Compiled from ARCHIVES PARLEMENTAIRES documents.
Société d'Imprimerie et Librairie administratives Paul Dupont, 41, rue J.-J.-Rousseau (Cl.) 196.12.86.
ARCHIVES PARLEMENTAIRES DE 1787 A 1860
RECUEIL COMPLET DES DÉBATS LÉGISLATIFS & POLITIQUES DES CHAMBRES FRANÇAISES IMPRIMÉ PAR ORDRE DU SÉNAT ET DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS SOUS LA DIRECTION DE M. J. MAVIDAL CHEF DU BUREAU DES PROCÉS-VERBAUX, DE L'EXPÉDITION DES LOIS, DES PÉTITIONS, DES IMPRESSIONS ET DISTRIBUTIONS DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS M. E. LAURENT BIBLIOTHÉRE DE LA CHAMBRE DES DÉPUTÉS
PREMIÈRE SÉRIE (1787 à 1799) TOME XXV DU 13 AVRIL AU 11 MAI 1791
PARIS
SOCIÉTÉ D'IMPRIMERIE ET LIBRAIRIE ADMINISTRATIVES ET DES CHEMINS DE FER PAUL DUPONT 41, RUE J.-J.-ROUSSEAU (HÔTEL DES FERMES)
1886
RÈGNE DE LOUIS XVI
PRÉSIDENCE DE M. CHÀBROUD.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin qui est adopté.
Un membre propose de renvoyer au comité des finances l'examen de la question : « Si l'intérêt du montant des brevets de retenue qu'avaient ci-devant les secrétaires d'Etat leur était payé outre leur traitement, ou si cet intérêt était compris dans leur traitement ou couvert par ce traitement. »
(Ce renvoi est décrété.)
Un membre du comité de vérification propose, aunom du comité, d'accordertdeux congés demandés, l'un par M. de Toulouse-Lautrec jusqu'au 20 juin prochain, l'autre par M. Morel pour quinze jours.
(Ces congés sont accordés.)
au nom du comité d'emplacement, propose trois projets de décret concernant remplacement des corps administratifs et des tribunaux des dist ricts de Saint-Yrieix (Haute-Vienne), d'Apt (Bouches-du-Rhône) et de Barjois (Var).
Ces projeta de décret sont ainsi conçus :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement,
autorise le directoire du district de Saint-Yrieix, département delà
Haute-Vienne, à louer, à dire d'experts, pour deux années, auxfrais des
administrés, la maiso n des Récollets de cette ville, pour y placer le
corps administratif du district et les'tribunaux, pour être, le prix
« Excepte de la présente location le jardin desdits Récollets, lequel sera loué séparément, ou vendu dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux. » (Adopté.)
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district d'Apt, département des Bouches-du-Rhône, à louer, pour deux années, aux frais des administrés, au prix fixé par le rapport d'experts du 13 décembre dernier, le rez-de-chaussée et le premier étage du palais épiscopal d'Apt, pour y placer le corps administratif du district, et les tribunaux, à la charge de verser annuellement le prix de la location dans la caisse du district. » (Adopté. )
Troisième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Barjois, département du Var, à louer, à dire d'experts, pour deux années, aux frais des administrés, la maison des Augustins de cette ville, pour y placer le corps administratif du district et le tribunal, pour être, le prix de ladite location, versé dans la caisse du district ; l'autorise pareillement à faire faire à ladite maison toutes les réparations et arrangements intérieurs nécessaires, à l'adjudication, au rabais desquels il sera procédé sur le devis estimatif qui en a été dressé, pour être, le montant de ladite adjudication, supporté parlesdits administrés. » (Adopté.)
au nom du comité ecclésiastique, propose un projet de décret concernant les circonscriptions, réunions et suppressions de paroisses dans la ville de Metz.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu, par son comité ecclésiastique, des délibérations au conseil général de la commune de Metz, au sujet des circonscriptions, unions et suppressions des paroisses de cette ville ; du plan sur lequel se trouve tracée la démarcation de celles desdites paroisses que la commune a jugées nécessaires à la décence du culte et à la commodité des fidèles; du refus de l'évêque de concourir aux opérations préliminaires pour ce requises, de l'avis du directoire du district, et de l'arrêté du département de la Moselle, le tout en date des 4, 5? 9 février et 2 mars derniers, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les paroisses de la ville de Metz, au nombre de 5, seront desservies, savoir : la paroisse du Centre, dans l'église cathédrale; celle d'outre-Moselle, dans l'église Saint-Vincent; celle de Moselle, dans l'église Sainte-Ségolène; celle de Seille, dans i'église Saint-Maximin et celle d'ou-tre-Seille, dans l'église Saint-Martin.
Art. 2.
« Ces paroisses seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans l'avis du directoire du district, et dans le plan y joint; en conséquence, la paroisse épiscopale sera circonscrite par la rue des Gasernes-Saint-Pierre, celle de Stancul, de Cbe-vremont et des Petits-Carmes, la place Sainte-Croix, la rue de la Fonderie, l'escalier du Haut-de-Saulnerie; la rue du Pont-Sailly, jusqu'à la sortie dudit pont; la rivière de Seille, en remontant jusqu'à l'Abreuvoir près l'hôtel des Monnaies, dite rue de l'Abreuvoir ; la place Saint-Louîs, les rues du Grand-Cerf, de Ghapeli-Rue, des Vieilles-Boucheries, de Serpenoise, de la Pro-menade-d'Armentières, jusqu'à l'angle méridional de la citadelle ; les remparts extérieurs de ladite citadelle, le bras de la Moselle, qui, do pied de ses murs, passe derrière la Comédie; le ci-devant hôtel de l'Intendance, jusqu'à l'angle de l'île de l'ancien hôtel du Palais-Royal, et jusqu'à l'entrée exclusivement de la partie gauche de la rue des Gasernes-Saint-Pierre, point du départ.
« La paroisse Saint-Vincent comprendra la ville neuve du fort de la double couronne de Moselle, l'île de Saulcye, ou Pré-Saint-Nicolas; l'île formée par la Moselle ; en partant du bras de la digue des Pucelles, jusqu'à la pointe orientale de l'île de Ghambière, et en remontant jusqu'au haut de la digue.
« La paroisse Sainte-Ségolène sera circonscrite par le bras de la Moselle qui passe derrière les casernes Saint-Pierre, à commencer de la première maison desdites casernes, vis-à-vis 1 ancien hôtel du Palais-Royal, et embrasse les maisons du Pont-Saint-Georges et des grilles basses, jusqu'à l'embouchure de la Seille, et remontant ladite rivière, le moulin de la basse Seille, ainsi que les maisons bâties sur le Pont-Sailly, sera aussi circonscrite par la rue dudit Pont-Sailly, celle de la Saulnerie ; et remontant l'escalier au haut de celte rue, par celle derrière les Récollets, celle de la Fonderie, la place Saint-Croix, les rues des Trinitaires, des Petits-Carmes, de Che-vremont, de Stancul et des Gasernes-Saint-Pierre, jusqu'au point du départ.
« La paroisse Saint-Maximin comprendra lTîle formée par le bras de la Seille qui, des écluses de la haute Seille, entre dans la ville, et par le bras extérieur de ladite rivière qui, des mêmes écluses, passe derrière les portes de Mazelle et des Allemands.
« La paroisse de Saint-Martin sera bornée, en tenant toujours la droite, par la promenade d'Ar-mentières, en partant de l'angle de Sainte-Gos-singue, par les rues de Serpenoise, des Vieilles-Boucheries, de Ghapeli-Rue, du Grand-Cerf, la place Saint-Louis, et la rue derrière la Monnaie, le bras de la Seille, à commencer de l'Abreuvoir près l'hôtel de la Monnaie, en remontant jusqu'aux écluses de la haute Seille, et le pourtour des fortifications, jusqu'à la promenade d'Armen-tières, point du départ.
Art. 3.
« Les églises du collège de Saint-Simon et de Saint-Georges seront conservées comme oratoires des paroisses dont elles dépendent, d'après leurs démarcations respectives.
Art. 4.
« Il en sera de même, mais provisoirement seulement, de l'église Sainte-Eucaire, laquelle servira d'oratoire à la paroisse de Saint-Maximin, jusqu'à la translation de cette même paroisse dans l'emplacement actuel du couvent de la Visitation.
Art. 5.
« Il sera envoyé dans chacun de ces oratoires, les dimanches et fêtes, par les curés respectifs dans le territoire desquels ils se trouvent, un vicaire, lequel y célébrera la mesôe, y fera les instructions spirituelles, mais ne pourra exercer aucune fonction curiale.
Art. 6.
« Les autres paroisses de la ville de Metz sont supprimées. »
(Ce décret est adopté.)
Vous avez témoigné le désir de traiter avec les princes possessionnés en Alsace, pour les droits qui leur avaient été garantis par le traité de Westphalie, et dont vos décrets les ont privés. Souvent vous avez demandé qu'il vous fût rendu compte de l'état de cette négociation. Plusieurs des princes ont formé des préten--tions exagérées, d'autres ont montré des dispositions plus favorables. Jamais il n'a été question dans cette Assemblée de l'Etat de Bâle ; de cet estimable allié de la France, qui s'est présenté à vous comme un peuple libre, qui ne veut point tirer avantage des circonstances, ni favoriser les mauvaises intentions de quelques hommes intéressés à entretenir des dissensions entre le corps germanique et la France. L'Etat de Bâle a écrit au roi et à l'Assemblée nationale, le 8 mai 1790, et sa lettre n'a pas été présentée à l'Assemblée nationale, et il n'a reçu aucune réponse. Etonné de ce silence, l'Etat de Bâle a renouvelé ses propositions au mois d'août suivant, le Corps législatif n'en a point été informé, et le ministre des affaires étrangères n'a fait aucune réponse. Cependant les mesures prises avec cette République auraient pu servir de base aux différents traités que nous aurons à faire avec les princes qui forment des réclamations ; et je crois important de s'en occuper incessamment.
Je demande donc que l'Assemblée nationale décrète que son comité
diplomatique lui rendra compte, dans trois jours, de la négociation qui
a dû être ouverte entre la France et l'Etat de Bâle,
(Cette motion est décrétée.)
Un membre. Le meilleur moyen de rendre facile la responsabilité des agents chargés de l'administration des fonds publics, ou, ce qui serait plus heureux encore, de pouvoir se passer de cette responsabilité serait d'asseoir la comptabilité sur des bases simples et sûres. Pour parvenir à ce résultat, il vous a été présenté, il y a quelque temps,par le sieur Leriche un mémoire plein de vues sages et profondes établissant une forme de journaux infalsiflables. Ce travail dont je ne garantis pas la bonié a passé successivement par les comités de Constitution et des finances et a obtenu leur approbation.
Je demande que TAssemblée décrète que les comités de Constitution, des finances, d'imposition et d'agriculture et de commerce nommeront chacun un commissaire, et que ces quatre commissaires procéderont incessamment à l'examen du plan présenté par le sieur Leriche pour les finances et pour le commerce et en feront leur rapport dans la huitaine.
(Cette motion est décrétée.)
au nom du comité féodal. Messieurs, votre comité féodal a divisé en deux titres la totalité des décrets concernant les droits féodaux, que vous avez rendus dans les séances des 30 janvier, 3, 9, 14, 15, 23 et 26 février de la présente année. Nous vous proposons quelques changements de rédaction au texte que vous avez adopté ; les voici :
Dans l'article 7 du titre I, après les mots : « les droits de déshérence, d'aubaine, de bâtardise, d'épave... », nous vous proposons d'ajouter les mots : « de varech ».
Cet article serait en conséquence ainsi conçu :
« Les droits de déshérence, d'aubaine, de bâtardise, d'épave, de varech, de trésor trouvé, et celui de s'approprier les terres vaines et vagues ou gastes, landes,biens hèmes ou vacants, garrigues, flégards et wareschais, n'auront plus lieu en faveur des ci-devant seigneurs, à compter pareillement de la publication des décrets du 4 août 1789 ; les ci-devant seigneurs demeurant, depuis cette époque, déchargés de l'entretien des enfants trouvés. » {Adopté.)
rapporteur. A l'article 16 dejce même titre, après les mots : « Et généralement tous les droits... », nous vous proposons d'ajouter les mots : « même maritimes », et de rédiger comme suit l'article :
« Sont aussi abolis sans indemnité les droits de rut du bâton, de course sur les bestiaux dans les terres vagues, de carnal, de vétée, de vif-herbage, de mort-herbage, ainsi que les redevances et servitudes qui en seraient représentatives, et généralement tous les droits, même maritimes, ci-devant dépendants de la justice seigneuriale. » (Adopté.)
rapporteur. Nous vous proposons maintenant plusieurs articles additionnels ; le premier prendrait place après l'article 16 du titre Ier; il est ainsi conçu :
« Les suppressions prononcées par les trois articles précédents auront leur effet à compter de la publication des décrets du 4 août 1789. » (Adopté.)
rapporteur. Un second article additionnel qui prendrait place après
l'article 29 du titre Ier est ainsi conçu
:
« Lesdites transcriptions ne sont nullement nécessaires pour transmettre la propriété des biens nationaux, soit aux particuliers qui s'en rendent directement adjudicataires, soit à ceux qu'ils déclarent leurs commandes, d'après la réserve faite lors des adjudications. » (Adopté.)
(de Rennes). Je demande que l'on mette à l'ordre du jour les droits de fiefs chéants et levants. Il y a huit à neuf mois que je le demande au comité féodal, et on n'a pas encore statué là-dessus. Cependant il n'y a pas de droit plus indigne que celui-là; car un homme est puni d'avoir des enfants; plus il en a, plus il paye à son seigneur. Si un particulier avait une paroisse entière sous cette seigneurie, il ne paverait qu'un droit, au lieu que ce père de famille qui aura sept ou huit petits enfants, payera tout autant de droits, et sûrement c'est un devoir qui est indigne. (Rires et applaudissements.)
rapporteur. Le comité féodal s'es t occupé de l'objet dont parle M.
Gérard : il m'avait même chargé de vous présenter un article à ce sujet;
mais la question a été agitée de nouveau dans le comité, et l'on s'est
séparé sans rien statuer. Cependant si l'Assemblée veut entendre la
lecture du projet que j'ai à lui soumettre, le voici; il prendrait place
après l'article 32 du titre Ier.
« Les droits connus dans le département de l'Ille-et-Vilaine sous le nom
de fiefs chéants et levants, et généralement tous les droits ci-devant
féodaux, fixes ou casuels, non supprimés sans indemnité, qui, sous le
régime féodal, augmentaient ou diminuaient, suivant le nombre des
possesseurs des fonds y sujets, demeureront, jusqu'au rachat, fixés
invariablement au taux auquel ils étaient exigibles, suivant leur nature
particulière lors de la publication des lettres patentes du 3 novembre
1789, intervenues sur Ier décrets du 4 août
précédent; et ceux des redevables desdits droits qui étaient, à cette
époque, dans le cas d'en obtenir l'abattue ou réduction, en remplissant
certaines formalités requises pour l'usement du ci-devant fief, jouiront
du bénéfice de cette réduction ou abattue, comme s'ils avaient, avant
ladite époque, satisfait à ces formalités. »
J'observe à l'Assemblée que le droit de fiefs chéants et levants a dû, camme servitude personnelle, être aboli sans indemnité.
rapporteur. Ces droits rentrent dans la classe de ceux qui sont dus par les fonds et à cause des fonds. La seule chose à abolir c'est cette variabilité qui en formait le caractère' et qui tenait visiblement au régime féodal. Aussi avons-nous proposé de lixer l'époque de cette invariabilité, au moment où vous avez détruit le régime féodal, c'est-à-dire à l'époque de la publication du décret du 4 août 1789.
Une chose échappe à l'attention de M. le rapporteur : les redevances
vexatoires, connues en Bretagne sous le nom de
Je sais bien qu'il est de principe que les lois n'ont pas d'effet rétroactif. {Murmures.) Fort bien pour les lois qui sont indroductives d'un droit nouveau; mais les droits qui sont l'application des règles éternelles de la justice se règlent d'une manière différente. (Murmures.)
(L'Assemblée décrète l'article additionnel proposé par le comité féodal.)
rapporteur. Voici enfin deux autres articles additionnels qui prendraient
place après l'article 32 du titre Ier et
immédiatement a la suite de la disposition que tous venez de décréter
:
« 1° Tous procès intentés relativement à des droits abolis sans indemnité par le présent décret, et non décidés par jugement en dernier ressort avant les époques ci-dessus fixées pour l'abolition de ces droits, ne pourront être jugés que pour les frais de procédures faits, et les arrérages échus antérieurement à ces époques. » (Adopté.)
« 2° Sont communes au présent décret les dispositions des articles 36, 37 et 38 de celui du 15 mars 1790. » (Adopté.)
rapporteur. Voici, en conséquence, Messieurs, avec les nouvelles modifications que vous venez de décréter, Y ensemble du décret sur les droits féodaux (1) :
« L'Assemblée nationale, s'étant réservé, par l'article 39 du titre II de son décret du 15 mars 1790, de prononcer sur les droits ci-devant annexés à la justice seigneuriale, et voulant faire cesser plusieurs difficultés relatives tant à l'abolition du régime féodal, qu'au mode du rachat des droits ci-devant féodaux non supprimés, décrète ce qui suit :
Des droits de justice, de plusieurs autres droits seigneuriaux, et de divers effets de l'abolition tant du régime féodal, que des justices seigneuriales.
Art. 1erer.
« Le droit seigneurial, connu dans la ci-devant province de Lorraine sous le nom de droit de troupeau à part, est aboli, à compter du jour de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, intervenues sur les décrets des 4, 6, 7, 8 et 11 août précédent; sauf aux ci-devant seigneurs à user du pâturage dans les territoires où ils ont des habitations ou des propriétés foncières, en se conformant aux mêmes règles que les autres habitants et propriétaires, et sans rien innover quant à présent aux règlements et usages des différents lieux, relativement à la faculté laissée, ou à la défense faite à ceux-ci de faire garder leurs troupeaux par un berger ou pâtre particulier.
Art. 2.
« En conséquence, les particuliers qui, dans la ci-devant province de
Lorraine, ont été, parle décret du 9 mai 1790, maintenus provisoirement
dans la jouissance des baux du droit de troupeau à part, à eux accordé
par des ci-devant seigneurs,
Art. 3.
« Quant aux portions desdits fermages qui élaient échues dans l'intervalle de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, àcelle du décret du 9 mai 1790, les fermiers qui les doivent encore les payeront pareillement auxdites municipalités; mais ils ne pourront être inquiétés pour celles qu'ils auront payées entre les mains des ci-devant seigneurs, sauf aux municipalités à en poursuivre la restitution contre ceux-ci; sans néanmoins que, sous prétexte, soit du présent article, soit du précédent, il puisse être formé aucune répétition contre ceux des ci-devant seigneurs qui ont joui en nature du droit de troupeau à part depuis la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789.
Art. 4.
Dans le cas où les ci-devant seigneurs auraient affermé le droit de troupeau à part, conjointement avec d'autres biens ou d'autres droits non abolis par les décrets de l'Assemblée nationale, sans distinction de prix, il sera procédé à une ventilation à l'amiable ou par experts, pour déterminer les sommes que les fermiers auront à payer aux communautés pour le droit de troupeau à part, el celles qu'ils auront à payer aux ci-devant seigneurs pour les autres biens ou droits; toutes poursuites contre lesdits fermiers demeurant en état jusqu'à ce que ladite ventilation soit faite et arrêtée définitivement.
Art 5.
« Les dispositions des quatre articles ci-dessus sont communes à la ci-devant province du Barrois, au pays messin, et à tous autres pays et lieux où, jusqu'à l'époque de la suppression du régime féodal, le droit de troupeau à part, et tous autres droits de même nature, sous quelque dénomination qu'ils soient connus, ont été considérés comme seigneuriaux.
Art. 6.
« Sont néanmoins exceptés desdites dispositions, tant dans la ci-devant province de Lorraine,que partout ailleurs, les territoires où il sera prouvé, dans la forme déterminée par l'article 19 du titre II du décret du 15 mars 1790, que le droit de troupeau à part a eu pour cause une concession de fonds en propriété ou à titre d'usage, faite par le ci-devant seigneur à la communauté des habitants; ce qui aura pareillement lieu lorsqu'il sera prouvé, dans ladite forme, qu'il a eu pour cause une remise de droits de la nature de ceux que les décrets de l'Assemblée nationale ont maintenus jusqu'au rachat ; et, dans ce dernier cas, il sera rachetable au taux et selon le mode réglés par le décret du 3 mai 1790.
Art. 7.
« Les droits de déshérence, d'aubaine, de bâtardise, d'épave, de varech, de trésor trouvé, et celui de s'approprier les terres vaines et vagues ou gastes, landes, biens hèmes ou vacants, garrigues, flégards et wareschais n'auront plus lieu en faveur des ci-devant seigneurs, à compter pareillement de la publication des décrets du 4 août 1789 ; les ci-devant seigneurs demeurant, depuis cette époque, déchargés de l'entretien des enfants trouvés.
Art. 8.
« Et, néanmoins, les terres vaines et vagues ou gastes, landes, bienshèmes ou vacants, garrigues, ïlégarcls et -wareschais, dont les ci-devant seigneurs ont pris publiquement possession avant la publication des décrets du 4 août 1789, en vertu des lois, coutumes, statuts ou usages locaux lors existants, leur demeurent irrévocablement acquis, sous les réserves ci-après.
Art. 9.
« Les ci-devant seigneurs justiciers seront censés avoir pris publiquement possession desdits terrains à l'époque désignée par l'article précédent, lorsqu'avant cette époque, ils les auront, soit inféodés, accensés ou arrentés ; soit clos de murs, de haies ou de fossés; soit cultivés ou fait cultiver, plantés ou fait planter; soit mis à profit de toute autre manière, pourvu qu'elle ait été exclusive à titre de propriété; et, à l'égard des biens abandonnés par les anciens propriétaires, lorsqu'ils auront fait les publications, et rempli les formalités requises par les coutumes-pour la prise de possession de ces sortes de biens.
Art. 10.
« Il n'est préjudicié, par les deux articles précédents, à aucun des droits de propriété ou d'usage que les communautés d'habitants peuvent avoir sur les terrains y mentionnés, et toutes actions leur demeurent réservées à cet égard. L'Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, des domaines et d'agriculture, de lui présenter incessamment leurs vues sur la nature des preuves d'après lesquelles doivent être fixés ces droits.
Art. 11,
« Sont également réservés sur lesdits terrains tous les droits de propriété et autres qui peuvent appartenir, soit à des ci-devant seigneurs de fiefs, en vertu de titres indépendants de la justice seigneuriale, soit à tous autres particuliers.
Art. 12.
« Tout ci-devant seigneur qui justifiera tout à la fois qu'à une époque remontant au delà de 40 ans avant la publication des décrets du 4 août 1789, il a planté ou fait planter, et que depuis il a possédé des arbres dans des marais, prés ou autres biens appartenant à une communauté d'habitants, conserve la propriété et libre disposition de ces arbres, sauf à cette communauté à les racheter sur le pied de leur valeur actuelle, à la forme du décret du 26 juillet 1790; ce qui aura pareillement lieu à l'égard des arbres plantés et possédés par le ci-dèvant seigneur depuis un espace de temps au-dessous de 40 ans, par remplacement d'arbres qu'il justifiera avoir été, antérieurement à 40 ans, planiés et tout à la fois possédés par lui ou ses auteurs.
Art. 13.
« Quant aux arbres plantés par un ci-devant seigneur sur des biens communaux depuis un espace de temps au-dessous de 40 ans, sans qu'ils l'aient été par remplacement, ainsi qu'il vient d'être dit, ils appartiennent à la communauté, en remboursant par elle les frais de plantation, et à la charge de se conformer à l'article 10 du décret du 26 juillet 1790.
Art. 14.
« Sont abolies sans indemnité, sauf le cas où il serait prouvé, de la manière énoncée dans l'article 6 ci-dessus, qu'elles ont eu pour cause des concessions de fonds, ou des remises de droits déclarés rachetables, les redevances connues sous le nom de blairie, et généralement toutes celles que les ci-devant seigneurs justiciers se faisaient payer pour raison de la vaine pâture, ensemble le droit qu'ils s'étaient attribué, en certains lieux, d'admettre les forains à la jouissance de ladite vaine pâture dans l'étendue de leurs justices.
Art. 15.
« Les redevances connues sous le nom de mes-serie, ou sous tous autres, que les ci-devant seigneurs justiciers exigeaient en certains lieux, pour la faculté par eux accordée aux habitants de taire garder les fruits de leurs terres, sont également abolies sans indemnité.
Art. 16.
« Sont aussi abolis sans indemnité les droits de rut du bâton, de course sur les bestiaux dans les terres vagues, de caroal, de vétée, de vif-herbage, de mort-herbage, ainsi que les redevances et ser* vitudes qui en seraient représentatives, et généralement tous les droits, même maritimes, ci-devant dépendants de la justice seigneuriale.
Art. 17.
« Les suppressions prononcées par les trois articles précédents, auront leur effet à compter de la publication des décrets du 4 août 1789.
Art. 18.
« Tous les droits honorifiques, et toutes les distinctions ci-devant attachées tant à la qualité de seigneur justicier, qu'à celle de patron, devant cesser respectivement par la suppression des justices seigneuriales, prononcée le 4 août 1789, et par la constitution civile du clergé, décrétée le 12 juillet 1790; les ci-devant seigneurs justiciers et patrons seront tenus, dans les deux mois de la publication du présent décret, et chacun en ce qui le concerne : 1° de faire retirer des chœurs des églises et chapelles publiques, les bancs ci-devant patronaux et seigneuriaux qui peuvent s'y trouver; 2° de faire supprimer ies titres et ceintures funèbres, tant à l'intérieur qu'à l'extérieur des églises et des chapelles publiques; 3° de faire démolir les fourches patibulaires et piloris ci-devant érigés à litre de justice seigneuriale.
Art. 19.
