyen, d'être comptable de ses talents, de son industrie et de ses vertus à la société.
La déclaration des droits étant le guide du législateur, on ne doit pas employer des expressions qui puissent le gêner; il est possible que dans la législation on déclare le genre de propriété nécessaire pour être juge ou comptable en finances, et il ne faut pas compromettre des idées de cette importance par des expressions vagues ; on ne peut pas dire que tous les citoyens ont le droit d'être appelés, mais bien qu'ils sont admissibles, sans distinction de naissance, suivant leurs talents ou leur capacité.
député de la noblesse, insiste _ a? sur les mots, selon leur capacité. Tous les citoyens ne sont pas également capables, dit-il, vous ne voulez pas sans doute faire un soldat d'un curé.
propose ensuite un article unique qui rendait avec précision le vœu des cinq articles.
les réduit à deux ; M. l'évêque de Langres, MM. Lanjuinais, Du port, Salé de Choux et autres membres, font diverses observa-tions qui ont été terminées par une autre rédaction de M. Buzot et une autre de M. Legrand.
évêque d'Autun, fait une rédaction plus heureuse, qui a réuni tous les suffrages à la première lecture. Elle est conçue en ces termes :
« La loi étant l'expression de la volonté générale, tous les citoyens doivent concourir personnellement ou par représentation à sa formation; elle doit êl rela même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elfe punisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux, sont susceptibles de toutes les places, de tous les emplois publics, selon leur capacité. »
L'Assemblée témoigne son empressement à adopter cet article, elle demande à aller aux voix.
On allait y aller sur chaque projet par ordre de priorité, la motion de M. l'évêque d'Autun étant la dernière, lorsque M. Barnave fait une motion tendant à donner la priorité à cette motion, et à la mettre en délibération. La motion de,M. Barnave est accueillie; cependant un de Messieurs les secrétaires donne lecture de tous les arrêtés divers et projets de rédaction. Après quoi l'on revient à celle de M. Févèque d'Autun.
propose par amendement d'ajouter à la fin de la rédaction ces mots: selon leur capacité ; un autre membre, de changer susceptibles en admissibles; un troisième veut qu'on ajoute sans distinction; un quatrième, de naissance.
On commence par aller aux voix sur le mot admissibles; l'amendement passe à la majorité.
On vient ensuite au second amendement, selon leur capacité; cet amendement passe encore à la majorité.
Un membre s'écrie que la délibération a été enlevée sans discussion.
Une partie de l'Assemblée, dont le mot capacité paraissait contrarier fortement le vœu, demande que le décret qui admet l'amendement de M. Mou nier soit déclaré nul.
Je m'oppose à ce que cette question (savoir s'il y a un décret ou non) soit proposée; je m'y oppose en mon nom, au nom de mes commettants, au nom de la liberté. Nous sommes ici pour établir la Constitution, pour affermir la liberté. 11 n'y aura plus l'ombre de liberté si, lorsqu'une Assemblée aussi respectable vient de rendre un décret, on peut revenir contre, sur le mécontentement de la minorité; nos débats seraient interminables.
Cette sortie a fait d'abord une sensation désagréable dans l'Assemblée, qui bien tôt a été différemment affectée, lorsqu'on a'entendu la lecture du sous-amendement de M. de Tollendal; le voici : au lieu de sans distinction de naissance, il propose de mettre: sans autre distinction que celle de leurs talents et de leurs vertus.
Ce sous-amendement passe à la presque unanimité, après quoi l'on va enfin aux voix sur la rédaction de M. l'évêque d'Autun. Elle est admise à l'unanimité et avec les amendements, en ces termes :
« La loi est l'expression de la volonté générale. Tous les citoyens ont le droit de concourir personnellement, ou par leurs représentants, à sa formation. Elle doit être la même pour tous, soit qu'elle protège, soit qu'elle puflisse. Tous les citoyens étant égaux à ses yeux sont également admissibles à toutes dignités, places et emplois publics, selon leur capacité, et sans autre distinction que celle de leurs vertus et de leurs talents. »
La séance est levée à quatre heures et demie. M. de Clermont-Tonnerre en annonce la continuation pour sept heures du soir.
Séance du soir.
annonce plusieurs adresses.
Un de MM. les secrétaires rend compte de celle de Gié-sur-Seine, en date du 16 du courant, qui porte adhésion aux arrêtés de l'Assemblée nationale, et félicitation sur ses principes ;
De celle de Briare, du même jour, portant félicitation et expressions les plus vives de l'allégresse publique, et communication des mesures de prudence prises par la ville pour l'exécution du décret de sûreté et de tranquillité du royaume;
De celle de Milhau-en-Rouergue, en date du 8 noûf, contenue dans un procès-verbal d'assemblée
de la municipalité et des habitants de cette ville' La délibération desdits habitants tend à assurer la paix publique, la perception des deniers royaux, l'exécution des Jois, l'obéissance aux tribunaux existants, et à former une association pour le bien public avec les villes de Villefranche et de Rhodez, et toutes les autres communautés qui voudront y adhérer.
L'Assemblée ordonne l'impression de la délibération de la commune de Milhau, et vote des" témoignages de satisfaction à lui donner en son nom par M. le président de l'Assemblée nationale.
Extrait des registres des délibérations de la ville de Milhau en Rouergue (1).
« Cejourd'hui huit août mil sept cent quatre vingt-neuf, les officiers municipaux et la commission extraordinaire dé la ville de Milhau, assemblés dans l'hôtel de ville, M. de Bonald, maire, a dit:
« La ville de Milhau a la première réclamé les droits de sa province ; et dans un moment où l'extrême agitation des esprits semble faire oublier l'autorité des lois, relâcher les lieus de la société et en altérer jusqu'aux principes, elle sera la première encore à réclamer les droits de l'homme et du citoyen, le respect des lois et de l'humanité. Lors des terreurs qui ont affligé eette contrée, elle a vu, avec autant d'intérêt que de sensibilité, les différentes communautés s'unir pour le salut commun, les citoyens abandonner leurs foyers pour voler à la défense de leurs frères, partout les sentiments les plus affectueux d'accord et de fraternité ; elle a même vu cesser dans son sein les divisions qui depuis longtemps en troublaient l'harmonie: tous les ordres, tous les citoyens se sont rapprochés et réunis. Empressée de faire jouir ses frères des avantages inappréciables de la paix et de la tranquillité, certaine de retrouver dans toutes les communautés les mêmes dispositions à l'union et à la concorde dont elles viennent de donner un si touchant exemple, elle ose, au nom de la patrie, les appeler à une confédération plus noble et plus digne d'elles, à une confédération d'honneur, de vertu, de respect pour les lois.
t Ce n'est plus l'étranger qu'il faut repousser ; ce sont nos frères, c'est nous-mêmes qu'il faut préserver des efl'ets d'une fermentation dangereuse, qui écarterait loin de nous le calme et le bonheur, s'opposerait au succès des vues paternelles du souverain et de nos représentants, et nous rendrait indignes de la Constitution qu'ils nous préparent. •
« Que d'autres provinces l'emportent sur lanôtre par les progrès des arts et du commerce, par la fertilité de leur sol ou le nombre de leurs habitants ; assez riches, assez forts quand nous serons unis et vertueux, nous ferons envier aux autres contrées Je calme dont nous jouirons ; nous saurons, au milieu des circonstances les plus orageuses, conserver les vertus de nos ancêtres, Je respect pour les lois et l'amour du souverain.
«Sur quoi les officiers municipaux et la commission extraordinaire de la ville de Milhau, et tous ses habitants réunis dans les mêmes sentiments, considérant:
« Que la nation nous appelle à la liberté et non à la licence ; que la liberté, ou le droit
de faire
«Que tout excès, toute violation de l'ordre public est un attentat contre la société dont on est membre, un crime de lèse-patrie, qu'il tend à précipiter dans les horreurs de l'anarchie et de la discorde ;
« Que l'Etat où des communautés, où des particuliers se croiraient en droit, au mépris des lois et des tribunaux, de se faire justice à eux-mêmes par le pillage, le meurtre, l'incendie, ou autres violences également répréhensibles, est un Etat de désordre et de férocité capable d'entraîner la subversion totale de la patrie ; ont unanimement arrêté:
« Que les villes de Rhodezetde Villefranche, auxquelles la ville de Miihau se fait gloire d'être unie par les liens les plus étroits qui puissent exister entre des compatriotes; que toutes les autres communautés de la province seront invitées de se joindre à elle, pour arrêter solennellement :
« Que toutes communautés, tous particuliers qui se permettraient aucun excès, aucune infraction à l'ordre public, aucune entreprise sur la vie, l'honneur ou les propriétés des citoyens, qui refuseraient d'obéir à tous officiers investis d'une portion de l'autorité légitime, de payer les impôts existants, sanctionnés par l'Assemblée nationale dans ses arrêtés du 17 juin dernier, ou d'adhérer aux décrets des Etats généraux revêtus de la sanction du souverain ; qui donneraient enfin à la province le scandaleux exemple d'une conduite illégale ou séditieuse, seront dénoncés à la province et notamment aux prochains Etats provinciaux, flétris du sceau odieux de la révolte et du crime ; qu'aucune communauté ne pourra, dans aucun cas, se joindre à elles, ni les secourir; et que, frappés de cette excommunication civile, privées de tous leurs droits, séparées des autres communautés, elles ne seront comptées parmi elles que pour le payement des impôts, à l'octroi desquelles elles n'auront pas même concouru; -
« Que toutes les communautés qui voudront adhérer à cette résolution patriotique, seront tenues d'en instruire au plutôt les villes, chef-lieux de leur élection respective, au greffe desquels on tiendra à cet effet un registre où seront inscrits les noms des communautés adhérentes, et ledit registre sera présenté à la première Assemblée des Etats provinciaux comme un monument d'honneur et de patriotrisme. Et ont signé : de Bonald, maire; du Four, lieutenant de maire; Descuret, Paillories, Besset et Bors, consuls; Olier, vicaire perpétuel ; Duchesne, chanoine ; l'abbé de Bonni-Fons, le vicomte de Vezins ; de Grandsacgnes, de Sapientis, la Fajole de Com-bettes; Richard, procureur du Roi; Despradels, Fabre, Mercier, Mazars, Tibaut, Fontaneilles, greffier ; et au-dessous est écrit : Gollationné, signé: Fontaneilles, greffier, avec paraphe. *
Un de MM. les Secrétaires donne ensuite lecture de la lettre suivante :
Lettre de M. , évêque de Saint- Claude, à l'Assemblée nationale (1).
« Messeigneurs, en proscrivant la mainmorte et
« Je m'estime heureux, Messeigneurs, de faire encore au bien général le sacrifice de la plus belle prérogative de mon siège, d'une haute justice qui, par un privilège unique dans le royaume, connaît de tous les cas royaux, dans un district beaucoup plus étendu que celui de la plupart des bailliages? mais je dois vous observer, Messeigneurs, que la suppression delà granae judicature de Saint-Claude, comprise dans celle de toutes les justices seigneuriales, entraîne, en ce moment, un inconvénient qui ne se trouve pas dans les terres moins étendues, et qui ressortissent toutes à quelques juges royaux : c'est la cessation actuelle de toute justice distributive à plus de quarante mille citoyens sur les frontières du royaume. Ils réclament l'érection instante d'un bailliage royal, à l'instar de ceux de la province, pour remplacer l'ancien tribunal.
« Je suis, etc.
« Votre, etc.
« Signé f T.-J.-B., évêque de Saint-Claude.
« St-Claude, le
L'Assemblée ordonne l'impression de la lettre, et charge M. le président d'écrire à ce digne évêque une lettre approbative de sa conduite et de ses sentiments.
Un membre du comité des rapports rend compte d'une demande présentée à l'Assemblée nationale par les deux députés nobles de Villefranche de Rouergue, ainsi que des pièces qui étaient leur requête, et qui détaillent les violences exercées envers l'un d'eux, et les risques qu'ils avaient courus par l'effet jes préventions de quelques personnes de la province.
Conformément à cette demande, on donne acte aux deux députés des démarches instantes qu'ils ont faites vis-à-vis le juge-mage de Villefranche de Rouergue, pour obteuir une assemblée de la noblesse de leur sénéchaussée; assemblée qui avait pour objet l'extension de pouvoirs dont ils avaient besoin, et qu'ils auraient reçus beaucoup plus tôt sans les délais apportés à la convocation par eux provoquée dès le 2 juillet.
L'Assemblée s'occupe du sort de quatre citoyens de Marienbourg, arrêtés chez eux la nuit du 13, et transférés à Avesnes.
11 est décrété que M. le président s'informera auprès de M. le garde des sceaux des faits relatifs à leur emprisonnement, et demandera un sursis à tout jugement rendu ou à rendre dans leur affaire , jusqu'après la connaissance qui en aura été donnée à l'Assemblée, ainsi que des procédures sur lesquelles il serait appuyé.
Enfin, sur le rapport fait par un membre du comité de subsistances, d'un attroupement qui a eu lieu aujourd'hui à Versailles, par suite duquel le prix du sel a été baissé à six sous, l'Assemblée continue la délibération, et charge M. le président de prendre les renseignements relatifs, et d'en communiquer avec le pouvoir exécutif.
lève la séance, qu'il remet à demain, à l'heure ordimiinv
a la séance de l'Assemblée nationale du
ARTICLES PROPOSÉS,
Pour entrer dans la déclaration des droits, par'M de Boislandry (1),
imprimés par ordre de l'Assemblée nationale.
1.
Art. 1er. Tous les hommes sont libres et égaux par leur nature.
Art. 2. La liberté, la propriété, l'honneur, la sécurité et la vie de tous les hommes sont également sacrés et ne doivent jamais être violés.
Art. 3. Nul homme n'est plus libre qu'un autre; nul n'a plus de droit à sa propriété qu'un autre; tous les hommes doivent jouir, par la loi, de la même garantie et de la même sécurité.
Art. 4. Tout homme a droit de faire librement ce qui ne nuit pas aux autres hommes.
Art. 5. Les droitsde tous les hommes sont égaux ; ils sont imprescriptibles, inviolables; eux-mêmes ne peuvent pas s'en priver, ni en dépouiller leurs descendants.
Art. 6. La France est un pays de liberté, où aucun homme ne peut être ni main mortable, ni serf, ni esclave ; il suffit d'y vivre pour être libre.
Art. 7. Tous les hommes ne naissent pas égaux en force, en richesses, en intelligence, en adresse, en esprit, en talents; mais ces inégalités disparaissent devant la loi, qui doit protéger tous les hommes sans distinction et de la même manière.
Art. 8. Tout citoyen qui est dans l'impuissance de pourvoir à ses besoins a droit aux secours publics.
Art. 9. Tout citoyen a droit aux avantages que la société procure à tous ses membres. La loi seule peut l'en priver, lorsqu'il a porté atteinte aux droits d'autrui.
Art. 10. Tout homme est libre de changer de domicile, de se transporter d une province à une autre ; de sortir du royaume et d'y rentrer quand bon lui semble.
Art. 11. Tout citoyen est également libre d'employer ses talents, son industrie, ses capitaux comme il le juge convenable à ses intérêts. Nui genre de travail ne lui est interdit; il peut fabriquer, acheter, vendre ce qui lui plaît et comme il lui plaît.
Art. 12. 11 peut faire circuler ses denrées et ses marchandises d'un bout du royaume à l'autre, librement, sans obstacles et sans entraves.
Art. 13. Aucun métier, aucun art, aucune profession ne doivent être réputés honteux, vils et dérogeants.
Art. 14. Les privilèges exclusifs sont contraires à la liberté et aux droits de tous les citoyens, ils sont préjudiciables à l'intérêt général de la société. Les jurandes, les maîtrises «ont des privilèges exclusifs et doivent être abolis.
Art. 15. Personne n'est responsable de sa pensée, de ses sentiments ni de ses opinions, même en matière de religion.
Art. 16. Tout homme est libre de professer telle religion qu'il lui plaît ; de rendre à l'Etre suprême tel culte qu'il juge convenable, pourvu qu'il ne trouble point la tranquillité des autres, ni l'ordre public.
Art. 17. La liberté de la presse est le plus ferme appui de la liberté publique.
Art. 18. Tout homme a le droit de communiquer aux autres ses pensées et ses sentiments, de les faire imprimer, de les débiter, de les faire circuler librement par la poste, ou par toute autre voie, sans avoir jamais à craindre aucun abus de confiance, toujours cependant sous la condition de ne pas donner atteinte aux droits d'autrui ; les lettres en particulier doivent être sacrées, et ne doivent jamais être ouvertes ni interceptées.
Art. 19. Aucun citoyenne doit être arrêté, jugé, condamné, ni saisi, si ce n'est suivant les formes prescrites par la loi.
Art. 20. Aucune loi ne , peut avoir d'effet rétroactif; toute loi qui ordonnerait la punition d'un délit avant qu'elle fût établie serait injuste, oppressive, et incompatible avec la liberté.
Art. 21.11 n'y a de délits que les actions qui nuisent à la liberté, à la propriété et à la sûreté des citoyens, et tous les délits doivent être prévus par la loi.
Art. 22. Aucun citoyen ne peut être arrêté, si ce n'est en vertu d'un décret légal prononcé par les juges compétents.
Art. 23. Tout ordre ministériel, toute lettre de cachet, tendant à faire arrêter, exiler ou emprisonner un citoyen arbitrairement et sans formes légales, doivent être prpserits à jamais.
Art. 24. Aucun homme, aucun agent du pouvoir exécutif, aucun corps, aucune collection d'hommes, n'ont droit d'attenter à la liberté, à la propriété, à la vie d'un citoyen, lors même qu'il serait présumé coupable de' crime, si ce n'est en vertu d'une loi solennellement promulguée, et suivant les formes qu'elle a prescrites.
Art. 25. Tout homme arrêté en vertu d'un décret légal doit être déposé dans un lieu particulier à ce destiné (autre que la prison), où il sera gardé avec soin, mais traité avec tous les égards dus à un citoyen. Il sera interrogé dans les vingt-quatre heures de sa détention, et il ne pourra être envoyé en prison que sur la décision de douze pairs ou jurés.
Art. 26. Toute recherche domiciliaire, toute visite ou saisie de papiers, autres que celles qui sont ordonnées ou permises par la loi, doivent être .interdites.
Art. 27. Tout citoyen domicilié, accusé d'un crime qui ne sera pas capital, doit être élargi, en fournissant une caution suffisante qui sera déterminée par le juge, sur la décision de douze pairs ou jurés.
Art. 28. Tout citoyen, accusé et détenu en prison, doit être jugé dans les trois mois qui suivront sa détention. 11 ne pourra être condamné à auc une autre peine que celle qui aura été fixée 'par la loi, et toujours sur la décision de douze jurés qui le déclareront coupable du crime dont il aura été accusé.
Art. 29. Les informations et la première instruction d'un procès criminel doivent toujours être faites dans le lieu où le crime a été commis.
Art. 30. Un accusé ne doit pas être jugé sur sa déclaration ni sur son propre témoignage.
Art. 31. Tous genres de tortures doivent être abolis.
Art. 32. L'instruction et le jugement des crimes doivent êire publies. Le libre usage des moyens naturels et légitimes de défense doit être accordé aux accusés; ils peuvent se faireassister d'avocats à leur choix, ou en demander au juge.
Art. 33. Il ne doit pas être imposé des amendes excessives et exorbitantes.
Art. 34. Les peines doivent être proportionnées aux délits; elles ne doivent jamais être cruelles et elles doivent être les mêmes pour toutes les classes de citoyens sans distinction.
Art. 35. L'assassinat, etc..., sont les seuls crimes qui doivent être punis de mort- Un assassin ne doit pas obtenir de grâce.
Art. 36. La confiscation des biens des condamnés est contraire à la justice; la loi peut seulement ordonner sur leurs biens le payement des frais de procédure.
Art. 37. Tout accusé déclaré innocent par un jugement doit être dédommagé par ses accusateurs ou par l'Etat, si ses accusateurs sont insolvables; et l'indemnité doit être plus considérable si l'accusation a causé la privation ou la suspension de sa liberté.
Art. 38. Tout homme ayant droit d'être jugé sur la décision de ses pairs, les jugements par jurés doivent être établis, même en matière civile, lorsqu'il s'agira de faits ou de propriétés contestés.
§2.
Art. 39. Toute propriété est inviolable.
Art. 40. Aucun citoyen ne peut être privé de la faible portion de sa propriété sans son consentement ou celui de ses représentants légitimes, et dans le cas où l'intérêt public exigerait de lui le sacrifice de sa propriété en toutou en partie, il doit en être préalablement dédommagé par des avantages équivalents.
Art. 41. Les rivières navigables et les grands chGmins, quant à l'usage, appartiennent à tous les citoyens ; et quant à la propriété, ils n'appartiennent à personne.
Art. 42. Il est libre à tout propriétaire ou cultivateur de détruire sur ses terres toute espèce de gibier nuisible à ses propriétés.
Art. 43. Tout membre de la société ayant droit d'exiger d'elle que sa propriété, sa liberté et sa vie soient protégées, est tenu de contribuer en raison proportionnelle de ses facultés et sans aucune distinction de rang ni de nature de biens, au maintien de la force publique, conservatrice de toutes les propriétés et des droits de tous les citoyens.
Art. 44. Toutes les contributions et tous les impôts doivent être payés de la même manière et sous la même forme par tous les citoyens.
Art. 45. Les citoyens ne doivent payer d'autres impôts que ceux qui ont été librement consentis par eux ou par leurs représentants.
§3'.
Art. 46. Le principe de toute souveraineté réside dans la nation ; nul corps, nul individu, n'ont d'autorité que celle qui en émane expressément.
Art. 47. La nation française étant trop nombreuse pour exercer elle-même la souveraineté a droit de déléguer ses pouvoirs à des représentants.
Art. 48. La représentation ne peut avoir lieu que par élection.
Art. 49. Les élections doivent être libres, et les pouvoirs ne doivent être confiés que pour un terme très-court. Tout homme, né Français, ou naturalisé, majeur, domicilié et contribuant aux charges de l'Etat, a droit d'élire et d'être élu, comine représentant de ses concitoyens, aux assemblées nationales, provinciales ét municipales.
Art. 50. Le droit d'établir la Constitution, de la changer, de la modifier, de la réformer, appartient à la nation, ou à une Assemblée de représentants à qui elle en aura expressément délégué le pouvoir.
Art. 51. Les Français ne doivent obéir qu'aux lois faites par la nation ou ses représentants.
Art. 52. La loi est le résultat de la volonté générale.
Art. 53. Le pouvoir de faire des lois, de les abroger, de les réformer, d'en suspendre l'exécution, ne peut être exercé que par la puissance législative constituée par la nation ; la puissance législative a droit de s'assembler d'elle-même annuellement, ou à des époques plus ou moins rapprochées qui seront fixées par la Constitution.
Art. 54.11 est essentiel au bonheur des citoyens et à la conservation de la liberté publique que la puissance législative et le pouvoir exécutif soient entièrement distincts et séparés.
§ 4.
Art. 55. Il est inutile à la nation que le pouvoir exécutif soit,entre les mains d'un seul, du Roi ; les limites de ce pouvoir doivent être fixées par la nation, et réglées par la Constitution.
Art. 56. La personne du Roi est sacrée, inviolable, et la seule au-dessus de l'atteinte des lois; le Roi chargé du pouvoir de faire exécuter la loi est son organe ; il ne peut ni vouloir ni ordonner rien qui soit contraire à la loi.
Art. 57. Les ministres du Roi et tous les agents de son autorité sont responsables de leur gestion à la nation ou à ses représentants.
§ 5.
Art. 58. La nation ou ses représentants doivent régler la puissance judiciaire ; la Constitution doit fixer les degrés de juridictions, déterminer et limiter les pouvoirs des juges.
Art. 59. La vénalité des charges, et particulièrement de celles de judicature, est incompatible avec un gouvernement libre.
Art. 60. L'indépendance et le bon choix des juges sont essentiels à l'administration impartiale de la justice et à la conservation de la liberté des citoyens.
Art. 61. Les juges doivent conserver leurs places pendant tout le temps qu'ils les rempliront avec équité et avec sagesse ; la puissance législative doit fixer des émoluments raisonnables et suffisants, afin que la justice soit rendue gratuitement.
Art. 62. Les citoyens de toutes les classes doivent être admis à toutes les charges et à tous les emplois sans autre titre que leurs talents et leur capacité.
Art. 63. A l'exception cbi 11 royauté, aucune fonction publique ne doit être héréditaire, aucune ne doit être la propriété de ceux qui l'exercent.
Art. 64. Le gouvernement a pour but la félicité générale ; il est établi non pour l'intérêt de ceux qui gouvernent, mais pour l'intérêt de ceux qui sont gouvernés.
§ 6.
Art. 65. Le pouvoir militaire ne doit avoir d'autre objet que la défense de l'empire et de ses possessions contre les ennemis extérieurs.
Art. 66. Les armées nombreuses tenues sur pied en temps de paix, sont dangereuses pour la liberté des peuples, et doivent être réduites au nombre exactement nécessaire à la garde des frontières et à la conservation des colonies. Aucun corps de troupes réglées ne doit être levé ni entretenu sans le consentement de la puissance législative.
Art. 67. La défense la plus naturelle et la plus sûre d'un gouvernement libre est une milice nationale bien réglée.
Art. 68. Dans tous les temps et dans tous les cas, les militaires doivent être subordonnés au pouvoir civil.
Art. 69. La discipline militaire exige que tous les officiers et soldats, en temps de guerre et en garnison, soient jugés, dans tous les cas relatifs au service militaire, suivant des lois particulières qui seront établies ou approuvées par la puissance législative.
Art. 70. Aucun soldat, en temps de paix, ne doit être logé, ni mis en garnison chez un citoyen sans son consentement. En temps de guerre, aucun citoyen ne doit être obligé au logement des gens de guerre, que de la manière et suivant les règles déterminées par la puissance législative, dont l'exécution sera confiée aux officiers municipaux.
§ 7.
Art. 71. Il doit être établi par la nation ou ses représentants, un tribunal souverain devant lequel tous les agents du gouvernement, sans exception, qui seront accusés d'avoir prévariqué dans leurs fonctions, pourront être cités au nom et par l'autorité de la puissance législative, pour être jugés et condamnés s'ils sont coupables, aux peines qui auront été fixées par les lois.
§8.
Art. 72. Les représentants de la nation, depuis l'instant qu'ils ont été nommés, jusqu'à leur retour dans leur patrie, doivent jouir de la plus parfaite sécurité, de la plus entière liberté de parler et d'écrire; ils ne doivent être responsables qu'aux seules assemblées nationales dont ils sont membres, des discours qu'ils y auront tenus; ils ne peuvent, dans aucun temps, être inquiétés à raison de ces discours, ni par le pouvoir exécutif, ni par aucun tribunal.
Art. 73. Tous les citoyens ont le droit de s'assembler d'une manière paisible, de faire des représentations, de présenter des pétitions, soit au pouvoir législatif, soit au pouvoir exécutif, et de nommer des délégués pour en suivre l'effet.
Art. 74. La nation ayant seule le droit de-chan-ger et de rectifier la Constitution, il doit être réglé que, sur la demande des deux tiers du royaume, notifié par les adresses à.la puissance législative, il sera convoqué une assemblée nationale extraordinaire, spécialement chargée d'examiner tous les articles de la Constitution, de ré-
former et de modifier ceux dont l'expérience ou la différence des circonstances ont rendu le changement nécessaire.
Séance du
Ce jour l'Assemblée a pris communication de différentes adresses de félicitation, remerciemen ts et adhésion des villes de Blaye en Guyenne, de Mirebeau en Poitou, Mortagne, Tournon, Serières, de la sénéchaussée de Civray, de tous les ordres de la ville de Pau, qui annoncent qu'ils viennent de composer une troupe de volontaires sous le nom de Gardes-du-Berceau d'Henry IV, destinés au service du Roi et de la nation ; des adresses de Saint-Antonin en Haute-Guyenne, de Mamert en Saunois, deBaignères en Bigorre, de Villeneuve-de-Berg, de Brioude en Auvergne, des officiers de justice d'Epinal en Lorraine, des juges seigneuriaux de Fouez en Bretagne, du comité de Gran-ville, des habitants de Feurs en Forez, qui rendent cômpte à l'Assemblée du patriotisme du sieur Gouvn de Lurieu, seigneur du Palais-lês-Feurs, qui a, volontairement affranchi de tous servis, lods, mi-lods et autres droits seigneuriaux, tous les emphytéotes ou censitaires de sa terre, vivant du travail de leurs mains, tant pour l'avenir que pour tous les arrérages échus, dont il donne quittance, et promet d'accepter le remboursement de tous les autres, d'après le taux fixé par l'Assemblée. L'acte de cet abandon, passé par-devant notaire, a été remis sous les yeux de l'Assemblée. 11 a encore été fait mention des adresses d'adhésion et de félicitation des villes de Saint-Gilles, diocèse de Nîmes, Saint-Tropez et de Saint-Paul en Provence, Josselin en Bretagne, d'Orgelet en Franche-Comté, des électeurs du bailliage secondaire de Montrichard.
M. Meunier de l'Erable ayant fait hommage à l'Assemblée d'un tableau dans lequel il a classé toutes les pensions offre en même temps, en qualité de membre de la Chambre des comptes, de joindre son travail à celui du comité chargé de celte partie, et de fournir tous les renseignements qui pourraient être nécessaires.
Ces propositions sont acceptées, et il est résolu que M. le président lui écrira pour lui faire connaître les vœux de l'Assemblée.
demande qu'il soit imprimé des états de finances, au nombre de douze cents exemplaires, pour être distribués à tous les députés ; mais il n'est rien statué à cet égard.
On met à la discussion Varticle 14 du projet de déclaration ; il est conçu en ces termes :
« Nul citoyen ne peut être accusé ni trôublé dans l'usage de sa propriété, ni gêné dans celui de sa liberté, qu'en vertu de la loi, avec les formes qu'elle a prescrites, et dans les cas qu'elle a prévus. »
présente le projet suivant :
«Art. 1er. Aucun citoyen ne peut être accusé,
« Art. 2. Tout ordre arbitraire contre la liberté doit être puni. Ceux qui l'ont sollicité, expédié, exécuté et fait exécuter, doivent être punis. »
propose une rédaction qui renferme les principes de plusieurs articles du projet. II s'appuie surtout sur la nécessité d'établir dans la déclaration des droits, aue la loi ne peut jamais avoir d'effet rétroactif. 11 est, dit-il, un principe sacré sur lequel repose toute la liberté publique, un principe qui doit précéder tout code de lois. Ce principe est, que tant que la loi n'existe pas, ce qu'elle doit punir un jour n'est pas encore un crime : rien ne doit être retranché de la déclaration des droits ; et qu'y a-t-il de plus nécessaire que d'ôter à l'autorité et au despotisme la possibilité de punir des actions jusque-là réputées innocentes, au nom d'une loi qui, rendue après coup, les déclareraient criminelles?
L'orateur propose les articles suivants :
« Art. 1er. Nulle loi ne peut avoir d'effet rétroactif; mais
dès l'instant qu'elle est promulguée, elle devient obligatoire pour tous les citoyens, et
c'est dans cette soumission à la loi commune, égale pour tous, que consiste l'égalité civile.
« Art. 2. Nul ne peut être accusé, arrêté, détenu que par la loi, et suivant les formes prescrites par elle.
«Art. 3. Nul ne peut être inquiété pour Ses opinions religieuses, tant qu'il ne trouble pas le culte établi ; nul ne peut être gêné pour ses pensées, lorsqu'elles ne nuisent pas à autrui par leur publicité. »
parle ensuite. 11 étend ses vues sur une partie très-intéressante de notre droit criminel, et fait sentir que des lois douces et humaines contre les coupables font la gloire des empires et l'honneur des nations. Il expose qu'il existe en France un usage barbare de punir les coupables, lors même qu'ils ne le sont pas encore déclarés ; qu'il a vu deux fois les cachots de la Bastille; qu'il a vu ceux de ia prison du Ghàtelet, et qu'ils sont mille fois plus horribles; que cependant c'est une vérité que les précautions que l'on prend pour s'assurer des coupables ne font pas partie des peines. C'est d'après ces idées qu'il propose le projet suivant ; deux principes en sont ia base, l'égalité des peines pour les mêmes délits, et la douceur dans les moyens de s'assurer des coupables.
« Art. 1er. La loi ne peut établir de peines que celles qui
sont strictement et évidemment nécessaires, et le coupable ne peut être puni qu'en vertu
d'une loi antérieurement établie et légalement appliquée.
« Art. 2. Tout homme.étant innocent jusqu'à ce qu'il soit condamné, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire -pour s'assurer de sa personne aoit être sévèrement réprimée. »
J'appuie fortement les deux-articles proposés par M. Duport. La société a besoin de se faire pardonner le dro't terrible de donner la mort à un être vivant. S'il était un pays où ie despotisme judiciaire exerçât ses ravagés ; s'il était un pays où de malheureuses rivalités d'état excitassent les passions, où la mort d'un homme put être la jouissance de la vanité
d'un autre ; s'il était un pays où l'on eût rassasié d'opprobres un malheureux accusé par le despotisme d'un seul homme, ne serait-il pas nécessaire d'y rappeler les juges à l'humanité et à la justice? Sachons supporter la vérité ; ce pays est celui que nous habitons, mais aussi celui que nous régénérons.
J'applaudis également à celte motion; mais je propose d'ôter le mot accuse ; parce que ce n'est pas la loi qui acuse, mais l'homme seul.
Je propose un autre amendement qui porte sur la partie de la motion relative aux lettres de cachet ; je crois qu'il suffit de dire que tout homme est soumis à la loi, et que ce serait affaiblir ce principe que de prendre des mesures pour s'opposer encore à une exception que la force y a apportée pendant longtemps.
Un autre membre veut rendre le ministre seul responsable de l'ordre arbitraire, et soustraire à la responsabilité les officiers subalternes.
Cette dernière objection, qui se réunit à celle de M. Martineau, est combattue fortement par M. le comte de Mirabeau.
Si la loi de ia responsabilité ne s'étendait pas sur tous les agents subalternes du despotisme, si elle n'existait pas surtout parmi nous, il n'y aurait pas une nation sur la terre plus faite que nous pour l'esclavage. Il n'y en a pas qui ait été plus insultée, plus oppressée par le despotisme.
Jusqu'en 1705 il existait une loi salutaire, que tout détenu devait être interrogé dans les vingt-quatre heures de sa détention.
En 1705, elle a été abolie, détruite. Un monceau de lettres de cachet a précipité une foule de citoyens dans les cachots de la Bastille. Je le répète : notre liberté exige la responsabilité de toute la hiérarchie des mandataires. Tout subalterne est responsable, et vous ne serez jamais que des esclaves si, depuis le premier vizir jusqu'au dernier sbire, la responsabilité n'est pas établie.
propose d'adopter la forme usitée en Angleteire, celle du warrant ; cet ordre est une garantie que contracte le secrétaire d'Etat envers celui contre qui il est donné. Il est arrivé un exemple de cette garantie dans l'affaire célèbre de Wisk. Le secrétaire d'iîtat qui avait signé le warrant a été condamné envers lui en 100,000 livres.
propose d'ajouter l'article 19 de la déclaration des droits de M. l'abbé Sieyès.
Au milieu de la diversité des opinions, l'Assemblée manifeste son vœu pour les projets de MM. Duport et Target. On demande qu'ils soient réunis; mais avant de les mettre en délibération, on discute les amendements.
Premier amendement de M. Martineau :
« Retrancher du projet de M. Target le mot accusé, et laisser ainsi la phrase: ivui ne pourra être arrêté ni détenu, etc. »
Cet amendement a été appuyé, mais il a été rejeté.
Deuxième amendement de M. Martineau :
« Renvoyer à la Constitution le dernier article de M. Target, qui concerne les ordres arbitraires. »
J'appuie ce renvoi. Je me fonde sur deux réflexions : ia première, qu'une déclaration doit être précise, et que les lettres
de cachet n'y ont aucun rapport; la deuxième, que les détails sont quelquefois dangereux. C'est lors de la Constitution que vous examinerez si tous les officiers subalternes sont responsables. Les ministres sont responsables, sans doute ; c'est parce qu'ils sont les seuls qui prennent les ordres du roi, et qu'on suppose qu'ils en font exécuter souvent sans ordre. Il est impossible que tous les agents du despotisme connaissent la loi ; et si chacun d'eux la discutait, jamais rien ne serait exécuté, tout retomberait dans l'anarchie.
La loi qui porte que nul citoyen ne peut être arrêté qu'en vertu de la loi est reconnue partout et n'a pas empêché les lettres de cachet; la diversité d'opinions qui partage l'Assemblée dérive de ce que l'on confond le dogme politique de la responsabilité. Le chef de la société seul excepté, toute la hiérarchie sociale doit être responsable. Il faut signer cette maxime si l'on veut consolider la liberté particulière et publique. La responsabilité serait illusoire si elle ne s'étendait depuis le premier ministre jusqu'au dernier sbire. Cela ne" suppose aucunement que le subalterne soit juge de l'ordre dont il çst porteur ; il peut également et il doit jugei la forme de cet ordre. Ainsi, un cavalier de; maréchaussée ne pourra pas porter un ordre sans être accompagné d'un officier civil ; en un mot, la force publique sera soumise à des formes déterminées par la loi ; il n'y a aucune espèce d'inconvénient à cela, sinon la nécessité d'avoir désormais des lois claires et précises, et c'est là un argument de plus en faveur du dogme de la responsabilité.
Au reste, nous devons quelque reconnaissance aux principes qui nous ont scandalisés dans le cours de la discussion ; le scandale qu'ils ont causé nous fait honneur, et bientôt il en dégoûtera les apôtres.
réfute M. le duc du Châtelet sur le warrant. Il a été, dit-il, d'un très-grand usage en Angleterre ; mais l'abus s'en est fait bientôt sentir, et il est aujourd'hui tellement limité qu'il n'y a aucun messager de l'Etat qui voulût, sur un simple warrant, conduire un prisonnier à Douvres.
La discussion est enfin terminée, et l'amendement proposé est rejeté.
Troisième amendement de M. de Boisgelin,archevêque d}Aix. Supprimer l'article des lettres de cachet, et le remplacer par celui-ci :
«Ceux qui sollicitent, obtiennent et exécutent des ordres arbitraires hors des cas prévus par la loi et déterminés par elle doivent être punis. »
archevêque d'Aix, parle longtemps en faveur de cet amendement; mais ne le voyant appuyé que de très-peu de membres, l'auteur le retire.
Quatrième amendement de M. Malouet : Ajouter à la motion de M. Duport le 19e article de la constitution des droits de M. l'abbé Sieyès, ainsi conçu :
« Tout citoyen appelé ou saisi au nom de la loi doit obéir à l'instant; il se rend coupable par la résistance. »
Cet amendement, appuyé de beaucoup de membres, est discuté.
observe que ce sont là les droits de la société; qu'il lui importe que les lois soient
exécutées, et qu'elle a le droit de les faire exécuter.
propose de l'admettre, mais à la fin de l'article de M. Target, c'est-à-dire à la fin de l'article 7.
Cette idée est généralement applaudie.
On propose deux sous-amendements.
Le premier, de retrancher le mot appelé qui n'est pas appuyé.
Le second sous-amendement est de retrancher au nom de la loi, et de mettre en vertu de la loi'. Cette distinction a paru nécessaire pour mettre un frein aux agents du despotisme, qui, en violant les lois les plus sacrées, répètent sans cesse qu'ils agissent au nom de la loi.
L'amendement est admis, et voici les articles tels qu'ils sont adoptés ;
« Art. 7. Nul homme ne peut être accusé, arrêté ni détenu que dans les cas déterminés par la loi7, et selon les formes qu'elle a prescrites; ceux qui sollicitent, expédient, exécutent ou font exécuter des ordres arbitraires, doivent être punis ; mais tout citoyen appelé ou saisi en vertu de la loi doit obéir à l'instaut ; il se rend coupable par la résistance.
« Art. 8. La loi ne doit établir que des peines strictement et évidemment nécessaires, et nul ne peut être puni qu'en vertu d'une loi établie et promulguée antérieurement au délit, et légalement appliquée.
c Art. 9. Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. »
La discussion se porte ensuite sur les articles 16, 17 et 18, relatifs à la liberté des opinions religieuses et au respect du culte public.
évêque de Clermont. La religion est la base des empires; c'est la raison éternelle qui veille à l'ordre des choses. L'on élèverait plutôt une ville dans les airs, comme Ta dit Plutarque, que de fonder une république qui n'aurait pas pour principe le culte des dieux. Je demande donc que les principes de la Constitution française reposent sur la religion comme sur une base éternelle.
La tolérance est Je sentiment qui doit nous animer tous en ce moment; s'il pouvait se faire que l'on voulût commander aux opinions religieuses, ce serait porter dans le cœur de tous les citoyens le despotisme le plus cruel.
Je ne rappellerait pas ici le sang que l'intolérance a fait couler, les ravages qu'elle a faits parmi les nations. L'Europe présente encore un spectacle bien étrange dans la diversité de ses religions, et dans le despotisme que quelques-uns de ses gouvernements emploient pour les maintenir ; mais en quoi cette rigidité a-t-elle servi ? À rendre nécessaire la persécution, et la persécution à étendre, à encourager les sectes. J'ai été témoin dans une ville d'un exemple que je n'oublierai jamais : l'on persécutait des quakers ; un qui était oublié s'écria avec regret : « Pourquoi ne me persécute-ton pas aussi? »
La neutralité est sans doute le parti le plus sage ; les chefs n'ont d'autre occupation que de maintenir la paix, et la seule manière de ne pas la troubler, c'est de respecter les cultes. J'avoue que je suis affligé de voir des chrétiens invoquer
l'autorité civile pour une religion qui ne doit se maintenir que par la pureté de sa doctrine. Comment, en effet, veut-on la préserver des révolutions avec le secours de la force, cette doctrine qui nous commande d'aimer Dieu de tout notre cœur, d'aimer notre prochaiocomme nous-mêmes?
Certainement les puissances de la terre n'ont rien de commun avec la religion ; le pouvoir légitime peut empêcher que l'on ne porte atteinte aux cultes, mais il ne peut déterminer la liberté des consciences. La liberté de la religion est un bien sacré qui appartient à tout citoyen. On ne peut employer l'autorité pour l'enlever, puisque Jésus-Christ et les apôtres ont recommandé la douceur. Respectons les cultes étrangers, pour que l'on respecle le nôtre. Nous ne pouvons pas professer d'autres sentiments; notre culte ne doit porter aucun empêchement à l'exercice des religions.
Je ne viens pas prêcher la tolérance. La liberté la plus illimitée de religion est âmes yeux un droit si sacré, que le mot tolérance, qui essaye de l'exprimer, me paraît en quelque sorte tyrannique lui-même, puisque l'existence de l'autorité qui a le pouvoir de tolérer attente à la liberté de penser, par cela même qu'elle tolère, et qu'ainsi elle pourrait ne pas tolérer.
Mais je ne sais pourquoi l'on traite le fond d'une question dont le jour n'est point arrivé.
Nous faisons une déclaration des droits; il est donc absolument nécessaire que la chose qu'on propose soit un droit; autrement on y ferait entrer tous les principes qu'on voudrait, et alors ce serait un recueil de principes.
Il faut donc examiner si les articles proposés sont un droit.
Certainement dans leur exposition ils n'en expriment pas; il faut donc les poser autrement. Mais il faut les insérer en forme de déclaration des droits, et alors il faut dire : le droit des hommes est de respecter la religion et de la maintenir.
Mais il est évident que c'est un devoir et non pas un droit. Les hommes n'apportent pas le culte en société, il ne naît qu'en commun. C'est donc une institution purement sociale et conventionnelle.
C'est donc un devoir. Mais ce devoir fait naître un droit, savoir : que nul ne peut être troublé dans sa religion.
En effet, il y a toujours eu diverses religions. Pourquoi? Parce qu'il y a toujours eu diverses opinions religieuses.
Mais la diversité des opinions résulte nécessairement de la diversité des esprits, et l'on ne peut empêcher cette diversité. Donc, cette diversité ne peut être attaquée.
Mais alors le libre exercice d'un culte quelconque est un droit de chacun; donc on doit respecter son droit; donc on doit respecter son culte.
Voilà le seul article qu'il soit nécessaire d'insérer dans la déclaration des droits sur cet objet.
Et il doit y être inséré, car les facullés ne sont pas des droits. Mais l'homme a droit de les exercer, et l'on doit distinguer l'un de l'autre.
Mais le droit est le résultat d'une convention, la convention consiste à exercer librement ses facultés; donc on peut et l'on doit rappeler dans une déclaration de droits l'exercice des facultés.
Sans entrer en aucune manière dans^ le fond de la question, je supplie ceux qui anticipent par
leurs craintes sur les désordres qui ravageront le royaume si l'on y introduit la liberté des cultes, de penser que la tolérance, pour me servir du mot consacré, n'a pas produit chez nos voisins des fruits empoisonnés, et que les protestants, inévitablement damnés dans l'autre monde, comme chacun sait, se sont très-passablement arrangés dans celui-ci, sans doute par une compensation due à la bonté de l'Etre suprême.
Nous qui n'avons le droit de nous mêler que des choses de ce monde» nous pouvons donc permettre la liberté des cultes et dormir en paix.
Je crois devoir réfuter M. de Mirabeau.
La religion est un devoir pour l'homme ; mais c'est un droit qu'il a de l'exercer paisiblement. Je vous citerais l'histoire sacrée ; mais on la récuserait : il faut donc délibérer, il faut en faire mention dans la déclaration des droits. L'homme entre en société avec tous ses droits ; et sans contredit il avait celui-ci. L'on dira qu'il n'avait aucun culte, puisqu'il était seul ; mais il était au moins avec une compagne, et d'ailleurs je nie qu'il fût seul. En Angleterre, l'on ne reconnaît de culte public que la religion protestante. Je ne demande pas la proscription de toutes les religions ; moi-même j'ai prêché la tolérance plus d'une fois. Je demande que l'on divise les articles 16 et 18, et que l'on délibère.
appuie les raisons de M. le curé ; mais le trouble empêche la continuation de la délibération.
L'Assemblée, par deux arrêtés consécutifs, la remet à demain dimanche, malgré les réclamations de M. le comte de Mirabeau qui craint les intrigues des intolérants.
a fait faire lecture d'une lettre qui lui avait été adressée par M. le directeur générai des finances, et conçue en ces termes:
« Versailles, le
« Monsieur le Président,
« Je compte être en état d'aller prendre des ordres du Roi demain ou après demain, et de demander à Sa Majesté la permission de me rendre mercredi prochain à l'Assemblée nationale, pour l'instruire de la situation de l'emprunt, et lui communiquer les idées que les circonstances peuvent exiger. Je crois que d'ici là toute discussion serait inutile, et pourrait avoir des inconvénients. Je soumets cependant ma réflexion à votre sagesse.
« Je suis avec respect de Monsieur le Président le très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé : NECKER »
Un des membres de f Assemblée a demandé aussitôt, au nom de ses commettants, que toute délibération sur l'emprunt fût remise à mercredi.
La question préliminaire ayant été réclamée sur cette motion, l'Assemblée a décrété qu'il n'y avait lieu à délibérer quant à présent.
La séance a été indiquée par M. le président pour six heures et demie du soir.
Séance du soir.
Il a été rendu compte d'une délibération prise le deux de ce mois par la ville et mandement de Severac-le-Châtel, et les communautés de la paroisse de Saint-Grégoire, Lavergne et Saint-Pri-vant, portant adhésion aux arrêtés de l'Assemblée natiohale.
En conséquence de la présentation faite des pouvoirs de M. Defayç de Villeloutreix, évêque u'Oléron, député ecclésiastique du pays de Soûle, et sur le rapport du comité de vérification, M. l'évêque d'Oléron a été admis comme député vérifié.
M. Rewbell, au nom du comité des douze, a mis sur le bureau le n° 21 d'une feuille intitulée: le Patriote Français, journal libre, impartial et national, par une société de citoyens, et dirigée par J.-P. Brissot de Warville, imprimé chez la veuve Hérissant. Il a dit qu'un passage de la page 4 de cette feuille, commençant par ces mots: « On distribue ici », et finissant par les mots: « le faire enterrer », avait paru mériter l'attention de l'Assemblée nationale, sous deux points de vue : 1° parce que pouvant exciter de la fermentation, il paraissait essentiel de vérifier si l'original de l'ordre dont cet écrit fait mention existe en effet; 2° parce que la demande qui serait faite de cet original pouvait conduire à demander en même temps la représentation des autres papiers de la Bastille, pour vérifier si l'on n'y trouverait point de traces de complots contre la nation. M. Rewbell a ajouté que le comité n'avait pas voulu se déterminer à demander la représentation de ces papiers, et d'autres relatifs aux mêmes faits, sans les ordres exprès de l'Assemblée nationale.Jl a décidé qu'il n'y avait pas lieu de délibérer, attendu que le comité est suffisamment autorisé pour remplir l'objet de son institution.
Un membre du comité des vérifications s'est présenté pour faire un rapport : il a été décidé que, suivant l'ordre du jour, on devait entendre en ce moment MM. du comité des subsistances, et ensuite MM. du comité du rapport.
Le rapporteur du comité des subsistances et un autre membre de l'Assemblée ont tenu successivement la tribune. Le premier a proposé, l'autre a appuyé le projet d'arrêté qui suit :
« L'Assemblée nationale,considérant que l'Etat n'est pas composé de différentes sociétés étrangères l'une à l'autre, et moins encore ennemies ;
« Que tous les Français doivent se regarder comme de véritables frères, toujours disposés à se donner mutuellement toute espèce de secours réciproques ;
« Que cette obligation est plus impérieuse encore et plus sacrée, lorsqu'il s'agit d'un intérêt aussi général que celui de la subsistance;
« Que les lieux où se trouvent les plus grands besoins sont naturellement indiqués par les plus hauts prix ;
« Que ceux qui sont le plus à portée de donner des secours le sont pareillement par les plus bas prix;
« Qu'entre ces deux extremes, sont, dans un état moyen d'approvisionnement et de prix, une multitude de provinces et de cantons qui peuvent avec avantage débiter ces grains dans ceux où Je besoin est le plus grand et le prix le plus haut, et remplacer à meilleur marché, dans les pro-
vinces les mieux fournies, les secours qu'elles auront donnés à celles qui en étaient dénuées;
« Que l'on ne pourrait s'opposer à cette mar-' che sans prononcer une véritable proscription contre les provinces qui éprouveraient la disette ;
« Que rien ne serait plus contraire aux lois du royaume, qui, depuis vingt-six ans, ont constamment ordonné qu'il ne serait, en aucun cas ni en aucune manière, mis aucun obstacle au transport d'une province, ni d'un canton à l'autre;
« Qu'il est donc indispensable d'assurer l'exécution de ces lois, et de permettre la circulation desgrainset des farines, unique moyen d'égaliser la distribution et le prix des subsistances, sous la sauvegarde la plus spéciale de la nation et du roi ;
« A décrété et décrète :
« 1° Que les lois subsistantes, etqui ordonnent la libre eirculation des grains et des farines dans l'intérieur du royaume de province à province, de ville à ville de bourg à bourg et de village à village, seront exécutées selon leur forme et teneur ; casse et annule toutes ordonnances, jugements et arrêts qui auraient pu intervenir contre le vœu desdites lois; fait défense à tous juges et administrateurs quelconques, d'en rendre de semblables à l'avenir, à peine d'être poursuivis comme criminels de lèse-nation ; fait pareillement défense à qui que ce soit, de porter directement ou indirectement obstacle à ladite circulation, sous les mêmes peines.
« 2° Fait pareillement défense à qui que ce soit d'exporter des grains et farines à l'étranger, jusqu'à ce que, par l'Assemblée nationale, et sur le rapport et réquisition des assemblées provinciales, il en ait été autrement ordonné, à peine d'être, les contrevenants, poursuivis comme criminels de lèse-nation.
« Et sera le présent décret envoyé dans toutes les provinces, aux municipalités des villes et bourgs du royaume, pour être lu, publié et affiché partout où besoin sera; ordonne, enfin, l'Assemblée nationale, aux milices bourgeoises, maréchaussées et troupes, de prêter main-forte pour assurer la pleine et. entière exécution du présent arrêté. >
Un membre, dans le cours des débats, a fait la motion que le projet fût imprimé et renvoyé dans les bureaux pour y être discuté.
Un autre membre a proposé de délibérer actuellement sur ce qui concerne la libre circulation dans l'intérieur, et de renvoyer le surplus seulement dans les bureaux. Après quelques discussions sur ce poirit, M. le président a mis d'abord en question si l'on séparerait la partie du projet qui a rapport à la circulation intérieure, de la partie relative à l'exportation? Il a été décidé qu'on ne diviserait pas le projet. L'Assemblée, délibérant ensuite sur la motion, a ordonné que le projet d'arrêté présenté par le comité de subsistances serait imprimé/distribué et renvoyé à la discussion des bureaux.
il a été fait une motion tendant à la suppression des comités de subsistances et de rapport ; il a été décidé que l'ordre du jour s'opposait à ce qu'on s'occupât de cet objet.
membre ^ du comité des rapports, a rendu compte de l'affaire du procureur du roi de Falaise, décrété d'ajourneflient personnel par le parlement de
Normandie, pour avoir (suivant les termes du décret) tenu des propos calomnieux contre la magistrature et contre les membres du parlement dans l'assemblée tenue à Falaise pour nommer des députés de l'assemblée des trois ordres à Gaen.
Après une longue discussion de cette affaire, un de MM. les députés, membre du parlement de Normandie, a dit que la nature des avis ouverts l'autorisait à réclamer de la justice de l'Assemblée la permission de parler en faveur de la compagnie dont il avait l'honneur dlêtre l'un des chefs, et qu'ayant besoin de se recueillir à cet effet, il suppliait l'Assemblée nationale de lui accorder jusqu'à demain. L'Assemblée y a consenti, à la condition que cette affaire se reporterait à une séance de l'après-midi, pour ne pas interrompre le travail ordinaire.
a remis la séance à demain , heure ordinaire.
Séance du
L'ordre du jour ayant ramené la discussion des articles 16, 17 et 18 du projet de la déclaration des droits, M. le président demande le calme et le plus grand silence pour un projet de cette importance.
La question soumise à votre décision est de savoir si vous agiterez les articles 16 et 17 du projet de déclaration des droits, ou si vous en renverrez la discussion à la Constitution. Il y a sans doute une certaine sagesse à ne pas se livrer à un examen qui pourrait devenir inutile, s'il faut s'en occuper lors de la Constitution; et ce n'est vraiment qu'à la Constitution qu'on doit traiter les articles 16 et 17; car, si vous y faites attention, ces articles vous annoncent des devoirs et non des droits... Il ne s'agit pas ici de faire une déclaration des droits seulement pour la France, mais pour T homme en général.
Ces droits ne sont pas des lois, et ces droits sont de tous les temps et avant les lois. Je demande donc que l'on renvoie l'examen de ces deux articles à la Constitution.
La religion est un de ces principes qui tiennent aux droits des hommes, l'on en doit faire mention dans la déclaration. Si la religion ne consistait que dans les cérémonies du culte, il faudrait sans doute n'en parler que lorsque l'on rédigera la Constitution : mais la religion est de toutes les lois la plus solennelle, la plus auguste et la plus sacrée; l'on doit en parler dans la déclaration des droits. Je propose l'article suivant;
cc La religion étant le plus solide de tous les biens politiques, nui homme ne peut être inquiété dans ses opinions religieuses. »
(Cet article est en substance celui de M. le comte de Castellane, dont la dernière partie est retranchée.)
Je vote la suppression des articles 16 et 17 ; quant à présent, il faut en venir à l'article 18, qui porte que « tout citoyen qui ne trouble pas le culte établi ne doit pas être inquiété. »
Je commencerais donc par mettre en avant une maxime qui est de tous les peuples, qui appartient à la morale, et une vérité que l'auteur des Opinions religieuses a si bien développée. Selon lui, « il ne peut y avoir de société durable sans religion, à tel point que s'il pouvait en exister sans religion, la politique devrait se hâter de lui en donner une. »
Je proposerais donc d'adopter l'article 18 tel qu'il est dans le projet du sixième bureau, et en plaçant au lieu du mot culte « toutes croyances et opinions religieuses. »
En rédigeant ainsi l'article, c'est en quelque sorte prendre l'esprit de Téditde 1785.
Voici l'article que je prends la liberté de présenter.
« Gomme aucune société ne peut exister sans religion, tout homme aledroit de vivre libre dans sa croyance et ses opinions religieuses, parce qu'elles tiennent à la pensée, que ia Divinité seule peut juger. »
Cette rédaction trouve quelques approbateurs, mais aucun orateur ne l'appuie formellement.
La question de savoir si l'on devait traiter les articles 16 et 17, ou les renvoyer à la Constitution, n'était que la suite de la motion faite par M. l'abbé d'Eymar qui demande la parole.
Les réflexions des préopinants m'ont inspiré des idées nouvelles sur le projet que j'ai eu l'honneur de vous présenter hier ; elles pourraient peut-être concilier la diversité des opinions.
L'article 16 présente une variété qui découle des derniers articles que vous avez sanctionnés ; il renferme un droit sublime, en ce qu'il proclame un tribunal supérieur, le seul qui puisse agir sur les pensées secrètes, le tribunal de la conscience et de la religion.
Il est important de sanctionner, je ne dis pas l'existence de cette vérité, mais encore la néces-sité*de mettre sans cesse sous les yeux des hommes un principe avec lequel ils doivent naître et mourir. Il est la sauvegarde, il est le premier intérêt de tous, et il serait funeste que tout ce qui existe n'en fût pas pénétré.
J'ai changé l'article que j'ai eu l'honneur de vous proposer hier. Je n'y annonce rien de relatif au culte. Cet objet tiendra mieux sa place dans la Constitution, soit pour fixer la dignité de son objet, soit pour déterminer de quelle manière il sera exercé. Je vous observe cependant qu'en discutant l'article rédigé tel que je vais avoir l'honneur de le lire, il ne faut pas se livrer encore à la discussion du dix-huitième article. L'essentiel, au reste, est d'examiner avec la sagesse, avec la gravité du sujet, les questions qu'il présente. C'est en s'élevant pour ainsi dire à la hauteur même de son travail, que l'on peut raisonner sur des questions aussi grandes, aussi majestueuses; et ce n'est point ni avec des phrases étendues, ni avecla hardiesse du paradoxe, ni aveedes plaisanteries facétieuses que l'on doit les réfuter.
Voici mon projet d'article :
La loi ne pouvant atteindre les délits secrets, c'est à la religion seule à la suppléer. Il est donc essentiel et indispensable, pour le bon ordre de la société, que la religion soit maintenue, conservée et respectée. »
s'élève avec force | contre cette motion ; il prétend -qu'elle est nouvelle, qu'elle est contraire à l'ordre du jour, et qu'il n'est pas permis de la mettre en délibération.
La motion est appuyée et applaudie.
réfute M. le comte de Mirabeau, et la motion est mise en délibération.
Voudriez-vous donc, en permettant les cultes, faire une religion de circonstance? chacun choisira une religion analogue à ses passions. La religion turque deviendra celle des jeunes gens ; la religion juive, celle des usuriers; la religion de Brahma, peut-être celle des femmes.
L'on vous a dit, Messieurs, que l'homme n'apportait pas la religion en société. Certes, un tel système est bien étrange. Quel est le sentiment de tout homme qui contèmple la nature, qui élève , ses regards jusqu'aux cieux, et qui, par un retour sur lui-même, médite sur son existence ? Quel est le premier sentiment de celui qui rencontre dans la solitude son semblable ? N'est-ce pas de tomber à genoux ensemble, et d'offrir au Créateur le tribut de leurs hommages?.....Je n'avais pas imaginé que je pourrais devenir un jour l'apôtre de la religion que je professe; je ne me croyais pas réservé à des discussions théologiques ; je me contentais d'adorer et decroire. J^ap-puie donc la première partie de la motion de M. de Castellane, qui est ainsi conçue :
« Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses, ni troublé dans l'exercice de son culte. »
Il paraît que les différents avis tendent à renvoyer la discussion des articles 16 et 17 à la Constitution. Moi je pense le contraire : l'on parle d'une déclaration des droits ; j'avais cru que c'était dans cet acte que l'on devrait appeler tout ce qui sert à les garantir.
Dans toutes les déclarations qui vous ont été présentées, on a traité des lois qui assurent l'exercice des droits ; on a appelé la force qui 4es protège; or, comment peut-on oublier un moment cette garantie si sacrée, si solennelle de la religion ?
Dans cette Assemblée où chaque député cherche à mettre à l'abri de toute violation les droits de ses commettants ; lorsque l'on se munit de toute part contre les atteintes qu'y pourrait porter le pouvoir exécutif, comment n'y opposgrt-on pas la barrière la plus insurmontable, celle »de la religion ? Le pouvoir exécutif n'est pas à craindre ; mais ce sont les passions ; mais c'est l'avidité des hommes qui sans cesse attaque, bouleverse et envahit les propriétés.
En vain répondra-t-on que la loi est une garantie entre tous les citoyens ; mais ces lois ne sont-elles pas souvent impuissantes ? n'en sait-on pas abuser pour opprimer l impéritie ou la faiblesse? La loi ne punit que les délits, et les délits prouvés. La morale seule réprime les désirs attentatoires aux droits d autrui. Les hommes, qui ne sont réunis en société que pour maintenir l'égalité des droits au milieu de l'inégalité des moyens, sont liés par un nœud indissoluble, celui de la religion.
Les métropoles éloignées de leurs provinces sont plus unies par les mêmes fêtes, les mêmes habitudes, que par l'intérêt du commerce. La re-
ligion, voilà la vraie garantie des lois; sans elle je ne serai jamais assez garanti contre la perfidie. Qui garantira ma vie contre les embûches, mon honneur contre la calomnie?.... Sans la religion, tous les rapports de la société sont séparés; sans elle, à peine suis-je le maître de ma personne. L'on en viendra à ce point que chacun pourra répéter ce que J.-J. Rousseau se disait à lui-même: Par quelle raison, étant moi, dois-je régler ma conduite 1 En un mot, sans religion, il est inutile de faire des lois, des règlements, il ne reste plus qu'à vivre au hasard.
évêque d'Autun. Les articles 16 et 17 doivent-ils trouver place dans la déclaration des droits? Dans la dernière séance, ils ont été réunis, puis ensuite séparés.
Je pense que c'est précisément en les divisant que l'on peut mieux raisonner sur leurs disconvenances.
Si on les admettait, il faudrait au moins suppléer à leur insuffisance. L'article 16 porte : « La loi ne pouvant atteindre les délits secrets, c'est à la religion et à la morale à la suppléer. Il est donc essentiel que l'une et l'autre soient respectées. »
La religion.....Mais quelle religion? S'agit-il de toute religion? mais cela n'est pas exact.
La religion et la morale respectées..... Ce n'est là qu'une conséquence ; il faut le principe. Elles doivent être l'une et l'autre enseignées ; on doit les promulguer, les graver dans tous les cœurs.
L'article 17 porte: t Le maintien de la religion exige un culte public. Le respect pour le culte public est donc indispensable... Sans doute cela* est vrai; mais il n'y a aucuns rapports entre la conséquence et les délits secrets ; leculle ne les prévient pas. Le culte est un hommage extérieur rendu au créateur; or, le premier principe, c'est la religion ; la conséquence est le culte ; et la loi à faire, c'est quel sera ce culte. C'est pour l'examen de ces trois vérités que je me décide dans la question actuelle. Chaque article d'une déclaration des droits doit commencer par ces mots : Tout homme vivant dans cette société a le droit de».... etc.
Certes 1'a.rticJe du culte de la religion ne peut commencer ainsi. Il faut donc trouver une autre place, et cette place est dans la Constitution.
G'est là que sera prononcé le mot sacré et saint de religion catholique; c'est là que l'on apprendra ce que c'est que le culte. Il n'est pas temps encore de délibérer.
après quelques débats sur ce point, demande si T Assemblée veut qu'ils cessent ou qu'ils soient prolongés ; l'Assemblée ordonne que les débats cesseront.
En conséquence, M. le président propose de décider si on délibérera quant à présent sur les articles 16 et 17.
Il est arrêté qu'on s'en occupera en travaillant à la Constitution.
L'article 18 du projet de déclaration des droits de l'homme devient l'objet de la discussion.
renouvelle sa motion pour qu'il soit rédigé en ces termes:
Nul homme ne doit être inquiété pour ses opinions religieuses, ni troublé dans l'exercice de son culte.
J'ai eu l'honneur de vous soumettre hier quelques réflexions qui tendaient à.démontrer que la religion est un devoir,
et non pas un dioit, et que la seule chose qui appartenait à la déclaration dont nous sommes occupés, c'était de prononcer hautement la liberté religieuse.
On n'a presque rien opposé à la motion de M. le , comte de Gastellane; et que peut-on objecter j contre un axiome si évident, que le contraire est j une absurdité f
On nous dit que le culte est un objet de police extérieure; qu'en conséquence il appartient à la société de le régler, de permettre l'un et de défendre l'autre.
Je demande à ceux qui soutiennent que le culte est un objet de police, s'ils parlent comme catholiques ou comme législateurs ? S'ils font cette difficulté comme catholiques, ils conviennent que le culte est un objet de règlement, que c'est une chose purement civile; mais si elle est civile, c'est une institution humaine ; si c'est une institution humaine, elle est faillible. Les hommes peuvent la changer; d'où il suit, selon eux, que le culte catholique n'est pas d'institution divine, et selon moi, qu'ils ne sont pas catholiques. S'ils font la difficulté comme législateurs, comme hommes d'Etat, j'ai le droit de leur parler comme à des hommes d'Etat; et je leur dis d'abord qu'il n'est pas vrai que le culte soit une chose de police, quoique Néron et Domitien l'aient dit ainsi pour interdire celui des chrétiens.
Le culte consiste en prières, en hymnes, en discours, en divers actes d'adoration rendus à Dieu par des hommes qui s'assemblent en commun ; et il est tout à fait absurde de dire que * l'inspecteur de police ait le droit de dresser les oremus et les litanies.
Ce qui est de la police, c'est d'empêcher que personne ne trouble l'ordre et la tranquilité publique..Voilà pourquoi elle veille dans vos rues, dans vos places, autour de vos maisons, autour _de vos temples ; mais elle ne se mêle point de régler ce que vous y faites : tout son pouvoir consiste à empêcher que ce que vous y faites ne nuise à vos concitoyens.
Je trouve donc absurde encore de prétendre que, pour prévenir le désordre qui pourrait naî-j tre de vos actions, il faut défendre vos actions : assurément cela est très-expéditif ; mais il m'est permis de douter que personne ait ce droit.
Il nous est permis à tous de former des assemblées, des cercles, des clubs, des loges de francs-maçons, des sociétés de toute espèce. Le soin de la police est d'empêcher que ces assemblées ne 1 troublent l'ordre public ; mais certes on ne peut ! imaginer qîi'afin que ces assemblées ne troublent pas l'ordre public, il faille les défendre.
Veiller à ce qu'aucun culte, pas même le vôtre, ne trouble l'ordre public, voilà votre devoir ; mais vous ne pouvez pas aller plus loin.
On vous parle sans cesse d'un culte dominant : _ dominant / .Messieurs, je n'entends pas ce mot, et j'ai besoin qu'on me le définisse.
Est-ce un culte oppresseur que l'on veut dire ? Mais vous avez banni ce mot ; et des hommes qui ont assuré le droit de liberté ne revendiquent pas celui d'oppression. Est-ce le culte du prince que l'on veut dire ? Mais le prince n'a pas Je droit de dominer sur les consciences, ni de régler les opinions. Est-ce le culte du plus grand nombre ? Mais le culte est une opinion ; tel ou tel culte est le résultat de telle ou telle opinion. Or les opinions ne se forment pas par le résultat des suffrages : votre pensée est à vous ; elle est indépendante, vous pouvez l'engager.
Enfin, une opinion qui serait belle du plus
grand nombre n'a pas le droit de domineC'est un mot tyrannique qui doit être banni de notre législation ; car si vous l'y mettez dans un cas, vous pouvez l'y mettre dans tous : vous aurez donc un culte dominant, une philosophie domi- v nante, des systèmes dominants. Rien ne doit dominer que la justice, il n'y a de dominant que le droit de chacun, tout le reste y est soumis. Or c'est un droit évident, et déjà consacré par vous, de faire tout ce qui ne peut nuire à autrui.
La plus grande partie des opinions a paru respecter la première partie de mon arrêté ; je ne m'étendrai donc que sur la seconde.
Nous avons à- parler des droits des hommes. La liberté des opinions en est un certainement. C'est dans le même cas que vous avez dit, sans être arrivés à la législation, que nul ne peut être arrêté sans être accusé. C'est en conséquence de ce principe, qu'avant d'être arrivés à l'époque de la Constitution, où nous fixerons le culte, que nul homme ne peut être inquiété dans ses opinions religieuses, ni troublé dans l'exercice de son culte. Je suis encore parti d'un principe plus sacré, celui que nous lisons dans tous les livres de morale : ne faites pas à autrui ce que vous ne voudriez pas que l'on vous fît.
Que l'on ne nous objecte pas que la diversité des cultes a occasionné les guerres de religion. Ces guerres, on ne les doit pas à la loi que je défends, mais à l'ambition des chefs qui ont profité du fanatisme et de l'ignorance des peuples, pour ensanglanter la terre.
Je répondrai encore à celui qui a objecté le désordre qui résulterait de la tolérance des religions, que chacun adoptera celle qui est analogue à ses passions.
Mais* croit-on que ceux qui sont inviolable-ment attachés à notre sainte religion puissent se déterminer par là à l'abjurer ?
Croit-on encore que ceux qui n'y tiennent que faiblement se donneront la peine d'en changer et de se soumettre à tous les rites fatigants de la religion musulmane ?
On n'a pas le droit d'interdire un culte. La vérité est que nul homme ne peut être inquiété dans ses opinions religieuses et ne peut être troublé dans l'exercice de sa religion. Si ce n'est pas là la vérité, le contraire doit donc l'être : or, je doute que l'on puisse le placer dans votre déclaration.
Empêcher un homme d'offrir le tribut de sa reconnaissance à la divinité, c'est tyranniser les consciences, c'est violer les droits les plus sacrés d'homme et de citoyen.
— Ici, la discussion est interrompue. On fait deux motions différentes : l'une, d'admettre l'arrêté de M. de Gastellane, en en retranchant la seconde partie ; l'autre, de M. l'archevêque de Paris, de décider qu'il n'y a lieu à délibérer.
On allait discuter, lorsque M. de Castellane retire la seconde partie de sa motion ; et elle réunit tous les suffrages.
L'article 18 du sixième bureau est rejeté, et l'on met en discussion l'article suivant :
« Nul homme ne peut être inquiété dans ses opinions religieuses. »
(1). Mes-
11 a bien voulu convenir qu'on n'a aucun droit à pénétrer dans les pensées intimes des hommes; et certes il n'a pas énoncé une vérité bien remarquable et bifen profonde : car il n'est jamais venu à l'esprit d'aucun tyran d'entrer dans le secret des pensées ; et l'esclave le plus esclave conserve très-certainement la liberté que le préopinant daigne accorder à des hommes libres.
Il a ajouté que la manifestation des pensées pouvait être une chose infiniment dangereuse, qu'il était nécessaire de la surveiller, et que la loi devait s'occuper d'empêcher que chacun put manifester trop librement ses pensées ; que c'était ainsi que s'établissaient les religions nouvelles ; il n'y manquait que de nommer sur-le-champ un tribunal chargé de ces fonctions de surveillance.
Or, je dis à mon tour que cette opinion ainsi énoncée serait propre à nous jeter de nouveau sous le despotisme de l'inquisition, si l'opinion publique, que le préopinant a invoquée, ne condamnait hautement la sienne.
Ce langage est celui qu'ont toujours tenu les intolérants, et l'inquisition n'a pas eu d'autres maximes. Elle a toujours dit, dans son langage doucereux et ménagé, que sans doute il ne faut point attaquer les pensées, que chacun est libre dans ses opinions, pourvu qu'il ne les manifeste pas; mais que cette manifestation pouvant troubler l'ordre public, la loi doit la serveiller avec uneat-tention scrupuleuse ; et à la faveur de ces principes, les intolérants se sont fait accorder cette puissance d'inspection, qui, durant tant de siècles, à soumis et enchaîné la pensée.
Mais avec une telle maxime, Messieurs, il n'y aurait point de chrétiens. Le christianisme n'existerait pas, si les païens, fidèles à ces maximes qui, à la vérité, ne leur furent pas inconnues, avaient surveillé avec soin la manifestation des opinions nouvelles, et continué de déclarer qu'elles troublaient l'ordre public.
L'honneur que je partage avec vous, Messieurs, d'être député dé la nation et membre ue cette auguste Assemblée, me donne le droit de parler à mon tour, et de dire mon avis sur la question qui vous occupe.
Je ne cherche pas à me défendre de la défaveur que je pourrais jeter sur cette cause
importante, parce que j'ai intérêt à la soutenir; et je ne crois pas que personne doive être
suspecté dans la défense de ses droits, parce que ce sont ses droits. Si le malheureux
esclave du Mont Jura se présentait devant cette auguste Assemblée, ce ne serait pas la
défaveur ni le préjugé qu'il y ferait naître ; il vous inspirerait, Messieurs, le plus grand
intérêt. D'ailleurs je remplis une mission sacrée, j'obéis à mon cahier, j'obéisà mes
commettants. C'est une sénéchaussée de trois cent soixante mille habitants, dont plus de cent
vingt mille sont protestants, qui a chargé ses députés de solliciter auprès de vous le
complément de l'édit de novembre 1787. Une autre sénéchaussée du Languedoc, quelques autres
bailliages du royaume ont exposé le même vœu, et vous demandent pour les non-catholiques la
liberté de leur culte (1).
Vos principes sont que la liberté est un bien commun, et que tous les citoyens y ont un droit égal. La liberté doit donc appartenir à tous les Français également et de la même manière. Tous y ont droit, ou nui ne l'a : celui qui la distribue inégalement ne la connaît pas ; celui qui atta-que^ en quoi que ce soit, la liberté des autres, attaque la sienne propre, et mérite de la perdre à son tour, indigne d'un présent dont il ne connaît pas tout Je prix. ^
Vos principes sont que la liberté de la pensée et des opinions est un droit inaliénable et imprescriptible. Cette liberté, Messieurs, est la plus sacrée de toutes; elle échappe à l'empire des hommes, elle se réfugie au fond de la conscience comme dans un sanctuaire inviolable où nul mortel n'a le droit de pénétrer : elle est la seule quel^s hommes n'aient pas soumise aux lois de l'association commune : la contraindre est une iujustice, l'attaquerest un sacrilège.
Je me réserve de répondre aux arguments que l'on pourrait faire pour dire que ce n'est point attaquer la conscience des dissidents, que de leur défendre de professer leur culte ; et j'espère de prouver que c'est une souveraine injustice, que c'est attaquer leur conscience et la violer, que c'est être intolérant, persécuteur et injuste, que c'est faire aux autres ce que vous ne voudriez pas qui vous fût fait.
Mais ayant l'honneur de vous parler, Messieurs, pour vous prier de faire entrer dans la déclaration des droits un principe certain et bien énoncé, sur lequel vous puissiez établir un jour des lois justes au sujet des non-catholiques, je dois vous parler d'abord de leur situation en France.
Les non-catholiques (quelques-uns de vous, Messieurs, l'ignorent peut-être) n'ont reçu de l'édit de novembre 1787, que ce qu'onria pu leur refuser. Oiii, ce qu'on n'a pu leur refuser ; je ne le répète pas sans quelque honte,'; mais ce n'est point une inculpation gratuite, ce sont les propres termes de l'édit. Cette lof, plus célèbre que juste, fixe les formes d'enregistrer leurs naissances, leurs mariages et leurs morts ; elle leur permet en conséquence de jouir des effets civils et d'exercer leurs professions... et c'est tout.
C'est ainsi, Messieurs, qu'en France, au dix-huitième siècle, on a gardé la maxiffie des temps barbares, de diviser une nation en une caste favorisée et une caste disgraciée ; qu'on a regardé comme un des progrès de la législation qu'il lut permis à des Français, proscrits depuis cent ans, d'exercer leurs professions, c'est-à-dire de vivre, et que leurs enfants ne fussent plus illégitimes. Encore les formes auxquelles la loi les a soumis sont-elles accompagnées de gênes et d'entraves ; et l'exécution de cette loi de grâce a porté la douleur et le désordre dans les provinces où il existe des protestants. C'est un objetsurlequel je me propose de réclamer, lorsque vous serez parvenus à l'article des lois. Cependant, Messieurs, telle est la différence qui existe entre les Français et les Français ; cependant les protestants sont privés de plusieurs avantages de la société : cette croix, prix honorable du courage et des services rendus a la patrie, il leur est défendu de la recevoir ; car, pour des hommes d'honneur, pour des Français, c'est être privé du prix de l'honneur que de
l'acheter par l'hypocrisie. Enfin, Messieurs, pour comble d'humiliation et d'outrage, proscrits dans leurs pensées, coupables dans leurs opinions, ils sont privés de la liberté de professer leur culte. Les lois pénales (et quelles lois que celles qui sont posées sur ce principe, que l'erreur est un crime) ! les ldis pénales contre leur culte n'ont point été abolies : en plusieurs provinces ils sont réduits à le célébrer dans les déserts, exposés à toute l'intempérie des saisons, à se dérober comme des criminels à la tyrannie de la loi, ou plutôt à rendre la loi ridicule par son injustice, en l'éludant, en la violant chaque jour.
Ainsi, Messieurs, les protestants font tout pour la patrie ; et la patrie les traite avec ingratitude : ils la servent en citoyens ; ils en sont traités en proscrits : ils la servent en hommes que vous avez rendus libres ; ils en sont traités en esclaves. Mais il existe enfin une nation française, et c'est à elle que j'en appelle, en faveur de deux millions de citoyens utiles, qui réclament aujourd'hui leur droit de Français. Je ne lui fais pas l'injustice de penser qu'elle puisse prononcer le mot d'intolérance ; il est banni de notre langue, ou il n'y subsistera que comme un de ces mots barbares et surannés dont on ne se sert plus-, parce que l'idée qu'il représente est anéautie. Mais, Messieurs, ce n'est pas même la tolérance que je réclame ; c'est la liberté. La tolérance 1 le support ! le pardon ! la clémence ! idées souverainement injustes envers les dissidents, tant qu'il sera vrai que la différence de religion, que la différence d'opinion n'est pas un crime. La tolérance ! Je demande qu'il soit proscrit à son tour ; et il le sera, ce mot injuste, qui ne nous présente que comme des citoyens dignes de pitié, comme des coupables auxquels on pardonne, ceux que le hasard souvent et l'éducation ont amenés à penser d'une autre manière que nous. L'erreur, Messieurs, n'est point un crime : celui qui la professe, la prend pour la vérité ; elle est la vérité pour lui ; il est obligé de la professer, et nul homme, nulle société n'a le droit de le lui défendre.
Eh ! Messieurs, dans ce partage d'erreurs et de vérités que les hommes se distribuent, ou se transmettent, ou se disputent, quel est celui qui oserait assurer qu'il ne s'est jamais trompé, que la vérité est constamment chez lui, et l'erreur constamment chez les autres ?
Je demande donc, Messieurs,pour les protestants français, pour tous les non-catholiquës du royaume, ce que vous demandez pour vous : la liberté, l'égalité de droits. Je le demande pour ce peuple arraché de l'Asie, toujours errant, toujours proscrit, toujours persécuté depuis près de dix-huit siècles, qui prendrait nos . mœurs et nos usages, si, par nos lois, il était incorporé avec nous, et auquel nous ne devons point reprocher sa morale, parce qu'elle est ie fruit de notre barbarie et de l'humiliation à laquelle nous l'avons injustement condamné.
Je demande, Messieurs, tout ce que vous demandez pour vous : que tous les non-catholiques français soient assimilés en tout et sans réserve aucune à tous les autres citoyens, parce qu'ils sont citoyens aussi, et que la loi, et que la liberté, toujours impartiales, ne distribuent point inégalement les actes rigoureux de leur exacte justice.
Et qui de vous, Messieurs, permettez-moi de vous le demander ; qui de vous oserait, qui voudrait, qui mériterait ' de jouir de la liberté, s'il voyait deux millions de citoyens contraster, par leur servitude, avec le faste imposteur d'une li-
berté qui ne serait plus, parce qu'elle serait inégalement répartie? Qu'auriez-vous à leur dire, s'ils vous reprochaient que vous tenez leur âme dans les fers, tandis que vous vous réservez la liberté ? Et que ferait, je vous prie, cette aristocratie d'opinions, cette féodalité de pensées, qui réduiraient à un honteux servage deux millions de citoyens, parce qu'ils adorent votre Dieu d'une autre manière que vous?
Je demande pour tous les non-catholiques ce que vous demandez pour vous: l'égalité des droits, la liberté; la liberté de leur religion, la liberté de leur culte, la liberté de le célébrer dans des maisons consacrées à cet objet, la certitude de n'jêtre pas plus troublés dans leur religion que vous ne Têtes dans la vôtre, et l'assurance parfaite d'être protégés comme vous, autant que vous, et de la môme manière que vous, par la commune loi.
Ne permettez-pas, Messieurs, . ... nation généreuse et libre, ne ie souffrez point, que l'on vous cite l'exemple de ces nations encore intolérantes qui proscrivent votre culte chez elles. Vous n'êtes pas faits pour recevoir l'exemple, mais pour le donner ; et de ce qu'il est des peuples injustes, il ne s'ensuit pas que vous deviez l'être. L'Europe, qui aspire à la liberté, attend de vous de grandes leçons, et vous êtes dignes de les lui donner. Que ce code que vous allez former soit le modèle de tous les autres, et qu'il n'y reste aucune tache. Mais si les exemples peuvent être cités, imitez, Messieurs, celui de ces généreux Américains qui ont misa la tête de leur codecivii la maxime sacrée de la liberté universelle des religions ; de ces Pensylvaniens, qui ont déclaré que tous ceux qui adorent un Dieu, de quelque manière qu'ils l'adorent, doivent jouir de tous les droits de citoyen; de ces doux et sages habitants de Philadelphie, qui voient tous les cultes établis chez eux, et vingt temples divers, et qui doivent peut-être à cette connaissance profonde de la liberté la liberté qu'ils ont conquise.
Enfin, Messieurs, je reviens à mes principes, ou plutôt à vos principes; car ils sont à vous : vous les avez conquis par votre courage, et vous les avez consacrés à la face du monde, en déclarant que tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux.
Les droits de tous les Français sont les mêmes, tous les Français sont égaux en droits.
Je ne vois donc aucune raison pour qu'une partie des citoyens dise à l'autre : je serai libre, mais vous ne le serez pas.
Je ne vois aucune raison pour qu'une partie des Français dise à l'autre : vos droits et les nôtres sont inégaux ; nous sommes libres dans notre conscience, mais vous ne pouvez pas l'être dans la vôtre, parce que nous ne le voulons pas.
Je ne vois aucune raison pour que la patrie opprimée ne puisse lui répondre : Peut-être ue parleriez-vous pas ainsi, si vous étiez le plus petit nombre ; votre volonté exclusive n'est que la loi du plus fort, et je ne suis point ténu d'y obéir. Cette loi du plus fort pouvait exister sous l'empire despotique d'un seul, dont la volonté faisait l'unique loi: elle ne peut exister sous un peuple libre, et qui respecte les droits de chacun.
Non plus que vous, Messieurs, je ne sais ce que c'est qu'un droit exclusif; je ne puis reconnaître un privilège exclusif en quoi que ce soit; mais le privilège exclusif en fait d'opinions et de culte me paraît le comble de l'injustice. Vous ne pouvez pas avoir un seul droit que je ne l'aie ; si vous l'exercez, je dois l'exercer ; si vous êtes librest
je dois être libre ; si vous pouvez professer votre culte, je dois pouvoir professer le mien ; si vous lie devez pas être inquiétés, je ne dois pas être inquiété ; et si, malgré l'évidence de ces principes, vous nous défendiez de professer notre culte commun, sous prétexte que vous êtes beaucoup et que nous sommes peu, ce-ne serait que la loi du plus fort, ce serait une souveraine injustice, et vous pécheriez contre vos propres principes.
Vous ne vous exposerez donc pas, Messieurs, au reproche de vous être contredits dès les premiers moments de votre législature sacrée ; d'avoir déclaré, il y a quelques jours, que les hommes sont égaux en droits, et de déclarer aujourd'hui qu'ils sont inégaux en droits ; d'avoir déclaré qu'ils sont libres de faire tout ce qui ne peut nuire à autrui, et de déclarer aujourd'hui que deux millions de vos concitoyens ne sont pas libres de célébrer un culte qui ne fait aucun tort à autrui.
Vous êtes trop sages, Messieurs, pour faire de la religion un objet d'amour-propre, et pour substituer à l'intolérance d'orgueil et de domination, qui, durant près de quinze siècles, a fait couler des torrents de sang, une intolérance de vanité. Vous ne serez pas surpris de ce qu'il est des hommes qui pensent autrement que vous, qui adorent Dieu d'une autre manière que vous ; et vous ne regarderez pas la diversité des pensées comme un tort qui vous est fait. Instruits par la longue et sanglante expérience des siècles, instruits par les fautes de vos pères et par leurs malheurs mérités, vous direz sans doute : il est temps de déposer ce glaive féroce qui dégoutte encore du sang de nos concitoyens ; il est temps de leur rendre des droits trop longtemps méconnus; il est temps de briser les barrières injustes qui les séparaient de nous, et de leur faire aimer une patrie qui les proscrivait et les chassait de son sein.
Vous êtes trop sages, Messieurs, pour penser qu'il vous était réservé de faire ce que n'ont pu les hommes qui ont existé pendant six mille ans, de réduire tous les hommes à un seul et prême culte. Vous ne croirez pas qu'il était réservé à 1'Assemblée nationale, de faire disparaître une variété qui exista toujours, ni que vous ayez un droit dont votre Dieu lui-môme ne veut pas faire usage.
Je supprime, Messieurs, une foule de motifs qui vous rendraient intéressants" et chers deux millions d'infortunés. Ils se présenteraient à vous, teints encore du sang de leurs pères, et ils vous montreraient les empreintes de leurs propres fers. Ma patrie est libre, et je veux oublier comme elle, et les maux que nous avons partagés avec elle, et les maux plus grands encore, dont nous avons été seuls les victimes. Ce que je demande, c'est qu'elle se montre digne de la liberté, en la distribuant également à tous les citoyens, sans distinction de rang, de naissance et de religion ; et que vous donniez aux dissidents tout ce que vous prenez pour vous-mêmes.
Je conclus donc, Messieurs, à ce qu'en attendant que vous statuiez sur l'abolition des lois concernant les non-catholiques, et que vous les assimiliez en tout aux autres français, vous fassiez entrer dans la déclaration des droits cet article •
Tout homme est libre dans ses opinions; tout citoyen a le droit de professer librement son culte, et nulne peut être inquiété à cause de sa religion.
ajoute, en terminant son discours, les paroles suivantes ;
Messieurs, i'espère de ne m'être pas attiré la défaveur de r Assemblée, lorsque obligé par mon cahier d'exprimer le vœu de mes commettants, je vous ai demandé la liberté du culte pour une nombreuse partie de vos concitoyens, que vos principes appellent à partager vos droits. J'ai cru même devoir à la dignité touchante de leur cause, de dépouiller un instant le caractère auguste de représentant de la nation, que j'ai l'honneur de partager avec vous, pour prendre en quelque manière celui de suppliant. Il me semblait que les maximes que nous avions entendu rappeler dans cette séance, avaient rendu nécessaire ce langage, et que je devais intéresser votre humanité par le sentiment, après avoir essayé de la convaincre par la raison.
J'ai cependant une observation importante à ajouter : c'est que le culte libre que je vous demande est un culte commun. Tout culte est nécessairement un culte de plusieurs. Le culte d'un seul est de l'adoration, c'est de la prière. Mais personne de vous n'ignore que nulle religion n'a existé sans culte, et qu'il a toujours consisté dans la réunion de plusieurs. Des chrétiens ne peuvent pas ie refuser à des chrétiens, sans manquer à leurs propres principes, puisque tous croient à la nécessité du culte en commun.
J'ai une, autre observation non moins importante à faire : c'est que l'idée d'un culte commun est un dogme, un article de foi. C'est donc une opinion religieuse, dans toute la justesse de l'expression. Il vous est donc impossible de priver les non-catholiques de leur culte; car il vous est impossible de gêner la liberté de leurs opinions.
évêque de Lydda, dit qu'il ne pense pas qu'on puisse refuser aux non-catholiques l'égalité civile, le cuite en commun, la participation à tous les avantages civils, mais que ces objets ne peuvent être traités que dans la Constitution. Ils peuvent être libres dans leurs opinions, même les manifester, sous la seule réserve qu'ils ne troublent pas l'ordre public.
Ce prélat propose d'ajouter au premier article ces mots : pourvu que lëur manifestation ne trouble point Vordre public.
On vient aux voix successivement sur les amendements. Ils sont adoptés malgré les vives récla-matiens d'une partie de l'Assemblée. Enfin, la première partie de la motion de M. de Castellane est adoptée ; ce qui a formé l'article suivant' :
« Nul ne doit être inquiété pour ses opinions même religieuses, pourvu que leur manifestation ne trouble pas Tordre public, établi par la loi. «
annonce que la séance est continuée à sept heures du soir.
Séance du soir.
Un de messieurs les secrétaires rend compte de la requête du procureur du roi de Falaise, qui demande à s'expliquer à la barre sur la réclamation relative à l'arrêt décerné contre lui par le parlement de Rouen.
qui avait demandé la veille le renvoi, dit que ce n'était pas comme membre du parlement de Rouen qu'il avait parlé, mais comme député ; que le procureur du roi de Falaise ne pouvait le récuser, sans récuser aussi
les circonstances ; enfin l'orateur a terminé par une courte justification du parlement de Rouen.
L'on agite la question de savoir si on recevra le procureur du Roi de Falaise ou non.
Les opinions sont partagées.
observe qu'il ne faut admettre le procureur du Roi à se défendre, que quand il aura un adversaire; que cet adversaire ne peut être que M. le premier président du parlement de Rouen ou le procureur général.
Néanmoins le procureur du Roi de Falaise est admis. Il parle avec esprit, réfute les témoins, et prouve que leurs dispositions sont invraisem-nlables.
Il commence son discours par le mot messieurs; mais quelques cris élevés du côté des communes l'avertissent de prononcer messeigneurs.
Plusieurs orateurs parlent encore pour et contre le procureur du Roi. — D'autres veulent le renvoyer au pouvoir exécutif.
prend la parole pour la première fois, et pour dire qu'il ne connaît pas de plus monstrueux despotisme que la confusion du pouvoir exécutif et du pouvoir législatif.
réplique au préopinant que son scrupule est d'autant plus délicat, que le pouvoir exécutif de l'Assemblée lui a été avantageux.
L'affaire du procureur du Roi de Falaise fait naître une multitude d'arrêtés : MM. les secrétaires ne peuvent suffire à les lire, et ils sont la cause des plus grands désordres.
Le tumulte recommence.
s'écrie : L'Assemblée nationale n'est plus qu'une arène où chaque athlète descend pour y combattre et triompher, tandis qu'elle devrait être un aréopage où chaque membre publierait ses-idées avec sagesse et modération.
L'arrêté du comité qui porte qu'il n'y a pas lieu à délibérer est mis aux voix ; la majorité est douteuse.
propose de renvoyer au pouvoir exécutif.
Cet amendement est rejeté.
Un autre membre propose de déclarer nulle et attentatoire à la liberté la procédure du parlement de Rouen.
Cet amendement est adopté.
dit qu'il ignore la majorité ; qu'il n'a prononcé que sur les assurances de MM. les secrétaires.
L'ordre avait été interverti. M. de Frondeville le réclame, représentant avec beaucoup de modération que M. le président n'aurait pas dû passer aux amendements avant d'aller aux voix par appel sur le projet de l'arrêté du comité, puisqu'il a déclaré que la majorité était indécise par la forme d'assis et levé.
répond qu'il n'a agi ainsi que d'après le vœu de l'Assemblée.
Enfin, l'Assemblée décrète l'arrêté qui suit :
« L'Assemblée nationale, persistant dans son arrêté du 25 juin, déclare qu'aucun citoyen ne peut être inquiété à raison des opinions ou projets par
lui présentés, des abus par lui dénoncés, soit dans les assemblées élémentaires, soit dans son sein ; déclare la procédure instruite par le parlement de Rouen contre le procureur du Roi de Falaise, nulle et attentatoire à la liberté nationale, et pour le surplus des demandes du procureur jdu Roi, le renvoie à se pourvoir ainsi et par-devant qui il appartiendra. »
On lit une lettre de M. de Bussy, député du gouvernement de Péronne, Montdidier et Roye, qui, contraint par sa santé de donner sa démission, demande à être remplacé par un de ses suppléants.
L'Assemblée agrée sa demande.
Une autre motion est mise sur le bureau par un membre de l'Assemblée, tendant à envoyer au Roi une députation à l'occasion de la fête de saint Louis.
Cette motion est adoptée à l'unanimité.
propose que le comité de rédaction s'assemble demain pour rédiger l'adresse qui sera portée par la députation, et il indique la séance pour demain dix heures du matin.
Séance du
ouvre la séance à onze heures, en priant l'Assemblée de l'excuser sur son retard, occasionné par la fatigue excessive des deux séances de la veille.
Messieurs les secrétaires rendent compte des adresses de félicitations, remerciements et adhésion envoyées par les officiers du bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux ; par les habitants de la ville de Saint-Sauveur en Puisaye, bailliage d'Auxerre, et la paroisse de Treigny ; par le port de Paimbœuf en Bretagne; par la commune de Tartas, par le corps municipal d'Ardres, et les députés des municipalités de l'Ardrésis ; par la communauté des notaires de la ville de Montéli-mart, et par les trois ordres de la ville de Viviers, capitale du Vivarais. Il est donné acte à MM. Nau de Belle-Isle et Peyruchaud, députés des communes de la sénéchaussée de Castelmoron, de la présentation de leurs pouvoirs, vérifiés dès le 22 juin 1789. Sur le rapport fait par M. Héhrard, au nom du comité de vérification, MM. Expitly, recteur de Saint-Martin de Morlaix, et dom Vergue!4 prieur de l'abbaye de Bellecq, vicaire général de l'ordre de Cîteaux, l'un et l'autre députés du clergé de Léon en Bretagne ; M. Nolff, curé de Saint-Pierre de Lille en Flandre, député du bailliage de Lille, à la place de M. l'évêque de Tour-nay, et M. Huot de Goncourt, député par les trois ordres du Bassigny-Barrois, ont été admis comme députés vérifiés.
fait une motion tendant à ce que la proposition que M. le président est en usage de faire
à l'Assemblée pour savoir si elle trouve la question suffisamment discutée, ne
L'Assemblée consultée sur la motion décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer quant à présent.
fait une autre motion conçue en termes différents, mais tendant au même but.
demande le rejet de toutes ces motions.
pense qu'il n'y a lieu à délibérer. Cette motion est dangereuse, dit-il ; si elle passe, il n'y aura plus de liberté dans l'Assemblée : on formera sans cesse des amendements arbitraires, et en faisant parler dix personnes sur chacune, la discussion sera interminable.
appuie cette motion.
démontre l'insuffisance du règlement sur ce point, et la nécessité de se conformer rigoureusement au mode établi de délibérer et de discuter.
On va aux voix, et l'on déclare n'y avoir lieu de prononcer.
On reprend la discussion du projet du sixième bureau et on lit Varticle 19, oui porte :
« La libre communication des pensées étant un droit du citoyen, elle ne doit être restreinte qu'autant qu'elle nuit aux droits.d'autrui. »
ouvre le premier son opinion sur cet article ; il ne se contente pas de présenter un projet relatif au 19e article, il essaie de faire revenir sur l'article arrêté hier matin. Il y a, dit-il, trois manières de manifester ses pensées : par écrit, par ses discours, par ses actions. Or, votre arrêté d'hier soumet les actions à la plus terrible inquisition.
Plusieurs membres rappellent l'opinant à l'ordre ; néanmoins il présente son projet tel que le voici :
«Tout homme ayant le libre exercice de sa pensée a le droit de manifester ses opinions, sous ja seule condition de ne pas nuire à autrui. »
parle ensuite; il détaille les avantages de la presse. C'est elle, dit-il. qui a détruit le despotisme ; c'est elle qui précédemment avait détruit le fanatisme. Il propose l'article qui suit :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux à l'homme; tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre des abus de cette liberté, dans les cas prévus par la loi. »
C'est avec empressement que j'appuierai les divers projets des préopinants. Cependant il nous est impossible d'en conserver un aussi vague, aussi insignifiant que celui du sixième bureau.
Ce serait manquer à nos mandats que de ne pas assurer la liberté de la presse ; mais nos cahiers nous prescrivent encore un devoir, celui dé consacrer à jamais l'inviolabilité du secret de
la poste ; nos cahiers nous le recommandent, et l'article du sixième bureau n'en parle pas.
Il y a lieu d'espérer que, réfléchissant sur la sainteté de nos devoirs et sur les dangers de remplir Ja déclaration des droits de détails insignifiants, nous nous empresserons de remplir nos mandats sur un objet aussi essentiel. Quant à la presse, il est inutile de vous en démontrer les avantages. A qui les annoncerions-nous ? Serait-ce au peuple? Mais les ordres qu'il nous donne annoncent qu'il les connaît. Serait-ce à nous-mêmes? Mais nos lumières sont dans nos cahiers.
Cependant, il faut le dire : la liberté de la presse n'est pas sans inconvénients. Mais faut-il aussi, pour cette raison, rétrécir une liberté que l'homme ne tient que de lui-même? En faisant des lois, aurons-nous plutôt égard au droit en lui-même qu'à l'abus que l'on en peut faire? Dans l'ouvrage le plus sage, le plus modéré, ne trouvë-t-on pas toujours quelque chose susceptible d'une interprétation maligne? interprétation qui est bientôt devenue un art perfectionné par le despotisme et l'inquisition de la police.
Si l'on s'élève contre un homme en place, il s'écrie que l'ordre est troublé, que les lois sont violées, que le gouvernement est attaqué, parce qu'il s'identifie avec l'ordre, avec les lois et avec le gouvernement.
Placer à côté de la liberté de la presse les bornes que l'on voudrait y mettre, ce serait faire une déclaration des devoirs, au lieu d'une déclaration des droits.
Jamais article ne fut plus important. Si d'un mot mal combiné il en coûtait une larme, un soupir, nous en serions responsables.
Si de quelque article rédigé dans le tumulte, il en résultait l'esclavage d'un seul, il en résulterait bientôt l'esclavage de tous ; la servitude est une contagion qui se communique avec rapidité.
J'adhère à l'arrêté de M. le duc de La Rochefoucauld, en y mettant la dernière phrase de M. le duc de Lévis, sauf à ne pas nuire, etc.
Je propose l'article suivant qui n'est que l'extrait des deux autres.
« Tout homme a le droit de manifester ses opinions par la pensée, la parole et l'impression, celui qui, en usant de ce droit, blesse le droit d'autrui, doit en répondre suivant les formes prescrites par la loi. »
C'est à la déclaration des droits à publier les grandes maximes, à constater les droits inaliénables, mais dans toute leur pureté et leur énergie. C'est ensuite à la Constitution et aux lois à adapter cette liberté au principe et à la nature du gouvernement. Vous devez faire de la déclaration des droits le code des législateurs mêmes ; c'est le type sur lequel la puissance législative formera toutes ses institutions. La déclaration des droits sera enfin la règle de la liberté publique, et si le pouvoir législatif pouvait jamais s'égarer ou se corrompre, le peuple, dont ce pouvoir émane, comme tous les autres, le rappellera sans cesse à cette déclaration, comme a une source dont les eaux ne peuvent être corrompues.
Conservez-donc, Messieurs, à la déclaration des droits l'énergie et la pureté qui doivent caractériser ce premier acte de la législation ; ne la surchargez pas de ces modifications destructives, de ces idées secondaires qui absorbent le sujet, de ces précautions serviles qui atténuent les aroits,
de ces prohibitions subtiles qui ne laissent plus de la liberté que le nom. Il est temps d'effacer de la législation française les absurdités qui la déshonorent depuis longtemps.
G est à la liberté de la presse, plus encore qu'aux besoins publics, que vous devez le bienfait de cette Assemblée : consacrez donc cette liberté de la presse, qui est une partie inséparable de la libre communication des pensées. L'arbre de la liberté politique ne croît que par l'influence salutaire de la liberté d'imprimer.
D'ailleurs, Messieurs, le progrès de l'opinion armée de la presse est devenu irrésistible. Le moment est venu, où aucune vérité ne peut plus être dérobée aux regards humains ; et réprimer ou contraindre la liberté de la presse, c'est un vain projet. Réparer les droits d'autrui, est la seule modification que la morale des Etats apporte à la liberté.
Tout homme a le droit de communiquer et de publier ses pensées ; la liberté de la preâse, nécessaire à la liberté publique, ne peut être réprimée, sauf à répondre des abus de cette liberté, dans les cas et suivant la forme déterminée par par la loi.
Vous ne devez pas balancer de déclarer franchement la liberté de la presse. 11 n'est jamais permis à des hommes libres de prononcer leurs droits d'une manière ambiguë; toute modification doit être renvoyée dans la Constitution. Le despotisme seul a imaginé des restrictions : c'est ainsi qu'il est parvenu à atténuer tous les droits... Il n'y a pas de tyran sur la terre qui ne signât un article aussi modifié que celui qu'on vous propose. La liberté de la presse est une partie inséparable de celle de communiquer ses pensées.
Un curé du bailliage de Metz présente son cahier qui demande que tous les ouvrages soient soumis à la censure.
On allait délibérer, lorsque M. l'évêque d'Amiens a demandé la parole, et l'on a cru devoir faire une exception au règlement pour entendre ce prélat.
évêque d'Amiens. Je satisfais à ma conscience qui me presse, ainsi qu'au mandat que j'ai reçu : il y a du danger pour la religion et les bonnes mœurs dans la liberté indéfinie de la presse. Combien la religion n'a-t-elle pas souffert des attaques que la licence des écrits lui a portées 1 Combien le repos de la société n'a-t-il pas été compromis I Combien de pères de famille peuvent être alarmés pour leurs enfants des mauvais principes de certains ouvrages 1... Je termine en proposant un amendement pour la conservation des mœurs et i'inté-grité dela foi.
évêque de Dijon, lit le projet suivant :
a Toute communication libre des pensées et des opinions est un des droits du citoyen ; elle ne doit être restreinte que dans le cas où elle nuirait au droit d'autrui. »
demande à faire un amendement à tous ces modèles. Tous portaient restreindre ; il propose d'y mettre réprimer. On vous laisse, dit-il, un écritoire pour écrire uue lettre calomnieuse, une presse pour un libelle ; il faut que vous soyez puni quand le
délit est consommé : or, ceci est répression, et non restriction ; c'est le délit que l'on punit, et l'on ne doit pas gêner la liberté des nommes, sous prétexte qu'ils veulent commetre des délits.
Un ecclésiastique propose un autre amendement. 11 demande aue^ l'on insère dans l'article contraires aux lois ae l'Etat.
Cet amendement est rejeté.
On met aux voix l'articie 19 du projet du sixième bureau.
L'article est rejeté.
On met aux voix celui de M. le duc de La Rochefoucauld.
demande par amendement de le terminer ainsi : les cas qui seront prévus par la loi.
M. Pétion observe que cela est inutile, et dit qu'il ne peut pas y avoir de lois antérieures à une constitution.
L'article est décrété en ces termes :
« Art. 11. La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire, imprimer librement, sauf à répondre de l'abus de cette liberté dans les cas déterminés par la loi. »
L'Assemblée passe à la discussion de l'article 20 du projet du sixième bureau.
reproche à ce projet du sixième bureau, d'être diffus, long et inintelligible, et propose l'article suivant :
« De la nécessité d'une contribution suffisante à l'entretien d'une force publique, capable de garantir les droits des citoyens, dérive le droit de consentir l'impôt, de constater sa nécessité, d'en déterminer la quotité, d'en fixer l'assiette et la durée, enfin de demander compte de cet emploi à tous les agents de l'administration. »
présente aussi un projet à peu près dan3 les mêmes termes :
« Tout subside nécessaire pour les dépenses publiques étant une portion retranchée de la propriété, chaque citoyen a le droit de consentir 'impôt, d'en fixer la durée, la nécessité et l'em-plôi. »
Ce n'est pas un retranchement de la propriété, c'est une jouissance commune à tous les citoyens ; c'est le prix avec lequel vous possédez vos propriétés.
demande à défendre le principe attaqué par M. de Mirabeau ; mais cette controverse n'est pas entamée.
Voici encore quelques projets de divers membres.
La garantie des droits particuliers nécessite une force publique ; son but étant la sûreté des propriétés, chacun doit contribuer à l'établissement de l'impôt, à la fixation de sa durée, et de sa quotité, et à la responsabilité des agents de l'administration.
C'est un droit des citoyens de ne payer aucunes contributions publiques que celles qui ont été librement accordées par eux-mêmes ou par leurs représentants, et qui ont été fixées par eux, tant pour la somme que pour la durée.
demande que l'on prenne quel-
ques articles de M. Sieyès. Cette proposition n'est pas acceptée.
Tout citoyen a le droit de constater par lui ou ses représentants la nécessité des contributions destinées à la chose publique, d'en déterminer la quotité, l'assiette, la durée, et d'en vérifier l'emploi.
insiste sur le projet de M. le baron de Marguerites.
La discussion en était à la fin, tous les derniers articles allaient être réunis en un seul, lorsque M. Chapelier dit qu'il faut distinguer les articles ; que le vingtième article établit remploi des impôts, et les autres la forme de les accorder.
Cette opinion prévaut. Après bien des agitations, on revient enfin au vingtième article du projet du sixième bureau.
propose la rédaction suivante :
« Tout citoyen a une garantie sociale supérieure à tous les citoyens. Il faut une forme qui la maintienne; elle appartient à la nation, et les fonctions qu'elle donne ne peuvent jamais devenir la propriété de ceux qui les exercent.
en présente un où il Qualifie les agents de l'administration de serviteurs e la nation. -Cette expression excite quelques murmures. L'orateur appuie sur ce mot en disant: « l'on s'honore d'être serviteur du roi: doit-on rougir dans cette Assemblée d'être serviteur delà nation ? »
propose un article pour remplacer les articles 20, 21, 22, et 23, relatifs à la propriété et l'entretien de la force publique, sans laquelle la loi est sans vigueur et la propriété sans appui.
MM. Maiouet, Robespierre, le prince de Broglie, Target, de Marguerites, Rhédon, Bouche, de La-borde, de Virieu, Vernier, Pison du Galand, De-fermont, Mounier et Duport, proposent divers projets de rédaction qui comprennent plus ou moins d'articles. D'autres en désirent qui soient pris dans la déclaration de M. l'abbé Sieyès.
attaque quelques-unes de ces rédactions, en ce qu'on n'y établit pas avec assez de précision la responsabilité des agents publics, et l'impossibilité d'abuser de la force publique contre les citoyens.
archevêque d'Aix. Je demande qu'on s'occupe dans la déclaration des droits de la puissance respective des citoyens, du droit d'influer sur lç gouvernement, droit qui fait une partie essentielle de ceux du citoyen. Il faut que tous les citoyens participent également à l'établissement et au maintien de la puissance publique. C'est sur ces principes que furent établis les Etats généraux, composés des représentanls de tous les citoyens ; et ce principe ne peut être contesté dans une monarchie fondée sur les lois. Un homme ne commande aux autres que par l'emprunt et l'emploi de leur puissance. C'est la raissance réunie des citoyens qui rend un citoyen 3lus puissant que les autres. Ainsi les droits po-tiques communs à tous les citoyens sont indestructibles comme leurs droits naturels et civils. Un citoyen ne peut pas plus perdre la puissance qui lui appartient que la liberté.
Cette multitude de rédactions embarrasse l'Assemblée dans lé choix qu'elle veut faire.
mettent un terme à cette indécision, en observant que le seul défaut de l'article 20 était d'avoir été rédigé par le sixième bureau. Cette remarque inattendue ramène aux opinions, et l'Assemblée adopte unanimement l'article 20.
C'est le premier des vingt-quatre articles du projet de déclaration qui ait été conservé; le voici :
« Art. 12. La garantie des droits de l'homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l'avantage de tous et non pour l'utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée. »
L'article 21 a été décrété en ces termes :
« Art. 13. Pour l'entretien de la force publique et pour les dépenses d'administration, une contribution commune est indispensable. Elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés. »
Uue députation de la garde bourgeoise de Versailles, composée de MM. de l'état-major et capitaines de cette garde est introduite et présente à l'Assemblée une délibération qu'elle vient de prendre à l'effet d'ouvrir une souscription patriotique pour contribuer au payement des dettes de l'Etat.
On lit cette délibération.
L'Assemblée nationale voit avec sensibilité l'acte de patriotisme de la milice nationale de Versailles. Elle fait en sa faveur une exception honorable en recevant sa députation.
propose de nommer une députation pour porter au Roi les félicitations de l'Assemblée à l'occasion du jour de sa fête.
Il est arrêté que cette députation sera nommée par la voie du sort, et que le comité de rédaction présentera ce soir un projet d'adresse au Roi.
continue la séance à ce soir six heures et demie.
Séance du soir.
a dit que MM. les électeurs des trois ordres du bailliage de Château-Thierry avaient envoyé à l'Assemblée nationale une dé* putation, qui serait consolée de ne pouvoir être admise, si l'Assemblée voulait du moins permettre que lecture lui fût donnée, à l'instant, de l'adresse que cette députation était chargée de présenter. L'Assemblée l'ayant permis, un de MM. les secrétaires a lu la délibération prise le 18 de ce mois, par les électeurs unis de la ville et du bailliage de Château-Thierry, portant nomination de quatre d'entre eux pour présenter à l'Assemblée natio -nale l'hommage de leur respect, de leurs félicitations et de leur reconnaissance, singulièrement excitée par le décret qui a pour objet d'assurer la tranquillité publique.
Il a été présenté un acte passé par-devant notaires à Béziers, le 14 de ce mois, par M. le marquis de Villeneuve, portant qu'il adhère, pour ce qui le concerne, à la renonciation que les barons aes Etats de Languedoc, présents à la séance de l'Assemblée nationale du 4 de ce mois, ont faite
entre les mains de la nation, aux privilèges de leurs baronnies, notamment à leurs droits d'assistance, en qualité de barons, aux Etats de Languedoc; supplie très-humblement la nation d'agréer son adhésion, comme le témoignage de son profond respect et de son entier dévouement.
La lecture de cet acte a excité de vifs applaudissements dans toute l'Assemblée.
un des membres du comité de rapport, a rendu compte d'un mémoire adressé à l'Assemblée nationale par le régiment de Royal Hesse-d'Armstad, explicatif d.es circonstances dans lesquelles il a reçu l'ordre de M. de Rochambeau de camper dans la plaine des Boucliers, près de Strasbourg.
L'Assemblée nationale, sur l'avis du comité de rapport, a autorisé son président à répondre au régiment de Royal Hesse-d'Armstad que cette affaire étant de la compétence du pouvoir exécutif, le mémoire etles pièces justificatives seront renvoyés au ministre de la guerre.
Un membre annonce que depuis plusieurs jours M. de Rochambeau a levé l'ordre, et rappelé le régiment dans Strasbourg, où il a pris son quartier d'hiver.
Les négociants de Lavai se plaignent du mauvais état du commerce. Ils représentent que le commerce des toiles est presque anéanti ; ils attachent le mai à la cessation des payements royaux, qui peut entraîner la chute entière des fortunes et de l'industrie. En conséquence, ils sollicitent l'Assemblée de renouveler l'arrêté du 17 juin, qui ordonne que tous les impôts continueront d'être perçus à l'ordinaire.
On propose de faire passer aux diverses municipalités l'arrêté de la ville deMilhauen Rouer-gue, qui déclare infâmes et incapables de posséder des emplois municipaux tous ceux qui refuseront de payer, pour le bien de l'Etat, les impôts établis.
On ordonne l'impression de cet arrêté, pour être incessamment adressé aux différentes municipalités.
On donne lecture d'une lettre qui annonce les excès auxquels se livrent les paysans dans la Lorraine et le Barrois ; que plusieurs seigneurs ont été incendiés et leurs archives brûlées, etc.
fait un rapport sur une affaire assez singulière.
Un auteur, M. de Boncerf, a fait un livre, il y a quinze à seize ans, contre les fiefs. Le parlement de Paris a informé, décrété et assigné pour être ouï; converti le décret d'assigné pour être ouï en décret d'ajournement personnel. Ce décret subsiste encore depuis douze ans. Le livre a été brûlé, et l'auteur est toujours resté dans les liens du décret. M. le marquis de Sérent observe qut le régime féodal étant aboli, le livre n'est plus dangereux.
Après ce rapport, quelques membres se plaignent qu'on jette du ridicule sur le décret d'une cour souveraine. On veut que M. le président confère avec M', le garde des sceaux pour faire lever le décret; mais M. de Lally ramène l'Assemblée à un autre sentiment. Les malheurs particuliers, dit-il, doivent s'évanouir devant les malheurs publics qu'il faut réparer.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette affaire.
i M. François de Neufchâteau, poète connu par des ouvrages agréables, suppléant des députés de Lorraine, étant à Toul, avait rassemblé quelques syndics de communautés pour conférer avec eux sur des nouvelles relatives aux résolutions de l'Assemblée nationale. M. de Taffin, lieutenant du Roi, a fait appréhender M. de Neufchâteau et quatre électeurs par la maréchaussée, sous prétexte qu'ils tenaient une assemblée illicite. Après les avoir mis au secret dans- les prisons de Toul, il les a fait conduire à Metz le lendemain, à une heure après minuit. M. le marquis de Bouillé, commandant de la province, a envoyé sur-le-champ à leur rencontre pour rendre ces messieurs à la liberté. M. de Bouillé, pour faire oublier à M. de Neufchâteau la disgrâce et l'indignité de son emprisonnement, l'a comblé d'honnêtetés. Le vrai héros aime toujours l'homme de lettres. Je demande que PAssemblée prenne une détermination sur cette affaire.
après avoir fait l'éloge des talents et des vertus de M. François de Neufchâteau, opine pour que l'Assemblée ne se départe pas des principes rigoureux de justice qui doivent la diriger.
député de Toul, lit à l'Assemblée un mémoire justificatif qui lui a été envoyé par le lieutenant du Roi, de cette ville.
Un membre de VA ssemblée fait observer qu'il est extraordinaire que M. Maillot se soit chargé de justifier l'oppresseur de son suppléant.
député de Metz. Il est temps que l'Assemblée réprime avec la plus grande sévérité de pareils attentats. Ce n'est pas seulement pour venger M. François de Neufchâteau que je demande la punition des coupables, je la demande au nom et pour la sûreté des malheureux habitants des frontières qui, plus que les autres, gémissent sous la tyrannie du pouvoir militaire.
Cette affaire est renvoyée au comité des recherches, qui est chargé d'en faire incessamment le rapport.
communique une lettre de M. le duc de Caylus, député de Saint-Flour, en date du 17 de ce mois, par laquelle M. le duc de Caylus annonce que sa santé l'ayant mis dans le cas d'offrir sa démission à ses commettants, ils n'ont point voulu la recevoir; qu'ils viennent au contraire de lui donner de nouveaux pouvoirs, et qu'il attend avec empressement le moment où son état lui permettra de se rendre à son devoir, et où il pourra prouver à l'Assemblée nationale et à ses commettants, que son dévouement est sans bornes lorsqu'il s'agit de concourir au bien de la patrie.
au nom du comité de rédaction, apporte le projet d'adresse à présenter demain au Roi: ce projet a été adopté ; il est de la teneur suivante:
«Sire, le monarque dont votre Majesté porte le nom vénéré, dont la religion célèbre aujourd'hui les vertus, était, comme vous, l'ami de son peuple.
« Comme vous, Sire, il voulait la liberté française. Il ia protégea par des lois qui honorent nos annales ; mais il ne put en être le restaurateur.
« Cette gloire, réservée à Votre Majesté, lui
donne un droit immortel à la reconnaissance et à la tendre vénération des Français.
« Ainsi seront à jamais réunis les noms de deux rois qui, dans la distance des siècles, se rapprochent sur les actes de justice les plus signalés en faveur de leurs peuples.
« Sire, l'Assemblée nationale a suspendu guel-ques instants ses travaux pour satisfaire à un devoir qui lui est cher, ou plutôt elle ne s'écarte point de sa mission : parler à son Roi de l'amour et de la fidélité des Français, c'est s'occuper d'un intérêt vraiment national, c'est remplir le plus pressant de leurs vœux. »
Liste des membres désignés par le sort pour porter cette adresse avec M. le président.
MM.
Lescurier.
Le comte de Custine.
Moyot.
Pâpin.
De Mercy, évêque de Luçon.
Le baron de Gauville.
Bouchette.
Menu de Chomorceau.
Le comte d'Hodicq.
Le comte de Sérent.
Lesure.
Camus.
Farochon.
Vyau de Baudreuii.
Francheteau de la Glaustière.
Le marquis de Cypières.
La Poule.
Le vicomte de Ségur. Tridon.
Valentin-Bernard.
L'abbé de St.-Estève. Germain,
L'abbé de Dolomieu.
Le marquis de Mesgrigny.
MM.
Dorçi Davoust.
Marandat d'Oliveau.
Rey.
Perdry.
Bonnet.
Texier.
Fleury.
Tixedor.
Le marquis de Chambrai.
Dosfant.
De La Viguerie.
Guérin.
De la Roche-Négli.
Le comte de Sarrazin.
Soustelle.
Harmand.
Le duc d'Orléans.
Dillon.
Berenger.
Colbert de Seignelay, évêque de Rodez.
Goudard.
Morin.
Brunet de Latuque.
On s'occupe de nouveau de l'affaire du procureur du Roi de Falaise, décrété par le parlement de Rouen pour sa conduite comme électeur. Ce magistrat a demandé justice à l'Assemblée nationale. Le comité qui a rendu compte de l'affaire a pensé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. M. l'abbé Maury a appuyé l'avis du comité.
Entre les diverses prérogatives essentielles à toute Assemblée législative, il en est sans laquelle il est impossible de concevoir son existence: c'est le droit de veiller à sa propre police, à la liberté, à la sûreté de ses membres, et par conséquent à celle des assemblées électorales qui ont concouru àN la formation de celle-ci. Ce dernier droit est inséparable des précédents ; sans lui, ils seraient incomplets, insuffisants, et presque illusoires. Car, quelle liberté peut avoir une assemblée, si ceux qui ont concouru à la former par leurs suffrages n'ont eux-mêmes pas été libres, s'ils ont été sous une influence étrangère ; si, sort pour le choix qu'ils ont fait de leurs représentants, soit pour les instructions qu'ils leur ont remises, ils ont été soumis à la censure et aux poursuites d'un intéressé par ses fautes mêmes à éteindre en eux toute liberté ? c'est ce qu'ont parfaitement bien vu les Anglais. Jamais aucun corps judiciaire, aucun département quelconque du pouvoir exécutif ne s'immiscerait dans les assemblées d'élection,n'essayerait de poursuivre un seul de leurs membres pour les avis qu'il y ouvrirait, pour les résolutions qu'il y ferait prendre, sans s'exposer au ressentiment de la chambre des communes : de tels
actes ne seraient pas moins à ses yeux une haute infraction de privilège, que celui par lequel un membre des communes serait poursuivi pour ses opinions.
L'Assemblée nationale n'empiéteraitdonc pas sur les droits du pouvoir judiciaire, en accueillant la plainte du magistrat de Falaise. Un il n'y a lieu à délibérer serait au contraire un abandon formel de ses droits, une abjuration de sa propre existence. Sur quoi donc y aura-t-il lieu a délibérer dans cette Assemblée, si ce n'est sur des actes qui compromettent tout à la fois son honneur, sa dignité, sa liberté? « Le principe de toute souveraineté réside essentiellement dans la natiou; nul individu ne peut exercer d'autorité qui n'en émane expressément. » Que signifient ces expressions que l'Assemblée nationale vient de consacrer, si elle craint de délibérer sur l'entreprise non moins coupable qu'illégitime du parlement de Rouen?
Je n'entends point que notre délibération se porte sur le genre de réparation qui peut être due au magistrat de Falaise. C'est là vraiment ce qu'on pourrait, à juste titre, appeler une atteinte au pouvoir judiciaire. Mais le principe qui devra servir de base au jugement; mais la déclaration claire et positive que l'acte commis par le parlement de Rouen est une atteinte à la liberté nationale; mais le renvoi du magistrat opprimé à se pourvoir au conseil du Roi, pour obtenir toutes les réparations qui sont justes ; voilà ce qu'il me paraît que dans la circonstance, l'honneur de la nation, la liberté publique, et de justes égards pour le pouvoir judiciaire sollicitent également.
L'Assemblée décide que la procédure intentée au procureur du Roi de Falaise est nulle et attentatoire à la liberté nationale.
Séance du
a rendu compte de la députation faite hier au Roi, et de la réponse de Sa Majesté, conçue en ces termes:
« Je reçois avec sensibilité les témoignages d'attachement que vous me présentez au nom de l'Assemblée nationale; elle peut toujours compter sur mon affection et ma confiance. »
Il a ensuite prévenu les différents comités qui n'avaient pas de lieux fixes pour la tenue de leurs séances, de vouloir bien le faire savoir au secrétariat.
Un de MM. les secrétaires a donné lecture des adresses et adhésions de la ville de Coutancës, des officiers municipaux de la ville et juridiction d'Hons-Chootz en Flandre, des officiers municipaux de la ville de Chaumont en Vexin, de la municipalité de Murdebarrès, de la ville de Martel, du comité patriotique de la ville de Cahors, de la ville de Ribemont, de la ville de Pignan en Provence, delà ville et commune de Tonnerre, des officiers du présidial et sénéchal d'Agen, de la ville de Sierck, du tiers-état de la ville de Toulouse, des officiers civils et municipaux, et citoyens de toutes les classes delà ville de la Souterraine,delà ville de Gaillac en Albigeois, de la ville de Sancerre en Berry, de la ville de Dax, de la ville de Lau-
rac-le-Grand, des ordres réunis de la ville de Carentan, de la ville d'Orange, de la ville de Tho-rigny, des officiers de la sénéchaussée de Sain-tongé, de la ville de Glermont-Lodève, du conseil municipal de Tourves; du bureau d'administration patriotique de Montignac en Périgord, de l'assemblée des commissaires des trois ordres du ressort de la gouvernance de Lille, de la ville de Seyne dans la Haute-Provence, des citoyens de tous les ordres de la ville et communauté de Mont-Dauphin et Eygliers. delà ville de Châlons-sur-Marne, des villes de Pûylaurens, Forez, Dour-gue, Mazamet, Saint-Paul-de-Cap-de-Joux, la Bruyère, Revel, dudiocèsede Lavaur, réunies; des trois ordres de la ville d'Alby, de Saint-Jouin en Bas-Poitou, de la cour des aides et finances de Guyenne, des électeurs et principaux citoyens de Bergues-Saint-Vinoc en Flandres, de la ville de Verdun.
a annoncé à l'Assemblée que les deux membres du comité des finances, dont la nomination n'avait pas été proclamée jusqu'à ce jour, étaient MM. d'Ailly et le Moine de Belle Isle.
On a lu les procès-verbaux des 21, 22 et 23 août.
a dit que l'ordre du jour ramenait l'Assemblée à la discussion de Varticle 22 du projet de déclaration de droits du sixième bureau, ainsi conçu:
« La contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen, il a le droit d'en constater la nécessité, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »
propose deux amendements; l'un eu ces termes : par lui-même ou par ses représentants, à ajouter après ces mots, il a le droit;et on l'a adopté unanimement.
Le second amendement tendait à retrancher ces mots : la contribution publique étant une portion retranchée de la propriété de chaque citoyen; il est mis à la discussion.
Cette phrase présente des idées fausses et dangereuses aux citoyens sur la définition de la nature de l'impôt. La portion du revenu ou des productions donnée pour la sûreté publique est une dette, un remboursement, ou un échange de services. Or, payer ce qu'on doit n'est pas un retranchement de sa propriété, et c'est faire un larcin à la république de ne pas acquitter cette dette. Il n'y a que trop de ces citoyens qui déguisent leur revenu pour échapper à une juste contribution.
En présentant cette idée de retranchement, ils y verront des moyens d'éluder la contribution ; ils croiront ne faire que conserver. Ne jetons pas nos concitoyens dans des erreurs dangereuses par des expressions hasardées. Le payement du tribut est une dette légitime à acquitter; le corps national a le droit imprescriptible de le percevoir pour l'intérêt et la sûreté de tous; et les citoyens sauront enfin quec'est faire un véritable larcin au corps national de ne pas lui payer la dette sacrée de la contribution publique.
Après ces idées sur la nature des contributions nationales, M. Périsse propose un projet de rédaction en deux articles conformes à ce principe.
La nation a, dit-on, le droit
de consentir l'impôt. Poser ainsi le principe, ce n'est pas le consacrer, mais c'est l'altérer. Celui qui a le droit de consentir l'impôt a le droit de le répartir; dès que le pouvoir législatif réside dans les mains de la nation, le droit de la répartition y réside également ; elle doit forcer tout citoyen, à le paver, et sans cela ce droit ne serait plus, étant en la puissance du pouvoir exécutif, qu'un veto qu'il nous opposerait.
Je viens actuellement à la seconde partie de la motion. Tout impôt, y est-il dit, est une portion retranchée de la propriété; je soutiens, au contraire, que c'est une portion de la propriété mise en commun dans les mains de l'administrateur public. Je développe cette idée. Qu'est-ce, en effet, qu'un administrateur, si ce n'est le dépositaire ae toutes les contributions? Or, admettons le principe contraire. Si c'est une portion retranchée de la propriété, elle n'appartient plus à la nation; la nation n'a plus le droit de lui en faire rendre compte; en conséquence, voici ce que je propose au heu de l'article 22 du projet du sixième bureau :
« Toute contribution publique étant une portion des biens des citoyens mis en commun pour subvenir aux dépenses de la sûreté publique, la nation seule a le droit d'établir l'impôt, d'en régler la nature, la quotité, l'emploi et la durée.
On présente encore beaucoup d'autres modèles d'arrêté.
Un curé propose la rédaction suivante :
« Tout subside, par voie d'emprunt ou d impôt, doit être consenti par la nation; elle peut seule en fixer l'assiette, en faire faire le recouvrement, et en fixer la durée. »
Dans la dernière séance, il s'était élevé des orateurs pour établir la thèse attaquée par les préopinants; pour démontrer que l'impôt est une portion retranchée de la propriété. Cependant l'Assemblée, sans avoir égard aux projets d'arrêté, s'est contentée de rejeter la phrase qui porte que tout impôt est une portion retranchée de la propriété, et elle a adopté avec cette modification l'arrêté suivant. C'est celui du sixième bureau, avec les modifications proposées et adoptées.
« Art. 14. Chaque citoyen a le droit par lui-même ou par ses représentants, de constater la nécessité de la contribution publique, de la consentir librement, d'en suivre l'emploi, et d'en déterminer la quotité, l'assiette, le recouvrement et la durée. »
fait sentir la différence de ces deux mots; l'un est ce que paye chaque citoyen; l'autre ce que paye la nation entière.
Cette observation est trouvée judicieuse, et, quoique proposée après l'article discuté et passé, l'Assemblée n'y a pas eu moins d'égard.
On discute l'article 2J du projet du sixième bureau, ainsi conçu : « La société a le droit de demander compte, à tout ageut public de son administration. »
trouve qu'il est insuffisant, soit parce qu'il ne dit pas assez, soit parce-qu'il peut réunir également l'article suivant. Il donne lecture du projet qui suit :
« La société a le droit défaire contraindre tout citoyen au payement de sa contribution et de demander à tout agent public compte de son administration. »
Ici s'élève une grande et importante question, celle de la division des pouvoirs publics.
Sans la séparation des pouvoirs il n'y a que despotisme. Il est essentiel de poser ce principe. Voici, à cet égard, la rédaction que je propose :
« Aucun peuple ne peut jouir de la liberté, si les pouvoirs publics ne sont distincts et séparés, et si les agents du pouvoir exécutif ne sont responsables de leur administration. »
Je n'ai point des vues aussi étendues. Je propose seulement de réunir en un seul article le 22e et le 23e. C'est dans cet esprit que je présente le projet que voici :
« Le payement de l'impôt étant le prix de la protection et de la sûreté, la société a le droit de contraindre tout citoyen à la contribution, comme elle a celui de faire rendre compte à tout agent public de son administration. »
La motion de M. Lameth prévient le jugement de l'article 25. Celle-ci revient contre le jugement de l'article 22.
demande la parole pour ajouter deux articles à la déclaration des droits.
Cette demande, qui ne pouvait être faite qu'après l'examen de tous les articles de la déclaration du sixième bureau est rejetée.
revient alors sur la question actuelle, et donne le projet suivant :
« Tout agent du pouvoir exécutif est responsable de son administration, et la nation a le droit de lui en demander compte. »
Un membre propose de mettre, au lieu du mot nation, celui de société, attendu que chaque membre de la société a le droit d'exiger la responsabilité de l'administrateur.
Cette réflexion n'a point de suite.
Un autre membre demande que l'on termine ici la déclaration des droits de l'homme, et soutient que l'article 23 et le 24e appartiennent à la Constitution.
Je crois devoir combattre cette opinion. — Il ne s'agit pas ici des droits de l'homme, mais aussi de ceux du citoyen, de l'homme en société. — Or, de tous les articles que nous avons consentis, jamais il n'y en eut de plus relatif aux droits des citoyens. Tout citoyen a le droit d'exiger la responsabilité ; tout citoyen a le droit d'exiger la garantie de sa propriété, de sa liberté, de sa vie.
Target reprend la motion sur la distinction des pouvoirs. Tant que les pouvoirs, dit-il, sont séparés, la liberté existe; tant qu'ils sont réunis, le peuple est sous le joug du despotisme. Voici mon projet d'arrêté :
« Les droits de l'homme ne sont assurés qu'autant que les pouvoirs publics sont distincts et sagement distribués. »
Sans doute, lorsque l'on vous parle de la séparation des pouvoirs, l'on n'entend pas déterminer par là quelle sera l'influence du pouvoir exécutif sur la caisse nalionalè ; sans doute l'on ne prétend pas encore pai là élever une barrière entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Chaque citoyen sent en lui même quels sont les objets sur lesquels ils doivent être réunis et sur lesquels ils doivent être séparés. Ce n'est qu'après une sage combinaison, après un calcul réfléchi, que 1 on pourra fixer cette ligne de démarcation; mais dans le moment actuel il n'est pas encore temps. Aussi, est-ce d'après ces réflexions que je vous soumets l'article ainsi rédigé :
« C'est la distribution sagement combinée des divers pouvoirs qui assure les droits des citoyens ; et tel est l'objet de la Constitution. »
Telle est la transition que j'offre à l'Assemblée pour s'occuper sur-le-champ delà Constitution.
Le plan de M. Rhédon est applaudi, soutenu et appuyé dans les premiers moments; mais il n'a eu aucun succès. Il est réfuté par M. l'archevêque d'Aix.
archevêque d'Aix. Si l'on considère la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, elle n'offre que les principes de la Constilution. Il faut donc distinguer tout ce qui appartient aux principes de la Constitution, des moyens qu'il faut prendre pour assurer ces mêmes principes. Les uns doivent entrer dans la déclaration des droits, les autres appartiennent à la Constitution.
Certes la responsabilité des agents du pouvoir exécutif est un droit acquis au citoyen. Chaque citoyen a le droit'de leur demander compte ; il faut donc encore énoncer ce droit dans la déclaration. Mais à quel degré, dans quelle forme, par quel moyen cette responsabilité s'effectuera-t-elle? Ce n'est pas ce que nous avons à examiner actuellement de ces objets; nous les traiterons dans la Constitution; mais avant tout, consacrons le principe.
Le second objet de la délibération, c'est la division des pouvoirs. Jamais travail n'a été si pénible, si peu heureux que celui de trouver la ligne de séparation entre la force exécutrice et la force législatrice. Les législateurs de tous les peuples, de tous les temps, y ont réfléchi, et touss ont commis quelques erreurs. Sans doute il est important de ne pas laisser tomber dans les mains du pouvoir exécutif le pouvoir législatif, car alors nous aurions le despotisme; les agents du pouvoir ne feraient jamais de lois que pour eux-mêmes, et n'en exécuteraient jamais contre eux.
Il nous importe donc de distinguer auparavant de quelle manière se fera cette distinction; c'est ce que l'on examinera encore dans le travail de la Constitution.
Je demande donc que l'on exprime le principe de la division des pouvoirs dans la déclaration des droits, et que l'on renvoie les réflexions pour l'exécuter à la Constitution.
dépose sur le bureau l'article suivant :
« Les droits de l'homme en société ne seront assurés qu'autant que les pouvoirs seront divisés, et les agents publics responsables de leur administration. »
Un autre membre présente un autre arrêté conçu dans le même esprit.
« Tout citoyen est en droit d'exiger de la société la garantie denses droits, et il est impossible qu'elle soit assurée sans la division des pouvoirs et la responsabilité. »
propose un projet de rédaction :
« La liberté publique, exige que la séparation des pouvoirs soit déterminée, et que les agents du pouvoir exécutif soient responsables de leur administration, »
insiste pour que l'on s'occupe au plus tôt de la Constitution.
observe que tout homme a le droit de ne pas faire partie d'une société où des agents publics ne seraient pas responsables, et où les pouvoirs ne seraient pas divisés.
appuie la rédaction de M. de Lameth, et fait sentir que la déclaration des droits doit contenir tous les principes propres à diriger à l'avenir la législation ; enfin, après plusieurs débats sur les diverses rédactions qui ont été proposées, on revient à l'article 23, qui est adopté unanimement. Il est conçu en ces termes :
« Art. 15. La société a le droit de demander compte à tout agent public de son administration. »
observe qu'il pourrait se faire que, sous le mot d'agent, l'on comprît la personne du roi, et que l'on prétendît exercer la responsabilité contre lui.
Cette réflexion n'arrête pas la discussion de l'article 24.
La séparation est un principe trop salutaire pour ne pas le consigner; mais après bien des débats, qui n'aboutiront à rien, on en viendra à l'article du sixième bureau. Je le pense donc, pour terminer, on devrait se hâter de l'adopter. Cet article ne laisse aucune exagération; il ne laisse, d'un autre côté, aucune méfiance; il me semble qu'il remplit toutes nos vues.
trouve qu'il est moins rédigé en principes qu'en style d'instruction; en conséquence, il présente le projet suivant :
« La liberté des citoyens exige que les'ditférents pouvoirs soient déterminés. »
soutient que ce principe est étranger à la déclaration des droits, et il demande la question préalable.
évêque de Rhodez, offre aussi un arrêté :
« Les droits des citoyens ne peuvent être garantis que par une sage distribution des pouvoirs. » On revient à l'article 24 du sixième bureau, et il est admis. Le voici :
« Art. 16. Toute société dans laquelle la garantie des droits n'est pas assurée, ni la séparation des pouvoirs déterminée, n'a pas de constitution. »
veut ajouter un article. Le voici :
« Comme l'introduction des abus et l'intérêt des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer sa Constitution. Il est bon d'indiquer des moyens paisibles et constitutionnels pour l'exercice de ce droit. »
Cette motion est appuyée de M. Desmeuniers, mais sans succès.
L'Assemblée décide qu'il n'y a lieu à délibérer quant à présent.
Cette décision amène des protestations.
lit l'article 6 du règlement, qui porte que, sur toute motion, on peut poser la question, s'il y a lieu ou non à délibérer.
Le plus grand nombre des membres veut passer enfin à la Constitution; d'autres veulent que l'on ne termine pas la déclaration des droits sans y insérer un article concernant la propriété.
en propose un qui réunit sur-le-champ beaucoup de suffrages, non qu'il n'y ait eu beaucoup d'amendements, qu'il n'ait été suivi d'une foule d'autres projets; mais il a passé tel que le voici :
« La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé, si ce n'est lorsque la nécessité publique, légalement constatée, l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité. »
propose la motion suivante :
« Gomme l'introduction des abus et l'intérêt des générations qui se succèdent nécessitent la révision de tout établissement humain, un peuple a toujours le droit de revoir et de réformer sa Constitution. Il est bon d'indiqner des moyens paisibles et constitutionnels pour l'exercice de ce droit. »
La question préalable, y a-t-il ou n'y a-t-ii pas lieu à délibérer quant à présent? ayant été invoquée, la négative est admise.
On attendait à l'Assemblée M. le directeur-général des finances ; sa santé ne lui ayant pas permis de remplir sa promesse, il envoie la lettre suivante ; M. le Président en fait lecture :
, jai trop présumé de mes forces et de ma santé en .annonçant que j'irais aujourd'hui à l'Assemblée nationale : je suis obligé de vous adresser ce que j'avais dessein de dire ; et malgré tous mes efforts je ne puis vous l'adresser que demain à l'ouverture de l'Assemblée. Je vous prie, M. le président, de faire agréer à l'Assemblée nationale mes très-humbles excuses et de vouloir bien être l'interprète de mes regrets.
« Je suis avec respect, M. le président, votre très-humble et très-obéissant serviteur.
« Signé NECKER. »
lève la séance, en annonçant que l'Assemblée se divisera en bureaux l'après-dînée, pour s'occuper du rapport du comité des subsistances sur la libre circulation des grains dans l'intérieur du royaume, et la prohibition momentanée de l'exportation chez l'étranger, ainsi que de la question de savoir quel terme on fixerait à la discussion des motions, avant de proposer la question préalable.
Séance du
MM. les secrétaires ont fait mention des adresses de félicitation et d'adhésion, et des délibérations de la ville de Lectoure; de la ville de Pierrefort
en haute Auvergne ; de la ville de Montélimart; de la ville de Troyes ; de la ville de Feurs en Forez; de rassemblée des citoyens de la ville de Grasse; des officiers municipaux et citoyens de tous les ordresdela ville de Pau ; delavilledela Ferté-sous-Jouarre; du Bourg-Argental en Forez; de la ville d'Hennebond en Bretagne; de tous les ordres de la ville de Privas en Vivarais; de la ville d'Uzerche en Limousin ; de la ville d'Alençon ; de la ville et comté de Lannion; de la Viguerie de Forcalquier en Provence; de la ville deSeurre en Bourgogne; des trois ordres de la sénéchaussée d'Amiens; du comité de la ville de Nantes ; du comité de Bergerac; des ordres réunis de la ville de Neufchâ-teau en Lorraine; de la ville de Longwy; des municipalités et communes de Rhus en Bretagne; de la ville de Preuilly en Lorraine; de la ville de Provins ; des officiers du bailliage royal de Chau-mont en Vexin; du comité de la ville d'Evreux; des officiers de la sénéchaussée et présidial de Poitiers, et de la ville de Montpezat ; des officiers municipaux de Douai, de la ville de Mirecourt; des électeurs d'Hontschote, de la ville de Rieupey-roux, et du corps politique de la ville de Tarbes.
a rendu compte d'une lettre de M. Deulneau, député du bailliage de Verdun, qui prévient l'Assemblée que sa santé l'oblige à cesser ses fonctions, du moment qu'il lui aura été nommé un suppléant.
MM. les députés du bas Vivarais déposent sur le bureau la déclaration suivante (1) : « La volonté de nos commettants, manifestée dans nos cahiers respectifs, est d'accorder à la dette publique la garantie de la nation, et de se conformer aux sentiments d'honneur et de justice qui placent les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de la loyauté française.
« Mais leur volonté, très-clairement expliquée dans nos mandats, n'est pas d'affranchir les créanciers de l'Etat de toutes les charges publiaues.
« Nous devons à nos commettants de déclarer que nous adhérons pour eux, à ce qu'il ne soit jamais attenté au capital ni aux intérêts légitimes dus aux créanciers de l'Etat ; mais nous déclarons qu'ils ne nous ont pas accordé le pouvoir de les affranchir des charges publiques rils nous ont expressément enjoint de requérir qu'ils y fussent soumis, ne regardant pas l'impôt auquel est soumis un citoyen comme une violation de la propriété. Nous déclarons aussi qu'il ne nous est permis île consentir à un emprunt que lorsque la Constitution sera faite.
« Tels sont nos pouvoirs dont nous faisons la déclaration expresse, afin de remplir, autant qu'il est en nous, la mission dont nous sommes honorés.
« A Versailles, le
« Signé : d'Antraiguës, espic, Chouvet, curé, Dubois-Maurin, de France, Pampe-lonne, Vogué, Madier de Monjau. »
présente la motion suivantë :
« L'Assemblée nationale, occupée sans relâche du bonheur des peuples, voyant avec peine la
difficulté et l'impossibilité d'établir un impôt proportionnel et l'égalité dans la
répartition ; que cependant il est important de relever le crédit national ; qu'il importe de
venir au secours de la chose publique ; qu'il est dans l'ordre que chaque
A la suite de cette motion, MM. les députés de Touraine donnent lecture d'une adresse de leur province, ainsi conçue :
Adresse de la province de Touraine, à VAssemblée nationale, pour venir au secours de l'Etat (1).
« Messieurs, la province de Touraine n'a pas cessé un instant d'avoir les yeux fixés sur vos sublimes travaux. Elleestdans la classede celles qui supportent la plus forte taxe des impôts de toutes espèces qui se perçoivent dans le royaume. Elle aurait été accablée du fardeau, si, dans tous les temps, son patriotisme ne l'avait soutenue.
« Elle n'a pas eu la gloire que ses députés aient souscrit au généreux abandon qui vient d'être fait par toutes les villes, cantons et provinces, de leurs privilèges et exemptions ; la raison, vous la savez, Messieurs, c'est qu'étant l'ancien patrimoine de ses rois, auxquelselleest toujours restée fidèle, leur ayant assuré une retraite dans les moments critiques, toujours prête à leur sacrifier sa substance, jamais elle ne leur a demandé des privilèges d'exemption de contribution, dont la surcharge aurait retombé sur les autres provinces.
« Elle attend donc, avec confiance, de votre travail pour le nivellement des impôts et la juste répartition des contributions, un soulagement qui lui est bien dû.
« Mais, soutenue par son courage contre les malheurs -communs, et ceux particuliers qu'elle éprouve cette année, par la perte entière du produit de ses vignobles, les ravages de ses rivières, la chute de ses ponts, la cessation de son commerce, de ses manufactures, et les secours qu'elle a été forcée dedonnerà la classe iudigente de ses citoyens, elle ne borne pas ses efforts à souffrir, elle veut faire plus, elle ose aspirer à l'honneur de témoigner, d'une manière toute particulière, sa reconnaissance de la liberté que le roi vient de rendre à la nation.
«Dans cette disposition, connaissant combien il vous est impossible, Messieurs, d'arrêter vos sages plans de répartition d'impôts pour l'année prochaine, elle vient, dans l'assemblée des membres du comité permanen t de l'hôtel de ville de Tours, qui invite les autres citoyens de la province à se réunir à eux, de former le projet de se cotiser volontairement pour la contribution à tous les impôts réelset personnels qu'ils consentiront de supporter pendant ladite année, avec approximation des taxes de l'année courante, et même d'augmenter ces taxes s'il leur est possible, ne voulant mettra d'autres limites à leurs efforts que celles de leurs facultés, à quelques excès que le patriotisme de chaque citoyen les engage à en porter le sacrifice.
« Ce projet, Messieurs, dont nous espérons un succès avantageux, ne suffit pas encore à
notre
« Tandis que vous exprimiez, Messieurs, ce vœu d'une nation noble, un cri universel le répétait dans la province de Touraine ; mais des nouvelles affligeantes ont bientôt modéré la joie. Le bonheur que nous éprouvions à partager vos vertueux sentiments, a été altéré à la lecture du discours prononcé à votre auguste assemblée le 7 de ce mois par le premier ministre des finances. Nos alarmes sont encore augmentées par les avis que nous recevons de M. le baron d'Harambure, l'un de nos députés à votre auguste Assemblée.
c Croyez, Messieurs, que ce discours et ces avis, qui nous peignent l'embarras où l'Etat se trouve de faire face à ses engagements dans le moment actuel ont pénétré nos cœurs de la plus vive sensibilité; lès causes de cet embarras sont mises en évidence. La gêne dans les finances, antérieure à votre convocation, les trou blés actuels qui, en bouleversant la France, ont détourné ou tari plusieurs des sources de ses revenus, les contributions refusées, les villes ouvertes à toutes les contrebandes; ces malheurs frappent nos yeux.
« Eh quoi, Messieurs, quand vos travaux importants nous ont déjà procuré ces dévouements au bien public de tous les ordres de citoyens, ces renonciations aux privilèges, aux intérêts particuliers de toutes les villes, de tous les cantons, de toutes les provinces, cette liberté nationale rétablie après dix siècles de servitude, la terre, le sol français affranchi de toute sujétion, sans compter tous les bienfaits dont vous vous occupez; faut-il que dans ces heureux moments où l'aurore du plus parfait bonheur luit pour la France, et nous prépare, et à la génération qui va nous suivre, les plus hautes destinées, l'Etat soit en danger de ne pouvoir soutenir la foi publique!
« Ses ennemis, ou plutôt ceux de l'honneur, ces lâches suppôts du despotisme aristocratique et ministériel, qui avaient concerté la honte de la nation par une banqueroute infâme, et la continuité de son affermissement à la même chaîne, par laquelle nous sommes amenés à l'état de crise que nous éprouvons, ces monstres terrassés n'osant plus nous attaquer de front, jouiraient donc dans leurs obscurs réduits, du succès de leurs indignes moyens, pour embarrasser et rendre inutiles vos nobles travaux !
« Satisfaits d'avoir donné à la France le signal de l'insurrection, pour refuser le payement des contributions, cette source vivifiante qui fait la force et l'âme du corps politique, ils triompheraient, en voyant l'Etat amené par la nécessité à la honte de la banqueroute qu'ils avaient projetée !
« Non, Messieurs, tant qu'il respirera des nobles
Français, l'Etat n'éprouverapas cette humiliation ; du moins la province de Touraine nous le garantit sur tout ce quelle possède de facultés et de richesses. Elle a calculé qu'elle supporte une masse de contributions réelles et personnelles de deux millions deux cent mille livres: elle déclare, par une souscription d'une partie de ses citoyens, avec la persuasion que toute la province se réunira à eux, qu'elle garantit cette somme en entier, pour être levée et versée au Trésor royal pendant l'année 1790. Elle veut de même souscrire la garantie pour la somme de onze cent mille livres à y verser pour le montant des impositions des six derniers mois de la présente année.
« Ce n'est pasencore assez pour son cœur; pour d'autant plus se rassurer contre les propres alarmes sur les dangers de l'Etat, et lui procurer les avances dont il a besoin dansla crise actuelle, elle vien t d'ouvrir trois souscriptions pour des sommes à payer par tous ses citoyens patriotes.
« La première sera de tous ceux à qui le patriotisme inspire le noble et généreux dessein de faire un don gratuit à l'Etat, et toute souscription sera reçue depuis trois livres et au-dessus, à quelque somme qu'on veuille la porter : il sera délivré aux souscripteurs un brevet de reconnaissance et d'honneur, tous le numéro du registre déposé à l'hôtel de ville, sur lequel sera enregistré leur noble et généreux sacrifice.
« La seconde souscription sera de tous les citoyens qui voudront faire l'avance à l'instant du montant de leurs contributions aux impôts réels et personnels, pour les six derniers mois de cette année courante, et s'obliger de faire au mois de janvier prochain la même avance pour les six premiers mois de l'année 1790, et de suite au mois de juillet pour les six derniers mois de ladite année, le tout sans intérêts, desquelles avances il leur sera délivré à l'hôtel de ville,, dea quittances à valoir sur lesdites impositions, avec garantie qu'elles seront reçues pour comptant par les receveurs de Sa Majesté, aux époques lixes des payements.
« La troisième souscription sera ouverte à tous les citoyens qui voudront faire les avances, tant du montant de leurs contributions personnelles auxdits impôts, que de celles de leurs concitoyens qui sont pour le moment hors d'état d'y satisfaire ; et pour cette souscription, il sera alloué aux souscripteurs et porteurs de quittances, un intérêt de 4 0/0, sans retenue, qui leur sera précompté, lorsqu'ils rapporteront ces quittances pour comptant aux receveurs des impositions, aux termes ordinaires des payements. Chaque souscripteur pourra employer à ces avances telle somme qu'il lui plaira, dans l'assurance que les quittances qui lui en seront délivrées seront reçues pour comptant par les receveurs des impositions aux époques fixées des payements forcés; et à cet effet, il sera reçu et délivré des quittances aux porteurs, depuis dix livres et au-dessus, jusqu'à mille, sous le numéro du registre sur lequel la recette sera établie; bien entendu que le montant des deux dernières souscriptions ne pourra en aucun cas excéder la somme de deux millions deux cent mille livres, pour le produit d'une année des impositions réelles et personnelles.
« C'est avec bien de la satisfaction Messieurs, que nous vous faisons part de ces souscriptions, et du désir que tous nos concitoyens témoignent de les remplir; il nenous resta plus qu'à faire des vœux pour que vous daignez agréer notre projet et qu'en conséquence vous nous envoyiez, le plus tôt
possible, l'arrêté pris dans l'Assemblée nationale, et sanctionné par le Roi, qui contiendra son agrément, avec l'injonction à ses receveurs de recevoir pour comptant et en l'acquit de nos contributions, aux époques fixes, toutes les quittances qui seront expédiées en notre hôtel de ville, des sommes payées en avance des contributions, et de tenir compte des intérêts échus pour les souscriptions de la dernière espèce, moyennant que tous les dix jours nous ferons verser le montant de nos recettes au trésor royal.
« Nous ajoutons à nos vœux, celui que notre exemple soit imité par toutes les provinces, si nous n'avons pas le bonheur qu'elles nous aient déjà prévenus. «
propose de voter des remerciements à la province de Touraine pour l'exemple de dévouement et de zèle qu'elle vient d'offrir à la France.
Cette motion est adoptée.
L'Assemblée décide ensuite que la motion de M. de Menou et l'adresse de la province de Touraine seront imprimées et renvoyées aux bureaux.
L'ordre du jour appelle la discussion sur les articles additionnels proposés par divers membres à la déclaration des droits.
demande que l'examen de ces articles soit renvoyé après la Constitution.
Cette demande est devenue celle de toute l'Assemblée.
L'Assemblée décrète que la discussion des articles à ajouter à la déclaration des droits sera renvoyée après la Constitution.
propose ensuite l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale reconnaît quela déclaration des droits de l'homme et du citoyen n'est pas finie, qu'elle va s'occuper sans relâche de la Constitution. Si dans le cours de sa discussion il se présente quelque article qui mérite d'être inséré dans la déclaration, il sera soumis à la dé libération, lorsque la Constitution sera terminée. En conséquence de son arrêté de ce jour, elle décrète comme articles de la déclaration des droits ceux qui ont été consentis. »
demande encore que le comité de Constitution dépose sur-le-champ son travail sur le bureau.
représente, quant au premier objet, que c'est répéter en d'autres termes ce que l'Assemblée vient de décréter. Quant au second, il souffre beaucoup de difficultés, qui ne sont terminées que par une promesse du comité de soumettre demain ses premiers essais.
. Le colosse gothique 0 de notre ancienne Constitution est enfin renversé. La nation applaudit à sa chute; mais aux premiers moments de la joie ont succédé ceux de la crainte et des alarmes.
Les lois sont sans force, les tribunaux sans autorité ; les troupes prennent le désordre pour le palriotisme, et le peuple la licence pour la li-berté. %
Le législateur, au milieu de l'immensité et de la confusion de ces débris, s'étonne de ne voir encore aucun pouvoir préparé pour remplacer ceux qui sont renversés, et la nation, à peine
échappée aux entreprises du despotisme, est près de périr dans les fureurs de l'anarchie.
Sans doute ce que vous avez fait vous avez dû le faire ; mais à ces malheurs vous êtes loin de croire qu'il pourrait s'en joindre de nouveaux.
Les gens de la campagne, devenus cruels à force de mauvais traitements ont obtenu de vous justice, et ils vous ont eu alors de la reconnaissance; vous leur avez accordé des bienfaits, et ils sont devenus injustes; cependant vous devez prendre un parti pour faire respecter les lois nouvelles. C'est ici que le moment d'une correspondance entre toutes les provinces devient nécessaire ; cependant elle ne peut être telle que vous puissiez en attendre une parfaite harmonie. Ce n'est qu'en établissant les assemblées provinciales et les assemblées municipales que vous pouvez faire renaître l'ordre; ces assemblées recevront de vous les lois que vous prononcerez, et vous recevrez d'elles les instructions qui manquent dans vos cahiers. Ne vous laissez pas arrêter par une inversion dans l'ordre, et ne sacrifiez pas au stérile amour de la méthode des avantages réels.
Voici l'arrêté que je soumets à l'Assemblée :
« L'Assemblée nationale arrête qu'aussitôt qu'elle aura établi les bases fondamentales de la Constitution, elle s'occupera de l'organisation des assemblées municipales; que le Roi sera supplié de convoquer les unes et les autres sur-le-champ et de les mettre en activité. »
combat la motion de M. Bureaux de Puzy. il rappelle les grands principes de la Constitution monarchique ; je propose, dit-il, de les sanctionner, et ce sera après les avoir décrétés, ce sera après avoir divisé, limité le pouvoir législatif, le pouvoir exécutif et le pouvoir judiciaire, que l'on établira les assemblées provinciales.
. Si l'on pouvait mettre les assemblées provinciales en activité sans inconvénients ; si l'on pouvait établir un nouvel ordre judiciaire avant de former le Corps législatif, il serait bon de hâter ces établissements.
Mais avant tout il faut songer au Corps législatif ; notre liberté en dépend, et notre liberté n est pas attachée aux assemblées provinciales.
Avec ces assemblées le royaume sera mieux gouverné, et sans le Corps législatif nous ne serons que des esclaves. D'ailleurs toutes les choses ont des rapports entre elles. En établissant les assemblées provinciales, il faudra qu'elles conservent l'ancien régime ; puis ensuite il faudra qu'elles le détruisent. C'est pour éviter ces inconvénients qu'il importe de consolider le Corps législatif avant tout.
. Dans la position où est le royaume, l'Assemblée doit s'occuper de lui donner une bonne Constitution, et surtout de prévenir les malheurs qui le mettraient hors d'état d'en jouir ; mais avant d'en poser les fondements, il me paraît essentiel d'écarter tout ce qui pourrait s'y opposer, et je n'en aperçois les moyens, qu'en conservant au pouvoir législatif sa majesté, et au pouvoir exécutif toute sa force et son activité : il est sans doute impossible de rendre à un corps usé toute sa vigueur, de rétablir des impôts qui ont paru désastreux, de rappeler des tribunaux dont les abus ont éloigné la contiancê, de livrer les répartitions des subsides à un pouvoir arbitraire, de faire agir dans une direction uniforme les corps militaires placés trop
longtemps entre les devoirs opposés, d'arrêter les effervescences de conseils permanents que leur zèle même peut égarer; pour s'opposer à l'anarchie qui pourrait nous menacer, et pour déraciner en quelque sorte ce genre de séparation entre les provinces, je propose à l'Assemblée :
1° De s'occuper de la création ou de la réforme des corps judiciaires:
2° De l'organisation des municipalités ;
3° De l'établissement des assemblées électives et des administrations provinciales ;
4° De la puissance militaire, c'est-à-dire de l'organisation des milices nationales, de leur régime uniforme, de leurs rapports indirects avec le pouvoir législatif, et de leurs rapports directs avec le pouvoir exécutif;
5° De l'armée, dans le rapport du nombre, de la partie de l'impôt destinée à la payer, de l'obéissance qu'elle doit au monarque et de la fidélité qu'elle doit à la nation ;
6° De la conversion des impôts actuels dans des impôts les moins onéreux au peuple, et de leur rapport avec les besoins de l'Etat.
demande qu'on passe dès l'instant à la discussion des articles relatifs à la monarchie, qui sont le résultat presque unanime de tous les cahiers, dont le résultat a été formé par le comité de Constitution, et présenté par M. le président, alors un des commissaires.
secrétaire, donne lecture de ces articles ainsi qu'il suit :
Ces articles, présentés à la séance du 27 juillet, sont:
« Art. ler. Le gouvernement français est un gouvernement
monarchique.
« Art. 2. La personne du Roi est inviolable et sacrée.
« Art. 3. Sa couronne est héréditaire de mâle en mâle.
« Art. 4. Le Roi est dépositaire du pouvoir exécutif.
« Art. 5. Les agents de l'autorité sont responsables.
« Art. 6. La sanction royale est nécessaire pour la promulgation des lois.
« Art. 7. La nation fait la loi avec la sanction royale.
« Art. 8. Le consentement national est nécessaire à l'emprunt et à l'impôt.
« Art. 9. L'impôt ne peut être accordé que d'une tenue d'Etats généraux à l'autre.
« Art. 10. La propriété sera sacrée.
« Art. 11. La liberté individuelle sera sacrée. »
Une grande partié de l'Assemblée demande qu'on mette de suite les divers articles en discussion, pour en délibérer dans la même séance.
dit qu'ils sont préexistants dans l'esprit de tous les Français; qu'il est impossible de résister à l'évidence de ces principes ; que la volonté générale des commettants est connue, qu'elle doit être suivie.
s'oppose à ce que les articles soient délibérés avec précipitation. Il dit que, parmi les articles, il en est duoe utilité évidente pour le peuple français, pour sa tranquillité, comme le maintien de la monarchie, la succession au trône de mâle en mâle, l'exclusion des femmes, le droit législatif dans la réunion du peuple, l'inviolabilité de la liberté et de la pro-
priété. Mais d'autres articles ne sont pas d'une utilité aussi évidente; ils sont sujets à un mûr examen, et il réclame qu'à cause de l'importance la discussion en soit faite pendant trois jours, et que les articles soient soumis à l'examen des bureaux.
dit qu'un grand nombre des cahiers n'étant pas imprimé, il est difficile de connaître le vœu général des commettants ; que la discussion éclairera sur ce qui leur est le plus utile.
observe que ceux dont les articles sont différents du relevé présenté à l'Assemblée pourront proposer des amendements.
reçoit une lettre et un mémoire de M. le directeur général des finances. Il demande que la discussion soit interrompue pour en entendre la lecture.
Un membre demande qu'elle soit renvoyée après la décision de l'objet mis en discussion.
observe qu'il a annoncé hier que le mémoire serait lu dans la séance de ce jour.
Lettre de M. Necker à M. le président.
Monsieur, j'ai l'honneur de vous envoyer le rapport que j'avais cru pouvoir porter moi-même à rAssemblée. Je lui présente l'hommage de mes respects, et je réclame son indulgente bonté. » a Je suis avec respect, etc.
« Signé : NeCKER. »
MÉMOIRE envoyé à VAssemblée nationale par M. Meeker, directeur général des finances (1).
Messieurs, j'aurais pu, depuis quelques jours, vous annoncer l'issue vraisemblable de l'emprunt que vous avez décrété, si l'état de ma santé me 1 avait permis. Je profite d'un premier moment de convalescence pour vous rendre le compte qui vous est dû.
Il n'a été porté au trésor royal, depuis l'époque de l'ouverture de cet emprunt jusqu'à présent, qu'une somme de deux millions six cents mille livres (2); et la recette des derniers jours a été si modique, qu'on peut considérer le succès de cet emprunt comme entièrement manqué. J'ai craint ce malheureux événement, du moment que je fus informé de votre délibération du 9 août; mais je cachai soigneusement mon sentiment, afin de ne. pas contrarier par une opinion anticipée, la chance d'un mouvement favorable à l'emprunt.
L'expérience est toujours en aide à l'esprit naturel et aux calculs du jugement : ainsi, pour vous guider dans vos délibérations futures, vous désirerez sûrement de connaître pourquoi votre emprunt n'a point eu de succès.
J'avais été aussi loin qu'il était possible pour l'honneur du crédit national, en vous
proposant d'ouvrir un emprunt à 5 0/0, dans le temps qu'au prix des effets publics sur la
place, les capita-
Enfin, Messieurs, il faut bien le dire, quoique j'y sois pour quelque chose ; mais je me regarde comme tellement confondu dans la classe publique, par mes sentiments et par mes sacrifices, que je puis parler aujourd'hui de moi comme d'un simple étranger : je vous dirai donc, Messieurs, en répétant les discours du public, que la confiance s'est altérée, lorsqu'on a vu dans une affaire de finance, dans une affaire de celles que j'ai longtemps administrées avec un peu de réussite, vous vous êtes séparés de mon opinion, et que vous l'avez fait sans avoir cru seulement utile de débattre un moment avec moi les motifs de votre résolution. Je vous donne ma parole d'honneur, Messieurs, que je n'en ai ressenti personnellement aucune peine; je juge de vos sentiments par les miens, et mon respect m'assure votre bienveillance. Spectateur de plus près du cours de vos délibérations, je sais que les raisonnements auxquels je public s'est livré, ne sont pas fondés; mais on ne peut se dissimuler qu'à une certaine distance ces raisonnements étaient dirigés par des vraisemblances.
Mais laissons là le passé. Que faut-il faire à présent? J'avouerai que des difficultés sans nombre
se présentent à moi. il n'y a qu'à reprendre, di-ra-t-on peut-être, le projet d emprunt tel qu'il avait été adopté au conseil du Roi ; mais revenir de l'intérêt de 4 1/2 à celui de 5 n'est pas la même chose que si l'on eût saisi tout de suite le point susceptible de réussite. La confiance de tous les prêteurs est composée de calculs positifs et d'espérance ; et cette espérance n'est plus la même, lorsqu'avant d'arriver à l'intérêt de 5 0/0, on a vu clairement qu'un intérêt inférieur n'attirerait pas l'argent. Il rejaillit d'ailleurs, il faut en convenir, un peu de défaveur sur les opérations publiques, lorsqu'une première erreur est commise. Il n'est aucun sentiment qui n'entre dans le crédit. 11 est simple dans ses effets, mais il est très-composé dans ses éléments/Enfin, le moment d'une première impression, le moment de l'ouverture du crédit national, ce moment dont on pouvait beaucoup attendre, ce moment est perdu, et ce n'est plus qu'avec la froide et tranquille réflexion qu'il faut traiter. Il est donc arrivé malheureusement que, pour avoir voulu trop bien faire, vous avez manqué de remplir votre premier emprunt avec cette célérité dont les effets sont incalculables, avec cette célérité et cette surabondance qui cachent le dernier terme du crédit, et qui maintiennent ce vague d'imagination si nécessaire au ménagement de toutes les forces morales.
Un jour viendra, Messieurs, où. toutes ces observations ne. paraîtront que des idées subtiles ; tout sera réel, tout sera démontré, tout sera soumis aux calculs les plus simples, quand l'ordre sera parfaitement établi, quand cet ordre sera connu de toute la nation, quand la Constitution, gardienne de ces arrangements salutaires, sera posée et affermie. Mais dans ce moment-ci, il faut encore, on ne peut se le dissimuler, il faut encore pour tout, le secours de l'espérance.
Je me flatte, Messieurs, que vous me pardon-donnerez toutes ces réflexions, relatives à la non-réussite de votre emprunt. Je ressens de celte contrariété un chagrin inexprimable, et ce sentiment m'arrête plus longtemps que je ne devrais sur une circonstance irrémédiable. Il faut crue, nous cherchions tous ensemble à préserver les finances du désordre dans lequel elles sont près d'être plongées. Il faut que nous écartions, s'il est possible, le danger qui menace les fortunes; danger pressant, puisque l'instance des besoins s'accroît chaque jour et que le dernier terme des ressources s'avance à pas précipités. Je connais parfaitement les inconvénients et les risques attachés à présenter des projets, à faire aucune espèce de propositions dans de pareilles circonstances; mais si des motifs personnels avaient pu me guider, je n'aurais pas cédé à vos bontés ; je n'aurais pas renoncé à ma retraite ; je ne serais pas revenu me placer au milieu de la tempête. Je regarde ma vie ministérielle, pendant sa durée, comme un vrai sacrifice; et dans ce sacrifice, je dois comprendre et je comprends santé, repos, réputation, bienveillance publique même, le plus cher de mes biens ; car, au milieu des malheurs, on ne peut plus calculer l'opinion des hommes. Quelquefois ils s'en prennent au dernier qui a agi, au dernier qui a parlé ; et mus impérieusement par le présent l'egide du passé ne sert plus à personne. Mais je laisse à l'écart toutes ces considérations et sans aucune combinaison personnelle, obéissant aux lois du devoir, je / me mettrai en avant toutes les fois que j'apercevrai dans cette conduite le plus léger avantage public.