« Dans la huitaine qui suivra l'expiration du délai de deux mois indiqué par l'article précédent, le maire de chaque municipalité sera tenu de donner avis, au commissaire du roi du tribunal de district, de l'exécution ou non-exécution du contenu audit article; et, en cas de non-exécution, le commissaire du roi sera tenu de requérir, dans la huitaine suivante, une ordonnance du tribunal pour autoriser la municipalité à effectuer les suppressions et démolitions ci-dessus prescrites, et ce, aux frais de la commune qui demeurera propriétaire des matériaux en provenant.
Art. 20.
« Les dispositions des deux articles précédents, relatives aux bancs
placés dans les chœurs par les ci-devant seigneurs justiciers et
patrons, sont communes aux bancs qui ont pu être placés dans les nefs et
chapelles collatérales, par droit de
Art. 21.
« Le droit seigneurial et exclusif d'avoir des girouettes sur les maisons est aboli, et il est libre à chacun d'en placer à son gré et dans telle forme qu'il jugera à propos.
Art. 22.
« Pourront, à l'avenir, s'intenter par simples requêtes et s'instruire comme procès ordinaires toutes les actions ci-devant sujettes aux formalités d'ajour, clain, plainte à loi, plainte propriétaire, et autres tenant au système féodal, sans que, dans les lieux où ces formalités étaient indispensables pour pouvoir agir en justice dans les matières pour lesquelles elles avaient été introduites, les défendeurs puissent exciper d'aucune prescription acquise depuis la cessation absolue des fonctions des officiers des justices seigneuriales, opérée par l'installation des tribunaux de district, jusqu'à la publication du présent décret, et sans préjudice des saisies qui continueront d'être autorisées dans les cas de droit ou indiqués par les coutumes.
Art. 23.
« Provisoirement et jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné, les consignations qui, dans quelques coutumes, devaient, en certains cas, s'effectuer entre les mains des ci-devant mayeurs, baillis, ou autres officiers seigneuriaux, se feront à l'avenir, sans frais, aux greffes des tribunaux de district.
Art. 24.
« Sont abolies, à compter du jour où ont été installés les tribunaux de district, toutes les lois et coutumes qui, pour la validité, même intrinsèque., des donations et des testaments, les soumettent à la nécessité d'être ou passés, ou recordés, ou reconnus, ou réalisés, soit avant, soit dans un certain délai après la mort des donateurs ou testateurs, en présence d'échevins, hommes de fiefs, jurés de cattel, ou autres officiers seigneuriaux; et dans les pays soumis auxdites lois ou coutumes, il suffit pour la validité de ces actes, à compter de l'époque ci-dessus, qu'ils aient été ou soient passés par-devant deux notaires, ou un notaire et deux témoins, ou même, à l'égard des testaments, en forme olographe; sans préjudice, quant à présent, de l'exécution du statut delplei-nal, ou autres lois semblables, concernant les formalités des donations entre vifs, pour lesquelles le juge de paix sera subrogé à l'officier seigneurial; et sans que le défaut de la transcription au greffe, substituée par l'article 3 du décret des 17 et 19 septembre 1790, aux désaisines, saisines, déshéritances,adhéritances, reconnaissances échevinales, et autres formalités de cette nature, puisse, dans aucun des ci-devant pays de nantissement, être opposé aux donataires ou légataires par les héritiers des donateurs ou testateurs, ni empêcher, soit qu'un testament ait son effet à l'égard des immeubles dont le testateur n'aurait pas ordonné ou le légataire poursuivi la vente dans le délai fixé par les coutumes, soit qu'un créancier, muni d'un titre exécutoire, fasse décréter et vendre les biens.-fonds de son débiteur.
Art. 25.
« Sont pareillement abolies, à compter de é-poque fixée par l'article précédent, toutes les lois et coutumes qui exigeaient, pour la validité de certains actes ou exploits, la présenee ou l'intervention d'anciens des officiers ci-dessus désignés; et il suffit, pour la validité de ces actes ou exploits, qu'ils soient faits par des notaires ou des huissiers, suivant^les distinctions et les règles établies parle droit commun du royaume.
Art. 26.
« Tous actes de désaisine,, saisine, déshéritance, adhéritance et autres attribués par les anciennes lois au ministère exclusif des officiers seigneuriaux qui, dans l'intervalle de la publication des décrets du 4 août 1789 à celle du décret des 17 et 19 septembre 1790, aurout été faits en présence des officiers des nouvelles municipalités, auront Je même effet que s'ils l'avaient été en présence des anciens échevins, ou autres officiers des justices seigneuriales.
Art. 27.
« Auront également le même effet que s'ils étaient émanés des justices seigneuriales ou ordinaires, tous les jugements rendus, et actes de juridiction faits jusqu'à l'installation des tribunaux de district, par ceux des officiers municipaux des ci-devant provinces belgiques, qu'on pourrait prétendre n'y avoir pas été autorisés parle décret du 26 décembre 1789.
Art. 28.
« Sont pareillement validés, à compter de leurs dates respectives, toutes les transcriptions de contrats ou autres actes qui, dans le3 ci-devant pays de nantissement, ont pu être faits aux greffes des tribunaux de district, en conformité de l'article 3 du décret des 17 et 19 septembre 1790, antérieurement à la publication officielle de cette loi.
Art. 29.
« Il ne pourra être exigé, dans le cas des transcriptions ci-dessus, ni pour toute autre formalité qui pourrait y être substituée par la suite, aucun des droits de lods, quint, demi-quint, éterlin et autres, que les ci-devant seigneurs ou leurs officiers percevaient pour les hypothèques constituées par désaisine, saisine, déshéritance, adhéritance, rapport, mise de fait ou main assise.
Art. 30.
« Lesdites transcriptions ne sont nullement nécessaires pour transmettre la propriété des biens nationaux, soit aux particuliers qui s'en rendent directement adjudicataires, soit à ceux qu'ils déclarent leurs commandes, d'après la réserve faite lors des adjudications.
Art. 31.
« A l'avenir, la réunion ou la consolidation des biens censuels au fief dont ils étaient tenus, ou de ce fief à celui dont il était mouvant, ne produira aucun droit ou profit en faveur du ci-devant seigneur du fief dominant, et n'augmentera dans aucun cas le prix du rachat du fief servant, sur lequel le propriétaire du fief dominant ne pourra exercer que les mêmesdroitsqui lui appartenaient avant ladite réunion ou consolidation.
Art. 32.
« Le régime féodal étant détruit, nul ne peut
Art. 33.
« Les droits connus dans le département de l'IUe-et-Vilaine sous le nom de fiefs chéants et levants, et généralement tous les droits ci-devant féodaux fixes ou casuels, non supprimés sans indemnité, qui, sous le régime féodal, augmentaient ou diminuaient, suivant le nombre des possesseurs des fonds y sujets, demeureront, jusqu'au rachat, fixés invariablement au taux auquel ils étaient exigibles, suivant leur nature particulière, lors de la publication des lettres patentes du 3 novembre 1789, intervenues sur les décrets du 4 août précédent; et ceux des redevables desdits droits qui étaient, à cette époque, dans le cas d'en obtenir l'abattue ou réduction, en remplissant certaines formalités requises par l'use-ment du cï-devant fief, jouiront du bénéfice de cette réduction ou abattue, comme s'ils avaient, avant ladite époque, satisfait à ces formalités.
Art. 34.
« Tous procès intentés relativement à des droits abolis sans indemnité par le présent décret, et non décidés par jugement en dernier ressort avant les époques ci-dessus fixées pour l'abolition de ces droits, ne pourront être jugés que pour les frais des procédures faites, et les arrérages échus antérieurement à ces époques.
Art. 35.
« Sont communes au présent décret les dispositions des articles 36, 37 et 38 de celui du 15 mars 1790.
Du mode de rachat des droits féodaux non supprimés.
Art. 1er.
« Tout propriétaire d'un ci-devant fief, lequel ne consistera qu'en domaines corporels, tels que maisons, terres, prés, bois et autres de même nature, pourra racheter divisément les droits casuels dont il est grevé, pour telle portion qu'il jugera à propos, pourvu qu'il rachète en même temps la totalité des redevances fixes et annuelles dont son fief pourrait être grevé, sans préjudice de l'exception portée au décret du 14 novembre 1790, relativement aux fiefs mouvants des biens nationaux.
Art. 2.
« Il en sera usé de même à l'égard des ci-devant fiefs qui ont sous eux des fonds tenus en fief ou en censive ou roturièrement, lorsque lesdites mouvances auront été inféodées par le propriétaire du fief supérieur, ou lorsque lesdits fiefs seront situés dans des pays où le supérieur ne conserve aucun droit utile immédiat sur les objets qui ont été sous-inféodés ou accensés par le propriétaire du tïef inférieur, encore que le jeu de fief n'ait pointétéapprouvéoureconnuparleseigneur supérieur.
Art. 3.
« Lorsqu'il dépendra du fief des mouvances qui n'auront point été inféodées par le ci-devant seigneur supérieur, et lorsque ce fief sera situé dans l'un des pays où le jeu de fief ne peut porter préjudice à ce ci-devant seigneur supérieur, le propriétaire du fief inférieur ne pourra racheter partiellement les droits casuels sur les domaines qui sont restés dans sa main, que jusqu'à concurrence de la portion dont la loi qui régit le fief lui avait permis de se jouer, en comprenant dans ce calcul les portions déjà par lui accensées ou inféodées ; en telle sorte qu'il reste toujours dans sa main la portion entière que la loi l'aurait obligé de réserver ; si mieux il n'aime racheter préalablement les droits casuels à raison de la totalité des mouvances non inféodées, dépendantes de sOn fief; auquel cas, et après avoir effectué ledit rachat, il pourra racheter librement et partiellement le surplus de son fief, et pour telle portion qu'il jugera à propos.
Art. 4.
« Dans le même cas où les mouvances ne seront point inféodées, et où le fief sera situé dans l'un des pays où les jeux de fief ne peuvent point porter préjudice au seigneur supérieur, si d'ailleurs le fief est régi par l'une des coutumes qui ne permettent point le jeu de fief à prix d'argent, mais seulement par bail à cens ou à rente, le propriétaire de ce fief pourra néanmoins vendre à prix d'argent telle portion des fonds qui sont restés en sa main, et en racheter partiellement les droits casuels, pourvu que les portions qu'il rachètera ou vendra n'excèdent point les deux tiers du fief, en comprenant dans ces deux tiers les fonds déjà sous-inféodées ou accensés, si mieux il n'aime racheter préalablement les droits casuels à raison de la totalité des mouvances non inféodées; auquel cas,et après avoir effectué ledit rachat, il pourra racheter librement et partiellement le surplus de son fief pour telle portion qu'il jugera à propos.
Art. 5.
« Si les fiefs d'où dépendent des mouvances non inféodées sont situés dans des pays où il n'existait aucune loi positive sur la liberté du jeu de fief, la faculté du rachat partiel se réglera par les mêmes principes que l'usage y avait adoptés relativement au jeu de fief. En'conséquence, dans ceux desdits pays où le jeu de fief n'était autorisé que jusqu'à concurrence d'une certaine quotité, le rachat partiel s'opérera conformément à ce qui est prescrit par l'article 3 ci-dessus. Dans ceux où le jeu de fief n'était admis que par bail à cens et rente de rachat partiel, il s'opérera conformément à ce qui est prescrit par l'article 4 ci-dessus. Enfin, dans ceux où le jeu de fief était autorisé indéfiniment, tant par rachat de la quotité que quant au mode, le rachat partiel pourra s'y faire librement, pour telle portion que le propriétaire jugera à propos.
Art. 6.
« Le rachat partiel, dans les cas autorisés par les articles 3, 4 et 5 ci-dessus, ne pourra avoir lieu que sous la condition de racheter en même temps la totalité des redevances fixes et annuelles dont le fief pourrait se trouver chargé, sans préjudice de l'exception portée au décret du 14 novembre 1790, relativement aux fonds mouvants des biens nationaux.
Art. 7.
« A l'égard des fonds ci-devant mouvants d'un
Art. 8.
« Lorsqu'il s'agira de liquider un rachat des droits casuels dus à raison des mouvances dépendant d'un ci-devant fief, et dont le rachat n'aura point été fait par le propriétaire ou les propriétaires des fonds tenus sous ces mouvances ; et dans le cas où lesdites mouvances auront été inféodées, ou seront dépendantes d'un fief situé dans un pays où le jeu de fief portait préjudice au seigneur supérieur, il y sera procédé ainsi qu'il suit :
« Il sera fait d'abord une évaluation de la somme qui serait due par le propriétaire ou par les propriétaires desdits fonds, selon qu'ils seront tenus eu fief ou en censive, et conformément aux règles prescrites par le décret du 3 mai 1790 ; et la somme qui résultera de cette première opération, formera la valeur de la propriété de ces mouvances.
« Il sera ensuite procédé conformément aux règles prescrites par le décret du 3 mai 1790, et selon la nature et la quotité des droits dont se trouvera chargé le fief dont dépendront ces mouvances, à une seconde évaluation du rachat dû par le propriétaire de ces mouvances, eu égard à la valeur que leur aura donnée la première opération, et de la même manière que s'il s'agissait de liquider un rachat sur un fief corporel de la même valeur.
Art. 9. .
« Si les mouvances, à raison desquelles on voudra se racheter, n'ont point été inféodées, ou dépendent d'un fief situé dans un pays où le jeu de fief ne peut point porter préjudice au seigneur, audit cas, le rachat en sera liquidé ainsi qu'il suit :
«> Il sera fait d'abord une évaluation des fonds tenus en fief ou en censive, eu égard à leur valeur réelle, abstraction faite des charges dont ils sont tenus envers le fief dont ils relèvent, et de ja même manière que si la pleine propriété de ces fonds appartenait encore au propriétaire du fief dont ils relèvent.
« Le rachat des droits casuels dus au propriétaire du fief supérieur, sera ensuite liquidé conformément aux règles prescrites par le décret du 3 mai 1790, et selon la nature et la quotité des droits dont est grevé le fief inférieur, sur la somme totale qui sera résultée de la première opération ; en telle sorte que le rachat payé soit égal à celui qui aurait été dû, si les fonds dont le propriétaire du fief inférieur s'était joué, lui upparte-naient encore en pleine propriété.
Art. 10.
« La disposition de l'article précédent aura également lieu dans le cas où la mouvance aurait été précédemment rachetée par le propriétaire ou par les propriétaires des fonds chargés de cette mouvance, les dispositions des articles 44 et 45 du décret du 3 mai 1790 n'ayant jamais dû recevoir leur application qu'au cas où il s'agissait de mouvances non inféodées.
Art. 11.
« Sont et demeurent communes à tout le royaume, les dispositions des anciens règlements énoncés dans l'article 18 du décret du 3 mai 1790, qui laissent aux communautés d'habitants de quelques-unes des ci-devant proviucesla faculté de ne payer pour le rachat des banalités établies sur elles, soit à prix d'argent, soit en payement d'arrérages par elles dus pour dettes cpnstituées ou foncières, que les sommes principales qu'elles ont reçues, ou dont la remise leur a été faite pour l'établissement desdites banalité?.
Art. 12.
« Dans les pays et les lieux où les dots sont aliénables du consentement des femmes, si le rachat des droits ci-devant seigneuriaux ou fonciers dus à une femme mariée, n'est point fait en sa présence ou de son consentement, le mari ne pourra le recevoir qu'en la forme et au taux prescrits par le décret du 3 mai 1790, et à la charge d'en employer le prix. Le redevable qui ne voudra point demeurer garant du remploi pourra consigner le prix du rachat, lequel ne pourra être délivré au mari qu'en vertu d'une ordonnance du tribunal de district, rendue sur les conclusions du commissaire du roi auquel il sera justifié du remploi.
Art. 13.
« Dans les pays et les lieux où les mutations par donations, soit entre vifs, soit testamentaires, donnent ouverture aux mêmes profits seigneuriaux que les mutations par vente, le rachat du droit dû pour les uns et les autres ne pourra se faire qu'en payant les cinq trente-sixièmes de ce droit, outre la quotité réglée par l'article 25 du décret du 3 mai 1790.
Art. 14.
« Les ci-devant seigneurs de qui relevaient des biens nationaux grevés envers eux de droits de mutation, suivant les distinctions établies par l'article 40 du décret du 3 mai 1790, recevront immédiatement après les ventes faites en exécution des décrets des 14 mai, 25 juin et 3 novembre suivants, et sur les fonds qui y seront destinés, le moutant du rachat desdits droits, sans pouvoir rien prétendre à titre de droits échus en vertu desdites ventes.
Art. 15.
« Ce rachat sera liquidé d'après les dispositions du décret du 3 mai 1790, et, s'il y a lieu, d'après celles de l'article 13 ci-dessus; et les droits qu'il s'agira de racheter seront évalués sur le prix desdites ventes.
Art. 16.
« Tout particulier, à qui il sera dû par la nation un rachat de cette nature, sera tenu, pour en obtenir Ja liquidation, de remettre ses mémoires, titres et pièces justificatives au secrétariat du directoire de district où auront été vendus les biens ci-devant tenus de lui en fief ou censive, lequel les fera passer avec son avis au directoire du département, qui, après les avoir vérifiés et pris un arrêté en conséquence, enverra le tout à la direction générale de liquidation.
Art. 17.
« Il en sera usé de même pour parvenir à la
Instruction sur la manière d'opérer en conséquence des articles 8 et 9 du titre II du décret
ci-dessus.
Art. 8.
« Lorsque le propriétaire d'un fonds ci-devant fief veut racheter les droits casuels à raison des mouvances inféodées dépendantes de son fief, et dont il n'a pas reçu lui-même le rachat, il faut faire une double opération.
« Il faut d'abord évaluer la somme qui lui serait due à lui-même par le propriétaire, ou par les propriétaires des fonds soumis à sa mouvance.
« Supposons le fief B mouvant du fief A, et qui a sous sa mouvance le fief G.
« Si ce fief G est évalué 12,000 livres, et s'il est sujet au douzième pour les mutations par vente, le rachat que ce fief devrait au fief B à raison des mutations par vente, sera, suivant le numéro 7 de l'article 25 du décret du 3 mai 1790, de la moitié du droit, c'est-à-dire de 500 livres.
« Si le fief G, quant aux droits pour le3 mutations, autres que par vente, est dans le cas de l'article 28 du décret cité, le rachat dû pour cette seconde cause, sera des cinq douzièmes du droit, qui est une année du revenu. Supposant le revenu de ce fief à 400 livres, le douzième sera de 33 1. 6 s. 8 d., et les cinq douzièmes seront de 166 1. 13 s. 4 d.
« Réunissant ensuite le3 deux sommes de 500 livres et de 166 I. 13 s. 4 d. que le propriétaire du fiefB devrait recevoir du propriétaire du fief G, on aura la somme totale de 666 1. 13 s. 4 d., qui formera la valeur de la mouvance du fief B sur le fief G.
« Pour trouver ensuite la somme que le propriétaire devra lui-même au fief A pour le rachat de cette mouvance, il faudra faire une seconde opération.
« Supposant (comme cela est ordinaire) que le fief B est tenu envers le fief A sous les mêmes charges que le fief G, il en résultera que B doit à A la moitié d'un droit de mutation par vente au douzième. Le douzième de 666 1. 13 s. 4 d., étant de 55 1. 10 s., le rachat dû pour ce premier droit, sera de 27 1. 15 s.
" Quant au droit de relief, arbitrant le revenu de 666 1. 13 s. 4 d. à 30 livres par an, dont le fief B doit cinq douzièmes, il en résultera une somme de 12 i. 10 s.
« Joignant les deux sommes de 27 1. 15 s. et 12 1. 16 s., on aura la somme totale de 40 1.5 s. pour le rachat dû par le fief B au fief A, à raison de sa mouvance féodale sur G.
« Si cette mouvance n'est pas féodale, mais seulement censuelle, il ne faudra, dans la première opération, tirer le rachat qu'à raison des mutations par vente. Supposant le droit de vente toujours au douzième, on aura toujours 500 livres pour résultat de la valeur de celte mouvance, et 3.3 L 6, §.( pour le rachat qui en sera dû par le fief B au fief A; mais on n'aura plus la seconde partie, attendu que le fief B n'aura point de droit de relief sur une simple censive.
« Cet exemple suffit pour indiquer la manière d'opérer générale, laquelle ne pourra varier que dans ses résultats, suivant les différentes quotités des droits que le fief servant aura droit de percevoir sur les fonds mouvants de lui, et qu'il devra lui-même à son fief dominant.
Art. 9.
« Cet article est pour le cas où la mouvance qu'il s'agit de racheter procède d'un jeu de fief qui n'a point été autorisé par le propriétaire du fief supérieur, ou dépend d'un fief situé dans un pays où le jeu de fief ne peut point porter préjudice au seigneur supérieur.
« Ici, l'opération est toute différente : ce n'est plus la simple valeur de cette mouvance qu'il faut estimer, et qui doit servir de base à la liquidation du rachat. Le propriétaire du fief inférieur, n'ayant pas pu préjudicier à son seigneur par un jeu de fief non autorisé, est réputé avoir conservé le fief dans son intégrité; en cas de mutation de sa part, il doit les droits de la même manière que s'il avait conservé la pleine propriété des fonds qu'il a mis hors sa main, et sur lesquels il n'a réservé que la directe. Le rachat qu'il doit est relatif à la quotité des droits dont il est chargé; il faut donc liquider le rachat de la même manière que si le fief existait dans son intégrité.
« Soit supposé le fief B composé de 100 arpents, et cédé en cet état par le fief A, dont il est mouvant : B a inféodé à C 50 arpents, et accensé à Jacques et à Philippe 20 arpents, en sorte qu'il ne reste entre ses mains que 30 arpents ; mais s'il vend ces 30 arpents, il doit les droits comme s'il possédait les 100 arpents, et c'est sur ce pied que doit être liquidé le rachat.
« Supposant les 100 aroents de valeur de 100,000 livres et de 3,000 livres de revenu ;
« Si le fief B est dans le quatrième cas de l'article 25 du décret du 3 mai 1790, c'est-à-dire, s'il est sujet au quint en cas de vente, il devra, pour le rachat de ce premier droit, cinq treizièmes du quint ou de 20,000 livres, c'est-à-dire, 7,652 1. 5 s. 10 d.
« Quant au droit de relief, s'il est dans le cas de l'article 29 du décret du 3 mai 1790, il devra cinq dix-huitièmes de 3,000 livres, ou 833 1. 6 s. 8 d.
« Ainsi, le fief devra en total, pour le rachat des droits casuels, 8,505 1. 12 s. 6 d; somme bien différente de celle qu'il aurait due, si les mouvances eussent été inféodées.
« Dans cette seconde hypothèse, la mouvance sur les 50 arpents tenus de lui en fief n'aurait été évaluée qu'à 4,252 1. 16 s. 3 d.
« Celle sur les 20 arpents tenus en cecsive, qui n'auraient dû leurs lods qu'au douzième, et point de relief, n'aurait été évaluée qu'à 833 1. 6 s. 2 d.
« Le fief B n'aurait dû, pour le rachat tant des droits de vente que des droits de relief de sa mouvance sur les 50 arpents, qu'environ 383 1. 17 s. 1 d.; et pour le rachat des mêmes droits de sa mouvance sur les 20 arpents tenus en censive, qu'environ 147 livres.
« Ainsi, dans l'hypothèse où les mouvances eussent été inféodées, le fief B n'aurait dû que :
« 1° Pour les 30 arpent3 tenus en pleine propriété .................. 2,555 1. 10 s. » d.
« 2° Pour les 50 arpents mouvants de lui en fief.. 383 17 »
« 3° Pour les 20 arpents mouvants de lui en censive................... 147 » »
« Il devra au contraire, ses mouvances n'étant point inféodées, en totalité.................... 8,505 12 6
« Différence.... 5,419 1. 5 s. 6 d.
« L'opération et la différence des résultats seront les mêmes, soit qu'il s'agisse de liquider le rachat d'une mouvance non encore rachetée par le vassal ou censitaire, soit que cette mouvance ait été prochainement rachetée. »
(Ce décret est adopté.)
Je prie le comité d'imposition de faire incessamment son rapport sur la répartition des contributions foncière et mobilière entre les départements pour que cet objet soit mis au plus tôt à l'ordre du jour, sans cela nous n'aurions point d'impôts cette année.
au nom du comité d'imposition. Le comité s'occupe sans relâche des objets qui lui sont confiés;il est presque toujours assemblé et prolonge ses séances jusqu'au milieu de la nuit. On ne peut donc pas lui reprocher de négligence. Le rapport dont on vous parle est à l'impression et vous sera incessamment présenté.
Je rappellerai à cette occasion qu'un membre de cette Assemblée, M. Au-hrv-au-Bochet, a établi sur cet objet un travail qui est de nature à éclairer l'Assemblée et dont je demande l'impression.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression du travail de M. Aubry-du-Bochet) (1).
Messieurs, le comité de Constitution nous a annoncé la fin de nos travaux pour le mois de juillet : il n'y a pas encore de décret qui prononce si les membres de la législature actuelle pourront être élus pour la législature suivante : Je crois qu'il est temps de décider cette question.
au nom du comité de Constitution. Les travaux du comité de Constitution sont presque achevés ; et pourvu que nous ne perdions pas de temps en discussions longues et et oiseuses, nous sommes certains que nous pourrons céder la place vers la mi-juillet à nos successeurs. (Vifs applaudissements.) Le travail le plus important que nous ayons encore à vous présenter, c'est le complément de l'organisation du Corps législatif ; ce travail est presque achevé au comité ; et l'on y trouvera la question que vient d'élever le préopinant. En général, il ne peut plus y avoir d'incertitude sur les principes constitutionnels ; il serait à propos qu'on ne remît pas toujours en question des choses décidées, qu'on ne s'étendît point en discussions inutiles sur des principes soumis depuis si longtemps à notre méditation. Alors nous accélérerions nos travaux.
La Constitution terminé} n'aurait plus rien redouter des efforts de ses ennemis, et chacun de nous, en retournant dans ses foyers, asurait la consolation d'avoir fait pour sa patrie tout ce qui était en son pouvoir. (Vifs applaudissements.)