Le succès de toute espèce d'emprunt dans ce moment-ci, Messieurs, est très-incertain : cependant, il n'est aucune circonstance où il fut plus de l'intérêt de tous les particuliers de chercher à sauver l'Etat par un acte universel de zèle et de confiance; mais, soit par un défaut de lumières, soit par un manque d'esprit public, soit plutôt par ce sentiment qui fait que personne ne veut agir pour la chose commune, que dans les mêmes proportions où les autres agissent, il devient, je crois, nécessaire, après avoir perdu le moment de l'abandon, d'exciter davantage l'esprit de calcul.
Je vous proposerai donc, Messieurs, d'examiner s'il ne conviendrait pas d'ouvrir un emprunt, non-seulement à 5 0/0 d'intérêt, mais en y ajoutant encore, pour encouragement, la faculté de fournir pour moitié de la mise les effets publics portant 5 0/0 d'intérêts, exempts de toute retenue.
Je proposerais que l'emprunt fût de 80 millions, remboursables en dix années, à raison d'un dixième chaque année ; mais vous observerez que la moitié étant payable en effets publics, il n'en résulterait qu'un secours de 40 millions pour le trésor royal. Cette addition au premier projet d'emprunt est nécessaire à mesure que nous approchons du mois de septembre, puisqu'il devient alors raisonnnable de porter ses vues un peu plus loin.
11 résulterait des dispositions qu'on vient de vous proposer, en assignant un remboursement successif au nouvel emprunt, que cette faveur se trouverait applicable non-seulement aux capitaux effectifs qu'on y aurait destinés, mais encore aux effets publics qui auraient été donnés en paiement pour une moitié; mais ces effets publics font essentiellement partie de ceux dont le remboursement n'a été que suspendu ; ainsi ce serait un commencement de justice envers les personnes qui en sont les propriétaires. D'ailleurs, il résultera sûrement de vos dispositions la détermination d'un fonds quelconque applicable à une caisse d'amortissement : ainsi votre disposition présente ne serait qu'une anticipation sur vos arrangements prochains.
Les effets qui seraient reçus pour moitié dans la mise du nouvel emprunt éprouvent une grande perte à la Bourse, et cette perte formerait un avantage pour les prêteurs, puisqu'ils seraient bien certains que votre emprunt, sous le titre d'Emprunt national, que votre emprunt, remboursable à des époques tixes, se maintiendrait à peu près au pair, et qu'il vaudrait au delà lorsque les dispositions générales qui établiront bientôt un ordre constant dans les finances, seront assurées pour toujours.
Ceux qui ont déjà fourni le peu de fonds portés au trésor royal pour l'emprunt à 4 1/2 0/0, auraient à se plaindre s'ils n'avaient pas la faculté de jouir de la faveur plus grande attachée à votre second emprunt. Vous trouverez sûrement juste de les autoriser à faire la conversion qu'ils désireront.
Je m'empresse maintenant de faire connaître à l'Assemblée nationale que, dans l'état présent des choses, dans le cours actuel des opinions, ni l'emprunt dont je viens de donner l'idée, ni aucun autre ne pourra pleinement réussir, si vous ne déterminez pas la confiance par une suite de délibérations et par une marche soutenue qui relève les esprits de.leur abattement; et je crois de mon devoir de m'expliquer en cette occasion avec la plus parfaite franchise.
Vous avez mis la dette publique sous la sauvegarde de Vhonneur et de la loyauté française. Ces belles paroles ont retenti jusqu'aux extrémités de l'Europe; et quand les représentants d'une nation ont pris un engagement si solennel, ce serait leur faire un outrage que de vouloir les y confirmer au nom même de la sagesse, de la raiso i et de la politique. Mais ce qu'il est indispensabl de dire, Messieurs, c'est qu'aujourd'hui votre noble et vertueuse déclaration ne suffit plus pour assurer le crédit public. La première condition nécessaire pour fonder la confiance, c'est la certitude d'un accord entre les revenus et les dépenses de l'Etat; et le dépérissement de plusieurs revenus, joint à l'existence d'un ancien déficit, répandent une alarme raisonnable. On vous demande avec instance, au nom de la tranquillité publique, de faire l'examen et le choix le plus diligent des moyens propres à mettre l'équilibre entre les revenus et les besoins de l'Etat. Il n'est pas nécessaire que votre travail soit porté à sa dernière perfection ; il est encore moins nécessaire que vous l'arrêtiez définitivement ; mais il est indispensable que la nation puisse juger incessamment de la solidité de vos projets, et que les esprits sortent d'une incertitude qui entretient la plus funeste défiance. Le temps qui se passera entre la publicité de vos plans et l'époque où vous les arrêteriez définitivement, vous procurera le supplément des lumières'qui naît de la contra* diction, et cette marche aura toutes sortes d'avantages. Je crois, Messieurs, qu'en vous livrant sans cesse aux recherches et aux discussions qu'une affaire si importante exige, et en divisant vos travaux avec méthode, vous pourriez en très-peu de temps asseoir les premières bases de' la confiance; et dès ce moment, le grand et pressant intérêt que vous paraîtriez y mettre, aurait beaucoup d'influence sur le crédit.
Il ne vous échappera pas, Messieurs, qu'en vous occupant de l'équilibre entre les recettes et les dépenses fixes de l'Etat, il est indispensable que vous apportiez la même activité à la recherche et au choix des ressources nécessaires pour arriver sans trouble et sans malheurs à l'époque de la régénération constante de l'ordre. Il s'est joint à l'embarras provenant d'un déficit qui n'est pas encore réparé, celui qui est occasionné par la diminution sensible des revenus, et par les achats considérables de grains faits pour le compte du Roi dans l'étranger. Il devient bien nécessaire que l'étendue des besoins extraordinaires pour cette année et pour la suivante, vous soit parfaitement connue, et que vous voyiez à l'avance quelles dis^ positions il conviendrait d'adopter, si l'emprunt ne réussissait pas, et quelles ressources il faudrait y joindre, s'il avait le succès qu'on doit espérer ; car il ne faut plus rien projeter à demi, et il importe de ne plus laisser de prise aux erreurs et aux tristes conjectures.
La caisse d'escompte, dans d'autres temps, aurait beaucoup aidé le Trésor royal, en lui faisant des avances sur l'emprunt que vous déterminerez ; mais elle a déjà secouru les finances autant qu'il était en son pouvoir; et la rareté inouïe de l'argent effectif, suite, inséparable du discrédit, épuisant sa caisse, elle ne peut plus offrir que des ressources bornées. Il serait de la plus grande importance que l'Assemblée nationale prît incessamment une connaissance approfondie de cet établissement, et qu'elle appelât dans un comité quelques-uns des administrateurs de cette caisse: remplis de zèle pour la chose publique» ils sont en état par leurs lumières d'indiquer à
l'Assemblée nationale, par quels moyens on pourrait augmenter le crédit et la circulation de leurs billets. L'on examinerait dans ce même comité, les divers projets qui ont été donnes pour l'établissement d'une banque nationale, et certainement il naîtrait de cette réunion d'opinions et d'idées des résultats salutaires et favorables au crédit.
On pourrait encore discuter dans ce comité des finances, ou dans tout autre, les moyens qui ont été employés en Hollande pour se procurer un grand secours d'argent momentané, tantôt par un prêt proportionné à l'étendue de chaque fortune, tantôt par un simple don réglé dans les mêmes rapports. Ce genre de secours, celui de l'emprunt, celui de la caisse d'escompte ou de tout autre établissement pareil, offrent une perspective de ressources infiniment supérieures à celles dont on aurait besoin pour arriver paisiblement jusqu'à l'époque du rétablissement de l'ordre. Je demande donc en grâce qu'on ne désespère encore de rien : une grande nation peut dominer toutes les difficultés, toutes les fois qu'elle est unie avec son Roi, pour défendre la justice, la tranquillité et le bonheur.
Combien d'idées de tout genre ne vous seront pas apportées du moihent qu'on vous verra occupés des finances avec cette énergie qui donne du courage à tout le monde 1 On verra naître une émulation générale, et cette émulation patriotique deviendra peut-être le premier signal de la renaissance du crédit.
Je cohçois facilement, Messieurs, ce que la réunion de vos lumières peut opérer pour le salut des finances, du moment que vous vous livrerez sans réserve à cette importante entreprise.
Mais tous vos efforts deviendraient inutiles, si, de concert avec Sa Majesté, vous n'arrêtiez pas le dépérissement des revenus. Vous le savez, Messieurs, l'on emploie avec trop de succès la fraude et la violence pour se refuser au payement des impôts, et il est plusieurs droits d'une ressource majeure, qui semblent menacés d'une ruine totale.
Il est donc indispensable pour le crédit, pour la tranquillité publique, pour le maintien d'un ordre sans lequel tout tombe en dissolution; il est indispensable,, dis-je, que vous réunissiez tous vos moyens et toutes vos forces pour assurer le recouvrement des impôts, et pour le mettre à l'abri des atteintes injustes et des résistances illégales. L'activité du pouvoir exécutif devient de plus en plus nécessaire, et il ne faut compter sur aucune espèce de confiance, si les mesures les plus sages et les plus fermes ne sont pas adoptées pour sauver l'Etat des horreurs de l'anarchie. Réfléchissez, Messieurs, qu'au milieu de ces craintes, tous les biens, tous les avantages, ceux même de la liberté, ne sont plus estimés comme ils méritent de l'être.
Je dois, en rappelant les désordres multipliés dont vous avez connaissance, fixer votre principale attention sur l'impôt du sel; il n'y a pas un moment à perdre pour prendre à cet égard une délibération provisoire. La contrebande, dans plusieurs provinces, se fait à main armée, et les défenseurs des revenus du fisc, hors d'état d'y opposer une résistance suffisante, se sont la plupart dispersés. Le peuple, dans d'autres endroits, a contraint les gardiens des greniers publics à lui distribuer le sel au prix qu'il a fixé lui-même. 11 faut s'étonner que dans la plus grande partie du royaume, l'ordre établi par les lois n'ait pas encore été renversé ; mais chaque jour l'exemple
gagne; et vous savez, Messieurs, ce qui vient de se passer à Versailles autour de vous et sous les yeux du Roi; il importe que vous considériez sans retard, sans aucun délai, ce qu'il convient de faire dans de pareilles circonstances, et je vais vous soumettre en abrégé les réflexions que la situation présente des affaires m'a suggérées.
Je doute, Messieurs, qu'un décret de l'Assemblée nationale, soutenu du pouvoir exécutif dans l'état de balancement et de contradiction ou ce pouvoir se trouve aujourd'hui, fût suffisant pour rétablir partout l'impôt du sel tel qu'il existait avant la subversion de l'ordre; et quand il serait possible d'y parvenir, trouveriez-vous conforme aux lois de la justice et de la bonté, que Sa Majesté déployât contre ses sujets toute la puissance des armes, dans un moment où vous n'avez pas l'intention de maintenir à l'avenir l'impôt du sel selon son ancienne constitution? Le peuple qui ignore vos intentions, et qui doit respecter les lois établies, s'est rendu coupable sans doute par ses insurrections; mais le Roi, Messieurs/ qui a connaissance de vos dispositions futures, répugne, avec raison, à faire usage des moyens rigoureux pour le rétablissement d'un ordre de choses qui ne doit être que passager.
En même temps, d'autres grandes difficultés se présentent: il ne serait pas de votre prudence de supprimer en entier l'impôt du sel, sans avoir eu le temps d'examiner mûrement de quelle manière un revenu de 60 millions peut être remplacé convenablement, et sans avoir la connaissance des ressources auxquelles il faudra recourir pour suppléer aux besoins de l'Etat; et vous aurez à prendre en considération l'effet que pourront faire cette année sur les revenus territoriaux les mouvements populaires, qui tendront encore pendant longtemps à baisser le prix du pain et le prix des grains. Une multitude de circonstances, qui n'échapperont pas à votre sagacité, semblent inviter, en beaucoup de choses, à une marche très-prudente et très-circonspecte. Cependant il faut prendre un parti et promptement, car le pire de tout serait Je dépérissement graduel d'un revenu par le seul effet du désordre et de l'impunité. Le Roi fixant son attention sur toutes ces difficultés, vous invite, Messieurs, à considérer s'il ne conviendrait pas, s'il ne serait pas nécessaire de fixer, dès à présent, la vente du sel à six sols la livre dans tous les greniers de gabelle-où il se distribue à plus haut prix: cette disposition occasionnerait une diminution de revenus de 30 millions; mais l'accroissement de la consommation, effet de la réduction du prix, atténuerait cette perte. L'on trouverait encore un dédommagement dans la diminution de la contrebande, qui serait infiniment moins excitée si le prix du sel était réduit à six sols. Une partie de cette même contrebande, à la vérité la moindre de toute, celle entre les pays de grandes et de petites gabelles n'existerait plus du tout, et il résulterait de ces dispositions une économie importante sur les frais de garde. Le prix du sel une fois réduit à six sols par un décret de l'Assemblée nationale sanctionné par Sa Majesté-, les réclamations qui pourraient s'élever même contre ce prix seraient si peu nombreuses et si peu révoltantes, qu'il deviendrait facile de les réprimer. Enfin le prix du sel sensiblement diminué, le prix du sel rendu uniforme dans tous les pays de gabelle, une telle disposition procurerait aux peuples un si grand avantage, qu'avant de porter plus loin vos vues, vous pourriez attendre sans inconvénient jusqu'au résultat de l'étude approfondie que
vous ferez, sans doute, des diverses ressources et dea différents besoins de l'Etat.
Les autres droits qui composent les revenus du Roi n'étant pas attaqués d'une manière aussi bablement d'une manifestation positive des in-tentions de l'Assemblée nationale pour en main-tenir le recouvrement, jusques à l'époque où vous aurez pris une détermination éclairée sur toutes les branches du revenu public.
II est impossible, Messieurs, que ce crédit fleurisse, dans un pays exposé à des insurrections continuelles ; et comme il n'est point d'acte plus libre que celui de la confiance, elle ne peut naî-tre, elle ne peut s'affermir qu'au milieu de la paix et de la tranquillité intérieure : ainsi, tout ce que vous ferez, Messieurs, pour rétablir ce bonheur,facilitera les emprunts, en rendant à la circulation son activité. Vous vous rapprocherez donc beaucoup de ce but si désirable, lorsque, pardes impositions sages, vous mettrez le recou-vrement des impôts à l'abri de l'agitation dan-gereuse qui se fait sentir partout aujourd'hui.
Je me résume, Messieurs : le besoin instant de l'Etat, la condition nécessaire de toute espèce de crédit, c'est, je crois, que vous réunissiez toutes vos forces, pour assurer le recouvrement des vos forces, pour assurer le recouvrement des et les créanciers de l'Etat, en vous occupant pu-biiquement et sans aucun délai des moyens qui pourront établir un pccord parfait entre lesreve-nus et les dépenses ; c'est que vous preniez en même temps connaissance de l'étendue des ressources dont il sera nécessaire de faire usage,pour arriver sans malheur et sans trouble au mo-ment du rétablissement général de Tordre. De grandes difficultés se présentent au milieu du discrédit actuel, et du resserrement inouï del'ar-gent; maisil faut les attaquer dans leur ensemble, faut les saisir, il faut s'en emparer, il faut les vainere. Si un premier moyen ne suffit pas, s'il manque meme, il faut, sans decouragement, en chercher un autre ; car dans les affaires intérieu-res d'un royaume, une nation qui agit comme en entier par ses représentants a des ressources incalculables ; elle a le grand avantage de pou-voir déterminer d'une manière certaine ce qui est juste ; elle a le grand avantage d'être soumise aux seules contradictions qui naissent des cho-ses mêmes. L'essentiel est donc que l'on soit persuadé par l'effet invincible de la vérité, que l'Assemblée nationale est pénétrée de la néces-sitéde régler sans délai les finances, et d'y ap-pliquer tous ses moyens et toutes ses forces.
Alors, Messieurs, tous les bons citoyens, et il en est beaucoup, animés du même zèle, vien-dront vous seconder, et l'espérance renaîtra de toute part. Le système rigoureux d'économie que vous avez dessein d'adopter, de concert avec le Roi, sera seul un grand effet, quand vos idées à cet égard seront fixées, et quand vous les aurez fait connaître.
Je ne crois pas, Messieurs, que les recherches et les travaux auxquels vous aurez à vous livrer en adoptant les considérations que je vous pré-sente retardent la marche grande et importante que suit aujourd'hui l'Assemblée nationale ; mais si votre attention se trouvait un moment parta-gée par les nouveaux objets dont un danger pressant vous invite à vous occuper, l'intérêt que vous auriez pris à la situation actuelle des affaires accroîtrait auprès de la nation le mérite de vos travaux. Les hommes inquiets de leur for-tune sont des juges sévères, et il faut les rassurer
sur leur existence présente, pour les disposer à mettre du prix aux biens qu'on leur promet pour l'avenir. Ainsi, dans le temps même où vous ne paraîtriez occupés que des fluances, vous secon-deriez d'avance toutes les vues générales qui sont aujourd'hui le principal objet de vos délibéra-tions. Les ministres du Roi, sûrs des intentions de Sa Majesté, prennent au succès de vos tra-vaux, le plus juste et le plus véritable intérêt ; ainsi, lorsque vous croirez utile de vous concer-ter avec eux, lorsque vous trouverez de la con-venance à vous concerter en particulier avec le ministre des finances, vous trouverez de leur part l'empressement le plus grand pour corres-pondre à vos vues. Ce n'est pas trop aujourd'hui de la plus forte ligne en faveur du bien public : ne rejetez donc, Messieurs, ne rejetez aucun se-cours ; mais surtout soyez unis, pour atteindre au rétablissement de l'ordre dans les finances ; ce que vous voudrez, animés par un même sen-timent, par un même intérêt, par un même esprit, vous l'obtiendrez. Le public, témoin de l'accord et de la sincérité de vos efforts dès ce moment, en prévoira le succès ; l'on y croira d'a-vance, et la tranquillité prendra la place de la défiance et de'l'inquiétude.
défiance et de'l'inquiétude, si pressé par l'instance des affaires, et affaibli par une maladie dont je suis à peine convales-cent, je n'ai pu lui exprimer qu'imparfaitement mes idées : je les soumets à ses lumières, et j'as-pire principalement à lui présenter un hommage constant et respectueux de mon dévouement sans réserve au bien de l'Etat et au service du Roi.
A Versailles, ce
Signé : NECKER.
plusieurs membres demandent le renvoi de ce memoire dans les bureaux ; d'autres qu'il soit nomme une commission de douze membres pour l'examiner et en faire le rapport a l'Assemblee.
faitune fres-longue motion sur les gabelles ; il demande qu'on les supprime tout a fait, en les remplacant par un impot de 58 mil- lions sur les provinces affectees a la gabelle.
« L'Assemblee nationale, considerant qu'elle ne peut trop hater le soulagement du peuple, croit que de s'occuper des impots pour en alleger le fardeau, ce n'est pas manquer aux mandats ; 76 millions ; de sorte que toutes les gablelles se-ront supprimees, et qu'll sera fait un role pour le remboursement, etc.
Ce projet n'a pas de suite.
La perception des impots est presque nulle ; les troupes sont sans frein, l'Etat sans argent, le peuple sans sub-sistance, et l'effervescence continue.
Nous ne pouvons nous dissimuler que nos connaissances en finances sont fort bornees. Cette Assemblee n'est composee que de clutivateurs, de magistrats, de millitaires ; s'il y a parmi nous des hommes de finance, le nombre en est petit.je pense donc que nous devrions nous en rap-porter au ministre.
Quant a nous, nous ne pouvons l'aider qu'en hatant la Constitution ; c'est alors que le calme renaitra ; que les proprietaires fonciers sauront ce qu'ils doivent payer; que les proprietaires fictifs payeront egalement, et que la capitale se
repeuplera ; car je ne dois pas oublier une maxime d'un auteur que je dois respecter, c'est que : Vhomme suit le métal comme le poisson suit le cours de l'eau.
On ne peut se dissimuler que les causes de la détresse sont la publicité restreinte de nos arrêtés. Mille et un pamphlets inondent la capitale.
Nous avons supprimé les impôts, et vous les avez rétablis ; la première partie a été exécutée, la dernière rejetée.
Vous avez supprimé la chasse ; elle n'est permise qu'aux propriétaires, et tout le monde ravage les moissons.
Vous avez supprimé les dîmes, mais provisoirement elles sont continuées, et provisoirement on a commencé par ne pas les payer; je demande donc l'impression des trois arrêtés et leur envoi dans toutes les provinces.
évêque d'Au-tun. Nous venons d'entendre tes détails les plus alarmants sur la détresse du moment ; il est indispensable d'y apporter un prompt remède ; M. le directeur général des finances vient de soumettre à l'Assemblée les opérations et les divers moveùs qu'il a conçus ; l'Assemblée les prendra sans doute en considération.
La demande la plus intéressante sur laquelle nous devons prononcer est celle d'un emprunt de 80 millions, moitié en contrats, moitié en argent : peut-être y aurait-il quelques observations à faire sur cette forme ; mais les besoins du royaume demandent des mesures extraordinaires, et je pense que tout ce qui appartient au mode de l'emprunt doit être abandonné aux lumières et à la ^age expérience du ministre des finances, et qu'il est, sous tous les rapports, beaucoup plus convenable que l'Assemblée se borne à l'autoriser et à le garantir.
La nécessité de l'emprunt n'est que trop évidente ; s'il est nécessaire, il faut donc l'autoriser: la conséquence est rigoureuse. Nous ne serons pas arrêtés sans doute par la crainte de contrevenir à nos mandats ; cette difficulté a été déjà victorieusement résolue : bien loin d'en être effrayé, je pense, au contraire, qu'on ne peut leur obéir avec plus d'exactitude, et que ce serait les enfreindre de les suivre littéralement ; car nos commettants, en voulant que toute opération d'impôt ou d'emprunt ne pût être consommée qu'après la Constitution, ont voulu évidemment assurer par là cette constitution ; or, tel est l'état actuel des choses, que non-seule-ment la Constitution ne court aucun danger par cet emprunt, mais que même elle ne peut exister que par lui.
Mais un emprunt peut-il être proposé, s'il n'existe pas de crédit ? Deux vérités me frappent en ce moment.
Jamais le crédit n'a été plus nécessaire à la France ; le crédit est pour le moment anéanti.
Le crédit est nécessaire quand le produit des impositions se trouve tellement réduit; qu'il ne peut suffire à l'acquit des dépenses même les plus pressantes.
Le crédit est nécessaire quand tout conduit à croire que les perceptions ne procurent plus dans ce moment les fonds nécessaires au soutien de la force publique.
Le crédit est anéanti lorsqu'au milieu de la paix, et sous les yeux de l'Assemblée nationale, les fonds publics éprouvent une perte de dix pour cent de leur valeur primitive.
Le crédit est anéanti lorsqu'un emprunt modi-
que, garanti par l'Assemblée nationale, ne peut être rempli.
Le crédit est anéanti lorsque le taux des changes prouve une exportation incalculable de capitaux chez l'étranger, et le retrait presque général de tous ses fonds.
.11 est aisé de conclure qu'il est urgent de rétablir le crédit ; on ne peut travailler à le rétablir qu'en cherchant les causes qui l'ont perdu, et en les détruisant; en conséquence je propose :
1° Que l'Assemblée décrète aujourd'hui un emprunt de 80 millions en laissant le mode de l'emprunt au pouvoir exécutif;
2° Qu'il soit fait une déclaration solennelle, qui, confirmant celles des 17 juin et 13 juillet, rassure tous les créanciers de l'Etat contre la crainte d'une réduction quelconque d'aucune des parties de la dette publique ;
3° Qu'il soit nommé un comité extraordinaire de douze personnes, pour, de concert avec le ministre des finances, examiner les diverses opérations soumises à l'Assemblée, s'occuper particulièrement des moyens d'établir le niveau entre les dépenses et les recettes, et rendre compte, deux fois par semaiue, à l'Assemblée générale, de son travail ;
4° Qu'il soit décrété que les Assemblées provinciales seront établies incessamment et pendant la tenue de l'assemblée actuelle, comme étant le meilleur moyen de calmer les provinces, de créer de promptes ressources, de pourvoir sans secousses aux conversions nécessaires d'impôts, et d'affermir les opérations de l'Assemblée nationale, et, en conséquence, qu'il soit donné ordre au comité de constitution de présenter promptement son travail sur l'organisation des assemblées provinciales.
Les propositions de M. d'Autun excitent des applaudissements et des murmures.
Plusieurs personnes invoquent l'article du règlement qui veut une discussion préalable de trois jours avant de prononcer sur les questions importantes.
Si j'avais eu l'honneur de parler le premier à cette assemblée, peut-être me serais-je borné à une approbation pure et simple de la proposition de M. le directeur général des finances ; mais les additions que M. l'évêque d'Autun y a faites sont de telle nature, la première du moins, qu'une fois proposée, il y aurait les plus grands dangers à l'en séparer. On nous parle de renvoyer la discussion à un autre jour. Ceux qui nous font cette proposition en ont-ils bien pesé les conséquences ? Voudraient-ils, par un simple attachement à une forme rigoureuse, exposer l'Assemblée à perdre les fruits d'une discussion aussi lumineuse que celle que nous venons d'entendre ?
Après avoir manqué notre premier emprunt par un malheureux attachement à des formes, par un désir bien ou mal entendu de perfection, voudrons-nous exposer le royaume à tous les maux que pourrait entraîner le mauvais succès de celui qui nous est aujourd'hui proposé ?
Je ne suis pas de ceux qui sont prêts à se rendre l'écho de tout ce qui sort d'une bouche ministérielle. Je ne dis pas que ce qui vient de nous être lu de la part du ministre soit au-dessus de toute exception ; mais le besoin d'une ressource momentanée est évident ; mais l'importance d'assurer le crédit public sur la base sacrée de la fidélité de la nation à remplir ses engage-
ments, voilà ce qui me paraît également juste et pressant ; voilà ce qui ne saurait, dans le moment actuel, plus admettre'de retard.
Je n'insisterai pas, Messieurs, pour que vous passiez en une seule délibération les quatre propositions de M. l'évêque d'Autun; mais les deux premières sont tellement liées, tellement connexes, que leur séparation, même momentanée, pourrait avoir sur le crédit public les conséquences les plus funestes : approuver l'emprunt sans consacrer la dette, sans la mettre à l'abri de toute réduction, de toute atteinte, c'est semer la défiance et l'effroi parmi les capitalistes ; c'est leur annoncer des intentions sinistres ; c'est, en un mot, proclamer la banqueroute dans le moment où nous demandons du crédit.
Et dans quel temps, à quelle époque pensez-vous à annoncer des vues aussi malheureuses ? Quand vous êtes prêts à recevoir le grand, l'inestimable bien d une constitution libre, quand cette constitution est à l'enchère ! (Quelques murmures se font entendre.)
Oui, Messieurs, je ne crains point de le répéter , par un heureux effet des fautes et déprédations ministérielles, la Constitution est aujourd'hui à l'enchère ; c'est le déficit qui est le trésor de l'Etat ; c'est la dette publique qui a été le germe de notre liberté. Voudrez-vous recevoir le bienfait et vous refuser à en acquitter le prix ?
se réfère aux observations de M. de Mirabeau sur les premiers articles de la motion, et propose de destiner deux séauces par semaine aux rapports des comités à établir.
s'élève contre la motion de M. d'Autun : il dit qu'elle n'est pas dans les vues de M. le contrôleur général.
archevêque d'Aix, et M. le due de Uaneourt parlent pour les premiers articles de la motion ; et
se récrie contre ceux qui ont annoncé, lors de la discussion sur le premier emprunt, qu'ils se chargeaient de le faire remplir.
propose de décréter que l'Assemblée se concertera avec M. Necker sur le mode de l'emprunt.
objecte à cet amendement que ce serait un moyen d'éluder la responsabilité des ministres.
L'amendement est rejeté, et les premiers articles de la motion de M. d'Autun sont admis.
Ils sont compris dans l'arrêté suivant :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur les propositions qui lui ont été faites, au nom du Roi, par le premier ministre des finances, déclare l'emprunt de 30 millions fermé ; décrète l'emprunt de 80 millions moitié en argent, moitié en effets publics, tel qu'il a été proposé par le premier ministre des finances, et elle en laisse le mode au pouvoir exécutif.
« L'Assemblée nationale renouvelle et confirme les arrêtés des 17 juin et 13 juillet, par lesquels elle a mis les créanciers de l'Etat sous la sauvegarde de l'honneur et de la loyauté française. Ën conséquence, elle déclare que dans aucun cas, et sous aucun prétexte, il ne pourra être fait aucune nouvelle retenue ni réduction quelconque sur aucune des parties de la dette publique. »
La séance est continuée à ce soir.
Séance. du soir.
rend compte de la demande formée par M. l'évêque de Castres, pour avoir la liberté de se retirer momentanément de l'Assemblée, attendu l'état de sa santé.
Il annonce aussi que les pouvoirs de M. d'Ab-badie, député des communes Quatre-Vallées de Guyenne, à la place de M. le comte de Ségur, qui a donné sa démission, ont été vérifiés et trouvés eu règle.
il fait part d'une lettre de M. d'Esterhazy, relative à la mention qui se trouve à son sujet dans la plainte des quatre bourgeois de Marienbourg. Cette lettre est renvoyée au comité des rapports.
Un membre réclame les exemplaires adressés à l'Assemblée, d'un ouvrage intitulé : le Financier patriote, composé par M.Roland, qui est venu de Londres pour s'informer des causes du retard de cet envoi. M. le président répond qu'il est informé de ce qui concerne cet ouvrage, dont une partie dès exemplaires est au secrétariat, le surplus chez l'imprimeur, le tout devant êtie incessamment remis dans les bureaux.
dit qu'il est nécessaire de nommer quelqu'un pour veiller à l'impression du procès-verbal in-4°, et à l'arrangement des pièces qui y seront annexées.
L'Assemblée témoigne qu'elle s'en rapporte à M. le président; il annonce que M. Emmery, ainsi que M. Camus, archiviste, veulent bien se charger de suivre ce travail.
Le reste de la séance est employé à entendre la lecture de l'arrêté pris le matin.
La séance est levée.
à la séance du
Mémoire de M. I'àBBÉ Sieyès (1) sur le rachat des droits féodaux.
(Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale )
Messieurs, l'Assemblée nationale, en détruisant la féodalité, a distingué deux sortes de droits féodaux.
Les uns, qui attaquent la liberté personnelle.
Les autres, qui n'étant affectés que sur les fonds, et ayant pour principe la tradition du fonds, sous telles ou telles redevances, étaient une propriété inattaquable. Vainement aurait-on voulu, pour diminuer le respect inviolable dû à la propriété , avancer que les fonds de terre aliénés aux citoyens, moyennant une redevance, avaient été usurpés.
L'usurpation en ce genre est le premier titre de la propriété.
Dans l'état de nature, l'homme n'a pas de pro priété; il jouit de tout ce qui lui convient; sa propriété est la surface du pays qu'il habite. 11 jouit de ce dont il s'empare ; et il s'y maintient jusqu'à ce que la force l'en chasse.
L'établissement de l'ordre social met une li-
mite à ce droit illimité, que chaque homme reçut de la nature, de s'emparer de ce qui lui convient. Ce droit de propriété universelle fut restreint au droit de propriété circonscrite : et cette borne, qui limita le pouvoir de chacun dans ce qu'il possédait, devint la base du contrat social, et sa garantie, son objet.
Les sociétés, éclairées par leur intérêt, ajoutèrent encore à ce premier titre de propriété, le moyen de légitimer l'acquisition de toute propriété par une possession sans trouble, dont le terme fut fixé par les lois.
Dès lors deux choses furent requises pour Y acquit. d'une propriété ; la possession et le laps de temps pendant lequel cette propriété devait être jouie sans trouble.
Aussitôt que ces deux conditions se trouvèrent remplies, la propriété devint inattaquable et sacrée. La nation, elle-même, n'a plus le droit d'en dépouiller le citoyen sans indemnité, car si le bien public autorise la nation à changer, pour le bien de tous, la nature d'une propriété ; elle ne peut le faire qu'en indemnisant le possesseur légitime de cette propriété, de telle manière qu'en cessant de jouir de cette espèce de propriété dont la nation commande le sacrifice, il en reçoive un prix qu'il puisse employer à l'acquisition de propriétés qu'elle autorise. Une conduite différente serait un brigandage.
Le sol inféodé, dans le XIIe siècle, époque de la plupart des inféodations, appartenait à celui qui l'inféodait ; au moins en était-il alors le possesseur ; et le laps des siècles a revêtu du caractère sacré de la propriété les contrats passés entre celui qui possédait le fonds et celui qui l'acceptait de lui, sous telles ou telles redevances.
Ces fonds ainsi grevés de cens et autres redevances, sortis des mains des premiers colons, qui les acquirent du possesseur immédiat, ont depuis été vendus, écnangés ; les censitaires les ont acquis en défalquant du prix d'achat la valeur de ce cens qu'ils devaient payer. Ainsi, cette redevance n'est point la propriété de celui qui ne l'a pas acquise; elle ne peut appartenir qu'à celui qui en a toujours joui.
11 est sans doute inutile, puisque VAssemblée nationale l'a prononcé, que cette redevance imprescriptible et irrachetable devienne sujette au rachat; mais il fut aussi utile à la nation que cette faculté d'acensement ait eu lieu, et que les Etats généraux antérieurs ne l'aient pas proscrite.
C'est surtout dans les pays rudes et âpres que s'est établi l'usage des acensements. Les propriétaires, possesseurs, dans le XII® siècle, d un terrain immense, mais infertile, manquaient de moyens pour le rendre utile. Un seul moyen était praticable ; celui de le peupler de propriétaires. La propriété fertilise tout ; l'amour de la propriété avive tout. L'acensement a rendu le peuple propriétaire ; et c'est à ce seul véhicule qu'est due la fertilité de ces pays difficiles, où le travail des hommes a dompté la nature, et l'a forcée d'orner de ses dons un terrain ingrat qu'elle semblait avoir réprouvé (1).
Le bien une fois opéré, il était sans doute utile que le moyen qui l'avait produit f cessât d'exister ; et il a été détruit.
Mais les possesseurs des cens et autres droits que l'Assemblée a déclarés rachetables avaient droit à cette justice rigoureuse qu'ils ont obtenue. C'eût été un attentat que de la leur refuser. La possession, le laps des siècles, la sécurité, la loi, l'utilité même dont avait été ce mode de propriété, tout exigeait qu'en la détruisant ils en reçussent la valeur. L'Assemblée n'a pas fait grâce; elle a fait justice et même justice très-sévère; elle sait que la justice est un devoir, mais que ce n'est que de sa propriété qu'il est permis de faire des largesses.
Avec les droits utiles, la féodalité en avait introduit de cruels, d'absurdes, d'avilissants. Ils ont été détruits sans indemnité par ce seul motif : c'est que la loi de la propriété a pour objet les choses, mais elle ne peut atteindre les personnes. On devient le propriétaire d'une terre ; on ne peut devenir ie propriétaire d'un citoyen. Les tyrans seuls sont les maîtres des hommes ; et la tyrannie, qui brise toutes les lois, ne peut en établir aucune.
Mais l'Assemblée a établi cette règle avec rigueur sur les droits de ce genre, convertis, depuis plusieurs siècles, en redevances en grains ou en prestations pécuniaires.
Tout homme, en quel siècle que ce fût, qui achetait des serfs, des main mortes, ne pouvait ignorer qu'il achetait des esclaves; et le vice de l'acquisition s'annonçantà l'instant, il n'a pu acquérir une pareille propriété, et la juste punition de l'avoir acquise devait être de la perdre un jour.
Mais ces droits odieux, convertis en prestations, ont été vendus comme objets utiles, sans que le titre vicieux de leur origine apparût à l'acheteur. Le silence des lois semblait favoriser son erreur ; le laps du temps l'a entretenue. Les propriétés des familles n'ont pas eu d'autre base dans quelques provinces; les créanciers n'ont pas eu d'autre gage. La bonne foi a été pleine et entière de la part de tous.
Et, aujourd'hui qu'un zèle actif et infatigable de la part de l'Assemblée a, dans une seule nuit, renversé les abus et les institutions de dix siècles par son arrêté du 4 août, mille familles peut-être
sont réduites à la mendicité, sans pouvoir concevoir encore quelle horrible fatalité creusa sous leurs pas le gouffre de misère où une seule nuit les a tout à coup plongées (1).
J'ose croire qu'elles avaient des droits à la justice de l'Assemblée nationale; mais je dois désirer qu'il me soit permis d'ajouter, que je ne possède aucun droit de cette nature. Et certes, si j'en avais, j'aurais trouvé le décret du 4 août fort dur ; mais je me serais abstenu de m'en plaindre: j'aurais su endurer en silence ce qu'alors il m'eût été pardonnable de regarder comme un acte cruel de sévérité; et, dans la confiancede n'avoir pas mérité mon infortune, j'aurais au moins évité le tourment des supplications et des plaintes inutiles.
Il est dans le malheur un sentiment d'innocence et de fierté qui commande le silence, surtout quand l'infortune d'un particulier paraît augmenter l'allégresse publique; et le succès d'une assemblée de laquelle on doit attendre le salut de l'Etat.
Mais ne possédant aucune espèce de ces droits, j'avoue que je ne peux m'accoutumer à l'idée de voir ceux qui avaient acquis ces prestations, dont le titre primitif était odieux, mais dont ils ont ignoré l'origine, réduits à la plus affreuse indigence. Si la prospérité de l'Etat est attachée à tant de malheurs particuliers, il a bien fallu y consentir; mais j'aurais voulu, je l'avoue, que l'édifice du bonheur et de la liberté n'eût coûté des larmes qu'aux tyrans.
Les redevances qui n'ont pas une origine vicieuse formant une propriété sacrée, l Assemblée a jugé que cette propriété était nuisible; aussitôt elle devait cesser d'exister ; mais elle a ordonné que les possesseurs seraient indemnisés; et c'est sur la manière de leur rendre, à cet égard, la justice rigoureuse qui leur est due que j'ai cru devoir exposer mes idées.
Il se présente une multitude de difficultés pour former une juste appréciation de ces droits rache-tables; et, il faut l'avouer, il y a une impossibilité absolue à former un tarif unique et général pour l'universalité du royaume.
Userait plus facile de taxer leur valeur, si, comme je l'ai entendu proposer, on prenait pour taux de rachat le discrédit où la proscription de ce genre de propriété l'a fait tomber (2); mais ces odieux principes portent avec eux leur réprobation. Ils sont, à la fois, si lâches et si absurdes,
qu'ils semblent ne pouvoir convenir que dans la caverne des brigands, où il serait, en effet, trouvé plaisant de proposer cette espèce de justice : pour indemniser un particulier, possesseur d'une maison, détruisons d'abord l'édifice, et nous en apprécierons ensuite la valeur d'après celle des pierres qui en formeront les ruines.
De pareilles idées n'ont jamais pénétré dans l'Assemblée nationale. Elle veut avant tout être juste; mais il est bien difficile de faire des lois justes et générales sur cet objet.
Deux redevances affectent les propriétés soumises au cens:celle de la redevance censuelle, et le droit des lodsetventes payé au seigneur toutes les fois que le fonds, chargé d'un cens, est vendu (1).
L'une et l'autre de ces redevances sont rache-tables; et il faut d'abord décider si elles doivent être rachetées à la fois. Cela paraît indubitable ; car si le droit de lodsetventes n'est dû qu'à raison de ce que ce fonds est soumis au cens, ce cens, quelque légerqu'ii soit,est une garantie perpétuelle de ce droit de lods et ventes. Or, l'Assemblée ayant défendu de conserver et d'établir aucun droit de cens, il s'ensuit qu'en affranchissant un fonds de sa censive, il faut aussi le rédimer des droits de lods et ventes.
Mais est-il possible de former un seul et même bloc de la réunion de ces deux droits, et de leur fixer un taux commun? Gela ne me paraît pas possible, parce que cela ne se peut faire sans injustice.
Le droit de cens peut recevoir dans une province un taux commun, en se servant pour éléments de la fixation de ce taux, de tous les documents nécessaires pour former un taux commun des diferses mesures et des divers tarifs des marchés.
Mais le droit de lods et ventes est nécessairement séparé du cens, et ne peut jamais y être réuni pour former, un seul et même taux de rachat.
Un denier de cens, qui suffit pour soumettre un fonds au droit de lods, peut, en vertu «de ce droit de lods, rapporter lors de la vente, un lods de cent mille livres. Or, un pareil droit ne serait pas équitablement remboursé par quarante deniers, en supposant que l'affranchissement du cens, réuni au lods, fût évalué au denier quarante.
Et de même un fonds, quelquefois peu considérable, est chargé d'un cens de plusieurs sep-tiers de blé; et le propriétaire, forcé de racheter sa censive à une plus haute valeur, à cause du droit de lods qui y serait réuni, payerait ce droit de lods au-dessus de sa valeur.
Il est donc absolument nécessaire de rembourser à part ces deux genres de propriétés, et de fixer un taux à chacune d'elles.
Les difficultés sur le mode de remboursement ne sont pas moins multipliées que les difficultés sur lé taux.
Il existe, dans les provinces méridionales surtout, trois sortes de manières d'asseoir les cens.
Une communauté entière inféode un téneioent, le divise ensuite à ses colons, mais en les soumettant chacun à une partie de la redevance assise sur ce ténement, elle se soumet en corps de communauté à l'acquit du cens ; de telle manière que la communauté entière est solidaire.
Un particulier peut inféoder avec plusieurs particuliers un même ténement, et se soumettre à la fois à la solidarité et indivisibilité de la redevance.
Enfin, un seul particulier peut inféoder pour lui et les siens, purement et simplement, sans avoir d'autre garant de sa redevance que le fonds sur lequel elle est assise.
Sans avoir égard à ces différents genres d'inféo-dation, on a proposé d'autoriser les communautés en corps à faire des emprunts et à se rédimer à la fois de toutes les redevances de la communauté. Ce moyen offrait deux avantages: celui d'éteindre plus tôt ce genre de propriété, et celui de mettre dans les mains du propriétaire un capital assez fort pour qu'il pût le placer; car il faut avouer que la municipalité des payements individuels expose le propriétaire à dissiper sa fortune, ou à l'impossibilité de rien faire produire à ses remboursements, jusqu'à ce qu'ils aient été portés à une somme assez forte pour en faire un placement (1).
Ce projet n'a pas été accueilli; il offrait cette difficulté : vous faites contracter une dette à une communauté; vous gênez la liberté des citoyens, en les forçant à un remboursement auquel leur titre de possession ne les soumet pas. Bien que ce titre stipule qu'ils ne pourront pas se rédimer, la loi autorisant les rachats, il faut que ce bienfait de la loi ne change pas la condition du redevable, et que la dette qu'il contracte individuellement, il puisse l'acquitter individuellement.
Ces raisons, il faut l'avouer, présentent un motif d'équité qui a dû frapper l'Assemblée nationale.
Mais aussi, ce même motif d'équité met hors de toute atteinte les remboursements que doivent effectuer en masse commune toutes les communautés et tous les particuliers soumis à des rentes indivises et solidaires.
La nature de leur contrat les y soumet.^L'Assemblée nationale n'a pu changer la nature de ce contrat, et faire que la redevance à laquelle il les soumit solidairement, soit remboursée par parcelles. Il faudrait, si elle avait ordonné un pareil mode de remboursement, une nouvélle indemnité pour cette solidarité acquise qu'elle aurait détruite.
Ainsi, nul doute qu'il ne soit pas équitable de forcer les communautés à se racheter en corps, quand elles ne sont pas obligées au cens en corps ; mais nul doute aussi que celles qui sont solidaires, et les particuliers aui sont dans la même position, ne doivent rembourser le cens ensemble, et suivant la solidarité à laquelle les soumet le titre de leur propriété.
La suppression des droits féodaux a été effectuée danâ un royaume voisin. En 1771 et 1773, le roi de Sardaigne ordonna que tous les droits féodaux seraient abolis (2) ; mais comme le conseil d'un roi absolu est obligé à plus de ména-
gements et de lenteur, quand il attaque la propriété, qu'une Assemblée nationale, il établit des règles douces et modérées, et des modes de remboursement qui parurent équitables à ceux-là mêmes'dont ils dénaturaient la propriété.
Il voulut que les droits de servitude personnelle fussent évalués à dix louis au plus pour les personnes soumises à ce genre d'esclavage. Cette indemnité n'a point été ordonnée pour ces sortes de droits par l'Assemblée nationale ; elle n'a pas dû apprécier la liberté des citovens.
Quant aux redevances en blé et tous autres droits seigneuriaux, le rachat en a été fixé d'après des estimations locales, qui ont àlafois paru équitables aux colons et aux propriétaires (1). Jugeant qu'il devait cependant s'élever sur l'application de ces lois générales un nombre prodigieux de difficultés ; que s'il fallait les discuter selon la forme judiciaire, en suivant Ja hiérarchie des appels, il arriverait que l'accessoire dépasserait en frais le principal, et qu'on serait ruiné avant d'être instruit du moyen de rédimer sa propriété; le roi de Sardaigne établit un tribunal suprême de cinq sénateurs, pour juger sommairement, sans frais et sans appel, toutes les contestations élevées sur l'application de cette loi.
Cet exemple et les raisons qui guidèrent le roi de Sardaigne pourront et doivent peut-être engager l'Assemblée nationale à charger les tribunaux du second ordre, siégeant sur les lieux, de juger sans appel et sans frais les causes de cette espèce.
L'effet de la loi en Sardaigne a été de rédimer beaucoup de terres des redevances censuelles, les communautés s'étant réunies souvent volontairement pour s'en affranchir en totalité. Celles qui n'ont pu s'affranchir sont assujetties au payement du cens et autres droits, et les acquittent jusqu'à ce qu'elles aient pu s'en rédimer.
Je crois que l'affranchissement des terres en Savoie, à une époque voisine de celle où nous sommes, s'y étant opéré sans murmure, sans entraîner la ruine des familles, peut, dans ses détails, offrir des moyens d'exécution dont il serait possible que l'Assemblée nationale profitât, et qu'elle perfectionnât encore cet ouvrage ; car ii est hors de doute que l'esprit de justice réuni à celui de la liberté, ajoutera à la perfection d'un ouvrage entrepris et achevé par le pouvoir absolu ; comme il n'est pas possible de croire qu'une justice rendue aux propriétaires parle despotisme puisse leur être refusée par les représentants d'une nation libre.
11 est encore une réclamation à laquelle l'Assemblée ne peut refuser justice.
Nous avons établi que le cens devait être racheté suivant la nature du contrat de celui qui en est redevable ; isolé s'il n'est pas solidaire, en solidarité s'il est soumis à l'indivis.
Nous avons cherché à établir qu'il serait convenable que la terre affranchie du cens le fût
aussi du droit de lod*, non que ce droit ne dût être estimé séparément du droit de cens ; mais il paraît convenable qu'il soit acquitté en même temps.
Nous avons prouvé qu'il était juste de fixer le taux du rachat des cens sur la valeur qu'avaient ces droits dans les provinces, avant qu'ils fussent déclarés rachetables, et le respect dû à l'Assem-blée nationale nous a prescrit de ne pas prouver que les estimer sur le taux où l'arrêté du 4 août les a fait tomber serait injuste, parce qu'il est inutile, autant qu'il est peu décent, de prouver que l'Assemblée nationale ne peut pas violer la propriété et la ravir aux citoyens, quand c'est d'elle qu'ils doivent recevoir les moyens de la dé-fendre.
Mais à ces réflexions, on pourrait ajouter une réclamation. C'est que l'Assemblée, en fixant le taux du rachat en 1789, ne peut fixer ce taux que pendant un certain nombre d'années, passé lequel il est de sa justice de revenir à un nouvel examen pour établir une nouvelle fixation/Dans trente ans, par exemple, l'accroissement du nu-méraire peut avoir accru les prix des denrées; or, il serait injuste que le septier de blé dû par un citoyen à un autre citoyen, ne fût remboursé dans trente ans-que sur' le pied du taux où étaient évalués les blés en 1789.
'Jn exemple rendra cette vérité sensible. Il y a trente ans qu'en Languedoc le blé était évalué 8 livres le septier (l), blé-seigle. Si l'on eût rendu dès lors les cens rachetables, et qu'on eût fixé le taux du rachat au denier trente, un sep-tier de blé eut été acquitté par 240 livres; mais si alors on ne se fût pas réservé le droit de reve-nir dans trente ans à une nouvelle fixation, le septier de ce même blé valant aujourd'hui 12 li-vres, le citoyen redevable eût pu s'acquitter envers son créancier, en 1789, en lui payant 240 livres au lieu de 360; et il l'aurait frustré de l'accrois-sement de la plus-value des blés.
Si la loi prescrivait à chaque particulier de payer dans tel laps de temps le capital du cens, une seule évaluation suffirait; mais il est impos-sibîe de gêner à ce point le citoyen redevable. La loi doit lui laisser la faculté de se racheter quand il en aura les moyens ; mais le prix de cette fa-culté est de subir un nouveau taux, quand après un laps de temps considérable la denrée dont il est redevable aura acquis, par l'accroissement du numéraire, une plus haute valeur.
Il est encore une justice que l'Assemblée doit à tous les citoyens. S'il lui est impossible de fixe un taux commun à tout le royaume, pour le ra-chat des cens et autres droits rachetables, elle doit poser des règles claires, d'après lesquelles les Assembiées provinciales seront tenues de procé-der à ces estimations.
L'uniformité de la règle à ce sujet est le plus grand bienfait que les citoyens puissent recevoir de l'Assemblée nationale. Je dis plus; c'est que i'uniformité de la règle peut seule maintenir l'é-galité des droits et assurer la tranquillité pu-blique.
Quand la règle d'après laquelle les Assemblées provinciales doivent évaluer les droits racheta-bles sera connue de tous, alors les citoyens sau-ront pourquoi" les cens et autres droits sont éva-lués plus ou moins dans les provinces voisines, et ils n'attribueront pas ces variations de prix à des sentiments personnels, à des faveurs partielles toujours odieuses et aussi révoltantes que i'injus-
tice de ceux qui, ne possédant aucun de ces droits, voudraient dans les Assemblées provin-ciales déwuire par un taux injuste les propriétés des citoyens qui n'ont pour patrimoine que ces sortes de droits rachetables.
On ne doit pas se le dissimuler, et encore moins le taire à l'Assemblée* nationale ; il est possible que dans les assemblées provinciales il existe des nommes qui, désireux de la faveur politique, et n'osant se croire le droit de l'obtenir par des vertus, chercheraient à se la concilier, en fomen-tant le désir que chaque homme a dans le coeur tant le désir que chaque homme a dans le coeur possible. C'est une vérité honorable et consolante que le peuple laissé à lui-même est bon, et que son premier mouvement est de fléchir devant la justice; mais il est aisé à égarer, et ses erreurs de s'acquitter de ce qu'il doit au moindre prix possible. C'est une vérité honorable et consolante que le peuple laissé à lui-même est bon, et que son premier mouvement est de fléchir devant la justice; mais il est aisé à égarer, et ses erreurs ont des suites toujours cruelles. L'Assemblée na-tionale doit enlever à l'ambition les moyens cri-minels de se satisfaire en trompant le peuple, Elle doit dire au peuple :. Voilà la loi, jugeff si elle est bien ou malappliquée par vos assemblées provinciales. En général, l'Assemblée nationaledoit donner des lois générales, des règles géné-raies surtout; elle doit former ainsi l'esprit pu-blic et abandonner alors aux assemblées provin ciales, toujours guidées par ses décrets, le soin de leur exécution.
L'Assemblée nationale protège également les propriétés de tous. Elle ne peut attacher aucune satisfaction au triste et barbare pouvoir qu'ont les tyrans de favoriser les propriétés qu'ils affec-tionnent, aux dépens de celles des autres citoyens. Ge serait déshonorer sans utilité le peuple fran-çais que d'associer, à la gloire des premiers jours de sa liberté le souvenir du malheur de plusieurs milliers de citoyens, et du vol honteux de leur patrimoine.
D'ailleurs, ce patrimoine n'est pas toujours'à eux seuls: il est celui de leur famille, le gage de leurs créanciers. Ils pourraient volontairement se réduire à l'indigence s'ils étaient les maîtres ab-solus de leur propriété; mais ils sont chargés du gage de leurs créanciers ; ilstioivent le réclamer, le défendre ou le voler ; il n'y a pas de milieu.
Ces motifs de justice, je devrais ne pas les ex-poser, et je ne les aurais pas exposés si j'eusse parlé à ce sujet dans l'Assemblée, parce que c'est là qu'ils existent dans toute leur purelé; l'As-semblée nationale doit être leur sanctuaire.
Mais j'ai cru devoir Tes mettre sous les yeux de ceux qu'un zèle un peu trop ardent égare, et qui.dans l'activité de leur enthousiasme, trouveraient peut-être bon que les droits rachetables, qu'ils ne possèdent pas, ou dont sont grevés leurs héritages, ne fussent pas rachetés, et que ceux qui les pos-sèdént en fussent dépouillés par l'injustice et la violence, ou que de vaines terreurs les forçassent à en faire encore l'abandon. . .
Les hommes libres, et qui veulent l'être, sont ceux qui doivent être le plus attachés aux pro-priétés légalement acquises. La propriété légitime assure l'indépendance. On est esclave quand on existe aux dépens des propriétés d'autrui.
L'homme libre et honnête tient à sa propriété légitime, parce qu'il sait combien il est difficile d'acquérir, quand on veut établir sa fortune par les mêmes moyens qui font qu'on en jouit sans honte et sans remords.
Enfin, l'homme libre défend sa propriété parce qu'il sait que nul n'a le droit d'y attenter sans crime; il la défend au péril de sa vie contre les tyrans, et il lui suffit, pour la conserver, de de-mander justice dans un Etat libre.
Séance du
L'Assemblée a pris communication des adresses et des procès-verbaux du comité patriotique de la ville de Montauban en Haute-Guyenne, des adresses de félicitation, de reconnaissance et d'adhésion des villes de Villefranche en Rouergue; de Luynes ; de l'arrêté de la même ville, contenant acte de confédération ; d'une adresse du comité permanent de la ville de Dinan, qui rend compte de ses efforts pour empêcher l'événement affreux du 6 de ce mois ; d'une délibération des trois ordres des citoyens de la ville d'Auch ; de tous les citoyens de Toulon ; d'une délibération de la ville de Gheylard en Vivarais ; des trois ordres de la ville d'Apt ; d'une adresse de la ville de Fresnay, d'un procès-verbal du comité permanent de Ferrières en Vivarais ; d'une délibération des trois ordres de Saint-Papoul ; d'une délibération de la communauté d'Aigalliers en Provence, qui se plaint d'un article de doléance inséré dans son cahier, et qu'elle rétracte; d'une délibération du conseil général de tous les habitants de la communauté d'Antibes ; d'une adresse de félicitation de la communauté de Caylus en Quercy; de la ville de Realville en Quercy; de la ville de Mont-faucon en Anjou ; des habitants de la ville de Bain en Bretagne ; du corps municipal et électoral de la ville du Pont-de-1'Arche, de la ville de Cau-son, des communautés de Caulon et Moulinet en Agénois; des officiers delà prévôté bailliagère de Montmédy ; de la ville de Chalus ; des officiers municipaux de la ville de Tonnerre ; de la ville de Vitry-le-François ; du sieur Bérenger, curé de Loriol ; des maîtres ès arts et de pension en l'université de Paris ; de la commune de Rhétel ; de la municipalité de la ville d'Arpajon ; des habitants de la paroisse de la Pommeraye; de deux lettres d'adhésion, adressées à un des membres de l'Assemblée, pa:r les officiers du bailliage et de la municipalité de Villers-la-Montagnë, et par le lieutenant particulier du bailliage de Longuyon, d'une lettre du sieur Garnier de Saint-Julien, qui fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage dont il est l'auteur ; d'une délibération des notaires de la ville de Romans ; d'une lettre de M. le comte de Saint-Priest, qui annonce qu'il a donné des ordres à l'imprimerie royale pour qu'il fût déposé aux archives de l'Assemblée deux exemplaires de fout ce qui est imprimé relativement à la convocation, à la tenue et aux décrets; d'une adresse de la ville d'Exmes, qui rend compte de l'établissement d'une milice bourgeoise ; d'une lettre d'un habitant de la ville de Pont-Audemer, qui annonce que la composition de la milice bourgeoise est achevée ; d'une délibération du comité permanent de Blois, qui annonce les précautions prises pour conserver le mobilier du château de Chambord, appartenant au Roi.
Lordre du jour appelle la discussion sur la Constitution.
prend la parole au nom du comité de Constitution. Il représente qu'il convient de donner une marche simple et ai6ée à cette dis-
cussion ; que le comité a pensé que l'ordre doit être ainsi proposé :
La déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
Les principes sur le gouvernement monarchique;
L'organisation du Corps législatif;
Celui du pouvoir exécutif;
Celui du pouvoir militaire ;
Enfin l'ordre judiciaire.
termine, en observant qu'il convient de n'énoncer que des principes simples sur la monarchie ; qu'il sont susceptibles de fort peu de discussions, puisqu'ils se trouvent dans les cahiers de tout le monde; que ce n'est pas là cependant qu'on peut trouver tout l'ouvrage de la Constitution, mais que l'Assemblée nationale suppléera dans sa prudence à leur silence sur des articles qu'elle croira pouvoir ajouter.
donne lecture du projet suivant:
CHAPITRE II.
Du gouvernement français propose par le comité de Constitution.
« Art. 1er. Le gouvernement français est un gouvernement
monarchique. Il n'y * a pas en France d'autorité supérieure à la loi. Le Roi ne règne que par
elle; et quand il ne commande pas au nom de la loi, il ne peut exiger obéissance.
« Art. 2. Aucun acte de législation ne pourra être considéré comme loi, s'il n'a été fait par les députés de la nation, et sanctionné par le monarque.
« Art. 3. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du roi.
« Art. 4. Le pouvoir judiciaire ne doit jamais être exercé par le Roi, et les juges auxquels îl est confié ne pourront être dépossédés de leurs offices pendant le temps fixé par les lois, si ce n'est par les voies légales.
« Art. 5. La couronne est indivisible et héréditaire de branche en branche, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture. Les femmes et leurs descendants en sont exclus.
Art. 6. La personne du Roi est inviolable et sacrée; mais les ministres et autres agents de l'autorité royale sont responsables des infractions qu'ils commettent à la loi, quels que soient les ordres qu'ils aient reçus. »
avertit l'Assemblée que ces articles sont tirés du projet de M. Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux. Voy. plus haut, séance du 27 juillet 1789) et que le comité de Constitution s'est borné à les classer dans leur ordre naturel.
remarque d'abord que l'on a oublié de parler de la majorité des rois; qu'il est cependant dans la volonté de l'Assemblée de régler l'époque de cette majorité.
répond que le comité ayant divisé son travail, parlera de cet objet dans le chapitre qui concerne le pouvoir exécutif.
demande que l'on insère spécialement un article sur l'allodialité actuelle des rentes ; cette allodialité n'existera que par le remboursement.
Cette réflexion anticipant trop sur Ta venir n'a aucun succès.
Un ecclésiastique développe ensuite les principes de toute société. La société domestique, dit-il, est la première de toutes les sociétés. Plusieurs fîynilles se sont ensuite réunies : c'est là qu'a commencé la société politique.
En se réunissant ainsi, les hommes sont convenus de certaines règles ; ces règles sont des lois, et ces lois .supposent une autorité quelcon^ que qui en maintient l'observation.
Cette société s'est étendue; elle a fait partie d'une autre société, et alors ce n'est qu'une portion d'un Etat ; ou elle se gouverne seule, et alors elle fait un corps politique : elle a le pouvoir absolu et indépendant.
C'est du placement de ce pouvoir que dépend la constitution des Etats.
Ce pouvoir réside dans le peuple, et alors c'est le gouvernement de la démocratie.
Il réside dans quelques hommes privilégiés, et alors c'est l'aristocratie.
Enfin, il réside dans un seul, et c'est la monarchie.
Ce sont moins les termes que les choses qui constatent leur nature. Les termes changent, mais les choses sont invariables. Aussi un monarque cesse-t-il de l'être, quant à l'effet, s'il agit arbitrairement; cesse-t-il de l'être encore, s'il n'a plus d'autorité.
Dans la monarchie les pouvoirs dépendent essentiellement du monarque...
De grands cris rappellent l'opinant à l'ordre ; une voix se fait entendre au-dessus des murmures :
Il s'agit de la monarchie, et l'opinant traite le gouvernement despotique.
Cette réflexion fait descendre l'opinant de la tribune.
Un autre ecclesiastique prend aussi la parole:
Nous allons donc enfin nous occuper de la Constitution. 11 est temps de consacrer à jamais la religion que nous professons....
Cette motion tendant également à établir le despotisme, des réclamations se font entendre de toutes parts, et ce second orateur quitte la tribune comme le premier, sans terminer son discours.
prend la parole pour appuyer le sentiment du préopinant, mais en écartant les expressions qui avaient choqué l'Assemblée.
, évêque d'Autun, en terminant la discussion sur la déclaration des droits de l'homme et du citoyen, annonce que tout ce qui concerne la religion catholique commencera la discussion.
. Je demande donc que l'on mette comme premier article de la Constitution que la religion catholique est la religion de l'Etat.
. J'observe à l'opinant que Phara-mond régnait avant Clovis.
La motion de M. l'abbé d'Eymar est rejetée.
La discussion s'ouvre sur le premier article.
M*** . C'est ici que l'on doit réfléchir sur l'esprit national. Il y a près de quatorze cents ans que les Français, libres de se diriger par l'es-
prit républicain, préférèrent les douceurs du gouvernement monarchique aux orages d'un gouvernement républicain. Aujourd'hui cette circonstance se présente encore : la nation est rassemblée; forte de l'estime publique, n'ayant au dehors que des princes qui consument leurs forces dans la mollesse ou dans des guerres qui nous vengent de nos souffrances ;au dedans, aucun prince, aucun homme puissant qui puisse se déclarer l'appui du trône, il allait s'écrouler aujourd'hui, comme il se serait écroulé du temps de Pépin et de Hugues Capet ; mais les mêmes sentiments, la même impulsion viennent de le relever encore. Louis XVI n'est plus sur le trône par le hasard de la naissance ; il y est par Je choix de la nation,elle l'y a élevé, comme autrefois nos braves aïeux ont élevé Pharamond sur le bouclier
Personne ne conteste le gouvernement monarchique. Tous les cahiers sont formels, cela est vrai; mais il semble que ce n'est pas là le point d'où il faut partir ; c'est du vœu actuel de nos commettants qui, armés jusqu'aux dents, viendront à bout de se constituer en monarchie mitigée.
Mais qu est-ce que cet esprit national? c'est le résultat d'un grand nombre de causes. Les unes sont fixées dans le climat que l'homme habite ; les autres le sont par les erreurs et les préjugés, et quelques autres par la raison. Si ces causes agissent en sens contraire, l'homme est malheureux ; si elles s'accordent avec sa position physique, alors il se montre dans la splendeur et, l'opulence qu'il peut se promettre du libre usage' des ressources locales. Il faut l'avouer : le seul gouvernement qui convienne à nos mœurs, à notre climat, à i'étendue*de nos provinces, c'est le gouvernement monarchique.
Plusieurs membres critiquent l'article premier, quant à la rédaction.
propose d'y substituer oequi suit :
« La France est un Etat monarchique, c'est-à-dire un Etat où un seul gouverne par des lois fixes et fondamentales.»
L'Assemblée témoigne un sentiment de préférence pour cet article.
Il est plus expressif, dit un membre, et il définit du moins ce que c'est que monarchie; car, certes, à Constantinople, où il n'y a qu'un sultan, l'on peut dire que c'est là aussi le gouvernement monarchique.
. J'appuie l'article de M. Bouche. Il est tellement nécessaire de donner une définition du pouvoir monarchique, que l'on peut en abuser bien facilement. Il y a deux ans que nous étions aussi* sous un gouvernement monarchique; il n'y a qu'un instant, on nous présentait dans cette même tribune le gouvernement monarchique comme le despotique.
Il con vient donc d'annoncer que le gouvernement français est une monarchie tempérée par les lois ; tel est l'amendement que je propose à la motion de M. Bouche.
, évêque de Chartres, censure le dernier membre du premier article qui porte que « le Roi ne peut exiger d'obéissance qu'autant qu'il commande au nom de la loi. » Il prétend qu'il y a une certaine obéissance provisoire qui est toujours due au Roi.
présente
un amendement, pour la motion de M. Bouche y aux mots fixes et fondamentales, il supplée par ceux-ci : « par des lois faites par la nation ou par ses représentants. »
propose un arrêté qui réunit une grande partie des suffrages.
« En France^ il n'y a pas d'autorité supérieure à celle de la loi. Le gouvernement est monarchique, et il n'est établi que pour la faire exécuter. »
. D'aussi grands intérêts que ceux qui nous agitent me donnent le courage de vous proposer une réflexion que je crois nécessaire. Je demande qu'avant de délibérer on adopte un moyen qui satisfasse à la conscience, je veux dire d'établir une délibération paisible; que chacun puisse, sans crainte de murmures, offrir à l'Assemblée le tribut de ses opinions, il faudrait donc ajouter au règlement quelques articles qui seraient conformes à ce que j'ai l'honneur de vous proposer.
A peine l'orateur a-t-il achevé ces mots, que les cris répétés à l'ordre, à Vordre! l'ont interrompu.
lui observe qu'il ne s'agit )as du règlement. M. Robespierre veut répondre, es cris recommencent, et il descend de la tribune.
Plusieurs membres s'élèvent contre un pareil despotisme, et réclament la liberté des opinions.
remonte à la tribune, et y propose, sans succès, d'aiouter quelques articles nécessaires à la tranquillité de la délibération, préalablement à toute discussion sur la Constitution.
cherche à donner quelque faveur à l'avis de M. Robespierre. Si un membre, dit-il, soutenait que l'on ne peut aller aux voix par assis ou levé, parce que ce mode est une espèce d'acclamation, l'opinant serait dans l'ordre du jour.
élève une autre question, relative aux assemblées provinciales; maison le rappelle au point de la discussion. Le mot de monarchie, dit-il, c'est un mot sur lequel chacun attache une idée différente dans telle ou telle monarchie, ici l'on est libre, là l'on * est esclave. Il faut donc définir la monarchie: d'ailleurs, il convient encore de placer le mot de nation avant celui de gouvernement, qui n'est qu'une cause secondaire.
propose une toute autre forme pour l'article.
Il convient qu'il faut conserver le mot de monarchie* mais qu'il faut lui donner une toute autre signification ; distinguer ensuite les trois pouvoirs, et les expliquer chacun dans un article à part. 11 fait sentir l'importance de s'expliquer sur le sens actuel de monarchie, en disant que l'on n'entend pas rétablir une monarchie fondée sur la division des ordres, sur la vénalité des charges, mais une monarchie fondée sur la séparation des trois pouvoirs.
. Puisqu'il y a lieu à délibérer sur la série des questions proposées, et qu'ainsi nous allons enfin nous occuper de la Constitution, je demande que tous les objets con-
stitutionnels soient jugés par appel nominal, et non par assis et levé.
. Je vais plus loin; je demande qu'il soit fait une liste de tous ceux qui parleront sur les questions qui viennent d'être posées; et que cette liste, divisée en deux colonnes, l'une remplie par les noms de ceux qui parleront pour l'affirmative, et l'autre destinée à ceux qui soutiendront la négative, soit ensuite insérée dans le procès-verbal.
. Qu'il soit permis à un homme qui signe et qui a toujours signé, de représenter comme dangereuse la motion du préopinant. Elle ne convient ni a la dignité, ni à la fraternité de l'Assemblée. Je crois qu'après avoir combattu pour notre opinion avec une opiniâtreté zélée, il ne doit rester parmi nous nulle trace de dissentiment. Tel est le principe de toute assemblée régulière et sage, et rien ne peut vous empêcher de penser que votre souverain, c'est le principe.
. Je demande non-seulement la liste indiquée par M. Mounier, mais je voudrais encore que le premier député de chaque ordre, de chaque bailliage, soit tenu de déclarer quelle est la volonté de ses commettants sur la sanction royale.
. L'Assemblée a déjà prononcé sur les mandats impératifs. Je ne renouvellerai pas cette discussion, mais je me permettrai une observation très-claire et obligeante pour tout le monde; il eût été malheureux pour vous que le système de M. d'Epréménil eût prévalu, car alors il n'aurait pas eu besoin de venir ici en personne, il aurait pu se contenter d'envoyer son cahier, et l'on eût été privé du plaisir de l'entendre.
— A la suite de ces discussions, nous allons mettre les projets qui sont présentés :
M.***. « La France est une monarchie ; le Roi n'y règne que par la loi, il ne peut commander qu'au nom et en vertu de la loi. »
. « Art. 1er. Les citoyens français ne sont et ne seront
soumis, tant pour leur propriété que pour leur liberté, qu'aux lois qu'ils auront
volontairement consenties, soit par eux, soit par leurs représentants réunis en Assemblée
nationale.
« Art. 2. Le gouvernement français est en conséquence un gouvernement monarchique. Au Roi seul appartient la force publique pour l'exécution des lois. »
, évêque de Dijon. « L'Assemblée nationale énonce et promulgue les articles suivants; elle déclare qu'elle conserve la forme de son gouvernement ; que c'est un gouvernement monarchique tempéré par les lois; qu'elle ne veut y rien changer.»
. « L'Assemblée nationale déclare que de tous les gouvernements le gouvernement monarchique est celui qui convient le mieux à laFrance, c'est-à-dire le gouvernement où un seul est chargé de l'exécution des lois.
. «Le principe de la souveraineté réside essentiellement dans la nation.
« L'Assemblée nationale déclaré que toute autorité doit être soumise à la loi; qu'elle veut que
son gouvernement soit monarchique, que le Roi ne règne que par la loi, et ne puisse commander qu'au nom et en vertu de la loi. »
. « La France est un Etat monarchique dans lequel la nation fait la loi, et le Roi la fait exécuter. C'est dans la division de ces pouvoirs que consiste la Constitution. »
Voici un dernier projet (car nous avons choisi ces projets sur quarante-cinq au moins) que nous ne devons pas oublier.
« Point d'autorité supérieure à la loi, le Roi ne peut exiger d'obéissance que quand il parle au nom de la loi. Le gouvernement français est une démocratie royale. »
L'article 1er du comité de Constitution, et le projet présenté
par M. Roussier pour le remplacer, excitent les débats les plus vifs. La majorité de la
noblesse et du clergé, et presque la moitié des communes, croyaient voir dans le premier
article du comité uneaahésion préliminaire de la sanction royale. Le reste tient fortement
pour le projet de M. Roussier, parce qu'il croit y voir le contraire.
aîné sont d'avis d'adopter l'article proposé par le comité.
demande le retranchement de cette phrase, comme pouvant altérer l'obéissance due au roi.
, évêque de Dijon, propose de remplacer le premier article par trois articles de ses cahiers.
est d'avis que la dénomination de la monarchie soit suivie de la définition.
Plus de vingt rédactions sont successivement proposées.
propose sa rédaction en ces termes :
« La France est un Etat monarchique dans lequel la nation fait la loi; le monarque? la fait exécuter. La séparation des pouvoirs constitue essentiellement le gouvernement français. »
La priorité pour cette motion est réclamée. Après quelques débats il est décidé, par assis et levé, que la rédaction du comité sera mise la première aux opinions.
Amendements proposés:
. « La volonté de la nation française est que son gouvernement soit monarchique. »
, évêque de Chartres, que l'article soit ainsi terminé : « Ce n'est que par l'au torité de la loi qu'il exige l'obéissance. »
D'autres amendements sont encore proposés.
demande qu'en conformité du règlement, une question aussi importante, et qui n'est pas urgente, soit renvoyée au lendemain pour la décision.
(Opposition d'une partie de l'Assemblée, qui veut qu'on délibère. Vive agitation dans les opinions.)
demande que la question soumise soit jugée provisoirement, sauf à être con lirmée sans discussion pendant deux autres jours
Plusieurs demandent que le premier article ne 6oit décidé qu'avec le second relatif à la sanction royale.
récapitule les avis divers, et détermine l'Assemblée à remettre la décision à demain.
La séance est levée, et remisé à demain matin pour cet objet, à neuf heures.
Une assemblée a été indiquée pour 7 heures du soir, et le comité de subsistances et de finances convoqués pour cinq heures et demie.
Séance du soir.
La ville d'Amiens a, comme beaucoup d'autres villes du royaume, éprouvé des troubles. La formation d'un comité permanent et d'une milice bourgeoise les a arrêtés. Les membres de ce comité ont écrit à l'Assemblée pour lui faire part des mesures qu'ils avaient prises pour rétablir l'ordre. La lettre a été lue par M. le président, et l'Assemblée l'a chargé de répondre qu'elle voyait avec la plus grande satisfaction tout ce qui était fait pour assurer la tranquillité publique.
M. le duc de Luxembourg ayant donné sa démission,
son suppléant, M. lrland de Bazoges se présente; il est admis après la vérification de ses pouvoirs, qui sont trouvés valables.
Un des secrétaires présente à l'Assemblée un ouvrage de M. Peyssonnel, consul de France à Smyrne ; il est intitulé : Tableau politique de lasi-tuation de la France, dédié à l'Assemblée nationale.
, membre du comité des rapports, rend compte à l'Assemblée d'une difficulté élevée dans la ville de Nevers, où, comme dans plusieurs autres villes du royaume, l'ancienne municipalité a été destituée par la nomination d'une nouvelle municipalité nommée par la commune.
donne lecture d'une lettre de M. de Latour-du-Pin, qui prie l'Assemblée de vouloir bien accepter sa démission et hâter la vérification des pouvoirs de M. le marquis de Brémond d'Ars, nommé son suppléant par la noblesse de Saintes.
Un autre membre du même comité fait un rapport pareil pour ia.ville de Château-Chinon. Sur l'une et l'autre affaire, la question préalable est demandée; il est décidé pour tous deux qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
demande la parole pour disculper M. le comte d'Esterhazy de l'abus d'autorité qui lui a été reproché dans l'affaire des quatre particuliers emprisonnés à Marienbourg; il propose de communiquer à l'Assemblée des pièces qui prouvent que M. le comte d'Esterhazy ne s'est mêlé ni indirectement ni directement de cette affaire, et il fait ensuite une motion pour qu'à l'avenir le comité des rapports ne puisse rendre compte à l'Assemblée d'aucune inculpation, sans avoir auparavant connu les moyens de défense de l'inculpé.
fait un rapport pour engager l'Assemblée à charger son président de faire quelques démarches auprès de M. le garde des sceaux, pour obtenir la commutation de peine de quelques particuliers condamnés pour émeute,àraisondesgraius,dans la ville deBagnols.
L'Assemblée prononce qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Enfin Ton vient à Pexamen du projet d'arrêté proposé par le comité des subsistances, pour ordonner la libre circulation des grains de province à province, de ville à ville, de bourg à bourg, dans l'intérieur du royaume, et pour en défendre l'exportation à l'étranger, jusqu'à ce qu'autrement il en ait été ordonné.
Ce projet d'arrêté, présenté depuis plusieurs jours et renvoyé dans les bureaux, y avait été examiné.
a lu un très-long mémoire, dans lequel il a développé tous les principes des économistes, pour rendre absolument libre le commerce des grains. On a demandé l'impression de son mémoire, qui n'a pas été parfaitement entendu, parce que le silence n'a pas été exactement observé.
député de la Franche-Comté, partant de principes différents, a soutenu qu'il était indispensable non-seulement de défendre l'exportation de grains à l'étranger, mais même qu'il était essentiel de prendre des précautions pour qu'il ne pût se faire sur les frontières aucun magasin qui facilitât le versement chez l'étrunger.
propose un arrêté absolument différent de celui du comité des subsistances, pour assurer que les grains ne manqueront jamais dans le royaume. Il veut des recensements dans toutes les villes, clans toutes les paroisses, qui, envoyés à l'administration, lui fassent connaître la quantité de grains existante, afin que, calculant la consommation, elle ait une règle sûre pour permettre ou défendre l'exportation chez l'étranger.
, en approuvant les deux parties de l'arrêté, veut qu'on s'occupe de la demande faite par les colonies françaises, d'abroger les lois prohibitives qui éloignent de leurs ports d'autres approvisionnements en farine que ceux qui leur sont portés par des négociants français.
, approuvant également l'arrêté dans ses deux parties, a parlé sur la nécessité urgente de le décréter.
Enfin MM. les députés de Saint-Domingue,après avoir avancé que la défense d'expôrter à l'étranger, faisant partie de l'arrêté, allait nécessairement priver les colonies de leur approvisionnement, ont demandé qu'il leur fût permis de recevoir des farines de la Nouvelle-Angleterre et de toutes les autres nations qui en porteraient dans leurs ports.
Quelques membres de l'Assemblée observent que cette défense d'exportation à l'étranger ne peut pas regarder les colonies françaises, qu'elles ont toujours été exceptées facilement, lorsque le gouvernement s'était décidé à rendre une loi pareille, et que, s'ils le désirent, on les exceptera nominativement de la loi.
Des membres du comité de subsistances observent aux députés de Saint-Domingue que la demande qu'ils font à l'Assemblée est l'objet d'un mémoire qu'ils ont présenté aujourd'hui au comité des subsistances, mémoire qui, de leur consentement, doit être communiqué au commerce
j pour qu'il y réponde. Ils ajoutent qu'il n'est pas possible de décider cette grande question sans avoir entendu les négociants de l'Assemblée, qui ont demandé à l'éclairer par leur discussion.
Ces raisons ont fait renvoyer les décisions de l'Assemblée sur le projet d'arrêté du projet du comité des subsistances à demain samedi, dans une séance fixée à sept heures du soir. L'Assemblée s'est séparée à onze heures.
Séance du
L'ordre du jour était la discussion de ce qui avait fait le sujet de la séance de la veille : mais M. le comte de Grillon ayant observé qu'il avait à faire part à l'Assemblée de choses fort importan-tantes, la parole lui est donnée.
. Personne ne respecte plus que moi le temps de l'Assemblée, et je me garderai bien d'en abuser; je me propose seulement d'avoir l'honneur de lui observer qu'elle n'a rien de plus instant que de rendre un décret confirmatif pour le payement des impôts, et pour la fixation du prix du sel à six sous la livre; elle pourrait renvoyer au comité de rédaction ces deux objets, ou'nommer un comité d'imposition, dont les fonctions seraient distinctes de celui des finances. Ce comité s'occuperait de la suppression des impôts les plus onéreux, et pourvoirait à leur remplacement, en se concertant, à cet égard, avec le ministre des finances. Le grand ouvrage de la Constitution marcherait en même temps, pendant que ce comité préparerait un travail sur les Etats provinciaux et les municipalités.
L'Assemblée décide qu'elle s'occupera de ces différents objets, à une des séances du soir, afin de ne pas interrompre le travail déjà commencé de la Constitution.
La discussion est reprise immédiatement sur Varticle de la Constitution discuté hier.
. La contrariété des opinions sur le premier article ne vient que parce que l'on a craint d'anticiper sur la sanction royale.
Il faut donc prévenir toutes altercations, ne présenter que des articles qui ne préjugent rien.
Il y a quatre sortes de monarchies.
L'une, qui est despotique, et est gouvernée par un seul.
L'autre, qui est absolue, parce que le Roi y fait les lois.
La troisième, qui est élective, parce que les peuples nomment les rois.
La dernière enfin, qui est tempérée, c'est-à-dire où le peuple fait les lois, et où le Roi les exécute.
La France, par son gouvernement, participe à ces quatre espèces de monarchie.
Je propose l'article suivant :
« La France est un Etat monarchique, c'est-à-dire un gouvernement dirigé par des lois fixes et établies. »
. Je propose un
autre ordre de délibération. Les uns veulent la sanction royale, les autres n'en veulent pas. C'est de ce choc d'opinions que naît l'embarras de notre décision. Je propose donc à l'Assemblée de juger les questions suivantes, préalablement à toute autre question.
1° Décider ce que l'on entend par sanction royale.
2° Si elle est nécessaire pour les actes législatifs.
3° Dans quel cas et de quelle manière elle doit être employée.
Je propose encore de joindre à ces questions celle de la permanence des Etats, de l'organisation de l'Assemblée en une ou deux chambres.
. Plus le travail est difficile, plus il faut de méthode. Le pouvoir législatif doit passer avant l'exécutif.
. Nous ne devons pas oublier la déclaration des droits ; c'est le premier chapitre de la Constitution. Passons au Corps législatif; voyons quelle doit être son organisation, et quelle est la nature de notre gouvernement. Il est bon de traiter la sanction royale en point de question, et d'examiner quelle doit être l'influence du Roi dans le Corps législatif.
. Il faut consacrer d'abord quelle sera l'autorité royale; le Roi étant une portion constituante du Corps législatif, on doit s'occuper de lui avant toutes choses; tel est l'ordre naturel de la délibération.
. Je crois qu'il serait dangereux de diviser la motion de M. de Noailles. Toutes les questions qu'elle présente, il faut les juger dans leur ensemble; car, par exemple, si l'Assemblée était divisée en deux Chambres, alors le veto du Roi ne serait pas nécessaire, puisqu'il en existerait déjà un; si, au contraire, ii n'y avait qu'une seule Chambre, le veto du Roi serait la barrière que l'on pourrait opposer à l'abus du pouvoir législatif; en conséquence, il importe de connaître avant tout le travail du comité sur l'organisation de l'Assemblée, sur l'influence de la sanction royale; et il faut remettre à lundi prochain cette délibération, pour donner au comité le temps de rédiger son travail. Je termine par demander : 1° que Me comité représente lundi son travail sur l'organisation des pouvoirs; 2° que ce plan soit imprimé, discuté dans les bureaux.
ap- puie avec force la motion de M. le vicomte ae oailles, et demande que l'on y ajoute l'amendement de M. Guillotin.
De toutes parts des cris d'opposition se font entendre; l'un demande la question préalable; l'autre, que l'on délibère; celui-là, la division; M. le président ne peut statuer à la fois sur toutes ces demandes opposées. Au milieu du tumulte l'esprit de parti fermente; l'humeur donne des soupçons ; l'aigreur répand des injures ; et du côté de la tribune une voix dirigée vers les bancs de la noblesse prononce les mots de mauvais citoyens.
répond avec vivacité.
est prié de rappeler à l'ordre ; sa voix est étouffée au milieu des clameurs. Enfin le calme se rétablit peu à peu.
prend la parole. Il donne quelques principes sur la sanction royale, et développe la motion de M. le vicomte de Noailles.
. La question de la sanction royale est importante à décider ; quanta moi, je la crois nécessaire, parce qu'elle est dans mon cahier et qu'elle est dans ma conscience.
Enfin l'on va aux voix pour savoir si on admettra ou non la motion de M. de Noailles : elle est admise.
Plusieurs membres demandent la division de la motion. M. Regnault de Saint-Jean-d'Angely s'y oppose, et répète ce qu'il a déjà dit.
. On vous parle de l'ouvrage du comité ; mais le seul point sur lequel il ait été d'accord, c'est la permanence. N'attendons donc pas le travail du comité pour nous décider.
Il est important cependant d'éclairer les questions proposées par M. le vicomte de Noailles. Il ne faut pas séparer la principale des questions avoisinantes ; car elles ont toutes des rapports.
Je demande donc qu'on les traite toutes ensemble.
. Quelques idées simples auraient dû suffire pour nous rappeler à ce que nous devons exécuter.
Avant tout l'on devait considérer quel était le gouvernement et ce que nous étions nous-mêmes. C'est d'après cet examen rapide que nous aurions travaillé à la législation et à la formation du corps politique.
Si je me demande à moi-même qui nous sommes; si nous avons une puissance quelconque par nous-m&mes, je me réponds que cela ne peut pas être; il n'y a personne qui puisse le prétendre.
La souveraine puissance réside essentiellement dans la nation, et nous ne sommes que les représentants de cette nation, ou plutôt nous ne sommes que ses délégués: mais physiquement nous ne sommes pas la nation. Cette vérité essentielle était nécessaire à préconiser.
Cela posé, ce sont des droits que nous avons à exercer, et conséquemment des devoirs qu'il nous reste à remplir.
Quels droits avons-nous? aucun. Quels devoirs sommes-nous dans l'obligation de remplir? Ce sont les droits de nos commettants que nous avons à exercer, et voilà nos devoirs.
Nous avons, dit-on, des droits à réclamer : voilà tout; nous n'en avons pas à créer, et personne parmi nous n'a le droit d'en établir. Personne ne peut donc dire qu'il constitue la France en Etat monarchique ; mais nous devons tous dire que la France t st un Etat monarchique. Et pourquoi? Parce que c'est la volonté de nos commettants. Ce n'est pas un établissement nouveau qu'il nous faut faire, ce n'est qu'une simple déclaration. Il en est de même de la sanction royale. Ce n'est pas un droit que nous allons créer, c'est un droit que nous allons reconnaître. C'est ici qu'il faut descendre dans sa conscience et consulter la volonté des cahiers; or, que disent nos cahiers? Ils portent tous que les lois ne seront exécutées que quand elles seront faites par la nation et sanctionnées par le Roi.
C'est donc le vœu;généràl ; et si tous nos cahiers, ou du moins si la plus grande partie annonce cette sanction, il n'est pas besoin de consulter notre prudence; nos mandats parlent, et nous devons nous taire; si la majorité, au contraire, rejetait la
sanction royale, il faudrait la rejeter également, parce que nous ne sommes rien ici que par nos cahiers et nos pouvoirs ; mais aussi, si la majorité veut et commande l'admission de la sanction royale, certainement il n'est plus permis d'élever des doutes, des incertitudes pour savoir s'il faut la reconnaître oui ou non.
Nous n'avons rien de nouveau à faire ici ; nos commettants ont tout fait, remplissons donc notre mission.
Mais, dit-on, notre position n'est plus la même. L'organisation du pouvoir législatif va changer; nos commettants n'ont pas prévu que nous agiterions la question de savoir si l'Assemblée nationale se diviserait en deux chambres. J'y consens; mais ce n'est pas une raison pour s'élo'gner des mandats qui nous sont prescrits, et pour nous soustraire au serment que nous avons prononcé. En suivant nos cahiers, notre marche sera facile et aisée, et nous n'agiterons pas des questions qui nous éloignent de la Constitution, qui préparent des maux à la patrie et qui prolongent nos souffrances.
Ces principes sont applaudis par une partie de l'Assemblée.
. M. Rhédon a fixé à l'Assemblée des bornes trop étroites. Dans ce moment, l'Assemblée exerce le pouvoir constituant puisqu'elle est envoyée pour faire la Constitution; elle ne l'a pas d'une manière indéfinie, mais j'examine ia question des cahiers et je demande si nous devons les suivre?Point de doute, toutes les fois qu'ils sont impératifs. Nos commettants nous ont prescrit de faire une constitution ; il n'en est pas six qui, sur la sanction royale, aient parlé des différents degrés d'influence de l'autorité du roi. Il faut une sanction, mais jusqu'à quel degré doit-elle avoir lieu ? Si nos commettants ne nous ont astreints qu'a la sanction ; nous sommes les maîtres de sa latitude. Nous sommes obligés d'interpréter cette sorte de sanction ; ainsi, si le degré d'influence n'est pas prévu dans nos cahiers, la sanction peut-être déterminée par chacun de nous. On a raison de dire que la sanction ne doit pas être discutée avant de connaître l'organisation du pouvoir législatif.
On voulait aller aux voix; mais de nouvelles motions ont sété faites sur la manière de délibérer, M. de Mirabeau a demandé l'appel nominal.
. Je m'oppose à ce que l'on prenne en ce moment une décision, car si les deux chambres existent, alors l'influence du veto royal n'est nullement nécessaire.
. Quand on nous a envoyés aux Etats généraux, on ne nous a pas dit : Vous ferez une constitution nouvelle, mais vous régénérerez • l'ancienne ; vous ne direz pas que vous érigez notre gouvernement en état monarchique, mais vous confirmerez notre ancienne monarchie. Vous ne délibérerez pas sur la sanction royale, car nous en avons une. Ce n'est donc pas en nous égarant ainsi que nous arriverons à la Constitution, c'est en suivant la marche que nos commettants nous ont tracée.
soutient la sanction.
Ces débats se terminent par la division de la motion : elle est réduite à celle de M. de Noaiiles :
1° Déterminer ce que l'Assemblée nationale entend par sanction royale ;
2° Si elle est nécessaire pour les actes législatifs ;
3° Dans quel cas la sanction royale doit être employée, et de quelle manière.
Un membre demande que chacun représente son mandat, et qu'il soit fait deux colonnes nominales par oui ou par non.
lit un article de, son cahier, conforme à cette demande.
. Ces listes sont contraires à la liberté des assemblées ; si le respect humain est une arme terrible qu'il faut ménager, ces moyens ne conviennent ni à la dignité, ni à la fraternité de l'Assemblée. Dans un pays voisin, la Qhambre des communes n'est jamais souillée d'aucune protestation ; si on en a vu dans la Chambre haute, c'est que ses membres y défendent un droit individuel; mais ne donnons pas une opiniâtreté firmative aux opinions, et n'élevons pas un monument de division et de discorde.
. J'opine fortement pour qu'il soit faitdeslistes nominales. Cette forme me parai t propre à prouver si les députés sont fidèles à leurs mandats : nous ne sommes que des mandataires liés par nos commettants, et je regarde la sanction absolue comme le rempart de la liberté publique. Mon cahier porte : « Que la loi ne sera que moyennant la sanction du roi, sans que sa religion soit obligée en aucun cas d'exposer les motifs de son refus. »
J'insiste donc sur le droit du roi d'agréer ou de refuser la loi faite par les Etals généraux, et je propose la forme suivante :
« Avant l'appel nominal, il sera fait un appel des bailliages, et le premier député de chaque ordre de chaque bailliage sera tenu de déclarer la volonté de ses commettants. »
Les trois ordres ont éxisté dans les assemblées des bailliages, la loi y a été faite par la nation. Nous ne devons que la déclarer.
Un membre des communes. J'ajoute un amendement à la motion de M. Duval d'Epreménil. Puisqu'on demande que chaque premier député de divers ordres de bailliage déclare la volonté de ses commettants, ne serait-il pas convenable que chacun de ces députés déclarât en même temps le nombre de ces mêmes commettants?
et
remarquent que les députés ne répondent qu'à leurs commettants et à leur conscience de l'exécution des cahiers, et qu'ils n'en doivent aucun compte à l'Assemblée nationale.
La séance est levée.
Séance du soir.
Un membre du comité de vérification dit que M. de Damas, député du clergé de Saint-Pierre-le-Moûtier a donné sa démission. Dom Abel de Lespinasse s'est présenté comme son suppléant; ses pouvoirs ont été trouvés en règle et le comité propose de l'admettre.
L Assemblée prononce l'admission.
On reprend la discussion sur le projet dyarrêté du comité des subsistaices.
L'arrêté proposé par M. Duport est l'objet de v nombreuses critiques.
en fait remarquer le premier les inconvénients. D'abord, le préambule, dit-il, est obscur et insignifiant. L'Assemblée a le pouvoir législatif, et elle paraît usurper le pouvoir exécutif. L'Assemblée nationale déclare coupable de lèse-nation celui qui n'obéira pas à cet arrêté. Mais c'est une idée nouvelle ; jusqu'au moment où nous étions courbés sous le joug du despotisme, nous n'étions qu'un peuple d'esclaves, et non une nation ; le crime de lèse-nation n'existe que depuis la nation. Il convient de le déterminer; il présente des idées nouvelles, comme le crime de lèse-majesté royale en présenterait à un peuple républicain.
Beaucoup de membres présentent des arrêtés qui tous portent sur ces deux bases.
1° Défendre l'exportation des grains chez l'étranger;
2° Autoriser et commander même la circulation des grains de province à province.
M.***. Il y a plus d'un an que nous connaissons l'importance de ces deux grandes vérités.
La première appauvrit la France et enrichit nos voisins; ils achètent à bon compte ce que leur avarice nous revend avec usure. Ils combinent mieux que nous, parce que nous le voulons bien, et que l'exportation chez nous a toujours été illimitée ou limitée gauchement.
La seconde circonscrit la famine dans une province, et fait mouvoir le commerce dans une autre qui languit conséquemment au milieu de l'abondance.
Il y a plus d'un an que ces deux vérités auraient dû être respectées, proclamées, consacrées par les lois et maintenues par la force du pouvoir exécutif; au moins nous n'aurions pas à dévorer un pain corrompu, et qui peut donner la mort à l'homme qu'il doit alimenter.
Je demande donc qu'on aille sur-le-champ aux voix sur les propositions faites.
M.***. llseprésente un très-grand inconvénient, auquel le gouvernement seul est dans le cas de remédier. Depuis longtemps cet abus subsiste, et il subsistera longtemps encore, si, malgré les dénonciations qui ont été faites au gouvernement, il ne se hâte de le réprimer.
La circulation intérieure se fait aussi par mer. On charge dans un port quelconque de France pour se rendre dans un port français. Ainsi, les blés du Poitou sont embarqués à la Rochelle pour être transportés au Havre-de-Grâce ; le nom du vaisseau, celui du capitaine, le chargement, le lieu même de sa destination, tout est inscrit sur les registres de l'amirauté; le vaisseau part, mais il ne se rend pas au Havre; il va porter les grains chez l'étranger, y prend d'autres marchandises et se rend au Havre ; le moment de son arrivée, , la nature de ses marchandises, sont inscrits sur i les registres de l'amirauté du Havre.
Si le dernier juge pouvait avoir un résultat, un relevé des registres du lieu du départ, la fraude serait connue et punie ; mais le juge de l'amirauté du Havre ne peut rien exiger de celui de la Rochelle. Le gouvernement a été pressé, sollicité de remédier à cela ; mais le gouvernement a répondu que cela n'était pas. il faut donc que l'Assemblée prenne une détermination.
Après une assez longue discussion, l'Assemblée termine par le décret suivant :
Décret relatif à la circulation des grains.
« L'Assemblée nationale, considérant que l'Etat n'est pas composé de différentes sociétés étrangères l'une à l'autre, et moins encore ennemies;
« Que tous les Français doivent se regarder comme de véritables frères, toujours disposés à se donner mutuellement toute espèce de secours réciproques ;
« Que cette obligation est plus impérieuse encore et plus sacrée lorsqu'il s'agit d'un intérêt aussi important et aussi général que celui de la subsistance;
« Que les lieux où se trouvent les plus grands besoins sont naturellement indiqués par lé plus haut prix ;
« Que ceux qui sont le plus à portée de donner des secours le sont pareillement par les plus bas prix ;
« Qu'entre ces deux extrêmes sont, dans un état moyen d'approvisionnement et de prix un grand nombre de provinces et de cantons qui peuvent avec avantage débiter ces grains dans ceux où le besoin est plus grand et le prix'le plus haut, et remplacer à meilleur marché dans les provinces les mieux fournies les secours qu'elles auront donnés à celles qui en étaient dénuées ;
« Que l'on ne pourrait s'opposer à cette marche sans prononcer une véritable proscription contre les provinces qui éprouveraient la disette ;
« Que rien ne serait plus contraire aux lois du royaume, qui, depuis vingt-six ans, ont constamment ordonné qu'il ne serait, en aucun cas ni en aucune manière, mis aucun obstacle au transport d'une province ni d'un canton à l'autre ;
« Qu'il est donc indispensable d'assurer l'exécution de ces lois et de permettre la circulation des grains et des farines, unique moyen d'égaliser la distribution et le prix des subsistances, sous la sauvegarde de la nation et du Roi ;
« A décrété et décrète;
« Art. 1. Que les lois subsistantes et qui ordonnent la libre circulation des grains et des farines dans l'intérieur du royaume, de province à province, de ville à ville, de bourg à bourg, de village à village, seront exécutées selon leur forme et teneur ; casse et annule toutes ordonnances, jugements et arrêts qui auraient pu intervenir contre le vœu desdites lois ; fait défense à tous juges et administrateurs quelconques d'en rendre de semblables à l'avenir, à peine d'être poursuivis comme criminels de lèse-nation ; fait pareillement défense à qui que ce soit de porter directement ou indirectement obstacle à ladite circulation, sous les mêmes peines.
« Art. 2. Fait pareillement défenseàqui que ce soit d'exporter des grains et farines à l'étranger jusqu'à ce que, par 1 Assemblée nationale, et sur le rappport et réquisitoire des assemblées provinciales, il en ait été autrement ordonné, à peine d'être, les contrevenants, poursuivis comme criminels de lèse-nation.
« Et sera le présent décret envoyé dans toutes les provinces aux municipalités des villes et bourgs du royaume, pour être lu, publié, affiché partout où besoin sera. »
La séance est levée.
Séance du
annonce que M. de La Luzerne, évêque de Langres, a réuni dès le premier scrutin, plus de là moitié des voix pour la place de président, et que les trois secrétaires qui venaient d'être élus sont MM. Rhédon, Deschamps et Henri de Longuèvre.
adresse à l'Assemblée le discours suivant :
Permettez, Messieurs, que je me félicite d'être enfin parvenu à l'extrémité de cette carrière, qui, dans le court espace de quinze jours, met à de si nobles épreuves l'homme à qui votre choix commande de la parcourir.
Témoin de vos travaux constants, je vous ai vu consacrer les principes éternels sur lesquels reposent la liberté et la dignité de l'homme.
Je vous ai vus consolider la dette publique, créer le crédit national, et donner à l'Europe entière le magnifique spectacle d'une Assemblée législative, qui veut et sait réparer le malheur ou peut-être l'erreur d'une circonstance.
Vous allez, Messieurs, commencer le grand ouvrage de la Constitution française. Heureux le citoyen qu'un choix éclairé destine à prononcer les décrets que dicte votre sagesse !
, évêque de Langres, président de l'Assemblée, dit (2):
Messieurs, vous m'élevez à un degré d'honneur auquel je n'aurais jamais eu la présomption d'aspirer. Comblé de vos bontés, j ose les implorer encore. Pour l'intérêt du bien que vous m'avez chargé d'opérer, pour l'amour de l'ordre dont vous m'avez confié le maintien, je sollicite votre indulgence, je réclame votre appui. Achevez votre ouyrage, Messieurs ; soutenez ma faiblesse ; aidez-moi à supporter cet honorable fardeau, si disproportionné à mes forces, et que les talents supérieurs de mon prédécesseur rendent plus redoutable encore. Concourons tous à la consécration de cet ordre précieux, qui seul peut amener la régularité de vos délibérations et en assurer la sagesse. Que le zèle du bien public, qui nous anime tous, nous réunisse aussi ; et que cette heureuse constitution, qui va régénérer la nation française, soit le fruit, non-seulement de vos lumières, de vos talents et de vos vertus, mais encore de votre union et de vôtre concert I
L'Assemblée, sur la proposition de M. de Marguerites vote des remerciements à M. le comte de Clermont-Tonnerre, pour la manière distinguée avec laquelle il a constamment rempli les fonctions de sa présidence.
rend compte de deux lettres écrites au ministre, de Paris, par le président de l'Assemblée
des représentants de la commune de Paris, qui annoncent que des troubles nouveaux ont agité
le Palais-Royal ; qu'un nombre consi-dérablé de particuliers y ont pris la veille des
Extrait d'une lettre écrite a M. de Saint-Priest, ministre, de Paris, le 30, à dix heures du soir.
« L'Assemblée des représentants de la c.apitale me charge de vous informer qu'il y a un nombre considérable de citoyens rassemblés dans le Palais-Royal, ils parlent d'aller à Versailles. Elle a chargé M. le commandant de donner de ordres pour arrêter et prévoir les suites de cet attroupement ; nous avons cru devoir vous en instruire pour prévenir tout événement. »
Autre lettre, à deux heures du matin.
« Je m'empresse de vous apprendre que, malgré l'effervescence des assemblées du Palais-Royal, les précautions prises par M. le commandant ont réussi ; tout est calme. »
. Messieurs, le compte que j'ai à vous rendre est bien douloureux, il est bien déchirant pour mon cœur.
Cette nuit j'ai reçu une députation composée d'un avocat du district de Saint-Etienne-du-Mont et d'un ingénieur du district des capucins. Ils m'ont dit qu'ils étaient députés solennellement vers moi, en ma qualité de bon citoyen, pour me remettre une motion qui a été rédigée dans le Palais-Royal, et qui doit être faite demain dans tous les districts ; qu'elle tend à nommer d'autres députés, et que ceux qui seraient remplacés, leurs personnes cessant d'être inviolables, on leur ferait leur procès ; que ce nombre de traîtres et d'aristocrates est considérable ; qu'ils veulent faire passer le veto absolu ; ils les ont nommés.
Je leur ai répondu que les personnes qu'ils venaient de calomnier étaient aussi respectables par leur vertu que par leurs lumières ; que j'avais travaillé toute la nuit à défendre la sanction royale; que je la défendrais encore jusqu'à mon dernier soupir, moins pour le Roi que pour le peuple. Ils m'ont répondu qu'il leur paraissait qu'après la Constitution, la sanction était nécessaire. Ils ont terminé par me prier de faire lecture de leur motion.
Je ne fais aucune réflexion. Je demanderai la parole lorsqu'il en sera temps pour parler en faveur de la sanction royale.
Extrait de la motion faite au Palais-Royal, pour être envoyée aux différents districts et aux pro-vinces.
L'article XI de la déclaration des droits de l'homme porte :
« La libre communication des pensées et des opinions est un des droits les plus précieux de l'homme. Tout citoyen peut donc parler, écrire et imprimer librement, sauf à répondre de celte liberté dans le cas prévu par la loi. Nous sommes actuellement au moment,décisif de la liberté française.
« Instruits que plusieurs membres s'appuient sur différents articles des cahiers, il est temps de les rappeller, de les révoquer ; et puisque la personne d'un député est inviolable et sacrée, leur procès sera fait après leur révocation.
€ Le veto n'appartient pas à un seul homme, mais à vingt-cinq millions. « Les citoyens réunis au Palais-Royal pensent
que l'on doit révoquer les députés ignorants, corrompus et suspects.
« Délibéré au Palais-Royal, ce
Des cris d'indignation ont interrompu le morne silence avec lequel cet écrit a été entendu.
Un membre s'est écrié qu'il fallait faire imprimer la liste de ces prétendus mauvais citoyens pour les justifier.
On a donné lecture d'une lettre anonyme, écrite à M. le président, et qu'il venait de recevoir.
« L'Assemblée patriotique du Palais-Royal a l'honneur de vous faire part que si le parti de l'aristocratie, formé par une partie du clergé, par une partie de la noblesse, et cent vingt membres des communes ignorants ou corrompus, continue de troubler l'harmonie, et veut encore la sanction absolue, quinze mille hommes sont prêts à éclairer leurs châteaux et leurs maisons, et les vôtres particulièrement, monsieur. »
Autre lettre à MM. les secrétaires.
« Vous n'ignorez pas l'influencede l'Assemblée patriotique, et ce qu'elle peut contre le pouvoir aristocratique.
« Nous venons d'iastruire M. le président sur son désir particulier de faire adopter le veto absolu, que nous regardons comme destructeur de la liberté.
« Il est à craindre qu'il ne passe, et nous en accusons la cabale du clergé et de la noblesse, formée contre le bien public, cent vingt membres des communes qui se sont laissé corrompre. Deux mille lettres sont prêtes de partir pour les provinces et pour les instruire de la conduite de leurs députés ; vos maisons répondront de votre opinion, et nous espérons que les anciennes leçons recommenceront. Songez-y, et sauvez-vous. »
. Ou nous réussirons en faisant le bien, ou nous mourrons en voulant le faire. Mon avis à moi est que la liste des citoyens menacés soit imprimée, pour que le blâme des méchants serve de gloire aux honnêtes gens.
Je pense qu'il faut que la justice reprenne son cours ordinaire, et informe contre les hommes tels que ceux qui iigurent dans les papiers qui nous ont été renvoyés.
En conséquence, je propose l'arrêté suivant :
L'Assemblée nationale arrête que M. le maire de la ville de Paris et le commandant de la milice nationale de Paris seront invités à venir prendre leur place pour déclarer s'ils peuvent répondre de la tranquillité de Paris; et dans le cas où ils ne répondraient pas de la tranquillité de Paris, par suite de la liberté des délibérations de l'Assemblée nationale, l'Assemblée nationale se transportera dans un autre lieu.
« Arrête, en outre, que le nom des personnes désignées par les factieux comme mauvais citoyens sera honorablement inscrit sur le pro-cès-verbal ; que les tribunaux informeront contre les auteurs d'un pareil attentat, et qu'il sera sursis à l'exécution des chefs, s'il y échoit, jusqu'au rapport du comité des douze. »
Un membre demande la question préalable.
. Catilina est aux portes de Rome, Catilina menace d'égorger les
sénateurs, et l'on fait la futile et frivole question : Y a-t-il lieu de délibérer ? Certes, quand nous sera-t-ii permis de délibérer si ce n'est dans ce moment ?
propose de ne rien délibérer que M. de Lafayette n'ait été entendu.
. Nous n'avons pas été envoyés par nos provinces pour être intimidés parles menaces des factieux.
Nous avons délibéré au milieu de trente mille hommes armés, commandés par un chef expérimenté, et nous pourrions craindre quinze ou vingt mille hommes sans aucun projet, érigés en république, sans lois, sans constitution, au milieu même de leur faction? C'est ici que nous devons sauver l'Etat, même aux dépens de nos jours; c'est ici que nous devons délibérer au milieu de l'effroi ; au moins soyons un éternel exemple de la fidélité avec laquelle on doit servir la patrie.
Un membre demande que chaque député soit autorisé à envoyer sur-le-champ un courrier dans sa province, pour prévenir les menaces des factieux du Palais-Royal.
On dénonce un membre du clergé, qui disait secrètement que les communes avaient fait bassement la cour à son ordre pour le sacrifier après, et qu'on verrait les communes ramper incessamment.
Cette dénonciation n'a pas de suite.
On reprend la délibération.
. J'appuie la motion de M. le comte de Clermont, en y faisant cependant un amendement, le même que celui de M. Duport.
Il est évident que des hommes pervers veulent élever leur fortune sur les débris de la patrie.
Vous voyez le projet d'empêcher la Constitution de se former et de se développer.
En un seul et même jour, dans la même heure, toute l'Assemblée a été plongée dans les alarmes.
C'est ici que le comité des douze doit agir; j'ajouterai encore qu'il faut accorder une récompense de 300,000 livres à celui qui viendra dénoncer les auteurs et les instigateurs de ces faits. L'Assemblée ne doit pas quitter Versailles ; elle doit braver les périls, et s'il faut qu'elle périsse, les bons citoyens de Paris et des provinces la vengeront.
. J'applaudis au zèle de M. le comte de Clermont; mais n'est-il pas en contradiction avec lui-même? Lorsque les citoyens du Palais-Royal ont été arracher des prisonsquel-ques soldats des gardes françaises, M. le comte de Clermont a dit qu'il n'y aoait lieu à délibérer, que l'Assemblée devait laisser gronder les orages autour d'elle et être impassible sur ses sièges. Je pensé donc qu'il en est de même aujourd'hui; et qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
. La conduite du Palais-Royal à cette époque n'était qu'un scandale, et aujourd'hui elle est un attentat à la liberté française. Si lorsque trente mille hommes armés voulurent nous réduire à l'esclavage, on eût dit qu'il n'y avait lieu a délibérer, qu'auriez-vous pensé ? Mais vous avez délibéré, et vous avez par votre vertu mis celte armée en fuite. Vous n'avez pas voulu obéir au despotisme armé; obéi-rez-vous à l'effervescence populaire? L'un commandait des bassesses, l'autre vous commandera des crimes. Vous ne pouvez pas délibérer au mi-
lieu de quinze mille hommes armés, dont les projets sont inconnus, et qui sont perdus de réputation. (On applaudit.)
. Voici une lettre que m'a adressée un ecclésiastique, qui n'est certes ni modéré ni désintéressé, en un mot qui déshonore son ordre, et que je dois mépriser.
« Associé à l'horrible conspiration formée contre le Roi et la monarchie, vil scélérat, tu m'as dépouillé de tous mes biens. J'avais des pensions, des canonicats, des abbayes; tu m'as privé de tout ; je n'ai plus rien qu'un désespoir contre toi. Ne pense pas qu'à mon âge je mourrai de faim sans venger Dieu, les lois, les pauvres, et trois cent mille hommes réduits comme moi à la mendicité.
«Je suis anonyme, tu me connaîtras au moment de la vengeance. »
J'observe que s'il est question de faire une liste de proscrits, mon sort est étrange ; si l'on me porte dans celle des proscrits par le Palais-Royal, je reste toujours exposé aux fureurs des ecclésiastiques; si au contraire on me met dans celle de l'ecclésiastique, je cesse d'être en butte aux persécutions du Palais-Royal, mais je n'en suis pas moins exposé au courroux du bénéficier dépouillé.
Un membre de la noblesse expose que c'est faire trop d'honneur à de pareilles menaces que de délibérer sur un semblable objet; que l'on ne doit pas craindre des lettres anonymes, symboles de la crainte de ceux à qui ils veulent en inspirer, et des factieux que le hasard rassemble.
observe qu'il n'y a pas lieu à délibérer, puisque la dernière lettre annonce que tout est calme.
Enfin il est décidé qu'il n'y a lieu à délibérer.
annonce qu'on va discuter la question de la sanction royale, mais qu'il donne d'abord la parole à M. le -comte de Lally-Tollendai et à M. Mounier, rapporteurs du comité de Constitution.
fait le rapport suivant sur le chapitre 2 de la Constitution relatif au pouvoir législatif.
Messieurs,
Le Corps législatif doit-il être composé d'un seul pouvoir? — L'Assemblée nationale doit-elle être formée d'une ou de deux Chambres?— Quels seraient l'espèce d'action etles divers degrés d'influence des différentes portions du Corps législatif s'il était divisé?
Ces trois questions sont peut-être les plus intéressantes que vous puissiez agiter. C'est d'elles que vont dépendre la stabilité de vos opérations, la force et la durée de votre Constitution, le maintien de cette liberté que vous avez déjà fait triompher, et le salut de cet empire que vous êtes appelés à régénérer.
La première de ces questions semble être résolue d'avance. La division du pouvoir législatif, la réunion du pouvoir exécutif sont deux axiomes politiques que la raison et l'expérience ont placés hors de toute atteinte. Partout où le pouvoir législatif est dans une seule main, partout où le pouvoir exécutif est partagé entre plusieurs, la liberté ne peut exister.
Il n'est pas besoin de prouver que les repré-
sentants de la nation doivent être la première portion du Corps législatif. Le tout appartient originairement à cette nation. Il n'est aucune puissance, il n'est aucune fonction publique qui n'émane d'elle : elle a pu et dû faire un partage; mais elle n'a pu ni dû se dépouiller entièrement; elle s'est donné son chef, comme elle se nomme ses représentants, et ses droits sont aussi sacrés pour celui qu'elle a admis à les partager, que pour ceux qu'elle a chargés de les faire valoir.
Il serait également superflu de chercher à établir que le roi doit être une portion intégrante du pouvoir législatif; nous avons peine à croire qu'un seul doute puisse s'élever à cet égard; et s'il s'en formait un, nous le repousserions par le raisonnement et par les faits.
Quant au raisonnement, nous dirions d'abord, avec les plus habiles publicistes (1), que pour maintenir la balance de la Constitution, il est nécessaire que la puissance exécutrice soit une branche sans être la totalité de la puissance législative; que comme l'union entière de ces deux puissances produirait la tyrannie, leur désunion absolue la produirait également ; que la législation, si elle était totalement séparée du pouvoir exécutif, entreprendrait sur les droits de ce dernier, et se les arrogerait insensiblement; qu'ainsi, sous Charles 1er, le long parlement, tant qu'il continua d'observer la-constitution et d'agir de concert avec le roi, redressa plusieurs griefs, et porta plusieurs lois salutaires; mais que quand ii se fut arrogé à lui seul le pouvoir législatif, en excluant l'autorité royale, il ne tarda pas à s'emparer de l'administration, et que la conséquence de cette invasion et de cette réunion de pouvoirs fut le renversement de l'Eglise et de l'Etat, et une oppression du peuple pire que celle dont on avait prétendu le délivrer.
Nous dirions que la nécessité d'établir un point d'union entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif, étant une fois reconnue, le pouvoir législatif étant divisiblé par sa nature, et le pouvoir exécutif étant indivisible par la sienne, c'est par conséquent à la totalité 'de ce dernier que doit être attachée une portion du premier ; et nous ajouterions que cette portion étant restreinte au droit d'approuver ou de rejeter; et l'initiative, c'est-à-dire la proposition, la discussion, la rédaction des lois appartenant exclusivement à l'Assemblée nationale, l'autorité royale n'acquiert par là que le moyen d'empêcher le mal et non celui de le faire.
Nous dirions enfin que celui qui est chargé de faire exécuter la loi, devant être le premier à s'y soumettre, nous aurons un garant de plus de cette soumission, lorsqu'il aura concouru lui-même à faire cette loi.
Passant ensuite des raisonnements aux faits, nous dirions avec courage que nous n'avons pas
même le droit de mettre en question le concours du Roi dans la législation ; que ce serait
une grande erreur d'agir comme si rien dans la monarchie n'était préexistant à l'époque où
nous sommes; que sous Gharlemagne et ses successeurs le concours dans la législation
appartenait constamment au Roi, et qu'il l'exerçait au milieu des assemblées nationales ; que
dans les assemblées postérieures les représentants de la nation, délivrés par leurs rois de
la tyrannie féodale, se laissèrent même entraîner jusqu'à leur abandonner la législation
ehtière; que c'était sans.
Nous n'examinerons pas jusqu'à quel point un contrat, qui a été sacré pour tant de générations; peut lier la génération présente. Nous n'observerons point, avec Blackstoue, que l'idée qui soumet indistinctement au jugement de la postérité toutes les institutions des races précédentes, a causé plus d'une hérésie funeste en politigue. Nous ne dirons point avec lui (1): Nos ancetres étaient sans doute autorisés à résoudre cette importante question; ils l'on fait; et dans léloignement où nous nous trouvons d'eux, notre devoir est de nous soumettre à leur décision. Mais en partant du principe que la nation ne peut aliéner sa volonté, et qu'elle peut reprendre dans un temps ce qu'elle a donné dans un autre, nous dirions qu'au moins faut-il qu'elle ait manifesté une volonté bien précise, pour que ses représentants dépouillent la prérogative royale de ce qui lui appartient depuis tant de siècles ; et qu'ici, non-seulement la nation n'a pas manifesté cette volonté précise, mais qu'elle a même manifesté une opinion contraire; que l'infiniment plus grande partie de nos mandats prescrit impérativement le concoursy le concert des Etats et du Roi pour la formation des lois, et le prescrit comme une des bases de la Constitution ; que nous devons donc établir ce concours sous peine de désobéir à la nation, d'être désavoués par elle, et de vicier l'acte entier de Constitution que nous allons dresser, en y insérant une clause qui serait une infraction formelle de la volonté nationale.
Mais tous ces points une fois convenus, suffit-il que la législation soit divisée entre les représentants de la nation et le Roi? Faut-il ou ne faut-il pas un troisième pouvoir entre ces deux? L'Assemblée nationale doit-elle être formée de deux Chambres ou d'une seule ? Seconde question, qui paraît susceptible de plus de difficultés que la première, et qui demande à être examinée avec plus de détail.
Il n'est pas douteux que pour aujourd'hui, que pour cette première tenue, une Chambre unique n'ait été préférable, et peut-être nécessaire. Il y avait tant de difficultés à surmonter, tant de préjugés à vaincre, tant de sacrifices à faire, de si vieilles habitudes à déraciner, une puissance si forte à contenir, en un mot, tant à détruire et presque tout à créer !
Cet instant, Messieurs, qu'on est si heureux d'avoir vu, car il est impossible de le
peindre, où les particuliers, les ordres; les provinces se sont disputées à qui ferait le
plus dè sacrifices au bien public ; lorsque vous vous pressiez tous en foule auprès de ce
bureau, pour déposer à l'envi non-seulement des privilèges odieux, mais même des droits
justes qui vous paraissaient un obstacle à la fraternité, à l'égalité de tous les citoyens;
cet instant, Messieurs, ce noble et fécond en-
Mais la manière d'établir est-elle aussi la manière de conserver ? Le procédé qui perfectionne n'est-il pas différent de celui qui crée? Ce qui est nécessaire pour une circonstance extraordinaire, pour une crise unique dans la durée d'un empire, ne peut-il pas être dangereux appliqué à tous les temps et à l'état habituel de son gouvernement? En formant la Constitution d'un Etat quelconque, il ne suffit pas d'envisager les hommes numériquement et sous le rapport de leurs facultés et de leurs droits naturels; il faut encore les envisager moralement sous le rapport de leurs affections et de leurs passions et surtout interroger l'expérience et se méfier de la théorie si trompeuse en matière de gouvernement et d'administration.
C'est une vérité générale et incontestable, qu'il est dans le cœur de tous les hommes un penchant invincible vers la domination ; que tout pouvoir est voisin de l'abus du pouvoir, et qu'il faut le borner pour l'empêcher de nuire.
Mais il ne s'agit pas ici de bornes immobiles, de bornes passives, s'il est permis de le dire; on les renverserait: des lois portées dans un temps, oubliées dans un autre, ne suffiraient point: il faut à une force active opposer une force active.
D'un autre côté, il ne faut pas laisser ces deux forces exposées à être perpétuellement aux prises l'une avec l'autre. Le malheur de la société entière serait le triste résultat de ces guerres continuelles.
De là suit la nécessité de balancer les pouvoirs, la nécessité de diviser la puissance législative, et la nécessité de la diviser, non pas en deux, mais en trois portions.
Un pouvoir unique finira nécessairement par tout dévorer.
Deux se combattront jusqu'à ce que l'un ait écrasé l'autre.
Mais trois se maintiendront dans un parfait équilibre, s'ils sont combinés de telle manière que quand deux lutteront ensemble, le troisième, également intéressé au maintien de l'un et de l'autre, se joigne à celui qui est opprimé contre celui qui opprime, et ramène la paix entre tous.
Ainsi, en Angleterre, pendant l'absence des parlements, le pouvoir unique du monarque fut presque toujours celui d'un despote. L'époque sanglante qui vit détruire la Chambre des pairs vit les démagogues renverser la monarchie.
Mais depuis le rétablissement du trône et des deux Chambres du parlement, surtout depuis le pacte national quia défini leurs droits respectifs, après la Révolution de lb88, aucun pays n'a joui dans son intérieur d'une tranquillité plus complète que celle dont a joui l'Angleterre. Nulle part la propriété n'a été plus sacrée ; nulle part la liberté individuelle n'a été plus intacte; nulle •partiesdroits de l'humanité et l'égalité politique n'ont été plus respectés.
Il résulte encore de ces principes et de ces exemples, que les deux Chambres qui doivent former, avec le Roi, le triple pouvoir, doivent avoir chacuneun intérêt particulier, indépendamment de l'intérêt général qui leur est commun, et une composition différente, en même tempsqu'elles font partie d'un môme tout.
Si toutes deux étaient formées de même, si elle
n'avaient pas un seul objet d'intérêt distinct, ce ne serait qu'un seul corps, qu'un seul esprit, qu'un seul pouvoir.
11 serait donc à désirer que le Corps législatif fût composé de trois parties intégrantes : 1° des représentants de la nation; — 2° d'un Sénat; — 3° du Roi.
Les représentants, indépendamment de leurs propres forces, trouveraient un appui de plus dans la résistance du Sénat contre la royauté, comme ils en trouveraient un dans le pouvoir du Roi contre les prétentions du Sénat.
Le Sénat, qui n'aurait point de privilèges utiles, point d'exemptions injustes, mais des prérogatives honorifiques, tiendrait à la Chambre des représentants par les droits de propriété, de liberté, en un mot par l'exercice de tous les droits nationaux qu'il partagerait avec! elle, comme par les liens de consanguinité qui uniraient les membres respectifs des deux Chambres ; il tiendrait à la prérogative du trône par l'éclat que la sienne en recevrait.
Enfin, le Roi qui aurait aussi sa prérogative à maintenir, tour à tour contiendrait le Sénat par les représentants, et tempérerait les représentants par le Sénat.
Ainsi, les trois formes de gouvernement se trouvant mêlées et confondues, en produiraient une qui présenterait les avantages de toutes sans avoir les inconvénients d'aucune; et la nation ayant délégué ses pouvoirs, dans l'impossibilité de les exercer elle-même, n'ayant rien à craindre d'aucun de ses mandataires, défendue par ses représentants contre l'ambition de ses rois, défendue parla prérogative royale contre l'ambition de ses représentants, défendue contre la jalousie des uns et des autres par une magistrature choisie, ne payant d'impôts que ceux qu'elle aurait donné pouvoir de consentir, ne connaissant de lois que celles qu'elle aurait donné pouvoir de faire, jouissant paisiblement de sa liberté, de sa propriété, de son industrie, serait la nation la plus heureuse de l'univers.
Si du principe général de la balance des pouvoirs on descend ensuite à l'examen de toutes les combinaisons qui peuvent résulter des systèmes d'une ou de deux Chambres, combien de raisons se présentent à l'appui du dernier !
Nous l'avons dit en commençant, et c'est ici le lieu de le repéter avec quelque développement. Autant il est nécessaire pour la tranquillité, pour la liberté publique, que le pouvoir exécutif, une fois réduit à sa juste mesure, soit concentré dans une seule main, autant il est nécessaire que le pouvoir législatif soit divisé.
L'unité, la célérité, le mouvement, sont de l'essence du pouvoir exécutif.
La délibération, la lenteur, la stabilité, doivent caractériser le pouvoir législatif.
Une Assemblée unique court perpétuellement le danger d'être entraînée par l'éloquence, séduite par des sophismes, égarée par des intrigues, enflammée par des passions qu'on lui fait partager, emportée par des mouvements soudains qu'on lui communique, arrêtée par des terreurs qu'on lui inspire, par une espèce de cri public même dont on l'investit, et contre lequel elle n'ose pas seule résister.
Plus l'Assemblée est nombreuse, et plus ses dangers augmentent, -r- Plus son pouvoir est étendu, et moins sa prudence est avertie. Elle se porte avec une sécurité entière à une décision dont elle est sûre que personne n'appellera. Mais qu'il existe deux Chambres au lieu d'une ;
la première portera plus d'attention à ses décisions, par cela seul qu'elles doivent subir une révision dans la seconde. La seconde, avertie des erreurs de la première et des causes qui les auront produites, se prémunira d'avance contre un jugement erroné, dont elle connaîtra le principe. Elle n'osera pas rejeter une décision qui lui présentera le sceau de la justice et de l'approbation publique; elle n'osera pas en adopter une contre laquelle s'élèveront cette même justice et cette même opinion publique. Si la question est douteuse, de l'acceptation d'une Chambre et du refus de l'autre naîtra un nouvel examen, une nouvelle discussion ; et, dût-on persister quelquefois dans un refus mal fondé, comme, la Constitution une fois établie, il n'y a pas la moindre comparaison entre le danger d'avoir une bonne loi de moins et celui d'avoir une mauvaise loi de plus, nous aurons encore atteint à cet égard le degré de perfection dont les instructions humaines sont susceptibles.
Une Chambre unique ne sera jamais liée par ses délibérations; elle aura beau prétendre s'en-chaîner, comme elle seule aura forgé sa chaîne, comme elle seule la tiendra dans ses mains, elle la rompra toutes les fois qu'elle le voudra. Un instant d'exaltation va lui faire annuler brusquement ce qu'elle aura mûri le plus lentement, ce qu'elle aura le plus sagement décrété. Du jour au lendemain elle révoquera la décision la plus solennelle; elle étendra, l'une, elle restreindra l'autre. 11 suffira que quelques membres, contrariés dans leurs vues, supportent impatiemment le joug auquel l'Assemblée se sera soumise, elle se trouvera tout à coup agitée sans savoir pourquoi, et sera conduite involontairement à secouer ce joug, le plus salutaire peut-être qu'elle aura pu s'imposer. Les maux qu'une telle organisation peut entraîner sont incalculables.' La Constitution elle-même sera dans un danger perpétuel, livrée b, l'inconstance, au caprice, à toutes les passions humaines. Comme il n'y aura point de lois fixes, il n'y aura point d'habitudes politiques, il n'y aura point de caractère national; comme il n'y aura point de caractère national, il n'y aura point de liberté, le peuple retombera daùs la servitude, dans la plus honteuse de toutes les servitudes, celle qui dévoue la multitude aux passions mobiles d'un petit nombre d'hommes.
En vain, pour prévenir ce danger, propose-t-on d'établir que les Assemblées nationales ordinaires ne pourront toucher à la Constitution, et qu'à une période déterminée, tous les vingt-cinq ans ou tous les cinquante ans, une Assemblée extraordinaire se tiendra pour revoir cette constitution, réparer les brèches qui auraient pu lui être faites, et y apporter les changements que l'expérience aurait démontrés nécessaires.
Ce système peut satisfaire dans le premier instant. Cette prétendue immobilité de la Constitution, cette impuissance apparente dans laquelle serait le Corps législatif lui-même d'y porter aucune atteinte ; cette espèce de jubilé national dans lequel la législation serait purifiée, à des époques fixes, de toutes les souillures qu'elle aurait contractées pendant un certain nombre d'années; toutes ces idées peuvent présenter d'abord un ensemble séduisant ; mais quand on les approfondit, on s'aperçoit qu'elles ne sauvent d'aucun des dangers prévus, et qu'elles en font naître de nouveaux.
1° En supposant qu'un tel ordre de choses pût s'établir, ne serait-ce pas anéantir, en quelque sorte, le pouvoir des Assemblées ordinaires ? ne
serait-ce pas, du moins, entraver la plupart de leurs opérations? Il est bien peu d'objets, il est bien peu de lois qui, par un point ou par un autre, réellement ou spécieusement, ne puissent se rattacher à la Constitution. Chaque fois qu'une loi sera proposée, l'homme injuste qui ne l'appréciera pas, l'homme corrompu qui aura promis de la faire échouer, se réuniront pour dire que cette loi tient à la Constitution; que l'Assemblée ordinaire ne peut s'en occuper sans excéder son pouvoir. On disputera éternellement; chaque question se trouvera doublée, parce qu'il faudra d'abord décider si l'on peut s'en occuper, et, la contradiction enflammant les esprits, on finira par ne rien vouloir, ou par tout oser.
2° Croit-on qu'un tel ordre de choses puisse s'établir, que les assemblées ordinaires puissent être ainsi restreintes ? La règle que ferait à cet égard l'Assemblée nationale aujourd'hui existante, qui empêcherait l'Assemblée nationale future de l'enfreindre? Qui l'en empêcherait dans le droit, quand elle aurait le même titre? Qui l'en empêcherait dans le fait, quand elle serait Assemblée unique, et par conséquent puissance illimitée?
3° Quel danger que celui d'exposer l'Etat, d'une part, à une dégradation habituelle, et de l'autre, à des secousses périodiques, qui, chaque fois, pourraient briser l'action du pouvoir exécutif, rompre tous les liens du gouvernement, et entraîner après elles tous les maux de l'anarchie 1 N'est-il pas plus simple qu'un Corps législatif permanent, organisé de manière à pouvoir conserver, à pouvoir perfectionner, et non à pouvoir détruire, veille incessamment sur la Constitution ? Et vaut-il mieux laisser tomber un éditice en ruine, pour le relever à des époques fixes, que de l'entretenir continuellement en y faisant les réparations à mesure qu'elles deviennent nécessaires?
Ce n'est pas que nous ne sentions la nécessité d'apporter de grandes entraves à toute modification des lois constitutionnelles; mais, dans l'espace de temps donné, on peut ruiner la Constitution faute d'un changement, comme on peut la ruiner par trop de changements. Il faut qu'il ne soit ni facile, ni impossible d'y toucher, en quelque temps que ce soit. La plus forte de toutes les entraves est la composition du Corps législatif, où la réunion de trois parties sera nécessaire pour modifier ou pour porter une loi constitutionnelle; et telle est la différence d'une ou de deux Chambres, que, même avec des précautions, l'on ne pourra sauver la Constitution des entreprises d'une Chambre et que même sans précaution elle n'aurait rien à craindre des entreprises de deux Chambres et de trois pouvoirs.
L'Assemblée nationale, dit-on encore, même formée en une seule Chambre, ne sera ni puissance unique, ni puissance illimitée ; elle ne pourra se passer du concours de la puissance royale, et elle y trouvera des bornes.
Cette objection contre le système des deux Chambres se change encore en argument pour lui, et c'est ici précisément un des plus grands dangers de la Chambre unique.
On demande si le Roi, en tant que portion de Corps législatif, ne sera pas exposé sans cesse à voir toute son influence brisée par la réunion de toutes les volontés dans une seule Chambre nationale ?
Gédera-t-il ? Alors où seront les bornes du pouvoir de la Chambre? Il faut mettre le peuple à l'abri de toutes les espèces de tyrannie ; et l'Angleterre a autant souffert de son long parlement que d'aucun de ses rois despotes.
Résistera-t-il? Ce ne pourra être qu'en faisant intervenir le pouvoir exécutif. Soit qu'il réussisse, soit qu'il échoue, quelle source effrayante de calamités publiques !
Dans un tel état de choses, la couronne, sentant sa faiblesse, n'ayant presque rien à perdre, et ne risquant presque jamais que de gagner, ne sera-t-elle pas intéressée à épier toutes les occasions, à saisir tous les moyens de circonvenir, d'embarrasser, de corrompre l'Assemblée nationale, et d'altérer quelque partie de la Constitution? Or, n'est-ce pas là précisément le contraire du but que doit se proposer tout sage législateur? Le dernier degré de perfection d'une Constitution n'est-il pas de distribuer tellement tous les pouvoirs entre ceux qui doivent en être revêtus, que chacun, ayant assez de ses moyens, et devant être content de sa part, respecte celle des autres, pour qu'on respecte la sienne, et soit intéressé au maintien de la Constitution qui les garantit toutes ?
N'est-il pas encore souverainement prudent d'éviter, à quelque prix que ce soit, le danger toujours incalculable de mettre le dépositaire de la force publique aux prises avec le Corps législatif; et comment l'éviter s'il n'y a point d'intermédiaire? On est frappé d'admiration, quand on considère que, depuis un siècle entier, le roi d'Angleterre n'a fait usage de sa négative qu'une seule lois, et que tout y a été combiné avec une telle sagesse, avec une lefle prévoyance, que les projets de lois susceptibles d'inconvénients, ont expiré entre les deux Chambres, sans parvenir jusqu'au trône.
La prérogative royale, attaquée dans plusieurs de ses points, n'a pas même eu besoin de se montrer pour être préservée : les communes l'ont défendue corftre les pairs sous Guillaume lll et sous Georges Ier, comme les pairs l'avaient défendue contre les communes sous Charles II. Le trône, resté inébranlable au milieu de ces diverses tentatives, n'ayant pas même l'odieux d'une résistance directe, est devenu, au contraire, plus favorable et plus sacré par la modération, par l'amour des sujets, qui seuls en avaient raffermi les fondements, et la liberté du peuple n'y a pas moins gagné que la dignité du prince. Qu'il y eût une Chambre de moins dans le corps national, l'Angleterre était encore ensanglantée sous ces trois règnes.
Ce fut encore un beau mouvement que celui qui porta les deux Chambres du parlement britannique à se dépouiller elles-mêmes de plusieurs parties du pouvoir exécutif, dont elles avaient été mises en possession dans des temps de troubles, et à les restituer à la prérogative royale. Et dans quel moment, et par quel motif? Etait-ce pour agrandir un roi qui les dominât par l'asceny dant de son génie ou de sa fortune ? Non, ce roi était leur ouvrage ; elles venaient de le replacer sur le trône sanglant de son malheureux père. Etaient-elles engourdies par une indifférence coupable pour la liberté ? Non, car dans le même temps elles passaient cet acte A'habeas corpus dont le titre seul inspire un respect religieux, et qui est l'éternel rempart de la liberté anglaise. Mais le même motif présidait à l'une et à l'autre action : c'était pour défendre la liberté qu'elles faisaient sanctionner par le roi le bill d'habeas corpus, et c'était pour la défendre encore qu'elles réunissaient dans la main du roi la totalité du pouvoir exécutif.
En ôtant au monarque tout moyen de tyrannie, elles ne voulaient s'en réserver aucun. Le peuple
venait d'être opprimé par le parlement, qui l'avait été à son tour par l'armée ; elles voulaient défendre le peuple contre elles-mêmes ; elles voulaient prévenir toutes les oppressions, et enchaîner tous les oppresseurs ( 1 ).
Nous ne prétendons point établir une comparaison entre la France et les Etats-Unis de
l'Amérique. Nous savons que ce serait faire un étrange abus du raisonnement et de la parole,
que de vouloir assimiler deux peuples et deux positions aussi dissemblables. D'un côté, une
république fédérative formée de treize républiques naissantes dans un monde nouveau ; trois
millions d'habitants, c'est-à-dire cinq cent mille chefs de famille, presque tous
propriétaires agriculteurs ; des habitations éparses ; point d'ennemis à combattre ; point de
voisins à craindre ; des mœurs simples, des besoins bornés ; de l'autre, une monarchie
antique dans le vieux monde ; vingt-six millions d hommes, dont deux millions au plus
propriétaires de terres ; une population amoncelée ; toujours des voisins et des rivaux ;
souvent des ennemis extérieurs, et pour ennemis intérieurs des préjugés, des besoins, des
passions, tout ce qui en est la suite, et tout ce qui doit en être le frein. Mais si ces
Américains eux-mêmes en si petit nombre, et dans leur naissante conformation, n'ont pas pu
conserver ce gouvernement simple et cette unité de pouvoir qu'ils avaient voulu établir ; si
leurs publicistes ont parlé comme nous ; si M. Adams a écrit qu'il n'était point de
gouvernement, point de constitution stable, point de protection assurée pour les lois, les
libertés et les propriétés des peuples sans la balance des trois pouvoirs ; si le censeur
injuste et inconséquent de M. Adams, Livingston, a dit la même chose que lui ; si M.
Livingston a écrit que là où le Corps législatif serait concentré dans une seule assemblée,
il finirait toujours par absorber tout le pouvoir ; si M. Livingston a fait l'aveu littéral
que plusieurs Corps législatifs américains, quoiqu'en activité depuis fort peu de temps,
avaient déjà été saisis de cette soif de pouvoir si dangereuse ; si M. Livingston a dit que
le partage en deux Chambres séparées n'était pas encore un expédient assez efficace ; que ces
deux chambres distinctes ne manqueraient pas d'empiéter sur le pouvoir exécutif ; qu'il
fallait confier au pouvoir exécutif et judiciaire un frein surla puissance législative (2),
ce qui était même introduire quatre pouvoirs, au lieu de trois; si les Américains, éclairés
par leurs publicistes, convaincus par une prompte expérience, ont presque tous adopté les
trois pouvoirs dans leur Chambre des représentants, leur sénat et leur gouverneur, la
nécessité qu'ils ont reconnue n'est elle pas une démonstration invincible de la nécessité à
laquelle nous devons céder ? Que le principe une fois admis, il se trouve quelques
modifications différentes dans son application, en sera-t-on surpria ? Croit-on par exemple,
qu'une couronne héréditaire, et qu'un gouvernement donné pour trois ans ne doive pas
entraîner des combinaisons diverses
il s'en faut bien que nous ayons tout dit ; mais nous croyons avoir suffisamment éclairci la seconde question que nous avions à examiner, et en vous soumettant, Messieurs, notre opinion, nous n'hésitons pas à h prononcer. Nous sommes convaincus que l'Assemblée nationale doit être composées de deux Chambres, l'une appelée Chambre de représentants, et l'autre Sénat.
Il se présente plusieurs questions accessoires à la question principale.
1° Gomment sera composée la Chambre des représentants ?
La réponse n'est pas difficile ; elle sera composée des députés élus librement et en commun, suivant les circonscriptions, dans les proportions et avec les conditions qui seront réglées par l'Assemblée nationale. On a pensé que le nombre de six cents députés serait le plus fort qu'on pût admettre en voulant éviter la perte de temps et le tumulte des délibérations, et, d'un autre côté, il a paru impossible de le rendre moins considérable d'après l'étendue de l'empire.
Il a paru désirable que les députés eussent atteint l'âge de majorité. Ils ne seront jamais appelés à régler de plus grands intérêts. Il est telle vertu de la jeunesse qui peut devenir un grand défaut en affaires publiques. En tout il est difficile de faire faire la loi par celui que la loi enchaîne, et d'accorder l'impossibilité de disposer de son bien avec la faculté de disposer de l'existence de vingt-six millions d'hommes. On oppose que le choix ne doit être réglé que par la confiance ; mais c'est une petite portion de la société qui choisit, et celui qu'elle choisit va influer sur la société entière. La société entière a donc bien le droit de prescrire les conditions d'un choix dont elle court les risques.
C'est une question de savoir si une propriété doit ou ne doit pas être exigée dans un
représentant de la nation. Les deux propositions contraires ont été soutenues par des
personnes égale-
Ne pourrait-on pas, pour restreindre le moins possible l'espérance qu'il est toujours douloureux de ravir au mérite que la fortune n'a point favorisé, exiger une propriété immobilière quelconque dans un représentant de la nation ? Le serait être moins rigoureux que les Anglais, et même que les Américains, qui, en exigeant cette propropriété, en ont déterminé la valeur.
2° De quelle manière sera composé le Sénat ?
Sera-t-il formé de ce qu'on appelle à présent la noblesse et le clergé? Non, sans doute ; ce serait perpétuer cette séparation d'ordres, cet esprit de corporation, qui est le plus grand ennemi de l'esprit public, et qu'un patriotisme universel concourt aujourd'hui à éteindre.
D'ailleurs, le nombre de ses membres devrait être infiniment limité; ce ne serait pas un droit de représentation qu'ils exerceraient, ce serait une magistrature politique et judiciaire tout à la fois, qui serait inhérente à leur personne.
Le Sénat serait donc composé de citoyens de toutes les classes, à qui leurs talents, leurs services, leurs vertus en ouvriraient l'entrée.
Le nombre pourrait en être fixé à deux cents.
On ne pourrait pas y. être admis avant l'âge de trente-cinq ans. il faudrait y apporter un caractère éprouvé; que ce fût une récompense déjà méritée, et non un encouragement donné au hasard, encore moins une faveur arbitraire.
Une propriété territoriale serait nécessaire pour être éligible ; celle-ci devrait être déterminée; l'Assemblée nationale en fixerait la valeur.
3° A qui appartiendrait le droit de nommer les sénateurs?
Ne serait-ce pas beaucoup trop donner au Roi, que de lui attribuer le droit de les nommer à lui seul?
Sans doute le Roi est par son titre la source des honneurs et des dignités ; sans doute, et il faut le répéter, non pour l'intérêt des rois qu'on ne flatte plus, mais pour le bonheur des peuples qu'on ne doit pas égarer, l'autorité royale une fois mise dans l'impossibilité d'abuser, on ne peut l'affermir sur des fondements trop inébranlables ; on ne peut trop s'empresser de lui fournir tous les moyens dont elle a besoin pour se conserver intacte et pour remplir le mandat qu'elle a reçu de la société. Outre qu'il est juste que celui qui a la charge de punir en soit consolé par la faculté de récompenser, il est nécessaire que l'individu qui seul doit contenir des millions d'hommes ait toutes les forces morales qui peuvent compenser cette disproportion physique.
Mais il est un principe qui doit passer avant
tout : c'est que celte dignité, entraînant des fonctions nationales, ne peut se conférer sans le concours de la nation.
La nomination des sénateurs ne pourrait-ellf pas être partagée entre le Roi et les représentants, ou bien entre le roi et le3 étals provinciaux, de manière que le Roi choisît un sujet sur la présentation qui lui serait faite de plusieurs, soit par les représentants, soit par les provinces (1)?
4° Cette magistrature, cette dignité sénatoriale, serait-elle pour un temps limité ? serait-elle à vie ? serait-elle héréditaire ?
Pour un temps limité, ne manquerait-elle pas son but? pourrait-elle acquérir cette consistance, se former cet esprit, trouver cet intérêt distinct, nécessaire pour mettre un poids de plus dans la balance politique? Ne serait-ce pas, comme on l'a dit, au lieu de deux Chambres, deux bureaux d'une même Chambre?
A vie, ces différents objets pourraient être remplis; mais n'aurait-on pas à craindre d'autres inconvénients? Les mutations ne seraient-elles pas trop fréquentes? Le Roi, qui doit avoir des moyens d'influence, n'en aurait-il pas trop? Le renouvellement continuel de ce sénat n'entretiendrait-il pas, soit dans son sein, soit à son entrée, trop d'ambition, trop de mouvement, trop d'activité?
Celui qui, par la puissance de la loi, est sûr de transmettre sa dignité à l'aîné de ses fils, n'est-il pas plus indépendant de la faveur que celui qui, revêtu d'une dignité viagère, veut en profiter pour répandre sur sa famille des grâces d'une autre espèce ?
D'un autre côté, c'est une forte objection contre l'hérédité, qu'un individu naisse investi d'une magistrature judiciaire et politique, par conséquent dispensé de la mériter et sûr de l'exercer, même sans capacité pour la remplir.
Après avoir examiné et balancé tous les inconvénients de chaque parti, peut-être trouvera-t-on que faire nommer les sénateurs par le Roi, sur la présentation des provinces, et ne les faire nommer qu'à vie, serait encore le moyen le plus propre à concilier tous les intérêts. L'influence du Roi existerait ; elle serait modérée, et le principe serait satisfait par le concours que la nation aurait dans la nomination ; le sénat ne serait jamais composé que de citoyens choisis ; et cependant, la durée de cette magistrature qui serait à vie, la perpétuité de ce Sénat qui ne se renouvellerait qu'insensiblement et par individus, y formeraient les nuances nécessaires pour différencier les deux Chambres, autant qu'il le faudrait, sans les rendre étrangères l'une à l'autre.
Quelles objections pourrait-on encore élever contre ce sénat? Il est impossible d'y entrevoir aucun des dangers de l'aristocratie. Qu'est-ce que l'aristocratie de deux cents sénateurs pi is dans toutes les classes de citoyens, qui n'auraient pas de pouvoir indépendant, et qui se trouveraient placés entre un monarque et les représentants de vingt-six millions d'hommes?
L'aristocratie à craindre est celle qui divise une
Mais, Messieurs, fixez un instant vos regards sur l'Angleterre. Dites si la justice, si la raison même, permettent d'y concevoir la crainte de l'aristocratie ? Quelle différence cependant entre la Chambre des pairs et le sénat qui vous est proposé ! Le nombre de ses pairs est indéterminé, celui de vos sénateurs serait borné ; ses pairs sont nommés par le Roi seul, vos sénateurs seraient nom més par la nation et le Roi ; ses pairs sont héréditaires, vos sénateurs seraient tout au plus à vie. Eh bien ! Messieurs, même avec ces différences qui seraient toutes à notre avantage, cherchez en Angleterre un seul des maux que l'on peut avoir à redouter de l'aristocratie. Voyez, dans la Chambre des communes les fils, les frères de tous ces chefs de famille, qui, revêtus d'une magistrature Personnelle, siègent dans la chambre haute, oyez dans le ministère, dans l'armée, sur la flotte, si la pairie est un titre de préférence. Le fils du Roi, depuis sept ans, court les mers ; il a commencé par le dernier emploi de la marine, et il n'est encore aujourd'hui que capitaine d'une frégate. Là, les emplois appellent le mérite ; là, on ignore cet odieux nom de parvenu qui dans d'autres pays a été si longtemps l'aliment de l'orgueil et une insulte à la veftu et à l'humanité.
Le chancelier York était l'oracle de l'Angleterre, et l'extrême simplicité de son origine ajoutait encore au respect qu'on portait à sa personne.
Lord Ferrers, dans un accès de colère, tue un de ses domestiques ; il est jugé, condamné au dernier supplice.
Sous la reine Anne, les communes compromettent la liberté du peuple par le despotisme qu'elles veulent exercer sur l'élection de leurs membres; la liberté du peuple est sauvée par les pairs.
Nous ne citons qu'un exemple sur chaque objet, Messieurs; nous pourrions en citer mille.
Qu'on nous montre un pays sur la terre où le respect des droits de l'homme soit plus profondément imprimé et plus religieuseusement observé.
On oppose que ces sénateurs n'étant pas les représentants du peuple ne peuvent rien être dans le pouvoir législatif; mais n'est-ce pas une dispute de mots? Ils ne seraient pas les représentants du peuple; mais ils seraient ses mandataires. Le peuple leur aurait confié une partie du pouvoir qui lui appartient. Ce serait toujours en vertu d'une utilité commune, énoncée primitivement, qu'ils auraient le droit d'exercer une volonté particulière dans la formation des lois.
Il est temps de passer à la troisième question principale.
Quels seront Vespèce d'action et les divers degrés d'influence de chaque portion du Corps législatif ?
Ce serait au Roi seul, comme ayant seul une existence séparée et perpétuelle, qu'appartiendrait le droit de convoquer le Corps législatif, et il ne ourrait s'en dispenser aux époques réglées par a Constitution. Ce serait lui qui mettrait celte grande Assemblée en exercice eten vacances, conformément aux lois; il pourrait non-seulement la proroger, mais la dissoudre, pourvu qu'à l'instant même il en provoquât une nouvelle.
La Chambre des représentants aurait, comme celle des Etats Américains et comme les commu-
nes d'Angleterre,le droit exclusif de délibérer sur les subsides, d'en fixer l'étendue, la durée/ le mode, sur la demande qui en serait faite par le Roi. Le sénat ne pourrait que consentir ou refuser purement et simplement l'acte que lui enverraient les représentants. A ces derniers seuls appartiendrait, non-seulement la délibération première, mais même rentière rédaction de toute loi bursale, et cette force irrésistible, perpétuelle, toujours renaissante dans un Etat, ne serait jamais à d'autres qu'à la nation.
Le sénat serait un tribunal suprême de justice, mais dans lin seul cas. C'est devant lui
que seraient poursuivis, c'est par lui que seraient jugés publiquement tous les agents
supérieurs du pouvoir public accusés d'en avoir fait un usage contraire à la loi. La Chambre
seule des représentants pourrait intenter l'accusation. Tout particulier, et même tout corps,
ne pourrait que dénoncer aux représentants. Cet objet devait être indiqué ; ce n'est pas le
moment de se livrer à la discussion qu'il pourra entraîner (l).
Du reste, tout autre acte, tout acte de législation pourrait prendre naissance indifféremment dans l'une ou l'autre Chambre. Il ne faut pas que l'une des deux ait toujours sur l'autre l'avantage d'exercer une censure continuelle. Il ne faut point qu'une bonne loi meure, parce que l'idée en sera venue dans le sénat plutôt que parmi les représentants. Il faut qu'il existe entre les deux Chambres une noble émulation à qui servira le mieux l'Etat, et un respect réciproque entretenu par l'idée qu'elles sont destinées à se juger tour à tour.
L'acte passé dans une Chambre serait porté à l'autre ; après le consentement des deux, il serait présenté à la sanction royale. Il faudrait la réunion des trois volontés pour en faire une loi; sans l'accord des deux Chambres, l'acte ne serait Kas même annoncé au Roi ; sans la sanction du oi, l'accord des deux Chambres n'aurait rien produit.
Mais la sanction du Roi sera-t-elle le seul acte d'autorité législative qu'il puisse exercer? Sera-t-elle Je seul genre de concours qu'il puisse avoir dans la formation des lois? Cette question a encore divisé de bons esprits et de bons citoyens.
Nous nous sommes décidés pour l'affirmative.
En vain les partisans de l'opinion contraire di-sent-t-ils que le Roi doit pouvoir alternativement ou sanctionner une loi qui sera présentée par la nation, ou proposer une loi qui sera consentie , par la nation ; que ce qui importe, c'est qu'une seule volonté ne suffise pas pour régler le destin d'un peuple entier: que celui qui, revêtu du pouvoir exécutif, qui, chargé du gouvernement, embrasse toutes les parties du grand ensemble, est celui qui doit incomparablement le mieux connaître quelles lois sont nécessaires et quelles lois sont abusives.
Des motifs bien plus puissants nous ont déterminés dans le partage que nous avons fait de l'autorité législative
Qu'est-ce que la loi ? l'expression delà volonté
Celui quia conçu le projet d'une loi, qui en a rédigé tous les articles, peut avoir une idée que personne ne pénètre, peut tendre un piège si bien couvert qu'aucun œil ne l'aperçoive. La nation pourrait tomber dans les embûches d'un ministre ambitieux et perfide.
Nous savons bien que le gouvernement aura toujours un instrument, un organe; mais l'obligation d'en chercher, la peine qu'il aura quelquefois à en trouver, seront toujours des difficultés de plus et des chances de moins pour lui. Tous ses projets d'ailleurs seront discutés alors avec liberté, avec égalité, avec impartialité.
Au lieu de cela, faites tomber une loi directement du trône au milieu de l'Assemblée nationale : tan tôt elle sera débattue avec réserve, ce qui sera un mal, car les délibérations doivent être libres, tantôt elle sera critiquée sans ménagements, ce qui sera un autre mal, car la majesté royale ne doit pas être compromise.
Si le gouvernenement a une fois l'initiative, il l'aura toujours. Instruit plus promptement de ce qui se passe daus tout l'empire, il aura toujours une loi prête pour le moment ; le peuple s'accoutumera à la recevoir de lui; il changera le sentiment de sa puissance en un sentiment de sujétion et de dépendance. Une époque viendra ou le ministère mêlera les pièges avec les bienfaits, et où la nation perdra sa liberté pouravoir abandonné son droit.
Nous n'avons donc pas hésité à penser que l'initiative, la proposition, la discussion, la rédaction delà loi doivent appartenir aux deux Chambres, et la sanction seule au Roi. Il y a plus; nous n'avons envisagé jusqu'ici la prérogative royale que sous ses rapports d'utilité publique; mais en la considérant même sous le rapport de celui qui en est revêtu, et en rendant cet hommage aux vertus du prince qui nous gouverne, de nous permettre une seule pensée dont il soit personnellement l'objet, quand l'intérêt de la nation réclame toutes nos facultés, nous aimons à nous dire que s'il compare le dernier état des choses avec celui que nous proposons d'établir, il doit trouver sa prérogative infiniment rehaussée, loin d'être descendue.
Certes, c'est un plus noble emploi, c'est une plus grande destinée pour un homme, d'apposer par sa volonté particulière le sceau de la loi à la volonté générale, que de soumettre des projets de loi aux éternelles discussions, aux critiques amè-res et aux refus dédaigneux de treize corporations isolées qui en étaient venues au point d'attribuer à leur consentement la vertu législative et qui discutaient la sanction de l'enregistrement.
Enfin s'élève une dernière et importante question. Cette sanction qui sera le partage du Roi dans le pouvoir législatif sera-t-elle indispensable-ment nécessaire à la loi? Pourra-t-il la refuser? Aura-t-il une négative, un' vetoî Le sénat en aura-t-il un? ce veto sera-t-il illimité ou suspensif?
Cette question devant être l'objet d'un travail particulier, nous nous bornerons à poser ici des pri n ci pes généraux.
Après l'examen le plus approfondi, il a paru à la pluralité d'entre nous, que demander si le Roi aurait un veto illimité, c'était demander s'il aurait une sanction.
S'il doit arriver un terme où l'Assemblée nationale pourra se passer de la sanction royale, cette sanction n'existe pas; le Roi n'est pas portion du Corps législatif.
Si la sanction n'existe pas, si le Roi n'a pas de veto illimité, s'il n'est pas portion du Corps législatif, alors il n'y a pas moyen de sauver la prérogative royale; il n'y a pas d'obstacle insurmontable aux entreprises de la puissance législative sur la puissance exécutrice, à l'invasion, à la confusion des pouvoirs, par conséquent au renversement de la Constitution et à l'oppression du peuple (1).
Une fois les lois bursales remises à la disposition des représentants du peuple/une fois la Constitution fixée, que pourra-t-on craindre du veto illimité que cette constitution aura donné au Roi.
Une nouvelle loi sera proposée : ou elle sera avantageuse à la prérogative royale, ou elle lui sera indifférente, ou elle lui sera nuisible.
Si avantageuse, le Roi ira au devant.
Si indifférente, le Roi n'aura aucun intérêt à l'empêcher : il aura un intérêt contraire; les mauvais rois eux-mêmes désirent que de bonnes lois fassent fleurir leur royaume.
Si nuisible, alors non-seulement il est bon, mais il est nécessaire que le Roi puisse l'empêcher, qu'il puisse conserver la Constitution dans laquelle sa prérogative royale aura été calculée, non pour l'avantage du "monarque, mais pour celui des sujets.
Que si le Roi faisait usage de sa négative dans les deux premiers cas, s'il frappait du veto une loi indifférente ou avantageuse à sa prérogative, certes, il faudrait que cette loi fût bien mauvaise, pour qu'il aimât mieux compromettre son repos et sacrifier son intérêt que de la laisser passer. Alors, plus que jamais, il faudrait admettre, ce ne serait pas assez, il faudrait bénir le veto qui empêcherait une telle loi d'exister.
Ou ne conçoit pas davantage quelles craintes porrraient inspirer le veto du Sénat. Sa résistance aura toujours pour but ou de défendre les représentants de la nation contre les entreprises du trône, ou de défendre la conservation de ses propres privilèges : dans tous ces cas, il maintiendra la Constitution.
Quelle serait l'existence du Sénat? de quelle considération jouirait-il ? quelle influence aurait-il? comment pourrait-il briser, détourner le choc entre les représentants et le Roi? enfin,quelle balance, quelle union espérer entre les deux Chambres, si elles n'ont pas l'une sur l'autre un veto illimité ?
En deux mots, si l'on ôte au Roi le veto illimité, à plus forte raison l'ôtera-t-on au Sénat : voilà donc la Chambre des représentants puissance unique et sans bornes.
Si, en laissant au Roi le veto illimité, on Fôte au Sénat, voilà donc le Roi et la Chambre des représentants exposés perpétuellement à être aux prises.
Que, dans les constitutions américaines, les gouverneurs respectifs des treize Etats
n'aient qu'un veto suspensif\ cela peut être adapté à leur position : ces gouverneurs sont
passagers; ils ont, l'un dans l'autre, environ deux cent trente mille hommes à gouverner ;
leur prérogative n'a pas besoin d'être maintenue avec une grande rigueur; ils ont autant de
défenseurs de cette prérogative qu'il y a de citoyens qui espèrent bientôt
11 serait possible de prouver qu'en dernière analyse, mettre en question si le veto du Roi sera suspensif ou illimité, c'est mettre en question si l'on n'aura'pas de roi; or, la volonté de la nation est qu'il y ait un Roi, et la liberté de la nation a besoin d'un Roi, a besoin de la prérogative du Roi, a besoin de la sanction du Roi; enfin, nous ne craindrons pas de répéter, en finis-sant, ce que M. le comte de Mirabeau a dit avec l'énergie qui le caractérise, qu'ii vaudrait mieux vivre à Constantinople qu'en France, si Von pouvait y faire des lois sans la sanction royale.
Résumons. Parmi les différentes questions que nous avons parcourues, il en est plusieurs sur lesquelles nous avons laissé la décision incertaine, non pas que nous n'ayons aussi un i opinion formée à cet égard, mais parce que cette opinion pouvait rencontrer des difficultés qui ne sont pas encore suffisamment éclaircies. Nous écartons pour l'instant toutes ces questions secondaires; nous nous bornons à résumer les questions principales sur lesquelles notre* sentiment a été entièrement prononcé, et nous tenons pour principes certains :
1° Que le Corps législatif doit être composé de trois parties : du Roi, d'un Sénat, et des représentants de la nation ;
2° Que ce doit être le droit et le devoir du Roi de convoquer le Corps législatif aux époques fixées par la Constitution; qu'il peut le proroger, et même le dissoudre, pourvu qu'à l'instant il en convoque un autre;
3° Que toute délibération pour les subsides doit prendre naissance dans la Chambre des représentants sur la demande du Roi; qu'à eux seuls doit appartenir le droit de dresser l'acte qui les accordera, et que le Sénat ne doit pouvoir que consentir ou rejeter cet acte purement et simplement;
4° Que lê Sénat doit être seul juge des agents supérieurs du pouvoir public, accusés d'en avoir fait un usage contraire à la loi; que la Chambre des représentants doit être seule accusatrice; et que l'accusation, le procès et le jugement doivent être publics;
5° Que chaque Chambre doit juger privative-ment ce qui concernera sa police et ses droits particuliers;
6° Que tout autre objet, que tout acte de législation doit être commun aux deux Chambres; qu'il peut prendre naissance indistinctement dans l'une ou dans l'autre, et que s'il passe dans l'une, il doit être porté à l'autre;
7° Que la sanction royale est nécessaire pour la formation de la loi.
8° Que l'initiative, c'est-à-dire la proposition et la rédaction des lois, doit appartenir exclusivement aux deux Chambres, et la sanction seule au Roi;
9° Qu'aucune loi ne peut être présentée à la sanction royale sans avoir été consentie par les deux Chambres ;
10° Que les deux Chambres doivent avoir la négative ou levetoTune sur l'autre, et que le Roi doit l'avoir sur les deux.
succède à M. le comte de Lally-Tollendal et fait le rapport suivant qui contient
les articles concernant l'organisation du pouvoir législatif (1).
Messieurs, j'avais été chargé par le comité de Constitution de vous présenter les motifs de différents articles compris dans le plan du Corps législatif dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture; mais ces motifs ne sont pas encore entièrement rédigés. Ils seront mis incessamment sous les yeux de l'Assemblée.
J'ajoute à ce que vient de dire M. le comte de Lally, que la permanence du Corps législatif a paru au comité absolument indispensable pour assurer la liberté publique ; il entend par permanence, des sessions annuelles et des députés toujours existants.
Je dois aussi prévenir une fausse interprétation de là sanction royale proposée par le comité. Il entend parler de la sanction établie par la Constitution et non pour la Constitution, c'est-à-dire de la sanction nécessaire aux simples actes législatifs.
Le Roi n'aurait pas le droit de s'opposer à l'établissement de la Constitution, c'est-à-dire à la liberté de son peuple ; il faut cependant qu'il signe et ratifie la Constitution pour lui et ses successeurs. Etant intéressé aux dispositions qu'elle renferme, il pourrait exiger des changements; mais s'ils étaient contraires à la liberté publique, l'Assemblée nationale aurait non_-seulement la ressource du refus de l'impôt, mais encore le recours à ses commettants ; car la nation a certainement le droit d'employer tous les moyens nécessaires pour devenir libre. Le comité a pensé qu'on ne devait pas même mettre en question si le Roi ratifierait la Constitution, et qu'il fallait placer la sanction dans la Constitution même pour les lois qui seraient ensuite établies.
Le plan du Corps législatif présenté par le comité contient des règles pour l'élection des représentants; mais il n'en renferme point pour la composition du Sénat, dont il ne rappelle que les fonctions. J'avais proposé au comité un Sénat formé par des membres ayant un revenu considérable en immeubles, éligibles pour le terme de six ans; mais le comité a préféré ne point présenter d'opinion sur ce sujet important, et reconnaître seulement la nécessité de deux Chambres.
PRINCIPES DU GOUVERNEMENT FRANÇAIS
CHAPITRE II (2).
Art. 1er. Le gouvernement français est monarchique ; il n'y a
point en France d'autorité supérieure à la loi ; le Roi ne règne que par elle, et quand il ne
commande pas au nom de la loi, il ne peut exiger l'obéissance.
Art. 2. Aucun acte de législation,ne pourra être considéré comme loi, s'il n'a été fait par les députés de la nation et sanctionné par le monarque.
Art. 3. Le pouvoir exécutif suprême réside exclusivement dans les mains du Roi.
Art. 4. Le pouvoir judiciaire ne doit jamais être exercé par le Roi ; et les juges auxquels
il est confié ne peuvent être dépossédés de leurs offices pendant le temps fixé par la loi,
autrement que par les voies légales.
La personne du Roi est inviolable et sacrée ; mais les ministres et les autres agents de l'autorité sont responsables de toutes les infractions qu'ils commettent envers les lois, quels que soient les ordres qu'ils aient reçus.
DU CORPS LÉGISLATIF
CHAPITRE III.
Formes des élections.
Art. 6. Le Corps législatif sera formé par le Roi, le sénat et les représentants.
Art. 7. La Chambre des représentants sera composée de membres librement élus dans les différentes parties du royaume.
Art. 8. Nul ne pourra être électeur ou éligible pour la Chambre des représentants, qu'il ne soit âgé de vingt-cinq ans, Français de naissance ou naturalisé.
Art. 9. Ne pourront être électeurs ou éligibles ceux qui sont liés par un serment de fidélité envers une puissance étrangère, ou-qui en auraient accepté des grâces et pensions sans la permission du Roi, ni ceux gui auraient subi une condamnation pour un délit public.
Art. 10. On ne pourra se faire représenter, dans les élections, par un procureur fondé, et on sera tenu de s'y rendre en personne si l'on veut y prendre part.
Art. 11. Pour avoir le droit d'élire, il faudra être domicilié depuis une année dans le lieu où se fait l'élection, et y payer une imposition directe égale au prix de trois journées de travail.
On sera censé avoir domicile dans un lieu où l'on a habitation, et où l'on passe une partie de l'année ; et ceux qui auront plusieurs domiciles de ce genre seront tenus d'opter, nul ne pouvant être électeur en deux lieux à la fois.
Art. 12. Celui qui aurait voté pour l'élection en deux lieux différents sera privé, pendant dix ans, du droit d'élire et d'être élu.
Art. 13. Pour pouvoir être nommé représentant, il faudra être domicilié depuis une année dans la province, et avoir depuis le même temps une propriété foncière dans le royaume. On entendra à l'avenir par province en matière d'élection l'étendue du ressort de l'administration provinciale.
Art. 14. La France sera divisée en districts égaux, dont les chefs-lieux seront déterminés, et qui comprendront chacun, autant qu'il sera possible, une population de cent cinquante mille âmes.
Art. 15. Chaque district fournira trois membres pour la Chambre des représentants. La division des districts pourra être réformée tous les cinquante ans par le Corps législatif, d'après les changements survenus dans la population, qui sera toujours prise pour base, sans qu'on puisse diminuer le nombre des représentants.
Art. 16. On nommera toujours un nombre de suppléants égal à celui des représentants, pour les remplacer en cas de décès ou de démission.
Art. 17. Les villes qui auront une population au-dessu3 de 150,000 âmes enverront directement au Corps législatif un député par 50,000 âmes, sans égard aux nombres intermédiaires. Les villes
qui n'auront pas un pareil nombre d'habitants n'auront point de députés particuliers.
Art. 18. Il sera fait dans chaque ville, ayant plus de 150,000 habitants, une division par arrondissements, aussi égaux qu'il sera possible, en prenant la population pour base. Tous les habitants ayant droit d'élire seront convoqués dans chaque arrondissement par les officiers rnuuici-paux, et ils s'assembleront devant un membre de la municipalité qu'elle aura commis à cet effet. Ces premiers électeurs éliront parmi eux un nombre de députés proportionné à la population de l'arrondissement, savoir : cinq députés par mille habitants, ou un par deux cents. Cette nomination sera faite à haute voix ; et, pour être député, il faudra réunir plus de la moitié des suffrages. Les députés se réuniront ensuite à l'Hôtel-de-Ville pour nommer, au scrutin et à la majorité absolue des voix, en présence des officiers municipaux, les membres de la Chambre des représentants.
Art. 19. Les officiers municipaux pourront voter dans les arrondissements où se trouveront leurs habitations, et ils pourront être valablement députés pour l'élection des représentants.
Art. 20. Dans les villes où la population sera moindre de 150,000 âmes, on formera aussi des arrondissements pour faciliter les éleclions ; mais ces villes feront partie d'un district, et les députés dés arrondissements, choisis dans les formes prescrites ci-dessus, se réuniront avec les autres députés du district.
Art. 21. Dans tous les bourgs, villages ou communautés, dont la population sera de deux cents personnes, ceux qui auront le droit d'élire s'assembleront également devant les officiers municipaux du lieu, pour choisir, à haute voix et à la majorité absolue des suffrages, cinq députés par mille habitants; c'est-à-dire un par deux cents.
Art. 22. Une communauté qui n'aurait pas une population de deux cents personnes se joindrait à la communauté la plus prochaine.
Art. 23. Les députés nommés par les villes dont la population est au-dessous de 150,000 âmes, ainsi que par les bourgs, villages et communautés, se réuniront dans les chefs-lieux du district, et éliront entre eux, au scrutin, un président et un secrétaire, et ensuite nommeront, également au scrutin, et à la majorité absolue des suffrages, les représentants que le district doit fournir, ainsi que les suppléants.