Permettez-moi de profiter de cette occasion pour vous rappeler que l'ouverture de vos séances est indiquée à neuf heures, et qu'à dix heures et demie, il n'y a pas cinquante personnes dans l'Assemblée. L'intention de tous les membres de cette Assemblée est d'avancer les travaux : un des moyens de les avancer est d'être de bonne heure à l'ouverture de la séance. Je prie donc tous les membres de l'Assemblée de se rendre à neuf heures, j'aurai soin de m'y trouver. (Applaudissements.)
au nom des comités des domaines, des colonies, de Constitution et d'agriculture et de commerce. Messieurs, vous avez renvoyé à vos comités de commerce, des colonies, de Constitution et des domaines, la proposition qui vous a été faite d'étendre à vos possessions des deux Indes l'abolition du droit d'aubaine, décrétée pour le continent. L'envoyé des Etats-Unis réclame depuis longtemps cette décision, parce qu'on a saisi dans nos ports plusieurs vaisseaux américains, sur lesquels le capitaine était mort. Si vous voulez vivre en bonne intelligence avec ce peuple, et si vous voulez être justes, vous adopterez le décret qui a été convenu dans les quatre comités, et qu'ils m'ont chargé de vous présenter.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport des comités réunis des domaines, de3 colonies, de Constitution, d'agriculture et de commerce, ne voulant laisser aucun doute sur l'intention qu'elle a manifestée par son décret du 6 août 1790, concernant l'abolition du droit d'au-baine et de détraction, déclare qu'il doit être exécuté dans toutès les possessions françaises, même dans les deux Indes. »
(Ce décret est adopté.)
Le scrutin pour la nomination d'un troisième commissaire de la trésorerie a donné la majorité à M. La Métherie.
En conséquence, M. La Métherie est nommé troisième commissaire de la trésorerie.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur Vorganisation du ministère (1).
au nom du comité de Constitution. Messieurs, d'après le décret qui a ordonné la réunion du département des colonies à celui de la marine, le comité de Constitution, conformément à vos ordres, s'est assemblé avec les comités de marine et des colonies, et messieurs les députés des colonies. Ils sont convenus du projet de décret suivant, qui diffère très peu de notre premier travail :
« Le ministre de la marine et des colonies aura:
« 1° L'administration des ports, arsenaux, approvisionnements et magasins de la marine, et dépôts des condamnés aux travaux publics, employés dans le3 ports du royaume;
« 2° La direction des armements, constructions, réparations et en
tretien des vaisseaux, navires et bâtiments de mer;
« 3° La direction de3 forces navales et des opérations militaires de la marine;
« 4° La correspondance avec les consuls et agents du commerce de la naliou française, au dehors ;
« 5° La surveillance de la police qui doit avoir lieu dans le cours des grandes pêches maritimes, à l'égard des navires et équipages qui y seront employés, ainsi que l'exécution des lois sur cet objet;
« 6° Il sera chargé de l'exécution des lois sur les classes, les grades, l'avancement, la police, et autres objets concernant la marine et les colonies. Les directoires de département correspondront avec lui eu ce qui concerne les classes et la police des geos de mer.
« 7° Il aura la surveillance et la direction des établissements et comptoirs français en Asie et en Afrique.
8° 11 aura en outre, conformément à ce qui sera statué sur le régime des colonies, et sauf la surveillance et l'inspection des tribunaux des colonies, qui pourront être attribuées au ministre de la justice, l'exécution des lois touchant le régime et l'administration de toutes les colonies, dans les îles et sur le continent d'Amérique, à la côte d'Afrique, et au delà du cap de Bonne-Espérance, et nommément à l'égard des approvisionnements, des contributions, des concessions de terrains, et de la force publique intérieure des colonies et établissements français.
« 9° Il surveillera et secondera les progrès de l'agriculture et du commerce des colonies.
« 10° Il rendra compte, chaque année, au Corps législatif, de la situation des colonies, de l'état de leur administration, ainsi que de laconduite des administrateurs, et en particulier de l'accroissement ou du (iécroissement de leurs cultures et de leur commerce.
« 11º Il donnera les ordonnances pour la distribution des fonds assignés à son département, veillera sur l'emploi et la comptabilité desfouds, et il en sera responsable.
« 12° Il sera chargé du travail sur les récompenses dues, suivant les lois, à l'armée navale, et aux employés de son département.
« 13° Chaque année il présentera à la législature un état détaillé de la force navale, et des fonds employés dans chaque partie de son département, et il indiquera les économies et améliorations dont telle partie se trouverait susceptible ».
(Les divers paragraphes de cet article sont successivement mis aux voix et décrétée)
rapporteur. Vous avez décrété que le département de l'intérieur serait divisé. D'après la discussion qui a eu lieu à ce sujet, il a paru à peu près convenu que dans l'un des départements on mettrait les contributions directes et indirectes. Mais outre les contributions directes ou indirectes, il est une foule d'établissements qui rapportent ou peuvent rapporter des sommes au Trésor public. Il me suffira de vous indiquer les postes, les poudres et salpêtres, quelques administrations particulières qui appartiennent à la nation, telles que les forges du Mont-Cenis.
Vous pourrez examiner par la suite ou laisser à vos successeurs à examiner s'il est plus utile à la chose publique de réserver ces propriétés dans les mains de la nation ou de les aliéner à des particuliers ; mais dans ce moment il nous a semblé convenable de réunir tout ce qui a rap- port aux contributions et aux revenus publics. Voici l'article que nous vous proposons : « Le ministre des contributions et revenus publics sera chargé :
« 1° Du maintien et de l'exécution des lois touchant l'assiette des contributions directes, et leur répartition ;
« Touchant le recouvrement dans le rapport des contribuables avec les premiers percepteurs, et dans le rapport de ce3 derniers avec les receveurs de district ;
« Touchant la nomination et le cautionnement des percepteurs et du receveur de chaque district ;
« 2° La surveillance tant de la répartition que du recouvrement et de l'application des sommes dont la levée aura été autorisée par la législature, pour les dépenses qui sont ou seront à la charge de3 départements;
« 3° Le maintien et l'exécution de3 lois touchant la perception des contributions indirectes, et l'inspection des percepteurs de ces contributions;
« 4° L'exécution des lois, et l'inspection relativement aux monnaies et à tous les établissements, baux, régies ou entreprises qui rendront une somme quelconque au Trésor public;
« 5° Le maintien et l'exécution des lois touchant la conservation ou administration économique des forêts nationales, domaines nationaux, et autres propriétés publiques produisant ou pouvant produire une somme quelconque au Trésor public.
« 6° Sur la réquisition des commissaires de la trésorerie, il donnera aux corps administratifs les ordres nécessaires pour assurer l'exactitude du service des receveurs;
« 7° Il rendra compte au Corps législatif, au commencement de chaque année, et toutes les fois qu'il sera nécessaire, des obstacles qu'aura pu éprouver la perception des contributions et revenus publics. »
Je demande l'ajournement du premier paragraphe, j'observe qu'il y a deux jours il s'éleva une discussion très vive, et qui n'a été terminée par aucun décret pour savoir, en dernière analyse, à qui appartiendrait le jugement suprême des contestations en matière d'impositions; et le rapporteur du comité de Constitution aurait dû vous soumettre, d'après l'ajournement qui en a été ordonné, la décision de cette question, avant de vous proposer celle-ci. Car ce que M. le rapporteur vous propose tranche la question, et vous n'avez jamais entendu la trancher ainsi.
Quoiqu'on ait disposé les esprits à ne pas entendre de longues discussions, ceci tient ordinairement, comme M. de Folleville l'a exposé, au pouvoir de juger les contestations qui peuvent s'élever sur la perception de l'impôt.
Plusieurs membres : Non ! non !
L'on a beau déguiser ses inconséquences sous des noms qui n'existent plus, C'est précisément parce que ces termes sont vagues, que l'article compromet cette grande question : qu'est-ce que c'est que maintenir l'exécution des lois, relativement à des contestations qui s'élèvent sur les contributions?
rapporteur. Il n'y a pas de contestation.
Je dis que le ministre qui aurait le droit de décider sous quelque titre, sous quelques expressions qu'on lui donne, ce droit de décider pourrait, à la faveur de l'obscurité de ces articles, prétendre au pouvoir de décider ces contestations; et je me suis aperçu que l'intention du comité est de donner ici la plus grande partie de la puissance judiciaire au ministre de l'intérieur. Ces idées me font appuyer M. de Fol-ville.
rapporteur. Il n'en est nullement question. Je vais vous rappeler quelles seraient les fonctions du ministre des contributions publiques, si vous adoptiez ce paragraphe. Vous avez décrété que les rôles seraient faits dans les municipalités, à telle époque, après que le district aurait envoyé l'état de la répartition. Voilà une loi : il faut que cette loi soit exécutée.
Les administrations de districts et de départements sont chargées de veiller à l'exécution de la loi; et comme elles sont en correspondance avec le chef suprême de l'administration générale, le ministre est chargé aussi d'examiner si on a exécuté cette partie de la loi; ainsi, si une municipalité n'a pas fait son rôle au terme prescrit par la loi, le ministre écrit, de la part du roi, aux corps administratifs de faire exécuter la loi, et pour la confection des rôles, et pour les recouvrements des deniers. L'article ne dit rien autre chose. Il n'est donc pas question de décision, il n'est pas question de jugement. Ce qu'on vous propose est le maintien de la loi.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
Pour écarter tous les doutes et toutes les inquiétudes et concilier toutes les opinions, il faut dire : « sans qu'en aucun cas, le ministre puisse juger et prononcer une des contestations relatives à l'exécution de la loi. »
rapporteur. Cette disposition se trouve insérée dans une autre partie du décret.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète les différents paragraphes de l'article du comité.)
rapporteur. Nous passons maintenant aux fonctions du ministre de l'intérieur. Voici notre projet d'article :
« Le ministre de l'intérieur sera chargé :
« 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps administratifs;
« 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières ou par sections, les assemblées primaires et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la force publique intérieure, la constitution civile du clergé, 1 instruction et l'éducation publiques, sans que de la présente disposition on puisse jamais induire que les questions sur la forme et la validité des élections, ou sur l'activité ou l'éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif;
« 3° Il aura la surveillance et l'exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l'intérieur de l'Etat;
« 4° Le maintien et l'exécution des lois touchant les mines, minières et carrières, les ponts et chaussées, la conservation de la navigation et du flottage sur les rivières et du hallage sur leurs bords ;
« 5° La direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics, aux hôpitaux, aux établissements et ateliers de charité et à la répression de la mendicité et du vagabondage;
« 6° La surveillance et l'exéculion des lois relatives à l'agriculture, au commerce de terre et de mer, aux produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches maritimes, à l'industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures, ainsi qu'aux primes et encouragements qui pourraient avoir lieu sur ces divers objets ;
« 7° Il sera tenu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, et éclairer leurs doutes sur les moyens de faire exécuter les lois;
« 8° De rendre compte tous les ans au Corps législatif de l'état de l'administration générale et des abus qui auraient pu s'y introduire.
(Le premier paragraphe de cet article est mis aux voix et décrété.)
J'observe que le second paragraphe englobe les municipalités et la force publique intérieure. Or, il sera bon de savoir si, sous le mot dé force publique intérieure, vous avez entendu comprendre les gardes nationales: jusqu'à présent il n'a rien été décrété à cet égard ; et assurément il est impossible, parles décrets que l'Assemblée nationale rendra, qu'elle mette les gardes nationales sur la ligue de la force publique qui serait sous la surveillance du pouvoir exécutif; ainsi, il faut bien s'entendre là-dessus.
J'appuie les observations de M. Pétion et j'en ajoute une très courte. Je lis clans l'article : « sans que l'on puisse jamais induire que les questions sur la forme et la validité des élections....— » Je propose de dire : «.... sur la forme, la régularité et la validité des élections ».
rapporteur. J'adopte l'addition proposée par M. Prieur.
Je crois qu'il est très bon d'ajourner ce qui regarde la force publique intérieure ; et d'abord parce que vous avez mis dans le département de la guerre ce qui concerne la gendarmerie nationale.
rapporteur. Pour l'avancement et la tenue militaire seulement.
Eh bien I tout ce qui ne regarde pas ce que vous avez mis dans le département de la guerre regarde absolument le corps administratif. Ainsi, sous ce rapport, il est inutile que la gendarmerie soit, d'une part dans le département du ministre de la guerre, et de l'autre dans celui du ministre de l'intérieur; et j'observerai ici que si en Angleterre, par exemple, on n'a point cette force publique intérieure, c'est que l'on n'y a pas les départements, et que l'on ne veut pas mettre dans les mains du ministre une force intérieure, dont il se servirait contre les citoyens.
Au reste, rien n'est absolument déterminé sous ce rapport; et je crois que l'on ne doit pas, dans une expression aussi vague, embrasser une question qui intéresse autant la liberté. Je demande donc que cela soit distrait de l'article, sauf à l'ajouter ensuite.
(de Saint-Jean-d" Angély). C'est précisément pour le maintien de la liberté publique que le ministre doit avoir la surveillance et le pouvoir nécessaire pour assurer l'exécution des lois. Il ne doit pas diriger les gardes nationales, mais bien veiller au maintien des lois constitutionnelles relatives aux gardes nationales. Il est arrivé à Montauban, au camp de Jalès, que des corps de gardes nationales se sont élevés contre les lois: la surveillance du ministre ne sera-t-elle pas utile pour prévenir de semblables mouvements?
rapporteur. Le comité n'a pas voulu parler des gardes nationales, sur lesquelles on ne doit rien préjuger, mais bien de la gendarmerie nationale. Il faut que le miuistre en surveille les mouvements; il faut surtout qu'il puisse maintenir les corps administratifs, auxquels vous avez donné constitutionnellement un si grand pouvoir, dans les limites de leurs fonctions. Il doit, par exemple, avoir le droit d'annuler leurs actes, lorsqu'ils feront agir la gendarmerie nationale contre les lois.
Entre-t-il dans votre système de toujours calomnier les corps administratifs, pour attribuer tout le pouvoir aux ministres.?
rapporteur. Je prie le proépi-nant de ne pas calomnier lui-même un rapporteur, avant de l'avoir entendu. Je dis que vous avez rendu des décrets pour la gendarmerie nationale, et qu'il faut que le roi soit chargé de l'exécution de ces décrets, comme de toutes les autres.
Je demande qu'il soit dit expressément que le ministre ne pourra mettre la gendarmerie nationale eu activité.
J'appuie cet amendement. Si les Anglais n'ont pas de gendarmerie nationale, c'est parce qu'ils ont senti combien cette troupe serait dangereuse dans les mains du ministre. Aussi, à Londres, les personnes chargées de la police ne sont armées que de bâtons.
Il est une foule de circonstances où il est indispensable que le ministre puisse faire transmettre des ordres à la gendarmerie nationale ; tel est par exemple le cas où il s'agirait de faire escorter un convoi. Je demande que l'on se borne à dire que, lorsque le ministre donnera des ordres à la gendarmerie nationale, celle-ci ne puisse les mettre à exécution qu'après les avoir communiqués aux corps administratifs.
Ne voyez-vous pas quels moyens on a employés avant cette discussion pour fermer la bouche à ceux qui veulent défendre les principes du patriotisme. L'intention du comité est de donner tout le pouvoir aux ministres. Je demande qu'ils n'aient d'influence ni directe ni indirecte en activité.
Le système qui tend à refuser au gouvernement toute espèce d'action, même médiate sur la force publique par l'interposition des corps administratifs, est uq système fédératif. (Murmures.) En effet, de ce système naît la puissance absolue qui s'isole, dans l'étendue de son territoire, entre les mains des corps administratifs. Or, s'il y a une branche d'administration dans laquelle les corps administratifs ne tiennent pas au centre commun de l'autorité, dès ce moment il y a séparation. Ces corps ne sont plus liés par l'unité du système monarchique, mais divisés par le système fédératif.
Sans doute qu'après avoir aperçu cet inconvénient, il nous suffit, avec la détermination bien prononcée de celte Assemblée, de ne point tomber dans le système fédératif, il nous suffit, dis-je, d'examiner la nature des ordres qui peuvent être donnés par le ministre aux corps administratifs. S'ils sont conciliables avec la liberté, alors ces corps doivent obéir; si au contraire ces ordres tendent à détruire la Constitution, alors l'insurrection des corps administratifs sera, non pas un droit, mais un devoir: alors ils devront se refuser à devenir les instruments de la destruction de la liberté publique. Il est donc évident que l'interposition de ces corps prévient tous les dangers ; et je demande que la surveillance soit accordée au ministre.
Nul membre de cette Assemblée n'a l'intention d'établir un système fédératif; mais la raison qu'emploie M. Briois-Beaumetz est absolument illusoire, et j'oserai dire dérisoire. Il est absurde de présenter, pour remède à l'abus d'autorité que pourrait faire un ministre, l'insurrection des départements.
J'appelle cela, moi, le système anarchique. Il faut bien que le ministre ait le droit de donner des ordres; mais ce n'est pas un motif pour lui procurer la faculté de faire mouvoir à volonté les corps armés qui existent dans les départements.
En vain dit-on que les corps administratifs pourront arrêter l'impulsion que le ministre voudrait donner à la force publique. Il y a une loi qui autorise le ministre à suspendre les directoires quand ils n'obéiront pas à leurs ordres ; ainsi, par la crainte de perdre leur état et la confiance publique, de mettre leur pays en insurrection, ils seront forcés d'obéir. Il faut sans doute que le ministre puisse faire protéger un convoi; mais alors il faut seulement qu'il donne avis du passage du convoi aux corps administratifs, et c'est àceux-ci, sousleurresponsabilité.à prendre les mesures nécessaires poursa sûreté. (Applaudissements.)
C'est vraiment une chose dérisoire que de venir parler de système fédératif à une Assemblée qui a mis toute la force publique extérieure entre les mains du roi, qui a consolidé la monarchie, qui a donné au ministre une si grande influeuce sur les corps administratifs. J'aime à faire cette observation, pour qu'on ne vienne pas à chaque instant inculper les meilleurs patriotes.
rapporteur. Le travail que vous avez fait jusqu'ici sur la force publique intérieure est loin d'être complet. Le comité de Constitution a ajouté un projet assez étendu, qui va être imprimé à la suite de celui sur la garde nationale. Son objet est l'emploi et l'action de la force publique. Il n'y aurait donc pas d'inconvénients à ajourner, dans l'article qui nous occupe actuellement, les dispositions relatives à la force publique intérieure, jusqu'au moment où vous aurez sous les yeux le travail que je vous annonce.
(L'Assembléedécrète l'ajournement delà partie
Je demande l'exécution de ce que l'Assemblée a décidé avant-hier, c'est-à-dire que, jusqu'à l'établissement des lois relatives à l'éducation nationale et à l'instruction publique, on veuille ne comprendre que provisoirement tout ce qui peut regarder cet objet dans le ministère de l'intérieur.
rapporteur. J'adopte l'amendement de M. Anson. Le deuxième paragraphe serait donc, avec les modifications qui viennent d'y être apportées, rédigé comme suit :
« 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires, et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitutiou civile du clergé, et provisoirement l'instruction et l'éducation publique, sans que de la présente disposition on ne puisse jamais induire que les questions sur la forme, la régularité et la validité des élections, ou sur l'activité ou l'éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif. »
(Le deuxième paragraphe, ainsi conçu, est adopté, ainsi que les paragraphes 3, 4, 5 et 6.)
Messieurs, le paragraphe 7 mérite un sérieux examen. Vous avez craint l'influence du ministre delà justice sur les juges; vous n'avez pas moins de raisons de craindre l'influence du ministre de l'intérieur sur les décisions des corps administratifs. Vous ne devez pas perdre de vue que vous leur avez laissé, dans plusieurs cas importants, le droit de donner des décisions.
Vous avez, Messieurs, un principe sacré; c'est que l'interprétation des lois ne peut appartenir qu'au Corps législatif. On prend une tournure ingénieuse pour vous faire illusion sur cela : on vous demande seulement la faculté d'éclairer les doutes. Qu'est-ce qu'éclairer un doute, ai ce n'est expliquer ce qui n'est pas clair ? Vous voyez, Messieurs, qu'on ne veut pas vous proposer directement, parce que cela serait trop choquant, de donner le pouvoir d'interpréter. On se garde bien d'employer le mot, mais on vous donne la chose; et vous auriez, dans la matière très im-portantede la répartition des impositions directes, des décidions en finance du ministre de l'intérieur, comme vous en aviez, ci-devant, des bureaux du contrôleur général, des intendants des finances, etc. Je demande donc la question préalable sur la disposition d'éclairer les doutes.
Je pense entièrement comme le préopinant. Je crois qu'il est impossible d'insérer dans l'article une clause qui donne au ministre la faculté d'interpréter les lois; mais je crois qu'il faut encore aller plus loin, et qu'il ne faut pas laisser dans votre Gode constitutionnel une clause par laquelle il serait dit que le Corps législatif lui-même aurait le droit d'interpréter les lois ; car je crois, Messieurs, que le Corps législatif doit faire des lois claires ; que la seule interprétation des lois obscures est de les remplacer par des lois claires.
Les rescritsdes empereurs, qui n'é'aient autre chose que des interprétations de lois, furent la cause d'une multitude de jugements iniques et vexatoires. Voulez-vou3 introduire les rescrits du Corps législatif à la place des anciens rescrits odieux des empereurs? Je dis qu'on ne peut laisser subsister la clause du recours au Corps législatif dans le cas où les lois auraient besoin d'être interprétées. J'en demande le retranchement.
J'ai l'honneur d'observer que l'Assemblée nationale a tellement cru que l'indication des moyens pour exécuter les lois appartenait exclusivement au Corps législatif, que,dans toutes les lois importantes d'administration, l'Assemblée nationale y a ajouté des instructions sur les moyens d'exécuter ces lois. Je demande en conséquence la radiation de ces mots : « d'éclairer leurs doutes sur les moyens de faire exécuter les lois... », et je propose de rédiger ainsi le paragraphe :
« 7° Il sera hnu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, de les éclairer sur les moyens de faire exécuter les lois, à la charge de s'adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auraient besoin d'interprétation. »
rapporteur. J'adopte cette rédaction ;elleestparfaitementclaire ; et je demande qu'elle soit mise aux voix.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète la nouvelle rédaction ; elle décrète également le huitième paragraphe.)
rapporteur. Voici donc, quelle serait la rédaction de 1 article relatif aux fonctions du ministre de l'intérieur.
« Le ministre de l'intérieur sera chargé :
; 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps administratifs;
« 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitution civile du clergé et provisoirement l'instruction et l'éducation publique, sans que de la présente disposition on puisse jamais induire que les questions sur la forme, la régularité et la validité des élections, ou sur l'activité ou l'éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif ;
« 3° Il aura la surveillance et l'exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l'intérieur de l'Etat;
« 4° Le maintien et l'exécution des lois touchant les mines, minières et carrières, les ponts et chaussées, la conservation de la navigation et flottage sur les rivières, et du hallage sur leur3 bords ;
5° La direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics, aux hôpitaux, aux établissements et ateliers de charité, et à la répression de la mendicité et du vagabondage;
« 6° La surveillance et l'exécution des lois relativement à l'agriculture, au commerce de terre et de mer, aux produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches maritimes; à l'industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures, ainsi qu'aux nrimeset encouragements qui pourraient avoir lieu sur ces divers objets;
« 7° Il sera tenu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leur devoir, de les éclairer sur les moyens de faire exécuter les lois, à la charge de s'adresser au Corps législatif dans tous les cas où elles auront besoin d'interprétation ;
« 8° De rendre compte tous les ans au Corps
rapporteur, propose ensuite un article ainsi conçu :
« Le ministre de l'intérieur soumettra a l examen et à l'approbation du roi les procès-verbaux des conseils des départements, conformément à l'article 5 de la section troisième du décret sur les assemblées administratives. » (Adopté.)
rapporteur. Maintenant que vous avez déterminé les fonctions inhérentes aux différents départements du ministère. Il convient de régler le nombre des ministres. Voici l'article que nous vous proposons :
« Les ministres exerceront, sous les ordres du roi, les fonctions déterminées ci-après et seront au nombre de six, savoir : le ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre des contributions et revenus publics, le ministre de la guerre, celui de la marine et des colonies et celui des affaires étrangères. » (Adopté.)
rapporteur. Après avoir décrété le traitement des ministres,nous avons laissé en arrière un article du plan relatif à leurs pensions de retraite. Voici l'article :
« Si leur ministère a été de moins de cinq ans, ils auront en retraite une pension de 2,000 livres pour chacune des années qu'ils auront exercé leurs fonctions ; et, quelle qu'en ait été la durée, leur pensiou de retraite ne pourra excéder 12,000 livres. »
Je ne puis m'empêcher de dire que cet article est absolument contraire à la raison et qu'il introduit une distinction inutile et sans objet entre ces fonctionnaires publics et d'autres fonctionnaires publics.
Il existe une règle générale pour donner des récompenses pécuniaires à ceux qui ont bien mérité de la patrie; et je ne connais aucune exception pour une place de fonctionnaire public. Avez-vous décerné des retraites pour les magistrats les plus importants, pour les membres des tribunaux de cassation? En existe-t-il pour les législateurs, pour tous les officiers du peuple? Non. Pourquoi donc en établir une pour les ministres ?
Je conclus de tout ceci que vous ne pouvez point adopter la distinction proposée par l'article, entre les ministres et les autres fonctionnaires publics, sans supposer implicitement que vous regarderiez cette classe de fonctionnaires publics comme une classe supérieure à toutes les autres. Je demande donc la question préalable sur l'article. (Applaudissements.)
rapporteur. L'Assemblée nationale n'ayant accordé de pensions à ceux qui ont servi l'Etat que lorsqu'ils auront '30 ans de service, le comité a cru pouvoir présenter cet article, presque indifférent dans lui-même, puisqu'il y aura ti ès peu de ministres qui parviendront à 30 ans de service.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article du comité.)
demande qu'il soit décrété que nul ne puisse être ministre s'il n'a les qualités requises pour être citoyen actif.
demande qu'il soit décrété que nul ne puisse être nommé ministre de la justice s'il n'a exercé pendant dix ans les fonctions de juge ou la profession d'homme de loi.
(Ces deux propositions sont renvoyées à l'examen du comité de Constitution.)
rapporteur. Je propose de remettre à demain la suite de l'examen du projet de décret sur l'organisation du ministère. (Ce renvoi est décrété.)