Art. 24. Tous ceux qui auront les qualités requises pour être électeurs au premier degré pourront aussi être électeurs au second degré, c'est-à-dire qu'ils pourront être députés des arrondissements ou du district pour choisir les représentants. Avant de procéder à l'élection, les électeurs promettront, avec serment, de donner leurs suffrages suivant leur conscience.
Art. 25. Dans les premières assemblées d'électeurs, on nommera un comité avant l'élection pour vérifier si ceux qui se présentent ont droit d'élire, et faire le rapport de toutes les difficullés qui seront jugées à la pluralité des suffrages. Dans les secondes assemblées d'électeurs, on nommera également un comité pour examiner les pouvoirs des députés chargés d'élire, et faire le rapport des questions auxquelles ils donneront lieu.
Art. 26. Les députés chargés d'élire les représentants pourront les choisir indistinctement parmi ceux d'entre eux qui auront les qualités reguises, ou parmi les autres citoyens ayant les mêmes qualités.
Art. 27. Les personnes assemblées pour élire
les membres de la Chambre des représentants ne pourront jamais dicter des ordres absolus à ceux qui seront choisis, ni exiger d'eux l'obli^atiou de se soumettre à leurs volontés. Les fonctions des représentants seront déterminées par la présente Constitution ; et les procès-verbaux, qui seront signés par le président et le secrétaire, ne contiendront que la nomination des députés.
Art. 28. Pourront néanmoins les électeurs remettre à ceux qui auront été élus les instructions qu'ils croiront utiles au bien général.
Art. 29. Aucun électeur ne pourra être poursuivi devant les tribunaux pour ce qu'il aurait dit ou écrit au sujet de ses instructions, sans avoir été déféré à la Chambre du Corps législatif pour laquelle l'élection aura été faite, et sans que l'accusation ait été par elle reconnue susceptible d'être portée aux juges ordinaires.
Formation du Sénat.
Art. 30. Le Sénat et les représentants seront assemblés, chaque année, le 1er mai. Ils
pourront continuer leurs séances pendant l'espace ae quatre mois ; mais, après ce temps, le
Roi aura la faculté dè les proroger pendant le délai qu'il jugera convenable, pourvu que ce
délai ne soit pas porté au delà du 1er mai suivant.
Art. 31. Le Sénat et les représentants ne pourront jamais s'ajourner au delà de trois jours, sans leur consentement respectif et celui du Roi; et, lorsqu'ils voudront discoi*tinuer leurs séances, soit avant, soit après les quatre mois, jusqu'au premier mai suivant, ils députeront au Roi pour qu'il puisse venir donner son consentement en personne, ou l'envoyer par une lettre scellée du grand sceau. Sa Majesté aura le droit d'exiger une continuation de séance, si elle lui paraît nécessaire.
Art. 32. Avant la clôture des séances ordinaires du Corps législatif, le lieu où devra se tenir la séance suivante, sera indiqué de concert entre Sa Majesté et les deux Chambres; et s'il ne l'était point, le Sénat et les représentant reprendraient leurs séances le premier mai dans le même lieu.
Art. 33. Le Sénat et les représentants commenceront leurs séances le premier mai prochain, dans le lieu qui aura été indiqué avant la séparation de l'Assemblée nationale; et, en conséquence, le Roi adressera, dans les premiers jours du mois de mars, à ses commissaires dans les provinces, des lettres de convocation qu'il leur enjoindra de faire publier. Par ces lettres, il sera oruonné aux administrations provinciales, ainsi qu'aux habitants des villes, bourgs et communautés, de se rassembler pour procéder aux élections des représentants. Les commissaires du Roi feront parvenir ces lettres aux présidents des administrations provinciales et aux officiers municipaux des villes, bourgs et communautés.
Le Sénat et les représentants s'assembleront ensuite de plein droit chaque année au Ier mai, sans lettres de convocation.
Art. 34. Les sénateurs elles représentants tiendront séparément leurs séances dans leurs salles particulières; ils se réuniront pour les séances royales dans une salle générale où sera placé le trône de Sa Majesté.
Art. 35. Le roi tiendra des séances royales toutes les fois qu'il le jugera convenable, en faisant avertir le Sénat et les représentants trois jours auparavant; et, autant qu'il sera possible, il fera l'ouverture des séances le 1er mai de chaque année,
sans que cette solennité puisse être considérée comme indispensable.
Art. 36. Les représentants resteront en place pendant trois ans.
Art. 37. Si un représentant était nommé par Sa Majesté à quelque emploi, ou s'il en recevait une pension, sa place vaquerait de plein droit, et il ne pourrait reprendre ses fonctions que dans le cas où il aurait été élu de nouveau; seront exceptés de cette règle les officiers de l'armée qui monteront en grade.
Art. 38. Tous les trois ans on procédera à une élection nouvelle de tous le membres de la Chambre des représentants; les précédents pourront néanmoins être réélus.
Art. 39. Tous les trois ans le Roi adressera des lettres de convocation à ses commissaires
dans les provinces, pour faire procéder à une nouvelle élection des représentants. Ces
lettres seront expédiées dans les premiers jours de mars, afin que tous les membres soient
élus avant le 1er mai ; et si les lettres n'étaient pas publiées
avant le 15 mars dans toute l'étendue du royaume, les officiers municipaux et les officiers
des administrations provinciales, ou de leurs commissions intermédiaires, seraient chargés de
plein droit du soin de'convoquer et de faire tenir toutes les assemblées nécessaires pour les
élections.
Art. 40. Dans l'intervalle de la clôture prononcée jusqu'à la session qui doit commencer de
plein droit le 1er mai suivant Sa Majesté pourra faire assembler
le Sénat etles représentants toutes les fois qu'elle le jugera convenable pour l'intérêt de
l'Etat; et alors elle fera publier la convocation dans tout le royaume, au moins un mois
avant l'époque indiquée pour l'Assemblée. En cas de rébellion .ou d'invasion étrangère, ce
délai pourra être abrégé.
Art. 41. Avant l'époque indiquée pour le renouvellement des élections, le Roi pourra dissoudre, quand il le croira nécessaire, la Chambre des représentants, pourvu que l'acte même de dissolu- . lion, présenté aux chambres par un secrétaire d'Etat, et ensuite publié dans tout le royaume, contienne une convocation nouvelle pour procéder à une nouvelle élection, de manière que le Corps législatif puisse être rassemblé de plein droit, au moins dans le terme de deux mois; et à défaut de cette convocation, l'acte de dissolution sera nul: aucune des Chambres ne pourra y obéir sans se rendre coupable envers la nation. Après la dissolution, les anciens membres seront éligibles comme les autres citoyens.
Art. 42. Si, lors de la mort du Roi, les sénateurs et les représentants ne se trouvent pas assemblés, ils seront obligés de se réunir sans aucune convocation dans le lieu de leur dernière séance.
Art. 43. Chaque Chambre élira, parmi ceux qui la composent, un président, un vice-président et deux secrétaires, qui resteront en place pendant une année entière; mais la veille de la clôture des séances ordinaires, on élira les officiers qui devront entrer en exercice le lep mai suivant. Le vice-président ne remplira ses fonctions qu'en l'absence du président, et si tous les deux sont absents, ils seront remplacés par le membre le plus âgé.
Art. 44. Chaque Chambre nommera un archiviste particulier, et elles formeront un comité commun pour choisir un archiviste générai, qui aura la garde des actes législatifs. Ces officiers qui ne seront pas choisis parmi les membres du Corps législatif pourront être destitués à volonté.
L'archiviste général pourra également l'être par la pluralité des suffrages d'une seule Chambre.
Art. 45. Les fonctions communes aux sénateurs et aux représentants seront de proposer au Roi toutes les lois que pourront exiger l'ordre public et la prospérité du royaume, et qui seront obligatoires pour tous les corps, toutes les provinces, tous les tribunaux et tous les individus.
Art. 46. Les fonctions particulières des représentants seront de fixer les dépenses des différents départements de l'administration, d'octroyer les impôts nécessaires, d'en déterminer la nature et la perception, et les répartir entre les provinces, le tout avec le consentement du Roi et du Sénat. Ils auront de plus le soin de surveiller l'emploi des deniers publics, de s'en faire rendre un compte exact, et de faire punir les délits commis parles ministres et les agents supérieurs de l'autorité, dans les fonctions de leur emploi.
Art. 47. Les fonctions particulières du Sénat seront de juger les accusations portées par les représentants; ils seront surtout spécialement chargés de maintenir la Constitution, la liberté publique et les prérogatives de ia couronne, en empêchant parleur opposition les différents pouvoirs de sortir de leurs limites.
Art. 48. Les sénateurs auront la préséance dans toutes les cérémonies publiques sur tous les autres citoyens, à l'exception des princes du sang royal.
ils seront par leur place conseillers du monarque, et ils auront, dans leurs fonctions, un costume particulier, comme marque de leur dignité.
Art. 49. Les sénateurs et les représentants prêteront serment de remplir fidèlement leurs fonctions, et de ne jamais proposer ni approuver aucun changement dans la Constitution de l'Etat, qui ne serait pas fait suivant les formes qu'elle aura prescrites.
Art. 50. Chaque Chambre sera juge delà validité des élections de ses membres, et nommera un comité dans l'une des premières séances qui suivront les élections, pour vérifier les pouvoirs et en faire le rapport. Elle aura sa police intérieure; aucune garde ne pourra être placée aux portes sans son consentement et sans être à ses ordres, et elle pourra faire des règlements et prononcer contre ses membres les amendes et même l'exclusion. Elle pourra aussi faire arrêter et remettre aux tribunaux toutes les personnes qui troubleraient l'ordre et lui manqueraient de respect.
Art. 51. Tous ceux qui seront convaincus d'avoir donné ou reçu de l'argent ou des présents au sujet des élections, seront condamnés à une amende de trois mille livres, et déclarés incapables d'être électeurs ou éligibles pour te Corps législatif, les administrations provinciales et les municipalités.
Art. 52. Dans chacune des deux Chambres, le public sera admis aux séances en se conformant aux, règles établies pour maintenir le bon ordre. Les'séances seront néanmoins secrètes lorsque le tiers des membres le jugera nécessaire.
Art. 53. Les journaux ou procés-verbaux de chaque Chambre seront rendus publics par la voie de l'impression.
De la formation des lois.
Art. 54. Dans chacune des deux Chambres ou pourra proposer une nouvelle loi. Après avoir lu la motion laite à ce sujet par un des membres, on examinera si elle doit être rejetée ou si l'on
doit en examiner la discussion. Dans le second cas, Usera fait deux autres lectures à des intervalles différents, qui ne pourront être moindres de trois jours ; pendant ces intervalles, on écoutera toutes les observations qui serout présentées. Trois jours après la seconde lecture, le président demandera si quelqu'un des membres a encore' quelques réflexions à communiquer, et, dans le cas ou personne ne réclamera la parole, on décidera à la majorité des suffrages, si l'Assemblée se croit en état de prendre une résolution définitive; ou si elle veut ordonner des enquêtes ou des recherches, ou renvoyer à un autre temps pour faire de nouvelles réflexions, suivant la nature de la délibération qui aura été prise, on passera à la décision, ou l'on ordonnera un nouvel examen.
Art. 55. Aucune des Chambres ne pourra délibérer, si elle n'est pas formée par plus de la moitié de ses membres, et les décisions seront prises à la majorité des suffrages des personnes présentes.
Art. 56. Lorsqu'une Chambre aura pris une résolution au sujet d'une nouvelle loi, elle nommera une députation de six membres pour la porter à l'autre Chambre. Cette députation y sera reçue avec honneur, et placée vis-à-vis du président. Elle remettra le projet, afin qu'il soit examiné et discuté. Ce projet ne pourra pas être rejeté après la première lecture, comme s'il eût pris naissance dans la Ghambre; il ne pourra être accepté ou refusé qu'avec les formes qui viennent d'être indiquées.
Art. 57. Chacune des deux Chambres pourra consulter les juges suprêmes du tribunal de révision, lorsqu'elle le jugera convenable ; elle pourra entendre des témoins sur tous les faits dont la connaissance devra influer sur une loi nouvelle, et elle s'adressera au pouvoir exécutif pour contraiudre les témoins à comparaître à la barre. Le corps ou les particuliers dont les nouvelles lois proposées pourront blesser les intérêts, auront la faculté devenir à la barre de la Chambre, pour représenter les inconvénients, produire des témoins, et être entendus par eux-mêmes ou par des avocats, ou par d'autres personnes qu'ils auront choisis.
Art. 58. Tous les citoyens pourront présenter des pétitions au Roi et à l'une ou l'autre Chambre ; mais elles ne pourront être signées par plus de soixante personnes, à moins qu'elles ne soient également signées par les chefs des municipalités, ou les officiers des administrations provinciales, dans le ressort desquelles habiteront les signataires des requêtes.
Art. 59. Si l'une des deux Chambres désire quelques changements dans le projet qui lui aura été présenté, il sera établi des conférences dans la salle générale entre les commissaires nommés par les deux Chambres, auxquelles elles pourront être présentes.
Art. 60. Chaque Chambre aura la facultg de nommer des commissaires pour conférer avec les ministres du Roi. Ces conférences auront lieu dans la Ghambre même et tous les membres pourront être présents ; ces conférences pourront éga^ lement avoir lieu dans la salle générale, dans le cas où les deux Chambres auraient consenti à nommer des commissaires.
Art. 61. Le Roi ne pourra jamais adresser à une des deux Chambres aucun projet de lois; mais il pourra leur envoyer des messages pour les inviter à prendre en considération les objets qu'il croira les plus intéressants pour le bien de son
royaume, afin que des membres du Sénat ou de la Chambre des représentants puissent en faire le sujet de leur proposition.
Art. 62. Les envoyés du Roi seront reçus à l'entrée de la Ghambre par deux députés et placés honorablement vis-à-vis du président.
Art. 63. Aucune loi relative aux subsides, à leur répartition, ou aux emprunts, ne pourra prendre naissance dans le Sénat ; elle sera entièrement rédigée dans la Chambre des représentants, qui réglera l'emploi et la durée, et qui n'établira jamais d'emprunt sans avoir pris Jes mesures nécessaires pour en assurer le remboursement Aucun impôt ne sera jamais accordé que pour une année, sous la réserve de celui qui sera établi pour l'amortissement de la dette publique et le payement des intérêts.
Art. 64. Le Sénat aura le droit d'approuver les lois proposées sur cette matière, ou de les rejeter ; mais il ne pourra y faire aucun changement ou modification.
Art. 65. Aucun emprunt ne pourra être ouvert, et aucun subside perçu pour le Trésor royal, ou pour les frais de l'administration générale du royaume, sans le libre octroi ou la volonté des représentants, et le consentement des sénateurs. Aucun autre corps dans l'Etat ne peut les autoriser, et tous ceux qui contribueraient à la perception des subsides que les deux Chambres n'auraient pas accordés seront poursuivis comme criminels de haute trahison.
Art. 66. Les comptes .de L'administration et de l'emploi des deniers publics, ainsi que les détails des besoins pécuniaires de chaque département, et des sommes qui y auraient été employées, seront soumis chaqueVannée à l'examen des représentants , et rendus publics par la voie de l'impression.
Art. 67. Les représentants fixeront avec le consentement du Sénat, au commencement de chaque règne, les sommes dont le Roi aura la libre disposition, tant pour sa maison que pour les pensions et récompenses. Ces sommes une fois assiguées pourront être augmentées si les circonstances l'exigent, mais ne pourront jamais être diminuées pendaut la vie du Roi. Elles cesseront de plein droit à son décès, et au changement de règne les représentants détermineront de nouveau les sommes nécessaires, après avoir examiné si dans le cours du règne précédent il ne s'est point introduit un accroissement de la puissance royale contraire à la Constitution.
Art^ 68. Dans les lois de subsides ou d'emprunts, on ne pourra jamais insérer aucune disposition qui leur soit étrangère, ni présenter en même temps d'autre loi comme inséparable ; mais celles qui établiront des droits pour régler le commerce, ou des amendes contre les délits, ne seront pas censées lois de subsides.
Art. 69. Lorsque le projet d'une nouvelle loi sera adopté par les Chambres, elles s'en avertiront mutuellement, et elles enverront une députation au Roi, composée d'un nombre égal de sénateurs et de représentants ; le projet sera présenté à Sa Majesté par un des sénateurs. Il en sera autrement des lois relatives aux subsides et aux emprunts, qui, après l'acceptation des sénateurs, seront renvoyées aux représentants, qui nommeront des députés pour les porter au Roi, sans l'intervention des sénateurs.
Art. 70. Avant la fin de la cession, le Roi fera assembler les deux Chambres dans la salle générale, 11 s'y rendra lui-même pour prononcer sur les diverses lois qui lui auront été portées pen-
dant le cours de la session; et s'il ne peut s'y rendre, un de ses ministres viendra en son nom. Le Roi sera reçu par une nombreuse députation de,sénateurs et de représentants à quelque distance de la salle générale, Le ministre qui viendra en son nom sera reçu comme envoyé du Roi, par un sénateur et un réprésentant à l'entrée de la salle, et il sera placé prés du Trône. Lorsqu'une loi exigera une décision plus prompte, Sa Majesté pourra prononcer sans attendre la fin de la session.
Art. 71. Le ministre du département auquel les projets de lois seront relatifs en fera lecture, et le chancelier ou le garde des sceaux prononcera le consentement du Roi en ces termes : Sa Majesté donne sa sanction royale. Les arrêtés du Sénat et des représentants ainsi sanctionnés seront dès ce moment de véritables lois, et le Roi les fera publier et exécuter en son nom dans toute l'étendue de ses Etats.
Art. 72. Le préambule de la loi annoncera qu'elle a été formée par les résolutions des sénateurs et des représentants, et elle se terminera ainsi : Fait et arrêté en l Assemblée générale du Corps législatif, avec la date du jour ae la séance du Roi ; elle sera signée par le Roi, les présidents et les secrétaires de chaque Chambre, visée par le chancelier et le garde des sceaux, et déposée dans les archives du Corps législatif et dans celles de la couronne. Des extraits seront envoyés aux administrations provinciales, qui les déposeront dans leurs archives, et les adresseront aux municipalités et aux cours supérieures, qui les déposeront dans leurs greffes et les adresseront aux tribunaux inférieurs, et rien ne pourra suspendre l'exécution des lois ainsi publiées.
Art. 73. Lorsque le Roi ne croira pas devoir accorder sa sanction, il ne sera pas obligé d'en faire connaître les motifs. Mais le chancelier ou garde des sceaux prononcera en ces termes: Sa Majesté examinera.
Art. 74. Ln projet de loi qui aura été rejeté par le Roi ou par une des deux Chambres, ne pourra pas être de nouveau proposé pendant la même année.
Art. 75. Aucun sénateur ou représentant ne peut être recherché pour ses discours ou ses procédés dans ses fonctions. 11 n'en est comptable qu'à sa propre Chambre.
Art. 76. Les crimes ou les malversations commis par les ministres, les officiers du tribunal de révision, les commissaires du Roi dans les provinces, et enfin par toutes les personnes constituées dans les hautes dignités, et qui n'ont d'autre supérieur que le Roi, seront dénoncés et poursuivis par les représentants, et jugés par les sénateurs.
Art. 77. Les représentants, avant de prononcer solennellement l'accusation, feront toutes les enquêtes et recherches nécessaires ; et lorsqu'ils auront reconnu la dénonciation faite par un ou plusieurs membres juste et régulière, ils nommeront un comité pour poursuivre l'accusé devant le Sénat.
Art. 78. Lorsqu'il sera porté au Sénat une accusation de ce genre, il exercera l'autorité judiciaire comme tribunal suprême, et pourra faire emprisonner et condamner à toutes les peines portées par les lois, suivant la nature du délit, et alors les juges du tribunal de révision auront séance dans le Sénat, et voix instructive.
Art, 79. La liste des sénateurs présents et des juges du tribunal de révision sera soumise à l'accusé avant le jugement. 11 pourra récuser la moi-
tié de ses juges et le tiers des sénateurs coinpris dans la liste.
L'Assemblée nationale arrête que les rapports de M. le comte de Lally-Tollendal et de M. Mounier seront incessamment imprimés.
invite les comités de vérification, de féodalité et de judicature à s'assembler le soir : il renvoie aux bureaux l'examen de la motion tendant à la formation d'un comité de douze personnes chargées de traiter avec le premier ministre des finances des divers objets contenus dans son mémoire sur l'emprunt : il indique l'assemblée générale à sept heures du soir.
Séance du soir.
ouvre la séance, en mettant à la discussion le troisième article de la motion faite par M.deTalleyrand-Périgord, évêque d'Au-tun, le 27, pour la nomination du comité extraordinaire de douze personnes, qui seraient chargées de l'examen des diverses opérations énoncées au mémoire du ministre des finances, s'occuperaient particulièrement, et de concert avec ce ministre, des moyens d'établir promptement le niveau entre les dépenses et les recettes, et rendraient compte de leur travail, deux fois par semaine, à l'assemblée générale.
Cette motion, généralement adoptée quant au fond, subit divers amendements ; les uns proposent de nommer les douze au scrutin, et cependant de les faire correspondre à la fois, et au comité des finances déjà établi, et au ministre ; d'autres veulent qu'ils soient aussi chargés des réformes à faire dans la perception des impôts, de la recherche des moyens les plus prompts et les plus justes de rétablir la proportion dans la contribution des privilégiés ; de proposer des méthodes d'opérations progressives, telles que la dette de l'Etat puisse être successivement amortie, et les intérêts exactement acquittés, en attendant son extinction, sans qu'il en résulte un surcroit d'impôts sur les contribuables qui payent, sans faveur et sans privilège, les deux vingtièmes, et leur quote-part de la taille, ou de toute autre charge publique.
Un autre membre, donnant encore plus d'extension au travail du comité proposé, voulait qu'il correspondît aux hommes les plus éclairés sur le meilleur mode d'impositions à établir ; qu'il se mit en état de présenter au plutôt à l'Assemblée trois tableaux différents et authentiques, l'un du produit annuel de chaque espèce d'impositions, et des frais de perception ; l'autre des impositions les plus onéreuses à l'agriculture et au commerce, avec un avis motivé sur les divers projets de remplacement qui ont été publiés ou proposés à l'administration depuis 1787 ; le troisième, de tous les objets de luxe et de consommation non imposés, avec un aperçu approximatif de leur produit possible. 11 le chargeait aussi de veiller a l'emprunt dernièrement décrété par l'Assemblée et à l'état de la place.
Il proposait aussi de statuer que le comité général des finances rendrait compte, par sections et successivement, des recettes et dépenses qu'il aurait vérifiées; d'abord celles du Trésor royal, ensuite, celles des divers départements ; qu'il s'occupât clans chaque section des réductions possibles ; qu'il s'attachât à simplifier les formes de la comptabilité, en adoptant, si cela * était praticable, la forme des commerçants et
banquiers, et consultant à cet effet les administrateurs et trésoriers des caisses.
Il ne voulait obliger l'un et l'autre comité qu'à rendre compte une fois par semaine de son travail à l'Assemblée. Mais il désirait, avant tout, que le Roi fût prié d'ordonner la perception exacte des impositions actuelles, sauf celle delà gabelle ; de faire donner, au besoin, main forte aux receveurs, et tout appui nécessaire aux tribunaux.
La discussion épuisée, et la motion remise en délibération, l'Assemblée a arrêté que le comité de finances, déjà subsistant, choisira douze de ses membres, pour correspondre avec le ministre des finances, sur tous les objets énoncés dans le mémoire qu il a adressé à l'Assemblée.
On reprend la discussion sur les grains.
lit un très-long mémoire. Il propose l'abolition du commerce exclusif des grains, que font les négociants français, et demande à l'Assemblée une permission provisoire de prendre, pendant six mois, des farines et des comestibles à l'étranger. 11 demande en outre lecture d'une lettre datée de Paris, écrite par M. Duchilleau, gouverneur de Saint-Domingue, arrivé en France, qui annonce les besoins de la colonie.
Ces propositions sont combattues par M. Guine-baud, négociant de Nantes, et M. Huard, négociant de Saint-Malo. Ils disent que c'est à tort que les députés de Saint-Domingue veulent représenter les négociants français comme des tyrans qui, pour faire fortune, voudraient sacrifier, affamer même les colonies ; qu'on ne supposera jamais de leur part de pareilles horreurs ; qu'ils ne veulent que la prospérité du royaume, essentiellement liée à celle du commerce ; que c'est avec les armes de la raison, par des mémoires réciproques appuyés sur des faits, qu'ils veulent traiter la question du commerce des colonies, et la décider par les principes de la plus exacte justice ; mais qu'en matiere de commerce, tout était lié et relatif ; que l'exportation des farines de France pour les colonies en était une partie indispensable ; qu'on ne pouvait statuer sur la demande des députés de Saint-Domingue qu'après des instructions qui ne sont pas aussi célèbres qu'on le dit ; que l'Assemblée ne peut se dispenser dans une matière aussi intéressante de consulter: 1° le gouvernement sur l'état de la colonie, les ministres ayant offert toutes instructions à l'Assemblée, et même spécialement sur cette affaire ;
2° Les places de commerce auxquelles, le 27 de ce mois, le comité des colonies de Saint-Domingue, résidant à Paris, a écrit pour leur proposer de se concilier sur les intérêts du commerce ;
3° Un comité de négociants, députés de diverses villes auprès de l'Assemblée nationale, auxquels le comité de Paris a également écrit, et qui ont remis à l'Assemblée un mémoire tendant à demander communication des mémoires secrets sur ie commerce, la permission d'y donner leurs réponses, et notamment sur l'affaire actuelle (un des secrétaires donne lecture de ce mémoire) ;
4° Un comité de commerce, établi dans d'Assemblée.
prend l'occasion, de rappeler et de répéter la motion du 24 juillet, tendant à l'établissement de ce comité, sur laquelle l'Assemblée
statua de renvoyer la discussion à la prochaine séance. Il rétablit les faits, il lit les passages de l'ordonnance de M. Duchilleau du 9 mai, rendue par lui, malgré l'opposition et la protestation de l'intendant ; l arrêtdu conseil du 2 juillet, qui casse cette ordonnance, il dit que le cas n'était pas cé-lère,puisqu'auxfins de l'arrêt même, l'importation des farines étrangères avait lieu à Saint-Domingue; que les administrateurs, qui sont sur les lieux, à portée de juger de l'état des choses, ne manquent jamais d'user du droit qu'ils ont d'ordonner l'introduction des comestibles ; d'où il conclut qu'il n'y avait pas célérité ; que dans tous les cas l'Assemblée ne pouvait statuer qu'après l'instruction prise avec le gouvernement, et offerte par le commerce.
Il a ajouté qu'il était indigné d'avoir entendu les propos tenus samedi, lors de la discussion de cette affaire, par un député, contre le ministre de la marine ; savoir : qu'il avait fait revenir en France M. Duchilleau, administrateur vertueux, par cela seul que, louché de la position affreuse cle Saint-Domingue, il avait permis d'y porter des grains quand il y avait disette ; qu'un pareil propos ne pouvait tendre qu'à enlever, s'il eût été possible, au ministre l'estime que lui a témoignée l'Assemblée quand elle a demandé rappel au Roi, et qu'il est d'autant plus coupable, qu'il est faux. Ce qu'il a prouvé par la lecture de l'article premier de l'ordonnance du 9 mai de M. Duchilleau, et de l'arrêt du conseil du 2 juillet, du passage de la protestation de l'intendant.
finit par dire que cette façon de présenter les choses en les déguisant devait prouver que MM. de Saint-Domingue ne sont pas bien exacts dans leurs plaintes, et qu'il faut au moins les approfondir et les vérifier.
Ces raisons ont frappé l'Assemblée, qui a manifesté son désir de ne décider qu'après une ample instruction.
La séance est levée.
Séance du er septembre
1789
Il a été fait lecture des procès-verbaux des 27, 28 et 29 août.
Il a été présenté différentes adresses d'adhésion, de félicitation et de reconnaissance de la part des citoyens du bourg de Landzer en Haute-Alsace, de la communauté de Lançon en Provence, de la ville d'Orbec en Normandie, des officiers municipaux de Nancy en Lorraine, du corps municipal delà ville de Condé eaHainaut, de la ville etviguerie de Sauve er? Languedoc, cle la viguerie d'Apt en Provence, des officiers municipaux de la ville de Montbard en Bourgogne, des habitants de la ville d'Ernée au Maine, des trois ordres de la ville de Néronde en Forez, du chapitre de la collégiale de Cuers, de la ville d'Issingeaux en Languedoc, des électeurs des trois ordres du bailliage de Bourbon-Lancv, de la ville de Candie/, diocèse d'Alez en Languedoc; du bureau des fi-
nances de Besançon, de la commune d'Oger en Champagne, des commissaires du comité du district de Ponteroix cyi Bretagne, de la ville et châ-tellenie de Cinte-Gabelle en Languedoc, de la ville d'Ambert en Auvergne, des officiers municipaux de la ville de Belpech, de la ville d'Amiens, du conseil municipal du bourg de Gordes en Provence, de la ville de Dompaire en Lorraine, des notaires de la ville d'Autun, de la ville de Jugnon en Bretagne, des villes haute et basse de Mont-médy, des paroisses de Freneuse et de Montfort-sur-Rille en Normandie, qui offrent de faire incessamment, et par anticipation, verser au Trésor royal, la première, six mois, la seconde, trois mois de ses impositions; de la ville de Bort en Limousin, de la ville de Rocroy en Champagne, portant renonciation à ses privilèges particuliers ; des juge et procureur fiscal de la prévôté de Ver-nouillet-sur-Seine, qui offrent de rendre gratuitement la justice.
U.njde Messieurs les secrétaires a remis sur le bureau un exemplaire d'un ouvrage intitulé: Mélanges de Philosophie et d'Économie politique, dont le sieur Grivel a fait hommage à l'Assemblée nationale.
Le sieur Thurel, soldat depuis 74 ans, dans le régiment de Touraine, ayant offert, dans une lettre adressée à l'Assemblée par les officiers de ce régiment, le sacrifice d'une pension de trois cents livres, réversible à sa femme et à ses enfants, qui lui a été accordée par Sa Majesté, en 1787 ; et cet exemple ayant été suivi par le chevalier de Montalembert, seul officier de ce régiment qui jouisse d'une pension de deux cents livres, qui lui a été accordée pour la perte d'un œil dans un combat naval en Amérique; et par les sieurs du Moulin de Labartete, de Querelles, et du Pont du Chambon, officiers au même régiment, et élèves de l'École militaire; l'Assemblée nationale, en applaudissant à ces sacrifices patriotiques, n'a pas pensé devoir les accepter, et a ordonné que les brevets de pension qui lui ont été adressés, seraient rendus.
L'ordre du jour appelle la délibération de VAssemblée sur la question de la sanction royale.
. Je réduis en deux points la discussion qui vous occupe.
1° La sanction du Roi est-elle indispensablement nécessaire?
2° Le Roi doit-il faire une partie intégrante de la législation?
La seconde question sera, pour ainsi dire, décidée par la solution de la première. La sanction royale est-elle nécessaire? Alors le Roi est une partie intégrante de la législation. N'est-elle pas nécessaire? Alors le Corps législatif est étranger au pouvoir exécutif.
Aussi je n'examinerai maintenant que la première question.
Il faut convenir d'une grande vérité; le royaume de France a toujours eu pour gouvernement le gouvernement monarchique, et même avant le temps où les rois avaient secoué le joug de l'usage qui leur imposait la nécessité de consulter le peuple sur la formation des lois. Si les représentants de la nation ont reçu d'elle le pouvoir d'abolir cet ancien régime, l'Assemblée nationale peut sans doute l'anéantir; mais si nos mandats ne nous donnent la faculté que de le régénérer, ce serait les violer que de croire que nous avons le pouvoir de le détruire. Pour donner une autre
forme de gouvernement à la patrie, il faudrait une convention nationale.
Une convention nationale n'est autre chose que l'expression de la volonté générale: or, il est impossible de croire que la nation a eu l'esprit de nous envoyer à une convention, mais à l'Assemblée des États généraux réunis en une seule chambre.
Dira-t-on que les cahiers demandent une constitution? Mais tous les cahiers ne portent pas qu'il faut anéantir l'ancienne, qu'il faut détruire la monarchie; mais tous les cahiers portent qu'il faut déraciner les vices et étouffer les abus. La nation n'a pas prétendu s'abandonner à la Constitution qu'il plairait à ses représentants d'arrêter; elle a seulement ordonné qu'elle voulait, en confirmant l'ancienne, en relever les fondements. Voilà tout ce que nous prescrivent nos cahiers: il est donc impossible de les dépasser.
Les assemblées élémentaires, dira-t-on, ne prévoyaient pas les circonstances, la force de l'opinion publique et les conjonctures où nous nous trouvons. Nos commettants n'ont pu nous fixer-une marche dont ils n'ont pu prévoir l'étendue.
Mais, au milieu de ce vide arbitraire, il est des points fondamentaux vers lesquels on se rallie. Ainsi tous nos cahiers nous expriment le désir de vivre dans un gouvernement monarchique; tous nous ôtent le droit de le changer.
Il est donc prouvé que la nation ne peut, sans dénaturer le gouvernement, déclarer toutes nos lois affranchies de la sanction. Dans tous les temps nos rois l'ont eue, et elle est de l'essence de la monarchie.
M. le duc de Liancourt parle ensuite des faits qui prouvent la possession des rois sur la sanction. Il invoque les preuves que le comité avait déduites hier: faits historiques, auteurs anglais, gouvernement anglais, tel a été le bon côté de la défense de la sanction royale, par M. le duc de Liancourt.
, député de Lorraine (l). Messieurs, il me semble qu'aucun de nous ne conteste au Roi le droit d'approuver une loi qui lui serait agréable et de la sanctionner. L'exercice d'un pareil droit n'ayant pas pour objet de rendre illusoires les décrets de l'Assemblée, il en résulte seulement plus d'éclat pour la majesté du trône et nous ne devons rien lui refuser de ce qui peut la rendre imposante et respectable (2).
Mais si la loi déplaît au Roi, doit-il avoir un droit négatif absolu, ou seulement
suspensif jusqu'à la prochaine session ? Tel est, Messieurs, à ce qu'il me semble, le vrai
point de la question. Le veto absolu est définitif; il ne laisse aucune ressource au peuple,
si le Roi se trompe ou si son intérêt lui dicte de refuser le bien de la nation: Le veto
suspensif est une sorte d'appel à la nation, qui la fait intervenir comme juge à la première
session,entre le Roi et ses représentants. D'après cette définition, la question me paraît
décidée; car le droit suspensif se déduit des principes: il
Ce serait avec justice que les défenseurs du veto absolu s'élèveraient contre leurs adversaires, si ceux-ri prétendaient qu'il faut ôter au Roi toute espèce de sanction. Mais, lorsqu'on leur fait entendre qu'il est seulement question de substituer au droit d'empêcher le droit Ae suspendre ; que ce droit conserve au peuple sa souveraineté, sans aucun inconvénient, alors, tout en convenant du principe que la souveraineté réside dans la nation (1), ils se retranchent à dire que l'utilité publique, plus impérieuse que le principe, exige qu'il soit altéré; qu'il est utile, surtout, d^n agir ainsi pour le peuple français, parce qu'il n'est pas un peuple nouveau; qu'il est habitué à être dominé; que ses mœurs sont relâchées, ses opinions déréglées, et qu'il est très-dangereux de lui laisser la plénitude de ses droits (2).
Il est dangereux sans doute, de rendre la liberté à un esclave qui a vieilli dans ses liens, et contracté les vices de la servitude. La première chose à faire, avant de le rendre libre, c'est de lui faire aimer sa liberté, c'est-à-dire les lois : c'est de régénérer son cœur et de l'élever à la dignité d'homme. Mais qui doute que cette révolution ne soit faite? Quelles que soient les mœurs des habitants des villes, la nature, qu'on n'étouffe jamais, se réveille dans les grandes circonstances. Des passions nouvelles viennent embraser les âmes: les maximes de i'égoïsme qui isolent l'homme, cèdent en peu de temps à ces élans inconnus et délicieux qui le rapprochent et qu'on préfère à tout, quand on les a sentis dans toute leur énergie; et c'est ainsi qu'un grand peuple, avili par l'oppression, mais toujours généreux, après avoir croupi pendant des siècles dans l'esclavage, après avoir désespéré de lui-même, reprend toute sa force et toute sa dignité lorsqu'il éprouve ces grandes passions qui sont naturellement en réserve dans tous les cœurs.
Ce que je dis des habitants des villes, je l'avancerai plus hardiment encore à l'égard de ceux des campagnes. Là, toutes les ressources restent à la nature; la conscience y fait entendre sa voix: les droits de l'homme et de la divinité n'y sont point mis en oubli ; et s'ils sont injustes quelquefois, c'est aux vices seuls du gouvernement qu'il faut s'en prendre; c'est leur misère, c'est la tyrannie dont on use envers eux qu'il faut en accuser. Traitons-les avec bonté, et nous les rendrons humains; avec justice, et nous les rendrons justes; avec les égards dus à des hommes libres, et nous les rendrons dignes de la liberté. Tous les empires ont été fondés par des hommes grossiers; Rome elle-même n'a pas eu une origine différente ; et les cœurs farouches qui en ont tracé l'enceinte n'ont eu besoin que d'avoir des lois pour savoir les respecter.
Je regarde donc, Messieurs, la révolution? comme absolument faite dans tous les cœurs; il
ne lui manque que l'appui d'un code de lois sages pour être durable. Les Français sont
aujourd'hui tout ce qu'ils peuvent être : et moi qui n'ai que trop accusé ma patrie pendant
sa longue léthargie, je déclare que je serai le premier dé-
Qu'on ne nous effraie donc pas lorsque nous parlons de l'exercice de la souveraineté, lorsque nous remettons le pouvoir dans les mains de la nation au moyen du veto suspensif; qu'on ne nous effraye pas, dis-je, en nous peignant une multitude effrénée courant à sa perte, ne sachant pas discerner le bien avec le mal, saisissant le poison avec autant d'avidité qu'un mets salutaire, et se plaisant à se nuire à elle-même. Un homme peut être fou, mais une grande nation ne saurait l'être; mais une grande nation qui réfléchit sur ses intérêts, qui stipule pour elle-même, ne saurait vouloir son propre mal.
Mais l'histoire, nous observe-t-on, est pleine des erreurs de la multitude: la multitude ne gouverne que parce qu'elle est passionnée; elle immole les grands hommes, et, sans les erreurs de la multitude, Socrate n'eût point bu la ciguë.
Que nous sommes malheureux, Messieurs, d'être aussi peu familiarisés avec les matières
politiques, d'être exposés à toutes les erreurs du plus grossier sophisme. Le peuple ne
saurait gouverner sans passion! Mais qui parle ici de gouverner? Le gouvernement n'est pas la
souveraineté: gouverner n'est pas faire des lois (2); quand le peuple d'Athènes jugeait ses
grands hommes, il faisait une fonction de magistrature ; il avait en vue un objet particulier
(3); il gouvernait, il pouvait se tromper, et il le faisait souvent. Mais, quand le peuple
d'Athènes, celui de Sparte, de Rome, etc., usaient de la souveraineté, c'est-à-dire faisaient
des lois ; quand ils stipulaient
Je désirerais seulement que ceux qui parlent du peuple avec tant de légèreté voulussent bien être d'accord avec eux-mêmes. La nation est idolâtre de son chef, nous répètent-ils sans cesse (I); le Français est confiant, généreux, magnanime ; il est le bon peuple, le peuple éclairé: patient dans la servitude, il a réclamé ses droits avec énergie et s'est montré ami de l'ordre au sein même de l'anarchie. Puis tout à coup, changeant de langage, ils nous assurent que tous les peuples sont aveugles, sans en excepter même les Français; qu'ils sont frénétiques, incapables de connaître leurs avantages, ennemis de tout gouvernement. Le Français, ébranlera le trône, anéantira la puissance royale, heurtera tous les principes avec une stupidité qui le rendra enfin victime de ses propres excès. Quelle logique 1 Et ils ne voient pas que tout ce qui se passe les contredit! Dans quel temps le Français sera-t-il plus fatigué de son gouvernement? Dans quel temps l'aura-t-il plus entièrement à sa merci? Quand le pouvoir exécutif sera-t-il plus relâché et l'Assemblée nationale plus à portée de l'usurper (2) ? Où sont donc les entreprises de l'Assemblée nationale et du peuple? Quel fait pourra-t-on nous citer qui ne prouve pas notre attachement à la monarchie? Le peuple est stu-pide, nous dit-on 1 II le serait, Messieurs, s'il ne savait apprécier les sophismes dont on se sert pour le calomnier. Les excès qu'on lui reproche ne sont pas dans son caractère : les excès qu'on lui reproche sont la satire la plus amère de ses oppresseurs.
D'ailleurs, ce n'est pas le peuple en France qui discute les lois, ce sont ses
représentants (3), c'est-à-dire une assemblée de sages, choisis par
J'en appelle à vos arrêtés, Messieurs ; vous êtes dignes de la haute place que vous occupez. Que vos orateurs soient moins prodigues de votre temps et pluspéuétrésde votre sagesse ; que d'un autre côté, ceux qui voient avec peine vos résultats, sachent étouffer leurs intérêts particuliers, moins gêner votre marche, opposer moins d'obstacles à la juste impatience où vous êtes de tirer la France de l'anarchie où elle est plongée ; alors vos délibérations seront calmes; mais vos résultats n'en seront pas plus sages; ils seront seulement plus prompts et plus utiles.
Ce que j'ai déclaré par rapport au peuple, je le déclare, Messieurs, par rapport à cette auguste Assemblée : je suis pénétré de sa sagesse et je m'élèverai avec force contre ceux qui l'accuseraient de légèreté, comme s'ils la calomniaient.
Je ne me permettrai plus qu'un mot, pour disculper ma patrie et ses représentants. Jetez les yeux, Messieurs, je vous en prie, sur ce qui s'est passé dans nos assemblées élémentaires. Ces assemblées ont-elles été tumultueuses, désordonnées? Ces assemblées qui se tenaient par un peuple entaché de tous les vices de la servitude et qui ressaisissait sa liberté ont-elles été même licencieuses? Y a-t-on préféré l'extravagance à la sagesse? Y a-t-on pris des résultats indignes de la nation ? Les cahiers qui s'y sont rédigés, ne sont-ils pas au contraire le germe des meilleures lois? Par ce qui s'est passé, jugez de ce qui peut être, et contiez-vous en vous-mêmes, puisque vous en êtes dignes, et dans vos concitoyens, puis-qu'après vous avoir choisis ils sont certainement dignes de vous.
La volonté générale ne peut errer, dit le plus grand publiciste du siècle. Pourquoi? C'est que quand la nation fait des lois, tous stipulent pour tous : l'intérêt général est nécessairement le seul qui domine ; et il est aussi absurde de supposer un peuple faisantuncode de mauvaises lois, qu'un homme qui, pour son bien, se déterminerait à s'arracher les yeux ; ce qui ne veut pas dire qu'un peuple ne puisse rendre de forts mauvais jugements ; mais, encore un coup, gouverner ou juger, n'est pas faire des lois.
Nos adversaires conviennent de ces principes ; mais ils se retranchent à supposer des frénétiques haranguant le peuple dans ses assemblées élémentaires, et l'engageant à se nuire, en lui dictant des résultats extravagants. Quand cela serait possible dans un petit Etat, au moins fau-
drait-il convenir que cela serait bien difficile en France. On ne concevra jamais autant de furieux se dirigeant dans les mêmes principes, qu'il y aura d'assemblées élémentaires. On ne concevra jamais que la multitude, toujours si éclairée sur ce qui lui convient, quelle que soit d'ailleurs son ignorance, puisse donner tout entière dans un piège aussi grossier ; surtout que l'on considérera que la classe moyenne, celle des honnêtes citoyens, est partout la plus nombreuse, qu'elle compose presqu'en entier cet ordre duquel les représentants des communes sont tirés, et dont ils s'honorent.
Eufin quand les frénétiques, qu'on suppose si gratuitement, puisqu'ils n'ont pas même existé dans nos premières Assemblées, puisqu'au sein des troubles ils n'ont pas même empêché l'excellente organisation des municipalités et des milices bourgeoises, laquelle, pour être excellente, n'a pas eu besoin de la sanction royale ; quand des orateurs frénétiques, dis-je, parviendraient à égarer le peuple, le mal qui en résulterait pour l'Etat serait bien vite senti; le mai serait donc bien vite réparé. Je ne nierai pas que cet inconvénient n'ait quelque chose de réel ; mais quelle institution est sans inconvénient? Parce qu'un homme peut abuser de sa liberté, commencerons-nous par l'enchaîner? Parce qu'un peuple peut se tromper, le livrerons-nous à ceux qui ont le plus grand intérêt de le trahir?
En suivant le seul raisonnement que puissent nous opposer nos adversaires, en supposant, ce que je suis loin de croire, qu'on puisse faire délivrer une grande nation d'un commun accord et lui faire voir son propre mal, examinons un moment, Messieurs, la nature du remède qui nous est proposé. La nation, par ses représentants, aura le droit de délibérer longuement un point de législation ; le Roi pourra dire : f empêche, et sans autre raison, la nation perdra tout le fruit de sa délibération I Si le monarque était un Dieu, si ses ministres au moins avaient des lumières et une sagesse aussi étendue que l'exigeraient leurs hautes fonctions, je ne trouverai rien de plus raisonnable. Mais si le gouvernement n'est composé que d'hommes naturellement ambitieux, avides de domination et toujours prêts à usurper tous les pouvoirs, quel avantage reviendrait-il à la nation de leur confier son sort. En réglant seule ses lois, il était douteux si elle se tromperait : il est certain qu'elle se trompe en les attendant de la bonté des ministres.
Une pareille institution n'appartient qu'à des esclaves. La nation n'aurait rien gagné à la révolution ; je soutiens même qu'elle aurait perdu. Tout particulier dans le gouvernement le plus despotique n'a-t-il pas le droit de proposer? Le droit du despote n'esl-il pas de rejeter ou d'admettre? Nous n'aurions donc rien fait en tenant cette niémorable Assemblée que ravaler la nation à l'état du plus simple particulier ; si j'en excepte toutefois le moyen terrible des insurrections que la tenue de nos Assemblées lui ménagerait. Ce n'était pas la peine d'offrir sa vie, de prodiguer sa fortune et ses veilles pour consacrer de pareils principes; il valait mieux encore laisser sa patrie dans son antique usage, que d'accepter nos mandats pour venir river ses fers.
M. Mounier convient (et c'est déjà un grand aveu) que le veto absolu n'est pas nécessaire pour les lois de Constitution. Eh bien ! M. Mounier doit convenir, d'après les mêmes principes, qu'il est également inutile pour toute espèce de lois. La Constitution est la base de tout ; elle est le fon-
dement de la liberté ; mais les lois constitutionnelles ne sont rien sans les lois subséquentes. Que nous servira de bien organiser le pouvoir exécutif, si nous ne pouvons lui donner que de mauvaises lois à exécuter ; s'il met son veto absolu sur toutes celles qui seraient si clairement rédigées qu'elles ne pourraient être éludées ; s'il n'accepte que celles dont il pourra abuser sans rien craindre? Ce raisonnement a surtout une extrême force pour nous qui avons tant de lois civiles à retrancher, à corriger, à modifier. Les ministres seront responsables, il est vrai ; mais comment les transgressions pourront-elles se prouver, si dans toutes les lois nouvelles que les ministres voudront bien nous permettre de faire, ou dans les anciennes qu'ils maintiendront malgré nous, ils trouvent le moyen d'échapper à l'œil du peuple? On distingue les lois en fondamentales et civiles; mais, quand on y réfléchit, on sent qu'il est impossible de tirer la ligne de démarcation ; on sent que le code entier se soutient dans son ensemble, que toutes les lois ont des rapports très-marqués, et qu'en raisonnant bien, une loi, même d'administration, pourrait se trouver le centre de toutes les autres aussi justement peut-être qu'une loi de Constitution.
Par exemple, Messieurs, vous avez les arrêtés du 4 ; je suppose, si vous adoptez le fatal veto, qu'on ne vous fera pas la mauvaise chicane d'y refuser la sanction ; mais vous sentez qu'en refusant de sanctionner les lois subséquentes, on rendrait ces arrêtés bien illusoires et fort inuliles. Il en est de même de la Constitution, on la rendrait également vaine en reietant les lois de détail. La Constitution donne la vie au corps politique; les lois civiles déterminent ses actions. Qu'importe que le corps politique vive et soit robuste, s'il se trouve gêné pour agir, s'il est forcé de rester en place?
Mais le Roi n'a pas lui-même le droit de proposer. Et quand il n'aurait pas l'extrême facilité de faire proposer ce qu'il voudrait, qu'aurait-ii besoin de l'initiative? Le gouvernement ne profite que des abus ; les abus par laps de temps deviennent des lois. Le peuple qu'on nous peint comme si inquiet, comme si ardent à tout renverser, le peuple se laisse au contraire conduire par l'habitude; il faut qu'il souffre longtemps pour se résoudre à corriger sa législation. La circonstance actuelle ne le prouve que trop. Lorsqu'il faudra changer une loi devenue mauvaise parce que les temps auront changé, devenue abusive parce que le gouvernement aura trouvé moyen de l'éluder, il suffira au gouvernement de faire usage de son veto absolu : il conservera ainsi tous ses avantages, et le peuple, à la fin, tout en se croyant libre, n'en sera pas moins ruiné et opprimé qu'auparavant.
Celui qui a le droit de refuser la loi, pose nécessairement la loi contraire : celui qui veut éluder les lois et qui a tant d'intérêt à le faire, les élude à la fin ; il n'y a plus alors qu'à empêcher les lois nouvelles sous prétexte d'innovation. Son droit négatif devient un véritable droit positif; le peuple est à sa merci, et le gouvernement est certainement despotique.
Qu'on ne dise pas qu'outre la correction des abus, il y a beaucoup de lois nouvelles à proposer. Celte assertion qui serait peut-être vraie pour un peuple nouveau qui n'a pas encore porté le joug des lois, ne l'est pas par rapport à nous et ne peut même jamais l'être. Une loi quelconque aura toujours pour objet d'abroger, de changer, de modifier quelque autre loi déjà existante. C'est
donc sous ce seul point de vue qu'il faut envisager la question. La nation ne peut jamais être dans le cas de proposer un point nouveau de législation: elle ne peut que corriger ou abroger (1), c'est-à-dire qu'elle sera toujours à la merci du gouvernement.
Et qu'on y prenne bien garde ; le gouvernement le plus despotique a commencé par respecter les lois ; ce n'est jamais de front qu'un despote attaque la législation : il élude, il abuse, il rend à force de temps et d'efforts la loi arbitraire, c'est-à-dire qu'il ne met à la tin sa volonté à la place de l'autorité légitime qu'au nom même de la loi. Ce progrès, qui a eu lieu dans tous les gouvernements du monde, parce que les chefs sont actifs, vigilants, avides de pouvoir, et que le peuple, quoi qu'on en dise, s'endort dans la confiance et ne s éveille que pour sentir la pesanteur de ses fers ; ce progrès, dis-je, a déjà eu lieu en France, et il est inévitable par la suite.
Je ne vois pas quels arguments on peut opposer à tant de preuves : aussi nos adversaires se contentent-ils de donner pour remède à ces maux les insurrections du peuple. Ce moyen, qui est si douteux, est terrible lorsque le peuple se détermine à en user : peut-on donner comme une ressource des mouvements populaires qui tendent à tout détruire? Le but de toute association politique est la paix ; elle ne doit être maintenue que par des moyens paisibles; et tout gouvernement qui n'est pas institué sur cette règle est certainement vicieux.
Mais, dit-on, c'est le vœu de la majorité des cahiers; c'est l'intention de nos commettants. Sans entrer dans cette question des mandats, déjà si victorieusement combattue, je me contenterai d'observer que le plus grand nombre sur cet article ne sont pas impératifs ; d'ailleurs, nos commettants ont manifesté un autre vœu qui est la conséquence du premier; ils ont voulu que l'impôt fût refusé lorsque le monarque rejetterait de Donnes lois. Ces deux points ne doivent pas être traités l'un sans l'autre, si nous ne vouions pas aller contre le vœu de la nation.
Or, je soutiens que cette ressource proposée par nos commettants, parce qu'alors ils n'osaient rien espérer de plus, parce qu'ils sentaient que la révolution ne pouvait se faire sans une insurrection ; je soutiens, dis-je, qu'elle n'a point d'autre sens, sinon que dans le cas d'un refus du monarque, on le contraindra d'accepter. Refuser l'impôt, c'est rompre le pacte social, c'est dissoudre l'Etat, c'est déclarer une guerre civile. Est-il présumabie que nos commettants nous auraient chargés de leur ménager des moyens si violents, s'ils avaient pu en prétendre davantage? Les deux articles réunis sont incertains dans leurs effets, et terribles dans leurs conséquences. C'est donc entrer dans l'intention de nos commettants que de les retrancher tous deux pour leur substituer une loi sûre, qui se déduit des principes, qui laisse au peuple sa souveraineté, et dont les défauts, que je ne me dissimule pas, ne sont rien en comparaison de ceux qu'on voudrait y substituer.
Je conclus que le peuple peut et doit faire usage delà souveraineté: je conclus encore que
dans un gouvernement représentatif, il ne doit pas même livrer, à ses représentants, quelque
sages qu'ils soient, les articles de sa Constitution qui lui assurent cet usage; car s'il est
vrai qu'une
Mais, comme il est dangereux que les représentants soient liés sur d'autres points; que le bien même de la nation veut qu'après avoir assuré cette liberté qu'elle ne saurait aliéner, elle laisse quant au reste ses mandataires libres d'interpréter son vœu et de délibérer ; il se présente dans ces sortes de gouvernement une grande difficulté : c'est que si la volonté générale ne peut errer quand une nation fait la loi, les Assemblées qu'elle délègue peuvent se tromper, car si la volonté ne saurait se représenter, c'est qu'elles peuvent, comme en Angleterre, se laisser corrompre et prévariquer.
Mais d'abord on voit que le veto absolu du monarque est inutile pour empêcher la corruption ; et puisqu'on convient que le gouvernement peut prévariquer une Assemblée nationale, je ne vois pas comment ce même veto pourrait être efficace contre des erreurs qui ne nuiraient d'ordinaire à la nation que pour tourner au profit du ministère (1).
Le meilleur moyen pour maintenir la sagesse de l'Assemblée, c'est d'en renouveler souvent les membres, et de les tenir sans cesse sous l'œil de leurs commettants, par la publicité de leurs opérations. C'est d'empêcher qu'ils ne puissent jamais espérer de faire avec le gouvernement un trafic de la liberté publique*, en ne les laissant jamais dépositaires de cette liberté, et en donnant surtout aux Assemblées élémentaires le droit de faire, aux sessions suivantes, dans le cas de prévarication, les réclamations les plus vives et les plus impératives (2).
On nous objectera que rien de tout cela n'a lieu en Angleterre. Cela est vrai, mais aussi serait-il aisé de prouver que l'Angleterre ne jouit pas de la liberté politique ; elle jouit seulement de la liberté civile au moyen de ses excellentes lois criminelles, ce qui n empêche pas le monarque, soit par lui-même, soit par la Ghambre haute, soit par la corruption de celle des communes, d'énerver la législation et de conduire l'Etat à sa perte. Le peuple anglais se croit libre, dit Rousseau, il se trompe fort ; il ne l'est que pendant l'élection de son Parlement ; l'usage qu'il fait alors de sa liberté mérite bien qu'il la perde.
Ce n'est qu'en prenant les précautions que néglige le peuple anglais, que la nation se
garantira de la prévarication de ses mandataires. Quant aux moyens d'empêcher l'erreur et de
contenir même l'Assemblée dans ses limites à l'égard du pouvoir exécutif, la nation pourrait
recevoir pour loi que tous points de législation arrêtés par ses représentants seraient
communiqués au monarque et ne passeraient en lois définitives que lorsqu'il les croirait
utiles. Il me semble que le danger de la corruption étant presque anéanti, le monarque et
l'Assemblée ne pourraient se réunir que pour le bien (3). En effet, l'Assemblée ne pouvant
Il me semble, en outre, qu'en étendant cette loi, on pourrait établir que le Monarque aurait le droit de suspendre un point de législation qu'il croirait nuisible, et de requérir sur ses motifs un nouvel examen. J'ajouterais le droit de suspendre une seconde fois et d'en appeler au peuple pour la prochaine session. La loi réduite à ses moindres termes serait proposée par oui ou par non dans les Assemblées élémentaires et se trouverait définitivement rejetée ou admise (1).
Si ces lois pouvaient passer pour l'honneur de la France et la liberté de nos commettants, je pose en fait que jamais le Roi n'aurait occasion ae faire usage de son veto ; car l'Assemblée, qui serait sans cesse sous les yeux du peuple, aurait intérêt d'être sage, et ne prendrait que de bons résultats. D'un autre côté, le Roi n'aurait pas même l'idée d'abuser, et son veto, à cet égard, resterait encore sans exercice, car il saurait que le peuple jugerait. D'où je conclus qu'avec d'aussi sages lois l'Etat serait toujours en paix, la liberté toujours assurée, les Assemblées nationales toujours utiles, et qu'il n'y aurait peut-être jamais aucune réclamation de la part du peuple dans les différentes sessions.
parle contre la sanction. D'abord il s'écarte longtemps de la question en donnant des
détails historiques des
Dans une assemblée où l'intérêt du peuple est le premier mobile, il a prétendu qu'il était calomnié : il l'a donc défendu.
Il parle ensuite de l'injustice et des fureurs de la multitude; il rappelle la mort de Socrate; ' il censure M. le comte de Lally; critique M. le comte de Mirabeau ; réfute le sermon de M. l'évêque de Nancy ; enfin, il arrive au veto, et fait entrevoir des moyens qui ont été saisis et répétés par plusieurs autres opinants.
. J'applaudis à la sagesse de cette Assemblée, qui a voulu apporter dans ses délibérations une sage maturité qui en assure le succès. Délibérant sur le bonheur de la nation et sur la gloire du souverain, vous avez voulu balancer tous les intérêts, toutes les opinions, et, par un sage et lent résultat, parvenir à la vérité.
Je sens comme vous, Messieurs, que la France entière a les yeux fixés sur cette auguste Assem- v blée ; que le bruit de vos délibérations se répand dans toute l'Europe.
La diversité des opinions ne m'étonne pas. Nous sommes ici pour la soutenir avec courage; placés entre le peuple et le Roi, la prévention est réciproque ; c'est par la contrariété et le choc que ron parvient à s'éclairer. L'embarras où nous nous trouvons est venu de ce que l'on ne nous a pas présenté la matière dans son ordre naturel.
Avant de savoir qui sanctionnera la loi, il faut savoir par qui elle sera faite ; et dans l'hypothèse même que le Roi est une partie du pouvoir législatif, ne convenait-il pas de former ce Corps législatif ? C'est, si je puis m'exprimer ainsi, le sceau que l'on appose à une lettre ; il faut qu'elle soit écrite avant que d'être signée.
Cependant il est devenu impossible de parler de législation avant de parler de la sanction. Vous me permettrez ces excursions. Mais enfin une partie voulait la sanction, une autre la refusait. Or, si les points de la contestation étaient arrêtés, cette contradiction disparaîtrait. Il est ridicule de penser que les représentants de la nation veulent anéantir le gouvernement. Les Français sont attachés à cette sainte et antique monarchie. Ils révèrent le Roi ; c'est vers le trône consolateur que se tournent les regards des malheureux.
L'on a craint encore que le Roi ne refusât sa sanction à la Constitution et à tous les arrêtés qui ont été faits, et que, sous ce prétexte, l'on ne détruisît le grand ouvrage du bonheur public. Je n'examine pas si ces alarmes sont fondées. Il me suffira de dire que la sanction royale ne peut concourir à la Constitution, mais qu'elle n'existe que pour la maintenir, et cette précaution politique ne prendra sa place que lorsque vous aurez arrêté cette Constitution.
L'on aurait donc bien vite évité des alarmes si on eût travaillé à cette Constitution avant de se livrer à l'examen de la sanction.
L'examen du veto est subordonné à l'examen de la permanence et aux deux Chambres. II aura différentes limites, suivant la différence de l'organisation ; chaque membre aura un avis particulier; et oïl ne peut fixer, surtout en politique, des points donnés lorsqu'ils sont inconnus. Nous délibérerons donc au hasard sur la sanction
royale, tant que la Constitution ne sera pas ar^ rêiée.
Or, qu'entend-on par sanction ?
C'est le consentement accordé par le Roi à une loi faite par les représentants de la nation, et sans lequel elle ne peut être exécutée. Première question qui ne peut être décidée.
La deuxième question est d'examiner si la sanction est nécessaire pour l'exécution des actes législatifs. Si la question était ainsi posée, elle n'offrirait pas de difficulté ; mais si on dit qu'elle doit être remise au pouvoir exécutif, alors même embarras pour la décision.
Troisième question : dans quel cas la sanction est-elle nécessaire ?
Quatrième question : de quelle manière doit elle être employée ?
C'est encore dans la Constitution que l'on doit trouver l'examen de ces deux questions. Il faut donc, pour les décider, voir l'ensemble de la Constitution.
Je ne cherche pas à retarder vos délibérations ; je déteste le despotisme ; je frémis à la seule pensée du despotisme ministériel : il pèse à la fois dans tous les lieux et sur tous les hommes. Il faut prévenir le despotisme d'une Assemblée nationale, d'un Sénat et d'un Roi: la liberté est entre deux précipices; il faut ou la perdre ou la sauver. Dans cette alternative, je demande que la décision du veto soit renvoyée après l'examen de la question de la permanence et des deux chambres ; ce n'est qu'un ajournement.
appuie la motion de M. Rabaud de Saint-Etienne.
La question est rapidement agitée par divers orateurs.
demandent qu'on puisse, traiter à la fois les questions de permanence, des deux chambres et de veto.
Cet avis prévaut, et la discussion est reprise sur la sanction royale,
(1). Messieurs, qu'est-ce que la sanction royale? Devons-nous raccorder? Comment doit-elle être déterminée? La solution de ces questions doit être la conséquence des principes que vous avez déjà consacrés, ou qui sont unanimement reconnus par le peuple français, sur la puissance qui lui appartient, et sur celle qu'il a conférée à ses rois.
Je remarque d'abord que, de tous les pouvoirs, celui de sauctionner les lois est le seul
auquel le despotisme ne saurait atteindre, et qu'il l'anéantit, parce qu'il ne peut
l'usurper. Le despote veut; il agit ; il opprime ; sa volonté s'exécute ; mais il ne peut en
faire une loi ; car aucun peuple libre ne l'accepte volontairement ; aucune puissance
publique ne la sanctionne : la volouté du despote, toujours errante de ses Etats comme un
orage sur l'horizon, n'a point de caractère, point d'asile inviolable; seul au milieu de
tous, rapproché de la société par ses besoins, il est séparé par la terreur ; maître absolu
par la force, il est esclave aussitôt qu'une force supérieure se déploie ; entin sa condition
malheureuse est de cesser d'être par la volonté générale, tandis que le bonheur élu monarque,
sa puissance et sa gloire consistent à en être l'organe.
Il est donc vrai que partout où le peuple veut être libre, il l'est ou le sera par le seul acte de sa volonté souveraine.
Il est donc vrai que toute la souveraineté réside dans la nation, et c'est le principe que vous avez consacré.
Or, d'après ce principe, Messieurs, que peut être la sanction royale? C'est un acte de souveraineté, par lequel la loi est prononcée ; c'est un pouvoir communiqué par la nation, qui les possède tous.
Mais pour en mieux juger, il faut examiner dans quelle fin a été institué le magistrat suprême auquel le droit de sanctionner les lois peut être confié.
Il serait absurde de croire que les prérogatives de la couronne ont pour objet la satisfaction et les jouissances personnelles du monarque; il n'en est aucune qui ne doive trouyer son origine et sa fin dans l'utilité générale.
Ainsi il est utile et nécessaire au repos, au bonheur d'une grande nation, qu'il existe au milieu d'elle une dignité éminente, et dont les fonctions, les pouvoirs soient constitués de telle manière que celui qui en est revêtu, n'ayant aucun des soins, aucune,des ambitions qui tourmentent les autres hommes, ne puisse trouver d'accroissement à sa fortune personnelle que dans le bonheur général.
Telle est parmi nous l'origine et la fin de l'autorité royale. La nation, en l'instituant, n'a entendu communiquer que la portion de sa souveraineté qu'elle ne peut exercer par elle-même, et qu'il lui convient de faire exercer par un seul ; ainsi elle s'est réservé la puissance législative, et en confie l'exercice à ses représentants librement élus. Mais ces mandataires, alliant à l'auguste fonction qui leur est momentanément départie tous les soins, toutes les ambitions qui tourmentent les autres hommes; leur volonté, leur intérêt personnel pouvant se trouver en contradiction avec la volonté et l'intérêt général, il convient à la nation d'en exiger la garantie de la part de celui qui est seul au-dessus de tous les intérêts privés,et qui a un intérêt éminent au maintien de la Constitution par laquelle il existe comme monarque, qui ne peut rien sans elle, et gui, s'il agissait contre elle, tomberait sous le joug de la volonté générale qui le domine et le surveille.
Il suit de là, Messieurs, que la sanction royale
est un droit et une prérogative nationale, conférée au chef de la nation par elle-même, pour déclarer et garantir qu'une telle résolution de ses représentants est ou n'est pas l'expression de la volonté générale.
La définition de cette prérogative de la couronne en démontre déjà Futilité et la nécessité ; mais l'une et l'autre s'appuient sur d'autres considérations.
Le peuple, Messieurs, qui veut, qui détermine qu'il lui est utile d'avoir un roi, qui l'institue comme centre de tous pouvoirs, comme conservateur de tous les droits, a des précautions à prendre pour conserver dans les mains d'un seul Fautorité qu'il lui défère, et pour empêcher qu'il n'en abuse.
Cette dernière intention est remplie, de la part du peuple, en réservant à ses représentants l'exercice du pouvoir législatif, et la surveillance du pouvoir exécutif. Mais le peuple a également intérêt de défendre l'autorité royale de toute entreprise injuste de la part de ses représentants : or cette intention du peuple ne peut être remplie qu'en admettant le prince à l'examen et à la sanction des lois, car si dans les pouvoirs délégués il en existait un seul qui lui fût étranger, et dont il fût personnellement dépendant, ce serait un pouvoir absolu auquel la nation, comme son chef, se trouverait asservie.
Qu'aurait fait alors la nation par une distribution aussi inconsidérée de ses droits primitifs ? Au lieu d'en combiner l'exercice de manière qu'ils se renforcent tous et se défendent l'un pour l'autre, la nation aurait confié exclusivement l'acte le plus éminent de la souveraineté à ceux qui, dépourvus du pouvoir exécutif, seraient les maîtres de l'usurper. D'un autre côté, la nation aurait confié la plus éclatante représentation de la souveraineté à celui qui, n'ayant aucune part à son exercice effectif, serait toujours tenté d'employer le pouvoir exécutif pour l'usurper. Ainsi le bonheur général de la société ne pouvant exister que par l'harmonie des pouvoirs qui doivent y concourir, serait sans cesse troublé par leur discorde ; ainsi la nation, qui veut un- gouvernement monarchique, n'aurait qu'un gouvernement incertain qui se précipiterait aiter: nativement vers l'aristocratie ou la démocratie!
La sanction royale est donc le seul moyen de fixité dans les principes de sûreté et d'inviolabi-litédans les formes du gouvernement, et cette prérogative importante qui met le chef de la nation dans l'indépendance de ses représentants, ne peut jamais le rendre plus fort que la volonté générale, aussitôt qu'elle s'explique. Or une nation qui s'assemble s'explique, et son vœu formel se fait connaître directement par l'opinion publique, ou indirectement par les représentants ; mais comme dans ce système aucune volonté particulière n'est égale à* celle du monarque, il n'aplnsrien à conquérir, à usurper pour être investi de toute la majesté de chef suprême de la nation, et pour s'asseoir avec gloire sur le premier trône du monde.
La sanction royale est donc utile au repos de la nation ; elle est nécessaire au monarque pour diriger paisiblement la puissance publique ; mais elle n'est pas moins importante à la sûreté des membres du Corps législatif.
Qu'est-ce en effet, Messieurs, que l'exerçice par représentation delà puissance législative? C'est une mission momentanée pour agir au nom du souverain, vis-à-vis duquel on reste toujours responsable. Mais cette responsabilité nécessaire
dégénérerait bientôt en une véritable servitude, si le peuple pouvait reprocher arbitrairement à ses représentants d'avoir abusé de leur pouvoir, d'avoir trahi ses intérêts ; il leur importe donc d'avoir un garant révéré de leur fidélité.
Ce garant naturel c'est le chef de la nation, qui, étant partie intégrante du Corps législatif, en sanctionne les actes, et déclare par son acquiescement qu'ils sont conformes aux principes de la Constitution. Alors le peuple reçoit la loi avec le respect qui lui est dû, parce qu'elle représente tous les caractères de la volonté générale ; les représentants l'ont délibérée, selon le droit qu'ils en avaient reçu, et la sanction du monarque annonce qu'elle est conforme aux vœux et aux intérêts du peuple, dont il est établi conservateur perpétuel.
Ainsi, Messieurs, les représentants du peuple, au moment où ils cessent de l'être, ont un intérêt personnel à se montrer investis de la sanction royale, car elle les défend contre les inquiétudes et les soupçons du peuple.
Mais, dira-t-on, en admettant cette sanction, on s'expose à voir rejeter par le prince les lois justes, nécessaires, et désirées par le peuple comme par ses représentants.
Je réponds que ce n'est point par le veto que la Constitution peut être violée par le monarque ; car si elle est bonne, il n'y a plus de lois essentielles à faire pour la liberté publique ; tous les pouvoirs, leur exercice, et leur limite étant réglés par la Constitution, l'intérêt personnel du monarque se trouve lié aux lois constitutives ; le Corps législatif et le monarque ne peuvent plus agir que sur leurs résultats, c'est-à-dire sur les lois d'administration : alors la résistance du Roi serait inutile contre un vœu formellement exprimé par la nation. Le veto royal n'est efficace qu'autant qu'il signifie que la loi proposée n'est pas i'expres-sion de la volonté générale ; s'il s'agit d'une loi importante, c'est un véritable appel au peuple, et dans les cas ordinaires, c'est un avertissement aux représentants qu'ils se sont mépris sur un principe d'administration.
Or, il est possible que le conseil du monarque ait quelquefois sur le Corps législatif l'avantage d'une plus longue expérience, d'une plus grande habitude des affaires de détail, d'une connaissance plus approfondie de celle dont il est question.
Ainsi, Messieurs, la sanction royale, nécessaire aux intérêts du peuple, à la dignité et à l'intégrité du pouvoir exécutif, ne l'est pas moins à la sûreté des représentants.
D'après ces considérations, la seconde question se trouve résolue. Devons-nous accorder la sanction royale ? Ma réponse est affirmative ; mais j'ajoute que quand il ne serait pas démontré que cette prérogative de la couronne est tout à l'avantage de la nation, nous ne pourrions la contester ; nous n'en avons pas le droit, car nous n'exerçons qu'un pouvoir communiqué, et nous ne pouvons l'exercer contradictoirement aux vœux et aux instructions de ceux qui nous ont députés.
Or leur vœu formel est que le Roi participe par la sanction à la puissance législative ; cette intention, divisément exprimée, est essentiellement la même dans la plus grande pluralité de nos mandats, et n'est contredite par aucun.
Comment donc et à quel titre prétendrions nous priver le monarque d'un droit qui lui est acquis et confirmé par la volonté générale. Je conçois cependant la diversité d'opinions
qui se manifeste sur cette question : en reconnaissant au Roi uo droit préexistant de veto, il aurait celui d'empêcher la Constitution : cette objection, grave en apparence, s'évanouit en y réfléchissant.
Je réponds, Messieurs, qu'un monarque n'a ni le droit ni le pouvoir d'empêcher un peuple qui veut une constitution de la faire. Il n'y a point de veto ; point d'obstacle à une constitution demandée parla nation ; mais s'il arrivait que les représentants en adoptassent une évidemment contraire à la volonté et à l'intérêt général, ne doutons pas alors que le chef de la nation n'ait le droit de suspendre une telle constitution, d'en appeler au peuple, et de lui demander de manifester sa volonté expresse par de nouveaux représentants.
Tel est, à mon avis, le seul droit de veto que le monarque puisse exercer sur la Constitution. Il ne la sanctionne pas comme une loi particulière ; mais s'il la trouve telle que la nation la désire, il l'accepte, y souscrit, et en jure l'observation. S'iMa trouve contraire aux vœux et aux intérêts du peuple, il peut, il doit refuser de l'accepter, jusqu'à ce que la nation explique de nouveau sa volonté souveraine, car elle a toujours dans la personne de son chef, le plus auguste, le plus autorisé de ses représentants ; et c'est en ce sens, que j'ose désapprouver hautement la nullité à laquelle le pouvoir exécutif s'est laissé réduire. Justement réprimé lorsque des hommes pervers ou inconsidérés ont voulu en abuser, il devait reprendre son action tutélaire aussitôt que le Corps législatif a déclaré la responsabilité des ministres : car l'autorité du gouvernement n'appartient point à ses agents ; elle est la propriété et la sauvegarde du peuple ; ainsi il ne leur est pas permis de la laisser périr entre leurs mains. Et nous, Messieurs, qui avons le droit d'en surveiller l'exercice, d'en empêcher les abus, il ne nous est pas permis de la laisser avilir. Je pense donc que nous ne pouvons nous soustraire à la sanction royale pour nos décrets antérieurs à la Constitution, quand même elle nous donnerait le droit de nous y soustraire pour nos décrets subséquents.
♦ Il me reste, Messieurs, à examiner comment la sanction des lois doit être prononcée, si le Roi aura un droit de veto absolu ou seulement suspensif. Je dis d'abord que la forme la plus auguste, la plus importante, doit être celle de la sanction royale. C'est alors que la puissance, la majesté de la nation doivent être concentrées sur le trône dans la personne du monarque qui déclare, au nom d'un peuple immense, que les paroles qu'on vient d'entendre sont une loi inviolable pour tous.
Ah ! j'aspire au moment d'entendre pour la première fois cette promulgation solennelle: Peuples, obéissez, voici la loi ! car aucun de nous n'avait encore vécu sous son unique empire.
Quant à la nature du veto la nation seule en ayant un absolu, celui du Roi, en dernière analyse, ne peut être que suspensif; car si le peuple persiste à désirer la loi proposée, s'il charge avec persévérance ses représentants de la proposer encore, le monarque n'a plus ni droit, ni moyen de résistance ; mais les limites du veto royal, étant posées par les principes, son expression doit être simple et absolue, sans qu'il soit nécessaire d'énoncer les motifs.
Je termine ici, Messieurs, mes observations, et je conclus par admettre la sanction et le veto royal comme une garantie précieuse de la liberté
et de la puissance nationale, de la sûreté des représentants, et de l'indépendance nécessaire du monarque.
La sanction sera-t-elle absolue ou suspensive? J'espère vous démontrer qu'elle doit être suspensive. Il est facile de faire naître des contradictions sur une question si importante; mais il est facile aussi de prouver que la sanction absolue serait le plus funeste coup porté à la liberté.
Le gouvernement français est, dit-on, monarchique. On a cru vous prouver par là la nécessité de la sanction. Moi, je n'y vois rien, si ce n'est qu'un gouvernement confié à un seul. Mais jetez les yeux sur toute l'Europe : les gouvernements sont presque tous monarchiques, et il n'y en a aucun qui se ressemble; l'on ne peut les comparer. Il n'y a pas de définition exacte sur le gouvernement monarchique. Ainsi, que l'on ne dise pas que la sanction royale est dans la nature du gouvernement même. Je ne vois dans la monarchie qu'un Roi, un pouvoir législatif et un pouvoir exécutif. Or, ici, la véritable question est de savoir si le Roi aura une position quelconque dans le pouvoir législatif. La sanction royale ne doit pas être admise toutes les fois que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif sont aux prises, et alors c'est à la nation à juger et à intervenir. L'on vous a vanté le gouvernement anglais, mais l'on vous a caché ses défauts ; l'on vous a parlé de ses deux Chambres, mais non de la Chambre des pairs ; et le Sénat que l'on voudrait établir serait aussi funeste que la Chambre haute : elle est vendue au gouvernement.
Le Roi, lorsqu'il veut faire passer un bill, crée des pairs nouveaux, et c'est ainsi que le monarque abuse des formes. Le Roi, dit-on, n'a fait usage qu'une seule fois du veto; je le crois bien, puisqu'il arrête par une forme moins sévère tout ce qui lui plaît.
On vous a parlé des auteurs qui ont fait l'éloge du gouvernement anglais; mais l'on n'a pas parlé de ceux qui se sont récriés contre les deux Chambres. L'on vous a /dit encore qu'en conservant seuls le pouvoir législatif, vous vous empareriez bientôt du pouvoir exécutif; mais tout le monde sait la vérité contraire. Jetez les yeux sur l'Europe : l'on y voit le peuple combattre sans cesse pour ressaisir le pouvoir législatif usurpé par le pouvoir exécutif.
Dans les premiers moments même de notre monarchie, le souverain avait-il un veto? Il présidait au Champ-de-Mai, et c'est tout; et il était soumis à la loi de la majorité, et ne pouvait s'y soustraire.
Il est utile d'admettre un veto suspensif; il est funeste d'admettre un veto absolu. C'est un appel au peuple, de la part du prince : c'est à la nation, de qui émanent tous les pouvoirs, à le décider.
Sans cela, le pouvoir constitué s'emparerait du pouvoir constituant.
Ainsi, si les mandataires se présentent avec des mandats pour faire une loi qui est le vœu de la majorité des cahiers, le Roi n'a point de veto.
Si les mandataires, sans avoir la majorité des cahiers, veulent faire une loi, le Roi a le droit de veto, mais veto suspensif; et le peuple le juge à la première session.
Dans la monarchie la mieux organisée, l'autorité royale est toujours l'objet des craintes
des meilleurs citoyens; celui que la loi met au-dessus de tous devient aisément le rival de
la loi. Assez puissant pour pro-
Cependant, si l'on considère de sang-froid les principes et la nature d'un gouvernement monarchique, institué sur la base de la souveraineté du peuple ; si l'on examine attentivement les circonstances qui donnent lieu à sa formation, on verra que le monarque doit être considéré plutôt comme le protecteur des peuples que comme l'ennemi de leur bonheur.
Deux pouvoirs sont nécessaires à l'existence et aux fonctions du corps politique : celui de vouloir et celui d'agir. Par le premier, la société établit les règles qui doivent la conduire au but qu'elle se propose, et qui est incontestablement le bien de tous. Par le second, ces règles s'exécutent, et la force publique sert à faire triompher la société des obstacles que cette exécution pourrait rencontrer dans l'opposition des volontés individuelles.
Chez une grande nation, ces deux pouvoirs ne peuvent être exercés par elle-même ; de là la nécessité des représentants du peuple pour l'exercice de la faculté de vouloir, ou de la puissance législative; de là encore la nécessité d'une autre espèce de représentants, pour l'exercice de la faculté d'agir, ou de la puissance exécutive.
Plus la nation est considérable, plus il importe que celte dernière puissance soit active; de là la nécessité d'un chef unique et suprême, d'un gouvernement monarchique dans les grands Etats, où les convulsions, les démembrements seraient infiniment à craindre, s'il n'existait une force suffi-sante pour en réunir toutes les parties, et tourner vers un centre commun leur activité.
L'une et l'autre de ces puissances sont également nécessaires, également chères à la nation. Il y a cependant ceci de remarquable : c'est que la puissance exécutive, agissant continuellement sur Je peuple, est dans un rapport plus immédiat avec lui; que, chargée du soin de maintenir l'équilibre, d'empêcher les partialités, les préférences vers lesquelles le petit nombre tend sans cesse au préjudice du plus grand, il importe à ce même peuple que cette puissance ait constamment en main un moyen sûr de se maintenir.
Ce moyen existe dans le droit attribué au chef suprême de la nation, d'examiner les actes de la puissance législative, de leur donner ou de leur refuser le caractère sacré de lois.
Appelé par son institution même à être tout à la fois l'exécuteur de la loi et le protecteur du peuple, le monarque pourrait être forcé de tourner contre le peuple la force publique, si son intervention n'était pas requise pour compléter les actes de la législation, en les déclarant conformes à la volonté générale.
Cette prérogative du monarque est particulièrement essentielle dans tout Etat où le pouvoir législatif, ne pouvant en aucune manière être exercé par le peuple lui-même, il est forcé de le confier à des représentants.
La nature des choses ne tournant pas nécessairement le choix de ces représentants vers les plus dignes, mais vers ceux que leur situation, leur fortune et des circonstances particulières désignent comme pouvant faire le plus volon-
tiers le sacrifice de leur temps à la chose pu" blique, il résultera toujours du choix de ces représentants du peuple une espèce d'aristocratie de fait, qui tendant sans cesse à acquérir une consistance légale, deviendra également hostile pour le monarque, à qui elle voudra s'égaler, et pour le peuple, qu'elle cherchera toujours à tenir dans l'abaissement.
De là cette alliance naturelle et nécessaire entre le prince et le peuple contre l'aristocratie; alliance fondée sur ce qu'avant les mêmes intérêts, les mêmes craintes, ils doivent avoir un même but, et par conséquent une même volonté.
Si d'un côté la grandeur du prince dépend de la prospérité du peuple, le bonheur du peuple repose principalement sur la puissance tutélaire du prince.
Ce n'est donc point pour son avantage particulier que le monarque intervient dans la législation, mais pour l'intérêt même du peuple ; et c'est dans ce sens que l'on peut et que l'on doit dire que la sanction royale n'est point la prérogative du monarque, mais la propriété, le domaine de la nation.
J'ai supposé jusqu'ici un ordre de choses vers lequel nous marchons à grands pas, je veux dire une monarchie organisée et constituée : mais comme nous ne sommes point encore arrivés à cet ordre de choses, je dois m'expliquer hautement. Je pense que le droit de suspendre et même d'arrêter l'action du Corps législatif, doit appartenir au Roi quand la Constitution sera faite, et qu'il s'agira seulement de la maintenir. Mais ce droit d'arrêter, ce veto, ne saurait s'exercer quand il s'agit de créer 1a Constitution; je ne conçois pas comment on pourrait disputer à un peuple le droit de «e donner à lui-même la Constitution par laquelle il lui plaît d'être gouverné désormais.
Cherchons donc uniquement si, dans la Constitution à créer, la sanction royale doit entrer comme partie intégrante de la législature.
Certainement, à qui ne saisit que les surfaces, de grandes objections s'offrent contre l'idée d'un veto exercé par un individu quelconque contre le vœu des représentants du peuple. Lorsqu'on suppose que l'Assemblée nationale, composée de ses vrais éléments, présente au prince le fruit de ses délibérations par tête, lui offre le résultat de la discussion la plus libre et la plus éclairée, le produit de toutes les connaissances qu'elle a pu recueillir, il semble que c'est là tout ce que la prudence humaine exige pour constater, je ne dis pas seulement la volonté, mais la raison générale et sans doute, sous ce point de vue abstrait, il paraît répugner au bon sens d'admettre qu'un seul homme ait le droit de répondre : je m'oppose à cette volonté, à cette raison générale. Cette idée devient même plus choquante encore lorsqu'il doit être établi par la Constilution que l'homme armé de ce terrible veto le sera de toute la force publique, sans laquelle la volonté générale ne peut jamais être assurée de son exécution.
Toutes ces objections disparaissent devant cette grande vérité, que sans un droit de résistance dans la main du dépositaire de la force publique, cette force pourrait souvent être réclamée et employée, malgré lui, a exécuter des volontés contraires à la volonté générale.
Or, pour démontrer, par un exemple, que ce danger existerait si le prince était dépouillé du veto sur toutes les propositions de loi que lui présenterait l'Assemblée nationale, je ne demande que la supposition d'un mauvais choix de repré-
sentants,, et deux règlements intérieurs déjà proposés et autorisés par l'exemple de l'Angleterre, sàvoir :
L'exclusion du public de la Chambre nationale sur la simple réquisition d'un membre de l'Assemblée, et l'interdiction aux papiers publics de rendre compte de ses délibérations.
Ces deux règlements obtenus, il est évident qu'on passerait bientôt à l'expulsion de tout membre indiscret, et la terreur du despotisme de l'Assemblée agissant sur l'Assemblée même, il ne faudrait plus, sous un prince faible, qu'un peu de temps et d'adresse pour établir légalement la domination de douze cents aristocrates, réduire l'autorité royale à n'être que l'instrument passif de leurs volontés, et replonger le peuple dans cet état d'avilissement qui accompagne toujours la servitude du prince.
Le prince est le représentant perpétuel du peuple» comme les députés sont ses représentants élus à certaines époques. Les droits de l'un comme ceux de l'autre ne sont fondés que sur l'utilité de ceux qui les ont établis.
Personne ne réclame contre le veto de l'Assemblée nationale, qui n'est effectivement qu'un droit du peuple confié à ses représentants, pour s'opposer à toute proposition qui tendrait au rétablissement du despotisme ministériel. Pourquoi donc réclamer contre le veto du prince, qui n'est aussi qu'un droit du peuple confié spécialement au prince, parce que le prince est aussi intéressé que le peuple à prévenir l'établissement de l'aristocratie. Mais, dit-on, les députés du peuple dans l'Assemblée nationale h'étant revêtus du pouvoir que pouf un temps limité, et n'ayant aucune partie du pouvoir exécutif, l'abus qu'ils peuvent faire de leur veto ne peut être d'une conséquence aussi funeste que celui qu'un prince inamovible opposerait à une loi juste et raisonnable.
Premièrement, si le prince n'a pas le veto, qui empêchera les représentants du peuple de prolonger, et bienlôt après d'éterniser leur députation? (C'est ainsi, et non comme on vous l'a dit, par la suppression de la Chambre des pairs, que le long parlement renversa la liberté politique de là Grande-Bretagne.) Qui les empêchera même de s'approprier la partie du pouvoir exécutif qui dispose des emplois et des grâces? Manqueront-ils de prétextes pour justifier cette usurpation? Les emplois sont si scandaleusement remplis 1 Les grâces si indignement prostituées 1
Secondement, le veto, soit du prince, soit des députés à l'Assemblée nationale, n'a d'autre vertu que d'arrêter une proposition : il ne peut donc résulter d'un veto, quel qu'il soit, qu'une inaction du pouvoir exécutif à cet effet.
Troisièmement, le veto du prince peut sans doute s'opposer à une bonne loi, mais il peut préserver d'une mauvaise dont la possibilité ne saurait être contestée.
Quatrièmement, je supposerai qu'en effet le veto du prince empêche l'établissement de la loi la plus sage et la plus avantageuse à la nation : qu'arrivera-t-il si le retour annuel de l'Assemblée nationale est assuré par une loi vraiment constitutionnelle qui, défende, sous peine de conviction d'imbécilité, de proposer ni la concession d'aucune espèce d'impôt, ni l'établissement de la force militaire pour plus d'une année. Supposons que le prince ait usé de son veto, l'Assemblée déterminera d'abord si l'usage qu'il en a fait a ou n'a pas des conséquences fâcheuses pour la liberté. Dans le second cas, la difficulté élevée par l'interposition du veto se trouvant nulle ou d'une légère
importance, l'Assemblée nationale votera l'impôt et l'armée pour le terme ordinaire, et dès lors tout reste dans l'ordre accoutumé.
Dans le premier cas, l'Assemblée aura divers moyens d'influer sur la volonté du Roi; elle pourra refuser l'impôt ; elle pourra refuser l'armée ; elle pourra refuser l'un et l'autre, ou simplement ne les voter que pour un terme très-court. Quel que soit le parti qu'adopte l'Assemblée, le prince, menacé de la paralysie du pouvoir . exécutif à une époque connue, n'a plus d'autre moyen que d'en appeler à son peuple en dissolvant l'Assemblée.
Si donc alors le peuple renvoie les mêmes députés à l'Assemblée, ne faudra-t-il pas que le prince obéisse ? car c'est là le vrai mot, quelque idée qu'on lui ait donnée jusqu'alors de sa prétendue souveraineté, lorsqu'il cesse d'être uni d'opinion avec son peuple et que le peuple est éclairé.
Supposez maintenant le droit du veto enlevé au prince, et le prince obligé de sanctionner une mauvaise loi ; vous n'avez plus d'espoir que dans une insurrection générale, dont l'issue la plus heureuse serait probablement plus funeste aux indignes représentants du peuple, que la dissolution de leur Assemblée. Mais est-il bien certain que cette insurrection ne serait funeste qu'aux indignes représentants du peuple?... J'y vois encore une ressource pour les partisans du despotisme des ministres. J'y vois le danger imminent de la paix publique troublée et peut-être violée ; j'y vois l'incendie presque inévitable, et trop longtemps à craindre dans un Etat où une révolution si nécessaire, mais si rapide, a laissé des germes de division et de haine, que l'affermissement de la Constitution, par les travaux successifs de l'Assemblée, peut seul étouffer.
Vous le voyez, Messieurs, j'ai partout supposé la permanence de l'Assemblée nationale, et j'en ai même tiré tous mes arguments en faveur de la sanction royale, qui me paraît le rempart inexpugnable de la liberté politique, pourvu que le Roi ne puisse jamais s'obstiner dans son veto sans dissoudre, ni dissoudre sans convoquer immédiatement une autre assemblée, parce que la Constitution ne doit pas permettre que le corps social soit jamais sans représentants ; pourvu qu'une loi constitutionnelle déclare tous les impôts et même l'armée annulés de droit, trois mois après la dissolution de l'Assemblée nationale; pourvu enfin que la responsabilité des ministres soit toujours exercée avec la plus inflexible rigueur. Et quand la chose publique ne devrait pas s'améliorer chaque année des progrès de la raison publique, ne suffirait-il pas, pour nous décider à prononcer l'annualité de l'Assemblée nationale, de jeter un coup d'œil sur l'effrayante étendue de nos devoirs?
Les finances seules appellent, peut-être pour un demi-siècle, nos travaux.
Qui de nous, j'ose le demander, a calculé l'action immédiate et la réaction plus éloignée de cette multitude d'impôts qui nous écrasent, sur la richesse générale, dont on reconnaît enfin que l'on ne peut plus se passer?
Est-il un seul de nos impôts dont on ait imaginé d'approfondir l'influence sur l'aisance du travailleur, aisance sans laquelle une nation ne peut jamais être riche ?
Savez-vous jusqu'à quel point l'inquisition, l'espionnage et la délation assurent le produit des uns? Etes-vous assez instruits que le génie liscal n'a recours qu'au fusil, à la potence et aux
galères, pour prévenir la diminution des autres?
Est-il impossible d'imaginer quelque chose de moins ridiculement absurde, de moins horriblement partial, que ce système de finance que nos grands financiers ont trouvé si bien balancé jusqu'à présent ?
A-t-on des idées assez claires de la propriété, et ces idées sont-elles assez répandues dans la généralité des hommes, pour assurer aux lois - qu'elles produiront cette espèce d'obéissance qui ne répugna jamais à l'homme raisonnable, et qui honore l'homme de bien ?
Aurez^vous jamais un crédit national aussi longtemps qu'une loi ne vous garantira pas que tous les ans la nation assemblée recevra des administrateurs des finances un compte exact de leur gestion; que tous les créanciers de l'Etat pourront demander chaque année à la nation le payement des intérêts qui leur sont dus; que tous les ans enfin l'étranger saura où trouver la nation qui craindra toujours de se déshonorer : ce qui n'inquiétera jamais les ministres?
Si vous passez des finances aux codes civil et criminel, ne voyez-vous pas que l'impossibilité d'en rédiger qui soient dignes de vous avant une longue période, ne saurait vous dispenser de profiter des lumières qui seront l'acquisition de chaque année? Vous en reposerez-vous encore, pour les améliorations provisoires qui peuvent s'adapter aux circonstances, sur des ministres qui croiront avoir tout fait quand ils auront dit : le Roi sait tout, car je lui ai tout appris, et je n'ai fait qu'exécuter ses ordres absolus que je lui ai dit de me donner?
Peut-être, pour éloigner le retour des Assemblées nationales, on vous proposera une commission intermédiaire ; mais cette commission intermédiaire fera ce que ferait l'Assemblée nationale, et alors je ne vois pas pourquoi celle-ci ne se rassemblerait pas; ou elle n'aura pas le pouvoir de faire ce que ferait l'Assemblée, et alors elle ne la suppléera pas. Et ne voyez-vous pas d'ailleurs que cette commission deviendrait le corps où le ministère viendrait se recruter, et que, pour y parvenir, on deviendrait insensiblement le docile instrument de la cour et de l'intrigue ?
Oti a soutenu que le peu d'esprit public s'oppose au retour annuel de l'Assemblée nationale. Mais comment formerez-vous mieux cet esprit public, qu'en rapprochant les époques où chaque citoyen sera appelé à en donner des preuves? Pouvait-il exister cet esprit public, quand la fatale division des ordres absorbait tout ce qu'elle n'avilissait pas; quand tous les citoyens grands et petits, n'avaient d'autres ressources contre les humiliations et l'insouciance, et d'autre dédommagement de leur nullité que les spectacles, la chasse, l'intrigue, la cabale, le jeu, tous les vices ? '
On a objecté les frais immenses d'une élection et d'une assemblée nationale annuelle !
Tout est calculé ; 3 millions forment la substance de cette grande objection. Et que sont 3 millions pour une nation qui en paye 600, et qui n'en aurait pas 350 à payer, si, depuis trente ans, elle avait eu annuellement une Assemblée nationale ?
On a été jusqu'à me dire : qui voudra être membre de l'Assemblée nationale, si elle a des sessions annuelles? Et je réponds à ces étranges paroles : ce ne sera pas vous qui le demandez... mais ce sera tout digne membre du clergé qui voudra et qui pourra prouver aux malheureux combien le clergé est utile ; tout digne membre
de la noblesse qui voudra et pourra prouver à la nation que la noblesse aussi peut la servir de plus d'une manière. Ce sera tout membre des communes qui voudra dire à tout noble enorgueilli de son titre : combien de fois avez-vous siégé parmi les législateurs?
Enfin, les Anglais, qui ont tout fait, dit-on, s'assemblent néanmoins tous les ans, et trouvent toujours quelque chose à faire.... et les Français, qui ont tout à faire ne s'assembleraient pas tous les ans 1.....
Nous aurons donc une assemblée permanente, et cette institution sublime serait à elle seule le contre-poids suffisant du veto royal.,
Quoi ! disent ceux qu'un grand pouvoir effraie, parce qu'ils ne savent le juger que par ses abus, ie veto royal serait sans limites ! Il n'y aurait pas un moment déterminé par la Constitution où ce veto ne pourrait plus entraver la puissance législative! Ne serait-ce pas un despotisme que le gouvernement où le Roi pourrait dire : Voilà la volonté de mon peuple; mais la mienne lui est contraire, et c'est la mienne qui prévaudra.
Ceux qui sont agités de cette crainte proposent ce qu'ils appellent un veto suspensif, c'est-à-dire que le roi pourra refuser sa sanction à un projet de loi qu'il désapprouve; il pourra dissoudre l'Assemblée nationale, ou en attendre une nouvelle ; mais si cette nouvelle Assemblée lui représente la même loi qu'il a rejetée, il sera forcé de l'admettre.
Voici leur raisonnement dans toute sa force. Quand le Roi refuse de sanctionner la loi que l'Assemblée nationale lui propose, il est à supposer qu'il juge cette loi contraire aux intérêts du peuple, ou qu'elle usurpe sur le pouvoir exécutif qui réside en lui, et qu'il doit défendre : dans ce cas, il en appelle à la nation ; elle nomme une nouvelle législature, elle confie son vœu à ses nouveaux représentants, par conséquent elle prononce : il faut que le Roi se soumette, ou qu'il dénie l'autorité du tribunal suprême auquel lui-même en avait appelé.
Cette expression est très-spécieuse, et je ne suis parvenu à en sentir la fausseté qu'en examinant la question sous tous ses aspects ; mais on a pu déjà voir, et l'on remarquera davantage encore dans le cours des opinions, que :
1° Elle suppose faussement qu'il est impossible qu'une seconde législature n'apporte pas le
vœu du peuple. — 2° Elle suppose faussement que le Roi sera tenté de prolonger son veto
contre le vœu connu de la nation. — 3° Elle suppose que le veto suspensif n'a point
d'inconvénients, tandis qu'à plusieurs égards il a les mêmes inconvénients que si l'on
n'accordait au Roi aucun veto (l).
Passez de cette considération aux instruments du pouvoir qui doivent être entre les mains du chef de la nation. C'est à vingt-cinq millions d'hommes qu'il doit commander ; c'est sur tous les points d'une étendue de trente mille lieues carrées que son pouvoir doit être sans cesse prêt à se montrer pour protéger ou défendre, et l'on prétendrait que le chef, dépositaire légitime des moyens que ce pouvoir exige, pourrait être contraint de faire exécuter des lois qu'il n'aurait pas consenties! Mais par quels troubles affreux, par quelles insurrections convulsives et sanguinaires voudrait-on donc nous faire passer pour combattre sa résistance ? Quand la loi est sous la sauvegarde de l'opinion publique, elle devient vraiment impérieuse pour le chef que vous avez armé de toute la force publique; mais quel est le moment où l'on peut compter sur cet empire de l'opinion publique? N'est-ce pas lorsque le chef du pouvoir exécutif a lui-même donné son consentement à la loi, et que ce consentement est connu de tous les citoyens? N'est-ce )as uniquement alors que l'opinion publique le place irrévocablement au-dessus de lui, et le force, sous peine de devenir un objet d'horreur, à exécuter ce qu'il a promis ; car son consentement en qualité de chef de la puissance exécutive, n'est autre chose que l'engagement solennel de faire exécuter la loi qu'il vient de revêtir de sa sanction.
Et qu'on ne dise pas que les généraux d'armée sont dépositaires de très-grandes forces et sont néanmoins obligés d'obéir à des ordres supérieurs, quelle que soit leur opinion sur la nature de ces ordres. Les généraux d'armée ne sont pas des chefs héréditaires ; leur personne n'est pas inviolable, leur autorité cesse en présence de celui dont ils exécutent les ordres ; et si l'on voulait pousser plus loin la comparaison, Ton serait forcé de convenir que ceux-là sont pour l'ordinaire de très-mauvais généraux qui exécutent des dispositions qu'ils n'ont pas approuvées. Voilà donc le danger que vous allez courir ? Et dans quel but? Où est la véritable efficacité du veto suspensif?
JN'est-il pas besoin, comme dans mon système, que certaines précautions contre le veto
royal soient prises dans la Constitution? Si le Roi renverse les précautions, ne se
mettrait-il pas aisément au-dessus de la loi? Votre formule est donc
On ne peut supposer le refus de la sanction royale que dans deux cas :
Dans celui où le monarque jugerait que la loi proposée blesserait les intérêts de la nation, et dans celui où, trompé par ses ministres, il résisterait à des lois contraires à leurs vues personnelles.
Or, dans l'une et l'autre de ces suppositions, le Roi ou ses ministres, privés de la faculté d'empêcher la loi par le moyen paisible d'un veto légal, n'auraient-ils pas recours à une résistance illégale et violente, selon qu'ils mettraient à la loi plus ou moins d'importance ? Peut-on douter qu'ils ne préparassent leurs moyens de très-bonne heure? Car il est toujours facile de préjuger le degré d'attachement que la puissance législative aura pour sa loi.
Il se pourrait donc que le pouvoir législatif se trouvât enchaîné à l'instant marqué par la Constitution, pour rendre le veto royal impuissant, taudis que si ce veto reste toujours possible, la résistance illégale et violente devenant inutile au prince, ne peut plus être employée sans en faire aux yeux de toute la nation un révolté contre la Constitution, circonstance qui rend bientôt une telle résistance infiniment dangereuse pour le Roi lui-même et surtout pour ses ministres. Remarquez bien que ce danger n'est plus le même lorsque le prince n'aurait résisté qu'à une loi qu'il n'aurait pas consentie.
Dans ce dernier cas, comme la résistance violente et illégale peut toujours être appuyée par des prétextes plausibles, l'insurrection du pouvoir exécutif contre la Constitution trouve toujours des partisans, surtout quand elle est le fait du monarque. Avec quelle facilité la Suède n'est-elle pas retournée au despotisme, pour avoir voulu que son roi, quoique héréditaire, ne fût que l'instrument passif et aveugle des volontés du sénat?
N'armons donc pas le Roi contre le pouvoir législatif, en lui faisant entrevoir un instant quelconque où l'on se passerait de sa volonté, et où par conséquent il n'en serait que l'exécuteur aveugle et forcé. Sachons voir que la nation trouvera plus de sûreté et de tranquillité dans les lois expressément consenties par son chef, que dans les résolutions où il n'aurait aucune part et qui contrasteraient avec la puissance dont il faudrait en tout état de cause le revêtir. Sachons que dès que nous avons placé la couronne dans une famille désignée, que nous en avons fait le patrimoine de ses aînés, il est imprudent de les alarmer en les assujettissant à un pouvoir législatif dont la force reste en leurs mains, et où cependant leur opinion serait méprisée. Ce mépris revient enfin à la personne, et le dépositaire de toutes les forces de l'empire français ne peut pas être méprisé sans les plus grands dangers.
Par une suite de ces considérations puisées dans le cœur humain et dans l'expérience, le Roi doit avoir le pouvoir d'agir sur l'Assemblée nationale en la faisant réélire. Celte sorte d'action est nécessaire pour laisser au Roi un moyen légal et paisible de faire à son tour agréer les lois qu'il jugerait utiles à la nation, et auxquelles l'Assemblée nationale résisterait : rien ne serait moins dangereux; car il faudrait bien que le Roi comptât sur le vœu de la nation, si pour faire agréer une loi il avait recours à une élection de nouveaux membres; et quand la nation et le Roi se réunissent à désirer une loi, la résistance du Corps législatif ne peut plus avoir que deux causes : ou
la corruption de ses membres, et alors leur remplacement est un bien; ou un doute sur l'opinion publique, et alors le meilleur moyen de l'éclairer est sans doute une élection de nouveaux membres.
Je me résume en un seul mot, Messieurs : annualité de l'Assemblée nationale; annualité de l'armée; annualité de l'impôt; responsabilité des ministres, et la sanction royale sans restriction écrite, mais parfaitement limitée de fait, sera le palladium de la liberté nationale, et le plus précieux exercice de la liberté du peuple.
L'on ordonne l'impression des discours.
indique la séance pour ce soir à sept heures et demie et lève la séance du matin.
Séance du soir.
Un membre du comité de vérification des pouvoirs rend compte de l'examen des pouvoirs de M. de Châteauneuf-Randon, suppléant de M. le marquis d'Apchiér, député de Mende, en Gévaudan, qui a donné sa démission, et de ceux de M. le comte de Bremond d'Ars, suppléant de M. le comte de laTour-Dupin-Paulin, ministre de la guerre, député de Saintonge ; et ces pouvoirs ayant été trouvés en bonne forme, MM. de Châteauneuf-Randon et de Bremond d'Ars ont été admis.
Après quelques discussions sur les offres de la province de Touraine, mentionnées dans le procès-verbal du 29 août, il a été arrêté que l'examen de ces offres sera renvoyé au comité des finances, pour en conférer avec le ministre des finances, et en faire ensuite rapport à J'Assemblée.
Sur lé rapport qui a été fait par l'un des membres du comité de vérification, des réclamations des dix villes impériales d'Alsace, tendant à demander la révocation de l'un de leurs députés, l'Assemblée a unanimement délibéré qu'il n'y avait lieu à faire droit sur cette demande, qui n'est fondée que sur des allégations, et qu'elle se réservait de prendre en considération les plaintes et doléances qui lui ont été présentées, relativement à l'office du prêteur royal de la ville d'Hagueneau, lorsqu'elle statuera sur la composition des municipalités.
Le même comité ayant rendu compte des réclamations du clergé, et de quelques membres des communes du bailliage secondaire de Bon-zouville, contre la nomination des députés du bailliage de Sarreguemines, l'Assemblée a prononcé qu'il n'y avait lieu de statuer sur la demande en nullité des élections de Bonzouville et de Sarreguemines, et a néanmoins autorisé les réclamants à envoyer à l'Assemblée nationale les additions qu'ils désireront joindre aux cahiers remis aux députés.
Un de MM. les députés d'Alsace, et un de ceux de Vermandois, ayant proposéd'ajouter différentes dispositions prohibitives au décret de l'Assemblée nationale relatif à la circulation et à la vente des grains, l'Assemblée en a renvoyé l'examen au comité des subsistances, pour en être rendu compte incessamment.
Un membre de l'Assemblée a demandé une séance particulière pour y traiter de l'état des juifs en France; cette séance a été accordée.
a annoncé que l'Assemblée se réunirait demain à huit heures du matin.
Séance du
A l'ouverture de la séance, il a été fait lecture des procès-verbaux de la séance du lundi au soir 31 août, et de celles du matin et du soir du mardi premier septembre.
Il a été ensuite rendu compte des différentes adresses de félicitations, remerciements, et adhésion aux arrêtés et décrets de l'Assemblée, de la part de la ville de Laigle en Normandie; de la ville de Toulon, des officiers de la sénéchaussée et siège présidial de Dax, de la ville de Sablé dans le bas-Maine, représentée par un comité militaire et de subsistance; de la ville et comté de Caraman en Languedoc, de la juridiction consulaire de Ghâtellerault en Poitou, des sous-lieutenants des vaisseaux de Rochefort, avec adhésion aux réclamations des sou s-lieutenants des vaisseaux de Brest, en date du 10 août, de la municipalité de Châtillon-sur-Sèvre en Poitou, de la ville de Pont-de-Vaux en Bresse, de celle de Saint-Jean-de-Luz. de celle de Saulieu en Bourgogne, de celle de Givray en Poitou, de la ville et paroisse de Questembert, de la ville de Beaupréau, de la communauté d'Auriol en Provence, de la municipalité de Riancourt en Champagne, du comité permanent et des jeunes citoyens de Port-Louis en Bretagne, avec un projet pour l'établissement d'une caisse patriotique ; de la ville de Saint-Fargeau, et de la communauté de Peyrat en Languedoc, sur la formation de leur milice bourgeoise; de la ville de Lodève sur l'établissement provisoire d'un comité pour remplacer ses officiers municipaux; delà principauté de Soubize, portant renonciation à l'abonnement dont elle jouit depuis plusieurs siècles; des électeurs de la sénéchaussée d'Auray en Bretagne, contenant une pareille renonciation à leurs privilèges.
11 a été successivement rendu compte de la requête de la presqu'île de Quiberon en Bretagne, par laquelle, en considération de l'aridité de son territoire, elle demande une fixation particulière et modérée sur le taux du rachat des droits seigneuriaux, de cens et champarts; de la délibération de la vallée de Barèges, contenant dix- * sept communautés; ladite délibération tendant à obtenir la permission d'user de ses revenus patrimoniaux en moins imposés; de la sentence de la sénéchaussée de Quimperlé en Bretagne, qui donne acte de la publication du décret de l'Assemblée nationale eu date du 10 août, et des arrêtés par elle pris depuis le quatre jusqu'au onze du même mois; d'un extrait des registres de l'hôtel de ville de Vitry-le-François, portant acte de l'affiche des arrêtés de l'Asssemblée des 4, 6, 7, 8 et 11 août, et de ce que lesdits arrêtés ont été envoyés à toutes les municipalités de son département.
Un de MM. les secrétaires a mis sur le bureau un ouvrage intitulé: Les nouveaux patrons de Vusure réfutés, etc. dont son auteur, le sieur Rougan, ancien curé d'Auvergne, fait hommage à l'Assemblée.
Le même secrétaire a fait lecture d'une lettre adressée à l'Assemblée par le sieur Miger, graveur, et destinée à accompagner l'envoi qu'il lui fait du portrait gravé de M. Bailly.
L'Assemblée a ordonné que l'ouvrage du sieur Rougan, et le portrait de M. Bailly, offerts par le sieur Miger, seraient déposés dans ses archives.
Le comité des finances a rapporté la liste des douze de ses membres ' qu'il a choisis hier au scrutin pour le comité.particulier de correspondance avec-le ministre des finances. Cette liste a été à l'instant proclamée ainsi qu'il suit :
MM. MM.
D'Ailly. N aurissart.
Le Couteulx de Canteleu. Anson.
De Boisgelin, évêque d'Aix. Le comte de La Blache.
L'abbé ae Villaret. Le duc d'Aiguillon.
Lebrun. Dulau, archevêque d'Arles.
Le marquis de Montesquiou. Mathieu de Rondeville.
fait donner lecture d'un arrêté de la commune de Paris destiné à rassurer l'Assemblée sur les troubles qui ont eu lieu dans la capitale, le 30 août.
La discussion est ensuite reprise sur la question de la sanction royale.
(1), Messieurs, avant de fixer quelle doit être l'influence du pouvoir exécutif dans la législation, il m'a paru nécessaire de définir ce que je crois qu'on doit entendre par le mot de sanction royale.
La sanction royale, telle que je la conçois, est le pouvoir accordé au Roi par la nation, d'intervenir comme partie essentielle et intégrante dans l'exercice du pouvoir législatif, de telle manière que son consentement aux actes du pouvoir législatif convertisse ces actes en lois, et que son opposition rende ces actes de nulle valeur. Telle est, suivant moi, l'acception qu'on doit donner à la sanction royale. Ce principe exposé, je me con forme à l'ordre dû jour, et je cherche "si cette sanction royale peut être ravie au pouvoir exécutif, ou si la liberté du peuple, son intérêt, exigent qu'elle lui soit conservée.
Il est un principe essentiel qui doit servir de guide dans toutes les discussions de ce genre. Ce principe existait avant vos décrets; mais vos décrets ont rendu un hommage solennel à ce principe. Toute autorité réside dans le peuple ; toute autorité vient du peuple; tout pouvoir légitime émane du neuple : voilà le principe*
Il dépend du peuple de faire la distribution des différents pouvoirs qui constituent et maintiennent la société, ainsi qu'il le juge utile à ses intérêts; mais cette répartition des pouvoirs opérée, il ne dépend d'aucun de ces pouvoirs d'envahir les droits d'un autre pouvoir, de se les attribuer; et à l'instant qu'un des pouvoirs émanés du peuple envahit, sans son aveu, l'autorité d'un autre genre de pouvoir, il n'existe plus, au milieu de la nation, de pouvoir légitime; il n'existe plus d'obligation d'obéir aux actes d'un pouvoir que son infraction aux volontés du peuple a rendu tyrannique.
C'est donc du peuple qu'émanent tous les pouvoirs légitimes, ceux aux actes desquels
l'obéissance est due.
Si l'étendue de la société permet au peuple de retenir et d'exercer tous les genres de pouvoirs, s'il fait ses lois, s'il les fait exécuter, s'il juge ceux qui les enfreignent, alors le peuple a constitué le gouvernement démocratique.
Et sans entrer dans la manière dont il peut établir toutes les Constitutions, je me borne à dire que, lorsque l'étendue de l'empire et son immense population nécessitent que le peuple donne au pouvoir exécutif toute l'énergie dont il peut être susceptible, alors sa volonté élève des trônes; alors sa volonté confie à celui qu'il plaît au peuple d'v faire asseoir la plénitude du pouvoir exécutif, sans partage et sans autre limite que celle dont la loi elle-même doit l'environner.
Mais au moment où le peuple n'exerce plus par lui-même immédiatement tous les genres de pouvoirs, il est obligé de répartir et de distribuer séparément tous les genresj de pouvoirs.
Leur réunion dans le peuple constitue la démocratie.
Leur réunion partout ailleurs constitue la tyrannie.
Aussi il remet le pouvoir exécutif à un roi.
Mais dans quelque Etat que les hommes vivent, il est un droit dont ils ne peuvent se dépouiller, celui de faire des lois; la loi n'étant que l'expression de la volonté de tous, on ne peut s'assurer qu'un homme ouqu'une-réunion d'hommes voudra toujours ce que tous auraient voulu.
De cette nécessité de réserver au peuple le pouvoir législatif, et de l'impossibilité d'exercer ce pouvoir, parla réunion d'un peuple immense, est née la représentation du peuple, et ce droit inaliénable qu'il a conservé, d'élire ceux qui doivent le représenter, de les guider, de les instruire, de les juger, de les mettre à même enfin d'être les organes de la volonté publique, et dans l'impossibilité de jamais dominer cette volonté.
Au moment où un pouvoir que nous ne pouvons exercer par nous-mêmes nous échappe, à l'instant où nous sommes forcés de le confier, une salutaire défiance se place à côté de la confiance, et la surveillance du peuple se partage entre les divers genres de pouvoirs émanés de lui.
Il n'oublie jamais cette terrible vérité :
Que la liberté de tout peuple qui n'exerce pas par lui-même tous les pouvoirs n'existe que par la séparation des pouvoirs.
Le souvenir de cette vérité l'oblige à se rappeler qu'il est de la nature des pouvoirs d'aimer à s'accroitre, comme il est de la nature de l'homme d'aimer la puissance. Dans les Etats monarchiques, il sait qu'il a deux risques à courir.
Réunion des pouvoirs dans le Corps législatif, qui constitue la tyrannie de plusieurs.
Réunion des pouvoirs dans le pouvoir exécutif, qui constitue la tyrannie d'un seul.
Pour conserver sa liberté entre ces deux écueils, il voulut les armer l'un contre l'autre d'une égale surveillance, et faire tourner au profit de tous ce même sentiment de jalousie et de pouvoir qui semblait les rendre rivaux.
C'est du résultat de ces sages, idées qu'est née la sanction royale; c'est en elle que le peuple trouve le rempart de la liberté publique et l'assurance que nous, qui sommes ses représentants nous ne deviendrons jamais ses maîtres.
Si le peuple réuni faisait la loi, nul doute que
sa volonté connue ne constituât la loi; et dans cet état de choses, à qui que fût confié le pouvoir exécutif, il ne lui serait accordé, après avoir reçu la loi du peuple que rhonneur d'obéir et celui de veiller à son exécution.
Mais agir par ses représentants, ou agir par soi-même, sont des choses bien différentes. Quand le .peuple lui-même fait la loi, et qu'il fait exécuter la loi, il y a unité de vues et unité d'action ; et il est hors de doute que le peuple ne fasse rigoureusement exécuter ce qu'il était libre de vouloir, comme il est sûr que ce qu il fera exécuter sera la volonté générale.
Quand le peuple confie le pouvoir législatif à des représentants, son .premier soin est de s'assurer qu'ils ne voudront jamais que ce que veut la volonté générale.
Pour s'assurer qu'ils ne voudront jamais que ce que veut la volonté générale, il prend des moyens de les surveiller, et des moyens de leur résister.
Le moyen de les surveiller, le plus puissant et le plus utile, fut de confier au pouvoir exécutif la sanction royale.
Jaloux de sa prérogative et du pouvoir qui lui est confié, son intérêt l'attache à résister à toute usurpation du Corps législatif qui tenterait de s'attribuer une portion de la puissance exécu-tive.
En cela, ce moyen est puissant pour conserver la liberté.
11 est utile, en ce que l'on ne peut espérer que le pouvoir exécutif emploie avec zèle tous ses efforts pour faire exécuter des lois qu'il désapprouverait, et dont quelques-unes même pourraient diminuer sa prérogative.
C'est donc avec sagesse que le peuple a voulu, quand il n'a pas exercé lui-même la plénitude de la souveraineté, que les deux pouvoirs qui constituent essentiellement le gouvernement, et qui émanent de lui, s'accordassent pour établir la loi ; et quand il voulut que la loi ne fût établie que par cet accord, il prit le moyen le plus sûr pour maintenir chaque pouvoir dans ses limites, et s'assurer de la bonté des lois qui seraient promulguées; car il est utile de le répéter sans cesse: aussitôt que la moindre partie du pouvoir exécutif se trouve réunie au pouvoir législatif, à l'instant la légitime représentation du peuple n'existe plus, et il est menacé par la tyrannie.
Mais quels sont donc les inconvénients de la sanction royale?
Ceux qui veulent la détruire craignent que le refus du Roi de sanctionner telle ou telle loi ne rende cette loi inutile; et que, s'armant sans cesse de ce refus, il ne domine en maître absolu le Corps législatif/
Ils craignent que cette faculté de s'opposer aux décrets du Corps législatif ne devienne un moyen entre les mains du Roi pour usurper sans cesse sur le pouvoir législatif.
Je ne trouve aucun fondement réel à ces craintes.
Le roi n'a intérêt de s'opposer constamment qu'aux lois qui tendraient à diminuer sa prérogative, cette prérogative que la volonté du peuple lui accorde, et que la Constitution doit garantir; et en cela l'intérêt du roi se trouve constamment réuni à l'intérêt du peuple. Il serait coupable en-» vers le peuple s'il cédait jamais la plus légère portion du pouvoir exécutif; il le serait même à présent que la volonté du peuple lui est manifestée dans les cahiers des représentants de la nation, s'il ne préférait de descendre du trône,
plutôt que de renoncer à la sanction royale, que le peuple a déclaré vouloir lui conserver.
Mais, en laissant au roi une si grande, une si glorieuse prérogative, celle d'être partie nécessaire et intégrante du pouvoir législatif, le peuple a intéressé le roi, par tous les moyens qui ont de l'empire sur les cœurs généreux, à la conservation de la Constitution; il n'a d'existence légale qu'autant que la Constitution existe; ainsi il ne peut être intéressé à ce qu'une bonne loi ne soit pas faite, et il est très-intéressé à ce qu'il ne soit promulgué que de bonnes lois.
Mais enfin, je suppose que des vues différentes les lui faisant envisager sous divers aspects, il refuse sa sanction à quelques-uns des décrets de l'Assemblée. Eh bien ! ces décrets deviendront de simples projets. Le peuple aura le temps de les juger, le roi celui d'être instruit de la volonté du peuple, et si ces lois sont réellement sages, utiles, nécessaires, elles seront établies, mais elles le seront par le peuple lui-même, après un examen réfléchi, nécessité par le refus de la sanction royale; et je suis loin de regarder cet obstacle comme un mal, car le pire de tous les maux, à mes yeux, est la précipitation réunie au pouvoir; et c'est un objet de terreur bien légitime, qu'un corps à chaque instant peut créer, anéantir, réduire sa volonté en loi, et les lois existantes au néant.
Mais j'admets encore qu'il se trouve uti roi assez aveuglé sur ses plus chers intérêts pour refuser sa sanction à une loi nécessaire et juste, et dont l'établissement instant importe à la sûreté de l'empire; en ce cas, très-hypothétique, n'avons-nous aucun moyen de lui résister? Mais si son refus peut mettre l'Etat en péril, il dépend de vous de le réduire lui-même à l'impuissance la plus absolue, en tarissant à l'instant le trésor public.
Je sais que ce moyen violent est très-alarmant, qu'il est même très-dangereux; mais c'est précisément parce qu'il est alarmant et dangereux, que le Corps législatif se trouve dans l'impossibilité de l'employèr légèrement. Mais quand une loi à laquelle est attachée le salut de l'Etat est rejetée, alors ce moyen alarmant pourrait être employé; il avertit les peuples, il avertit le monarque, et aussitôt l'ordre est rétabli ; mais en même temps l'assurance que le peuple improuverait fortement qu'un pareil moyen fût mis souvent en usage, garantit le pouvoir exécutif de la force d'empire que le Corps législatif, armé de ce puissant moyen, pourrait exercer sans cesse sur lui.
Mais quels sont les moyens de suppléer à la sanction royale? Car on sent bien qu'il faut un frein pour arrêter le pouvoir législatif ; on sent bien que le Roi, privé du pouvoir de s'opposer à aucune des lois du pouvoir législatif, ce pouvoir, pour devenir tyrannique, n'a que deux lois à faire : se déclarer permanent, et rendre ses membres inamovibles ; on sent bien que le pouvoir exé-cûtif, dans la dépendance la plus absolue, perd toute son énergie, et qu'il sera réduit à servir le Corps législatif et à lui obéir, ou à être anéanti. Pour éviter ce danger imminent, on ne trouve que deux moyens. Le premier, de laisser au peuple le droit d'examiner les actes du pouvoir législatif, et celui de les réformer.
Le second de limiter, dans la Constitution, les pouvoirs du Corps législatif, de manière qu'il ne puisse altérer la Constitution, et qu'il faille, pour changer la Constitution, une assemblée élue pour cet unique objet, n'ayant que ce seul objet
en vue, et dont l'existence, limitée et annoncée par la Constitution, laisserait l'espoir de voir changer ce qu'elle aurait de vicieux, et rassurerait "contre la crainte des changements perpétuels.
Mais le premier inconvénient de placer le droit de consentir à toutes les lois dans le peuple est le même qui a empêché le peuple d'exercer lui-même la puissance législative.
On sent bien que si un peuple n'a pu se réunir pour former ses lois, il ne pourra se réunir pour recevoir les décrets de ses réprésentants, les examiner et y consentir.
Alors on est forcé de prendre le silence du peuple pour un consentement; et de ce que, après l'Assemblée nationale, le peuple se taira, son consentement sera présumé : mais s'il se déclare par une insurrection, alors cette opposition infirmera vos décrets. Cela se comprend aisément.
Mais ce moyen de résister par une insurrection est laissé au peuple, quelle que soit la nature de son gouvernement. Partout quand un mécontentement universel tourmente le peuple, il se réunit pour résister ; mais c'est à rendre ce terrible moyen inutile, c'est à en prévenir la nécessité, que doivent tendre tous les efforts d'un gouvernement sage; et ce serait une singulière constitution que celle qui ferait un moyen ordinaire de résistance de ce moyen terrible qui peut sauver la liberté en péril, comme il peut la détruire, de ce moyen souvent favorable à la tyrannie, et toujours effrayant par les dangers que court la chose publique et les périls qui menacent les citoyens.
Quand le peuple a voulu répartir le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif, et les séparer, il a voulu également éloigner la tyrannie de tous et celle d'un seul. Quand il voulut leur accord pour la création des lois, il.voulut, satisfait de ce seul témoignage de l'accord des pouvoirs qui émanent de lui, s'éviter ces moyens effrayants d'insurrection et ces résistances dont on voudrait, malgré lui, lui rendre l'usage.
L'espoir qu'il sera possible de suppléer à la vigilance du pouvoir exécutif, en traçant dans la Constitution les limites du pouvoir législatif de telle manière qu'il ne puisse les enfreindre, est à mes yeux une chimère, mais une chimère très-dangereuse.
Car enfin, quersera donc le surveillant du pouvoir législatif ? Qui avertira le peuple qu'il est sorti des limites de la Constitution, si l'ou dépouille le roi de la sanction royale?
De quelque manière qu'on s'y prenne pour réprimer le Corps législatif, en étant au roi la sanction, il ne reste que le pouvoir du peuple agissant par lui-même.
Jlais on a senti les inconvénients de pareilles insurrections, qui pourraient ramener, à chaque crise, la guerre civile.
D'ailleurs, il est mille moyens de renverser des limites de pouvoir dont le peuple ne peut pas s'apercevoir, mais qui ne peuvent échapper à la jalousie salutaire d'un pouvoir qui en surveille un autre.
Ainsi la sanction royale a le mérite de s'opposer aux plus petites entreprises ; elle réprime sans tumulte et sans effort le pouvoir législatif, tandis que le peuple, privé de la surveillance du roi, ne peut le réprimer que quand le mal est extrême, et par des moyens si terribles, que ces moyens, mis en usage, semblent être le comble du malheur. Permettez-moi encore une réflexion sur ledan-
ger des moyens de résistance confiés au peuple® L'effet de ces moyens serait la dissolution de la monarchie, et l'issue la plus probable, sa conversion en républiques fédératives. Je ne me permettrai pas assurément de dire un seul mot sur l'existence hypothétique de cette espèce de gouvernement ; vous ne le souffririez pas : le peuple français l'a réprouvé; il veut une monarchie, et nul de nous n'a conçu la côupable idée d'autoriser aucune institution qui tendrait à altérer son existence et sou unité (1).
Quant à cette assemblée chargée de revoir la Constitution, de la changer à son gré par l'effet de sa seule volonté, je crois que rapproche de la tenue d'une telle convention inspirerait de terribles frayeurs, et qu'il paraîtrait alors fort dur de n'avoir évité le danger de la sanction royale qu'en créant une pareille puissance ; et je crois d'ailleurs que ce sera un mauvais moyen de faire aimer la Constitution que de l'exposer à être anéantie périodiquement par une assemblée revêtue de tous les genres de pouvoirs.
Il résulte de tout ce que je viens de vous exposer :
Que, de ce premier principe que tout pouvoir émane du peuple, il s'ensuit qu'il a dû séparer tous les pouvoirs, pour conserver sa liberté et sa puissance ;
Qu'il a dû les empêcher d'usurper les uns sur les autres;
Qu'il a dû, pour éviter de grands malheurs, exiger que le pouvoir exécutif s'accordât avec le pouvoir législatif, pour établir la loi ;
Que de cette nécessité est née la sanction royale ;
Que cette sanction est utile et conservatrice de la souveraineté du peuple ;
Que les périls qu'elle offre sont nuls;
Que les dangers de l'anéantir sont réels;
Et que les moyens de la remplacer ne peuvent être qu'insuffisants ou dangereux.
Je n'ai plus qu'un mot à ajouter.
Nul de vous, sans doute, n'a pu oublier, en vertu de quel titre il a l'honneur de siéger dans cette auguste Assemblée.
Représentants du peuple, organes du peuple, c'est vous qu'il a chargés du soin de manifester sa souveraine volonté.
Quand le peuple n'a pas prononcé, sa confiance vous a autorisés à parler en son nom.
Quand le peuple a parlé, c'est à vous à donner le premier exemple de la soumission due à la volonté connue du peuple.
En cette occasion, le peuple a parlé. Le soin d'établir la sanction royale n'est pas confié
à votre zèle; il ne vous est permis que d'annoncer que le peuple veut qu'elle soit établie et
votre conscience, ainsi que vos mandats, vous prescrivent de fléchir devant cette suprême
autorité, d'où émane celle dont vous êtes revêtus.
Jamais il ne croira qu'ayant ordonné que le )ouvoir exécutif pourrait autoriser ou infirmer les actes du pouvoir législatif, le pouvoir légis-atif a déclaré que rinterveution du pouvoir exécutif était inutile.
S'il était quelqu'un, dans cette auguste Assemblée, qui désirât qu'un pareil décret fût prononcé, je le supplie d'examiner quelles en seraient les conséquences.
Le Roi, peut-être, cédant aux circonstances, à l'amour de la paix, à l'amour de son peuple, lui ferait ce dernier abandon. Son cœur est capable de consommer ce dernier sacrifice. Oui, en l'état actuel, le Roi, je le crois, cédera sa prérogative ; mais le peuple ne ia cédera pas ; il la réclamera pour lui.
Dans le cœur du peuple se réunira au besoin qu'il a de cette prérogative pour le maintien de sa liberté et de sa souveraineté un sentiment de générosité et d'amour qui le rallierait au pied du trône que vos décrets auraient dépouillé.
Il respectera le malheur d'un Roi vertueux et bon, que la volonté de ses pères y a placé ; il ne soutiendra jamais le spectacle de ce Roi, naguère trop puissant sans doute, aujourd'hui dénué de toute puissance.
La raison sévère guide seule les représentants d'un peuple; mais le sentiment entraîne le peuple, et dans le juste enthousiasme que les vertus du Roi lui inspireront, dans la juste confiance qu'il prendra en ses qualités personnelles, le peuple se dira qu'il n'a pas voulu lui ravir sa prérogative; et craignez qu'alors il ne lui rende plus de pouvoir qu'il ne doit en conserver pour le maintien de la liberté publique.
Appelés pour établir la Constitution, nous avons dû détruire tout ce qui lui faisait obstacle ; /mais ce doit être un bonheur pour nous de trouver enfin que le maintien de la Constitution et de la liberté nous commande de laisser au Roi la plus beile de ses prérogatives.
Quand nos travaux seront consommés, il se demandera à lui-même s'il avait eu raison de concevoir de cette auguste Assemblée les craintes dont peut-être on avait cherché à l'environner; et dans ces jours de paix, de bonheur et de confiance qui vont succéder à ces temps d'orage et de troubles, alors, se rappelant les jours de chagrin et d'inquiétude qui se sont si péniblement écoulés, il se convaincra que la liberté, qui fait le bonheur des peuples, assure la stabilité des trônes, la puissance des monarques, et la félicité des bons rois.
L'on nous a donné jusqu'ici des définitions très-compliquées de la sanction royale.
il convient d'en donner une qui soit la véritable, et qui se rapproche davantage de son origine et de son étymologie ; sanction ne signifie rien autre que saint: le peuple romain, autrefois, avait confié la promulgation de toutes les lois relatives au culte et à la police, au pontife ; et c'est cette promulgation que l'on appelait sanction.
Dans le berceau de notre gouvernement, ce même mot a conservé la même signification ; toute loi doit paraître sous les auspices du prince; c'est lui qui en fait la promulgation, et c'est son nom qui y met le dernier sceau: voilà à quoi se borne cette sanction ; elle n'est rien autre chose.
Mais loin du cœur du monarque et de son esprit que la volonté d'un seul puisse enchaîner la volonté de tous ! Aussi est-ce dans ce sens que nous devons entendre le mot sanction.
Pour la réfuter, cette sanction, je ne dirai pas qu'elle peut être funeste au peuple, qu'elle peut flatter la vanité du prince, et ce ne sont pas là les objections que je réfuterai.
L'on dit que la sanction royale tire son origine de nos lois mêmes, de cette loi qui se trouve dans tous les capituliares de Charlemagne : lex fit consensupopuli et constitutione regià ; c'est le cri de tous ces auteurs modernes dont l'éloquence est intéressée à si bien flatter les princes; c'est le cri de tous nos publicistes, et il faut y répondre.
Il ne s'agit que de savoir ce que c'est que cette Constitution; croit-on que c'est le consentement du prince? croit-on nue sans ce consentement la loi n'est rien?\Non, cette constitution n'est autre chose que la promulgation faite par le prince; c'est le sentiment du célèbre ûucange; c'est ce qui est prouvé encore par les ordonnances recueillies par deux auteurs, et connues sous le nom d'Ordonnances du Louvre: c'est ce qui est prouvé par l'histoire.
Au Champ de Mai, il prononçait la loi, et il y concourait par son suffrage.
La loi, c'est l'ouvrage de tous les représentants de la nation; le roi les présidait, et le roi n'avait aucune influence plus marquée. De là cette formule si dénaturée depuis, mais toujours expressive : nous voulons, nous ordonnons.
Au surplus, dira-t-on, il faut circonscrire le pouvoir législatif. L'on aime mieux gémir sous le despotisme d'un seul -que sur le despotisme de plusieurs; sous le premier, la faveur des grands vous console; sous l'autre, l'injustice vous tourmente sans cesse.
Si vous établissez un Sénat, je penserai alors comme ceux qui craignent ces malheurs. Mais avec les représentants de la nation, jamais je ne craindrai l'oppression.
Comment en effet penser que des députés qui arrivent du fond de leur province, apportent un système de persécution? comment croire que des hommes qui sortent pour un moment de là classe ordinaire, voudraient la trahir, et se trahir eux-mêmes, puisqu'ils doivent y redescendre?
S'il est un pouvoir à craindre, c'e3t celui qui réside dans un seul, parce qu'il est dans la nature de l'homme d'étendre sa puissance; c'est la confusion du pouvoir qui a fait naître la tyrannie; c'est la division qui fait fleurir la liberté.
Pense-t-on que la flatterie cessera de dire au roi: opprimez les peuples, parce qu'ils veulent envahir le trône ?
L'on vous a dit que toutes les fois que les pouvoirs étaient divisés, l'on a fait une distinction de3 trois pouvoirs.
Eh bien, ces républiques célèbres que l'on nous a citées pour exemple n'ont péri que par ces pouvoirs.
Carthage, toujours fatiguée* des querelles du sénat, exile et rappelle Amilcar et ses fils, pour les expatrier encore. Carthage succombe, et Rome, sa rivale, résiste aux factions intérieures, parce que le pouvoir était un dans la main du peuple.
Je vous opposerai le marquis d'Argenson, homme vertueux et homme d'Etat tout à la fois. Le marquis d'Argenson demande-t-il cette division dans les pouvoirs? non, il en est bien éloigné. La monarchiey dit-il, resterapaisible si on la rapproche des formes démocratiques.
Une opinion aussi respectable doit bien l'emporter sur celle de nos modernes législateurs.
L'on cite l'Angleterre et l'exemple de son gouvernement. Les uns le louent, les autres le blâment. Je pense que tous ont raison.
Le gouvernement anglais est rempli d'abus; et si cette nation était au moment de faire une Constitution, elle n'établirait certainement pas une Chambre haute; cette Chambre haute, si utile au roi et si funeste au peuple.
Mais, pour balancer l'exemple de l'Angleterre que l'on nous oppose, j'en citerai un autre ; c'est celui de la Virginie: dans sa Constitution de 1776, elle a refusé la sanction royale. Faisons autant qu'elle, et faisons plus que l'Angleterre ne fait pour elle-même.
L'on me parle des cahiers ; tous veulent, prescrivent et demandent la sanction royale. Je doute d'abord qu'il y ait des cahiers impératifs sur ce point ; et s'il en existait, ils seraient abrogés.
Je demande si tout ce que nous avons fait jusqu'ici a été prescrit dans nos cahiers; et cependant les provinces n'y ont-elles pas adhéré?
Que le veto soit suspensif ou absolu, je pense qu'il n'en est pas moins dangereux.
Sera-t-il absolu? il terrassera le pouvoir législatif.
Sera-t-il suspensif? il suscitera des querelles; il réveillera Pesprit de faction; le roi se fera des partisans dans l'espace d'une session à l'autre; nous aurons les royalistes et les anti-royalistes. Cette sanction sera inutile au prince; si le monarque est instruit et éclairé, il saura que l'intérêt du plus grand nombre est le sien, et que son opinion ne doit pas être séparée de l'opinion générale. Je me résume.
La séparation des pouvoirs est la sauvegarde de la liberté publique. La sanction peut être très-utile si son opinion est celle de l'opinion générale, et elle sera dangereuse si elle est contraire au bien de l'Etat. N'élevons pas de barrières entre le prince et ses peuples. Que nos descendants ne s'accoutumentpas à voir ietrôneavec indifférence. Le roi veut sanctionner une loi? Qu'il vienne, comme venaient nos premiers rois dans l'Assemblée nationale, et il prononcera vos décrets. Le roi est un bon père, et il ne sera jamais mieux qu'au milieu de ses enfants.
M. Je crois devoir réfuter quelques objections faites en faveur de la sanction. En l'admettant, on détruit la déclaration des droits de l'homme ; toute souveraineté réside dans le peuple, et le veto absolu en serait l'anéantissemeut; la nation seule doit être juge entre tes représentants et le roi, qui ne doit point avoir la liberté de faire des lois. Un honorable membre a objecté que le roi pourrait dissoudre l'Assemblée nationale et la reconvoquer. La dissoudre, c?est donner au roi la faculté de rompre toutes celles qui lui seront contraires. La convoquer, c'est contrarier le vœu de la nation, qui doit se convoquer elle-même par le seul effet de la loi.
parle en faveur du veto; il s'explique nettement sur la nature du veto; il parait rejeter le veto absolu, c'est la conséquence de son raisonnement; il ne veut qu'une seule chambre, et il incline pour le veto suspensif.
appuie le veto suspensif; il répond à M. le oomte d'Antraigues. D'abord il fait voir la confiance que l'on doit avoir dans l'Assemblée* nationale.
Pourquoi attribuer plus de confiance à un délégué du hasard qu'aux délégués par le choix libre de leurs concitoyens, à un délégué séparé de la vérité qu'à des délégués placés au milieu des intérêts et des besoins? En un mot, faut-il plutôt croire à la sagesse d'un seul qu'à celle de plusieurs?
Il réfute les deux moyens proposés par M. le comte d'Antraigues pour forcer le Roi à donner sa sanction: l'insurrection et la cessation des impôts.
L'un, dit-il, est le signal de la guerre civile; l'autre celui d'un bouleversement clans l'Etat. Ce n'est pas au prince que l'on paye les impôts, mais c'est a la nation. Sans les impôts, les troupes se licencieront, les charges ne seront plus acquittées, et l'on sera bientôt dans les horreurs de l'anarchie.
Je propose donc un moyen qui repousserait toute entreprise de la législature sur le pouvoir exécutif, qui, sans secousse, sans commotion, empêcherait qu'aucune loi ne fût exécutée sans la sanction du Roi.
. Toute loi ne pourra être présentée au Roi deux fois à la sanction pendant la même session. Le roi sera obligé, en refusant la sanction, de dire s'il argue la loi d'erreur, ou si elle est contraire à son autorité.
Dans le premier cas, il suffira qu'elle soit représentée à la seconde session, pour que le Roi ne puisse la refuser.
Dans le second cas, les mandataires auront des pouvoirs exprès, pour en demander la sanction ; et alors, si c'est la volonté générale, le souverain la sanctionnera ; mais, dans aucun cas, le Roi ne pourra amender une loi qui aura été présentée.
parle avec l'énergie que toute la France lui connaît. 11 démontre la nécessité de la sanction suspensive, avec une évidence qui ne laisse aucun nuage.
s'exprime aussi avec éloquence, il réfute M. de Mirabeau sur les assemblées annuelles. Eh quoil dit-il, pour le moindre acte que le Roi voudra faire, faudra-t-il que cette Assemblée soit rompue, faudra-t-il qu'elle craigne à chaque instant d'entamer telle question, parce qu'elle saura que le Roi emploiera le moyen de sa rupture?
Il développe les raisons qui doivent faire regarder la sanction supérieure comme un appel au peuple.
Séance du soir.
a fait faire lecture, par l'un de MM. les secrétaires, d'une lettre des officiers de la commune de Paris, par laquelle ils adressent à l'Assemblée un nombre d'exemplaires imprimés de l'arrêté dont ils ont or lonné la publication et commencé l'exécution le mardi premier de ce mois, concernant le trouble apporté à l'ordre public dans la capitale, le dimanche trente août dernier.
L'Assemblée, après avoir entendu la lecture de cette lettre, et celle qu'elle a désiré lui être faite de nouveau de l'arrêté qui y était joint, a autorisé son président à répondre à MM. les officiers de la commune de Paris, pour leur témoigner sa satisfaction, et la confiance que lui inspire leur
«èle pour le maintien de l'ordre et de la tranquillité publiques
Un des membres de l'Assemblée l'a informé que les officiers de la milice bourgeoise de Limoges Pavaient chargé de soumettre au jugement de l'Assemblée nationale la détention qui a été faite à Saint-Angel, de neuf citoyens qui, dans un moment d'alarme, s'étaient portés au secours de cette dernière ville, et y avaient été arrêtés comme complices du trouble qu'ils s'étaient efforcés de prévenir.
lia exposé que ces neuf citoyens ayant été transférés dans les prisons de Limoges, y avaient été interrogés en présence des officiers municipaux; que leur innocence paraissait constante, mais que le peuple, encore abusé, faisait craindre quelques violences contre ces particuliers, s'ils étaient mis en liberté sans que l'Assemblée nationale eût pris cette affaire en considération.
L'Assemblée ayant délibéré sur cette proposition, a déclaré qu'elle met lesdits neuf particuliers sous sa sauvegarde et celle de la loi; elle a chargé son président d'écrire aux officiers municipaux du comité et de la milice bourgeoise de Limoges, pour leur faire part du présent arrêté, et leur recommander de veiller à la sûreté des personnes détenues, si elles sont mises en liberté.
Le comité des vérifications a fait faire , par l'un de ses membres, le rapport de la difficulté qui s'est élevée sur la seconde députation du bailliage d'Auxerre: l'Assemblée ayant délibéré sur ce rapport, et en confirmant l'avis du comité, a déclaré la seconde députation du bailliage d'Auxerre nulle et de nul eiîet, sauf à avoir égard, lors du règlement qui sera fait pour les convocations futures, aux droits réclamés par le bailliage d'Auxerre sur le Donziois, et encore sous la réserve des protestations contraires faites par les députés du Nivernais ; et cependant les membres de la députation rejetée seront admis comme suppléants, et autorisés, en cette qualité, à remplacer MM. les députés en cas de mort ou de démission.
a proposé à l'Assemblée d'établir dès à présent un comité d'agriculture et de commerce, chargé de préparer tous les objets relatifs au commerce et à i'agri-rulturedont l'Assemblée devra s'occuper, et de lui en' faire le rapport après la Constitution.
Après la discussion de cette proposition, l'Assemblée a délibéré successivement sur l'établissement de ce comité, et sur la manière dont il, serait composé.
Sur la première de ces deux questions, l'Assemblée a décrété qu'il serait formé un comité d'agriculture et de commerce, qui s'occuperait dès-ù-présent de tous les objets relatifs à ces deux sources fécondes de la prospérité publique, pour en faire le rapport après la Constitution, et lorsque l'Assemblée pourra se livrer à cette portion de ses travaux.
Sur la seconde question, l'Assemblée a décrété que 4'élection des membres de ce comité serait faite par généralités, et que chacune d'elles nommerait un député.
a levé la séance, et a indiqué celle de demain matin pour neuf heures précises.
à la séance de VAssemblée nationale du
Opinion de M. le due de la Rochefoucauld sur la sanction royale (1). Messieurs (2), guidé par les lumières que les préopinants ont répandues sur la question importante qui fait le sujet de votre délibération, je vais avoir l'honneur de vous exposer ma manière de l'envisager. C'est avec un saint tremblement que l'on doit faire le premier pas dans la carrière de la Constitution ; je sollicite donc votre indulgence et j'entre en matière.
La loiy vous l'avez définie, Messieurs, est l'expression de la volonté générale. Si une nation entière pouvait s'assembler, l'expression de cette volonté ne serait pas douteuse, et personne Tfi-maginerait de mettre en question si ce résultat aurait besoin d'une sanction particulière pour devenir une loi véritable. Mais il n'en est pas.de même lorsque l'autorité législatrice étant confiée à des représentants, leurs décisions ne peuvent plus être considérées comme l'expression de cette volonté générale que par une sorte de fiction.
Quels que soient les avantages de la législation par représentants sur celle exercée directement par le peuple, il y a cependant des précautions à prendre pour que les délégués ne puissent pas substituer leur volonté particulière à la volonté de la nation, et la plus sûre de ces précautions est la fréquence des élections ; mais elles ne peuvent pas se répéter trop souvent, et surtout dans un grand Etat ; il faut donc en ajouter d'autres, et c'est ce qui a fait naître l idée de cette balance de pouvoirs qui a trouvé tant de panégyristes, dont le nom est bien fait pour en imposer.
Mais la mécanique politique, si je puis m'ex-primer ainsi, a peut-être le même sort que la mécanique proprement dite ; après s'être longtemps servi des méthodes compliquées, l'on parvient à découvrir que les moyens les plus simples, et l'emploi le plus direct des forces sont encore ce qui vaut le mieux. De là le retour à un corps unique pour faire les lois paraît être le plan le plus désirable, et c'est vraisemblablement celui que vous adopterez. Cependant il ne faut pas vous dissimuler que ce corps unique, s'il n'est pas astreint à des formes précises, et si lorsqu'il sera peut-être entraîné par l'enthousiasme, il ne trouve pas un régulateur qui modère sa marche, peut mettre la nation en danger par des décisions précipitées, trop peu réfléchies, et même contraires à son vœu. Différents moyens se présentent, et vous devez ou choisir entre eux, ou peut-être les employer tous, parce que sans altérer la simplicité de la machine, ils serviront à en régler le mouvement.
Premièrement, on pourrait établir un conseil pour examiner les projets de lois qui* nés
dans la Chambre des représentants, lui seraient envoyés
Dans un petit État, cette consultation suffirait peut-être, et la loi ainsi perfectionnée pourrait être remise au pouvoir exécutif; mais dans un vaste empire, où la réunion dans une même main des forces nécessaires à sa police et à sa sûreté, est indispensable pour donner à ces forces l'ensemble et la célérité nécessaires, il faut imprimer à la puissance exécutrice une majesté qui la fasse respecter, et l'intéresser à la chose publique en la faisant participera la confection des lois dont elle doit être l'organe. Il faut donc à un grand Etat un Roi, il faut que ce Roi soit héréditaire pour qu'aucun autre citoyen ne puisse ambitionner cette place éminente;*il faut que la personne de ce Roi soit inviolable et sacrée, pour qu'il puisse veiller sans inquiétude personnelle au salut de l'Etat ; il faut enfin que les lois, pour être complètes, aient été soumises à son examen, afin qu'il puisse en faire counaître les inconvénients, qu'il est plus en état que tout autre d'apprécier. Mais il ne suffit pas qu'il puisse, comme le conseil, retarder par un examen, même réitéré, la promulgation d'une loi ; il faut qu'il ait le droit ae la suspendre jusqu'à ce que la nation consultée puisse faire connaître son vœu et prononcer elle-même ; il faut donc que le Roi puisse refuser sa sanction, et que l'effet de ce refus subsiste jusqu'au renouvellement de la législature ; qu'il puisse même, si elle déclarait que la loi fut urgente, hâter ce renouvellement en dissolvant le Corps représentatif par un acte qui ordonne en même temps des élections nouvelles, que le projet de loi qui aura éprouvé le veto, soit envoyé dans toutes les municipalités, et dans toutes les assemblées élémentaires qui exprimeront suffisamment leur vœu par le choix de leurs nouveaux représentants, et que la suspension n'ait de terme que la décision d'une nouvelle législature. Ainsi, comme il est juste et raisonnable, l'autorité du Roi ^supérieure à toutes les autres, ne cédera qu'à l'expression de la volonté générale de la nation.
On ne doit pas s'effrayer de l'espèce de convulsion que pourra produire la dissolution de la législature, ni même l'influence que les ministres du Roi pourraient avoir dans les élections; ces cas de dissolution seront rares, la forme de nos élections ne prêtera ni au tumulte ni à la corruption qui déshonorent les élections anglaises, et les lumières qui se répandront de plus en plus dans toutes les classes de citoyens s'opposeront aux effets nuisibles que produit quelquefois la
dissolution du parlement britannique. D'ailleurs, quand bien même il y aurait des inconvénients, ils ne sont certainement pas comparables à ceux du refus de l'impôt ou de l'insurrection, que plusieurs nations ont été obligées de déclarer légitime.
Mais toutes ces précautions ne suffises pas encore pour assurer la nation contre la tendance de tous les pouvoirs à accroître leur autorité ; il lui faut un moyen de corriger les abus qui se glissent dans les meilleures institutions et de suivre même, pour améliorer sa Constitution, le progrès des lumières que le temps amène toujours avec lui, et ce moyen est fort simple: il faut qu'à des époques déterminées, une convention nationale, composée de représentants choisis pour cette unique fonction, vienne examiner la Constitution et y apporter les modifications nécessaires. Un écrivain célèbre, philosophe profond et patriote vertueux (1), a fixé cette période à vingt ans, afin que chaque citoyen ait la presque certitude de consentir une fois dans sa vie aux lois qui le gouvernent ; cette détermination doit encore être l'objet d'un examen approfondi ; mais il est hors de doute que cette faculté réservée à la nation est de droit, et nécessaire pour maintenir sa liberté contre les erreurs et les fautes de la législature ordinaire.
Il m'aurait paru convenable de discuter ces différentes questions avant de prononcer sur aucune; elles se tiennent toutes, et chacune a beaucoup d'influence sur les autres ; cependant pour obéir à l'ordre de délibération que vous avez arrêté, je dirai en me résumant, sur l'article seul de la sanction royale, qu'elle me paraît utile, et qu'il doit être établi par la Constitution que le Roi, lorsqu'il jugera convenable de la refuser, pourra suspendre la promulgation de la loi jusqu'à ce que la législature renouvelée, soit dans le temps ordinaire, soit par une dissolution, ait apporté l'expression de la volonté générale, à laquelle toute autre volonté doit céder lorsqu'elle s'est fait entendre.
Quant à la seconde branche de la question, si la sanction royale sera nécessaire pour la Constitution, je pense avec le comité que la Constitution étant l'acte qui détermine les différents pouvoirs, ne doit point y être soumise.
Séance du
11 a été fait mention des délibérations et des adresses d'adhésion ou de félicitation des officiers municipaux delà ville de Bar-sur-Aube en Champagne; des gardes de la prévôté de l'hôtel du Roi ; du comité général et national de la ville de Pont-l'Evêque ; de la viguerie de Toulon ; de la noblesse des sénéchaussées de Bergerac, Sarlat et Périgueux ; de la ville de Loches en Touraice ;
des officiers du siège royal et principal de la Basse-Marche, établi en la Ville dd; Dorât, et de ceux de la sénéchaussée de là Basse-Marche, séant à Beilac ; de la municipalité de Monchamps en Poitou; des officiers municipaux de la ville de Thouart; des communes de la Marche ; de la Gar-nache en Bas-Poitou ; de tous les citoyens de la ville et campagne de Beaufort en Anjou; de la ville de Gharlieu en Lyonnais; de la ville de Moyenvic ; du comité permanent de la ville de Tours ; de la ville de Gompiégne ; des officiers de la justice de Cosne-sur-Loire; du corps municipal de Mabrien en Languedoc ; du comité permanent du district de Qui n ce y en Franche-Comté ; de la ville de Mées ; de tous les citoyens de la ville de Gardanne en Provence, et de la ville de Saissac en Languedoc.
MM. les secrétaires ont rendu compte de différentes lettres: 1° de M. Tascher, président au parlement de Metz, qui fait hommage à la nation d'un brevet de pension de 1,200 livres,et demande qu'une autre pension de 800 livres placée sur sa tête, soit transférée sur celle de sa mère âgée de plus de quatre-vings ans ; 2° de M. le comte de La Tour-du-Pin, ministre de la guerre; 3° du sieur Mongeot, directeur d'une instruction gratuite en faveur des ouvriers de Paris ; du sieur deMarcomhe, de Tours; du sieur Aubry, médecin ordinaire du Roi, qui demande le titre de médecin de l'Assemblée nationale ; enfin, des procès-verbaux de la prestation de serment du premier bataillon de Bassigny, et du bataillon auxiliaire en la ville de Port-Louis enBjetagne; de la prestation de serment des troupes en garnison à Montpellier, et de l'assemblée de la noblesse de la Basse-Marche, qui renouvelle les pouvoirs de son député à l'Assemblée nationale, et l'autorise à délibérer sur tous les objets qui seront proposés.
La liste des membres qui ont été élus par les généralités, pour composer le comité des droits féodaux, a été lue à l'Assemblée.
11 a été aussi donné lecture du procès-verbal de la séance du 31 au matin ; et quelques difficultés s'étant élevées au sujet de la rédaction de ce procès-verbal, dont la réforme entière avait été demandée, l'Assemblée a été aux voix, et a décidé que le procès-verbal ne serait point réformé, sauf quelques légères corrections.
L'ordre du jour appelle la suite de la discussion relative à la sanction royale.
La question que nous agitons a donné lieu à des discussions très-savantes; l'on a opposé des systèmes à des systèmes contraires ; des opinions différentes à d'autres opinions ; les gouvernements ont été jugés ; tous les peuples ont été appelés en témoignage ; en un mot, on a tout dit, excepté la vérité, oui, Messieurs, tout dit excepté la vérité; et je vais la faire entendre; et si mes efforts ne sont pas vains, je ne me plaindrai pas de la tâche qui m'a été laissée.
L'on doit d'abord s'apercevoir de la différence qu'il y a entrele veto et la sanction, comme de celle qu'il y a entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ; l'un, dit-on, appartient au peuple, l'autre est confié au Roi. L'on avoue ensuite que le peuple a le droit de faire des lois, et que le Roi est chargé de les faire exécuter. Je conclus de tout cela qu'il faut s'armer contre l'évidence même pour vouloir investir du droit de veto le pouvoir exécutif. Il est aussi absurde de soutenir une pareille thèse, qu'il le serait de dire : Puisque vous
accordez au pouvoir exécutif le droit d'empêcher le pouvoir législatif de faire des lois nouvelles, il faut aussi, par une juste réciprocité, que le pouvoir législatif puisse empêcher le pouvoir exécutif de faire exécuter les lois anciennes ; car ces deux pouvoirs étant égaux, ils doivent avoir la même influence, et de là il résultera un très-bel ordre de choses.
Mais, dit-on, nous n'accordons pas ce droit, il appartient au Roi; il est partie intégrante du pouvoir législatif.
Mais alors que pourra donc le pouvoir législatif s'il ne peut faire des lois ? et qu'est-ce qu un pouvoir qui ne peut rien ? qu'est-ce qu3un Corps législatif qui peut décréter et qui ne le peut pas ? qu'est-ce qu'un législateur qui veut, et un roi qui ne veut pas ? Que l'on m'explique donc toutes ces contradictions!
En attendant, je raisonne ainsi :
Personne n'a le droit d'empêcher une nation de faire des lois ; une nation peut faire une Constitution, donc personne n'a le droit de l'en empêcher.
Ce n'est pas d'aujourd'hui que j'ai démontré qu'aucune aulorité n'est légitime qu'autant qu'elle est nécessaire; que le Roi n'en doit avoir qu'autant qu'elle est suffisante pour défendre notre liberté, et non pour l'attaquer. Eh ! que serait le Roi, s'il pouvait tout contre la nation, s'il pouvait rendre nul à son gré le pouvoir législatif?
Souvenez-vous que la souveraineté réside dans le peuple, souvenez-vous que vous avez ordonné la responsabilité des ministres; souvenez-vous aussi des effets du veto, et demandez-vous à vous-mêmes s'il est nécessaire. Le Roi ne peut empêcher l'exercice du pouvoir législatif.
11 me reste à démontrer s'il faut adopter le veto suspensif.
Le Roi ne peut connaître les limites de son autorité qu'après avoir ratifié et sanctionné la Constitution ; que l'on ne s'y méprenne pas : j'entends par sanction l'acte par lequel le souverain s'oblige à la faire publier et la faire exécuter. Je ne distingue ici ni le veto absolu ni le veto limitatif ou modifié. Je discute les principes. Ainsi, nous disons tous que la loi est l'expression de la volonté générale; mais chacun adapte cette définition à son système.
Les uns entendent la. volonté manifestée par des députés; et c'était là le système des représentants ; d'autres veulent que l'on ajoute la volonté du prince, et, selon eux, l'Etat sera libre; d'autres enfin veulent un sénat, et le peuple français, dit-on, sera le peuple le pliis heureux de la terre.
Mais je définis ainsi la volonté générale: c'est celle de la majeure partie des citoyens français.
11 est impossible de reconnaître deux volontés générales, et cependant il y aurait celle du peuple et celle du prince ; mais il est possible de recueillir les voix des citoyens, et cela vaut mieux que de s'en rapporter à celles des représentants et du Sénat. Or, alors il n'est nullement question de veto ; ce n'est donc que dans le cas ou la volonté générale qui fait la loi est maintenue, d'autant qu'il peut y avoir de la difficulté. Or, on considère dans quel embarras jette le désordre de vos délibérations celui qui met de l'ordre dans ses idées.
Le veto sera donc conditionnel, et je m'explique. Si le peuple jouit de la liberté de faire des ois, il en doit jouir sans aucune restriction ; si e peuple n'en jouit que par ses représentants, il n'aura pas alors usurpé le pouvoir législatif, et
je m'écrierais alors : 0 mes concitoyens 1 puisque vous méconnaissez le poids de l'esclavage, puisque le prince laisse retomber dans vos mains une partie de ses pouvoirs, n'accordez pas un seul veto: accordez-lui en mille ! Ainsi je déclare que si le pouvoir législatif se trouve organisé de telle manière que tout citoyen puisse concourir à la confection de la loi, il ne peut y avoir de mtoiu
Mais si des représentants divisés en deux chambres, ou réunis dans une seule, permanente ou non, croient avoir la souveraineté en main, alors même je réclame un veto individuel pour chaque citoyen français.
Je déclare encore que comme il est impossible que l'esprit de parti soit l'esprit de justice, il est également impossible que je me range d'aucun parti; que la servitude etla licence étant opposées à la liberlé, je déteste ces deux excès ; je déclare encore qu'il n'est aucune puissance humaine qui puisse commander à ma conscience ni modifier ma volonté.
Un des orateurs a judicieusement commencé par demander : qu'est-ce que la sanction ? elie n'a pas été jusqu'ici assez bien définie. Les lois romaines, qui sont ce qu'il y a de plus pur eu législation, nous disent que si les hommes voulaient toujours se conduire par la raisou, ils feraient eux-mêmes les lois; mais telle est leur faiblesse qu'il faut recourir à la force pour en commander l'exécution. La sanction n'est rien autre chose que le pouvoir exécutif qui reçoit la loi pour la mettre en vigueur. Or, elle ne peut être mise en vigueur qu'après avoir été promulguée: c'est là un principe incontestable. Or, observez que la promulgation doit avoir un caractère solennel, pour qu'on ne confonde point les actes du pouvoir législatif comme ces papiers éphémères, colportés dans les places publiques: voilà du nouveau, donné tout à l'heure! Comment la loi de la promulgation peut-elle être changée? Ce n'est que par une loi nouvelle, et cette loi nouvelle doit elle-même être promulguée dans les formes anciennes. De là la question de savoir si l'Assemblée nationale peut résoudre, sans l'intervention du prince, la sanction royale. Vous savez tous que nos lois ont été jusqu'ici publiées sous les auspices du monarqiie. En France, il faut qu'elles soient munies du sceau royal. Dans l'anarchie féodale, nos rois avaient perdu ce droit, et ils ont fait, conjointement avec les barons représentant les provinces qu'ils avaient assujetties, différentes ordonnances pour le leur ressaisir.
Dans la suite, le diplôme législatif a été envoyé aux cours, et alors elles en ont attesté l'authenticité. Aujourd'hui, l'Assemblée nationale est réunie pour faire des lois ; ces lois seront promul-, guées, elles le seront même dans une forme nouvelle ; mais il faudrait un diplôme législatif, muni du sceau royal et du cachet de l'Assemblée, pour annoncer ce nouveau changement. On nous conduit à la nécessité d'approfondir la question de la distinction des pouvoirs- Le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif donnent des fonctions différentes, et ils appartiennent au même corps politique, La ;Constitution doit arrêter les entreprises d'un pouvoir sur un autre, et ce n'est que dans l'autorité royale que l'on peut en trouver le moyen, parce qu'alors elle circonscrit le pouvoir législatif. On a voulu excepter de la sanction royale la Constitution ; on a invoqué le sentiment de M. de Cazaux: Une constitution, dit-il, est une manière de gouverner et d'être gouverné.
Mais ce gouvernement doit avoir des règles, qui, comme les autres lois, sont nécessaires à la promulgation et à la sanction. La sanction est donc nécessaire pour la Constitution.
Nous ne venons pas dire ici, comme cet ancien philosophe : Donnez-moi du mouvement et de la matière, et je ferai un monde. Nous ne venons pas faire une Constitution, mais raffermir la Constitution ancienne ; c'est ici que je réclame mes cahiers ; les électeurs n'ont pu prescrire aux députés la subversion de la Constitution, parce que ceux-ci n'en avaient pas le pouvoir.
Je pense donc que, vis-à-vis de l'Assemblée, le veto doit être suspensif. Voici l'arrêté que je propose : « L'Assemblée nationale arrête que tous les décrets faits et à faire seront présentés au Roi, avec supplication de faire expédier des lettres-patentes scellées du grand sceau, lesquelles seront envoyées d'abord à l'Assemblée nationale pour être déposées dans les archives, ensuite dans toutes les cours de justice, pour y être enregistrées et publiées, pour être les décrets exécutés suivant leur forme et teneur ; et, dans le cas ou le Roi refuserait, il fera connaître son intention et les motifs de son refus. Alors l'Assemblée mettra de nouveau la matière en délibération ; et, dans le cas où elle persisterait, elle ferait imprimer son décret, l'exposition des raisons du prince et la justification de l'Assemblée. La matière serait jugée dans la prochaine session : il faudrait les trois quarts des voix dans les assemblées élémentaires, et les trois quarts dans l'assemblée générale ; alors le Roi ne pourrait se dispenser de donner des lettres-patentes sur ce décret. »
plaide la cause du veto suspensif ; il dit que le veto absolu est vide de sens; que le veto anglais est dangereux; que quand le parlement présente un bill, le Roi répond qu'il le croit dangereux pour son autorité ou pour le peuple, que si le pouvoir exécutif persiste dans son refus et que lé pouvoir législatif persiste également, le premier dissout le second, il se détermine pour le veto suspensif.
Ici la discussion est interrompue, et l'on demande à aller aux voix.
observe que l'on ne doit arrêter l'article de la sanction royale qu'avec tous les autres articles proposés par M. le vicomte de Noailles; qu'il faut consacrer le reste de cette journée à la discussion delà sanction, et demain, discuter celle de la permanence.
pense qu'il ne faut point faire de longs discours pour présenter le vœu de ses commettants.
La motion de M. Target est adoptée, et l'on reprend la discussion.
On oppose le vœu des commettants en faveur de la sanction. J'avoue qu'elle est renfermée dans la majorité des cahiers; mais ils n'ont point arrêté la forme fixée, l'étendue déterminée, l'organisation des pouvoirs; ils nous ont dit de donner à la France uue Constitution, d'assurer le pouvoir législatif au peuple, et de remettre le pouvoir exécutif dans la main d'un seul ; c'est donc à notre conscience qu'ils s'en sont rapportés sur la nature du veto. Au reste, les temps sont bien changés depuis qutî nous avons reçu nos mandais. Dans le temps des assemblées élémentaires, le peuple avait à se plaindre des déprédations ministérielles ; depuis il a
été sur le point d'être frappé par le coup le plus terrible, la dissolution des Etats, et une généreuse insurrection lui a rendu ses droits.
La question de.la sanction royale peut être saisie sous deux rapports, soit sur la Constitution, soit dans la Constitution : le premier point a été suffisamment éclairci, je ne m'arrêterai que sur le second. La souveraineté réside dans la nation ; de là la nécessité de choisir des représentants pour exercer cette souveraineté, pour faire la Constitution et organiser les pouvoirs.
La Constitution ne consiste que dans leur distribution ; l'un est législatif, l'autre est exécutif ; et c'est en les divisant que l'on est sûr de jouir de la liberté ; c'est pour qu'ils ne se combattent pas sans cesse que le veto devient nécessaire. Mais sera-t-il absolu ou suspensif ?
Les représentants font une loi, la présentent au Roi ; le Roi la "rejette sous prétexte qu'elle est contraire aux lois constitutives ; les représentants persistent ; qui l'emportera, du Roi ou dés représentants? Le seul juge, c'est la nation ; c'est elle qui est vraiment constituée pour faire son bonheur. Ainsi, l'appel au peuple devient indispensable ; il lui donne le temps de s'éclairer ; les passions s'apaisent, et si les nouveaux représentants exigent la même loi, le Roi est forcé de la sanctionner. Que l'on lie dise pas que la dignité du Roi est blessée.
Le Roi peut désobéir aux délégués, mais non à la volonté générale. La difficulté des élections ne sera pas non plus un obstacle ; elles deviendront faciles quand elles se feront par districts; la dissolution des Etats deviendra très-rare, la crainte de l'improbation retiendra le souverain. Une mutuelle circonspection contiendra les pouvoirs dans de justes bornes.
L'on nous a proposé l'exemple de l'Angleterre : Que la France l'ait désiré dans un temps, cela ne >rouve pas sa perfection. Un peuple gouverné par es intendants, les commandants militaires, les ettres de cachet/ les financiers, pouvait fort bien désirer le gouvernement anglais. Les Anglais ont été obligés de composer avec les préjugés dans leur Constitution. Au reste, il faut moins consulter les exerhples que les principes. L'appel au * peuple est le vœu général, et la Constitution doit donner au Roi le veto suspensif.
La question tient tellement à l'organisation des pouvoirs, à la question de savoir si l'Assemblée nationale sera composée en deux Chambres, si elle sera permanente, que l'on n'a pu se dispenser de les examiner.
Les préopinants ont établi la permanence, et la majeure partie de l'Assemblée paraît y adhérer. C'est dans cette supposition que je vais examiner la question de là sanction. Vous avez consacré un grand principe dans la déclaration des droits : c'est que tous les pouvoirs sont émanés du peuple.
Cette nation, en se choisissant un chef, n'a pu se donner un maître. Les rois sont faits pour les peuples, et non les peuples pour les rois. Il en résulte qu'il est soumis à la volonté générale. Le peuple français nous a revêtus de sa puissance : notre autorité est la sienne; et les Français nous ont chargés de faire une Constitution conforme à leurs intérêts.
Vous ne souffrirez pas que la volonté particulière soit contraire à la volonté générale. La nation nous a chargés d'arrêter ses lois constitutives, et le Roi n'y peut mettre d'obstacle : il serait juge dans sa propre cause.