J'ai reçu de M. le ministre des affaires étrangères la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envoyer ci-joint trois actes de prestation de serment civique : le premier, de l'ambassadeur de France à la Porte ottomane, de son secrétaire et des autres officiers de cette ambassade ; le second, du chargé d'affaires de France à Malte et de son chancelier; le troisième, du chargé d'affaires du consulat de France à Moscou.
« Ces trois actes forment le complément de ceux qui ont été demandés aux personnes de mon département, employées dans les pays étrangers. « Je suis, etc.
« Signé : MONTMORIN. »
donne ensuite lecture d'une lettre signée par les commissaires des entreposeurs du tabac du royaume, par laquelle ils demandent d'être admis à la barre de l'Assemblée pour lui présenter la pétition qui accompagne leur lettre.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi aux comités chargés d'examiner les réclamations des employés supprimés.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret sur l'organisation de la marine (1).
(2). On a mis sous vos yeux, un projet de décret sur l'organisation
de la marine et sur le mode d'admission et d'avancement (3); on y a
ajouté le décret d'application, monument de la plus révoltante
injustice. Je trouve le premier vice des deux projets dans la
formation du comité de marine, l'objet est trop important pour
déguiser la moindre de ses pensées. Ce comité est composé de trois
classes de personnes, dont je ne dois pas suspecter les intentions,
mais qui se laissent subjuguer par l'intérêt de la classe à laquelle
ils appartiennent plus particulièrement; et les membres qui
pourraient juger sans prendre parti sont en trop petit nombre, ou ne
s'y présentent pas; ces trois classes sont la marine militaire qui
voudrait tout conserver, la marine commerçante qui voudrait tout
envahir, l'administration qui, plus rusée, voit jouerle jeu, et
attend sa proie avec une hagarde impatience. Il est résulté de leur
discussion une espèce de transaction où le militaire, plus fin que
le marchand, a tout conservé pour son corps, et le marchand, trompé
par son ambition même, a cru tout obtenir, parce que nul n'entrerait
dans lamarine qu'il n'eût été mousse ou novice...Quant
Le projet d'admission et d'avancement, et celui d'application, manquentpar trois bases infiniment importantes.
La première, c'est le défaut absolu d'instruction auquel on va livrer la génération qu'on destine pour la marine de l'Etat.
La seconde, c'est la tyrannie que les armateurs pourront impunément exercer pour l'admission des sujets dans la marine militaire... deux motifs pour éloigner un plan aussi inconciliable avec l'intérêt de la nation.
La troisième, c'est la conservation de tous les individus de la marine royale, sans réserver une seule place pour les très dignes sujets de la marine commerçante qui ont servi avec autant de bravoure que de distinction dans les guerres que la nation a soutenues; motif essentiel, motif important pour éloigner à jamais un projet aussi inconciliable avec les principes que nous avons décrétés ; il existe surtout une si grande confusion dans les grades préparatoires, une difficulté si extraordinaire pour parvenir à faire choix de sujets distingués pour l'armée navale, qu'on sera presque toujours exposé à élever, par l'effet seul au hasard, des hommes que les plus grands talents devraient seuls faire admettre.
La bizarrerie de ce plan ne vient que de la diversité d'intérêt de ceux qui l'ont produit; ils ont été entraînés malgré eux à des esprits de parti qui compromettent la chose publique. Aussi verrez-vous ce comité opposé à lui-même. Les officiers de la marine royale voudront vous prouver qu'il n'y a de véritable talent et de véritable bravoure que parmi eux, et ceux qui soutiendront la marine commerçante vous diront que, si vous n'y prenez pas tous les sujets, il n'y a plus de patrie.
Ne consultons aucun intérêt, n'avons devant les yeux que le salut de la grande famille, devant laquelle doivent courber toutes les passions et tous les préjugés, marchons franchement et loyalement vers les deux systèmes qu'embrasse votre comité. L'un tend à conserver dans ce corps une distinction de rang inconciliable avec la Constitution et l'autre, en se réservant tout, croit détruire jusqu'à la plus petite nuance de l'inégalité, seul principe d'une Constitution libre. Ne nous dissimulons pas cependant une chose importante ; votre comité de marine ne vous présente jamais que des titres épars... Vous n'avez sur toutes les matières que des lois imparfaites. Cependant l'administration languit, les marins de tout rang et de tous grades sont mécontents, et tous les individus ont à souffrir de ces vaines disputes qui font accuser l'Assemblée d'une cruelle indifférence sur le sort des navigateurs.
Les officiers nommés ci-devant de la marine royale redoutent une alliance que l'ancien régime leur rendait monstrueuse, que la nouvelle Constitution rend indispensable, et que très difficilement on pourra leur faire adopter. Cependant la prospérité du commerce et la gloire de la nation dépendent de cette association d'hommes que la nature a fait égaux, que l'orgueil avait séparés et que les talents seuls doivent réunir. Il faut que cette alliance se fasse avec éclat, que ceux qui ne seront pas contents de l'association, abandonnent leur poste, la nation les récompensera.
On vous fera, Messieurs, des dissertations brillantes, des discours sublimes sur la théorie de la navigation, sur l'incohérence de la marine militaire avec la marine commerçante, sur l'inaptitude des officiers voués au calcul purement arithmétique et aux opérations commerciales; enfin il n'est rien que l'esprit n'invente et n'accommode pour vous prouver que le capitaine de navire qui a navigué tonte sa vie n'a jamais vu la mer; que celui qui a vaincu si souvent l'ennemi n'avait pas la moindre connaissance des évolutions ni des combats; que ceux qui ont été choisis par nos meilleurs généraux sous le titre modeste d'officiers auxiliaires, étaient deshommes que la pitié plutôt que les talents et la nécessité appelaient sur nos flottes... Voilà ce que les officiers de la marine royale, ce que les intendants de la marine royale lâcheront de vous persuader dans cette tribune... Pour moi, qui ne suis ni officier général, ni intendant, qui ne dois devenir ni l'un ni l'autre... je vous dirai la vérité, avec cette clarté qui n'admet ni équivoque ni surprise. Je vous dirai qu'il faut une marine; que de la bonne organisation, de la bonne composition de cette marine dépend le salut de l'état; que par elle vous tiendrez dans vos mains l'équilibre de l'Europe, et que vous serez la première des nations... Que, sans elle, il n'est plus de prospérité ni de gloire pour la France.
Pour avoir une marine telle que les bons citoyens la désirent, il faut penser à deux objets bien distincts. Le premier, c'est de préparer cette nouvelle génération à un nouvel ordre des choses. Le second, c'est de reconstituer sur de nouvelles bases rorgfanisation-aetuelle.
Pour préparer la génération actuelle à un nouvel ordre de choses, il faut faire l'inverse de ce que votre comité de marine vous a prescrit depuis sa nouvelle institution, et ceci ne peut pas vous être indifférent.
Votre comité a présenté à la marine, comme premier bienfait de la Constitution, un Code pénal ; il a mis l'insurrection dans l'armée navale, et il a fallu tout le patriotisme de3 citoyens de Brest pour que le port n'ait pas été réduit en cendres.
Votre comité a fait rendre un décret sur les classes, et il ne vous a pas présenté les lois secondaires qui pouvaient en hâter l'exécution; l'ancien régime subsiste dans toute sa barbarie; nul individu ne se croit à sa place ; tous sont mécontents et alarmés ; les gens de mer reconnaissent avec peine des chefs qu'ils détestent ; les chefs eux-mêmes sont indifférents et redoutent jusqu'à l'exercice de leurs fonctions les plus simples.
Votre comité vous présente aujourd'hui un mode d'admission dans la
marine militaire, et il le fait suivre d'un projet d'application
qui, non seulement, laisse subsister les abus de l'ancien régime,
mais qui détruit dans l'âme des militaires, qui n'appartiennent pas
à la marine royale, jusqu'à l'espérance d'arriver aux places qui
doivent leur être naturellement destinées... Votre comité vous parle
d'écoles d'instruction et vous renvoie à des règlements qu'il ne
vous présentera pas, ou qu'il n'aura pas le temps de vous présenter,
parce qu'il est possible que la législature
Votre comité de marine a mis à 1 écart toute la partie relative aux officiers civils ; les chefs seuls profitent de tous les abus attachés à l'administration, et les subalternes sont opprimés ; mais ce qui est plus relatif à la partie militaire dont on ne vous parle pas davantage, ce sont les troupes de la marine destinées au service des places.... C'est le corps des canonniers matelots, qui réclame son organisation avec tant d'énergie... Ce sont les ingénieurs constructeurs qui veulent avoir place dans la constitution militaire de la marine... Ce sont les volontaires de la marine qui n'ont jamais rien eu de l'Etat, qui réclament l'assistance et la protection de l'Assemblée. Tous ces corps sont tellement identiques avec le projet d'organisation militaire, qu'il n'est presque pas possible d'en séparer les principes, et de disjoindre leur constitution, et cependant on n'en parle pas.
Pensez, Messieurs, que dans un corps tel que celui de la marine, dont l'existence actuelle est fondée sur des principes aussi anticonstitutionnels que ceux qui existent, il est impossible, si vous ne décrétez pas une bonne organisation ; si vous ne faites pas une juste application, établie de manière à ne pas laisser le vestige des anciennes distinctions ; que vous n'exposiez pas tous les individus qui sont attachés à la marine commerçante, au mépris et aux abus, sous lesquels ils gémissent depuis si longtemps, et qu'il est de votre gloire autant que de votre justice, de faire cesser... Mais pour y parvenir, au lieu de titres épars qui n'ont aucune suite, qui nous laissent toujours dans le doute et dans ae nouvelles espérances, il aurait fallu que, dans un si grand intervalle de temps, votre comité eût présenté un projet d'organisation générale, dans lequel vous vissiez d'un coup d'œil et dans le plus grand détail tout le système qu'on présentera, seul moyen de n'être pas entraîné dans des erreurs d'autant plus funestes, qu'elles peuvent détruire et anéantir et notre commerce et toute notre influence politique.
Ûne nation voisine attend avec une impatience mêlée de celte crainte cette organisation d'où va dépendre sa plus grande prospérité au détriment de celle ;de la France ; c'est à vous, Messieurs, à sonder toute la profondeur de l'abîme qu'on peut creuser sous vos pas. Vous ne pouvez pas trop réfléchir sur un objet aussi important; je sais ce qu'il y a de plus difficile, et qui a toujours embarrassé l'Assemblée toujours si sage dans ses résultats, lorsque, n'étant pas contrariée, elle a constamment suivi et ses penchants et ses principes, ç'a été de suppléer, de remplacer pour le moment les établissements qu'elle a voulu améliorer, et qu'elle aurait dû supprimer et détruire. L'expérience lui a hautement prouvé que renouveler en totalité était le seul moyen d'arriver à la perfection si désirée pour le salut de la Constitution ; elle lui a hautement prouvé que, lorsque des considérations partielles fui ont fait respecter les divers intérêts, elle a été toujours égarée, toujours hors des termes qu'elle avait en vue, et ses résultats ont toujours été au détriment de la paix publique, ce que demandent nos ennemis.
La marine militaire était le corps de France où il était le plus difficile d'entrer, lorsqu'on n'était pas ce qu'on appelait gentilhomme. Je crois même pouvoir affirmer, qu'excepté ceux qui en avaient usurpé le titre, ce qui n'était pas rare, nul des individus qu'on appelait roturiers n'avaient eu, depuis plus de quarante années, l'insigne faveur d'y avoir été admis, de sorte qu'on peut considérer ce corps comme composé d'hommes de race noble, et par conséquent d'une classe jadis privilégiée, qui n'admettait ni vertus, ni talents, ni bravoure dans les'classes qui lui étaient étrangères. Eh! bien, Messieurs, on veut vous faire consacrer, par le décret d'application qu'on vous propose, toute lia barbarie d'un préjugé qui a si longtemps avili la France, et qui l'avait plongée dans l'ignominieux état d'où vous l'avez retirée avec tant d'efforts et à travers tant de dangers.
Vous avez dans ce moment 1,700 officiers dans ce corps. Le comité vous en propose 1,050, sans compter les enseignes ni les aspirants; voici comment il ose vous en proposer la distribution:
Il vous propose 30 officiers généraux.
Il vous propose 120 capitaines de vaisseaux pris parmi les capitaines de vaisseaux actuels, les capitaines de vaisseaux directeurs des ports, les majors de vaisseaux et tous les officiers des classes qui seront dans le cas de concourir à cette formation... choix qui tombera sur les officiers de la marine royale actuelle, sans déterminer une seule des places pour les capitaines de navire, pas même pour ceux qui se sont si glorieusement distingués en combattant l'enne-, mi, et en remportant des victoires.
Il vous propose 800 lieutenants, il n'y en avait que 680 sous l'ancien régime; mais cette augmentation a été nécessaire pour y placer tous les lieutenants de la marine royale, et en né laissant (sans compter les élèves de la première classe qu'il faudra placer), que 128 places pour 840 sous-lieutenants, qui ont tous plus de service, presque autant de lumières, et tous sans réserve autant de bravoure, on croit avoir fait un grand acte de justice. Tous les sous-lieute-nants qui appartiennent au ci-devant tiers état, tous les volontaires, dont plusieurs ont 100mois, de mer, sont renvoyés par ce sublime projet, chez eux, en attendant un tour d'ancienneté qui n'arrivera jamais; et ces militaires dont les parents seront sans aucune espèce de ressource, se trouveront surchargés de leurs enfants, la plupart infirmes à la suite des blessures reçues en combattant les ennemis de l'Etat, et toutes les places seront constitutionnellement données et réservées à la classe privilégiée, qui pourront encore exercer un despotisme révoltant sur toutes les classes des citoyens employés au service de la marine; ce ne sera certainement pas ainsi que l'Assemblée nationale appliquera les principes d'égalité qu'elle a si solennellement décrétés, et qu'elle fera un acte d'injustice aussi intolérable. Il est des projets de décret d'application plus équitables et qui porteront pour base des dispositions moins révoltantes. Car, selon le projet que vous décréterez, au point où vous placerez dans l'instant cette partie suprême de la force publique la nation sera la première puissance du monde, ou ne sera rien... Je vais avoir l'honneur de vous proposer un projet de décret et un mode d'application autrement conçu que celui qui vous a été présenté ; si ce n'était pas fatiguer l'Assemblée que de lui proposer de nouveaux délais, et si j'opinais selon le vœu de ma conscience, je proposerais :
1° La question préalable sur les deux projets du comité;
2° La nomination de cinq membres de rAssem-
En travaillant, Messieurs, au plan d'admission et au mode d'avancement déterminé pour l'organisation de la marine française, je n'ai eu d'autre guide dans mes déterminations que la déclaration des droits de l'homme, si heureusement décrétée et si solennement accueillie par la nation entière. J'ai rasemblé tout ce que j'ai pu découvrir d'hommes instruits dans cette partie; j'ai été en garde contre l'esprit de corps; j'ai combiné les divers systèmes; j'ai concilié les divers intérêts; j'ai jugé les diverses questions qui se sont présentées, et je me suis dit: si d'un mousse je puis en faire un amiral ; si tous les Français calculant en silence les efforts, les mouvements et les récompenses, voient que l'homme arrive aux grades par le seul secours de ses talents et de son mérite; si la nouvelle organisation s'établit sans commotion; si les antipatriotes y trouvent de la consolation et des espérances; si ce projet nous conduit à un système de justice et d'égalité, le seul qui puisse exister chez un peuple libre, j'ai rempli mes vues, et je vous présente un plan digne de vous.
Note sur l'article 1er.
La théorie de la navigation apprend au marin à bien diriger la route de son navire ; celle de la mécanique lui apprend à tirer le meilleur parti de ses voiles et de son gouvernail : l'une et l'autre théorie supposent au moins les éléments d'arithmétique et de géométrie.
Note sur l'article 2.
L'entretien des corvettes continuellement armées pour l'instruction des élèves et pour celles des officiers de tout grade est indispensable : 1° parce que ce sont les vaisseaux de guerre qui sont les plus propres à exécuter et à exercer les marins militaires à toutes les manœuvres et évolutions de guerre; 2° parce qu'il est nécessaire que des hommes qui se sont voués au service et à la défense de l'Etat fassent leur unique et continuelle occupation des exercices qui sont les plus propres à les rendre capables de s'acquitter de leurs devoirs.
Art. 3. Il y aura des élèves et des aspirants de la marine : ils ne seront pas entretenus.Le nombre des élèves sera fixé à 200 ; le nombre des aspirants sera illimité. Les élèves et les aspirants seront distribués en 3 classes.
Note sur l'article 4. « Art. 4. Il sera ouvert, Les élèves doivent être chaque année, des cours l'élite des jeunes gens qui
«Art. 1er. Il y aura des écoles gratuites,
dans les 8 principales villes maritimes du royaume, où l'on enseignera
l'arithmétique, la géométrie, la navigation et la mécanique, ainsi qu'il
sera déterminé par un règlement particulier.
« Art. 2. Dans les 3 ports de Brest, Toulon et Roche-fort, il y aura, outre les écoles gratuites et les bâtiments nécessaires pour garder les côtes, 10 corvettes constamment entretenues à la mer, savoir : 4 au département de Brest, 3 au département de Toulon, et 3 au département de Rochefort. Elles serviront pour exercer continuellement au métier de la mer les officiers de tous les grades.
Art. 3. Il y aura des élèves et des aspirants de la marine : ils ne seront pas entretenus.Le nombre des élèvesera fixé à 200 ; le nombre des aspirants sera illimité.Les élèves et les aspirants seront distribués en 3 classes.
Note sur l'article 4.
« Art. 4. Il sera ouvert, Les élèves doivent être chaque année, des cours l'élite des jeunes gens qui dans le mois de janvier, ont le plus de talents et de pour le choix des jeunes dispositions : pour cela ils gens qui prétendront aux doivent être choisis à la
places vacantes d'élèves de la troisième classe
suite d'examen ou concours, seul moyen de discerner leur véritable génie.
out le plus de talents et de dispositions : pourcela, ils doivent être choisis à la suite d'examen ou concours, seul moyen de discerner leur véritable génie.
Il faut que les élèves aillent de bonne heure à la mer; mais il faut observer que souvent les facultés intellectuelles, même dans les excellents sujets, se développent fort tard. Il serait ridicule et nuisible de fixer l'âge au-dessous duquel les jeunes gens ne seraient pas assez formés pour concourir. Il faut au concours publicité et impartialité.
Art. 5. Seront admis à ce concours tous les fils de français ou de naturalisés français qui n'auront pas passé l'âge de 17 ans, et qui auront fait 3 mois de navigation en qualité de mousses, soit sur les vaisseaux de l'Etat, soit sur ceux du commerce.
« Art. 6. Le ministre de la marine fera proclamer les concours dans tout le royaume, un mois avant l'ouverture, ainsi que les villes où ils auront lieu. Elles seront éloignées de 6 lieues au moins des villes où les écoles seront instituées.
« Ces villes seront au nombre de 3. Le concours ne pourra être établi deux fois de suite dans la même ville.
« Art. 7. Les examens, au concours, seront faits publiquement par un commissaire nommé par le roi, en présence de deux anciens officiers de la marine de l'Etat, et de deux anciens capitaines de navire, tous les quatre retirés du service. Ces quatre officiers seront nommés au scrutin et à la majorité absolue des voix par le conseil général de la commune où le concours devra avoir lieu.
« Le commissaire examinateur n'aura point de voix.
« Les commissaires ne pourront être parents, au degré de l'ordonnance civile, d'aucun des individus promus à peine de cassation du grade concédé.
« Les officiers municipaux, les corps administratifs et le peuple pourront être présents au concours.
« Les aspirants seront admis aux places d'élèves, à la majorité de trois voix sur une, et en cas de partage, le premier corps administratif se retirera dans une salle particulière, et y décidera, au scrutin et à la majorité absolue des suffrages, en faveur de celui qui sera le plus digne de la place.
« Art. 8. Les places d'élèves de la troisième classe seront données aux jeunes gens qui auront le mieux répondu sur les éléments d'arithmétique, de géométrie et de navigation. Les autres jeunes gens qui n'auront pas le mieux répondu sur ces sciences, mais qui cependant auront été jugés suffisamment instruits dans ces mêmes sciences élémentaires, recevront le titre d'aspirants de la troisième classe.
« Art. 9. Immédiatement après leur admission et après l'équinoxe du printemps, les trois quarts d'élèves de la troisième classe et le quart d'aspirants de la troisième classe seront embarqués sur les corvettes d'instruction, où il feront une campagne de 18 mois, dont 6 de cabotage, et 12 de long cours: ils y feront l'apprentissage de matelot, et seront exercés aux fonctions de gabier et de timonier.
Note sur l'article 10.
Art. 10. Cette campagne faite, les élèves et les aspirants de la troisième classe suivront les écoles des ports pendant les 6 mois qui resteront à s'écouler jusqu'à l'époque des concours généraux.
« A ces concours pourron t se présenter, avec les élèves
Après 18 mois de mer, il est bon que les jeunes éièves respirent l'air de terre, afin que la mer ne fasse pas une impression trop forte sur leurs tempéraments ; et 6 mois passés dans les écoles sont utilessous tous les rapports. Ces élèves apprennent la
de la troisième classe, pour les places vacantes d'élèves de la seconde classe, les aspirants de la troisième classe qui auront dix-huit mois de mer effectifs sur les navires du commerce; et les places vacantes d'élèves de la seconde classe seront données à ceux des 10 élèves ou aspirants de la troisième classe, indistinctement, qui auront le mieux répondu sur les premières notions d'algèbre et sur les éléments de mécanique.
« Les aspirants delà troisième classe qui n'auront pas mérité les places d'élèves entretenus de la seconde classe, mais qui auront répondu d'une manière satisfaisante aux examens de concours, recevront le titre d'aspirants de la seconde classe.
« Art. 11. Les élèves de la seconde classe et les aspirants de la seconde classe, immédiatement après leur admission, seront, selon les proportions établies, embarqués, pendant 12 mois, sur les corvettes d'instruction, où ils feront le service de quartier-maître, et passeront successivement à tous les grades d'officier -marinier, celui de maître et de second maître exceptés.
« Les élèves de la seconde classe qui auront, en cette qualité, 12 mois de mer, suivront, pendant 12 autres mois, les écoles des fiorts ; ils y apprendront es théories de la manœuvre, de la tactique navale et de l'artillerie ; et ceux des 10 élèves de la seconde classe, qui, au concours suivant, répondront le mieux sur les sciences théoriques, obtiendront les places vacantes d'élèves de la première classe.
« Pour ront concourir pou r l'obtention de ces mômes places, et avec parité de droits et d'obligations, les aspirants de la seconde classe qui auront, en cette qualité, au moins 12 mois de mer effectifs sur les navires de commerce.
« Ceux des aspirants de la seconde classe qui n'auront pas mérité la préférence pour les places d'élèves de la première, mais qui auront répondu d'une manière satisfaisante, recevront le titre d'aspirant de la première classe ; seront, après 24 ans d'âge et 5 ans effectifs de navigation, habiles à commander au long cours les bâtiments de commerce, et seront appelés de préférence sur les mécanique, si nécessaire aux manœuvres; quelques notions d'algèbre, si utile à la mécanique. Il est utile pour l'Etat que les aspirants puissent concourir avec des élèves de la même classe, tant pour stimuler l'émulation que pour développer les grands talents qu'il est si nécessaire de recueillir et de reconnaître.
Note sur l'article 11.
Il est instant de ramener, le plus tôt possible, les élèves à la mer, munis de la théorie de la mécanique. Ils apprendront à raisonner des effets des voiles et du gouvernail sur les divers mouvements d'évolutions.
Ensuite 12 mois d'assiduité dans les écoles leur apprendront la théorie complète de la manœuvre, de la tactique et de l'artillerie ; et ceux de ces élèves qui, par des examens publics au concours se seront montrés supérieursà tousles autres, auront justifié leur droit de préférence aux places vacantes, et prouvé par là qu'ils ont atteint le complément des connaissances théoriques qui leur sont nécessaires pour devenir des sujets distingués.
Et ceux de ces aspirants qui, au concours, n'auront pas remporté les places d'élèves, auront prouvé qu'ils peuvent devenir d'excellen ts capitaines de navires, et peut-être même rentrer avec distinction dans la marine de l'Etat.
vaisseaux de l'État, quand l'État aura besoin de leurs services.
« Art. 12. Les élèves et II est aisé de concevoir les aspirants de la première que les élèves de la pre classe, selon les proportions établies, seront exercés constamment, sur les corvettes d'instruction, aux manœuvres et évolutions qui constituent la tactique navale, à toutes les opérations relatives à l'hydrographie et à la navigation, et généralement tout ce qui est relatif à la guerre, et qui peut en représenter les simulacres les plus exacts.
« Les corvettes de différents ports se réuniront au moins au nombre de 9, et les dix élèves do la première classe, qui, en cette qualité, auront au moins 24 mois de mer effectifs, seront susceptibles d'être faits lieutenants de vaisseaux ; et les aspirants de la troisième classe qui auront 24 mois de mer effectifs sur les corvettes, seront susceptibles d'être faits capitaines de navire.
Note sur l'article 12.
Il est aiséde concevoir que les élèves de la première classe, formés" et éduqués comme ils l'auront été après 24 mois de mer, d'exercices continuels dans tout ce qui est relatif à l'art de la guerre, seront inévitablement d'excellents lieutenants.
« Art. 13. Les élèves de la première classe prendront rang après les premiers maîtres d'équipages et de ca-nonnage.
« Art. 14. Aux examens généraux pour les places d'élèves des différentes classes, tous les navigateurs pourront concourir.
« Art. 15. En temps de guerre, le ministre pourra rapprocher les époques des examens généraux pour les concours, selon que le demanderont les circonstances et les événements de la guerre.
« Art. 16. Sur les corvettes d'instruction et autres vaisseaux de guerre que l'Etat entretiendra constamment armés en temps de paix, seront embarqués, selon les proportions déterminées, autant d'élèves et d'aspirants qu'il s'en présentera et qu'on pourra en admettre : savoir, trois quarts d'élèves et un quart d'aspirants, et ensuite pris à tour de rôle, en prenant pour règle la date de leurs réceptions.
Ces aspirants feront le même service que ceux des classes correspondantes.
« Art. 17. Les grades des officiers de la marine seront ceux de lieutenant, de capitaine, de contre-amiral, de vice-amiral et d'amiral.
« Art. 18. Sur la totalité des places de lieutenant, il en sera réservé 30 pour récompenser les services des maîtres entretenus, qui arriveront audit grade les deux tiers par l'ancienneté et le tiers restant au choix du roi. En recevant le brevet de lieutenant, ils obtiendront la décoration militaire.
Note sur l'article 18.
Il est de toute justice de réserver un certain nombre de places de
lieutenants pour récompenser les premiers maîtres, .en qui les talents
naturels et une pratique consomméejsuppléent, en quelque sorte, au
défaut d'éducation et de théorie ; mais il me paraît souverainement
injuste que le comité de marine offre pour récompense à de vieux
militaires de 50 ans, qui auront souvent 30 ou 40 ans de navigation sur
les vaisseaux ie l'État, le même grade qu'il prodigue si libéralement à
des jeunes gens de 20 ans, qui n'auront fait autre chose qu'appren-
a Art. 19. Sur la totalité des places de capitaine, il en sera réservé huit pour récompenser les services des lieutenants qui seront arrivés à ce grade par la voie des maîtres entretenus. Ils y arriveront moitié par ancienneté, et moitié au choix du roi. Ils seront admissibles à tous les grades supérieurs concurremment avec les autres capitaines, soit par rang d'anciennete, à dater du jour de leurs brevets de lieutenant, soit par la nomination du roi.
« Art. 20. Tout capitaine de navire qui aura été aspirant de la première classe, et aura commandé un corsaire ou un bâtiment de 300 tonneaux, quand il sera commandé sur les vaisseaux de l'État, ne pourra l'être qu'en qualité de lieutenant de vaisseau. En cette qualité, il aura droit à toutes les récompenses militaires exactement comme tous les autres lieutenants. Il pourra, s'il le désire, rester dans ce grade pour courir la même carrière que les autres vers le grade de capitaine, en renonçant au commerce ; et s'il est rendu à ses occupations de commerce, son temps, pour les décorations militaires, marquera depuis l'époque où il aura été appelé sur les vaisseaux de l'Etat, sa navigation ultérieure sur les bâtiments de commerce lui étant comptée à raison de huit mois pour douze.
« Art. 21. Tout navigateur qui pourra subir un examen satisfaisant sur tout ce qui est exigé des élèves ou aspirants des différentes classes, avant qu'ils puissent être admis au grade de lieutenant, sera admis au concours s'il a 72 mois de mer effectif, et il ne pourra cependant exercer les fonctions du grade de lieutenant, que lorsqu'il aura navigué sur un vaisseau de guerre 12 mois depuis son admission à ce grade.
« Art. 22. Tout capitaine de corsaire qui, dans ses campagnes, aura pris ou détruit un vaisssau. ennemi de force supérieure à la sienne, sera, de droit, à dater du jour de la prise, fait lieutenant de vaisseau.
« S'il en a pris ou détruit deux de force supérieure, il sera fait capitaine, il recevra la décoration militaire et prendra rang avec les antres capitaines de vaisseau, à dater de son grade de lieutenant.
Il sera constamment payé de ses appointements, soit qu'il continue à monter les corsaires, soit qu'il commande les vaisseaux de l'Etat.
« Art. 23. Pendant paix, les lieutenants la de vaisseaux seront tenus de naviguer sur les corvettes ou autres vaisseaux de guerre au moins 8 mois sur 18, et le capitaine au moins 6 mois sur 20.
« Art 24. Pendant la paix, les contre-amiraux ne pourront être faits vice-amiraux sans avoir commandé, au moins pendant douze mois, l'escadre d'évolutions des corvettes ; et les vice-amiraux ne pourront être faits amiraux sans l'avoir commandée au moins six mois dans leurs grades de vice-amiraux.
« Art. 25. Les places de capitaines de vaisseaux seront données aux lieutenants, deux tiers à l'ancienneté dans ce grade, et un tiers au choix du roi.
« Le choix du roi ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins deux ans de navigation dans leur grade.
« Les rangs de capitaines entre eux seront réglés par le rang qu'ils avaient dans leurs grades de lieutenants.
Note sur l'article 23.
Il est nécessaire que les facultés militaires, tantcor-porelles que du génie, soient tenues dans une activité assez grande pour qu'elles ne puissent pas s'émousse r dans l'inaction de la paix. Il m'a paru même nécessaire de prendre tous les moyens de les perfectionner.
Note sur l'article 25.
Les lieutenants de vaisseaux, de la manière dont ils auront été formés, seront tous des officiers de distinction et d'une très grande capacité, et ce n'est pas trop de leur donner les deux tiers des places vacantes de capitaines selon leur rang d'ancienneté dans le grade de lieutenant.
17. Les places de vice-amiraux seront données s-amiraux, un quart à l'ancienneté et trois
Art. 26. Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, moitié par ancienneté, et moitié au choix du roi.
« Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins douze mois d'ancienneté dans ce grade.
«Art. 27. aux contre-amiraux, un quart quarts au choix du roi.
« Art. 28. Les amiraux seront toujours au choix du roi.
« Art. 29. Quand la reconnaissance publique ou l'estime générale du corps de la marine porteront à un avancement quelconque un officier, de quelque grad e que ce puisse être, que le pouvoir exécutif aurait négligé d'avancer, il pourra être fait des pétitions au Corps législatif, qui, d'après des connaissances qu'il prendra du mérite de l'officier, pourra manifester au roi le vœu de la nation, et le roi ne pourra se dispenser d'y avoir égard. »
Note sur Varticle 29.
Il peut se faire qu'un bon officier, ayant bien mérité de la patrie, soit mal vu parmi les intrigants de cour, et conséquemment retardé dans son avancement; il m'a paru utile d'avoir un moyen de faire rendre justice, et de récompenser des militaires vertueux et distingués, dont l'avancement sera souvent utile et toujours nécessaire à la chose publique.
Après avoir donné, selon le vœu de l'Assemblée, mon projetde décret, j'avertistous les bons citoyens que si tous les grades d'officiers qui formeront la première composition de la marine de l'Etat ne sont pas également distribués entre la marine militaire actuelle et la marine commerçante, il est inutile d'entreprendre l'organisation de la marine de l'Etat, les anciens abus subsisteront; il y aura liberté et bonheur pour toutes les classes, excepté pour les navigateurs.
J'aurai l'honneur de présenter à l'Assemblée le projet d'application, Je seul qu'on doive lui présenter dans les circonstances actuelles, le seul qui assure la paix dans les ports, et qui donne l'espérance de la paix et du bonheur; il en serait temps.
(L'Assemblée décrète [l'impression du discours et du projet de décret de M. Ilicard de Séalt.)
(1). Messieurs, sans blâmer les principes d'égalité qui doivent faire
la base de l'organisation de la marine, je trouve que le plan du
comité ne favorise pas assez les officiers ae la marine royale. Le
projet de décret que j'ai à vous présenter ne diffère d'ailleurs de
celui de votre comité qu'en très peu de chose ; le voici (2) :
« Il y aura une marine exclusivement militaire. « Article 1er. Tous les citoyens quelconques, et
particulièrement ceux soumis à la conscription maritime, pourront
être admis dans la marine militaire, et parvenir à tous les grades,
en remplissant les conditions exigées pour I instruction.
« Art. 2. Nul ne pourra être embarqué comme mousse sur les bâtiments de l'Etat que de 10 à 16 ans.
Novices.
« Art. 3. Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans, et n'auront pas satisfait à Fexamen exigé par l'article 14, seront novices.
« Art. 4. Ceux qui auront commencé a naviguer en qualité de novices, pourront après douze mois de navigation, être admis à l'état de matelots.
« Art. 5. Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye, et à cet effet la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes.
« Art. 6. Aucun matelot ne pourra être porte à la haute paye sans avoir passé par les payes intermédiaires.
Officiers mariniers.
« Art. 7. Il y aura des officiers mariniers ayant
« Art. 8. On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier.
« Art. 9. Toutes les augmentations de solde et avancements en grade, pour les gens de l'équipage, seront faits pour chaque vaisseau par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard.
« Art. 10. On ne pourra être fait capitaine de bâtiment du commerce, qu'après l'âge de 24 ans, lorsqu'on aura soixante-douze mois de navigation, dont douze mois sur les bâtiments de l'Etat, et douze mois de cabotage sur les côtes de France et après avoir subi un examen public.
Pilotes côtiers.
« Art. 11. Nul ne pourra commander un petit cabotage qu'il n'aie le temps de navigation, et satisfait à l'examen qui sera prescrit. Ces maîtres seront employés au moins comme timoniers.
« Art. 12. Nul ne sera embarqué comme pilote côtier s'il n'a commandé au moins trois ans en qualité de maître au petit cabotage et satisfait a l'examen qui sera prescrit.
Maîtres entretenus.
« Art. 13. Les officiers mariniers parvenus, par leurs services, au premier grade de leur classe, pourront être constamment entretenus, et le nombre des entretenus sera déterminé d après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus, vacantes dans chaque département, seront donnés à l'anciennete, et l'autre tiers au choix du roi; l'ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les bâtiments de l'Etat avec le grade, et en remplissant les fonctions de premier maître.
« Art. 14. Les maîtres entretenus de manoeuvre, de canonnage et de pilotage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncees, encore qu'ils eussent passé l'âge auquel 1 admission aux différents grades pourrait avoir lieu.
Écoles publiques.
« Art. 15. Il y aura des écoles entretenues aux frais de l'Etat, dans les trois ports, pour 1 instruction des aspirants et des citoyens qui se destinent à la marine militaire; il sera aussi établi des écoles gratuites de navigation dans ^principales villes maritimes. Ces différentes écoles seront déterminées par un règlement a cet ellet.
Aspirants.
« Art. 16. Tous les citoyens pourront se présenter pour être admis
aspirants de la marine; mais ils ne pourront l'être qu'après 14 ans
d âge accomplis, et au concours d'après un examen public sur
l'arithmétique, la géométrie, les éléments de la navigation et de la
mécanique. Il y aura à cet effet une époque déterminee chaque
« Il sera armé tous les ans dans les trois ports, Brest, Toulon et Rochefort, pendant sept mois de l'année, des corvettes pour l'instruction des aspirants.
c Art. 17. Les aspirants seront divisés en trois classes; la totalité en sera limitée, mais les différentes classes ne le seront pas. La troisième sera composée de ceux qui auront été admis aspirants au concours, et seront embarqués au moins pendant six mois sur les corvettes, où ils seront instruits sur les différentes parties, et y exerceront toutes les fonctions de matelots, timoniers, gabiers, canonniers.
« La seconde sera composée de ceux qui, ayant été embarqués six mois sur les corvettes d'instruction, auront été reconnus, d'après un examen, y avoir acquis de l'instruction dans les différentes parties; ils pourront alors être embarqués sur les bâtiments de l'Etat, armés au long cours; ils y feront le service de quartier-maître, et passeront successivement à tous les grades d'officiers mariniers, celui de maître et second maître, excepté quand le capitaine les jugera capables de passer de l'un à l'autre.
« La première sera composée de ceux qui, ayant deux ans et demi de navigation sur les vaisseaux de l'Etat, y compris les six mois sur les corvettes d'instruction, et aprè3 avoir satisfait à un examen sur la théorie et la pratique de l'art maritime, suivant ce qui sera prescrit seront attachés pendant leurs séjours dans les ports, aux différents détails.
« Art. 18. Les aspirants de la première classe prendront rang après les premiers maîtres; les aspirants de la première et seconde classe auront des émoluments fixes, tant à la mer que dans les ports; ceux de la première classe seront plus forts que ceux de la seconde.
Officiers de la marine.
« Art. 19. Les grades d'officiers de la marine seront ceux d'enseignes, lieutenants, capitaines de vaisseaux, et les grades d'officiers généraux. On ne pourra être fait enseigne avant l'âge de dix-neuf ans.
« Art. 20. Le grade d'enseigne sera le dernier grade d'officier de la marine.
c Art. 21. Les aspirants de la première classe seront faits enseignes après quatre ans de navigation sur les bâtiments de l'Etat, au concours, d après un examen sur la théorie et la pratique. Celui sur la pratique sera fait dans une escadre d'évolution, s'il y en a; au défaut de quoi il sera fait sur les corvettes d'instruction oU en présence des commissaires pris dans les différents grades; ils exécuteront les différentes manœuvres qu'ils leur prescriront, ainsi que cela sera désigné dans un règlement à cet effet.
« Ceux qui, après avoir fait les quatre années de navigation.se trouveraient à la mèr, tant dans 1 Inde qu'à l'Amérique, etc., pourront subir, dans les formes prescrites, l'examen de pratique; s'ils y satisfaisaient, le commandant de l'escadre serait autorisé à leur donner un brevet provisoire d'enseigne, dont ils exerceraient les fonctions et auraient les émoluments. A leur retour dans les ports, ils subiront l'examen de théorie : après y avoir satisfait, leur brevet provisoire serait confirmé de la date où ils l'auraient obtenu.
Art. 22. Tous les capitaines et lieutenants des bâtiments de commerce, qui voudront être admis dans la marine militaire, concourront aux places d'enseignes avec les aspirants de la première classe; seront tenus les capitaines d'avoir commandé des bâtiments de commerce, et d'avoir fait dix-huit mois de navigation sur les bâtiments de l'Etat; les lieutenants, soixante-douze mois de navigation sur les bâtiments du commerce, et dix-huit sur les bâtiments de l'Etat. Le temps en sus de dix-huit mois de navigation sur les bâtiments de l'Etat, leur compterait deux mois pour trois de navigation sur les bâtiments de commerce.
« Art. 23. Le rang des aspirants, capitaines et lieutenants des bâtiments de commerce, faits enseignes, sera fixé indistinctement entre eux, d'après leur degré d'instruction. Ils seront entretenus, et entièrement et perpétuellement voués au service de l'Etat.
« Art. 24. Il sera attribué aux maîtres entretenus un certain nombre de places d'enseignes, auxquelles ils pourront être promus sans concours; ils exerceront néanmoins les fonctions respectives auxquelles ils étaient attachés, prendront rang parmi les enseignes, de la date de leur brevet, et pourront avoir des appointements plus considérables que ceux affectés à cette place.
« Art. 25. Tous les enseignes parviendront au grade de lieutenant par rang d'ancienneté, qui sera le grade immédiatement au-dessus de celui d'enseigne.
Capitaines de vaisseau.
Art. 26. Les capitaines de vaisseau seront pris parmi tous les lieutenants, de la manière suivante : une moitié de ce remplacement se fera en suivant le rang d'ancienneté, et l'autre moitié au choix du roi, sans égard à l'âge. Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins deux ans de navigation ; dans ce grade, l'ancienneté ne sera plus un titre pour les lieutenants âgés de cinquante ans.
« Art 27. Les capitaines de vaisseau prendront rang entre eux de la date de leur brevet. Les officiers faits capitaines de vaisseaux dans la même promotion, conserveront entre eux le rang qu'ils avaient lorsqu'ils étaient lieutenants.
Officiers généraux.
« Art. 28. Les officiers généraux seront divisés en trois grades, les amiraux, vice-ami-raux, et contre-amiraux.
« Art. 29. Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, deux tiers au choix du roi. Ce choix ne pourra porter que sur ceux des capitaines qui auront au moins 2 ans de navigation dans ce grade.
« Art. 30. Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral par rang d'ancienneté.
« Art. 31. Les amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux, et toujours au choix du roi.
« Art. 32. Les officiers commandant en temps de guerre les escadres
dans les mers d'Amérique et des Indes seront autorisés par le roi à
récompenser, par des avancements conformes aux règles précédentes,
et en nombre déterminé, les officiers qui l'auront mérité. Les
officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du
Art. 33. Les remplacements par ordre d'ancienneté, dans les différents grades, marcheront avant ceux par choix, et auront lieu à mesure que les places viendront à vaquer et au plus tard 2 mois après la connaissance de la vacance.
Nomination aux commandements.
« Art. 34. Le commandement des armées navales et escadres, composées de 9 vaisseaux de ligne au moins, ne pourra être confié qu'à des amiraux, vice-amiraux, contre-amiraux, mais indistinctement entre eux.
« Art. 35. Le commandement des divisious sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement, et celui des vaisseaux de ligne armés en guerre, et des frégates portant du 18, à des capitaines.
« Art. 36. Les commandants des frégates portant du 12 seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants.
« Art. 37. Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, flûtes, ga-barres, lougres et autres bâtiments à l'Etat, seront pris indistinctement soit parmi les lieutenants, soit parmi les enseignes, pourvu que les enseignes aient 2 ans de navigation dans ce grade.
« Art. 38. Le roi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu'il n'y ait pas d'accusation.
« Art. 39. Les commandants des armées navales et escadres, pendant le cours de leurs campagnes, exerceront le droit donné au roi par l'article précédent. »
Pour avoir une marine bien organisée, et en état de se faire respecter, il faut avoir beaucoup de vaisseaux, un nombre suffisant de matelots soumis à une discipline sévère pour les armes, d'habiles chefs pour les commander, et de bons officiers pour seconder ces chefs. Vous avez assez de vaisseaux en état de commencer la guerre si on vous la déclarait, et vous pourriez en moins d'un an en augmenter le nombre suffisamment pour qu'en vous joignant avec vos alliés, vous puissiez faire la loi à vos ennemis. Le nombre de vos matelots est plus considérable qu'il ne l'était avant la dernière guerre; mais il ne l'est pas à beaucoups près autant qu'il serait, à désirer qu'il le fût. Ce n'est qu'en étendant votre commerce, et en augmentant vos pêches que vous pourrez former des matelots, vous avez pour commander vos vaisseaux les officiers de l'Europe les plus instruits, et qui ont donné des preuves de leur valeur.
Devez-vous en temps de paix en entretenir un grand nombre, afin qu'en y joignant, lorsque la guerre se déclare, les élèves qui auront 3 ans de navigation, et se trouveront en état de subir les examens prescrits pour être avancés, vous puissiez armer tous vos vaisseaux ? Ou devez-vous avoir recours à la marine commerçante pour vous fournir des capitaines de navire, auxquels on donnerait un grade dans la marine militaire, soit à demeure, soit seulement pour le temps de la guerre? C'est ce qu'il faut soumettre à la discussion.
Messieurs, ce n'est pas seulement pour ce mo- ment-ci que vous voulez organiser la marine; il faut qu'elle soit toujours dans un état respectable. 11 ne vous suffirait pas d'avoir des vaisseaux et des matelots pour les armées, si vous ne preniez les moyens d'avoir toujours des officiers en état de faire respecter votre pavillon ; ce n'est qu'en formant une pépinière d'officiers que vous pouvez vous en assurer.
Je suis d'avis que vous ayez dans vos 3 principaux ports une compagnie d'aspirants ou d'élèves, la dénomination importe peu; celle d'élèves me paraît plus propre à adopter. Un commandant, 3 lieutenants ou enseignes de vaisseaux suffiraient pour les surveiller. Il leur faudrait 3 professeurs de mathématiques, dont au moins un serait en état de donner des cours d'astronomie et de physique; un maître de langue anglaise et un de dessin. Il faudrait autoriser le commandant de chaque compagnie de renvoyer à leurs parents les élèves dont les mœurs et les mauvaises inclinations n'auraient pu être corrigées par les punitions qu'on leur aurait infligées. L'on ne peut avoir trop.d'attention à renvoyer des corps les jeunes gens vicieux. Il convient de continuer d'armer tous les ans dans les ports de Toulon, de Brest et deRochefort une corvette pour l'instruction des élèves; c'est une excellente école.
Ce n'est pas tout, Messieurs, d'avoir pourvu à l'instruction des jeunes officiers, il faut encore leur fournir les moyens de se perfectionner en les faisant souvent aller à la mer et en armant tous les ans des escadres d'évolution.
Il conviendrait donc, en temps de paix, de doubler le nombre des officiers subalternes sur tous les bâtiments que l'on arme. Par ce moyen vous pourriez toujours avoir à la mer environ 500 officiers. Si la totalité des officiers était de 1,500, un tiers resterait dans les départements, et l'autre tiers irait se reposer chez eux des fatigues de la mer.
J'insiste beaucoup pour qu'il y ait en temps de paix un tiers d'officiers dans les départements. Quoiqu'on ne s'y instruise pas autant qu'à la mer, on s'y entretient continuellement du métier : on se rend plus familier, et on s'y attache, au lieu que ceux qui restent longtemps absents s'en dégoûtent, et n'y perservèrent pas : j'en ai souvent vu la preuve. Je vous demanderai, Messieurs, la parole sur les différents articles du décret que votre comité vous propose, et qui ne me paraissent pas devoir être adoptés.
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain.)
Un membre du comité d'aliénation propose la vente de biens nationaux à diverses municipalités dans les termes ci-après :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits bien3, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
Département des Hautes-Pyrénées.
A la municipalité de Lésignan........... 15,704 1. 12 s. 10 d.
Département de l'Oise.
A la municipalité de Bouveresse....................12,711 1. 12 s. »
A celle de Breteuil. 8,904 7 6
A celle de Beil.... 19,781 2 4
Département de la Haute*Marne.
A la municipalité de Palaiseuses-Quaque-
ray..................................4,385 9 8
A celle de Mézières. 19,801 11 »
A celle dlronville.. 25,440 8 8 A celle de Bouzan-
court.......................3,169 5 »
A celle de Saint-Urbain................................50,041 19 4
Département de l'Oise.
A la municipalitéde
Saint-Maur..................113,690 13 8
Département du Gers.
A la municipalité de
Barran...............116,682 11 10
Département des Deux-Sèvres.
A la municipalité de
Niort ............................2,445,970 1 5
Département du Cantal.
À la municipalitéde
Devic............... 190,848 12
Département de l'Isère.
A la municipalité de
Grenoble........................3,136,526 15 10
A celle de Saint-Mar-
tin-de-Miseré................38,586 14 4
A celte de le Touvel. 118,941 18 »
A celle de l'Affrey. 3,638 » 6 A celle de Villar-
bourd-Lancy................16,100 6 »
A celle de Morelet. 756 16 »
A celle duCheylas. 16,568 14
A celle de Goncelin 7,668 1 A celle d'Avallon et
Villard..........................44,144 » 8
A celle de Saint -
Maximin-en-Grignan.. 18,497 » 6 A celle de Paquiers
et la Cluse....................38,604 10
A celle d'Entraigues 3,625 17 6 A celle de la Motte-
Saint-Martin ................15,222 19 4
A celle de Valbon-
uais................ 27,544 9 2
Département de Rhône-et-Loire.
A la municipalité de
Orliénas......................1,800 .» »
A celle de Saint-Gyr 26,450 6
A celle d'Ampuis.. 29,582 7 A celle de Sainte-
Colombe........................66,362 5 8
A celle d'Arbresles. 8,192 10 »
PARLEMENTAIRES. [13 avril 1791.] 24
d.
A celle de Meyes... 14,660 1. » s. »d.
A celle de Fleurieu. 15,112 10 »
A celle de Nicelles. 3,624 11 »
A celle de Limonest 39,820 4 »
A celle de Dammar-
tin................. 1,380 8 »
A celle de Saint-Ger-
main-au-Mont-d'Or... 23,166 10 »
A celle de Curis... 2,409 » »
A celle de Boche-
taillée .............. 61, 066 10 »
A celle de Gouson.. 4,884 » »
A celle de Saint-Bo-
main............... 15,018 i »
A celle de Sivrieux-
d'Aseigues.......... 18,204 9 »
A celle du Cher.... 8,627 14 »
A celle de Saint-An-
dré-le-Château...... 48,695 6 8
A celle de Soucieux 8,534 » »
A celle de Charly . 50,391 » M
A celle de Vernai-
son................ 19,569 n »
A celle de Marcilly-
d'Azergues.......... 9,143 4 1)
A celle de Saint-Ju-
lien ................ 5,150 » »
A celle de Benne-
3,505 » »
 celle de Saint-Ge-
net-l'Argentier...... 6,543 »
A celle de Grezen-
le-Marché.......... 9,272 2 »
A celle de Saint-
Etienne de l'Oise____ 16,562 14 I
A celle de la Cha-
pelle-en-Vaudragon. 8,562 8 >
A celle de Saint-
48,323 16 »
A celle de Quin-
cieux.............. 19,781 4 »
A celle de Foulan-
18,986 » >
A celle de Lentilly 91,532 3 »
A celle de Mornan. 5,756 17 »
A celle de Saint-
Jean-de-Tous tas..... 15,527 » »
A celle d'Ecuilly.. 37,659 12 »
A celle de Chapo-
nost............... 27,918 10 »
A celle de Hauteri-
101,950 » »
A celle de Con-
drieux............. 101,950 » „
A celle de la Bajas-
36,442 5 1»
A celle de Saint-
Symphorien........ 84,666 14 »
A celle de Ghasselay 51,947 5 »
Département du Nord.
A la municipalité de
Trois-Villes.........
A celle de Noyel-
sur-Piscau..........
A celle de Valen-
ciennes............
A celle de Mitlo-
fosse...............
A celle de Saint-
Amand.............
A celle de Bibbe-
39,104 » »
10,144 4 »
123,111 5 1
14,256 > H
376,613 4 7
125,871 M »
A celle de Villiers-Plouich, etc......... ?99,894 1. 18 s. 4 d.
Département du Pas-de-Calais.
A la municipalité de
Allouener....................42,909
A celle deGochyus-
tou................................9,022 7
10
Département des Ardennes.
A la municipalité de Sommauthe......... 26,092
Département de la Meuse.
A la municipalité de
Thiaucourt....................343,627 10
A celle de Saint-
Mihiel............................446,676 16 »
Département de la Meurthe.
A la municipalité de Vie................ 999,322 7 2
Département du Tarn.
A la municipalité de
Bernac..........................45,403 » »
A celle de Peyrolles 20,665 »
A celle de Tecou.. 30,387
A celle de la Pelli-
sarie............................7,227
Département de l'Hérault.
A la municipalité de Puimisson.......... 5,385 16
Département de la Haute-Garonne.
A la municipalité de Toulouse........... 788,718 15
A celle de Montèche 420,416 7
Département de la Creuse.
A la municipalité de Felletin............ 11,736 » »
A celle Saint-Vaurie 20,123 8
Département de VAllier.