Puisque vous n'avez pas demandé la sanction pour tous vos décrets, puisque le Roi les a fait publier, pourquoi demanderiez-vous la sanction sur ceux que vous allez faire?
Il faut un veto; mais sera-t-il absolu ou suspensif? Le Corps législatif ne peut détruire les lois fondamentales; il n'a que le droit de les maintenir. Cela posé, il est facile de se former une idée juste de la sanction. Le Roi, s'il est éclairé, décidera lui-même; il dira : vos représentants ont fait une loi ; je l'ai vue contraire à vos intérêts; jugez.
La nation ne répond que par des députés. Si elle persiste, le roi doit sanctionner ; mais il ne faut pas que la même Assemblée représente deux fois la même loi. Je pense comme M. de Beaumetz : La loi ne sera représentée que par une seconde Assemblée.
Pendant l'intervalle, la nation s'éclairera, le roi s'instruira également; et alors, si les députés la représentent, il n'aura cédé qu'à la volonté générale.
M. Barnave vous a peint avec énergie les oppositions qui s'élèveront entre les pouvoirs. Ce ta- % bleau a paru faire impression ; mais j'ajouterai qu'il faut craindre également le sommeil du pouvoir législatif.
A toutes les raisons que M. Barnave a mises en usage pour faire rejeter le veto absolu, j'ajouterai que ce veto ne serait jamais que celui du ministère, puisque le roi ne pourrait se refuser à la volonté générale, qui toujours est sage et prudente
Que l'on réfléchisse aux attentats que commettront de mauvais ministres; que l'on réfléchisse aux séductions qui peuvent mettre l'Assemblée dans la dépendance du ministère. Si le veto absolu passait, que deviendrait notre liberté? notre condition serait pire qu'il y a un an. L'on ne verrait plus en France qu'un sultan, des vizirs, des pachas, des esclaves.
L'on nous cite l'exemple de l'Angleterre : ne copions pas jusqu'à ses erreurs. Si (les Anglais sont un ©bjet d'émulation, nous ne devons pas leur envier leur veto9 leur magistrature, leur imperfection . Les Anglais sont libres, parce que tous veulent être libres, qu'ils ont tous la conscience de leur dignité. Ce n'est pas en un instant que l'on arrive à cette perfection : ce n'est que par une participation graduelle des particuliers à la liberté; ce n'est qu'après une longue éducation politique. Si nous voulons égaler les Anglais en bonheur, il faut les surpasser en bonnes lois.
L'on s'est étendu avec beaucoup d'érudition surle motsanction. il vient du mot latin sandre, qui, dans la bonne latinité, signifie confirmer. Le mot sanction n'est pas un mot nouveau parmi nous. Nous avons la Pragmatique-Sanction de saint Louis, nous avons celle de Charles VII, qui ordonne l'exécution des décrets du concile de èàle. Les jurisconsultes emploient aussi le mot sanction pour signifier l'application du châtiment à la peine. Ce n'est pas une chose nouvelle dans le droit public, Les Romains, qui ont joui de la liberté pendant huit siècles, connaissaient la sanction.
D'après ces notions, il est facile d'en donner une définition.
G'est le pouvoir négatif du roi qui, faisant partie intégrante du Corps législatif, a le droit d'en suspendre les actes.
Le lui refuser, c'est lui enlever la qualité de colégislateur.
Cela posé, je pense que, dans tous les cas, soit de la permanence ou de la périodicité, de l'unité ou de la multiplicité des Chambres, je pense, dis-je, qu'il est de votre intérêt, car ce n'est pas la cause du roi que je défends, c'est la vôtre, c'est la mienne, il est de votre intérêt que le veto absolu soit laissé au roi.
Cette question étant liée à la permanence, je pense que si nous voulons assurer notre liberté, il faudrait aussi ordonner que ie Corps législatif s'assemblât tous les ans ; mais sans le veto, ce corps si puissant, qui représente la nation entière, ne reparaîtrait que pour tout changer, au lieu de tout consolider ; et cet esprit de conquête sur les pouvoirs la plongerait dans l'éternel chaos de la confusion et ue l'anarchie.
C'est avec raison que la sanction royale est la première question soumise à votre discussion; car dans une législation politique la nation ue fera poiut de lois sans la participation du souverain.
Le plus grand nombre des lois auront été accueillies par la majorité des suffrages. Le roi ne les rejettera pas saus les motifs les plus puissants. L'on nous a montré le roi opposé à la nation*; mais n'est-il pas de son intérêt de se confondre avec son peuple?
5 Quel est le peuple sage qui, par l'organisation des pouvoirs, ne se prémunit pas coutre celui qui peut tout, et qui voudrait tout exécuter? Il oppose au pouvoir législatif l'autorité royale.
Remarquez avec moi que tous les empires qui ont voulu tant limiter l'autorité du roi ont presque toujours perdu leur liberté.
La Suède a voulu ériger son sénat en sénat perpétuel, et elle a plus perdu qu'elle n'avait usurpé.
Il est une grande vérité : c'est que quiconque abuse de son autorité la perd inévitablement. J'en appelle ici à votre propre expérience; toutes les fois que le roi a abusé de sa puissance, il l'a perdue; toutes les fois que le peuple a voulu ressaisir l'autorité royale, il a tini par tomber dans l'esclavage.
A la fui du dernier siècle, deux souverains ont attiré tous les regards de l'Europe, Charles 11 et Louis XIV. Croit-on qu'ils ont dû, dit M. Hume, leur haute puissance à leur génie et à leurs ministres? Non sans doute; l'un ne l'a due qu'à la guerre de la Fronde, le peuple honteux n'osa rien faire contre son souverain ; et l'autre a trouvé la source de son pouvoir dans l'échafaud de son malheureux père.
L'Angleterre a chaugé neuf à dix fois de dynastie, et n'a jamais eu aucun roi anglais. Les Romains, le Danemark, la Suède, la maison d'Orange, de Brunswick, lui ont donné successivement des maîtres.
Aussi a-t-elle fixé depuis à son souverain un pouvoir raisonnable ; par là ils ont fait que leur souverain a celui de résister.
La sanction n'esC pas la prérogative du peuple, mais celle du roi; le roi ne peut faire de loi; mais il me semble qu'une émulation de concours assure le bonheur du peuple. Si le roi est aveuglé, si la nation est emportée dans un moment d'insurrection ou de fanatisme, n'est-il pas désirable que ces deux pouvoirs se rapprochent au lieu de se combattre?
Il est nécessaire que le pouvoir exécutif soit libre et impartial : le serait-il, si le Corps législatif faisait des lois sans sa participation, et surtout si vous en pouviez faire contre lui? S'il est dépendant de l'Assemblée nationale, il aura
recours à ces infâmes moyens employés par bien des princes, d'acheter la vertu d'une partie de leurs sujets pour écraser l'autre. 11 en est de même du pouvoir judiciaire; son concours est nécessaire, parce qu'il ne faut qu'un seul pouvoir exécutif, et il y eu aurait nécessairement deux, si la nation avait le droit de faire exécuter les lois.
Vous avez sous les yeux l'exemple de la Hollande : pressée entre les flots de l'Océan et l'inquisition, elle a déposé dans les mains d'un stathouder un pouvoir qui n'a aucune influence sur le pouvoir militaire et judiciaire; pour remédier à cet excès, on lui a donné la nomination des places. Les représentants des Provinces-Unies lui ont demandé-de ne nommer que dans une certaine classe, et cette classe était celle de la noblesse. Aussi de là est née la plus monstrueuse aristocratie. Séparez-vous vos pouvoirs au premier choc, vous tomberez dans l'anarchie!
On propose un parti bien étrange : le veto absolu pour l'Assemblée nationale, et le veto suspensif pour le peuple; mais cela revient au même; l'Assemblée nationale fait partie de la nation, et par làneserait exposée qu'au veto suspensif. Toute autorité, dit-on, vient du peuple, mais cette autorité ne réside plus dans ses mains; il a réglé les pouvoirs, il les a distribués, et il ne peut les ressaisir à son gré sans le plus grand désordre.
Dans un siècle éclairé, il est une puissance supérieure à toutes les autres; c'est l'opinion publique. La liberté de la presse est à jamais assurée, et il est évident que c'est le plus grand bienfait que l'Assemblée nationale ait pu accorder à la nation.
La presse est libre, le genre humain est sauvé; il n'y aura plus de despote. Prenez garde qu'avec un veto suspensif le peuple et le Roi ne soient tyrannisés.
4 Que l'on ne craigne pas les ministres; Richelieu jui-même eût étouffé son génie despotique devant une Assemblée.aussi solennelle. Voici le projet d'arrêté que je vous propose : « Les représentants du peuple français, réunis en Assemblée nationale, considérant qu'il est de l'intérêt de la liberté que le plus parfait concert règne entre le pouvoir exécutif et le pouvoir législatif; que le Roi en est partie intégrante; qu'aucune loi n'est obligatoire, si elle n'est solennellement consentie par la nation et sanctionnée par le Roi:
« Arrête, par un décret perpétuel et irrévocable, qu'aucune loi ne sera reconnue comme loi de l'Etat, que lorsqu'elle aura été proposée par l'Assemblée nationale et sanctionnée par le Roi, sans être obligé de motiver son refus dans le cas où il la rejetterait. Arrête, en outre, que le présent arrêté sera porté au Roi par une députation solennelle. » La séance est levée.
Séance du soir.
propose à l'Assemblée de s'occuper de Vaffaire relative à l'approvisionne-ment de Saint-Domingue.
lit un mémoire sur le provisoire,, dans lequel il cherche à prouver que les ordonnances rendues par M. du Ghilleau, gouverneur général de Saint-Domingue, ont sauvé cette île précieuse; mais qu'elle est dans le plus
grand danger d'essuyer toutes les horreurs de la famine, si la dernière de ces ordonnances, relative à l'introduction des farines étrangères n'est pas, par provision, prorogée pour six mois.
Plusieurs députés, négociants, croient qu'il est convenable d'éloigner le jugement de cette affaire, çn soutenant que le ministre et le commerce doivent être entendus.
prévient l'Assemblée que M. le comte de La Luzerne, secrétaire d'Etat de la marine, est disposé à venir à l'instant donner tous les éclaircissements possibles, et que le cas étant urgent, on pourrait prendre un parti dans la séance même.
député de Saint-Do-mingue, représente que depuis trois semaines il sollicitait une décision ; qu'il n'avait jamais cru que la demande provisoire et limitée que faisait la colonie pût entraîner une discussion avec le ministre et avec le commerce ; mais que, puisque cette affaire était discutée et que le ministre offrait de donner à l'instant des renseignements précis, il priait l'Assemblée d'y consentir, attendu que le décret qui devait consoler les habitants infortunés de Saint-Domingue ne pourrait leur être connu avant un espace de deux mois.
dit que si la demande provisoire était ad miseelle préjugerait la grande question des lois prohibitives, qui doit demeurer dans son entier jusqu'à ce que cette loi et toutes celles qui concernent les colonies aient été soumises à un examen approfondi; que la demande provisoire est inutile parce que les gouverneurs de Saint-Domingue ont toujours eu la faculté de recourir à la Nouvelle-Angleterre, pour suppléer à la disette des farines sans prendre les ordres du Roi; cette faculté a le même effet que la demande provisoire sollicitée par les députés de Saint-Do-mingue; des précautions sont prises depuis le mois de mars. Aux termes même de l'arrêt du conseil qui a cassé l'ordonnance de M. du Chii-leau, du 9 mai dernier, cette ordonnance doit être exécutée trois mois après l'enregistrement a Saint-Domingue, ce qui en étend le terme jusqu'à la fin de l'année. D'après ces considérations, la demande est sans intérêt, et l'orateur pense qu'il n'y a lieu à délibérer.
L'Assemblée, après avoir entendu les diverses propositions, arrête :
« Qu'il sera nommé un comité chargé de lui rendre compte incessamment de l'affaire de Saint-Domingue;
« Que ce comité d'instruction préalable sera composé de six membres nommés par le comité d'agriculture et de commerce, mais qui ne pourront être pris parmi les personnes intéressées, ou comme colons, ou comme négociants avec les colonies. »
Un de MM. les secrétaires donne lecture de la liste des membres élus pour composer le nouveau comité dès recherches.
MM.
MM
Le duc Havre de Croï. Viguier.
Turpin. Le marquis Lezay de Mar-
Colbert de Seygnelay, évê- nézia.
que de Rodez. Mathias, curé d'Eglise-
Le marquis de Crillon. Neuve.
Madier de Monjau. Marchais.
Roulhac. Guirtebaud. De Lachtze.
fait une proposition relative à l'ordre des places dans la salle et dans les galeries.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
indique la séance de demain pour neuf heures du matip.
La séance est levée.
Séance du
Il a été donné communication à l'Assemblée des adresses des villes d'Oloron en Béarn, de Salons en Provence, d'Hontleur, de Malzieu en Languedoc, d'Ornans en Bourgogne, de Saint-Nazaire, de la commission intermédiaire des communes de Bigorre, de la ville de Saissac en Languedoc, des officiers municipaux de la ville de Vie en Haute-Auvergne, portant toutes adhésion aux arrêtés de l'Assemblée, félicitations et remercîments; d'une délibération du comité permanent de la ville de Pamiers, qui adhère aux arrêtés; d'une adresse de reconnaissance et d'adhésion aux arrêtés du 4 août, des habitants du bourg d'Auriabat, qui annoncent qu'ils ont consacré ledit jour 4 août de chaque année à uue fête solennelle et religieuse; d'une lettre des officiers de fortune en garnison à Neuf-Château en Lorraine, relativement à l'article de l'arrêté du 4 août, sur l'admission de tout citoyen aux emplois civils et militaires, sans distinction de naissance; d'une délibération de ta ville de Soissons, contenant adhésion au projet conçu par la province de Touraine, pour venir promptement au secours de l'Etat; d'une lettre de la commission intermédiaire des Etats du Dauphiné, qui annonce les précautions prises pour découvrir l'origine des troubles de la province ; d'une lettre des maire ec consuls, gouverneurs de Villeneuve-lès-Avignon, sénéchaussée de Nîmes, qui contient adhésion, témoignage de respect, et rend compte de la détention d'un particulier accusé d'avoir excité le trouble.
Vordre du jour appelle la suite de la discussion relative à la sanction royale.
M. Mounier a la parole pour exposer au nom du comité de Constitution les motifs de divers articles du plan de Corps législatif et principalement ceux qui se rapportent a la né-cessité de la sanction royale.
Messieurs, l'organisation du Corps législatif est la partie la plus importante de la Constitution d'un peuple; elle détermine la formation des lois, et comme c'est la loi qui doit garantir les droits imprescriptibles des hommes, comme c'est elle qui doit tracer leurs devoirs, on peut dire que c'est dans le Corps législatif que réside essentiellement la liberté publique.
Le comité de Constitution doit vous rendre compte des motifs qui ont dicté les différents
ar-
C'est une vérité incontestable que le principe de la souveraineté réside dans la nation, que toute autorité émane d'elle; mais la nation ne peut se gouverner elle-même. Jamais aucun peuple ne s'est réservé l'exercice de tous les pouvoirs. Tous les peuples, pour être libres et heureux, ont été obligés d'accorder leur confiance à des délégués, de constituer une force publique pour faire respecter les lois, et de la placer dans les mains d'un ou de plusieurs dépositaires.
Dans plusieurs républiques, il est vrai, le peuple s'est réservé le droit de donner en corps son consentement aux lois proposées par ses magistrats; mais ce droit n'a pu être mis en usage que dans les petits Etats, dont les citoyens pouvaient facilement se réunir en assemblée générale, où la classe la plus nombreuse était privée du droit de cité, soit qu'elle fût composée d'esclaves, soit qu'elle fût composée de familles considérées comme étrangères; et encore, malgré ces injustes et cruelles précautions, combien de sources funestes de divisions et de haines ont éclaté dans les assemblées populaires et législatives ! Avec quelle facilité on parvenait à séduire la multitude, à briser toutes les limites dont les lois avaient entouré le pouvoir législatif! Avec quel empressement le peuple courbait la tête sous le joug d'un tyran qui l'égarait par ses flatteries! Avec quelle aveugle fureur il servait les passions de ses ennemis, et persécutait ceux qui s'étaient dévoués pour son bonheur!
Ce qui produisait tant d'inconvénients dans de pet i ts Etats, serait certainement impossible dans un vaste empire. Une grande nation doit préférer la forme de gouvernement qui permet à tous ses citoyens d'être libres, et de jouir en paix des bienfaits de la nature. Elle ne remplirait point ce but, si elle formait la téméraire entreprise de retenir elle-même la faculté de faire des lois, ou de les exécuter.
Pour donner au pouvoir exécutif le degré de force et de célérité qu'il doit avoir dans un grand Etat, il faut le placer dans les mains d'un monarque. Pour ne pas s'exposer à décorer du nom de • lois des décisions dictées par des intérêts particuliers, il faut qu'elles ne puissent être établies sans la volonté d'une Assemblée de représentants librement élus. Il serait inutile de démontrer ici l'excellence de cette forme de gouvernement, qu'il faut appeler, quoi qu on en puisse dire, gouvernement monarchique.
On objecte, il est vrai, que plusieurs Etats, soumis au régime arbitraire, se glorifient également du nom de monarchie; mais on doit attacher aux mots le sens qu'on est_ convenu de leur donner. Communément on distingue la monarchie du despotisme, en ce que, dans la première, le prince gouverne suivant les lois. Sa volonté n'y est donc pas une loi. Ainsi, tout gouvernement où la puissance du prince est dirigée par les lois, est véritablement monarchique; et la Constitution que vous assurerez à la France justifiera sans doute cette définition, et préviendra sur ce point toute incertitude.
Nous avons examiné cette importante question, si les lois doivent être délibérées dans une seule Chambre, ou si deux Chambres sont absolument nécessaires. Nous avons été convaincus de la nécessité de distinguer les moyens propres à créer une Constitution, de ceux qui doivent la maintenir. L'Assemblée présente, chargée de fixer l'organisation des pouvoirs, et d'élever l'édifice de la
liberté, devait être formée par un seul corps, afin d'avoir plus de force et de célérité; mais ce même degré de force, s'il était conservé après la Constitution, finirait par tout détruire.
Et comment empêcher pour l'avenir, dans une seule Assemblée, les erreurs, la précipitation, l'enthousiasme? Comment espérer qu'elle abaissera son pouvoir devant celui de la Constitution, et que, dans les différends qui s'élèveront entre elle et le trône, l'un ou l'autre ne sera pas renversé? Des hommes réunis pour faire des lois, des hommes honorés de la confiance publique, considérés comme les gardiens, comme le3 dépositaires de la liberté du peuple, auraient une si grande autorité qu'il leur serait facile chaque jour d'en étendre les limites ; et le veto que pourrait opposer le monarque à leurs résolutions serait presque toujours une arme impuissante. Que de moyens en effet aurait une seule Chambre pour triompher d'un pareil obstacle! Le refus de l'impôt, l'influence dont elle jouirait sur le peuple permettraient bien rarement au prince de lui résister.
Sans cesse entraînée par les discours véhéments de ses orateurs, ou par l'impression subite qu'elle recevrait de tous les événements, elle se mettrait au-dessus de toutes les règles. Vainement la Constitution aurait circonscrit son pouvoir, elle en altérerait fréquemment les dispositions. Les atteintes indirectes qu'elle pourrait y porter ne seraient pas aperçues par la nation, et peut-être même séduiraient la multitude. Des lois nouvelles succéderaient rapidement à d'autres lois. La législation redeviendrait bientôt un cahos où l'on ne pourrait se diriger que par des interprétations arbitraires : parmi tant de changements, la liberté publique ne saurait être conservée; l'anarchie ou l'esclavage en seraient la suite nécessaire, car une seule Assemblée pourrait être aussi funeste à la liberté du peuple qu'à l'indépendance de la couronne. Elle pourrait, dans un moment d'enthousiasme, accroître la puissance d'un Roi victorieux, ou, dans des circonstances difficiles, établir en faveur du prince une dictature qui deviendrait perpétuelle.
Deux Chambres, au contraire, délibérant séparément, assurent la sagesse de leurs résolutions respectives, et rendent au Corps législatif la marche lente et majestueuse dont il ne doit jamais s'écarter.
Il est inutile de répéter les motifs qui ont déterminé le comité à proposer deux Chambres, et qui ont été exposés par M. de Lally. Le comité a cru qu'une des Chambres formée par les députés librement et directement élus par le peuple dans toutes les parties du royaume, pourrait être appelée la Chambre des représentants, et que l'autre pourrait porter le nom de Sénat; il ne s'est point expliqué sur la composition de celle-ci.
Il a cependant été convaincu que les sénateurs et les représentants devraient être dans une position différente, afin de n'être pas animés des mêmes passions, et que s'il existait une identité parfaite dans les formes de leur élection, ils seraient constamment dirigés parles mêmes vues ; qu'alors le Sénat ne pourrait plus maintenir la Constitution, s'opposer à la précipitation des représentants, et protéger tout à la fois la liberté des citoyens et les prérogatives de la Couronne.
Si le nom de Sénat pouvait choquer, parce qu'il rappelle des corps aristocratiques, on devrait considérer que le Sénat d'Athènes et ceux des Américains ont ennobli cette dénomination. D'ailleurs, il serait facile de substituer à ce mot
le nom de conseil national, ou -de-Chambre des conservateurs, ou tout autre du même genre.
Le comité a pensé que les deux Chambres devraient avoir également le droit de proposer et de refuser une nouvelle loi. Lès inconvénients qui doivent déterminer à ne pas donner l'initiative au Monarque ne se présentent pas à l'égard du Sénat. Il n'est pas à craindre que sur deux Chambres, toujours assemblées en même temps, l'une puisse s'emparer, au préjudice de l'autre, de la faculté de proposer et de rédiger les lois.
Ainsi il ne résulterait de ce concours qu'une émulation très-utile au bien public.
Si les sénateurs étaient à vie, il suffirait peut-être, comme quelques personnes le désirent, qu ils eussent simplement le droit de suspendre; mais, si l'on préfère des sénateurs éligibles pour un temps déterminé, il serait certainement impossible de ne pas leur accorder le droit de s'opposer aux résolutions des représentants. Il faut que le Sénat soit formé par des hommes dignes de la confiance publique. Il serait plus dangereux qu'utile, s'il était composé par ceux qui n'auraient pu se faire élire au nombre des représentants : ce ne serait pas à une pareille Chambre qu'il-conviendrait cle confier le jugement des crimes d'Etat, et comment espérer qu'on s'empresserait de se placer au rang de sénateurs, si leurs fonctions étaient moins importantes que celles des représentants?
Dans la plupart des sénats américains, il faut, pour être éligible, avoir un revenu considérable en propriétés foncières, et le consentement des sénateurs est nécessaire pour les nouvelles lois. Craindrait-on de trop multiplier les obstacles et d'enchaîner l'activité du Corps législatif? Mais, si les lois proposées ne sont pas contraires à la Constitution, si elles sont utiles à la félicité générale, quel intérêt pourrait porter les sénateurs à les combattre? Ce n'est jamais en rendant les nouvelles lois difficiles qu'on attaque la liberté, c'est en perdant le respect pour les anciennes, c'est en prenant des résolutions imprudentes et précipitées. Dira-t-on qu'il serait absurde de subordonner la volonté de la nation à des sénateurs? Mais, si les sénateurs étaient établis par la nation elle-même, ils seraient aussi ses mandataires; ils seraient aussi les organes de sa volonté, et les représentants ne recevraient que la portion d'autorité dont la nation n'aurait pas disposé eu faveur du monarque et du Sénat.
Le comité a proposé de déclarer que, pour être représentant, il faudrait être âgé de vingt-cinq ans. Vous examinerez, Messieurs, s'il serait utile de devancer la majorité et d'ouvrir plutôt à la eunesse une noble carrière qui, dans l'âge des )assions, tournerait son ardear vers l'utilité pudique, et lui inspirerait le désir de se rendre diene de la confiance du peuple. ,
Les représentants et les sénateurs doivent être Français ou naturalisés. 11 faudrait être un bien zélé cosmopolite pour soutenir que des étrangers sont éligibles. On détruit les affections des hommes quand on veut trop les généraliser. Il faut des liens de patrie aux citoyens, comme il leur faut des liens de famille. Vous n'avez aucun droit de compter sur la fidélité, sur la soumission aux lois, de l'homme qui n'est pas né parmi vous.il faut aimer son pays pour le servir avec ardeur ; et l'étranger qui voudrait mériter l'honneur d'être appelé aux emplois publics, devrait auparavant se faire admettre dans l'association, après avoir prouvé qu'il est digne de
cet avantage : ces preuves seraient fixées par les formes de la naturalisation.
Le comité, en indiquant les qualités qui doivent donner aux citoyens la faculté d'être électeurs et éligibles pour la Chambre des représentants, s'est vu obligé de prononcer entre deux inconvénients qui choquent en apparence la liberté naturelle. Il est évident qu'on ne peut pas admettre tous les citoyens indistinctement au nombre des électeurs et des éligibles ; ce serait s'exposer à confier le sort de l'Etat à des mains inexpérimentées, qui en consommeraient rapidement la ruine. 11 fallait donc ou restreindre le nombre des électeurs, et ne mettre aucune borne à leur choix, ou laisser à tous les citoyens le droit d'élire, et leur tracer des règles pour diriger leur nomination. Le premier parti eût été beaucoup plus contraire aux principes/Tous les citoyens ont le droit d'influer sur le gouvernement, au moins par leurs suffrages ; Ils doivent en être rapprochés par la représentation. Si vous exigez pour les électeurs des qualités qui en limitent le nombre, vous rendez tous ceux qui seront exclus étrangers, à leur patrie, indifférents sur sa liberté. Ces réflexions ont déterminé le comité à proposer d'admettre parmi les électeurs tous ceux qui payeront une imposition directe égale au prix de trois journées de travail. Considérant que les électeurs ne choisissent pas pour leur intérêt seul, mais pour celui de tout l'empire, il a cru qu'il serait convenable de ne déclarer éligibles que ceux qui posséderaient une propriété foncière. G est un hommage rendu à la propriété qui complète la qualité de citoyen. C'est un moyen de plus de faire aimer les campagnes ; c'est un motif de croire que le représentant est au-dessus du besoin. C est mettre une bien faible entrave à la liberté du choix ; car tout homme jugé digne par ses lumières et ses vertus de la confianc e d'un district pourra facilement se procurer une propriété quelconque, la valeur n'en étant pas déterminée.
Exiger que les électeurs aient un domicile dans ie lieu de l'élection, et qu'ils ne puissent élire en deux lieux à la fois, c'est prévenir un grand nombre d'intrigues; d'ailleurs un citoyen quels que soientsonrang et sa fortune, ne doit pas être représenté plus qu'un autre ; et quand il a consommé son droit en donnant son suffrage, s'il va le donner dans un autre lieu, il usurpe le droit d'autrui. ^
Afin qu'on puisse moins facilement surprendre la confiance des électeurs, et qu'ils soient à portée de juger les mœurs et les talents de ceux qui se présentent pour être choisis, le comité a proposé de déclarer que pour être éligible il faudrait être domicilié dans 1 étendue du ressort de l'administration provinciale.
La représentation est défectueuse et même chimérique si elle s'éloigne de son principe, c'est-à-dire de ceux qui doivent être représentés. Il ne doit jamais y avoir que deux élections: l'une pour nommer les électeurs, et l'autre pour choisir les représentants. Si les districts ont une trop grande étendue, et qu'on multiplie le nombre des représentants, on rassemble les hommes qui n'ont eu aucune occasion de se connaître, et dont les suffrages ne peuvent plus être dirigés que par des intrigues. Le comité a proposé de former des districts qui seraient peuplés, autant qu'il serait possible, de 150,000 âmes. Deux cents habitants fourniraient un électeur. Les électeurs étant réunis dans le chef-lieu du district seraient consé-
quemment au nombre de 750; ils nommeraient trois représentants, de manière que la Chambre des représentants serait formée par environ 600 personnes.
La Chambre des communes d'Angleterre renferme, il est vrai, presque un aussi grand nombre de représentants; mais on ne peut jamais proportionner le nombre des membres du Corps législatif à la population ; c'est la possibilité de délibérer avec ordre et la facilité de s'entendre qui doivent servir de règles, et sous ce point de vue la ville de Genève pourrait avoir un Corps législatif aussi nombreux que celui du plus vaste royaume.
Au sujet des élections des représentants, le comité a examiné cette question, si les électeurs pourraient à l'avenir dicter leurs volontés particulières à leurs députés, ou s'ils devaient se borner à les élire. Il a réfléchi que lorsqu'un peuple n'a pas une Constitution déterminée, ses représentants ne peuvent exercer d'autres fonctions que celles qui leur ont été prescrites par les habitants du district où ils ont été choisis ; ils ne sont alors que des procureurs fondés, que des porteurs de pouvoirs : mais une nation qui voudrait persister dans un pareil usage ne devrait pas entreprendre de former une Constitution ; son gouvernement serait bientôt détruit. Il serait impossible à des hommes qui délibèrent en même temps à de grandes distances, je ne dis pas de s'éclairer ni de former une résolution commune, mais même de s'accorder sur les objets de leurs demandes. Le Corps législatif serait sans force: chacun serait obligé de présenter son cahier comme la loi suprême à laquelle il faut se rendre. Les provinces ou les districts voudraient bientôt faire prévaloir leur avis dans l'Assemblée générale; ils voudraient tout subordonner à leurs intérêts. Bientôt on verrait renaître le choc de leuts prétentions, et ensuite les cahiers de doléances. Les Assemblées redeviendraient inutiles, et la liberté publique serait anéantie.
Il faut nécessairement qu'un peuple qui ne peut délibérer en un seul corps accorde sa confiance, délègue l'exercice de sa souveraineté, et donne à ceux qui seront élus dans les diverses parties de l'État le droit de délibérer pour lui; car il n'est rien de plus dangereux, de plus propre à favoriser l'anarchie et la discorde, de plus contraire à tous les principes, que de diviser un peuple en une foule de corps séparés pour les faire délibérer sur les affaires publiques.
La permanence du Corps législatif a paru au comité et vous paraîtra sans doute indispensable pour le maintien de la liberté. Le comité a entendu par permanence une Assemblée toujours prête à se former, des députés toujours existants, une session annuelle de plein droit, sans lettre de convocation. Il a pensé qu'il ne devait pas cependant être permis aux représentants de prolonger leur séance sans nécessité, et qu'on devait déterminer un terme après lequel le Roi pourrait les proroger jusqu'à la session suivante.
S'ils avaient la faculté de rester constamment assemblés, ils pourraient multiplier sans mesure les lois et les règlements, ou entrer dans les détails d'administration, et empiéter sur le pouvoir exécutif. Le comité a cru qu'on devrait fixer un délai de quatre mois, pendant lequel les membres du Corps législatif ne pourraient être interrompus dans leurs travaux ; que lorsqu'ils les auraient terminés, ils avertiraient le roi, qui aurait le droit d'exiger la continuation de leurs séances, itB jugeait nécessaire de leur proposer de pren-
dre quelque objet en considération. Le Roi pourrait encore appeler le Corps législatif dans l'intervalle de ses séances ordinaires.
Le comité a pensé qu'il y aurait rie grands inconvénients à rénouveler chaque année les représentants. Ce serait non seulement entretenir tous les habitants du royaume dans une agitation presque continuelle qui nuirait aux travaux des arts et de l'agriculture; mais encore ce serait s'exposer à des innovations trop fréquentes. Aucun plan ne pourait être suivi ; des projets se succéderaient rapidement, ne pourraient jamais être exécutés, et le royaume serait fatigué par des tentatives dont rarement on obtiendrait le succès.
Le droit de dissoudre la Chambre des représentants et d'ordonner une élection nouvelle a été jugé indispensable pour le maintien de la monarchie ; c'est l'unique moyen qui, dans les temps de troubles, est propre à garantir le trône des efforts d'un parti d'ambitieux ou de mécontents. Il ne peut y avoir aucun danger pour la liberté publique si l'acte de dissolution est considéré comme nul, à moins qu'il ne renferme une convocation nouvelle.
Le monarque ne pourrait se servir de ce droit que dans des circonstances bien rares, et lorsqu'il serait assuré que l'opinion publique n'est pas favorable au système des représentants. Les électeurs auraient le droit de renvoyer les mêmes députés, et le prince ne s'exposerait point, sans une nécessité évidente, au mécontentement universel que ne manquerait pas d'exciter une dissolution légèrement oj injustement prononcée.
Les articles qui, dans le plan du comité, concernent les fonctions des sénateurs et des représentants, les droits honorifiques de la première Chambre, la vérification des pouvoirs, la police particulière, la publicité des séances, l'impression des journaux, ne peuvent avoir besoin d'aucune explication, et les motifs en sont assez connus. Nous passons donc à la formation des lois.
Le comité a pensé qu'on ne pouvait mettre dans les délibérations du Corps législatif trop de prudence et de circonspection , qu'il fallait profiter de toutes les lumières et assurer la liberté des discussions ; que pour y parvenir, une délibération ne serait jamais arrêtée qu'après plusieurs lectures à des intervalles différents, après avoir demandé si aucun des membres n'avait point d'observation nouvelle à présenter, après avoir décidé si la Chambre était en état de délibérer ou si elle exigeait de nouvelles recherches ou de nouveaux délais. Le comité a cru cependant que toutes ces formes seraient inutiles lorsqu'il s'agirait de rejeter une proposition, et qu'elle pourrait être refusée après une première lecture. 11 a été dirigé par le principe certain que les inconvénients qui résultent au défaut d'une bonne loi ne sont nullement comparables avec ceux gui naissent des mauvaises lois; qu'une proposition rejetée dans une session peut être présentée de nouveau l'année suivante, et qu'on ne peut pas obliger un Corps législatif à consumer un temps précieux en délibérations inutiles.
On ne doit se flatter de prononcer une loi juste que lorsqu'on a une connaissance certaine des faits auxquels elle est relative et des conséquences qu'elle peut produire. Il doit donc être possible aux deux Chambres d'entendre des témoins, il doit être également possible à ceux dont les lois proposées blessent les intérêts, de se faire entendre a la barre par eux-mêmes ou par des défenseurs. Le droit de donner des requêtes ou dçs pétitions
au Roi ou aux deux Chambres doit appartenir à des citoyens libres ; mais pour concilier ce droit avec la sûreté publique et prévenir des attroupements dangereux, les pétitions ne doivent pas être siguées par plus de soixante personnes, à moins qu'elles ne le soient également par les officiers des municipalités ou des administrations provinciales. En Angleterre, elles ne peuvent pas l'être par plus de vingt personnes.
Les deux Chambres pourraient s'éclairer mutuellement par des conférences publiques ; ces mêmes conférences pourraient avoir lieu avec les ministres. Le Roi aurait la faculté de recommander par des messages de prendre un objet en considération ; mais il n'aurait pas le droi de rédiger les lois, car il serait à craindre qu'instruit d'avance par la connaissance que lui donnerait l'administration de toutes les lois qui seraient nécessaires, il pût toujours prévenir les désirs des représentants, s'attribuer par l'usage le droit exclusif de proposer les lois, et de profiter de toutes les circonstances favorables pour livrer des attaques indirectes à la liberté.
Le3 lois des subsides et des emprunts ne pourraient prendre naissance que dans la chambre des représentants. Le Sénat ne pourrait y faire ni changement ni modification, et les représentants auraient conséquemment la disposition du plus grand moyen ae force et de résistance ; vous sentirez, sans doute, ainsi que le comité, combien il est important d'ôter pour jamais aux provinces la faculté d'accorder les impôts, combien il serait dangereux de laisser subsister un privilège aussi contraire à la libertés publique, et de ne pas punir comme criminels de haute trahison tous ceux qui auraient contribué directement ou indirectement à la perception des subsides non autorisés par le Corps législatif.
On déterminerait, au commencement de chaque règne, les sommes nécessaires pour l'entretien de la maison du Roi et la distribution des récompenses. Ces sommes cesseraient à la mort du Roi, et le Corps législatif, rassemblé de plein droit à cette époque, aurait un moyen assuré de réformer toutes les usurpations qu'auraient pu faire les agents de l'autorité royale, et de triompher de tous les obstacles qui pourraient être opposés à cette réforme.
Le Sénat, suivant le plan du comité, jugerait les crimes commis dans les fonctions publiques par les agents supérieurs du pouvoir exécutif ou de l'administration du royaume. Le pouvoir exécutif serait bientôt énervé, si les tribunaux ordinaires avaient le droit de juger les ministres. De pareils crimes intéressant la nation entière, ne peuvent être poursuivis que par les représentants. Il serait aussi funeste de livrer les ministres à des vengeances particulières que de laisser leurs prévarications impunies. 11 ne serait pas convenable à la dignité des représentants d'accuser devant un tribunal sur lequel ils auraient d'ailleurs une trop grande influence. Le jugement des crimes d'Etat nécessite donc deux Chambres, et surtout il nécessite deux Chambres qui n'aient pas la même position, et qui n'embrassent pas aveuglément tous leurs projets, toutes leurs prétentions respectives. Un peuple n'est jamais libre, si les ministres, les juges et les autres agents de l'autorité ne sont pas responsables. Les juges inférieurs seraient poursuivis devant les cours supérieures, les officiers de ces cours devant un tribunal de révision, et ceux de ce tribunal dévant une les Chambres sur l'accusation de l'autre,
il reste maintenant à examiner quelle influence doit avoir le monarque sur la législation.
Quelle que soit la forme d'un gouvernement, le soin le plus important doit être a'empêeher les dépositaires de tous les genres d'autorité de suivre toutes leurs volontés, et d'établir une puissance arbitraire.
Pour y parvenir, il faut combiner l'organisation des différents pouvoirs, de manière qu'ils ne soient jamais réunis dans les mêmes mains. Partout oû se trouve la réunion ou la confusion des pouvoirs, il y a despotisme. La iiberté n'existe pas, si la force publique, si les jugements sont dirigés par une volonté arbitraire, telle que l'inspirent les circonstances ou les diverses passions. II faut que des lois antérieures, préparées pendant le calme et après de lougues réflexions, leur servent toujours de guide.
Si les pouvoirs sont réunis, ceux qui les exercent ne sont retenue par aucun frein ; ils font des lois au gré de leurs intérêts ; ils donnent ce nom respectable à tous leurs caprices ; ils leur attribuent dans l'exécution un effet rétroactif, et le sens qui convient à leurs passions ; ils se considèrent comme les arbitres suprêmes et infaillibles de la destinée de leurs semblables ; mais, si les pouvoirs sont distincts, si des limites insurmontables s'opposent à leur réunion, si le pouvoir législatif est constitué de manière que ceux qui l'exercent doivent vouloir la félicité générale, qu'ils soient assez éclairés pour ne pas prononcer des lois absurdes,, et qu'ils ne puissent pas décider avec précipitation, le peuple ne saurait être esclave, et le joug salutaire des lois est le seul qui puisse exister.
Voilà donc où doivent tendre tous les efforts de ceux qui s'occupent de l'organisation d'un gouvernement : c'est à la division des pouvoirs ; mais, pour qu'ils restent divisés, il faut qu'ils soient garantis de leurs attaques ou de leurs usurpations réciproques.
Pour garantir le pouvoir confié aux représentants, pour empêcher le monarque de faire des lois suivant sa volonté, et de renverser la Constitution, les moyens se présentent enfouie : la permanence du Corps législatif, la résistance des représentants, leur droit exclusif de proposer la loi, le libre octroi de l'impôt, la responsabilité des ministres, les administrations provinciales, les municipalités, les milices bourgeoises, la liberté de la presse.
Quand tous les citoyens ont résolu d'être libres, quand l'esprit public a pénétré dans toutes les classes, quand la Constitu tion est devenue un livre élémentaire pour l'enseignement de la jeunesse, quand la conservation a été commandée à tous les corps, à-tous les individus, je demande ce que pourrait alors l'ambition d'un seul homme contre une nation généreuse.
Mais comment garantir à son tour le pouvoir exécutif des entreprises des représentants ? Sans doute, si les représentants parvenaient dans la suite à s'emparer des prérogatives du trône, le peuple, malgré la liberté des élections, gémirait sous le poids de la tyrannie. Quelle que soit la sagesse ae ceux qui gouvernent, quand ils peuvent tout impunément, quand ils ne sont pas asservis à des règles précises, leurs passions les égarent, et l'amour même du bien public devient la source des erreurs les plus funestes.
Il est inutile, sans doute, de prouver que le pouvoir exécutif, dans un vaste royaume, doit jouir d'une grande puissance : che« un peuple jaloux de sai liberté, cette puissance serait souvent
considérée avec envie ou inquiétude. Des ambitieux ou des démagogues lui supposeraient facilement des torts, et profiteraient de toutes les circonstances pour l'affaiblir ou la détruire. L'usurpation de l'autorité royale entraînerait la perte de la liberté publique. La démocratie, dans un grand Etat, est une absurde chimère. Jamais le trône ne perdit son autorité que pour faire place au joug avilissant de l'aristocratie ; et ce sont les invasions successives de ceux qui composaient les Assemblées générales, sous la première et la seconde race de nos rois qui ont produit en France la tyrannie féodale : ainsi, défendre l'indépendance de la couronne c'est défendre la liberté du peuple.
Il faut donc examiner, avec l'attention la plus sévère, par quels moyens on pourrait garaniir le pouvoir exécutif de toutes les entreprises du pouvoir législatif.
Le moyen qui se présente le plus naturellement est celui de rendre le Roi portion intégrante du Corps législatif, et d'exiger que. les décisions des représentants, pour devenir aes lois, soient revêtues de la sanction royale. Ainsi, pour que les différents pouvoirs restent à jamais divisés, il ne faut pas les séparer entièrement. Le pouvoir de faire la loi doit être, et il est en effet supérieur au pouvoir qui l'exécute. Si le Roi n'était pas une portion du Corps législatif, si l'on pouvait faire des lois sans son consentement, il ne jouirait plus de sa puissance en souveraineté, et serait soumis au Corps législatif qui, par des lois, acquerrait la faculté de lui dicter des ordres absolus, et d'anéantir successivement toutes ses prérogatives.
Vainement l'autorité du monarque serait protégée par la Constitution. Les membres du Corps législatif, juges suprêmes et uniques interprètes des devoirs qu'ils auraient à remplir, n'éprouveraient aucun obstacle pour franchir les limites qui leur auraient été tracées.
Il faut donc, pour le maintien de l'autorité du Roi, qu'aucune loi n'existe sans la sanction royale ; et l'on ne peut pas dire que ce soit une réunion des pouvoirs dans les mêmes mains ; car le Roi ne se trouverait pas revêtu des pouvoirs législatif et exécutif. Ces pouvoirs seraient toujours distincts et divisés,, puisqu'il n'aurait pas la faculté de faire des lois. 11 n'aurait une portion de l'autorité législative que pour maintenir à jamais la division des pouvoirs, défendre ses prérogatives, et par cela même conserver la liberté du peuple.
La question de savoir si la sanction royale est nécessaire à toutes les lois est donc absolument indépendante des autres questions auxquelles on a voulu la subordonner ; car, de quelque manière que soit composé le Corps législatif, la nécessité ae maintenir la distinction des pouvoirs est toujours indispensable. Il paraît que les esprits sont maintenant divisés sur la nature du veto que doit produire la sanction royale. Les uns veulent qu'il soit indéterminé, d'autres qu'il soit seulement suspensif. Cette différence dans les opinions devrait céder aux réflexions suivantes :
La sanction royale ne peut être autre chose que le consentement donné par le roi à tous les actes de législation. Presque tous nos commettants ont )ensé que ce consentement était nécessaire. Si 'on ne laissait au Roi que la faculté de suspendre es actes législatifs, il est évident qu'on ne pourrait plus dire que les lois sont faites avec la sanction royale, et qu'il faudrait seulement fixer le délai pendant lequel le Roi aurait la faculté de suspens
dre. Le Corps législatif, en persistant dans ses résolutions, ferait donc les lois sans le consentement du prince- Ainsi la sanction royale ne serait plus nécessaire, et l'espérance de nos commettants, qui ont voulu que le Roi partageât la puissance législative, serait entièrement déçue.
Mais la simple faculté de suspendre l'exécution d'une loi peut-elle prévenir la réunion des pouvoirs dans les mains des représentants? N'est-il pas évident que lorsque le Corps législatif voudrait s'emparer d'une portion de l'autorité royale celle-ci serait absolument sans défense ?
On propose de laisser au Roi le pouvoir de suspendre, jusqu'au moment où de nouveaux députés viendraient faire connaître les intentions des électeurs ; et l'on soutient que la volonté du peuple, de qui la souveraineté dérive, étant une fois connue ne devrait plus éprouver d'obstacles. Certainement la volonté de tout un peuple est une puissance irrésistible ; mais il ne peut exprimer cette volonté que par les moyens qu'il a lui-même déterminés en organisant son gouvernement, à moins qu'il ne le juge oppressif, et qu'il n'ait formé le dessein de l'anéantir : Gette organisation ne sera-t-elle pas vicieuse si elle provoque sans nécessité la volonté de la multitude, tandis qu'il est nécessaire pour son bonheur, qu'elle veuille par ses représentants ou ses délégués?
Et il serait dangereux de le taire dans un moment où les idées de liberté sont souvent si exagérées, si éloignées des vrais principes : c'est pour le bonheur de tous les citoyens que le gouvernement doit être institué, mais non pour tout subordonner aux décisions de la multitude. Je rivaliserai avec les plus démocrates en respect pour mes semblables, en amour pour l'égalité. Je désire ardemment de voir naître le jour où la liberté personnelle du citoyen le plus obscur sera aussi sacrée que celle de l'homme le plus opulent et le plus illustre ; mais je penserai toujours que le peuple, pour être libre, pour ne pas s'exposer aux suites funestes des intrigues, des erreurs et de la précipitation, doit confier le pouvoir de faire des lois, comme celui de les exécuter, et que s'il veut gouverner lui-même? il perd sa liberté, et se replace sous le despotisme ou l'aristocratie, après avoir parcouru toutes les horreurs de l'anarchie la plus cruelle. Il a toujours assez de lumières pour discerner ceux qui méritent saconfiance ; qu'il choisisse donc librement les hommes dignes de son suffrage, et qu'il les charge de lui préparer des lois et de veiller au maintien de sa liberté ; que ses représentants rappeilés, après deux ou trois ans, dans le rang de simples citoyens, n'oublient jamais les droits qui leur appartiennent, mais que la multitude ne délibère pas elle-même.
Gombien il serait facile à des représentants, souvent séduits par des projets de bien public, de diriger les résolutions qui seraient prises dans les différents districts du royaume ! Lorsqu'on aurait abusé d'une prérogative royale, les représentants pourraient croire utile à leur patrie de s'en emparer, ou d'en soumettre l'exercice à leur vigilance continuelle, ou à leur consentement. Us inspireraient bientôt la même volonté aux électeurs. L'expérience ne nous a-t-elle pas appris que, lorsque tous les citoyens délibèrent en foule sur l'intérêt public, les délibérations sont guidées par l'impulsion de quelques hommes qui leur font adopter toutes les opinions, qui peuvent tromper la multitude avec la plus grande facilité et l'exciter au gré de leurs pas* sions par les mensonges les plus absurdes ?
On vous a attesté que jamais les assemblées populaires n'ont fait de mauvaises lois ; mais, dans les anciens gouvernements, il n'y a jamais eu d'Assemblée législative où tous les hommes fussent admis indistinctement ; et cependant combien de lois tyranniques ont été le fruit de leurs délibérations ! Je n'en citerai pas ici les exemples ; il suffit d'avoir les moindres notions de l'histoire pour se les rappeler en grand nombre. On sait comment les tribuns de Rome, les Pisistrate, les Périclès, les Alcibiade, s'étaient rendus maîtres des délibérations du peuple ; et l'on ne mettra pas, sans doute, au nombre des bonnes lois celles par lesquelles les Athéniens s'étaient partagé les deniers publics, et avaient mis les spectacles au-dessus des premières nécessités delà République.
Mais, dit-on, la sanction royale peut être nécessaire pour les décisions des représentants, et non pour celles de la nation qui a la souveraineté. Permettez moi, Messieurs, de vous développer les conséquences d'un pareil sophisme.
Je sais que le principe de la souveraineté réside dans la nation : votre déclaration des droits renferme cette vérité. Mais être le principe de la souveraineté, et exercer la souveraineté, sont deux choses très-différentes ; et je soutiens avec confiance qu'une nation serait bien insensée et bien malheureuse si elle retenait l'exercice de la souveraineté. On doit entendre par ce dernier mot la puissance indéfinie et absolue. Ainsi, dire qu'une nation est souveraine, c'est dire qu'une nation a tous les pouvoirs ; et certainement, personne ne doute qu'une nation ne puisse tout ce qu'elle veut, mais elle ne doit vouloir que ce qui intéresse son bonheur ; et comme une nation est un corps collectif, elle est elle-même en proie au choc des prétentions et des intérêts de ceux qui la composent. Elle est déchirée par des factions, et soumise à l'empire de la violence, si elle ne se choisit pas des chefs, si elle n'organise pas son gouvernement et n'institue pas une force publique. Elle ne peut organiser ce gouvernement qu'en déléguant sa souveraineté.
Si elle est formée par un nombre assez peu considérable pour délibérer elle-même, ce qui suppose qu'elle est concentrée dans une ville, ou dans un petit espace, et si elle commet l'injustice de réduire à la servitude ou de vouer au mépris la classe la plus pauvre, il lui est alors possible de retenir une partie de la puissance souveraine ; mais, si elle est répandue sur un vaste territoire, si elle est formée par une population nombreuse, si elle veut que tous les citoyens soient libres, si elle veut leur procurer la plus grande égalité politique que puisse com-)orter l'ordre public, il faut qu'elle délègue tout e pouvoir souverain. Je ne dis pas qu'elle puisse 'aliéner ; mais enfin elle le confie, et, tant qu'il est confié, elle n'en jouit pas ; mais elle peut le reprendre toutes les fois que les dépositaires en abusent pour l'opprimer ; et quand elle le reprend, elle doit le remettre aussitôt avec de nouvelles précautions pour assurer sa liberté et son bonheur.
Une partie de la souveraineté de la nation française a été confiée au monarque, et l'autre doit l'être aux représentants librement élus. Dans un moment où il fallait fixer la Constitution du royaume, où les fonctions des représentants n'étaient déterminées par aucune loi, il était nécessaire de les faire dépendre de la volonté des électeurs ; et l'on a éprouvé quel inconvénient résultait des volontés opposées dans chaque
district. Une foule de publicistes ont entrepris, avec raison, de démontrer le danger des cahiers : ils ont désiré que les représentants, librement choisis, fussent considérés comme dépositaires d'une partie de la souveraineté ; ils se contrediraient aujourd'hui bien étrangement, si après avoir combattu les mandats impératifs dans un temps où les électeurs avaient le droit de les donner, ils voulaient les réserver pour l'avenir, quand la Constitution aura réglé les fonctions des représentants.
Si vous voulez que les électeurs puissent donner des mandats impératifs, vous ne craignez donc pas d'exposer le royaume à toutes les incertitudes, tous les troubles qui naîtront de volontés directement contraires? vous ne craignez donc pas la démocratie la plus tumultueuse? car, si chaque assemblée de district peut dicter la loi, votre association monstrueuse ne sera pas même digne du nom de gouvernement; elle sera dissoute après avoir éprouvé les plus horribles convulsions.
Mais que devient donc la prétendue souveraineté exercée dans les districts, lorsque vous reconnaissez qu'ils seront obligés d'obéir, si les représentants et le monarque peuvent s'accorder ?v Que devieni-elle pour ceux qui voudraient les borner à s'expliquer par l'affirmative ou la négative? Vous disposerez à votre gré de cette souveraineté par la Constitution, car vous entendez sans doute que les électeurs ne pourront ni dicter ni empêcher les lois établies par le Corps législatif avec le consentement du prince. Si le bonheur du peuple veut que vous limitiez aussi cette prétendue souveraineté des districts lorsqu'il s'agira de lois arrêtées par le défaut (te sanction royale, devez-vous hésiter encore, et ne faut-il pas prévenir de funestes intrigues qui pourraient perdre le royaume ?
Vous interdirez sans doute par la Constitution les mandats impératifs. Vousêtesdonc forcés d'avouer que les électeurs ne sont plus souverains ; et, alors, que devient le principe qui vous engage à leur soumettre la décision des lois arrêtées par le prince? Et sans doute ils ne doivent pas être souverains, car ia souveraineté ne peut être que dans la nation entière, ou dans la réunion de ses délégués ; et je n'ai jamais conçu une souveraineté divisée en plus de quarante mille fractions.
Certainement, faire juger dans les assemblées des districts toutes les lois qui pourraient être suspendues ou empêchées par le monarque, serait établir en France la démocratie la plus orageuse, puisque ce serait rendre\h toutes les villes, a toutes les communautés du royarume, l'exercice de la souveraineté ; ce serait favoriser les troubles et les factions. On pourrait proposer des lois qui tendraient à détruire l'autorité royale ; on irait ensuite dans les districts gagner les suffrages ; et il serait facile de séduire une foule peu éclairée,en exaltant les imaginations par les idées exagérées sur la liberté, en prodiguant au parti contraire les épithêtes d'esclaves, d'hommes vils, et tant d'autres du même genre, si propres à tromper l'ignorance ou la prévention. Enfin, ce serait un moyen assuré de iaire triompher toutes les entreprises des représentants sur la couronne, et par conséquent d*établir une aristocratie; car, ayant le droit de compter eux-mêmes les suffrages de leurs commettants, ils seraient les maîtres absolus de la décision; qui sait même s'ils ne diraient pas alors que leurs commettants n'étaient pas assez instruits à l'époque où ils s'étaient expliqués?
Je distingue donc le temps où un peuple détermine 1 organisation de son gouvernement de celui où ce gouvernement est organisé. Dans le premier, il faut nécessairement que les députés, chargés d'organiser, prennent la volonté de leurs commettants pour guide; et que, s'ils ont reçu le pouvoir de fixer la Constitution, ils en profitent pour déléguer, au nom de la nation, l'autorité qui doit appartenir aux représentants.
Quand une nation donne à ses députés le soin d'organiser son gouvernement, ils ne répondent pas à sa confiance s'ils ne dirigent pas cette organisation pour son plus grand bonheur. Si la liberté est inséparable de la division des pouvoirs, il ne faut pas présenter au peuple les moyens d'auéantir les limites qui les séparent. Oui, le peuple, pour qui et par qui toute puissance existe, ne doit pas se réserver la faculté de suivre toutes ses volontés. Il doit se prescrire des bornes ; il doit soumettre à des règles constantes l'usage de ses forces : il ne doit pas, il est vrai, tellement les affaiblir qu'il ne lui reste aucune ressource contre l'oppression ; car le jour où ses mandataires le t> rannisent, il faut qu'il brise les fers qui le retiennent dans la servitude.
L'insurrection est certainement un moyen ter-ribleque lopprobre de l'esclavage peut seul rendre légitime; mais voulez-vous qu'il ne soit jamais nécessaire, prévenez, par la Constitution, l'oppression du peuple; et, pour empêcher cette oppression, mettez des obstacles insurmontables à la réunion des pouvoirs.
Voudra-t-on réserver à ceux qui élisent au second degré le droit de délibérer sur les lois suspendues par le prince? alors ce ne sera plus le peuple qui délibérera, mais des représentants qui s'accorderont facilement avec les autres pour leur procurer un accroissement de puissance.
Suffi ra-t-il que de nouveaux membres du Corps législatif persistent dans la résolution de ceux qui les ont précédés, pour qu'elle soit considérée comme la volonté de la nation? mais ils auront donc la faculté de bouleverser la Constitution, de confoudre tous les pouvoirs, et conséquemment de détruire la liberté publique.
Je présenterai un seul exemple de la facilité avec laquelle pourraient alors être détruites les prérogatives royales. Je suppose qu'en suspendant une loi, le monarque ait fatigué l'impatience de quelques hommes actifs et entreprenants, et qu'on propose une loi nouvelle pour le priver, à l'avenir, de la faculté de suspendre: quel moyen aurait le Roi pour la maintenir, puisque la Constitution ne rendrait pas sa sanction indispensable?
Pour que le pouvoir exécutif conserve la force nécessaire au maintien de l'ordre public, il faut que le monarque, en qualité de cher de la nation, soit environné d'une grande majesté. Mais ii cesserait d'inspirer le respect qu'on doit au trône, s'il n'avait que la faculté de suspendre les lois; • les représentants n'en seraient point arrêtés dans leurs projets; et comme une simple suspension promet un succès certain si l'on persiste, en formant une résolution, on préparerait en même temps les moyens nécessaires pour triompher de tous les obstacles. Le peuple considérerait le Prince comme étranger à toutes les lois : la faculté de suspendre ne serait pas à ses yeux une puissance, puisque après un terme fixé, elle n'existerait plus; et dans un Etat libre, ia loi étant supérieure à toute autorité, les seuls délégués chargés de l'établir obtiendraient une grande considération publique.
Le monarque ne partagerait plus, aux yeux
delà multitude, la reconnaissance qu'inspireraient les bonnes lois, et son consentement serait toujours regardé comme l'impossibilité d'empêcher. Ceux qui connaissent le puissant ressort des affections morales, concevront facilement à quel point la dignité du trône serait diminuée, si la sanction du prince n'était pas toujours nécessaire pour les nouvelles lois.
Le comité ne pense pas cependant qu'il faille prononcer, dans la Constitution, que le Roi aura un veto absolu; ce n'est pas par des expressions de ce genre que le Roi pourra refuser sa sanction: il propose seulement de déclarer, dans les principes du gouvernement français que les actes législatifs, pour être considérés comme lois, doivent être revêtus de la sanction royale, et de décider, dans le chapitre qui règle l'organisation du Corps législatif, que lorsque le monarque ne voudra pas accorder son consentement à une loi nouvelle, il sera dit par le chancelier : le Roi examinera.
Cette prononciation, conforme à l'usage qui se pratique en Angleterre, répond aux égards qui sont dus au Corps législatif : elle l'encourage à représenter l'année suivante la même loi, si, après de nouvelles réflexions, ii la croit toujours utile; elle autorise le Roi à donner, dans une seconde session, le consentement qu'il avait refusé lors de la première, et cela sans compromettre la majesté du trône. En effet, le Roi n'ayant annoncé qu'un nouvel examen, et non pas un refus, peut naturellement, après de longues réflexions, reconnaître les avantages qu'il n'avait pas d'abord-aperçus.
Et quel inconvénient peut présenter cette forme? Dira-t-onque le monarque pourra, pendant un temps indéterminé, arrêter la volonté générale de la nation, en faisant toujours répondre à la présentation de la même loi : le Roi examinera : mais ne nous laissons pas éblouir par la grandeur des expressions. Les actes du Corps législatif, c'est-à-dire les lois, sont, iiest vrai, l'expression de la volonté générale ; mais cela ne veut pas dire que chaque citoyen ait exprimé sa volonté ; cela signifie seulement que le Corps législatif étant institué par la nation, et étant chargé de vouloir pour elle, et les députés qu'elle a librement choisis s'y trouvant en grand nombre, ce qu'on y décide est la volonté générale légalement présumée.
Et ne peut-on pas dire avec raison que les députés choisis dans les différents districts ne sont pas les seuls représentants du peuple; que le Roi est son premier délégué; qu'il est aussi le représentant du peuple dans toutes les parties de l'autorité qui lui a été confiée, et que le peuple les a chargés conjointement d'exprimer la volonté générale; qu'ainsi, lorsque le Roi ne donne pas sa sanction, il ne résiste pas à la volonté générale, et qu'elle n'est pas encore formée?
Mais, si la loi proposée était digne de devenir un jour la volonté générale, peut-on penser un seul moment que le Roi persisterait à refuser sa sanction? Quoil l'opinion publique chez un peuple esclave aura tant de fois entraîné le despotisme et détruit ses projets les plus chers, et l on pourrait croire qu'avec l'énergie que lui procure toujours la liberté publique, elle ne parviendrait pas à obtenir le consentement du Prince pour une loi évidemment salutaire 1 On pourrait croire que le Prince s'exposerait à mécontenter tous ses sujets, et que surtout il serait assez insensé pour résister à l'arme si puissante du refus des impôts !
Mais cette arme, dira-t-on, est chimérique; car, en refusant l'impôt, on exposerait le royaume aux plus grands dangers. Et quel est le premier que ces dangers menacent, si ce n'est celui qui tient les rênes du gouvernement, qui les voit briser dans ses mains, et se trouve entraîné dans un précipice?
• On l'a dit avant moi : comment ne reconnaît-on pas que le refus delà sanction royale est presque toujours suspensif par sa nature, à moins qu'il ne soit employé à défendre une prérogative constitutionnelle? Ou la loi proposée est favorable à la puissance du monarque, et alors, que le veto soit suspensif ou absolu, on sent bien qu'il ne l'emploiera pas pour la combattre. Ou la loi est contraire à sa puissance, telle qu'elle a été réglée par la Constitution; et alors, en défendant son autorité, il défend la Constitution elle-même. Ou la loi est relative à l'administration générale du royaume et étrangère à ses prérogatives, et alors quel motif peut-il avoir pour arrêter une bonne loi? N'est-il pas évident au contraire qu'il est intéressé à la sanctionner, si elle est avantageuse à son peuple? car on ne saurait nier que sa félicité doit s'augmenter avec la prospérité de son empire.
Mais supposons que des ennemis du bien public le portent à refuser sa sanction à une loi salutaire ; si cette loi est étrangère à son autorité, quand ses avantages seront bien connus, bien démontrés, quand les représentants dû peuple auront persisté plusieurs fois dans la même résolution, je demande si l'on peut concevoir un Roi et des ministres capables d'une assez folle imprudence pour lutter avec des forces aussi prodigieusement inégales.
Ils ont mieux apprécié les effets que doit produire la nécessité de la sanction royale, ceux qui objectent que le Roi pourrait faire un plus fréquent usage du veto suspensif que du droit de refuser pendant un temps illimité ; mais, quand il serait certain qu'il userait avec plus de réserve de cette dernière faculté, elle ne serait pas moins nécessaire pour conserver la majesté du trône, et garantir ses prérogatives. Le veto suspensif serait une arme impuissante; la nécessité de la sanction rendrait les représentants plus circonspects, j et préviendrait constamment la nécessité d'un refus. S'il est vrai qu'en matière de lois d'administration, le refus de la sanction royale n'aurait jamais, dans la réalité, qu'un effet suspensif, il est tout aussi vrai que lorsqu'on attaquerait une prérogative constitutionnelle directement ou indirectement , ce refus, appuyé sur la Constitution, deviendrait une barrière puissante auprès de laquelle se rallieraient tous les vrais amis de l'ordre et de la liberté.
Quelques personnes paraissent croire qu'il suffirait d'exiger la sanction royale pour les lois relatives aux prérogatives constitutionnelles du Roi: mais quelle source interminable dequerelles pour savoir si les lois propôsées.attaquent indirectement ces prérogatives! Ne serait-ce pas mettre, dès ce moment, le Roi et le Corps législatif dans un état de guerre perpétuel? D'ailleurs, pourquoi dépouiller le Roi du plus beau droit de Ja couronne, celui de veiller aux" intérêts du peuple', et de défendre sa liberté?
Le comité n'a pas adopté l'opinion d'obliger le Roi à dissoudre l'Assemblée des représentants, toutes les fois qu'il voudrait refuser sa sanction. La sanction royale et le droit de dissoudre sont sans doute essentiels pour maintenir l'indépendance de la couronne contre les intrigues et les
factions ; mais le droit de dissoudre, qu'il ne faut établir qu'autant qu'il sera immédiatement suivi d'une convocation nouvelle, est un droit dont l'usage est extrêmement dangereux; il ne peut 'être excusé que par les plus puissants motifs. On sent qu'un prince ne saurait employer cette prérogative sans faire un grand nombre de mécontents, et que, s'il en abusait, il l'aurait bientôt perdue ; et l'on voudrait contraindre le monarque à se servir de ce dangereux moyen, toutes les fois qu'une loi paraîtrait lui présenter des inconvénients ! Il pourra même souvent arriver que, la loi étant proposée sur la fin d'une session, le prince croira nécessaire de la soumettre dans son conseil à de plus mûres réflexions, en se réservant de la sanctionner dans la session suivante; si les représentants persistent à le désirer, il serait donc ou privé de cette faculté, ou obligé de renvoyer tous les représentants.
Mais quel pourrait être l'objet d'une semblable disposition ? ne serait-ce pas afin que de nouveaux députés, après avoir consulté l'opinion publique, pussent donner plus de force à la proposition d'une loi refusée par le monarque ? n'est-il pas évident que le renouvellement périodique des élections, qui doit au moins avoir lieu tous les trois ans, produira le même -effet ?
Voudrait-on, au contraire, que les députés nouvellement élus fussent chargés des volontés des électeurs? C'est rentrer dans le système que nous avons combattu précédemment. Voudrait-on que le retour des mômes députés fût un signal d'obéissance pour le monarque? Mais alors quel obstacle reste-t-il à la réunion des pouvoirs dans les mains des représentants? Et de plus, jusqu'à quel nombre faudrait-il que les anciens députés fussent élus pour qu'on pût reconnaître le sentiment du peuple? Enfin, à combien d'intrigues funestes, de troubles et de factions, soit de la part des agents de l'autorité royale, soit delà part des anciens députés, ne se livrerait-on pas pour influer sur les nouvelles élections?
La sanction royale est donc nécessaire pour tous les actes législatifs. Celle dont nous parlons en ce moment ne concerne point la Constitution. Nous sommes, ^i l'on veut, convention nationale (qu'importent les mots, quand ils ne changent pas les choses?) mais convention nationale pour prévenir le despotisme, et non pour disposer arbitrairement de l'autorité du monarque. Nous devons tracer les limites de cette autorité; mais nous sommes chargés de la maintenir et de la défendre. Le Roi, avant de ratifier la Constitution, peut sans doute examiner ce qui concerne son autorité existante avant notre délégation; mais, s'il demandait des changements contraires à la liberté publique, vous auriez l'appel à vos commettants: car, dans le moment où la nation a résolu d'être libre, elle a certainement tous les droits nécessaires pour le devenir. Je répète donc qu'il s'agit ici de la sanction royale pour les sim-" pies actes de législation, sanction que le Roi peut refuser sans en expliquer les motifs.
Plusieurs personnes "paraissent craindre, en admettant la nécessité de la sanction, de compromettre les diverses résolutions que vous avez prises ou que vous pourriez prendre à l'avenir, et qui ne seraient pas dépendantes de l'organisation des pouvoirs ou de la Constitution; et quand on témoigne une pareille crainte, a-t-on bien réfléchi sur les circonstances actuelles? Est-ce bien sérieusement qu'on a révoqué en doute l'approbation du Roi pour tous les décrets qui intéressent essentiellement le bonheur du peuple?
et lorsque le gouvernement n'aurait pas même assez de puissance pour refuser ce qui est juste, on voudrait qu'il pût refuser ce qui serait juste et utile !
En finissant, Messieurs, permettez-moi de revenir encore sur ces expressions si souvent ré- , pétées, la volonté générale. Permettez-moi d'observer que dans aucun gouvernement connu, on n'a pris pour unique guide la volonté de la multitude. Dans les anciennes républiques, on n'assujettissait jamais le peuple à une loi qu'il ne voulait pas; mais on ne considérait pas comme loi tout ce qu'il voulait. Il avait adopté des règles pour distioguer une volonté arbitraire, un mouvement passionné, d'une volonté réfléchie, dirigée parles lumières de la raison; et l'on n'a jamais pu imaginer d'autres moyens pour faire prévaloir la raison, que de faire passer les résolutions par divers obstacles qui, au risque d'en arrêter qui pourraient être avantageuses, en arrêtaient plus souvent encore qui auraient été nuisibles.
Dans la république romaine, le peuple délibérait sur les propositions des tribuns, et ceux-ci avaient un véritable veto, non-seulement à l'égarcl du Sénat, mais même à l'égard du peuple; leur consentement était toujours nécessaire, puisqu'ils étaient les maîtres absolus des propositions.
Chez les Athéniens, une loi fondamentale ordonnait que toute décision du peuple serait précédée par un décret du Sénat. Il fut de plus réglé que lespremiers opinants dans l'Assemblée générale seraient âgés de plus de cinquante ans; que nul orateur ne pourrait se mêler des affaires publiques sans avoir été examiné sur sa conduite antérieure ; « et que tout citoyen pourrait poursuivre en justice l'orateur qui aurait dérobé l'irrégularité de ses mœurs à la sévérité de l'examen (Introduction au Voyage d1 Anacharsis) » et malgré ces sages règlements, vous savez si l'on a pu défendre la liberté des Grecs et des Romains, des funestes conséquences de leurs délibérations, dictées par des démagogues qui voulaient ou les gouverner ou les trahir.
Ne craignons donc pas d'opposer quelques obstacles aux résolutions des représentants du peuple. Rappelons-nous que la sanction royale a été exigée par nos commettants ; que cette Assemblée même en a reconnu la nécessité dans ses premières séances, et réfléchissons surtout que ne savoir mettre aucun terme à ses prétentions, et ne pas s'arrêter à des principes fixes, ne serait pas être digne de la liberté. Garantissons-nous du penchant qui porte notre nation à se précipiter rapidement dans les extrêmes. Il n'y a pas une année que nous parlions avec envie de la liberté des Anglais, avec un,sentiment de commisération de la faiblesse du pouvoir de leur monarque; et maintenant, pendant que nous nous agitons encore au milieu cle l'anarchie pour obtenir la liberté, avant de savoir si nous aurons le bonheur d'être libres, nous osons jeter un regard de mépris sur la Constitution d'Angleterre.
Nous osons prononcer hardiment que les Anglais ne sont pas libres. Nous leur supposons, sur la foi de quelques novateurs, l'intention de changer leur gouvernement, tandis qu'ils n'eurent jamais plus de motifs pour y rester invioiable-ment attachés. Nous reconnaissons la nécessité de confier le pouvoir législatif à des représentants, et nous invoquons aveuglément les maximes d'un philosophe qui croyait que les Anglais n'étaient libres que lorsqu'ils nommaient leurs
représentants, qui considérait la représentation comme un genre de servitude.
On ne craint pas de nous proposer les Américains pour modèles,,et même de les surpasser en institutions propres à favoriser l'anarchie : car ils ne fon t jamais délibérer tous les citoyens indistinctement sur les affaires publiques, mais seulement leurs délégués; le consentement de leur sénat est nécessaire pour toutes les lois faites par les représentants, et ils viennent de donner au président du congrès un veto suspensif, qui devient absolu lorsqu'il est appuyé par un tiers des suffrages dans l'une des deux Chambres. Ainsi on voudrait donner au monarque français de moindres prérogatives qu'au président du Congrès américain ; et Ton ne nous dit pas que le pouvoir exécutif n'a point assez de force en Amérique, et qu'avec nos mœurs et notre position, son gouvernement serait depuis longtemps anéanti.
Quels moments nous aurions perdus, si par des systèmes philosophiques, nous préparions à la France une longue et funeste anarchie au lieu du bonheur qu elle attend de nousl II était en notre pouvoir d'avoir une constitution supérieure à celle d'Angleterre. 11 aurait été facile de ne pas imiter les vices qu'on y remarque, tels que les forces et les revenus indépendants que le Roi possède dans le Hanovre et dans une partie de l'Inde, une représentation défectueuse, les Parlements septennaires, et le droit de créer des pairs dans un nombre indéterminé. Tous les obstacles qui s'opposaient à la liberté se trouvaient détruits; vous aviez fait disparaître cette cruelle division des ordres qui nous aurait préparé le sort de la Suède. Il ne restait qu'à consulter les leçons de l'expérience, à ne pas dédaigner les exemples do l'histoire, à nous contenter de ce qui peut assurer la liberté personnelle, la jouissance paisible de toutes les propriétés. Plusa de distinctions humiliantes: toutes les places offertes aux talents et aux vertus, égalité de peines, uniformité de lois ; et nous perdrions de si grands biens pour obtenir une perfection chimérique!
Oui, Messieurs, c'est pour le comité un devoir sacré de vous dire au'il prévoit les suites les plus funestes, si l'on établit un régime démocratique, en faisant décider par les électeurs, dans chaque district du royaume, entre le Roi et les représentants, ou si on laisse à de nouveaux représentants la faculté de détruire tout obstacle à la division des pouvoirs. La nécessité constante de la sanction royale lui paraît un principe aussi respectable que celui de l'indivisibilité de la couronne. Comment pourrait-on soumettre la liberté publique au hasard des factions et des intrigues, préparer au peuple français un gouvernement arbitraire, et cela dans la crainte de le priver de quelques lois, comme si toutes les nations n'avaient pas jugé qu'il était conforme à la raison et à la prudence de ne faire aucune loi sans le consentement de leurs magistrats ! comme si une loi nouvelle n'était pas souvent une entrave de plus à l'indépendance !
Le veto suspensif dégraderait le trône; le Roi serait bientôtréduit à n'être qu'un général d'armée. Dans aucun Etat monarchique, le Roi n'a cessé d'être une portion intégrante du Corps législatif que l'aristocratie ne soit devenue plus puissante. Consultez les annales delà Suède et de la Pologne. Le droit d'accorder ou de refuser la sanction royale n'a point de danger pour la liberté du peuple; il en est au contraire le plus ferme rempart. Après avoir ôtè au monarque toul ce qui peut
nuire, el ne lui avoir laissé que ce qui est indispensable à la félicité des citoyens, c'est assurer cette félicité que de lui donner les moyens de défendre les prérogatives du trône. Elles n'existent pas pour son intérêt ; elles appartiennent à la nation : et si le Roi venait ici, accompagné de ses ministres, renoncer au droit de sanctionner les lois, tous les vrais amis de la liberté devraient le conserver à la couronne, malgré lui-même ; et s'il était possible que des hommes trompés pussent porter l'égarement jusqu'à vouloirattenter à la liberté de nos suffrages, jusqu'à même outrager la nation, en faisant violence à ses représentants, pendant que leurs glaives criminels seraient suspendus sur nos têtes, nous devrions encore prononcer, pour le bonheur de notre patrie, la nécessité de la sanction royale.
Ceux qui veulent accorder au Roi la faculté de suspendre les délibérations jusqu'à la troisième législature, croient garantir suffisamment les prérogatives royales; mais ils ne réfléchissent pas qu'ils détruisent la dignité du trône, en indiquant le terme où il est forcé d'obéir aux représentants; qu'une loi, présentée sur la fin d'une législature, et proposée de nouveau par la seconde, serait toujours nécessairement sanctionnée, pour éviter le désagrément d'obéir à la troisième, et qu'il n'y aurait aucun moyen certain de défendre l'indépendance de la couronne. Comment ne voit-on pas que le principe de la division des pouvoirs étant la base de la liberté, il faut assurer cette division, et que pour y parvenir, il faut que le consentement du Roi soit nécessaire; Il ne le refuserait jamais aux lois étrangères à ses prérogatives, à moins qu'elles ne fussent évidemment nuisibles au peuple, et il serait toujours obligé de céder sur ce point à l'opinion publique. Mais il refuserait la sanction avec succès, quand on attaquerait son autorité constitutionnelle ; et l'opinion publique respecterait ce refus, s'il était appuyé sur la sanction : au lieu que le veto suspensif le subordonne, non-seulement à l'opinion, mais à la simple volonté des représentants. D'ailleurs, avec le veto suspensif, le Roi sanctionne en obéissant, ou pour éviter d'être forcé à l'obéissance; au contraire, si l'on adoptait l'avis du comité, le Roi paraîtrait toujours céder librement à de nouveaux motifs.
Puisque le monarque ne pourrait faire aucune loi, la faculté de refuser la sanction royale ne serait pas un moyen d'attaquer la liberté publique; cette iiberté étant établie par la Constitution, c'est par de mauvaises lois qu'on réussirait à la détruire, et non -en. mettant obstacle aux lois nouvelles. En supposant qu'il pût s'introduire, en faveur de l'autorité royale, des abus contraires à la Constitution, on ne considère pas la facilité avec laquelle ils seraient réformés, à chaque changement de règne, par le Corps législatif, qui en demanderait la suppression, avant d'avoir déterminé les sommes nécessaires pour la maison du nouveau monarque.
J'aurais présenté encore d'autres réflexions en faveur de la sanction royale, mais ce sujet important sera traité incessamment par M. Ber-gasse.
Qu'avez-vous à craindre du veto absolu ? Il est contraire au principe, s'écrie-t-on ; c'est un homme qui veut ce que la nation ne veut pas ; mais je dis le contraire: c'est un homme qui oppose à une volonté passagère une volonté permanente, la volonté d'une partie de la nation a une autre partie de la nation,
L'on n'entend que très-imparfaitement ce que signifie la volonté générale. Je suppose que nous eussions décidé que, pour faire un emprunt, il eût fallu les deux tiers des voix, et qu'il n'y eût que la majorité absolue; certainement elle serait la volonté générale ; mais cependant le décrel ne passerait pas. C'est ainsi que l'erreur sur les mots amène l'erreur dans les principes.
Quel inconvénient a donc ce veto absolu? Il paralyse les Etats, dit-on ; mais c'est le seul inconvénient.
Quand les lois générales et fondamentales seront une fois arrêtées, sur le sort de quelles lois faudra-l-il craindre le veto du Roi ? Le repos du peuple ne vaut-il pas mieux que son mouvement, et faut-il toujours porter la main au ressort du gouvernement? La manie réglementaire passera sans doute comme toutes les autres.
Au surplus, qu'annonce ce mot suspensif? N'est-ce pas, en s'en servant, rappeler le despotisme ?
La terreur de la servitude conduit à la servitude; c'est lorsqu'on prend toutes les précautions qui peuvent vous assurer votre liberté qu'on la perd le plus tôt. Louis XI a fait taire les lois, Tibère les a fait parler. Craignons ces deux extrémités.
On s'indigne contre les lettres de cachet, et on se prosterne devant l'ostracisme. Que signifiera le veto suspensif, si on n'en explique le mode?
Je pense qu'il ne peut y avoir de veto suspensif ni absolu contre la nation ; mais le Roi représente la nation, et c'est la nation elle-même qui prononce ce veto.
Quant à l'appel à la nation, il est impossible; les parties de l'empire ne pourront le juger sans de violentes secousses. Je suis donc pour le droit positif que le Roi a de sanctionner la loi.
Quant à l'abus, c'est à vous d'en prévenir tous les inconvénients qui peuvent en résulter. Je ne désireencore ni permanence ni périodicité; je désire que pendant longtemps le Corps législatif s'assemble tous les ans une fois.
11 faut prévenir toutes les difficultés qui résulteront de la permanence ; il faut savoir si les députés resteront revêtus de leur caractère jusqu'à la prochaine élection. Si on accorde au Roi le droit de dissoudre l'Assemblée natio • nale, on ne doit lui présenter qu'au dernier jour de la session les décrets à sanctionner: autrement le gouvernement, toujours importuné de la puissance de celte assemblée, serait impatient de la dissoudre, et souvent il se servirait de ce droit au premier décret qu'on lui présenterait. Il faut encore que le monarque ne puisse suspendre que dans le cas où l'affaire ne serait pas urgente, et que l'Assemblée nationale décide de l'urgence. Dans le cas de la dissolution forcée, il faudrait que le Roi envoyât les motifs de son refus aux assemblées élémentaires; que si elles voulaient exiger la sanction de la loi, elles la demanderaient et en chargeraient leurs députés ; alors la volonté générale étant connue, la sanction sera nécessaire.
La durée de la session pourrait être de trois mois, et l'intervalle de neuf mois. La nomination des députés se ferait de deux ans en deux ans ; par ce moyen l'Assemblée ne serait que périodique.
11 est nécessaire, pour que les représentants soient toujours comme présents, de former une autorité qui favorise leur élection, et qui, dans le cas où le Roi s'opposerait à la tenue de l'As-
semblée, fût supérieure à la sienne; 11 faudrait la placer dans les assemblées provinciales.
Je désirerais encore que les cours de justice fussent forcées de rendre compte à l'Assemblée nationale comme les ministres.
Je désirerais que, dans des cas pressants, le dernier président de l'Assemblée nationale, instruit par les assemblées provinciales, eût le droit de convoquer l'Assemblée nationale.
présente encore quelques idées sur la ténue des assemblées; il dit qu'il faut qu'elles se tiennent à vingt lieues de la capitale, à vingt lieues de la cour ; qu'à la question de la permanence est liée celle du veto ; qu'il ne convient pas d'accorder au Roi un veto illimité, mais un veto circonscrit, un appel au peuple.
Avant de présenter ces réflexions, le membre avait fait sentir le danger qu'il y avait à trop multiplier les précautions garaiennes de la liberté ; que le sénat à Rome fut longtemps le palladium ae la liberté ; mais, qu'après avoir cherché à lui enlever son autorité, il finit par perdre la liberté publique.
Il me paraît que la distinction entre la permanence et la périodicité est la même que celle du veto absolu et du veto suspensif. Si vous nommez vos représentants pour trois ans, la question de l'époque à laquelle ils s'assembleront résultera des pouvoirs que . vous leur aurez donnés. Quand exerceront-ils le droit que vous leur avez donné ?
Les sessions annuelles me présentent l'idée de la permanence. Par ce moyen, elles seront fréquentes et presque continuelles. Si elles étaient plus éloignées, dans l'intervalle des sessions, et que le besoin d'un règlement se fît sentir, serait-ce au pouvoir exécutif que vous en laisseriez le soin? Pour corriger cet abandon, diriez-vous que ce n'est là qu'un règlement provisoire? Prenons garde de laisser un germe de despotisme dans le berceau de la liberté ; il se déploirait et l'étouf ferait' bientôt.
Tout ce qu'on appelle règlement, c'est à la nation à le faire, et il faut espérer que ce grossier amas de lois, toutes bizarres, toutes contradictoires, va bientôt disparaître.
Si vous n'êtes pas rassemblés, il faudra confier à d'autres les fonctions importantes que vous devez remplir.
Pour assurer le retour annuel, l'impôt à accorder paraît le seul moyen, et moyen infaillible de nécessiter le retour de vos Assemblées. La permanence, de cette manière, sera donc assurée, et le Corps législatif sera de plus en plus puissant.
Je me renfermerai dans la question de la permanence et de l'unité du pouvoir législatif. Lorsque l'on demande si les Assemblées nationales doivent être permanentes, il est clair que l'on demande si elles doivent s'assembler chaque année ; cela ne fait pas une question. Vous avez trop fait pour ne pas arrêter le retour de l'Assemblée nationale. Il faut bien que vous rétablissiez l'édifice que vous avez anéanti. Si, au milieu de ces grandes révolutions, au milieu de vos conquêtes, vous vous endormez nonchalamment, comme fatigués de vos. victoires, les ennemis de l'Etat ne tarderont pas à nous ravir tout le fruit de ces travaux.
Ils espèrent que cette effervescence du patrio-
tisme se calmera, que la périodicité des Etats lassera les Français, que l'ancien régime reparaîtra.
Pour achever notre ouvrage, il est indispensable d'employer toutes les ressources, et d'annoncer les grandes vérités qui doivent éterniser comme elles les monuments que nous leur avons élevés. Ces vérités sont: 1° qu'on ne doit ni ne peut abandonner les affaires dans une grande monarchie à des hommes qui ont intérêt de les saisir pour les obscurcir et les embrouiller; 2° que le Corps législatif doit toujours être en activité, et surveiller sans cesse les agents du pouvoir exécutif.
L'Assemblée nationale est aujourd'hui le seul pouvoir respecté. Comment pourrait-on rétablir le bon ordre ? Comment réformer les abus sans s'assembler sans cesse? La postérité et nos contemporains nous chargeraient de malédictions si, après avoir tout renversé, tout détruit, tout anéanti, nous ne rétablissions rien.
Si nous laissions échapper l'heureuse circonstance que nous offre la liberté de régénérer la France; si au milieu des révolutions actuelles, nous nous livrions à une folle sécurité, on nous accuserait au lieu de nous applaudir, on nous mépriserait au lieu de nous accorder le tribut de la reconnaissance publique.
La loi de la permanence dépend absolument de vous. Pour l'assurer, cette permanence, n'accordez d'impôt que pour un an; vos successeurs suivront votre exemple. Il est aisé de voir que, dans les dix premières années, cette institution est nécessaire. Nous avons à nous occuper de l'ordre judiciaire, du pouvoir militaire, des finances, partie si corrompue; nous avons à nous occuper de-l'indemnité et du remboursement des offices que vous avez supprimés; nous avons à établir les assemblées provinciales et les municipalités. Ne faudra-t-il pas, pendant quelque temps, en suivre le développement, les abus, les erreurs? Combierî d'autres établissements à faire! Qui pourrait calculer ceux que l'on vous demandera?
La permanence seule peut vous donner assez d'instants pour remplir de si nombreux devoirs. 11 n'est pas possible de fixer ses sessions à trois mois; il est beaucoup plus simple d'en laisser déterminer la durée par les députés, qui la régleront sur la mesure de leurs travaux ; elle sera de quatre, de six, de huit mois.
L'objet des dépenses n'est pas comparable au prix de la liberté ; et quand tout sera réglé, ces assemblées coûteront bien peu.
Je passe à l'unité du Corps législatif. Je pense que cette question ne tient pas seulement à la permanence ni à la sanction, mais à une troisième question, celle de l'établissement d'un tribunal suprême que vous devez établir pour juger les ministres prévaricateurs et les cours de justice. En réglant la question de la permanence et celles qui en dépendent, vous ne devez pas perdre de vue cette dernière considération. Une autre ne peut et ne doit pas vous échapper: c'est 'd'éviter que les représentants ne mettent de la précipitation. Vous pourriez encore établir une sorte de tribunal de révision. Les membres de ce tribunal ne seront pas nommés par le Roi, mais par les bailliages rassemblés, non à vie, mais à temps. Ce tribunal n'aurait aucune espèce de veto, mais il présenterait des observations, et, d'après les réflexions qu'il aurait communiquées, l'Assemblée jugerait.
Je me résume. Je crois la permanence indispensable ; je désire l'unité du Corps législatif. 11 est
difficile d'accorder le droit de veto à un corps quelconque, et il est important de reconnaître la nécessité d'un tribunal suprême pour juger les ministres et empêcher la précipitation.
curé d'Emberménil (1). Messieurs, la sanction royale n'est, à mon avis, que l'acte par lequel le prince déclare que tel décret est émané de la législature, et promet de la faire exécuter. Sa fonction se réduit à promulguer la loi.
En vertu de sa dignité, a-t-il droit de participer au pouvoir législatif? Non, car il ne peut avoir de droits que ceux qui lui sont accordés par le pouvoir constituant; conséquemment le Roi (je ne dis pas le souverain ; désormais ce terme désignera la nation), le Roi ne peut être partie intégrante de la législature que par la concession libre de celui dont émanent tous les droits de la royauté..... le peuple.
En partant du principe, le Roi ne peut donc refuser son consentement à la loi; mais, si l'on calcule l'influence des passions, peut-être faut-il lui conférer une prérogative qui, étant nécessaire à la tranquillité politique, se concilie avec là rigueur du principe que je viens d'établir. Ainsi le veto royal ne peut être envisagé que comme objet de convenance et d'utilité. La question se réduit donc à savoir s'il importe au bonheur national d'aErmer le Roi du droit absolu ou suspensif de s'opposer à la loi.
Chargés par nos mandats de rajeunir la Constitution, ou d'en créer une nouvelle sur les décombres de l'ancienne, nous exerçons en ce moment le pouvoir constituant; ainsi, quand même on accorderait à l'auguste délégué de la nation lé droit de refuser la loi, son refus ne pourrait jamais lutter contre la Constitution.
Je vais essayer de prouver, Messieurs, que vous n'avez pas droit d'accorder au prince un veto absolu; que, quand même vou^ auriez ce droit, vous ne le devez pas, et qu'il est de l'intérêt du prince de ne pas l'avoir
1° Vous excéderiez vos pouvoirs en lui accordant un veto indéfini; car vous n'avez pas droit de compromettre, encore moins d'aliéner la liberté de vos commettants : si les représentants de la nation et le Roi ne sont pas d'accord sur l'admission ou la réjection d'un décret, il n'est qu'un tribunal compétent pour juger en dernier ressort; ce tribunal est celui qui crée les rois, celui du peuple devant lequel disparaissent tous les intérêts particuliers. Or, si le Roi avait le veto absolu, il serait juge et partie, et la liberté nationale pourrait être aux prises avec le despotisme.
D'ailleurs, vous ne pouvez pactiser irrévocablement pour la postérité, ni lier ceux qui vous succéderont, et vous n'avez guère plus de droit sur la liberté des générations futures, que de pouvoir sur la liberté des générations éteintes. Vainement essayeriez-vous donc de plier sous le joug de l'esclavage les hommes de l'avenir, le peuple serait toujours en droit de rompre les chaînes que vous auriez tenté vexatoirement de lui imposer.
2° Eussiez-vous le droit d'accorder au prince un veto indéfini, il serait impolitique de le
faire, car, si la loi'est agréable ou indifférente au Roi, il la sanctionnera sans
difficulté; mais alors que lui sert le droit de dire je m'oppose? Ce ne sera, dans cette
hypothèse, que la faculté illusoire d'empêcher qu'on ne fasse ce qui lui sera agréable. Ou l
Malheureusement les rois sont des hommes, la vérité n'aborde leur trône que difficilement, flétrie par les courtisans, et souvent escortée du mensonge. Malheureusement les rois, mal élevés pour la plupart, ont des passions tumultueuses. Une des plus enracinées dans le cœur humain, une des plus ardentes est la soif du pouvoir, et le penchant à étendre son empire. Un roi capable de dominer par l'ascendant de son génie, comme ce Louis XIV, qui lit tout pour sa vanité, et qui se voyait toujours avant son peuple; un tel roi, en vertu du veto absolu, empiétera rapidement sur la puissance législative, par la facilité de diriger seul le levier de la puissance exécutrice, qui est toujours en activité. Vous aurez un despote.
lin roi faible sera subjugué par les agenls du pouvoir, intéressés à envahir la puissance illimitée d'un maître qu'ils auront asservi pour régner sous son nom, et vous aurez alors le veto le plus absurde, comme le plus formidable..... celui des ministres. Le roi que vous avez décoré d'un si beau litre, et les ministres qu'il a honorés de sa confiance, doivent sans doute rassurer la vôtre; mais nous posons les fondements d'un édifice qui puisse durer pendant des siècles. Notre constitution, notre législation doivent être indépendantes des qualités morales du chef de la nation ; elles doivent être inattaquables sous un scélérat, sous un Néron, c'est-à-dire un Louis XI, comme sous un bon prince, un Henri IV, c'est-à-dire un Louis XVI.
Les partisans du veto absolu nous donnent des moyens efficaces de vaincre le refus constant de la sanction royale. Tels sont l'insurrection populaire, l'ascendant de l'opinion, le refus de l'im-pôtl "Quelle conséquence de vouloir élever une barrière pour se donner le plaisir de la détruire par des moyens convulsifs!
L'ascendant de l'opinion nationale est-il irrésistible? L'expérience ne dépose-t-elle pas que les tyrans de tous les siècles furent sourds aux cris de la raison et bravèrent l'opinion?
L'insurrection est un malheur opposé à un malheur; en prévenant le mal, nous serons dispensés d'y remédier.
Le refus de l'impôt serait un fléau qui, par contre-coup, frapperait sur tous les citoyens, et bientôt le corps politique serait privé de mouvement et de vie. D'ailleurs ne serait-il pas illusoire de dire au Roi : Vous avez le droit d admettre et de rejeter nos lois; mais cependant si vous refusez d'accéder à nos volontés, nous saurons vous y forcer en tarissant le Trésor public?
Nous répétera-t-on sans cesse que nos mandats exigent la sanction royale ? Ont-ils seulement défini ces termes? Ont-ils distingué le veto indéfini ou suspensif ? Non, à votre sagese est réservé le droit d'établir la ligne de démarcation entre l'autorité concédée au Roi et celle que la nation se réserve.
Nous objectera-t-on sans cesse qu'autrefois en France, qu'actuellement encore dans la plupart
des gouvernements européens, le Roi a une portion de l'autorité législative, que celui d'Angleterre a le veto absolu (1) ? J'examine moins ce qui se fait ailleurs que ce qui doit se faire. L'histoire qu'on invoque trop souvent est un arsenal où chacun prend des armes de toutes sortes, parce qu'elle offre des exemples dans tous les genres. La multiplicité des faits au lieu d'étayer un principe ne fait souvent que constater la violation des principes; et souvent l'on cite comme exemple à suivre ce qui ne devrait être considéré que comme abus à réformer.
3°. L'intérêt du Roi est qu'il n'ait pas le veto absolu ; car, si la loi est sage, elle sera nécessairement avantageuse au prince dont le vrai bonheur est inséparable de celui de la nation. Si la loi est mauvaise, le Boi n'encourra aucup blâme et la nation ne pourra faire rejaillir que sur elle-même celui de son erreur.
Mais une Assemblée na1ionale peut errer. Les prestiges de l'éloquence, l'effervescence de l'enthousiasme, ou d'autres causes peuvent l'emporter par un mouvement trop brusque et l'écarter du vrai but ; c'est alors que l'opposition limitée à la loi peut avoir lieu. Ce veto suspensif n'est qu'un appel au peuple, et le peuple assuré qu'il pourra prononcer définitivement ne s'aigrira point; au lieu que le veto absolu comprimant, étouffant la liberté nationale sous le sceptre du despotisme, amènerait peut-être l'insurrection.
Il faut donc une barrière contre les décisions précipitées, mais cette barrière ne doit pas
être
Il est même des circonstances politiques dans lesquelles le veto suspensif accordé au prince menacerait la liberté nationale. Par exemple, dans l'intervalle de la session présente à ia prochaine, les antipatriotes dont le parti est dispersé et non détruit, ne fomenteront-ils pas de nouveaux troubles ? Ils cabaleront d'une manière basse, c'est-à-dire digne d'eux, d'une manière atroce, c'est-à-dire digne d'eux. Ils achèteront les hommes corrompus, subjugueront les faibles, égareront les ignorants et nous ramèneront peut-être à des malheurs incalculables pour l'étendue et la durée.
Dans l'hypothèse de la permanence et de l'unité des Assemblées nationales, j'opine pour le veto suspensif, qui n'étant qu'un appel au peuple lui conserve ses droits ; mais je m'oppose de toutes mes forces au veto absolu, qui réduirait la nation à un rôle subalterne, tandis qu'elle est tout, et qui deviendrait l'arme la plus terrible du despotisme.
Messieurs, aorès tout ce que les préopinants viennent de dire sur la permanence de l'Assemblée nationale, et sur la nécessité qu'elle soit annuelle, je n'ai rien à ajouter ; et je m'aperçois que cette opinion est établie dans l'Assemblée. Vous regardez ce point de la Constitution comme l'espérance des peuples et le rempart de la liberté publique. En effet, Messieurs, une Assemblée annuelle, des subsides annuels, un compte rendu annuel et la responsabilité des ministres, ces moyens réunis sont un gage assuré de la félicité du peuple et du bonheur et du repos de son Roi.
Vous avez décidé, Messieurs, que les divers points de constitution qui nous occupent ont une telle connexité, qu'il est permis, qu'il est nécessaire de les parcourir tous. Je vais prendre la liberté de commencer par quelques réflexions sur l'Assemblée unique.
On ne peut nier que cette idée, infiniment simple, ne s'offre la première à l'esprit, et que ia nation étant une, il semble que sa représentation doive l'être également. Le droit de faire les lois, celui de voter les subsides, celui de faire exécuter et administrer, sont également des choses unes, et qui appartiennent à la nation, ou qui émanent avec la même unité, la môme simplicité indivisible qui se trouvent dans la nation, laquelle ne saurait être divisée.
On comprend comment un peuple qui renferme divers ordres de citoyens armés de divers
privilèges a cherché aies contre-balancer, afin qu'une partie- d'entre eux n'engloutît pas
les autres. Cet équilibre, établi d'ordinaire moins par la sagesse du législateur que par le
désir de chacun de n'être pas opprimé, n'est-que le fruit d'une lutte inégale et non pas de
la politique. Tel était l'équilibre prétendu qui existait en France. Tel est peut-être celui
qui se forma jadis en Angleterre, où, pour ne pas rompre les ressorts, on se contenta de les
forcer. La Chambre haute est visiblement un reste subsistant de la féodalité ; tandis que la
Chambre des communes, siège de la liberté et du droit naturel, nous offre, par son
établissement,
Tel fut le système qui, l'année dernière, s'offrit à l'esprit de plusieurs citoyens, lorsque voyant la féodalité ébranlée, mais n'osant espérer qu'elle serait détruite, ils lui ménageaient une consolation. Ils imaginaient une Chambre haute, où quelques seigneurs et quelques ecclésiastiques seraient admis; et cette perspective ne présentait pourtant que des débris de féodalité, qu'on se croyait obligé de conserver. 11 aurait fallu cependant mettre ces pouvoirs en équilibre: chacun des deux aurait fait ses conditions ; mais l'observateur n'aurait point vu là le fruit de la sagesse, il n'y aurait vu qu'un accommodement et la fin d'un combat.
Je ne nie point que les Anglais n'aient tiré, pour leur liberté, de grands avantages de leur équilibre : tels seraient ceux que nous en aurions retirés nous-mêmes, si les circonstances ne nous avaient dispensés de les imiter.
Il me paraît cependant qu'une Chambre haute; une Chambre séparée n'est point, dans son institution, un moyen imaginé pour arrêter les dangereux efforts" d'une nation assemblée. J'accorde, pour un instant, qu'elle produit cet effet, et que le résultat d'un équilibre nécessité par les circonstances est devenu de la sagesse, mais il n'était pas de Ja sagesse originairement; pas plus que ne l'aurait été parmi nous l'établissement d'une Chambre haute à laquelle nous eussions été forcés.
L'idée de deux Chambres n'est donc pas dans son origine un calcul de forces politiques; elle n'a point été imaginée pour suspendre la marche précipitée des représentants du peuple. Ce ne serait pas par principe que nous l'adopterions, ce serait par conséquence. C'est une découverte et non pas une invention. Le législateur ne l'a pas calculée, c'est le hasard qui l'a fournie. Cette idée de l'équilibre des deux Chambres est d'origine anglaise, et lesxAnglais ne les formèrent pas pour éviter les efforts dangereux des communes contre le Roi ; ils n'y songèrent pas du tout : ce fut un accommodement des intérêts des grands avec ceux des communes. Je voudrais répéter cette observation en ceat manières.
il résulta cependant de cet accommodement, que pour Je maintenir, il fallut donner aux parties contractantes une arme propre à repousser les attaques de l'autre, un bouclier défensif; et l'on créa le veto : il était nécessaire, il devait y avoir des combats, et la création même du veto le prouve.
Mais le veto des Chambres les constituait en pouvoirs; car le droit négatif est un pouvoir et un véritable droit affirmatif : celui qui refuse affirme qu'il ne veut pas accorder. On arriva donc, par conséquence et sans dessein, à créer des pouvoirs législatifs, auxquels on n'aurait pas songé sans les intérêts particuliers, à chacun desquels il avait fallu donner part dans la légis-
lation. Les deux pouvoirs furentdonc une invention forcée, un pacte, un contrat imaginé, non pour rendre la législation meilleure, mais pour accommoder des gens qui n'étaient pas d'accord. On fît tout pour l'intérêt particulier, et non pour l'intérêt général : celui-ci y gagna, sans doute ; car il gagne toujours à la cessation des querelles intestines; mais ce n'était que par contre-coup, et ce n'est pas lui directement qu'on avait voulu servir. C'est ait)si qu'en France nous avons vu les trois ordres prétendre chacun au veto -, et, pour la paix, on le leur aurait sans doute accordé; mais il n'en faudrait pas conclure pour cela qu'un Etat n'est bien administré que lorsqu'il y a quatre pouvoirs, quatre veto.
Cependant, c'est des trois veto des Anglais que l'on prétend conclure que nous devons en avoir trois aussi; et les avantages que l'on croit qu'ils en retirent amènent à tirer cette conséquence, qui me paraît forcée, que le pouvoir législatif doit être divisé.
Permettez-moi, Messieurs, d'examiner un instant cette division du pouvoir législatif.
D'abord, j'ai prouvé que les Anglais n'ont divisé les pouvoirs que parce qu'ils voulaient faire un partage aux grands et un partage aux communes ; et que, pour contenter tout le monde, ils donnèrent une portion de pouvoir à chacun : leur exemple ne prouve donc rien. J'ai observé que nous aurions pu créer trois Chambres durant cette session ; que nous aurions pu en créer deux; que nécessairement nous aurions divisé le pouvoir en quatre ou en trois ; mais qu'il n'aurait pas fallu nous vanter pour cela de la sagesse profonde de cette division, car nous ne l'aurions pas faite pour le profit de la législation, mais pour contenter les trois ordres.
C'est donc dans la nature même du pouvoir législatif qu'il faut chercher les preuves de l'utilité de sa division, et j'avoue que ce n'a pas été sans beaucoup de surprise que j'ai entendu avancer cette proposition que le pouvoir législatif doit être divisé.
Je me fais du pouvoir en général une idée bien différente ; et c'est, selon moi, une idée si simple que celle du pouvoir, si parfaitement une, et si peu susceptible de division, qu'il faut, en quelque manière, faire un tour de force pour songer à la partager.
Ici, Messieurs, je suis obligé de faire une distinction, sur laquelle je m'arrête avec peine, parce qu'elle prolonge le temps que vous daignez m'ac-corder, mais que je n'exposé que dans la pensée que c'est gagner du temps que d'éclaircir les idées : et l'on éclaircit les idées quand on explique les mots. Quelle Assemblée, Messieurs, que celle où l'on peut sans crainte hasarder de pareilles discussions, et remonter hardiment aux principes 1
La pauvreté de notre langue pour exprimer les idées politiques, idées absolument neuves pour la masse de la nation, nous fait employer le terme de pouvoir en des sens très-différents. Nous l'appliquons à la législation, à l'exécution des lois, à l'administration politique, à l'administration judiciaire, à la gestion des finances, au gouvernement militaire, et de là dans tous les sous-ordres, à tout corps, et souvent à tout homme qui jouit de quelque autorité. Il est cependant évident en dernière analyse que toutes ces autorités subalternes et divisées ne sont que des émanations d'un pouvoir unique et primitif, que le possesseur de ce pouvoir, qui est le souverain,
distribue et départit selon l'utilité de la chose publique.
Ce pouvoir originaire et unique appartient à la nation : lui seul est pouvoir, les autres ne sont que des autorités. 11 est la collection de tous les pouvoirs particuliers du droit que chacun a sur soi-même, et qui, transporté dans la masse commune, se réunit à tous les droits de chacun, et n'en forme qu'un seul, le droit et le pouvoir de se gouverner. Ce pouvoir de se gouverner appartient à la nation entière, avec autant de simplicité qu'il appartenait à chaque individu.
Le pouvoir, pris dans son sens primitif, est donc 1 e droit d'exercer son droit : i 1 est simple, et l'esprit ne peut y saisir aucune division. Cela est si vrai que si la nation pouvait exercer son droit elle-même, elle se garderait bien d'en confier la plus petite portion à qui que ce soit. Un droit composé de 25 millions de droits est un droit simple et unique ; mais l'exercice en est impossible aux 25 millions d'individus, et voilà pourquoi ils le contient à un homme ou à plusieurs. Mais je vous prie d'observer qu'ils ne leur donnent point le pouvoir, car il est inaliénable; ils ne donnent que de l'autorité. Ils ont certainement le droit d'exercer leur droit, mais ils ne peuvent l'exercer tous ensemble, et voilà pourquoi ils distribuent cet exercice; et cependaut, le droit, c'est-à-dire le pouvoir, leur reste toujours.
Ecartons donc, Messieurs, tous les nuages que font naître les différents sens de ce grand, de ce noble, j'aurais dit autrefois de ce terrible mot, le pouvoir : et permettez que je n'appelle plus aujourd'hui ^autorité les pouvoirs délégués dont Vous allez faire la distribution.
Maintenant, si je considère le pouvoir (et je n'ai plus besoin de dire que ce n*est pas l'autorité, ni les autorités), j'y distingue ce que la nation, ce que le souverain distribue, et ce qu'il garde. Ce qu'il distribue, c'est l'exécution; ce qu'il garde, c'est la législation. Il garde ce qu'il peut faire, il distribue ce qu'il ne peut pas faire. 11 délègue des autorités, il garde le pouvoir, et ce pouvoir qu'il se réserve est le pouvoir législatif, qu'il ne donne point parce qu'il est en état del'exercer.
Mais le souverain est une chose une et simple, puisque c'eat la collection de tous sans en excepter un seul ; donc le pouvoir législatif est un et simple : et si le souverain ne peut pas être divisé, le pouvoir législatif ne peut pas être divisé, car il n'y a pas plus deux ou trois ou quatre pouvoirs législatifs, qu'il n'y a deux, ou trois ou quatre souveraius. Et au rebours, et par conséquent, si vous divisez le pouvoir législatif en deux ou trois, vous divisez le souverain en deux ou trois, chose qui n'est pas au pouvoir des hommes, car ils ne peuvent pas faire que le souverain qui est nécessairement la collection de tous en un soit autre chose que la collection de tous en un.
Vous permettez, Messieurs, vous aimez que l'on pose dans cette Assemblée législative les sc>u-verains principes qui doivent éclairer la nation généreuse et libre que vous représentez, et qui vous devra d'autant plus de reconnaissance que vous aurez surpassé son espoir et ses vœux. C'est peut-être un spectacle digne d'elle, qu'une assemblée de douze cents citoyens, discutant avec liberté toute l'étendue des droits du peuple, et remettant entre ses mains la souveraineté qui lui appartient. C'est un hommage digne du Roi que vous aimez que d'indiquer précisément son droit, et que dans un siècle de liberté et de lumières,
vous ne l'exposiez pas au malheur d'être injuste, en lui donnant le droit qui ne lui appartient pas. Quelles que pussent être nos erreurs, elles ne seraient pas adoptées. Ce que nous devons à tous, c'est justice et vérité ; et si quelque chose peut consacrer aux hommages de la postérité la magistrature dont les peuples nous ont revêtus, c'est que l'on puisse dire de nous: ils furent libres, vrais et justes ; c'est que l'on trouve dans nos décrets les grands principes qui rappelleront à la vérité cette foule de gouvernements vicieux dont la face du globe est souillée.
Je crois avoir prouvé, Messieurs, que le pouvoir législatif ne peut être divisé ; et c'est ce qui m'a fait regretter qu'on ait appuyé le pouvoir l'autorité du Roi sur ce faux principe ; car toute autorité devient vicieuse, dont le principe est ruineux. Je crois que le Roi doit avoir le pouvoir limité de refuser sa sanction ; je n'approuve pas les principes sur lesquels on se fonde pour le lui accorder.
J'ai vu avec peine encore qu'on ait souvent confondu la sanction royale avec le veto royal: ce sont deux choses très-différentes. La sanction est un acte purement matériel, attaché à la loi faite; le veto est un acte de volonté qui empêche que la loi ne se fasse. La sanction est le sceau de la loi, qui en précède la promulgation, qui dit de la loi: Sancta sit, elle est sainte, et qui dit aux peuples : Voilà la loi ; obéissez. Le droit du veto est un véritable pouvoir législatif, quoiqu'il ne le soit que négativement ; car empêcher qu'on ne fasse telle loi, c'est ordonner le contraire ou autre chose que cette loi. Le droit du veto peut produire le droit de sanction ; mais le droit de sanction ne doit jamais produire le veto. Et daignez observer que dans le système qui vous a été présenté, le Sénat aurait le veto sans avoir la sanction ; d'où il suit que ce sont deux choses différentes.
Je n'aime pas non plus qu'on dise que le Roi est le représentant continuel de la nation, et
que, sur ce motif, on lui attribue le veto : 1e? Parce que cette proposition ne s'accorde pas
avec l'idée que nous avons d'un mandataire, chargé de pouvoirs spéciaux par les peuples
assemblés. 2° Parce que ces deux mots représentant et continuel ne vont point ensemble; que
tout représentant est révocable, et que, s'il n'estpa3 révocable, il n'est pas représentant.
3° Parce que la représentation est, de tous les pouvoirs confiés, celui qui peut le moins
être héréditaire. 4° Parce qu'en accumulant sur la tête du Roi des titres contradictoires on
s'expose à les affaiblir tous, et l'on nuit à sa légitime autorité ; car le Roi ne peut pas
être à la fois représentant, chef, législateur et exécuteur. Non-seulement il y a de la
confusion dans cette nomenclature, mais encore il y a contradiction; car s'il est
représentant, il n'est pas chef; s'il est chef, il n'est pas représentant; s'il est
législateur, il ne doit pas-être exécuteur, puisque ces deux pouvoirs, selon nos principes ne
doivent pas être réunis ; s'il est exécuteur, il n'est pas représentant , car il est contre
les principes qu'un mandataire soit par ce titre exécuteur de la loi qu'il a faite. Enfin,
tous ces titres incohérents se contredisent, et répugnent à se réunir sur un seul homme (l).
Je soutiens donc, Messieurs, que ce serait mal servir, que ce serait mal aimer votre Roi que de l'exposer au malheur de pouvoir s'opposer à des lois qui seraient demandées par son peuple. 11 ne le fera jamais, vous dit-on ! Mais ceux qui parlent ainsi vous répondront-ils des princes qui oc-euperont successivement le trône, de leur éducation, de leur caractère, de leurs lumières, de leur esprit, des flatteries dont ils sont entourés, des conseils perfides qui les assiégeront, et de toutes ces ressources que déploient toutes les passions, pour séduire les rois, et les exposer à la haine et à la malédiction des peuples? L'histoire des rois ne nous en offre-t-elle aucun exemple ? Ou plutôt nous parle-t-elle d'autre chose?
S'il n'y a rien de plus grand à mes yeux qu'un roi exécuteur infaillible ae la volonté infaillible de tous, il n'y a rien de plus faible, de plus malheureux, je ne crains pas de le dire, qu'un roi qui pense que sa volonté doit remplacer la volonté générale, qui fait taire toutes les bouches, et dont "absurde prétention le porte à croire qu'il connaît mieux que les peuples tout ce qui peut leur convenir. C'est dégrader un roi que de lui persuader qu'il a cette science; c'est le tromper, c'est lui tendre des pièges, c'est être responsable e ri vers lui et envers les peuples de toutes les erreurs où il pourra tomber..... Quels temps sont donc les nôtres, Messieurs, puisque nous pouvons dire et entendre librement ces grandes vérités ! Et quel prince, que celui soùs le règne duquel on peut les diré, sans craindre d'en être désavoué!
Il ne sera plus roi, vous dira-t-on; il ne sera plus maître! Je n'entends pas ces mots, et j'ai besoin qu'on me les explique. Veut-on dire qu'il ne sera plus despote? C'est le plus grand service que vous puissiez lui rendre. Veut-on dire que la nation fera désormais elle-même ses lois? C'est tout ce que doit désirer un prince qui veut rendre ses peuples heureux. Veut-on dire que ses volontés Arbitraires ne prendront plus la place de la loi? Et quel bonheur pour lui, s'il peut voir enfin la loi remplacer les ordres arbitraires! Quelle heureuse destinée de ne pouvoir jamais faire du mal ! Quelle gêne salutaire que de pouvoir échapper aux séductions artificieuses des cours! Quelle douceur pour une conscience honnête et pure que de ne pouvoir jamais faire que le bien! Il ne sera plus Roi, il ne sera plus maître! Il le sera bien davantage ; car il sera respecté comme la loi, il sera maître de tous les cœurs.
Il suit, Messieurs, de ce que le pouvoir législatif ne peut pas être divisé, de ce qu'il ne peut pas être aliéné en tout ou en partie, que ce n'est pas sur ce motif qu'on petit accorder au Roi un veto qui serait un acte de législation.
Cependant, si vous jugiez nécessaire de prendre des précautions contre vos représentants, vous pourriez vous arrêter sur cette idée que le Roi doit pouvoir suspendre l'exécution d'une loi, afin de s'assurer mieux de la volonté générale dés peuples. Il me paraît évident alors qu'il faudrait partir d'un autre principe, et il n'y en a qu'un de vrai : c'est que le roi est l'exécuteur de la loi; et
comme tel, vous lui accorderiez le droit d'en arrêter l'exécution, en refusant la sanction qui la précède. Alors cet acte du Roi ne serait pas un acte de législateur qui concourt à la loi, et qui peut la vouloir ou ne pas la vouloir, mais un acte de magistrat suprême qui en retarde la sanction. C'est, si je puis m'exprimer ainsi, un plus amplement informé ; c'est, pour mieux dire, un appel qu'il fait des représentants de la nation à la nation elle-même.
Et je ne doute pas que cette attribution accordée au pouvoir exécutif ne soit d'accord avec le principe, en ce point que les décisions des représentants de la nation peuvent n'être pas toujours celles de la nation elle-même, et qu'ils peuvent errer. Et, en ce cas, on ne peut nier que la nation n'ait droit et intérêt à donner un équilibre à ses représentants, afin que ceux-ci, durant le sommeil ou les distractions de la nation même ne puissent pas sacrifier ses droits.
Cette attribution donnée à l'exécuteur suprême des lois ne répugne pokit à son titre, à son droit unique, puisqu'elle ne défend pas de porter la loi, et que le Roi n'a pour but, en refusant sa sanction, que d'avertir la nation que ses représentants se sont trompés/Mais il est indispensable que la nation soit avertie, qu'elle soit invitée à s'assembler pour exprimer sa volonté précise, que l'appel enfin soit notifié; autrement, ae sessions en sessions, de refus en refus, le prince aurait le droit d'arrêter tout, l'Assemblée nationale serait un fantôme chimérique, et le Roi deviendrait despote.
C'est ce que vous déterminerez, Messieurs, dans votre sagesse, quand vous prononcerez sur la sanction royale ; quand vous déciderez, sans doute, que le refus de sanctionner n'aura lieu que d'une Assemblée nationale à l'autre, et que les Assemblées nationales seront permanentes et annuelles.
Je me proposais, Messieurs, de développer aujourd'hui mon opinion sur le projet de deux Chambres, et d'appliquer à l'examen de cette question lès principes que je viens d'exposer. Mais j'abuserais de votre attention; et me fixant à l'objet dont j'ai eu l'honneur de vous entretenir, je vais exposer mes idées dans une suite de principes de loi que je soumets à votre examen.
Il y aura tous les ans une Assemblée nationale, dont la durée sera dé quatre mois.
Les lois seront déterminées par l'Assemblée nationale.
Toute loi déterminée par l'Assemblée nationale sera portée au Roi pour recevoir la sanction.
Le Roi pourra refuser sa sanction à la loi; mais il fera avertir les assemblées provinciales de son refus.
Toutes les Assemblées provinciales recevront du Roi une copie de la loi, elles l'enverront aux municipalités qui l'examineront et la discuteront.
Elle sera portée ensuite aux assemblées d'élection, qui discuteront et recueilleront les avis à la pluralité des suffrages. Ces avis serviront d'instruction aux députés.
Les députés ne porteront point de mandats impératifs; ils porteront un pouvoir simple et libre, et dans l'Assemblée nationale on délibérera toujours à la pluralité des suffrages.
Si le Roi refuse sa sanction à une loi, l'élection des députés à cette Assemblée sera annulée, et l'on procédera à une nouvelle élection.
(Cet article est fait dans la supposition que les députés seraient nommés pour deux ans.)
L'Assemblée nationale suivante sera convoquée à l'époque ordinaire.
Si l'Assemblée nationale suivante déclare que la loi est nécessaire, le Roi la sanctionnera.
Lorsque la nation adopte la Constitution qui lui est proposée, c'est-à-dire qu'elle approuve la manière dont les différents pouvoirs ont été constitués et organisés, qu'elle approuve les fonctions, et limite les prérogatives et les devoirs qui lui ont été attribués, qu'elle approuve également les précautions qui ont été prises, pour qu'ils ne puissent entreprendre les uns sur les autres; la Constitution n'est donc autre chose que l'organisation et la distribution des pouvoirs. Ces pouvoirs sont le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif : le premier produit les actes qui sont obligatoires pour tous, le second fait exécuter. Cette division, cette répartition absolue dans leurs fonctions mutuelles, semble, au premier coup d'œil, la seule véritable; mais, en y réfléchissant, on s'aperçoit bientôt que la loi étant obligatoire, même pour celui qui la fait exécuter, elle pourrait être faite à son désavantage, et pour militer contre lui. Ces conquêtes d'un pouvoir sur un autre, détruisant la Constitution, il s'ensuit qu'elles doivent être rendues impossibles.il s'ensuit donc qu'il faut donner au pouvoir exécutif une arme pour se défendre s'il était attaqué. De là la nécessité de la sanction ou du veto royal.
Mais quel sera ce veto? sera-t-il absolu ou simplement suspensif? Voilà la véritable question, la véritable difficulté.
Les pouvoirs, comme je l'ai dit, émanent de la nation, ceux qui les exercent sont ses délégués ; ils sont les dépositaires de la Constitution, ils en sont les conservateurs. Or, les représentants d'une nation font une loi, ils la proposent au Roi pour la compléter par son acceptation, et pour la faire exécuter. Si le Roi la rejette, ce ne peut être que sous des prétextes, ou parce qu'elle est contraire à la Constitution ou parce qu il ne la croit pas conforme à la volonté générale : alors il la renvoie aux représentants. Si les représentants ne pen-pent pas que la loi soit contraire à la Constitution, s'ils la croient nécessaire ou utile, ils persistent. Dans ce conflit d'opinions et de volontés, qui décidera? qui l'emportera? quel est le véritable juge qui doit terminer le différend ? La nation. C'est par elle et pour elle que sont intitués les représentants et le Roi; c'est sa volonté qui doit être faite ; c'est son bonheur qui doit être assuré. C'est donc elle qui doit être constituée pour faire connaître sa volonté, pour indiquer les moyens d'assurer son bonheur. L'appel au peuple est donc indispensable. Le droit de dissouare et d'ordonner une nouvelle élection doit donc appartenir au Roi. Par ce moyen il sera formé une nouvelle législature ; les formes prescrites auront donné à la nation le temps de s'éclairer et de s'instruire sur le danger de la loi. Par son choix elle décidera si elle l'approuve ou la rejette : ses nouveaux représentants seront ses organes; s'ils proposent de nouveau la loi, le Roi, instruit de la volonté générale, devra la faire exécuter.
Plusieurs objections s'élèvent contre cette obligation. Où en serait le monarque, dit-on, d'être forcé de souscrire à la loi proposée? Cette obligation est peu compatible avec sa dignité. Quant à moi, j'avoue que je ne puis concevoir comment elle pourrait en être blessée. Que le Roi refuse d'obéir aux volontés des représentants, il en a le droit ; ils sont, comme lui, les délégués de la
nation ; mais obéir à la volonté générale, c'est un devoir auquel il ne peut se soustraire, c'est le but de notre institution.
On objecte aussi que ces dissolutions de la législature, que ces réélections de députés pourront être fréquentes et jeter un grand trouble dans le royaume. Je répoudrai d'abord que lorsque les districts seront établis, rien ne sera plus facile ni plus prompt que les élections, et j'ajouterai ensuite que je pense que la dissolution n'aura lieu que très-rarement ; car d'abord il est certain que les représentants ne se mettront pas dans le cas d'être dissous lorsqu'ils seront sûrs que la loi qu'ils proposeront doit être approuvée par la nation ; puisque, s'il en était autrement, d'autres députés leur seraient préférés, et seraient renvoyés à leurs places. Ainsi la désapprobation les retiendra; le Roi, de son côté, ne refusera jamais la loi que lorsqu'elle pourrait être nuisible à la nation, puisque, s'il en était autrement, il doit s'attendre que la nation approuvera ses représentants, et qu'il sera obligé de souscrire à la loi.
Ces deux considérations me font croire qu'une mutuelle circonspection de la part des deux pouvoirs les maintiendrait dans de justes bornes.
A défaut de raisons à alléguer en faveur de la résistance de la volonté d'un seul contre la volonté de tous, on nous cite l'exemple de l'Angleterre; on nous rappelle qu'il y a quelques années, nous jetions des yeux d'envi^, ou plutôt des regards d'admiration sur ce pays si bien gouverné, soumis à une si bonne Constitution. Mais je répéterai ce que j'ai déjà dit, que le désir que nous avions d'en obtenir une semblable ne prouverait pas qu'elle fût sans défaut. Certes, il n'était pas nécessaire qu'elle fût parfaite pour être l'objet des vœux d'une nation gouvernée par des intendants, des commandants militaires, des arrêts du conseil; soumise à des lettres de cachet, à toutes les vexations de la fiscalité, à des contributions immenses consenties par des magistrats, et gaspillées par des ministres. Certes, un pareil ordre de choses ne rendait pas difficile sur celui qu'on pouvait désirer.
On ne peut nier sans doute que la Constitution d'Angleterre ne présente de grands avantages, qu'elle ne soit la meilleure qui existe en Europe. Mais s'ensuit-il qu'elle soit la meilleure qui puisse exister ? Depuis un siècle, les lumières, les con -naissances politiques n'ont-eiles rien gagné ?
Ehl n'avons-nous pas sur l'Angleterre le précieux avantage de pouvoir ordonner en même temps toutes les parties de notre Constitution, tandis que la sienne a été faite à différentes époques, à différentes reprises ? Les Anglais eux-mêmes ont été obligés de composer avec des préjugés, et nous n'avons à consulter aujourd'hui que les droits et les intérêts du peuple.
Je reconnais cependant aux Anglais un grand avantage sur nous : c'est qu'ils ont combattu des siècles pour conquérir la liberté, et que nous, suivant notre impétuosité ordinaire, et profitant des circonstances uniques, nous l'avons, pour ainsi dire, prise d'assaut.
Il résuite de cette différence, que l'esprit public n'est pas encore bien établi en France, et que les Anglais, au contraire, ont acquis un caractère énergique et vigoureux, qui a valu bien des éloges à leur Constitution, et qui l'a bien souvent suppléée.
Il suit de ces réflexions, que c'est moins les exemples que les principes qu'il faut consulter ; et, me résumant d'après ceux que j'ai développés,
mon opinion est que la loi doit être faite par les représentants, et acceptée par le Roi ; qu'il ne peut la refuser qu'en consultant la volonté générale, par appel au peuple, et que, cette volonté générale manifestée par une seconde législature, u ne peut y opposer que sa volonté personnelle ; enfin, que la Constitution doit donner au Roi le veto suspensif,
M. Dupont a la parole il commence par une invocation au Ciel, après quoi il continue ainsi.
C'est une vérité éternelle que je vais prononcer : aucune nation n'a voulu être gouvernée par le pouvoir arbitraire. Les peuples qui gémissent dans l'esclavage en sortent tôt ou tard, recouvrent leurs droits et prennent des précautions pour ne plus retomber dans la servitude. De là la nécessité d'une constitution; c'est une garde qui veille autour de la liberté..... Mais, pour me renfermer dans l'ordre du jour, je vais m'occuper de la permanence et de l'organisation de l'Assemblée nationale.
Quoique mes idées soient les mêmes que celles des préopinants sur ces deux objets, mon langage est pourtant différent. Je ne crois pas qu'il y ait de permanence pour une Assemblée dont les membres doivent être renouvelés.
On a proposé de donner des pouvoirs pour trois ans aux représentants de la nation. Ce terme me paraît trop long. 11 peut être funeste pour la nation même. Des hommes revêtus du pouvoir législatif pendant trois ans peuvent se laisser aller au penchant de dominer, si naturel au cœur humain.
Je demande et je désire que nos commettants renouvellent tous les ans leurs représentants; je ne veux pas dire pour cela qu'un député ne puisse être continué. Avoir bien mérité de la patrie n'est pas un titre d'exclusion pour la servir encore; mais je demande que ses pouvoirs soient renouvelés au bout d'un an. C'est le moyen de conserveries droits du peuple, et d'étouffer l'orgueil qui fait croire à l'homme en place qu'il doit toujours y être.
Je demande que cette Assemblée, qui doit être une, soit divisée, pour le travail, en deux Chambres, elles seront composées de membres choisis par les assemblées élémentaires, sans aucune distinction.
Je demande que, sur trois députés, celui en qui le peuple trouvera plus de maturité soit destiné à entrer dans une de ces Chambres, que l'on nommera Sénat si vous voulez, et que les deux autres soient membres de la Chambre des représentants.
Ce Sénat, composé de nos égaux, discutera les projets de la Chambre des représentants, fera ses représentations, développera les idées, les raisons qui lui feront adopter ou rejeter les opérations de la Chambre des représentants. Le Sénat insistera jusqu'à trois fois ; après quoi, si les avis sont encore partagés, les deux Chambres se réuniront pour prononcer sur le sujet de discussion, à la pluralité des voix.
Quant à la sanction royale, je pense que Ton doit éviter les extrêmes. Le Roi, comme chef du pouvoir exécutif, doit avoir ses droits. 11 serait dangereux pour la nation que le pouvoir législatif pût agir indépendamment du pouvoir exécutif, et réciproquement le pouvoir exécutif indépendamment du pouvoir législatif. Alors elle n'aurait plus qu'à choisir entre l'hydre de Lerae ou le dragon dè Cadmus.
11 est nécessaire qu'aucune autorité ne puisse porter des lois sans être revêtues de sa sanction.
Les représentants proposeront des lois, le Sénat n'aura qu'à discuter. S'il arrivait des cas de contradiction, le Roi dirait : Cela ne me paraît pas juste.
Voilà le cas d'en appeler au peuple. Il jugera et se décidera, soit en faveur de ses représentants, soit en faveur du Roi. Ce jugement sera prononcé dans les cahiers de la prochaine session.
Je propose l'arrêté suivant :
1° L'Assemblée nationale aura lieu tous les ans, après une élection nouvelle de tousses membres.
2° Elle sera divisée pour le travail ;
3° Les représentants proposeront des lois, et le Sénat les discutera;
4° Les pouvoirs ne pourront être prorogés au delà d'un an ;
5° S'il est proposé par les représentants une loi ou un décret qui souffre des difficultés, il en sera discuté au Sénat;
6° Les discussions et les représentations du Sénat auront lieu jusqu'à trois fois ;
7° L'Assemblée nationale ne pourra porter aucun décret sans l'assentiment du Sénat ;
8° S'il arrive que le Sénat ne donne pas son assentiment, il fera ses représentations;
9° Après une discussion réitérée jusqu'à trois fois dans le Sénat, la Chambre des représentants invitera les membres du Sénat à se réunir, pour prononcer eu commun ;
10° Aucun décret ne fera loi qu'après la sanc« tion ;
11° En cas de contradiction, le peuple ou les électeurs pour le peuple, exprimeront leur vœu ;
12° Si le plus grand nombre regarde la loi ou plutôt le projet de loi comme utile, le Roi ne pourra refuser sa sanction.
J'avais demandé la parole sur là sanction, mais la chance du bureau m'a été défavorable; au reste, ce qui est arrivé au cadet eût pu arriver à Paîné, et le malheur eût été d'une tout autre conséquence.
Je me plains, et je réclame contre tous les moyens qu'on veut employer pour l'organisation de l'Assemblée nationale; je réclame contre la permanence, et ja m'appuie sur mes cahiers, quoique ce moyen paraisse être tombé en désuétude.
Le Sénat qu'on veut introduire a révolté tous les esprits : la chose est si vraie qu'on a cherché tous les pays du monde pour comparer ce Sénat de nouvelle-invention. On a été jusqu'à vouloir prétendre qu'on voulait introduire le Sénat vénitien eu France. 11 est pourtant vrai que le Sénat proposé n'a pas.plus dé rapport avec le Sénat de Venise que la dignité d'un consul d'un village provençal n'en a avec la dignité d'un consul romain.
Ce Sénat proposé n'est autre chose que le grand conseil de nos anciens rois ; n'importe quelle dénomination on lui donne, les inconvénients seraient les mêmes. L'abus reconnu dans le grand conseil donna naissance aux parlements tels que nous les avons vus. Les parlements, quoi qu'on en puisse dire, quels qn'aient été leurs motifs, ont donné lieu à la révolution présente. Ainsi, en parcourant un cercle vicieux, nous retomberions dans les mêmes inconvénients. Je me résume à demander, conformément à mes cahiers, la périodicité de l'Assemblée nationale, et je me range de l'avis de M. Target pour l'organisation del'Assem-blée.
La Constitution résulte de la balance des pouvoirs ; il n'y aura pas de balancé sans permanence dans l'Assemblée nationale.
La souveraineté réside essentiellement dans la nation ; s'appesantir davantage sur cette vérité, ce serait vouloir prouver l'évidence.
Dans les circonstances actuelles il faut que l'Assemblée des représentants soit une. Les sacrifices qu'il faut faire à la patrie exigent cette unité. Sans cette réunion, les sacrifices de ces droits, qui se cachent dans les replis de ce qu'on appelle ancienne féodalité, n'auront jamais lieu.
Mais à présent que tous les sacrifices sont faits, il faut se prémunir contre les oscillations populaires, qui causent souvent les plus grands malheurs. Avant de prendre un aplomb, on doit être d'autant plus en garde, qu'il existe une classe d'hommes méchants qui ne trouvent leur compte que dans les innovations, et qui n'aiment qu'à faire le mal. Pour conserver, il faut d'autres motifs que pour créer et détruire. Les représentants doivent toujours être en garde contre la précipitation, contre la séduction. De là, j'opinerais pour deux Chambres, sans que l'une eût droit de veto sur l'autre ; le Sénat sera chargé de l'examen, la Chambre des représentants de proposer des lois. Pour établir la balance des pouvoirs, il suffit, ce me semble, de la permanence de l'Assemblée nationale, de la responsabilité des agents du pouvoir exécutif ; et pour que celui-ci ne puisse avoir rien à craindre du pouvoir législatif, je suis d'avis d'accorder au roi le veto absolu. Je me résume ainsi :
La liberté et la tranquillité de la France exigent la permanence des Assemblées. Une Chambre unique étant d'une activité et d'une force irrésistibles est nécessaire pour tout créer. Jamais ïhijdre aux trois têtes n'aurait permis de faire une Constitution ; mais tout doit changer pour l'avenir : il faut plus de moyens pour conserver que pour acquérir ; et la précipitation doit être évitée dans un Corps législatif, il faut des moyens modérateurs, et pour cela joindre à la Chambre nationale un second corps, mais sans veto absolu ; ce serait les armer l'un contre l'autre ; le veto de la seconde Chambre doit être seulement suspensif, et produire un second examen avant de former la loi.
Je ne donne rien à la naissance et au rang dans la composition du Sénat. La distinction de l'âge qui, comme le sort, n'afflige personne, étant d'ailleurs le signe de l'expérience, doit être le caractère des sénateurs ; mais point de places héréditaires ni viagères ; renouvellement des élections tous les deux ans ; point de renouvellement partiel, source d'aristocratie et d'esprit de corps. 11 ne faut qu'un esprit national.
Examinant ensuite s'il peut y avoir indépendance entre deux pouvoirs constitués, je pense qu'il faut l'établir, et ne donner ni à l'un ni à Pautre le pouvoir de se détruire. Si l'un des pouvoirs avait un empire absolu sur l'autre, vous verriez dissoudre l'état monarchique. J'opine pour la permanence et la sanction intacte.
La séance se lève à deux heures et demie, et M. le président annonce la séance pour le lendemain neuf heures.
à la séance de T Assemblée nationale du
rapport
Fait au comité des droits féodaux le 4 septembre 1789, sur l'objet et Vordre du travail dont il est chargé. ParM. Merlia,député de Douai à VAssemblée nationale, secrétaire dudit comité [ 1). (Imprimé par ordre de l'Assemblée,nationale).
Messieurs, chargés par l'Assemblée nationale, sous le titre de comité des droits féodaux. de préparer les matériaux des lois qu'elle doit faire pour l'exécution d'une partie des décrets arrêtés 'es 4, 6, 7, 8, 10 et 11 août, nous ne pouvons mieux commencer notre travail que par une détermination précise, et de son objet, et de l'ordre auquel il convient de l'assujettir.
L'objet de notre travail n'est pas équivoque. Les droits féodaux sont soumis indéfiniment à no? recherches et à notre examen ; et vous savez, Messieurs, que quoique ces mots, droits féodeaux, ne désignent, dans leur sens rigoureux, que les droits qui dérivent du contrat de fief, et dont l'inféodation même est le principe direct; on ne laisse pas, dans l'usage, d'en étendre la signification à tous les droits qui, se trouvant le plus ordinairement entre les mains des seigneurs, forment par leur ensemble ce que Dumoulin appelle complexum feudale (2).
Ainsi, quoique les rentes seigneuriales, les droits ae champart, les corvées, les banalités, les prestations représentatives de l'ancienne servitude, etc., ne soient pas, à proprement parler, des droits féodeaux, nous ne laisserons pas de nous en occuper ; j'ose même dire que les laisser à l'écart, ce serait tromper les vues du décret de Y Assemblée nationale qui a établi notre comité.
Par la même raison, les droits de justice doivent entrer dans le cadre de nos travaux, non-seulement parce que les justices seigneuriales dérivent de la féodalité et se sont établies avec l'hérédité des fiefs (3), mais encore parce qu'il y a plusieurs provinces où s'est conservé l'ancien axiome, la justice suit le fief, et il n'est point de fief sans justice.
Nous ne devons pas même exclure de notre examen les rentes purement foncières que l'Assemblée nationale a déclarées rachetabjes. L'achat de ces rentes sera naturellement soumis a des règles communes à celui de quelques prestations seigneuriales ; et dès lors il n'y a nulle raison pour ne pas nous occuper des unes en même temps que des autres.
Quant à l'ordre qui doit diriger nos recherches et nos discussions, il ne faut, pour le bien con-
cevoir, que nous reporter aux dispositions de la partie du décret de VAssemblée nationale, dont nous sommes chargés de préparer et de faciliter l'exécution.
Ces dispositions se réduisent à quatre points principaux et très-distincts :
Destruction entière du régime féodal;
Suppression des justices seigneuriales ;
Abolition de la main-morte même réelle, de la servitude personnelle, et des droits qui les représentent ;
Rachats des autres droits :
Tels sont les quatre objets sur lesquels nous devons nous fixer successivement.
§ i.
Destruction entière du régime féodal.
Quels sont les effets qui doivent résulter de cette destruction combinée, ou plutôt mise en opposition avec la faculté de racheter les droits et devoirs féodeaux que VAssemblée nationale a déclarés rachetables ? Voilà le premier point que nous avons à examiner, et vous apercevrez aisé- i ment, Messieurs, que pour résoudre cette ques- ; tion générale, il faut la diviser en plusieurs questions secondaires.
Ainsi :
I. De ce que le régime féodal est détruit, s'ensuit-il qu'à l'avenir on ne doive plus ni prêter la foi-hommage, ni fournir de dénombrements, ni faire de déclarations à terrier, et qu'il ne puisse plus y avoir lieu à la saisie féodale ou censuelie, au retrait seigneurial, à la retenue ou prélation, etc. ?
II. De ce que le régime féodal est détruit, s'-en-suit-il qu'on ne doive plus avoir égard à la règle : nulle terre sans seigneur, à ce brocard qui contrarie également, et la loi naturelle, et les fastes de notre histoiré, et l'ancien état des choses ; à cet axiome vrai dans son origine, parce qu'il ne s'appliquait qu'à la justice, mais étendu ensuite par l'ignorance ou la mauvaise foi à la directe, et perpétuellement combattu dans ce sens par tout ce que la France a produit d'hommes éclairés et de véritables jurisconsultes? En conséquence, faudra-t-il, lorsqu'on s'occupera des droits féodaux ou censuels qui sont déclarés rachetables, ne soumettre au rachat que les propriétaires des fonds qui seront prouvés, par titre ou par possession suffisante, être chargés de ces droits t
III. De ce que le régime féodal est détruit, s'ensuit-il que la règle exclusive de toute prescription entre le seigneur et le vassal ou censitaire, relativement à la mouvance ou directe, ait perdu tout son empire, pour faire place au principe général qui admet la prescription dans tous les cas, pour tous les objets, et entre toutes les personnes que n'a pas formellement exceptées une disposition quelconque des lois civiles?
IV. De ce que le régime féodal est détruit, s'ensuit-il que nous devions regarder comme anéantis sans indemnité, tous les droits qui ne dérivent ni de contrats d'inféodation, ni de contrats d'acensement, et n'ont pour base qu'une usurpation enhardie, accréditée, légitimée enfin par la féodalité; vous savez, Messieurs, combien | est nombreuse la liste de ces droits bizarres et capricieux pour la plupart (t) ; mais vous avez à
examiner spécialement si l'on doit* ou non y comprendre :
1° Les droits de banvin, étanche, vet-du vin. mcCiade, maïesque, c'est-à-dire, la faculté qu'a, en plusieurs endroits, le seigneur d'empêcher ses vassaux, pendant un certain temps, de vendre le vin, le cidre et les autres boissons provenant de leur crû, afin que les siennes se débitent à plus haut prix et plus facilement.
2° Les droits de fouage et de monéage, espèce de redevances créées dans le temps où les barons et les plus puissants seigneurs s étaient arrogés le droit de battre monnaie, et que les vassaux ou sujets de ceux-ci se sont engagés de leur payer, à condition qu'ils nechangeraient ni n'altéreraient le numéraire (1) ;
3° Le droit de pulvérage, que les seigneurs, dit M. de Salvaing, « ont accoutumé de prendre (singulièrement en Dauphiné), sur les troupeaux de moutons qui passent dans leurs tejres, à cause de la poussière qu'ils excitent » ;
4° Le droit de guet et de garde, appelé aussi stage ou estage, qui est line redevance représentative de l'obligation de garder le château du seigneur, et de le défendre contre les invasions des brigands;
5° Le droit, exclusif que les seigneurs se sont attribué en certaines provinces de bâtir ou de faire bâtir des moulins (2) ;
6° Le triage des biens appartenant aux communautés d'habitants, matière qui peut être ici considérée sous trois points de vue :— Et par rapport aux seigneurs qui réclament à cet égard l'ordonnance des eaux et forêts de 1669, textuellement contraire à l'édit du mois d'avril 1667; — et par rapport aux seigneurs des provinces dans lesquelles, outre l'ordonnance de 1669, il existe encore là-dessus des règlements particuliers, telle que la Flandre gallicane, où le droit de triage a été sollicité par des seigneurset accordé par un arrêt du conseil en 1777, jusque sur les biens communaux concédés a titre onéreux ; — Et en'in par rapport aux seigneurs des provinces, où aucune espèce de loi n'autorise le triage, telle que l'Artois, quoique ce droit y soit exercé depuis plus de soixante ans ;
7° Les péages qui n'ont pas été établis pour l'utilité publique, mais comme de simples subsides ou impôts, tels que peuvent être ceux qui ne sont fondés que sur des dispositions de coutumes (1);
8° Les diverses impositions que les seigneurs lèvent en Alsace sur les habitants de leurs terres, et qu'on a cherché à colorer du nom de droits seigneuriaux ; tels que :
Le cinquantième denier des ventes de meubles et de denrées non comestibles ;
La finance qrfe les juifs sont tenus de payer à un seigneur pour s'établir dans sa terre ;
Les droits sur le vin et sur les autres boissons ;
Le droit d'accise sur le pain, la viande, le fer et d'autres marchandises ;
Les droits connus sous le nom de beth gewirf ou liège geld ;
Les droits de réception de bourgeois ou manants;
Le droit de débit sur le débit sur le sel ;
Le droit de s'approprier tout le salpêtre, à la charge de le revendre aux fournisseurs des magasins du Roi ;
Le droit d'abzugc ou d'émigration, etc.
9° Les droits de protection, appelés en Flandre gave ou gavennesy en Artois gaule, en Hainaut poursoin, etc.
V. De ce que le régime féodal est détruit, s'ensuit-il que les droits d'aînesse et masculinité doivent cesser entièrement, et qu'à l'avenir les fiefs doivent être partagés également, comme les rotures, entre tous les héritiers mâles ou femelles du dernier possesseur ? Ces droits qui sont certainement plus anciens que la monarchie française, puisqu'il en est fait mention dans la loi de Moïse (2|, sont-ils liés parmi nous à la féodalité? Devons-nous considérer qu'on ne les connaissait point sous la première race de nos rois ; qu'alors le royaume même se divisait entre les enfants de chaque monarque; que les aieux se divisaient aussi (3) ; que les fiefs amovibles ou à vie n'étant pas un objet de succession, ne pouvaient pas être un objet de partage ; mais que quand ils furent héréditaires, le droit d'aînesse s'établit dans la succession des fiefs, parce qu'étant chargés d'un service, il fallait que le possesseur fût en état de le faire, et qu'ainsi la raison de la loi féodale, suivant l'expression de Montesquieu (4), forçât la raison de la loi politique ou civile ?
VI. De ce que le régime féodal est détruit, s'ensuit-il qu'en Alsace les possesseurs des fiefs réversibles au seigneur dominant, en cas d'extinction de leur race masculine, soient devenus propriétaires incommutables ? i\e sont-ils pas au contraire demeurés ce qu'ils étaient auparavant, c'est-à-dire simples usufruitiers ? Et dans cette hypothèse, quel parti doit-on prendre à leur égard, si l'on veut abolir en Alsace, comme ailleurs, le régime féodal? N'y a-t-il pas là-dessus une distinction à faire entre les fiefs directs, propres ou de tradition, et les fiefs oblats, offerts ou impropres (5) ?
VII. — Enfin que l'abolition du régime féoda* doive entraîner celle du droit exclusif de la chasse usurpé ([) depuis plus de deux siècles par les seigneurs de fiefs, ce n'est pas une question pour nous, puisque l'Assemblée nationale a déclaré elle-même, en faisant revivre les anciennes lois du royaume, qu'il n'appartenait plus qu'aux propriétaires de chasser ou faire chasser sur leurs héritages. Mais il reste à faire des lois de police pour garantir la sûreté publique des inconvénients auxquels l'abus de la liberté de la chasse pourrait donner lieu, et c'est un des objets qui doivent nous occuper.
Voilà, ce semble, les principales questions qui naissent de la destruction du régime féodal. Jetons maintenant un coup d'œil sur celles que fera nécessairement naître le décret par lequel les justices seigneuriales sont supprimées.
II.
Abolition des justices seigneuriales.
Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité. L'Assemblée nationale l'a aiusi prononcé, et il n'y a, il ne peut y avoir là-dessus aucune espèce de contestation.
Mais, en dépouillant les seigneurs de leur droit de justice, ou plutôt en restituant ce droit dans toute sa plénitude au dépositaire suprême du pouvoir exécutif sur lequel ceux-ci l'avaient usurpé, l'Assemblée nationale les a-t-elle eu même temps privés, sans indemnité, des émoluments et des attributs dont il était pour eux la source ou le fondement?
Par exemple :
1° La confiscation que tous les autres appellent un fruit de la haute justice, peut-elle encore être prononcée au profit des seigneurs hauts-justiciers, dans le territoire desquels sont situés les biens des personnes condamnées à mort?
2e Les seigneurs justiciers peuvent-ils encore avoir quelque droit aux amendes, c'est-à-dire aux peines pécuniaires que la justice impose, soit pour infraction aux lois, soit pour satisfaction et réparation de quelque faute ? Ou, d'après la règle généralement observée dans tout le royaume, que les amendes n'appartiennent aux seigneurs que lorsqu'elles ont été prononcées par les juges de ceux-ci, devons-nous regarder désormais les seigneurs, qui n'ont plus et ne peuvent plus avoir de juges, comme absolument incapables de prétendre encore à aucune amende ?
3° Les droits que les seigneurs se sont attribués sur les poids et les mesures, doivent-ils leur être conservés, ou doivent-ils, comme dépendants de la police, et conséquemment de la justice, être enveloppés dans la suppression que l'Assemblée nationale a faite des justices seigneuriales, sans indemnité?
4° Les droits de déshérence, d'épaves, de bâtardise et d'aubaine, qui dérivent également de
la juste (1), sont-ils également"compris dans cette suppression ?
5° En est-il de même du droit de minage, qu'on appelle encore layde, bichenage, levage, petite coutume, sexte'râge, coponage, copel, ménage, car-telage,stellage, hallage, terrage? Cette question dépend du point de vue sous lequel doit être considéré le droit dont il s'agit. — Suivant quelques auteurs, il y a eu un temps où les seigneurs interdisaient toute espèce de vente et d'achat entre particuliers, lorsqu'ils voulaient vendre leurs denrées (2), et c'est à cette tyrannie révoltante qu'a été substitué le droit de minage (3). — Mais, selon d'autres, ce droit est la récompense du soin que prennent les seigneurs justiciers de prévenir par des règlements de police, et les injustices des ventes, et les querelles qui en pourraient naître (4),. — Envisagé sous le premier aspect, le droit de minage rentre dans la classe de ceux dont il a été parlé ci-devant, §. I, no. IV, et nous avons à examiner s'il est supprimé par le décret qui a détruit le régime féodal. — Sous le deuxième aspect, il appartient à. la classe des droits de justice; et il offre à décider la question de savoir si la suppression des justices seigneuriales entrain e son abolition, comme l'extinction de la cause entraîne celle de l'effet.
6° Même question relativement aux droits (Tafforage, de chenelle, de gambage, de taverne; en un mot, aux droits que les seigneurs prélèvent sur les boissons débitées dans les cabarets, en reconnaissance de la police qu'exercent leurs officiers dans la dégustation des liqueurs, dans la fixation des prix auxquels doit s'en faire la vente, et dans le maintien du bon ordre entre les buveurs rassemblés.
7p La propriété des chemins publics non royaux, qui est dans les seigneurs hauts ou moyens justiciers une suite de leur justice, doit-èlle leur être conservée, ou la suppression de celle-ci emporte-t-elle pour eux la privation de celle-là ? Le droit de planter dans ces chemins pourrait-il survivre à la propriété elle-même dont il dérive, si elle était déclarée ne plus, appartenir aux seigneurs? mais, dans ce cas, ne serait-il pas de la sagesse de l'Assemblée nationale, de pourvoir à ce que tous les chemins publics fussent plantés par les propriétaires riverains? Ne serait-ce pas là un des meilleurs moyens à employer pour prévenir la rareté des bois qui excite partout des plaintes amères, et menace même les générations futures d'une disette absolue en ce genre ?
8° La propriété des rivières non navigables que plusieurs coutumes réservent aux seigneurs justiciers (5), et que certains auteurs, que différents arrêts mêmes attribuent aux simples seigneurs
de fiefs (1), doit-elle, ainsi que le droit de pêche qui en est la coiiséquence, suivre pour les uns le sort de leurs justices, et pour les autres le sort du régime féodal ?
9° Que doit-on prononcer relativement au ta-bellionage seigneurial ? et si on le déclare compris dans la suppression de la justice, ne devra-t-on pas conserver aux notaires des seigneurs le droit d'instrumenter au moins pendant leur vie?
10° Ceux de ces notaires qui ont été pourvus moyennant finances, et les juges seigneuriaux qui n'ont obtenu leurs offices qu'à titre onéreux, auront-ils une action pour leur remboursement ? et cette action, contre qui la dirigeront-ils?
§111.
Abolition de la mainmorte, même réelle, de la servitude personnelle et des droits qui les représentent.
L'abolition de la servitude personnelle et de la main-morte tant personnelle que réelle est prononcée si clairement, si énergiquement, et il est si nettement décidé qu'il ne peut être prétendu, soit pour l'une, soit pour l'autre, aucune espèce d'indemnité, qu'il ne paraît pas possible d'élever à cet égard une seule quesiion.
Toute notre attention doit donc se porter sur les droits qui représentent la mainmorte et la servitude. Ge serait un travail infiniment précieux, qu'une détermination exacte et précise de ces droits ; elle épargnerait aux seigneurs comme aux redevables une immensité de contestations ruineuses, et elle éclairerait les juges dans les décisions qu'ils auront à porter sur les procès que la condition humaine rend malheureusement inévitables. Mais il nous sera vraisemblablement impossible d'atteindre à ce point de perfection. Cependant il ne faut pas que le désespoir du mieux empêche le bien.
On ne saurait hésiter à ranger dans la classe des droits respectifs de la servitude personnelle le droit connu en Flandre et en Hainaut sous le nom de meilleur castel ou morte-main, droit qui consiste de la part d'un seigneur à prendre et à s'approprier le plus beau meuble ou l'effet le plus précieux de la succession de son vassal, descendant de serfs ou mainmortables (2).
2° La taille à volonté, la taille aux quatre cas, le droit d'aide, le droit dyindire, tous ces droits, qui, à proprement parler, n'en font qu'un, ont bien visiblement leur source dans la servitude personnelle, et je doute qu'ils puissent donner lieu à aucune contestation.
3° Il y a plus de difficultés par rapport aux banalités; ont-elles succédé à la servitude personnelle, ou ont-elles précédé l'affranchissement des serfs? C'est sur quoi ne s'accordent pas les auteurs. M. le président Bouhier embrasse le premier parti. « Nous avons la preuve, dit-il, par plusieurs titres d'affranchissement de la mainmorte, accordés par les seigneurs à leurs sujets, que l'assujettissement à la banalité a été communément l'une des principales conditions de cette frauchi-
se. Il y a même grande apparence qu'on ne manquait guère de l'insérer dans de pareils actes. Or, on sait que la plupart des habitants des seigneuries étaient anciennement main mortables, et c'est ce qui a fait dire avec raison à un des hommes du monde le mieux instruit de nos antiquités (Pithou), que les banalités ont succédé à l'esclavage personnel. » M. Hervé (1) pense, au contraire, d'après plusieurs chartes d'affranchissement qu'il cite, « que les banalités sont, antérieures aux affranchissements, et que ce ne sont pas les affranchissements qui y ont donné lieu, comme on pourrait naturellement le présumer. En affranchissant les serfs, continue-t-il, les seigneurs retinrent les banalités et ne les établirent pas. » Si cela est, nous ne pouvons pas placer les banalités dans la classe des droits représentatifs de la servitude. Mais cette discussion est peu importante pour notre objet ; car l'Assemblée nationale n'a certainement pas plus entendu laisser subsister les droits nés de la servitude que ceux qui la représentent : or, M. Hervé lui-même convient que c'est à la servitude qu'il faut rapporter l'origine des banalités mentionnées dans les actes d'affranchissement qu'il cite : « Ces chartes, dit-il, prouvent que c'est pour l'intérêt des seigneurs et non pour celui de leurs hommes, que les banalités se sont établies.... Les mêmes conséquences résultent encore de la rédaction des coutumes. Celles de Châteauneuf et de Linières, locales de Berry et de Lorris, soumettent les serfs aux banalités, et prononcent des amendes et des confiscations contre eux, lorsqu'ils vont à des moulins étrangers. Il suit évidemment de ces dispositions : 1° que ce ne sont pas les affranchissements qui ont donné l'être aux banalités, puisque les serfs y sont assujettis ; 2° que ce n'est ni pour l'avantage ni pour l'utilité de ceux qui sont sujets aux banalités qu'elles ont été établies, puisqu'on les mulcte et qu'on les punit lorsqu'ils s'y soustraient. » Ainsi, nulle difficulté sur l'abolition pure et simple des banalités qui, ou sont nées avec la servitude, ou la représentent. Mais toutes les banalités se rapportent-elles à ces deux points de vue? N'y a-t-il pas aussi des banalités purement conventionnelles, et celles-là sont-elles complètement abolies, ou ne sont-elles que déclarées rachetables? Dans ce dernier cas, à quels traits pourra-t-on les distinguer d'avec les banalités qui .ne présentent qu'un reste de l'ancien esclavage? Est-il possible d'établir là-dessus des règles générales? Peut-on du moins assurer que ce n'est pas au rang des banalités conventionnelles, mais des banalités établies par la force et, pour ainsi dire souillées des traces de la servitude personnelle qu'on doit placer celles que plusieurs coutumes ont attachées de plein droit soit à la justice(2), soit au fief (3)?
4° Même difficulté pour les corvées. Sans contredit, il en est un très-grand nombre qui dérivent de la servitude personnelle ; mais il en est aussi dont la prestation n'est que le prix des concessions faites à ceux qui en sont chargés, et qu'on doit, par conséquent, ranger dans la classe des
droits que l'Assemblée nationale a déclarés rachetables. A quels signes les distinguera-t-on les uns des autres ? C'est ce que nous aurons à examiner.
§ IV-
Rachat des droits et devoirs que VÀssemblée nationale a déclarés rachetables.
Ici se présentent plusieurs questions difficiles pour la plupart, et toutes importantes ; mais avant; de les discuter il conviendra d'en résoudre une qui vient de s'élever dans le public,et sur laquelle il nous a déjà été envoyé des réflexions imprimées.
Cette question préliminaire consiste à savoir si, pour éviter les embarras et les entraves qui, vraisemblablement, se rencontrent dans le rachat partiel et successif des innombrables droits de fief et de censure auxquels est assujetti le sol de la France, on ne pourrait pas accorder gratuitement aux vassaux immédiats de la Gouronne un affranchissement universel de tous les devoirs féodaux dont ils sont tenus envers le Roi, à la charge par eux d'affranchir également leurs propres vassaux, qui, eux-mêmes, étendraient cette faveur à tout possesseur de fief ou de censive sur lequel ils auraient des droits de mouvance ou de directe immédiate.
L'auteur des réflexions citées prévient une objection qui se présente naturellement contre son projet : « C'est que quelques particuliers y seraient lésés, parce qu'ils auraient plus à exiger de leurs censitaires qu'ils n'auraient à payer à leurs dominants ou à leurs suzerains. * Et voici ce qu'il y répond : « Plus les'censitaires doivent de rachat et d'indemnité, plus le fief a de valeur, et plus, par conséquent, le propriétaire doit lui-même d'indemnité et de rachat. Il faut aussrconsidérer que les fiefs doivent peu de prestations pécuniaires, relativement à la qualité des censives qui leur appartiennent; cela vient de ce qu'ils ont été assujettis à mener, à leurs dépens, leurs vassaux à la guerre, ce qu'on appelle le ban et Varrière-ban. Cette charge, dont les fiefs n'ont pas encore été affranchis, peut bien compenser la différence qui se trouvera entre le prix du rachat des censives et celui des fiefs les uns envers les autres. »
L'auteur ne prétend pourtant pas que la compensation soit rigoureusement exacte; il paraît seulement convaincu « qu'un affranchissement général, tel qu'il l'indique, est le moyen le plus équitable qu'on puisse substituer au régime féodal, et que c'est ici le cas de dire que le mieux serait l'ennemi du bien. »
Vous apprécierez, Messieurs, ce projet, et si Vous Je rejetez, voici les principales questions qui s'offriront à votre examen :
1° Le prix des rachats sera-t-il le même dans tout le royaume, ou suivra-t-on dans les fixations qui en seront faites les variations que peuvent offrir dans les provinces les différences qui se trouvent entre elles par rapport à la quantité du numéraire qu'elles renferment respectivement?
2° Les rachats pourront-ils être faits par chaque propriétaire individuellement, ou seulement par paroisses, par communautés ou par canton ?
3° Le rachat des droits indivisibles et solidaires dont est chargé un fonds morcelé en plusieurs parties pourra-tàl être partie] ou faudra-t-il qu'il soit intégral ?
4° Pourra-t-on séparer du rachat du cens le rachat des lods et ventes auxquelles est sujet lé fonds censuel ?
5° A quel denier se feront les rachats ?
6° Comment et sur quel pied se réduiront en argent les droits qui se payent en grains, en volailles ou en autres denrées ?
7° Comment évaluera-t-on les dîmes inféodées et laïcales, les droits de champart, de ferrage., d'agrier, de vingtain, etc.?
8° Quel sera pareillement le mode d'évaluer les droits de tonlieu, de minage et de hallage, que l'on jugera n'être pas compris dans la suppression des justices seigneuriales?
9° Sur quel pied déterminera-t-on le capital des droits casuels, tels que le relief, la relevaison, le rachat, le marciage, le déport de minorité, la garde seigneuriale, le quint, le treizième, les lods et ventes? et si pour le déterminer il faut recourir à une approximation, dans quel espace de temps supposera-t-on que ces droits ont une échéance moralement certaine, ou, en d'autres termes, à quel nombre d'années en fixera-t-on le retour périodique? Mettra-t-on à cet égard une différence entre les droits dus pour les mutations par mort et les droits dus pour les mutations par vente? En mettra-t-on une entre les fiefs et les rotures ; ou ce qui revient au même, considérera-t-on les rotures comme sujettes à des mutations plus fréquentes que les fiefs ?
Un mot sur les rerltës purement foncières. Qu'on doive suivre pour le rachat de ces rentes les mêmes règles que pour celui des redevances seigneuriales, cela est évident ; mais ce qui ne l'est pas, c'est l'extension que quelques-uns paraissent vouloir faire du mot rentes foncières, en appliquant le décret national dans lequel il est employé aux rentes convenancières, c'est-à-dire aux rentes que Ton constitue habituellement dans plusieurs usements de Bretagne, par les baux à domaine congéâble. Nous aurons donc à examiner si le propriétaire d'une simple superficie peut, en offrant le rachat d'une rente convenanciére, expulser le propriétaire du fonds et prendre sa place ?
Séance du
La séance ayant été ouverte, un de Messieurs les secrétaires a annoncé à l'Assemblée que la troisième livraison de la collection générale des portraits de MM. les députés a été remise sur le bureau.
annonce que l'ordre du jour appelle la suite de la discussion sur la permanence et l'organisation du pouvoir législatif et sur la sanction royale.
reprend ces grandes ques-
Vous ne ressusciterez pas, Messieurs, les distinctions d'ordres. Le caractère impétueux du peuple doit vous faire mettre la Constitution à l'abri de toute entreprise; il nous faut une Assemblée unique. Que serait un sénat dont les membres se cantonneraient dans une Chambre pour résister à l'autre ? Le peuple ne pourrait regarder que comme son ennemi un tribunal qui aurait quelque intérêt séparé de celui de ses représentants. Ce ne serait pas la peine d'avoir rompu l'unité de l'Assemblée; mais lorsque les représentants d'une nation ont déclaré leur volonté, la sanction royale est nécessaire à tous les actes législatifs. La nation a dû se réserver de ne pas tomber sous le despotisme de douze cents de ses délégués, et vos cahiers vous disent quelle doit être la forme de cette sanction. Comment se persuader que le Roi puisse empêcher ce qui sera conforme à la volonté générale ? Le veto royal illimité existe en Angleterre ; comment pourrions-nous craindre dans les mains de notre Roi, ce que l'on ne craint pas dans celles du Roi de la Grande-Bretagne.
Si le peuple exerçait lui-même la législature, il serait absurde de dire qu'il faut la sanction du Roi ; mais il ne peut l'exercer que par ses représentants; ils doivent avoir un chef, lequel a, jusqu'à un certain point, le droit de veto. Le Roi doit avoir au moins le droit de révision, puisque la nation ne peut faire elle-même des lois, mais seulement par ses représentants.
L'on a confondu sans cesse l'Assemblée nationale avec la nation ; c'est sans doute une hypothèse fort commode pour les partisans contraires à la sanction royale; mais il faut bien se donner de garde de confondre l'une avec l'autre; l'Assemblée nationale peut compromettre les droits de la nation, et il est juste de se prémunir contre ses entreprises.
député de la sénéchaussée de Rennes, demande la parole pour lire,à l'Assemblée la délibération que cette ville a envoyée à ses députés, par un courrier extraordinaire, sur la sanction royale.
L'Assemblée décide que cette lecture sera différée jusqu'au moment où un de Messieurs les députés de la sénéchaussée aura la parole, à son tour, sur les questions actuellement en discussion.
Un autre membre prend la parole: après s'être déterminé pour la permanence, après avoir adopté le système du préopinant sur le heu de la session, il s'est expliqué sur le veto.
Itest inconnu parmi nous, a-t-il dit: nos annales n'en font point mention ; il n'est connu que depuis la révolution d'Angleterre. Il est trois principes incontestables. Le pouvoir de la souveraineté réside dans le peuple ; il n'y a que le droit naturel qui soit au-dessus.
Le second principe est que le peuple est le maître de se faire à lui-même les lois que bon lui semble.
Le troisième enfin est que la confusion du pou-duvoir législatif et exécutif produit le despotisme, De là résulte que l'on ne peut admettre que le veto suspensif.
L'on objecte les cahiers. Les cahiers ne sont que de simples instructions ; ils se contrarient tous, et dans mon bailliage l'ordre de la noblesse accorde au Roi le pouvoir législatif que les com- munes s'attribuent spécialement. Ainsi, je pense munes s'attribuent spécialement. Ainsi, je pense que les districts doivent s'assembler dans un délai déterminé; que les bailliages s'assemble- ront ensuite pour nommer leurs députés.
Je pense que l'on ne doit admettre qu'une seule Chambre, avec des modifications nécessai- res ; et quant au veto, il est cbntraire à nos principes ; il ne peut être admis qu'autant que vous penserez que la volonté particulière doit l'emporter sur la volonté générale. J'ai pu donner l'emporter sur la volonté générale. J'ai pu donner cherai point de remords.
La question de-la permanence ue présente point de difficulté. Dans un aussi grand empire, lorsqu'il n'y a plus de corps poli- tique pour l'opposer au despotisme du pouvoir exécutif, il est nécèssaire d'en substituer un autre qui aille au même but. Les cours sont dé- truites; il faut les remplacer par le pouvoir lé- gislatif. Mais à quelle époque se rassemblera-t-il? sera-ce de trois ans en trois ans? Ces époques sont trop éloignées ; J'intrigue aurait le temps de mettre en usage les manèges de la séduction. En se réunissant plus fréquemment, l'Assemblée nationale consolidera le plan que nous n'avons fait qu'ébaucher ; car, ne nous aveuglons pas, nous laisserons à faire à nos successeurs plus que nous n'avons fait nous-même. En fixant le que nous n'avons fait nous-même. En fixant le éloignées, ce serait réduire le Corps législatif au silence; on ne peut tout prévoir ; il faudra des changements, des modifications ; donc il faut la permanence, c'est-à-dire des Assemblées an- nuelles.
Je n'ai pas médité sur le gouvernement d'An- gleterre ; mais il me paraît que votre comité l'avait en vue, lorsqu'il vous a proposé deux Chambres et un sénat, dont les membres, partie nommés par le Roi, partie par les bailliages, se- raient à vie. Si l'esprit de corps ne s'introduisait pas dans un sénat, il serait divisé par la Chambre des représentants. D'ailleurs, il serait facile d'é- veiller l'ambition des représentants, en leur ou- vrant les portes du sénat. Simple dans sa nature, vrant les portes du sénat. Simple dans sa nature, suite seule des temps lui donnerait l'esprit de rivalité. Le veto du Roi et du sénat rendrait nulle la Chambre des représentants, et bientôt on aurait cette Cour plénière que l'on a redoutée il n'y a pas encore longtemps. Le refus de l'impôt ne sera pas un moyen suffisant pour forcer le Roi à la sanction ; d'ailleurs, il est à craindre que ceux qui suivent les mouvements de leur con- science ne soient égarés par l'impulsion des mi- nistres, et ne tombent dans les pièges tendus par des hommes dont l'état est de séduire.
Je propose donc qu'il soit arrêté que les séan- ces du Corps législatif soient rendues perma- nentes pendant trois mois, dans le lieu déterminé avec le souverain; qu'il soit formé un tribunal de deux cents membres âgés de quarante-cinq ans; que le Roi aura le droit de révision ; que, dans le cas où il refuserait la sanction, la ma- tière sera mise une seconde fois en délibération ; et que, si l'Assemblée petsiste, le souverain sera
obligé de décider. Le tribunal n'aura d'autre du rée que celle de l'Assemblée nationale.
Le Corps législatif sera-t-il con- tinuellement assemblé, et le diviserez-vous en deux Chambres? J'ai peu de choses à dire sur la permanence.
Certainement la permanence est essentielle à la Constitution; et, quand il n'y aurait que cette seule raison, que le pouvoir législatif réside dans cette Assemblée, elle devrait sans cesse être en activité; sans cela, le corps politique serait sans âme et sans vie.
Le pouvoir exécutif ne peut suppléer au pou voir législatif; de là résulte la nécessité de la permanence. Je n'entends pas par là des sessions perpétuelles, mais l'activité continuelle du Corps législatif.
La permanence est encore nécessaire à la sta bilitédela Constitution, parce que les grandes révolutions ne se consomment pas en un jour. II reste toujours des intérêts particuliers à corn battre, des préjugés à terrasser, des esprits fai bles à défendre. La permanence est nécessaire à la Constitution pour le service public, qui nécessite sans cesse des interprétations, des additions aux lois que vous allez faire. La multitude des améliorations dans toutes les branches de l'économie politique exigera des règlements qu'il serait très-dangereux de laisser faire au conseil du Roi; tout cela éta blit la permanence d'une manière invariable, Maintenant j'examine la question de savoir si le pouvoir législatif sera composé d'une seule Chambre ou de deux Chambres, Mon opinion en faveur d'une seule Chambre est connue depuis longtemps, et, comme mon système ne tient à aucun parti, je ne* suis pas encore convaincu.