A la municipalité de Saint-Pourgain...... 244,496 8
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimations respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
indique l'ordre du jour de la séance de demain matin et lève la séance à trois heures.
Répartition des contributions publiques pour l'année 1791, par M. P.-F. Aubry-du-Bochet, député du département de VAisne. — (Imprimée par ordre de l'Assemblée nationale.)
Messieurs, l'Assemblée nationale en fixant d'un côté le maximum de la contribution foncière au sixième du revenu net, et de l'autre la masse de la même contribution à 240 millions, vous avez à jamais préjugé que le revenu net foncier ne pouvait être moindre de 1,440 millions en France.
Le sol pour livre de cette contribution, que vous avez décrétée en vue de dédommager ceux quijseront surtaxés, suppose que, dans le travail de la répartition, il est possible que le revenu net foncier présente en apparence un moindre produit de 72 millions ; mais ces 72 millions, quoique destinés à des décharges et à des modérations, ne peuvent diminuer en rien cette masse de revenu net de 1,440 millions, parce que, par la même raison que l'Assemblée a évalué à 72 millions le trop imposé, on peut évaluer à la même somme le moins imposé, d'où il résulte compensation. Quantà moi, j'élève depuis 1,500 jusqu'à 1,600 millions le revenu net des biens-fonds en France, comme je l'ai fait dans nos précédents discours, et cette évaluation est toujours la base de mon système.
On va peut-être me dire qu'il est possible que le revenu net des biens-fonds ne s'élève pas à beaucoup près à cette somme de 1,440 millions, et que, si l'on s'en rapporte aux déclarations qui se font en ce moment aux municipalités, nous ne devons pas compter sur plus de 1,200 millions. Mais à cela ie réponds que cette évaluation n'est que le résultat d'un revenu net, calculé d'après l'ancien système ; que ce n'est pas le revenu actuel que les circonstances de la Révolution ont pu diminuer qui doit nous arrêter, mais celui que l'Assemblée nationale a pu élever par l'effet de ses décrets, à une somme d'au moins 1,440 millions ; parce que, s'il était vrai qu'il ne s'élevât pas aujourd'hui à cette somme, ce serait aux propriétaires à augmenter alors le prix de leurs denrées jusqu'à concurrence de cette valeur, puisque la masse de l'impôt, quand il sera réparti, sera la véritable mesure du prix des denrées, ou, ce qui est la même chose, du prix des loyers.
Personne ne pouvant, ce me semble, me contester ces vérités, je vai3 alors présenter à l'Assemblée mes réflexions sur les moyens de procéder à la répartition des contributions qu'elle a décrétées.
Ces moyens sont péremptoires, dès que nous sommes parvenus à connaître quel est véritablement en France le revenu net des biens-fonds.
Je terminerai mes réflexions par un tableau de répartition des contributions foncière et mobilière entre les départements, après avoir également indiqué les moyens de répartir les masses d'impôt de chaque département entre les districts et les municipalités.
principes généraux.
Ce n'est point un cadastre dans le sens qu'on donne à ce mot, la mesureet
l'arpentage des terres
Ces bases portent sur trois vérités constantes : l'étendue, la population et l'acquit des anciennes contributions. J'en ajoute une quatrième, les rapports de richesses des habitations combinés avec la population des villes; car on conçoit qu'il existe certainement une échelle de richesses, dont la mesure est le plus ou le moins de cette population.
On distingue en France comme ailleurs trois ordres de richesse: la richesse foncière, la richesse mobilière et la richesse industrielle ou de commerce.
J'évalue à 3,200 millions ces trois parties de richesse, ou plutôt la richesse entière de la France ; ie la divise en deux parties que je suppose égales ; la première sous le titre de richesse foncière, et la seconde sous le titre de richesse personnelle.
Je fais supporter par le revenu net de la richesse foncière la contribution foncière et par le revenu net de la richesse personnelle la contribution mobilière, et je les désigne sous le titre de contribution directe, parce que leur masse est déterminée.
Je cumule ensuite toutes les autres contributions, et je les désigne sous le titre de contribution indirecte, parce que leur masse est indéterminée.
Cela fait, je place entre les deux contributions directes et indirectes un terme moyen que j'appelle richesse d'habitation et mobilière, et j'évalue au quart environ de la richesse totale cette richesse d'habitation.
D'après ces premières données, je suppose, comme l'Assemblée l'a décrété, une contribution foncière de240 millions, ce qui revient au sixième environ du revenu net foncier, et comme j'ui élevé le produit net de la richesse industrielle ou de commerce à la même somme que celui de lu richesse foncière, il s'ensuit qu'en réunissant les produits des contributions indirectes d'enregistrement, timbre, patentes et traites, ils doivent s'élever, comme je pense qu'ils s'élèveront quand l'ordre sera rétabli, à une somme égale à celle que doivent supporter les terres et autres biens-fonds, et qu'alors cette richesse d'habitation et mobilière se partage en deux parties, la première sous le titre d'habitation purement foncière, et la seconde sous le titre d'habitation purement mobilière.
La contribution mobilière a été fixée à 66 millions, d'où je conclus que la richesse d'habitation purement foncière peut acquitter une contribution à peu près semblable de 66 millions, puisqu'elle peut être tixée au quart environ de la contribution foncière, et que la contribution foncière à répartir sur les terres et autres biens-fonds peut s'élever à environ 174 millions.
Tels sont, Messieurs, les principes généraux d'après lesquels je vais procéder à la répartition des contributions foncière et mobilière entre les départements.
Mais, pour en répartir les masses entre les districts et municipalités, nous avons besoin de connaître dans quelle proportion une habitation doit influer sur la richesse industrielle etdecommerce des citoyens des différentes villes et autres lieux de l'Empire, et pour cela je pose de nouvelles bases, d'après d'autres calculs que j'ai déjà eu l'honneur de soumettre à l'Assemblée, quand j'ai voulu prouver, comme je crois l'avoir fait, que le droit de patentes produirait une somme de 52,200,000 livres, et non 12 millions, comme l'avait d'abord annoncé le comité de l'imposition.
Ceci n'est point du tout étranger à la question, puisque c'est par le même moyen que l'on connaîtra la masse de la contribution que chaque municipalité et par suite chaque district devront supporter; avantage précaire dans la circonstance présente, car chacun pourra vérifier mes calculs par l'application qu'il en fera dans les lieux qu'il connaît particulièrement, et que je n'ai pu atteindre que par l'application des principes généraux.
Je considère d'abord ce qu'est Paris au reste du royaume, en calculant combien d'individus acquitteront de droits de patentes dans la capitale, combien dans les villes au-dessus de 5,000 habitants, combien au-dessus de 6,000, combien au-dessous de 1,000, et combien dans tous les lieux au-dessous de 1,000.
J'observe ensuite qu'un même ouvrier qui gagne 5 sols dans la capitale n'en gagne que 4 dans les villes de seconde classe, 3 dans la suivante, 2 dans la dernière, et enfin 1 sol dans les simples municipalités; et que comme les loyers diminuent dans une proportion d'un cinquième comme le nombre des ouvriers, j'ai pu, en adoptant ces bases, calculer combien la ville de Paris et toutes les autres villes et lieux du royaume peuvent payer, et, par là, j'ai établi des rapports vrais entre toutes les villes du royaume.
Aussi est-ce d'après ces calculs que je prouve que Paris est dans ses rapports commerciaux et industriels, comme il l'est dans beaucoup d'autres parties en matières de résultat, dans la proportion de deux treizièmes d'un tout, ou, ce qui est la même chose que sur 13 deniers de contribution Paris en acquitte 2.
Les villes de seconde classe dont la population est évaluée à 1 million, comme un Paris, ou 2 deniers.
Les villes de troizième classe dont la population est évaluée à 3 millions, comme deux Paris, ou 4 deniers.
Les villes de quatrième classe dont la population est de 4 millions, comme un Paris et un quart ou 2 deniers et demi.
Pour appuyer la vérité de cette opinion, j'invoque une autorité bien respectable.
Les impositions anciennes qui pesaient presque toutes d'une manière directe sur J'industrie, et seulement d'une manière indirecte sur les fonds, s'élevaient à 472 millions de francs de produit net, et Paris en acquittait, suivant M. Necker, environ 75 millions qui sont, à peu de chose près, les 2 treizièmes de 172 millions de francs : donc la capitale est toujours à la France entière dans cette proportion d'environ les 2 treizièmes d'un tout.
J'ai plus étendu encore, Messieurs, mes combinaisons de calculs ; mais, attendu qu'elles tiennent plus particulièrement à la répartition des contributions entre les départements, je les présente sous ce titre :
Bases particulières de la répartition.
La population de la France est de 24 à 25 millions d'âmes.
Ont peut supposer une habitation par 4 individus et par conséquent 6 millions et plus d'habitations ou feux.
La France contient environ 26,000 lieues carrées, 1,000 lieues carrées 5,207
millions 1/2
Pour faire évanouir les fractions, je calcule la lieue carrée à seulement 5,000 arpents de 1,000 toises chacun, et cela réduit les 26,000 lieues carrées à 130 millions et plus d'arpents, en ce non compris 2,300,000 arpents sur lesquels sont édifiées les 6 millions et plus d'habitations, de manière qu'il n'y a réellement de négligé qu'environ 2 millions 600,000 à 700,000 arpents ; encore les peut-on considérer comme terres vaines, vagues ou landes; et dans ce cas j'atteint complètement le nombre d'arpents qu'il y a réellement en France.
La contribution foncière d'habitation des citoyens propriétaires est évaluée à 66 millions, compris 6 à 7 millions environ de contribution foncière des héritages sur lesquels sont édifiées les habitations de la capitale ; et la contribution mobilière, non compris les mêmes 6 à 7 millions, à la même somme de 66 millions ; cela fait 10 livres par habitation foncière et 11 livres par habitation mobilière.
La contribution foncière des terres et autres héritages s'élève à 174 millions de francs, ce qui revient à environ 26 ou 27 sols l'arpent. Cependant j'élève chaque arpent à 30 sols, tant pour faire évanouir les fractions, que parce qu'il faut déduire un certain nombre d'arpents en chemins, rivières, rochers, ou autre chose de nulle valeur.
De ces évaluations il résulte que la contribution foncière d'habitation est d'un peu plus d'un quart comme je l'ai dit des contributions foncières, et que les autres héritages en supportent un peu moins des trois autres quarts, et qu'en combinant, sous tous leurs rapports, les bases que je viens d'établir, il est facile de procéder entre les départements à la répartition des 66 millions de francs de contribution mobilière et des 240 millions de francs de contribution foncière que vous avez décrétés, et c'est, Messieurs, d'après ces bases que j'ai dressé le tableau de cette répartition.
Il n'est pas nécessaire, je pense, de vous en donner lecture en ce moment, il suffit que vous sachiez qu'il existe. Ce qu'il importe véritablement de connaître, ce sont les moyens de répartir entre les districts et municipalités les contributions de chaque département. Ces moyens sont simples et toujours déterminés par les principes généraux que j'ai posés, dont ils ne sont qu'une suite nécessaire. Au surplus vous allez en juger.
Paris, étant dans la proportion des deux treizièmes de la richesse de la France, doit supporter les deux treizièmes de la contribution d'habitation foncière et d'habitation mobilière.
Le treizième de 60 à 66 millions est de 5 millions, par conséquent chacune de ces deux contributions est d'environ 10 millions, en ce non compris 6 à 7 millions à quoi s'élèvera la contribution foncière des héritages situés dans l'enceinte des murs de la capitale, et qu'il faut ajouter aux 10 millions de contribution d'habitation, de manière que la contribution totale, tant foncière que d'habitation, s'élève à 16 ou 17 millions.
On peut compter à Paris 150,000 habitations. Or, chaque habitation doit acquitter une contribution foncière d'habitation de 66 à 67 livres et une contribution purement foncière de 40 livres environ, et seulement une contribution mobilière de 72 à 75 livres par habitation, attendu que les-40 livres de contribution purement foncière ne peuvent influer sur la contribution mobilière.
La contribution d'habitation tant foncière que mobilière étant ainsi connue à Paris, celles des autres villes le sont également, d'après les bases que j'ai posées précédemment.
Suivant ces bases:
Les villes de seconde classe, dont la population est de 1 million et la richesse comme un Paris présentent cette proportion :
250,000 habitations doivent payer 10 millions de contribution foncière d'habitation et 11 millions de contribution mobilière ; par conséquent chaque habitation doit acquitter une contribution foncière d'habitation d'environ 40 livres, et une contribution mobilière d'environ 44 livres;
Les villes de troisième classe, dont la population est de 3 millions et la richesse comme deux Paris ;
750,000 habitations doivent 20 millions de contribution foncière d'habitation et 22 millions de contribution mobilière ; par conséquent chaque habitation doit acquitter une contribution foncière de 24 livres et une contribution mobilière de 26 1. 8 s;
Les villes de quatrième classe, dont la population est de 4 millions et la richesse comme un Paris et un quart ;
Un million d'habitations doit 12,500,000 livres de contribution foncière, et 13,750,000 livres de contribution mobilière ; par conséquent chaque habitation doit acquitter une contribution foncière de 12 1. 10 s. et une contribution mobilière de 13 1.15 s;
Enfin les villages ou lieux de la cinquième et dernière classe, dont la population est de 15 millions, et les richesses comme un Paris et un quart.
3,750,000 habitations doivent 12,500,000 livres de contribution foncière, et 13,750,000 livres de contribution mobilière; par conséquent chaque habitation doit acquitter une contribution mobilière d'un peu moins de 3 1. 10 s. 5 d.
Je n'en dirai pas davantage sur la contribution foncière d'habitation et sur la contribution mobilière déterminée par l'habitation ou le produit des loyers de maison ; mais ce rapport entre les deux richesses d'habitation foncière et mobilière ne suffit pas pour la répartition que nous avons à faire entre les districts et municipalités, il faut connaître également quels sont les rapports entre cette même richesse d'habitation, celle des fonds sur lesquels les habitations sont édifiées, et celle des terres et autres biens-fonds, faisant cette dernière richesse le complément de la richesse foncière dont vous avez élevé la contribution à 240 millions.
Ici c'est l'Assemblée elle-même qui nous fournit, dans son décret sur la contribution mobilière pour 1791, un moyen de connaître le rapport entre la richesse d'habitation, celle des fonds des mêmes habitations, et celle des terres et autres biens-fonds.
Suivant l'article 18 du titre II de la contribution mobilière pour 1791, l'Assemblée a décrété 18 classes particulières de loyer de maison, dans la vue de déterminer la richesse particulière de chaque citoyen, d'après le prix de son loyer.
Le prix du loyer au-dessous de 100 livres suppose un revenu double du loyer.
Ceux de 100 livres jusqu'à 500 livres, un revenu triple ;
Ceux de 500 livres jusqu'à 1,000 livres, un revenu quadruple ;
Ceux de 1,000 livres jusqu'à 1,500 livres, un revenu de 5 fois le loyer.
Ceux de 1,500 livres jusqu'à 4,000 livres, tou-
Et enfin ceux depuis cette somme ]usqua 12,000 livres et au-dessus également, une demi-fois plus par chaque somme de 1,000 livres, en sorte que depuis 12,000 livres et au-dessus, le revenu présumé du citoyen est de 12 fois et demi le prix de son loyer.
En ceci, Messieurs, il est à remarquer que je suis les données de votre comité, et que parfaitement d'accord avec lui en opérant confusément, et d'après ses bases comme d'après les miennes, nous nous vérifions ainsi l'un par l'autre, et prouvons par là la justesse de nos calculs respectifs.
J'ai dit que le prix commun de la contribution foncière d'habitation était, dans la capitale, de 66 à 67 livres chaque habitation. Dans les villes de seconde classe, de 40 livres. Dans les villes de troisième classe, de 24 livres. Dans les villes de quatrième classe, de 12 1. 10 s.
Et dans les autres lieux de la France, d'un peu moins de 3 1.10 s. 5 d.
Mais cette mesure ne suffit pas, il y a trop de distance des villes d'une classe aux villes de la classe voisine, il est indispensable de les atteindre toutes d'une manière plus directe, et la chose est facile.
Pour cela, Messieurs, j'adopte cette échelle de votre comité, que vous avez décrétée, et voici comment :
J'admets 3 classes de municipalités de villages, 4 de municipalités des villes de la quatrième classe, 5 de municipalités des villes de la troisième classe, 5 de municipalités des villes de la seconde classe, et la capitale sous le titre de pre-mière classe.
Je poursuis encore un instant mes combinaisons, et ce que je veux dire est absolument décisif pour la solution d'un problème dont la découverte est infiniment précieuse.
Quand le prix commun de l'arpent de terre ou héritage quelconque est à 30 sols, le prix commun particulier de l'arpent édifié, ou propre, ou destiné à être édifié, par cela seul qu'il se trouve dans le cercle de l'habitation, vaut et doit valoir 3 livres dans les municipalités de village, 6 livres dans les villes de quatrième classe, 9 livres dans celles de troisième classe, 12 livres dans celles de seconde classe, et 36 livres dans la capitale. D'un autre côté on peut compter par arpent 1 à 2 habitations dans les villages, 3 à 4 dans, les villes de quatrième classe, 5 à 6 dans celles de troisième classe, 7 à 8 dans celles de deuxième classe, et jusqu'à 36 dans la capitale, attendu pour cette dernière qu'une nouvelle superficie semble se représenter en quelque sorte à chaque étage de maison.
Pour combiner ce double rapport, seul moyen de déterminer le véritable produit net du même arpent d'héritage édifié, ou propre à l'être dans toutes les classes des villes, il faut multiplier la valeur de l'arpent d'une des 5 classes générales que je viens d'admettre par le numéro de la même classe, et en suivant le même ordre; d'où il résulte, par l'effet de cette double combinaison, qu'un arpent d'héritage édifié, ou propre à l'être, vaut :
Dans les villages 3 livres, c'est-à-dire 3 livres multiplié par 1.
Dans les villes de la quatrième classe, 12 livres ou 6 livres multiplié par 2.
Dans les villes de la troisième classe, 27 livres ou 9 livres muitiplié par 3.
Dans celles de la seconde classe, 48 livres ou 12 livres multiplié par 4.
Et dans la capitale, 432 livres ou 36 livres muitiplié par 12.
On conçoit facilement qu'un arpent d'héritage, propre à bâtir, peut valoir le double d'un arpent de même héritage dans les villages; mais on ne voit pas de la même manière pourquoi un arpent dans la capitale peut s'élever à 432 livres.
Or, voici ce que j'ai fait pour le savoir.
La ville de Paris, dans ses nouveaux murs, contient environ 15,000 arpents : je n'en compte que les 2 tiers à cause des rues, ce qui lait 10,000 arpents, qui, a raison de 1,000 toises 1 arpent, font 10,000 de toises. La toise de terrain non édifié à Paris peut valoir 4 livres de loyer; donc le produit des fonds vaut à Paris 40 millions ; donc la contribution foncière doit s'élever à près de 7 millions; donc, enfin, j'ai dû chercher entre ces deux extrêmes de la contribution 3 et 432, pour un même arpent, les rapports qui doivent se rencontrer entre les différentes villes et lieux de la France, et que le moyen que je présente est bon, puisqu'il atteint tous les arpents d'héritages édifiés,' ou propres à édifier en progression continue, depuis la susdite somme de 3 livres, jusqu'à celle de 432 livres.
Pour mieux déterminer encore les différentes classes des villes, je vais reprendre la même échelle de population dressée à l'instar de celle des 18 classes particulières du loyer des maisons, et la présenter sous la forme d'un tableau, à l'effet de la faire servir de barème pour tous ceux qui voudront vérifier mes calculsou déterminer les masses d'impôt d'un district, d'un canton, et même d'une municipalité, dès quils connaîtront la population, l'étendue et les données de la contribution d'un département; ils pourront même perfectionner leurs opérations, et encadastrer différentes municipalités, s'ils connaissent leur valeur respective.
Je distingue dans le tableau le numéro des différentes classes des villes ou lieux, que j'ai même subdivisées pour atteindre un plus grand nombre de villes et lieux ; le nombre présumé d'âmes de chaque classe, d'après le nombre de citoyens actifs ; Je nombre d'habitations par arpents, et le taux à quoi la contribution foncière de chaque arpent d'héritages édifiés, ou propres à édifier dans chacune des 18 classes des villes et lieux que votre comité suppose en France, doit s'élever, en le calculant comme je l'ai déjà observé, sur le taux commun de la contribution foncière de chaque arpent d'héritage en France, c'est-à-dire sur le pied de 30 sols environ.
Je fais cette dernière observation, afin que le même tableau puisse servir à tous les départements, c'est-à-dire que, quand le taux commun des terres sera dans un département à 30 sols, l'arpent d'héritage édifié, ou propre à l'être, sera celui porté au tableau : s'il diffère, le prix augmentera ou diminuera selon que l'arpent contribuera de plus ou moins de 30 sols, en suivant la proportion des différences.
Je fais la même opération sur le taux commun de l'habitation fixé à 10 livres pour la contribution foncière, et à 11 livres pour la contribution mobilière.
Par ce procédé, surtout si l'on veut étendre le barême, on aura des calculs
tout faits; et la répartition, soit générale, soit particulière, ne
S'il arrive que dans un département les taux que j'ai fixés pour les prix de contribution foncière, soit d'habitation, soit d'héritages, sous la distinction d'arpents, ne présentent pas une juste proportion, la différence ne peut faire naître le
moindre inconvénient, et le tableau n'en sera pas moins utile; il faudra seulement que les corps administratifs, en suivant le3 formes qui seront déterminées dans le projet de décret, établissent cette proportion, qui, une fois arrêtée, rentre dans la classe des calculs dont je viens de parler.
Voici le tableau:
TABLEAU ÉLÉMENTAIRE
Des contributions foncières d'habitations, par masses d'arpents et habitations, selon l'ordre des villes et lieux du royaume et de leur population, divisés en dix-huit classes.
ORDRE des
classes.
2e ,
3*.
9e.
10" 11». 12e. 13e. 14e, 15e. 16*, il". 18e
POPULATION.
200 300 400 500 600 700 800 900 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,700 1,800 1,900 2,000 2,200 2,500 3,000 4,000 6,000 9,000 13,000 18,000 24,000 31,000 39,000 49,000 60,000 72,000 85,000 99,000 120,000 600,000
NOMBRE d'arpents d'enclos.
30 40 50 60 70 80 85 90 95 100 105 110 115 120 125 130 135 140 150 155 160 165 170 180 200 230 270 320 380 450 540 640 750 870 1,000 1,200 (1) 15,000
TAUX
de l'arpent.
Jiv. s. 2
2 5
2 10
8 10
9
9 10 10 10 10 11 11 10 12 13 15 17 20 23 26 30 34 38 42 48 54 60 432
TOTAL.
5
liv. 60 90 125 165 210 280 340 405 475 550 630 715 805 900 1,000 1.155 1,215 1,330 1,500 1,627 1,760 1,897 2,040 2,340 3,000 3,910 5,400 7,360 9,880 13,500 18,360 24,320 31,500 41,760 54,000 72,000 6,480,000
NOMBRE
de TAUX
feux ou habi- d'habitations
tations.
6 7
liv. s.
50 2
75 2 10
100 3
125 3 10
150 4
175 4 10
200 5
225 5 10
250 6
275 6 10
300 7
325 7 10
350 8
375 8 10
400 9
425 9 10
450 10
475 10 10
500 11
550 11 10
625 12
750 13
1,000 14
1,500 15
2,250 16
3,250 18
4,500 20
6,000 22
7,750 24
9,650 26
12,250 28
15,000 30
18,000 33
22,250 36
24,750 39
30,000 42
150,000 66 à 67
TOTAL.
liv. 100 187 300 436 600 787 1,000 1,237 1,500 1,787 2,100 2,437 2,800 3,187 3,600 4,032 4,500 4,977 5,500 6,325 7,500 9,750 14,000 22,500 36,000 58,500 90,000 132,000 186,000 253,500 343,000 450,000 594,000 810,000 965,250 1,260,000 10,000,000
177 10
TOTAL
général.
liv. 160 277 425 597 810 1,067 1,340 1,642 1,975 2,337 2,730 3,152 3,605 4,087 4,600 5,187 5,715 6,307 7,000 7,952 9,260 11,647 16,040 24,840 39,000 62,410 95,400 139,360 195,880 267,000 361,360 474,320 625,500 851,760 1,019,250 1,332,000 16,480,000
(1) On a compté tout le terrain renfermé dans les nouveaux murs.
Je n'ai qu'un mot à dire, Messieurs, pour vous faire remarquer l'avantage qu'on doit retirer du tableau qui précède, c'est qu'il sert d'élément a toute répartition quelconque de contribution foncière d'habitation ou d'enclos, même mobilière, en ajoutant pour cette dernière un dixième à la contribution foncière d'habitation entre les différentes villes et lieux de la France, et que par là il résout complètement le problème de la répartition des contributions publiques.
11 a fallu de grands calculs sans doute et beaucoup de combinaisons pour connaître ces données élémentaires; mais leur application, leur usage n'ont rien de problématique; le moins instruit, même en calcul, verra dans un instant la somme que sa municipalité, tout son canton, son district doivent payer, dès qu'il connaîtra la masse de contribution de son département, et ses rapports avec la contribution commune à tout le royaume.
J'observe encore que les sommes portées dans les cinquième et huitième colonne du tableau, varieront sans cesse, n'étant ici qu'élémentaires et communes à tout le royaume. La cinquième colonne correspond à ce qui est ou sera désigné dans les bases de répartition dans les départements, sous le titre d'héritages édifiés ou enclos; et quand on dit ou dira 83 0/0, c'est dire que sur 100 livres du tableau il ne faut compter que 83 livres.
La colonne 8 correspond à ce qui est désigné dans les mêmes bases de
répartition pour chaque
D'après cette courte explication, il est facile de concevoir qu'on peut parcourir ainsi tous les départements et déterminer la masse de l'impôt dans toutes les municipalités.
Je vais rendre plus sensible encore cet ordre de choses par un exemple.
Le canton de Maintenon au département d'Eure-et-Loir, dont on connaît le nombre d'habitants, l'étendue et la population, d'après ma répartition, va remplir mon objet.