J'ai voulu, par l'établissement d'une seule Chambre, remédier à l'aristocratie des ordres ; cependant les publicistes ont parié de l'élablis sement d'une Chambre haute.
L'objet de cette constitution est que si les communes veulent entreprendre sur l'autorité royale, elles sont arrêtées par la Chambre haute ; et si la Chambre haute veut à son tour entre prendre sur les droits de la nation, les communes sont armées du veto pour repousser les entre prises des lords.
Ici on ne propose une seconde Chambre que pour procurer l'équilibre; mais puisque tous les ordres sont confondus, ils n'auront plus d'ihté- rêts divers à défendre. Il ne reste plus que la simple utilité de faire rectifier les erreurs glis- sees dns le travail des representants, et sous ce point de vue, l'utilité du veto diminue déjà beaucoup.
Voilà ce qui me frappe contre rétablissement du Senat.
S'il y a un veto, il y aura alors en France deux pouvoirs distincts, indépendants pour le simple objet de la formation de la loi qui ne sera pas encore présentée au Roi. Or, comment, pour la formation seulement de. la loi, peut-on atténuer ainsi l'utilité du pouvoir législatif? C'est retorn ber dans le même inconvénient du veto des ordres, Le Sénat sera composé de deux cents personnes ; or cent un suffrages pourront l'emporter sur six cent quatre-vingt-dix-neuf; J'ajoute qu'il faut encore se prémunir contre les dangers qui peu vent attaquer le Corps législatif. On neut le cor rompre ; la séduction se modifie à 1 infini; elle s'étend depuis l'adulation jusqu'à la séduction
pécuniaire, et le gouvernement n'aura que cent un suffrages à gagner.
J'ajoute que s'il est bon d'empêcher le mal, il est mai d'empêcher le bien ; et est-ce un bon procédé que de diviser en deux sections le corps destiné à manifester une volonté commune?
Je passe à l'hypothèse ou le Sénat n'aurait qu'un droit de révision sur les représentants; et alors les représentants seront toujours certains de vaincre les sénateur. C'est une vérité confirmée par expérience, que mettre en conflit de juridiction deux corps quelconques, c'est les rendre rivaux ; et de cette rivalité il n'y a rien de bon à attendre de l'un, rien de généreux de l'autre, lorsqu'il est certain d'être vainqueur.
De là il résulte de grandes conséquences pour la sanction du Roi. On la défend en disant que le Corps législatif n'ayant aucun contre-poids, les erreurs ne peuvent trouver d'obstacles que dans la sanction royale.
D'un autre côté, le Corps législatif acquérant la puissance la plus forte par la permanence, il est nécessaire qu'elle soit tempérée par le veto.
Enfin, si le veto royal n'était pas alors efficace dans ses effets, d'après toutes ces opinions, je reviendrais à l'opinion des deux Chambres; car il faut assurer la liberté contre les abus du pouvoir, qui ne seraient pas moindres dans les mains des représentants que dans les mains d'un seul.
Ils peuvent être tentés d'étendre leur autorité ; ils peuvent se méprendre. Pour faire de mauvaises lois, il ne faut que le système même du bien. Il faut donc un contre-poids pour relever les erreurs même commises par la profanation du droit public.
Ce droit sera-l-il suspensif? Je crois moi-même me tromper en posant ainsi la question, elle est plutôt de savoir si on annoncera,ce veto absolu ou comme suspensif. Les difficultés viennent de ce que l'on a mis en question, et qu'il est impossible, au fait, que le souverain puisse refuser de faire de bonnes lois. Ne serait-il pas plus raisonnable de sarrêter à des idées de moralité? et alors il ne faudrait plus stipuler un veto absolu, ni annoncer un veto 6uspectif : surtout ne pas l'accompagner du mode d'exercer la suspension, car ce serait annuler le veto.
Mais que sera-ce que ce veto?Il sera un pouvoir confié par le peuple, pour empêcher de consommerdes injustices nationales. Si 1 eveto est opposé à une loi mauvaise, il devient salutaire; s'il est opposé à une loi bonne, il devient inutile ; le souverain sera vaincu par une force irrésistible, celle de l'opinion publique.
Mais, dira-t-on, le Roi méprisera l'opinion publique. Sans doute, c'est ^là sortir de toutes les hypothèses. S'il est un Roi qui ait abusé de son pouvoir, qui ait assez méprisé la nation pour s'élever au-dessus de l'opinion, il est prêt également à enfreindre tous les autres droits ; c'est déjà un despote dans le cœur. Le remède ne se trouvera pas dans des lois inutiles, mais dans la déclaration des droits de l'homme.
Si, à la seconde présentation, le Roi persiste, le refus de l'impôt devient nécessaire; et qu'on ne dise pas que c'est un de ces moyens terribles qu'il faut rejeter; un tyran éconduira toujours cet extrême si rigoureux.
Je proposerais d'accorder au Roi un veto invincible pendant deux législatures; mais,à la troisième, si la nation persistait, le Roi serait obligé de lever son veto. Par là vous éviteriez de faire juger le pouvoir exécutif dans les bailliages, dans
les districts ; par là vous éviteriez cet esprit de domination sur le veto royal.
Le système de faire juger dans les Assemblées bailliagères la conduite du Roi replacerait dans les mains de toute la multitude le pouvoir législatif; et alors que deviendrait ia législation, si elle dépendait de la contradiction qu'il y aura dans toutes les Assemblées, si les finances, les lois sont soumises au peuple ?Faudra-t-il suivre les cahiers de chaque bailliage? et alors c'est comme si nous faisions des décrets par des résultats de bureaux.
Il y a encore un autre inconvénient ; c'est qu'un Roi qui trouverait quelque inconvénient à se justifier fera ce qu'il ferait vis-à-vis des cours. II abandonnerait son veto, mais lutterait sans cesse contre ia loi qu'il aurait sanctionnée malgré lui ; l'influence du Corps législatif permanent, l'influence de la liberté de la presse, de la responsabilité, et l'opinion publique, le retiendront s'il est un bon Roi, ne le retiendront pas s'il est un tyran.
Je demande la sanction pure et simple, sans déterminer les effets ; car il y a des choses qu'il est dangereux d'expliquer ; ie demande comme amendement que le Roi ait l'exercice pur et sifn-ple pendant deux législatures; et à la troisième, si la loi est représentée, alors le Roi la sanctionnera. Cet intervalle me paraît nécessaire pour faire échouer les premiers mouvements, et pour donner le temps à l'opinion publique de s'éclairer.
Messieurs, lorsqu'une loi proposée par le Corps législatif sera suspendue par l'empêchement du Roi ; lorsque ces deux puissances se trouveront ainsi en opposition, la nation aura-t-elle la liberté d'exprimer son vœu précis par l'organe de ses mandataires, ou bien sou droit se bornera-t-ilà choisir de nouveaux représentants auxquels elle sera tenue de confier des mandats illimités?Telle est la question importante que je vais examiner. Je hasarderai mon avis avec défiance, puisqu'il est contraire à celui des hommes les plus recomman-dables par leurs lumières; mais je le crois juste, je ie crois utile et conforme,aux principes; mon devoir est de le dire. •
Je prie qu'on veuille bien ne pas perdre de vue l'état particulier de la question, parce qu'il me semble que c'est à l'aide d'abstractions et de généralités que les partisans du système que je combats sont parvenus à se faire illusion.
Ils prétendent que, dans une société nombreuse, tous ne pouvant se réunir pour discuter les affaires publiques, ils se trouvent forcés de choisir des représentants pour les traiteç et les régler.
Ils ajoutent que cette représentation étant commandée par ia loi impérieuse de la
nécessité, les mandataires doivent jouir de la liberté la plus étendue ; que leurs
commettants doivent se soumettre à leurs décrets ; qu'ils n'ont aucun ordre positif à leur
donner ; que leur pouvoir se borne à les élire ; qu'il y aurait le plus grand danger et
l'inconséquence la plus révoltante à autoriser chaque district à manifester un vœu
particulier et isolé; que le représentant d'une province n'appartient pas à cette province;
qu'il est l'homme de la nation; qu'il ne peut avoir qu'un mandat général, et une opinion qui
se forme au sein même de l'Assemblée nationale.
Je me hâte de convenir que, dans toutes les circonstances ordinaires, on doit remettre aux représentants des pouvoirs illimités. Lorsqu'ils partent des différents points du royaume pour s'assembler et discuter en commun des objets qui n'ont rien de déterminé, qui ne sont ni prévus ni connus des commettants, il serait bizarre et absurde d'enchaîner leurs volontés par des mandats impératifs. Sur quoi frapperaient ces décisions absolues?Elles seraient nécessairement incohérentes et destructives de toute harmonie; chaque district s'occupant séparément de sujets divers, on ne pourrait parvenir à un résultat général sur aucun. Jamais les inconvénients des mandats impératifs ne se sont mieux fait sentir que dans cette Assemblée ; lorsqu'il s'agissait de déraciner une foule d'abus et de préjugés ; lorsqu'il s'agissait d'introduire un nouvel ordre de choses ; lorsqu'il s'agissait pour ainsi dire de tout créer ; lorsque les membres épars et dispersés d'un vaste empire se réunissaient pour la première fois, après un siècle et demi d'isolement et d'oppression, comment était-il possible de dicter à chaque représentant des ordres particuliers?
Mais changez la thèse; supposez un point fixe, précis, soumis dans le même moment à la discussion des différentes assemblées élémentaires, qui puisse se décider par une formule simple : je ne vois plus alors pourquoi chacune de ces assemblées ne pourrait pas charger ses représentants de l'expression de son vœu.
Je vais poser deux principes qui ne me paraissent pas pouvoir être contestés; le premier, c'est que tout mandataire est responsable de sa conduite ; c'est qu'il est soumis à ses commettants qui peuvent l'approuver ou le blâmer. Les membres du Corps législatif sont des mandataires; les citoyens qui les ont choisis sont des commettants : donc ces représentants sont assujettis à la volonté de ceux de qui ils tiennent leur mission et leurs pouvoirs.
Nous ne voyons aucune différence entre ces mandataires et les mandataires ordinaires ; les uns et les autres agissent au même titre, ils ont les ipêmes obligations et les mêmes devoirs.
Dans le système qué j'attaque, c'est le mandataire qui est le maître et le commettant le subordonné ; la nation se trouve à Ja merci de ceux qui doivent lui obéir ; elle est obligée de se soumettre aveuglément à leurs ordres : c'est ainsi que tous les peuples sont tombés dans l'esclavage; on a tourné contre eux les pouvoirs dont ils s'étaient dessaisis, et on les a subjugés avec les armes qu'ils avaient destinées pour leur propre défense.
Le second, c'est que la loi doit être l'expression de la volonté générale.
Tous les individus qui composent l'association ont le droit inaliénable et sacré de concourir à la formation de la loi, et si chacun pouvait faire entendre sa volonté particulière, la réunion de toutes ces volontés formerait véritablement la volonté générale, ce serait le dernier degré de perfection politique.
Nul ne peut être privé, de ce droit sous aucun prétexte et dans aucun gouvernement. L'état démocratique ne doit avoir à cet égard aucun avantage sur l'Etat monarchique, et ce n'est pas sans surprise que j'ai entendu avancer le contraire: dans toute société les associés sont essentielle-
ment égaux en droits, elle premier de tous est de participer à la création des lois sous l'empire desquels ils consentent à vivre.
Si les droits des citoyens sont en général mieux conservés dans les états d'une médiocre étendue, ce n'est pas que là ils soient plus précieux, plus inviolables qu'ailleurs; c'est que l'exercice en est plus facile, la surveillance plus- prompte ; c'est que l'organisation d'une petite machine est moins compliquée, moins sujette au dérangement que l'organisation d'une grande.
Je ne connais qu'une seule et unique cause qui puisse empêcher les citoyens de s'immiscer dans la confection des lois, et de censurer celles faites en leur nom ; c'est celle de l'impossibilité: toutes les fois qu'il est possible à une nation de manifester clairement ses intentions, elle doit le faire, et c'est un crime de s'y opposer.
Pourquoi les peuples se choisissent-ils des représentants? c'est que la difficulté d'agir par eux-mêmes est presque toujours insurmontable ; car si ces grands corps pouvaient être constitués de manière à se mouvoir facilement et avec régularité, des délégués seraient inutiles ; je dirai plus, ils seraient dangereux.
11 n'y a donc, je le répète, que la seule impossibilité, l'impossibilité la plus absolue où une nation nombreuse se trouve réduite d'agiter les grands objets politiques d'où dépend son bonheur, qui puisse autoriser à lui en ravir l'examen.
Si cette vérité est claire et démontrée, il en résulte nécessairement qu'il faudrait prouver que, lorsqu'un article de la loi est combattu et indécis, que les pouvoirs ne peuvent pas se concilier, il est impossible à la nation d'adopter un parti entre ces prétentions opposées; or je n'aperçois pas cette impossibilité.
La décision d'un semblable différend se présente au contraire à mes regards comme simple et facile; il s'agit d'un objet fixe, connu et éclairé par la discussion publique, sur lequel les Assemblées élémentaires pourraient prononcer par la formule la plus précise oui ou non, si elles l'aimaient mieux par celles-ci : f adopte l'empêchement ou je le rejette. Toute la nation divisée ainsi par grandes sections s'exprimerait sans peine.
On pourrait même avoir le suffrage de chaque votant ; et quelque immense que paraisse cette opération au premier coup d'œil, elle se simplifie à l'instant lorsqu'on pense que, dans chaque Assemblée élémentaire, on dresserait aisément une liste particulière et que le dépouillement de ces listes donnerait un résultat général et certain.
Mais, dit-on, les Assemblées élémentaires ne se borneraient pas à donner une affirmation tranchante, ou une négative également décisive; elles voudraient faire des modifications, des additions aux lois qui leur seraient présentées, et de là des difficultés interminables.
Cette objection paraît d'abord très-puissante, pareeque, conçue d'une manière vague, elle laisse a l'imagination le plus libre cours, et qu'il est facile de s'exagérer des inconvénients lorsqu'on n'aperçoit aucune limite où s'arrêter.
J'observerai en premier lieu qu'on pourrait ne donner aux Assemblées élémentaires que la faculté de réduire leur avis à oui ou non; alors plus d'objections.
Je vais plus loin ; n'est-ce pas créer à plaisir des chimères que d'imaginer que ces Assemblées proposeraient des vues nouvelles multipliées et variées à l'infini, sur les lois qui leur seraient
soumises? Il est possible sans doute qu'un article soit susceptible d'interprétation, qu'un autre doive être retranché, qu'une loi soit adoptés dans une partie et rejetée pour le surplus ; mais ces cas, il faut en convenir, sont assez rares, et il3 le seraient bien davantage encore si les lois subissaient l'épreuve d'une discussion longue et opiniâtre entre le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif.
Je répondrai enfin que si les mêmes modifications n'étaient pas prévues et demandées par la majorité des Assemblées élémentaires, ies réprésentants des Assemblées qui n'auraient pas de semblables dispositions dans leurs pouvoirs étant parfaitement libres de les accueillir ou de les rejeter, les opérations de l'Assemblée nationale n'éprouveraient aucune gêne, aucun empêchement. On supposerait donc inutilement qu'une Assemblée indiquerait un changement à la loi, qu'une autre en indiquerait un autre ; tous ces vœux particuliers étant isolés, ne correspondant pas avec des vœux pareils, se trouveraient perdus et sans effet ; il ne s'établirait un véritable concert entre les Assemblées élémentaires que sur les deux alternatives principales oui ou non.
On observe que dans ces Assemblées les discussions ne pourraient être que partielles ; que les opinions ne peuvent se former avec maturité qu'au milieu d'un conflit général par la réunion de toutes les lumières et de tous ies sentiments.
Ce raisonnement est spécieux; il est séduisant ; vrai en général, il pêche dans son application particulière. Il ne faut pas oublier quellès sont les lois sur lesquelles les Assemblées élémentaires auraient à prononcer : ces lois auraient été longtemps débattues, agitées dans tous les sens; les moyens pour et contre auraient été épuisés ; il ne s'agirait que de choisir entre les motifs qui auraient déterminé le Corps législatif ou ceux qui auraient déterminé le monarque.
Il est un terme où les facultés humaines sont obligées de s'arrêter, et le cercle de nos idées sur toutes les matières étant circonscrit, quand on est arrivé au but, il n'y a plus à passer au-delà ; il ne reste qu'à opter. Ainsi ne nous faisons pas illusion sur de prétendues possibilités d'obtenir de nouvelles lumières par de nouveaux combats livrés en Assemblées générales.
Et puis ne nous méprenons pas sur l'organisation des Assemblées élémentaires; elles sont partielles sans doute dans le rapport qu'elles ont avec l'ensemble, mais elles n'en sont pas moins de très-grandes Assemblées, composées d'une multitude de citoyens de toutes les classes, où les dissertations peuvent être lumineuses et profondes, où la vérité peut aussi bien se faire jour par le choc des opinions que dans une Assemblée générale.
On affecte de redouter que la corruption ne se glisse dans ces Assemblées, que quelques esprits intrigants ne s'en emparent et ne les dirigent à leur gré.
Cette crainte est absolument chimérique. Une Assemblée nombreuse est peu susceptible d'être corrompue; des citoyens paisibles, abandonnant leurs occupations pour se réunir momentanément, ne peuvent être animés par un autre intérêt que par l'intérêt commun ; ils ne peuvent guère s'occuper de cabales et d'intrigues. Je ne vois pas d'ailleurs quel aliment serait présenté à leur cupidité, à leur ambition et à toutes les passions malfaisantes ; il serait question d'adopter l'avis du Roi ou du Corps législatif. Plus même vous supposerez d'Assemblées élémentaires,
moins vous pourrez admettre de concert pour le mal. Si une Assemblée se laissait entraîner à l'esprit de parti et s'éCartait du chemin de la justice, ce ne serait pas une raison pour que cent autres en fissent autant ; on ne peut pas même le penser.
Il est impossible, je l'avoue, que des hommes éloquents et jouissant d'une grande considération publique, s'emparent de l'esprit d'une Assemblée et la jettent dans de fausses mesures; mais je demande quelle est l'Assemblée exempte de ce genre de séduction? Il y aura toujours des hommes qui, par l'ascendant de leur génie gouverneront les autres, ou auront au moins beaucoup d'influence sur leurs déterminations. Ils peuvent être de bons comme de mauvais guides ; les inconvénients sont ici balancés par les avantages ; et n'aperçut-on que des dangers dans cet empire moral qu'exerce l'homme fort sur l'homme faible, ils sont inévitables, et l'Assemblée nationale n'en est pas plus à l'abri que les Assemblées élémentaires : seulement dans une Assemblée générale le péril est beaucoup plus imminent, parce qu'étant unique, si certains esprits s'en emparent, ils peuvent l'entraîner dans des résolutions décisives et absolues; au lieu qu'il est presque impossible que toutes les Assemblées élémentaires agissant séparément, soient dirigées et subjuguées dans le même sens et conduites à des délibérations uniformes.
On élève beaucoup de doutes sur la sagesse de ces délibérations, et on appuie ces doutes sur l'ignorance du peuple. Je prierai toujours qu'on se souvienne de la nature des délibérations, et dans quelles circonstances elles seraient prises.
Ce n'est pas tout, il ne faut pas se laisser abuser par des mots ; le peuple est la nation, et la nation est la collection de tous les individus ; donc il n'est pas exact de dire en général et sans exception que le peuple est ignorant. Dans toutes les sociétés il est, je le sais, une portion des membres adonnée à l'agriculture et aux arts mécaniques, qui n'a pas eu le temps de perfectionner son intelligence, qui n'est pas versée dans les différentes branches d'économie politique et d'administration dont les vues sont peu étendues, avec un sens d'ailleurs assez droit ; mais cette portion, il est plus facile qu'on ne croit de l'éclairer, de l'intéresser insensiblement aux affaires publiques et de lui inspirer le goût de l'instruction.
« Au moindre mouvement de la liberté vous voyez les hommes les plus abrutis sous le joug du despotisme jaloux de connaître leurs droits; tout ce qui touche le gouvernement, tout ce qui peut influer sur leur sort, devient l'objet de leurs entretiens journaliers ; ils lisent les papiers publics : ils veulent connaître ce qui se passe ; en Angleterre et en Amérique, il est peu d'artisans qui ne soient informés des débats des Chambres et qui ne puissent en converser.
Eh! qu'étaient il y a plusieurs siècles les classes de la société aujourd'hui les plus éclairées? A peine elles savaient lire ; elles étaient ensevelies dans des ténèbres plus épaisses que celles qui environnent nos habitants des campagnes.
Pourquoi retenir dans l'ignorance ceux qui ont le malheur d'y être plongés? Pourquoi profiter ensuite de cet état pour leur cacher leurs droits? Ils ne savent pas ; doue il ne faut pas les instruire. Tel est le langage cruel que tiennent ceux qui ne veulent pas que le peuple délibère, parce qu'il n'est pas assez éclairé ; certes, il ne le
sera jamais, si on le prive des moyens de l'être.
Joignez à cela que les sciences les plus abstraites finissent par devenir simples, familières, et à la hauteur de tous les esprits : c'est une vérité que l'expérience nous découvre chaque jour. Il est étonnant combien dépuis quelques années la lumière s'est répandue jusque dans les classes inférieures de la société, et ces progrès ne peuvent aller qu'en augmentant. L'établissement des municipalités et des Assemblées provinciales a déjà jeté dans les campagnes des idées premières sur l'assiette, sur la répartition des impôts et sur le régime intérieur des provinces. Favorisons donc le développement de ces germes précieux au lieu de les étouffer.
Le recours au peuple est un des moyens les plus efficaces pour hâter ce développement.
On craint qu'il ne multiplie trop les Assemblées, et que ces convocations n'excitent des mouvements convulsifs et dangereux dans l e royaume.
je suis bien éloigné de concevoir de pareilles alarmes ; je pense au contraire que les appels au peuple seraient très-rares. Avant de les hasarder le souverain établirait des conférences entre ses ministres et les membres du Corps législatif ; il tenterait tous les moyens de conciliation ; il préférerait sacrifier une partie de ses vues pour obtenir de pareils sacrifices, et ce ne serait qu'à la dernière extrémité, si aucune composition n'était possible, qu'il se déterminerait à suspendre la loi qui lui serait présentée ; ainsi on ne doit pas compter sur des Assemblées fréquentes.
Les agitations, les troubles ne sont nullement à redouter ; il ne faut pas juger du royaume par l'état de crise passager où il se trouve, mais par son état habituel de calme et de tranquillité.
De plus, si l'empêchement royal n'était levé ou confirmé que par des pouvoirs donnés à de nouveaux mandataires, l'appel au peuple n'occasionnerait aucun mouvement extraordinaire, puisque le choix de ses mandataires exigerait des Assemblées, et que ce serait dans ces Assemblées même que l'Assemblée délibérerait sur l'objet du veto.
On propose une espèce d'appel que je ne puis admettre ; on veut qu'à l'instant où le Roi aura opposé son vetùy l'Assemblée des représentants sera dissoute. On ajoute que si ces représentants sont de nouveaux élus, le veto sera levé ; que si les commettants en envoient d'autres, ce signe d'improbation de la conduite des premiers annoncera Ja confirmation du veto. Ainsi la nation serait réduite à exprimer indirectement son vœu par le choix de ses délégués.
Le premier inconvénient de cette marche irrégulière serait de porter une commotion violente dans toutes les parties du corps politique; alors les Assemblées pourraient être orageuses par la raison que leur ordre naturel et périodique serait interverti.
Ensuite je ne sais pas comment on peut donner au Roi un pareil excès de puissance : parce que les membres du Gorps législatif ne seraient pas de son avis, il aurait le droit de casser ceux que la nation aurait trouvé dignes de son choix ; il interromprait leurs fonctions, dont l'exercice ne serait pas encore expiré ; il pourrait renvoyer des hommes vertueux, qui n'auraient peut-être d'autre crime à ses yeux que leur inflexible vertu! Non, la raison et la justice s'opposent à une semblable dissolution.
Eh! quel moyen on indique au peuple pour terminer ce combat 1 S'il réélit ses représentants,
il se range de leur parti ; s'il en nomme d'autres, ii se range du parti du Roi.
Remarquez que le peuple, par cet étrange procédé, porterait un vrai jugement ; qu'il serait censé avoir examiné et discuté les raisons respectives; et néanmoins, comme il ne s'expliquerait que par la, confirmation ou le Tenvoi de ses représentants, il serait possible qu'il se déterminât dans son opinion par des motifs personnels et étrangers au fond de la difficulté ; qu'il conservât ceux auxquels ii tiendrait toujours par des sentiments d'amitié, d'affection et de confiance, quoiqu'ils ne fussent pas fondés dans leurs prétentions.
11 pourrait arriver aussi, et e danger ne serait pas moins grand, que la nation, convaincue que ses mandataires ne pourraient pas vivre en bonne intelligence avec celui qui n'aurait pas craint de les dissoudre et de les renvoyer, convaincue que les opérations se ressentiraient de ce défaut de concert, crût de sa prudence de ne pas les élire une seconde fois, quoique leur résistance fût légitime ; ces deux sentiments opposés pourraient agiter les esprits en sens contraire;
Il me semble que j'ai parcouru les différentes objections qu'on peut faire contre l'appel au peuple; mon dessein a été de n'en oublier aucune. J'ai fait en sorte de les réfuter.: j'ignore si j'y suis parvenu; mais au moins je dois croire que les moyens d'obtenir le vœu de la nation sur les lois suspendues parle monarque ne paraîtront plus impossibles : ils pourront encore paraître difficiles; mais quelles sont les difficultés qu'on ne doive pas vaincre lorsqu'il s'agit de rétablir la nation dans le plus précieux de tous ses droits, lorsqu'il s'agit de l'empêcher de retomber dans l'esclavage? Or, je le soutiens, rien n'est plus propre à créer l'esprit public, à répandre la lumière et l'instruction, à inspirer l'amour de la liberté et de la vertu, que de faire participer tous les citoyens aux affaires publiques, en appelant devant eux, comme devant le tribunal suprême, tous les différends qui peuvent s'élever entre les pouvoirs qu'ils ont constitués.
pense que l'Assemblée nationale doit être permanente. Pour prouver cette proposition, il jette un coup d'œii rapide sur ce qui s'est passé depuis les Etats de 1614 ; il censure amèrement le ministère de Richelieu et le règne de Louis XIV, à qui il refuse jusqu'au surnom de Grand ; il rappelle les malheurs de la régence, les abus du règne de Louis XV, ceux du règne actuel jusqu'au moment où il écrit, l'abaissement politique dë la France qui voit ses alliés attaqués, poursuivis, dépouillés impunément, enfin la ruine au crédit national.
embrasse aussi le parti de la permanence dans le même sens ; mais ce n'est pas tant à cause de la multitude des lois, dont la confection ne peut occuper que les premières sessions de l'Assemblée, et dont l'exacte observation sera confiée aux sessions suivantes, que pour que la nation ne reste jamais privée de l'organe qui doit énoncer ses volontés au moment du besoin. Il rappelle cette maxime, qu'il ne faut pas trop gouverner, et propose en conséquence de restreindre chaque session à trois ou quatre mois.
Il s'oppose également au renouvellement partiel de l'Assemblée législative, dans la crainte qu'il ne s'y forme un esprit de corps, dont les suites pourraient être funestes, esprit qui ne doit point exister dans une réunion d'hommes dont la
volonté doit être essentiellement la volonté nationale.
11 examine en thèse générale la question des deux Chambres, la trouve absolument inadmissible, à cause des obstacles qu'elles opposeraient à la réforme des abus. Car si les deux Chambres ont la même formation, une d'elles devient inutile, puisqu'elle ne serait plus qu'un bureau nécessairement toujours influencé par l'autre. Si leur formation n'est pas la même, et qu'on adopte le projet d'un Sénat, il établira l'aristocratie et conduira à l'asservissement du peuple, surtout si les sénateurs sont inamovibles, ou qu'ils soient au choix du Roi, comme on l'a proposé. Il conclut de ces considérations que la discussion de ce projet doit être renvoyée jusqu'après la confection de la Constitution, et le rétablissement de la tranquillité dans le royaume.
convient de la nécessité d'opposer une barrière insurmontable à l'intrigue et à l'enthousiasme, et le moyen qui lui paraît le plus sûr est la création d'un conseil examinateur, dont l'unique fonction serait de recevoir les projets de loi arrêtés dans l'Assemblée nationale. Il communiquerait par écrit ses observations, d'après lesquelles les projets seraient soumis à une nouvelle discussion. Cet examen devrait être répété au moins deux fois, afin qu'il ne fût pris aucune délibération définitive avant six semaines ou deux mois. Pendant ce temps les observations du conseil et les écrits qu'on publierait mettraient l'Assemblée à portée de prendre une détermination ; car ce serait toujours elle qui décideraitj et jamais les membres du conseil ne pourraient y venir siéger, de peur qu'ils n'eussent trop d'influence sur l'Assemblée.
Il pense, sur la troisième question, que la sanction du Roi est nécessaire à la conservation des lois ; car une loi ne peut être obligatoire à moins qu'on y attache quelque peine coërcitive. Mais la faculté d'accorder cette sanction suppose celle de la refuser, et c'est ce qui constitue le droitde veiOf inhérent à la royauté; droit dont l'exercice est un devoir pour le Roi toutes les fois que les représentants clu peuple semblent s'être écartés de la volonté générale. Mais ce veto ne peut être absolu, car il n est autre chose qu'un appel au peuple, et dès que le peuple, en se réunissant pour se nommer de nouveaux représentants, aura émis son vœu sur le projet de loi suspendu par le veto royal, ce projet sera définitivement ou reçu ou rejeté, suivant que l'opinion du peuple lui sera favorable ou contraire, et, dans le premier cas, le Roi ne pourra plus lui refuser sa sanction.
Ici l'orateur propose deux questions :
« 1° Dans le cas où le Roi aurait mis son veto sur un proj.et de loi, pourrait-il dissoudre l'Assemblée, et en convoquer une autre pour décider sur-le-champ sur le refus qu'il en aurait fait ?
« 2° De quelle manière la nation doit-elle exprimer sa volonté en pareil cas ? Pour la première question, il pense qu'il vaut mieux attendre la fin de la législature que d'en permettre la dissolution, dans la crainte qu'elle n'excite une convulsion qu'il faut éviter. Sur la seconde, il présente trois moyens dont la nation peut se servir ; une simple acceptation ou rejection de la loi frappée du veto royal, un avis détaillé sur cette loi, ou enfin la nomination de nouveaux députés, chargés de prononcer sur la question contentieuse. »
Les deux premiers modes lui paraissent inadmissibles. Ce sont cependant les seuls qui puis-
sent donner le véritable vœu de la nation ; mais ce qui révolte l'orateur est ce mandat impératif qu'ils renferment, et contre lequel on s'est tant élevé dans l'Assemblée. Aussi rappelle-t-il à ses collègues qu'ils en ont reconnu le vice, afin de soulager sans doute les consciences scrupuleuses qui pouvaient s'en reprocher encore l'infraction.
11 regarde le troisième comme le seul praticable; mais il veut alors que le projet de loi soit imprimé, afin qu'on puisse au moins donner des avis aux représentants qui seront chargés de décider la question.
Il rejette ensuite la proposition d'étendre le veto jusqu'à la troisième législature, et à plus forte raison le veto absolu, et finit par demander si la Constitution doit être soumise à la sanction du Roi, question à laquelle il répond par la négative; îa Constitution, étant le titre de tous les pouvoirs, ne peut être, dit-il, subordonnée à aucun pouvoir.
organe du comité de Constitution.Tout corps, de quelque manière qu'on le compose, cherche à augmenter ses prérogatives : toute autorité veut s'accroître si l'on n'oppose une digue à son ambition. Les représentants du peuple pourraient dèvenir les maîtres absolus du roya.ume, si leurs résolutions ne rencontraient aucun obstacle. Il^est certainement impossible d'espérer que les représentants aient toujours les mêmes opinions et les mêmes desseins que le prince et les ministres. Dans beaucoup de circonstances, ces diverses autorités auront à se combattre. La prudence et la sagesse exigent qu'on ne laisse à aucun des deux partis des armes assez dangereuses pour qu'il soit facile à l'un d'opprimer l'autre et d'usurper ses droits. Donner aux représentants de la nation la faculté de faire seuls toutes les lois, serait soumettre à leur volonté les prérogatives de la Couronne.
L'élection libre des représentants permet sans doute d'espérer que la plupart seront toujours des hommes vertueux ; mais partout où seront les hommes, il faut prévoir les effets de leurs passions. Ne serait-il pas à craindre qu'à l'avenir une Assemblée nombreuse de représentants, si ses résolutions n'éprouvent jamais la moindre résistance, se laissât facilement entraîner par des orateurs adroits ou enthousiastes ; et le désir même du bien ne pourrait-il pas être un moyen certain de l'égarer? On lui persuaderait que tout ce qui serait fait par elle le serait plus justement, plus exactement que par une autre autorité. Par exemple on se plaindrait d'une injustice dans la distribution des emplois, elle voudrait se la réserver; on blâmerait la discipline de l'armée, elle voudrait en régler les détails ; elle finirait bientôt par oublier qu'il existe un monarque. N'étant retenue par aucun frein, elle prendrait sa volonté pour unique règle ; et alors elle établirait des lois pour les personnes, pour les circonstances, pour des actions antérieures.
Quandl 'Assemblée des représentants disputerait au trône une portion d'autorité, elle aurait pour ses prétentions l'appui de la multitude, flattée de l'accroissement du pouvoir dans les mains de ceux qu'elle aurait choisis ; et la Couronne n'aurait aucun moyen de défense s'il ne lui était assuré par la Constitution.
Qu'on ne pense pas qu'il soit iacilede suppléer la sanction royale, et qu'en traçant dans la Constitution les limites de l'autorité des représentants, il leur soit impossible de les franchir ; certainement toutes les règles seront inutiles, lorsqu'on
s'en rapportera à ceux qu'elles intéressent, pour le soin de les interpréter. Certainement on ne saurait commettre une plus grande imprudence que de confier à un corps ou à un'individu l'exécution de la loi qui doit enchaîner sa volonté.
La loi n'est qu'un vain mot quand il n'existe aucun moyen pour la faire respecter. D'après ce principe incontestable, comment pourrait-on lier les représentants et prévenir l'accroissement de leur puissance^ si l'on se bornait à écrire leurs devoirs, et si la combinaison des ressorts du gouvernement ne défendait pas l'autorité royale?
Espérer que la nation pourrait empêcher le Corps législatif de s'emparer du pouvoir exécutif, serait admettre qu'elle est en état de se gouverner elle-même, sans chef et sans lois. Il faudrait donc laisser à tous les districts la faculté de censurer le Corps législatif, exposer les représentants à perdre la confiance publique sur les moindres soupçons, sur la moindre calomnie, et permettre à chaque individU'de condamner la loi?
Ainsi, vouloir établir par la Constitution, comme quelques-uns le proposent, un droit de veto en faveur des commettants, serait introduire dans le gouvernement français la source des troubles les plus affreux, livrer* les lois au mépris, et tout subordonner à la violence. D'ailleurs, dans les districts apercevrait-on les changements insensibles? Et si ces changements étaient trop favorables à la démocratie, la multitude voudrait-elle s'en plaindre ?
Toutes les fois que la nation voudra juger entre ses représentants et le Roi, elle ne pourra le faire sans se placer au-dessus d'eux , sans anéantir leurs pouvoirs; elle ne pourra donc intervenir que par le désordre, l'insurrection ou l'anarchie. Cette triste intervention ne peut jamais être désirée par les bons citoyens, à moins que la tyrannie ne soit au comble ; mais il ne faut jamais la provoquer, et surtout ne jamais calculer l'organisation d'un gouvernement sur les moyens propres à le détruire.
Et que peut-on redouter de la sanction royale, lorsque la fiscalité, qui corrompait précédemment toutes les lois, n'existera plus ? Comment le Roi pourrait-il avoir intérêt à rejeter celles qui seraient utiles au peuple?
Certainement les plus belles fonctions de la souveraineté sont celles du Corps législatif. Si le monarque n'en était pas une portion intégrante, s'il n'avait aucune influence sur l'élablissement des lois, il ne serait absolument qu'un magistrat à ses ordres,'ou un simple général d'armée; le gouvernement ne serait plus monarchique, mais républicain; l'autorité royale n'obtiendrait plus le respect du peuple, puisqu'elle ne contribuerait plus à lui procurer de bonnes lois. Remarquons ici qu'il est infiniment important pour le bien public de conserver au trône une grande majesté ; que, comme chef de la nation, le Roi doi t toujours être traité avec respect ; et que si la nation elle-même était assemblée, elle aurait besoin d'un chef, et devrait avoir pour Jui les plus grands égards.
Mais ceux qui s'opposent à la sanction royale disent que le Roi n'est qu'un délégué de la nation, et qu'il ne peut pas avoir le droit de s'opposer à sa volonté ; c'est ainsi que par l'abus des expressions on obscurcit les vérités les plus simples.
Il est très-vrai que le Roi est le délégué de la nation. Il doit s'honorer de ce titre; mais les députés choisis dans chaque district ne sont pas la nation ; ils ne sont aussi que des délégués; ils. n'ont d'autre pouvoir, d'autre autorité que celle'
qu'ils ont reçue par leurs mandats, et à l'avenir ils n'en auront d'autre que celle qu'établira la Constitution. Cette autorité se bornera toujours à concerter les lois avec le monarque, tandis que celui-ci est délégué tout à la fois pour être chef suprême de la nation, portion intégrante du Corps législatif, dépositaire des forces publiques, et chargé de faire exécuter la loi.
La nalion n'exerçant pas elle-même sa puissance, et ne devant pas l'exercer, ne peut avoir d'autre volonté que celle des personnes qu'elle en a rendues dépositaires, à moins qu'elles n'en abusent pour la retenir dans l'opposition. Ainsi, la volonté de la nation française se formera par le concours des volontés de son Roi et de ses représentants.
Et qu'on réfléchisse combien il serait injuste d'ôter au prince le droit de sanctionner les lois, tandis que la Couronne a exercé pendant plusieurs siècles toute la plénitude du pouvoir législatif. Les députés qu'il a convoqués, qu'il a invités à la réforme des abus, à la régénération du royaume, les députés, qui l'ont nommé le Restaurateur delà liberté française, pourraient-ils vouloir jusqu'à ce point affaiblir l'autorité royale, et ne lui laisser, pour ainsi dire, que le vain titre de Roi?
Je sais que la reconnaissance ne doit jamais faire sacrifier les droits d'un peuple; mais lorsqu'un monarque s'est rendu digne de l'amour de ses sujets, c'est au moins un motif de plus pour ne détruire aucune de ses prérogatives sans la plus évidente nécessité.
Qu'on ne dise pas qu'en laissant au monarque le droit d'approuver ou de rejeter une loi nouvelle, on réunit les pouvoirs législatif et exécutif dans les mêmes mains : un pareil droit n'est pas le pouvoir législatif, mais seulement une portion de ce pouvoir, puisque le Roi n'aura pas la faculté de donner force de loi à ses volontés particulières. Ainsi ce droit ne réunit pas tous les pouvoirs dans les mains du Roi, et il prévient cette réunion dans celles des représentants.
Delolme a très-judicieusement observé que le partage du pouvoir exécutif l'énerve entièrement, et qu'il est un malheur pour l'Etat ; taudis que le partage du pouvoir législatif produit, au contraire, les plus grands avantages, en ce qu'il ralentit la marche de la législation, et la rend sage et réfléchie. Il faut, en effet, beaucoup de lenteur et de prudence pour l'établissement des lois, et beaucoup de promptitude et d'activité dans leur exécution.
C'est donc un des principes les plus sacrés de la monarchie, que le Roi est portion intégrante du Corps législatif, et que, pour conserver l'indépendance de la Couronne, pour garantir la liberté du peuple des entreprises qui pourraient être faites dans la suite par les représentants, pour la dignité du trône, pour le bonheur public, il a le droit de rejeter une loi par un veto, ou de l'approuver par sa sanction, sans être forcé de donner les motifs de son refus ; car s'il était obligé de les faire connaître aux représentants, ceux-ci pourraient se croire en droit de les juger, et conséquemment de ne point y avoir égard.
Les constitutions américaines ne laissent au gouvernement, en matière de législation, qtfun pouvoir suspensif dont le temps est déterminé. Mais cet exemple ne peut être appliqué à une monarchie. Les gouverneurs de l'Amérique ont une très-faible autorité ; elle ne saurait prévenir les abus de pouvoir des sénateurs et des représentants, et j'ignore si elle peut suffire à la popu-ï lation de leurs Etats : mais la puissance de ces
gouverneurs est trop peu considérable pour que les Chambres législatives en soient envieuses, et cherchent à la diminuer pour augmenter la leur.
D'ailleurs, les prérogatives des gouverneurs ou présidents américains sont sous la sauvegarde de tous ceux qui peuvent espérer de leur succéder. Gomme ils ne possèdent leur place que pour un petit nombre d'années, il est peu de membres du Corps législatif qui ne conçoivent l'espérance d'y parvenir un jour. L'autorité du Roi de France doit être, au contraire, très-grande pour le bonheur de ses sujets ; elle doit être héréditaire.^Tous les efforts peuvent être dirigés contre elle ; il faut que la Constitution lui assure les moyens de s'en garantir.
Plusieurs de ceux qui reconnaissent la nécessité de la sanction du monarque pour toutes les lois, prétendent qu'on ne doit pas la demander pour la Constitution. Ils se fondent sur une supposition métaphysique; ils disent que l'Assemblée actuelle, étant une Convention nationale pour fixer la Constitution, exerce tous les droits du peuple français, et qu'elle doit régler tous les pouvoirs, sans que le consentement du prince soit nécessaire.
Voici mes réflexions sur ce sujet. J'ignore pourquoi on se plaît à considérer une nation comme une société sans gouvernement, sans lois, sans magistrats, et enfin comme un corps désorganisé ; j'ignore pourquoi on cite dès hypothèses chimériques, car vingt-quatre millions d'hommes ne peuvent être réunis dans une seule assemblée ; et s'il était possible qu'ils fussent réunis, je demande si la puissance royale une fois établie cesserait d'exister. Un peuple en corps, qui ne reconnaîtrait aucun chef, serait dans les convulsions delà plus horrible anarchie.
Ainsi, supposer que l'Assemblée nationale représente une nation sans monarque, une société naissante, est vraiment une supposition absurde. Si l'Assemblée nationale est ce qu'on nomme chez les Anglais une Convention, il faut au moins reconnaître qu'elle a été formée pour agir de concert avec le Roi, et que la puissance du monarque qui l'a convoquée existait avant elle.
On ne peut sans doute comparer cette Convention à celle qu'établirent les Anglo-Américains lors de leur insurrection contre l'Angleterre. Ce peuple avait brisé tous les liens qui l'attachaient à la Grande-Bretagne; il était rentré dans son indépendance naturelle ; il n'avait aucun pouvoir à maintenir ; il avait pour ainsi dire tout à créer. Ainsi la Convention de chaque Etat ne devait consulter que la pluralité des suffrages de ses* membres. L Assemblée nationale de France, au contraire, a été convoquée par le Roi. La nation n'a jamais eu le dessein de porter atteinte aux véritables principes de la monarchie ; elle a voulu seulement qu'on déterminât des limites pour qu'elle ne dégénère pas à l'avenir en puissance arbitraire. Tous les députés trouvent à cet égard leurs devoirs écrits dans les mandats. Il leur est recommandé de joindre leurs efforts à ceux du prince pour rétablir sur des bases solides la félicité générale.
S'il est vrai que jusqu'à ce jour on ait pu dire que le peuple français n'avait point de Constitution, on ne doit pas cependant le considérer comme dépourvu de tout gouvernement. L'Assemblée nationale est chargée par ses commettants de faire respecter l'autorité du Roi. Si elle avait le droit de fixer la Constitution, sans qu'il y prît aucune part, il faudrait en conclure qu'elle aurait ie droit cle disposer à son gré de toutes les prérogatives de la Couronne.
Je suis loin de comparer l'influence qui peut appartenir au Roi sur la Constitution, avec celle qui doit lui être réservée sur les lois. Il peut refuser des lois sans en expliquer les motifs, tandis qu'il n'aurait pas le droit de déclarer qu'il s'oppose à l'établissement d'une Constitution ; car, après avoir appelé ses sujets à la liberté, il ne peut dire : je ne veux pas qu'ils soient libres. Je soutiens seulement qu'étant intéressé à la Constitution, étant chargé de la faire observer, ayant un pouvoir antérieur qu'elle doit régler, et non pas détruire, il est nécessaire qu'il la signe et la ratifie. S'il trouvait dans quelques articles de grands inconvénients, il pourrait demander qu'ils fussent changés; et les représentants verraient à leur tour si les changements exigés ne compromettraient point la liberté publique.
M. Mounier a été applaudi d'un côté, et improuvé de l'autre.
La séance est levée.
Séance du soir.
Un membre du comité des rapports rend compte de l'affaire de M. le marquis de La Salie, qui avait fait charger un bateau de poudre vieille et grasse destinée à être travaillée de nouveau avant de pouvoir servir. Le peuple a été inquiet et des soupçons ont été conçus sur les intentions de M. de La Salle qui a été livré à la justice, seul moyen de le soustraire à la faveur populaire. Les représentants de la commune de Paris consultent l'Assemblée nationale sur le parti qu'ils doivent prendre à l'égard du détenu.
L'avis du comité est que l'Assemblée nationale doit autoriser son président à écrire aux représentants -de la commune de Paris que M. le marquis de La Salle n'étant prévenu d'aucun crime qui puisse autoriser sa détention, que son innocence même étant constatée par les pièces remises au Comité de rapport, et spécialement par l'extrait du procès-verbal des représentants de la commune de Paris, en date du 28 août dernier, il n'y avait aucun motif de prolonger cette détention.
La question mise à la discussion, puis en délibération, l'Assemblée a décrété que M. le président écrirait conformément à l'avis du comité.
Un membre du comité des subsistances a fait rapport d'un arrêté de la commune de Paris, en date du 2 de ce mois, présenté par MM. Charpentier et Bourdon de la Grosnière, députés de cette commune, qui, craignant pour ses subsistances, prie l'Assemblée de pourvoir aux moyens de les lui assurer.
Il a été exposé que ces moyens dépendaient de l'exécution du décret pris par l'Assemblée, le 29 août dernier, pour la libre circulation des grains et farines dans le royaume ; mais que cette circulation étant empêchée par l'inquiétude où étaient encore les habitants des villes du district de manquer de subsistances pour eux-mêmes, et par la crainte qui retenait les fermiers d'exposer leurs personnes en se transportant à Paris il n'y avait que deux partis à prendre pour assurer l'exécution du décret : l'un, d'y employer la force ; l'autre, de mettre les habitants des villes voisines hors d'intérêt, en assurant la fourniture de leurs marchés. Sur quoi le comité a proposé de s'en rapporter provisoirement au pouvoir exécutif.
L'avis mis en discussion, plusieurs amendements ont été proposés. D'autres membres craignant que le décret de l'Assemblée, étant encore imparfait, ne fût modifié par le pouvoir exécutif, ont voulu qu'il fût sursis à délibérer jusqu'à ce que le comité eût fait le règlement dont l'Assemblée l'a chargé pour le développement de son décret.
Un membre du comité a dit alors que le travail était fait. Il a demandé et obtenu d'en faire la lecture.
Cette lecture finie, et le règlement discuté, on en a renvoyé le plus amplerexamen à une autre séance. Puis revenant au premier objet, l'Assemblée a décrété de renvoyer la demande delà ville de Pans au pouvoir exécutif.
a levé la séance qu'il a remise au lundi matin à l'heure ordinaire.
Séance du lundi
Lun de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du 5 septembre.
annonce que plusieurs citoyennes de la ville de Paris, femmes ou filles d'artistes, animées parle patriotisme et parle désir de propager leur exemple, ont réuni les ornements et bijoux dont elles s'étaient jusqu'à présent parées ; qu'elles désirent eu faire hommage à la nation pour contribuer au payement de la dette publique, et que si l'Assemblée consent à recevoir leur députation, elles se présenteront pendant le cours de la séance.
Il est unanimement arrêté que la députation sera admise.
annonce que la discussion va être reprise sur la permanence et l'organisation du Corps législatif et sur la sanction royale.
(2). Messieurs, quant à la division des Chambres, elles sont égales en puissance si elles sont composées avec égalité, sans distinction et au scrutin. Dans cet ordre de choses, proposé déjà par M. l'abbé Sieyès, j'entrevois l'avantage d'une grande maturité.
Mais si Ton admettait une Chambre haute, le petit nombre commanderait au plus grand ; les intérêts particuliers seraient mis à la place des intérêts généraux.- L'Assemblée nationale serait paralysée ; et sur les ruines de cette noblesse, qui maintenant n'est que ce qu'elle peut et ce qu'elle doit être, vous élèveriez le plus mons-treux monument d'aristocratie qui puisse exister; aristocratie aussi funeste au Roi qu'au peuple.
Ceux qui veulent que ces deux Chambres exis-
L'on nous parle du sénat américain ; là il peut y être nécessaire, puisqu'il n'y a pas d'influence royale.
Ce ne sont au surplus que des sénateurs à rubans et à médailles.
Point de distinction de rang, point de nomination royale. 11 suffit que les députés, divisés en deux Chambres, puissent mettre une grande et sage maturité dans leurs délibérations.
Je croirais même cette division inutile dans le cas où le Roi exercerait le veto suspensif d'une session à l'autre. Car, pour le veto absolu, je n'en parle pas : l'histoire le réprouve, la politique le fait voir comme un moyen dangereux.
Mais quel est cet acte que l'on décore du nom de sanction ? Le Roi est le suprême dépositaire du pouvoir exécutif ; et étant chargé de faire exécuter les lois, l'acte par lequel il ordonne son exécution s'appelle sanction royale. Libre ou forcée, la sanction est l'acte qui ordonne, soit implicitement, soit explicitement, l'exécution de vos décrets.
Vous en avez eu vous-mêmes deux exemples dernièrement. Le Roi a publié deux déclarations qui ne contenaient autre chose que vos décrets, et qui n'ordonnaient rien autre que leur exécution. Telle est la véritable sanction du Roi ; et ce serait l'anéantir que d'accorder au roi un libçrum veto, un droit négatif. S'il y a deux pouvoirs séparés qui se détruisent mutuellement, il n'y a plus de liberté, puisque le pouvoir législatif sera sans cesse usurpé ou paralysé par lepouvoir exécutif.
C'est une grande erreur que de croire que le Roi ait en France le droit absolu. Sous les deux premières races, croit-on que la loi ripuaire et la loi salique ont paru sous le nom du prince ?
Gomment se faisait cette sanction? Quelle était-elle ? Un ancien historien nous l'apprend : Scele-batrex in scella regia, circumstante omni exercu tu, quidquid decretum erat à Francis.
On dira peut-être que l'armée n'était pas la nation : mais je ne réfuterai pas cette objection ; on sait ce qu'était alors la nation, puisque les citoyens n'étaient que des soldats.
Dans la seconde race, qu'est-ce que ces capi-tulaires qui ont paru ? C'était le résultat, des assemblées nationales ; c'était ce que le peuple ordonnait, quidquid à Francis decretum erat.
Ces remarques expliquent parfaitement l'édit de Pistes, et maintenant l'on comprend facilement ce que veulent dire ces mots : lex sit con-sensa populi et constitutione regiâ.
Le temps de la confusion des ordres est enfin arrivé, et alors tous les principes se sont également confondus. Nous venons aujourd'hui pour y remédier, et l'on ne dira pas que nos cahiers soient des obstacles à cette réforme salutaire.
Dans les cahiers de la noblesse et du clergé, l'on voit que ces deux ordres admettent le principe du veto, qu'ils ne veulent pas de loi sans sanction. Mais c'est par une raison bien simple :
c'est que c'était le seul moyen de conserver leurs privilèges. Aujourd'hui ces sentiments ne sont plus dans les cœurs de ceux qui se sont réunis à nous ; aujourd'hui ils n'ont plus de veto d'ordre ; il ne doit'pas y avoir de sanction royale, point de veto, point d'aristocratie.
Il est une foule de cahiers, et c'est le plus grand nombre, qui n'ont pas prévu la question. Il y en a même qui excluent le veto royal ; il y en a d'autres qui réclament, pour le Roi, le veto suspensif. Au surplus, tous ces cahiers sont indéterminés, et n'ôtent pas aux députés lé droit de faire mieux que leurs commettants n'ont pu prévoir. Ceux qui s'appuieront sur leurs cahiers, pour le veto absolu, ne doivent pas les regarder comme impératifs.
Quand il a fallu voter l'emprunt national, on a interprété les cahiers ; on a cru que le mandataire devait faire ce que le mandant ferait, s'il agissait par lui-même.
La raison veut que le pouvoir législatif et le pouvoir exécutif ne se confondent pas : c'est cette séparation qui fait le principe de la liberté; et de là ces obstacles continuels qu'il faut placer entre les deux agents de la vie politique pour les empêeher de se réunir dans un centre commun.
On vous l'a déjà dit : le veto absolu, c'est le droit de faire la loi, et vos décrets ne seront plus que des pétitions. C'est la volonté générale qu'on réclame pour y substituer une volonté individuelle. L'on vous a dit bien des fois que le veto est le domaine du peuple; ce veto-lb ne tendrait, au contraire, qu'à avoir le droit d'envahir ses propriétés et sa liberté.
Que l'on ne me dise pas que les vertus du Roi garantissent l'usage du veto. Quand tous ses successeurs séraient aussi bons, aussi justes que lui, je le craindrais encore. Les droits de la féodalité ont été anéantis ; et qui me répondra que le premier usage de ce veto ne sera pas pour confirmer cette féodalité?...
Prétendre que le veto indéfini ne sera que suspensif, parce que l'on peut refuser l'impôt, si le prince refusait la loi, et que le prince fût révolté contre la Constitution, sont des principes erronés auxquels on a déjà répondu. Le prince ne peut être coupable d'avoir exercé un droit que vous-même lui auriez accordé ; et faire cesser le payement de l'impôt, c'est se couper la gorge pour guérir une plaie à la jambe.
Je le répète : 1 e veto ferait chavirer l'autorité royale, et de là l'anarchie et le despotisme. Telles sont les conséquences qui résulteraient du système de la sanction absolue. Mais on demande un correctif. Dans un beau désespoir, on vous propose de graver sur les murs du palais des Rois, que tout prince qui viole les lois doit être destitué. Quelle maxime abominable ! (Ici un murmure général a désapprouvé l'orateur.) Elle conduirait bientôt au fanatisme et au régicide. Nous devons tenir un autre langage ; la personne du Roi même qui viole la loi est inviolable; ce sont ses ministres qui vous répondront de ses actions; ce sont eux qui en seront les garants.
Il convient de fixer un terme à l'examen du monarque ; ce terme doit être suffisant pour que l'opinion puisse se manifester, et alors le peuple décidera. Deux mandataires ne s'accordent pas ; c'est le mandant qui les juge.
Que l'on ne regrette pas ici la balance des pouvoirs. Le Roi lui-même a reconnu que ce que l'on appelle la balance des pouvoirs n'est qu'un équilibre chimérique,
Je dirai encore un mot dé la Convention nationale pour réviser la Constitution ; il me semble que I on devrait régler qu'elle le serait d'abord tous les vingt-cinq ans, ensuite tous les cinquante.
. Je vais répondre à M. Lanjui-nais. "vyMf?-. " \?;.
La liberté est un don essentiel à l'homme; elle est en morale la somme de toutes vertus, et en politique la somme du bonheur. Les nations qui l'ont perdue se sont bientôt anéanties; et la France elle-même, dans son histoiré, ne présente que le tableau d'un peuple qui passe alternativement de l'esclavage à la liberté. La permanence, pour conserver cet avantage incomparable, ce bien si précieux, me paraît nécessaire.
Ici M. le comte de Virieu s'écarte du sujet, ou plutôt il étend ses vues trop loin ; il craint que le gouvernement français ne devienne un gouvernement fédératif, et il propose, pour prévenir ce danger, de cpnserver sur les provinces une grande puissance, à l'instar de l'Amérique.
Il est donc, ajoute-t-il, du plus grand intérêt de prévenir ce malheur. Bientôt la France n'existerait plus; elle deviendrait la proie de ses ennemis.
Quelques provinces marquent encore des sentiments contraires. L'on parle de rappeler les députés, si vos décrets ne sont pas favorables aux opinions nouvelles. Hâtons-nous donc; il ne suffit pas, par nos délibérations, de faire le bien, il faut encore prévenir le mal. J'ai vu différentes lettres qui m'annoncent ces différentes dispositions de la province.
Ici l'orateur est encore interrompu. Plusieurs membres l'interpellent de nommer les provinces ; il garde le silence.
Il s'étend ensuite sur les inconvénients qui résulteraient pour toutes les provinces d'une confédération.
Les unes seraient opprimées, dit-il, par les puissances voisines, les autres par les provinces frontières ; de ces malheurs devrait dériver la permanence de l'Assemblée nationale ; mais cette permanence, a-t-il repris, donnera un grand degré de force au Corps législatif. 11 sera toujours actif, toujours délibérant, toujours faisant des lois. C'est contre cette puissance si fortement constituée qu'il faut opposer la sanction royale et la division en deux Chambres.
J'avoue que tous les pouvoirs émanent du peuple ; mais, dans l'application que l'on en vient de faire, pour faire présumer l'appel au peuple, comme indispensable, il y a de l'erreur. Les représentants font une loi ; le Roi refuse delà sanctionner : de là l'appel au peuple. Mais comment manifestera-t-ii son intention? Si le délai est trop court, comment prévenir l'esprit de parti ? Une faction ambitieuse élèvera des défiances, entretiendra des alarmes; le peuple/qui ne médite pas, qui ignore tout, sera séduit. Il est donc important, pour décourager le chef de la cabale, que le veto soit indéfini ; et si vous pensez qu'il faut qu'il y ait un terme, il faut au moins qu'il soit de deux législatures.
La vérité^ pour paraître, a besoin du temps, et l'intrigue aime la précipitation/Mais je pense qu'il ne faut pas mettre de termes à ce mot, et qu'il faut supprimer le mot absolu, parce qu'il est vide de sens.
Ici se présente l'organisation des deux Chambres. Tout le monde sent qu'elles ne doivent avoir ni les mêmes passions, ni le même esprit.
Au reste, il me semble que nous sommes encore trop voisins du despotisme pour agiter d'aussi grandes questions. Nous avons renversé déjà des édifices que le temps avait respectés ; l'on en sentira les secousses dans l'avenir ; n'allons pas, par des questions trop prématurées, les rendre dangereuses.
M, le comte de Virieu continue de s'étendre sur différents objets,
11 parle des erreurs populaires, de l'ignorance de la multitude, et il en cite un exemple que nous croyons ne devoir pas passer sous silence.
M. Necter,"en allant à Paris, était accompagné de gardes. Un d'eux dit à des personnes mal vêtues, à de pauvres ouvriers, d'ôter leurs cha-
Seaux. Un des ministres de la compagnie de
. le contrôleur général observe aux gardes qu'il ne convient pas de forcer les gens à ôter leurs chapeaux : « Bon ! répondit le garde, ce sont des aristocrates. »
Un autre exemple de cette ignorance, dit encore m. le comte de Virieu, c'est que le peuple de Paris prend le veto pour un impôt.
Je pourrais ajouter à cela un troisième exemple plus singulier. Deux habitants de la campagne parlaient du veto. « Sais-tu ce que c'est que veto? dit Fun. Non. — Eh bien I tu as ton écuelle remplie de soupe ; le Roi te dit : répands ta soupe ; il faut que tu la répandes. »
C'est ainsi que le peuple de Paris et que le peuple de toutes les provinces ont été égarés sur le veto.
Il s'agit de séparer le pouvoir législatif en deux Chambres, qui n'aient ni les mêmes passions, ni les mêmes erreurs. Ces deux Chambres sont le patrimoine du peuple, surtout si les membres qui les composeront sont élus pour un temps et par lui; et si le pouvoir législatif est réuni dans une seule Chambre, j'y vois le plus grand danger pour la liberté. Un orateur éloquent, un moment d'effervescence, l'ambition ou l'erreur, séduiront les députés, et de là le malheur de toute une nation, quand rien ne s'oppose aux décrets qu'ils pourront porter.
Le parlement d'Angleterre, dit-on, a détruit la liberté publique en se déclarant inamovible ; mais au contraire, c'est alors que la nation s'est jetée dans les bras de son Roi.
On dit encore que le peuple est mécontent de sa Constitution; mais ce peuple a fait assez de foi3 preuve de son courage pour changer ses lois; et s'il en était mécontent, il saurait bien les réformer.
Je ne sais pas comment notre jeune philosophie, notre jeune sagesse, notre jeune expérience, peuvent sans cesse blâmer un peuple qui, par une longue expérience, a su se rendre libre et conserver sa fiberté.
Tel a été à peu près le discours de M. le comte de Virieu ; le résultat est qu'il veut donner au Roi un veto indéfini, et diviser en deux Chambres le pouvoir législatif.
. Messieurs, j'avais résolu de ne participer que par mon suffrage à la discussion actuelle; mais les menaces qu'on a osé me faire, relativement à mon avis, la terreur qu^on veut m •inspirer, et à plusieurs membres de cette Assemblée, m'engagent à porter la parole sur cet objet; car, dans les dernières opinions qui vous ont été présentées sur l'organisation du Corps législatif, j'adopte celle qui a le plus de défaveur, la composition de l'Assemblée nationale en deux Chambres ; j'userai donc de mon droit de repré-
sentant de la nation pour la défendre librement; et si, dans cette affluence de spectateurs qui nous entourent, il s'en trouvait qui attendent ici l'effet de leurs menaces, ils apprendront par ma voix à quoi se réduit la puissance des méchants sur les gens de bien; témoins de" votre indignation contre leur criminelle audace, ils apprendront que le citoyen qui méprise et qui brave la fureur des factieux et leur liste de proscription, qui les punirait s'il en avait la charge, supérieur à la crainte, ne Test pas moins à ia séduction et aux faveurs des cours.
J'ai toujours regardé comme nécessaire la permanence du Corps législatif; le préopinant m'a prévenu dans le développement d'un des motifs qui suffirait seul pour la déterminer.
J'ajouterai cependant que ce n'est pas seulement la composition actuelle de quelques Etats provinciaux, mais l'érection projetée de toutes les provinces en pays d'Etats, qiii aurait les plus grands inconvénients pendant une longue absence du Corps législatif.
Le plus sensible de ces inconvénients serait l'invasion progressive du pouvoir exécutif, et l'invasion possible du pouvoir législatif; car toutes les Assemblées, tous les corps ont une tendance naturelle à l'extension de leur autorité. Les hommes réunis vont toujours en avant, quoi qu'il en puisse arriver; car aucun n'est responsable pour tous. Ainsi, pour maintenir la réunion de toutes les parties de l'empire et leur dépendance d'une autorité centrale, deux conditions sont nécessaires : la première, de limiter à des détails d'exécution, sous l'inspection du gouvernement, l'administration confiée aux Assemblées provinciales ; la seconde, de ne les convoquer que pendant la séance du Corps législatif; car il faut bien que le pouvoir exécutif ait un intervalle et un espace libre pour agir; s'il est toujours en présence des pouvoirs indépendants, il perdra la vigueur, le ressort, l'unité nécessaires à l'administration générale; il sera insensiblement effacé, et la confusion de tous les pouvoirs arrivera.
Quant à l'organisation de l'Assemblée nationale, on vous a dit, Messieurs : la puissance législative est une; donc il ne doit y avoir qu'une seule Chambre 1 C'est ainsi qu'avec des principes généraux on conclut ce que l'on veut, et que des abstractions métaphysiques sont une source d'erreurs en législation.
Mais, Messieurs, la souveraineté est une, et ses fonctions, ses pouvoirs se subdivisent en plusieurs branches : le pouvoir exécutif lui-même comporte trois subdivisions principales ; ainsi, pourquoi ne distinguerait-on pas trois temps dans un acte législatif ; la discussion et la délibération provisoire, la révision et l'arrêté, la sanction et la promulgation ? Pour moi, je soutiens cette distinction si naturelle, si nécessaire, que je n'ai pas d'autre manière de concevoir, dans une grands monarchie, l'action et le complément de la puissance législative. Je suis donc d'avis de composer l'Assemblée nationale de deux Chambres, dont l'une appelée Chambre des représentants, et l'autre Chambre du conseil ou Sénat, toutes deux électives, sans veto l'une sur l'autre, mais avec droit de révision par le Sénat des décrets proposés par la Chambre des représentants.
Avant d'en venir aux objections contre cette composition, voici mes motifs pour l'adopter :
Je ne connais rien de plus dangereux qu'une seule Assemblée législative, qu'un hasard malheureux pourrait composer une fois d'une pluralité de représentants dépourvus d'expériences et de
lumières sur la législation, sur les ressorts politiques d'un grand empire. Que dans une telle Assemblée, de grands talents fassent prévaloir des intérêts, des passions particulières, que la terreur s'empare des uns, et l'esprit de faction des autres, que deviendrait alors la Constitution?
Nous aurions sans doute pour ressource le veto du monarque; mais si les mauvaises lois propo-posées étaient à l'avantage du pouvoir exécutif, si les chefs de l'Assemblée, corrompus, égaraient ou faisaient intimider leurs collègues, quel moyen ,d'empêcher une nouvelle révolution? La nation pourrait être asservie avant d'être avertie qu'elle en court le danger.
Qu'au contraire, des sénateurs plus âgés, plus versés dans la connaissance des affaires par les magistratures qu'ils auront exercées, soient chargés de réviser, de discuter de nouveau les décrets proposés par la Chambre des représentants, les motifs de l'improbation du Sénat avertiront déjà la nation, le monarque, et tous ceux des représentants qui auraient été trompés de bonne foi. Alors il est probable que la réunion des deux Chambres pour une délibération définitive produira la réforme du décret rejeté, surtout si l'on statue qu'un decret rejeté par le Sénat ne peut être adopté par les deux Chambres qu'aux deux tiers ou aux trois cinquièmes des voix.
On a dit contre cette proposition, qu'en supposant une délibération de six cents représentants improuvée parle Sénat, l'amour-propre des premiers, irrité, maintiendrait en leur faveur la pluralité des voix. Mais l'auteur de cette objection n'a pas fait attention que, dans ce cas, il n'y a d'amour-propre compromis que celui qui propose, qui rédige la loi, qui entraîne les suffrages; et que la grande pluralité de ceux qui concourent à une décision ne demande souvent que des lumières et un point d'appui pour y résister : or le Sénat, dans de telles circonstances, serait, pour les hommes trompés, le point d'appui et la lumière.
D'ailleurs, comme les mauvaises lois peuvent porter sur toute autre chose que la prérogative royale, pour la réduire ou l'étendre, le monarque, averti par l'improbation du Sénat, userait avec plus de confiance de son droit d e veto; et c'est alors que personne n'en contesterait plus l'utilité.
Ainsi, Messieurs, la plus grande facilité des discussions, l'utilité de la révision, la confusion • possible dans une nombreuse Assemblée, les mouvements que peuvent y exciter l'éloquence, la prévention, l'impatience, et beaucoup d'autres motifs qui nous ont été développés, me font adopter la proposition de deux Chambres également électives, avec la différence que le Sénat ne pourrait être renouvelé que tous les sept ans, et que les sénateurs seraient choisis sans distinction de naissance, parmi les hommes qui se distingueraient dans les magistratures civiles et militaires, et dans le ministère ecclésiastique. Tel est mon avis.
M** Je crois que la permanence de l'Assemblée nationale est nécessaire pour conserver notre liberté ; il faut aussi mettre en activité les Assemblées provinciales, mais ne les laisser exister que pendant le temps des Assemblées nationales :
1° Parce que ces Assemblées les surveilleront;
2° Parce que dans l'intervalle il faut un laps de temps pour que le pouvoir exécutif puisse agir.
Sur Inorganisation du pouvoir législatif, l'on dit que, comme il est un, il ne faut également qu'une Chambre : c'est là l'abus d'un principe. Le pouvoir souverain est un j mais il se sous-divise-en
bien des branches : au surplus, il faut distinguer trois choses : la délibération, le décret et la sanction. Or, c'est pour apporter la maturité nécessaire que je crois devoir opiner pour les deux Chambres ; elles seules pourront veiller mutuellement à la Constitution. Les factions, l'ignorance, l'ambition, toutes les passions échoueront devant elles. Je pense qu'il faut un Sénat, avec cette différence qu'il sera changé tous les sept ans.
vote pour la permanence, l'unité et le veto.
Il est démontré, dit-il, que la permanence est devenue nécessaire. Je respecte cette opinion et je pense qu'une seule Assemblée nationale, souvent renouvelée, aura une forme plus imposante que la seconde Chambre d'Angleterre, où ce qu 'on appelle la Chambre haute est nulle dans les affaires publiques. Le veto suspensif ne peut exister : quel est le Roi qui refuserait de sanctionner une loi juste? Les ministres ne sont-ils pas responsables? Enfin, mon opinion est que la loi doit être repoussée si le Roi la refuse et admise si elle lui convient.
La discussion est interrompue par l'introduction de la députation annoncée ; elle est placée sur des chaises en avant de la barre.
organe des citoyennes qui composent la députation, lit, en leur nom, le discours suivant :
Messeigneurs, la régénération de l'Etat sera l'ouvrage des représentants de la nation.
La libération de l'Etat doit être celui de tous les bons citoyens.
Lorsque les Romaines firent hommage de leurs bijoux au Sénat, c'était pour lui procurer l'or sans lequel il ne pouvait accomplir le vœu fait à Apollon, par Camille, avant la prise de Veïes.
Les engagements contractés envers les créanciers de l'Etat sont aussi sacrés qu'un vœu. La dette publique doit être scrupuleusement acquittée, mais par des moyens qui ne soient point onéreux au peuple.,
C'est dans cette vue que quelques citoyennes, femmes ou filles d'artistes, viennent offrir à l'auguste Assemblée nationale des bijoux qu'elles rougiraient de porter, quand le patriotisme leur en commande le sacrifice. Eh! quelle est la femme qui ne préférera l'inexprimable satisfaction d'en faire un si noble U3age au stérile plaisir de contenter sa vanité 1
Notre offrande est de peu de valeur, sans doute; mais dans les arts on cherche plus la gloire que la fortune : notre hommage est proportionné à nos moyens, et non au sentiment qui nous l'inspire.
Puisse notre exemple être suivi par le grand nombre de citoyens et de citoyennes dont les facultés surpassent de beaucoup les nôtres I
Il le sera, Messeigneurs, si vous daignez l'accueillir avec bonté; si vous donnez à tous les vrais amis de la patrie la facilité d'offrir des contributions volontaires, en établissant dès à présent une caisse uniquement destinée à recevoir tous les dons, en bijoux ou espèces, pour former un fonds qui serait invariablement employé à l'acquittement de la dette publique.
. L'Assemblée nationale voit avec une vraie satisfaction les offres généreuses auxquelles vous a déterminées votre patriotisme: puisse le noble exemple que vous donnez en cè
moment propager le sentiment héroïque dont il procède, et trouver autant d'imitateurs qu'il aura d'admirateurs! Vous serez plus ornées de vos vertus et de vos privations, que des parures aue vous venez de sacrifier à la patrie. L'Assemblée nationale s'occupera de votre proposition avec tout l'intérêt qu'elle inspire.
Après ce discours, il a été déposé sur le bureau une cassette renfermant les différents objets offerts à la nation ; et l'Assemblée, désirant connaître les noms des citoyénnes qui donnaient un si noble exemple, a ordonné qu'ils fussent lus et inscrits dans le procès-verbal de ce jour, et ce sont :
Mmes
Moitte, présidente. Vien.
De Lagrenée, la jeune.
Berruer.
Souvée.
Duvivier.
Bell.
Vestier.
Mlles
Vassé de Bonreeueil.
Vestier.
Gérard.
Mmes
Fragonard.
Péron.
David.
Vernet, la jeune.
Desmarteaux.
Bonvalet.
Corne de Cerf, négociante.
Mlles
Phitoud.
De Viefville,
Hotemps.
, député de Grasse. Messieurs, l'auguste sénat de Rome regardait comme un devoir sacré de récompenser avec éclat toutes les actions inspirées par l'amour du bien public; c'est dans ces vues qu'il accorda aux dames romaines, pour les récompenser de leurs généreux sacrifices, des distinctions honorables ; et lorsque des dames françaises nous rappellent la générosité des dames romaines, les représentants de la nation ne seront ni moins justes, ni mbins grands que ces anciens maîtres du monde. Je propose donc : 1° que l'Assemblée vote des remerciements en faveur de ces citoyennes pour l'exemple de patriotisme qu'elles viennent de donner à la nation ; 2# qu'elle décrète que leurs noms seront inscrits dans le procès-verbal; 3° qu'il leur sera permis ainsi qu'à celles qui suivront leur exemple de porter une marque patriotique telle qu'elle sera déterminée.
L'Assemblée ne donne pas suite à la dernière de ces propositions, mais elle décide que les citoyennes composant la députation conserveront, pendant le reste de la séance, la place d'honneur qui leur a été accordée.
La discussion sur la permanence et l'organisation du Corps législatif et sur la sanction royale est ensuite reprise.
(1). Messieurs, j'applaudis à la sagesse de l'Assemblée, qui n'a rien voulu décider sur la
question de sanction royale, avant d'avoir éclairci les questions voisines et dépendantes de
la permanence des états généraux et de l'unité du Corps législatif. Peut-être ces questions
elles-mêmes ne peuvent pas tellement s'isoler qu'elles n'aient encore besoin, pour être
parfaitement éclairées, d'emprunter toutes les lumières qui appartiennent à l'organisation
entière de la
L'Assemblée paraît avoir abandonné l'idée d'attacher au pouvoir royal une part intégrante dans la formation de la loi ; elle a senti que ce serait altérer et dénaturer même l'essence de la loi que d'y faire entrer d'autres éléments que des volontés individuelles.
La seule définition raisonnable qu'on puisse donner de la loi, est de l'appeler l'expression de la volonté des gouvernés. Les gouvernants ne peuvent s'en emparer en tout ou en partie, sans approcher plus ou moins du despotisme. Il ne faut pas souffrir un alliage aussi dangereux dans ses effets* Que si, considérant la personne du Roi sous la qualité qui lui convient le mieux, c'est-à-dire comme chef de la nation, comme premier citoyen (1), vous voulez faire une exception en sa faveur, vous vous rapellerez les belles paroles que Sa Majeté a prononcées au milieu de vous, avant même la réunion des ordres : Moi, a-t-elle dit, qui .ne suis qu'un avec la nation. En effet, le prince, le chef de la nation ne peut être qu'un avec elle; si vouâ l'en séparez un seul instant, si vous lui donnez un intérêt différent, un intérêt à part, dès ce moment vous abaissez la majesté royale : car il est trop évident qu'un intérêt différent de l'intérêt national ne peut jamais lui être comparé; que, dans une nation, tout fléchit et doit fléchir devant elle.
Ainsi le Roi ne peut jamais être séparé, même en idée, de la nation dont il représente toute la majesté. Lorsque la nation prononce son vœu, le Roi le prononce avec elle. Partout il est chef, partout il préside ; mais tous ses actes le supposent présent au milieu de vous. Enfin ici seulement peuvent s'exercer ses droits à la législation.
Si l'on est conduit à reconnaître que le Roi ne peut point concourir à la formation de la loi hors de l'Assemblée nationale, il n'est pas encore décidé pour tous quelle est la part d'influence proportionnelle qu'il peut y prendre. Un votant, quel qu'il soit, peut-il, dans une assemblée quelconque, avoir plus de voix que tout autre opinant?.,. Cette question a ses profondeurs; mais il n'est pas nécessaire de s'y enfoncer en entier, pour prononcer que la moindre inégalité, à cet égard, est incompatible avec toute idée de liberté et d'égalité politique. Je me contente de vous présenter le système contraire, comme ramenant à l'instant la distinction des ordres. Car ce qui caractérise la pluralité des ordres est précisément l'inégalité des droits politiques. Il n'existe qu'un ordre dans un Etat, ou plutôt il n'existe plus d'ordres dès que la représentation est commune et égale. Sans doute nulle classe de citoyens n'espère conserver en sa faveur une représentation partielle, séparée et inégale. Ce serait un monstre en politique ; il a été abattu pour jamais.
Remarquez, Messieurs, une autre conséquence du système que je combats ici. Si le suffrage
Il faut donc reconnaître et soutenir que toute volonté individuelle est réduite à son unité numérique; et ne croyez pas que l'opinion que nous nous formons d'un représentant, élu par un grand nombre de citoyens, détruise ce principe. Le député d'un bailliage est immédiatement choisi par son bailliage; mais médiatement, ii est élu par ia totalité des bailliages. Voilà pourquoi tout député est représentant de la nation entière. Sans cela, il y aurait parmi les députés une inégalité politique que rien ne pourrait justifier; et la minorité pourrait faire la loi à la majorité, ainsi que je l'ai démontré ailleurs.
Le Roi, considéré comme individu, est réduit à sa volonté individuelle; à ce titre seul, il ne peut voter que dans une des premières assemblées élémentaires où tout citoyen est admis à porter son suffrage. Le Roi, considéré comme premier citoyen, comme chef de la nation, est censé représentant de la nation dans toutes les Assemblées graduelles, jusqu'àJ'Assemblée nationale. Partout il a droit de voter; partout il peut présider; partout il est légalement le premier, parce qu'il ne peut y avoir de premier que par la loi ; mais nulle part son suffrage ne peut en valoir deux. Ce principe est assez démontré, en ce moment, par les inconvénients du système contraire, tels que je viens de le présenter.
Actuellement, Messieurs, si vous voulez considérer le Roi comme dépositaire de toutes les branches du pouvoir exécutif, il est évident qu'il ne s'offre plus rien dans son autorité, quelque étendue, quelque immense qu'elle soit, qui puisse entrer, comme partie intégrante, dans la formation de la loi. Ce serait oublier que les volontés individuelles peuvent seules entrer, comme éléments, dans la volonté générale; l'exécution de la loi est postérieure à sa formation ; le pouvoir exécutif et tout ce qui lui appartient n'est censé exister qu'après la loi toute formée. Auparavant, toutes les volontés individuelles avaient été consultées, ou plutôt avaient concouru à la confec-. tion de la loi. Donc il n'existe plus rien qui doive être appelé à y concourir. Tout ce qui peut y être s'y trouve déjà ; rien ne lui manque : il ne pouvait y avoir que des volontés; elles y sont toutes..... Si donc l'exercice du pouvoir exécutif donne une expérience, procure des lumières qui peuvent être utiles au législateur, on peut fiien écouter ses conseils, l'inviter à donner son avis; mais cet avis est autre chose qu'une volonté. Il ne doit point, je le répète, entrer dans la formation de la loi, comme partie intégrante; en un mot, si le pouvoir exécutif peut conseiller la loi, il ne doit point contribuer à la faire.
Le droit d'empêcher n'est point, suivant moi, différent du droit de faire. D'abord il est aisé de s'apercevoir que le ministère royal fera proposer
par des députés, et soutenir par un parti, toutes les lois qui lui conviendront. Si elles passent, tout est fait à sou gré. Si elles sont rejetées, il rejettera à son tour toutes les décisions contraires. On n'a besoin que de ce premier aperçu pour sentir qu'un tel pouvoir est énorme, et que celui qui l'exerce est à peu près le maître de tou.t
Persistera-t-on à dire qu'empêcher n'est point faire? Je ne sais; mais, dans cette Assemblée même, ce n'est pas autre chose que fait la majorité, à qui pourtant vous ne refusez pas le droit de faire. Lorsqu'une motion est soutenue seulement par la minorité, la majorité exprime le vœu national en la refusant ; elle exerce son pouvoir législatif sans limites. En cela, il est permis de le demander : Que fait-elle de plus qu'un acte dont on veut attribuer l'exercice au pouvoir exécutif? Je dis que le droit d'empêcher que l'on veut accorder au pouvoir exécutif ^est bien plus puissant encore; car enfin, la majorité du Corps législatif n'arrête que la minorité, au lieu que le ministère arrêterait la majorité elle-même, c'est-à-dire le vœu national, que rien ne doit arrêter. Je suis tellement frappé de cette différence, que le veto suspensif ou absolu, peu importe, ne me paraît plus qu'un ordre arbitraire; je ne puis le voir que comme une lettre de cachet lancée contre la volonté nationale, contre la nation entière.
Je sais qu'à force de distinctions d'une part, et de confusion de l'autre, on en est parvenu à considérer le vœu national comme s'il pouvait être autre chose que le vœu des représentants de la nation, comme si la nation pouvait parler autrement que par ses représentants. Ici les faux principes deviennent extrêmement dangereux. Ils ne vont à rien moins qu'à couper, qu'à morceler, qu'à déchirer la France en une infinité de petites démocraties, qui ne s'uniraient ensuite que par les liens d'une confédération générale, à peuprès comme les 13 ou 14 Etats-Unis d'Amérique se sout considérés en convention générale.
Ce sujet mérite la plus sérieuse attention de notre part. La France ne doit point être un assemblage de petites nations qui se gouverneraient séparément en démocraties ; elle n'est point une collection d'Etats ; elle est un tout unique, composé de parties intégrantes; ces parties ne doivent point avoir séparément une existence complète, parce qu'elles ne sont point des tout simplement unis, mais des parties ne formant qu'un seul tout. Cette différence est grande; elle nous intéresse essentiellement. Tout est perdu, si nous nous permettons de considérer les municipalités qui s'établissent, ou les districts, ou les provinces, comme autant de républiques unies seulement sous les rapports de force ou de protection commune. Au lieu d'une administration géuéraie, qui, partant d'un centre commun, va frapper uniformément les parties les plus reculées de l'empire; au lieu de cette législation, dont les éléments fournis par tous les citoyens se composent en remontant jusqu'à l'Assemblée nationale, chargée seule d'interpréter le vœu général, ce vœu qui retombe ensuite avec tout le poids d'une force irrésistible sur les volontés elles-mêmes qui ont concouru à la former, nous n'aurons plus dans l'intérieur du royaume, hérissé de barrières de toute espèce, qu'un chaos de coutumes, de règlements, de prohibitions particulières à chaque localité. Ce beau pays deviendra odieux aux voyageurs et aux habitants. Mais mon intention ne peut pas être de vous présenter les inconvénients innombrables qui
accableraient la France, si elle se transformait jamais en une confédération de municipalités ou de provinces. Ce n'est point là, Messieurs, votre projet : il suffit donc de remarquer que, si nous n'y prenons garde, les principes que nous paraissons adopter, aidés déjà par des circonstances beaucoup trop influentes, pourraient bien nous mener à une situation politique qui n'est point dans nos vues, et dont nous aurions ensuite bien de la peine à sortir.
En conséquence de ces courtes réflexions, qu'il serait inutile aujourd'hui d'étendre davantage, je crois qu'on pourrait demander dès à présent, en forme d'amendement à la question qui nous occupe :
« Qu'il soit formé dès ce soir un comité peu nombreux, pour présenter à l'Assemblée, sous deux ou trois jours, un plan de municipalités et de provinces, tel que la France ainsi organisée ne cesse pourtant point de former un tout soumis uniformément à une législation, à une administration commune. »
Je ne sors point de la question, Messieurs :;il est impossible de constituer la législature ordinaire sans connaître les éléments dont elle se compose, et les canaux par lesquels les volontés individuelles arrivent au rendez-vous commun où elles doivent se concerter pour former le vœu général. Le sujet qui vous occupe tient certainement, tient essentiellement au système de représentation que vous voudrez adopter. Vous ne pouvez en fonder les bases que dans les municipalités ; vous ne pouvez en proportionner les parties qu'en déterminant d'avance ce que vous entendrez par provinces dans votre nouvelle langue politique.
Il est plus pressant encore de connaître quel degré d'influence vous voulez donner à ces assemblées commettantes sur les députés nationaux. Je ne parle pas de l'influence sur les personnes, elle doit être entière; mais de l'influence des commettants sur la législation elle-même. On voit que si la volonté nationale peut se manifester dans les municipalités ou dans les bailliages, et qu'elle ne fasse que se répéter dans l'assemblée générale, on voit, dis-je, que le veto suspensif, ou plutôt Vappel au peuple, à quoi nous semblons aujourd'hui vouloir réduire le droit d'empêcher, prend un tout autre caractère. De même, s'il ne faut qu'énoncer un vœu déjà formé par le peuple dans les bailliages ou dans les municipalités, qu'est-il nécessaire, pour un énoncé qui ne peut pas varier, de former deux ou trois Chambres? Qu'est-il nécessaire de Jes rendre permanentes? Des porteurs de votes, ou bien, en se servant d'une expression déjà connue, des couriers politiques n'ont pas besoin d'être permanents.
Il faut donc convenir que le système de représentation et les droits que vous voulez y attacher dans tous ses degrés doivent être déterminés avant de rien statuer sur la division du Corps législatif et sur Vappel au peuple, de vos décisions.
Les peuples européens modernes ressemblent bien peu aux peuples anciens. Il ne s'agit parmi nous que de commerce, d'agriculture, de fabriques, etc. Le désir des richesses semble ne faire de tous les Etats de l'Europe que de vastes ateliers : on y songe bien plus à la consommation et a la production qu'au bonheur. Aussi les systèmes politiques aujourd'hui sont exclusivement fondés sur le travail; les facultés productives de l'homme sont tout; à peine sait-on mettre à profit les facultés morales, qui pourraient cepen-
dant devenir la source la plus féconde des plus véritables jouissances. Nous sommes donc forcés de ne voir, dans la plus grande partie des hommes, que des machines de travail. Cependant vous ne pouvez pas refuser la qualité de citoyen, et les droits du civisme, à cette multitude sans instruction qu'un travail forcé absorbe en entier. Puisqu'ils doivent obéir à la loi tout comme vous, ils doivent aussi, tout comme vous, concourir à la faire- Ce concours doit être égal.
Il peut s'exercer de deux manières. Les citoyens peuvent donner leur'fconfiance à quelques-uns d'entre eux. Sans aliéner leurs droits, ils en commettent l'exercice/ C'est peur l'utilité commune qu'ils se nomment des représentations bifen plus capables qu'eux-mêmes de connaître l'intérêt général, et d'interpréter à cet égard leur propre volonté.
L'autre manière d'exercer son droit à la formation de la loi est de concourir soi-même immédiatement à la faire. Ce concours immédiat est ce qui caractérise la véritable démocratie. Le concours médiat désigne le gouvernement représentatif. La différence entre ces deux systèmes politiques est énorme.
Le choix entre ces deux méthodes de faire la loi n'est pas douteux parmi nous.
D'abord, la très-grande pluralité de nos concitoyens n'a ni assez d'instruction, ni assez de loisir pour vouloir s'occuper directement des lois qui doivent gouverner la France; leur avis est donc de se nommer des représentants; et puisque c'est l'avis du grand nombre, les hommes éclairés doivent s'y soumettre comme les autres. Quand une société est formée, on sait que l'avis de la pluralité fait loi pour tous.
Ce raisonnement, qui est bon pour les plus petites municipalités, devient irrésistible quand on songe qu'il s'agit ici des lois qui doivent gouverner vingt-six millions d'hommes; car je soutiens toujours que la France n'est point, ne peut pas êlreune démocratie; elle ne doit pas devenir un Etat fédéral, composé d'une multitude de républiques, unies par un lien politique quelconque. La France est et doit être un seul tout, soumis dans toutes ses parties à une législation et à une administration communes. Puisqu'il est évident que cinq à six millions de citoyens actifs, répartis sur vingt-cinq mille lieues carrées, ne peuvent point s'assembler, il est certain qu'ils ne peuvent aspirer qu'à une législature par représentation. Donc les citoyens qui se nomment des représentants renoncent et doivent renoncer à faire eux-mêmes immédiatement la loi : donc ils n'ont pas de volonté particulière à imposer. Toute influence, tout pouvoir leur appartiennent sur la personne de leurs mandataires; mais c'est tout. S'ils dictaient des volontés, ce ne serait plus cet état représentatif; ce serait un état démocratique.
On a souvent observé dans cette Assemblée que les bailliages n'avaient pas le droit de donner des mandats impératifs; c'est moins encore. Relativement à la loi, les Assemblées commettantes n'ont que le droit de commettre. Hors de là, il ne peut y avoir entre les députés et les députants directs que des mémoires, des conseil?, des instructions. Un député, avons-nous dit, est nommé par un bailliage, au nom de la totalité des bailliages; un député l'est de la nation entière; totis les citoyens sont ses commettants ; or, puisque dans une Assemblée bailliagère, vous ne voudriez pas que celui qui vient d'être élu se chargeât du vœu du petit nombre contre le vœu de la majorité, vous ne devez pas vouloir, & plus forte rai-
son, qu'un député de tous les citoyens du royautne écoute le vœu des seuls habitants d'un bailliage ou d'une municipalité, contre la volonté de la nation entière. Ainsi; il n'y a, il ne peut y avoir pour uu député de mandat" impératif, ou même de vœu positif, que le vœu national ; il ne se doit aux conseils de ses commettants directs qu'autant que ces conseils seront conformes au vœu national. Ce vœu, où peut-il être, où peut-on le reconnaître, si ce n'est dans l'Assemblée nationale elle-même? Ce n'est pas en compulsant les cahiers particuliers, s'il y en a, qu'il découvrira le vœu de ses commettants. 11 ne s'agit pas ici de recenser un scrutin démocratique, mais de proposer, d'écouter, de se concerter, de modifier son avis, enfin de former en commun une volonté commune.
Pour écarter tout reste de doute à cet égard, faisons attention que même dans la plus stricte démocratie cette méthode est la seule pour former un vœu commun. Ce n'est pas la veille, et chacun chez soi, que les démocrates les plus jaloux de la liberté forment et fixent leur avis particulier, pour être ensuite porté sur la place publique, sauf à rentrer chez soi pour recommencer toujours solidairement, dans le cas où l'on n'aurait pas pu tirer de tous ces avis isolés une volonté commune à la majorité. Disons-le tout à fait : cette manière de former une volonté en commun serait absurde. Quand on se réunit, c'est pour délibérer, c'est pour connaître les avis les uns des autres, pour profiter des lumières réciproques, pour confronter les volontés particulières, pour les modifier, pour les concilier, enfin pour obtenir un résultat commun à la pluralité. Je le demande à présent : ce qui paraîtrait absurde dans la démocratie la plus rigoureuse et la plus "défiante doit-il servir de règle dans une législature représentative? Il est donc incontestable que les députés sont à l'Assemblée nationale, non pas pour y annoncer le vcfiu déjà formé de leurs commettants directs, mais pour y délibérer et y voter librement d'après leur avis actuel, éclairé de toutes les lumières que l'Assemblée peut fournir à chacun.
11 est donc inutile qu'il y ait une décision dans les bailliages ou dans les municipalités, ou dans chaque maison de ville ou village ; car les idées que je combats ne mènent à rien moins qu'à cette espèce de Chartreuse politique. Ces sortes de prétentions seraient plus que démocratiques. La décision n'appartient et ne peut appartenir qu'à la nation assemblée.
Le peuple ou la nation ne peut avoir qu'une voix, celle de la législature nationale. Ainsi, lorsque nous entendons parler d'un appel au peuple, cela ne peut vouloir dire autre chose, si ce n'est que le pouvoir exécutif pourra appeler de la nation à elle-même, et non pas desreprésentants à leurs commettants, puisque ceux-ci ne peuvent se faire entendre que par les députés nationaux. L'expression (Yappel au peuple est donc mauvaise, autant qu'elle est impolitiquement prononcée. Le peuple, je le répète, dans un pays qui n'est pas une démocratie (et la France ne saurait l'être), le peuple ne peut parler, ne peut agir que par ses représentants.
De toutes les observations que jé viens de vous soumettre, il faut donc conclure, relativement au droit d}empêcher, qu'on ne doit pas entendre par ce mot un droit de participer à la législature, ni un droit Rappel du peuple ; et comme j'ai prouvé en même temps quelle droit d'empêcher ne différait point le plus souvent iW droit de fairex il me
semble que je pourrais déjà en tirer telle conséquence, que le veto, s'il est nécessaire, ne peut être confié qu'à ceux qui ont le droit de faire\ c'est-à-dire à ceux qui participent déjà activement à la formation de la loi. Il est certain, et nous l'avons aussi prouvé, que le pouvoir exécutif n'a aucune espèce, de droit à la formation de là loi. Si donc vous vouliez accorder le veto au Roi, ce ne pourrait pas être à titre de dépositaire du pouvoir exécutif ; ce ne serait qu'à titre de chef de la nation ou de premier citoyenk A ce titre, avons-rnous dit, le Roi peut avoir le droit de voter à toutes les assemblées qui sont dans l'ordre de la représentation nationale. A ce litre seul le Roi n'a point de supérieur; la majesté royale éclipse tout, parce qu'elle est la majesté nationale elle-même.
Au terme où je suis arrivé, la question présente change d'aspect; elfe se réduit à savoir si le droit d'empêcher est utile, quand et en quoi ; et, dans le cas où on le croirait utile, s'il faut le faire exercer par le chef de la nation, votant dans l'Assemblée législative, ou par toute autre partie de la législature.
Je crois inutile de prévenir que le veto, dont je cherche l'utilité, ne peut pas être le veto qui s'est présenté d'abord, sous le nom deveto absolu, et qu'on espère aujourd'hui faire plus facilement adopter sous la dénomination adoucie de veto indéfini ou illimité.
J'ignore quelle idée on se forme de la volonté d'une nation, lorsqu'on a l'air de croire qu'elle peut être anéantie par une volonté particulière et arbitraire. 11 ne s'agit ici que du veto suspensif. L'autre, il faut le dire, ne mérite pas qu'on le réfute sérieusement.
Le décret national dont vous craignez les effets, et que vous croyez bon de suspendre jusqu'à un nouvel examen, regarde la Constitution, ou bien il appartient simplement à la législation. Tels sont les deux points de vue sous lesquels nous allons considérer l'action du veto.
En Angleterre on n'a point distingué le pouvoir constituant du pouvoir législatif; de sorte que le parlement britannique, illimité dans ses opérations, pourrait attaquer la prérogative royale, si celle-ci n'était armée du veto et du droit de dissoudre le parlement. Ce danger est impossible en Fraiice. Nous aurons pour principe fondamental et constitutionnel, que la législature ordinaire n'aura point l'exercice du pouvoir constituant, pas plus que celui du pouvoir exécutif. Cette séparation de pouvoirs est de la plus absolue nécessité. Si des circonstances impérieuses, si le mandat spécial de nos commettants nous obligent à remplir simultanément ou successivement des fonctions constitutives et législatives, nous reconnaissons au moins que cette confusion ne pourra plus avoir lieu après cette session; l'Assemblée nationale ordinaire ne seraplusqu'une Assemblée législative. Il lui sera interdit de toucher jamais à aucune partie de la Constitution. Lorsqu'il sera nécessaire de la revoir et d'en réformer quelque partie, c'est par une convention expresse, et bornée à cet unique objet, que la nation décrétera les changements qu'il lui paraîtra convenable de faire à sa Constitution. Ainsi, la constitution de chaque pouvoir sera immuable jusqu'à une nouvelle Convention nationale. Une partie quelconque de l'établissement public n'aura point à craindre l'entreprise d'une autre. Elles seront toutes indépendantes dans leur constitution.
li sait de ces observations que, si le velo royal
est nécessaire en Angleterre, il serait inutile et déplacé en France. Le Roi n'aura rien à défendre contre le Corps Législatif, parce qu'il sera impossible au Corps législatif d'attenter à la prérogative royale.
Je conviens qu'un pouvoir, quel qu'il soit, ne se contient pas toujours, dans des limites qui lui sont prescrites par sa constitution, et que les corps publics peuvent, ainsi que les particuliers, cesser d'être justes les uns envers les autres.
Sur cela, je remarque à mon tour que l'histoire nous apprend à redouter les attentats du pouvoir exécutif sur les Corps législatifs bien plus que ceux du pouvoir législatif sur les dépositaires de l'exécution. Mais n'importe, l'un et l'autre de ces inconvénients méritent qu'on y apporte remède ; et puisque le danger menace également tous les pouvoirs, la défense doit être la même pour tous.
Je dis donc que, puisqu'il est possible que les pouvoirs publics, quoique séparés avec soin, quoique indépendants les uns des autres dans leur organisation et dans leur prérogative, entreprennent néanmoins l'un sur l'autre, il doit se trouver dans la constitution sociale un moyen de remédier à ce désordre. Ce moyen est tout simple. Ce n'est point l'insurrection, ce n'est point la ces-sation des impôts, ce n'est pas non plus le veto royal. Tous ces remèdes soyt pires que le mal; c'est le peuple qui en est toujours la véritable victime, et nous devons empêcher le peuple d'être victime. Le moyen que nous cherchons consiste à réclamer la délégation extraordinaire du pouvoir constituant. Gette convention est eu effet l'unique tribunal où ces sortes de plaintes puissent être portées. Gette marche paraît si simple et si naturelle, tant en principe qu'en contenance, que je crois inutile d'insister davantage sur ce véritable moyen d'empêcher qu'aucun des pouvoirs publics n'empiète sur les droits d'un autre. On remarque sans doute qu'au moins cette espèce de veto e^t impartiale ; je n'en fais pas un privilège exclusif pour les ministres : il est ouvert, comme il doit l'être, à toutes les parties du pouvoir public.
Je viens de prouver que la constitution du pouvoir exécutif et la prérogative royale n'ont rien à craindre des décrets du pouvoir législatif, et que si les différents pouvoirs se mettent à usurper l'un sur l'autre, le vrai remède à ce désordre public n'est point le veto royal, mais un véritable appel au pouvoir constituant, dont la partie lésée a droit alors de demander la convocation ou la délégation nationale. Permettez-moi d'ajouter en passant que cette convocation extraordinaire ne peut être que paisible dans un pays dont toutes les parties seront organisées par un sytème de représentation générale, où l'ordre des députations sera bien réglé et les députations législativés^eront fréquentes.
Je viens, Messieurs, de vous présenter les moyens de garantir toutes les parties de la constilution des coups qu'elles pourraient se porter les unes aux autres, il faut maintenant examiner la prétendue nécessité du veto royal, relativement à la législation. Ici je cherche avec soin ce qu'il peut y avoir de raisons, au moins spécieuses dans les arguments de ceux qui croient à l'utilité du veto, et j'avoue que je ne trouve rien.
Lorsque le Corps législatif se bornera à faire des lois tutélaires ou directrices, lorsque le pouvoir exécutif, lorsque le chef de la nation n'auront point à se plaindre ni dans leurs droits, ni dans leur* fonctions,ni dans leurs prérogatives;
enfin lorsqu'on se bornera à demander au pouvoir exécutif Vexécution du vœu national dans l'ordre législatif, je ne conçois pas sur quel prétexte on voudrait que le pouvoir exécutif se dispensât d'exécuter et pût opposer à la loi un veto suspensif : autant vaudrait dire que lorsque les peuples demandent des lois à -leur Assemblée législative, il est bon qu'elle puisse s'empêcher de les faire. 11 me semble que chaque pouvoir doit se bornera ses fonctions, mais qu'il doit les remplir avec zèle et sans retard, toutes les fois qu'il en est requis par ceux à qui cette réquisition appartient. Hors de ces principes, il n'y a plus de discipline sociale dans aucune partie de l'établissement public. Dira-t-on que l'expérience fournit aux agents publics des lumières qu'il est bon de consulter avant de faire les lois? Soit ; qué la législature prenne conseil de tous ceux qui sont en état de lui en donner ; mais, du moment que la loi est faite, on ne me persuadera jamais qu'il appartienne au bon ordre que ceux qui ont à la faire exécuter puissent exercer un veto contre le législateur, sous prétexte que le législateur a pu se tromper. D'abord celui à qui vous accordez le veto peut se tromper aussi ; et si l'on veutcomparer les chances d'erreur auxquelles il est sujet, aux chances d'erreur qui menacent la législature elle-même, il me semble qu'il n'y a pas à balancer entre eux. Le Corps législatif est choisi, il est nombreux, il a intérêt au bien, il est sous l'influence du peuple.... Au contraire, le dépositaire du pouvoir exécutif est héréditaire, inamovible ; ses ministres savent lui faire un intérêt à part.. . . Comment, dans une telle inégalité de chances, a-t-on toujours l'air de s'effrayer des erreurs possibles de la législature, et craïnl-on si peu les erreurs probables du ministère? Cette partialité, il faut en convenir, n'est pas naturelle....
Mais enfin, direz-vous encore, la précipitation et l'erreur ne sont pas impossibles dans les opérations du Corps législatif... Il est vrai, et quoique ce danger soit infiniment plus rare que dans le ministère même le mieux composé, il est néanmoins bon de s'en garantir autant qu'on le peut.
Dès qu'on ne me présente plus le veto suspensif que comme un moyen de diminuer en faveur de la nation les chances d'erreur dans les délibérations de ses représentants, loin de m'y opposer, je l'adopte de grand cœur; mais il faut me donner un veto qui ait véritablement ce caractère ; il faut le placer dans les mains qui doivent le manier le plus avantageusement pour le peuple. Par exemple, lorsqu'il est nécessaire de faire ou de réformer une loi, comment me prou-vera-t-on qu'il puisse être utile au peuple d'en renvoyer la révision ou le nouvel examen à un ou deux ans? Ce n'est point là une suspension utile. Pourquoi la prolonger au delà du terme nécessaire ? Est-ce que dans ce long intervalle il serait indifférent de se passer d'une bonne loi, ou d'être tourmenté par une mauvaise?
On prétend que les mêmes personnes peuvent tenir mal à propos à leurs premières idées, et qu'il faut attendre de nouveaux députés. Je répondrai d'abord que ce n'est pas toujours mal à propos que l'on tient à ses premières idées ; et d'ailleurs, je n'abandonne pas facilement la persuasion où je suis que la législature, pour peu qu'elle soit bien organisée, sera bien moins sujette à se tromper, en faisant la loi, que le ministère en la suspendant. Je réponds, en second lieu, qu'on peut ne point renvoyer la seconde discussion a un temps trop éloigné, sans être
obligé pour cela d'interroger les mêmes députés. Ce moyen, qui concilie tous les intérêts, tient à former* non pas deux ou trois Chambres, mais deux ou trois sections de la même Chambre.
Souvenez-vous, Messieurs, de votre arrêté du 17 juin; il est fondamental, puisque c'est de ce jour que date votre existence en Assemblée nationale ; vous y avez déclaré que l'Assemblée nationale est une et indivisible. Ce qui fait l'unité et l'indivisibilité d'une Assemblée, c'est Yunité de décision, ce n'est pas l'unité de discussion. Il est évident qu'il est bon quelquefois de discuter deux et même trois fois la même question. Rien n'empêche que cette triple discussion se fasse dans trois salles séparées, devant trois divisions de l'Assemblée, sur lesquelles dès lors vous n'avez plus à craindre l'action de la même cause d'erreur, de précipitation ou de séduction oratoire. Il suffira que la détermination ou le décret ne puisse être que le résultat de la pluralité des suffrages recueillis dans les trois sections, de la même manière qu'ils le seraient si tous les députés se trouvaient réunis dans la même salle; c'est-à-dire, pour me servir du langage usité, pourvu que les suffrages soient pris par têtes et non par Chambres.
En admettant la triple discussion ainsi que je la propose, on remplirait l'intention de la plupart de ceux qui réclament le veto suspensif, de tous ceux au moins qui ne veulent du veto que ses avantages. Ou n'aurait plus même besoin d'accorder le veto à personne, car il se trouve naturellement dans la division indiquée, puisque si une section de l'Assemblée juge à propos de retarder sa discussion, vous avez, par cela même, tout l'effet du veto suspensif. Que s'il arrive à chacune des trois sections de vouloir, sur un point, terminer promptement, c'est une grande preuve, à mon avis, qu'ainsi le demande l'intérêt général, et que, daus ce cas, l'usage d'un veto suspensif serait nuisible;
Dans le plan infiniment simple qui vous est présenté, il se trouve donc un veto suspensif, calculé au juste degré d'utilité qu'il doit avoir, sans entraîner aucun inconvénient. C'est donc à celui-là qu'il faut s'en tenir. Je ne vois pas, en effet, pourquoi, si l'exercice d'un veto suspensif est bon et utile, on le sortirait de la place que la nature des choses lui a destinée dans la législature elle-même. Le premier qui, en mécanique, fit usage du régulateur, se garda bien de le placer hors de la machine dont.il voulait modérer le mouvement trop précipité. D'ailleurs, nous avons prouvé, nous avons reconnu plus haut que le droit d'empêcher ou de suspendre n'est souvent que le droit de faire ; qu'il répugne de vouloir les séparer; que, surtout, il ne faut, dans aucun cas, en confier l'usage au pouvoir exécutif.
En le faisant donc exercer d'une manière naturelle par* les différentes sections de l'Assemblée législative elle-même, nous n'ôtons rien aux droits du chef de la nation. Il aura sur ce veto la même influence que sur la loi; et dans mes idées, c'est toujours lui qui est censé la prononcer au milieu de nous.
11 est vrai que ceux qui cherchent dans le veto autre chose que ses avantages ; ceux qui, au lieu de consulter les vrais besoins d'un établissement, dans sa nature même, cherchent toujours, hors de leur sujet, des copies à imiter, ne voudront pas reconnaître dans le veto naturel que j'indique celuiqu'iis ont dans leurs vues. Mais, dès que nous serons assurés d'avoir établi tout ce qu'exige l'intérêt de la nation, et par conséquent
l'intérêt du Roi, est-il permis d'aller plus loin?
Opposera-t-on enfin que, malgré toutes nos précautions, il n'est pas absolument impossible que l'erreur se glisse dans un décret de la législature? je répondrai, en dernier résultat, que j'aime mieux, dans ce cas infiniment rare, laisser l'erreur à réformer au Corps législatif lui-même, dans les sessions suivantes, que d'admettre dans Ta machine législative un rouage étranger, avec lequel on suspendra arbitrairement l'action de son ressort.
Avant de finir, je dirai un mot sur la permanence de l'Assemblée nationale, non pour en prouver la nécessité; elle est trop impérieusement commandée par les principes, par les circonstances, par les plus puissantes considérations, pour craindre qu'elle n'ait pas en sa faveur, à péu près, l'unanimité des suffrages. Je me permettrai seulement d'observer que ceux-là se trompent, à mon avis, qui veulent renouveler tous les membres de la législature à chaque session. Il faut éviter avec soin tout ce qui tend à établir l'aristocratie ; mais, quand on a pris des précautions plus que suffisantes, il ne faut pas qu'une peur chimérique nous fasse tomber dans le malheur très-réel de ne faire les lois que par saccades; il ne faut pas rendre impossibles celte identité de principes et cette uniformité d'esprit qui doive se trouver dans toutebonne législation. Enfin, il ne faut pas que l'expérience des uns soit perdue pour les autres.
Quand on voudra bien ne pas perdre de vue qu'il ne s'agit pas d'exercer le pouvoir constituant (ce pouvoir, à la vérité, exigerait, à chaque session, un renouvellement total de ses membres), mais qu'il s'agit seulement de décréter les lois et les règlements nécessaires au maintien journalier de la liberté, delà propriété, de la sécurité, et de surveiller la recette et la dépense des deniers publics ; on se convaincra sans doute que le renouvellement des députés peut, sans danger, être partiel, et se faire annuellement par tiers, de sorte qu'il y ait toujours un tiers des membres avec l'expérience de deux ans, un tiers avec les lumières d'une année de travail, .et enfin un nouveau tiers arrivant annuellement de$ provinces, pour entretenir toujours le Corps législatif des besoins et des dernières opinions du peuple.
Un corps ainsi constitué ne deviendra jamais aristocratique, si nous décidons en même temps qu'il faudra un intervalle quelconque pour être de nouveau éligible.
Je finis par proposer à l'Assemblée l'amendement que j'ai annoncé dans le courant de mon opinion. Je ne le présente que parce que je le crois d'une nécessité pressante. S'il n'est pas appuyé, ou s'il est rejeté, j'aurai du moins acquitté ce que je crois de mon devoir, en prévenant sur le danger qui menace la France, si on laisse les municipalités s'organiser en républiques complètes et indépendantes. Voici l'avis que je propose : « Qu'il soit nommé dans la journée un comité de troi^ personnes pour présenter, le plus tôt possible,à l'Assemblée un plan de municipalités et de provinces, tel qu'on puisse espérer de ne pas voir le royaume se déchirer en une multitude de petits Etats sous forme républicaine; et qu'au contraire, la France puisse former un seul tout, soumis uniformément, dans toutes ses parties, à une législation et à une administration communes. »
(l). Messieurs, votre attention doit être fatiguée d'une aussi longue discussion. Je crains d'abuser de vos moments après les développements profonds que vous venez d'entendre. Il reste peu d'épis à glaner dans un champ moissonné avec autant d'exactitude ; cependant si vous daignez m'accorder quelques moments d'attention, je tâcherai d'ajouter à toutes les raisons qui vous ont été données quelques exemples à l'appui des réflexions; et je ne vous cacherai pas que, craignant de vous ennuyer par de continuelles répétitions de principes, j'ai changé la forme de la discussion que je comptais faire, et j'ai mis en action quelques-unes de mes raisons.
Après dix siècles d'outrages faits à la liberté de la nation française, elle connaît enfin ses droits; et l'heureuse Révolution qui vient d'arriver prouve que nos malheurs étaient à leur dernière période; et la nullité des moyens oppressifs que l'on a voulu employer confirme encore plus victorieusement cette grande vérité.
Vous avez commencé un grand ouvrage ; votre fermeté a déjà triomphé des nombreux obstacles que les ennemis du bien public avaient cherché à vous opposer. Mais, Messieurs, vous n'avez encore qu'entrevu l'aurore de la liberté que Ja France attend de vous, et c'est à votre constance et à votre énergie qu'elle va devoir ce bienfait.
Ils ont déjà cessé, ces moments honteux pour la nation ! où l'on taxait de licence la moindre réflexion contre les abus ; et l'on est criminel à cette époque, si de vaines considérations, ou des respects stériles pour d'anciens usages, empêchent un orateur d'obéir à sa conscience, et de dire ce que son devoir lui prescrit. Le sacrifice patriotique de ces vertueuses citoyennes exige, avant que je parle, le tribut des éloges qu'il mérite ; et leur dévouement prouve victorieusement l'énergie de la nation française, et combien elle mérite d'être heureuse.
L'organisation du pouvoir législatif est maintenant soumise à notre délibération. Cette grande question est sans doute la plus intéressante que nous aurons à traiter. Elle est la base de la Constitution, elle est le rempart de la liberté publique.
L'Assemblée nationale sera-t-elle permanente?
Sera-t-elle composée d'une ou de deux Chambres? I
Les lois seront-elles sanctionnées parle Roi?
Ces trois questions ont un tel rapport les unes avec les autres qu'il était très-difficile de les discuter en les isolant ; et je profiterai, Messieurs, de la permission que vous m'avez donnée pour vous faire part de quelques réflexions sur chacune d'elles.
Examinons premièrement si l'Assemblée nationale sera permanente.
L'uniformité des avis sur cette question ne laisse aucun doute sur son absolue nécessité. Oui, la liberté est le vœu commun de tous les Français.
Je pourrais me dispenser de discuter cette question, mais nous devons compte aux peuples de nos délibérations ; j1 faut leur apprendre les dangers qui les environnent par le récit de ceux qu'ils ont déjà approuvés, et c'est eux qui m'ordonnent en ce moment de parler.
Daignez, Messieurs, jeter les yeux sur le peu de fruit que la France a retiré de ses
précédentes tenues d'Etats généraux ; considérez combien le peuple français était encore loin
de mériter la liberté en 1614, puisque les séances de cette Assem-
Ils ne firent aucunes lois qui soient restée?, et la puissance royale, à cette époque, crut même pouvoir se dispenser de répondre aux demandes des peuples et à leurs doléances. Doléances!.. Cette expression honteuse pour une nation libre et souveraine prouve victorieusement l'idée que les r.ois et leurs ministres se faisaient de la liberté des peuples. On leur permettait de se plaindre, et on se réservait le droit de les asservir davantage.
Parcourez les différentes époques qui se sont passées depuis 1614.
Richelieu se servant de son ascendant sur l'esprit du monarque qu'il gouvernait pour bouleverser tout le royaume, son système aurait peut-êtro contribué au bonheur delà France, si, en écrasant les hauts barons, il avait compté les peuples pour quelque chose, et si le résultat de ses opérations n'avait pas tourné au profit du despotisme.
Ce Roi auquel on a décerné le nom de grand, despote ambitieux, qui ne regarda jamais ses peuples que comme les instruments serviles de son ambition, et ruinant son pays par son luxe et sa fausse politique.
La France épuisée et déchirée de nouveau par le système inouï de Law, opération qui aurait peut-être sauvé l'Etat, si elle eût été administrée avec sagesse, mais qui causa dans ses mains inhabiles cette banqueroute frauduleuse, qui peut-être se serait renouvelée de nos jours sans les talents du ministre qui dirige les finances, et sans la fermeté et la loyauté de l'Assemblée nationale.
Le dernier règne ne nous offre-t-il pas le tableau le plus révoltant de la puissance ministérielle, sans cesse active et vigilante pour s'opposer à tous les règlements qui pouvaient diminuer son pouvoir, sacrifiant les plus grands intérêts aux plus misérables intrigues de la cour?
Un général d'armée (1) recevant l'ordre de son rappel par le seul caprice d'une favorite, au milieu de soixante-seize drapeaux ennemis qu'il venait d'enlever...; un pays immense et florissant (la Louisiane) cédé aux Espagnols ; six Français innocents (2) immolés à la vengeance d'Oréili, sans que la nation ait été consultée ni vengée.
Une inquisition rigoureuse; un espionnage continuel ; cette fameuse Bastille sans cesse remplie de malheureuses victimes du pouvoir arbitraire.
Le conseil des Rois presque toujours composé de ministres qui, par la nature des détails qu'ils avaient surveillés, étaient incapables de conduire l'administration qui leur était confiée.
Au moment où je vous parle (car c'est l'époque où il faut tout dire), n'est-il pas honteux pour la nation française d'avoir perdu dans l'Europe l'influence et la prépondérance qu'elle devrait avoir?
La Pologne abandonnée aux usurpateurs qui l'entourent et la partagent.
Les privilèges ae la Hollande trahis et sacrifiés.
Les Ottomans sans protection, et peijt-être à l'instant d'être relégués dans l'Asie. De
toutes les
Les cours souveraines consentant et enregistrant cette multitude d'impôts onéreux dont les peuples sont à présent surchargés, et ne reconnaissant leur incompétence en matière d'imposition qu'au moment où il n'était plus possible de les imposer.
Maintenant, Messieurs, croyez-vous que si l'As-spmblée nationale avait existé, qu'elle eût été permanente, que chaque année les ministres eussent été obligés de rendre compte de leur conduite, nous serions dans la situation humiliante où nous sommes, et que les finances de l'Etat seraient dilapidées au point où elles le sont ?
Il pst difficile de concevoir que la patience des Français ait pu souffrir aussi longtemps de pareils outrages ; et si l'on veut réfléchir sur l'événement qui arrive maintenant, on verra que cette indolence politique nous a accablés jusqu'au moment où il n'y avait plus aucun moyen de la supporter davantage. Tant que les peuples ont pu fournir aux déprédations de la cour, ils ont été tranquilles, et ils ne sont sortis de leur léthargie qu'à l'époque où il était impossible de ies opprimer davantage.
J'ose dire que c'est une grande leçon pour la nation, et il ne lui faut pas moins d'énergie pour se relever avec la splendeur qui lui convient, qu'elle a eu de patience dans l'esclavage où elle était assujettie.
Ainsi que Varus, ne désespérons pas du salut" de l'Etat : il nous reste de grandes ressources, mais nous ne pouvons en faire usage qu'autant qu'il y aura une permanence de soins et de vigilance pour remédier aux abus. Vous le savez ainsi que moi, Messieurs, ceux qui ont, pour ainsi dire, envahi l'autorité du trône par les différentes branches du pouvoir exécutif qu'ils ont usurpées, sont nombreux et puissants. Ils n'osent dans ce moment faire entendre leurs voix, et le patriotisme de l'Assemblée leur en impose. Mais vous ne devez pas vous flatter que cette hydre que vous avez déjà combattue soit entièrement vaincue. A peine serez-vous séparés qu'elle paraîtra avec la fureur d'avoir été captive pendant quelque temps ; et si vous ne lui opposez pas l'égide redoutable de l'Assemblée nationale, les peuples n'ont rien gagné et retomberont dans l'esclavage.
La permanence de vos Assemblées sera la base du crédit national, sans lequel tout est bouleversé, et vous n'avez aucun moyen de vous garantir des mauvais citoyens, qu'en portant sans cesse sur eux le regard sévère de la justice.
Nous ne pouvons nous flatter, Messieurs, que, dans cvette première session, nous puissions connaître et réformer tous les abus qui existent dans l'administration actuelle. Quelque instruits que nous puissions être, nous le serons* davantage; et ce n'est pas dans un temps limité de quelques mois que nous pourrpqs parvenir à réformer des siècles d'abus. Songez que tous les agents subalternes d£ cette admiftistratiQU vicieuse sont encore en place ; et #yant 4'é|evejr uu Jeruple à la liberté, il faut efllAver les décombres monument du despotisme.
Je conclus que l'Assemblée nationale doit être permanente, qu'elle sera chaque année assemblée quatre mois, et que pendant chaque session elle fera rendre compte à tous les agents de l'autorité de leur administration.
Maintenant, Messieurs, une autre question très-compliquée est également soumise à notre examen : l'Assemblée nationale sera-t-elle composée d'une ou de deux Chambres ?
Examinons premièrement la situation où nous sommes encore à présent ; nous ne faisons que de concevoir le grand projet de la réforme et de la régénération de l'Etat, mais nous n'avons pas encore écarté les abus s^ns nombre qui obstruent toutes nos opérations.
Nous sommes à peu près dans la même situation où nous.étions avant la convocation de l'Assemblée, et à peine avons-nous débrouillé le chaos immense des différents changements que nous devons opérer. Vous étiez convaincus, Messieurs, à l'époque où nous nous sommes rassemblés, qu'il ne fallait qu'une seule GhîHnbre, qu'une seule volonté, pour parvenir à ce but si désiré ; à peine avez-vous entrevu les moyens de sortir d'embarras que vous allez vous y replonger de nouveau, si vous adoptez la formation d'une seconde Chambre, qui, animée de principes différents, sera sans cesse en garde contre toutes les propositions qui seront faites par ies représentants de la nation ; et, aucun des abus n'étant encore réformé, je ne conçois pas cette dictature que l'on voudrait établir sur la volonté générale de la nation.
Lorsque la Constitution sera parfaitement établie, lorsque les différents pouvoirs seront parfaitement établis, lorsque tous les abus seront abolis, et qu'il ne s'agira plus que de maintenir, de conserver la Constitution, et de la garantir de toute atteinte, pour lors on pourra discuter si l'on fera l'établissement d'une seconde Chambre; mais, dans la position où vous êtes, dans un moment où les esprits n'ont point encore assez réfléchi sur l'espèce des abandons qu'ils ont faits, croyez-vous que lorsque vous isolerez dans une chambre séparée un corps dont les intérêts et les prérogatives seront différents, croyez-vous, dis-je, que l'harmonie s'établira facilement?
Car enfin, Messieurs, si la seconde Chambre que l'on vous propose s'établit, elle serait entièrement inutile, si la composition était absolument la même que celle des représentants de la nation ; elle ne serait qu'un grand bureau qui recevrait presque toujours l'influence de la Chambre des représentants, et elle manquerait l'objet pour lequel vous désirez l'établir. Si cette seconde Chambre était formée à l'instar de celle d'Angleterre, calculez dans votre sagesse tous les obstacles que vous rencontrerez pour la régénération de l'ordre. D'ici à dix années peut-être ne pour-rez-vous opérer tous les changements que vous avez à faire. Je connais toutes les objections qui seront faites sur les dangers de l'influence d'une seule Chambre; mais croyez-vous possible d'arriver à votre but si vous établissez le Sénat qui vous a été proposé? Le choix des^ sénateurs accordé au pouvoir exécutif m'a paru une de ces idées effrayantes que je ne croyais plus devoir entendre au milieu de l'Assemblée nationale.
Leur inamovibilité m'a paru encore plus étonnante. A peine échappés aux serres cruelles de l'aristocratie, serions-nous les premiers à y retomber par notre faute? Il n'y a pas de milieu à prendre : ou les Français veulent être libres, ou rester esclaves ; s'ils veulent la liberté, aucune
considération quelconque ne peut les empêcher de s'affranchir; et vous n'avez plus, Messieurs, le choix de votre conduite : si à la suite de cette Révolution, vous n'êtes pas le peuple le plus libre de la terre, l'Europe vous taxera de rebelles et de pusillanimes. Achevez votre ouvrage, et vous êtes le premier peuple du monde.
Une Assemblée nationale composée de membres élus librement dans les provinces, renouvelée tous les trois ans par de nouvelles élections (car, Messieurs, je-désapprouve les élections annuelles à cause de Feffervèscence des peuples au moment des élections) ; cette Assemblée réunie pendant quatre mois chaque année, ne sera-t-elle pas la sauvegarde de la liberté publique? Une sage Constitution établie, dans laquelle les droits de la nation et ceux du monarque seront irrévocablement fixés, ne sera-t-elle pas le rempart assuré du bonheur des peuples? C'est ici principalement leur cause que nous avons à défendre : ces distinctions d'ordres n'existent plus; dans dix ans d'ici onllura l'heureuse habitude de l'égalité. Nous ne pouvons espérer que du temps l'oubli total de ces antiques privilèges ; et un Sénat en ce moment réveillerait le germe destructeur des prétentions, qui dans une nation libre ne peuvent exister que pa,r la supériorité des talents et des vertus.
Je conclus, Messieurs, que jusqu'à ce que l'ordre soit parfaitement établi dans tous les ppints, l'Assemblée nationale doit être composée d'une seule Chambre.
Maintenant, Messieurs, je sens parfaitement qu'il faut un modérateur dans vos délibérations, et c'est ici le moment où je ne puis me dispenser de vous faire voir les avantages de la sanction royale.
Plusieurs savantes discussions nous ont déjà éclairés sur cette question intéressante, et j'en ai conclu les réflexions suivantes.
Un grand peuple est assemblé, il a choisi des représentants; ils ont reçu les pouvoirs de créer et d'établir une Constitution : elle doit être inébranlable et assurer à jamais la tranquillité des peuples. Ils ont commencé par discuter quel était le gouvernement le plus favorable à un peuple nombreux. La raison leur a démontré que les affaires d'un grand empire exigeant impérieusement l'ordre, le secret et la diligence dans les exécutions, on ne pouvait espérer ces grands effets que lorsqu'un seul était chargé de donner l'impulsion générale ; ils en ont conclu que le gouvernement monarchique devait être préféré ; ils en ont prononcé le décret.
Ils ont ensuite examiné quelle forme ils donneraient à l'organisation des différents pouvoirs: ils crurent qu'il était de leur devoir d'éclairer les peuples sur leurs véritables intérêts, qu'il fallait leur apprendre que les pouvoirs sagement distribués se maintenaient l'un par l'autre, et que, lorsque la balance vient à perdre son heureux équilibre, si les prétentions des peuples n'ont plus de bornes, il n'en résulte que l'anarchie, et que si le pouvoir exécutif cesse d'être contenu par les lois, les peuples ne tardent pas à être asservis et à retomber sous le fléau du despotisme. Enfin, après avoir balancé les avantages et les inconvénients des différents systèmes, ils furent en droit de dire à leur monarque :
« Nous vous avons choisi pour nous gouverner ; vous avez signé la Charte nationale qui vous instruit des conditions auxquelles nous consentons de vous obéir : n'oubliez jamais que la Con^ stitution à laquelle vous avez adhéré comme
citoyen est l'acte solennel auquel vous êtes soumis ainsi que nous, et que vous n avez aucun droit de modifier ni de changer ce garant de la liberté publique.
« Nous le déposons entre vos mains ; vous devez vous opposer avec courage contre toutes les infractions que l'on voudrait y faire, et un des articles de cette Constitution vous donne le droit de sanctionner les lois subséquentes que nous jugerons nécessaires; elles n'auront leur exécu^ tion que lorsqu'elles auront été sanctionnées par vous, et nous allons vous donner les raisons qui nous ont déterminés à vous accorder cette grande prérogative.
« Nous vous croyons juste, puisque vous avez eu notre suffrage. Vous n'ignorez pas qu'une de nos lois fondamentales, c'est que vous ne devez nous commander qu'au nom de la loi, et que notre obéissance n'est qu'à ce prix. Nous vous avons remis entre les mains le pouvoir exécutif; le pouvoir judiciaire n'en étant qu'une émanation, nous vous présentons les lois que nous avons rédigées pour le bonheur public, et votre sanction va leur donner la force et l'authenticité qu'elles doivent avoir. En vous accordant le vetor ce ne sont pas de nouvelles chaînes que nous avons voulu nous forger : nous regardons, au contraire, cette attribution comme le rempart de la liberté. Quoique nous avons pesé ces lois dans notre sagesse, il est possible que nous nous soyons trompés; examinez-les : vous avez le droit de rejeter celles dont l'exécution vous paraîtrait dangereuse. Cependant \eveto que nous vous accordons ne peut être absolu. Cette prérogative serait absolument contré tous les principes que nous avons établis et auxquels vous avez vous-même consenti. Nous sommes ici les représentants de la nation; mais la nation vous ayant . choisi pour monarque, il en résulte que chaque individu a concouru à vous confier le pouvoir exécutif : vous êtes donc l'intermédiaire entre la nation et ses représentants, et si vous croyez que la loi que nous vous proposons soit contraire aux intérêts de la nation, vous devez vous y opposer jusqu'à ce qu'elle vous ait manifesté ses intentions de nouveau. Ainsi, toutes les lois que vous ne consentirez pas demeureront suspendues jusqu'à ce que les peuples se soient assemblés. Si les nouveaux représentants vous rapportent le même vœu, il sera pour lors évident que c'est la volonté générale; et comme tout principe de souveraineté réside dans la nation, vous ne pourrez refuser votre sanction.
« Vous n'avez rien à craindre pour vos prérogatives royales et votre autorité; la Constitution du royaume les a garanties, et la nation a juré de n'y porter jamais la moindre atteinte.
« La permanence de l'Assemblée nationale nous donne l'assurance que si vous rejetiez une loi utile aux peuples, elle ne pourrait être suspendue que fort peu de temps, et votre sagesse nous préservera de celles dont l'exécution serait dangereuse; le bonheur des peuples résultera de l'accord qui va régner entre la nation et son monarque, et vos vertus nous annoncent la félicité publique. »
Quant à ceux qui ne veulent aucune espèce de sanction royale, je n'ai qu'un mot à leur répondre.
La France est maintenant gouvernée par Louis XVI, mais elle l'a été par Louis XI. Si les races futures éprouvaient un pareil malheur, si ce conquérant, au retour d'une guerre heureuse, rentrait en France à la tête d'une armée victorieuse ; si plein de confiance dans ses légions, il
oubliait qu'il ne doit commander qu'au nom de la loi, ne pourrait il pas dire :
« Quel est celui de mes prédécesseurs qui acon-senti et sanctionné des lois si impérieuses? Quel est celui qui a signé l'acte qui borne et fixe mou pouvoir?... Aucun... Je puis donc choisir dans mes aïeux le modèle qui me convient. »
S'il est vertueux, il choisira Louis XVI; mais si c'est un tyran, il imitera Louis XI. La France j perdra sa Constitution, et sera plongée dans un déluge de sang.
La régénération de l'Etat, Messieurs, dans ce moment de danger et de crise, apprendra à l'univers que la nation française, accablée de malheurs et d'une dette immense, s'est relevée avec la splendeur qui lui convient, par la sagesse et la fermeté de ses représentants; que le vertueux monarque qui nous gouverne, trompé pendant quelque temps, a fini par écouter les conseils de sa nation fidèle; qu'il lui a confié la rédaction des lois nécessaires à la prospérité de son empire ; qu'il les a sanctionnées, sans soupçonner ses peuples de vouloir attenter à ses prérogatives royales ; mais qu'il s'est regardé comme le père d'une nombreuse famille, dont il a voulu assurer l'existence d'une manière authentique ; et cette sage Constitution, que vous allez établir, honorera les législateurs qui y auront présidé; et le prince auguste qui les a assemblés sera l'objet de l'amour et du respect de ses peuples. Le nom sacré de Louis XVI sera prononcé avec attendrissement par les races futures ; et le contrat social, que Sa Majesté va signer avec sa nation, deviendra le lien indestructible de son pouvoir, et le garant de la liberté de la France.
Je conclus à l'arrêté suivant: L'Assemblée nationale, considérant que les questions de la permanence des Assemblées nationales, de l'organisation de l'Assemblée dans une ou deux Chambres, elle consentement de la nation à la sanction royale, sont les bases de la Constitution et le rempart de la liberté publique, après avoir pesé dans sa sagesse les avantages et les inconvénients des différents projets relatifs à ces trois questions, a décrété l'arrêté suivant :
^L'Assemblée nationale déclare qu'elle sera permanente ; que chaque année les représentants de la nation s'assembleront pendant quatre mois aux époques qui seront indiquées, et qu'ils y recevront les comptes de tous les agents de l'autorité ;
2° Que l'Assemblée nationale sera composée d'une Chambre unique; que les Assemblées élémentaires se feront tous les trois ans, et que les peuples auront le droit à ces époques de nommer de nouveaux représentants;
3° Que les lois nouvelles n'auront force de lois que lorsqu'elles auront été sanctionnées par le Roi;
4° Que les lois auxquelles Sa Majesté accordera sa sanction seront exécutées sur-le-champ, et seront lois du royaume;
5° Que les lois 'que Sa Majesté refusera de sanctionner demeureront sans force ni exécution jusqu'à ce que les peuples, convoqués de nouveau, aient manifesté leur vœu positif sur la loi refusée par le monarque;
6Que dans le cas où les'peuples demanderaient la sanction d'une loi refusée par le Roi à la session précédente, Sa Majesté, sur le vœu réitéré des peuples, ne pourra, dans aucun cas, refuser sa sanction royale.
La fin du discours de M. le marquis de Sillery est fréquemment interrompue.
Les deux partis qui existent dans l'Assemblée s'agitent d'une manière très-bruyante.
Le président ne parvient pas à se faire entendre malgré l'usage très-fréquent delà sonnette.
Plusieurs membres pensent que les questions discutées depuis plusieurs jours sont suffisamment éclaircies.
consulte la Chambre qui décide, à la majorité, que la discussion ne sera pas prolongée au delà de la première séance.
lève la séance après en avoir indiqué une pour ce soir sept heures.
Du
Lecture a été faite delà liste ci-après des membres choisis par chaque généralité pour composer le comité d'agricullure et de commerce (1).
généralités.
MM.
Paris.
Dupont (de Nemours),
se-cret a ire-adjoint.
Picardie.
Delattre.
Champagne.
Camusat de Belombre.
Soissons.
Bailly (du Vermandois).
Orléans.
Gillet de la Jacqueminière.
Bourges.
Heurtault de la Merville,
vice-président.
Lyon.
Goudard.
La Rochelle.
Griffon.
Moulins.
Le marquis do Bonnay,
président.
Riom.
De Riberolles.
Poitiers.
Dubois.
Limoges.
Augier.
Bordeaux.
Gaschet de Lille.
Tours.
Lasnier de Vaussenay.
Auch.
La Claverie.
Jîomauban.
Pons de Soulages.
Rouen.
De Fontenay.
Caen.
Pérée-Duhamel.
Alençon.
Colombel de Boisaulard.
Perpignan et Roussillon.
Tixedor.
Bretagne.
Huard.
Aix.
Jaume.
Toulouse.
Ko us sillon.
Montpellier.
Meynier de Salinelles.
Pau et Bayonne.
Pemartin.
Bourgogne.
Hernoux, négociant.
Eranche-Comté.
Regnauld d'Epercy.
Grenoble.
Blancard.
Metz, 3évèchés et Clermont.
Millet de la Mambre.
Alsace.
Turckeim.
Flandre et Artois.
Herwy n, premier secrétaire
Hainault et Cambrésis.
Poncin.
Lorraine et Barrois.
Cherrier.
Ile de Corse.
Le comte deButtafuoco.
Saint-Domingue.
Le comte de Reynaud.
L'un de MM. les secrétaires a lu la notice de différentes adresses de félicitations,
d'adhésion et de respect envoyées à l'Assemblée de la part de la noblesse du Labour, du
comité national du bailliage de Saint-Sauveur-Lendelin, séant en la ville de Perriers; des
officiers municipaux de la paroisse déMatigny, bailliage de Péronne, qui demandent une
justice royale; des électeurs du clergé, de la noblesse et des communes du bail-
Il a été présenté ensuite yn exemplaire d'un ouvrage ayant pour titre v. Sur la réforme du clergé et sur une meilleure distribution des biens ecclésiastiques par M. l'abbé Castan de la Courtade, professeur au collège royal de Béziers, qui en fait hommage à l'Assemblée nationale.
Le comité des finances ayant fait lecture à l'Assemblée de deux projets de décrets, l'un relatif à la gabelle, l'autre à' la manière d'exécuter le décret national par lequel le clergé, la noblesse et les privilégiés se sont engagés à supporter dès à présent, pour les six derniers mois de cette année/dans la proportion de leurs propriétés, et sans aucune distinction, les impositions établies, ces projets ont été livrés à une discussion préalable, après laquelle FAssembléè a délibéré qu'ils seraient renvoyés dans les bureaux pour y être examinés, et là Discussion publique en être reprise incessamment.
a annoncé la prochaine séance pour mercredi huit heures et demie du matin.
Du
Un des secrétaire? a fait lecture d'une adresse de félicitations, renjerpiements et adhésion aux arrêtés de l'Assemblée, de la part de la ville et )aroisse du palais de 6e!lc-Islé-en-Mer; d'nqe semblable adresse de la part de la ville d'Orthez en îéarn ; de la lettre du sieur deSucy, citoyen de Valence en Dauphiné, par laquelle il fait hommage à l'Assemblée d'un acte de renonciation aux avantages qui résultent, en sa faveur, du testament de son père, et qui pourraient établir la moindre inégalité entre' lui et ses trois sœurs ; d'une lettre du sieur J* Martin, qui adresse à l'Assemblée, pour son comité des finances plusieurs exemplaires d'un ouvrage JntituJé: Etrennes financières ou Recueil des matières les plus importantes ev> firtancQ, banque, commerce, etc.
Il a été annoncé qu'un citoyen de Valence avait fait remettre une montre d'or pour être jointe aux bijoux dont le sacrifice a été fait, à la séanpe précédente, en faveur de la dette publique.
11 a été ensuite fait lecture d'une-lettre adressée à M. le président par M. Delahaye Delaunay, député d'Orléans, au nom d'une dame, sa parente, qui désire que son nom reste inconnu, et qui a fait remettre sur le bureau un collier et un chiffre de brillants de la valeur de 8,003 livres environ, dont e|le a fait le sacrifice à la patrie.
L'Assemblée a donné les plus vifs applaudissements à.ces généreux sacrifices et au patriotisme qui les a déterminés.
On a repris l'ordre du jour sur l'organisation du Corps législatif, la, permanence et la sanction royale.
a développé à l'Assemblée le plan, d'après lequel il dédirait soumettre à la délibération les différentes questions qui ont été disçqlées pendant le cours de la semaine dernière.
Eq vqici l'extrait :
Trois propositions ont été agitées dans l'Assemblée nationale : la permaneuce ou la périodicité des Etats généraux, leur formation en une ou deux Chambres et la sanction royale. Il est dans l'ordre de résoudre préalablement 1$ proposition faite par M. l'abbé Sieyès, qui tend à discuter d'abord l'organisation et la formation des assemblées provinciales et municipales.
11 existe deux formes : proposer d'abord les arrêtés, et ensuite les amendements. Il couyient de ne poser que des questions simples.
Dans le cas où l'Assemblée délibérerait sur la forme des arrêtés, il faudrait discuter quel sera le premier arrêté soumis à la discussion.
Ces projets renfermeront-ils à la fois toutes les questions ? Dans le cas où il faudrait les débattre, je vîiis vous les présenter.
La première question est celle de la permanence-. . i ' i àam • ai» • M
Sera-t-elle permanente ou périodique ? Si l'on décide que l'Assemblée sera permanente, vous avez encore à décider dans quel temps les membres se renouvelleront : le Roi aura-t-il le droit de dissoudre le Corps législatif 1
La sanction royale est la seconde question.
Le Roi pourra-t-il exercer le veto indéfiniment ou pendant un temps déterminé ? Ne pourra-t-il Pexercer qu'en dissolvant l'Assemblée ?
Il faut, dans le dernier cas, distinguer le terme de ce pouvoir.
Le Roi ne pourra-t il refuser la sanction que pendant le cours d'une, deux ou trois législatures ? Et quant au pouvoir, le veto sera-t-il décidé dans les Assemblées bailliagères, ou l'Assemblée nationale lèvera-t-elle elle-même le veto ?
L'organisation du pouvoir législatif est la troisième question/
L'Assemblée nationale sera-telle composée d'une ou de deux Chambres?Seront-elles formées de la même manière ? S'il y a des différences, quelles seront-elles ?
D'abord y aura-t-il égalité de membres dans les deux Chambres? Faudra-t-il être d'un âge plus avancé pour être admis dans telle Chambre que dans telle autre ? Exigera-t-on une propriété plus considérable pour l'une des deux: Chambres que pour l'autre ? L'élection sera-t-elle la même ? Les membres de l'une seront-ils choisis par le Roi, sur la présentation des Assemblées provinciales ? L'exercice d'une des deux Chambres sera-t-il plus long que celui de l'autre ? Les membres de l'une des deux Chambres seront-ils à vie ou pour un petit nombre d'années ?
Comment les deux Chambres seront-elles appelées ? Seront-elles distinguées par leurs fonctions ?
chacune de ces Chambres aura-t-elle l'initiative, c'est-à-dire le droit de proposer les lois, ou l'une des deux seule jouira-t-elle de ce droit ? Ce droit sera-t-il indéfini ? Dans le cas de veto sur l'une des deux Chambres, ce veto sera-t-il indéfini ou déterminé à une législature ? L'une des deux Chambres sera-t-elle un tribunal de judicature pour juger de certaines affaires ?
Tel a été le tableau présenté par M. le Président. L'Assemblée a été effrayée du danger qu'il y aurait à se livrer à une aussi grande multitude ae questions qui avaient été abandonnées aussitôt qu'elles avaient été proposées.
Ce tableau est rejeté.
propose une question préliminaire : celle de savoir si, dans le cas où la sanction serait accordée au Roi, il pourrait la refuser à tous les décrets faits et à faire par l'Assemblée actuelle.
. J'observe qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette proposition. Nous agissons en vertu du pouvoir constituant ; or, ce serait mettre en question si le pouvoir constituant ne peut agir qu'avec la permission du pouvoir constitué. La Constitution ne peut être soumise au veto. Nous devons passer sur-le-champ à la solution de la permanence.
. La permanence est la première que vous avez à décider. Elle en présente trois différentes : 1° L'Assemblée sera-t-elle permanente ? 2° A quelles époques ses membres se réuniront-ils ? 3° Enfin, quelle sera la durée de ses sessions.?
présente le projet suivant : •
> L'Assemblée nationale sera-t-elle permanente ?
2° Se renouvellera-t-el le graduellement ?
3° Aura-t-elle des sessions tous les ans ?
Un membre veut que l'on délibère par oui ou par non, et en conséquence il pose ainsi la question : L'Assemblée nationale sera-t-elle permanente ou périodique? Sera-t-elle composée d'une haute Chambre ? Le veto sera-t-il abolu oU suspensif ?
demande que l'on pose ainsi la question de la permanence:
« L'Assemblée nationale pourra-t-elle se rassembler quand elle le jugera à propos, et de plein droit
. Si l'on me demande : Voulez-vous la permanence ? je ne puis répondre si je ne sais ce qu'on entend par l'an-nualité.
Voulez-vous deux Chambres ? Je réponds que je veux deux Chambres, si elles ne sont que deux sanctions 2d'une seule; et que je n'en veux qu'une, si lune doit avoir un veto sur l'autre.
Voulez-vous un veto absolu ou un veto suspensif ?
Je réponds : il faut d'abord me demander si je veux un veto ; puis leveto absolu n'est-il pas un être de raison ? Je pose donc ainsi les questions qui me semblent devoir être délibérées les premières :
L'Assemblée nationale sera-t-elle permanente, c est-à-dire ssemblera-t-elle tous les ans ?
Les Assemblées se renouvelleront-elles tous les deux ans ?
. Nous avons trois questions à juger. Tout le monde sait ce que signifie le mot de permanence. 11 n'est pas plus utile de se disputer sur la question d'une ou deux Chambres ou du veto, parce que tout le monde sait encore ce que ces mots signifient.
propose les questions dans les termes suivants :
1° L'Assemblée nationale sera-t-elle permanente ou périodique ?
2° Y aura-t-il une ou deux Chambres ?
3° La sanction royale aura-t-elle lieu ou non ?
4° Sera-t-elie suspensive ou pure et simple ?
L'on a adopté cette distribution sur les questions ; mais l'on a longtemps disputé sur ces mots : L Assemblée nationale sera-t-elle permanente? Il a été fait différents amendements.
L'incertitude sur le mot permanence semblait inquiéter différents membres.
Il a été décidé que l'on n'agiterait plus ce que signifie le mot permanence ; malgré ce décret, il y a toujours eu des membres qui se sont expliqués sur ce qu'il signifiait. Les uns ont dit que par permanence on devrait entendre des assemblées annuelles, et d'autres des assemblées toujours subsistantes.
On a ensuite proposé des amendements.
Au lieu d'Assemblée nationale, on voulait mettre le pouvoir législatif, la législature, le Corps législatif et bien d'autres termes; en sorte que l'on voulait établir une espèce de distinction entre l'Assemblée nationale actuelle et les Assemblées nationales futures. C'est pour faire sentir cette distinction qu'un membre a dit que cette fois-ci l'Assemblée nationale avait la législature et le pouvoir constituant, et qu'à la prochaine session elle n'aurait que la législature.
propose aussi son arrêté : L'Assemblée législative tiendra ses séances tous les ans sans avoir besoin d'aucune convocation, et se mettra elle-même en vacances.
Un autre membre veut qu'on pose ainsi la question : L'Assemblée nationale sera-t-elle ou ne sera-t-elle pas permanente ?
Bien des membres craignent qu'en déclarant l'Assemblée nationale permanente, cela ne produise une erreur, et qu'on ne pense que c'est l'Assemblée nationale, ou plutôt ses membres, qui se déclarent permanents.
est de ce nombre. On vous a dit, s'écrie-t-il, que l'Assemblée nationale ne serait pas à l'avenir ce qu'elle est. Tout est nouveau pour nous..Nous marchons à une régénération ; nous nous sommes créé des mots pour exprimer de nouvelles idées. De là l'erreur où l'on tombera : si vous dites que l'Assemblée nationale est permanente, on croira que vous vous serez déclarés vous-mêmes permanents. Je pense, comme M. de Beauharnais, qu'il faut mettre le Corps législatif.
propose l'ar-[ rêté suivant :
La nation aura toujours un corps permanent de représentants ; ils tiendront tous séance une fois par année.
Cet arrêté est applaudi ; il semble prévenir l'ex-
pression du vœu général ; mais on ne va pas encore aux voix.
veut restreindre le pouvoir des Assemblées nationales futures.
Toutes les objections se multiplient de plus en plus, et éloignent davantage le but de l'Assemblée nationale.
Impatienté d'aller aux voix, elle demande l'arrêté de M. Camus, et il est décrété que l'Assemblée nationale sera permanente.
L'on allait examiner la question suivante, celle de l'unité des pouvoirs législatifs, lorsque M. le comte de Mirabeaufait la motion suivante :
« Attendu, dit-il, que l'Assemblée nationale a décrété qu'elle serait perpétuelle, qu'il est décidé qu'il y aura une Assemblée toujours permanente, et qu*it est jugé par là qu'il n'y aura pas deux Chambres, il n'y a pa^ lieu à délibérer. »
Cette motion a été applaudie et soutenue avec un succès complet.
est le premier qui s'opppose à celle question préalable. Auteur d'un projet sur l'organisation des deux Chambres, il regrette que son plan soit aussi rapidement pulvérisé.
Il commence par invoquer dans son langage la sagesse de l'Assemblée nationale, et finit par dire qu'il vote pour deux Chambres, quoiqu'il ne veuille pas deux Chambres.
. Il me semble qui! ne doit pas y avoir lieu à délibérer sur cette question, parce que l'Assemblée, en décrétant la permanence, a décrété l'unité.
s'élève avec véhémence contre la motion de M. le comte de Mirabeau.
Eh quoi I s'écrie-t-il, nous touchions au moment de résoudre les grandes questions dont la France attend la solution, et I on cherche, par des surprises,à éloigner ce moment! Qui ne s'indignerait contre de pareilles divagations, dont le motif est de nous entraîner toujours loin du but? On a décrété que l'on suivrait les questions telles qu'elles ont été proposées par M. Camus; il n'est donc pas permis de mettre en délibération si l'Assemblée suivra ses décrets.
. La division de l'Assemblée en sections égales, et pour quelques travaux particuliers, est un fait de police intérieure. En demandant la question préalable sur la seconde question, je n'ai voulu que faire ressortir le vice de l'énoncé de la première, et la transposition qu'on avait faite, eu la traitant avant la seconde ; j'ai voulu dire, d'une manière laconique, à l'Assemblée qui, moins que jamais, aime les longs discours, que son unilé existe essentiellement dans sa permanence. Maintenant je déclare que j'ai toujours redouté d'indigner la raison, mais jamais les individus. M. Regnaud,et même le Courrier de Versailles avec lui (1) peuvent donc à présent s'indigner autant que cela leur conviendra; ils voient bien que peu m'importe.
combat la motion; mais l'Assemblée commençait à rompre le
Pressé par ma conscience, dit-il, c'est sur la foi publique que je réclame contre une surprise. Je sais bien que l'on peut interpréter du mot Assemblée nationale l'induction que l'on en voudrait tirer; mais l'Assemblée nationale a interprété ses sentiments en adoptant l'arrêté de M. Camus; s'il en était autrement, je n'aurais qu'à pleurer sur les ruines de ma patrie. Il est impossible de dire que l'Assemblée, en votant la permanence, a voulu prononcer sur l'unité.
Peu à peu ia sensation qu'avait produite la motion de M. de Mirabeau diminue, et M. de Cler-mont-Tonnerre reçoit des applaudissements, ils ne sont que le prélude du plus affreux désordre.
profite d'un moment de silence pour prendre la parole.
Faut-il donc, dit-il, qu'une Assemblée nationale soit emportée par des démagogues et une fougue populaire?
Non, messieurs..... — Puis un estsorti de sa bouche.
(Ici mille cris opposés s'élèvent de tous côtés; ce ne sont plus des ^plaintes, des reproches, cyest un tumulte/ universel : ici Von crie a Vordre ; là on somme le président d'interrompre l'orateur; plus loin on invoque le règlement.)
sollicite contre l'orateur la honte d'une censure, i
descend de la tribune.
élève la voix et domine les murmures de l'Assemblée; il invoque le règlement, où toute approbation et toute improbatioii sont défendues. m. de Virieu n'a pas été entendu, dit-il, je demande qu'il le soit.
Cette motion est appuyée; mais elle ne peut être jugée.
Le désordre est à sonxomble.
montre le règlement : le signe supplée à l'insuffisance de sa voix et apaise les esprits; l'on se tait, et il est encore interrompu par une voix qui s'écrie qu'il n'est pas plus permis aux nobles d'appeler les représentants des communes démagogues, qu'aux communes d'appeler les nobles aristocrates.
M. de Virieu parlera ou non. Mais sa pèine est longue et pénible; sans cesse il lutte contre un chœur infatigable, qui crie constamment qu'on rappelle à l'ordre M. de Virieu.
Entin on va aux voix, et il n'y a pas beaucoup de votants pour refuser la parole à M. de Virieu. Mais il n'en a pas joui. Il allait parier, lorsqu'un des membres des communes, voisin de la tribune, l'accuse d'avoir souillé sa bouche d'un jurement, et d'avoir, d'un geste menaçant, montré une partie de l'Assemblée en prononçant démagogues.
fait bonne contenance ; il laisse à d'autres le soin de le défendre, et répète les accusations dont le charge son dénonciateur.
Ici des membres se retirent, mais en petit
nombre. M. le président arrête l'Assemblée prête à se dissoudre.
Faut-il donc, dit-il, perdre de vue les grands objets qui nous occupent pour nous livrer à des personnalités?
Le calme renaît pour un instant; on oublie les reproches faits à M. de Virieu; après quoi M. le président déclare qu'il a trouvé une de ses expressions trop fortes. Enfin on rejette la motion de M. de Mirabeau. A peine est-elle rejetée, que l'on veut aller aux voix sur l'unité du pouvoir législatif.
observe qu'il faut déclarer avant tout quelle sera l'organisation des deux Chambres, pour savoir si on doit préférer les deux Chambres à une seule.
veut parler, on l'interrompt. On demande à aller aux voix ; M. le président paraît ne pas entendre. On s'impatiente ; on somme le président de remplir son devoir.
demande la parole, on la lui refuse.
pose ainsi la question ; Y aura-t-il une ou deux Chambres? Mais le trouble recommence; les objections sur la question posée ainsi rappellent le désordre.
veut encore parler, et l'on accuse M. le président de l'avoir fait prier par un huissier de monter dans la tribune.
Un autre membre le somme de lui déclarer s'il n'est pas las de fatiguer l'Assemblée,
est offensé ; il rompt l'Assemblée, la convoque en bureaux pour nommer un autre président, et se retire.
L'Assemblée reste immobile pendant quelque temps : ensuite on demande un président. D'abord on jette les yeux sur M. le duc de Liancourt. Il monte à la tribune, et dit que c'est à M. Clermont-Tonnerre à accepter, comme dernier président.
monte à la tribune, il défend M. le président; il dit qu'il a été trop offensé, et qu'il n'est pas permis à un individu de le sommer de déclarer s'il n'est pas las de fatiguer l'Assemblée ; que le sentiment de la sensibilité est plus ancien que toutes les consti tutions, et que ce sentiment est si puissant sur des Français qu'il lés a fait vivre si longtemps sans constitution.
Enfin il prie de regarder l'Assemblée comme rompue, ou qu'il ne montera au bureau que pour offrir une nouvelle démission. L'Assemblée applaudit à M. de Clermont.
Il prend la place de président, lève, la séance, et l'indique à ce soir sept heures et demie.
Du
, ancien président, a ouvert la séance par la lecture d'une lettre de M. de La Luzerne, évêque, duc de Langres, président actuel, qui l'engage à renouveler
à l'Assemblée l'offre de sa démission, et à la supplier de l'accepter.
Il a proposé à l'Assemblée de ne point accepter cette démission, et d'engager M. le président à continuer ses fonctions. Cette proposition ayant été adoptée, l'Assemblée a chargé M. dèClermont-Tonnerre d'annoncer à M. le président qu'elle n'accepte pas sa démission, et qu'elle l'engage à continuer les fonctions qu'elle lui a confiées ; et cependant, jusqu'à ce qu'il les ait reprises, elle a invité M. de Clermont-Tonnerre à le remplacer.
Il a été ensuite fait lecture d'-une lettre de M. d'André, député d'Aix en Provence, par laquelle il annonce à l'Assemblée que le Roi vient de lui confier, pour la Provence, une commission momentanée, et il la prie d'agréer les motifs de son absence.
Le comité d'agriculture et de commerce a fait annoncer que, pour satisfaire au décret de l'Assemblée, il a choisi six de ses membres pour s'occuper de l'affaire des colonies. La liste de ces six membres a été proclamée ainsi qu'il suit :
MM.
Turckeim.
De Fontenay.
Roussillon.
MM.
Gilletde la Jacqaeminière.
Lasnlier de Vaussenay,
Heurtault de la Merville.
On a repris la discussion commencée à la séance du lundi soir, 7 de ce mois, sur la gabelle ; et quelques difficultés s'étant élevées sur Tordre dans lequel doivent être appelés ceux qui avaient demandé la parole, l'Assemblée a décidé, comme règle générale pour l'avenir, qu'à l'ouverture de chaque discussion il sera fait publiquement une liste de ceux qui réclameront la parole, et que cette liste sera invariablement suivie.
En exécution de ce règlement, la liste, dressée à l'ouverture de la discussion actuelle, a réglé l'ordre de l'appel.
La discussion sur la gabelle a lieu.
Les uns veulent que l'on établisse la gabelle dans toutes les provinces indistinctement, et que le sel soit payé alors six sous la livre.
D'autres veulent que l'on ne paie que six sous la livre jusqu'à une certaine époque.
Enfin quelques membres font revivre le funeste projet de M. de Calonne.
Tout le monde sait qu'il voulait, diminuant le prix du sel, y assujettir tous les citoyens, même les enfants de sept ans, dont il portait la consommation à sept livres pesant.
Enfin la séance est levée sur les dix heures, et l'on renvoie l'affaire à la séance prochaine de relevée.
Séance du
, et fait les fonctions de président.
« J'ai rendu compte à l'Assemblée nationale, M. le comte, de vos soins vigilants et des dispositions sages que vous avez faites pour assurer invariablement le repos de là, ville de Versailles et le respect dû au lieu où se tiennent ses séances.
« L'Assemblée nationale, M. le comte, me charge de vous témoigner son approbaiion et sa sensibilité; je me trouve heureux d'en être l'organe. Accoutumé dès longtemps aux triomphes militaires, vous avez trouvé un nouveau moyen d'ajouter à votre gloire, en consacrant à vos concitoyens devenus libres* des jours souvent exposés pour la patrie. Il est beau et heureux, M. le comte, d'être craint des ennemis de l'Etat, et d'être loué par l'Assemblée nationale.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé de Clermont-Tonnerre. »
Il a été fait lecture de différentes adresses et du procès-verbal du jour d'hier. Au nombre de ces adresses et délibérations sont celles de Pi-gnans en Provence, Tourves, Ginasservis, Saint-Nazaire, Manosque, Signes, Riez, Cuers, Gallas ; de la ville de Toulon, de Saint-Jean-d'Angély, et des officiers de justice de la même ville, de la ville des Martigues, des trois ordres de Draguignan, de BarjolS; de Carcès, de la communauté duBeausset, de Valensole en Provence, de la communauté de la Capelle-Biron, des officiers municipaux et comité permanent de la ville de Lizieux, des officiers de la légion nationale deMorès en Montagne; de la ville de Saint-Céré en Quercy ; de la communauté de Ginestas, diocèse de Narbonne ; de la ville d'flédé, de Ploërmel en Bretagne, de la ville d'Ambert en Auvergne, et de diverses municipalités de ce canton ; toutes ces adresses portant félicitations, reconnaissance et adhésion aux décrets de l'Assemblée ; ensuite de la communauté d'Onnot en Provence, et du conseil général delà communauté de Meounes, sur la formation d'une milice bourgeoise ; de deux adresses de la ville de Sierck en Lorraine, portant adhésion et demande d'un siège royal ; de deux adresses de la ville de Chinon en "Touraine, présentées par M. Chesnon de Baigneux, député de cette province à l'Assemblée nationale, par lesquelles, outre les assurances ordinaires de respect et d'adhésion, elle demande une députation directe aux futures Assemblées nationales, par rapport à sa population, et une augmentation de ressort, lors de l'arrondissement des tribunaux; d'une lettre de M. Joli, avocat du Roi et conseiller au présidial de la Montagne, établi à Châtillon-sur-Seine, par laquelle il fait hommage à la nation de la finance de ses deux offices ; d'une autre lettre de M. le chevalier le Pelletier de Glatigni, suppléant de Grépyen Valois, par laquelle il offre le prêt gratuit d'une somme de dix mille livres.
On lit, dans un arrêté de la ville de Rennes, portant que le veto royal est inadmissible, que le pouvoir législatif appartient à la nation, et déclare ennemis de la patrie tous ceux qui contesteraient ces principes.
demande la parole ; on réclamé l'ordre du jour.
demande qu'il soit sursis à l'impression du procès-verbal jusqu'à ce qu'il ait obtenu la parole.
On la lui accorde, etil continue en ces termes: Je ne veux pas connaître ceux qui ont déposé sur le bureau la déclaration de l'hôtel de ville da Rennes ; mais elle est attentatoire à la liberté de l'Assamblée nationale ; elle est l'ouvrage de ce seul hôtel de ville. Tout le reste de la Bretagne se tait, et ce silence est une improbation assez humiliante pour l'arrêté de cette municipalité. Je pense donc que l'Assemblée doit prononcer un décret difrne de la liberté de l'Assemblée.
. J'appuie la motion de M. Garat. 11 faut distinguer les deux objets de l'at-rêté. Le premier déclare que le veto est inadmissible; le second est celui où les citoyens qui voudront soutenir le contraire sont ennemis de la patrie. Les municipalités ont été chargées, dans les temps de troubles, de la police ; mais jamais elles n'ont été des tribunaux de législation. J'ignore quel sera votre jugement sur une des plus grandes questions que vous agiterez ; mais certainement la municipalité de Rennes n'avait pas le droit de déclarer ennemis de la patrie votre comité de constitution, et plus de quatre cenls personnes qui ont déclaré que le veto était admissible.
Ici l'on demande la lecture de l'arrêté ; là, la question préalable; d'un autre côté, l'ajournement.
. Quand il serait vrai qu'il pourrait y avoir jamais de la dignité dans la colère, je ne vois pas ce qui peut/ dans l'adresse qui vient d'être lue, exciter la colère de l'Assemblée. Melun, Chaillot, le Poinl-du-Jour, Viroflay ont le droit de débiter les mêmes absurdités que Rennes; comme Rennes, ils peuvent qualifier d'infâmes ou de traîtres à la patrie ceux qui ne partageront pas leurs opinions; l'Assemblée nationale n'a pas le temps de s'instituer professeur des municipalités qui avancent de fausses maximes ; elle doit s'en rapporter à la sagesse des excellents députés bretons, pour faire circuler les vrais principes dans leur patrie. Je demande l'ordre du jour.
. Je prie M. le président de rappeler l'opinant à l'ordre; si un député se permet de censurer, il ne doit pas au moins étendre son esprit de critique sur les commettants d'une province qui mérite quelque considération.
. J'observe que ce n'est pas le cas de rappeler à l'ordre ; le règlement ne permet de le faire que dans le cas où un membre se serait permis quelque personnalité, et ici M. le comte de Mirabeau n'a encouru aucune censure de ce genre.
. Je répondrai à l'honorable préopinant, c'est-à-dire à l'un de mes collègues que j'aime et que j'honore le plus, que mes commettants sont la nation ; que je ne dois compte de mes principes qu'à elle, lorsque surtout je n'ai attaqué ni l'Assemblée, ni les individus ; que je ne suis pas du nombre de ceux qui, pour exprimer un arrêté violent, disent un arrêté breton que d'ailleurs toute province, comme toute ville, n'est que sujette ; et que, membre du Corps
législatif, je ne dois rien de plus à l'hôtel de j ville de Rennes que les grands égards dus par tout citoyen à une agrégation de citoyens, et que je.-ne suis pas trop sévère en traitant cl"absurde ce que. d'autres ont traité de criminel.
Je persiste donc à penser que si l'Assemblée délibère plus longtemps sur cet objet elle aura l'air I d'un géant qui se hausse sur ses pieds pour paraître grand; je conclus à ce que l'adresse de Rennes soit regardée comme nulle et non-avenue, ou renvoyée à ses auteurs, sans aucune note qualificative.
reprend son discours, qu'on lui avait fait interrompre. Il dit très-peu de chose, et finit par taxer l'arrêté, de Rennes de | véritable proscription, et demander qu'on leren- | voie à cette municipalité avec des marques d'im-probation.
, voyant que plusieurs membres appuient la motion de M. l'abbé Maury, demande la parole.
Longtemps il prie qu'on l'écoute, longtemps l'Assemblée le refuse ; la parole était à M. le marquis d'Estourmel : celui-ci l'a cédée à M. Le Chapelier.
. La question que vous agitez me force de prendre la parole pour deux raisons : d'abord, parce qu'en ma qualité de député de Rennes, je dois rejeter deux avis dangereux à la commune que j'ai l'honneur de représenter ; je suis ici son défenseur, et vous ne la condamnerez certainement pas sans entendre sa justification.
L'adresse qu'elle vous a envoyée ne doit d'abord pas être qualifiée d'absurde ; elle ne renferme que des sentiments, que des principes qui ont été professés dans cette Assemblée. Vous les avez entendus dans la bouche de M. l'abbé Sieyès ; et quand un membre déclare l'acte qui les renferme absurde, ce n'est que son opinion qu'il oppose à celle d'une grande cité et à ùhe partie de cette Assemblée ; ce qui méfait croire que ce n'est pas à lui à la qualifier d'absurde.
L'adresse ne doit pas encore être regardée comme peu respectueuse, parce que l'on ne doit pas s'arrêter aux termes. La dignité de l'Assemblée est toujours la même, elle est au-dessus de toute atteinte. Quant aux proscriptions dont on a parlé, comment peut-on supposer que ce soit là l'esprit de l'arrêté?
Ce n'était certainement pas là l'intention des citoyens de Rennes, qui, dans tous les temps, ont bien mérité de la patrie.
Cette justification n'a fait aucune impression.
. Mes principes sont contraires à ceux du préopinant; l'adresse de Rennes est irrespectueuse, parce que si une municipalité a le droit de témoigner son vœu à ses députés elle, n'a pas le droit de déclarer traîtres à la patrie les commettants des autres municipalités qui ne voudraient pas s'y soumettre.
Cette discussion est interrompue par le député de Dinan, M. Gagon-Duchenay.
Les habitants de Dinan ont adhéré à l'arrêté de Rennes, et il n'y avait sur le bureau que la copie de l'arrêté de Rennes, et l'acte orignal d'adhésion de Dinan. Ainsi ce n'est qu'indirectement que l'Assemblée a reçu la
copie de l'arrêté de là cômmùiîé dé Rennes- J'ai été chargé par mescdrtimëttânts deréfhéttre à l'Assemblée nationale leur acte d'adhésion à l'arrêté de Rennes, j'ai été ainsi obligé de ne pas séparer l'acte cohérent à l'adhésion.
Ce député témoigne à l'Assemblée tous ses regrets d'avoir déposé ces actes sur le bureau, et s'excuse sur ce que ses commettants l'en ont chargé spécialement.
observe que, puisque le député de Dinan est fâché d'avoir communiqué l'arrêté de Rennes, il n'a qu'à le retirer, et qu'il ne sera plus question d'une affaire qui a déjà fait tant perdre de temps à l'Assemblée.
Cet avis remédiait à toutes les lenteurs, prévenait toutes les difficultés.
Il n'a trouvé que quelques opposants, entre autres M. Le Chapelier, qui a conclu à ce que l'on fasse mention de l'adresse de Rennes dans le procès-verbal, en ces termes: À dresse de la ville de Rennes, où elle exprime son vœu sur le veto absolu.
tient encore à son opinion ; il prétend qu'on ne peut retirer dû bureau l'adresse qui y a été déposée.
Représente que l'adresse de Rennes n'ayant été remise qu'indirectement, celui qui l'a remise n'en ayant pas été chargé par la commune, il peut la retirer; que si Rennes veut qu'elle soit dans les archives de l'Assemblée, elle chargera ses commettants de la déposer.
L'on va aux voix pour savoir si le député de Dinaq pourrait retirer l'adresse de Rennes.
L'affirmative est décrétée.
Ramenés à l'ordre du jour, c'est-à-dire à la question de l'unité ou de la pluralité des Chambres, plusieurs membres demandent la parole pour la question ; elle était déjà posée dans l'arrêté de M. Camus, adopté hier;
veut proposer un changement dans là question, mais il h'éSt pas entendu.
s'élève contre toutes les questions que l'on veut proposer, et il rappelle le décret de l'Assemblée. Cependant il se trouve des membres qui veulent proposer des amendements.
Ils réclament les termes du règlement ; mais on va aux voix pour savoir si on les attendra. Il est décrété que la question sera posée dans les termes employés par M. Camus.
La question est donc ainsi posée : Y aura-t-il une ou deux Chambres ?
L'appel nominal est adopté.
Plusieurs provinces entières, entre autres les députés des communes de Paris, sont pour l'unité du pouvoir législatif. 11 y a quelques Vûix de perdues.