Exemple :
215 101 Ï85 85 640 225 2,475 825 300 125 .200 99 1,000 340 300 125 1,000 340 187 90
8,858 1. » s.
Chartainvillers.......... f ff habitations à 2 L 10 s.....
( 45 arpents d enclos a 2 1. 5 s..
Bouglainval............. j ™ habitations à 2 1. 10 s
8 ( 38 arpents d enclos a 2 1. 5 s..
pj s i, 160 habitations à 4 livres......
................. | 75 arpents d'enclos à 3 livres.
Maintenon * 330 habitations à 7 1. 10 s......
maintenon.............. , 11Q arpeQts d-enclos à 6 j. 10 s,
Yermenonville........... | 100 habitations à 3 livres .
( 50 arpents d enclos à 2 1. 10 s.
Mévoisins............... j habitations à 2 1 10 s......
( 44 arpents d enclos à 2 1. 5 s..
Saint-Piat............... 2£9 habitations à 5 livres.....
( 8 o arpents d enclos a 4 livres..
( 100 habitations à 3 livres......
ooma res............... i 50 arpents d'enclos à 2 1. 10 s.
j „ | 200 habitations à 5 livres......
*.................... ( 85 arpents d'enclos à 4 livres.
Saint-Pierre-de-Bercheret. j ™ habitations à 2 1. 10 s. ....
i 40 arpents d enclos a 2 1. 5 s..
Total...8,8581. » s.
» s.) 10 i 316 1. 10
* 1 » j 270 »
30 ( » i 865 »
» ) » 1 3 ,300 »
» 1 425 »
» i
: i 299 »
: 1 1 ,340 »
¦ l » i 425 »
> | » ) 1, ,340 »
10 ) » 277 10
rapport.
Les 10 paroisses du canton de Maintenon contiennent 1,401 habitations et 622 arpents d'enclos oui doivent contribuer; savoir:
Les 1,401 habitations de............................................................................6,502 1. » s.
Les 622 arpents d'enclos.......................................! ..............2,355 »
Le canton de Maintenon contient 24,000 arpents de terre» qui, à raison de 30 sois, font ! *. " 36,000 »
La contribution mobilière, à raison d'un dixième en sus de \adite contribution foncière d'hàbitation, s'élève à..............................................................................................................7,153 »
Total au taux commun du royaume............................. 52,011 1. » s.
Le département d'Enre-et-Loir contribue : pour les héritages édifiés, sur le pied de 105 0/0 Pour les habitations sur le pied d'un peu plus de 105 1/2 0/0. En conséquence, il faut ajouter :
Aux habitations.......................................................................................................325 1.
Aux 622 arpents d'enclos......................................... 47 »
Aux terres................................................1,980 »
2,709 »
A la contribution mobilière....................................357
Total au taux commun du département........................... 54 720 1. s.
Les 5 sols pour livre de cette somme...................13,080 »
total............................ 67,800 1. » s.
Les dix paroisses du canton de Maintenon doivent donc supporter une contribution foncière et mobilière, tant en principal que sol pour livre, de 67,800 livres, sauf le plus ou le moins dans le cas où ce canton ne se trouverait pas au taux commun du département; mais, en supposant qu'il se trouve dans sa juste proportion, il est démontré que les contributions foncière et mobilière que vous avez élevées à environ 380 millions en France, sont au-dessous des anciennes contributions foncières, puisque, suivantle relevé des anciens rôles pour l'année 1787, ces dix paroisses étaient imposées à une somme de 80,0261. 7 s. 7 d.
Cette diminution sera d'autant plus sensible, que dans les 80,026 1. 7 s. 7 d. ne sont pas comprises les contributions des biens des ci-devant privilégiés, landis qu'ils supporteront leur part de contribution des 67,800 livres : d'où nous devons conclure avec la plus grande satisfaction, que 1 on ne vous a point flattés quand on vous a dit que dès cette année la France éprouverait un soulagement d'environ 251 millions, puisque cela s'accorde parfaitement avec tous les calculs que je viens de vous soumettre.
A l'égard de la contribution des patentes, vous devez la calculer sur le même pied de la contribution d'habitation, s'il est vrai qu'elle soit dans le cas de produire, comme on peut le croire, près de 60 millions. Or, dans cette hypothèse, cette contribution s'élèvera dans l'étendue du canton de Maintenon à la somme de 6,502 1. 10 s., cette contribution ayant pour base le prix du loyer.
Je ne m'étendrai pas davantage, Messieurs, sur
Votre comité attend des renseignements, on vous parlera d'après les renseignements; mais j'observe que, quels qu'ils soient, vous ne pouvez connaître la vérité comme je viens de la mettre sous vos yeux, ces renseignements de votre comité ne pouvant être que des résultats vagues de déclarations que les communautés croient de leur intérêt de diminuer dans l'espoir de moins payer.
Art. 1er. Les contributions foncière et
mobilière sont fixées pour chaque département provisoirement, ou
seulement par forme de règle de fausse position pour la présente année
1791, aux sommes portées au tableau de répartition ci-an-nexé.
Art. 2. Les directoires de départements feront une première répartition provisoire de ces contributions entre leurs différents district?, d'après les tableaux élémentaires de répartition ci-an-nexés, en dresseront procès-verbal et en adresseront une copie au comité de l'imposition et à chaque directoire de district de leurs départements respectifs.
Art. 3. Les directoires de districts feront également une première répartition provisoire entre les différentes municipalités d'un même canton, d'après les mêmes tableaux élémentaires de répartition, en dresseront procès-verbal, et en adresseront une copie au comité de l'imposition, au directoire de leur département, et aux conseils de chaque commune de municipalité.
Art. 4. La municipalité du chef-lieu de canton et conseil de la commune, joint à eux un commissaire ou deux de chaque municipalité du même canton, feront une répartition provisoire entre chaque municipalité, détermineront la population et le nombre d'arpents de tous héritages de son territoire calculé sur le pied de mille toises carrées pour un arpent, et feront passer copie du procès-verbal aux directoires de leur district et département.
Art. 5. Pendant qu'on procédera aux répartitions provisoires dans les départements, districts et chefs-lieux de cantons, deux commissaires pris dans le directoire de chaque département, et nommés par liste à la majorité relative, se rendront à un centre commun à trois départements, qui sera désigné dans une liste dressée à cet effet, et ci-annexée; et là, avec six commissaires de districts, dont deux du district ou se trouve le centre commun, et les quatre autres des deux districts les plus voisins dépendants des deux autres départements, et joint encore à eux un commissaire pris dans chacun des centres communs les plus voisins, dresseront procès-verbal du produit net des habitations, enclos et terres des trois districts associés, en distinguant sur un sol combien chaque district doit en supporter, et sur un pareil sol, dans chaque district, combien les habitations, les enclos et les terres et autres héritages doivent également en supporter.
Art. 6. Dans le même temps, chaque conseil de toutes les municipalités du royaume, joint à lui un commissaire choisi dans chaque municipalité voisine, sans aucune acception de département ou district, dressera procès-verbal du produit net des habitations, enclus et terres ou autres héritages de leur territoire, en distinguant sur un sol combien les habitations, les enclos et les terres, ou autres héritages, doivent en supporter, et enverra copie de ce procès-verbal au cnef-lieu de canton, aux directoires de son district et de son département, et à l'assemblée des commissaires des trois départements réunis eu centre commun.
Art. 7. Sur l'envoi qui sera fait par les commissaires des trois départements réunis au centre commun à chaque directoire de leurs départements respectifs, du travail qu'ils auront fait conformément aux dispositions de l'article 5, les directoires de département procéderont à une seconde répartition également provisoire entre les différents districts de leur département ; ceux-ci entre les différentes municipalités d'un même canton; et l'Assemblée de ce même canton entre les différentes municipalités.
Art. 8. Les directoires de districts et l'assemblée des municipalités d'un même canton adresseront, à leur département et district respectif et aux commissaires du centre commun des trois départements, le procès-verbal de cette seconde répartition provisoire, en faisant les mêmes distinctions que dans la première répartition provisoire ; et rassemblée des commissaires du centre commun enverra alors son procès-verbal au comité de l'imposition et aux directoires de leurs départements, districts et chefs-lieux de cantons respectifs, qui tou3 alors pourront faire passer leurs observations au comité de l'imposition.
Art. 9. Il sera adjoint au comité de 1 imposition, pour y former un bureau de répartition, quatre membres pris dans le sein de l'Assemblée et nommés par liste à la majorité relative.
Ce comité néanmoins n'est pas permanent ; il sera seulement tenu d'instruire le comité qui lui succédera à la prochaine législature, de l'ordre de son travail.
Art. 10. Le comité de l'imposition et de nouveaux commissaires y joints, assemblés en comité de répartition, présenteront à l'Assemblée nationale alors existante, une répartition définitive entre les différents départements.
Art. 11. Les directoires de départements, ceux de districts, l'assemblée des municipalités et chefs-lieux de canton réunis, procéderont à une nouvelle répartition encore provisoire en suivant les mêmes formalités que ci-devant.
Art. 12. L'assemblée des commissaires des trois départements réunis, dressera, comme dans l'article 5, un nouveau procès-verbal ; il suivra les mêmes formalités, et sur l'envoi qui en sera fait au comité de l'imposition ou répartition, ce comité et de nouveaux commissaires y joints présenteront à l'Assemblée nationale alors existante la répartition définitive entre les différents districts et municipalités réunis en chef-lieu de canton.
Art. 13. Pendant la durée de ces opérations, les municipalités
procéderont à la première répartition provisoire de la masse de
contribution fixée par l'article 3 entre les habitants et propriétaires
d'une même municipalité, pour servir d'élément ou de base à la
répartition définitive qui ne sera plus alors qu'une règle de trois ou
des
Art. 14. Jusqu'à l'entière exécution des rôles, il sera perçu à compte sur les rôles anciens, et qui ont servi pour l'année 1790, jusqu'à concurrence de moitié des cotes des rôles de celte année, si mieux n'aiment les conseils des communes et officiers municipaux dresser un rôle particulier.
Art. 15. Le comité de l'imposition enverra des protocoles des procès-verbaux à dresser, conformément aux dispositions du présent décret, aux directoires de départements qui les feront passer aussitôt aux directoires de districts, et ceux-ci aux municipalités.
Art. 16. Tous les directoires de départements et districts, et les municipalités et communes, ainsi que les commissaires des trois départements réunis à un centre commun, et tous autres commissaires dont il s'agit dans le présent décret, s'assembleront, aussitôt sa promulgation, en comité de répartition, pour ne se séparer qu'après que l'Assemblée nationale alors existante aura porté les décrets définitifs de répartition.
Art. 17. A cette époque, les communes des différentes municipalités procéderont à la répartition définitive des contributions mobilière et foncière, conformément aux dispositions des lois promulguées sur les contributions publiques jusqu'à ce jour, et feront transcrire en marge des différentes cotes, les sommes payées à compte conformément aux dispositions de l'article 14.
Art. 18. La contribution patriotique portant sur les revenus fonciers et industriels, mobiliers ou personnels, le remboursement en sera fait et réparti sur la masse de ces deux contributions pendant les années 1791, 1792 et 1793, et il sera tenu compte, à chaque contribuable patriote, de la somme payée par lui sous ce titre, à raison d'un tiers pour la présente année.
Art. 19. Il sera enfin établi sous les ordres du roi une administration générale de répartition des contributions, pour l'exécution des lois y relatives; et le comité de l'imposition et celui de Constitution y réunis en présenteront incessamment le projet d'organisation.
de répartition provisoire des contributions mobilière et foncière de la présente année. 1791, entre les 83 départements, présentant en suite de chaque département son tarif ou échelle de répartition élémentaire; le tout selon l'ordre de population des différentes villes et autres lieux de la France.
Méthode pour trouver la masse de contribution d'un lieu quelconque dont on connaît la population et l'étendue par arpent de 1,000 toises carrées.
Exemple.
Soit donné le bourg de Lizy, chef-lieu de canton du district de Meaux, département de Seine-et-Marne, n° 73, dont la population est de 1,400 âmes et l'étendue 1,400 arpents :
Ce bourg payera 11,378 livres de prix principal de contribution publique, savoir : 4,035 livres de contribution mobilière, et 7,343 livres de contribution foncière, dont 3,668 livres pour 350 habitations; 1,078 I. 14 s. pour 115 arpents d'enclos, et 2,596 1, 6 s. pour 1,285 arpents de terre, ou autres héritages.
Preuve,
350 habitations à 10 1. 9 s.
6 d..............................................3,668 1. » s.
115 arpents d'enclos à 9 1.
7 s. 6 d...................... 1,078 14
1,285 arpents de terre à 2 1.
0 s. 5 d...................... 2,596 6
La contribution mobilière est d'un dixième en sus de celle d'habitation,
Or cela fait.......................4,035
Somme égale...... 11,378 1. » s.
Tableau.
N° 1.
Le département de I'ain, contenant 299 lieues carrées dont 34 faisant 170,000 arpents en bois, sur une population de 276,000 âmes, payera 2,934,430 livres de contribution publique, savoir :
Pour contribution mobilière... 584,430 1.
Pour 69,000 habitations ou feux, à 7 1.4 s...................... 531,300 »
A reporter. 1,115,730 1.
Report..........1,115,730 1.
Et pour environ 1,495,000 arpents, à 1 ]. 4 s. 8 d........................1,818,700 »
Somme égale............2,934,430 1.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations......................................77 0/0
Les terres, prés et autres héritages
quelconques...........................82 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Moirans, sous le n° 10.
Les départements réunis sont Y Ain, l'Isère et la Drôme.
Tarif ou échelle élémentaire du département de Z'âin. 1.
TAUX COMMUN
POPULATION. De l'habitation pour le De l'arpent d'enclos pour le
Royaume. Département à 77 0/0. Royaume. Département à 83 0/0.
liv, s. liv. s. d. liv. s. liv. s. d.
200 2 1 10 8/10 2 1 13 2/10
300 2 10 1 18 5 2 55 1 17 3
400 3 2 6 2 2 10 2 1 5
500 3 10 2 13 9 2 15 2 5 6
600 4 3 1 6 3 2 9 8
700 4 10 3 9 3 3 10 2 18 1
800 5 3 17 4 3 6 4
900 5 10 4 4 7 4 10 3 14 7
1,000 6 4 12 4 5 4 3
1,100 6 10 5 0 1 5 10 4 11 3
1,200 7 5 7 8 6 4 19 6
1,300 7 10 5 15 5 6 10 5 7 9
1,400 8 6 3 2 7 5 16 2
1,500 8 10 6 10 9 7 10 6 4 5
1,600 9 6 18 6 8 6 12 8
1,700 9 10 7 6 3 8 10 7 1 1
1,800 10 7 14 9 7 9 4
1,900 10 10 8 1 7 9 10 7 17 7
2,000 11 8 9 4 10 8 6
2,200 11 10 8 17 1 10 10 8 14 3
2,500 12 9 4 8 11 9 2 6
3,000 13 10 2 11 10 9 10 9
4,000 14 10 5 6 12 9 19 2
6,000 15 11 11 13 10 15 8
9,000 16 12 6 4 15 12 9
13,000 18 13 17 2 17 14 2 2
irc Série. T. XXV.
N° 2.
N° 2.
Le département de I'Aisne, contenant 369 lieues carrées, dont 56 faisant 280,000 arpents en bois, sur une population de 368,000 âmes, payera 5,248, 610 livres de contribution publique ;
Savoir :
Tour contribution mobilière.. 1,105,610 liv.
Pour 92,000habitations ou feux, à 101. 18 s. 3d...................1,005,100
A reporter..... 2,110,710 liv.
Report.... 2,110,710 liv.
Et pour 1,895,000 arpents à
un peu moins de 33 s. 4 d............3,137,900
Somme égale..........5,248,610 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations ou feux un peu plus de 109 0/0
Les terres, etc...............environ 111 0/0
Le bureau central des trois départements réunis et à la Ferté-Milon, sous le n° 26.
Les départements réunis sont : Seine-et-Marne, Aisne, Oise.
Tarif ou échelle élémentaire de répartition du département de i'AiSNE. N° 2.
TAUX COMMUN
POPULATION De l'habitation pour le De l'arpent d'enclos pour le
Royaume. Département à 109 0/0. Royaume. Département à 111 0/0.
liv. s. liv. S. d. liv. s. liv. s. d.
200 2 2 3 6/10 2 2 4 4/10
300 2 10 2 14 5 2 5 2 9 9
400 3 3 5 4 2 10 2 15 5
500 3 10 3 16 3 2 15 3 1
600 4 4 7 2 3 3 6 6
700 4 10 4 15 1 3 10 3 17 7
800 5 5 9 4 10 4 8 19 8
900 5 10 5 19 9 4 4 9
1,000 6 6 10 8 5 5 11
1,100 6 10 7 1 7 5 10 6 2 1
1,200 7 7 12 6 6 10 6 13 2
1,300 1 400 7 10 8 3 5 6 7 4 3
8 8 14 4 7 10 7 lb 4
1,500 8 10 9 5 3 7 8 6 5
1,600 9 9 16 2 8 10 8 il 6
1,700 9 10 10 7 1 8 9 8 19 7
1,800 1,900 2,000 2,200 2,500 3,000 4,000 6,000 9,000 13,000 10 10 18 9 9 8
10 10 11 8 9 9 10 10 10 9
11 12 19 8 10 11 2
11 10 12 10 7 10 10 11 13 1
12 13 1 6 11 12 4 15 2
13 14 14 3 4 11 10 12 3
15 5 3 12 13 6 4
15 16 7 1 13 14 8 3 6
16 17 8 9 15 16
18 19 12 3 17 18 17
N° 3.
Nº 3.
Le département de 1'Allier, contenant 365lieues carrées, doot 54 faisant 270,000 arpents de bois, sur une population de 232,000 âmes, payera 2,073,310 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..220,010 liv.
Pour 58,000 habitations ou feux, à 3 1. 9 s......................200,100
A reporter.. 420,110 liv.
A reporter.. 420,110 liv.
Et pour 1,825,000 arpents, à 171.10 s. environ............... 1,653,200
Somme égale..... 2,073,310 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations ou feux.......... 34 1/2 0/0
Les terres, etc................... 59 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à Aigueperse, sous le n° 8.
Les départements réunis sont : Creuse, Allier, et Puy-de-Dôme.
Tarif ou échelle élémentaire de répartition du département de TAllier, 3.
TAUX COMMUN
POPULATION. De l'habitation pour le De l'arpent d'enclos pour le
Royaume. Département à 34 0/0. Royaume. Département à 79 0/0.
liv. s. liv. s. d. liv. s. liv. d.
200 2 13 6/10 2 1 11 6/10 5
300 2 10 1 2 5 1 15
400 3 1 4 2 10 1 19 5
500 3 10 1 3 8 2 15 2 3 4
600 4 1 7 2 3 2 7 4
700 4 10 1 10 6 3 10 2 15 3
800 5 1 14 4 3 3 2
900 S 10 1 17 4 4 10 3 11 1
1,000 1,100 6 2 0 8 5 3 19
6 10 2 4 2 5 •10 4 6 9
1,200 7 2 7 6 6 4 14 5
1,300 7 10 2 11 6 10 5 2 7
1,400 8 2 14 4 7 5 10 6
1,500 8 10 2 17 8 7 10 5 19 5
1,600 9 3 1 2 8 6 6 4
1,700 9 10 2 4 6 8 10 6 14 3
1,800 10 3 8 9 2 2
1,900 10 10 3 11 4 9 10 7 10 1
2,000 11 3 14 8 10 7 18
2,200 11 10 3 18 2 10 10 8 5 9 8
2,500 12 4 1 6 11 8 13
3,000 13 4 8 4 11 10 9 1 7
4,000 14 4 15 2 12 9 9 6 4
6,000 15 5 2 13 10 5
9,000 16 5 8 8 15 11 7
13,000 18 6 2 4 17 13 8 6
18,000 20 20
24,000 22 23
31,000 24 26
39,000 26 30
N° 2.
Nº 4.
Le département des Basses-Alpes, contenant 373 lieues carrées, dont 28 faisant 140,000 arpents en bois, sur une population de 204,000 âmes, payera 1,212,200 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..112,200 live
Pour 51,000 habitations ou feux, à 2 livres (1)...................102,000
A reporter. .214,200 liv.
Report..... 214,200 Iiv.
Et pour 1,865,000 arpents à 11 sols environ................ 998,000
Somme égale..... 1,212,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 20 0/0
Les terres, etc...............environ 36 0/0
Le bureau central des quatre déparlements réunis est à Lorgnes, sous le n° 11.
Les départements réunis sont : Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Var et Corse.
Tarif ou échelle élémentaire de répartition du département des BASSES-ALPES, N* 4.
POPULATION.
300 4,00 500 600 700 800 900 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,700 1,800 1,900 2,000 2,200 2,500 3,000 4,000 6,000 9,000 13,000 18,000 24,000 31,000 39,000
TAUX COMMUN
De l'habitation pour le
Royaume.
liv. s. 2
2 10 3
3 10
4
4 10
5
5 10
6
6 10 7
7 10
8
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12
13
14
15
16 18 20 22 24 26
Département à 20 0/0.
liv.
10 12 14 16 18
2 4 6 8 10 12 14 16 18
2 4 6 8 12 16
12
De l'arpent d'enclos pour le
Royaume.
liv. 2 2 2 2 3 3
5 10 15
10
19
10
10
10
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12 13 15 17 20 23 26 30
Département à 35 0/0.
liv.
s.
14
15
17 19
1
4 8
11
15
18 2
5 9
12
16 19
3
6 10 13 17
4 11
5 19
Nº 5.
Nº 5.
Le département des Hautes-Alpes, contenant 251 lieues carrées, dont 22 misant 110,000(arpents en bois, sur une population de 172,000 ames, payera 1.345,728livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..153,728 liv.
Pour 43,OOOhabitationsou feux, à 31.5 s........139,750
A reporter..293,478 liv.
Report.....293,478 liv.
Et pour 1,255,000 arpents, à 16 s. 3 d. environ............. 1,052,250
Somme égale..... 1,345,728 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.............. 32 1. 10 s. 0/0
Les terres, etc., un peu plus de 55 1. » 0/0
Le bureau central des quatre départements réunis est à Lorgues, sous le n° 11.
Les départements réunis sont : Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Var et Corse.
Tarif ou échelle élémentaire de répartition du département des Hautes-Alpes, N° 5.
population.
200 300 400 500 600 700 800 90Û 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,700 1,800 1,900 2,000 2,200 2,500 3,000 4,000 6,000 9,000 13,000 18,000 24,000 31,000 39,000
taux commun
De l'habitation pour le
Royaume.
10 10
10
liv. 2 2 3
3
4
4 10
5
5 10
6
6 10 7
7
8
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12
13
14
15
16 18 20 22 24 26
Département à 32 0/0.
liv.
12 16 19 2 5 8 12
15 18
1 4 8 11
14 17
4
7 10 13
16 3 9
16 2
15
8 0
13
De l'arpent d'enclos pour le
Royaume
liv. s. 2
2 5
2 10
2 15
3
10
10
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12 13 15 17 20 23 26 30
Département à 55 0/0.
2 2 2 3 3 3
3
4 4 4
4
5 5
5
6 6 6
7
8 9
11 12 14
7 10 13 18
2
9 15
6 11 17 2
8 13 19
4
10 15
1 6 12 3
5 7
13
71/2 5
N° 6.
Le département de I'Ardèche, contenant 299 lieues carrées, dont 17 faisant 85,000 arpents en bois, sur une population de 208,000 âmes, payera 2,155,820 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..306,020 liv.
Pour 52,000 habitations ou feux, à 5 1.7 s......................278,200
A reporter...584,220 liv.
Report..........584 220 liv
Et pour 1,495,000 arpents, à un peu moins de 21 sols....................1,571,600
Somme égale..........2,155,820 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................ 53 1/2 0/0
Les terres, etc.................. 69 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est a Bagnols, sous le n° 12.
Les départements réunis sont : Bouclies-du-Rhône, Gard et Ardèche.
Tarif ou échelle élémentaire de répartition du département de J'ardèCHE, N° 6.
POPULATION.
200 300 400 500 600 700 800 900 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,700 1,800 1,900 2,000 2,200 2,500 3,000 4,000 6,000 9,000 13,000 18,000 24,000 31,000 39,000
taux commun
De l'habitation pour le
Royaume.
liv. 2
10
3
3
4
4
5
5
6
6 10 7 7
10
10
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12
13
14
15
16 18 20 22 24
Département à 53 0/0.
liv. s. d.
1 1 2
1 6 5
1 11 8
1 17 1
2 2 4
2 7 7
2 13
2 18 3
3 3 6
3 8 9
3 14 2
3 19 5
4 4 8
4 10 1
4 15 4
5 7
5 6
5 11 3
5 16 6
6 1 9
6 7 2
6 17 8
7 8 4
7 19
8 9 6
9 10 8
10 12
11 13 2
12 14 4
De l'arpent d'enclos pour le
Royaume.
liv. s.
5 10 15
10
10
10
10
10
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12 13 15 17 20 23 26 30
Département à 69 0/0.
liv. s. d.
1 6 8
1 10 1
1 13 5
1 16 8
2 2
2 6 9
2 13 6
3 3
3 7
3 13 7
4 4
4 7 1
4 13 8
5 5
5 7 2
5 13 9
6 6
6 7 3
6 14
7 7
7 7 4
7 g 14 1 0
8 14 0 2
10 1
11 7 8
13 8
15 8 2
17 8 4
N« 7
N° 7.
Le département des Ardennes," contenant 278 lieues carrées, dont 41 faisant 205,000 arpents en bois, sur une population de 180,000 âmes, payera 2,537,600 livres de contribution publique.
Savoir :
Pour contribution mobilière..391,600 liv.
Pour 45,000 habitations ou feux, à un peu plus de 7 1. 18 s......356,000
A reporter.....747,600 liv.
Report.....747,600 liv.
Et pour 1,390,000 arpents, à 11.5 s. 8 d.................... 1,790,000
Somme égale..... 2,537,600 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 79 0/0
Les terres, etc...................85 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé au Cateau ou Landrecies, sous le n° 1.
Les départements réunis, sont : Nord, Ardennes, et Marne.
Tarif ou échelle élémentaire de répartition du département des ardennes, N° 7.