Plusieurs membres prétendent que là question n'est pas clairemeiit posée; d'autres croient que I l'unité de l'Assemblée n'exclut pas les divisions I de la Chambre en trois sections, ce qui équivaudra à trois grands bureaux ; on veut encore I faire des réflexions ultérieures ; mais une sage impatience de l'Assemblée ramène tous les 1 membres à la seconde question, posée ainsi nar I M. Camus : Y aura-t-il une ou deuùc Charribres?
On va aux voix par appel nominal. Il y a
490 voix pour une Chambre unique, 89 pour deux Chambres, 122 voix perdues ou sans vœu. La séance est levée.
Séance du
annonce que l'ordre du jour appelle différents rapports du comité des subsis* tances, du comité de judicature et du comité des rapports. m
Il a rendu compte de l'adresse des habitants du village du Champeuil, situé dans l'élection de Melun, qui se sont empressés de former une contribution volontaire de 800 livres, et qui en offrent l'hommage à l'Assemblée nationale pour subvenir, suivant leurs moyens, aux besoins de l'Etat. Le généreux patriotisme de ces utiles cultivateurs a excité l'admiration de. l'Assemblée,fui l'a témoignée par de vifs applaudissements. Ile a voulu que MM. Blanchard de Boismarsas, et Louis Miilon, laboureur, députés par le village de Champeuil pour porter cette adresse, fussent admis à sa séance, et y eussent une place honorable. Ils ont été introduits.
leur a dit :
Messieurs, j'ai rendu compte à l'Assemblée nationale de l'offre patriotique que vous venez déposer dans son sein : Elle la reçoit avec sensibilité, et vous accorde l'honneur d'assister à sa séance.
Vous retournerez, Messieurs, vers ceux qui vous ont envoyés; vous leur direz que l'Assemblée nationale a vu avec plaisir, mais sans éton-nement, les habitants de la campagne, qui donnent depuis si longtemps aux autres classes l'exemple des vertus utiles, leur donner aujourd'hui celui des sacrifices généreux.
Un membre du comité des rapports a soumis à l'Assemblée un arrêté des représentants de la commune de Paris, ainsi conçu :
« Sur les représentations faites par M. le commandant général que, dans l'exécution des arrêtés de la commune contre tout attroupement illégal et motions séditieuses, ou pour des ordres encore plus particuliers du pouvoir civil, plusieurs citoyens ont été conduits à l'hôtel de ville ou dans les prisons ; qu'en même temps que le serment à la nation, au Roi, à la loi et à la commune lui impose, ainsi qu'à toutes les troupes dont il était le chef, des devoirs aussi chers que sacrés, il doit exprimer à l'Assemblée son vœu pour que la procédure soit plus rapprochée du droit naturel, et que l'examen public des accusés fasse encore plus distinguer l'innocence et Terreur d'avec les complots perfides qu'il importe de dévoiler promptement, et de punir avec toute la rigueur des lois ;
« L'Assemblée après avoir reconnu que la capitale est dans un état de tranquillité, dont elle est redevable à la vigilance de M. le commandant général et à la fermeté de la garde nationale, capable de la maintenir ;
Déclarant qu'elle attend avec respect et avec la soumission due à l'expression de la volonté générale le résultat des travaux d'une Assemblée qui, chargée des pouvoirs de la nation, doit réunir tous les Français dans le sentiment d'une entière confiance ; "
« Mais que jusqu'à la réforme générale de la législation, la raison et l'humanité demandent
dès à présent des formes judiciaires qui, en secourant l'innocence, puissent mieux établir les preuves du crime et rendre la condamnation plus sûre;
« En conséquence, elle a arrêté que l'Assemblée nationale sera suppliée de vouloir bien décréter ou demander au Roi les réformes que la justice et la bonté du Roi ont déjà préparées et annoncées :
« 1° Que tout accusé aura droit de se choisir un conseil, ou que, ïauie par lui d'avoir pu s'en procurer, il lui en sera donné un d'oflice ;
t 2° Que l'instruction, soit en premier, soit en dernier ressort, soit publique ;
« 3° Qu'il sera instruit sur les faits justificatifs de l'accusé, en même temps que sur les charges produites contre lui;
« 4° Qu'aucune peine afflictive ne pourra être prononcée que par la réunion des deux tiers des voix du tribunal. »
propose d'autoriser le pouvoir exécutif à permettre que la procédure soit ainsi faite dans la capitale.
D'autres objectent que cette réforme dans le code criminel ne peut être partielle, qu'elle doit être pour tout le royaume.
propose de surseoir à toute procédure, jusqu'à ce que les abus de la procédure criminelle soient réformés.
Cette discussion se termine par rétablissement d'un comité de sept personnes, qui, dans trois jours, apportera une déclaration provisoire qui statuera sur la publicité de la procédure criminelle, l'admission des preuves justificatives et d'un conseil, pendant lequel temps il sera sursis à faire droit sur la demande de la commune de Paris.
L'on s'est occupé d'un projet d'arrêté présenté par le comité des rapports sur les grains. Cet arrêté a été trouvé très-obscur.
11 porte, 1° que ceux qui transporteront des grains à trois lieues de la frontière du royaume serout tenus de faire des déclarations aux municipalités du lieu dont ils partiront, et en présenteront une copie aux municipalités des lieux où ils arriveront, sous peine de saisie et confiscation ;
2° Que les étrangers qui auront fait des entrepôts en France seront obligés de se conformer aux lois des entrepôts :
3# Fait défense de s opposer à la circulation, sous peine d'être poursuivis comme perturbateurs.
11 y a eu quelques discussions sur cet arrêté, qui a été renvoyé à la prochaine séance de relevée.
Séance du
M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre, faisant fonctions de président, ouvre la séance.
Il est donné lecture du procès-verbal du 10 septembre au matin, des délibérations et adresses d'adhésion de la ville de Cholet en Anjou; du corps des officiers du régiment Dauphin, infanterie, en garnison à Givet, et des officiers du régiment de Champagne, infanterie, en garnison à Bordeaux; de tous les ordres de la ville et commune de Chalon-sur-Saône; des écoliers et pensionnaires du collège de Cussel en Auvergne; de la ville de Haute-Rive au diocèse de Toulouse; de la ville de Vézelay, généralité de Paris; de la ville de Vence en Provence; des officiers du pré-sidial de Condom; de la ville de Blesle, diocèse de Saint-Flour en Auvergne, et des paroisses voisines; des officiers municipaux du bailliage de Kandei en Haute-Alsace; du comité national de la ville de Coutances; des officiers du bailliage de Bourbon-Lancy; de la paroisse de Gentier, dans la province de la Marche, des habitants de Ville-Dieu en Normandie; de la municipalité de Beaumont-sur-Oise; de l'arrêté du district des Blancs-Manteaux de la ville de Paris, et du procès-verbal de la prestation de serment du régiment de Poitou, en garnison à Saint-Brieuc.
Un de MM. les secrétaires présente un livre intitulé : « Pensées sur la Philosophie de la loi, # dont M. l'abbé Lamourette prie l'Assemblée nationale d'agréer l'hommage.
lit une lettre écrite au nom du régiment du maréchal de Turenne, qui offre à la patrie, et à l'Assemblée nationale, un don de mille écus, à retenir sur la subsistance du mois courant.
On décrète qu'il sera écrit à ce régiment, par M. le présidënt, une lettre d'acceptation et de remerciement.
fait la motion d'ouvrir un registre pour y insérer les noms de ceux qui offriraient ainsi des sacrifices à la patrie.
appuie cette motion, et demande qu'il soit établi une caisse, et qu'il soit nommé trois membres pour y veiller et tenir les registres.
propose d'insérer dans les registres les noms même de ceux dont on aurait refusé les sacrifices, comme le régiment de Tu-renne.
.annonce une lettre qu'il vient de recevoir de M. le premier ministre des finances par laquelle il envoie un rapport qu'il a fait au conseil au Roi, sur la sanction royale et demande que son rapport soit lu à l'Assemblée. La lettre est ainsi conçue :
les ministres du Roi ont cru devoir entretenir Sa Majesté de ce qui fait actuellement l'objet de vos délibérations.
« Le Roi, après avoir pris connaissance de la question, m'a autorisé à soumettre à l'Assemblée ce mémoire. En vous le présentant, je tiens le langage que je tenais dans mon dernier rapport, etc.
Je suis avec respect, etc. »
Signé : NECKER.
L'un de MM. les secrétaires allait donner lecture du mémoire présenté par le ministre au nom du Roi, lorsque la motion suivante est faite,
. Personne n'est plus pénétré que moi de respect pour le monarque que la nation s'est donné elle-même. Ses vertus doivent nous le rendre cher; mais son nom ne doit jamais être prononcé dans la Constitution, et c'est pour cela même qu'il ne convient pas que l'on fasse connaître ici, dans une Constitution, les projets du conseil; sans cela, ce serait accorder au Roi bien plus que l'initiative.
Cette motion est appuyée avec beaucoup d'empressement.
Un membre la combat : Le Roi, dit-il, a le droit de se présenter dans cette Assemblée, de s'y faire entendre, et l'on ne peut se refuser à la lecture du mémoire.
réfute cette allégation.
la réfute aussi en disant : Cette lecture influera sur l'opinion de l'Assemblée, et alors elle est dangereuse; ou elle n'y influera pas, et alors elle est inutile.
. Dire que le Roi ne peut donner son avis sur la question qui nous occupe, ce serait dire qu'il ne serait pas individuellement le maître de rejeter ou d'accepter la Constitution pour ce qui le regarde, et cette assertion serait fausse. Le Roi a certainement le droit, pour son compte individuel, d'agréer ou de ne pas agréer la Constitution. Mais il n'y a aucune nécessité d'entendre la lecture du rapport fait au conseil, puisque, supposez que, dans ce rapport, le Roi refusât le vetor on n'en devrait pas moins attacher cette prérogative à la puissance royale, si l'Assemblée estime que le droit de suspendre les actes du Corps législatif est utile à la liberté de la nation.
Que nous importe d'ailleurs l'initiative du Roi, arrivée quand vous avez interdit la discussion à tous vos membres? On a fermé la discussion, on ne peut plus introduire les réflexious des ministres, à moins qu'on ne déclare la discussion rouverte pour tous les membres de cette Assemblée : sans cette condition, la proposition de la lecture du rapport ministériel est une inconséquence, qu'il n'est ni de votre dignité ni de votre sagesse d'admettre.
Le Roi est dépositaire d'un pouvoir. Pouvez-vous faire la distribution des pouvoirs sans entendre la principale partie de l'Etat? La discussion peut être rouverte parle même droit que vous l'avez fermée.
Je rejette l'avis du préopinant; la nation est le tout, et tout; je n'ai pas demandé que l'on rouvrît la discussion ; je n'ai pas le droit de faire cette proposition quand l'Assemblée a décidé le contraire; j'ai dit que si l'on se permettait de rouvrir la discussion en faveur du Roi, il faudrait la rouvrir pour tout le monde.
observé qu'en posant la question comme elle l'a été, on n'a jamais pensé que la sanction pût s'étendre à la Constitution.
Demander y aura-t-il une sanction? c'est demander si la loi sera promulguée ou exécutée. Le Roi pourra-t-il refuser ou non la promulgation? telle est la seule questioii digne de vous occuper.
Une nouvelle rédaction est présentée en ces termes :
La sanction royale est-elle nécessaire pour la promulgation de la loi ?
Elle donne encore lieu à des débats.
. Je propose de délibérer successivement sur les questions suivantes :
1° La sanction royale sera-t-elle nécessaire pour la validité des actes du Corps législatif?
J'observe que cette première rédaction a le double avantage d'embrasser toutes les opérations du Corps législatif, les impôts aussi bien que les projets de lois, et de ne point donner le nom de loi à des actes qui n'ont pas reçu leur complément; d'ailleurs on évite de se servir du mot loi, et si la loi est réellement loi, du moment où elle est proposée par le Corps législatif, elle n'aura besoin du consentement de personne pour exister dans toute sa force. Enfin ma rédaction sépare très-distinctement la Constitution de la législation.
Voici les autres questions :
2° Le Roi sera-t-ii libre de refuser la sanction royale aux actes à la validité desquels elle est nécessaire?
3° Lorsque le Roi aura refusé sa sanction, pourra-t-il être contraint à l'accorder sur la proposition d'une autre législature?
4° Cette législature, qui aura le droit de contraindre le Roi à la sanction, sera-t-elle la seconde législature, ou la troisième, ou la quatrième? .
. J'appuie la motion de M. le comte de Mirabeau : le veto n'est pas pour le Roi, mais pour l'intérêt de la nation ; le veto est la sauvegarde de nos droits, de notre liberté, et je pense, comme M. de Mirabeau, que quand même le Roi le refuserait, la nation le lui devrait accorder. Je pense comme lui que si on lit Je mémoire, il faut en continuer la discussion.
. Je défends les mêmes principes. Comme Français, comme citoyen, comme magistrat, j'appuie de toutes mes forces la motion de M. le comte de Mirabeau ; je ne crois pas qu'une question aussi délicate puisse être jugée sans avoir repris la discussion sur la lecture du mémoire.
Quelques membres insistent sur la lecture sans vouloir la discussion. D'un côté, l'on dit que si le Roi venait dans cette Assemblée, on ne refuserait pas de l'entendre; de l'autre, que la partie principale doit toujours être entendue : on oppose que ce sera lui donner l'initiative, mais qu'on ne peut la lui refuser, puisque la Constitution n'est pas encore faite.
. Si le Roi, en venant dans celte Assemblée, n'était chargé que d'un message, il n'aurait pas le droit d'être entendu; la nation n'est pas une partie, mais elle est le tout ; et, ainsi, Messieurs, les opinants ont mal saisi ma motion, puisque je m'oppose à la lecture.
. Vous ne contesterez pas au Roi le droit de donner son avis; mais ce serait lui accorder l'initiative que de l'écouter lorsque la discussion est fermée. 11 n'a pas de consentement à donner sur la Constitution, et il ne peut ni
demander ni refuser le veto. C'est à vous à examiner ee qui convient au Roi, ce qui convient au peuple; le Roi ne peut ni exigea le veto, ni le refuser : je le répète encore, c'est à vous de décider si c'est un droit de la royauté; il est par conséquent inutile de lire ce mémoire.
Plusieurs autres membres parlent sur ces questions; mais ils ne répètent que les raisons des préopinants.
Lés débats sont vifs, l'ordre est souvent interrompu; enfin on va aux voix, et il est décidé que le mémoire ne sera pas lu.
avertit l'Assemblée qu'elle a à décider les deux questions suivantes :
1° La sanction royale aura-t-elle lieu, ou non?
2° Sera-t-elle suspensive ou indéfinie?
Le désordre recommence; à peine les deux propositions sont-elles lues, que plusieurs membres veulent faire des amendements. Le plus intéressant est de savoir si on ajouterait aux mots : la sanction royale, les mots : sur les lois. ,
. Tout le monde reconnaît que la Constitution n'est pas soumise au veto, qu'il n'y a que les lois ; il est donc inutile d'énoncer une vérité incontestable.
. Faut-il ou ne faut-il pas une sanction ? c'est-à-dire, en d'autres termes, la loi doit-elle être promulguée et exécutée ou non ? et je n'entends pas comment on a occupé vos moments d'une manière si niaise ; sans doute elle doit être exécutée, car il est de toute évidence qu'il faut une sanction.
Le Roi aura-t-il ou n'aura-t-il pas le droit d'arrêter l'exécution et la promulgation de la loi? Voilà ce qui vous agite actuellement, et c'est ainsi que je poserais la question.
Un autre membre élève une question qui déjà a été débattue : celle de la distinction entre le veto et la sanction.
Selon lui, la sanction est le droit de défendre cette promulgation. Il prie l'Assemblée nationale de décider ce qu'elle entend par le mot sanction.
Ici s'élève une grande et importante question ; elle ne contribue pas peu à embarrasser l'Assemblée : c'est la signification du mot sanction.
On demande à M. de Glermont-Tonnerre ce qu'il entend en posant ainsi la question : La sanction royale aura-t-elle lieu?
. Le président contracte l'engagement de répondre aux questions qu'il pose ; mais, n'ayant pas posé celle-ci, je ne suis pas obligé de l'exprimer : tout ce que je puis laire, c'est de chercher à l'entendre.
Ici on commence à interpréter le mot sanction.
. Ce n'est que l'acte matériel par lequel le Roi scelle la loi ; ce n'est que la signature royale.
Le même membre parle^avec beaucoup de clarté surla difficulté présente. Les uns, par sanction, entendent le veto; les autres, au contraire, entendent le sceau donné à la loi, et c'est dans ce sens que l'on doit l'entendre. Si donc nous entendons par sanction lesceau à la loi, il n'y a pas lieu à délibérer : le Roi, dans tous lés cas, est forcé de l'apposer; mais s'il signifie consentement, il s'élève la question de savoir si le Roi
peut le refuser oui ou non, et si, ensuite, ce refus n'est pas suspensif ou absolu.
Je suis de l'avis du préopinant. Il faut expliquer les mots avant d'expliquer les choses ; ainsi il y a une première question à décider : Qu'est-ce que la sanction ?
reprend sa motion.
* 11 est évident^ dit-il, que l'on n'est pas d'accord sur le mot sanction ; il devient donc indispensable de connaître ce que l'on entend par sanc-tioiiP
fait également sentir l'amphibologie du mot sanction.
Si tout le monde, dit-il, pensait comme l'auteur de la motion, on saurait que sanction est le sceau donné à la loi ; mais ceux qui l'interprètent comme signifiant consentement lui donnent la force du veto. Dans le premier cas, nulle difficulté; dans le second, même difficulté que pour le veto, o
L'Assemblée avait décrété qu'il ne serait fait aucun amendement aux trois questions proposées par M. Camus ; mais l'insignifiance du terme sanction l'a forcée de se départir de ses principes, et elle a décrété qu'il pourra être fait des amendements à la motion de M. Premier amendement de M. de Mirabeau Le Roi aura-t-il ou n'aura-t-il pas le droit d'arrêter la promulgation et l'exécution de la loi?
Ce droit aura-t-il un effet absolu ou suspensif ?
Si l'exercice de droit est absolu, pour combien de législatures lé sera-t-il?
Second amendement :
Lé Roi aura-t-il le droit de sanction, c'est-à-dire le droit de promulguer les lois?
Le Roi aura-t-il le droit de veto, c'est-à-dire de refuser cette sanction?
Sera-t-il absolu ou momentané ?
S'il est momentané, pendant combien d'années le sera-t-il?
Il y a eu encore plusieurs amendements ; mais comme lé premier avait fait plus de sensation, M. de Clermont-Tonnerre propose de le rédiger ainsi :
La sanction royale est-elle nécessaire pour la promulgation des lois ?
Le Roi aura-t-il ou n'aura-t-il pas le droit d'arrêter la promulgation et l'exécution de la loi par le Mus de la sanction ?
Ce droit aura-t-il un effet absolu ou suspensif, etc ?
Cette rédaction est applaudie et désapprouvée ; à peine est-elle lue, qu'un membre propose de mettre indéfini au lieu d'absolu, pour ne pas rappeler l'idée du pouvoir absolu.
demande qu'on rave le mot lois, pour le remplacer par les acteu au pouvoir législatif.
D'autres objectent qu'en parlant encore du inot sanction, c'est retomber dans l'inconvénient où l'on était tout à l'heure sur la signification de ce terme; que ce mot pris à la rigueur, la sanction, est alors nécessaire à la Constitution, puisque ce n'est que le .sceau de la loi ; et que si on entend par sanction consentement, elle est inutile à la Constitution. Ils pensént qu'il faiit poser ainsi la question : Le consentement du Roi est-il nécessaire à la Constitution ?
, Il me semble
qu'il y a dès inconvénients à demander si la sanction royale est nécessaire à la promulgation de la loi. Il y à de la contradiction dans ces termes. La loi est déjà loi, et alors toute sanction lui devient inutile. Je désirerais donc que l'on suppléât aux mots lois par ceux-ci : les actes du pouvoir législatif. J'y vois l'avantage de résoudre une grande difficulté : c'est de marquer la ligne qui sépare la Constitution et la législation ; il en est de même pour les impôts, ils ne sont pas lois.
demande qu'au lieu de sanction l'on mette consentement royal.
rappelle la motion de M. le vicomte de Noailles qui, dans sa première disposition, demande : qu'est-ce que la sanction royale ?
demande que l'on pose ainsi la question : Est-il nécessaire que le Roi ait sanctionné les actes du pouvoir législatif pour en commander l'exécution ?
demande la rédaction proposée par M. le comte dé Mirabeau.
propose ces autres questions :
1° Le Roi peut-il refuser son consentement à la Constitution?
: 2° Le Roi peut-il refuser son consentement au pouvoir législatif ?
3° Dans le cas où le Roi refusera son consentement, ce refus sera-t-il suspensif ou indéfini?
4° Dans le cas où le refus du Roi serait suspensif, pendant combien de temps pourra-t-ii durer ? Sera-ce pendant une ou plusieurs législatures ?
. Le Roi n'a pas de consentement à donner à la Constitution ; il est antérieur à la monarchie.
expose le danger d'examiner cette question, il craint qu'en demandant.au Roi son consentement suriaConstitution,leRoine réponde qu'il ne peut la refuser, mais qu'il ne raccordera que quand elle sera ratifiée par le peuple ; qu'a lors les commettants deviendraient juges de la Constitution, et qu'il en pourrait résplter de grands maux.
On décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur le premier article.
On propose différents amendements sur les autres, mais ils sont rejetés.
d'Aurillac. La nation ne doit reconnaître d'autre maître que la loi qu'elle s'est faite, d'autre chef que le Roi qu'elle a choisi ; le Roi est le premier sujet de la loi, et la reçoit de la main qui l'a élevé à la royauté. 11 fait serment de ne vivre et de ne régner que par elle ; ainsi, faire la loi est dans la nation qui a aussi fait les Rois ; la faire respecter est dans le Roi qu'elle a chargé.
De là cette distinction de pouvoirs, l'un législatif, essentiel, et principe de toutes choses ; l'autre exécutif, mais secondaire.
L'on voudrait en élever un troisième en faveur du Roi, veto contre toute espèce ,de loi que ferait la nation; mais les créateurs de ce droit vraiment extraordinaire ont-ils remarqué que son premier effet serait d'anéantir et le législatif et l'exécutif, qui cependant, soit qu'on les exerce cumulatiocment, soit qu'on les exerce séparément,
sont l'essence constitutive de tout Etat? Dans le fait, si nous demeurons d'accord que le Roi ne puisse faire seul la loi; que d'un autre côté, nous lui accordions le droit d'annuler celle que ferait la nation, nous n'aurons donc plus de pouvoir législatif, et par cela même de pouvoir exécutif à défaut de lois ? Que nous resterait-il donc de notre ancienne monarchie ? Un peuple sans lois, ou un peuple sans Roi; car ne serait-il pas à craindre, disons plutôt ne serait-il mêmepas juste que la nation cessât de regarder pour son Roi le Roi qui cesserait de rendre à la nation ce qu'il lui doit? et voilà par quelle affreuse gradation nous parviendrions bientôt à une dissolution totàle, et où nous aurait conduit le' veto intolérable que le Roi n'a jamais eu, qu'il ne demande point, mais que des gens inconsidérés veulent absolument lui attribuer.
Un grand peuple, un grand Etat comme la France, doit, nous dit-on, donner à son Roi de grands droits. Sans doute ; mais quel autre plus précieux (et dont tout souverain serait jaloux), quel autre, dirons-nous, plus grand, plus beau, plus digne d'un Roi, que celui de ne pouvoir jamais faire le mal, de partager la gloire ou les erreurs de son peuple!
Nous avons un Roi, vrai présent des cieux ; fassent-ils que la sagesse, l'humanité, cet accord si parfait et si rare des plus belles vertus qui décorent son trône, puissent être le domaine de ses successeurs, être héréditaires comme sa couronne! Nous n'aurions besoin ni de lois, ni de Constitution ; nous n'aurions qu'à jouir du bonheur que nous procurerait sa tendre sollicitude,!
Mais s'il est des Rois qui honorent leur siècle, il en est aussi qui en font la honte et le tourment. La loi seule est alors le soulagement du peuple ; chacun peut y être ramené tour à tour; il nous faut donc des lois, et ce serait en détruire jusqu'à l'idée que de"les confondre dans la personne à qui l'exécution en est confiée. Il faut que ces deux pouvoirs soients distincts et toujours en mesure; que nul ne puisse se prévaloir de l'absence de l'autre.
Le désordre s'introduit encore dans l'Assemblée.
fait la motion que l'Assemblée ne se sépare pas qu'elle n'ait jugé les deux questions du veto et de sa nature. Gel te motion passe par acclamation. Sur la première question, c'est-à-dire sur le veto, il a été résolu d'abord, à la grande ma-. jorité, qu'on irait aux vôix par assis et levé ; mais les réclamations ont forcé l'Assemblée à revenir sur ce décret et à le révoquer.
Il était quatre heures lorsque les débats se sont terminés, et quand on a commencé le premier appel nominal. Le veto a passé à la très-grande majorité. Sur l'autre question, c'est-à dire : Le refus du Roi sera-t-il suspensif? la majorité a été pour l'affirmative de (573 voix contre 325, et 11 voix perdues. Ainsi le veto suspensif a passé. La séance est levée à huit heures et demie du soir.
M. le président a indiqué la séance à demain, et l'ordre sera d'examiner Ja quatrième question proposée par M. Guillotin ainsi qu'il suit : Pendant combien de temps durera la suspension? si ce sera pendant une ou plusieurs législatures ?
à la séance de VAssemblée nationale du
RAPPORT
fait au Roi, dans son Conseil, par le premier ministre des finances.
Votre Majesté connaît les débats qui ont lieu depuis quelque temps à l'Assemblée nationale sur la sanction royale. La division de sentiments à cet égard semble annoncer que la supériorité de suffrages en faveur du veto indéfini entre les mains du Roi est au moins fort incertaine.
Cependant la chaleur contre un semblable résultat est telle, qu'une grande scission parait à craindre, si le veto absolu ne l'emporte que faiblement sur l'opinion contraire, et il en résulterait peut-être une commotion dangereuse. La plus petite majorité dans une délibération nationale suffit avec raison pour faire loi, mais elle n'assure pas la tranquillité publique lorsqu'elle décide des questions auxquelles tous les sentiments, tous les intérêts et toutes les passions s'associent. On ne doit pas non plus se dissimuler que ce mot vague le veto, le veto absolu peut devenir une arme entre les mains des gens mal intentionnés ; car auprès de la multitude, il ne serait pas difficile de présenter ce droit d'opposition comme un moyen ménagé au gouvernement pour tout arrêter, et pour détruire en un jour les espérances de la nation et le fruit de ses efforts.
il n'est rien de si propre à échauffer les esprits du vulgaire qu'une expression susceptible de diverses interprétations, lorsque cette expression est destinée à rappeler une idée qui n'est pas encore familière ; et il serait à désirer que la controverse dont les esprits sont occupés eût toujours été présentée dans le public sous cette forme simple : Le consentement du Souverain aux lois qu'il doit faire exécuter, est-il ou non nécessaire ?
Quoi qu'il en soit, c'est sous l'aspect général et commun, c'est d'après le cours des opinions que les ministres de Votre Majesté ont dû fixer leur attention sur ta question du veto absolu et du veto suspensif ; et d'abord ils ont été frappés d'une grande et malheureuse vérité : c'est qu'en ce moment la tranquillité du royaume doit être le principal objet de la sollicitude du gouvernement; car, au milieu des circonstances qui nous environnent, il faudrait peu de choses pour amener un trouble dont les funestes, effets seraient incalculables. L'espèce de calme qui subsiste encore avec tant de moyens d'insurrections, ce calme si nécessaire, si difficile à maintenir, n'est dû qu'à la puissance de la raison, de la morale et de l'espérance, et il faut soigner cette puissance avec le plus extrême ménagement, si l'un ne veut pas mettre en péril le salut de l'empire français.
Je ne déterminerai point l'étendue des sacrifices qu'il faudrait faire à ces grandes considérations ; on peut supposer un terme où ils devraient s'arrêter ; mais j'espère, pour le bonheur de la France, que Votre Majesté ne sera jamais appelée à le fixer.
Conduit par ces réflexions, j'ai été entraîné à considérer s'il ne pouvait pas exister un veto suspensif propre à concilier les diverses opinions qui agitent l'Assemblée nationale; et voici celui
qui m'a paru pouvoir remplir ce but avec peu d'inconvénients.
Supposons que les mêmes députés soient chargés, pendant deux ou trois années de suite, des pouvoirs de la nation, et que cet espace de temps fût désigné, comme on le fait aujourd'hui sous le nouveau nom de législature. Ne pourrait-on pas admettre que, pendant deux législatures consécutives, le Monarque aurait le droit de refuser son consentement aux déterminations qu'il regarderait comme contraires au bien dé l'Etat ? Et à la troisième législature, si de nouveaux représentants insistaient sur la même délibération, elle aurait force de loi.
Une telle disposition présente sans doute le terme où la sanction du Souverain deviendrait nécessaires; mais est-il probable qu'une loi demandée par trois législatures différentes, c'est-à-dire par des députés renouvelés trois fois, fut une loi à laquelle le gouvernement ne crût pas en conscience pouvoir donner son acquiescement? Et paraîtrait-il déraisonnable qu'un vœu national, exprimé d'une manière si manifeste, dût enfin être satisfait ? Est-ce dans un temps où l'on voit la force de ce vœu dominer tout, l'emporter sur tout, qu'il faut prendre une si grande inquiétude de la possibilité qu'à l'avenir, après quelques années de réflexions, après l'insistance de trois députations différentes, une loi, constamment appuyée de l'opinion nationale, fut enfin sanctionnée par le Roi ? Je n'aperçois, pour ma part, aucune proportion entre une telle crainte et toutes les exigences auxquelles on est soumis depuis quelque temps. On fera, dit-on, des plans et des intrigues pour amener le Monarque à tout ce qu'on voudra ; mais c'est peu connaître les hommes, c'est peu connaître la nation française en particulier que de supposer une telle suite, une telle obstination en faveur d'une loi contraire au bien public. Ce qu'il faut le plus redouter, c'est la force d'un premier mouvement, c'est l'influence d'un temps d'enthousiasme; mais tout ce qui exige de la lenteur, tout ce qui assujettit à une suite de réflexions, ne peut s'établir, ne peut triompher que par la puissance de la raison et de la justice. Je regarde donc comme de vaines terreurs les présages sinistres que l'on voudrait tirer de l'obligation où se trouverait le Monarque de donner sa sanction à' une loi que trois législatures consécutives persisteraient à demander.
Maintenant, que l'on considère si le veto absolu et indéfini M'a pas quelques inconvénients, et si ces inconvénients ne touchent pas essentiellement à l'autorité du Souverain. C'est une belle prérogative, sans doute, que d'avoir indéfiniment et absolument le droit de refuser une loi; mais, si ces deux conditions indéfiniment et absolument empêchaient de faire usage d'un pareil droit, il n'en résulterait qu'une apparence extérieure, bonne à placer parmi les pompes du trône. Il est infiniment vraisemblable que le gouvernement craindrait de faire usage d'un veto absolu, et de priver ainsi la nation de toute espérance de voir ses vœux satisfaits. Les ministres que l'on a rendus responsables, les ministres dont la considération s'affaiblira nécessairement avec la diminution de leur pouvoir, de tels ministres voudront-ils s'exposer aux reproches des représentants delà nation, en mettant obstacle à l'adoption d'une loi délibérée dans l'Assemblée générale? Cependant, on n'en saurait douter , le bien de l'Etat exigera plus d'une fois que le gouvernement, éclairé par des lumières particulières, par des lumières dues à l'expérience de l'administra-
tion, suspende, du moins pour un temps, l'exécution des lois qui auront été délibérées avec rapidité, de celles qui seraient emportées par un mouvement passager de l'opinion publique, de celles enfin qui n'auraient pas été méditées avec cette lenteur et cette maturité de réflexions dont les grandes affaires ont un besoin absolu. Il est donc nécessaire en tous les temps, il est surtout indispensable dans les longs commencements d'un nouveau corps de législateurs, que le gouvernement puisse suspendre l'exécution des lois qui lui paraîtraient contraires au bien de l'Etat et au vœu durable de la nation. Cette autorité dans la main du Souverain peut servir à défendre la considération même de l'Assemblée nationale, puisque son discrédit serait l'effet inévitable de la désobéissance aux lois qui émaneraient de sa volonté. Elle ne peut avoir qu'une puissance morale; il faut donc la soigner par toutes les mesures de circonspection qui attirent la confiance et le respect. 11 importe ainsi à la consistance même de l'Assemblée nationale que le gouvernement soit de part avec elle dans ses délibérations, et qu'il puisse sans aucune crainte refuser, pour un temps, son consentement aux lois qui lui paraîtraient susceptibles d'un nouvel examen ; mais, comme un gouvernement est toujours composé du Monarque qui décide, et des ministres qui influent sur sa décision, il faut que lé veto, il faut que le refus de la sanction royale ne paraisse pas une entreprise hardie, et que les malveillants puissent présenter chaque fois comme l'exercice d'une autorité dangereuse ; il faut surtout que le refus de cette sanction n'engage en aucune circonstance les représentants de la nation à déployer toutes les forces dont ils peuvent faire usage, telles que les mouvements et les pétitions populaires, le renouvellement tardif des impôts, et tant d'autres moyens d'embarrasser ou de discréditer l'administration.
Et puisque Votre Majesté veut le bien de la nation avec une telle sincérité qu'elle autorise toutes les réflexions qui peuvent y tendre, je la prie de permettre qu'après lui avoir présenté les inconvénients qui naîtraient du veto absolu sous des ministres faibles, je soumette à sa considération ceux qui pourraient être produits par des ministres d'un esprit différent. Ils auraient entre leurs mains un moyen d'exciter de nouveaux troubles ; car, en se tenant simplement aux termes du droit, ils n'auraient qu'à porter le monarque à faire usage plusieurs fois de son veto absolu, pour occasionner une grande fermentation ; et Comme l'autorité une fois engagée on croit qu'il importe à la dignité de cette autorité de ne point reculer, les ministres, enclins à ramener le désordre dans le royaume, auraient un moyen d'autant plus dangereux, qu'extérieurement il paraîtrait dériver du simple exercice d'un droit légitime.
On dira peut-être que le Roi, en jouissant de la faculté d'opposer \mveto absolu aux délibérations législatives de l'Assemblée nationale, ne serait pas obligé d'en faire usage d'une manière indéfinie, et que de lui-même il pourrait y mettre un terme, et accéder, après de nouveaux éclaircisse-ments, aux lois qu'il aurait d'abord rejetées. Cette observation est juste; mais i'inquiëtutlé serait la même au premier usage que ferait le gouvernement d'un semblable veto, parce que son terme serait inconnu, et que les députés à l'Assemblée nationale apercevraient bien que, s'ils ne s'élevaient pas sur-le-champ contre l'exercice d'un veto légalement indéfini, ils n'auraient plus, au I bout d'un certain temps les mêmes moyens, parce
que la première ardeur des esprits, toujours la plus redoutable, s'affaiblirait insensiblement.
Que l'on fasse attention à tous les raisonnements dont on se sert pour tranquilliser l'usage d'un veto indéfini, et Ton verra qu'ils sont tirés généralement, et de l'invraisemblance que le gouvernement osât jamais résister au vœu national, et de l'exposition de tous les moyens qu'on aurait pour l'obliger à respecter ce vœu. Mais ce rapport entre le souverain et la nation, ce rapport où la déférence de l'un serait de la crainte, et où la force de l'autre consisterait dans l'action inconsidérée de tous ses moyens, un tel rapport est-il préférable à une règle positive, qui ménagerait au souverain la faculté de s'opposer efficacement et sans convulsion aux lois qui lui paraîtraient contraires au bien public? On se liguerait, on cabalerait, ajoutera-t-on, pour obtenir après la révolution de deux législatures la sanction du monarque;, mais, en supposant de telles manœuvres, en supposant qu'elles durassent pendant plusieurs années, elles seraient bien moins dangereuses que les explosions ou les alarmes qui serviraient à déterminer le consentement du monarque. 11 importe infiniment au bien de l'Etat que cette sanction soit accordée ou refusée par des motifs tirés uniquement de la nature des lois délibérées à l'Assemblée nationale, et non par des calculs instantanés sur les divers dangers attachés à contredire le vœu de cette Assemblée.
On peut demander encore s'il n'y aurait pas telle loi dont la sanction ne devrait jamais être accordée par le Roi : supposition qui donnerait des regrets à la privation du veto absolu et indéfini. Je crois que la chapce d'une pareille loi est très-invraisemblable : un terme de quelques années, une succession de trois élections de députés différents, suffisent pour éclairer les opinions sur le véritable bien de l'Etat, et pour mettre à l'abri de toute espèce de vœu inconsidéré de la part des députés successifs de la nation. On ne leur laissera pas d'ailleurs le pouvoir de remuer les pierres angulaires de l'édifice constitutionnel; c'est l'intérêt de la nation, c'est celui du prince. Mais le nombre des lois dont un royaume oppressé par d'anciens abus peut avoir besoin, est un nombre sans bornes; et il est de la plus grande importance que l'opposition plus ou moins longue du gouvernement aux délibérations qui lui paraîtraient dangereuses puisse avoir lieu sans trouble et sans convulsion.
Le roi d'Angleterre jouit dans sa plénitude du veto absolu ; mais il n'en fait point d'usage, et il n'oserait guère se le permettre : il résulte peu d'inconvénients de sa renonciation tacite à l'exercice de ce veto, parce que la cour des Pairs veille aux intérêts de la Couronne ; parce que les deux Chambres qui composent le Parlement se surveillent avec l'action attachée à deux intérêts distincts; parce que la nation anglaise a déjà vieilli dans le gouvernement, et en possède la science ; parce que la durée des parlements, communément de sept ans, est un long cours d'instruction ; parce que les ministres sont presque tous membres du Parlement ; parce que le plus prépondérant de tous, le chancelier de l'échiquier, sert au moins de premier guide pour les affaires de finance; parce que le Parlement tient ses séances dans Londres, la capitale du commerce et le le lieu de réunion des plus grandes connaissances, et que le Parlement est journellement éclairé par ce cercle lumineux qui l'environne. Enfin, pour dernière observation, le caractère naturel de
la nation anglaise l'éloigné communément des délibérations hâtives et précipitées. L'effet de toutes ces circonstances particulières, et de plusieurs autres, rend le vœu réuni des deux Chambres du Parlement tellement conforme aux intérêts de la nation, ou à l'exigence du moment, que la renonciation tacite et nécessaire à l'usage du veto royal ne nuit jamais au bien public. Mais il n'en serait pas de même en France, où aucune des particularités que je viens de citer ne se trouve applicable. Il paraît que l'Assemblée nationale ne sera composée que d'une seule Chambre jusqu'à l'époque où l'on découvrira peut-être l'inconvénient d'une pareille institution ; mais si deux Chambres n'avaient pas, comme en Angleterre, une destination distincte, si elles n'étaient pas séparées par quelques intérêts différents, la garantie contre les erreurs momentanées de l'Assemblée nationale serait encore insuffisante. On met de plus en doute si les ministres dont les lumières, au moins de tradition, seraient souvent utiles, si les ministres, unis par leurs fonctions à l'ensemble des affaires, devront être admis comme députés à l'Assemblée nationale. On paraît aussi dans l'intention de borner à deux ou trois ans la durée de chaque législature, ce qui ne laissera guère de temps aux mêmes députés pour tirer parti du choc de leurs lumières ; et celles dont ils seront environnés paraissent jusqu'à présent avoir plus de rapports avec les idées arbitraires et métaphysiques qu'avec ce jugement pratique et vigoureux que l'habitude des affaires a seule le .pouvoir de constituer. Enfin, il est généralement connu que la nation française est plus susceptible qu'aucune autre de résolutions rapides^ elle voit vite, elle est confiante, elle est empressée de jouir, elle est avide de se montrer. 11 faut peut-être, pour la perfection dont elle est si digne, une force de contre-poids qui assure sa marche et qui rassemble ses forces. Je crois donc que par diverses considérations il est plus important en France qu'en Angleterre que le monarque ait la liberté de refuser, pour un temps, son acquiescement aux lois délibérées par les députés de la nation; et cependant cette liberté cesserait d'être effective si le veto, ,de la part du Roi, était absolu et indéfini : un tel veto, par la crainte d'eu faire usage, deviendrait bientôt nul comme en Angleterre, et il ne convient pas au bien de l'Etat qu'en France il en existe un de ce genre ; c'eut donc pour entretenir l'action du veto, c'est pour le rendre réel, c'est pour conserver son influence, que je le croirais plus utile s'il était limité. Je pense donc, Sire, que, dirigé comme vous l'êtes toujours, par un véritable amour du bien de l'Etat, Votre Majesté ne devrait pas regretter l'exercice d'un veto absolu et indéfini, s'il est remplacé par un veto suspensif tel qu'on vient de l'expliquer ; et je crois encore davantage que la différence entre l'un et l'autre ne peut pas être mise en parallèle avec le risque de troubler la tranquillité publique : c'est avec cette tranquillité que vous pourrez conserver l'espérance de voir renaître les beaux jours de la France au milieu du contentement de la nation. Mais, dans l'état où se trouve aujourd'hui le royaume, dans un temps où les subsistances, l'argent, l'insubordinatiop des uns, les moyens de résistance des autres, et la disposition générale des esprits présentent mille principes de fermentation ; ce qu'il est important de prévenir, c'est un nouveau motif d( scission ou de troublec'est un sujet de divi^ior au milieu de l'Assemblée national^, puisque seiib aujourd'hui elle peut, par son unipaet par la con
tinuité de ses travaux, ramener la paix générale, rendre à la France alarmée te repos et la'confiance, et faire jouir enfin son auguste monarque du bonheur dont il est privé depuis si longtemps.
Voilà, Messieurs, le rapport que j'ai fait au Roi. Sa Majesté a jugé à propos qu'il vous fût communiqué, et c'est encore a vec son approbation que je vais vous soumettre une réflexion importante.
J'di exposé dans mon mémoire au Roi les raisons qui pouvaient l'engager à voir sans peine la substitution du veto -limité'à un veto absolu et indéfini. Mais tout serait changé si la sanction du Roi était obligatoire dès la seconde législature; car ce serait presque la rendre nulle, puisque la crainte de compromettre la dignité du Roi par un appel inutile à la seconde législature engagerait le gouvernement à ne jamais courir ce hasard ; au lieu bflfetf rendant la sanction du Roi nécessaire seulement à la troisième législature, il résulterait d'une telle disposition le grand et notable avantage de ménager au monarque le moyen de donner, dès la seconde législature, son consentement libre à la loi proposée ; et il ne manquerait pas de le faire si, averti de l'opinion publique par l'insistance* d'une seconde législature, il voyait manifestement qu'il contrarierait le vœu national en continuant à refuser son acquiescement. Ainsi, quoique la sanction du Roi, rendue obligatoire à la troisième législature, ou la sanction du Roi, déclarée nécessaire dè& la seconde, puissent se ranger sous le nom commun de veto suspensift il n'y a point d'idées plus différentes et plus dissemblables : le veto absolu, au risque de n'en jamais faire usage, serait infiniment préférable à un veto suspensif dont on ne ferait point usage non plus, puisque le premier de ces veto conserverait du moins au trôné toute sa majesté.
La nation, en donnant sa confiance à des députés choisis pour un temps, n'a jamais pensé qu'elle retirerait par cet acte celle qui l'unit à son souverain, à ce dépositaire permanent de l'amour, de l'espérance et du respect des peuples, à ce défenseur né de l'ordre et de la justice. Elle veut, pour son bonheur et pour la prospérité de l'Etat, un équilibre entre les-divers pouvoirs qui sont sa sauvegarde ; mais elle n'entend pas sûrement détruire les uns par les autres : et s'il lui est si difficile d'exprimer la plénitude et la durée de ses vœux, si ces représentants momentanés ne peuvent le faire qu'imparfaitement, il est dû d'autant plus de respect à celui qui, par l'assentiment des siècles et des générations passées, a été consacré l'un des gardiens immuables des lois et de la félicité publique. Je vois des résistances opposées de toutes parts au pouvoir exécutif ; il faut plus que jamais lui ménager cette force morale, qui naît des formes et des idées de grandeur que ces formes entretiennent. Vous ave'z pris, Messieurs, toutes les précautions imaginables pour la liberté, et sans doute que vous allez bien loin à cet égard, puisque vous en voulez une plus grande que cellè dont toute l'Europe vante la perfection, que celle des Anglais, ces vieux amis de la liberté, ces connaisseurs expérimentés des conditions qu'elle exige, et qui, après cent ans d'expérience, ne voudraient pas admettre le moindre changement dans une Constitution dont ils ne parlent jamais sans exprimer en même temps le bonheur dont elle les fait jouir. Mais, en suivant vos idées à cet égard, ne perdez pas de vue, Messieurs, que si vous négligez les précautions nécessaires pour conserver au' pouvoir exécutif sa dignité, son ascendant, sa ïoïxe, ce royauthé est menacé d'un désordre général ; et ce désordre' pbttrra détruire,
dans ses révolutions inconnues l'édifice que vous aurez élevé avec tant de soin. Un royaume comme la France, un royaume de vingt-cinq mille lieues carrées, un royaume de vingt-six millions d'habitants, divisé par des habitudes et par des mœurs différentes, ne peut pas être réuni sous le joug des lois sans une puissance active et toujours vigilante. Ainsi, c'est au nom de la prospérité de l'Etat, c'est au nom de la tranquillité publique, c'est au nom du bonheur particulier du peuple, c'est au nom de la liberté dont vous êtes si honorablement jaloux, que vous êtes intéressés, Messieurs, à défendre la majesté du trône: et rien ne l'altérerait plus que la nécessité où vous voudriez mettre le souverain d'être l'exécuteur de&lois qu'il paraîtrait avoir désapprouvées. Ah! qu'une parfaite harmonie est nécessaire entre toutes les forces appelées à veiller sur le destin d'un empire ! L'histoire nous apprend que la supériorité de puissance ne peut seule consolider une Constitution, parce que cette supériorité est soumise à des révolutions. La Constitution de l'Angleterre, défendue par des circonstances qui lui sont particulières, n'eût jamais pu se soutenir sans l'amour commun de la patrie ; et cet amour commun n'est dû qu'au contentement égal du roi, des grands et du peuple : c'est ce contentement qu'on doit entretenir par de prudentes dispositions : et, pour y réussir, il faut par Un effort se séparer quelquefois des souvenirs et des impressions du moment, pour se transporter au loin à ces temps de calme et d'impartialité, ou l'on ne prise que la raison, la sagesse et l'équité générale.
L'Europe entière, Messieurs, a les yeux attachés sur vous ; vos mouvements généreux, votre patriotisme, vos lumières, offrent un spectacle intéressant pour toutes les nations, et la France attend de vous sa gloire et son bonheur. Ne mettez pas au hasard ces précieuses espérances par un esprit de désunion, effet naturel de toute espèce d'exagération dans les opinions. Le bien que vous pouvez faire me paraît sans mesure; mais c'est par de la modération que vous le rendrez stable : c'est là seul qu'est la force, c'est là seul que se trouvent l'accord et la réunion de tous les moyens qui peuvent concourir à la prospérité d'un Etat. Pardonnez, Messieurs, à mon amour inquiet, si j'ose vous rappeler à ces idées; j'attache mon bonheur à vos succès, et je ne sais pourquoi j'y place encore ma gloire ; mais il est vrai cependant que toutes sortes de sentiments m'unissent à vos travaux, et qu'au moment où la France en deuil renoncerait à ces hautes perspectives, accablé de la même tristesse, j'irais cacher au loin ma douleur et mes regrets.
Séance du
Lecture a été faite des deux derniers procès-verbaux. Communication a été donnée des adresses des habitants de la communauté de Serres, Sainte-Marie en Béarn, de la ville de Saintes, de
la ville de Puttelange en Lorraine, de Chàlons-sur-Marne, des officiers du bailliage et du corps municipal de la ville d'Yerville en Beauce, portant félicitation et reconnaissance; d'un décret du comité général d'Avrânches, qui ordonne que les droits et impôts de tout genre, sous quelque dénomination qu'ils soient perçus, continueront de l'être, et qui invite toutes les municipalités des villes et.des campagnes, et toutes les milices nationales, leur enjoint même, au nom de là nation, du Roi et de la loi, de prêter main-forte aux commis et préposés pour la perception des droits ; d'une adresse des communes de Labour, dans les Pyrénées, qui expriment tous les sentiments dont ils sont pénétrés pour l'Assemblée. A cet instant, un député de cette province a observé que cette adresse n'était faite que par les communes, attendu que la noblesse avait précédemment fait présenter par lui une adresse particulière, portant renonciation à ses privilèges, et adhésion à tous les arrêtés de l'Assemblée.
Après la lecture des procès-verbaux et adresses, M. le cardinal de Rohan, prince évêque de Strasbourg, député des bailliages de Hagueneau et Wissembourg, s'est présenté pour prendre séance à l'Assemblée.
dit : Messieurs, je n'oserais pas suspendre, même pour un moment, le cours de vos délibérations, si mon cœur n'était vivement pressé de satisfaire au plus juste et au plus vrai des sentiments.
Je dois à l'Assemblée nationale des actions de grâce respectueuses ; je lui dois le témoignage des regrets les plus sincères, d'avoir été contraint, par le mauvais état de ma santé, de différer jusqu'à cë moment à me rendre dans cette auguste Assemblée, dont les soins continuels, pour assurer le bonheur de tous, rendent le zèle si cher à la nation. Je vous supplie donc, Messieurs, de recevoir favorablement l'hommage que j'ai actuellement la satisfaction et l'honneur de pouvoir vous offrir en personne.
Ce discours est couvert d'applaudissements.
, curé de Wintranges, député du bailliage de Sarreguemines, remet sur le bureau une souscription patriotique de 264 livres, dont 96 livres ont été fournies par le curé d'Hélimer, un de ses commettants, faisant l'équivalent de sa quote-part de don gratuit.
offre, de la part de deux jeunes demoiselles, des diamants, une paire de bracelets en or, un cœur avec une émeraude, un louis
en or. * glilo^iam liioe sJâij
M. le chevalier dé la Guiche, gentilhomme du
Charolais, fait offrir une somme de 12,000 livres.
demande, avant de reprendre l'ordre du jour, que l'on s'occupe immédiatement après le jugement des questions soumises actuellement à la décision de l'Assemblée, de la formation des Assemblées provinciales.
Cette proposition est rejetée.
On reprend la discussion sur la durée du veto suspensif.
obtient la parole.
Je ne me présente pas pour interrompre l'ordre du jour ; je ne viens seulement que vous présenter une question secondaire à celle que vous agitez; vous allez examiner pendant combien de
législatures le veto du roi aura lieu. Il est très-essentiel de décider préalablement combien de temps durera chaque législature. Cette décision influera beaucoup sur la durée du veto ; cette dernière question y est même subordonnée ; car si vous faites durer une législature pendant trois ans, c'est suspendre le veto pendant trois ans ; et si on décidait que le veto durerait pendant deux législatures, ce serait le prolonger pendant six ans.
L'Assemblée sent la nécessité de fixer, avant tout, la durée de la législature.
. J'observe que l'Assemblée pourrait aussi juger préalablement si les membres de l'Assemblée nationale seront élus à la fois ou partiellement.
. On )eut discuter cette question connexement avec a mienne, parce qu'elles ont beaucoup d'in-[luence ; mais on les divisera quand il faudra les décider.
L'Assemblée décrète que les deux questions seront discutées conjointement, mais divisées lors de la décision.
M. Le Pelletier de Saint-Fargeau reprend la parole sur sa motion.
. Je viens fixer votre attention pendant quelques instants sur une question très-importante dans l'ensemble de la Constitution.
Il s'agit de fixer les pouvoirs des députés. Seront-ils restreints à un an ou à plusieurs ? Je pense que ces pouvoirs ne doivent durer que pendant une seule année.
Il me semble cependant aussi que l'on doit accorder aux provinces la faculté de conserver les mêmes députés, c'est-à-dire de les proroger.
J'ose solliciter votre ind ulgence sur les réflexions que j'ai à vous présenter pour déterminer la durée des pouvqîrs des députés formant le corps politique, et la fixer à un an.-
Il faut ici faire une grande différence entre le corps législateur et le corps administrateur.
Dans les Assemblées provinciales, il serait nuisible de rendre trop fréquents les changements ; les objets que l'on y traite tiennent 'à l'expérience; ils exigent des connaissances des localités. Si les Assemblées provinciales ne doivent pas être renouvelées si souvent, il n'en faut pas conclure que les Assemblées nationales ne doivent pasl'être.
Il en est tout autrement du Corps législatif.
Quelles sont en effet ses fonctions ? C'est de prononcer des lois. Mais chaque loi est isolée ; elle ne tient à aucun objet : dès qu'elle est prononcée, l'œuvre du législateur est complète; il n'est pas tenu de suivre l'exécution des lois; ses fonctions consistent à examiner les charges publiques ; mais cet examen sera toujours le même tous les ans.
Ses fonctions consistentàasseoir l'impôt; cette opération ne présente pas plus de difficultés, n'exige pas plus de temps que les opérations de finance.
Ses fonctions consistent enfin à juger les ministres; dans une Assemblée annuelle on a le temps de juger leur conduite.
Dira-t-on que le législateur deviendra plus expérimenté, si la législation est prolongée au-delà d'un an ? Mais ce serait alors reconnaître deux âges dans l'Assemblée nationale, celui de son en-
fançe et celui de son âge mûr. Ce serait avertir de se méfier de ses premières lois, eû conseillant de s'en rapporter à ses dernières;
Au surplus, en fixant le temps de l'Assemblée nationale à une seule année, cette époque rassure contre les liaisons, contre le danger d'usurper un pouvoir que l'on ne doit pas avoir. Cette idée a besoin d'être développée.
Tout le monde voit d'un coup d'œil l'étendue des rapports du Corps législatif; tout le monde sait quel penchant l'on a d'usurper un pouvoir que l'on ne vous a pas confié; l'esprit de conquête est, pour ainsi dire, naturel à l'homme.
Ce danger sera d'autant moins à craindre que les élections seront plus fréquentes, et que l'existence de ce corps sera plus précaire.
Il est à souhaiter d'ailleurs que l'opinion publique investisse sans cesse le Corps législatif. On sentira plus facilement qu'il la méritera, lorsque, dans un court espace de temps, il n'aura d'autre intérêt que de se servir de tout son pouvoir pour le bien commun.
On doit encore voir sous un autre point de vue l'annualité.
Je suppose que le Roi refuse sa sanction à une loi, la loi n'est que différée; mais c'est évidemment reculer bien davantage, si vous prolongez la législature au delà d'un an, surtout si vous déclarez encore que le refus doit exister pendant deux législatures.
Or, en bornant la législature à un an, vous* abrégez le veto ; et ce moyen est utile, puisqu'il hâte l'exécution des bonnes lois; il est efficace, parce qu'en assurant à la nation ce qu'elle désire, il prévient l'effet funeste de l'insurrection.
Si, au contraire, vous reculez pendant deux législatures de deux ans, c'est-à-dire pendant quatre années, la décision qu'il faudra prononcer sur le refus royal, une perspective aussi lointaine ne satisfera pas l'empressement de la nation.
Quand je m'explique ici sur les législatures, je ne parle que d'une législature que le Roi ne pourra jamais dissoudre ; car j'ose espérer que nous n'accorderons pas au Roi le droit de dissoudre le Corps législatif. Ce serait laisser le pouvoir exécutif sans surveillants, et la nation sans représentants.
En bornant la législature à la durée d'un an, c'est entretenir l'esprit public, mettre sans cesse en activité la nation, c'est appeler dans les assemblées tous les citoyens ; c'est les instruire, les former à la chose publique.
On pourra faire différentes objections à ma proposition. On dira peut-être que c'est exposer la nation à des projets toujours contraires, à une mobilité de systèmes dangereuse ; mais une législation de trois ans présentera les mêmes inconvénients. Un ministre, un homme de finance* pourra avoir des systèmes, mais un corps entier ne peut en avoir ; la stabilité, voilà le seul qu'il adopte.
L'on dira peut-être encore que les élections annuelles coûteront des dépenses prodigieuses; mais c'est là une de ces considérations qui ne peuvent influer sur un jugement en matière de politique.
Si l'on voulait comparer ici l'Angleterre, où les assemblées ne se renouvellent- que tous les sept ans, il faudrait observer que tout y est en balance ; que les communes sont en contre-poids à la Chambre haute ; d'ailleurs, en Angleterre, ces assemblées ne sont pas perfectionnées.
Je crois encore que, par le même décret, nous devrions annoncer qu'au mois de mai prochain
nous attendons les nouveaux députés nommés pour nous remplacer.
Par là vous fixerez davantage les regards de la nation : ce n'est pas une ressource inconnue que de réparer le crédit chancelant par la timide modestie, et ce moyen, dont les annales de la France offrent le succès, servirait à donner à l'Assemblee le crédit qu'elle doit avoir.
Je pense donc que l'Assemblée nationale doit décréter que les pouvoirs des députés seront restreints à une année, et qu'elle doit indiquer par le même décret que les pouvoirs des députés actuels expireront au mois de mai prochain.
Je terminerai par quelques réflexions sur le système de remplacer les députés partiellement ou en totalité.
Si l'on se décide au sort, les provinces seront mécontentes; tel député jouit davantage de sa confiance. Se décidera-t-on par le choix des provinces ? Mais le choix qui pourvoira, qui exclura les députés, serait une préférence qui inspirerait la jalousie et la rivalité. Je pense qu'il faut se décider pour la totalité.
parle avec beaucoup de force et d'éloquence en faveur de la motion de M. Le Pelletier de S?ûnt-Fargeau. Dans une grande monarchie, le peuple ne peut exercer sa toute-puissance qu'en nommant des représentants ; il est juste que le peuple les change souvent ; rien n'est plus naturel que le désir d'exercer ses droits, de faire connaître ses sentiments, de recommander souvent son vœu. Ce sont là les bases de la liberté.
observe que, pour ménager les moments, il faut laisser parler ceux qui désapprouvent la motion de M. Le Pelletier de Saint-Far-geau.
M. l'abbé Maury se présente.
. Cette Assemblée n'a pu se défendre d'un sentiment d'émulation pour l'Angleterre; mais sur nos Assemblées il ne peut s'établir aucune comparaison.
Le parlement anglais se renouvelle tous les sept ans, et c'est la seule assemblée qui soit en activité ; et nous, nous avons Assemblée nationale, Assemblée provinciale, Assemblée municipale ; en un mol, le royaume sera sans cesse en activité. J'avoue qu'il serait à désirer que chaque législature, d'après ces assemblées continuelles, fût de quatre ans; nous aurions encore bien plus que n'a l'Angleterre, et nous éviterions le danger d'une session trop rapide.
Voici quels sont mes motifs :
L'impôt ne se perçoit pas seulement pendant un an, mais pendant vingt-un mois ; l'année de finance est double. De là l'impossibilité de suivre toutes les opérations de l'impôt.
Ensuite je vois l'Assemblée se livrer à un esprit de combinaison souvent dangereux ; je vois que le danger de la corruption peut s'introduire en un an comme en trois.
L'on craint encore l'esprit de système; mais il s'introduira aussi facilement dans la durée d'un an que pendant un temps plus long. L'esprit de systeme! c'est trop dire. Il ne s'introduira jamais dans l'Assemblée, ce serait la calomnier que de croire qu'elle pût s'y abandonner; mais ce que l'on doit craindre, c'est qu'elle n'ait pas un esprit de suite.
Or, en un an, quelles opérations pourra-t-elle faire? Je la vois sans cesse conduite par le minis-
tre, le consultant, ne faisant rien, mais s'en rapportant à lui ; enfin elle jugera sur sa parole.
Le veto suspensif a eu pour objet d'éviter l'enthousiasme et l'acclamation; mais les députés, encore irrités du refus royal, se rendront aux Assemblées provinciales; ils y porteront de l'éloquence, des talents, toutes les lumières de la raison; ils parleront avec art, et ils feront proclamer dans l'Assemblée bailliaçère tout ce qu'ils auront fait, et de là l'examen du veto suspensif inutile.
Quant à la question de savoir si l'Assemblée nationale pourra être dissoute, il me semble qu'il faut en renvoyer l'examen à un autre temps. Si donc vous limitez la législature à un an, vous ne pourrez en attendre aucun service pour les lois; vous n'en pourrez attendre aucun pour les finances; la responsabilité des ministres exige que les mêmes députés soient plus longtemps rassemblés.
Un ministre adroit pourrait tromper la nation, et jamais on ne tirera de lui un état vrai des affaires.
Je proposerais un terme moyen qui ne fût ni assez court pour réduire l'Assemblée à la nullité, ni assez long pour la rendre dangereuse. Je demande quatre ans, parce qu'il est, ce me semble, bien démontré qu'il faut que des administrateurs aient au moins pendant un an sous les yeux l'état de recette et de dépense, parce qu'il faut qu'ils suivent l'imposition et la perception, et que ces deux époques renferment vingt-un mois; enfin parce que, à moins qu'on ne renonce à la réforme des abus, un homme d'Etat ne pourra, dans un si court délai, répondre d'aucun succès.
En France on n'a que des idées d'emprunt, des idées d'autrui; personne n'est pénétré de l'esprit d'ordre public.
C'est dans les Assemblées provinciales que les hommes se formeront pendant l'espace de quatre ans; c'est là qu'ils mériteront de vous remplacer; je ne crains pas le despotisme de l'Assemblée nationale pendant cet espace de temps: Le grand intérêt de l'impôt ^st de suivre les opérations des ministres. Voilà ce qui doit vous porter à proroger la législature pendant quatre ans.
répond à M. l'abbé Maury; il parle fort longtemps, une fièvre de quinze jours, comme il l'annonce lui-même, Ta empêché de resserrer ses idées. Il dit, en premier lieu, qu'il fallait commencer par distinguer l'Assemblée nationale de 1789 des autres législatures, et qu'il ne faut pas confondre le pouvoir constituant avec le pouvoir constitué; que l'un fortne une véritable Assemblée nationale, et l'autre une Convention nationale.
Ensuite il parle de l'intérêt que la nation avait à former le plus promptement les Assemblées provinciales. Il les présente comme, l'école du patriotisme.
Revenant ensuite à la motion de M. Le Pelletier de Saint-Fargéau, il conclut à ce que les Assemblées nationales se renouvellent au moins tous les deux ans. Il fait sentir le rapport dé cette périodicité avec le veto. 11 s'étend sur ce qui peut former l'esprit puhlic, épurer les mœurs; remédier à l'inégalité des fortunes. II dit qu'en Angleterre il n'y a quë cinq ou six hommes dont les lumières entraînent les autres ; qu'il faut éviter cet inconvénient dans nos Assemblées.
Il répond encore que1 les riches1 seuls seraient nommés députés, si les Assemblées ne se renouvelaient que tous les quatre ans ; tout homme qui aurait un état le perdrait infailliblement dans un aussi long espace; que l'on tiecàbal^ait pas moins
dans les Assemblées provinciales pour faire passer la loi dont le Roi aurait refusé la sanction, parce que ceux qui auraient quelques prétentions à être nommés députés censureraient les anciens et leur ouvrage, pour qu'ils ne fussent pas continués.
. C'est vraiment avec raison qu'un des préopinants vous a démontré le danger d'une législature de quatre ans : l'on vous en a proposé une d'un an; je viens combattre ces opinions. Il serait beaucoup plus convenable de fixer les législatures à deux ans; et d'abord le préopinant vous a dit que c'était pour prévenir la corruption : puisqu'il'faut parler de corruption, qu'il me soit permis de lui demander si on ne corrompra pas tout aussi facilement en un an qu'en deux?
On vous a dit qu'elle commettrait moins d'erreurs; s'il s'en commettait, la législature suivante les réparerait; ce serait, au contraire, le moyen de les rendre plus fréquentes, puisque les députés seraient dépourvus d'expérience.
On vous a dit encore que ce moyen détruirait les habitudes qui se formeraient dans le Corps législatif : ce mot est bien vague. Si ces habitudes sont bonnes, il ne faut pas les anéantir. Préten-drait^on qu'elles seront mauvaises? il faut les indiquer. On parle de l'opinion publique ; le Corps législatif en sera toujours investi, tant qu'il fera de bonnes lois.
Avant d'examiner s'il est nécessaire que les députés se renouvellent chaque année, il faut examiner l'état de la France, sa population; et c'est d'après ces considérations que je fixerais la législature à deux ans. Le préopinant a oublié trois inconvénients : 1° la perte du temps pour tous les individus du royaume! En Angleterre, les élections générales ne sont faites que par un très-petit nombre de citoyens, et par conséquent il n'y a pas le même inconvénient.
2° On ne petit se dissimuler que, vu la faiblesse humaine, il y aura toujours de l'intrigue dans les élections; il y aurait du danger à appeler souvent les citoyens de la campagne au foyer de la cabale.
3° Après la forte secousse qui a ébranlé toute la France, nous avons besoin d'un grand calme, et c'est l'éloigner que de hâter les élections.
propose de prolonger la législature pendant trois ans.
Cette prolongation n'a pas plus été approuvée que celle de M. l'abbé Maury. Tous deux ont retiré leur motion.
s'est opposé au retrait de celle de M. le comte de Virieu.
reproduit le plan de M. Le Pelletier de Saint-Fargeau : celui d'annoncer que les membres de l'Assemblée voulaient être renouvelés au mois de mai prochain.
Une acclamation universelle atteste l'unanimité de l'Assemblée.
leur objecte qu'ils sont destinés à faire le grand œuvre de la Constitution, qu'ils sont liés par un serment solennel, et qu'ils ne doivent point, par un décret anticipé, se déterminer à violer ce qu'ils ont tous juré.
Ces réflexions arrêtent l'empressement des membres de l'ASsemblée à se démettre de leurs fonctions.
11 y avait trois motions : La législature devait-
elle durer un, deux ou trois ans? ce qui cause beaucoup d'embarras pour aller aux voix.
pose ainsi la question : La législature sera-t-elle d'une ou de plusieurs années? Si on demande plusieurs années, sera-t-elle de deux ou de trois ?
. Les deux et trois ans proposés sont des amendements ; d'après le règlement; il faut aller aux voix sur les amendements avant de proposer la mol ion principale.
Ces deux manières de délibérer causent de grands débats; ce qui fait dire à un membre que chaque heure de l'Assemblée coûtant 5,000 livres, la seule manière de poser la question allait coûter 7,500livres, puisqu'on délibérait depuis une heure et demie.
L'Assemblée finit par se déterminer pour le projet de M. l'abbé Maury.
Sur la première question on va aux voix par assis et levé. Il est décidé que la législature sera de plusieurs années.
On va aux voix par appel nominal sur la seconde question, et l'Assemblée fixe la législature à .deux années.
lève la séance après avoir annoncé que les bureaux se réuniront à cinq heures et demie pour la nomination d'un président, de trois secrétaires, et des membres qui doivent remplacer le comité de Constitution.
Séance du samedi 12 septembre, au soir.
donne lecture d'un projet d'arrêté pour l'établissement d'un comité militaire, et pour s'occuper de la constitution de l'armée.
Il réprésente que de jour en jour ce comité devient de plus en plus nécessaire; que les régiments correspondent entre eux, et qu'ils se réunissent tous pour la réforme du gouvernement militaire.
Ce projet est renvoyé dans les bureaux.
, au nom du comité de judicature donne lecture d'un autre projet d'arrêté, que les circonstances semblent rendre nécessaire.
Il ordonne l'exécution des articles arrêtés le 4 août, qui enjoignent aux officiers de justice, tant royaux que seigneuriaux, de continuer leurs fonctions; aux juges civils, de faire exécuter les lois civiles; aux juges criminels, de rendre aux lois criminelles toute leur vigueur; enfin aux iuges de police, de maintenir les ordonnances et les règlements de police. Ce projet d'arrêté finit par porter qu'il sera présenté au Roi pour être sanctionné, publié et exécuté.
observe que, lorsqu'on fait mention des arrêtés du 4 août, il faut aussi les publier; que le peuple est dans l'attente de les voir paraître munis du sceau royal ; qu'on dit même qu'ils ne paraîtront jamais.
. Cette dernière observation est ju£te ; on, fait tout soi), possible pour empêcher la prpiflulg^tion. Apparemment les. opinion ont
changé; je propose de laisser de côté le projet du comité de judicature, et de faire publier ies arrêtés du 4 août.
appuie fortement cet avis ; il est applaudi.
. On ne peut ordonner l'exécution des décrets qui n'ont pas été promulgués; je crois qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le décret présenté par le comité de judicature. Il faut d'abord s'occuper de faire sanctionner les décrets rendus le 4 août et jours suivants ; on en viendra ensuite au projet qui n'en est que la conséquence.
Ces réflexions font impression sur l'Assemblée ; elle témoigne son impatience d'aller aux voix; mais M. l'abbé Maury demande la parole, ce qui suspend la décision pour quelques instants.
. Ces décrets que vous voulez faire sanctionner sont encore imparfaits; vous-mêmes, par un article précis, vous l'avez annoncé. Il en est ainsi des dîmes que vous avez supprimées; mais il reste à savoir comment vous pour-voierez à la subsistance des curés. Vous avez supprimé la féodalité, mais il reste à savoir quel sera le prix du rachat. Je pourrais citer presque tous les articles; tous sont incomplets. Il faut donc attendre qu'ils soient finis pour les présenter à la sanction.
Ces réflexions sont appuyées par d'autres membres.
ajoute que ses commettants l'ont chargé de demander une autre rédaction des décrets du 4 août.
On va aux voix, et l'Assemblée décide que les décrets seront présentés à la sanction royale.
La séance est levée.
à la séance de VAssemblée nationale du
RAPPORTS
faits au comité féodal de l'Assemblée nationale, par M. Tronehet, Vun des membres de ce comité, sur le mode et le prix du rachat des droits féodaux et censuels, non supprimés, sans indemnité. (Imprimés par l'ordre de l'Assemblée nationale.)
PREMIER RAPPORT
sur la question préliminaire proposée dans celui de M. Merlin.
Messieurs, vous m'avez chargé d examiner la partie de votre travail relative à la troisième disposition de l'article du décret du 4 août et jours suivants, qui déclare rachetables tous les droits féodaux et censuels, lesquels ne sont point supprimés sans indemnité par la seconde disposition de cet article.
Le premier objet dont vous devez vous occuper à cet égard est la question préliminaire que M. Merliu a proposée page 24 de son rapport, concernant le plan général de vos opérations.
Etat de la question. Cette question est ainsi posée : « Si pour éviter les embarras et les entraves qui vraisemblablement se rencontreront dans le rachat partiel et successif des innombrables droits de fief et de censive auxquels est assujetti lé sol de la France, on ne pourrait plus accorder gratuitement aux vassaux immédiats de la couronne un affranchissement universel de tous les devoirs féodaux, dont ils sont tenus envers le Roi, à la charge par eux d'affranchir également leurs propres vassaux , qui , eux-mêmes, étendraient cette faveur à tout possesseur de fief ou de censive, sur lequel ils auraient des droits dé mouvance, ou de directe immédiate ? »
M. Merlin paraît avoir été provoqué à vous présenter cette question par un petit ouvrage intitulé : Réflexions sur le rachat des droits féodaux, décrété à VAssemblée nationale; et par un autre ouvrage intitulé : Moyens et méthodes pour éteindre les droits féodaux.
Deux systèmes différents. Ces deux ouvrages, qui s'accordent dans le mode d'un affranchissement premier donné à tous les vassaux relevant immédiatement de la couronne, diffèrent essentiellement dans les conséquences qu'ils tirent de cette première opération.
Le premier ouvrage en fait résulter un affranchissement gratuit, universel de tous les arrière-vassaux et des censitaires dans tous les degrés de l'échelle féodale, sans autre examen, et par le seul effet de l'affranchissement gratuit des propriétaires de fief du premier degré.
Le second, au contraire, se contente de faire profiter les arrière-vassaux et censitaires, de la remise gratuite qui aura été accordée aux vassaux immédiats de la couronne, en déduisan t sur la somme que les arrière-vassaux et censitaires seraient obligés de payer à ceux dont ils relèvent immédiatement celle dont ceux-ci auraient eux-mêmes profité par la remise qui en aura été faite aux vassaux immédiats de la couronne.
Ce sont ces deux systèmes que la question préliminaire qui vous a été proposée vous présente à discuter.
Observation préliminaire. Une première observation se présente naturellemeut à vos esprits. Vous êtes, Messieurs, incompétents pour décider une pareille question.
L'une et l'autre des deux opérations proposées est absolument contraire à celle qui est prescrite littéralement par le décret des 4 août et jours suivants.
L'article 1er de ce décret, après avoir détruit entièrement le
régime féodal, après avoir ordonné que les droits et devoirs, tant féodaux que cen-suels qui
tiennent à la main-morte réelle ou personnelle, et à la servitude personnelle, et ceux qui
les représentent, sont abolis sans indemnité ; ajoute, tous les autres droits, tant féodaux
que censuels, sont déclarés rachetables ; et le prix et le mode du rachat seront fixés par
lyAssemblée nationale. Ceux des dits droits qui ne sont point supprimés par ce décret
continueront d'être perçus jusqu'au remboursement.
N'avoir accordé que la faculté de racheter ces droits et devoirs, avoir ordonné qu'ils continueraient d'être perçus jusqu'au remboursement; c'est bien évidemment avoir décidé 1° que ces droits ne peuvent cesser qu'après que les propriétaires auront été parfaitement indemnisés; 2° que ce sont les débiteurs qui doivent payer cette indemnité et qu'ils ne peuvent se libérer que par un rachat à leur charge.
Des systèmes qui consisteraient à faire payer
par l'Etat ces indemnités en tout ou partie, seraient donc des propositions qui tendraient à substituer un décret nouveau à celui de l'Assemblée nationale; ces systèmes s'éloigneraient, d'ailleurs, tout à la fois de l'esprit et du texte du décret, si leur effet pouvait être d'éteindre ces sortes de droits, sans procurer aux propriétaires la pleine indemnité que le décret paraît avoir voulu leur réserver.
Vous n'êtes, Messieurs, que les exécuteurs du décret de l'Assemblée; vous n'en n'êtes point les juges, encore moins les réformateurs. Il ne nous appartient point de substituer un autre mode à celui que le décret nous a indiqué et nous a prescrit d'exécuter. Nous ne pourrions donc nous écarter de la route qu'il nous a tracée qu'autant que l'Assemblée nous en aurait prescrite une autre en réformant son propre décret.
D'après cette considération, il semble que l'objet de votre délibération ne peut se réduire qu'à ces deux points.
1° Estimerez-vous que vous devez présenter à l'examen de l'Assemblée nationale les deux systèmes que je viens de vous indiquer et la question préliminaire qui en résulte?
2° Si vous croyez devoir prendre ce parti, l'Assemblée paraissant avoir droit d'attendre de vous un avis sur la question quç vous lui proposerez, quel sera celui que vous lui présenterez ?
Un examen rapide des deux systèmes paraît indispensable pour vous guider sur l'une ou l'autre de ces deux résolutions.
Examen du premier système. Je commence par l'exposé des motifs qui peuvent appuyer ou combattre le premier système, celui présenté par l'auteur des Réflexions sur le rachat des droits féodaux.
Il est fondé sur quatre motifs. On peut les réduire à quatre motifs principaux.
« Premièrement, le rachat, que le décret permet aux débiteurs de faire, ne serait onéreux qu'aux censitaires les plus éloignés du tronc féodal, lesquels se rachèteraient sans avoir aucune indemnité à recevoir, comme les possesseurs de fiefs, lesquels payeront d'une main et recevront de l'autre.
« 2° Le rachat prescrit par le décret est susceptible d'une foule de difficultés dans son exécution. Comment trouver un mode et un prix commun de rachat pour tout le royaume, quand les droits féodaux sont variés à l'infini, et dans leur nature et dans leur quotité? Sera-t-il permis de diviser le rachat du cens et celui des droits casuels? Gomment fera-t-on le remboursement des directes solidaires, etc., etc.? Il-y a peu d'apparence que les propriétaires s'empressent ae faire ce rachat. Les uns n'en auront pas les moyens, les autres ne se soucieront pas de diminuer leurs jouissances pour libérer leur fonds d'une charge (telle que les droits casuels) qui ne doit peser que sur leurs successeurs; et si le rachat ne s'exécute que lentement, le souvenir et les effets du régime féodal se perpétueront.
« 3° Toutes ces difficultés s'évanouissent, en accordant gratuitement la franchise à tous les vassaux et censitaires immédiats de la couronne, à la charge par ces vassaux d'affranchir de même leurs vassaux et censitaires, et ainsi de suite de degrés à degrés, jusqu'au dernier échelon de la hiérarchie féodale. §
« 4° La nation peut donner cette franchise, puisque tous les rachats de degré en degré re-
montent jusqu'aux domaines de la couronne, qui sont eux-mêmes la propriété de la nation. »
Tels sont les motifs sur lesquels on appuie le système que l'on propose de substituer à celui que l'Assemblée nationale a pris par son décret. Voici les doutes qui se présentent naturellement.
Réflexions sur ce système. D'abord il est difficile de concevoir ce que l'auteur des réflexions sur le rachat des droits féodaux a voulu dire par cette expression, que F exécution du rachat ne serait onéreuse qu^aux censitaires les plus éloignés du tronc féodal.
Le rachat n'est point une charge, mais un avantage pour celui qui le fait. Le censitaire qui n'a acquis une propriété que sous la condition d'une redevance foncière envers le bailleur n'a acquis et ne possède qu'une propriété réduite à la valeur du fonds, déduction faite de la valeur de la charge. I Si le fonds vaut intrinsèguement 20,000 livres, et si la charge est évaluée 4,000 livres, il est évident que le preneur n'a acquis qu'une propriété de 16,000 livres, et que le bailleur s'est réservé sur le fonds une propriété de 4,000 livres.
Ce sont ces deux genres de propriétés que la loi et les jurisconsultes distinguent par les termes de propriété utile et propriété directe. Lorsque le preneur paye 4,000 livres, pour réunir la propriété directe à la propriété utile, il ne perd rien ; il acquiert une nouvelle propriété; il n'a aucun titre pour aspirer au droit de recevoir gratuitement cet accroissement de propriété; la faculté, que la loi lui donne contre le bailleur de forcer celui-ci à lui céder cet accroissement n'est pas une charge, mais un avantage.
Il y a plus: supposer que le rachat des droits féodaux n'est une opération onéreuse qu'au censitaire, c'est supposer que le rachat que celui-ci fera, acquittera successivement de la même charge tous les fiefs supérieurs, jusqu?au Roi, et c'est raisonner sur une supposition absolument fausse. Il est sans doute certain que le fief immédiat ne devra au fief médiat supérieur, qu'une portion de ce qu'il aura reçu pour le rachat de son censitaire; mais il est également certain que ce qu'il aura reçu de ses censitaires sera tres-souvent beaucoup au-dessous de ce qu'il devra au fief supérieur pour son propre rachat.
Supposons en effet (ce que nous n'entendons nullement admettre quant à présent) que l'Assemblée nationale adopte, pour mode et pour taux du remboursement des droits féodaux celui
Sue le parlement de Paris avait adopté pour l'in-emnité que devraient payer les gens de mainmorte, qui acquerraient des fonds soumis au régime féodal. Supposons ensuite un fief de valeur de 100,000 livres, qui a sous lui des censives de valeur de 20,000 livres. La directe sur ces censives étant évaluée à 4,000 livres, à raison du cinquième, il en résulte que ce fief a une propriété en domaine de 96,000 livres et en directe de 4,000 livres : le propriétaire de ce fief recevra de ses censitaires, pour rachat, 4,000 livres; mais il payera pour son propre rachat 33,000 livres, à raison du tiers ; ce qu'il recevra sera donc bien loin de l'acquitter de ce qu'il devra lui-même fil ne sera donc pas vrai de dire que le rachat ne sera onéreux qu'au censitaire.
La vérité est que l'opération ne sera onéreuse ni au censitaire, ni au propriétaire du fief, parce que l'un et l'autre ne feront qu'acquérir un ac croissement de propriété qu'ils n'avaient pas.
Secondement ; ce n'est pas assez d'avoir fait voir la fausseté de cette idée, que le rachat ne pèserait que sur les censitaires : il faut encore
prouver que le système de l'affranchissement universel renferme trois inconvénients très-considérables.
Le système produit une dilapidation gratuite des revenus ou des fonds de la nation. 1Ce serait une déprédation gratuité des revenus ou des fonds de la nation.
L'auteur des moyens et méthodes pour éteindre les droits féodaux convient que le produit annuel des droits féodaux sur les fonds qui sont immédiatement mouvants des domaines de la couronne, s'élève à environ 3,000,000 livres; c'est en effet l'évaluation que le rapport du comité des finances a donnée de cette branche des revenus de l'Etat. Si le rachat ne s'en fait pas, c'est un revenu de 3,000,000 livres. Si le rachat s'en fait, c'est un capital de 60,000,000 livres au moins, qui peut devenir une réforme pour le remboursement des dettes de l'Etat. Pourquoi donc dilapider ainsi les revenus et les fonds de la nation? pourquoi faire aux vassaux et aux censitaires immédiats de là couronne, un présent gratuit d'une somme aussi importante?
Le même auteur que nous venons de citer paraît avoir voulu diminuer l'étendue de, ce sacri^ tice, en alléguant que, de ce produit de 3 millions, il n'en entre dans les coffres du Roi que 600,000 livres, le reste étant consommé en frais de perception.
Il est difficile de croire que 3 millions de recette coûtent 2,400,000 livres de frais de régie. Il y a certainement ici beaucoup d'exagération.
Quoi qu'il en soit, il n'en est pas moins vrai que voilà 3 millions de revenus certains, et qui peuvent devenir très-utiles de deux manières.
D'un côté, les abus de la régie peuvent être réformés par une meilleure administration.
D'un autre côté, le rachat, admis au profit du domaine, comme au profit des seigneurs, peut mettre un capital très-important à la place d'une régie dispendieuse.
Ainsi, premier inconvénient : on propose à la nation un sacrifice très-important, dans l'unique vue d'enrichir un certain nombre de personnes d'une propriété qu'elles n'ont aucun titre pour réclamer gratuitement.
Il gratifie une classe de citoyens, au préjudice d'une autre classe. 2° Ce serait faire un don gratuit à une classe de citoyens au préjudice d'une autre classe de citoyens.
La décharge accordée aux vassaux et censitaires immédiats de la couronne, à la charge d'affranchir eux-mêmes leurs vassaux et censitaires et ceux-ci leurs arrière-vassaux et censitaires, cette décharge ne profiterait qu'aux possesseurs des fonds qui sont liés dans la chaîne féodale. Mais il y a un grand nombre de citoyens qui possèdent des fonds qui ne sont point soumis au régime féodal : ce sont ceux qui possèdent dans les pays de franc-aleu, et il y en a beaucoup dans le royaume. 11 y a d'autres pays où les fiefs ne font point de profit, et dont les propriétaires n'auront aucun rachat à faire.
Non-seulement cette classe de propriétaires, et la classe des non-propriétaires ne profiteront pas du don que la nation ne ferait qu'à certains propriétaires, mais ce don deviendrait èncore préjudiciable à la classe de ceux qui n'en profiteraient pas. Le revenu de l'Etat, produit par les droits seigneuriaux dus aux domaines, sert d'autant à acquitter les charges publiques et à diminuer la masse des impositions. Le capital que pourrait produire le rachat de ces droits servirait à rembourser des capitaux de dettes et à procurer une diminution
d'impôts. Si l'on supprime ceë deux ressources publiques, il faut les remplacer par des impositions auxquelles contribueront ceux mêmes qui n'auront pas profité de la décharge des droits remis : inégalité et injustice qui forment le second inconvénient du système.
Il enrichit gratuitement les censitaires et peut ruiner un grand nombre de propriétaires de fiefs. 3° Il y a plus : l'opération proposée (qui, en dernière analyse, ne serait qu'un don gratuit fait aux censitaires sans aucune compensation à leur égard) produirait une injustice manifeste à Végard d'un grand nombre de possesseurs de fiefs \ il y en aurait même dont elle produirait la ruine totale/
M y a des pays où les fiefs ne doivent aucun profit, tandis qu'ils ont des droits casuels et des redevances annuelles à percevoir sur des cen-sives ou des emphytéoses. Les propriétaires de ces fiefs ne profiteraient en rien de la remise première faite par la nation, et par conséquent n'auraient aucune indemnité de la décharge qu'on leur forcerait, d'accorder à leurs censitaires ou emphytéotes.
Il en faut dire autant des fiefs possédés en franc-aleu, et de ceux possédés par les gens de main-morte qui ont payé l'indemnité.
11 y a plus : dans les pays même où les fiefs sont assujettis aux droits casuels de ventes ou de relief, il est impossible que les propriétaires de ces fiefs reçoivent dans la décharge qui leur sera accordée un juste équivalent de celle qu'on les forcerait de donner à leurs censitaires. Pour s'en convaincre, il suffit d'observer que le propriétaire du fief ne serait jamais dans le cas de payer, pour le rachat de la portion de son fief, laquelle consiste en simple directe féodale ou censuelle, une somme égale à celle dont on le forcerait à faire la remise.
Ainsi, par exemple, dans l'hypothèse déjà faite d'un fonds de 20,OuO livres, dont la directe censuelle aurait été évaluée à 4,000 livres, le propriétaire du fief n'aurait à payer lui-même^ suivant les plus fortes contributions, pour le rachat de cette portion de son fief, que le tiers montant à 1,333 livres, il lui resterait donc une propriété de 2,667 livres, qu'on lui ferait perdre, dans le système proposé, pour donner gratuitement au censitaire une propriété de 4,000 livres qu'il n'avait pas.
Dira-t-on que le fief de ce même propriétaire, outre la directe censuelle, consiste encore dans des domaines corporels, dont il faudrait payer le rachat au fief suzerain, et que la dispense, que reçoit le propriétaire du fief, du rachat qu'il devrait payer pour cette partie, compense la perte qu'il pourrait faire sur l'autre ?
Il suffirait de répondre que cette compensation ne pourrait exister qu'autant que tous les fiefs du royaume seraient tellement composés, que le rachat direct qu'ils devraient se trouverait toujours égal, ou du moins à peu près égal, au rachat qui leur serait dû par leurs censitaire^ ou leurs vassaux ; autrement ce serait admettre, pour base d'une loi générale, un principe dont l'application ne serait pas également juste à l'égard de toutes les personnes que l'on soumettrait à son exécution.
Mais il y a plus : non-seulement une pareille loi ne serait pas également juste pour tous, elle deviendrait même meurtrière pour un très-grand nombre de propriétaires de fief. Personne n'ignore qu'il existe en France un très-grand nombre de hefs qui ne consistent qu'en mouvances, et qui n'ont que peu ou point de domaines en fonds. Il
en existe dont lès mouvâhcëà produisent, ànà'éës communes, 30, 40 et jusqu'à 100,000 livrés de revenu, et qui n'ont point 1,500 livres, 2,000 livres, 3,000 liv. de revenu en domaines corporels. Ces fiefs (dans l'hypothèse d'un rachat fixé suivant l'ancien usage du parlement de Paris pour l'indemnité des gens de main-morte) devraient recevoir pour le rachat de leurs censitaires, évalué au denier vingt seulement, les sommes de 309, 400 mille livres, ou un million. Ils ne devraient pour leur propre rachat tjue 200 mille livres, 133 mille livres ou 200 mille livres. Le résultat du système proposé serait donc d'enlever à ces propriétaires de fiefs des propriétés immenses, de réduire à néant leurs propriétés, et d'en enrichir gratuitement les censitaires.
Ces calculs prouvent combien l'auteur dés Réflexions sur le rachat des droits féodaux a peu senti la force de l'objection, lorsqu'il a cru y répondre en disant que « plus les censitaires doivent de rachat et plus, par conséquent, le propriétaire doitlui-même d'indemnité et de rachat.» Sans faire attention que celui quï se rachète ne perd qu'une portion de sa propriété, et que, par l'opération proposée, on enlèverait, sans aucune compensation, à celui qui n'a qu'une propriété en directe censuelle, la totalité de sa fortune, pour la transmettre gratuitement aux censitaires.
Ce n'est pas répondre d'une manière plus satisfaisante de dire que le mieux est ennemi du bien. Une maxime de ce genre ne peut devenir le principe d'une législation, qui prononce sur le droit sacré des propriétés ; tout doit y être déterminé au poids de la justice exacte et rigoureuse.
Il y a de grandes difficultés pour fixer le mode et le prix du rachat ; mais elles ne sont pas iïiso-lubies. Troisièmement, le règlement à faire pour fixer le mode et le prix du rachat présentera certainement de grandes difficultés, surtout à l'égard des droits casuels, pour concilier une loi générale avec les diversités et les inégalités de ces espèces de droits, tels qu'ils ont lieu dans les diverses provinces ou coutumes du royaume et d'après les titres particuliers, et avec la variété des prix courants dés fonds dans les diverses parties du royaume, et d'après les localités.
Mais ces difficultés ne sont peut-être pas insolubles. 11 y aurait peu de courage à commencer par coiiper lé nœud avant d'avoir tenté de le délier. Il serait peu digne d'une Assemblée législative de lui proposer d'abandonner un plan fondé sur les règles de la justice, par la seule considération des difficultés que peut présenter la loi qui en doit procurer Texécutionr et avant même d'avoir tenté de les résoudre, pour y substituer un plan qui s'écarte absolument des premiers principes de la justice* distributive.
Si des vues d'utilité publique, si la nécessité de faire cesser les distinctions foncières, qui pourraient rappeler le souvenir de distinctions personnelles et conserver des idées de puissance, d'un citoyen sur l'autre, si l'intérêt de l'agriculture, enfin, ont pu autoriser l'Assemblée nationale à abolir lé régime féodal, un principe de justice l'a conduite à ne supprimer que ce qui appartenait à la supériorité, à l'espèce de puissance qui avait produit la féodalité ; le droit sacré des propriétés ne lui permettait pas de rien retrancher de ce qui appartenait à la propriété légitime, dé ce qui prenait sa source dans un titre légitime, de ce qui aurait pu s'établir et pourrait encore subsister sans le régime féodal.
C'est sur ce grand principe qu'est fondé le décret dont on nous a commis le soin de préparer
l'exécution, et nous ne devons point être effrayés par la seule vue des difficultés que nos travaux peuvent éprouver, quand nous considérons que nous y serons secondés par la masse des lumières que renferme l'Assemblée nationale.
La nation, sans doute, aurait le droit de remettre à ses vassaux et censitaires immédiats les émoluments fonciers dont ils sont grevés, mais ii n'existe aucune raison de faire un pareil'sa-crifice ; et la nation, en faisant ce don à une certaine classe de citoyens, n'aurait pas le droit d'imposer aux autres une condition qui attaquerait leur propriété. C'est la dernière réflexion par laquelle je termine la discussion du premier des deux systèmes que j'ai annoncés.
Examen du second système. L'auteur des Moyens et méthodes pour éteindre les droits féodaux paraît avoir senti une partie des inconvénients que je viens de relever, et c'est ce qui l'a conduit au second système, qu'il s'agit d'examiner, et qui n'est qu'une modification du précédent.
En quoi il diffère du premier. Ce second système adopte, comme le premier, la décharge gratuite accordée aux vassaux immédiats de la couronne.
Mais 1° ii n'accorde pas la même franchise gratuite aux censitaires immédiats de la couronne; il les oblige, au contraire, à se racheter, en payant un droit de mutaticm, qu'il évalue à environ vingt millions.
2° Après avoir affranchi gratuitement les vas-seaux immédiats de la couronne, il oblige ceux-ci à affranchir successivement leurs propres vassaux et censitaires, et ainsi successivement jusqu'au dernier degré de l'échelle féodale.
3° Mais la décharge, que ce système accorde aux vassaux et censitaires du second degré et des autres degrés de l'échelle féodale, en descendant, n'est pas purement gratuite ; on diminue seulement au second degré, et dans les autres subséquents, sur le rachat que doivent les censitaires et les vassaux, le montant de la décharge qu'à reçue le propriétaire du fief supérieur ; en sorte que la somme à laquelle se trouvera monter cette première remise tournera à la décharge des vassaux et censitaires inférieurs, en descendant jusqu'au pied de l'échelle.
Réflexion sur le système. Il est d'abord évident* que ce système oblige à toutes les mêmes liquidations qui résultent du rachat ordonné parle décret, et qu'ainsi il ne tranphe point les difficultés que ce rachat peut présenter.
Ce système ne change rien à l'opération du rachat décrété, quant aux fiefs tenus en aieu, et à ceux qui ne sont que d'honneur et sans profit. Son seul avantage serait donc de procurer aux. censitaires non mouvant immédiatement de la couronne un moyen de se racheter à meilleur marché.
Mais 1° pourquoi ôterà l'État la ressource d'un revenu d,e deux ou trois millions, d'un rachat de 4Q à 60 millions, en affranchissant gratuitement les vassaux immédiats de la couronne ?
2° Pourquoi affranchir gratuitement ces vassaux, et ne pas affranchir ae même les censitaires mouvant immédiatement de la couronne ? Pourquoi affranchir certains possesseurs de fiefs, et laisser les autres, au moins en partie, sous le joug du rachat ?
3° Comment faire, entre les vassaux et censitaires inférieurs, la répartition proportionnelle de la remisé accordée aux propriétaires des fiefs supérieurs ?Il est évident Qu'une pareille contribution serait impraticable dans des rachats indi-
viduels, que chacun ne ferait qu'à volonté. Jle système suppose donc que tous les vassaux et censitaires du deuxième degré, et autres subséquents, seront forcés de se racheter et de se réunir à cet effet, de même que l'on forcerait à ce même rachat les censitaires immédiats de la couronne. ; : '0
Mais 4pourquoi donc forcer tous les propriétaires soumis au régime féodal à se racheter, lorsqu'ils ne croiront y trouver aucun avantage, lorsque leurs facultés ne leur en fourniraient pas fes moyens à une telle époque? N'est-il pas plus raisonnable et plus conforme aux règles de la justice de laisser le rachat en simple faculté, et de laisser à tout propriétaire la liberté de faire ce qu'il croira lui être plus avantageux?
5° Craint-on qu'un grand nombre de propriétaires ne veuillent ou ne puissent pas se racheter ? C'est une raison de plus pour ne pas les y forcer.
Craint-on que le retardement du rachat ne perpétue le souvenir et l'effet du régime féodal ? Vaine terreur. Il est détruit, ce régime féodal ; ii l'est définitivement dès à présent, par la première partie du décret, qui porte: le regime féodal est entièrement aboli : il lest quant à tout ce qui concerne les droits honorifiques et de puissance, ou de ) distinction réelle ou personnelle. Ce qui en peut subsister jusqu'au rachat ne consiste que dans des droits purement utiles?, dans des droits qui sont la condition légitime de la concession primitire d'une telle propriété, dans des droits utiles qui auraient pu être établis, et qui peuvent subsister sans avoir pour base le régime féodal. Ces droits utiles ne subsisteraient plus que comme de simples charges foncières, sans aucune des prérogatives qui les distinguaient précédemment, en un mot, comme les rentes foncières dont l'article G permet, mais n'ordonne pas le rachat ; les rentes foncières ne seront pas rachetées plus rapidement que les rentes et charges féodales.
Conclusion. Telles sont, Messieurs, les réflexions principales que peuvent faire naître les deux systèmes que je viens de vous exposer, et que le rapport de M. Merlin semble vous présenter à juger préliminairement.
Vous ne pourriez pas certainement* vous permettre de les adopter, et vous dispenser par là du travail ultérieur que vous impose l'exécution uu décret du 4 août.
Vous ne pourriez, tout au plus, que consulter l'Assemblée nationale sur cette question préliminaire. Mais nous convient-il, à nous simples commissaires, pour procurer l'exécution du décret de l'Assemblée nationale, de supposer qu'elle s'est trompée, de lui proposer de substituer à son décret une loi toute différente?
Il semble que nous ne pourrions nous permettre une pareille démarche qu'autant que nous serions en état de démontrer l'impossibilité d'exécuter le premier décret. Vous n'avez pas encore examiné si cette impossibilité existe réellement. Je ne balance pas à vous annoncer que le décret vous présentera dans son exécution des difficultés très-graves ; mais ces difficultés sont-elles insurmontables? Je ne le crois pas; et vous en jugerez lorsque je vous aurai mis sous les yeux le second rapport relatif au mode et au prix du rachat des droits féodaux ou censuels, non supprimés, sans indemnité.
SECOND RAPPORT.
Du rachat des droits féodaux qui ne sont point supprimés sans indemnité.
Messieurs, il ne s'agit point ici de déterminer quels sont les droits qui sont sujets à
rachat. L'article 1er du décret du 4 août, après avoir supprimé
sans indemnité les droits et devoirs qui tiennent à la mainmorte personnelle ou réelle, et à
la servitude personnelle, ou qui les représentent, ayant ajouté que les autres droits ou
devoirs, tant féodaux que censuels, sont rachetables9 il est évident que ceux auxquels
s'appliquera cette partie du décret, seront tous ceux que le chapitre II du règlement n'aura
pas déclaré supprimés sans indemnité.
Il s'agit donc uniquement ici de s'occuper, in abstracto, du mode et du prix de rachat de ceux des droits féodaux qui n'auront pas été supprimés sans indemnité.
Mais, quelque généralité que l'on donne à cette question, on ne peut s'empêcher de reconnaître que son examen doit nécessairement être d'abord divisé en deux sections. En etfet, au nombre des droits féodaux non supprimés sans indemnité, resteront certainement les cens et redevances annuelles seigneuriales, et les droits féodaux ou censuels, casuels qui, comme charge foncière réelle, n'étant dus que par le propriétaire ou le possesseur, sont évidemment le prix et la condition de la concession primitive du fonds, un signe et une conséquence de la propriété directe que le bailleur originaire s'est réservée dans le fonds.
Ces deux espèces de droits ont cela de commun que le mode de leur rachat ne peut être qu'un capital en argent, représentatif de la propriété directe réservée par le bailleur.
Mais ce capital ne peut être déterminé que sur une base première ; l'évaluation de ces deux espèces de droits est un revenu annuel, auquel il faut appliquer un capital représentatif de ce genre de propriété. Il existe une différence essentielle entre ces deux espèces de droits : les uns (tels que les cens et redevances annuelles) présentent un revenu annuel fixe et certain, tandis que les autres (tels que les droits casuels) ne
Êeuvent présenter qu'un revenu annuel présumé.
'un autre côté, parmi les droits qui représentent un revenu annuel, il y en a dont l'évaluation peut présenter des difficultés particulières. La nature même de ces droits conduit donc à diviser d'abord en deux sections l'examen du mode par lequel on peut fixer le produit annuel. Nous examinerons ensuite, dans une troisième section le denier auquel on portera le capital qui doit être assigné à ces deux sortes de revenus annuels, et plusieurs autres questions qui sont communes à ces deux classes de droits. Dans une quatrième, nous examinerons l'effet du rachat reçu par le propriétaire du fief inférieur vis-à-vis du propriétaire du fief supérieur. Enfin, dans une cinquième section, nous proposerons quelques observations sur les droits d'échange,
PREMIÈRE SECTION.
Des cens et redevances seigneuriales annuelles.
On sait qu'en général le3 rotures, qui étaient sous le régime féodal, étaient assujetties à une
redevance annuelle, laquelle était le signe propre représentatif de la propriété directe réservée par le bailleur. Cette redevance s'appelle communément cens.
Il y a des pays ou des seigneuries particulières dans lesquelles les fiefs eux-mêmes sont assujettis à des prestations annuelles, appelées rentes féodales.
Les rotures doivent quelquefois, indépendamment du cens, signe représentatif de la directe des rentes seigneuriales, qui, quoiqu'elles ne jouissent pas du privilège de Timprescriptibilité, comme le cens propre, n'en sont pas moins une condition de la concession du fonds, et doivent être rachetées comme le cens.
Il n'y aurait aucune difficulté à évaluer le produit annuel des cens, des rentes féodales et des rentes seigneuriales, si toutes consistaient en une prestation pécuniaire. Mais tantôt elles sont en argent, tantôt en denrées, telles que poules, grains, à une certaine quantité; tantôt elles consistent en une certaine quantité des fruits de la terre, variable comme les récoltes ; souvent les deux espèces de redevances se trouvent réunies sur un même fonds ; et c'est relativement à cette seconde espèce de redevance (ce^.e en denrées ou en quotité de fruits) qu'il est nécessaire de fixer un mode de leur évaluation en un revenu annuel qui puisse devenir le type d'un capital quelconque pour le rachat.
A l'égard des redevances annuelles en grains, volailles ou autres denrées, on ne peut pas prendre d'autre base d'évaluation de leur produit annuel que de former une année commune sur un certain nombre d'années antérieures, d'après le prix des denrées de même nature, relevé sur le registre des gros fruits, ou sur une estimation légale pour les denrées qui n'entrent point dans les registres des gros fruits, si les parties ne s'accordent pas de gré à gré.
On pense que, pour former l'année commune, d'après les registres des gros fruits, il suffira de prendre les dix années antérieures, sauf à retrancher celle ou celles dans lesquelles des circonstances extraordinaires auraient porté le prix des denrées à un taux excessif.
A l'égard des denrées qui n'entrent point dans le registre des gros fruits, pour éviter les frais de l'estimation par experts et les procès qui en pourraient résulter, on pourrait autoriser les Assemblées de département à en fixer le prix, eu égard aux variétés que présenteraient les districts, et mêmes les diverses municipalités, après néanmoins que le département aurait pris l'avis des districts et des municipalités.
On ne parle point ici des droits de tonlieu, minage, péage, hallage et autres de même nature. Ces aroits (s'ils sont jugés rachetabies) ne sont point des charges réelles d'ua fonds individuel, et nous ne nous occupons en ce moment que des droits et devoirs féodaux^ ou censuels, qui sont chargés du fonds, et qui portent directement et individuellement sur chaque -propriétaire qui désirera en libérer son fonds.
SECONDE SECTION Des droits féodaux, ou censuels> casuels.
Sous ce titre, il faut comprendre tous les droits casuels qui se payent aux propriétaires des fiefs à certaines mutations dans la personne du propriétaire du fonds servant, et qui sont connus
sous les différents noms de quint et requint, lods et ventes, et issue, lods, mi-lods, rachat, re-fie/", etc.
La difficulté relative à la fixation du mode et du taux du rachat de ces sortes de droits résulte : 1° de ce que leur produit est casuel, et par cela même très-incertain, le hasard des événements formant quelquefois dans un fief un objet très-important de ces droits, dans une certaine révolution d'années, tandis que, dans une autre révolution d'un pareil nombre d'années, les mêmes droits ne produisent quelquefois qu'un émolument très-peu considérable; 2° une autre source de difficultés résulte de la variété infinie de ces droits, non-seulement dans leur quotité, mais encore dans les cas qui y donnent ouverture^ variété qui n'existe pas seulement dans les divers pays et les diverses coutumes, mais encore très-souvent dans les divers fiefs d'une même coutume, d'après les titres particuliers de ces fiefs.
Il a cependant existé jusqu'ici des modes d'évaluation de ces sortes de droits casuels, pour un cas qui est très-analogue à celui dans lequel le décret place les propriétaires de fonds, qui désireront profiter de la faculté qui leur a été offerte, d'éteindre les directes et les droits qui en résultent.
On sent assez que nous voulons parler de l'indemnité à laquelle les gens de mainmorte étaient assujettis, lorsqu'ils acquéraient un fonds dans une mouvance censuelle ou féodale.
Les gens de mainmorte restaient soumis : 1° aux devoirs personnels, tels que ceux de foi, hommage, aveu, saisie féodale et censuelle, et autres dont nous avons regardé l'abolition comme une suite de l'extinction du régime féodal sans indemnité; 2° les gens de mainmorte restaient encore soumis à la prestation des cens et redevances annuelles dont étaient chargés les fonds qu'ils acquéraient.
Mais leurs biens étant inaliénables et ne changeant point de main, les seigneurs qui perdaient l'occasion de percevoir les droits casuels, qui ne s'ouvrent que par les mutations, avaient réclamé une indemnité que l'usage,-la jurisprudence et même des lois positives, dan s certains pays, avaien t fixée et réglée.
La première idée, qui se présente à l'esprit, semble donc être celle d'appliquer au rachat des droits casuels les règles qui avaient été établies pour l'indemnité à laquelle les gens de mainmorte étaient assujettis, pour la représentation de ces mêmes droits.
Ce parti paraîtrait d'autant plus juste que l'acquisition des gens de main morte ne produisait pas une extinction absolue de la mouvance. Le seigneur rentrait dans la plénitude de ses droits lorsque la mainmorte mettait hors de ses mains les fonds pour lesquels elle avait payé une indemnité. Ici, au contraire, il s'agit d'un rachat qui produira une extinction absolue et perpétuelle de la directe, et qui, par cette raison, semblerait devoir être fixé sur un taux au moins pareil.
Mais 1° la diversité des coutumes, l'usage et la jurisprudence des différentes cours souveraines avaient une prodigieuse variété dans le mode et la quotité de l'indemnité due par les gens de mainmorte ; et il serait à désirer qu'une loi générale, si elle ne peut pas donner un taux unique dans tout le royaume, établît au moins une base et un mode uniforme de rachat.
2 Quand il s'agit de faire une loi, le législateur doit moins considérer ce qui est prati-
qué, que ce qui devrait être et ce qui est juste, surtout quand il s'agit de maintenir l'équilibre entre deux droits de propriété, qui doivent être également sacrés à ses yeux. Si le législateur consulte les usages antérieurs, c'est pour les juger, en balancer les inconvénients et les avantages, les réformer, s'ils ne sont point conformes à l'exacte justice, ou choisir entre eux celui qui s'y trouve le plus conforme.
C'est donc sous ce point de vue seul que nous devons d'abord commencer par jeter un coup d'œil sur les différents usages qui s'étaient établis relativement à l'indemnité des gens de mainmorte, parcourir toute la surface du royaume, ouvrir les archives de toutes les cours souveraines, tâcher de pénétrer les motifs de la variété de ces différents usages, et chercher, s'il est possible, d'y découvrir une base qui puisse servir à une opération uniforme, au moins dans son principe, si elle ne peut pas l'être pour tous les pays dans son résultat.
Il serait trop long d'entrer ici dans le détail de tous les divers usages qui s'étaient introduits dans les cours souveraines sur le mode et le taux de l'indemnité due par les gens de mainmorte. Nous annexerons à ce rapport un tableau de ces divers usages que l'on pourra consulter, et nous passerons tout de suite aux réflexions que peut faire naître la connaissance supposée acquise de ces usages.
Réflexions sur ces usages.
On peut réduire les différents usages qui s'étaient introduits dans les différents parlements sur l'indemnité que donnaient les gens de mainmorte, lorsqu'ils acquéraient des fonds soumis au régime féodal, à trois modes différents.
PREMIER MODE.
. Un capital en argent, représentatif des droits dus pour mutations par vente, et un homme vivant et mourant, dont les décès ouvraient les droits dus par lès autres genres de mutation. Ce premier mode présente des différences essentielles dans la fixation du capital en argent. Ici c'est le tiers de la valeur des fiefs et le cinquième des rotures ; là ce n'est que le cinquième de la valeur des fiefs et nul taux pour les rotures. Dans les lieux qui fixent, l'indemnité en argent au cinquième ou au sixième, les droits dus par vente ne sont point les mêmes ; les mêmes coutumes, qui admettent le cinquième ou le sixième, donnent les droits de quint, lorsque d'autres ne donnent que le sixième ou le douzième.
DEUXIÈME MODE.
Un mi-lods, ou un lods plein à certaines époques. Mais les mêmes variétés dans la fixation des époques.. Ici elles sont trentenaires ; là c'est tous les vingt ans ou vingt-cinq ans ; dans un autre lieu, c'est tous les trente ans.
TROISIÈME MODE.
Un capital en argent, représentatif de tous les droits quelconques de mutations, mais point encore d'uniformité dans la fixation de ce taux. Ici c'est le tiers de la valeur du Refetle quint
des rotures ; là ce n'est que le sixième sur les rotures. Dans un autre lieu ce ti'est que le dixième pour lés tiefs, et pj?int de taux fixé pour les rotures, à l'égard desquels on admet le second mode.
Les deux premiers modes ne peuvent être employés. Il est évident que de ces trois modes il n'y a que le troisième qui puisse être applicable à l'objet que s'est proposé l'Assemblée nationale dans son décret.
Le premier mode, qui cumule un capital en argent pour l'indemnité des mutations par vente avec l'homme vivant et mourant, donnant ouverture aux droits pour les autres mutations, est inadmissible ; puisque ce mode d'indemnité laisserait subsister au moins en partie l'usage des droits féodaux, dont l'intention de l'Assemblée nationale a été, de procurer l'extinction totale et absolue pour, l'avantage de l'agriculture.
Il en est dé même du second mode, qui ne donne que des lods à certaines révolutions d'époques ; puisqu'il laisse subsister la totalité des droits féodaux casuels.
Deux questions sur T admission du troisième mode. Le troisième mode (celui qui évalue en argent la totalité des droits casuels) est donc le seul admissible dans l'objet que s'est proposé l'Assemblée.
Mais comment, mettra-t-on ce troisième mode à exécution ? Adoptera-t-on un mode uniforme pour tout le royaume? Admettra-t-on tous les modes usités jusqu'ici en les modifiant pour les rapprocher du but de l'opération actuelle ?
Admettra-t-on Iih mode uniforme ? Il est évidemment impossible d'admettre un taux uniforme pour tout le royaume, attendu la diversité immense qui règne entre les différentes chargés ca-suelles dont sont grevés les fonds soumis au régime féodal, suivant les différentes lois territoriales, ou même suivant les différents titres particuliers.
En général les fiefs sont assujettis à deux sortes de droits casuels : cëiïx dtis pour mutations par ventes, et ceux dus pour les mutations des autres genres. On ne rencontrera point d'obstacle ptour le taux uniforme dans les pays où lès fiefs 'Sont sans profits, puisque ces fiefs n'ont rien à racheter. Mais quelle variété prodigièusë dans les pays où les fiëfs sont de profits, soit quant à la nature et quotité, des droits casuels, soit quant aux cas qui y font on non ouverture ! Si lès rotures sont assez généralement assujetties à des droits casuels, même dans les pays de droit écrit, quelle variété ne rèricontre-t-on pas encore dans la nature, ou la quotité de ces droits !
A 1'égafd des fiefs, tantôt ils sont assujettis à un droit d'une nature pour les ventes, et à un droit d'une aiitrè nature pour les autres mutations ; tantôt ils ne sont assujettis qu'à une seule et même nature de droit pour tous les genres de mutation. .
Dans les lieux où les fiefs sont assujettis à des droits différents pour les mutations, les droits de yen te varient dans leur quotité ; et dans certains pays telle mutation est assujettie au droit de vente, qui da,ns un autre n'est assujettie qu'au droit de rachat. Ici il n'y a lieu qu'au quint, là au quint et au*requint. Ici le droit de vente pour les nefs n'est que du treizième ; ailleurs il est du douzième, du huitième, du tiers, du quart, du sixième, du vingtième, du quarantième. La variété n'est pas moins consid érable pour les cas qui donnent lieu à ces droits de vente, puisqu'il y a des coutumes qui y assujettissent les donations en certains cas.
La même variété se rencontre dâtis la quotité des drdits du3 pdtir les mutations (jiii ne scitit point par ventes, et pour les cas qui y donnent ouverture. Il y a des pays bù les fiëfs siijets aux lods ne le sont {joint aux fëliefë ; d'autres, où ils n'y sont sujets que par la cônvëiïtioû : ici il est du revenu d'une année, là il est abandonné où fixé à une quotité par la coutume, et cettè fixation varie tantôt suivâtit la quotité du fief, tantôt suivant sa contenance.
En général, le relief a lieu pour les sucbessions collatérales, ou pouf tôtiteS les atitres mutations quelconques, excepté les donations en directe ; mais il y a des pays où il a lieu selon qùe l'héritier succède par moyen, ou sans moyen ; d'autres où il se paye mêiÈe à mutatipû de seigneur ; d'autres qui donnent le relief de iMHages, ou de certains mariages.
Les variétés qui existent dans les droits casuels, dus par les fiels, existent également pour les lods dus par les roturès; 11 y a des pays où elles ne doivent point lods, quoique chargées de cefls. Le taux des lods et ventes varie depuis le tiers jusqu'au quarantième. Enfin il y a des pays, où les rotures sont assujetties au reliëf, ou à un droit de même nature.
En voilà plus qu'il n'en faut pour prouver qtf'il est irùpossîble d'établir uti taux uniforme par tout le royaume pour le rachat des droits seigneuriaux casuels, soit des fiefs, soit des rotureg.
Admettra-t-on tous les modes usités ddhs chaque province, diiec Une modification qui les rdmène au but du décret ? Cette réflexion semblëfait devoir conduire à admettre dans les diverses coutumes les différents modes qui avaiènt été autorisés par la loi, ou la jurisprudence, pour l'indemnité due par des gens de mainfnorte, en les refetifiànt de manière à les rendre applicables à l'effet de l'extinction absolue que l'Assemblée nationale s'est proposée.
Ainsi; par exemple, qtiaut au premier mode, qui admet, avec le capital en argent pour les droits casuels dus par vérité, un homiïïe vivant et mourant pour donner ouverture au reliëf, orï pourrait donner un capital en argent à ce second droit, supposé dans uûecertainè révolution d'années ; et quant au second mode, qui rie donne qu'un droit de lods, ou mi-Iods, dafls une certaine révolution quelconque, on pourrait fixer à ce lods un capital èt un dénier quelconque.
Mais, pour admettre cê plan, il faudrait supposer que les différents modès d'indemnité, qui avaient été admis dans chaque pays, avaient des bases fondées sur des prînèipes justes, et que leur différence ne résultait que dé laî différence des bases que les localités avaient fôreé d'admettre. Il s'agit moins de consacrer des Usages, que de les juger. Si ces usages1 sont trop avantageux aux seigneurs, il faut les rejeter ; et il est également juste de les rejeter s'ils blessent les droits légitimes dès seigneurs.
Mais, si l'on entre dans l'examen de quelques-uns de ces usagés, on est forcé de convenir qu'ils doivent plutôt leur origine au hasard qu'à des-combinaisons justes et certaines.
Comment expliquer pourquoi deux coutumes fixent au cinquième l'indemnité des droits casuels pour vente, quand l'une d'elles donne le droit au cinquième et l'autre au douzième? Pourquoi donc quatre coutumes s'accordent-eifès à ne donner le droit qu'au sixième, lorsque deux d'entr'elles donnent droit de vente au cinquième, tandis que les deux autres në le donnent qu'an douzième ?
Si Ton passe à la jurisprudence de Paris, on se
convaincra facilement que Tusàge de doiïper le tiers pour les fiefs, et le cinquième pour les rotures, était trop considérable. Supposons en èffet un fief delà valeur de 100,000 livres; le tiers sera de 33,000 livres, et, eïi déduisant le dixième qui s'accordait au seigrieûr haut-justicier, il restera de 26,700 livres. Supposons maintènant dans ce fief en trente ans une mutation par vente, et une mutation par relief; nous aurons pour là mutation par vente, déduction faite de la remise du tiers ordinaire, 16,333 !.. 8 s. 6 d. et pour la mutation par relief, attendu là déduction des charges, au plus, 3,500 livres, au total; le seigneur n'aura reçù en trente àhs que 19,833 livres. Augmentons, si l'on veut, le drblt de teille, et portons-le à 20,000 livres, attendu qu'il y a des mutations par ventes forcées, qùi ne sont pas dans le cas de la Remise ordinaire ; le seigneùr n'aura reçu que 23,500 livres ou 24?000 livres en trente ans. Ce produit, divisé par 30, donnera Un revenù anttuel de 800 livres, qui, au denier 3(1, ne rendra que le même capital de 24,000 livres.
On pourrait cependant justifier l'usage du parlement de Paris poUr J "les fiefs par un autre calcul. On petit observer que l'usage des rèmise^ faites par les seigneurs a pour objet de faciliter les ventes et d'en augmenter la fréquence, ët que si vous éloignez lés ventes à quarante ans, sans en déduire la remise, on aurà poùr les mutations de ce fief 28,300 livres, somme qui. divisée par 40, donnerà par année 914 liv. 10 s. et au denier 30, un capital de 27,335 livres plus fort que le tiers, déduction faite dû dixième.
Mais, si l'on peut soutenir le taux du parlement de Paris, quant aux fiefs, il ù'en est pas de même pour les rotures. Supposant un domaine de 120,000 livres, dont lès lods au douzième ne seront que de 12,000 livres et de 900 livres, déduction faite du quart, remise ordinaire, ou tout au plus de 10,000 livres, pour compenser les mutations non sujettes É remises avec celles cjui y sont sujettès; les 10,000 livres divisées par trente ans donneront un revenu annuel de 333 livres, et l'usage qui donnait pour indemnité 24,000 livrés. Si l'on prend PhypoÊhèâe d'une mutation en quarante ans, on aura 12,000 livres, qui, divisées par 40, formeraient une année commune de 300 livres, laquelle, au dernier 30, ne donnera qu'un capital de 900 livres ; en sorte que rien ne peut expliquer le principe de ce taux d'indemnité du parlement de Parte quant âux rotures.
Si le taux qu'avait admis le. parlement de Paris paraît trop fort, que pensera-t-on des usages des parlements de Bretagne et de Normandie? Le premier donnait le tiers pour les fiefs, et le quint pour les rotures, quoique les fiefs n'y soient soumis qu'aux mêmes droits que les rotures, et que les droits càsuels de ventes n'y soient qu'au huitième. Le second parlement donnait le tiers pour les fiefs, et le quart pour les rotures, et en outre pour les fiefs un homme vivant, mourant et confisquant, quoique les fiefs ne doivent que le 13e ou ie 12e comme les rotures. Il est vrai què les propriétaires de fiefs y ont uni droit de ligne éteinte, qui petit mériter considération, mais, malgré cela, le droit ne peut paraître que très-exagéré.
Base uniforme qùi paraît devoir être adoptée. Le second mode pour fixer un revenu casuel auquel on appliquera un capital à un droit quelconque. Ces réflexions suffisent pour prouver qu'il est impossible d'ado ptër pour plan général les divers usàges locaux qui s'étaient formés jusqu'ici relativement aux gens de mainmorte : il est
d'ailleurs à souhaiter qu'il puisse être pris une base uniforme pour toutes les provinces, et qûi ne puisse donner lieu tout au plus qu'a cjuelques exceptions particulières.
Il semble qu'on y pourra parvenir, en adoptant le second des trois mddeS quë ribus àvdhs annoncés, sauf à y joindre une modification qui puisse opérer le rachat absolu.
Ce mode cdîistétè à donrièr pour indemnité un ou plusieurs droite casuëls, datis iirie certaine révolution d'années; et la modification à y apporter serait de réduire lés droits à un revenu annUel, èn lès divisant en autant d'années qu'il y en aura dans la révolution, ët en donnant a ce reVëhu arïnUel un' capital à un denier quelconque.
Cette méthode est celle qui se rapproché le plus de celle pàr laquelle on procède pour parvenir à l'estimation du produit d'un fiëf dans la partie des droità seigneuriaux, lorsqu'il s'agit d'en fixer la valeur, soit pour un partage, soit pour une acquisition. Dans ces deux cas, l'on fait urië année commune sUr dix ou vingt du produit des droits casuëls; l'on attache un capital à ce revériu annUel, ou bien tës experts estiment la valeur des fiefs ou rotures c|Ûi èn relèvent, supposent un genre de mutation de chaque espèce dans ùu certain ndmbre d'années, et après ën avoir formé line année commune, ils attachent un capital à ce revenu annuel hypothétiquè.
Ici, il ne peut pas être question de faire en masse un revenu annuel de toutes les échéances càsuèlles d'une sèigneurie ; parce que, comme on le verra dans la troisième section, il ne peut pas êtré question d'un rachat en malsse de la directe sur tous les fonds qui en relèvent, et il ne peut être question que de rachats partiaires sur chaqtte fonds ën particulier ; mais l'opération que l'on pourrait faire sur ce tout, on peut l'appliquer à chaque partie, en prenant pour base du revenu annUel dés droits casUëls, sur un fonds particulier, l'hypothèse d'une rhUtàtion dans une certaine révolution d'années.
Cette opération paraît la plus propre à tenir la balance dans un juste équilibré entre l'intérêt du seigneUr et celui du vassàl, et à proportionner l'indemnité payable en argent à l'importance des droits particuliers de chaque fief. L'indemnité sera pltts ou moins forte, selon que la loi territoriale, ou les titres particuliers, donneront au seigneur des droits plus ou moins importants ou plus ou moins fréquentes.
Ainsi dans un fief où les vassaux sont chargés du quint, l'indemnité sera plus forte que dans celui ou les vassaux ne payent qu'Un relief à toutes mutations. Il en sera de même dans le cas où les vassaux sont soumis au droit de vente èt de relief, par opposition à celui où les vassaux ne sont point soumis aU droit du relief, puisqu'il faudra, pour le premier, admettre dans la même révolution une mutation des deux gehrès, tandis qu'on n'en admettra qu'Une pour lé second fief.
11 y a sans doute, dans une même seigneurie, des fiefs, oti deâ domaines roturiers, qui,dans le cours d'un siècle, n'éprouvent aucune mutation sujette à droits ; mais la compensation à l'égard du seigneiir se troUyé dans la considération que d'aùtres fonds ont énrouvé ou peuvent éprouver des mutations plus fréquentes que celles qui seront supposées hypotnétiquement ; et à l'égard dés vassaux et censitaires, c'est un coup de filet, dont il leur est libre de ne point courir le hasard. Si, avant le décret du 4 août, un tiers avait voulu acheter d'ûtt seigneur étranger la directe
sur un fonds, les parties contractantes n'auraient pas pu prendre pour base du prix de l'acquisition d'autre procédé que celui que nous proposons. Le procédé doit être le même pour le cas auquel le vassal, ou le censitaire, voudra profiter de la faculté que le décret lui donne d'acheter la directe sur lui-même;
En supposant que l'Assemblée nationale accepte, quant au fond, le mode que nous venons de proposer, voici comment nous croyons que l'on devra l'exécuter.
Dans les fiefs qui ont le double droit de vente et de relief, il faudra supposer une mutation de chaque espèce, c'est-à-dire une mutation par vente et une mutation par relief, dans une certaine révolution d'années, faire une masse des deux droits réunis, et la diviser par le nombre d'années de la révolution (30, par exemple) pour en faire sortir un revenu d'une année commune.
Dans les fiefs qui n'ont qu'un seul et même droit pour toutes les espèces de mutation, surtout dans ceux qui sont de toutes mains, c'est-à-dire où te droit se paye à toutes mutations, il serait juste d'admettre dans la même révolution deux, mutations, pour représenter tout à la fois le droit par vente et le droit par autres mutations.
Dans les fiefs qui n'ont des droits casuels que pour un genre de mutation (par exemple, par vente), on n'admettra qu'une seule mutation dans la même révolution d'années.
Il pourra encore être juste de prendre en considération certaines coutumes qui admettent le quint même sur les donations et y donner deux mutations ou une mutation et demie à raison du quint, attendu que ce profit y est naturellement plus fréquent.
En un mot, en admettant le procédé général de former une année commune sur le produit d'une ou plusieurs mutations, supposées dans une certaine révolution d'années, on pourra avoir égard aux principales circonstances locales, pour multiplier ou diminuer le nombre des mutations. Si ces considérations peuvent donner lieu à quelques exceptions peu nombreuses, ce sera au moins beaucoup d avoir pris un mode qui tranche toutes les difficultés locales sur la variété infinie qui règne dans la quotité des droits dus pour le même genre de mutation.
Il ne reste plus, pour éclaircir cette matière, qu'à fixer : 1* le nombre des années, qui formera la révolution destinée à diviser le produit des droits, pour en faire sortir l'année commune; 2° qu'à fixer le denier auquel on portera le capital de cette année commune.
Quel sera le nombre d'années dont on formera la réïiolution qui servira de dividende pour former Vannée commune?
Les mutations qui ne sont point par vente, telles que celles par succession, legs, donation, sont à peu près indépendantes d'aucune considération locale, et paraissent susceptibles d'être réduites partout à un terme uniforme : mais on ne peut dire rigoureusement la même chose des mutations par vente. Dans les pays les plus riches, et surtout les plus voisins des grandes villes commerçantes, les mutations par vente sont certainement plus fréquentes que dans les pays plus écartés et moins riches. Cependant nous ne proposerons pas de faire une distinction qui pourrait jeter dans des détails immenses, et présenter des problèmes très-difficiles à résoudre : il est essentiel de donner à une loi générale une uniformité qui en facilite l'exécution. Nous croyons donc qu'il faut fixer à un nombre égal d'années
la révolution dans laquelle on supposera une mutation de chaque nature, c'est-à-dire par vente ou autrement ; et que, si certaines localités présentaient des exceptions indispensables, on y pourrait compenser la moindre fréquence de mutations par le taux du denier auquel sera fixé le capital de l'année commune du revenu.
Mais quel sera le nombre de ces années, qui formeront le dividende régulateur de l'année commune?
L'édit d'avril 1667, qui réglait l'indemnité due par le Roi pour les acquisitions qu'il faisait dans la mouvance des seigneurs particuliers, avait fixé cètte indemnité à une mutation en soixante ans; en sorte qu'il ne devait payer qu'une rente au denier trente du soixantième de l'évaluation du droit : mais les seigneurs ont toujours réclamé contre cette fixation, qui, si elle était juste 'il y a 120 ans, pourrait n'avoir pas le même degré d'équité depuis l'abondance du numéraire, qui a rendu plus fréquentes les mutations par vente.
On a vu ci-dessus que, dans les pays qui avaient fixé l'indemnité à un droit de mutation dans un certain nombre d'années, il y avait une grande variété, ce terme étant tantôt de 20 ans, tantôt de 25, et au plus de 30 ans.
Nous croyons tous ces termes trop resserrés, surtout si l'on prend le parti (comme nous l'avons proposé) de donner deux genres de mutations, l'une de droit de vente, l'autre de droit de relief, dans les coutumes qui distinguent les deux genres de mutation; et de donner deux droits dans les coutumes qui ne donnent que le même profit pour tous les genres de mutation. Nous croyons que le terme pourrait être étendu à 40 ans pour les mutations qui s'opèrent autrement que par vente, et à 50 ans pour les mutations par vente; en sorte que, dans les pays et pour les biens sujets à ces deux espèces de droits, on compterait une mutation par vente en 50 ans, et une de la deuxième espèce en 40 ans ; sauf, dans les pays qui ne donnent que le même droit sur les deux genres de mutation, à y fixer la révolution à 50 années, à y accorder un double droit dans cette révolution, ou un seul droit par trente ans. Cette proposition nous paraîtrait conserver suffisamment les droits respectifs, surtout si l'on ne déduit pas au seigneur le tiers et le quart de remise, que la plupart d'entre eux étaient dans l'usage de faire.
Supposant fixé à 50 et 40 années le terme qui servira à diviser le produit des mutations allouées dans la révolution, il s'agirait maintenant de décider à quel denier sera porté le capital de cette année commune. Mais cette question (comme nous l'avons annoncé ci-dessus) étant commune au capital que l'on assignera à l'année ordinaire de cens et redevances annuelles, elle entrera dans l'examen des questions qui formeront la matière de la troisième section.
Observation sur les fraudes à prévoir. — Mais, avant de passer à ces dernières questions, il se présente ici une observation importante, et qui peut mériter une attention particulière.
Lorsque les mainmortes acquéraient un fonds soumis au régime féodal, outre le droit d'indemnité qu'elles payaient, elles avaient encore payé le droit de vente ou relief, ouvert par leurs acquisititions.
La même justice doit être rendue aux propriétaires actuels de fiefs, pour les fonds à l'égard desquels il surviendra des mutations avant le rachat.
Le décret du 4 août a bien aboli, d'une manière absolue,le régime féodal, et, par une suite nécessaire, les droits de supériorité et de puissance, qui ne pouvaient exister que par l'effet de ce régime, mais le décret n'a point aboli d'une manière absolue les droits utiles, qui, n'étaht que le prix et la condition de la concession des fonds, pourraient subsister, abstraction faite du régime féodal. Le décret ne donne au propriétaire du fonds grevé de ces charges que la faculté de s'en libérer par un rachat; il ordonne expressément que ces droits continueront d'être payés jusqu'au rachat : il est donc indubitable que toute mutation qui sera survenue avant le rachat aura acquis au propriétaire de la directe subsistante un droit de mutation, et que l'acquéreur, ou donataire, ou légataire, qui voudrait racheter la mouvance, ne pourrait pas se dispenser de payer le droit de mutation, indépendamment de la somme qu'il sera obligé de payer pour le rachat des droits éventuels futurs. Tout propriétaire, qui n'aura pas voulu profiter de la faculté que lui donnait la loi, ne pourra pas se plaindre si la mutation qu'il opère en vendant supporte un droit qui sera la conséquence nécessaire de celui qu'il n'aura pas voulu racheter antérieurement.
Mais, quelque juste que soit ce principe, il est aisé de prévoir que bien des personnes chercheront à en éluder la conséquence. On sait avec quelle industrie on avait inventé toutes sortes de tournures pour éluder les droits seigneuriaux ; il s'en présentera une bien simple pour se soustraire à la justice due aux propriétaires de liefs.
On peut prévoir que les rachats des droits féodaux et censuels ne se feront pas avec une grande activité ; peu de propriétaires se porteront à diminuer leur jouissance par un rachat, pour décharger leurs fonds d'une charge casuelle qui ne porte point sur eux tant qu'ils conservent leur propriété. Ce sera l'instant d'une aliénation qui provoquera un rachat. L'acquéreur ne voudra acheter qu'à condition que le vendeur lui remettra le fonds libre. Le vendeur sentira tout le poids du droit de la mutation actuelle, et du rachat des droits futurs : il n'avait pas voulu courir le hasard du forfait incertain, tant qu'il n'avait pas projeté de vendre; et il voudra se soustraire à l'effet de son indifférence passée, au moment où il voudra vendre.
De là un expédient que l'on ne se fera presque jamais scrupule d'adopter : le vendeur fera son marché ; l'acte de vente sera même rédigé sous seing-privé : en cet état le vendeur, toujours extérieurement propriétaire, se présentera pour racheter les directes. La vente se rédigera ensuite en acte public ; celui qui en demandera les droits sera repoussé par l'acquéreur, qui lui dira qu'il a acheté un fonds rédirné; et si l'on retourne sur le vendeur, il objectera qu'il avait fait le rachat avant la vente. C'est ainsi que le vendeur et l'acquéreur profiteront mutuellement du droit légitime dont ils auront frustré celui auquel la loi l'accordait.
La loi impartiale doit également protéger les droits du créancier et ceux du débiteur. Après avoir prononcé que les droits "seront servis jusqu'au rachat, peut-elle protéger une tournure qui tendrait à en priver le créancier légitime?
Nous ne voyons qu'un moyen de parer à cet inconvénient : c'est d'appliquer à ce genre de fraude la règle que nos lois avaient employée pour parer à un genre de fraude à peu près pa-réil, connue sous le nom de fraude normande:
fixer un terme dans lequel une mutation,survenue depuis le rachat, serait sujette au droit comme présumée l'effet d'un acte antérieur au rachat.
Ce terme devra être différent, selon la nature des mutations; s'agira-t-il d'une mutation par vente; il faudra fixer ce terme à dix ou au moins cinq ans. Un terme plus court faciliterait trop la fraude, parce qu'il serait aisé de couvrir dans un terme plus court une vente sous seing privé, qui pourrait n'être pas suivie d'une prise de possession extérieure au moyen d'arrangements pris uvéc le vendeur.
S'agira-t-il d'une donation entre vifs; le terme de six mois sera suffisant, parce que l'acte doit être passé devant notaire, et parce que le donataire court trop de risque à ne pas le faire insinuer dans quatre mois.
S'agira-t-il d'une mutation par mort ou autrement : un terme de deux mois sera suffisant, parce qu'une plus longue survie de celui qui a iait le rachat écarte tout soupçon que le rachat ait été offert dans la prévoyance de l'accident.
Passons maintenant à l'examen de la troisième section, qui doit comprendre les questions communes au rachat des deux espèces de droits féodaux et censuels, et notamment celle du denier auquel sera fixé le capital du rachat.
TROISIÈME SECTION.
Questions communes au rachat des deux classes
de droits.
Ces questions se réduisent à cinq principales.
A quel denier fixera-t-on le capital du revenu actuel auquel auront été arbitrés les cens et redevances annuelles, et les droits casuels féodaux et censuels?
Ce taux fixé sera-t-il immuable et toujours le même, en quelque temps et à quelque époque que se fasse le rachat?
Le rachat pourra-t-il être fait par chaque propriétaire individuellement, ou ne pourra-t-il se faire que par paroisses ou par cantons ? Les paroisses ou communautés pourront-elles être autorisées au moins à faire le rachat en masse, si elles le jugent à propos?
Si chaque propriétaire est autorisé à faire le rachat individuellement, comment se fera le rachat des cens et redevances solidaires?
Enfin sera-t-il permis de racheter les cens et redevances annuelles sans se soumettre en même temps au rachat des droits casuels ?
Première question. La première question se divise en deux :
1° Le denier capital du revenu annuel des droits féodaux ou censuels, des deux natures, ne sera-t-il que le denier de l'intérêt ordinaire de l'argent; ou sera-t-il un denier plus fort?
2° Si c'est un denier plus fort, quel sera ce denier?
Première branche de la première question. Sur la première question, deux raisons paraissent conduire à décider que le denier auquel sera fixé le capital du rachat doit être un denier supérieur à celui de l'intérêt ordinaire de l'argent.
D'abord, on pourrait dire que les rentes seigneuriales et les droits casuels faisaient, au 4 août, une portion des propriétés féodales ; que, comme telles, elles participaient à la valeur d'opinion que l'usage avait donnée aux corps même des fiefs, et que la loi, qui autorise le vas-
sal ou le censitaire à se rédimer du régime féodal, doit le soumettre à payer au propriétaire du fief le même prix que celui-Gi en aurait retiré, s'il avait vendu la veille de l'abolition du régime féodal •
Mais, en écartant cette première considération à laquelle on pourrait opposer que tous les fonds acquerront désormais une faveur qui les dédommagera de celle- qu'ils auraient perdue en qualité de fiefs, au moins faut-il convenir que les rentes et les devoirs seigneuriaux doivent être considérés comme rentes foncières, et à ce seul titre, avoir une valeur supérieure à celle des simples rentes constituées, ou des intérêts produits par une obligation.
Les renies foncières ont toujours eu, et auront toujours (tant qu'elles subsisteront) un degré de faveur supérieur, et conséquemment une valeur supérieure à tous les autres revenus produits par un simple placement d'argent. Cette faveur résulte de ce qu'elles sont représentatives d'un fonds qui n'a été aliéné que sous cette condition; de ce que le débiteur ne peut naturellement s'en délivrer qu'en restituant le fonds; et enfin, de ce que, par leur hypothèque privilégiée sur le fonds qu'elles représentent, elles forment une propriété plus solide, et moins exposée aux révolutions générales et particulières.
En second lieu, un grand nombre de redevances seigneuriales sont payables en denrées ou grain s : à ce titre, elles participent aux avantages des propriétés véritablement foncières, puisqu'elles sont susceptibles de la même augmentation de valeur que les fonds eux-mêmes reçoivent par l'augmentation du prix des denrées. Les droits casuels sont de même nature, puisque leur produit s'augmente dans la proportion de l'augmentation du prix ou du revenu des fonds. C'est par ces raisons que les propriétaires de rentes foncières, lorsqu'elles étaient non rachetables, U'en acceptaient jamais le rachat qu'à un taux supérieur au denier ordinaire de l'argent, et que les débiteurs n'hésitaient point à se soumettre à cette condition. C'est par cette raison que les lois, qui, par des considérations particulières, avaient autorisé le rachat de certaines rentes foncières, en avaient fixé le taux à un denier supérieur au taux ordinaire de l'argent. C'est ainsi que l'article 122 de la Coutume de Paris, rédigée en 1580, avait fixé au denier vingt le remboursement des rentes foncières, parce qu'alors le taux de l'argent n'était qu'au denier douze, et qu'un arrêt du 18 juin 1683 avait porté le taux du rachat des rentes foncières au denier vingt-six, parce qu'alors le taux de l'argent était monté au denier vingt.
Aiqsi, d'un côt0, il ne paraît pas juste de soumettre les possesseurs actuels des anciens fiefs à ne pouvoir se procurer un revenu égai à celui qui fera l'objet du rachat, que par un remplacement d'une naturp moins solide et moins précieuse, tel que des rentes ou obligations à intérêt. Lj'un autre côté, on ne rendrait pas même une pleine justice aux propriétaires des anciens {iefs, si on ne leur remboursait qu'un capital qui ne les mettrait point en état d'acquérir des fonds capable^ de leur produire, sur le revenu actuel, le meme bénéfice d'augmentation dont étaiept susceptibles les droits soumis au rachat, et dont est susceptible le fonds rédimé par le rachat.
Ces considérations semblent donc conduire à conclure que le rachat doit être fait à un denier supérieur à celui du taux de l'intérêt de l'argent.
Deuxième branche de la première question• Mais à quel taux précis faudra-t-il fixer le denier du
capital du rachat ? Ce taux sera-t-il uniforme par tout le royaume ; les réflexions que nous avons proposées sur la question précédente conduisent naturellement à répondre que le taux du rachat doit être le même que celui du prix courant des fonds grevés de la charge rachetable ; en sorte que la somme payée par le rachat puisse donner lieu à l'acquisition d'un fonds productif d'un revenu égal à celui des charges rachetées.
Mais la valeur des fonds n'est pas la même dans toutes les provinces du royaume; elle varie infiniment dans la même province : cette valeur varie souvent d'après des considérations locales, telles qua l'abondance de l'argent, le débouché des deniers, le plus ou moins de proximité des villes. Il est impossible qu'une loi générale embrasse toutes ces variétés. Il semble que l'on pourrait rendre les départements administratifs, chacun dans leur ressort, en quelque façon arbitres entre les parties sur le denier du rachat, et les autoriser à fixer le taux, soit pour le département en général, soit pour les divers districts de leur ressort. Ce parti nous paraît d'autant plus nécessaire, que lea départements se trouveront en état de compenser les inconvénients locaux qui pourraient résulter de la règle générale, d'après laquelle on aura fixé le nombre d'années qui formeront le dividende de l'année commune. Gette compensation s'opérera en haus-, sant le denier du rachat dans les pays où les mutations par vente sont plus fréqueptes, et en baissanf ce même denier dans les pays ou les mutations sont moins fréquentes par des considérations locales.
Deuxième question. Mais le denier de ce rachat une fois fixé sera-t-il invariable, à quelque époque qu'il se fasse ?
Le prix des fonds augmente ou diminue suivant le prix de l'argent, c'est-à-dire selon le taux de l'intérêt ordinaire de l'argent ; et ce taux de l'intérêt lui-même augmente et diminue suivant l'abondance ou la variété du numéraire.
On l'a déjà observé : oq ne doit pas s'attendre que les rachats se fassent, au moins par tout le royaume, dans un terme très-prochain.
On ne peut pas forcer les débiteurs à se faire liquider dans un terme très-prochain, même en leur donnant la faculté de payer l'intérêt de la somme liquidée, jusqu'au payement effectif; le rachat permis par la loi n'est qu'une pure faculté dont chaque débiteur est maître d'user, ou de ne point user, selon son intérêt. Ce serait détruire cette liberté que de forcer tous les débiteurs à se faire liquider dès à présent, et à payer l'intérêt de la somme liquidée. Le rachat à l'égard du débiteur ne peut être fondé que sur l'une ou l'autre dp ces deux spéculations : ou le débiteur qui le fait trouve plus d'avantage à débourser unç somme dont l'intérêt est supérieur à la charge dont il est grevé, ou il veut bien sacrifier une somme pour délivrer sa chose, et ses successeurs du hasard des événements et d'une plus ou moins grande fréquence des mutations éventuelles : mais aucun ne peut être forcé de souscrire à l'une ni à l'autre (Je ces deux spéculations ; chacun doit rester maître d'administrer sa propriété comme il juge à propos.
11 est donc impossible d'assujettir tous les possesseurs à faire liquider dq.ns un terme quelconque le rachat, et à en payer l'intérêt jusqu'au payement : dès lors il faut que le taux de rachat den^eure variable, et suive les révolutions que le prix des fonds éprouvera lui-même.
Il n'y aura en cela aucune injustice, ni vis-à-
vis du débiteur, ni vis-à-vis du créancier. Si le prix des fonds augmente, le débiteur ne pourra se plaindre d'une surcharge, puisqu'il pouvait prévenircet événement, puisqu'il supporterait une charge plus grave : le créancier ne pourra se plaindre^ puisque, si le rachat n'était point permis, ii aurait une créance moins importante. En un mot, G'est la loi de toutes les propriétés d'augmenter ou de diminuer, et de subir toutes les révolutions que les événements publics produisent sur les propriétés.
Nous pensons donc que les départements doivent être autorisés, chacun dans leur ressort à fixer à leur premier travail le denier de rachat ; et que ce denier, une fois fixé, servira de type à tous les rachats, en quelque temps qu'ils se fassent, d'après les variations que le taux de l'intérêt de l'argent éprouvera ; en telle sorte que le denier du rachat augmentera dans la même proportion que l'intérêt de l'argent diminuera, ou que le denier du rachat diminuera, si (ce qui n'est pas vraisemblable) l'intérêt de l'argent s'élevait au-dessus du denier vingt.
Troisième question. Maintenant, on demande si chaque propriétaire individuellement sera autorisé à rachéter et libérer son fonds, ou si ce rachat ne se pourra faire que par les paroisses et les communautés en corps; enfin, si les paroisses et les communautés ne pourront pas au moins être autorisées à faire ces rachats en masse ?
On sent assez que cette question ne peut pas concerner les propriétés qui appartiennent aux corps et communautés. A Pégard de ces sortes de fonds, les corps de fonds, les corps de communautés ne forment qu'une personnp civile et morale, 11 n'y a qu?une propriété : il ne peut dont y avoir qu'un seul rachat.
La question ne peut concerner que les propriétés privées des différents particuliers possesseurs dans un même territoire ; et c'est relativement à ces sortes de biens, que l'on demande si le possesseur de l'ancien fief pourra refuser tout rachat particulier, à moins que l'universalité des tenanciers dans la seigneurie, ou dans une paroisse, ou dans un canton, ne se réunissent pour offrir le rachat.
On ne peut se dissimuler que les rachats particuliers ne deviennent très-onéreux aux possesseurs actuels des droits féodaux ; mais il n'existe aucune raison qui puisse les autoriser à refuser ces rachats particuliers, non-seuiempntde chaque débiteur, mais encore de la part de chaque débiteur, pour un tel fonds, plutôt que pour un autre : bien entendu, toutes les fois que les fonds ne partiront pas d'une seule et même concession.
Chaque inféodation, chaque bail à cens, ouem-phytéose, est un contrat particulier, n'a rien de commun avec un autre. Le propriétaire qui réunit plusieurs propriétés inféodées ou accensées par des actes différents, représente autant de propriétaires primitifs, et dqU fouir du même droit qu'aurait chacun de cès propriétaires.
D'ailleurs, obliger les communautés à racheter les droits sur les propriétés assises dans leur territoire, ce serait les obliger à faire des emprunts onéreux, pour èe procurer par la voie de la subrogation une propriété nouvelle : ou ce serait rendre fqrcp jpm rachat qui n'est que de fapulté, si les particuliers étaient cont^aipjs de contribuer au rachat auquèl les communautés jqgeraient à propos de SG soumettre, souvent Rôùr obliger uqé personne puissante, et par l'effet d'une intrigue secrète.
Les communautés pourraient, sans doute, être autorisées, lorsqu'elles auraient des fonds oisifs, à racheter toug les drpits de leur territoire,len se faisant subroger au lieu et place du propriétaire de ces droits; mais ce serait enfreindre Fédit de 1749, en les mettant à portée d'acquérir ainsi des propriétés foncières.
Quatrième question. 11 ne peut y avoir d'exception au principe, qui permet à chaque propriétaire de libérer son fonds, que le casoùun même fonds se trouve chargé cj'un cens ou autre redevance solidaire.
Le décret du 4 août, en déduisant tout ce qui n'appartenait qu à des distinctions honorifiques, ou à une puissance réelle ou personnelle, contraire à l'égalité naturelle et sociale, a voulu conserver le droit sacré des propriétés. L'Assem» blée nationale l'a voulu, et n'aurait pas pu ne le pas vouloir, parce que la justice est supérieure à toutes les puissances, et parce qu?aucune autorité n'aie droit de faire ce qui serait injuste.
Autoriser l'un des co-tenanciers, soumis à une directe solidaire, à ne racheter que la portion qu'il possède dans le fonds sujet à cette directe, ce serait blesser les premières règles de la justice. Toutes les conditions du cpntrat qui fonde ma propriété, forment une portion de cette même propriété. Si vous retranchez de ma propriété l'une des conditions qui l'accompagnent, qui l'affermissent, qui la rendent plus avantageuse, vous l'altérez, vous la dénaturez. La solidité d'une redevance est certainement un accessoire très-avantageux de cette propriété : c'est la condition sine qua non; le fonds a été concédé. C'était une condition légitime, puisque tout vendeur peut opposer à sa cession telle loi qu'il juge à propos.
Il nous paraît donc certain que le propriétaire du fief ne peut être forcé de recevoir le rachat partiel (les redevances qui sont solidaires sur un ronds.
Questions incidentes à la quatrième. Mais de cette décision même naissent deux questions nouvelles.
1° — Si les co-redevable,s d'^n cens splidaire ne veulent pàs se reunir ppur en fc}ire le rachat, qu'arriverà-t-il ? En résuitera-t-il CèjUi pu ceux qui voudraient sortir entièrement du ^giiiip, féodal, qui auraient un intérêt à lé faire; ne pourront point y parvenir?
Nous pensons que celui ou ceux qui voudrpqt se racheter, le pourront, en remboursant le capital entier des redevances solidaire?, et en se faisant subroger aux droits du créancier remboursé, pour se faire payer par les autres co-tenanciers ae leur portion dans la rédevance solidaire, déduction faite de la portion dè delui qui aura fait le rachat.
2° Mais ce co-tenancier solidaire ser^M-il obligé, ep remboursant ja tQfàlité de la redevance solidaire, ppL remboursant en ipêcqe temps tous les droits paspels sur spn propre fonds, de rem-! bourger encore ces mêmes droits casuels sur toutes les autres portions de ses co-tenanciers 1
C'est ipi une question bearçcoqp plus difficile ; mais, comme, elle tient à la dernière dés cinq questions principales que nous avons annoncée?, nous en allons différer l'examen après la discns? siqn de cette dernière question,
Cinquième et dernière qy,çstion. Cette dernière question est pelle de savoir si le propriétaire d'un fonds soumis à une directe féodale PU cpn-suelle, pourra être admis § rembourser les cens ou redevances seigneuriales annuelles sans étre
obligé de racheter en même temps le fonds des droits casuels?
La solution de cette question générale nous paraît devoir sortir du même principe que nous avons posé sur la précédente. Les conditions fondamentales sous lesquelles un propriétaire a concédé son fonds font partie du prix qu'il a stipulé, en formant un droit de propriété dans la main du bailleur ; droit que la loi ne peut jamais détruire, même sous prétexte d'utilité publique, qu'en procurant au propriétaire une indemnité entière. L'ancien propriétaire du fief n'a aliéné une portion de son domaine, que sous la double condition d'une redevance annuelle et de prestations casuelles en certains cas. Ces deux conditions sont la loi indivisible sous laquelle le censitaire ou le vassal avaient acquis leur propriété; il ne peut donc affranchir son héritage qu'autant qu'il rachète toutes les conditions indivisibles sous lesquelles il est devenu propriétaire.
Le même principe semblerait devoir décider la question secondaire de la quatrième question, dont nous avons réservé la discussion à cette époque. La condition des droits casuels étant indivisible de la condition du service du cens qui n'est que le signe représentatif de la directe, comment pourrait-on obliger ' le propriétaire de cette directe indivisible à en souffrir le rachat partiel ? Souvent le ténement soumis à une directe indivisible n'a été originairement concédé qu'à un seul propriétaire. La multiplication postérieure des propriétaires a-t-eile pu changer la condition, ou le sort de celui qui a concédé le fonds?
Nous ne pouvons cependant dissimuler que cette question peut souffrir beaucoup de difficulté. Il serait bien dur d'assujettir un seul des co-te-nanciers, qui désirera affranchir sa portion, à racheter même les droits casuels sur la portion des autres : quoique la directe soit indivisible sur le ténement, la prestation des droits casuels n'est point par sa nature indivisible. Chacun ne supporte cette charge qu'autant qu'il aliène, ou cpi'il acquiert par une mutation qui le soumet à des droits ; dès-lors on peut soutenir avec quelque raison que le rachat des droits casuels peut être susceptible de la même division dont la prestation du droit est elle-même susceptible.
Nous n'osons point prononcer sur cette question, et nous la soumettons aux lumières du comité.
QUATRIÈME SECTION.
Effet ,du rachat reçu par Varrière-vassal, relativement au vassal dominant.
Le rachat n'est que de pure faculté : c'est la décision textuelle du décret.
De là une conséquence certaine : celui qui possède un fief n'est point obligé de racheter la mouvance, s'il ne le juge à propos, et doit avoir la liberté de ne le faire que lorsqu'il le jugera à propos.
Mais, si d'un côté le possesseur de fief ne veut pas se racheter, et si le même possesseur de fief, d'un autre côté, reste maître de recevoir tous les rachats qui pourront lui être offerts, soit de la part de ceux qui tiennent un fief de lui, soit de la part des censitaires, comme il restera en même temps maître de consumer ad libitum le produit de ces rachats, il en résultera qu'il pourra diminuer considérablement la valeur de son fief; il pourra même l'anéantir totalement si ce fief n'a
point de domaines corporels, et ne consiste qu'en droits incorporels de directe sur des arrière-fiefs, ou des censives.
Cependant le propriétaire du fief dominant n'a d'autre garantie de la perception de ses redevances annuelles et de ses droits casuels sur le fief servant, ainsi que du rachat, qui seul en peut faire cesser la perception, que ce fief même et sa valeur actuelle.
La directe, dont le propriétaire reçoit le rachat, est une portion intégrante de son fief. Un corps féodal, qui consiste dans un domaine corporel de 6,000 livres, est une propriété de 12,000 livres, divisée en deux parties ; ces deux parties ne forment, relativement au seigneur dominant, qu'un seul corps, le compleœus feodalis, le corps de fief, soumis aux droits dont le fief entier est grevé. Si le vassal pouvait aliéner purement et simplement, par l'effet du rachat, la seconde moitié de ce fief, le fief supérieur n'aurait plus pour garantie de ses droits qu'une propriété de6,000 livres, au lieu d'un gage de 12,000 livres.
Il est donc évident que l'on pourrait exposer le fief supérieur à voir tous ses droits perdus et anéantis, si l'on n'obligeait pas le propriétaire du fief inférieur à se racheter lui-même sur l'objet dont il recevra le rachat.
Cette circonstance paraît devoir faire fléchir la règle générale, qui veut que le rachat ne soit que de pure faculté. Nous estimons donc que le propriétaire inférieur doit être obligé de se racheter lui-même dans la proportion des droits dont il recevra le rachat sur les fiefs mouvants de lui, ou sur les censitaires : c'est-à-dire qu'il sera obligé de payer au seigneur propriétaire du fief dont il relève lui-même le rachat de propriété qu'il aura perdue par l'effet du rachat qu'il aura reçu.
L'opération sera fort simple. La somme à laquelle aura été fixé le racnat payé au fief inférieur, formera l'estimation de cette portion du fief inférieur; cette somme sera divisée par le dividende de 50 ou 60 ans, qui formera la règle générale des rachats; ce dividende donnera une année commune de revenu, à laquelle on appliquera le denier du capital qui aura été fixé par chaque département.
Ce que nous disons du fief inférieur vis-à-vis du fief dominant s'appliquera successivement dans tous les degrés de la hiérarchie féodale, à tous les fiefs, jusqu'aux domaines de la couronne, auxquels se termine l'échelle féodale; en sorte que le rachat, opéré au premier degré inférieur de l'échelle, opérera des rachats successifs, et toujours décroissants jusqu'au dernier degré supérieur.
Pour assurer ce rachat graduel, il conviendra d'ordonner que nul ne pourra recevoir un rachat de son vassal, ou censitaire immédiat, sans appeler le propriétaire du fief supérieur.
CINQUIÈME SECTION.
Des droits d'échange.
Quelques coutumes assujettissent les échanges aux mêmes droits que les ventes; et dans ces coutumes, il est évident que cette espèce de droit casuel entre dans le rachat général des droits féodaux ou censuels permis par le décret du 4 août.
Mais la presque universalité des coutumes n'assujettit les aliénations par échange qu'à un droit de relief.
Deux édits de 1645 et 1674 ont ordonné que
« les droits seigneuriaux qu'établissent les cou-
« tûmes relativement aux mutations par ventes,
« seraient aussi payés à l'avenir au roi pour les
« mutations par échanges d'immeubles, soit qu'ils
« fussent dans la mouvance du roi ou des sei-
« gneurs particuliers, »
Ce droit sur les échanges a été vendu au profit du roi dans les seigneuries qui n'étaient pas de sa mouvance. L'édit de 1674 et plusieurs autres édits postérieurs ont accordé aux seigneurs particuliers la préférence pour l'acquisition de ces droits d'échange dans l'étendue de leurs seigneuries ; mais, à leur défaut, il en a été vendu à des particuliers, non-seulement étrangers aux seigneuries dans lesquelles ils les ; achetaient, mais même qui n'y possédaient ni fief ni domaine.
Soit que ces droits soient possédés par les propriétaires des seigneurs, soit qu'ils soient possédés par des étrangers, il est évident que ces droits ne font point partie des droits féodaux casuels, qu'ils ne dérivent pas du contrat féodal et cen-suel, et qu'ils n'ont d'autre base et d'autre origine que les lois fiscales et bursales, qui en ont fait un véritable impôt perçu au profit du roi, ou par ceux auquels le roi a vendu le droit de les percevoir..
Sous ce point de vue, il est certain que cette espèce d'impôt n'est point dans le cas d'entrer en considération dans le rachat des droits et devoirs féodaux, ou censuels permis par le décret du 4 août; mais il parait nécessaire de prendre un parti quelconque au sujet de ces droits d'échange. Subsisteront-ils? Et si on les supprime, comment et par qui seronl-ils rachetés ?
Il ne paraît guère possible de laisser subsister ces droits, qui ont, pour la liberté des fonds et de leur commerce, les mêmes inconvénients que les véritables droits féodaux.
Mais, en les supprimant quel parti prendra-t-on ? Ceux qui les possèdent les tiennent à titre onéreux, et moyennant une finance, on ne peut donc les leur retirer qu'en leur remboursant au moins le prix de cette finance.
Il ne paraît pas possible d'obliger les redevables à racheter ces droits. Il est contre la nature d'un impôt d'être rachetable; il doit subsister s'il est juste; il doit être supprimé purement et si ruinent, s'il est injuste. Celui dont il s'agit porte un caractère d'injustice, en ce qu'il ne porte que sur une classe de citoyens (ceux qui sont dans le régime féodal), et que tout impôt doit être commun à tous les citoyens quelconques.
Il n'y a donc pas d'autre parti à prendre que de faire rembourser par l'Etat aux acquéreurs de ces droits Je prix de leurs finances; et ce remboursement, à l'égard de ceux qui sont sous la mouvance immédiate des domaines de la Couronne, pourra s'opérer naturellement par une compensation avec les rachats que les vassaux seront dans le cas de faire.
TABLEAU des différents usages qui avaient lieu dans les diverses cours souveraines du royaume sur le mode et le prix de l'indemnité que devaient les gens de mainmorte aux seigneurs féodaux ou censiers.
PARLEMENT DE PARIS.
Le Parlement de Paris seul nous offre une grande varfété dans l'usage et la forme de l'indemnité à
laquelle étaient assujettis les gens de mainmorte.
Cette variété résultait de l'immensité de son ressort, de ce que dans ce ressort on trouvait des pays de coutumes et des pays de droit écrit ; de ce que parmi les coutumes il y en avait de muettes et d'autres qui s'expliquaient sur la question; enfin, de ce que les coutumes qui avaient prévu la question avaient établi des règles différentes.
Des soixante coutumes principales ou environ qui partageaient le ressort du Parlement de Paris, il n'y en avait que huit qui s'expliquaient sur la question de l'indemnité, et ces coutumes admettaient deux espèces d'indemnités : une en argent pour l'indemnité des non-mutations qui n'ouvrent que des droits de rachat et de relief; et cette seconde indemnité consistait à obliger la mainmorte à fournir un homme vivant et mourant, dont le décès donnait ouverture à ces sortes de droits. Plusieurs autres parlaient de l'homme vivant et mourant, mais ne parlaient pas de l'indemnité en argent : et par cette raison, elles étaient rangées dans la classe des coutumes muettes.
Les coutumes qui admettaient la double indemnité ne s'accordaient point sur le taux de l'indemnité en argent; les unes donnaient pour indemnité le cinquième de la valeur du fonds tenu en fiéf ; les autres ne donnaient que le sixième, ou trois années de revenu.
Quoi qu'il en soit, l'on voit que dans toutes ces coutumes, le seigneur, outre le droit ouvert par l'acquisition, recevait un second droit pour indemnité, et qu'il conservait en outre le droit de rachat par l'effet de l'homme vivant et mourant.
N'y ayant dans le ressort du Parlement de Paris que huit coutumes qui eussent fixé l'indemnité, il a fallu former une règle générale pour toutes les coutumes muettes ; et ce qui s'est passé à cet égard mérite une singulière attention.
Très-anciennement (du temps de Dumoulin et de Loysel) on ne donnait au seigneur, pour toute indemnité, que l'homme vivant et mourant, dont le décès donnait ouverture au droit de relief.
Il y avait injustice, puisque ce genre d'indemnité ne pouvait pas représenter le droit de quint et de requint auquel les ventes auraient donné ouverture.
Cet usage fut changé du temps de Raquet. La jurisprudence accorda au seigneur, outre l'homme vivant et mourant, le cinquième de la valeur des fonds. La jurisprudence accorda la même indemnité en argent pour les rotures, et il n'y avait d'autre différence entre les fiefs et les rotures qu'en ce que, pour les fiefs, le seigneur avait de plus l'homme vivant et mourant.
Les seigneurs réclamèrent encore, et prétendirent qu'il était injuste de ne leur donner que la même indemnité des mutations par venle, pour les fiefs comme pour les rotures, les droits pour les fiefs étaient infiniment plus forts. Un arrêt de 1581 accorda à un seigneur, pour l'indemnité en argent, le tiers de la valeur du fief, et en outre, Thomme vivant et mourant avec profit. On appelait ainsi celui dont le décès faisait ouverture au droit de relief, à la différence de celui qui n'était donné que pour servir la foi, qui s'appelait sans profit.
L'arrêt de 1581 ne devait pas certainement servir de loi générale, attendu qu'il avait été rendu pour une coutume particulière dans laquelle les
droits utiles, casuels, soqt tr^s-cpnsifjéral^ll^, quint y ayant lieu, même éri dboatîori.
Cependant, presque tous les auteurs qui ont écrit député, ont fait de cet arrêt une loi générale, èt ont pris pour principe qu'en fiefs lp droit d'indeirinité etajt du tiers dé la valeur .du fqnds, avec ï'tiqrime Vivant et 'îhôurapl'ay^C' profij;.
Plusieurs rèclaipations; 'éle yjgek 'tàr lès gens de mainmorte avpc profit n'avait lieu que quand l'indemnité n'avait été payée qu'au cinquième.
Ainsi, relativement au pays coutumiér du ressort du PaHeméqt' de Paris, il y avait trois usages
1° Suivant le droit commun pour toutes les coutumes muettes, l'indemnité pour les fiefs était bu du tiers de là Valéurdu fief, saiïs aucnn profit de rèlief, l'homme? vivant et mourant n'étant alors donné que ppur faire la foi et les autres services'honorifiques-, ou du cinquième dé la va-lèur du fief,>ravëc l'homme vivant et mourant donnant ouverture au relief pàf son déc$sv;
2° Dans ' quelqups coutumes l'indemnité était au cinquième avec l'homme vivant et mourant donnant ouverture au relief ;
36 Dans quelques autres, l'indemnité n'était qu'au sixième, avec homme vivant et moùrant donnant ouverture au fief. 1
On peut joindre encore à ces usages celui qui sfétaitintroduit en Artois, province dans laquelle, outre le droit dû par l'acquisition," lé séigqeUr recevait, pour indemnité, uti second quint et un troisième droit de quint tous les quarante ans. Cet usage était fondé sur èé que les droits casuels sont très-forts dans cette coutume, qui donne le quint en donation.
A l'égard des rotures, le droit commun dans le ressort du Parlement de Paris était dii cinquième de la valeur du fonds.
Enfin il faut observer que sur la totalité de ces indemnités en argent, oh déduisait un sixième pn faveur des seigneurs hauts-justiciers, quand la directe et la justice n'appartenaient pas au même seigneur.
A l?égard du pays de droit écrit du ressort du Parlement de Paris fiels que le Lyonnais, le Forez, le JBpaujoJais, le Maçonnais), comme les fiefs y sont sàps projet, qp ne voit point d'usage d'in-deipnité popr les fiefs ; mais il paraît qu'à l'égard des emphytéotés sujets à un lods, l'usage a varié, l'ipdémnite étant tantôt du sixième en argent, tantôt d'un homme vivant et mourant, tantôt d'pn Jods trgntepaire-
Tels efaipht les différents usages des différents pays sujets au rès^ort jiu parlement de Paris : à l'égard deg autres Parlements, ggfa bienmoj|)s ponsjdôrablé.
PARLEMENT DE BRETAGNE.
Rennes. Ce Parlement paraît avoir adopté pour les fiefs comme pour les rotures l'usage du Parlement de Paris relatif aux fièfs, C'est-à-dire ou l'indemnité au cinquième avec l'homme vivant et mourant, ou l'indemnité au tiers sans droit de rachat.
L'indemnité dans cette province était la même pour les rotures et pour les fiefs, parce que les uns et les àùtres sont tenus des mêmes charges ; mais il semble que lè taux de l'indemnité n'y aurait pas dû être aussi fort qu'à Paris, puisque les ventes n'y sont qu'au huitième. Il èst vrai qu'il y a des seigneuries où le rachat est dû à toute mutation.
PARLEMENT DE NORMANDIE.
Rouen. Le règlement de 1666 y a fixé l'indemnité pour les fiefs au tiers, avec l'hpmme vivant et mourant, et même confisquant, et au quart pour les rotures.
Cet usage paraîtra bien extraordinaire si l'on considère : 1° que les fiefs comme les rotures ne doivent dans cette province pour vente que le treizième, qui revient au douzième ;
2° Que les rotures doivent, commp les fiefs, les reliefs pour succession;
3° Que les fiefs doivent à la vérité, en cas de vente, un relief outre le treizième, mais que ce relief est fixé par là coutume à une somme très-faible, soit pour le cas de vente, soit pour celui de succession.
D'après cela on pe peut concevoir ni pourquoi le règlement a établi une différence si grande entre les fiefs et les rotures, ni pourquoi l'indemnité pour les fiefs a été fixée à un taux si haut.
Il est vrai qu'en Normandie les fiefs y jouissent de droits qui n'appartiennent ailleurs qu'aux seigneurs hauts-justiciers, tels que les droits de confispation, déshérence, bâtardise, ligne éteinte, droit de vacances en tous genres, épars, etc.
Ces droits, surtout celui de la ligne éteinte, peuvent mériter quelque considération.
PARLEMENT DE DIJON.
Dijon. Le ressort de ce Parlenment comprend un pays de coutume et des pays de pur droit écrit, tels que la Bresse, le Valromey et Gex.
Dans pays de poutqme, les fiefs sept de pur honneur et ne doivenj; a(ipun profit ; ujajs |ps fiefs y sont de danger,
Dans le pays de poutqme, les fiefs sept de pur honneur et ne doiven aucun profit; mais les diefsy sont de danger.
Ceux de pays de Bugey sont également d'honeneur.
En Bresse il y a des seigneuries ou les fiefs doivent lods en cas de vente, et d'autres oú ils sont sujets au droit de retour par I'extinction de la ligue masculine.
Quant aux rotures, on distingue trpis sprtes de cens : î° le pens au spighèpr haut-justicier, lequel p'emporte pojnj; lods et rptenpe, s'jl n'y a titre ou possession immémoriale;
2* ipens etopliytèotique, qui emporte loç|s et retenue ;
3° Ceris simple, tttif n'p^t qufuue rçitfe fqp-cière.
Les lpds sqnt pommunément au dpuxjème.
Les auteurs de pe Parlement ne nous offrent aucune règle d'indemnité pour les acquisitions faites par lès gens de majnmorte. Il $ efl pouvait être qu§ pour ce^x des fiefs sujets à pmni ; apparemment qije Ips qçpasions en pnt été rares, et que les seigneurs se sont arrangés à l'ami^plé, quand l'occasion s'en est présentée, puisque lés livres ne nous offrent aucune trace de jurisprudence à cet égarfL
Quant aux rotures, Raypt et Bannejier ne sont pojnt d'accord ; le premier suppose uqp indemnité en argent au cinquième ; Baq nelier $ït que la coutume ne la fixant ni au cipquièirçe, ni au sixième, ni à aucune quotité, il faut s'en tenir aux droits ordinaires des mutations qui-ont lieu dans le commerce ; et que les mains-mortes ne donnant point ouverture à ces mutations, il faut leur faire donner un homme vivait ou mourapt qui, par son décès, doque Ojivprture aux lofls,ou
leur faire payer un lods sur estimation par experts fous les vingt ou vingt-cinq anp, ou répartir un lods sur vingt ans, et en grossir le cens annuel, ou enfin arbitrer de gré à gré une somme une fois payée. Ainsi il paraît qu'il n'y a point d'usage constant dans ce Parlement.
PARLEMENT DE FLANDRE.
Doyay. Son ressort s'étend sur un pays de coutume doqt les droits féodaux pont fort variés.
Nous ne trouvons point d'autres renseignements gijr l'psage de ce Parlement, quant à l'indemnité due par les gens de mainmorte, que l'arrêt du 12 août 1697 quj. a jugé, suivant Pi-nault, que ce droit était évalué à qn dpoit de quint payable tous les trente aqs.
CONSEIL SOUVERAIN DE COLMAR.
Colmar. Goëssmann, en'son Traité du droit commun des fiefs d'Alsace, t. II, p. 126, assure qjie le droit d'indemnité est inconnu en Alsace.
PARLEMENT DE METZ ET DE NANCY.
Metz et Nancy. Je n'ai pu découvrir aucune preuve de l'usage du Parlement de Metz.
Il en est de même de la cour souveraine de Nancy, où les fiefs sont régis par le livre des fiefs et le droit des fiefs d'Allemagne.
BESANÇON.
Besançon. Ce pays est aussi régi en partie par la coutume du Comté, et pour le surplus par le pays de droit écrit;
Une déclaration du 18 mars 173? a fixé dans cette province l'indemnité à l'égard du Roi au dixième pour les fiefs et à un lods tous leg vingt-neuf ans pour les rotures, avec la déduction du dixième pour le seigneur haut-justicier. Le préambule de cette déclaration annonce que le Roi a fixé l'ipdemnité à son égard sur le même pied qui était en usage dans cette province pour l'indemnité due aux seigneurs.
PARLEMENT DE GRENOBLE.
Grenoble. Dans le ressort de ce Parlaient, les fiefs y sont die profit et de danger ; mais ils ne sont sujets qu'aux mêmes droits de ventes que les rotpres tenues fin erçipbytéqse.
Ces droits sont un lods dont Ja quotité varie à l'ipfiui, étant tantôt du tiers denier, du quart, dû quint, du sixième, du douzième, du treizième, du vingtième, et même du quarantième. Le tiers denjer §e prend en montant, en jsprte qqe le tiers équipollë à la moitié du prix, 5Q liv. pour 100 liv. Mais les autres quotités sont hors du prix. Le seigneur haut-justicier prend le tiers des lods sur les fonds qui sont arrosés par les petites rivières de ïa seigneurie.
Il n'y pqint, en général, de relief pour {es mutations par succession, et pour les donations par échange. Il p'y a que mi-Iodg, mais en quel-crues seigneuries on connaît le f iait, qui est un droit dû à toqtes mutations, même celles du seigneur; piais ce n'est point le revenu d'une ^.niièe ; ce ii'est qu'une redevance dont la quotité
varie, excepté le plait à merci, qui est le revenu d'une année...
Un ancien règlement de 1532 avait fixé pour les domaines du roi l'indemnité (lue par les gens de mainmorte aux doubles lods pour les fiefg ; et à l'égard des fopds tenus à emphytéôsë, ils étalent en outre sujets à un doublement ae Cetig tous les dix ans, en sorte qué par trente ans lë doublement ùioiïtait autant'que vaudraient les lods.'
Ce dpublement ne pouvait produire cet effet, lorsque le cens était en deniers et de peu de valeur : c'est ce qui a fait que l'on a abandonné cet ancien règlement, et l'usage actuel (au moins au temps auquel écrivait Salvaing) était d'obliger la mainmorte à payer un lods tous les vingt ans, et de fournir homme vivant et mourant dpnt le décès donnait ouverture aux lods.
PARLEMENT DE TOULOUSE.
Toulouse. Le ressort de cette province étant régi par le pur droit écrit, les fiefs y sont sans profit, s'il n'y a titre contraire.
Les censives ou emphytéoses sont sujettes aux lods en cas de vente, et en outre au droit d'acapte et arrière-acapte droit qui se paye à toute mutation autre que par vente, tant de la part du vassal que du seigneur- quotité de ce droit varie suivant les titrep des différent^ seigneurs ; communément if est lin doublement des redevances annuelles.
La mainmorte doit pour indemnité des acaptes et arrière-acaptes un homme vivant et mourant, et pour ^indemnité des lods, une somme en argent, qui, se règle à l'amiable, ou par experts.
PARLEMNT DP BORDEAUX.
Bordeaux. On distingue, dans je ressort de pe Parlement, le pays de coutume qt le pays de drpit écrit.
Dans la coutume, les ventes sont au huitième denier, mais ne sont dues que sur les rotures et non sur les fiefs, s'il n'y a titre, ou possession ; il paraît qu'on ne reconnaît point le droit de rachat.
L'usage pour Pindemnité, soit des fiefs qui donnent profit, soit des rotures, paraît fort incertain .
Suivant Dupin en sa note sur Automne, et le second annotateur de la Péyrère, au mot Amortissement, l'usage constant est ou de fixer l'indemnité au tiers du prix du fief, et au quint pour les rotures, ou de donner un droit de lods ét ventes tous les trente ans, ou de fournir l'homme vivant et mourant. Le déuxlême annotateur de la Pevrêre cite même un arrêt du 6 septembre 1677, à l'appui de sa décision.
Mais une seconde note dè pupin suppose qu'un arrêt du 27 juin ' lf)92 a ' fixé l'indemnité a uii double lod?, outre celui produit phr 1k mutation.
Quoiqu'il en spit, toutes ces fixatipns paraissent fort arbitraires : pourquoi y tiUrait-il une différence entre les fiefp et les rqtures, puisque les fiefs api sont de profit riè doiveijt pas plus que lés rotures? Il n'y a aucune proportion eritre le tiérs ou le quittt du prix, et un lods tous les trente ans, puisque le lods n'ést qu'ail huitième, ni entre les doubles lods, et le tiers ou le quint du prix.
PARLEMENT DE PROVENCE.
Aix. Les fiefs étant sans profit, à moins qu'il n'y ait titre ou possession, il n'y a d'usage que pour les biens tenus à emphytéose, qui doivent lods au treizième, excepté certaines seigneuries dont les titres donnent double droit.
Dans ce parlement, l'usage était de fixer l'indemnité à un droit demi-lods tous les dix ans, ou à un lods tous les vingt ans, ou obliger la mainmorte à donner un homme vivant et mourant.
PARLEMENT DE PAU.
Je n'ai pu découvrir aucune trace de l'usage adopté dans ce parlement.
Séance du
Il a été annoncé que M. le comte Stanislas de Clermont-Tonnerre a été nommé président à la majorité des voix prises au scrutin, et que les trois nouveaux secrétaires sont MM. l'abbé d'Eymar, Démeunier et le vicomte de Mirabeau.
dit : Messieurs, destiné pour la seconde fois, par vos suffrages, à l'honneur de présider l'Assemblée nationale, ce qui eût plus que ,payé les services de ma vie entière, devient l'encouragement de ma jeunesse. Je me flatte de mériter un jour ce que vous faites aujourd'hui pour moi. Vos bontés, Messieurs, doublent mon obligation; elles n'ajoutent rien à mon zèle; je ne forme qu'un seul vœu : c'est qu'elles puissent doubler mes forces.
a annoncé à l'Assemblée trois différentes offres faites à la nation, pour être versées dans la caisse patriotique ; la première, de deux mille quatre cent livres, par un député qui a désiré de n'être pas nommé; la seconde, par M. Monnier, huissier, commissaire-priseur à Paris, qui a remis deux billets dela Caisse d'escompte, de .300 livres chacun ; le troisième, de vingt-cinq louis d'or, par M. Trenel le jeune, juif de nation, membre du district des Carmélites.
Lecture a été faite des procès-verbaux des séances des 11 et 12 septembre, et de
différentes délibérations et adresses d'adhésion; de reconnaissance et de respect de la part
du bourg de l'Auxois, de la villa de Sumène en Cévènes, de la ville de Pont-de-Gémarès en
Haute-Guyenne, de la ville de Craponne, en Vélay, de la ville de Richelieu, de la viguerie de
Draguignan en Provence, des religieux Bénédictins ae l'abbaye, de St.-Bénigne de Dijon, de la
municipalité du bourg de St.-Pierre-sur-Dives en Normandie, de la ville d'Abbeville ; de M.
Salomon, lieutenant-général du présidial de Montélimart, qui renonce aux émoluments et à des
droits de farnage et
après ces lectures, a annoncé que M. Ozeray, citoyen de Chartres, avait fait conduire à Versailles dix-huit setiers de blé pour y être vendus, et le prix versé dans la caisse patriotique. Le sieur Ozeray, étant présent, a été introduit dans la salle; l'Assemblée lui a accordé une place d'honneur pendant sa séance.
lui dit : Monsieur, tous les actes de patriotisme sont précieux aux yeux de l'Assemblée nationale ; le vôtre mérite son approbation sous un double aspect : vous avez apporté du blé dans cette ville, et vous avez consenti qu'il soit vendu, et le prix versé dans la caisse patriotique. L'Assemblée nationale vous témoigne sa satisfaction, et vous accorde une place dans cette séance.
Deux questions sont soumises à l'ordre du jour :
1° Le renouvellement des membres de chaque législature se fera-t-il én tout nu en partie?
2° Dans le cas où le refus du Roi aura lieu comme suspensif, pendant quel temps ce refus pourra-t-il durer? Sera-ce pendant une ou plusieurs législatures ?
Sur la première question, les voix ayant été prises par assis et levé, il a été décrété que le renouvellement des membres de chaque législature serait fait en totalité.
Lorsqu'on allait délibérer sur la seconde question, M. Barnave a demandé la parole.
Je crois, Messieurs, que nous devons savoir à quoi nous en tenir relativement aux arrêtés du 4 août. 11 a été dit samedi qu'ils seraient présentés à la sanction : mais il n'y a rien de statué quant à la forme de cette présentation. Il n'est pas encore décidé si ces arrêtés seront soumis au veto suspensif, comme les lois qui seront faites par les autres législatures.
Il faut bien les distinguer de toutes autres lois ; 1° parce qu'ils sont faits par une Assemblée qui réunit le pouvoir constituant au pouvoir constitué ; 2 parce qu'ils touchent à la Constitution.
11 serait fâcheux qu'ils fussent arrêtés par îe veto suspensif, parce qu'ils ont été publics, et que le peuple les a reçus avec des transports de joie universelle. Je crois donc que nous devons surseoir à l'ordre du jour jusqu'à ce que nous ayons statué sur les arrêtés du 4 août, soit que nous décidions qu'ils seront sanctionnés purement et simplement, soit que nous décidions qu'ils seront soumis au veto suspensif.
Il n'est pas nécessaire de mettre en question si les arrêtés du 4 août doivent être sanctionnés ; certainement ce point-là est jugé, et nous ne prétendons pas le remettre en question. Il fallait sans doute les promulguer plus tôt; ce n'était pas obscurcir le travail de la Constitution, c'était au contraire le rendre moins difficile. Il paraît impossible dans ce moment d'en susprendre plus longtemps la promulgation ; tous les esprits ne sont que trop inflammables. Les arrêtés du 4 août sont rédigés par Je pouvoir constituant ; dès lors ils ne peuvent être soumis à la sanction ; et, permettez-moi
de vous le dire, vous n'auriez jamais dû décider d'autres questions sans juger celle-ci ; vous n'auriez pas dû songer, permettez-moi cette expression triviale, à élever un édifice sans déblayer le terrain sur lequel vous voulez construire.
Les arrêtés du 4 août ne sont pas des lois, mais des principes et des bases constitutionnels. Lors donc que vous avez envoyé à la sanction les actes du 4 août, c'est à la promulgation seulement que vous les avez adressés ; et le Corps législatif éprouverait des débats terribles, des questions épineuses, des débats de compétence, si les arrêtés n'étaient pas promulgués purement et simplement. Je conclus fortement à ce que rien ne soit décidé sur ce qui peut rendre immuables, consolider, renforcer les prérogatives royales avant que les arrêtés ne soient sanctionnés.
( l). Je ne suis m'empêcher de présenter à l'Assemblée une observation qui lui paraîtra peut-être de quelque importance.
Une grande question s'agitait ici, il y a quelques jours. Nous étions divisés. Cette question intéressait la prérogative du Roi; et le Roi, loin de vou-loirétendre sa prérogative,nous a presque invités, par l'organe de son ministre, à la restreindre, ceux d'entre nous qui ont cru qu'elle importait au bonheur du peuple se sont vus obligés de défendre la prérogative royale contre le Roi lui-même.
Aujourd'hui vous présentez à la sanction du Roi un acte qui ne l'intéresse pas personnellement, mais qui intéresse tous ses sujets. Il approuve la plus grande partie de vos dispositions ; mais sur quelques-unes il craint que votre zèle ne nous ait emportés trop loin ; qu'au milieu de vos sacrifices généreux il n'y en ait eu plusieurs de précoces, peut-être d'indiscrets. Celui qui n'a pas hésité quand il était question de déterminer ses propres sacrifices, hésite quand il s'agit de consentir aux vôtres, porte un œil inquiet sur les suites que quelques-uns pourraient avoir, vous fait part de ses alarmes et vous invite à de nouvelles réflexions.
Il est impossible de n'être pas frappé de ce rapprochement ; il serait impossible de ne pas s'étonner, de ne pas s'indigner qu'une méfiance injuste en fût le résultat.
J'ai partagé aussi vivement que qui que ce soit l'enthousiasme patriotique qui nous à tous enflammés dans la nuit du 4 août. J'en parlais encore, il y a peu de temps, dans cette même tribune, et j'en parlais comme doit en parler tout bon citoyen. Mais n'est-ce pas une vérité reconnue que, parmi les articles résolus dans cette nuit célèbre, quelques-uns ont été étendus par la rédaction qui l'a suivie, et qui n'a été définitivement arrêtée que le 11? Pouvons-nous nous dissimuler que des réclamations se sont fait entendre, et l'exagération même de l'héroïsme n'a-t~elle pas ses dangers ?
Je n'ai pas oublié ce qu'en a dit un des membres de cette assemblée, un des plus éloquents,
un des mieux écoutés. Peut-être eussions-nous dû faire nos arrêtés du 4 août avec plus de
lenteur, et les faire précéder d'une discussion utile. On aurait plus respecté les propriétés
et les usages. Les revenus de l Etat n'auraient peut-être pas reçu une
Les propriétés, Messieurs, c'est un nom bien sacré ! Les revenus publics, c'est un objet bien important! C'est de là que tout dépend; c'est à cela que tout tient. Je ne suis pas étonné que le patriotisme de M. de Mirabeau en ait été si vivement affecté. Il paraît qu'heureusement pour lui ses craintes sont calmées, puisqu'il vient de nous demander où sont les propriétés attaquées par nos arrêtés du 4 août : mais nous pardonnons apparemment au patriotisme du Roi d'avoir conçu les mêmes alarmes, puisqu'elles ne sont pas encore dissipées. M. de Mirabeau ne nous offrait que des regrets stériles, le Roi peut nous offrir des moyens réparateurs ou préservatifs; et s'il était vrai qu'entre toutes ces résolutions si nobles, si touchantes, qui vous immortaliseront, il vous en fût échappé quelqu'une qui, contre vos intentions, portât quelques atteintes aux règles de la justice, ne béniriez-vous pas ce droit de suspendre que vous venez de reconnaître au Roi? La première épreuve que vous en feriez ne serait-elle pas bien propre à vous en faire sentir le prix ? Quelle ombre de danger pourriez-vous entrevoir, quand le Roi vous dit presque formellement qu'il va condescendre à vos désirs après que vous vous serez éclairés par un nouvel examen, et quand il ne sollicite aucun changement que de votre conviction et de votre justice ?
Enfin, Messieurs, vous-mêmes n'avez-vous pas nommé différents comités pour éclaircir les difficultés que pourraient rencontrer vos projets, pour chercher les moyens d'exécution ? La sagesse du Roi ne peut-elle pas concourir avec la vôtre, et désirer le résultat de ces éclaircissements et de ces recherches, avant de se porter à aucun acte définitif?
La sanction, vous a-t-on dit, n'est pas nécessaire pour les arrêtés du 4 août ; nous sommes pouvoir constituant, et il s'agit de Constitution. Je dis, moi, que la sanction est nécessaire si jamais elle le fut. Je n'examine pas ce qu'on entend par pouvoir constituant, ni les variations dans lesquelles on est tombé à cet égard ; mais j'observe qu'il n'est pas question ici de Constitution. L'organisation, la définition, la séparation, la limitation des pouvoirs, voilà ce que j'entends par la Constitution.
Il ne s'agit de rien de tout cela dans les arrêtés du 4 ; il s'agit de lois, et nous-mêmes avons reconnu que les lois devaient être revêtues de la sanction royale ; et le désir des peuples, comme leur intérêt, réclame cette sanction ; et j'entends par sanction la réunion du consentement, du sceau, de la promulgation; et je ne doute pas qu'une grande et une très-grande partie de l'Assemblée ne l'entende comme moi.
Je ne me perdrai point dans la discussion de tous les étranges principes qui nous ont été révélés ; mais puisqu'on a parlé de lever le voile, je prétends, moi, le lever à mon tour et ne plus dissimuler aucune vérité.
J'ai entendu murmurer encore cet éternel et banal reproche, ce nom d'aristocratie, jadis odieux, aujourd'hui ridicule. Je l'ai prononcé, ce nom, avec autant d'indignation, je l'ai combattu avec autant de force, je l'ai poursuivi avec autant de persévérance que qui que ce soit, tant qu'il a signifié quelque chose ; mais j'avoue que je ne l'entends plus proférer qu'avec dégoût de-
puisque c'est uu mot vide dë sens; et je ne crains pas de dire qu'il ne peut plus désormais être mis en action que par ceux-là mêmes qui en abusent dans le discourt
Quant à l'autorité royale, je l'ai déjà (lit, et je répète, que si les vertus du Roi peuvent me, la rendre chère, c'est l'intérêt du peuple qui me la rend sactép. Je puis dire encore qu'autant je respecte cette autorité dans son exercice légitime, autant j'en ai combattu les excès et (es abus, et j'en prerids à témoin, sinon l'Assemblée, èritière, du moins une grande partie dé l'Assemblée qui m'a entendu sur bet .objet çlaîis un autre lieu et à une autfp époque ; car j'ai toujours eu pour principe d'avoir des avis aussi forts, quand on me plaçait en deçà de la liberté, que modérés quand on voulait. m'ejnportër àù delà.
Mais je demanderai si c'est dé bonne foi qjj'dri peut craindre aujourd'hui les excès et les abus de l'autorité royale ? Où est lé despotë ? Ôù sont les suppôts du despotisme ? Ou est l'armée? Où sont même les courtisans ? Les natiëiirs aujourd'hui sont ceux qui médisent de l'autorité royale. Ah ! loin d'en craindre les excès, craigne/ plutôt de ne pouvoir pas de longtemps, niémë avec toute votre volonté, rendre au pouvoir exécutif la vie qu'il doit avoir. Portez vos regards, autour de vous; portçz-les au loin ; voyez partout l'interruption des revenus publics, la. cessation de toute justice, la disette au milieu/ie i'abocfdânce, le despotisme au sein de l'anarchie, et craignez, si voûs perdez encore dès instants aussi précieux, de né pouvoir plus retrouver cette unité d'action', ce centré de forces, qui seuls, dans un empiré aussi vastè, peuvent tenir toutes les parties liées entre elles et maintenir la stabilité du grand ensemble.
On a fait une observation importante sur l'ordre du jour. L'on devait examiner la question de savoir pendant combien de législatures le yetot serajt suspensif. Cet ordre, du jour, on propose de , l'interrompre pour une question que l'anté-préopinànt lui-même a dit être jugée.,
Par qui avons-nous été convoques? C'est par le Roi \ c'est vers lui que nous avons été envoyés* Sa puissance existait donc alors, ët, pourquoi n'e^isterait-elle pas aujourd'hui? Elle existait avant la nôtre.
Lé pouvoir de la nation existait avant celui du Roi.
Nos commettants nous ont or-dpîiné de respecter cett>e puissance., Nqs cahiers sur ce point sont uniformes, et il à été déëlaré qu'on ne pouvait s'en écarter, au moins sur lès bases fondamentales.
Il est écrit dans le cœur de tous lés Français : Je suis libre ; ët cèla vaut bien des cahiers qui ont été écrits sous la vergé du despotisme.
Depuis que nous,les traitons, cè,s points fondai mentatux, il y a eu différents. changements dans l'ordre de la discussion. Il y en aurait bien moins sans les entêtés et ïës gens engoués de privilèges.
Mais nous ^otnmes revenus S cette question : combien d'années le Roi susçendra-t-if la loi proposée par une législature? Aujourd'hui, on propose un nouvel ordre: dû dit qu'il faut que lès arrêtes soient sanctionnés avant l'établissement de la prérogative royale.
Je bornerai a une sçule proposition., Lp pouvoir souverain n'â jamais changé, le Koi n eèt ,
pas moins puissant qu'il ne l'a été, et la nation n'est pas plus qu'elle ne doit être. Si cette proposition est vraie, il est inutile de nous arrêter à la question que l'on nous propose.
Si la question est avouée, le .principe ést faux : lèKoi ne doit pas .être si puissant qu'il était ; il ne doit pas être despote,; il l'était dans le fait.
Maintenant l'on nous offre les arrêtés comme émanés du pouvoir constituant, mais en ce cas H faut faire le dépouillement de tous les ac^es qui devront être soumis à la sanction royale, et distinguer Ceux du pouvoir constituant du pouvoir législatif.
On parle de calme; on dit que le peuple en a besoin ; le moyen de le ramener, c'est de consolider le pouvoir du monarque. Il est le premier après le pouvoir législatif.
Je demande si, dans un moment où tous les pouvoirs sont anéantis, .nos premiers travaux ne doivent pas être pour fixer les prérogatives du Roi. C'est là le moyen de rappeler le calme, de faire rendre la paix : ces droits sont dans nos coeurs, dans nos cahiers; il faut les énoncer, et si quelqu'un s'y oppose il n'a qu'à se lever; qu'il se fasse connaître comme s'opposant aux travaux de l'Assemblée. On accumule les retards, les longueurs.
II est temps de mettre un terme à nos lenteurs. Je demande que l'on passe à l'ordre du jour, et que l'on décide qu'il n y a pas lieu à délibérer quant à présent.
Un membre des communes réfute M. de Virieu, en lui opposant une lettre de l'un des agents du, clergé.
Cette lettre est à peu près conçue ainsi:
« Je vous prie de donner un état de vos biens ; càr l'Assemblée nationale va un train que personne ne peut suivre, etc. »
L'orateur, après quelques réflexions, finit par dire que le clergé ne la désavouera pas. Il en tire la conséquence que l'Assemblée nationale, du moins selon l'opinion de tous les individus, ne va pas si lentement dans les opérations.
sur qui portait le reproche de cette lettre, en sa qualité d'agent du clergé et comme auteur de la lettre, se justifie. Il prétend .qu'il a demandé, Seulement l'état des,biens dé l'Eglise; que qUant à son avis, il ne l'a nullefhefit mahifesté; qu'il croit qUe, quant aux filmes, la ùatlon a! fai t une mauvaise opération en finance; mais que cè n'est pas Foffensef, quë cè n'est pas de la part de l'Assemblée uhe erreur, mais un calcul fautif; qu'elle a cru le Clergé plus riche qu'il ne l'est; qu'au /surplus, en demandant l'état des biens de l'Église, il n'a fait que Céder aux sollicitations du comité ecclésiastique; qûe le mot de tjlâme ne peut entrer dans la tête d'Un membre* de la natipn; et que s'il aVait eu l'imprudence de le penser, il n'aurait pas été assez sot pour le dire, et surtout pour l'écrire.
J'aUrais pti, ajoute-t-il, me plaindre du secret violé ; mais ma délicatesse mie commande le silence sur un reproche pareil.
On revient à la question déjà jugée.
Dûs demain; les arrêtés seront sanctionnés où ne le seront pèts ; s'il ne le Sont pas, il sera encore temps de délibérer sur la motion de M. Barqave, caç la question de la durée du pouvoir suspensif conduira au moinâ' jusqu'à demain avant sa décision.
Il est, quelquefois permis de changer l'ordre du jour. J'aj eu l'honneur de déclarer avant-hier à une partie ae cette Assemblée.... (L'orateur est interrompu par des murmures). C'est être trop peu généreux d'interrompre un homme, quand on a la certitude de lui répliquer. Je reprends mon discours.
L'Assemblée nationale a déjà prononcé par un décret que les arrêtés du 4 dçvaieut être portés à la sanction. Les deux, autres questions incidentes qui sont dans i'ordrè dû jour sont de savoir quelle sera là durée du veto suspensif, et quel sera l'intervalle après leqiïël les membres de i'Assemblée nationale pourront, être;réélus;; car le veto suspensif serait inutile et deviendrait illusoire, si les membres contre le vœu desquels \e veto a été apposé pouvaient se représenter dans rAsseiïjbléè suivante. Tout le moqde sent qu'ils ne peuvent être nommés députés tant que durera l'action du veto suspensif. Je reviens, aux arrêtés du 4 ^oûtA, M. le comté de Mirabeau a dit que ces arrêtés n'étaient pas des lois^ mais des principes de Constitution. Quant à moi, je n'eptepds par là Constitution quç le partage des pouvoirs ; tout le reste ëft de' la législation ; et vous n'avezc(u'à parcourir ces àrretës;tousàppârl]ehnelitâ la législation.
Mais ces lois, ou ces principes si l'on veut, ne Sont pas encore rédigés; et cela est si vrai que, dans l'article XIX, vous annonciez que vous, développerez les principes, et que vous lés rédigerez en loi. Il n'est donc pas temps encore de les pbrtér à la sanction.
S il fallait juger des sentiments jw les lettres, je déclare que l'on pourrait connàitrë presque le voeu de l'Assamblée par tqute§ celle§ que j'ai reçues. J'eti ai un très-grand nombre èri mon pouvoir; çt je Iës, rendrai publiques^ On verra ceux qtti ont fomente lès troublés populaires.
On a proflônfee sans cesse le inot de liberté, et les peuples l'ont écouté : mais est-ce là liberté de la presse! est-ce l'amortissement des lettres de cachet? Ces Réformes né Vont pas jusqu'à eux. Le peuple a pris la licence pour la liberté ; il s'est livré à dès excès ; celui qui paie est armé, et celui qui doit fàiré frayer ést désarmé : voilà le véritable état de la France,
lï ne s'agît pas de prbtîoncèr avec précipitation des lois incohérentes, et desquelles dépend le bonheur public. Loin de nous tôiitës subtilités ; que les arrêtés du 4 soient examinés, soient éclaircis, et que, dès demain, ils soient soumis à notre délibération. Nous demandons à être entendus, et ce n'est pas dans une Assemblée aussi solennelle que l'on consentira à nous juger sans nous entendre.
11 me sémbléque le préopinant s'est écarté de la Question, et s'est livré à des digressions qu'il aurait du épargner à l'Assemblée. La question se réduit à un point fort simple : c'est de surseôirà toute décision sur la prérogative royale, jusqu'à ce que Je roi ait sanctionné lés arrêtés du 4. août. ûètlé motion est dans l'ordre et voici ma raison :
Saniedi matin, on ne pouvait prévoir, lorsque l'on a posé la qttéstion à laquelle il faut surseoir, que l'on agiterait la question de savoir si les arrêtés du 4 seraierit portés au Ro'i pour être sanctionnés^
Aujourd'hui rien n'èst plus naturel cjue de surseoir à l'ordre du jour. Qû vous a demandé si les awêtés pouvaient êtrè saftètioan'és ; ils sont incom; plets, dit-on ; les vérités qu'ils* énoncent né sont
pas incomplètes; elles sont de tous les temps, de tous les peuples. Ou dit que ces articles ne touchent point à la Constitution : le régime féodal, les privilèges, des provinces, le^ justices seigneuriales ne touchent-ils donc pas à l'ordre social et à ja Constitiitiopi? Le Roi peut-il refuser sa sanction à de pa^ejls articles? On nous a dit que l'Assemblée avait voulu jeter un voile religieux sur ces grandes questions, qu'ainsi il n'y avait lieu à délibérer,^ et moi je dis le contraire. : ie pense qu'il y a lieu à délibérer. Supposons que le Hoi refuse sa sanction, il faut combattre ce refus; et voilà notre position actuelle.
L'on dit qu'il est prudent d'attehdre c{tie le ftoi se soit expliqué. Mais il me Semble que notre comité de Constitulion nous a adnottcé que le Roi n'avait pas le droit de refuser sa sanction. Ce principe a été publié ici, ët nous atôfîs le droit dé le répéter.
il ne s'agit pâSde traiter la question à fond ; la prudeûce exigé Une shrséarice, et jè ramène la motion à ses termes Simples.
Il s'agit de prohftiicer un ajourneriiént, une interruption, et il faut attendre que la sanction ait été accordée par le Roi à tous les arrêtés du 4 août.
parle surcette question préalable, et prouve qu'il faut délibérer.
. Bien loin de rh'ètonner et de ni'affliger de l'espèce de chaleur qui se manifeste parmi nous,, je m'en applaudis au ccin^raire., t^ matière qui l'excite paraît sans douté importante par le bruit même qu'elle occasionne ; nous avons jeté, je le répète, un voile religieux;, sur une vérité avouée ; mais dès que cétte wéritq est attaquée, il faut tirer le voile pour la défendre. \
La question préalable me paraît éviticéë par la nécessité de délibérer sur la question présente ; et comme ce n'est pas pfar du bruit qu'il faut répondre, nous allons donner des raisons.
La première objection est une fin de nori-rece-voir. Vous êtes dans une matière de Constitution, ou vous n'y êtes pas ; si vous y êtes, vous ayez jeté un voile religietix sur la question qui touche la prérogative royale ; respectez le Roi : si vous n'j; êtes pas, vous êtes dans l'ordre du jtfur. Le voile religieux ne doit pas empêcher l'Assemblée nationale de S'expliquer et de manifester un principe qui est universel, et qui ne doit jamais souffrir des circonstances.
Pour n'avoir pas voulu érfoftcei* le priricipe, nous ne l'avons pas abandonné.
Un autre membre a dit que ces artièïes n'étaient pâs constitutionnels; je lui sais* gré, dafis les citations qu'il nous a données, dé n'aVoit pas parlé des pigeonniers ; mâîs ces articles se divisent : les Uns soiït constitutionnels, les autres sont de petits sacrifices particuliers de munificence privée. Mais, certes, ie Régime féodal était constitutif; les philosophes diraient peut-être qu'il est anti-constitutionnèl ; mais nous n'avorfs pas encore leur précision. Les privilèges dé province ne sont pas relatifs à la Constitution. Ces principes ne sont pas contestés, même par M. l'Abbé Maury, qui appelle une Constitution la distribution des pouvoirs.
Quant aux munificences privées du clergé, telles que le casuel, elles tiennent à la morale, et le clergé ne les révoquera certainement pas.
J'ose attester encore à l'honorable membre qui nous a apporté son colombier, comme Tibulie son
moineau, que je n'en parle pas encore comme étant uû principe constitutionnel.
Il est un principe général dans le cœur et dans la tête de tous les membres de cette Assemblée, et qui décide la question : c'est que la volonté générale fait la loi, et elle s'est assez manifestée par les arrêtés, les adresses et les actes d'adhésion de toutes les provinces, par l'allégresse, et je demande si la volonté générale peut être plus solennellement manifestée. Je demande donc que l'arrêté, tel qu'il a été envoyé au bureau par M. Barnave, soit lu, et j'y adhère de toutes mes forces.
répète l'opinion, déjà développée par M. Robespierre, qu'il n'y a lieu à délibérer quant à présent.
reproduit sa motion, et demande qu'il soit sursis à 1 ordre du jour jusqu'à ce qu'il ait été définitivement statué sur les arrêtés du 4 août et jours suivants, soit en obtenant du Roi la sanction de ces arrêtés, soit en déclarant que ces arrêtés ne sont pas soumis à la sanction.
La question préalable est demandée sur cette motion.
tout en appuyant le sentiment de M. Tronchet, a cru devoir la diviser, et qu'on ne devait s'occuper que du premier membre.
Sur les observations de M. Emmery, M. Barnave retire la seconde partie de sa motion, et en conséquence elle se réduit à ceci :
Surseoir à la délibération jusqu'à ce que les décrets du 4 août et jours suivants aient obtenu la sanction.
Un membre demande, d'après l'incertitude où l'on est encore sur la définition de sanction, si M. Barnave entend, par sanction, le consentement du Roi, c'est-à-dire le veto, ou bien l'acte matériel qui donne l'authenticité à là loi ?
Dans la seconde hypothèse, la question se réduit à savoir si le Roi peut ou non refuser la promulgation-, dans la première, la question est même que pour le veto.
observe que les décrets du 4 ne sont pas exécutoires, qu'il faut un développement, et que de là naîtront les lois.
le rappelle à l'ordre.
Je fais un amendement à la motion de M. Barnave : il consiste à substituer le mot promulgation au mot sanction. Je soutiens qu'il est inutile de recevoir la sanction royale pour des arrêtés auxquels Sa Majesté a donné une approbation authentique, tant par la lettre qu'elle m'a remise lorsque j'ai eu l'honneur d'être l'organe de l'Assemblée, que par les actions solennelles de grâces et le Te Deum chanté à la chapelle du Roi.
Trop longtemps les peuples sont restés dans l'attente de la promulgation de ces décrets; il est temps enfin de les rassurer et de faire évanouir l'incertitude qui les tourmente à cet égard; il faut que ces décrets soient promulgués.
appuie le sentiment de M. Le Chapelier.
Un membre de la noblesse répond avec chaleur à M. Le Chapelier, mais sans qu'on puisse distinguer ses motifs.
voulant ramener les esprits, résume les questions, et semble pencher du côté défavorable à la noblesse.
Un noble lui demande de s'expliquer sur son opinion.
lui observe qu'il doit être impassible, que son devoir est de poser les questions, et de rappeler à l'ordre quand on s'en écarte ; que c'est ce qu'il a fait.
Depuis longtemps on demandait la question préalable, chicane ordinaire du parti qui veut éluder une question ; des nobles, et entre autres celui qu'on connaît pour se laisser emporter jusqu'à laisser échapper des f.... (M. de Virieu), se comportaient comme des furieux. Ses voisins avaient toutes les peines du monde à le retenir. Cet homme atrabilaire ou enthousiaste défavorisait, à force de colère, la cause qu'il défendait.
propose une seconde rédaction ; la voici :
Qu'il soit sursis à l'ordre du jour jusqu'à ce que les articles du 4 août et jours suivants aient été promulgués par le Roi ; que l'Assemblée, etc.
Puis enfin une troisième version, à peu près la même que la seconde :
Qu'il soit sursis à l'ordre du jour jusqu'à ce que la promulgation des articles du 4 août et jours suivants ait été faite par le Roi, et que l'Assemblée, etc.
La priorité est réclamée pour la dernière ver sion, et elle est décidée à la majorité, après une seconde épreuve.
propose la question préalable, c'est-à-dire la question de savoir s'il y a lieu ou non à délibérer sur la motion de M. Barnave ; mais il est impossible au président de prononcer le décret.
Il était prêt à décider qu'il n'y avait lieu à délibérer, parce qu'il avait cru voir la majorité pour cette opinion ; mais les réclamations opiniâtres d'une grande partie de l'Assemblée l'ont empêché de prononcer conformément à ce qu'il croyait avoir vu.
Enfin la séance se termine sans rien décider. L'Assemblée se retire tumultueusement, à trois heures et demie.
Séance du
Il a été fait lecture d'une lettre adressée à M. le président par M. de Saint-Sauveur, évêque de Bazas. Ce député demande à l'Assemblée nationale la permission d'être remplacé par son suppléant, et de se retirer à raison de son grand âge et de ses infirmités.
a annoncé que l'ordre de la séance était de s'occuper successivement d'un arrêté précédemment proposé par le comité des subsistances, et d'entendre ensuite quelques rapports du comité des recherches.
Alors un des membres a observé que l'Assemblée ayant décrété, dans sa séance du 12 au soir, que les arrêtés du 4 août et jours suivants, ainsi que celui par elle porté relativement aux subsistances, seraient incessamment présentés au Roi pour être sanctionnés.
a annoncé, ce matin, qu'il n'avait pu exécuter ce décret, l'Assemblée n'ayant rien arrêté sur la manière dont cette présentation serait faite à Sa Majesté ; qu'en conséquence il lui paraissait nécessaire, avant de passer à l7ordre du jour, de délibérer sur le mode d'exécution de ce décret.
Cette motion a été appuyée, livrée à la discussion : plusieurs projets d'arrêté ont été proposés ; et les voix ayant été recueillies par assis et levé, l'Assemblée a porté un décret en ces termes :
« L'Assemblée nationale a décrété que M. le président se retirera par devers le Roi, pour présenter à Sa Majesté les arrêtés des 4, 6, 7, 8 et 11 août dernier, ainsi que celui par elle porté relativement aux subsistances, pour lesdits décrets être sanctionnés. »
a ensuite donné lecture à l'Assemblée de deux lettres, l'une à lui adressée par M. Gilbert, professeur à l'école vétérinaire. d'Alfort, qui envoie quatre médailles, dont trois en or, à lui données par différentes académies, et 125 exemplaires d'un mémoire couronné, sur les prairies artificielles, en demandant que le prix qui proviendra de la vente de ses mémoires, et les médailles, soient versés dans la caisse patriotique ; l'autre, du sieur Harmand, garde national, et commissionnaire au Mont-de-Piété de Versailles, qui envoie, pour la même destination, une somme de 120 livres formant le cinquante-unième de ses propriétés.
L'Assemblée a applaudi au patriotisme de ces deux citoyens.
L'ordre du jour n'ayant pas pu être repris, attendu qu'il était trop tard, il a été arrêté que la séance de demain soir commencera, exclusivement à tout autre objet, par la discussion de l'arrêté proposé par le comité des subsistances.
Le comité des rapports et celui des recherches ont fait deux rapports relatifs à des émotions populaires arrivées précédemment dans la ville de Massiac en Auvergne, et dans celle de la Rode en Guyenne : l'Assemblée a arrêté que les accusés, constitués prisonniers à l'occasion de ces troubles, doivent être renvoyés aux juges à qui la connaissance en appartient, et les procédures adressées au pouvoir exécutif.
a invité le nouveau comité destiné à s'occuper de la réforme des lois criminelles à s'assembler demain à huit heures du matin ; les membres de ce comité sont, MM. de Beaumetz, Fréteau, Tronehet, Le Berthon, Thou-ret, Target, et Lally-Tollendal.
La séance a été indiquée pour demain neuf heures et demie du matin.
Séance du
a rendu compte à l'Assemblée du résultat des scrutins relatifs au choix des huit membres
qui doivent composer le nouveau comité de Constitution.
Un de MM. les secrétaires a fait la lecture des procès-verbaux des deux séances du lundi 14. Il a été fait quelques observations sur la rédaction: l'une portait sur une erreur relative à l'ordre du jour, et l'autre sur le renouvellement des législatures, énoncé, prétendait-on, de manière à faire préjuger la question de savoir si les mêmes membres pourraient être réélus. La première erreur a été corrigée, et il a été reconnu par l'Assemblée que rien n'était préjugé relativement à la seconde.
On a fait ensuite lecture de plusieurs adresses de félicitation, remerciement et adhésion des bailliages de Montrichard, de Viverols en Auvergne, du bourg de Rumigny en Thiérache, de la ville de Grécy, de celle de Montfaucon, de celle d'Yssingeaux de Tance, et de Saint-Didier en Velay, d'Éclairon en Champagne, de Nantua en Bugey, toutes du même genre ; d'une lettre pseudonyme, désavouée par M. Anson, dont elle portait la signature ; des adresses des villes et communautés de Toulon, Vauvenargue, Porières, Moustiers, Lauris, Forcalquier, Aubagne, Périères en Provence, contenant toutes adhésion et félici-tation ; déclaration de la ville d'Hennebon en Bretagne, qui offre l'avance de ses impositions réelles et personnelles, et annonce l'ouverture d'un don patriotique -, de la ville de Grécy, qui demande un siège royal ; de celle d'Arles, qui annonce la renonciation à ses privilèges ; délibération de la ville de Sept-Fonds, par laquelle les habitants offrent de consacrer leur fortune et leur vie au soutien des intérêts et la gloire du Roi ; déclaration de M. Raffatin, doyen des con-I seiilers du bailliage d'Autun, qui fait l'abandon de la finance de sa charge, et offre de rendre la justice gratuitement.
Quelques adresses ayant paru renfermer des termes peu convenables à la dignité de l'Assemblée,M. le Président a demandé si le bureau serait autorisé à l'avenir à écarter celles qu'il croirait dans le même cas : la question préala-I ble a été demandée, et l'épreuve douteuse, on a requis l'ajournement, et l'Assemblée a décidé par assis et levé que l'ajournement aurait lieu.
membre de l'Assemblée nationale, avocat du Roi au présidial de Provins, prononce son adhésion à l'arrêté pris par sa compagnie, en son absence, pour rendre la justice gratuitement.
dit que l'ordre du jour appelle l'Assemblée à statuer sur la motion faite hier par M. Barnave.
Je crois devoir présenter cette proposition sous un autre point de vue. Ce sera abréger nos occupations que d'ajourner la motion sur laquelle on veut délibérer ; par ce moyen, l'on passera à la Constitution. Je propose donc d'examiner les questions suivantes : 1° De combien de membres l'Assemblée natio-i nale sera-t-elle composée ?
2a Quelle sera la durée de chaque session ?
8° A quelle époque l'Assemblée nationale se réunira-t-elle ?
4° Quelle qualité faudra-t-ii avoir pour être électeur et éligible ?
Cette motion est la même que celle que M. Barnave a proposée hier, et sur laquelle l'Assemblée a été aux voix ; je demande à M. le président quel est le résultat des voix sur la question de savoir si l'on délibérera on non, et je réclame Tappel nominal, comme il a été arrêté hier, dans le cas où l'appel par assis et levé aurait été incertain-
L'ajournement de M. Le Gbapelier est appuyé par d'autre? membres.
On va aux vqix sur la motion de M. Le Chapelier par assïp et levé ; la majorité est en sa faveur ; mais \\ s'élève des réclamations, on demande f appel nominal.
Un membre de la noblesse observe que la majorité étant évidente, elle ne peut être contestée ; qu'hier on a en là mauvaise foi de demander l'appel nominal? parpe que la majorité était contraire; mais qu'on ne doit pas suivre un mauvais exemple.
rappelle la série des questions qu'il a présentées la semaine dernière, et que l'Assemblée a adoptées. Il propose de discuter la cinquième question, qui consiste à définir la sanction.
en donne la définition suivante :
« La sanction royale consiste dans l'apposition du sceau royal, qui donne l'authenticité aux actes émanés soit du Corps législatif constituant, soit du Corps législatif constitué. »
On ne s'occupe ni de l'objet proposé par M. Guillotin, ni de ceux proposés par M. Le Chapelier.
détourne les regards de l'Assemblée pour les porter sur des questions plus grandes, mais plus faciles à décider, puisque la solution en a déjà été prononcée par la France entière.
Il propose à l'Assemblée de consacrer les principes de l'hérédité de la couronne et de l'inviolabilité de la personne du Roi.
A peine ces deux objets sont-ils énoncés, que l'Assemblée les proclame d'un mouvement unanime.
propose d'ajouter un article sur la majorité et la régence.
Cette motion n'est pas appuyée en ce moment.
Un autre membre propose de déclarer inviolable la personne de l'héritier présomptif du trône.
J'observe qu'il y a eu des fils de Rois qui ont détrôné leur père ; cette inviolabilité mettrait à couvert de la sévérité des lois ceux qui par la suite pourraient se porter à de pareils attentats.
propose de porter ces articles dans la déclaration des droits.
Cette proposition est rejetée.
Ici la discussion change. On s'occupe de la grande question de savoir s'il faut prononcer l'exclusion de la maison d'Espagne à la succession du trône de France.
qui a élevé cette question, demande qu'il soit décidé, qu'attendu que la branche régnante en Espagne a renoncé, par le traité d'Utrecht, à ses droits au trône de France, elle ne pourra être admise à l'hérédité de cette couronne, le cas arrivant où elle voudrait y prétendre.
évêque de Langres. La solution de cette question pourrait donner à l'Europe une commotion générale. En admettant la branche d'Espagne au trône, ce serait mécontenter toutes les nations voisines, qui ne verraient pas sans crainte l'équilibre entre les puissances de l'Europe rompu. Eu déclarant la maison d'Espagne exclue, ce serait perdre le.seul allié attaché a la France. Je pense donc qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Sans doute il faudra bien s'occuper un jour de cette question, ne fût-ce que pour substituer à cette expression trop longtemps consacrée de pactç de fqmille celle de pacte riqtionqi. Riais les circonstances ne nous permettent pas de nous occuper de nos relations extérieure^ et je propose que l'affaire soit ajournée.
Cette proposition de la succession d'Espagne jette le trouble dans l'Assemblée. Il y règne jusqu'à la fin de la séance.
On prétend qu'en parlant de l'hérédité de la couronne, c'est rappeler la maison d'Espagne. Cependant cette motion n'est point appuyée : elle n'a été qu'énoncée- L'auteur veut la retirer; mais plusieurs membres s'y opposent inutilement.
dit que
c'est le seul moyen de terminer une discussion aussi sérieuse.
Qn demande avec opiniâtreté la question préalable; d'autres : Y a-t-il lieu à délibérer? Un membre veut qu'on ajoute : quant à présent,
persiste dans l'ajournement,
dit qu'il faut l'ajournement à trois siècles.
ne sait comment poser la question ; il prétend que M. le comte de Mirabeau se désiste de son ajournement.
l'interrompt et se contentede répondre que cette question,qui paraît indifférente à l'Assemblée, ne l'est pas à l'ambassadeur du roi d'Espâgne.
observe qu'il est fort inutile de délibérer, puisqu'il faut faire une loi pour déclarer que, dans le cas où la maison de Bourbon viendrait à s'éteindre, la nation se rassemblerait par ses représentants pour se choisir un Roi, pourvu qu'il soit Français.
Il y avait deux questions à décider : Y a-t-il lieu à délibérer, ou faut-il ajourner ? A laquelle de ces deux motions doit-on donner la priorité ? M. |e président, embarrassé, interroge le règlement; mais le règlement est muet ; il interroge l'Assemblée, mais elle §st divisée dans ses opinjqns.
Enfin on va aux voix, §t la question préalable obtient la priorité.
Alors la motion sur l'exclusion de la branche espagnole est retirée, et aussi celle de l'ajournement.
Cependant l'Assemblée veut de nouveau aller ' aux voix.
On allait effectivement y aller, lorsque M. Target propose de poser ainsi la question : L'Assemblée nationale n'entend pas en délibérer.
fait cette autre proposition : L'Assemblée croit ne devoir en délibérerv
Ces deux propositions sont rejetées ; il est simplement déclaré qu'il n'y a lieu à délibérer.
Alors un de MM. les secrétaires lit la. rédaction des trois articles qui ont £té décrétés par acclamation. La voici :
« L'Assemblée-nationale a reconnu par acclamation, et déclaré à l'unanimité des voix, comme lois fondamentales de la monarchie française, que la personne du Roi est inviolable et sacrée; que le* trône est indivisible ; que la couronne est héréditaire dans la race régnante, de mâle en mâle, par ordre de primogéniture, à l'exclusion perpétuelle et absolue dès femmes et de leurs descendants. »
propose d?y ajouter un quatrième article : que nul ne puisse exercer la régence qu'un homme né en France.
On allait discuter cet article, si l'attention de l'Assemblée ne se fût reportée sur celui de Thé- * rédité de la couronne. On s'était d'abord proposé de joindre ces articles aux arrêtés du 4 août, pour les porter [ensemble à la sanction ; mais la discussion recommence sur la branché espagnole et fait perdre de vue cet objet.
La connaissance que j'aide la géographie de l'Assemblée, et la place d'où sont parties les oppositions à l'ajournement et les il n'y a pas à délibérer, me font sentir qu'il ne s'agit ici de rien moins que d'introduire en France une domination étrangère, et qu'au fond la proposition espagnole de la question préalable pourrait bien être une proposition autrichienne. Je ne reviens cependant pas sur la question, puisqu'elle a été écartée ; mais il en est une parfaitement connexe avec celles qui nous ont occupés ce matin, d'une importance égale, et sur laquelle je propose de délibérer : je demande qu'il soit déclaré, en addition au décret proposé, que nul ne pourra exercer la régence qu'un homme né en France.
Plusieurs membres se lèvent pour appuyer la motion.
Nouvelle lecture est faite du décret.
J'observe qu'en admettant cette rédaction, on juge l'admission de la branche d'Espagne à l'hérédité, puisqu'elle porte que la couronne est héréditaire de mâle en mâle par ordre de primogéniture. Je demande la suppression des mots par ordre de primogéniture, ou bien la division de l'article, dont les deux premières parties ne sont pas contestées.
Décrétez sur-le-champ la partie non contestée, renvoyez l'autre aux éclaircissements.
La clause de la renonciation de la maison d'Espagne à la couronne de France n'existe pas dans le traité,d'Utrecht; mais seulement celle-ci, que les deux couronnes ne pourront être réunies sur la même tête.
J'appelle à l'ordre l'opinant; son assertion est profondément fausse; elle insulte notre droit public; elle blesse Jg, dignité nationale; elle tend à faire croire que des individus peuvent léguer des nations comme de vils troupeaux.
Voici deux pièces triomphantes contre l'opinion de M. Mortemart;la renonciation même du roi d'Espagne et les lettres-patentes de 1713. Je les tiens en main.
Je réclame de rechef, et aux termes du règlement, la division de la motion. Il est paturel et nécessaire qu'elle soit divisée, puisque sa première partie, loin d'être contestée, est accueillie par l'unanimité la plus honorable pour l'esprit national et la maison régnante, et que la seconde est non-seulement sévèrement critiquée, mais qu'elle établit encore une contradiction manifeste dans les décrets, par cela seul qu'elle préjuge le point important sur lequel vous ayez déclaré qu'il n'y avait pas lieu à délibérer. Je conclus donc à la division de la question, et je fais observer que l'acharnement que de part et d'autre on met dans la discussion depuis plus d'une heure donne plutpt à ce débat la couleur d'une querelle d'amour-propre, que celle d'une conférence solennelle. J'ajoute que cet acharnement me paraît d'autant plus inconcevable, qu'assurément il est difficile de croire qu'une portion de cette Assemblée, ou même l'Assemblée entière, veuille jamais donner à la France un Roi malgré la uation.
Jeneviens pas prendre la défense de la maison d'Orléans, ni de celle qui règne en Espagne ] mais je viens prendre la défense d'un principe incontestable. Il ne s'agit point desavoir quelle est la validité de la renonciation ; nous venons d'arrêter sur ce point qu'il n'y avait lieu à délibérer ; mais il s'agit de rappeler une maxime confirmée par la loi salique, consacrée dans tous les états généraux : c'est que le trône est héréditaire.
Peu importe donc la question de la renonciation (question qui, pour le dire en passant, ne se déciderait point par les débets de l'Assemblée nationale), Cette renonciation est une exception aux principes; et parce qull existe uue exception, il n'en faut pas moins reconnaître le principe. Or, quel est-il? C'est l'hérédité du trôné 1 C'est à la branche d'Orléans à faire valoir l'exception contre la maison d'Espagne, si toutefois le cas arrivait. Mais écartons cette supposition et de nos décrets et de nos débats; je pense qu'il n'y a lieu à délibérer.
S'il est permis à M. Duval d'Epréménil de se jeter dans le fond de la question, il doit m'être permis de l'y suivre ; si, pressé de son saint amour pour la loi salique, il veut absolument que nous nous occupions de cette loi, moi aussi je demande à parler sur la loi salique, et je promets de ne pas même exiger qu'on me la représente.
Je demande la division des articles non contestés de ceux contestés.
Un membre s'y oppose, 'en disant que le règlement permet la division des motions, mais non des décrets.
soutient qu'il y a lieu
à délibérer pour prévenir les horreurs d'une guerre civile.
11 y a une contradiction évidente entre la proposition que vous avez rejelée et celle que vous allez prendre. On a invoqué la loi salique ; on en a appelé aux principes, je le veux bien ; mais la loi salique porte le contraire : elle exclut les filles pour que la couronne ne tombe pas dans les mains des étrangers. L'on a dit encore qu'il fallait constater le principe, sauf à se décider par les circonstances. Si l'Assemblée nationale portait un décret, la branche d'Espagne, dans des cas éventuels, ne manquerait pas à se décider; elle parviendrait au trône, malgré la renonciation, si elle était appuyée de la volonté de la nation. Or, je ne crois pas que nous voulions nous soumettre à des étrangers qui ont des mœurs et des habitudes différentes des nôtres. Je dis donc que la renonciation serait anéantie par le décret.
Je ferai encore une observation sur la renonciation ; c'est un pacte de famille : il ne peut astreindre des peuples. Je demande en effet si lorsque les princes d'Allemagne vendent leurs sujets, je demande, dis-je, si les peuples sont liés par de pareils actes : il me semble donc qu'il faudrait terminer le décret par déclarer que l'Assemblée nationale n'entend pas s'expliquer sur les droits éventuels de la maison d'Espagne.
le jeune. Je pense au contraire qu'il faut s'expliquer sur cette renonciation ; qu'elle a trop coûté de sang et d'argent à la France pour la laisser s'anéantir. On a dit que cette question ne se déciderait point par des décrets. Non sans doute, mais on la discutera toujours, et cette substitution universelle du trône en faveur de la maison de Bourbon sera toujours une exclusion de droit contre la maison espagnole. Si j'avais des alarmes sur les prétentions de l'Espagne, je saurais faire taire ces craintes pusillanimes ; mais elle est trop juste pour s'élever contre des actes aussi solennels, et si l'on pouvait en douter, ce serait une raison de plus pour que la nation s'expliquât sur la renonciation ; c'est au nom de son sang versé que l'on maintient la renonciation.
Je divise la question ainsi : 1° Philippe V a-t-il pu renoncer à la substitution fondée sur la loi salique? 2° Philippe V a-t-il pu priver la nation des droits qu'elle avait sur lui et ses descendants?
Plusieurs membres observent de nouveau que ces questions sont trop importantes pour être inopinément décidées.
Le point de décision devient de plus en plus embarrassant. Chacun présente ses idées et interrompt l'ordre. On propose d'ajouter à l'article de l'hérédité différentes additions.
veut qu'on y ajoute : Sans entendre préjuger l'effet de la renonciation.
prétend que cet appendice est un aveu bien formel que cet arrêté n'est pas clair; qu'il implique contradiction ; que c'est un erratum de rédaction qui ne pouvait pas êtré corrigé par douze cents personnes ; il persiste à demander ce que la raison et le règlement demandent avec lui, c'est-à-dire que la partie non contestée soit décrétée sur-le-champ, et que la partie non claire soit éclaircie.
parle de jeter un voile respectueux sur cette matière.
delà perte d'un allié fidèle à la France.
de la loi salique.
L'Assemblée, sans avoir aucun projet, aucun plan déterminé, reste livrée au tumulte jusqu'à quatre heures, et cette incertitude l'augmente de plus en plus. Enfin, M. de Clermont-Lodève dit qu'il faut décréter les articles tous ensemble, et en renvoyer la discussion à demain.
Cette opinion prévaut, et l'As^emblee lève la séance.
Séance du 15 septembre 1789, au soir.
a dit que Tordre du jour donnait la priorité au rapport du comité des subsistances; mais il a rendu compte à l'Assemblée d'une offre patriotique de la part du sieur Belle-ville, musicien ordinaire de la chapelle du Roi, qui fait hommage à la nation de 200 livres par chaque année, sur ses appointements, pendant l'espace 4e quatre années.
membre, de l'Assemblée, a fait ensuite la lecture d'un nouveau projet d'arrêté relatif au commerce des grains, qu'il a dit avoir soumis au comité des subsistances qui l'avait vâdopté. Ce projet contenait six articles, portant principalement sur les gênes du commerce intérieur, et l'exportation à l'étranger, assujettissant seulement à des formalités le commerce intérieur voisin des frontières, prononçant confiscation sur les contrevenants, au profit des dénonciateurs et des hôpitaux, laissant cependant la liberté d'exporter à ceux qui auront constaté qu'ils ont importé.
a beaucoup réclamé contre toutes les sortes de violences exercées sur les fermiers et cultivateurs, s'est plaint du peu de sûreté des marchés, a demandé * que l'Assemblée prît des mesures efficaces pour rassurer, et que le cultivateur ne puisse être forcé à fournir qu'une certaine quantité de blé par charrue, chaque semaine, restant maître du prix de sa denrée.
a demandé que l'Assemblée nationale ne laissât subsister aucun régime prohibitif dans l'intérieur du royaume, et qu'elle défendît provisoirement l'exportation à l'étranger, en remettant au Roi, comme seul dépositaire de la force publique, les moyens d'y pourvoir. •
Un membre a fait la lecture d'un arrêté de la ville de Vertu en Champagne, bailliage deChâlons, par lequel cette ville se plaint de la cherté du pain, et demande des visites chez tous les cultivateurs. On a demandé aussi la suppression des primes qui font, a-t-on di-t, sortir le blé du royaume pour y rentrer après.
ayant ensuite rendu compte à l'Assemblée que le Roi lui avait indiqué l'heure de huit heures trois quarts pour celle où il pourrait le recevoir, il a demandé que son prédécesseur le remplaçât momentanément, aux termes du règlement.
évêque, duc de Langres, président suppléant , sensible aux applaudissements unanimes de l'Assemblée, a dit : Je voudrais trouver des expressions qui répondissent à la sensibilité dont vos bontés me pénètrent. Vous m'honorâtes infiniment, lorsque vous m'élevâtes à la place où je me trouve dans ce moment ; l'honneur que vous répandez sur moi m'est bien plus flatteur encore, puisqu'il me montre que mes efforts, quelque inutiles qu'ils aient été, ne vous ont pas déplu, s
La discussion sur l'article du commerce des grains a été reprise ; après quoi on a lu le modèle du décret, et neuf amendements qui ont été proposés par divers membres, sur lesquels l'Assemblée en a adopté quatre par assis et levé, et en a rejeté cinq par le même mode de délibération.
Une seconde lecture a été faite du modèle de décret, après laquelle un membre de l'Assemblée a proposé un dernier amendement qui a été adopté.
L'Assemblée a décidé ensuite qu'elle adoptait le décret avec les amendements admis; mais qu'elle renvoyait au comité de rédaction pour y adapter les mêmes amendements, et le rapporter à l'Assemblée du lendemain soir pour la lecture y en être faite.
ayant repris sa place, a rendu compte qu'il avait présenté, selon les-ordres de l'Assemblée, les divers décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août» et celui du comité des subsistances du 29 août dernier, à la sanction royale, et que le Roi lui avait répondu « qu'il prendrait en considération la demande qu'il lui faisait, et qu'il y répondrait très-incessamment. »
a invité le comité de vérification à s'assembler le lendemain matin, et a indiqué pour ordre du jour de la séance du lendemain soir l'affaire de la gabelle, un rapport sur les Juifs et une motion d'un membre de l'Assemblée sur la caisse d'escompte.
a levé la séance, qu'il a indiquée pour demain neuf heures du matin.
EXAMEN
de plusieurs questions importantes sur le commerce des grains, et sur les moyens d'assurer la subsistance des villes, par M. de Beauvais, ancien évêque de Senez (2). (Imprimé par ordre de VAssemblée nationale.)
Messieurs, après les questions relatives à la Constitution, celle du commerce des grains et de
(1) Le mémoire de M. de Beauvais n'a pas été inséré au Moniteur.
(2) Ce discours était destiné à, être prononcé dans l'Assemblée nationale, si elle se fût occupée de ces questions aux époques où elles avaient été ajournées ; on a pensé qu'il était utile de provoquer la discussion sur une matière aussi intéressante, afin que les opinions étant fixées, les vrais principes sur la législation des grains soient reconnus et sanctionnés.
Il est d'autant plus nécessaire de traiter ces questions,
la subsistance des villes est une des plus importantes qui puisse occuper votre attention ; non-seulement cette question intéresse les habitants des villes et des campagnes, mais elle peut encore singulièrement influer sur nos relations de commerce et de politique avec plusieurs nations voisines; elle mérite donc de votre part le plus sérieux examen.
Votre comité de rapport vous propose de prononcer la peine de mort contre ceux qui exporteront les grains à l'étranger ; je vais essayer de démontrer que cette peine serait sans proportion avec le délit ; que cette loi, rigoureuse à l'excès, serait contraire à nos intérêts, impolitique et impossible à maintenir.
Cette peine est sans proportion avec le délit, parce que l'infraction que l'on veut punir est criminelle seulement en raison de circonstances qui peuvent et qui doivent cesser bientôt. Sans cloute, Messieurs, dans un temps d'effervescence, de fermentation, d'alarmes et d'inquiétudes sur les subsistances, vous avez dû prohiber l'exportation des grains ; le cri du peuple et l'opinion publique provoquaient la loi ; mais aujourd'hui que le calme est rétabli dans presque tout le royaume, devez-vous aller au delà par une loi qui entretiendrait à la fois les erreurs du peuple et ses inquiétudes ? Devez-vous prononcer une peine terrible contre un délit de circonstances, sur lequel votre opinion n'est pas encore fixée, et que les plus habiles pubiicistes sont bien loin de regarder comme un crime, puisqu'ils pensent que la maxime contraire, celle de la liberté absolue d'exportation et d'importation, devait être adoptée par un gouvernement sage.
Vous savez, Messieurs, qu'en juin 1787 une loi solennelle demandée par les notables, sollicitée par toutes les provinces, enregistrée sans difficulté par tous les parlements, avait consacré la liberté d'exportation. Cette loi, que l'on peut nommer nationale, puisqu'elle avait l'assentiment et le vœu général, n'a été révoquée que par un simple arrêt du Conseil rendu au mois de septembre de l'année dernière ; ainsi l'exportation des grains, que l'on regarde aujourd'hui comme un crime digne du dernier supplice, loin d'être un délit il y a deux ans, était autorisée par la loi. A présent, Messieurs, je suppose que les années" prochaines soient tellement abondantes que le prix des grains soit avili en France, alors les législatures suivantes seront nécessairement obligées de révoquer cette loi sanguinaire. Un des reproches les mieux fondés que l'on ait fait au gouvernement ministériel et arbitraire, dont nous sommes heureusement délivrés, a été celui d'avoir multiplié à l'infini les arrêts et les règlements de lieux et de circonstances.
Vous n'avez certainement pas l'intention d'imiter l'exemple des ministres dont l'ignorance et les erreurs ont fait gémir si longtemps les habitants de cet empire. Que diront les nations étrangères, qui toutes ont, en ce moment, les yeux fixés sur vous, lorsqu'elles verront que vous punissez de mort une action que la loi avait, deux ans auparavant, regardé comme irréprochable ? Au moment où cette Assemblée présente à l'uni-
que plusieurs représentants de la commune le persuadent et veulent, dit-on, faire croire à leurs concitoyens que si Paris n'est pas le centre et le chef-lieu d'un département très-étendu ; si elle ne conserve pas le droit de dominer sur tout ce qui l'environne, elie manquera de provisions et de subsistances. (Note de M. de Beauvais.)
vers étonné le modèle de la plus libre et de la plus douce des constitutions, pourra-t-elle, en contradiction avec ses principes, sanctionner la plus cruelle des lois prohibitives qui ait jamais été imaginée par un despote?
J'espère que ces observations vous convaincront que la peine proposée est sans aucune proportion avec le délit qu'elle doit punir.
Mais, Messieurs, ce décret est absolument contraire aux intérêts de la nation. Je dois vous le dire, les décrets que l'on nous demande sans cesse sur les subsistances produisent un effet entièrement opposé à vos intentions. Chaque jour où il est ici question de subsistances devrait être un jour de deuil pour tout le royaume ; les discours qui sont prononcés dans bette Assemblée sur une question aussi importante et aussi délicate retentissent dans toutes les parties de la France et apportent l'inquiétude, les alarmes et la terreur.
J'ajouterai que la question de l'exportation des grains n'a jamais été approfondie, ni même discutée dans cette Assemblée. Il ne serait pas difficile de démontrer que la liberté absolue et indéfinie d'exportation ne peut jamais être nuisible, et que cette liberté, au contraire, est le plus sûr moyen d'encourager l'agriculture et de préserver le royaume des effets de 1a famine cruelle que nous avons éprouvée*
Comme je connais le prix de votre temps, je ne me permettrai^ l'appui de cette assertion, qu'un petit nombre de réflexions très-courtes. D'abord, Messieurs, on peut dire qu'il n'y a guère de pays en Europe où le prix du blé soit habituellement plus haut qu'en France, parce qu'il n'y en a point où le peuple se nourrisse presque uniquement de pain* comme il le fait en France ; or, il est de principe que là où est la plus grande consommation d'une denrée, là est aussi le marché le plus avantageux pour la vendre. Ensuite les terres sont plus chargées d'impôts dans ce royaume qu'elles ne sont nulle part ailleurs, et c'est encore une des causes de la cherté habituelle des grains ; cependant il arrive assez fréquemment des années très-abondantes ; alors, malgré la grande consommation, le prix des blés diminue et s'avilit à un tel degré, que s'ils n'étaient exportés, le laboureur, sous peine de se ruiner, serait forcé de renoncer à leur culture ; vous en avez eu la preuve en 17874
Mais il faut remarquer que l'exportation ne peut se faire avec quelque avantage que dans les années d'une extrême abondance, et lorsque le prix très-bas présente au commerce une très-grande différence de l'achat à la vente; sans cette condition les avaries, les frais et les pertes qui, sur celte denrée* sont toujours énormes* absorberaient entièrement les bénéfices*
D'où il résulte que l'exportation d'une quantité considérable de blé ne peut se faire que lorsqu'il est à très-bon marché, et qu'elle n'est jamais à craindre lorsque les prix sont élevés ; d'où il suit encore que l'exportation du blé dans les temps d'abondance, loin d'être nuisible* est très-utile, nécessaire même pour encourager l'agriculture, et que, dans les années de disette, elle ne peut pas être dangereuse puisqu'elle présente une ruine certaine à ceux qui entreprendraient un pareil commerce.
On objecte que des gens mal intentionnés ont été soupçonnés d'avoir fait exporter deâ quantités considérables de grains hors au royaume. Je sais, Messieurs, que les ennemis du bien public ont assez fait connaître leurs mauvaises intentions pour vous convaincre qu'ils eussent été capables
d'employer les manoeuvres les plus Criminelles pour affamer une nation qu'ils ne pouvaient asservir, Cependant réfléchissez un moment aux capitaux énormes qu'il aurait fallu rassembler pour réussir dans une semblable tentative, et vous verrez qu'elle était impraticable, Aujourd'hui que tous ces vains projets sont avortés* et que la liberté de la nation est désormais assurée, quels seraient les motifs qui pourraient vous déterminer à sanctionner une loi excessivement rigoureuse et contraire aux véritables intérêts du peuple.
Mais cette loi, Messieurs, serait en outre impolitique pour nos relations avec l'étranger; en effet, n'est-ce pas avertir tous les princes de l'Europe de porter les mêmes lois prohibitives contre ceux de leurs sujets qui seraient tentés de nous apporter des secours ? Et vous serez frappés de la vérité de cette observation, lorsque vous vous rappellerez qu'immédiatement après que la France eut défendu la sortie des blés* presque tous les princes voisins ont fait chez eux les mêmes prohibitions ; vous en avez été informés par les ministres du Roi.
Enfin cette loi serait impossible à maintenir. Je vous le demande, Messieurs, ces lois de sang que l'ignorance et la barbarie avaient portées contre la contrebande du sel et du tabac, en ont-elles arrêté la fraUde ? Pensez-vous que la loi qui vous est proposée ait plus de force contre la contrebande du blé? Cette loi serait-elle possible à maintenir dans Un royaume qui a six cents lieues de frontières ? Là France ayant dans son sein une très-grande consommation de blé, en a rarement exporté des quantités considérables à l'étranger, malgré les permissions fréquentes accordées par le gouvernement ; la Suisse est presque le seul pays de l'Europe à qui elle en fournisse habituellement. Les terres de la Suisse, en général peu fertiles, ne produisent que la moitié environ des grains nécessaires à la consommation de ses habitants, le surplus leur est fourni par la France, la Souabe et l'Italie. Je suppose que les grains fournis par la France servent à nourrir cent mille individus en Suisse, quelle proportion y a-t-il entre la consommation de cent mille individus et celle de 25 millions d'hommes? Est-il possible de croire que les secours qui seraient accordés aux Suisses pussent jamais influer sur les subsistances du royaume ?
L'alliance de la France avec les Suisses est si ancienne, nos liaisons avec eux sont si naturelles, ils ont donné dans tous les temps et récemment encore tant de preuves d'attachement pour la nation française, qu'il me. semble que ce serait un acte de barbarie et d'injustice aux Français devenus libres de refuser aux Suisses des subsistances que les ministres du pouvoir arbitraire, leur ont presque toujours accordées. Il me semble qu'il est très-impolitique d'interrompre et de déranger des relations de Commerce qui ont Une grande influence sur la culture de deux provinces très-importantes, la Franche-Comté et l'Alsace. Mais, pour en revenir à la prohibition, elle n'a i pas été plutôt prononcée en France, que le prix du pain s'est élevé ^n Suisse à 5 et 6 sols la livre, tandis qu'il est à 2 ou 3 sols en Alsace ou en Franche-Comté. Pensez-vous, Messieurs, qu'un bénéfice de trois oU quatre sols par livre ne sera pas suffisant pour exciter la cupidité d'une multitude d'agents de la contrebande? Et peut-on ^imaginer que les Suisses, affamés et mourants de faim, seront arrêtés par la loi rigoureuse qui vous est proposée ? Non, certainement ; elle sera donc impossible à maintenir-
Vous avez déjà consacré* Messieurs Un prifr-cipe sur la liberté du commence et dè la circulation des grains dans toutes les parties du royaume. Eh bien, Messieurs, ce qui est vrai pour la France l'est aussi pour l'Europe entière. L'expérience des siècles nous prouve que depuis que cette partie du monde est peuplée, ses récoltes ont suffi pour nourrir tous ses habitants. Bi la liberté illimitée du commerce des grains était une loi Commune et générale à tous les peuples de l'Europe, il est de la plus claire évidence que cette loi les préserverait à jamais de la famine.
C'est à vous* Messieurs, qui avez déjà donné de si grandes leçons à l'univers* qu'il appartient de proclamer cette importante vérité. Il sera digne de vous de l'annoncer aux Mations étrangères. Je conclus à ce que la loi proposée soit rejetée* parce qu'elle prononce Une peine absolument disproportionnée au délit* parce qu'elle est contraire aux intérêts de la nation, impolitique et impossible à maintenir.
Il vous a été proposé* Messieurs, il y a quelque temps, sur la demandé de M. le garde des sceaux, une autre loi tendant à obliger, les fermiers de porter leurs grains dans les marchés. Cette loi paraît destinée particulièrement à favoriser les approvisionnements de la capitale ; mais j'espère démontrer que ce but serait très-mal rempli* et qu'une semblable loi renverserait tous les* principes de liberté que vous avez établis ; je me persuade même que les habitants de Paris rejetteraient avec indignation cette loi de servitude, qu'il n'appartient qu'au despotisme ou à l'ignorance de mettre en usage. Ces habitants qui ont donné à la France de si grands exemples de pa*-triotisme et de courage sont trop généreux et trop justes pour vouloir employer envers leurs concitoyens des moyens de violence et d'oppression;
Des circonstances, qui probablement ne re* viendront jamais, ont nécessité des mesures extraordinaires pour assurer l'approvisionnement de Paris ; mais aussitôt que la Constitution sera terminée, alors sans doute la loi seule gouvernera le royaume; vos décrets seront non-seulement respectés, mais obéis* et la libre circulation des blés ne sera plus interrompue. Alors il ne sera plus permis d'inquiéter les peuples siir leurs subsistances, alors aussi il sera expressément défendu de taxer le blé dans les marchés, et de fixer follement le prix du pain au-dessous du prix courant du blé ; et lorsque les vrais principes de la liberté du commerce des grains seront irrévocablement établis, la capitale étant de toutes les villes du royaume celle qui consomme le plus et qui paye le mieux, on verra les cultivateurs de toutes les provinces, excités par le plus puissant des motifs* leur intérêt, s'empresser à l'envi d'y porter leurs denrées, et Paris deviendra bientôt l'entrepôt et le magasin général de la France. Mais si desmesures contraires à la liberté, si des précautions d'inquiétude continuaient à être employées, elles repousseraient les cultivateurs et les agents des subsistances. Telle serait, Messieurs, la conséquence infaillible de la loi qui vous est proposée.
Cette loi violerait les droits sacrés de la propriété ; elle rendrait vaine et illusoire la déclaration des droits que vous avez proclamée ; elle établirait la souveraineté des villes sur les campagnes ; elle porterait dans l'âme des cultivateurs le trouble, la terreur et le découragement ; enfin, elle serait complètement inutile, impossible même à exécuter.
Oui, Messieurs, èti portant un semblable dé*-cret, vous violeriez les droits de la propriété, et vous rendriez illusoire la déclaration des droits; car un fermier est un citoyen, il a en cette qualité le droit de disposer dé sa propriété comme il le juge convenable. Il doit avoir la liberté de vendre ses denrées* soit chez lui, soit partout ailleurs où il en trouvera le prix le plus avantageux.
Vous établiriez l'aristocratie des villes sur les campagnes ; car pour que la loi soit justes il faut qu'elle soit égale: Ainsi, il doit être libre aux gens des campagnes de porter leurs grains dans les villes, Comme il est permis aux habitants des villes d'aller chercher dans les campagnes les denrées dont ils ont besoin, et d'y porter les marchandises qu'ils veulent y vendre. Sur les 25 millions d'hommes qui peuplent la France* six millions environ demeurent dans les villes, les dix-neuf autres habitent les campagnes. Par cette loi, les premiers jouiront d'une liberté sans limites* les autres seront dans la subordination, dans la dépendance, dans Un esclavage réel ; ils ne seront proprement que des ilotes condamnés à cultiver leurs champs pour des habitants des villes, qui se réserveront le droit de faire apporter et de taxer à volonté leurs denrées.
Nous n'avons déjà crue trop d'exemples de l'autorité arbitraire que les villes s'arrogent sur les campagnes. Les villes se plaignent que les gens des campagnes n'apportent pas leurs grains dans les marchés, mais elles ne vous disent pas cjUé le peuple deë villes a souvent forcé les officiers municipaux à taxer le prix du blé ; elles ne vous disent pas que les gens des campagnes n'ont été presque nulle part protégés* qu'ils ont été souvent exposés à être pillés, maltraités, et quelquefois en danger de leur vie.
Par cette loi vous porteriez le découragement dans l'âme des agriculteurs; vous les aviliriez à leurs propres yeux, parce qu'en les subordonnant aux habitants des villes vous leur ôteriez toute espérance de voir l'égalité de droits s'établir entre eux: bientôt ils perdraient le goût de leur état et l'amour de la campagne ; ils seraient détournés de Se livrer à de nouveaux essais, à de nouvelles entreprises dont ils seraient si mal-récompensés. Cette loi, Messieurs, armerait les campagnes contre les villes, elle augmenterait la défiance, elle détruirait cette fraternité si désirable entre tous les Français : je dis plus, elle serait inutile et impossible à exécuter*
Au mois de novembre de l'année dernière le gouvernement a porté cette même loi qui vous est proposée ; il l'a renouvelée au mois d'avril suivant. Pour en assurer l'exécution, il a ordonné des persécutions et des vérifications chez tous les fermiers^ Tout était alors tranquille ; cependant les Vérifications n'ont pas été exactes; la loi a été mal exécutée, parce qu'elle était souverainement injuste. Aujourd'hui, Messieurs, elle sera plus injuste encore, parce qu'elle est diamétralement opposée à la Constitution que vous venez d'établir, et le gouvernement aura moins de moyens d'en maintenir l'exécution ; elle serait d'ailleurs très-facile à éluder ; les fermiers pourront s'entendre, soit entre eux, soit avec quelques habitants des villes, pour faire acheter en apparence, ou retirer sous main, les grains qui ne se vendraient pas à leur prix.
Enfin, Messieurs, elle sera insuffisante* absurde même pour l'effet qu'on veut qu'elle produise, c'est-à-dire pour procurer l'abondance et le bon marché.
En effet, les blés que les fermiers auraient pu
vendre chez eux et qu'ils seront tenus de porter dans les marchés seront augmentés des frais de voitures, de la dépense des vendeurs, de celle des acheteurs. La perte du temps, ce temps si précieux aux cultivateurs, entrera aussi en ligne de compte. Il se trouvera, à la vérité, dans des marchés, une plus grande quantité de grains ; mais il s'y trouvera aussi bien plus de demandeurs, et Tondait que le prix des denrées est toujours fixé non en proportion de la quantité à vendre, qui, quoique considérable, serait inférieure à la demande, mais en raison des besoins des consommateurs ; d'un autre côté, en supposant même là quantité des denrées à vendre égale aux besoins, la concurrence des grands et des petits acheteurs, tous pressés de se pourvoir à la fois, et dans le même jour, fera nécessairement hausser le prix naturel des grains. N'est-il pas aussi très-dangereux d'attirer un grand nombre d'hommes, à la même heure, dans le même endroit, et pour les mêmes intérêts? N'est-ce pas donner lieu à des désordres de toute espèce et à de fréquentes émeutes? Cette loi serait donc injuste, attentatoire aux droits des hommes, inutile, dangereuse, et d'une exécution impossible ; elle serait enfin si contraire à vos principes, que je crois que vous devez la proscrire pour toujours, et permettre dans tous les temps aux fermiers de vendre leurs grains soit chez eux, soit dans les marchés, suivant qu'ils le jugeront plus convenable à leurs intérêts.
Cependant je conviens, Messieurs, qu'il est de votre sagesse de chercher des moyens prompts et efficaces de prévenir la disette dont plusieurs villes et quelques provinces s.ont encore menacées, et d'assurer, surtout la libre circulation dans tout le royaume.
J'aurai l'honneur de vous présenter quelques vues sur cet objet important, et de vous proposer un projet de décret ; mais avant je vous prie de me permettre d'en développer les motifs par quelques réflexions préalables.
Le docteur Smith, cet écrivain profond, déjà cité plusieurs fois dans cette Assemblée, a dit que les disettes qui avaient affligé les diverses contrées de l'Europe avaient été causées très-rarement par l'intempérie des saisons, mais bien plus souvent par les mauvaises lois ou par les fausses précautions de leurs gouvernements.
Le vertueux Turgot a répété cette même vérité dans plusieurs de ses ouvrages ; il l'a consacrée dans ces lois immortelles qu'il a promulguées en 1774 et en 1775, lois dont aucun de ses successeurs n'aurait dû s'écarter, puisqu'elles nous avaient procuré quatorze années successives d'abondance et de tranquillité.
Nous ne pouvons plus Je dissimuler, Messieurs, - la disette que nous éprouvons depuis longtemps est une disette d'opinions. Une grêle extraordinaire a affligé l'année dernière quelques provinces, et on nous a dit que cette grêle^avait occasionné la famine dont nous avons été tourmentés plus de six mois ; mais on nous a assuré en même temps qu'aussitôt après la récolte nous serions dans l'abondance: la récolte est faite, elle a été généralement bonne, et nous sommes encore dans la disette. Est-ce la grêle de l'année dernière qui en est la cause? Non, Messieurs.
La véritable cause du mal provient de l'inquiétude des peuples sur leurs subsistances : cette inquiétude remonte au mois de septembre de l'année dernière. Je suis convaincu des bonnes intentions du gouvernement, mais il s'est trompé; il est aujourd'hui de la plus claire évidence que
les précautions éclatantes qu'il a prises pour les subsistances, les primes qu'il a accordées sur l'importation des blés étrangers, l'injonction qu'il a faite plusieurs fois aux fermiers de porter leurs grains dans les marchés; enfin les achats de blés qu'il a faits dans l'étranger, il est constant, dis-je, que toutes ces mesures extraordinaires ont porté l'alarme, l'effroi et l'épouvante dans toutes les parties du royaume. Jamais on n'a vu inquiéter impunément les peuples sur leurs subsistances ; toujours les secousses les plus terribles ont été la suite de ses alarmes sur les denrées de première nécessité. Les mesures trop publiques du gouvernement ont provoqué et justifié en quelque sorte les précautions et les règlements particuliers des parlements, des provinces et des municipalités. Les circonstances ont encore aggravé le mal. Le peuple commençait alors à briser ses chaînes et à secouer un joug devenu insupportable. Le premier usage que le peuple des campagnes a cru devoir faire ae sa liberté a été de défendre et de conserver des subsistances qu'on voulait lui enlever. Les habitants des villes n'ont pas moins abusé de leurs forces. Les premières alarmes ayant fait augmenter le prix du pain, leur fureur s'est portée sur les agents des subsistances. Presque partout les marchands de grains, les meuniers, les facteurs, les boulangers mêmes ont été menacés, pillés, et souvent même en danger de leur vie (1). Dès lors tout le commerce de grains a été interrompu, et la famine a été complète dans les villes. Alors le gouvernement et les municipalités ont cru devoir se charger de l'approvisionnement. On a tiré, à des frais énormes, des blés de l'étranger. A Paris, et dans quelques autres villes, le prix du pain a été réduit à trois sols la livre, tandis qu'il se vendait à quatre sols dans les provinces, et qu'il revenait à près de six sols au gouvernement. Cette réduction a peut-être été nécessitée par les circonstances ; mais, dans tout autre temps, c'eût été une faute des plus graves, puisqu'on détruisait par là toute espèce de concurrence, et qu'il était absurde d'espérer qu'aucun particulier voulût faire le sacrifice du tiers ou de la moitié de son capital. Cette réduction extraordinaire a eu encore le grand inconvénient de surcharger les finances et d'augmenter le fardeau des campagnes, non pas seulement en faveur des pauvres des villes, mais en faveur des riches, qui n'auraient pas dû profiter de la diminution. 11 en est résulté aussi une régie très-difficile, très-dispendieuse, des pertes immenses et des fournitures en général très-inférieures. Tout le monde sait
(1) Tous ces excès sont condamnables; il est cependant vrai de dire que les alarmes du peuple sur ses subsistances n'ont pas peu contribué à accélérer et à consolider la Révolution. Il est certain que l'inquiétude de manquer de pain s'étant jointe à l'espoir de briser des chaînes devenues insupportables, a monté toutes les têtes au plus haut degré d'exaltation.
Les alarmes du peuple sur ses subsistances ont encore produit un autre effet non moins important dans les' circonstances présentes, c'est qu'en maintenant très-haut lé prix des grains, la valeur des terres s'est soutenue au lieu d'éprouver la diminution très-considérable que la grande Révolution qui vient de s'opérer devait faire craindre. Cependant la conséquence infaillible de la diminution de la valeur des terres et de leur produit eût été que la levée des impôts directs aurait été très-difficile pendant plusieurs années, et que ces impôts auraient essuyé une très-forte réduction, ce qui eût mis la nation dans l'impossibilité d'acquitter ses engagements envers les créanciers du gouvernement ; mais ces résultats n'avaient pas été prévus, et ils ne justifient pas les fausses mesures qui ont été prises.
que les grains et farines venus de l'étranger étaient en grande partie avariés et gâtés.
Il est temps, Messieurs, de prendre les plus justes mesures pour faire cesser des maux qui ont désolé successivement toutes les villes et toutes les provinces du royaume.
Je pense qu'avant tout il faut tranquilliser le peuple sur ses subsistances, lui faire connaître que, dans tous les temps, la France a eu dans son sein toutes les ressources dont elle avait besoin pour ses approvisionnements, et qu'elle se suffit encore, celte année, complètement à elle-même. Il faut que le peuple sache que, même l'année dernière, le royaume avait abondamment tous les grains dont il avait besoin ; et cette vérité vous paraîtra, comme à moi, incontestable, «i vous considérez que de l'aveu même du gouvernement il n'en est venu de l'étranger que pour 20 à 25 millions, et que ce secours est sans aucune proportion avec la consommation annuelle du royaume qui s'élève à plus de 1,500 millions. Il faut lui dire que s'il .y avait assez de grains en France 1 année dernière pour nourrir ses habitants, ii est bien plus certain encore que la récolte actuelle sera suffisante, qu'elle surpassera même de beaucoup les besoins de cette année, puisqu'elle a été généralement abondante.
C'est, Messieurs, ce qu'il faut faire connaître au peuple; et je crois que l'instruction que vous aviez ordonné à votre comité de rédiger, si elle était promptement envoyée dans les provinces, remplirait complètement cet objet. Je suis convaincu que cette instruction fraternelle, adressée au peuple par ses représentants, par ses meilleurs amis, ne tarderait pas à ramener le calme et l'abondance; je suis persuadé qu'elle mettrait un terme à ces agitations dangereuses, à cette fermentation terrible dont les effets ont tant de fois suspendu vos travaux, et qui menacent encore d'ébranler le superbe édifice de la liberté, que vous aviez pris tant de peine à élever.
N'en doutez pas, Messieurs, les nombreux ennemis de la liberté française font tous leurs efforts pour fomenter les inquiétudes et les alarmes du peuple sur ses subsistances. C'est sur la continuation de ses alarmes qu'ils fondent leurs espérances, très-vaines sans doute, de voir détruire votre ouvrage (1). Ne perdez donc pas un instant pour rassurer les peuples sur ce qui les intéresse le plus au monde.
Mais, Messieurs, l'envoi d'une instruction dans les provinces ne serait pas suffisant: je pense qu'il faut se hâter de rétablir Tordre ancien, et qu'il faut abandonner, comme auparavant, l'approvisionnement des villes à l'intérêt particulier.
Pour y parvenir, Messieurs, vous devez mettre les marchands de grains, les facteurs, les meuniers, les boulangers, sous la sauve-garde spéciale de la loi.
Ici, Messieu rs, permettez-moi quelques réflexions sur le commerce des grains, ce commerce si peu éonnu, si mal défini, si décrié dans l'esprit du
(1) Ces espérances sont certainement vaines; il n'est pas un homme raisonnable qui ne doive reconnaître que tout effort à empêcher ou à retarder la Révolution, sera désormais inutile : c'est la nation tout entière qui veut être libre; il semble que ceux même qui ont différé d'opinion sur les principes de la Constitution, s'ils connaissaient leurs véritables intérêts, devraient se réunir de bonne foi à la majorité de la nation pour hâter la Révolution, puisqu'ils ne peuvent êlre assurés de leur état et de leur fortune que lorsqu'elle sera complétée.
peuple, et dont les effets, dirigés d'après les principes d'une sage liberté et d'une concurrence illimitée, seraient à l'avenir le préservatif le plus assuré contre les disettes.
Le commerce des grains, Messieurs, doit être considéré sous plusieurs points de vue.
Il est utile aux fermiers, en ce que les marchands, devenus leurs agents, économisent leurs frais et leur temps. Il est utile au peuple, dont il prévoit et satisfait les besoins. Dans les années de grande abondance, il empêche l'avilissement de la denrée, en établissant dans les marchés, entre les consommateurs et les marchands, une concurrence qui, seule, peut alors soutenir et encourager l'agriculture.
Dans les temps de disette, il offre aux consommateurs des magasins dont l'approvisionnement et l'entretien n'ont rien coûté au gouvernement, et son intervention prévient une hausse subite dans les prix, par la concurrence nouvelle qui s'établit entre les marchands et les fermiers en faveur des consommateurs.
Ainsi son intervention a le double avantage d'empêcher l'avilissement des grains dans les années de grande abondance, et de prévenir la cherté excessive dans les temps de disette.
Il évite en outre, au gouvernement, les embarras et les frais immenses des approvisionnements qu'il fait bien mieux et à meilleur marché que lui.
Enfin, Messieurs, c'est le commerce qui fournit les villes ; c'est par le commerce que les provinces et les cantons qui ne produisent pas de blé , qui n'en recueillent pas suffisamment, ou qui éprouvent des disettes par l'intempérie des saisons, sont approvisionnés.
Vous le savez, Messieurs, du moment où son activité a été interrompue par les préjugés et par les préventions de l'ignorance, la famine a désolé les villes et les campagnes. Une tardive expérience nous apprend aujourd'hui combien il est nécessaire de protéger tous les agents de ce commerce, et d'encourager un grand nombre d'hommes à l'entreprendre, afin d'établir entre eux la plus grande concurrence ; elle nous apprend que c'est par cette concurrence seulement que l'on parviendra à éviter le monopole, et à procurer le bon marché et l'abondance.
En suivant cette maxime, Messieurs, nous n'aurons plus à craindre le fléau terrible que nous venons d'éprouver. Sans doute les années ne seront pas toutes également abondantes. S'il en survient une plus stérile, alors sans doute les blés supporteront nécessairement une augmentation de prix. Mais si les précautions alarmantes du gouvernement ne viennent pas déranger de nouveau le cours naturel des choses, comme les salaires n'augmenteront pas aussi subitement que les denrées, chacun diminuera forcément un peu sa ration journalière de pain, et on atteindra, sans secousse et sans convulsion, le temps ordinaire de la moisson ; la consommation journalière de chaque individu sera un peu moindre, mais des villes et des provinces entières ne seront pas exposées à mourir de faim.
J'ai cru, Messieurs, qu'il pouvait être utile de rappeler dans les circonstances présentes ces vérités importantes, ces notions simples qui semblaient avoir été oubliées. La formation prochaine des nouvelles municipalités rend la publicité des vrais principes plus nécessaire que jamais.
Vous devez encore, Messieurs, interdire à tous les juges et aux officiers municipaux des villes de taxer les blés, et leur défendre surtout d'arrêter
les blés et farities lofs dë lëttr circulation, soUs peine d'être punis comme criminels de lèse* nation* Je crois qu'il est également indispensable d'augmenter la concurrence entre les agents des subsistances* afin d'éviter toute espèce d'accaparement et de manœuvres; et, en conséquence, je pense qu'il est nécessaire de suspendre provisoirement dans les villes le privilège des maîtrises des boulangers* et d'y encourager l'établissement de tous ceux qui voudront embrasser cet état. Il est aussi de la plus grande importance d'ordonner aux villes, et surtout à celle de Paris, de rétablir le prix naturel du pain, et de le fixer comme autrefois dans la proportion du prix moyen du blé dans les marchés.
Mais, Messieurs, après avoir pris toutes ces mesures* il sera juste et conforme aux sentiments d'humanité qui vous animent de venir au secours des indigents* et surtout des ouvriers de manufactures, qui, pour la plupart, manquent d'ouvrage dans ce moment, ne pourraient pas atteindre au prix du pain lorsqu'il sera augmenté. Votre prévoyance à cet égard ôtera tout prétexte aux gens mai intentionnés d'exciter parmi le peuple une fermentation toujours dangereuse. Je propose donc que dans toutes les villes où le prix naturel du pain a été réduit, notamment à Lyon, à Paris, etc.* il soit ouvert des bureaux dé charité où tous les indigents et tous les ouvriers dans le besoin seront admis à se faire inscrire, pour y recevoir une indemnité proportionnée à l'augmentation du prix du pain, à raison d'une livre et demie par individu dont chaque famille sera composée ; ainsi à Paris; par exemple, si le prix du pain à raison de celui du blé était augmenté jusqu'à 4 sols (ce qui n'est pas probable), une famille composée de six personnes recevrait 9 sols par jour au bureau de charité. Il serait convenable d'établir un de ces bureaux dans chaque quartier des grandes villes et à Paris dans chaque district, afin de faciliter les secours et rendre les informations plus sûres. Ge moyen, Messieurs* aurait le double avantage de satisfaire le peuple à qui ce secours serait uniquement destiné* et de prévenir toute espèce de fermentation et d'émeute. Il serait aussi infiniment moin A coûteux que les indemnités actuelles accordées aux boulangers, et qui s'élevaient, il y a un mois» à Paris, suivant les ministres, à plus* de dix mille livres par jour, non compris les frais énormes et les dépenses de la ville.
Je suppose que dix mille familles profitassent de cette faveur à Paris, et que chaque famille fût composée de cinq individus, l'indemnité serait payée à 50,000 individus, et la dépense journalière serait de 3,750 livres. Portez à 100 mille, si vous voulez, le nombre des individus inscrits qui seraient secourus, la dépense ne serait encore que'de 7,500 livres* Si le prix actuel du pain n'est augmenté que de 6 deniers, comme il y a lieu de le croire, alors chacune de ces deux sommes sera moindre de moitié.
Le Trésor public sera chargé par vous de tenir compte à la ville de Paris et aux autres villes du royaume des sommes qu'elles justifieront avoir payées en raison de cette indemnité*
Cependant, Messieurs, je pense que cette indemnité ne doit pas être promulguée au delà d'une année ; mon nut en vous la proposant est :
1° D'empêcher toute espèce de fermentation qu'une augmentation subite du pain pourrait occasionner ;
2° De soulager les indigents et les ouvriers de ces mêmes villes, qui, par la stagnation absolue
du comfflerce et des fabriques, manquent presque tous d'oUvrage; car je ne dois pas vous dissimuler que dans d'autres circonstances cette faveur particulière accordée à url petit nombre de villes serait contraire à tous les principes* Il est d'une extrême injustice de faire payer aux provinces les secours qui sont accordés à quelques villes privilégiées; il est aussi très-impoli* tique de rendre par des gratifications les denrées de première nécessité moins chères dans les villes que dans les campagnes. Le véritable intérêt national n'est certainement pas d'enrichir et de peupler les villes aux dépens des campagnes.
En résumant tout ce que je viens de dire, je crois qu'il est de la plus haute importance de consacrer d'une manière solennelle les vérités suivantes i
lo Que la France, composée d'un si grand nombre de provinces dont le sol et le climat sont différents* se suffit complètement à elle-même pour l'approvisionnement de ses habitants.
2° Que c'est une faute grave en administration, et une des plus grandes erreurs en politique d'inquiéter les peuples sur leurs subsistances.
3° Que le gouvernement ne doit jamais faire, ni directement, ni indirectement, le commerce dès grains.
4ô Qu'il ne doit jamais être permis à aucun agent du pouvoir exécutif, de taxer le blé* encore bien moins le prix du pain au-dessous du prix courant du blé dans les marchés ; une pareille imprudence étant nécessairement suivie de la famine*
5° Que lorsque par des circonstances imprévues le prix du pain monte à un taux trop élevé, l'indigent seul a droit d'être secouru par le Trésor public et non le riche.
6° Que les seuls moyens raisonnables à employer pour procurer l'abondance et le bon marché des subsistances sont la liberté, la protection et la concurrence.
C'est dans ces principes que j'ai l'honneur de vous proposer de substituer le décret suivant à celui qui vous est présenté par votre comité des rapports.
L'Assemblée nationale décrète :
1° Qu'il sera très-incessamment envoyé dans les provinces une instruction pour rassurer les peuples sur leurs subsistances* et leur faire connaître que les ressources de la France à cet égard ont toujours été et sont plus que jamais cette année complètement suffisantes.
2° Que Sa Majesté sera suppliée de ne plus permettre qu'il soit fait à l'avenir, au nom du gouvernement, aucun commerce ni approvisionnement de grains.
3° Qu'il est très-expressément défendu à tous les officiers municipaux et juges des villes de taxer le prix des grains dans les marchés, et qu'il leur est pareillement défendu d'apporter aucun obstacle à la libre circulation et au commerce des grains, sous peine d'être poursuivis comme criminels de lèse-nation.
4° Que les meuniers, marchands de grains, facteurs, boulangers et autres agents des subsistances, sont sous la sauvegarde nationale et sous la protection spéciale de la loi.
5° Que le privilège des maîtrises des boulangers dans toutes les villes est dès à présent suspendu, et qu'il est permis à tous les particuliers qui voudront embrasser la profession de boulanger de former des établissements.
6° Qu'il est enjoint aux officiers municipaux de toutes les villes où le prix naturel du pain a
été réduit, de le rétablir, à compter du jour de la publication du présent décret, et de le fixer à l'avenir dans la proportion du prix du blé dans les marchés.
7° Que les officiers municipaux des villes où le prix naturel du pain a été réduit sont autorisés à établir des bureaux de charité, où tous les indigents et tous les ouvriers seront admis à se faire inscrire pour y recevoir une indemnité proportionnée à l'augmentation actuelle du pain, à raison d'une livre et demie par jour par individu dont chaque famille sera composée, et que cette indemnité leur sera payée jusqu'à ce que le prix naturel du pain soit réduit au prix où il est actuellement fixé dans chacune des villes ci-dessus mentionnées, sans cependant que cette indemnité puisse, dans aucune ville, être prolongée au delà d'une année.
8° Que le Trésor public tiendra compte à la ville de Paris et aux autres villes autorisées tpar le présent décret des sommes qu'elles justifieront avoir payées pour raison de ladite indemnité.
mémoire
sur les subsistances par M. Gouges-CartoU (1) député du Quercy et membre du cdmité des subsistances. (Imprimé par ordre de l'Assetiiblée nationale.)
chapitre premier.
Des causes de la cherté des grains.
Si nous remontons jusqu'aux premiers éléments qui forment les prix d'une marchandise quelconque, nous découvrirons que ces prix dépendent principalement de la rareté ou ae l'abôrîdance de cette marchandise, de la quantité plus ou moins considérable des consommateurs, et de celle plus ou moins forte de Vargent qui est en circulation.
Ces causes sont tellement dans la ilature même des choses, qu'il n'y a pas de puissante capable d'en arrêter l'influence ; en telle sorte que le prix d'une marchandise doit augmenter nécessairement à mesure qu'elle devient plus rare, qu'il y a plus de consommateurs, et que l'argent est plus abondant.
Il faut mettre à l'écart les deux dernières, parce que rien n'indique qu'elles aient agi cette antiée sur le prix de la denrée. Le nombre des consommateurs n'a certainement pas augmenté, et il est très-vraisemblable que la masse du numéraire a diminué plutôt que de grossir. Ainsi l'on doit conclure avec la plus grande certitude que ce n'est qu'à la mauvaise récolte de 1788 qu'il faut attribuer la cherté des grains de cette année.
C'est ce que le parlement de Paris a paru ignorer, lorsqu'au commencement de cette année il nomma aes commissaires pour s'enquêter des causes qui produisaient la cherté des grains, et qu'il fit entendre qu'elle était l'ouvrage des accapareurs.
Les habitants d'une ville immense, toujours terifermés dans son enceinte, avaient déjà oublié qu'une grêle affreuse avait détruit autour d'eux une foUle de moissons; ils ignoraient que l'intempérie des saisons avait diminué les autres, surtout dans le midi du royaume; ils n'avaient pas appris que déjà dans le mois d'août les nè-
(1) Le méittoirë de M. Gouges-Gartou n'a pas été in-séfé att Môhiteur.
gociants de Bordeaux avaient ordonné des approvisionnements de grains très-considérâbles dans, tous les ports de la Bretagne, dans la Normandie et à Dunkerque, et que dans toutes ces provinces le nombre des demandeurs ayant, pour ainsi dire* doublé tout à coup, il fallait nécessairement que le prix des grains doublât aUssi.
Les revenus des uns, payés par des fermiers ou par l'hôtel de ville, et ies salaires des autres demeurant à peu près les mêmes, ils s'indignèrent de la grande cherté du pain, et ne sachant en découvrir la cause, ils la rejetèrent sur les accapareurs.
Cette erreur fut une suite de l'arrêt du Parlement ; l'impression qu'il fit se propagea avec rapidité. Partout on voulut prévenir les funestes effets des accapareurs. Le procureur général du parlement de Paris, l'intendant de Soissons, les parlements de Rouen, de Bourgogne, etc., arrêtèrent ou prohibèrent à l'envi la sortie des grains de l'étendue de leurs districts respectifs ; celui de Bordeaux alla jusqu'à défendre dans le mois de mai dernier l'exportation des farines pour les îles françaises de l'Amérique, quoique leurs colons so|ent citoyens comme nous.
Le gouvernement céda lui-même au torrent. Il priva les marchands de grains de la faculté d'être membres des bureaux de police (1); il les obligea de ne vendre leurs grains qu'au marché, et il soumit leurs magasins à l'inspection du magistrat (2). . . . 4
Gomment le peuple aurait-il pu résister à l'impulsion générale? Que dis-je! Comment aurait-il été possible que dans cet oubli total des principes fondamentaux des sociétés, il ne se fût pas livré aux derniers excès, lui, qui une fois en mouvement, ne sait plus s'arrêter?
Plusieurs marchands et plusieurs fermiers sont devenus la victime de la fureur insensée ?
Tous ceux qui avaient une âme honnête se sont empressés d'abandonner un commerce qui compromettait leur sûreté et qui flétrissait leur honneur (3). Nulle part il n'y a eu des approvisionnements ; en beaucoup d'endroits le peuple n'a pas souffert que les grains fussent transportés ailleurs; la terreur s'est emparée des esprits ; l'imagination, qui ne sait jamais s'arrêter à propos, a redoublé les alarmes ; chacun a craint de manquer de provisions ; le gouvernement s'est vu forcé de s'occuper sans relâche de la subsistance des peuples et de faire escorter par des gens armés les convois destinés pour Paris et pour Versailles ; et ce qu'il y a de plus inconcevable, c'est que tandis que les vendeurs disparaissaient et que la denrée devenait plus rare, le peuple entreprenait de forcer même la nature, en obligeant les magistrats à diminuer le prix du pain (î).
(1) Il n'y a que des professions notées d'infâmie qui puissent emporter avec ellëâ la privation d'un droit adssi préciétix du citoyen.
(2) N'est-ce pas une violation matrifôâte des droits de liberté et de propriété que nous venons de consacrer dans la déclaration des droits ?
(3) Je connais une ville qui est un entrepôt considérable de grains. A peine les arrêts du Conseil qui soumettaient le commerce des grains â l'inspection dd magistrat furent connus, que lëâ marchands ne songèrent qu'à évacuer leurs magasins. Aussi; dans le mois de juin, la misère a-l-elle été universelle dans tout le canton.
(4) Un membre du comité des subsistances y a rapporté que les habitants de Chartres avaient forcé le magistrat de fixer le prix du froment à â4 livres 15 sols le setter* mesure de Paris; Il ne faut pas s'étonner si
Tels sont les funestes effets du système meurtrier qui a été adopté cette année, et qui, s'il était possible qu'il fût suivi encore quelque temps, changerait bientôt la France, jadis si florissante, en un triste et immense désert.
Ce qu'il y a de singulier, c'est que tandis que le peuple voyait partout des accapareurs, et que la clameur publique attribuait à leurs manœuvres la cherté du pain, les recherches faites par le gouvernement prouvaient qu'il n'en existait pas. C'est un fait que le comité des subsistances a eu l'occasion de vérifier. Une députation nombreuse des boulangers de Paris vint vers le commencement de juillet lui présenter une liste considérable de magasins remplis de grains, qui avait été dressée dans le mois de mai. Le gouvernement voulut savoir ce qu'ils contenaient, et ils se trouvèrent vides. Il fallait bien que ce fut ainsi ; quand les grains sont montés à un prix excessif, l'intérêt du marchand est plutôt d'y donner cours que d'y spéculer trop longtemps, et cet intérêt redouble quand il sent que le pillage est le moindre danger qu'il ait à courir, quand il sent qu'il a à redouter même pour sa vie.
Cependant il faut convenir que si ces magasins eussent été trouvés bien remplis, c'eût été une ressource bien précieuse. On voit donc que le peuple, en s'élevant et en sévissant contre ceux qu'il a soupçonnés de recéler des grains, s'est non-seulement privé de ce qui lui était le plus avantageux, mais qu'il a fait encore tout ce qui pouvait dépendre de lui pour se précipiter de plus en plus dans les horreurs de la misère.
Je voudrais rendre cette vérité encore plus sensible; mais il faut pour cela entrer dans un certain détail.
Le préjugé qui poursuit partout l'accapareur, et qui ne permet pas que ce nom soit prononcé sans exciter un sentiment mêlé d'indignation et de mépris, n'est que trop répandu dans l'Assemblée nationale. Qu'est-ce donc qu'un accaparer? J'ai fait souvent cette question, et on m'a répondu assez constamment que c'est un homme qui achète des grains dans Vintention de les faire enchérir. Je crois cette définition exacte, mais il en résulte qua tous ceux qui en achètent par spéculation sont des accapareurs ; car il est évident qu'ils ne le font que pour y gagner : or, pour y gagner, ils faut qu'ils enchérissent. Mais dès qu'on n'hésite pas à regarder un accapareur comme un homme des plus nuisibles à la société, et justement dévoué à l'exécration publique, on ne doit plus souffrir aucun spéculateur sur les grains ; seulement il doit être permis d'en acheter dans un lieu à condition de le revendre de suite dans un autre. Il suit de ce beau raisonnement qu'il ne pourra se vendre à chaque marché que ce qui sera nécessaire à la consommation. Or, nous pouvons la supposer à une livre et demie de grain par individu ; ce qui fait pour tout le royaume 36 millions de livres par jour, et par an 131 millions de quintaux, c'est-à-dire 55 millions de setiers.
Supposons présentement que le premier jour de chaque mois les propriétaires apportent au marché 4 millions et demi de setiers de grains
aucun étranger ne se présentait à leur marché, et si, pour pourvoir à leur subsistance, ils se sont déterminés à enlever un convoi. Peuples ! ne respectez pas la propriété, et vous ne serez plus qu'un horrible repaire de tyrans et d'oppresseurs.
qui doivent être consommés dans le mois ; la quantité de setiers et le nombre des consommateurs ne variant pas, il suit du principe que nous avons posé au commencement de ce mémoire que les prix seront toujours les mêmes. Mais dans ce cas, tout le monde voudra vendre à la fois, et cette concurrence fera baisser le prix. Or, il ne peut disparaître qu'autant que les prix augmenteront graduellement; de manière que les vendeurs jouissent chaque mois d'un surcroît de prix proportionné au déchet inévitable, aux frais de garde, à l'intérêt de l'argent qu'ils eussent retiré s'ils avaient vendu dès le principe. Ainsi, dans cet état des choses, les ao croissements des prix doivent se succéder sans interruption, depuis le moment où la récolte est faite jusqu'à celui où il s'en recueille une autre (1).
Mais cette inégalité de distribution n'est qu'une chimère. Parmi les propriétaires de grains, surtout parmi les petits, il en est une foule qui, pour les exposer en vente, attendent avec impatience le moment où ils les auront cueillis. Dès qu'il est venu, ils s'empressent d'apporter au marché tout ce qui excède leur consommation, et même leur récolte entière, lorsqu'après une année diset-teuse elle est nécessaire pour faire honneur à leurs engagements. Ainsi l'on voit tout à coup les vendeurs se multiplier à l'excès, tandis que la consommation reste la même, et il est évident que cette grande concurrence fera tomber la denrée au prix le plus bas, à moins qu'il n'y ait des spéculateurs qui rétablissent l'égalité en se mettant en concurrence avec les consommateurs.
Le besoin que l'on a d'eux se fait encore plus sentir lorsque les récoltes excèdent annuellement la consommation, ce qui arrive ordinairement en France. Carie mémoire lu le 4juillet nous apprend que le gouvernement n'a tiré de l'étranger que 1,404,000 quintaux de grains ou de farines; et quand bien même nous supposerions que le commerce en a fait importer 600,000, il s'ensuivrait toujours qu'il n'a fallu qu'un approvisionnement pour six jours, afin de suppléer au vide de la récolte la plus mauvaise que nous ayons eue depuis longtemps.
Il faut donc poser pour principe, qu'en France les récoltes excèdent constamment les consommations, et je demande à présent : si les spéculateurs sur les grains sont proscrits, que va devenir ce superflu qui sera présenté inutilement à chaque marché ? Se fait-on une idée juste de la funeste influence qu'il exercera constamment sur les prix?
Propriétaires de terres! souffrez que je réveille l'attention que vous devez avoir pour vos plus chers intérêts. Si le système actuel prend de la consistance; si le spéculateur sur vos denrées est avili, s'il est méprisé, si sa fortune et sa vie sont en danger, s'il est forcé de se dégoûter entièrement de son état.... que vont devenir les impôts? qu'allez-vous devenir vous-mêmes?
Pourquoi n'auriez-vous pas le courage de dire au consommateur : « Vous ne voulez pas souffrir que d'autres que vous achètent nos grains, afin que nous soyons réduits à vous les livrer à bas prix ; pourquoi n'avons-nous pas le droit d'en user de même pour vos vins, pour le produit de vos arts, de vos métiers, etc. ? Citoyens comme
(1) On découvre ici le premier mobile de la spéculation sur une marchandise quelconque, et on doit s'apercevoir en même temps que plus l'intérêt sera modéré, moins il y aura de variations sur les prix.
vous, nous devons jouir des mêmes droits que j vous, en disposant comme vous de nos propriétés en faveur de qui bon nous semble; et cependant, ! tandis que vous voulez nous priver des nôtres, vous prétendez que les vôtres soient respectés ! >
Il faut le dire : cette insurrection des consommateurs contre les accapareurs, insurrection dont les effets ont été si horribles en quelques lieux, est, en dernière analyse, le malheureux fruit d'une guerre sourde qu'ils ne se lassent pas de faire aux propriétaires. Il est néanmoins autant de l'intérêt des uns que des autres qu'elle prenne I fin; car on peut montrer que la spéculation sur les grains doit être d'autant plus favorisée que la récolte a été plus mauvaise.
Peut-être que cette proposition paraîtra extraordinaire, mais, dans ce cas, je prie d'accorder encore plus d'attention aux preuves que je vais fournir.
Lorsqu'un vaisseau battu par la tempête s'est écarté de sa route et que l'équipage prévoit qu'il lui faudra, par exemple, quatre mois pour gagner le port, s'il n'a dé provisions que pour trois mois, son premier soin, parce que sa conservation en dépend, est de retrancher Je quart sur ses rations journalières. Or, un royaume est un grand vaisseau : s'il survient une année disetteuse, si la récolte doit être épuisée dans neuf mois, il est évident que le peuple n'a pas d'autre moyen pour se soustraire aux horreurs de la famine dont il est menacé, que de retrancher un quart sur la consommation ordinaire (1).
Pour y parvenir, le mieux serait sans doute de loger tous les grains dans des magasins publics, et de les faire distribuer par le magistrat. Mais, quand bien même ces magasins existeraient, et qu'il y aurait des fonds suffisants pour payer les grains, on n'éviterait pas le grave inconvénient de violer les droits de citoyen, en forçant les propriétaires à livrer leur denrée à un prix qui ne leur conviendrait pas, par la raison qu'ils n'auraient pas été libres de le refuser; on n'éviterait pas celui de les exposer eux-mêmes à contrevenir à la loi, en les latitant; il resterait encore celui de livrer le magistrat à la tentation dangereuse de signaler son autorité par des actes arbitraires, et d'abuser de sa place en faisant des distributions inégales.
Mais si ce moyen est impraticable, si même toute perquisition, tout recensement de grains doit êlre regardé comme un des fléaux de la liberté et propre à troubler sans fruit la tranquillité dont les propriétés doivent jouir, il en est un autre non moins efficace, et en même temps analogue à la liberté, parce que dérivant de la nature même, il est par cela seul plus conforme à l'ordre établi par la Providence. Or, tel est cet ordre, que plus une marchandise est chère, moins il s'en consomme (2) ; de manière que si le prix vient à hausser par exemple d'un quart, il s'en consommera un quart de moins. Il est donc encore plus essentiel dans une année disetteuse que dans une autre, que dès que les grains nouveaux paraissent au marché, le nombre des spécu-
(1) Je suppose qu'il ne viendra pas de secours de l'étranger, ou qué, si on en reçoit, il ne suffira pas pour compléter la quantité de grains nécessaire pour la consommation ordinaire d'une année.
(2) fie principe est confirmé par l'expérience. La consommation du sel est bien plus considérable dans les provinces des petites gabelles, que dans celles appelées de grande gabelle.
lateurs soit le plus grand possible, afin que la plus vive concurrence établisse le plus haut prix, qui seul peut opérer sur la consommation journalière un retranchement devenu indispensable.
En effet, si nous supposons le prix moyen du froment à 24 livres dans une année où la récolte suffit justement à la consommation, nous devons comprendre que dans celle où elle est moindre d'un quart le prix doit s'élever à 32 livres, afin que cnacun ne pouvant consommer de grain que pour la même somme se trouve réellement en avoir consommé un quart de moins. Mais comment y parvenir, si les spéculateurs sont bannis du marché ? L'empressement ordinaire d'un grand nombre de propriétaires de vendre des que la récolte est cueillie, fera que le prix sera beaucoup plus bas qu'il ne devrait l'être, et que le nombre ordinaire de setiers étant consommé, par exemple, dans les six premiers mois, la consommation pour les autres six mois ne pourra être que de la moitié de la précédente ; ainsi, au lieu d'une privation que l'homme peut absolument supporter, il sera livré inévitablement aux horreurs de la famine.
Si au contraire la spéculation sur les grains a été animée dès le commencement de l'année, elle ralentira d'abord la consommation et servira à conserver pour la fin un approvisionnement très-précieux que le spéculateur, poussé par son propre intérêt, exposera nécessairement en vente avant l'époque où une récolte nouvelle ne manquera pas de faire baisser le prix.
Je crois en avoir assez dit pour prouver que les spéculateurs servent principalement : 1° à soutenir le prix lorsque le plus grand nombre des propriétaires veulent vendre ; 2° à empêcher qu'il ne s'élève trop haut lorsque le nombre des consommateurs l'emporte par proportion sur celui des propriétaires vendeurs ; 3° à conserver pour la fin d'une année disetteuse un approvisionnement qui sans eux n'existerait pas ; et je conclus que toute disposition qui tend à supprimer et même à altérer cette branche précieuse de commerce, est infiniment nuisible aux propriétaires et aux consommateurs.
Or, c'est précisément ce que l'insurrection du peuple a produit cette année. L'interruption de la circulation des grains aurait été son ouvrage, quand bien même elle n'aurait pas été celui des arrêts de quelques cours souveraines, et il en est résulté deux effets bien funestes : un engorgement dans les lieux où l'approvisionnement excédait la consommation, et dans ceux où il était inférieur aux besoins, un surcroît de misère parmi les consommateurs.
C'est ainsi que l'homme est ingénieux pour multiplier les moyens de se nuire. Ce n'était pas I assez que la mauvaise récolte de 1788 dût nécessairement faire enrichir la denrée ; aux maux de la nature il a voulu joindre les maux incalculables de l'imagination. La liberté du commerce pouvait seule rendre les premiers supportables, en mettant un certain niveau dans les prix, et en effectuant sur les consommations, d'une manière insensible, des retranchements devenus nécessaires et indispensables ; mais, par un concours unique de certaines causes, il a fallu que toutes les puissances se soient réunies pour conspirer contre elle : les magistrats par leurs arrêts; le peuple par ses insurrections, et le gouvernement en imprimant le sceau de l'ignominie sur les spéculateurs en grains.
Voyons présentement comment il faut s'y prendre pour se mettre désormais à l'abri des malheurs que nous venons d'éprouver.
CHAPITRE II.
Des moyens de soulager la misère publique.
Les premiers moyens qu'il y ait à indiquer pour soulager la ipisère publique doivent être naturellement les contraires de ceux qui l'ont aggravée cette apnée- Ainsi nous indiquerons d'abord la libre circulation des grains dans tout le royaume.
L'Assemblée nationale vient de l'ériger en loi solennelle (1). Persuadée de tout temps que la division du royaume par provinces et par districts ne peut avoir dorénavant d'autre but que celui d'en repdre l'administration plus facile ; que les Français ne composent plus qu'une seule et, même famille ; qu'ils sont tous frères ét qu'ils doivent se secourir mutuellement ; que la récplte d'un propriétaire, exposée en vente, n'appartient pas plus aux habitants de sa province qu à ceux des provinces voisines, et qu'enfin celle qui vient au secours d'une antre ne fait effectivement qu'une avance dont elle est remboursée tôt ou tard ; l'Assemblée nationale, dis-je, aurait consacré tous ces principes le 4 juillet dernier, comme elle vient de le faire, si les circonstances lui eussent alors permis de faire usage du pqjivoir législatif. >
Mais je pense qu'elle n'en a pas assez fait. Car si les insurrections du peuple continuent, le consommateur sera le seul acheteur qui se présentera, et la loi de la libre circulation des grains sera parfaitement inutile. Il convient donc qu'elle promulgue un nouveau décret qui inspire au spéculateur la plus grande confiance, et dont l'exécution assurée le fasse jouir paisiblement de tous les droits de citoyen. Ce décret aurait pour lui non-seulement la justice, mais encore l'intérêt général.
Car il faut se rappeler que les spéculateurs sur les grains sont successivement acheteurs et ven-cjeur§. Ils entrent en concurrence avec les consommateurs quand le plus grand nombre de propriétaires veut vendre, et avec ceux-ci, quand leur petit nombre les invite à faire la loi aux consommateurs. Ainsi ils se rendent doublement utiles, en maintenant un juste équilibre entre les uns et les autres, et en prévenant tour à tour les non-valeurs et la cherté ; et il est évident que plus ils seront nombreux, plus leur concurrence -j sera excitée, et plus le public y gagnera. C'est j d'après ces considérations que l'Assemblée nationale pourrait statuer : Ie Que la propriété des spéculateurs en grains est , comme celle de tout autre cjtoyen, sous la sauvegarde de Vautorité publique, qui doit par conséquent Vindemniser pleine- j ment dç toutçs le\s. pertes que la force et la yîolençç pourroilui faire épro^vex (2).
(1) Il convient que cette loi s'étende à toute espèce de commerce.
(&) C'est pe qu'pn ne s'est pas avisé de faire en France faute de bonnes lois. La fabrique du sieur RévejJ)pn, à Paris, a été saccagée le mois de mai dernier, plusieurs autres, ainsi qu'une foule de greniers, ont éprouvé le même sprt, et je ne pense pas que les propriétaires aient été indemnisés. Cependant nous devons désirer l'extension du commerce et la multiplication des fabriques. Nous n'ignorons pas que, s'il existe des procédés mécaniques très-ingénieux qui diminuent considérablement les frais de maip-d'ceuvfp, ils ne peuvent être mis en usage avantageusement que dans de grandes fabriques.
2° Qu'il doit être affranchi de toute contrainte, et avoir le droit de disposer librement de ses grains.
C'est quand ces deux lois, fruits d'une bonne Constitution, seront en pleine vigueur que le marchand de grains vivra dans la plus grande sécurité et se livrera à toute son activité. Le prix des différents marchés sera le thermomètre qui réglera ses envois. Il sait d'avance que là où il est le plus élevé, là sont incontestablement les plus grands besoins, et que c'est le lieu qu'il doit approvisionner de préférence. Enfin, la concurrence excitée par la liberté fera que les prix seront, eu égard aux circonstances, le plus bas possible.
Mais il faut pour cela que le gouvernement s'abstienne, dans tou$ les cas, de se mêler des approvisionnements de grains. Or, cette année, il en1 a fait importer beaucoup pour son compte. Ce soin était digne sans doute d'un monarque qui chérit son peuple, et d'un ministre qui se plaît à seconder ses vues paternelles ; mais il est également certain que le gouvernement a employé les moyens les moins onéreux et les plus propres à soulager la nîisère publique. Il paraît d'abord que cette question ne peut être décidée qu'après que le ministre aura mis sous les yeux du comité des finances tous les comptes relatifs à cette opération.
Cependant on ne peut s'empêcher de présumer que de même qu'un propriétaire cultive mieux sa terre que des mercenaires, et que chacun fait ses emplettes à un prix plus avantageux que s'il a recours à des commissionnaires, de même les négociants ont dû acheter les grains et ont pu les livrer à un plus bas prix que le gouvernement, qui a été obligé d'employer beaucoup d'agents. Si donc celui-ci a livré ses" grains au même prix et peut-être à meilleur marché que le négociateur, il est évident qu'il en résulte une perte pour le public.
Ce n'est pas là le seul inconvénient des approvisionnements faits par un gouvernement. Il est rare qu'ils soient suffisants et de bonne qualité ; car : 1° il est naturel que le gouvernement, qui n'est pas institué pour être marchand, ne veuille que suppléer par les siens à l'insuffisance de ceux du commerce. Mais comme les négociants savent que, b.ien loin de les considérer comme un objet lucratif, il est toujours disposé à faire des sacrifices, il est naturel aussi qu'ils redoutent une telle concurrence, et qu'ils resserrent leurs spéculations à mesure qu'ils s'imaginent que le gouvernement étend les siennes ; 2° le gouvernement est obligé d'employer poUr les achats en grains et pour leur distribution un nombre considérable d'agents. Tous ne peuvent pas être fidèles ; d'ailleurs, ne travaillant pas pour eux ils ne sauraient soigner ces grains comme les négociants soignent les leurs. Ce serait donc un prodige s'ils étaient constamment d'une bonne qualité.
Or, comment exciter les hommes à réunir sous le même toit des valeurs mobilières très-considérables, sans la certitude que leur fortune est pleinement garantie par la puissance publique ?
Cette loi a été proposée le 31 août au comité de subsistance, à l'occasion de la difficulté que Paris éprouve pour faire venir des* grains de ses environs; et il a paru qu'elle n'était pg,s du go$t de plusieurs membres. Je ne puis comprendre quelle idée ils se forment des 4e" voirs de la société; il me semble que la garantie qu'elle doit accorder à chaque citoyen pe sera qu'une clumère, toutes les fois que ce principe pe sera pas g4opté.
J'observe qu'il devràit s'étendre à tou§ les cas pu un ennemi quelconque yient à causer quelque dptnmage : ainsi lorsque les frontières du royaume sont ipsultees, il est juste que le citoyen qui en souffre soit iridèrïiftisé.
Ces deux vérités ont été, cette année, pleinement constatées. Non-seulement le canton que j'habite et bien d'autres ont reçu un approvisionnement insuffisant et de mauvaise qualité, mais il est notoire que Paris et Versailles ont manqué de pain, et qu il est très-mauvais depuis un certain nombre de jours (1).
Enfin (et cette considération sera la plus importante aux yeux de tout homme épris des charmes de la liberté) il est possible qu'il survienne dans la suiteuneannée aussi disetteuse que celle-ci. Si le gouvernement se mêle encore du commerce des grains, si les négociants redoutent sa concurrence, si jamais il arrive qu'un ministre corrompu accapare tous les grains, s'il se rend par ce nioyen* l'arbitre souverain de laviedetout un peuple, croira-t-on qu'il ne profitera pas de cette circonstance pour rétablir le despotisme ministériel ?
Telle est néanmoins la suite nécessaire des Vices de la Constitution, qu'il a fallu absolument que le gouvernement se soit chargé lui-même cette année des approvisionnements des grains ; câr le ministre convient, dans le mémoire présenté le 4 juillet ? « que l'expérience a instruit que peu de négociants veulent se mêler du commerce des grains, lorsque les prix sont chers et fixent les inquiétudes du peuple. »
Mais la seule conséquence qui en résulte, c'est qu'il est absolument nécessaire que cette répugnance soit vaincue : or, elle le sera pleinement par la promulgation des deux lois que nous venons de proposer.
Le gouvernement ne s'est pas contenté de pourvoir par lui-même à la subsistance du peuple ; ses tendres sollicitudes et le désir ardent de soulager la misère publique l'ont porté à recourir à deux autres moyens le premier consiste dans les primes qu'il a accordées, et le. second dans la fixation en quelques endroits du prix du pain au-dessous de sa valeur naturelle.
1° Il est certain que la prime étant un bénéfice assuré d'avance au spéculateur, a dû attirer dans le royaume beaucoup plus de grains qu'il n'en serait entré sans cet encouragement. Sous ce point de vue elle mérite notre approbation ; mais on ne saurait envisager du même œil celle qui a été accordée aux farines ; car, si la saine politique fait mettre de plus grands droits d'entrée sur les marchandises manufacturées que sur les matières brutes, elle exige par la même raison qu'on n'accorde pas à l'importation des farines la même faveur qu'à celle des grains.
On objectera peut-être que cette prime a fait entrer beaucoup de farines dont nous aurions été privés sans elle ; mais on répondra que le marchand, assuré d'obtenir la prime pour le blé, se serait abstenu de le convertir en farine, et aurait préféré de l'expédier en nature, et que de cette manière les propriétaires et les fermiers de nos moulins auraient profité, par la mouture, du bénéfice qui a été fait par les meuniers étrangers (l).
Il est deux considérations qui doiveqt nous faire rejeter absolument toute espèce de prime : la première, c'est que le spéculateur ne manquera pas de porter les grains à l'étranger, et de les rapporter ensuite dans le royaume si la prime est plus que suffisante pour payer les frais d'aller et de retour ; ainsi, par cette manœuvre répétée à
(1) Les boulangers de Versailles ont présenté le 21 août, au comité des subsistances, l'échantillon d'une farine qu'on leur livrait, qui était très-aUéréQ et d'une très-mauvaise odeur.
tout moment, le gouvernement dépense beaucoup d'argent sans se procurer un grain de plus.
Or, c'est ce qui a dû arriver aux frontières du royaume situées sur le continent, et c'est aux primes que nous devons uniquement attribuer les plaintes portées au comité des subsistances et à l'Assemblée nationale contre les exportations fur-tives qui ont eu lieu en Flandre. Car les grains ont été constamment à plus bas prix-dans la Flandre autrichienne, et il est d'ailleurs évident qu'un transport d'une ou deux lieues étant plus que suffisant pour faire sortir et entrer des grains et des farines, la prime accordée était bien supérieure aux frais indispensables et laissait au spéculateur un bénéfice honnête.
La seconde considération est puisée dans la nature même de la prime et dans les effet3 qu'elle doit produire.
Il n'est pas douteux que chaque spéculateur, aspirant à un certain bénéfice (déterminé d'ailleurs par la concurrence), livrera sa marchandise à meilleur marché lorsqu'il aura déjà obtenu une prime ; dans ce sens, elle serait une faveur accordée indirectement au riche comme au pauvre, si elle ne devait pas être prise sur les contributions ; car chacun devant en payer une part proportionnée à ses facultés, il se trouvera que le pauvre aura consommé du pain presque autant que le riche, et que cependant il devra payer beaucoup moins.
Mais s'il est vrai qu'il est très-inutile d'accorder au riche une grâce qu'il doit payer avec usure, et que le sentiment que l'impôt excite est bien plus durable que celui qu'inspire la faveur qui l'a occasionné j s'il est encore vrai que l'impôt ne peut-être justifié que par sa nécessité, et que dans tous les cas il doit être le moindre possible, on reconnaîtra qu'il eût été bien plus simple et plus avantageux de ne pas accorder de prime, et de ne conserver de l'impôt que la partie destinée au soulagement du pauvre.
Ce n'est pas que je pense qu'il ait dépendu du gouvernement d'opérer ainsi ; je pense au contraire que, dans les circonstances critiques où il se trouvait, les encouragements qu'il a accordés montrent sa sagesse et méritent nos suffrages. Mais ce qu'il n'a pu faire va devenir aisé par la Constitution nouvelle du royaume (1).
Le second moyen employé par le gouvernement pour soulager la misère publique ne l'a été que d'une manière partielle. Le ministre annonce à la dixième page du mémoire lu le 4 juillet, que « le pain déjà fort cher à Paris serait considérablement monté de prix sans les indemnités que le roi a accordées aux boulangers, et qu'il continue de leur payer. » Versailles a joui et jouit encore de la même faveur ; le boulanger y paye 55 livres un sac de farine qui revient âu gouvernement à 105 ou 108 livres.
De si grands sacrifices ont un motif bien louable; mais sont-ils conformes à la justice, dès que c'est la nation qui doit les supporter? Est-il juste qu'un grand nomhre de cantons, qui ont à peine reçu quelques soulagements dans leur détresse, soient forcés, après avoir été Réduits à dévorer leurs propres maux, de contribuer à soulager ceux des autres? Est-il juste qu'une foule de misérables, répandus dans les provinces, se privent de leur nécessaire pour faire manger le pain à meilleur marché aux riches et aux étrangers qui habitent Paris et Versailles ? S'il est une
(1) J'aurai occasion d^ns la suite dp ce mémoire de proposeï quelques idées à ce sujet.
faute impolitique, c'est assurément celle-là, et cependant elle doit être exécutée, car elle a pour elle l'usage immémorial de sacrifier les provinces à la capitale. Mais si le despotisme ministériel a regardé de tout temps comme un point capital le maintien delà tranquillité dans Paris, il est évident qu'un tel système doit être abandonné sans retour aujourd'hui que nous fondons le bonheur public sur une distribution égale des charges et des avantages de la société.
11 y a longtemps que l'on a reconnu que l'homme doit être juste, ne fût-ce que pour son propre intérêt. Cette maxime est encore plus vraie pour l'homme public. Tant qu'il se conforme aux lois de l'équité, son administration est aisée ; mais à peine s*en écarte-t-il, que les embarras accourent de toutes parts et forment autour de Jui une triple enceinte (1). Il était si simple de maintenir dans toute sa force la loi de la libre circulation des grains, de mettre sous la sauvegarde de l'autorité la propriété des négociants, dont le défaut de protection semble fonder et justifier la répugnance à se mêler du commerce des grains, lorsque leur prix est excessif, et de laisser la denrée suivre son cours naturel ! Mais tandis que le ministre, en fixant le prix du pain au-dessous de sa valeur naturelle, a provoqué, dans Paris et dans Versailles, une consommation plus forte qu'elle aurait dû l'être (2), il a éloigné les marchands de grains, et a mis les boulangers dans l'impossibilité de pourvoir eux-mêmes à leurs fournitures ; et par tous ces moyens réunis, il s'est imposé la nécessité de redoubler ses approvisionnements et de perpétuer ainsi ses embarras.
A présent, j'ose le dire, la manière la plus efficace de soulager la misère publique, c'est de rendre le peuple riche; or, en France, il n'y a qu'un moyen : c'est celui de procurer à nos productions territoriales la plus grande valeur possible. En effet, quelque théorie que l'on adopte sur la formation et la distribution des richesses, on doit reconnaître que toutes tirent leur source des productions de la terre ; le superflu de ceux qui se la sont partagée est seul l'aliment des arts et des manufactures. Supposez deux peuples, uniquement composés, l'un d'artisans et de manufacturiers, et l'autre de laboureurs : le premier verra clairement que sa prospérité dépend de la richesse du second, et que plus celui-ci vendra ses récoltes, plus il peut espérer de tirer un bon parti de ses marchandises. Or, la France renferme ces deux peuples ; ainsi, plus les propriétaires de terres seront riches, plus la nation entière le sera. Mais pour que les grains obtiennent le plus haut prix possible, il faut que la concurrence des acheteurs soit la plus grande possible ; il faut ouvrir tous les ports ; il faut ériger en loi fondamentale la liberté illimitée de 1 exportation des grains du royaume.
Habitants de villes, accorderez-vous votre sanction à une vérité qui choque si fort vos préjugés ? J'ai peine à le croire ; ils sont fortifiés par
(1) Le ministre s'énonce ainsi à la page 9 de son mémoire : « Il est une multitude de précautions et d'informations prises par l'administration, dont on n'a jamais eu connaissance, parce que les ménagements nécessaires pour éloigner les inquiétudes obligent à- garder le secret de ses propres peines. »
(2) Le pain est à Versailles à trois sols la livre. Son ,bas prix fait que tous les environs cherchent à s'y approvisionner. Aussi, (pourra-t-on Le croire ?) on a été réduit à recommander à la milice bourgeoise de visiter les voitures, et d'empêcher que les étrangers .n'emportent du pain.
le sentiment d'un ministrè que des vertus que j'admire rendent si cher à la nation ! Bien éloigné d'admettre une liberté indéfinie, il a fait connaître, en plusieurs occasions (page 1), de quelle irhportance il est pour la France de veiller sans cesse sur les effets d'une exportation illimitée, et il pense {page 8) que les alarmes de cette année serviront sans doute à faire sentir les inconvé-nients d'un système permanent de liberté complète pour Vexportation des grains.
Calculons ces inconvénients ; et pour éviter le reproche de les atténuer considérons jusqu'où ils ont pu s'étendre dans une année, qui, de mémoire d'homme, est de toutes la plus diset-teuse.
Le ministre nous apprend (page 5) que les achats faits à l'étranger, pour le compte du roi, s'élèvent à plus de 25 millions. Les négociants ayant dû cesser les leurs dès qu'ils se sont aperçus qu'ils rivalisaient avec lui, je ne pense pas qu'ils en aient fait venir pour 12 millions, et cependant je supposerai qu'il en est venu en tout pour 40 millions. Présentement je fais cette question : quel avantage serait-il résulté pour la France si l'exportation eût été*prohibée en 1788 ? C'aurait été, tout au plus, celui d'avoir conservé 40 millions, qui ont passé à l'étranger. Mais les grains qui furent exportés alors valaient bien au moins la moitié de ce qu'ils ont coûté en 1789 (1); ainsi, dans l'exacte vérité, ce n'est que 20 millions que l'Etat a perdus, et c'est là la mesure réelle des inconvénients qui ont résulté, cette année, d'un système permanent de liberté complète. Or, je le demande, ces inconvénients, qu'on n'éprouve pas peut-être tous les trente ans, peuvent-ils balancer les avantages inappréciables que ce système produirait constamment, en redoublant l'activité des agriculteurs, en soutenant le prix des grains, et en faisant importer annuellement un numéraire très-considérable ? De bonne foi, quel est l'homme raisonnable qui répondrait par une affirmative?
Peut-être objectera-t-on qu'un tel système tiendrait les grains habituellement trop chers pour ceux qui doivent les consommer. C'est ainsi qu'on raisonnait sous Louis XIV. L'exportation fut rarement permise, aussi le bas prix des grains fit que la culture se resserra ; les propriétaires demandèrent moins aux artisans ; et l'avantage qu'avaient ceux-ci d'acheter le pain à meilleur marché, devint illusoire dès qu'ils ne gagnèrent pas de quoi le payer ; enfin le royaume ne fut pas moins exposé au fléau de la disette, et il s'appauvrit de plus en plus.
On objectera peut-être encore que si dans une année comme celle-ci l'exportation était permise, ie royaume pourrait être privé du nécessaire. Voyons si cette crainte est fondée.
Quel effet doit on attendre de la libre circulation des grains dans tout ie royaume ? C'est sans doute celui d'égaliser les provisions de manière que la province qui en a le plus, en fournisse à celle qui en a le moins. Cette opération se fait naturellement par le commerce. Il tire constamment de la première, où le prix est nécessairement le plus bas, et apporte dans la seconde, où il doit être le plus haut, jusqu'au moment où l'augmentation du prix dans l'une, et la diminution du prix dans l'autre, le forçant de s'arrêter,
(1) S'ils valaient moins, il est clair que les inconvénients que je cherche à apprécier ont été d'autant moindres que l'erreur que je commets est grande.
annoncent que l'approvisionnement est égal dans toutes les deux (1). Or nous pouvons considérer l'Europe comme un grand royaume. La libre exportation des grains ne peut donc que les distribuer partout avec égalité, et elle devra s'arrêter dès que les prix seront montés au niveau du prix moyen. Ainsi dans une année où les grains sont les plus chers, on doit être certain que quand bien même la libre exportation serait établie, il en entrerait en France au lieu d'en sortir.
Enfin, outre l'avantage qu'elle a de prévenir les non-valeurs, elle a celui de retenir dans un royaume une quantité considérable de grains, qu'une liberté momentanée d'exportation ne manque pas de faire sortir dans une année abondante, par la raison bien simple que les marchands loin de songer à former des magasins qu'ils ne seraient pas assurés de vider à leur gré, s'empressent au contraire de mettre à profit la liberté qui leur est accordée.
0 vous, qui chérissez votre patrie, et qui désirez ardemment de la rendre heureuse et florissante, daignez vous joindre à moi, et tous ensemble disons à nos concitoyens : Voyez les Hollandais, leur pays ne leur fournit pas les grains nécessaires à leur subsistance, et cependant ils ont trouvé le secret d'en faire le plus grand entrepôt de l'univers. Imitez leur sagesse ; n'accordez plus de noblesse héréditaire, et qu'une illustration personnelle soit la récompense des services rendus ; accordez aux protestants des temples, et faites-les jouir des mêmes droits et des mêmes privilèges que les autres citoyens ; enfin que le commerce jouisse d'une entière sûreté et liberté ! Vous aurez des négociants patriotes) et capitalistes, vous les multiplierez, vous en attirerez dans le sein du royaume un essaim nombreux qui s'empressera de venir y jouir des avantages réunis d'un heureux climat, d'un sol fécond, et d'une des meilleures constitutions politiques. Une partie de leurs capitaux employés en grains formera un approvisionnement toujours renouvelé et toujours subsistant, qui épargnera au gouvernement des sollicitudes, des opérations coûteuses et des soins dont le succès n'est jamais complet, et la France deviendra pour toutes les nations de l'Europe un entrepôt universel.
Il est une autre objection, peut-être la plus importante aux yeux du vertueux ministre, parce qu'elle est naturellement placée au fond de son cœur.
« Dans les années disetteuses, la plupart des propriétaires n'ayant pas recueilli assez pour acquitter l'impôt et pourvoir à leur subsistance, sont réduits à recourir à des emprunts très-onéreux.
« D'un autre côté, l'artisan et le manœuvre éprouvent une diminution dans la quantité des ouvrages que les propriétaires leur payent annuellement avec le superflu de leur récolte, et le taux de leurs salaires diminue dans le temps qu'il devrait augmenter dans la proportion du prix du pain. »
Voilà sans doute des inconvénients graves ; auxquels une sage administration doit apporter remède. Mais faut-il pour cela défendre l'exportation, c'est-à-dire, se priver d'un surcroît de
(1) Il est inutile de considérer ici la différence produite par les frais de transport, les risques à courir, et le bénéfice ordinaire du négociant : mais je remarquerai que plus la concurrence sera exaltée, plus ce bénéfice sera modique, et plus le public y gagnera.
richesse, dont le premier usage serait certainement consacré au soulagement des malheureux ?
Pour venir au secours des uns et des autres, je propose : 1° de former une caisse de crédit en faveur des propriétaires, moyennant un intérêt modéré. Vétablissement d'une banque nationale remplirait cet objet; elle sera d'une utilité trop générale pour que l'Assemblée nationale ne s'en occupe pas sérieusement;
2° De déterminer dans chaque paroisse un fonds destiné à secourir dans des années disetteuses les artisans et les manœuvres, qui ne pourraient pas par leur travail fournir à tous leurs besoins. Ce fonds placé tous les ans avec fruit dans la banque nationale, formerait à la longue des ressources précieuses qui seraient réservées pour les temps de calamité.
A la vérité, il y a sur tous ces objets des précautions à prendre qui mériteraient d'être détaillées. Mais comme elles dépendent principalement de la forme qui sera donnée aux Assemblées pro-vinciales et municipales, l'Assemblée nationale ne devra s'en occuper que lorsqu'elle déterminera la constitution de toutes les Assemblées politiques qui lui seront subordonnées.
il aurait été bien à désirer que ces Assemblées eussent pu être formées assez tôt pour être cette année à temps de venir au secours des propriétaires. Un grand nombre se trouvent dans la nécessité de vendre leur récolte entière pour faire face à leurs engagements, et d'en contracter de nouveaux pour subsister l'année prochaine. Or, parmi ces débiteurs, plusieurs ont emprunté à des conditions très-onéreuses, auxquelles ils devront se soumettre de nouveau, jusqu'à ce que la création d'une caisse publique leur procure à un prix modéré les secours dont ils ont besoin.
Mais il est encore plus instant d'adoucir le sort des non-propriétaires. J'aurais désiré en mon particulier que le comité de subsistance eût proposé de voter un emprunt de 12 millions qui auraient été distribués à tous les malheureux, ou du moins que l'Assemblée nationale eût adopté quelques-uns des moyens qui lui furent proposés le 4 juillet. Mais si des considérations supérieures l'en ont empêchée, il convient du moins que sa sensibilité n'ait pas été excitée en vain, et qu'elle statue en faveur de ceux sur qui la calamité a frappé les plus rudes coups, que les articles de capitation qui sont aux deux taux les plus bas seront dispensés d'en payer Vannée prochaine.
Il me semble qu'avec ces précautions, la nation peut recueillir sans danger les fruits abondants qui seront immanquablement produits par le système permanent d'une liberté complète pour l'exportation des grains. Mais si un préjugé trop enraciné dans l'esprit du peuple ne permet pas à l'Assemblée nationale d'adopter encore ce système, du moins rien n'empêche qu'elle encourage le commerce d'entrepôt en statuant que quiconque aura importé dans le royaume des grains étrangers, pourra les exporter en tout temps.
11 est encore plus essentiel de ne pas laisser au jugement arbitraire du gouvernement la fixation dii moment où l'exportation des grains sera permise. Il existait avant 1787 une loi qui la prohibait dans quelque lieu des frontières que ce fut, dès que le prix du froment excéderait 12 livres le quintal. Il est vraisemblable que lorsqu'elle fut promulguée, c'était le prix moyen de l'Europe. Mais l'augmentation survenue depuis cette époque dans le numéraire et dans les impôts, et la protection soutenue qu'il est indispensable d'accorder à l'agriculture, me paraissent exiger que
^exportation ne soit défendue que lorsque le prix du froment se sera élevé à 13 livres le quintal.
Et comme l'exportation des farines est encore plus utile que celle des blés, en ce que sa fabrication augmente sa valeur au moins de 10 0/0, je crois que l'intérêt public demande quelle ne soit prohibée que lorsque le froment vaudra 14 livres le quintal.
Enfin, j'observerai que les lois ne sauraient être mises trop à la portée du peuple; ainsi au lieu de déterminer par le poids le prix du fro^ ment, il conviendrait de le fixer de la manière qu'il se vend et qu'il s'achète. Cette réflexion conduit à désirer, pour les poids et les mesures, une uniformité qui réponde à celle de la loi, et j*espère que d'autres motifs encore plus importants détermineront l'Assemblée nationale à s'en occuper, lorsque le moment favorable sera venu.
Je vais présentement extraire de ce mémoire les différents principes que j'ai établis, et les présenter de nouveau en forme d'arrêté.
projet d'arrêté,
Art. Ie?, Le gouvernement s'abstiendra désormais de faire qes approvisionnements de grains, et il laissera ce soin aux municipalités, et principalement au commerce.
Art. 2? circulation des grains et farines sera entièrement libre dans toutes les parties du royaume, dont la Corse et les colonies françaises fpnt partie.
Art. 3. Tout mdividu, et même tout homme publip qui con tri puerait à la troubler, sera dé? noncé èt poursuivi devant les tribunaux ordinaires, et condamné a des peines pëcupiaires et même afflictiYes (i), suivant l'exigence des cas, et conformément aux lois existantes, jusqu'à ce qu'il en ait été porté une à cet égard.
Art. 4. Il est défendu sous les mêmes peines de forcer qui que ce soit d'ouvrir ses greniers,.
(1) L'Assemblée nationale s'est contentée le. 29 août d'ordonner la libre circulation des grains ; j'ose représenter qu'il est temps qu'elle joigne à fexpression de sa volonté les préçautions conyenables pour qu'elle ait sôp parfait accomplissement. Il me semble qu'il est nioips dangereux d'être privé d'une bonne loi, que de risquer qu'une fois promulguée elle reste sans exécution.
il est également défendu de taxer |e prix des grains et farines qui seront exposées en vente.
Art. 5, La propriété des négopiants sera, comme celle de tout autre citoyen, sous la sauvegarde de l'autorité publique. Si leurs graips et faripe§sont pillés, ils seront pleipement indemnisés par le gouvernement, et les coupables poursuivis à la diligence du ministère public.
Art. 6. Les négociants pourront dans tous les. temps reporter dans l'étranger les même? grains qu'ils en auront ci-devant importés.
Art, 7, L'exportation des grains jiors du royaume (1) sera prohibée dans uu lieu quelconque de frontière, dès que le prix du frp-r ment y sera monté à \3 livres, le quintal. Celle des farines je sera aussi, lorsque le frQmeut vaudra 14 livres le quintal.
Art, 8. L'Assemblée nationale prendra en pour sidération, quand le moment sera venu, l'uniformité des poids et des mesures.
Art. 9. Elle s'occupera de l'établissement d'une banque nationale, et des moyens à prendre, pour qu'elle fournisse en toute sûreté des secours aux propriétaires,des terres, toutes les fois que les accidents survenus à leurs récoltes, leur rendront, ces secours nécessaires.
Art. 10. Le gouvernement n'acpordera plus dg primes pour l'importation des grains.
Art. 11. Lorsque l'Assemblée nationale s'occupera des assemblées provinciales et municipales, elle prendra en considération les moyens d'établir dans chaque paroisse un fonds qui puisse fructifier tous les an3, et qui sera réservé pour les années de calamité, et distribué alors, non aux mendiants de profession, mais aux artisans et aux journaliers, à la proportion de leurs véritables Besoins.
Art. 12. Et comme elle a déjà manifesté son regret que les circonstances ne lui aient pas per-? mis de leur procurer dans le moment des secours effectifs, elle décrète que les pères de famille dont le taux de la capitation n'excède pas les deux derniers degrés, ne seront compris que pour mémoire dans les rôles de l'année prochaine 1?9Q, et que le montant de leurs articles sera bonifié aux receveurs.
(I) Je suppose que le système d'une liberté illimitée ne sera pas adoptée dans la suite.
Oaubert, Terme, Bouche, François, ie comte de Mirabeau, Audier-Massjilont Pocftet, Brun et de Latuque, Brostaret, Nau de Belislle, Goupil de Préfelne Golombel du Boisaulard, jVleyer, médecin, Leroux, Le Bigot de Beauregard', Lenglier, de Raze, Muguet de Nanthou, Gqçhardy, ûurget, Pernei, Gourdan, E. Augier, Roy, Pougeard du Limbert, Marchais, Milscent, Volney, L.^M. Dela^ réveillière Delépeaiix, Brevet cle Beaujour, Ruhe« Desmazières, Lemaignan, Boissy-d'Ànglas, PeUis-^ sier, Durand de Maillaue, Boulouvard, Bonne? mant, de Laterrade, juge-mage d'Armagnac, La Claverie* Brassart, avocat, Vaillant, de Robes-, pierre, Boucher, Sentetz,Verchère de RefjY, Marie Delaforge, Paultre des Epinettes, Guiot, Guiot de Saint-Florent, Babey, Bidault, Christin, Hennet, de Kijtspotter, P.-A. Herwyn, Bouchette, Delattre de Balsaert, Marquis, Viard, Duquesnov, Bazoche, Gossin, Bouchotte, Parisot, Lesterpt de Beauvais, Lesterpt, [Vléry (3)], Allard, doctew eri médecine, Millou de Montherlant, Lavie, Qudaille, Pfliéger, Guittard, Boëry, Le Grrand, Thorel, Poya de Lber-. bay, Sallé de Chou, Aucler des Cottes, Bauche-ton, Grangier, Blanc, Lapoule, Sales de Coste^ belle, Mérigeaux, Rey, Rocque, Barère cle Vieuzaç, Dupont, Druïllon, îurpin, Dinochaux, Fisson-Jaubert, Deluze-Létâng, Valentin Bernard, Nairac, La Fargue, Latteux, Gros, Gaulthier des Orcières, Moyot, Legendre, Goupilleau, Flaust, Poulain de Beâuchêne, Pain, Gabriel de Gussy, Francoville, [Maliet], Delambre, Ramel, Nogaret, Dupré, Be-nazet, Morin, Legolias, Billette, Martin d'Aucb, opposant, Pezous, de Guilhermy, Ricard, Ghasset, Bourdon, Vernier, Simon, Lasnoue, Fleurye, Cherlils, Prieur, Ghoizy, Petiot, Paccard, Repoux, Bemigand-Degrange, éancy, Pétion Deviileneuve, Bouvet, Geoffroy, Fricaud, Pinterel de Louverny, Harmand, Dubois, Greuzé de Latouche, Frochot, Benoist, Mougeotte de Vignes, Morel, Laloy, Janny, d'Ailly, Gaultier de Biausat, Huguet, Monneron, Dauchy, Meurinne, Herman, Reubell, J. Kauffmann, Pegot, Roger, Pelauque-Béraut, Meyniel, Le Sacher de la Palières, Burdelot, Vieillard fils, Besnard, Pouret, Adam Deverdonne, Delacour, Dambézieux, Bérenger, Mounier, Lar-reyre, Barnave, Bertrand de Montfort, Bignan de Coyrol, Ghabroud, Blancard, Chesnet, Lamar-que, Revol, Volfius, Hernoux, Gayon, Coupard, Regnauld d'Epercy, Grenot, Merlin, [Pinon de MarbelleJ, Lebrun, Buffy, Lombard Taradeau,
(1) Erratum des pages 138 et 141.
(2) L'e final était de règle alors. Nous le respectons ici, mais nous, n'en tenons pas compte dans notre Table. Nous agissons de même pour tous les noms qui ont subi des modifications et sont devenus invariables.
(3) Ce nom est très-lisiblement écrit, mais Vléry ne se trouve sur aucune liste de députés. Les noms que l'on rencontrera plus loin, entourés aussi de deux crochets, sont dans le même cas.
Mougins de Roquefort^ Yerdollin, Laborde de Méréville, L. Gidqiq, Siévès^ia-Beâume, Letna-réchal, Buschey-Desnoës, Buzot, Beauperrey, La-/ til, Solliers, Mévplhon, Bouche, Delandine, le marquis de Rogtaing, Jamier, Fournier de la Pommerave, Girod, Girard, Lemoine de la Girau-dais, Bazin, Jaqson, Laboreys de Châteaufavier, Baudy de Lachaud, Grellet de Beauregard, Tour-nyo^Duclos, Heil, Corolles Dumoustoir, Joseph Delaville Le Rouxl, B. Le Floçh, Thévenôt de Ma-roise, Garat aîné, Garat cadet, Henryot, Kerau* gon, L^e Guen de Kangall, Mestre, " J. Wçirtel, Gbqmbart, Dumas, Lepoutre, Louis Sçheppers, Melon, Malès, Delort, Roulhac* Montaudon, Nau-rissart, Çhavoix, La Rade, D^oioustier Oelafond, Bion, Perisse Duluc, Milîanois, Goudard, Girerd, Bergasse^ Durand, de la Métherie? ISnjubauIt de la Roche, Jouye Desroches, Lancier de Yausse-naye, Menard de la Rroye, Ghenon de Beaumont, Termiot, Houdet, Francheteau de la Glaustière, des Éscoutes, Rivière, Charrier, Chantaire, Petit? mengin, Gillet. de la Jacqueminière, Auvry, Lai-gnier, [L^sçier,] Verny, Jac, Riquïer, Couppé, sénéchal de L.anmon, Baudouin de Maison-Blanche, Mazurié de Pennanuech, Berthonnier de la Valette, MicheloR, tomet, Savy, Le Brun, Grûyard, Giraud Duplessix, Blîii D.-Ê., Berthier, Dupont, Regnault de Lunéville, Voulland, Rabaut de Saint-Etienne, Salle D. M, Ricard, Pustelle, Quatre-fages de Laroquet, Chambon, Meynier de Sali-xelles, Valérian du Clau, Gounot, Marandat d'Ol-liveau, Parent, Robert, Dumas, Bouvier, Salomon de la Saugerie, de Fay, Delahaye-Delaunay, Henry de Longuève, Pèlerin de la Buxière, Target, Lenoir de la Roche, Ducellier, P. Vignon, Berthereau, Poignot, Bévière, Martineau, Germain d'Oisanville, Démeunier, Treilhard, Desfaut, Gar-nier, l'abbé Siéyès, Bailleul, Le Clerc, Margonne, Paulhiac de la Sauvetat, Pincepré Debuire, Bou-leville, Dumetz, de Bussi., Terrats, Tixedor, Tuault, Rocas, Boullé, Graffan, Robin de Morhéry, Perret de Tregadoret, Bouron, avocat du Par/e-ment, Birotheau Desburoûdières, Dabbaye, Filleau, Thibaudeau, Briault, Laurence, Rousselet, Da-vost, Richon? Bonet de Treiches, Faydel, Durand, Poncet Delpech, Gouges-Gartou, Mathieu de Ron-deville, Emmery, Claude, Huard, Glezen, Le Chapelier, Lanjuinais, Defermon, Hardv de la Lar-gère, Michel Gérard, Rodât d'Olemps, Maupetit, Malouet, Dufraisse du Chey, Riberolles, Grenier, Tailhardat de la Maisonneuve, Delalande, Le Cou teulx de Canteleu, Thouret, Alquier, de Fontenay, Lerefîait, Cottin, Denis Lefort, Peilerin, Lemer cier, de Cretot, Chaillon, [Gauchy], Bertrand, Hébrard, Daude, Vyau de Baudreuille, Fouquier d'Hérouet, Anthoine, Jaillant, de Gigongne, Delacour, Guinebaut, Menu de Ghomorceau, Ricard, Moutier, Baco de la Chapelle, Meifrund, Féraud, F. Jaume, Viguier, Campmas, Lartigues, Fos de Laborde, Roussillon, de Bonnegens, Raby de Saint-Médard, Gaultier, Moreau, Valete, Nioche,
Bouchet, Chesnon de Baigneux, Payen-Boisneuf, Beaulieu, Arriveur, Carausat de Belombre, Jean-net, F.-J. Le Déan, Baillot, deChampeaux, Dufers, Pothée, Crénières, Deulneau, Legoazre de Kervé-légan, du Pré de Ballay, de Viefville des Essars, Devinne, Lecarlier, Bailly, Le Clereq, Delannoy, Léleu de la Ville-aux-Bois, Manhiaval, Andurand, Perrin, Espic, Dubois-Maurin, Madier de Mont-jau, Defrance, Bourgeois, Aubry-Dubochet, Le-sure, Payen, Barbié, Prugnon fils, Fleuryr Petit, Dubuisson , Pérez, Besse f curé, Louis Lamy, J.-B.-G. Delauney, Merle, maire de Mâcon, Simon, curé de Woet, Régnier, Populus, Bouveiron, R. Glaye, Piquet, Delilia de Crose, Blanquart des Salines, Bernard, Richard, Ludière, Castelanet, Delabat, [Therrier,] Fricots Le Boys Desguays, Gauchet Delisle, Grégoire, curé, Poultier, Duval de Grandpré, Millet Saint-Amambre, Vadier, La-ziroule, Afforty, Louis de Boislandry, Guillotin, Chevalier, Anson, Gontier de Biran, Jaliet, curé, Lecesve, curé de Sainte-Triaize de Poitiers, Loffi-Cial, de Lattre, Gallot D. MPervinquiére, Bou-taric, [Sachére,] Gossuin, Marchais, Poncin, Le Guiliou de Kerincuff, Regnaud, Raux, Viellart, Baron, La Beste, Redon, Pons de Soulage^, Girot de Pouzol, Branche, Griffon de Romagné, Long, Augier, Mollien, de Neuville, Trouillet, Laurent, Poulain de Gorbion, Agier, lieutenant criminel, Pruche, Andrieu, Pelés de Sagesse, Schmits, Voidel, Bizard, Dhouilles, De Séze, Mayer, Gérard de Vie, de Turckeim, Maillot, Sc'hwendt, Brocheton, Ferté, Jourdan, Dubois de Crancé, De-voysins, Lambel, Latour, Poulain de Boutancourt, Bordeaux, Bonnet, le marquis de Gouy-d'Arcy, député de Saint-Domingue, Reynaud, député de Saint-Domingue, le marquis de Perrigny, député de Saint-Domingue, le marquis de Rouvray, député de Saint-Domingue, Cocherel, député de Saint-Domingue, Bodkin-Fitz-Gérald, député de Saint-
Domingue , Larchevesque Thibaud, député de Saint-Domingue, Lucas de Bourgerel, député de Saint-Dominguey Mausret, de Flory, de Thébau-diôres, député de Saint Domingue, Laviguerie, Lacharmie, Begouen, Debourge, le bailli de Flachslanden, Perrée Duhamel, Gournay, Biaille de Germon, Le Moine, Bailly, président, Camus, secrétaire, Pison lils, secrétaire.
Huot de Goneourt, Collombel, Duclos Du Fres-noy, Davy des Piltières, avocat du Roi auprésidial de la Flèche, M.-A. Cerisier, Cochon de Lapparent, Pussin, Verdet, Peloux, Varin, Parent, Trehot de Clermont, Maujean, Leclerc,Baudouin député suppléant de Paris, Pilastre, Pourtier de Larnaud, député d'Aval Franche-Comté, Augustin Bourdeaux, Cambon fils aîné, député non-jugé de Montpellier, J. Bodinier, Reiscend, député non jugé.
Jeannet le jeune, Belzair de Courmenil, Joyeux, curé de Saint-Jean de Châtellerault, Castaignéde, Royer, curé de Chavannes, député suppléant, Pi-cart de la Pointé, J.-R. Guérin, Duvivier, Tron-chet, Guillaume, Dutrou du Bornier, Brillât Savarin, député du Rugey, Boissonnot, d'Arlis de Marcillac, député suppléant, Armand, Prévost, l'abbé du Plaquet, Gauctheret, Magallon, député de Saint-Domingue, Couderc, de Villars, Lacre-telle, suppléant de la ville de Paris, Lavenue, Ruamps, député et suppléant, Perdry, de Laborge, Arnoult, Angot, Humblot, G. Le Lay, Hanoteau, Tellier, Despatys de Courteille, Douchet, Basquiat de Mugriet, Saige, Lefort, Ballard, curé du Poyré, Périer, Hutteau, Bouliotte , curé d'Armay-le-duc, député de l'Auxois, Febvrel, député suppléant, Lesnier, député suppléant, Peyruchaux, Mercier Terrefort, adjoint, Le Déisl de Botedoux, dépulé suppléant, Ratier, Meusnier-Dubreuil, Dillon, cure du Vieux-Pouzauges, Louis Lejean, Allard Duplantier, Monbinat, Michel poussier, Auvynet, Faulcon, suppléant du Poitou.
La Rochelle. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 97); — signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
V
— Demande la suppression des dîmes (p. 383). — Propose de décréter que la branche régnante en Espagne ne pourra être admisp à l'hérédité de la couronne de France (p. 642).
— nomination d'une députation chargée de supplier le Roi d'employer la clémence pour mettre fin aux troubles de Paris (ibid., p. 177 et suiv.) ; — nouvelles protestations contre l'établissement de l'Assemblée nationale {ibid., p. 180); — adresse d'adhésion de la ville de Ploërmel (ibid., p. 181); — adoption de la proposition faite, au nom du comité de règlement, de diviser l'Assemblée en bureaux (ibid.); — mode de formation (ibid.). — Réponse du Roi à la députation (2 juillet, p. 181); — aaresse d'adhésion de la ville de Châteauroux (ibid.); — remise des pouvoirs de quatre députés du clergé avec réserves (ibid. et p. suiv.); —lecture par le cardinal de Larochefoucaud d'un acte contenant des réserves faites par des membres du clergé nouvellement réunis (ibid., p. 182); — incidejat à ce sujet (ibid. et p. suiv.); — extrait du règlement concernant la nomination du président et des secrétaires (ibid., p. 184.). — Lettre du Roi au sujet des gardes-françaises (3 juillet, p. 184.); — nomination des présidents et secrétaires des bureaux (ibid., p. 185); — nomination du président et des secrétaires de l'Assemblé#e nationale (ibid., p. 186);
— remerciements adresses à l'ex-président Bailly (ibid.). — Incident sur un passage de la lettre du Roi où se trouve le mot Assemblée sans le qualificatif nationale (4 juillet, p, 188); — remerciements de Bailly (ibid.) ; — réponse de Le Franc de Pompignan, président (ibid.) ; — adresses d'adhésion de la ville de Château-Thierry et des communautés de Pon-tivy et de Vernouilet-sur-Seine (ibid.); — rapport de Dupont de Nemours sur les subsistances (ibid., p. 190 et suiv,). — Discussion sur le projet du comité des subsistances (6 juillet, p. 194 et suiv.) ; — députation des électeurs de Paris venant annoncer le rétablissement de la tranquilité dans Paris (ibid., p. 198 et suiv.); — réponse de Le Franc de Pompignan, président, exprimant la satisfaction de l'Assemblée (ibid., p. 199); — convocation des bureaux pour la nomination du comité de constitution (ibid.). — Adresses des communes de Vitré, Saint-Jean-de-Losne, Saint-
Pierre-le-Mouiier et Saint-Vallier (7 juillet, p. 199);
— liste des membres du comité de constitution (ibib p. 200) (Voir Comité de constitution); — motion de Talleyrand-Périgord sur les mandats impératifs (ibid. et p. suiv.) (Voir Mandats impératifs) ; — adresse de la ville de Nantes (ibid., p. 203 et suiv.). — Adresses des villes et communautés suivantes : Rennes, Vannes, Saint-Brieuc, Lamballe, Dinan, Gué-rande, Guerche, Montfort, Loudéac, Clermont-Ferrand, Metz, Saint-Dié et Andresy (8 juillet, p. 206 et suiv.);
— motion de Mirabeau tendant à faire éloigner les troupe* de Paris et de Versailles et à leur substituer des gardes bourgeoises (ibid., p. 208 èt suiv.); —
— adoption de la première partie de cette motion (ibid,, p. 211). — Adresses d'adhésion des villes de Bordeaux, Poitiers, Nemours, Châtellerault et Uzer-ches (9 juillet, p. 211); — déclaration de la noblesse de la sénéchaussée d'Agen (ibid., p. 212), — adresse au Roi pour le renvoi des troupes, rédigée par le comte de Mirabeau (ibid., et p. suiv.); — nomination d'une députation chargée de la porter (ibid, p. 213 et suiv.) ; — rapport par Mounier sur Tordre de travail pour la constitution (ibid., p. 214 et suiv.).
— Adresses d'adhésion des communes du bailliage de Mortain, du bureau international du district de Çolmar, des représentants du bailliage de Sarrelouis et des communes du bailliage de Dijon (10 juillet, p. 217) ; — motion d'ordre de Bouche tendant à la formation des comités chargés de prendre connaissance de tous les impôts, de toutes les pensions et de l'état actuel de la caisse nationale (ibid. et p. suiv.), — Lecture des adresses d'adhésion des communes de Bordeaux, des villes de Mirecourt, Poitiers, Chalon-sur-Saône, du Croisic, Josselin et d'un arrêté de la noblesse de Montargis (11 juillet, p. 219); — réponse du Roi à l'adresse rédigée par le comte de Mirabeau (ibid.); — discussion : comte de Grillon, comte de Mirabeau, de Lubersac (ibid., p. 220); —
— Bouche demande que les comités dont il a demandé la formation soient nommés dans 1 es bureaux (ibid.); — adresse d'adhésion de la ville du Mans (ibid.); —■ opinions des bureaux relativement à la question des finances (voir Comité des finances); — proposition de Lafayette concernant les droits de l'homme (voir Déclaration des droits de Vhomme et du citoyen)• — Adresses d'adhésion des citoyens de Montpellier, des officiers municipaux de Samt-Mar-çellin en Dauphiné et de la ville de Tarascon (13 juillet, p. 223); — annonce du renvoi de Necker et de trois autres ministres, Montmorin, La Luzerne et Saint-Priest (ibid.); — motion de Mounier tendant à demander au Roi leur rappel (ibid. et p. suiv.) ; — discussion : Target, Lally-Tolendal, comte de Virieu, de Clermont-Tonnerre, Guillotin, divers membres, comte de Custine, Gaultier de Biauzat, un membre de la noblesse, abbé Grégoire, Lefranc de Pompignan, président, abbé Grégoire, Gouy-cTArcy, de Castellane, Guillotin, Le Pelletier de Saint-Fareeau, Le Chape- „ lier (ibiif, p. 224 et suiv.); — l'Assemblée décide l'envoi d'une députation au Roi pour demander le renvoi des troupes et l'établissement d'une milice bourgeoise (ibid,, p. 22,9) ; — noms des membres composant cette députalion (ibid., p. 229); — réponse du Roi : il refuse le concours des députés pour l'apaisement des troubles et veut y employer les troupes (ibid.) ; mécontentement de l'Assemblée : elle décrète 1° : que Necker et les autres ministres, qui ont partagé son sort, emportent avec eu* son estime et ses regrets; 2° qu'elle ne cessera d'insister sur l%é-loigiiement des troupes et sur l'établissement de la garde bourgeoise; 3° qu'il ne peut exister d'intermédiaire enire le Roi et l'Assemblée; 4° que les ministres et les agents civils et militaires de l'autorité sont responsables de toute entreprise contraire'aux droits de la nation et aux décrets de l'Assemblée; 5° que nul pouvoir n'a le droit de prononcer l'infâme mot de banqueroute et de manquer à la foi publique ; 6° et que l'Assemblée persiste dans ses précé-* dents arrêtés (ibid. et p. suiv.); — nomination d'un vice-président (ibid., p. 230).-- Liste des membres du comité des finances (voir Comité des finances) ; —* adresses d'adhésion de la commission intermédiaire des Etals du Dauphiné, des villes de Laon, Aurillac, Joigny et Hes4in (14 juillet, p, 232); — renouvelle-
ment de la motion de Grégoire, relative à la formation d'un comité chargé de dénoncer les auteurs des troubles (ibid.) ; — compte rendu par le vicomte de Noailles des troubles dont il a été témoin dans Paris (ibid., p. 233); — envoi d'une députation au Roi (ibid.); — autre récit fait par Bancal des Issarts, électeur de la ville de Paris, chargé par le comité permanent de prier l'Assemblée d'aviser au moyen de faire cesser la guerre civile (ibid.) ; — réponse de Lafayette, vice-président (ibid., p. 234); — l'Assemblée décide l'envoi d'une seconde députation au Rei (ibid.); — retour de la première : réponse du Roi, concédant la formation d'une garde bourgeoise et l'éloignement des troupes qui sont au Champ-de-Mars (ibid.); — le Roi déclare à la seconde députation qu'il n'a rien à ajouter (ibid.); — l'Assemblée charge les députés de Paris de rapporter dans cette ville les réponses du Roi (ibid.) — Projet d'adresse au Roi du marquis de Sillery, amendé par Mirabeau (15 juillet, p. 235); — nomination d'une nouvelle députation à envoyer au Roi (ibid., et p. suiv.) ; — exhortation de Mirabeau à la députation (ibid., p. 236); — au moment où elle va sortir, le duc de Liancourt annonce l'arrivée du Roi (ibid.); — applaudissements blâmés par Mirabeau (ibid.); — lecture des adresses d'adhésion des villes de Strasbourg, Marseille, Nîmes, Cahors, Guinguamp, La Roche-Bernard, Paimpol, Seurre, du bourg de Ressons et de la commune de Beaune (ibid.); — délibération de la noblesse de Villers-Cotterets, qui révoque les pouvoirs limités de ses députés et leur en donne d'illimités (ibid.); — entrée du Roi : il déclare qu'il se fie à l'Assemblée nationale et qu'il a donné l'ordre aux troupes de s'éloigner de Paris et de Versailles (ibid.);
— réponse de Le Franc de Pompignan, président (ibid., et p. suiv.); — le Roi ajoute qu'il est prêt à communiquer avec l'Assemblée, toutes les fois qu'elle le croira nécessaire (ibid., p. 237); — réplique de Le Franc de Pompignan, président (ibid.); — l'Assemblée tout entière reconduit le Roi au çhâteau (ibid.);
— motion de Barnave, tendant au renvoi des minis -très, appuyée par Mirabeau (ibid.); — combattue par le comte de Clermont-Tonnerre, elle est rejetée {ibid.). — Adresse d'adhésion de la municipalité de la ville d'Angers (16 juillet, p. 238); — un membre de la noblesse annonce que Lafayette est nommé colonel général de la milice bourgeoise (ibid.); — Bailly annonce qu'il est nommé maire de Paris (ibid.);
— compte rendu par Leclerc de Juigné de la mission remplie par la députation envoyée à Paris (ibid.);
— noms des membres de cette députation (ibid.); — récit par Mounier de ce qui s'est passé dans Paris (ibid. et p. suiv.); — discours prononcé par Lally-Tollendal à l'hôtel de ville (ibid., p. 240); — projet d'adressé au Roi présenté par Mirabeau et tendant au renvoi des ministres (ibid. et p. suiv.); — on propose de demander aussi le rappel de Necker (ibid.
§| p. 24-i) ; rt discussion : Barnave, comte de Çlermoni-Tonnerre, Millon de Montherland (ibid.); — déclaration de plusieurs membres de la noblesse que les circonstances décident à ne pas attendre le vœu de leurs commettants et à prendre part aux votes (ibid.) ;
— semblable déclaration de la noblesse de Paris, du cardinal de La Rochefoucauld et de l'abbé de Montes-quiou (ibid.) ; — reprise de la discussion sur la motion relative au renvoi des ministres et au rappel de Necker : Mounier, Barnave, Mirabeau, Mounier, Mirabeau,Glezen, de Clermont-Tonnerre, de Lally-Tollendal (ibid. et p. suiv.) ; — lettre du maréchal de Broglie indiquant les ordres de détail donnés pour le prompt éloignement des troupes de Paris (ibid. p. 244); — lettre du président du parlement deP^ris, Bochard de Sa-ron, transmettant l'arrêté pris par le parlement pour féliciter le Roi d'avoir fait éloigner les troupes des Paris et de Versailles (ibid.);—il est désapprouvé pour ne l'avoir pas envoyé par une députation, à la demande de Clermont-Tonnerre, appuyée par les ducs d'Aiguillon, de Luynes, de Praslin et de la Rochefoucauld, malgré l'opposition de Duport, Le Pelletier de Saint-Fargeau et Fréteau (ibid.) ; — la nouvelle du renvoi des ministres arrive au moment où on allait voter sur le projet d'adresse de Mirabeau (ibidr); — nomination d'une députation chargée d'aller remercier le Hoi (iPid,)\ — nomination d'une
députation chargée d'annoncer à la ville de Paris la 4 résolution du Roi d'aller se montrer aux Parisiens (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée arrête que le Roi sera prié de permettre qu'une nombreuse députation l'accompagne dans Paris (ibid. p. 245) ; — retour de la députation : le Roi accepte la députation proposée pour l'accompagner ; il a remis une lettre annonçant le rappel de Necker et qu'il invite l'Assemblée à envoyer à ce dernier à Bruxelles (ibid.) ; — l'Assemblée arrête qu'elle joindra à la lettre du Roi une lettre, signée par le président et Tes secrétaires (ibid.) ; — Texte de cette lettre {ibid.), nomination d'une députation de cent membres chargée d'accompagner le Roi (ibid et p. suiv.). — Sur l'invitation du président, l'Assemblée tout entière se porte sur le passage du Roi se rendant à Paris (17 juillet, p. 246) ;
— adresses d'adhésion des municipalités de Nancy.de Chàtellerault, de Saint-Remi en Provence, de Lander-nau, de Besançon et de Romans (ibid.) ; — Le Frànc de Pompignan, président, annonce qu'il a écrit au premier président du parlement de Paris pour lui faire observer que la communication de l'arrêté du parlement du 16 juillet aurait dû être faite par une députation ibid.); récit, par Sallé de Choux, dès ce qui s'est passé pendant le voyage du Roi à Paris (ibid.); — actes de hrigandage commis à Poissy et à Saint-Germain, dénoncés par le maire de Poissy (ibid. p. 2*7). — Nomination d'une députation chargée d'aller rétablir la tranquillité dans ces deux villes (18 juillet p. 247 et suiv.) ; — le marquis de Brézé écrit pour s'excuser de s'être présenté, la tête couverte (ibid. p. 248) ; — Bessin, commandant de la garde bourgeoise du district de Saint-Mérv, demande des secours pour les malheureux habitants du faubourg Saint-Antoine (ibid.) ; — le» députés de Paris se réunissent pour aviser (ibid.) ; — motion de Marlineau, tendant à établir dans toute la France des milices bourgeoises (voir Garde nationale); — nomination du président (ibid.) ; — adresses d'adhésion des villes de Cérèmes, Machecoulet Grenoble (ibid.); — démission du comte d'Escars,député de la nobiesse du Haut-Limousin (ibid.).
— Adresses d'adhésion des villes de Valence, Langres, Mayenne, Laon, Ponlarlier, Auray, de la noblesse et des communes de Thimerais, de Saint-Thelo près Plœrmel et de plusieurs autres communes (20 juillet, Ç. 249); — discours de Le Franc de Pompignan en présentant le nouveau président, duc de Liancourt (ibid.)— discours d'entrée en fonctions de ce dernier (ibid.); — remerciements votés à l'ancien président, à la demande de Pétion de Villeneuve (ibid.);
— Dufresne de Saint-Léon, chargé d'annoncer son rappel à Necker, écrit de Bruxelles que,'ne l'ayant pas rencontré dans cette ville, il poursuit sa route jusqu'à Francfort (ibid.). — récit par Camus de ce dont il a été témoin comme membre de la députation envoyée à Saint-Germain et à Poissy (ibid. et p. suiv.) ; — remerciements votés à cetts députation, à la demande de Goupil de Préfeln (ibid. p. 251) ; — hommage rendu à l'Assemblée nationale par le grand conseil et les administrateurs de la Caisse d'escompte (ibid. et p. suiv.) ; — proclamation au sujet des troubles proposée par Lally-Tollendal (ibid. p. 252 et suiv.); — discussion : Dupont (de Nemours), deFer-mond, marquis de Toulongeon, Robespierre, de Cus-tine, de Lubersac, Glezen, Legrand, deux membres, Lally-Tollendal, Blesau, Buzot, Lally-Tollendal (ibid. p. 253et suiv.); — renvoi aux bureaux (ibid. p. 255).
— Adresse d'adhésion des trois ordres de la ville de Lyon (21 juillet, p. 255); — renonciation à toute exemption pécuniaire faite par les mêmes ordres et renouvelée en leur nom par l'abbé de Castellas (ibid.) ; — hommage rendu à> l'Assemblée par la Cour des Monnaies (ibid.); — réponse du duc de Lian court, président (ibid.) ; — députation de la ville de Saint-Germain-en-Laye relative au massacre de Sauvage (ibid. et p. suiv.) ; — réponse du duc de Liancourt, président (ibid. p. 256). — Adresses des communes de Bordeaux, des citoyens de Riom, de Sancoins en Nivernais, de la commune du Havre et des citoyens négociants de la foire de Beaucaire (23 juillet, p. 261) ;
— la noblesse du Mainexet celle de Dombes envoient à leurs députés les pouvoirs les plus illimités (ibid.);
— hommages rendus à l'Assemblée par deux députations des villes de Chartres et de Saumur (ibid. et p. suiv);— réponse du duc de Liancourt, président
[ibid. p. 262) ; — hommage rendu à l'Assemblée par le premier président de la Chambre des comptes (ibid. et p. suiv.); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid. p. 263) ; — hommage rendu à l'Assemblée par le premier président de la Cour des aides (ibid.); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid.) ; — récit de nouveaux troubles dans Paris: massacre de Foulon et de Berthier (ibid.);—Lally-Tollendal reproduit son projet de proclamation (ibid. et p. suiv.) ; discussion : plusieurs membres, Mounier, un membre, comte de Mirabeau, Lally-Tollendal , Prieur, Camus, Gouy-d\Arcy, Démeunier, Lally-Tol-lendal, duc de Lévis, marquis de Sillery, Malouet, Legrand, Laville-Leroux, abbé Grégoire, de Lubersac de Boufflers, de Volney, Barnave, Duclos-Dufresnoy, de Virieu, de Montmorency (ibid., et p. suiv.); — renvoi aux bureaux du projet de proclamation et de diverses autres motions (ibid., p. 266) ;\ — reprise de la discussion : abbé Grégoire, un membre, Long, Pétion de Villeneuve (ibid., p. 267); — texte de la proclamation adoptée (ibid.). — Adresses d'adhésion des villes d'Arras, Marseille, Moulins, Cbâlons-sur-Marne, Saint-Pons en Languedoc, Luxeuil, Lure, Gien-sur-Loir, Sainte-Menehould, Boulay, Romans, Concar-neau, Niort, Clamecy, Caussade en Quercy, Castel-nau, Montratier, Saint-Georges près Montpellier, Vienne, Reims, Saint-Pierre-le-Mouiier; du bailliage de Vire; des sénéchaussées d'Annonay et de Château-Chinon; des électeurs et officiers munioipaux de la ville de Meaux; des communes de Nuits, Joigny et Saint-Sauveur de Locminé (24 juillet, p. 267); — députation de la ville de Rouen apportant une adresse île félicitations (ibid., p. 272); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid.); —arrêté concernant les députés qui n'envoient pas leurs pouvoirs (voir Comité de vérification). — Adresses d'adhésion des villes de Brionne en Normandie, de Morlaix, de Beau-vais, de Pontivy, de Saint-Malo, d'Ambert en Auvergne, d'Antonne, d'issoudun, d'Abbeville, de Chàlon-sur-Saône et de plusieurs autres villes (25 juillet, p. 273); — députation de la ville de Dieppe chargée d'apporter des félicitations à l'Assemblée {ibid., p. 275^; — réponse du duc de Liancourt, président {ibid., p. 276); — témoignages d'admiration, de respect et de reconnaissance donnés par la juridiction consulaire de Paris à l'Assemblée (ibid.); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid.); — atrocités commises au château de Quincey (Voir Vesout). — Adresses d'adhésion des villes de Màcon et de La Ferté-sous-Jouarre, des communes de Montreuil-sur-Mer, des trois ordres de Montélimart, des communes de Louhans et de celles de Sainte-Claude, et des officiers municipaux du Havre, de Gap, d'Orléans et de Châlons-sur-Marne (27 juillet, p. 278) ;—réponse du Roiau sujet du crime commis auprès de Vesoul (ibid.) ; — réponse de Necker (ibid.); — hommage rendu à l'Assemblée par le prévôt de Paris et le lieutenant civil (ibid., p. 280); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid.) ; — députation de la ville de Pohtoise chargée d'exprimer les sentiments de ses habitants (ibid.); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid.); — lettres du comte de Montmorin, ministre des affaires étrangères, et du duc de Dorset, ambassadeur d'Angleterre (ibid. p. 287 et suiv.); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid., p. 288). — Lettre de Clamcy, maire de Soissons, au sujet de brigandages commis dans la plaine deBéthisy et dans les environs de Villers-Cotterets, Pierrefonds et Attichy (28 juillet, p. 290); — réponse du duc de Liancourt, président (ibid.) ; — adresses d'adhésion des trois ordres de l)ôle, des officiers municipaux et notables de Bour-bonne-les-Bains, des citoyens de Montpellier, des trois ordres de Mortagne, des officiers du bailliage du Perche, des trois ordres de Crest, des électeurs des communes de la sénéchaussée de Libourne, de la ville de Semur-en-Auxois, de la ville des Saillans, des trois ordres de Ponl-Audemer, d'Ornans, de la ville de Marsillargues, de la commune de Granville, de la ville de Cusset, des trois ordres de Montélimart, des trois ordres du Puy-en-Velay, de la ville de Bayeux, des officiers municipaux et des électeurs de Nevers, des commissaires des communes de la sénéchaussée de Villeneuve-de-Berg, des trois ordres formant la communauté de Thiaucourt-en-Lorraine, des citoyens de Poligny, de labazochede Chàlons-sur-
Marne, de la ville de Longwy, de la commune de Lons-le-Saulnier, des citoyens de Dijon, des électeurs de la sénéchaussée de Mérac, de 1214 habitants d'Or-gelu, de la ville de Limoges, des trois ordres de Montbrison en Forez, des citoyens de Salins en Franche-Comté, des citoyens de la ville et du bailliage de Gray en Franche-Comté, de la ville de Bourg-en-Bresse, des trois ordres de la ville de Nîmes, de la ville de Clamecy, de la ville de Saint-Dié en Lorraine, de la paroisse d'Herbignac, des citoyens de Clermont-Ferrand, du corps politique de Ponthieu, de la ville et des communes de Laval, des officiers municipaux et des notables deBriey en Lorraine, de la municipalité d'Essonne, des trois ordres de Guéret, des citoyens de Calais, de la ville de Morlaix, des officiers municipaux de Troyes, de la municipalité et cles communes de Saint-Brieuc, dos citoyens de Château-Landren, de la ville de Lanmon, de la commune de Ville-franche, de la commune de Nancy, de la commune de Montreuil-sur-Mer, des citoyens de Pézenas et de la ville de Quimper (ibid. p. 291); — pouvoirs sans limites donnés aux députés de la noblesse du Coten-tin (ibid.) ; — création d'un comité chargé de faire, s'il y a lieu, des rapports sur les mémoires, plaintes, adresses, etc. qui lui seront renvoyés (voir Comité des rapports) ; — création d'un comité chargé derassem-blér toutes les pièces relatives aux troubles et aux faits particuliers (voir Comité des recherches). — Motion de Puisaye tendant à inviter la nation à payer tous les impôts (28 juillet, p. 296) ; ajournement (ibid.) ; — réponse du président, duc de Liancourt, au premier président du bureau des finances de Paris, qui avait félicité l'Assemblée d'avoir rétabli le calme dans Paris {ibid). — Adresses des villes dp Brioude, Lamballe, Cosne-sur-Loire, Dunkerque, Roquebrune, Maurs, Quimperlé, Apt, Valogne, Saint-Brieuc, Fon-tenay-le-Comle, Chauny, Charost, Saint-Sauveur-le-Vicomte, Tarascon, Montélimart, Briançon, Montcon-tour, Annonay et sénéchaussée, Saint-Marcelin, et de l'ordre des avocats de Morlaix (29 juillet, p. 296) ; — hommage rendu par Dumouchel, au nom de l'université de Paris (p. 303) ; réponse du président, duc de Liancourt (ibid. et p. suiv.) ; — hommage rendu par le président de l'élection de Paris, (ibid. p. 304 et suiv.); — réponse du président, duc de Liancourl, (ibid. p. 305) ; — députation de la ville de la Flèche (ibid. p. 306) ; — réponse du président, duc de Liancourt, (ibid.) ; — Arrestation du baron de Bezenval (31 juillet, p. 308) ; — discours de Necker à son sujet, rapporté par Lally-Tollendal (ibid. et p suiv.); — discussion: Target (ibid.) p. 310) ; — discours de Godard, orateur d'une députation du district des Blancs-Manteaux (ibid.) ; —- réponse du président, duc de Liancourt (ibide't p. suiv.); — reprise de la discussion : Camus, Démeunier, Mounier, comte de Mirabeau, Prieur, un membre, de Volney, Rewbell, Lally-Tollendal, Garat le jeune, Robespierre, Bouche, Pétion de Villeneuve, un membre (ibicLi p. 311 et suiv.) ; —députation de la commune de Paris, ayant Bailly à sa tête : discours de de ce dernier contenant adhésion à tous les décrets (ibid., p. 313); — rapport par un autre membre de la députation sur la situation de Paris et sur les mesures prises par la commune (ibid.) ; — réponse du président, duc de Liancourt (ibid. et p. suiv.) ; — reprise de la discussion : Glezen, de Boufflers, Barnave, Fréteau, de Virieu, Le Chapelier (ibid.y p. 314) ; — arrêté approuvant celui du 30 juillet de la commune de Paris et confirmant ceux de l'Assemblée (ibid.). — Adresses de Béziers, Sarreguemines, lssoire, Concarneau, Coutances, Châteàudun, Saint-Amand->ous-Montrond, Bauge, Béthune, Pernes en Artois, Saint-Mihiel, Baud en Bretagne, Aouste, comtés de Lessins et Chamilin en Dauphiné, des trois ordres de Montbrizon et d'Uzès, des commissaires des trois ordres de la gouvernance de Lille, des trois ordres de Marseille* de la commune de Besançon, des trois or dres de Marjévols en Gévaudan, de la ville de Pont-à-Mousson, des directeurs et syndics de la province d'Aunis, de Romagne, d'Alquier, de Briey, d'Ance-nis, d'Epenel en Dauphiné, du Petit-Paris, dans la sénéchaussée d'Angers, de la ville d'Angers, du parlement de Grenoble (1er août, p. 314) ; — lecture d'une lettre des officiers municipaux de la ville du Havre, annonçant l'arrestation du duc de La Vauguyon et de
son fils [ibid.) ;—renvoi au comte de Montmorin (ibid.) ;
— l'Assemblée décide qu'elle ne recevra plus de députations après le 8 août (ibid., p. 316) ; — députation de la commune de Paris, ayant à sa tête Iluguet de Sémonville : discours* de ce dernier contenant l'annonce de la détention de Bézenval à Brie-Comte-Robert et un vœu tendant à l'établissement d'un tribunal spécial pour les crimes de lèse-nation (ibid.) ;— réponse du président^ duc de Liancourt (ibid.) ;
— députation de la ville d'Orléans, ayant à sa tête Percheron qui offre à l'Assemblée les respectueux hommages des citoyens de cette ville (ibid.) ; — réponse du président, duc de Liancourt (ibid., p. 317) ;
— députation envoyée par l'amirauté de France pour demander des lois sur le commerce maritime du président, duc de Liancourt (ibid) ; — Thouret, élu président, donne -sa démission (3 août, p. 331); — adresses des villes de Salers, Autun, Vertus en Champagne et Ernée dans le Maine (ibid.) ; — motions concernant la durée des discussions elle nombre des orateurs (voir Discours); — incident concernant des passe-ports que signerait le président (voir Passe-ports); — motion d'un curé tendant à élever un autel dans la chapelle de VAssevifiblée nationale (ibid., p. 335) ; — le président, duc de Liancourt, le rappelle àla question (ibid.) ; — Le Chapelier nommé président (ibid.) ; — discours de l'ex-président, duc du Liancourt (ibid.) ; — discours de Le Chapelier (ibid. et p. suiv.). — Adresses des officiers municipaux de Buzançais, du bailliage de Villers-Cotterets, des citoyens d'Annonay, de Blaye, de Loudun, de Saint-Claude, de Soissons, d'Agen, d'Auxerre, de la paroisse de Lys, d'Epernay, de Nar-bonne, d'Agde, de Nyon en Dauphiné, de Saint-Sever, de Roanne, de Cambrai, de Castres, de Blois, de Toulon-sur-Arroux, de Caen, des consuls de Soissons, de Saint-Jean de Gardoningue, en Languedoc, de Castelnaudary, d'Arnai-le-Duc, de Boulogne-sur-Mer, de Dinan en Bretagne, de Rhodèz de Lusignan, de Cluny, de Bourbon-l'Ar-chambault et des gentilshommes de la Bresse et de la Basse-Marche (4 août, p. 339); —note du Roi annonçant une modification ministérielle (ibid., p. 349) ; — renvoi au comité de rédaction d'un projet d'adresse de remerciements (ibid.); —députation des six corps du commerce de la ville de Paris (ibid.);
— réponse du président Le Chapelier (ibid. p. 342) ; ~ députation de la table de marbre de Paris (ibid.) ;
— réponse du président Le Chapelier (ibid.) ; — nouvelle lettre du comte de Montmorin suivie d'une autre lettre du duc de Dorset (ibid.); — séance du 4 août au soir (voir p. 343 et suiv.). — Déclaration faite par le bailli de Crussol au sujet de mousquetons saisis dans, sa voiture (5 août, p. 351) ; — adresses des trois ordres de Saint-Maixant, de Toulon-sur-Arroux de la ville de Limoux, du sieur Louis Paulin de Lavie, avocat en Parlement, habitant de la ville de Mones-tier-Saint-Chaffre, des trois ordres de Felletin, 'de la ville de Berres, des officiers municipaux, électeurs et commune d Hennebond de la ville de Càrcassonne, des trois ordres de Narbonne, des trois ordres de la ville de Digne, de la ville de Lorient, de la ville de Saint-Fargeau, de la ville de Villeneuve-le-Roux, delà ville d'Ambôrt en Auvergne, de la ville de Mon-talieu, diocèse de Carcassonne, de la communauté de Draguignan, des trois ^ordres de la sénéchaussée de Béziers, des citoyens de Lodève, des trois ordres de la ville d'Agde, de là ville et paroisse de Saint-Nicolas de Landeau, de la ville de Sisteron, de la principauté et des arbalétriers d'Orange, des jeunes citoyens et des officiers municipaux de la ville de Bergues, des électeurs des communes du bailliage de Bourbon-Lancy, de la ville de Thiers, de lavillefde Tours, de la ville de Vanvez, diocèse de Nîmes, de la ville d'Arles, de la ville de Calais, de la ville de Port-Louis, de la ville d'Alais, de îa ville de Lunéville, du bourg de Chorges en Dauphiné et la commune de Lorlol en Dauphiné (6 août, p. 353);—remise d'un droit de péage par Le Berthon et Wolfer de Neubourg (ibid., p. 356).
— Adresses de la ville de Pertuis, de la commune de Langres, de la ville de Castel-Jaloux en Albret, de la ville de Fréjus, de la généralité de la Trêve de Landivisiau, des trois ordres de Mirepoix, de la communauté de Saint-Pons en Languedoc, de la ville de Baume-sur-le-Doubs, du comité permanent
de Crépy en Valois, de la ville de Sarreguemines, de la ville de Sainl-Hippolyte, des peuples des Céven-nèiy des trois ordres du district d'Agénois, des officiers du bailliage et présidial de Coutancës, de la ville de Magny, de la ville de Forcalquier, de la municipalité de Luçon, des électeurs du bailliage de Rochefort, des officiers municipaux de la ville de Tréguier et du conseil général de la communauté de Claviers (7 août, p. 358); — entrée des ministres; discours de Champion de Cicé, garde des sceaux, sur les troubles (ibidp. 360 et suiv.) ; —discours de Necker, contrôleur général des finances, tendant à un emprunt de 30 millions (ibid.9 p. 361 et suiv.) ;—réponse du président Le Chapelier libid.. p. 362). —Députation du bailliage de Nemours (8 août, p. 371 et suiv.);—réponse du président Le Chapelier (ibid., p. 372); — adresses des trois ordres de la ville deSain t-Lô,rde la ville de VarenneenClermontois, de la communauté de Dominé etCénac enPérigord, de la communauté de Lorgues et des notables bourgeois et habitants de la ville de Tho-rigny (ibid.) ; — députations de la ville de Saint-Denis et des habitants de la Guadeloupe (ibid.) ; — réponses du président Le Chapelier (ibid.). — Adresses de la communauté de Vazenobre, des officiers municipaux, notables et troupes nationales d'Ar-bois, des électeurs de la ville de Montcenis, du curé de Saint-Martin de Chaumont en Vexin, des commissaires de la noblesse de Nîmes, des trois ordres de la ville de Trévoux, des électeurs et du comité des communes de la sénéchaussée de La Rochelle, de la ville et communauté de Châtillon-sur-Seine, de la ville de Brives'en Limousin, dé celle de Saint-Flour et des citoyens de Tarascon (9 août, p. 373).— L'Assemblée nationale décide qu'elle assistera au Te Deum en grand costume (12 août, p. 399) ; — proposition tendant à la suppression du droit d'aînesse, ajournée (ibid.) ; — rapport du duc de Liancourt, au nom du comité des financés, sur une motion relative au traitement des députés (voir Comité des finances) ; — proposition de Chasset tendant à la formation de trois comités pour l'exécution de l'arrêt du 11 août (ibid.) ; — proposition Démeunier, tendant à la formation d'un comité chargé de rédiger une déclaration des droits définitive (ibid.)\ — projet d'adresse au Roi (ibid.); — proposition de Pison du Galland relative à la formation d'un comité de trente-quatre membres pour la liquidation des droits féodaux etdes rentes fon-cières (ibid., p. 400). — Adresses de la ville d'Oloron, de Montmorillon, de Châteàu-du-Loir, de la municipalité de Paulhaguetr de la ville de Saint-Geniès en Uzadois, de l'ile de Bouchard, de Saint-Paul-de-Léon, de la ville de Sarlat* de la ville d'E-tampes, de Clermont en Beauvoisis, de Bourbon-Lancy, de la noblesse de Baugé en Anjou, de Bel-lesme, de la noblesse de Bourmont en Bassigny, de Cueurs en Provence, de la noblesse de Château-Gontier, de Bercquemont, de Chably. de Nérac en Albret, de la ville de Dorât en .Basse-Marche, des villes d'Hyères, deCrémieu, deCondom, de Bayonue, de Saintes, de Cardillat-sur-Garonne, des électeurs de Bordeaux, de Saint-Andéol, de Mezuy en Con-domois, de Vezenobre, de la noblesse de Vire en Normandie, de Wailly-sur-Aine, de la ville de Bar-sur-Seine, des officiers municipaux de la ville d'A-vranches, des trois ordres de Pezénas, de Minde-sur-Loire, des trois ordres de Montpellier, de Lunas, de Pousson au diocèse de Montpellier, de Beaune, de Lavans, de Suze-la-Rousse, de Soissons, de, Rieux, de Mézières, de Saint-Etienne en Forez, d'Ivry, du bourg de Livron, de Villeneuve-de-Berg, de la * ville d'Aigueperse, de Dojiai, de Saint-Paul-Trois-Châ-teaux, de Thionville et de Saint-Pierre-le-Moutier (13 août, p. 432); — formation d'un nouveau comité composé de cinq membres, chargé de recevoir les plans de constitution (ibid., p. 434); — compte rendu par le président Le Chapelier de la réponse du Roi à l'adresse (ibid.). — Adresses de la municipalité de Dourdan, des électeurs et notables de Douai, des communes de la Guerche en Bretagne, des citoyens de Gravelines, des citoyens de Chaumont eni Bassigny, de Cellac en Basse-Marche, de Moulins en Gilbert, du pays de Foix, de Rhuis en Bretagne, de la communauté de Saint-Omer, de Saint-Gaudens, de l'université de Caen, d'Airvault en Poitou, des chanoines de Brioude, du bureau intermédiaire du dis
trict de Colmar, de Luze, du bureau de la ville de Saint-Florentin, du comité professionnel et de la commune de la même ville, de la ville et communauté de Vézenobre, diocèse d'Alais, de l'ordre de la noblesse et de celui des communes de la ville de Lavaur, de la ville de Bar-sur-Seine (14 août, p. 435); — motion de Duquesnoy concernant la permanence de l'Assemblée nationale, les qualités des éligibles, le droit dé véto et l'unité de chambre (ibid. et p. suiv.); — nomination d'un archiviste : Camus (ibid. p. 437), — l'Assemblée nationale décide qu'elle enverra une députation à la procession du jour de l'Assomption, à laquelle elle a été invitée par le Roi (ibid.). — Clermont-Tonnerre nommé président (17 août, p. 427), — Le Chapelier remercie l'Assemblée {ibid.); — discours de Clermont-Tonnerre en prenant le fauteuil (ibid.); — l'Assémblée vote des remerciements à Le Chapelier (ibid.); — envoi par le garde des sceaux d'un extrait de la déclaration pour le rétablissement de la paix ; d'un extrait de l'ordonnance qui enjoint aux troupes des prêter serment, et d'un extrait de l'ordonnance qui accorde une amnistie générale (ibid.), et p. suiv.). — Talleyrand-Périgord, comte de Montmorency et de Barmond, sont nommés secrétaires (18 août, p. 450); — adresses de la ville et communauté de Millau en Rouergue, de la ville de Moutaigu en Poitou, des citoyens de tous les ordres de la ville et vicomté d'Auvillard en Guyenne, de la commune de Châteaulin en Bretagne, de la ville de Monteil, près Montauban, du village d'Hargicourt, bailliage de Saint-Quentin, des trois ordres de la ville de Lorient, des trois ordres de la la ville de Bressuire, de la ville de Dormans, des trois ordres de la ville de Vie, de la'ville haute de Carcassonne, des habitants de la municipalité de Saverne, des trois ordres de Marseille, du bourg" de Bigny, sénéchaussée de Brignols, de la ville de Saint-Ambroise. de la ville de Saint-Paul-Trois-Châteaux en Dauphiné et de la ville de Nègre-Pelisse (ibid., et p. suiv.); — lettre annonçant l'arrestation de Cazalès (ibid., p. 455). — Adresses de la communauté du bourg de Villepreux, de la ville de Saint-Avold en Lorraine, des officiers municipaux et des députés des communes de Lanion, des trois ordres de Saint-Livrade d'Agénois, des citoyens de la xille d'Argenton en Berry, du conseil politique de Pamiers et des députés de la généralité, des habitants, du corps municipal et conseil politique de Tulle, des officiers du présidial de la même ville, des habitants de la ville de Château-Renard, des députés des paroisses de Triguerres, Douchy, Moncorbon, Chuelles, Saint-Firmin-des-Bois, La Selle en Herinoy, Saint-Germain, Melleroy, Chenevoult-les-Nonnains, Lachapelle-sur-Laveron et Dicy, des trois ordees de la communauté d'Albon, des citoyens de la ville de Montlucon, de la ville de Pau en Béarn, des juges delà juridiction des baronnies du Faouet, Barrégan, vicomté de Mes-lan, et annexes de celle de la commanderie de Saint-Jean-du-Croisty et autres membres en dépendant, de la ville et communauté de Vannes* du comité d'administration de la ville de Château-Gontier en Anjou, des habitants de la ville et île de Bouin, des citoyens de la ville de Cholei, dés trois ordres de la ville de Saint-Andéol en Vivarais, de la bourgeoisie d'Haguenau, et des électeurs de la campagne du Nivernais et Donziois (19 août, p. 456); — communication d'une délibération prise par les officiers du bailliage et siège présidial de Troyes, portant que cette compagnie jugera désormais gratuitement tous les procès et contestations [ibid.),; — d'un arrêté du parlement d'Aix contenant ^adhésion aux maximes que soutient l'Assemblée nationale, et d'une lettre, de l'évêque de Saint-Dié, donnant, sa démission de son évêché, pour se contenter d'un bénéfice (ibid. et p. suiv.). — Adresse de cinquante gentilshommes de Bretagne (21 août, p. 463 et suiv.); — adresses de Gié-sur-Seine, de Briare et de Milhau en Rouergue (ibid., p. 466 et suiv.). — Adresses de la ville d-Severac-le-Châtel et des communautés de Saint, Grégoire, Lavergne et Saint-Privant (22 août p. # 474). — Adresses des officiers du bailliage de Saint-Paul-Trois-Châteaux, des habitants de la ville de Saint-Sauveur en Puisaye, de la paroisse de Treigny, du port de Paimbeuf en Bretagne, de la commune de Tartas, du corps municipal d'Ardres, des députés des
municipalités de l'Ardrésis, de la communauté des notaires delà ville de Montélimart, des trois ordres de la ville de Viviers, capitale du \ivarais (24 août, p. 481);-— — Motion de Périsse du Luc tendant à ce que toute proposition, tout amendement ou sous-amendement, reste en discussion tant que les six orateurs inscrits pour et les six orateurs inscrits contre n'auront pas été entendus (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée déclare qu'il n'y a pas lieu à prononcer (ibid. p. 482); —» députation de la milice nationale de Versailles, * présentant à l'Assemblée une délibération qu'elle a prise à l'effet d'ouvrir une souscription patriotique pour contribuer au payement des dettes de l'Etat (ibid. p. 484); — le président félicite cette députation (ibid.) ; — délibération de la ville et du bailliage de Château-Thierry, contenant un hommage à l'Assemblée (ibid.); — plainte de Boncerf, auteur du livre les Inconvénients des droits féodaux, au sujet de la situation qui lui est faite, l'abolition du régime féodal n'ayant pas fait lever l'interdit mis sur son ouvrage par le parlement (ibid. p. 483) ; — débat sur l'arrestation de François (de Neufchâteau) (ibid.)\ — renvoi au comité des recherches (ibid) ; — adresse au Roi à l'occasion de sa fête (ibid. et p. suiv.). f— Sa réponse (26 août, p. 486); — adresses de la ville de Coutances, des officiers municipaux de la ville et juridiction de Honschoté en Flandre, des officiers municipaux de la ville de Chaumont en Vexin. de la municipalité de Murdebarrès, de la ville de Martel, du comité patriotique de la ville de Cahors, de la ville de Ribemont, de la ville de Pignan en Provence, de la ville et commune de Tonnerre, des officiers du présidial et sénéchal d'Agen, de la ville de Sierck, du tiers-état de la ville de Toulouse, des officiers civils et municipaux et citoyens de toutes les classes de la ville de la Souterraine, de la ville de Gaillac en Albigeois, de la ville de Sancerre en Berry, de la ville de Dax, de la ville de Laurac-le-Grand, des ordres réunis de la ville de Carentan, de la ville d'Orange, de la ville de Thorigny, des officiers de la sénéchaussée de Saintonge, de la ville de Clermont-Lo-dèvé, du conseil municipal de Tourves, du bureau d'administration patriotique de Montignacen PéHgord, de l'Assemblée des commissaires des trois ordres du ressort de la gotivernance de Lille, de la ville de Seyne dans la Haute-Provence, des citoyens de tous les ordres de la ville et communauté de Mont-Dauphin et Eygliers, de la ville de Châlons-sur-Marne, des villes de Puylaurens, Forez, Dourgues. Mazamet Saint-Paul-de-Cap-de-Joux, la Bruyère, Revel, du diocèse de Lavaur, d'Alby, de Saint-Jouin en Bas-Poitou, de la cour des aides et finances de Guyenne, da6 électeurs et principaux citoyens de Bergues-Saint-Vinox en Flandre et de la ville de Verdun (26 août, p. 486 et suiv.) ; — lettre de Necker annonçant l'envoi d'un mémoire (ibid. p. 489). — Adresses de la ville de Lectoure, de la ville de Pierrefort en Haute-Auvergne, de'la ville de Montélimart,'de la ville de Troyes, de la ville de Feurs en Forez de l'assemblée des citoyens de la ville de Grasse, des officiers municipaux et citoyens de tous les ordres de la ville de Pau, de la ville de La Ferté-sous-Jouarre, du Bourg-Argental en Forez, de là ville d'Hennebond en Bretagne, dé tous les ordres de la ville de Privas en Vivarais, de la ville d'Uzerche en Limousin, de la ville d'Alençon, de la ville et comté de Lannion, delà viguerie de Forcalquier en Provence, de la ville de Seurre en Bourgogne, des trois ordres de la sénéchaussée d'Amiens, du comité de la ville de Nantes, du comité de Bergerac, des ordres réunis de la ville de Neufchâteau en Lorraine, de la ville de Longwy, de la municipalité de Rhus en Bretagne, de la ville de Reuilly en Lorraine, des officiers du bailliage royal de Chaumont en Vexin, du comité de la ville d'Evreux, des officiers de la sénéchaussée et présidial de Poitiers et de la ville de Montpezat, des officiers municipaux de Douai, de la ville de Mirecourt, des électeurs de Honschoté, de la ville de Rieupeyroux et du corps politiquo de la ville de Tarbes (27 août, p. 489 et suiv.) ; — motion du baron de Menou tendant à supprimer tous les impôts et à les remplacer par des contributions volontaires (ibid. p. 490) ; — adresse de la province de Touraine pour venir au secours de l'Etat (ibid. et p. suiv.) ; •— remerciements votés à la demande du. duc de Liancourt (ibid
p. 492). — Adresses du comité patriotique de la ville de Montauban, des villes de Villefranche et de Luynes, du comité permanent de la ville de Dinan, des citoyens des trois ordres de la ville d'Auch, de tous les citoyens de Toulon, de la ville de Chèy-lard en Vivarais, des villes d'Apt et de Fresnay, du comité permanent de Ferrières en Vivarais, des trois ordres de Saint-Papoul, de la communauté d'Ai-galliers en Provence, des habitants de la communauté d'Antibes* de la communauté de Caylus en Quercy, de la ville de Montfaucon en Anjou, des habitants de la ville de Bain-en-Bretagne, du corps municipal et électoral de la ville de Pont-de-l\Arche, de la ville de Causon, des communautés de Caulon ^
et Moulinet en Agénois, des officiers de la prévoté bailliagère de Montmédy, de la ville de Chalus, des officiers municipaux de la ville de Tonnerre, de la ville de Vitry-le'Français, du sieur Bérenger, curé de Loriol, des maitres ès arts ét de pension en l'Université de Paris, de la commune de Rhétel, de la municipalité de la ville d'Arpajon, des habitants de la paroisse de la Pommeraye, des officiers du bailliage et de la municipalité de Villers-la-Montagne, du lieutenant particulier du bailliage de Longuyon, du sieur Garnier de Saint-Julien, des notaires de la ville de Romans ; — lettre du comte de Saint-Priest annonçant qu'il a donné des ordres à l'imprimerie royale pour qu'il fût déposé aux archives de l'Assemblée deux exemplaires de tout ce qui est imprimé relativement à la convocation, à la tenue et aux décrets ; adresse de la ville d'Exmes; —lettre d'un habitant delà ville de Pont-Audemer, annonçant que la composition de la milice bourgeoise est terminée ; — délibération du comité permanent de Blois, annonçant les récautions prises pour conserver le mobilier du château de Chambord (28 août, p. 504).— Adresses des citoyens du bourg de Landzer en Haute-Alsace, de la communauté de Lançon en Provence, de la ville d'Orbec en Normandie, des officiels municipaux de Nancy, du corps municipal de la ville de Condé en Hainaut, de la ville et viguerie de Sauve en Languedoc, de la viguerie d'Apt en Provence, des officiers municipaux de la ville de Montbard en Bourgogne, des habitants de la ville1 d'Ernée au Maine, des trois ordf%s de la ville de Néronde en Forez, du chapitre de la collégiale de Guers, de la ville d'Issingeaux en Languedoc, des* électeurs des trois ordres du bailliage de Bourbon-Lancy, de la ville de Candiez, diocèse d'Alez en Languedoc, du bureau des finances de Besançon, de la commune d'Oger en Champagne, des commissaires du comité du district de Ponteroix en Bretagne, de la ville et chatellenie de Cintegabelle en Languedoc, de la ville d'Ambert en Auvergne, des officiers municipaux de la ville de Belpech, de la ville d'Amiens, du conseil municipal du bourg de Gordes en Provence, de lâ ville de Dompaire en Lorraine, des notaires de la ville d'Autun, de la ville de Jugnon en Bretagne, des villes haute et basse de Montmédy, des paroisses de Freneuse et de Montfort-sur-Rille en Normandie, de la ville de Bort en Limousin, de la ville de Rocroy en Champagne, des juge et procureur-fiscal de la prévôté de Vernouillet-3ur-Seine (1er septembre, p. 528 et suiv.). — Adresses de la ville de Laigle en Normandie, de la ville de Toulon, des officiers de la sénéchaussée et siège présidial de Dax, de la ville de Sablé dans le Bas-Maine, de la ville et comté de Ca-raman en Languedoc, de la juridiction consulaire de Chatellerault en Poitou, des sous-lieutenants des vaisseaux de Rochefort, de la municipalité de Chà-tillon-sur-Sèvres en Poitou, des villes de Pont-de-Vaux en Bresse, de Saint-Jean-de-Luz, de Saulieu en Bourgogne, de Civray en Poitou, de Questembert, de Beaupreau, de la communauté d'Auriol en Provence, de la municipalité de Riancourt en Champagne, du comité permanent et des jeunes citoyens de Port-Louis en Bretagne, de la ville de Saint-Fargeau, de la communauté de Peyrat en Languedoc, de la ville de Lodève, de la principauté de Soubize, des électeurs de la sénéchaussée d'Auray en Bretagne (2 septembre p. 542) ; — lettre des officiers de la commune de Paris relative aux troubles du trente août (ibid, p. 547); — remerciements de l'Assemblée pour leur zèle à rétablir l'ordre [ibid. et p. suiv.) ; — détention arbitraire à SaintAngel de neuf citoyens (ibid. p. 548) ; — arrêté de l'Assemblée les plaçant sous
la protection de la loi (ibid.). — Adresses des officiers municipaux de la ville de Bar-sur-Aube, des gardes de Ja prévôté de l'hôtel du Roi, du comité général et national do Pont-l'Evêque, de la viguerie de Toulon^ de la noblesse des sénéchaussées de Bergerac, Sarlat et Périgueux, de la ville de Loches en Tou-raine, des officiers du siège royal et principal de la Basse-Marche, des officiers municipaux de 1a ville de Thouars, des communes de la Marche, de la Garna-che en Poitou, de tous les citoyens de la ville et campagne de Beaufort en Anjou, de la ville de Charlieu en Lyonnais, de la ville de Moyenvic, du comité permanent de ia ville de Tours, de la ville de Com-piègne, des officiers de la justice de Cosne-sur-Loire, du corps municipal de Mabrienen Languedoc, du comité permanent du district de Quincey en Franche-Comté, de la ville de Mées, de tous les citoyens de la ville de Gardanne en Provence et de la ville de Saissac en Languedoc (3 septembre, p. 549 etsuiv.) ; —élection des membres du comité des droits féodaux (Voir comité féodal). — Adresses des villes d'Oloron en Béarn, de Salons en Provence, de Honfleur, de Mal-zieu en Languedoc, d'Ornans en Bourgogne, de Saint-Nazaire, de la commission intermédiaire des communes de Bigorre, de la ville de Saissac en Languedoc, des officiers municipaux de la ville de Vie en Haute-Auvergne, du comité permanent de la ville de Pamiers, des habitants du bourg d'Auriabat, des officiers de fortune en garnison à Neufchâteau en Lorraine, de la ville de Soissons, de la commission intermédiaire des Etats du Dauphiné (4 septembre, p. 554). — Députation de plusieurs citoyennes de la ville de Paris, femmes ou filles d'artistes, désirant faire hommage à la nation de leurs bijoux (7 septembre, p. 588) ; — discours lu en leur nom par Bouche (ibid., p. 591) ;— le président de La Luzerne les remercie (ibid., p. 592); —motion à leur sujet de l'abbé Mougins de Roquefort (ibid.). — Adresses de la noblesse du Labour, du comité national du baillage de Saint-Sauveur-Landelin, des officiers municipaux de la paroisse de Matigny, des électeurs du clergé, i de la noblesse et des communes du bailliage de Mon-tremy en Bourgogne, des notaires et procureurs de la communauté de Solliers en Provence, de tous les ordres de la ville de Saint-Brieuc, des communes de la ville d'Egletons en Limousin, de l'archevêque d'Avignon, de l'Université de Toulouse et des villes et communautés de Mirebeau, de Fayence, de Digne, d'Oilioules, de Laverdière, de Biot, d'Auriol, de la Cadiére, de Sixfours, de Camps, de Quinson, d'IIières, d'Entrecasteaux, de Cannes, de Taverne, de Salernes, de Mezel, de Roquebrune, de Castellane, de Saint-Tropez, de Manangues, de Mânes, de Cipières et d'Antibes (ibid., p. 601 et suiv.). — Adresses de la ville et paroisse du palais de Belle-lle-en-Mer, de la ville a'Orthès en Béarn (9 septembre, p. t>02) ; — incident soulevé, au milieu de la discussion sur les deux chambres, par de Virieu (ibid.f p. 604 et suiv.) ; — démission du président de La Luzerne, froissé d'une interruption (ibid.). — Lettre du comte d'Estaing, commandant de la garde nationale de Versailles, faisant part au président de l'Assemblée des mesures rises par lui pour prévenir le désordre (10 septem-re, p. 606) ; — réponse de Clermont-Tonnerre, président intérimaire (ibid.) ; — adresses de Pignans en Provence, de Tourves, de Genasservis, do Saint-Nazaire, de Manosque, de Signe, de Riez, de Cuers, de Callas, de Toulon, de Saint-Jean d'Angély, de Martigues, des trois ordres de Draguignan, de Bar-jols, de Carcès, de la communauté de Baussel, de Va-Jensolle en Provence, de la communauté de la Ca-pelle-Biron, des officiers municipaux et comité
{)ermanent de la ville de Lizieux, des officiers de la égion nationale de Morès en Montagne, de 1a ville de Saint-Céré en Quercy, de la communauté de Gé-nestas, diocèse de Narbonne, de ia ville d'Hédé, de Ploërmel en Bretagne, de la ville d'Ambert en Auvergne et de diverses municipalités de ce canton, de la communauté d'Onnot en Provence, du conseil général de la communauté de Méones, de la ville de Sierck en Lorraine, de la ville de Chinon en Touraine (ibid.) ; — incident au sujet d'un arrêté de la ville de Rennes, déposé sur le bureau et déclarant ennemis dt la patrie les partisans du veto (ibid, et p. suiv.); — retrait
de cet arrêté (ibid. p. 607). — Adresse du village de
s Champdeuil (11 septembre, p. 608) ; — adresses de la ville de Cholet en Anjou, du corps des officiers du
s régiment Dauphin et des officiers du régiment de Champagne, de tous les ordres de la ville et commune de Chalon-sur-Saône, des écoliers et pensionnaires du collège de Cusset en Auvergne, de la ville de Haute-Rive au diocèse de Toulouse, de la ville de Vézelai, généralité de Paris, de la ville de Vence en Provence, des officiers du présidiale de Con-dom, de la ville de Bresle, diocèse de Saint-Flour, et des paroisses voisines, des officiers municipaux du bailliage de Kandal en Haute-Alsace, du comité national de la ville de Coutances, des officiers du bailliage de Bourbon-Lancy, de la paroisse de Gentier, dans la province de la Marche, des habitants de Ville-Dieu en Normandie, de la municipalité de Beau-mont-sur-Oise, du district des Blancs-Manleaux, de la ville de Paris et du régiment de Poitou, en garnison à Saint-Brieuc (ibid. p. 609). — Adresses de la communauté de Serres, de Sainte-Marie en Béarn, de la ville de Saintes, de la ville de Putlanges en Lorraine, de Chàlons-sur-Marne. des officiers du bailliage et du corps municipal de la ville d'Yeuville, du comité général d'Avranches, descommu nés du Labour (12 septembre, p. 615 et suiv.) ; — discours du cardinal de Rohan en prenant séance (ibid. p. 616) ; — Aubry du Bochet demande que l'on s'occupe au plus tôt de la formation des assemblées provinciales (ibid.) ; — renouvellement du bureau : Clermont-Tonnerre, président; abbéd'Eymar, Démeunier et vicomte de Mirabeau, secrétaires (14 septembre, p.636) ; —Clermont-Tonnerre remercie l'Assemblée (ibid.) ; adresses du bourg de l'Auxois, de ]a ville de Sumènes dans les Cévennes, de la ville de Pont-de-Cémarès, dans la Haute-Guyenne, de la ville de Craponne en Vélay, de la ville de Richelieu, de la viguerie de Draguignan, des religieux bénédictins de l'abbaye de Saint-Bénigne de Dijon, de la municipalité du bourg de Saint-Pierre-sur-Dives en Normandie, de la ville d'Abbeville, de la ville de Riez en Provence, de la ville et vallée de Cam-pan en Bigorre, du consul permanent d'Aubenas et des électeurs de la ville de Bourg en Guyenne (ibid.). — Adresses de Montrichard, de Viveroles, du bourg de Rumi^ny, de Crécy, de Montfaucon, cfe Tancé, de Saint-Didier en Vèlay, d'Eclairon on Champagne, de Nantua en Bugey de Toulon, de Vauvenargue, de Pé-rières en Provence, de Mousiiers, de Lauris, de Forcalquier, d'Aubagne, de Périères en Provence (15 septembre, p. 641). — Le président Clermont-Tonnerre quitte momentanément le fauteuil pour se rendre chez le Roi (ibid., p. 645j ; — il est remplacé par son prédécesseur La Luzerne, qui, applaudi par l'Assemblée, la remercie (ibid.) ; — Clermont-Tonnerre reprend sa place et rend compte de sa visite au Roi, qui, au sujet de la sanction à donner aux décrets du 4 août et jours suivants, a répondu qu'il prendrait en considération la demande qu'on lui faisait (ibid.).
— Demande que Ton s'occupe au plus tôt de la formation des assemblées provinciales (p. 616).
— Signe le serment du Jeu de Paume (p. 138).
Aumont (Duc d')f grand bailli d'épée de Chauny. Réclame le droit d'une députation particulière pour ce bailliage (t. VIII, p. 280).
— Demande que l'on délibère sur des troubles causés dans Paris par l'arrestation de quelques gardes-françaises (p. 175). — Sa réponse aux remerciements que lui a adressés l'Assemblée nationale, lorsqu'il a cessé ses fonctions de président (p. 188). — Annonce qu'il est nommé maire de Paris (p. 238). — Son discours au Roi, lors du voyage de Louis XVI à Paris (p. 246) ; — son discours aux Parisiens (ibid. et p. suiv.); — son discours à l'Assemblée nationale, à la tête d'une députation de la commune (p. 313).
— Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
d'aviser aux moyens de faire cesser la guerre civile (t. VIII, p. 233 et suiv.).
chaussées de Dax, Saint-Sever et Bayonné. Répond à Tappel général (t. VIII, p* 19â). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 141).
— demande de secours pour les ouvriers sans travail du faubourg Saint-Antoine, vainqueurs de la Bastille, appuyée par Leclerc de Juignév archevêque de Paris (18 juillet, p. 248).
— Nommé imprimeur de l'Assemblée nationale (t. Vlll, p. 149). — Prête serment en cette qualité (p. 153)*
— demande qu'on définisse la permanence (p* 603).
— Signe le serment du Jeu de Paume (p. 138).
général (t. VIII, p. 91). — Signe le serment du Jeu de Pauiïiô (p. 138)
— Propose une modification à la motion de Siéyès relative à la; constitution de l'Assemble (p. 114 et suiv.). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
— Fait un rapport sur l'organisation du pouvoir judiciaire (p. 440 et suiv.).
» (t. VIII, p. 121) ; — motive sa conduite (ibid.).
signe le Serment du Jeu de paume (p. 138).
— Prend place sur les bâties de la noblesse dans' la salle de l'Assemblée nationale (p. 142); — souifoet la vérification de ses pouvoirs ét demande communication de celle des membres des communes (ibid.). — Est d'avis de renvoyer au comité des finances la demande d'un emprunt de 30 millions et d'assigner les biens du clergé pour gage de eut emprunt (p. 364).
Signe le serinent du Jeu de paume (p. 139).
— Parle sur la déclaration des droits (p. 464).
— Demande l'abolition des droits féodaux (p. 346).— Parle sur la déclaration des droits (p. 472), (p. 484), (p. 488), — pour l'emprunt de 80 millions (p. 499),
— Son projet de déclaration des droits (p. 468 et suiv.); '
— Signe le serment du Jeu de paumé (p. 141).
— Signe le serment du Jeu de paume (p. 139).
. 91). —- Signe le serment du Jeu de paume (p. 139).
— Parle sur la question relative à la députation de Saint-Domingue (p. 164 et suiv.), (p. 187). —Demande pourquoi une lettre du Roi ne porte que le simple titre d'Assemblée (p. 188), — Exprime l'opinion du dix-huitième bureau sur la question des subsistances (p. 197 et 198). — Sa motion d'ordre tendant à la formation de comités chargés de prendre connaissance de tous les impôts, de toutes les pensions et de l'état actuel de la caisse, nationale (p. 218) ; —- demande que ces comités soient formés par les bureaux (p. 220). — Amende la motion de Volney concernant le comité des rapports (p. 292). — Démande qu'une commission soit chargée de modifier les articles du projet de règlement contestés, et qu'en attendant le règlement soit provisoirement exécuté (p. 297). — Appuie la motion de Target concernant l'élargissement de Bé-senval (p. 313). — Demande qu'un sablier de cinq minutes limite la durée de chaque discours (p. 332).
— Amende la motion de Talleyrand-Périgord relative aux servitudes féodales (p. 355). — Soutient qu'il est inutile de délibérer, — Déclare, au nom de ses commettants, qu'il ne peut consentir l'impôt de mandé par Necker (p. 363). — Présente une charte contenant la constitution française dans ses objets fondamentaux (p. 400 et suiv.). — Parle sur la déclaration des droits (p. 475), (p. 483), (p. 483% — Demande que le comité de constitution dépose son travail (p. 492). —
— Parle contre la motion de d'Eymar relative à la religion catholique (p. 505), — sur l'article premier du projet relatif au gouvernement monarchique (ibid.)t (p. 508).—Lit un discours au nom d'une députation de citoyennes delà ville de Paris (p. 591)—Parle sur les droits de la maison d'Espagne à l'hérédité de la couronne de France (p. 642).
— Qualifie d'illégale la détention du baron deBésenvai (p. 314).—Fait un rapport sur une plainte du procureur du Roi de Falaise (p. 433).
— Signe le serment du Jeu de paume (p. 139).
— Signe le serment du Jeu de Paume, (p. 139).
— Ecrit au doyen des communes que le Roi recevra les députés qui ne lui ont pas été présentés (p. 45). Présente aux trois oidres une lettre du Roi recommandant de nouvelles conférences (p. 55). — Ses lettres au président Bailly, à l'occasion de la fermeture delà salle des séances y}. 137 et suiv.),—à l'occasion de l'ajournement au lendemain de la séance royale (p. 140). — Répète l'ordre donné par le Roi aux Etats généraux de se séparer (p. 146). — Annonce que, sur les ordres du Roi, l'entrée de la salle des séances, sera désormais dans la rue du Grand-Chantier (p. 149.
— S'excuse de s'être présenté à l'Assemblée nationale la tête couverte (p. 248).
— parle sur la déclaration des droits (p. 483) ; — fait un rapport sur une difficulté soulevée par le chan -gement de la municipalité de Nevers (p. 507).
— signe le serment du Jeu de Paume (p. 138).
— renvoi aux bureaux (ibid., p. 339).
— Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139),
— Appuie la motion tendant à la formation d'un comité Je huit membres, pour dresser un plan de constitution (p. 231), — la proposition d'établir partout des milices bourgeoises (p. 248.) — Parle contre la proclamation proposée par Lally-Toilendal p. 25£).
— contre la motion tendant à ce que l'Assemblée ne reçoive plus de députation. (p. 316). — Soutient l'opinion que les biens ecclésiastiques appartiennent à la nation (p. 354). — Demande la liberté du port d'armes (p. 358).—Refuse de voter l'emprunt de 30 millions avant la vérification de la dette de l'Etat (p. 365, et suiv.).— Demande que l'on entende les adversaires de la motion de Le Pelletier de Saint Fargeau, relative à la durée du mandat de député (p. 617) ; — qu'elle soit fixée à deux ans (p. 618).
Cherrier, député des communes du bailliage de Mire-court. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 96). — signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
à la députation de Saint-Domingue (t. VIII, p. 189). — Appuie l'observation de Clermont-Tonnerre relative à l'envoi d'un arrété du parlement de Paris (p. 244).
p. 84) ; — vérification des titres sous la- réserve de ne préjuger en rien contre la vérification en commun (ibid.) ; — nomination d'une commission relative à la cherté des grains (ibid.). — Une réunion particulière de cent membres vote la vérification des pouvoirs en commun, mais se résigne à rentrer dans la chambre du clergé, sauf à protester contre une majorité défavorable (11 juin, p. 87) ; — déclaration en sens contraire de l'abbé Coster (ibid.) ; — députation des communes y relative (12 juin, p. 87). — Discussion sur la réunion des ordres : plusieurs membres, l'abbé Maury (ibid.); — suite de la discussion (13 juin, p. 93), (16 juin, p. 120); —r députation de la noblesse apportant l'arrêté relatif à la cherté des grains (ibid.). — Suite de la discussion sur la réunion des ordres : de Boisgelin de Crucé, de Lubersac, abbé Villeneuve de Bargemont, Dulau (17 juin, p. 126); — députation de la noblesse pour communiquer un arrêté de cet ordre relatif aux élections du bailliage d'Auxerre et du Dauphiné (ibid.). — Suite de la discussion sur la réunion des ordres : de Juigné, archevêque de Paris, abbé de Coulmiers,' un curé (19 juin, p. 130.et suiv.); — l'Assemblée arrête que la vérification des pouvoirs sera faite dans l'Assemblée générale, sous la réserve de la distinction des ordres (ibid., p. 131); —■ liste des membres qui ont voté l'arrêté (ibid. et p. suiv.). '— Les membres du clergé, qui étaient d'avis de faire la vérification en commun, réunis chez l'archevêque de Bordeaux, décident de se joindre immédiatement aux communes (22 juin, p. 140); — leur réunion effectuée (ibid , p. 141). —Débats sur la question de savoir si lecture sera faite de la Déclaration du Roi aux Etats généraux (24 juin, p. 147) ;— adoption (ibid.) ; — arrêté pris en conformité de cette Déclaration (ibid.). — Nomination d'un promoteur et d'un secrétaire (25 juin, p. 152) ; — adhésion nouvelle à la Déclaration du Roi (ibid.); —résolution relative aux pouvoirs contestés (ibid.). — Satisfaction exprimée par le Roi au sujet de l'intention du clergé de renoncer aux privilèges pécuniaires et promesse d'examiner la demande de cet ordre relativement à la conduite qu'il doit suivre (26 juin, p. 156); — députation de la noblesse pour féliciter le clergé d'avoir répondu aux vues de conciliation proposées par le Roi (ibid., p. 157); — arrêté consacrant la rénonciation aux privilèges pécuniaires (ibid.). — Lettre du Roi au président, le cardinal de La Rochefoucauld, pour engager le clergé à se réunir aux deux, autres ordres (27 juin, p. 161); — réunion complète des membres de cet ordre (ibid., p. 162).
gnement des troupes (ibid.). — Prend part à la discussion concernant les papiers saisis sur le baron de Castelnau (p. 279). —Parle;surl'arrestation de l'abbé de Calonne (ibid.). — Fait un rapport contenant le résumé des Cahiers en ce qui concerne la Constitu- • tion (p. 283 et suiv.). — S'oppose à limitation de la durée des discours à cinq minutes (p. 332). — Demande un passeport signé du président pour un oncle réfugié en Suisse (p. 333). — Propose une solution à la question des colombiers (p. 357),—l'abolition des capitaineries et des tribunaux établis pour connaître des délits de chasse >—la mise en liberté des prisonniers arrêtés pour ce genre de délit (p. 359). — Parle pour l'emprunt de 30 millions (p. 371), (p. 376). — Propose des modifications au décret relatif au rétablissement de la tranquillité publique (p. 433) et à l'article relatif aux dîmes (p. 434). — Demande l'ajournement d'une motion de Duquesnoy (p. 436): — Président (p. 437) ; —son discours en prenant le fauteuil (ibid.). — Rappelle l'Assemblée au calme (p. 481). — Son discours en quittant le fauteuil (p. 512). — présente un projet d'arrêté au sujet des troubles du Palais-Royal (p. 513): —le défend (ibid. et p. suiv.). — Demande qu'on puisse traiter en même temps les questions de permanence, des deux Chambres et du droit de veto (p. 535). — Parle, pour la permanence et le veto absolu (p. 574); — demande qu'on définisse la permanence (p. 603) ; — combat la motion du comte de Mirabeau tendant à faire décréter que la permanence implique l'unité de corps législatif (p. 604). — Remplace de La Luzerne au fauteuil (p. 605) ; — lit une lettre de ce dernier, contenant une nouvelle offre de sa démission et engage l'Assemblée à ne pas l'accepter (ibid );— répond, comme président, au comte d'Es-taing, commandant de la garde nationale de Versailles (p. 606); —refuse de rappeler à l'ordre le comte de Mirabwau (ibid.);—objecte à Le chapelier que rien ne s'oppose à ce que l'arrêté de la ville de Rennes, déposé sur le bureau, soit retiré (p. 607).—Demande que l'on pose ces deux questions : la sanction royale aura-t-elle lieu et sera-t-elle suspensive ou indéfinie? (p. 610) — Réélu président (p. 636) ;—remercie l'Assemblée (ibid.).—Rend compte de sa démarche auprès du Roi pour faire sanctionner les arrêtée des 4 'août et jours suivants (p. 645.)
Nomination d'un comité de cinq membres chargé de recevoir les plans.de Constitution (13 août, p. 434); — noms des membres qui en font partie (ibid.); — rapport, au nom- de ce comité, par Mirabeau (voir Déclaration des droits de l'homme).
Rapport par Bergasse sur l'organisation du pouvoir judiciaire (17 août, p. 440 et suiv.). Voir Pouvoir judiciaire.
Bouche demande que le comité de Constitution dépose sur-le-champ son travail (27 août, p. 492); — Bureaux de Pusy demande que l'Assemblée, les bases fondamentales de la Constitution établies, s'occupe de l'organisation des assemblées municipales (ibid.); — cette proposition est combattue par Deschamps et Mounier (ibid.) ; — le vicomte de Noailles émet l'opinion qu'il faut d'abord s'occuper de la réforme des corps judiciaires, de l'organisation des municipalités, de l'établissement des assemblées électives et des assemblées provinciales, de la puissance militaire et des impôts (ibid.); — Camus entend donner la priorité à la discussion des articles relatifs à la monarchie (ibid., p. 493); — lecture de ces articles, par Freteau (ibid.). — Virieu dit qu'ils sont admis par tout le monde (ibid.); — Pétion de Villeneuve demande qu'on les discute sans précipitation (ibid.) ; — La Chèze oppose qu'un grand nombre de cahiers n'étant pas imprimé, il est difficile de connaître le vœu général des commettants (ibid.).,
Dépôt, par Mounier, du projet relatif au gouvernement monarchique, proposé par le comité (28 août, p. 504); — discussion générale : Grégoire, Mounier, Lanjuinais, deux ecclésiastiques, abbé d'Eymar, Tal-leyrand-Périgord, abbé d'Eymar, Bouche (ibid. et p. suiv.);—discussion de l'article premier: plusieurs membres, Bouche, Démeunier, de Lubersac, duc de La Rochefoucauld, Target, Robespierre, comte de Mirabeau, Duport, Gaultier de Biauzat, comte de Mirabeau, Mounier, comte de Mirabeau, Duval d'Eprémé- 4 nil, comte de Mirabeau, Mounier, comte de Mirabeau, Duval d'Epréménil, comte de Mirabeau, un membre, Pison du Galand, Desmoutiers de Mérinville, baron de Menou, marquis de Sillery, Roussier, Dumetz,
Garat atné, Populus, Desmoutiers de Mérinville, Chas-set, Roussier, Malouet, de Lubersac, conjte de Croix, Mounier (ibid.); — Bouche, vicomte de Noailles, Alexandre de Lameth, Mounier, comte de Virieu, Guillotin, Regnaud de Saint Jean-d'Angely, Duport, d'André (29 août, p. 508 et suiv.); — l'Assemblée arrête qu'elle délibérera d'abord sur la motion du vicomte de Noailles, tendant à faire décider ce que l'on entend par sanction royale, si elle est nécessaire pour les actes législatifs, dans quel cas et de quelle manière elle doit être employée, et si l'Assemblée doit être permanente et se diviser en deux Chambres (ibid. p. 509) ; — comte de Mirabeau, Rhédon, Pétion de Villeneuve, de Castellane, Deschamps, Mounier, De-landine, comte de Mirabeau, Duval d'Epréménil, un membre, duc de Liancourt, abbé Grégoire (ibid., et p. suiv,); — rapport par Lally-Tollendal sur le chapitre il de la Constitution, relatif au pouvoir législatif (31 août, p. 514 et suiv.) ; — rapport par Mounier sur les articles concernant l'organisation du pouvoir législatif (ibid.y p. 522 et suiv.); — premier rapport, Çar Lally-Tollendal, sur l'organisation du Corps législatif, ce Corps se composant d'une Chambre des communes, d'un Sénat éligible et non héréditaire et du Roi, dont le concours pour la formation de la loi est indispensable (31 août, p. 514 et suiv.) ; — deuxième rapport, par Mounier, relatif aux principes du gouvernement français, aux formes des élections, à la formation du Sénat et à la formation des lois (ibid., p. 522 et suiv.); — discussion sur la sanction royale, le droit de veto et la permanence : duc do Liancourt, Salle, prince de Salm, Rabaud de Saint-Etienne, comte de Mirabeau, Target, comte de Clermont-Tonnerre, Malouet, Pétion de Villeneuve, comte de Mirabeau (l«r septembre, p. 529 et suiv.) ; — comte d'Antraigues, Delandine, un membre, Treil-hard, de Beaumetz, Barnave, Target (2 septembre, p. 543 et suiv.); — opinion, non prononcée, du dur de La Rochefoucauld (p. 548 et suiv.); — suite delà discussion : Crenière, Goupil de Préfeln, baron de Jessé, Tàrget, abbé Maury, Alexandre de Lameth, de Castellane, abbé Maury (3 septembre, p. 550 et suiv.) ; — exposé des motifs, par Mounier, au nom du comité, de divers articles du plan de Corps législatif et principalement de ceux qui se rapportent à la nécessité de la sanction royale (4 septembre, p. 554 et suiv.); — reprise de la discussion : Desèze, Salle, Lezay cle Marnésia, Target, Dé meunier, Grégoire, Rabaud de Saint-Etienne, Alexandre de Lameth, Dupont (de Nemours), vicomte de Mirabeau, Clermont-Tonnerre (4 septembre, p. 564 et suiv.); — de Bousmard, Glezen, un membre, Harmand, Thouret, Pétion de Villeneuve, Legrand, Montmorency, La Rochefoucauld, Mounier (5 septembre, p. 579 et suiv.); — Lanjuinais, de Virieu, Malouet, un membre, de Custine (7 septembre, p. 588 et suiv.) : — abbé Siéyès, marquis de Sillery (ibid. p. 592 et suiv.); — plan d'après lequel le président de La Luzerne demande à soumettre à la délibération les différentes questions agitées (9 septembre, p. 602 et suiv.); — rejet (ibid. p. 603); propositions diverses faites pour régler l'ordre des 'votes successifs, par Rewbell, Target, Démeu-nier, de Beaumetz, Chasset, comte de Mirabeau, Camus, abbé Siéyès, vicomte de Beauharnai&, comte de Clermont-Tonnerre, Rabaud de Saint-Etienne, duc de La Rochefoucauld (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décrète la permanence (ibid. p. 604); — motion du comte de Mirabeau tendant à faire décréter qu'il n'y a plus lieu à délibérer sur l'unité du Corps législatif (ibid.); — discussion : Dupont (de Nemours), comte de Mirabeau, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), çomle de Mirabeau, Clermont-TonneFre (ibid. p. 604); — incident soulevé par le comte de Virieu (ibid.) ; — la censure est réclamée par Gaultier de Biauzat (ibid.);le marquis de Foucault demande que de Virieu soit entendu (ibid.); — le président de La Luzerne rappelle l'Assemblée au calme {ibid. p. 605); — rejet de la motion du comte de Mirabeau (ibid.); — discussion sur la question de l'unité du Corps législatif : Alexandre de Lameth (ibid.) ; —nouvelle interruption delà délibération (ibid.); —insulte adressée au président de La Luzerne, qui donne sa démission (ibid.), — le dernier président Clermont-Tonnerre, appelé au fauteuil, blâme l'insulteur et lève la séance (ibid.); —
reprise de la discussion sur l'unité du Corps législatif : Camus (10 septembre, p. 607) ; — l'Assemblée décide qu'il n'y aura qu'une seule Chambre : 490 voix pour l'unité, 89 pour la pluralité et 122 voix perdues (ibid. p. 608). — Une lettre de Necker, lue par le président Clermont-Tonnerre, accompagne un rapport fait par ce ministre au conseil du Roi sur la sanction royale (ipid. p. 609); — discussion à propos de la lecture de ce mémoire : comte Briois de Beaumetz, un membre, • Target, Grégoire, comte c|e Mirabeau, Pison duGaland, comte de Mirabeau, Camus, comte de Mirabeau, Lally-Tollençlal, Le Berthon, plusieurs membres, comte de Mirabeau, Mounier, plusieurs membres (ibid. et p. suiv.); — l'Assemblée décide que le mémoire ne sera pas lu {ibid. p. 610) ; — rejprise de la discussion sur la sanction royale: Clermont-Tonnerre, Camus, comte de Mirabeau, un membre, Clermont-Tonnerre. Rabaucl de Saint-Etienne, Prieur, Rabaud de Saint-Etienne, Tronchet, Target? plusieurs membres, Comte de Mirabeau, Tronchet, Chasset, Lanjuinais, LallyrTollendal, Guillotin, Mounier, Fréteaù, Hébrard [ibid. .ei p. suiv,); — adoption du veto suspensif, par 673 voix contre 325 et 11 voix perdues (ibid, p. 612)} texte du mémoire de Necker (ibid. et p. suiv.);—discussion sur la durée du veto suspensif et sur la durée de la législature : Le Pelletier, de SainteFargeau, do Richier, Le Pelletier de Saint-Fargeau, Robespierre, Buzot, abbé Maury, Buzot, Démeunier, comte de Virieu, comte de Mirabeau, Dubois de Crancé, Target, abné Maury, Démeunier (12 septembre, p. 616 et suiv.); — l'Assemblée décide que la législature sera de deux années (ibid. p. 619); — vote sur la question de savoir si le renouvellement des membres de chaque législature se fera en totalité (14 septembre, p. 636) J — adoption (ibid.); — discùssion sur la durée du veto suspensif: Barnave, .comte de Mirabeau, Lally-Tollendal, comte de Virieu, Marandat, comte de Virieu, un membre des communes, abbé de Montesquiou, Rewbell, abbé Maury, Pétion de Villeneuve, Robespierre, comte de Mirabeau, Tronchet, Barnave, Emmery, un membre, Malouet, Le Chapelier, Target, Un membre de la noblesse (ibid. et p. suiv.) ; — motion de Barnave tendant à ce qu'il soit sursis à toute décision sur la question pendante jusqu'à ce que la promulgation des articles des 4 août et jours suivants ait été faite par le Roi [ibid. p. 640) ; — l'Assemblée décide que le président ira présenter aû Roi les arrêtés des 4, 6,7, 8 et 11 août dernier, ainsi que celui porté par elle relativement aux subsistances, pour lesdits décrets être sanctionnés (15 septembre, p. 641.) — Renouvellement : noms des membres du nouveau comité ( 15 septembre, (p. 641) ; ; — discussion sur la motion de Barnave : Le Chapelier, Cazalèâ, un membre, Guillotin (15 septembre, p. 641 et suiv.); — le baron de Juigné propose d'interrompre la discussion sur la question pendante et de consacrer les principes de l'hérédité de la couronne et dé l'inviolabilité de la personne du Roi (ibid. p. 642) ; — adoption (ibid.);— le duc de La Rochefoucauld propose (l'ajouter un article sur la majorité et la régence (ibid.)'; — ajournement (ibid.); — un membre demande qu'on déclare inviolable la personne de l'héritier présomptif (ibid.) ; — rejet de cette proposition Combattue par le uuc de Mortemart et Custine (ibid.); — motion d'Arnoult tendant à faire décréter que la maison régnante en Espagne ne pourra être admiàe à l'hérédité de la cour de France (ibid.) ; — discussion : La Luzerne, comte de Mirabeau, Le Pelletier de Saint-Fargeau, comte de Mirabeau, comte de Virieu, comte de Mirabeau, Bouche, Target, comte de Choiseul, comte de Mirabeau, Rewbell, comte de Mirabeau, duc de Mortemart, comte de Mirabeau, de Siilery, comte tie Mirabeau, Duval d'Epréménil, comte de Mirabeau, un membre, Goupil de Préfeln, Duport, Garat jeune, duc du Châtelet, plusieurs membres, Target, comte de Mirabeau, Déport, duc du Châtelet, Duval d'Epréménil (ibid. et p. suiv.).— Le Roi répond au président Clermont-Tonnerre, à propos de la sanction à donner aux décrets des 4 août et jours suivants, qu'il prendra en considé-tion la demande qu'on lui fait (15 septembre, p. 645).
et ordonnant l'exécution des articles votés le 4 août (12 septembre, p. 619) ; — discussion : duc de Mortemart, Target, Malouet, Emmery, abbé Maury, aobé d'Eymar (ibid.) ; — l'Assemblée décide que ces articles seront présentés à la sanction royale (ibid.).
le président est chargé de demander au Roi le rappel des galériens et des bannis pour Simple délit de chasse, l'élargissement des prisonniers actuellement détenus et l'abolition dés procédures existant à cet égard (ibid., p. 360); — discussion de l'article VI, concernant les justices seigneuriales: de Custinë, Pison du Galland, baron de JuigrVé, comte dé Dôrtart, Lanjuinâis, dé Cûs- j tine, deTurckëim, Lemoine dè Belle-Islè, un député de la noblesse, Dérûeunier, Pison du Galland, quelque autres membres (8 août, p. 364 et suiv.) ; — j adoption de l'àrticle amendé : Toutes les justices seigneuriales sont supprimées sans indemnité, et néanmoins les officiers cfe ces justices continueront leurs fonctions jusqu'à ce qu'il âit été pourvu par l'Assemblée nationale à l'établissement d'un nouvel ordre judiciaire » (ibid,., p. 365). — Projet de décret poui* le rétablissement de fâ tranquillité publique et formule du serment pour les troupes (10 août, p. 376) ; — discussion : Dupont (de Nemours), duc du Châtelei, un membre dé la noblesse, Mounier, de Castëllane, Dupont (dé Nemours), comté dé Mirabeau, Duval d'E-préméml, un membre, Barhave, vicomté de Noailles, Démeunier, Garat l'aîné, Mounier (i&id.ëtb. suiv.); texte du décret (ibid., p. 378 ët suiv.); Discussion des articlès du décret du 4 août, relatifs à la féodalité marquis de ThibOUtôt, Gouttes, Target, dè Vil-liers, Arnoult, Duport* La Soûle, Lànjuinais^ Le François, Jallet, Desmoutiers de Mérfnville, Grégoire, La Luzerne, Chasset, comte de Mirabeau , d'Espon-chez (ibid., p. 379 et suiv.) — Duport, Colbert, de Seignelay, abbé Siéyès, abbé de Montesquiou, Garat le jeune (ibid., p. 387 et suiv.); — suite de là discussion de l'article 7, relatif aux dîriaes: Pétion de Villeneuve, Goupil de Préfeln, Ricard. Duplaquet, Leclerc de Juigné, cardinal dè Là Rochefoucauld, Leyrjs Desponchez* Taïleyrand-Pérîgord (Il âoût, p. 394 et suiv.); — adoption (ibid., p. 393); — dis- j cussion de l'article 8 relatif au rachat des rentes foncières : Démeunièr, Gôuppé (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — discussion de l'article 9 relatif à la gratuité de la justice et à là suppression de la vénalité des offices de judicatUre : plusieurs membres, Sallé de Choux,, vicomte de Mirabeau, Target, duc de La RoçhefoucaUlt, d'André, de Foucault (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. et p.* 396); — discussion de l'article 12 concernant les annates et les déports : Camus (ibid. et p. sùiv.) ; adoptiôn [ibid., p. 397); — adoption des autres articles (ibid.); — te*te du décret (ibid. et p. suiv.) ; — projet d'adresseau Roi (12 août, p. 39Ô). — Modifications à faire au décret sur le serment des troupes, demandées par de Virieu et de Clermont-Tonnerre (13 août, p. 433) ; — observations du comté de Mirabeau (ibid. et p. suiv.); — adoption dés modifications (ibid., p. 434). — Modifications à apporter à l'article. sur les dîmes, demandées par Clermont-Tonnerre (ibid.); — discussion: Lally-Tollendal, Fréteau, Démeui^er (ibid. et suiv.) ; — rejet (ibid., p. 435)1 — Projet d'adfesse au Roi à l'occasion de sa îe lu par Le Pelletier de Saint-Fargeau (24 août, p. 483 et suiv.) ; — adoption (ibid.) ; — liste des membres chargés de porter cette adresse (ibid., p. 486).
Opinions des bureaux formulées par Targèt, Camus, Gouy d'Arsy, Comte dé Mirabeau, Populus, Le Chapelier, Barn&ve, Lâlly-Tollenddl (11 juillet, p. 220 et suiv.) ; ■— l'Assembléé décide què le comité séra composé de soixante-deux membres, dont tfènte-dôux seront choisis dâfis les généralités et trente dans les bureaux (ibid. p. 221}; — norûs deâ membres élus (14 juillet, p. 230); — (26 août, p. 487); — rapport par le duc d'Aiguillon SUr l'emprunt de 30 inilhons (8 août; p. ^65); — discussion : duc dè Lèvis, Buzot, cpmte d'AntraigùeS, Lally-Tollendal, Bartistve, de Vi'igny, comte de MirabestU, ïnàrquis de LacoSte, Alexandre de Lametfr, de Lubéfsac, abbé dé Moftfes-quiou, Vicomté de Mirabeau, vicomte de Noàilles, âbbé Grégoire, dè Cleritiont-Tonnerrè (ibid. et p. suiv.); — adoption du projet d'emprunt {ibid. p.- 37l) ; — discussion sur la ftiode d'emprunt : duc de Liancourt, Pétion de Villéneuvé, d'André, vicomte dé Mirabeâu, Pothée, ÊspiC, comte dë Mirabeau, Delandine, Le Franc de Pompignatt, MaSSieti, Le Franc (Je Pompignan, Charles de Làrïreth, Dubois dé Cràn'cé1,'Lô Franc dé Pompignan, duc de Liancourt, Mounier, d'Antrai-gUes, Barfère dé Vieti^ac, Prieur, Dupont (de Nemours), dè Clermont-Tonnerre, Gffinebaud, B-égouen, baron d'Allârde, vicomté' dé No&ilfes (9 août, p. 373 et SUiv.) ; — texte du décret voté (ibid. p. 376). — Traitèmënt des députés : exposé des motifs ét projet de décret, présente par le duc de Liancourt (12 août, p. 399); — adoption (ibid.)'; -^Emprunt de 80 millions denlâridé par Necker (27 août, p. 493 et Suiv.)4, — discussion Duport, vicomte dë Mirabeau, Talleyrând-Périgord, plusieurs meihbtës, comte de MiraBeâU, Lally-Tolléndal, Glezen, de Boisgelin, dbc de Liancourt, Rewbell, comté de Mirabeau (ibid. p. 497 ët suiv.) ; — adoption (ibid. p. 499). L'Assemblée décidé qtte le ëomité des finances choisira douze de Ses membres pour correspondre âvec le ministre des finances sur tous les objets énoncés dans le mémofré envoyé par lui (31 août, p. 527 et suiv.). Voir Comité des Douze. Lecturë de dëut pf&jefs de décrets, l'un relatif à la g'âbelle, l'autre à l'exécution du décret national' par lequel le Clergé, la noblesse et les privilégiés së sont engagés â siippoiter dés à présent, pour lés six derniers mois de cette année,- dans la proportion de leurs propriétés et sàns aucune dis-tinction, les impositions établies (7 Septembre, p. 602) ; - renvoi dans lés btlreâux (ibid.).
s.ujet-(ibid.). — Rapport sur l'arrestation du Tué dé Là Vati'|uvoiï; — discussion : Démeunier, La Luzerne; abbé Sfëy^s, plustéurS mertibrèS1, comte de Mirabeau (6 août, p. 356 ët suiv.); —; renvoi au pouvoir -exécutif (ibid., p. 357)-; empriSoiirtèmeht illégal' de Helle, lieiitenâ/nt-bailli seigneurial de Lan-deser en Alsace; même décision (ibid.). — Rapport par Lollier sur des brigandages- commis en Alsace (8 août, p. 372); —discussion : un membre, Lollier, rapporteur, cbUité de Vitiëû (ibid.). -- Rapport par le chevalier de ÉoUfïlers, sûr une plàilite du procureur du Itoi de F^IaiSô, ^OttfsUiVi par le parlement1 de
Rouen pour avoir rédigé le cahier dans lequel son bailliage demandait la suppression de la vénalité des charges de judicature et des parlements (13 août, p. 433); — discussion : Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Hébrard, abbé de Montesquiou, Garat jeune, duc de Mortemart, Defermon; — renvoi au garde des sceaux (ibid.). — Communication par Regnaud d'une lettre relative à l'arrestation de Cazalès (t. VIII, p. 455). — Rapport sur les violences exercées contre un député de la noblesse de Villefranche (21 août, p. 467). Rapport de Regnaud de Saint-Jean-d'Angély) sur l'affaire du procureur du Roi de Falaise (22 août, p. 474;et suiv.). —Ce procureur du Roi demande à s'expliquer à la barre (23 août, p. 480) ; — discussion sur cet objet : De Frondeville, De Gouy-d'Arsy (ibid. et p. suiv.); — admission du procureur du Roi (ibid., p. 481) ; — discussion sur le fond : abbé Maury, comU de Mirabeau, le président comte de Clermont-Tonnerre, Glezen, un membre, de Frondeville, le président comte de Clermont-Tonnerre (ibid.) ; — arrêté confirmatif de celui du 25 juin (ibid.). — Rapport par l'abbé d'Eymar sur un mémoire adressé par le régiment de Royal-Hesse-Darmstadt (24 août, p. 485), rapport par Rtgnaud (de Saint-Jean-d'Angély) sur l'arrestation de François (de Neufchâteau) (ibid.); — reprise de la discussion sur l'affaire du procureur du Roi de Falaise : Mirabeau (ibid. p. 486) ; — la procédure intentée contre ce magistrat est déclarée nulle et attentoire à la liberté nationale (ibid.). — Rapport par le prince de Broglie sur une difficulté élevée dans» Ja ville de Nevers au sujet du changement de la municipalité (28 août, p. 507). — Rapport sur l'affaire du marquis de La Salle qui avait fait charger un bateau de poudre (5 septembre, p. 587) ; — l'assemblée décrète que son président écrira aux représentants de la commune de Paris pour demander son élargissement (ibid.). — Arrêté de la commune de Paris soumis à l'Assemblée nationale et tendant à faire décréter que tout accusé aura droit, de se choisir un conseil, que l'instruction sera publique, qu'il sera instruit sur les faits justificatifs de l'accusé en même temps que sur les charges produites contre lui, et qu'aucune peine afflictive ne pourra être prononcée que par la réunion des deux tiers des voix (11 septembre, p. 608); discussion : Duport, plusieurs membres, abbé Maury (ibid.)\ — formation d'un comité de sept membres (ibid.). — Rapport sur les événements de Massiac en Auvergne et de la Rode en Guyenne (14 septembre, p. 641) ; — l'Assemblée décrète que les personnes arrêtées à l'occasion de ces troubles, seront renvoyées devant leurs juges naturels (ibid.).
Moyens proposés pour subvenir aux subsistances (ibid., p. 194 et suiv.")"; dïscù^sTôn TBlàndin, comte de Lally-Tollendal, de Virieu, un membre, Champion de Cicé, Bouche, Pétion de Villeneuve, de Boufflers, Joubert, comte de Mirabeau, Dupont (de Nemours), comte de Mirabeau, Camus, Le Franc de Pompignan, président, Target, Mounier, Bouche (6 juillet, p. 194 et suiv.). — Dép^ô-t^aïf-^Mirabeau d'uru^lettre de Jefferson (8 juillet, p. 208). — Rapport de Dupont (deNèmôurs) sur une requête des habitants d'Houdan concernant fcja diminution du prix du sel (28 juillet, p. 296); — y ajournement (ibid.) — Rapport ml Jin_ attroupement caus^^ du Imxau" sel(2Taoût, p. 467). — Projer"Taffêtê permBttant la libre circulation des grains et farines dans l'intérieur du pays et en prohibant l'exportation A l'étranger (22 août, p. 474)f — renvoi atix bureaux (ibid); — discussion : comte de Custine, Cochard, Cigongne, marquis de Sillery, duc du Châtelet, plusieurs membres (28 août, p. 507 et suiv.) ; — abbé Maury, plusieurs membres (29 août, p. 511) ; — texte du décret (ibid.). — Rapport sur un^rxété de la commune de Paris priant LÀssemblée de pourvoir aux moyens d'assurer les subsistances de cette ville (5 septembre, p. 587); — renvoi au pouvoir exécutif (ibid. p. 588). — Projet d'arrêté concernant la circulation des grains _(10_septembre p. 608). — Autre projet d'arrêté lu par Emmery, portant sur l'état de souffrance du commerce intérieur et l'exportation à l'étranger (15 septembre, p. 644) ; — discussion : Gillet de la Jacque-minière, Target, un membre (ibid.); — adoption ét renvoi du projet amendé au comité de rédaction (ibid., p. 645).' — Examen de plusieurs questions importantes sur le commerce des grains et sur les moyens d'assurer la subsistance des villes, par de Beauvais (15 septembre, p. 645); — Mémoire sur les subsistances par Gouges-Cartou (ibid. p. 651 et suiv.).
Grosbois, de Sèrent, de Digoine et de La Rouzière (5 juin 1789, t. VIII, p. 69).
Proposition du comte de Mirabeau relative à un règlement de police intérieure (ibid.) ; —adoption (ibid.).— Rapport fait par Rabaud de Saint-Etienne, Mounier et Target, sur les conférences (26 mai. p. 49). — Communication de l'arrêté pris par la noblesse (27 mai, ♦ p. 50); —discussion : Camusat deBelombre, Despa-tys de Courteilles, Populus, comte de Mirabeau (ibid.); — l'Assemblée adopte la motion de ce dernier tendant à demander une. réponse définitive au sujet de la réunion des trois ordres (ibid.). — Barrière séparative du public et des députés (28 mai, p. 55); —prohibition des marques d'approbation et d'improbation (ibid.); — députation du clergé au sujet de la lettre du Roi recommandant de nouvelles conférences (ibid.); — communication de cette lettre (ibid.); — délibération : Malouet, de Volney (ibid. et p. suiv.) ; — motion tendant à enjoindre aux commissaires de traiter à la fois de la vérification des pouvoirs en commun et du vote par tête (ibid. et p. suiv.); — rejet (ibid. p. 56). — Discussion sur la reprise des conférences : Camus, comte de Mirabeau, Rabaud de Saint-Etienne (29 mai, p. 58 et suiv.); — adoption (ibid. p. 59). — Discussion sur l'ouverture des conférences : marquis de Rostaing (30 mai, p. 60) ; —• nomination d'une députation chargée de porter au clergé l'arrêté relatif à la reprise des conférences (ibid.) ; — texte d'une adresse au Roi (ibid.). — Renouvellement du bureau (1er juin., p. 62). — Rapport par Rabaud de Saint-Etienne sur les nouvelles conférences (ibid. et p. suiv.); — motion de Malouet relative à la délibération par tète ou par ordre (ibid., p. 63): —appuyée par Canfus (ibid.); — rfjet (ibid.)\ — Gaultier et Camus demandent que la question devotation ne soit résolue qu'après que l'Assemblée sera constituée (ibid. p. 63). — Nouveau rejet de la motion de Malouet renouvelée (2 juin, p. 63); — d'Ailly, doyen, rend compte d'une démarche auprès du garae des sceaux (ibid.); — discussion sur l'adresse au Roi (ibid.); — adoption (ibid. p. 64). — Démission de d'Ailly, doyen (3 juin, p. 64); — son remplacement par Bailly (ibid.); — incident sur la présentation du projet de, règlement de police intérieure (ibid.) ; — choix d'une députation à envoyer au Roi (ibid.) ; — motion d'un membre tendant à la dégager de tout intermédiaire (ibid.); — discussion : Milscent, Le Chapelier, de Laborde de Méréville, comte de Mirabeau (ibid.); — adoption de la motion amendée par ce dernier (ibid. p. 65). — Bailly, doyen, rend compte de sa mission chez le Roi (4 juin, p. 66) ; — rapport de Dupont (de Nemours) sur une séance de la commission relative aux conférences (ibid.); — la Chambre arrête que l'on communiquera à MM. de la noblesse et du c.ergé les procès-verbaux des conférences rédigés par es commissaires des communes et que ceux-ci continueront les conférences tant qu'ils le jugeront nécessaire (ibid.); — le doyen est chargé d'exprimer à Leurs M»°éstés la douleur de l'Assemblée à l'occasion de la movt du Dauphin (ibid.). — Il rend compte de sa démarche et de sa non-réception par le Roi et la Reine (5 juin, p. 69); — lecture d'un billet du garde des sceaux annonçant qu'il ne pourra tenir la conférenc ((ibid.); — discussion sur la question de sayoir si on discutera immédiatement sur le projet de conciliation présenté par les ministres : plusieurs membres, comte de Mirabeau (ibid. et p. suiv.); — adoption de la négative [ibid. p. 71). — Lettre de la princesse de Chimay (6 juin, p. 74); — billet du garde des sceaux (ibid.) ; — liste des membres de la députation à envoyer au Roi (ibid.) ; — lecture du règlement (ibid.) ; — députation du clergé pour communiquer le parti pris par ce dernier relativement à l'invilatiori du Roi (ibid.);— députation des communes au clergé et à la noblesse (ibid.). — Adresse au Roi lue par Bailly (i&id. et p. suiv.) ; -1- réponse du Roi (ibid. p. 75) ; — compte-rendu de la députation envoyée au clergé et à la noblesse (ibid.) ; — nouvelle députation du clergé, pour communiquer son arrêté sur la cherté des grains (ibid.); — réponse de Bailly (ibid.) ; — discussion : Garat, Populus, Malouet (ibid.); — députation du * clergé (ibid.); — déclaration lue par le marquis de Bouthillier (ibid. et p. suiv.) ; — arrêté pris par les communes pour inviter le clergé à se réunir dans la salle commune (ibid. p. 76^; — transmission au clergé de cet arrêté (ibid.)\ — texte du règlement provisoire (ibid. et p. suiv.); — discus-
: plusieurs membres, Malouet (ilfid. p. 77) ; ~ adoption ae la motion tendant à léduire l'exécu-tipn prçvispife à ce qu; regarde la formation des Jjqreauîf. [ibid.) ' — discussjipn sur la cjjerté des grains [ibid.).' — (Çflflffpte rendu par Dupont (de I^emoursj de la conférence 4u @ (7 j^'1)? P* } — discussion sur pj}rti$ dft rjègletpent relative à formation des bureaux : plusieurs membres, Target Hbid.); — adoption des ^r^çles y relatifs (ibid.\. — Nomination des adjpfflts et d'un doyen |8 juin, p.- 78); — députation chargée aaller rendre les derniers devoirs au Dauphin (ibid.)]— mptipn de $àlouet contre là èonversjon des Etats-gépérauxep Assemblée nationale (ibid p. 79 et suiv.) ; —i discussion : plusieurs membres, Malouet (ibid. p. 8D et suiv.) ; — Retrait (ibid. p. 81) ; — admission provisoire des députés de Saint-Domingue (ibid,.) ; — modification du nombre des bureaux (ibid.). :— Çpmpte rendu par Çaijjy de la réception faite à la ? députation eiivoyee pour rendre les derniers devoirs au l)auphin (9 juin, p. 83[) ; — arrêté ordonnant de ; dresser une nouvelle Jisfp des membres de l'Assemblée j d'après la formation des bureaux (ibid.) ; —- lecture du procès-verbal rédjgé par les commissaires des ; conférences (wfjfÀl — des députés des co- lopies, à titre d'aspirapts (ibid.) ; — Bailly expose que r^rrefé du clergé relatif à la cherté des grains a été communiqué au Roi qui a ml une réponse (ibid.}; — repouyejlernenî de 1a motion tendant à presser le clergé de se réunir aux communes pour rechercher ensemble le moyen de soulager la misère publique (ibid. et p. suiv.)j — rejet (ipid., p. 84); — décision affrétant les matinées aux assemblées publiques et les apres-çllnées ans bureaux (ibi^\. — Bailly annonce la clôture cjes conférences èt demande Je renvoi au lendemain de l'examen du projet des commissaires (ibid.) ; — le çomte 4e Mirabeau combat le renvoi (ibid.) ; — moîipn de J'abbé Siéyès pendant à sommer les deux autres ordres de ^e rendre dans la salle des E^afs ppîïr procéder à la vérification des pouvpirs en commun (ibid. et p. suiv.) ; -r- discussion : Regnauld, comte de Mirabeàti, ïin membre, Target, Martineau, Treilhard, abbé Siéyès (ibid,., p. 85 et suiv.) ; — vote s^-ns résultat sur la motion amendéé (ibid., p. 86) ; — rên6i}vel|emept du vote et adoption (ibid.) ; — les commissaire^, avec acljjonctipn de rapbé Sieyès, qont charges d'une adresse au ï^oi (ibid.j ; — l'Assemblée deciaé que dix adjoints se rendront à la Chambre du clergé et les autres à |a CJiambre de la nobiesse pour y porter le susdit arrêté (ibid.) ; — lecture du procès-verbal des deqx derpière§ conférences (ibid,.). — Ré-pônses ïndécïse^ du clergé et dé la noblesse (12 juin, p. 87);, — discussion sur la question de savoir si le projet " d'adressé dé la commission sera lu (ibid.) *'— . lecture qe cé projet \ibid:] j — Malouet propose un projet qui est repousse (ibid. et p. suiv.) ;— adoption d1! premier (ibid.L p. 88); — proposition de Démeunier de faire l'appel général des bailliages (ibid.) ; .— compte rendu par Bailly de sa mission chez lé Roi qui était à la chasse (i6id.Y; — députation de ïa noblesse (ibid.) ; — réponse de Bailly (ibid.) ;
— Bailly est nommé président provisoire (ibid); — Çamqs et Pison du Galand sont nommés secrétaires
Erovisoires (ibid.)\\ — incident ; un membre, Mfra-, çau (ibid. et p. sûiv.). — Appel général des députés (tu clergé, de la poblesse et des communes des différentes provinces, diocèses, sénéchaussées et villes de France (ibid., p. 89 et suiv.), (13 juin, p. 95 et suiv.) ; , —réappel(ibid!, p. 99). — Compte rendu par tèailly de démarche fàité auprès du Roi (ibid. et p. suiv.); — réponse du Roi (ibid.,p. 101),—Diçtributipn par bu^ reaux des élections a examiner (ibid.). ~ Rapports deà bureaux (ibid., p. 102 et suiv.), (^4 juin, p?. 103 et suiv.). -r Six. curés répondent à l'appei desk communes (ibid., p. 106). L'Assemblée décide que le doyen et les adjoints 'continueront leurs fonctions (15 juin, p. 108). — Répondant à l'appel des communes ': Ma-rojles, député du clergé du bailliage de Saint-Quentin, Foyquier d'Héroue^ député des communes du même bailliage et Thibaùdeau, député de§ communes • de la sénéchaussée de Poitiers (ibid.). — Protestation de la, noblesse èt du cïçrgé de Bretagne contre les élections des députés des communes de cette province ( \ibidr et p.' suiv.). — Répondent à l'appel des communes : Mougins de Roquefort, députe du clergé de (
la sénéchaussée de Draguignan, et Joyeux, député du clergé du bailliage dé Chatellerault (ibid. p. 109). — Motion de Siéyès relative à la constitution des communes en Assemblée des représentants (ibid:), — complétée par le cpmte de Mirabeau (ibid. et pv suiv.); — proposition de Mounier de se constituer en Assemblée légitime des représentants de la majeure partie de la nation, agissant en Vabsence de la mineurç pQ>rte (ibid. p. 113), appuyée par Barnave (ibid.); — pro-positipn de Rabaud de Saint-Etienne dQ se constituer en Assemblée des représentants du peuple de Françe, de supprimer les impôts actuels et de les rempiler, de consolider la dette et de voter un emprunt (ibid. et p. suiy.); — discussion interrompue par une députation de la noblesse (ibid., p. 114).— Répond à l'appel des communes : Lavenue, député des communes de la sénéchaussée de Bazas (ibid.), — Suite de la discussion siir le mode de constitution de l'Assemblée : Targçt, Bergasse, Le Chapelier, Thouret, comte de Mirabeau, Malouet (ibid. et p, suiv.). — Proposition du doyen de faire une visite de condoléance, au nom de l'Assemblée, à la veuve de Liquier, député décédé (16 juin, p. 121); — adoption (i,bid.). Répondent à l'appel des communes : Bertereau, député du clergé de lq. sénéchaussée du Maine, Henrypt, député de communes dq bailliage de Langres, et Théyenot de Marojse, son collègue (ibid.). — Suite de la discussion sur le mode de constitution dp l'Assemblée : Siéyès, Camus, un membre, Robert, Legj-and, Pison du Galland (ibid. et p. suiv.). — Répond à l'appel des Communes : Laurent, député du clergé du Rourbonnais (ibid., p. 122 et suiv.),—- Députation noblesse pour communiquer l'arrêté relatif à la cherté dés grains (ib}dv p. 123); — réponse du doyen (ibid). — Répondent à 1 appel des cofnrçiunes : Çlergel, Lt»pgpré et Rousselot. députés du clergé du bailliage d'Amont en Franche-Comté, Joubert, député dû clergé du bailliage d'Angoulême èt LuCcj,s, dépqté du clergé du diocèse de Tréguier (ibid).— Suite de la di&cu^sion sur le uiPdP constitution de i'Asseipblée : Moupier, pomte de Mirabeau, Siéyè^ (ibid. et p. ^uiv.). — Àdopticu de la iup(ionde Siéyès (17 juin, p. 127); — arrêté coniirmatif de ce \jo;te (ibid.); — on décide qu'une adresse sera envoyée au Roi (ibid,.);—d£Pu" talion de noblesse, pour foire paj*t de difficultés survenue^ w sujet des élections du bailliage d'Auxerre et du D^uphhjé^ (ibid. et p. suiy.); rrr réponse de Pailly (ibid. p. 128) ; — prestation de servent p^r te président et les secrétaires ; (ibid.) ; — formule du serment à prpnoncer par l'Assemblée (ibid.); — prestation de serment pftr l'assemblée (ibid) ; — motion de Target et Le Chapelier concernant les imppls (ibid.); — lettre du Roi (ibid.) ; — commission chargée de rédiger l'adresse au I\pi (ibid.); adpption d'une motion de Guillotin relative à la salle des séances (ibid.)\—projets d'adresse proposés par Le Chapelier Bergasse et Barnave ; — Target propose de les foudre (ibid. etp. suiv.); — adoption de cette motion (\bil.9 p. 13Q)? —r Jpçident concernant l'impression de l'arrêté du ^7 ju^n : Campus, abbé Siéyès, Pison du (}a-land, Guillotin (19 juin, p. 133 et suiv.). — Motiqns de Target tendant à la formation ; 1° d'un comité de vingt membres, chargé de rédiger ce qui s'est passé dans l'Assemblée depuis sa réunion; 2'° de trois comités de vingt membres, auxquels ser^ soumis l'examen des pbjets relatifs à la recelte d^s yéverius publics, à la dépense et % la dette; 3° d'nR comité chaigé de rechercher lès causes de la cherté des grains ; 4° et d'un comité supérieur à tous les autres (ibid. p. 134 et suiv.) ; — Pison du Galand propose de procéder avant tout à la nomination des président et secrétaires et à fo réduction des cahiers (ibid., p. 135); — Bailly pbjecte que ce dernier travail est fait et demande qu'il soit livré à l'impression [ibid.); — il derpande? ew oqtre, que nomination des officiers delà Çhambre soit ajournée jusqu'après la vérification des pouvoirs (ibid/.)-, — adoption (ibid.)', l'ouverture des lettres, et paquets adressés à l'Assemblée est suspendue jusqu après sa cpnstitntion (ibid); — rappel par Mounier des arrêtés déjà pris et concernant les motifs de la conduite de l'Assemblée nationale avant sa copstUutio.n, les grains et les subsistances et les contestations sur les pouvoirs e( jes, élections (ibifi.); — motion d'un députe de Bordeaux relatiye ^ un emprunt de 3 millions , destiné à soulager la mi?ère
du peuple (ibid.); —adoption d'un projet d'arrêté proposé par Target et ordonnant la formation cle trois comités : le premier, pour remédier à la disette ; le second, pour la rédaction des motifs; et le troisième, pour juger les contestations sur les pouvoirs (ibid.) ;— création d'un comité de règlement (ibid. et p. suiv.);— proposition de Barrère tendant à la nomination d'une commission chargée d'examiner les véritables causes de la disette (ibid., p. 136); — renvoi à la commission des subsistances (ibid.); ^ organisation et composition des cqmilés des subsistances, de véri-rification, de rédaction et de règlement (ibid. et p. suiv.). — Protestation du président contre la fermeture de la salle des séances (20 juin, p. 137), — Tenue de la séance dans la salle du Jeu de Paume (ibid,); '— lecture d'une lettre du marquis de Brézé relative à lafermeturejde la salle des séances (ibid. et p. suiv,); — réponse de Bailly (ibid, p. 138); seconde lettre du marquis de Brézé (ibid.) ; — motion de Mounier, appuyée par Target, Le Chapelier et Barnave, et tendant à prêter un serment solennel (ibid.) ; — arrêté pris dans ce sens, sur la proposition de Target, à l'unanimité des voix moins une (ibid.)) — prestation de serment des députés par écrit (ibid.) ; — liste des signataires {ibid. et p. suiv.); — Camus annonce que Martin (d'Auch) a signé opposant (ibid. p. 139); — l'Assemblée décide que cette signature sera conservée pour témoigner de la liberté des opinions (ibid. p. 140); — projet d'adresse au Roi proposé r par Le Chapelier et combattu par Mounier (ibid.);'— autres propositions faites par BarnaVe et Gouy d'Arsy (ibid.) —r* l'Assemblée s'ajourne au surlendemain et arrête qu'après la levée de la séance, si elle a lieu dans la salle nationale, tous les membres y demeureront pour ^continuer leurs délibérations (ibid). — Séance dans l'église de Saint-Louis (22 juin, p. 140); — lecture d'une lettre du duç de Brézé et d'une lettre du Roi, annonçant l'ajournement au 23 dé la séancé royale (ibid. et p. suiv.); — nouvelles adhésions au serment du Jeu de Paume (ibid. p. 141); — Laffon de Ladébat, commissaire d'une partie de la noblesse de Guyenne', demande que la contestation entre les deux députations soit jugée par l'Assemblée nationale (ibid.) ; — renvoi au comité de vérification (ibid.) ; — réception d'une députation chargée par la majorité du clergé d;annoncer sa réunion à l'Assemblée nationale (ibid.) ; — discours de Lubersac, évêque de Chartres, et Réponse de Bailly, président [ibid.); -i- réception des membres du clergé annoncés (ibid.); — discours de Le Franc de Pompignan, archevêque de Vienne, et réponse du président (ibid.) ; — dépôt sur le bureau, par l'archevêque de Vienne, de la liste des membres du clergé qui ont voté la vérification en commun (ibid., p. 142) — discours de l'abbé de Çoulmiers (ibid.);—membres du clergé adjoints au comité de vérification (ibid.); — sur la demande de l'archevêque de Vienne, l'Assemblée décide que communication sera faite aux députés de son ordre du procès-verbal de la vérification des pouvoirs déjà faite (ibid.) ; — Target propose de communiquer au Roi la liste déposée par l'archevêque de Vienne (ibid.); — vœu exprimé par Champion de Cicé, archevêque de Bordeaux (ibid.) ; — convocation des comités de vérification et des subsistances (ibid.); — deux membres de la noblesse du Dauphiné, le marquis de Blacons et le comte Antoirie d'Agoult, prennent séance sur tes bancs dç la noblesse (ibid.).— Baudouin, député-suppléant de la ville de Paris, est nommé imprimeur de l'Assemblée nationale (24 juin, p. 149); — lecture d'une lettre du garde-des-séeaux, et d'une autre du marquis de Brézé, annonçant que, sur le» ordres du Roi, Centrée de la salle des députés du tiers-état sera désormais dans la rue du tiran'd-Çhanlier (ibid); — incident soulevé à l'occasion de la ceinture de troupes entourant le lieu des séances (ibid.) ; — explications données par un officier des gardes de la prévôté de l'hôtel (ibid.); — les marquis de Rostaing et de Gouy-d'Arsy sont chargés, avec Pison du Galland, secrétaire, de prendre des informations (ibid.) ; — motion de Mounier tendant à faire présenter une adresse au Roi pour lui exposer que les représentants de fô nation doivent avoir la police du lieu des séances (ibid.); — plaintes formulées par quelques membres contre \& garde des sceaux et appuyées p$r le çpqate 4$
Mirabeau (ibid,) ; — entrée de cent cinquante et un ecclésiasliqilfes , précédé? çles archevêques de Vienne et de Bordeaux (Le Franc de Pompignan et Champion de Cicé), et des évèques de Cou-tances, Chartres et Rodez (Talaru de Chalma^el, de Lubersac et de Saignelay^-Colbert) (ibid.); — discours de Le Franc de Pompignan (ibid.)— adjonction de l'abbé Dillon aux deux secrétaires (ibid., p. 150) ; —- appel des membres du clergé (ibidk); Bouche dénonce Boisgelin de Crucé, archevêque d'Aix, comme infidèle à son mandat (ibid.); — liste des membres du clergé qui ont répondu à l'appel (ibid. et p. suiv.); -^- lecture de la lettre écrite par Necker à l'Assemblée nationale pour la remercier des marques d'estime qu'il en a remues (ibid., p. 151 et suiv.)« — Présentation de cinq autres membres du clergé (25 juin, p. 152J ; — discours de Tridon, curé de Rougèrés (ibid., p. suiv.); —» de Bottez, curé d& Neuvillé-sur-Ain et de Vallet, curé de Gien (ibid., p. 153) ; —* présentation de deux autres ecclésiastiques, Dumouchel et Perrier (ibid.); — présentation de quarante-sept membres de la noblesse T(ibid*); — discours du comte de Clermont-Tonnerre (ibid.) ; — réponso du président Bailly (ibid. et p. suiv.) ; — appel des membres de la noblesse (ibid., p. 154); — — liste de ceux qui ont répondu à cet appel (ibid.) ; — discours du marquis de Sillery (ibid., p. 154) ; observations du marquis de Toulongeon au sujet d'une contestation relative à la députation du bailliage d'Amont en Franéhe-Comté (ibid.- p. 155); — présentation de dom Estaing, député du clergé du bailliage de Tours (ibid.); — proposition d'une adresse au Roi, pour demander le renvoi des troupes qui environnent la salle des Etats généraux, reprise par Barnave (ibid.) ; — nomination d'une députation chargée d,e l^ porter au Roi (ibid.) \ — le président Bailly, le comte de Clermont-Tonnerre, l'archevêque de Vienne et Pison du Galand annoncent qu'ils ont calmé l'émotion causée dans le peuple par la présence des troupes (ibid. et p. suiv.). — Présentation de du TiUet, évêque d'Orange et de Tal-leyrand-Périgord, évêque d'Autun (26 juin, p. 157) ; *jr du comte de Çréçy, de Saint-Albiu, Dolomieu, Goubert et la Porterie (ibid.); — députation de la commune de Paris (ibid. et p. suiv.) ; — Présentation de LeClerc de Juigné, archevêque de Paris (ibid., p. 159); — députation qualifiée par Mirabeau de dépit-té$ présumés de la partie non réunie de la noblesse (ibid*)i — admissiou sous cette réserve [ibid.) ; — discours de r un deux, le duc de Liancourt (ibid., p. 160) ; — communication d'un arrêté pris la veille par la partie de la noblesse non réunie (ibid.); — réponse (de Bailly, président (Âbid.)j — députation de citoyens de Paris (ibid, et p. suiv.) ; — discours de l'un d'eux, de Mailly fils (ibid,, p. suiv.),; — réponse de Bailly, président, (ibid.x p. 161) ; — présentation de le), Roche-Négly, Chabaut et Veytard, députés du clergé, du comte de Pardieu et du marquis de Bou-ran, député de la noblesse (ibid); — discours du comte de Pardieu (ibid.) ; — incident sur l'insertion au procès-verbal de la délibération de la noblesse : Camus, plusieurs mëmbres, Lanjuinais, Bailly, président (ibid.); — motion cle Le Franc, de Pompignan tendant à faire entrer un ecclésiastique de chaqus généralité dans les comités formés paç les généralités (ibid.) ; — adoption (ibid.) ; — renvoi au comité de vérification d'une/requête des habitants de Versailles demandant pour ce bailliage, une députation directe aux Etats généraux (ibid.) ; — on annonce l'arrivée des membres du clergé et dé la noblesse non réunis (i&id,, p. 165); — discours du comte de Mirabeau (ibid. et p. suiv.); — projet d'adresse de l'Assemblée nationale à ses commettants, présenté par le même (ibid.9 p. 466 et sviv.) ; — arrivée des membres du clergé et de la noblesse non réunis (ibid., p. 168) ; — discours du cardinal de La Rochefoucauld, président du clergé {ibid.); — discours du duc de Luxembourg, président, de la noblesse {ibid, et p. suiv.); — réponse de Bailly, président (t$id.,p. 169); — discours du duc d'Aiguillon {ibid.) ', — discours de Bailly, président [ibid.],
d'aller lui rendre les derniers devoirs (Cl. 8 juin 1789, t. VIII, p. 78), (C. ibid.).
de Lagesse, Lally-Tollendal, Lanjuinais, Démeunier (19 aoûi, p. 457 et suiv.) ; — l'Assemblée décide que le projet de déclaration des droits, discuté dans le sixième bureau, servira de texte pour la discussion (î6id.,p.459) ;— discussion de ce projet : Anson, Target, Démeunier, de Laborde, comte as Virieu, vicomte de Mirabeau, de Volney, Cortois de Balore, abbé Mougins de Roquefort, Pellerin (20 août, p. 461 et suiv.); — adoption du préambule (ibid., p. 463) ; — discussion des premiers articles : d'André, Target, La Luzerne, de Boisgelin, Mousnier (ibid.) ; — aloption des 3 premiers articles (ibid.) ; — discussion des articles 7, 8, 9 et 10 devenus les articles 4 et 5 : Alexandre de La-meth, Camus, Blin, Mougins de Roquefort, Martineau, Duport, La Luzerne, Rhédon, d'André, un membre (■ibid., p. 464); — adoption (ibid.); — discussion de l'article 11 devenu l'article 6 : Barrère de Vieuzac, de Beauharnais, Martineau, Camus, Le Chapelier, Target, de Volney, Pison du Galand, Martineau, Vernier, Mounier, Deschamps, Gouy-d'Arsy, Dolandine, Talleyrand-Périgord, Barnave, Mounier, Lally-Tollendal (21 août, p. 464 et suiv.) ; — adoption (ibid., p. 466);— articles proposés par de Boislandry pour entrer dans la déclaration des droits (ibid., p. 468 et suiv.). —Discussion des articles, 7, 8 et 9 : Target, marquis de Bonnay, Lally-Tollendal, Martineau, comte de Mirabeau, duc du Châtelet, Malouet, Gouy-d'Arsy, comte de Mirabeau, Démeunier, de Boisgelin, d'André, Démeunier (22 août, p. 470 et suiv.); — adoption (ibid.,p. 472); — discussion de l'article 10 : de Bonnal, de Laborde, comte de Mirabeau, abbé d'Eymar, Camus (ibid. et p. suiv.) ; — Pétion de Villeneuve, Maillot, Bouche, abbé d'Eymar, comte de Mirabeau, vicomte de Mirabeau, de Clermont-Lodève, Talleyrand-Périgord, de Castellane, comte de Mirabeau, de Castellane, Rabaud de Saint-Etienne, Gobel (23 août, p. 475 et suiv.) ; — , — adoption (ibid., p. 480) ; — discussion de l'article 11 : duc de Lévis, duc de La Rochefoucauld, Rabaud de Saint-Etienne, Target, Barrère de Vieuzac, Robespierre, un curé du bailliage de Metz, de Machault, Des-montiers de Mérinville, un ecclésiastique, Dupont, Pétion de Villeneuve (24 août, p. 482 et suiv.); — adoption (ibid., p. 483); — discussion des articles 12 et 13 : Gouy-d'Arsy, baron de Marguerites, comte de Mirabeau, prince de Broglie, Target, Bouche, de Laborde, de yirieu, Le Chapelier, Gaultier de Biauzat, Pison du Galand, Gouy-d'Arsy, Le Chapelier, de Boisgelin, Madier de Montjau, Lâlly-Tollendal (ibid., p. 483 et suiv.) ; — discussion de l'article 14 : Duport, Périsse du Luc, Robespierre, un curé(26 août,p.487);— discussion de l'article 15 : de La Ville Le Roux, Périsse du Luc, Alexandre de Lameth, Bouche, Duport, plusieurs membres, comte de Montmorency, Target, Rhédon, dè Boisgelin, Rewbell, Mounier, d'André, de Clermont-Lodève, Mounier, (ibid. et p. suiv.) ,; —
— discussion de l'article 16 : Lally-Tollendal, Le Chapelier, Robespierre, Colbert dé Seignelay (ibid., p. 489); — adoption (ibid.) ; — présentation par Duport d'un article qui devient l'article 17 (ibid.) ; — le comte de Montmorency présente un article concernant la révision de la Constitution (ibid.) ; — la question préalable demandée n'est pas votée (ibid.) ; — sur la proposition de Bouche, la discussion sur les articles à ajouter à la déclaration des droits est renvoyée après la Constitution (27 août, p. 492); — Bouche demande ensuite que, si, dans le cours de la discussion sur la Constitution, quelque article mérite d'être inséré dans la déclaration, il soit soumis à la délibération, lorsque la Constitution sera terminée (ibid.) ; — le président comte de Clermont-Tonnerre répond que l'Assemblée a déjà décidé dans ce sens (ibid,).
Marseille. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 95). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
tionale décide* qu'elle ne les recevra plus passé le 8 juillet et que" les villes, bourgs, municipalités et autres corps de citoyens seront invités à communiquer leurs vœux au comité de? rapports, qui en réfé^ rerg, à l'Assemblée (t. VIII, p. 316).
qui n'envoient pas leurs pouvoirs au comité de vérification (p. 272). Demande* que ce soit la nation qui fournisse le gage de l'emprunt de trente millions (p. 375), — que l'Assemblée nationale décide qu'elle sera renouvelée au mois de mai î790 (p. 618).
de Saint-Quentin. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 98). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 144). —- Donne sa démission d'un prieuré, dans la discussion sur la dime (p. 394).
Sa motion concernant la permanence de l'Assemblée nationale, les qualités des éligibies, le droit de veto et l'unité de Chambre (p. 435 et suiv.). — Amende le projet de préambule de Laborde, pour la Constitution (p. 462).
Eligibles. Motion de Duquesnoy tendant à faire décider qu'elles seront* les qualités des éligibies soit dans l'Assemblée nationale, soit dans les assemblées secondaires (14 août 1789. t. VIII, p. 435 et suiv.).
de Clermont-Tonnerre relative à la signature du pro-ccs-verbal des conférences (p. 64). — Réclame contre le mot Communes appliqué au tiers-état (ibid. et p. suiv.) — Demande que la constitution militaire soit liée à la constitution politique (p. 377). —Parle sur le premiei article du projet relatif au gouvernement monarchique )p. 506). — Demande qu'il soit dressé des listes nominales des députés avec deux colonnes par oui et par non, qu'il soit fait un appel des bailliages et que le premier député de chaque bailliage soit tenu de déclarer la volonté de ses commettants (p. 510). — Propose de ne pas délibérer sur les droits de la maison d'Espagne à l'hérédité de la couronne de France (p. 643).
(t. VÏUf p. 139). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 130).
Foucault-Lardimalie (marquis de), député de la noblesse de la sénéchaussée du Périgord. Demande que Ton établisse une communication de bureau à bureau (t. YIII, p. 332). — Parle contre l'abus des pensions militaires et des traitements*excessifs (p. 346). — Demande l'abolition des mainmortes (p. 355). —Expose que ses cahiers l'empêchent de roter l'emprunt de 30 millions demandé par Necker, mais qu'il est prêt à engager ses commettants pour 600,000 livres, en donnant pour gage sa propre fortune (p. 363).. — Parle pour la gratuité de la justice (p. 396); — contre l'arrêté de la ville de Rennes relatif au veto (p. 607).
des offices, la noblesse transmissible et quelques exemptions pécuniaires, (p, 349).— Parle sur le droit de boage (p. 355). — sur l'article de loi relatif à l'abolition des capitaineries (p. 359), — contre les modifications à l'article sur les dîmes demandées par Clermont-Tonnerre (p. 434). — Expose.le danger de demander au Roi son consentement à la Constitution (p. 611).
(p. 294). Amende le projet de déclaration des droits (p. 465), (p. 471 et suiv.). — S'oppose à l'admission du procureur du Roi de Falaise qui demandait à s'expliquer à la barre (p. 481). — Parle sur la déclaration des droits (p. 483), (p. 484), — sur l'arrestation de François (de Neufchâteau) (p. 485), —en faveur de Saint-Domingue menacée de la famine (p. 554).
(p. 139). — Parle contre la déclaration des droits de l'homme (p. 335).
chaussée de Troyes. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 98). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 141).
Répond à l'appel général (t. VIII, p. 97). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
nisation du Corps législatif, la permanence et la sanction royale (p. 602 et suiv.). — Rappelle l'Assemblée au calme (p. 605) ; — insulté, quitte le fauteuil (ibid.); — renouvelle sa démission par lettre (ibid.). — Demande qu'on ne délibère pas sur la question des droits de la maison régnante en Espagne à l'hérédité de la couronne de France (p. 642).
à Tappel général (t, VIII, p. 92). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
aux décisions de l'Assemblée nationale (p. 1T5 et suiv.).
(p. 91). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 138).
tionné par la fortune des députés (p. 365). — Parle sur la déclaration des droits (p. 482).
de Poitou. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 97). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139;.
ministres dénoncés comme coupables des troubles (ibid.); — se résout à se rendre à Paris (ibid.) ; — écrit à Necker pour lui annoncer son rappel (ibid., p. 245). — L'Assemblée se range tout entière sur son passage, lorsqu'il se rend à Paris (17 juillet, p. 246). — Paroles prononcées par lui à l'adresse des Parisiens (18 juillet, p. 247). — Sa réponse au sujet du vœu de l'Assemblée relatif au crime commis près de Vesoul (ibid., p. 278). — Sa note à l'Assemblée nationale pour lui annoncer une modification ministérielle (4 août, p. 341) ; — est proclamé Restaurateur de la liberté française (ibid., p. 350); — remercie l'Assemblée nationale (13 août, p. 434) ; l'invite à la procession de l'Assomption (14 août, p. 437). — Sa lettre aux armées françaises (17 août. p. 437 et suiv.). — Sa réponse à l'adresse votée à l'occasion de sa fête (26 août, p. 486), — au président Clermont-Tonnerre venant présenter â la sanction royale les arrêtés des 4 août et jours suivants (p. 645).
royaume et dans chaque paroisse des grandes villes, des bureaux de secours et de travail, correspondant à un bureau de répartition qui sera formé clans la capitale de chaque province (p. 339). — Propose de régler la manière dont le gibier sera détruit (p. 558). — Demande que l'Assemblée nationale déclare que les lois seront exécutées; que les officiers donneront main-forte et que le Roi1 continuera la levée des impôts (p. 373).— Parle sur la déclaration des droits, (p. 471). — Propose un amendement à l'article 1er du projet» relatif au gouvernement monarchique (p. 507). — Parle pour la sanction royale (p. 535 et suiv.), — pour les deux chambres (p. 590 et suiv.). — Soutient que les arrêtés du 4 août ne seront exécutoires que quand ils auront été développés (p. 640).
Nantes. Transmet au président de l'Assemblée nationale une adresse d'adhésion de. cette ville (t. VIII, p. 2Q3 et suiv.).
Répond à l'appel général (p. 95).' — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).
trateurs de la caisse d'escompte soient invités à donner des renseignements sur cette caisse (p. 252). — Combat le projet de proclamation de Lally-Tollendal (p. 264). — Parle contre la violation du secret des lettres (p. 274 et suiv.), — pour le ' système de la majorité simple (p. 297 et suiv.), (p. 299 et suiv.), — contre les ordres donnés par la municipalité de Paris pour mettre Bésenval en liberté (p. 311), — contre la la motion tendant à ne plus recevoir de députations et à défendre aux députation^ de remplir leurs de*-voirs de citoyens jians leurs districts (p. 315)5 — S'oppose à ce que l'Assemblée nationale délivre des passe-ports (p. 333). — Ifemande l'ajournement de Ici, discussion sur la question des droits honorifiques (p. 356), — le renvoi de l'affaire La Vauguyon au pouvoir exécutif (p. 357).— Combat un article de loi relatif à la destruction des capitaineries et consacrant un privilège en faveur du Roi (p. 359). — Est d'âyis qiïé les députés1 rie peuvent voter d'emprunt qu'après en avoir demandé l'autorisation à leurs commettants et qu'en attendant, pour subvenir aux besoins de l'Etat, il fa.ut donner l'exeroplç des, contributions volontaires (p. 364) ; — propose dé cautionner sur la fortune particulière des députés l'emprunt dé 30 millions (p. 368 et suiv.) ; — refuse de le voter sans un état des dettes (p. 374 et suivi).-— pemande qu'on né s'qççupç qu'après la cons-tîtution/les lois à faire contre lés émeutes (p. 377).— Parle contre les dîmes (p. 385 et suiv.). — Demande l'ajournement de la question relative droit d'aînesse (p. 399). — Combat la subordination des forces militaires aux forces civiles (p. 433 et suiv.). — Fait un rapport sur la déclaration des droits de l'homme (p. 438 et suiv.); — le défend, (p. 453 et suiv.), (p. 454 et suiy.). — Sa motion tendant à ranimer le crédit national (p. 460 et suiv.). — Parie sur la déclaration des droits (p. 471), (p. 472), (p. 473), (p. 476). — Répond à i'abbé Maury se plaignant de la confusion du pouvoir législatif et du pouvoir exécutif (p. 481). — Parle sur la déclaration des droits (p. 483), — sur l'affaire du procureur du Roi de Falaise (p. 486), pour l'emprunt de 80 millions (p. 498 et suiy.), (p. 499).— Appuie la motion de Robespierre concernant le règlement (p. 5ÔÇ).— Parle sur le premier article du projet relatif au gouvernement monarchique (p. 506). — Demande que l'on traite la question de la permanence (p. 5Q9). — S'oppose à ce que le voie sur la sanction ait lieu, en représentant son mandat avec deux colonnes nominales par oui et par non (ibid. p. 510).-— Appuie l'ajournement de la discussion sur la sanction royale, demandé p£,r Rabaud de Saint-Etienne*(p. 535).% — Parle sur cette sanction (p. 537 et suiv.). t- Demande qu'on pose d'abord la question de permanence (p. 603); —soutient que la permanence implique l'unité de corps législatif (p,. 604). — Demande que l'arrêté de la ville de Rennes, relatif au ve^o, et envoyé à l'A^sembléç, soit retourné à ses auteurs (p. 606 et suiv.). — S'oppose à la lecture du mémoire de Necker relatif à la sanction royale (p. 609); — pose quatre questions au sujet de cette sanction (p. 610); — reconnaît qu'eue est nécessaire (i6ic(.); — présente plusieurs amendements (p. 611);—demande que l'on n^ dise pas qu'elle s'applique aux lois, mais aux actes du pouvoir législatif (ibid.) ; — appuie l'amendement du comte de Virieu relatif à la durée de la législature (p. 618). — Demande qu'on ne tranché pas la question relative à la durée du veto. suspensif, avant que les arrêtés du 4 août soient sanctionnés (p. 636 et suiv.), (p. 639 et suiv.). -- Demande l'ajournement de la question relative aux droits de la maison régnante en Espagne à l'hérédité de la couronne de France (p. 642); — proposé de décréter que nul ne pourra exercer la régence s'il n'ési né en France (p. 643) ;— demande la division de la motion concernant la maison d'Espagne (ibid. p. suiv.)
faits par des Limousins (p. 373). — Parle pour la gratuité de la justice (p. 395), — sur le projet de déclaration des droits (p. 452), (p. 457), (p. 462), (p. 476). — Demande un vote de confiance pour Necker au sujet de l'emprunt de quatre-vingt millions (p. 497 et suiv.). — Fait une motion relative à l'ordre des places dans la salle des séances (p. 554). — Parle contre la permanence et contre le Sénat (p. 573).
renouvellement partiel et les deux Chambres (p. 584 et suiv.).
sence de la mineure partie (p. 109); — défend sa motion (p. 123). —Rappelle à l'Assemblée ses arrêtés concernant les motifs de sa conduite avant sa réunion, les grains et les subsistances et les contestations sur les élections (p. 135). — Sa motion tendant à lier les représentants de la . nation par un serment solennel (p. 138); — signe le serment du Jeu de Paume (ibid.) ; — présente un amendement au projet d'aîresse au Roi proposé par Le Chapelier (p. 140). — Demande que l'Assemblée affirme son droit d'avoir la police du lieu de ses séances (p. 149). — Appuie la motion de Fréteau relative à l'arrestation de quelques gardes-françaises (p. 176). — Secrétaire de l'Assemblée nationale (p. 186). —Parle sur la question relative à la députation de Saint-Domingue (p. 187), (p. 190), — sur la question des subsistances (198). — Fait un rapport sur la distribution des matières constitutionnelles (p. 214 et suiv.) — Sa motion tendant au rappel de Necker et des autres minisires (p. 223 et suiv.). — Parle sur la formation d'un comité chargé d'un plan de Constitution (p. 231). — Rend compte de la mission remplie par la députation envoyée â Paris (p. 238 et suiv.) — Combat la confusion des pouvoirs exécutif et législatif (p. 242), (p. 243).—Appuie Je projet de proclamation de Lally-Tollendal (p. 264). — Parle contre l'arrestation de l'abbé Maury à Péronne (p. 280). —Présenté, au nom du comité de Constitution, un projet contenant les premiers articles de la Constitution (p. 285 et suiv.). — Blâme les arrestations opérées par les villes et les particuliers) p. 311). — S'oppose à ce que la durée des discours soit limitée à cinq minutes (p. 332). — Parle pour la déclaration des droits de l'homme (p. 335),—contre l'abolition des redevances et prestations pécuniaires (p. 355 et suiv.). —? Appuie l'avis de Pétion concernant l'emprunt de trente millions {p. 375).— Demande que les lois contre les émeutes ne soient faites qu'après la Constitution (p. 377). — Ses considérations sur les gouvernements et principalement celui qui convient à la France (p. 407 et suiv.). — Présente un amendement aux trois premiers articles de la déclaration des droits (p. 463) ;— demande une rédaction plus précise de l'article 6 (p. 465), (p. 466);—présente unjamendement aux articles 15 et 16 (p. 488 et suiv.). — Demande que l'on consolide avant tout le corps législatif (p. 492). — Dépose, au nom du comité de Constitution, un projet relatif au gouvernement monarchique (p. 504) ; — répond à une objection de Grégoire (p. 504);—défend le premier article du projet relatif au gouvernement monarchique (p. 506).— Parle pour la sanction (p. 510), — pour la motion de Clermont-Tonnerre relative aux troubles du Palais-Royal (p. 513). -r- Fait un rapport sur les parties du projet du chapitre deuxième de la Constitution, relatives aux principes du gouvernement français, aux formes des élections, à la formation du Sénat et à la formation des lois (p. 522 et suiv.) ; — expose les motifs de divers articles du plan de corpe législatif et principalement.de ceux relatifs â la sanction royale (p. 554 et suiv.); — défend le veto (p. 585 et suiv.). — S'oppose à la lecture du mémoire de Necker sur la sanction royale (p. 610) ; — —- soutient que le Roi n'a pas de consentement à donner à la Constitution (p. 611).
Signe le serment du Jeu de Paume (p. 138). — Parle sur la question relative à la députation de Saint-Domingue (p. 189), — sur l'approvisionnement de cette colonie (p. 554).
délibération : comte d'Antraigues (11 mai, p. 32 et suiv.). — Dissidents du Dauphiné (ibid., p. 34).— Nomination de commissaires pour se concerter avec les deux autres ordres (12 mai, p. 34). — Nomination d'une commission de douze membres pour assister au service de Louis XV (ibid.), — Communication faite par le baron de Batz du refus du comte d'Artois d'accepter le mandat de député (14 mai, p. 37) ; — la Chambre arrête que, n'étant pas officiellement avisée, il n'y a pas lieu à délibérer (ibid.) ; — lettre du comte d'Artois (15 mai, p. 38) ; — arrêté pris par la Chambre (ibid.) ; — réponse du prince (ibid.). — Protestation de la noblesse de l'Artois entrant aux Etats contre l'élection faite dans les bailliages par toute la noblesse de cette province (16 mai, p. 41). — Annulation de l'élection de la ville de Metz (ibid.). — Opposition formée par de Sabran, de Masenod et de Sadfc, députés des seigneurs de fiefs de Provence, à l'admission des députés de Ja noblesse de cette province (18 mai, p. 41). — Nomination de commissaires chargés de conférer avec les deux autres ordres sur les moyens de conciliation (19 mai, p. 43 et suiv.)4 — Nomination de sept commissaires pour travailler à un projet dérèglement dè police intérieure (20 mai i p. 44). — Le président (de Montboissier) est autorisé à demander au Roi une nouvelle convocation pour Metz (22 mai p. 44). — Proposition de d'Antraigues tendant à annoncer au tiers-état la renonciation de la noblesse à ses privilèges pécuniaires (22 mai, p. 44); arrêté qui charge les commissaires de la noblesse d'annoncer à ceux du tiers-état qu'elle est résolue d'arrêter cette renonciation^ après que chaque ordre aura pu établir les principes constitutionnels sur une base solide (ibid). — Rapport fait par de Bouthillier et d'Antraigues sur les conférences (26 mai, p. 49; — arrêté fconservant la vérification séparée des pouvoirs pour la tenue actuelle des Etats-^généraux et réservant l'avenir (ibid.). — Motion de Bouthillier tendant à faire déclarer constitutionnels la division des ordres et leurs veto respectifs (28 mai, p. 52) ; — discussion : comte d'Antraigues, Cazalès (ibid. et *p. sUiv.); — adoption (ibid. p. 54); — communication d'une lettre du Roi rècommandant dé nouvelles conférences (ibid. — protestation du comte de Crillon en faveur de la réunion des ordres et du vote par tête (ibid., p. 55); — députation du clergé au sujet de la lettre du Roi (ibid.); — décision conforme au désir exprimé par ce dernier (ibid,.). — Députation envoyée au Roi (29 mai, p; 56); — réponse du Roi (ibid.)i — Motion de Lally-Tollendal en faveur de la délibération par ordre (ibid. et p. suiv.); — proposition du baron d'Allarde de communiquer au clergé l'âtrêté relatif à la vôtatiofi par ordrè (ï6fd.,.p. 58).—- Rapport des commissaires conciliateurs (3 juin, p. 64) ; — discussion sur la question de savoir s'ils pourront signer le procès-verbal : Clermoiit-Tonnerre, d'Epréménil (ibid.)— adoption de l'affirmative, sôùs la condition que la qualification de communes lie sera pas donnée au tiers-état (ibid.). — Adoption d'une motion du duc du Châtelet relative à la mort du Dauphin (4 juin, p. 66); — rapport des commissaires conciliateurs sur la conférence du 3 juin (ibid.),', — annulation d'une des deux députations d'Amorti; (ïbid.).m— Nomination de quatre commissaires, — Rédacteurs (5 juin, p. 69); — rapport par de Boiithillibr sur là conférence du 4 juin (ibid.} ; — lecturé^faite par d'Antraigues de la proposition des commissaires du Roi (ibid.) ; — adoption résolue sauf amendements (ibid.) — Arrêté y relatif (è juin, p. 12 ët suiV.); — députations du clergé, annonçant l'une l'acceptation des propositiôhs faites par les commissaires du . Roi, et l'àutré la délibération concernant là cherté des grains (ibid. p. 73); discours du comte de Lâlly-Tollendal sùr le dernier point (ibid.); — nouvelles réclamations de d'Epréménil, au sujet du mot Communes, appliqué jiu tiers-état (ibid.. -et p.t suiv-). — Ëxameti d'élettions çontestees et particulièrement de là députation du Dauphiné juin, p. 78). — Contestation y relative, combattu*? par Lally-Tollendal (é juin, p. 81) ; — renvoi aux commissaires-conciliateurs Hbià. p. 83). — Discussion sur le règlemehi; (10 juin, p. 84) ; — fixation de la durée aë la présidence à deux mois libidj; — limitation du nombre dès sçcretâires à cinq (ibid.). — Députation u»s communes (12 juih, jp. 87); ;— nomination d'un président et d'un vice-président (ibid)'; — 'envoi d'uri^ députation chàrgée d'annoncer aux conimunés Qu'une nouvelle délibération aura lieu sur l'inviVatiôn âiatesèéé à la noblesse (îbid.) ; — dis-sion : Lally-Tollendal (13 juin, p. 93 et suiv.); — arrêté confirmàtif du principe de là vérification des pouvoirs pàr ordre (ibid. p. 94) ; — envoi d'une députation à cet effet aux deux autres ordres et au Roi (15 juin, p. 107); — discours de Lally-Tollendal (ibid.). t—Incident soulevé à propos de là réception faite à la députation par le Roi (16 juin, p. 120); — arrêté pris au sûjélt dë là proposition du clergé, relatif à la chérté des grains (ibid*) ; — envoi d*une députation pour lé communiquer aux deux ordres (ibid., p. 121). — Distribution de là Chambre en bureaux pour s'occuper de la Constitution du royaume (17 juin, p. 126 et suiv.); — réponse du Roi à la députation relative à la vérification des pouvoirs (ibid. p.. 127) ; — adresse au Roi à propos de cette réponse (Ï9 juin, p. 133); — protestation cle la minorité contre certains passages (ibid,). — Députation reçue par le Roi V discours du duc de Luxembourg, président, et réponse du Roi (21 juin* p. 140). — Lecture d'une lettre de la minorité annonçant sà réunion aux communes (24 juin, p. 147 et suiv.): — discours de Làlly-Tollendal tendant àU même but (ibid. p 148 et suiv.). —Arrêté relatif à là seconde Déclaration du Roi et aux mandats impératifs (25 juin, p. 152). — Léttre du Roi au jprésident, le duc de Luxembourgr pour engager l'ordre du clergé à se réuhir aux deux autres (2Ï Juin, p. 162 et suiv.) ; — décision prise en conformité de cette lettre, malgré une protestation de 45 membres (ibid. p. 16â). — Déclaration de la portion delà noblesse dîtè majorité dè la noblesse et qui, après la séance de l'Assemblée nationale, se réunissait dans dés comités particuliers (t juillet, p. 205 et suiv.).
Luzerne(ibid.\ p*. 513); — Discussion : Clermont-Tonnerre, Goupil de Préfeln, duc de Liancourt, Duport, Mounier, Muguet de Nanthou, Clermont-Tonnerre, Chasset, un membre de la noblesse, Target (ibid.); — la Chambre décide qu'il n'y a lieu à délibérer (p. 514).
une motion tendant à ce que, dans toute discussion, les six orateurs inscrits pour et les six orateurs inscrits contre puissent se faire entendre (p. 481 et suivi). — Parle sur la déclaration des droits (p. 487).
(t. VIII, p. 96). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 141).
— Parle sur la question relative à la députation de Saint-Domingue (p. 187), (p. 190). — Est d'avis que le plan de la Constitution se fasse par bureaux (p. 231). — Propose que, passé le 8 juillet (1789), il ne soit plus reçu de députations et que les villes, bourgs, municipalités et corporations transmettent leurs vœux par des mémoires (p. 315) ; —• demande que cette transmission ait lieu par l'intermédiaire du comité des rapports (p. 316). — Amende l'article relatif à l'abolition des justices seijgneuriales (p. 364), (p. 365). — Propose de former un comité de trente-quatre membres chargé de la liquidation des droits féodaux et des rentes foncières (ibid., p. 400). — Parle sur la déclaration des droits (p. 465), (p. 484), — sur le premier article du projet relatif au gouvernement monarchique (p. 506).
Répond à l'appel général (t. VIII, p. 96). — Signe le serment, du Jeu de Paume (p. 139).
tionale et qu'il a voté par tête depuis la réunion des ordres (t. VIII, p. 275).
Arrêté de l'Assemblée nationale qui fike le nombre des bureaux à trente, et le nombre des membres de chacun d'eux à quarante (2 juillet, p. 181); — les bureaux devront être réorganisés tous les mois (ibid.) — président élu pour quinze jours, et les secrétaires, au nombre de six, élus pour un mois (3 juillet, p. 184).
Lecture, par Rabaud de Saint-Etienne, de la nouvelle rédaction du règlement (28 juillet, p. 297) ; — Bouche propose de nommer une commission à l'effet de modifier les articles contestés (ibid.); — discussion de l'article fixant la majorité des suffrages à la moitié plus un : Demeunier, Target, de Toulongeon, Lanjuinais, Fréteau, comte de Mirabeau, de Lubersac, Lally-Tollendal, de Bousmard, de Boufflers, de Lubersac, comte de Mirabeau, Target, de Boisgelin, duc de Mor-temart, comte de Mirabeau (ibid., et p, suiv.); -— adoption du projet de règlement, dont le chapitre IV, article 18, consacre le principe de la majorité simple [ibid., p. 300 et suiv.).
Combat la motion de Mirabeau tendant à faire décréter que-- la permanence implique l'unité du Corps législatif (p. 604).
à la lettre les cahiers, au sujet de la Constitution à établir (p. 509 et suiv.). — Secrétaire tp. 512).
Bazas. Répond à l'appel général (t. VIII, p. 90)- — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 141).
Secrétaires de l'Assemblée nationale :
Grégoire (Abbé), Mounier,
Lally-Tollendal (Comte de), Le Chapelier, Sieyès (Abbé),
Clermont-Tonnerre (Comte de),
Lally-Tollendal» Siéyès (Abbé), Le Chapelier, Fréteau,
Montesquiou (Abbé de), Grégoire,
Siéyès (Abbé), Lally-Tollendal, Fréteau,
Montesquiou (Abbé de), Pétion de Villeneuve, Emmery,
Talleyrand-Périgord, Montmorency (Comte de), Barmond (Abbé de),
Rhédon, Deschamps, Longuêve (Henri de),
Eymar (Abbé d'), Démeunier,
Mirabeau (Vicomte de),
3 juillet 1789
18 juillet.
3 août
18 aout. 31 août. 14 septembre.
(p. 898 et suiv.), —sur les droits de la maison d'Espagne à l'hérédité de la couronne de France (p. 643).
(ibid.). — Parle sur l'article du règlement des communes relatif à la formation des bureaux (p. 78). — Demande que le mot d'invitation soit substitué à celui de sommation dans la motion' dë Sieyès (p. 85 et suiv.)..— Répond à l'appel général (p. 96). — Fait le rapport sur les élections vérifiées dans le douzième bureau (p. 103 et suiv.). — Propose de renvoyer au bureau 1 examen des motions relatives à la constitution des communes (p. 114). — Sa motion concernant les impôts (p. 128 et suiv.). — Ses motions tendant: 1° à cè qu'il soit établi un comité de vingt membres, chargé de rédiger ce qui s'est passé dans l'Assemblée depuis sa réunion; 2° à .ce qu'il soit procédé à la formation de trois comités de vingt membres, auxquels sera soumis l'examen des objets relatifs à la recette des revenus publics, à la dépense et à la dette; 3° à ce qu'il soit formé, en exécution de" rarrete au 17 juin 1789, un comité chargé de rechercher causes de la cherté des grains; 4*> à ce qu'il soit établi un comité supérieur à tous les autres (p. 134 et suiv.) ; — les réduit à la formation de trois comités : comité de subsistances, comité de vérification et comité de rédaction (p. 135). —Propose un arrêté prescrivant aux députés de se lier par un serment solennel (p. 138). — Signe le serment du Jeu de Paume (p. 139).— Demande que l'Assemblée se prononce sur le mandat impératif (p. 158). — Parle sur la question relative à la dépuiàtion de Saint-Domingue \p. 165),: — en faveur des noirs (ibid.),— contre la protestation des députés du clergé et de la noblesse lors de la remise de leurs pouvoirs (p. 173), — sur les troubles survenus dans Paris à la suite de l'arrestation de quelques gardes-françaises (p. 176). — Exprime l'opinion du vingt-quatrième bureau sur la question des subsistances (p. 198).— Appuie la motion relative au renvoi des troupes (p. 210). — Exprime l'opinion de son bureau sur la formation d'un comité des finances (p. 220). #— Appuie la motion de Mounier tendant au rappel de Necker et des autres ministres renvoyés (p. '224). — Présente au comité de constitution un projet cle déclaration des droils de l'homme èn société (p. 288 et suiv.). —Parle contre le système de la majorité graduée des suffrages (p. 297),(299).—Sainotion au sujet de l'arrestation de Bézenval (p. 310). — De- , mande qu'il y ait une déclaration des droits de l'homme (p. 320 et suiv ). — Demande qu'au lieu de limiter la durée des discours on fixe à dix le nombre des. orateurs à entepdre,(p. 332). —Présente, au nom du comité de rédaction, un projet d'arrêté relatif à la sûreté du royaume (p. 343). —Parle pour le projet d'arrêté du 4 août (p. r 355) ; — propose un arrêté concernant les servitudes et droits féodajix (ibid. ) ; — adhère au projet d'arrêté dé Duport (tind.). — Demande la destruction des pigeons (p. 357), — une délibération spéciale pour le port d'armes (p. 359). — Lit un projet de décret pour le rétablissement de la tranquillité publique et la formule du serment pour les troupes (p. 376)., — Pose une question au sujet du remboursement dés dîmes (p. 382). — Parle contre la vénalité de la justice (p. 395 et suiv.). ■— Lit un projet d'adresse au Roi (p. 399). — Parle sur le projet de déclaration des droits (p. 461 et suiv.), (p. 463), (p. 466), (p. 470 et suivantes), (p. 482), (p. 483), (p. 488), — sur l'article premier du projet relatif au gouvernement monarchique (p. 506), — sur la motion de Clermont-Tonnerre relative aux troublés du Palais-Royal (p. 514). — Demande qu'on puisse traiter à la fois les questions de permanence des deux Chambres et de veto (p. 535). — Parle contre les assemblées annuelles défendues, par le comte de Mirabeau (p. 547); —sur la sanction royale^ (p. 551), (p. 565)', (p. 603). — S'oppose à la lecture du mémoire de Necker sur la sanction royale (p. 609),, — la limitation du mandat de l'Assemblée nationale (p. 618).— Demande que l'on fasse publier les, arrêtés du 4 août (p. 619) ; -4- soutient qu'ils peuvent se passer de la sanction (p. 640). — Demande que l'Assemblée ne délibère pas sur les droits de la maison d'Espagne à l'hérédité de la'; couronne de France (p. 642)*; — amende une motion y relative (p. 644),
serment du Jeu de Paume (t. VIII, p. 139). •
Traitement des députés a l'Assemblée nationale (12, août 1789, t. VIII, p. 399). 0
1° Des sénéchaussées d'Anjou, d'Annonay, delà ville d'Arles et d'Armagnac; de la province u'Artois; de la sénéchaussée d'Auch ; des bailliages d'Autun et d'Auxerre ; rappqrt par Buzot (13 juin 1789, t, VIII, p. 102) ; validation (ibid.) ;
2° Des bailliages d'Auxois, d'Aval en Franche-Comté, d'Avesnes, de Bailleul, de Bar-le-Duc et de Bar-sur-Seine; des sénéchaussées de la Basse-Marche, de Bazas et du Beaujolais ; rapport par Couppé [ibid.); — validation (ibid.);
3° Des bailliages du Berry et de Besançon; des sénéchaussées de Béziers, de Bigorre, de Bordeaux et-de Boulogne-sur-Mer; rapport par Blin (ibid.) ; — validation (ibid.);
4° De la sénéchaussée de Castres, des bailliages de Caux, de Châlon-sur-Saône, de Chartres, de Charol-les, de Châteauneuf-en-Thimerais, de Château-Thierry et de Chàtellerault; rapport par Guillotin (ibid.); — validation, à l'exception des élections des députés de la sénéchaussée de Castres, de Cherfils, député de Caux et des députés du bailliage de Châtellerciult (ibid.);
5° Des bailliages de Chatillon-sur-Seine, de Chau-mont-en-Vexin,âe Clermont-en-Beauvoisis et de Col-mar; de Comminges et Nébouzan; de la sénéchaussée de Condom et du bailliage de Coutances; rapport par Vernier (ibid. et p. suiv.); — validation (ibid., p. 103);
6° Du bailliage de Crépy en Valois; du Dauphiné; de la sénéchaussée de Dax; des bailliages de Dijon, de Dole et de Dourdan et de la sénéchaussée de Draguignan ; rapport par Palasne de Champeaux (ibid.) ; — validation (ibid.) ;
•f° Des bailliages d'Etampes et d'Evreux; de la sé-nechaussée de Forcalquier; du bailliage dm Forez; de la sénéchaussée de Fougères; du pays de Gex; de la sénéchaussée de Guéret ; des bailliages de Gien et de Hagueneau; rapport par Démeunier (ibid.); — validation (ibid.);
8° Des sénéchaussées de Lesneven et de Libourne ; du bailliage de Lille; des sénéchaussées de Limoges et de Limoux; de la ville de Lyon; du bailliage d'Hennebond; rapport par Delattre (ibid.); — validation (ibid.);
9° Des sénéchaussées de Lyon, de Mâcon et du Maine; du bailliage de Mantes et de Meulan; des Marches communes de Bretagne et de Poitou; des sénéchaussées et bailliages de Marseille, de Meaux, deMelunet de Mende ; rapport par delà Jacqueminière (ibid.); — validation (ibid.);
10° Des bailliages, sénéchaussées et villes de Metz, Mirecourt, Montargis , Mont-de-Marsan , Montfort-l'Amaury, Montpellier et Montreuil-sur-Mer ; rapport par Target (14 juin, p. 103); —validation, à l'exception de l'élection de Maujean, député de Metz (ibid., p. 104);
11° Des bailliages et sénéchaussées de Morlaix et Lannion, Moulins, Nancy, Nantes, Nemours, Nîmes et Beaucairë, Nivernais et Donziois, et de la principauté d'Orange; rapport par Bothée (ibid.); — validation (ibid.) ;
12° Du bailliage d'Orléans; dé la sénéchaussée de Pamiers; de la prévôté et vicomté de Paris; des bailliages et sénéchaussées du Perche, du Périgord, de Péronne, Roye et Montdidier ; de la viguerie de Perpignan ; rapport par Vaillant (ibid.)\—validation, à l'exception des élections du Périgord (ibid.) ;
13° Des bailliages et sénéchaussées de Ploërmel, du Poitou (clergé et communes), de Ponthieu, de Provins, du Puy-en-Velay, du Quercy, de Quimper et de Reims; rapport par Chapelier (ibid. et p. suiv.); — validation, à l'exception des élections du Quercy (ibid., p. 105);
14° Des bailliages, sénéchaussées, pays ou jugeries et villes de Rennes, Rhodès, Riom, Rivière-Verdun. Gaure, Léonac et Marestaing, La Rochelle, Rouen, Saint-Jean d'Angély, et Saint-Brieuc ; rapport par Goupil de Préfeln (ibid.); — validation à l'exception de l'élection de Malouet nommé à Riom par acclamation, et de celles de La Rochelle, comprenant un député de plus que le nombre réglementaire (ibid.);
15° Des bailliages et sénéchaussées de Saintes, Saint-Flour, Saint-Pierre-le-Moutier, Saint-Quentin, Sarreguemines, Saumur, Sedan et Senlis; rapport par Laborde de Méréville (ibid.) ; — validation, à l'exception dès élections de Sedan (ibid.);
16° Des bailliages, sénéchaussées et villes de Sens et Villeneuve-le-Roi, Sézanne, Soissons, Strasbourg, Toul et Vie, Toulon, Toulouse et Touraine; rapport par Enjubault de Laroche (ibid.); — validation, à l'exception de l'élection de Ricard de Séalt, député suppléant de la sénéchaussée de Toulon (ibid.) ;
17° Des bailliages, sénéchaussées et villes de Trévoux, Troyes, Labour séant à Ustaritz, Valenciennes, Vannes, Auray, Rhuys, Vendôme, Verdun et Vermàndois; rapport par Jouye des Roches (ibid. et p. suiv.) ; — validation [ibid., p. 106);
18° De? bailliages et sénéchaussées de Villefranche en Rouergue, de Villeneuve-de-Berg, Villers-Cotterets et Vitry-le-Français ; et de la colonie de Saint-Domingue; rapport par Redon (ibid.); — validation, à l'exception des élections de Saint-Domingue (ibid.);
19° Des bailliages et sénéchaussées d'Agen, d'Aix, de Nérac et Tartas dans le duché d'Albret, d'Alençon, des dix villes ci-devant impériales d'Alsace, d'Amiens et Ham, d'Amont en Franche-Comté et d'Angoulême ; rapport par Desmazière (ibid.);— validation (ibid.) ;
20° Des bailliages et sénéchaussées de Bourg-en-Bresse, de Brest, de Bugey et Valromey, de Caen, de Calais et Ardres, du Cambrésis, de Carcassonne, de Carhaix et de Castelnaudary; rapport par Dupont (de'Nemours) (ibid.). — Validation à l'exception des élections de Bourg-en-Bresse (ibid.).
21° De Besse, député du clergé du bailliage d'Avesnes ; de Grégoire, député du clergé du bailliage de Nancy; de Dillon, député du clergé de la sénéchaussée de Poitiers ; de Badineau, député du clergé du bail-
liage de Vendôme; de Marollés, député dn bailliage de Saint-Quenlin ; rapport par Desmazière (ibid.), p, 120). — validation (ibid ).
22° De Bertereau, député du clergé de la sénéchaussée du Maine; rapport par Enjubault -de Laroche (16 juin, p. 120);
23° Des députés de Bourg-en-Bresse; — rapport par Viguier (19 juin, p. 137); — validation (ibid.}.
24° DeJoubert, député du clergé du bailliage d'An-goulême ; de Joyeux, député du clergé de la sénéchaussée de Chàtellerault ; d'Aury et de Laurent, députés du clergé de la sénéchaussée de Moulins en Bourbonnais; de Boyer, de Bonnefoy, de la Bastide et de Brignon, députés du clergé de la sénéchaussée de Riom; de Julien, Lucas et Delaunay, députés du clergé du diocèse de Tréguier ; des députés des communes de Langres "et de Tulle ; rapport par Bouchotte (24 juin, p. 151); — validation, à l'exception des élections clergé de Moulins et avec la réserve de prendre en considération la protestation de partie du clergé de Bretagne et celle de la noblesse de cette province (ibidï).
25° De seize membres de la noblesse (25 juin, p. 155); — validation (ibid.).
26° Des députés de Castelmoron-d'Albr.et, de Besançon, de Saint-Pierre-le-Moutier, de la ville de Lyon, d'un député de la sénéchaussée de Toulon (Ricard) et de quatre-vingt-dix-neuf membres du clergé; rapports par Grégoire, Bouchotte, Garat l'aîné et Tronchet (ibid., p. 156); — validation (ibid.);
27° De Cousin, Guédan, Bottez, Perrier, Vallet, Tridon, Blandin, Deletttfe, députés du clergé; du vicomte de Toulongeon, du comte de Crillon, du vicomte de Desandrouin, du duc d'Orléans, du marquis de Biancourt, du comte de Montmorency, du chevalier de Maulette, du comte de Lally-Tollendal et du marquis de Latour-Maubourg^; rapport par Bouchotte (26 juin, p. 158); —validation (ibid.).
28° De Coulmiers, député du clergé de la prévôté et vicomté de Paris; rapport par Thihault (ibid., p. 159);
29° De Dumouchel, député du clergé ; de Dionis du Séjour, des comtes de Rochechouart et Clermont-Tonnerre, de d'Aguesseau, du vicomte de Beauharnais et du marquis de Sillery, députés de la noblesse; rapport par Bluget (ibid.); -— validation [ibid.);
30° Des députés du clergé et delà noblesse du Dauphiné; rapport par Hébrart (ibid.); —- validaîion (ibid.).
31° De l'archevêque de Paris, de l'évêque d'Orange, de Mayet, de Goubert, de la Roche-Négly, de Cha-baud et de l'évêque d'Autun, députés du clergé ; de Nompère de Champagny, de Prez de Crassier et de Crécy, députés de la noblesse, rapport par Bluget (27 juin, p. 163 et suiv.) ; — validation (ibid., p. 164);
32° De Veytard, député du clergé» et du comte de Pardieu, député de la noblesse ; rapport par un des secrétaires (ibid.) ; — validation (ibid.);
33° Des députés de Saint-Domingue; rapport par Prieur (ibid.) ; — ajournement de la décision (ibid., p. 164).
34° De quatre-vingt-douze députés du clergé et de cent vingt-deux députés de la noblesse ; rapports par Champion de Cicé, duc d'Aiguillon, Thibault, Malhias et David (l*e juillet, p. 178 et suiv.); validation (ibid., p. 180) ;
35° De quatre députés du clergé et de vingt-sept députés de la noblesse ; rapport par Mathias (2 juillet, p. 183 et suiv.); —validation.(ibid., p. 184);
36° Du matquis de Cairon, de de Bouville et du marquis de Thiboutot ; rapport (3 juillet, p. 186) ; — validation (ibid.) ; *
37° De Courtois de Balore, de Béthizy de Mézières, de Papin, de la Fare, de Royer, députés du clergé ; de Clapiers, du marquis de Guilhem-Clermont-Lodève, députés de la noblesse, et de Gontier de Biran, Four-nier de la Charmie, Loys et Paulhiac, députés des communes; rapport par Hébrard (6 juillet, p. 194); — validation [ibid.) ; 7
38° D'Amont en Franche-Comté; rapport par Tronchet (9 juillet, p. 211 et suiv.); — validation de la première des deux députations (ibid*, p. 212) ;
39o De la noblesse de Metz ; — rapport (10 juillet, p. 218) ; h— annulation (ibid.) ;
40° Des deux députations de la noblesse de Bor-
deaux; rapport [ibid.) ; — validation de la première (ibid.); i . # ,[''
41° De Malouet ; rapport par Goupil de Préfeln (ibid.) ; — validation (ibid., p. 219);
42 Des évêques de Tournay et d'Ypres; rapport (14 juillet, p. 231) ; — annulation (20 juillet, p. 251);
43° Du marquis de Bonnay, député de la. noblesse du bailliage de Nivernais et Donziois; rapport (21 juillet, p. 255) ; — validation (ibid.)
44° Du cardinal de Rohan, député du clergé des bailliages de Hagueneau et Wissembourg ; rapport par l'abbé Gouttes (24 juillet, p. 268 et suiv.); — validation (ibid., p. 272);
45° De la Bretagne; rapport par Hébrard (ibid.9 p. 271); — admission des députés des communes et dç ceux du clergé déjà nommés (ibid.f p. 272);
46° Des députés du Roussillon ; rapport par Gauthier (ibid., p. 273); — validation (ibid ) ;
47° Du marquis de Saint-Simon et du comte de Culant, députés d'Angoulême; rapport (ibid.); — validation (ibid.);
48° De Livré, député de la sénéchaussée du Maine (25 juillet, p. 275); — validation (ibid.) ;
49° Des députés du clergé du Béarn ; rapport par Barrère de Vieuzac (ibid.); — validation (ibid );
50° Des secondes députations du pays d'Aunis et de la ville de Montpellier ; rapport par Salomon (ibid.); — invalidation (ibid );
51° Du bailliage du Quesnoy; rapport par Grelet de Beauregard (ibid., p. 277); — l'Assemblée décide que les deux derniers députés nommés ne' seront point admis (ibid.);
52° De Marsay, député du clergé du bailliage de Loudun; de Le Mulier de Bressey et comte ' de Lévis, députés de la noblesse du bailliage de Dijon; du comte de Mirepoix, député de la noblesse de Paris intrà muros ; de Blandin et Mouliè , députés du clergé du bailliage d'Orléans ; des comtes d'Helmstatt et de Gomer, députés de la noblesse du bailliage de Sarreguemines ; de la Bois-sière et Leyris-Desponchez, députés du clergé du Roussillon; de de Digoine, député de là noblesse du bailliage d'Autun; de Duval d'Epréménil, duc de Castres, président d'Ormesson et bailly de Crussol, députés de la noblesse de Paris cxtr à-mur os; de Garon de la Bevière, Cardon et baron de Sandrans, députés de la noblesse du bailliage de Bourg-en-Bresse; du comte de Monlcalm-Gozon, et du marquis de Ba-dens, députés de la noblesse de la sénéchaussée de Carcassonne ; de de Nicolaï, Ayrolles et Leymarie, députés du clergé du Quercy ; du duc de Biron, marquis de La Valette-Parisot et comte de Plas-de-Tane, députés de la noblesse du Quercy ; du baron d'Allarde, député de la noblesse du bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier ; du marquis d'Estourmel, député de la noblesse du Cambrésis ; du marquis de Pleurre, député de la noblesse du bailliage de Sézanne; de du Buisson, Douzon, Destutt de Tracy et Coiffier, baron de Breuil, députés de la sénéchaussée de Moulins; rapport (28 juillet, p. 290);
53° De Salicel et Colonna-de-Césari, députés des communes de la Corse; de Deperetti de la Rocca, député du clergé de la Corse; de Dupuch de Mont-breton, député de la noblesse de la sénéchaussée de Libourne; de l'abbé Chapt de Rastignac, député du clergé du bailliage d'Orléans ; rapport par Grelet de Beauregard (ibid. p. 291) ; — validation (ibid.) ;
54° De Demandre, député du clergé de Besançon, en remplacement de Millot, décédé (l«r août, p. 314) ; — validation (ibid.),
55° Du marquis Duhart, député de la noblesse du pays de Soulle (4 août, p. 339); — rapport (ibid.); — validation (ibid.) ;
« 56° De Delettre, député du clergé du Soissonnais ; du baron de Luppé, député de la noblesse de la sénéchaussée d'Auch ; de Lemoine de Belle-Isle, député de la noblesse du bailliage de Chaumont en Vexin ; du marquis d'Angosse, député de la noblesse de la sénéchaussée d'Armagnac ; de de Sassenay et de Va-rennes, députés de la noblesse du bailliage de Chalon-sur-Saône; du duc de Çaylus, des barons d'Au-rillac et de Rochebrune, députés de la noblesse du bailliage de Saint-Flour ; du comte de Roys, député de la noblesse du pays de Soulle ; de Le Carpentier
de CHaiTloiier K do Vrigny, ' députés de la noblesse du bailliage d'Alençon (5 août, p. 351) ; — rapport (ibid.) ; — validation (ibid.)';
56° Des députés des communes du pays dfe Soulle et du marquis de Rochefort, député de la sénéchaussée de M ont-de-Marsan (13 août, p. 432); — rapport (ibid.); — validation (ibid.) ; • 1
57° Des députés de la noblesse d'Auray (14 août, p. 437) ; — rapport (ibid.).; — validation(ibid.) ;
58° Du Cousérans; rapport (19 août, p. 459); — validation (ibid.);
59° De Faye dje Villeloutreix, député du clergé du pays de Soulle; rapport (22 août, p. 474);— validation (ibid. ) ;
60° De Nau de Belle-Isle et Peyruchaud, députés des communes de la sénéchaussée de Castelmorôn ; rapport (24 août, p. 481); — validation (ibid.f;
61° D'Expilly, recteur de Saint-Martin de Morlaix et do m Verguet, prieur de l'abbaye de Bellecq, vicaire général de l'ordre de Citèaux, députés du clergé de Léon en Bretagne; de NoJff, curé de Saint-Pierre de Lille en Flandre, député du bailliage de Lille, à la place de l'étéque de ToUrnay et de Huot de Goncourt, député par lés trois ordres de Bassigny-en-Barrois; rapport par Hébrard (ibid.); — validation (ibid.).
62° De d'Abbadie, député des communes des Quatre-Valleës de Guyenne,. en remplacement du comte de Ségur, démissionnaire; rapport (27 août, p. 499); — validation (ibid.);
63° De dom Abel de LeSpinasse, en remplacement de Damas démissonnaire; rapport (29 août, p. 510); — validation (ibid*) : 64° De Chateauneuf-Randon, suppléant du marquis d'Apchier, député de Mende en Gévàudan, démissionnaire, et du comte de Bremont d'Ars, suppléant du comte de La Tour-du-Pin-Paulin, démissionnaire: rapport (1er septembre, p. 542),; — validation (ibid.);
65° De la seconde députation du bailliage d'Auxerre; rapport (2 septembre, p.548);— annulation (ibid.);— admission de ses membres comme suppléants de la première députation (ibid.).
comte de Mirabeau, Le Chapelier, le président de - Clermont-Tonnerre (ibid. et p. suiv.) ; la Chambre décide que le député de Dinan, Gagon-Duchenay, pourra retirer du bureau l'arrêt delà ville de Rennes qui y a été déposé {ibid., p. 607) ; — Voir Comité de Constitution.
tare (p. 618). — Demande que l'on fixe la durée veto suspensif (p. 638).
fin de la table alphabétique et analytique du tome viii
CLICHY. — IMP. PACL DUPONT, 12, RUE DU BA.C-D*ASMÈRES. (44, 12 5)
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