POPULATION.
200 300 400 500 600 700 800 900 1,000 1,100 1,200 1,300 1,400 1,500 1,600 1,700 1,800 1,900 2,000 2,200 2,500 3,000 4,000 6,000 9,000 13,000 18,000 24,000 31,000 39,000
TAUX COMMUN
De l'habitation pour le
Royaume.
Département à 79 0/0.
liv. s. : liv. s. d.
2 1 11 6/10
2 10 1 19 5
3 2 7 4
3 10 2 15 3
4 3 3 2
4 10 3 11 1
5 3 19
5 10 4 6 9
6 4 14 8
6 10 5 2 7
7 5 10 6
7 10 5 19 5
8 6 6 4
8 10 6 14 3
9 7 2 2
9 10 7 10 1
10 7 18
10 10 8 5 9
11 8 13 8
11 10 9 1 7
12 9 9 6
13 10 5 4
14 11 1 2
15 11 17
16 12 12 8
18 14 3 4
20 15 16
22 17 7 6
24 19 9 2
26
De l'arpent d'enclos pour le
Royaume.
liv. s.
5 10 15
10
4 10
5
5 10
6
6 10 7
7 10
8
8 10 9
9 10 10 10 10 11 11 10 12 13 15 17 20 23 26 30
Département à 85 0/0.
liv. s. 1 1
9 9
10 11 12 14 17 19 22
14 18 2 2 5
6 7 11
19 5 8
16 5 5
13 5 2
10 5 19
7 5 16
4 5 13
1 5 10
18 5 7
15 5 4 1
15 9
11
2
N° 8.
Le département de I'Ariège, contenant 244 lieues carrées, dont 22 faisant 110,000 arpents en bois, sur une population de 160,000 âmes,payera 1,270,500 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 129,800 liv.
Pour 40,000 habitations ou feux à 2 1. 19 s................ 118,000
Et pour 1,220,000 arpents, à un peu plus de 16 s. 5 d....... 1,022,700
Somme égale..... 6,782,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................. 29 1/2 0/0
Les terres, etc.................. 59 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à Lombez, sous le n° 16.
Les départements réunis sont Ariège, Haute-Garonne, Gers. (1)
N° 9.
Le département de I'Aube, contenant 305 lieues carrées, dont 42 faisant 210 arpents en bois, sur une population de 196,000 âmes, payera 3,268,900 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 518,100 liv.
Pour 49,000 habitations ou feux à 9 1.12 s.................... 471,000
Et pour l,525,000arpents,àun peu moins de 1 1. 9 s. 11 d.....' 2,279,800
Somme égale..... 3,268,900 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.............. 96 0/0
Les terres, etc................ 100 0/0
Le bureau central des trois bureaux réunis est placé à Vassy, sous le n° 2.
Les départements réunis sont Aube, Haute-Marne et Meuse.
N° 10.
Le département de I'Aude, contenant 324 lieues carrées, dont 18 faisant .90,000 arpents en bois, sur une population de 244,000 âmes, payera 2,566,300 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 412,300 liv.
Pour 61,000 habitations ou feux à 6 1.3 s................ 375,150
Et pour 1,620,000 arpents, à un peu moins de 1 1. 2 s........1,778,850
Somme égale...... 2,566,300 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations........... 61 1/2 0/0
Les terres, etc............ 73 0/0.
Le bureau central des trois département réunis est placé à Carcassonne, sous le n° 15.
Les départements réunis sont Tarn, Aude et Pyrénées-Orientales.
N° 11.
Le département de I'Aveyron, contenant 474 lieues carrées, dont 30
faisant 150,000 arpents
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 353,925 liv.
Pour 71,500 habitations ou
feux, à 4 1.10 s..............................321,750
Et pour 2,370,000 arpents, à un peu plus de 11. 80 d................2,457,250
Somme égale..... 3,132,925 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 45 0/0
Les terres, etc....................... 68 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à Milhau, sous le n° 13.
Les départements réunis sont Lozère, Hérault et Aveyron,
N° 12.
Le département des Bouches-du-Rhône, contenant 306 lieues carrées, dont 23 faisant 115,000 arpents en bois, sur une population de 298,000 âmes, payera 3,222,990 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 671,990 liv.
Pour 74,500 habitations ou feuxàl. 4 s................................610,900
Pour 1,530,000 arpents, à un peu plus de 11. 5 s. 4 d....... 1,940,100
Somme égale..... 3,222,990 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 82 0/0
Les terres, etc......un peu moins de 84 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Bagnols, sous le n° 12.
Les départements réunis sont Bouches-du-Rhône, Gard et Ardèche.
N° 13.
Le département du Calvados, contenant 288 lieues carrées, dont 18 faisant 90,000 arpents en bois, sur une population de 396,000 âmes, payera 6,389,925 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,541,925 liv.
Pour 99,000 habitations ou feux, à 14 1. 3 s. 6 d........... 1,401,750
Et pour 1,440,000 arpents, à un peu moins de 2 1. 7 s. 10 d .... 3,446,250
Somme égale.... 6,389,925 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 142 0/0.
Les terres, etc.................... 159 0/0.
Le bureau central des trois départements réunis est Avranches, sous le n° 23.
Les départements réunis sont Ille-et- Vilaine, Manche et Calvados.
N° 14.
Le département du Cantal, contenant 294 lieues carrées, dont 15 faisant 75,000 arpents en bois, sur une population de 272,000 âmes, payera 2,681,015 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 532,015 liv.
Pour 68,000 habitations ou feux à 7 1. 2 s. 6 d............. 483,650
Et pour 1,470,000 arpents, à un peu moins de 1 1. 2 s. 8 d. 1,665,350_
Somme égale...... 2,681,015 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 71 0/0
Les terres, etc.........,............ 75 0/0
Le bureau central des trois départements réunis estplacéà Saint-Céré, sous len° 14.
Les départements réunis sont Cantal, Corrèze et Lot.
N° 15.
Le département de la Charente, contenant 286 lieues carrées, dont 12 faisant 60,000 arpenis en bois, sur une population de 244,000 âmes, paiera 2,256,293 fr. de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière. 408,293 liv.
Pour 61,000 habitations ou feux à 6 1. 11 s. 8 d. 371,085
Et pour l,430,000arpents.àun peu moins de 1 1. 0s. 8 d.' 1,476,915
Somme égale.... 2,256,293 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 61 0/0
Les terres, etc...................... 68 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Confolens, sous le n° 19.
Les départements réunis sont Haute-Vienne, Vienne et Charente.
N° 16.
Le département de la Charente-Inférieure, contenant 375 lieues carrées, dont 14 faisant 70,000 arpents en bois, sur une population de 352,000 âmes, payera 3,835,050 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière 776,050 liv.
Pour 83,000 habitations ou feux, à 8 1.10 s...................705,500
Et pour 1,775,000 arpents, à un peu moins de 11. 6 s. 6 d.. 2,353,500
Somme égale....3835,050 live
Bases de la répartition particulière.
Les habitations...................... 85 0/0
Les terres, etc...................... 88 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à La Rochelle, sous le n°20.
Les départements réunis sont : Charente-Inférieure, Deux-Sèvres et Vendée.
N° 17.
Le département du Cher, contenant 369 lieues carrées, dont 73 faisant 365,000 arpents en bois, sur une population de 258,000 âmes, payera 2,127,562 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière 266,062 liv.
Pour 64»500 habitations ou feux à 31. 15 s................ 241,875
Et pour 1,845,000 arpents, à un peu moins de 17 s. 8 d..... 1,619,625
Somme égale.......2,127,562 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................. 37 1/2 0/0
Les terres, etc................. 58 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Saint-Fargeau, sous le n°6.
Les départements réunis sont : Yonne, Nièvre et Cher.
Nº 18.
Le département de la Corrèze, contenant 299 lieues carrées, dont 7 faisant 35,000 arpents en bois, sur une population de 236,000 âmes, payera 1,577,150 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière 227,150 liv.
Pour 59,000 habitations ou
feux à 3 1.10 s..............................206,500
Et pour 1,495,000 arpents, à un peu moins de 15 s. 2 d..........1,143,500
Somme égale..... 1,577,150 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 35 0/0
Les terres, etc...................... 50 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé àSaint-Céré, sous le n° 14.
Les départements réunis sont : Cantal, Corrèze et Lot.
N° 19.
Le département de I'Ile-de-Corse, contenant
540 lieues carrées, dont..... faisant.....arpents en bois sur une population de 124,000 âmes, payera 668,200 livres de contribulion publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.68,200 liv.
Pour 31,000 habitations ou feux à 2 livres................62,000
Et pour 2,700,000 arpents, à un peu moins de 4 sols...........538,000
Somme égale.....668,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 2 0/0
Les terres, etc..............environ 13 0/0
Le bureau central des quatre départements réunis est placé à Lorgnes, sous le n° 11.
Les départements réunis sont : Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Var et Corse.
N° 20.
Le département de la Cote-d'Or, contenant 445 lieues carrées, dont 131 faisant 655,000 arpents en bois, sur une population de 420,000 âmes, payera 4,585,500 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 918,500 liv.
Pour 100,000 habitations ou feux, à 8 1. 13 s.............. 835,000
Et pour 2,225,000arpents, à un peu moins de 1 1. 5 s. 8 d...... 2,832,000
Somme égale..... 4,585,500 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 86 1/2 0/0.
Les terres, etc...................... 85 0/0.
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Auxonne, sous le n° 5.
Les départements réunis sont Doubs, Jura et Côte-d'Or.
Nº 21.
Le département des Côtes-du-Nord, contenant 333 lieues carrées, dont 12 faisant 60,000 arpents en bois, sur unepopulation de 438,000 âmes, payera 3,041,925 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 782,925 liv.
Pour 109,500 habitations ou feux à 6 1.10 s............... 711,750
Et pour 1,765.000 arpents, à un peu plus de 17 s. 5d....... 1,547,250
Somme égale.........3,041,925 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations...................... 65 0/0
Les terres, etc....................... 58 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Rostemen, sous le n° 22.
Les départements réunis sont Morbihan, Finistère et Côtes-du-Nord.
N° 22.
Le département de la Creuse, contenant 400 lieues carrées, dont 17 faisant 85,000 arpents en bois, sur une population de 206,000 âmes, payera 1,666,1021.10s. de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière. ......................................218,1021.10 s.
Pour 51,500 habitations ou feux à 3 1. 17 s..................198,275
Et pour 1,440,000 arpents, à un peu moins de 17 s. 8 d. 1,249,725
Somme égale...... 1,666,102 1. 10 s.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 38 0/0
Les terres, etc..................... 59 0/0
Le bureau central des trois déparlements réunis est placé à Aigueperse, sous le n° 8.
Les départements réunis sont Creuse. Allier et Puy-de-Dôme.
N° 23.
Le département du Doubs, contenant 251 lieues carrées, dont 63 faisant 351,500 arpents en bois sur une population de 212,000 âmes, payera 1,874,310 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 332,310 liv.
Pour 53,000 habitations ou feux, à 5 1.14 s............... 302,100
Et pour 1,255,000 arpents, à un peu plus de 19 s. 8 d.......... l ,239,900 liv.
Somme égale..... 1,874,310 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations...................... 57 0/0
Les terres, etc...................... 65 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Auxonne, scus le n° 23.
Les départements réunis sont ; Doubs. Jura, et Côte-d'Or.
N° 24.
Le département de la Dordogne, contenant 451 lieues carrées, dont 35 faisant 175,000 arpents en bois,sur une population de 388,000âmes, payera 3,386,086 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..611,089 liv.
Pour 97,000 habitations ou feux, à 5 1. 18 s. 8 d..........555,533
Et pour 2,255,000 arpents,à un peu plus de 19 s. 8 d.......... 2,219,467
Somme égale..... 6,782,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 59 0/0
Les terres, etc...................... 65 0/0
Le bureau central des trois départements réunis es à La Réole, sous le n° 18.
Les départements réunis sont : Gironde, Lot-et-Garonne et Dordogne.
Nº 25.
Le département de la Drôme, contenant 320 lieues carrées, dont 39 faisant 195,000 arpents en bois, sur une population de 216,000 âmes, payera 2,005,450 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 252,450 liv.
Pour 54,000 habitations ou feux, à 4 1. 5 s................ 229,500
Et pour 1,600,000 arpents, à un peu moins de 19 s. 2 d......... 1,523,500
Somme égale..... 2,005,450 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 42 1/2 0/0
Les terres, etc...................... 63 0/0
Xe bureau central des trois départements réunis est à Moirans, sous le n° 10.
Les départements réunis sont : Ain, Isère et Drôme.
Nº 26.
Le département de I'Eure, contenant 307 lieues carrées, dont 50 faisant 250,000 arpents en bois, sur une population de 262,000 âmes, payera 5,748,568 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,298,568 liv.
Pour 90,500 habitations ou feux, à 13 1.8 d.............. 1,180,517
Et pour 1,503,500 arpents, à un peu plus de 2 1. 3 s. 4 d....... 3,269,483
Somme égale......5,748,568 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations............'........ 130 0/0
Les terres, etc..................... 144 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à Dreux, sous le n° 25.
Les départements réunis sont : Eure-et Loir, Eure et Seine-et-Oise.
N° 27.
Le département d'EuRE-et-LoiR, contenant 300 lieues carrées, dont 23 faisant 115,000 arpents en bois, sur une population de 224,000 âmes, payera 3,579,640 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..629,640 liv.
Pour 56,000 habitations ou feux à 10 1. 4 s................572,400
Et pour 1,500,000 arpents, un peu plus de 1 1. 11 s. 8 d...... 2,377,600
Somme égale.... 3,579,640 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 102 0/0
Les terres, etc............................105 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Dreux sous le n° 25.
Les départements réunis sont Eure-et-Loir, Eure et Seine-et-Oise.
N° 28.
Le département du Finistère , contenant 343 lieues carrées, dont 5 faisant 25,000 arpents en bois sur une population de 450,000 âmes, payera 3,337,016 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 880,016 liv.
Pour 112,500 habitations ou feux à 7 1. 2 s. 3 d...............800,163
Et pour 1,715,000 arpents à un
peu moins de 19 s. 4 d..................1,656,837
Somme égale..... 3,337,016 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 71 0/0
Les terres, etc....................... 64 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Rosternen, sous le n° 22.
Les départements réunis sont : Morbihan, Finistère, Côtes-du-Nord.
N° 29.
Le département du Gard, contenant 292 lieues carrées, dont 19 faisant 95,000 arpents en bois, sur une population de 220,000 âmes, payera 2,578,550 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 429,550 liv.
Pour 55,000 habitations ou feux à 7 1. 2 s...................... 390,500
Et pour 1,460,000 arpents, un peu moins de 1 1. 4 s. 2 d...... 1,758,500
Somme égale..2,578,550 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 71 0/0
Les terres, etc...................... 80 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Bagnols, sous le n° 12.
Les départements réunis sont : Bouches-du-Rhône, Gard et Ardèche.
N° 30.
Le département de la Haute-Garonne, contenant 273 lieues carrées, dont 18 faisant 90,000 arpents en bois, sur une population de 228,000 âmes, payera 2,182,040 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 386,540 liv.
Pour 57,000habitationsou feux à 6 1. 4 s..................... 351,400
Et pour 1,365,000 arpents, à un peu moins de 21 s. 2 d......... 1,444,100
Somme égale..... 2,182,040 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 62 0/0
Les terres, etc...................... 70 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Lombez, sous le n° 16.
Les départements réunis sont : Ariège, Haute-Garonne et Gers.
No 31.
Le département du Gers, contenant 339 lieues carrées, dont 7 faisant 35,000 arpents en bois, sur une population de 248,000 âmes, payera 1,654,080 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière... 197,780 liv.
Pour 62,000 habitationsou feux à 2 1. 18 s........................................179,800
Et pour 1,695,000 arpents, à un peu moins de 15 s. 1 d..........1,276,500
Somme égale....1,654,080 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 29 0/0
Les terres, etc....................... 50 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Lombez, sous le n° 16.
Les départements réunis sont : Ariège, Haute-Garonne et Gers.
N° 32.
Le département de la Gironde, contenant 538 lieues carrées, dont 50 faisant 250,000 arpents en bois, sur une population de 572,000 âmes, payera 5,550,339 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,227,339 liv.
Pour 143,000 habitations ou feux à 7 1. 16 s. 9 d........................1,115,763
Et pour 2,685,000 arpents, àen- viron 1 1. 3 s. 8. d..................3,207,237
Somme égale..... 6,782,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 78 1/3 0/0
Les terres, etc.................. 78 0/0
Le bureau central des trois départements réu->-nis est placé à la Réole, sous le n° 18.
Les départements réunis sont : Gironde, Lot-et-Garonne, Dordogne.
Nº 33.
Le département de I'Hérault, contenant 319 lieues carrées, dont 14 faisant 70,000 arpents en bois, sur une population de 244,000 âmes, payera 2,572,375 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière... 419,375 liv.
Pour 61,000 habitations ou feux à 61. 6 d................ 381,250
Et pour 1,595,009 arpents, à en^ viron 22 s. 2 d................ 1,771,750
Somme égale..... 2,572,375 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................................60 0/0
Les terres, etc...................... 73 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Millau, sous le n° 13.
Les départements réunis sont: Lozère, Hérault, Aveyron.
Nº 34.
Le département de I'Ille-et-Vilaine, contenant 347 lieues carrées, dont 9 faisant 45,000 arpents en bois, sur une population de 462,000 âmes, payera 3,353,702 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 895,702 liv.
Pour 115,500 habitations ou feux à 7 1. 1 s................. 814,275
Et pour 1,735,000 arpents, à 19 sols environ................ 1,643,725
Somme égale..... 3,353,702 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 70 1/2 0/0
Les terres, etc.................. 63 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Avranches, sous le n° 23.
Les départements réunis sont : Ille-et- Vilaine, Manche et Calvados.
N° 35.
Le département de I'Indre, contenant 352 lieues carrées, dont 54 faisant 270,000 arpents en bois, sur une population de 252,000 âmes, payera 2,018,820 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière..
259,820 liv. Pour 63,000 habitations ou feux à 3 1. 5 s..........................................236,200
Et pour 1,760,000 arpents, à environ 17 s. 5 d..........................1,522,800
Somme égale..... 2,018,820 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................. 32 1/2 0/0
Les terres, etc................... 57 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Mer, sous le no 7.
Les départements réunis sont Loiret, Loir-et-Cher, Indre.
N° 36
Le département d'lNDRE-ET-LoiRE, contenant 313 lieues carrées, dont 37 faisant 185,000 arpents en bois, sur une population de 332,000 âmes, payera 3,054,693 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 902,693 liv.
Pour 83,000 habitations ou feux à 9 1. 15 s. 4 d................ 820,630
Et pour 1,565,000 arpents, à un peu moins de 1 1. 9 s. 11 d..... 2,331,370
Somme égale..... 3,054,693 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 98 0/0
Les terres, etc..................... 100 0/0
Le bureau centrai des trois départements réunis est à Mont fort, sous le ne 24.
Les départements réunis sont Orne, Sarthe, Indre-et-Loire.
Nº 37.
Le département de I'Isère, contenant421 lieues carrées, dont 69 faisant 345,000 arpents en bois, sur une population de 276,000 âmes, payera 3,220,885 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 390,885 liv.
Pour 69,000 habitations ou feux à 5 1.3 s..................... 355,350
Et pour 2,105,000 arpents, à 11. 3 s. 6 d. environ.............. 2,474,650
Somme égale..... 3,220,885 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 51 1/2 0/0
Les terres, etc.................. 77 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à Moirans, sous le n° 10.
Les départements réunis sont : Ain, Isère et Drôme.
Nº 38.
Le département du Jura, contenant 256 lieues carrées, dont 60 faisant 300,000 arpents en bois sur une population de 230,000 âmes, payera 1,775,062 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 332,062 liv Pour57,500habitations ou feux à 5 1.1 s.........................301,875
Et pour 1,280,000 arpents, à 33 s. 8 d. environ..........................1,142,125
Somme égale..... 1,775,062 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................. 50 1/2 0/0
Les terres, etc..........................59 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est à Auxonne, sous le n° 5.
Les départements réunis sont : Doubs, Jura et Côte-d'Or.
N°39.
Le département des Landes, contenant 468 lieues carrées, dont 80 faisant 400,000 arpents en bois, sur une population de 232,000 âmes, payera 1,605,600 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière..127,600 liv.
Pour 58,000habitations ou feux, à 2 livres.....................116,000
Et pour 2,340,000 arpents, à 1 s. 8 d. environ.............. 1,362,000
Somme égale..... 1,605,600 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... .. 20 0/0
Les terres, etc...................... 39 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Navarreins, sous le n° 17.
Les départements réunis sont : Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées, Landes.
N° 40.
Le département de Loir-et-Cher, contenant 319 lieues carrées, dont 37 faisant 185 arpents en bois, sur une population de 242,000 âmes, payera 3,718,500 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 665,500 liv. Pour 60,500 habitations à 10 1. 605.000 Et pour 1,595,000 arpents à 11. 10 s. 8 d. environ............. 2,448,000
Somme égale..... 3,718,500 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 100 0/0
Les terres, etc..................... 102 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Mer, sous le n° 7.
Les départements réunis sont : Loiret, Loir-et-Cher et Indre.
N° 41.
Le département de la Loire-Inférieure, contenant 352 lieues carrées,dont 19 faisant 95,000 arpents en bois, sur une population de 476,000 âmes, payera 3,627,660 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 968,660 liv.
Pour 119,000 habitations ou feux, à 7 1.8 s................................880,600
Et pour 1,760,000 arpents, à 20 s. 2 d. environ...................1,778,400
Somme égale------ 3,627,660 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 74 n/o
Les terres, etc.....................' 66 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Segré, sous le n°21.
Les départements réunis sont : Maine-et-Loire, Mayenne, Loire-Inférieure.
42.
Le département Au Loiret, contenant 324 lieues carrées, dont 47 faisant 235,000 arpents en bois !UnooU/£ ^opu^ation de 254,000 ames, payera 3,988,425 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière..733,425 liv
Pour 63,500 habitations ou feux à 10 1. 10s...................660,750
Et pour 1,620,000 arpents, à environ 1 1. 11 s. 2 d........... 2,588,250
Somme égale..... 3,988,425 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 1001/2 0/0
Les terres, etc..................... 103 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Mer, sous le n° 7.
Les départements réunis sont : Loiret, Loir-et-Cher, Indre.
N° 43.
Le département de la Haute-Loire, contenant 244 lieues carrees, dont 11 faisant 55,000 arpents en bois, sur une population de 192,000 âmes, payera2,101,360francs de contribution publique
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 360.360 liv
Pour 48,000 habitations ou feux, à 6 1. 16 s. 8 d....................327,600
Et pour 1,220,000 arpents, à 1 1. 3 s. 3 d. environ...........1,413,400
Somme égale..... 2,101,360liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations....... ............. 69 0/0
Les terres, etc........,..........'. 77 0/0
.Le bureau central des trois départements réunis est placé à Villefranche, sous le n° 9.
Les départements réunis sont : Haute-Loire, Rhône-et-Loire et Saône-et-Loire.
N° 44.
Le département du Lot, contenant 362 lieues carrées, dont 12 faisant 60,000 arpents en bois, sur une population de 244,000 âmes, payera A4y5,500 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière..335,500 liv.
335,500 liv Pour 61,000 habitations ou feux, à 5 livres........... ... 305,000
Et pour 1,810,000 arpents, à environ 20 s. 6 d.............. 1,855,000
Somme égale..... 2,495,500 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations...................... 50 0/0
Les terres, etc..................... 67 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Saint-Céré, sous le n° 14.
Le3 départements réunis sont: Cantal, Corrèze et Lot.
N° 45.
Le département de Lot-et-Garonne, contenant 285 lieues carrées, dont 13 faisant 65,000 arpents en bois, sur une population de 290,000 âmes payera 2,735,259 livres de contribution publique -Savoir :
Pour contribution mobilière...588,259 liv.
Pour 72,500 habitations ou feux, à 7 1. 7 s. 3 d.......534,781
Et pour 1,425,000 arpents, à 22 s. 8 d. environ.............1,612,219
Somme égale..... 2,735,259 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 73 o/0
Les terres, etc...................... 74 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à La Réole, sous le n° 18.
Les départements réunis sont : Gironde, Lot-et-Garonne et Dordogne.
N° 46.
Le département de la Lozère, contenant 260 lieues carrées, dont 11 faisant 55,000 arpents en bois, sur une population de 188,000 âmes, payera 2,062,247 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 319,247 liv.
Pour 47,000 habitations ou feux, à 6 1. 3 s. 6 d............................290,225
Et pour 1,300,000 arpents, à 11. 2 s. 4 d. environ..........................1,452,775
Somme égale..... 2,062,247 liv.
Bases de la répartition particulière
Les habitations..................... 62 0/0
Les terres, etc...................... 74 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Milhau, sous le n° 13.
Les départements réunis sont : Lozère, Hérault et Aveyron.
Nº 47.
Le département de la Manche, contenant 318 lieues carrées, dont 12 faisant 60,000 arpents en bois, sur une population de 328,000, âmes payera 4,666,622 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,013,622 liv.
Pour 82,000 habitations ou feux, à 11 1. 14 s. 9 d......................921,475
Et pour 1,590,000 arpents, à 1 1.14 s. environ...................2,731,525
Somme égale..... 4,666,622 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 112 0/0
Les terres, etc................... 113 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Avranches, sous le n° 23.
Les départements réunis sont : llle-et-Vilaine, Manche et Calvados.
48.
Le département de la Marne, contenant 405 lieues carrées, dont 43 faisant 215,000 arpents, sur une population de 266,000 âmes, payera 3,894,993 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière...603,493 liv.
Pour 66,500 habitations ou feux, à 8 1.5 s................ 548,630
Et pour 2,025,000 arpents, à environ 1 1. 6 s. 8 d.........:. 2,742,870
Somme égale..... 3,894,993 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 82 1/2 0/0
Les terres, etc...................... 88 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Cateau ou Landrecies, sous le n° 1.
Les départements réunis sont : Nord, Ardennes et Marne.
49.
Le département de la Haute-Marne, contenant 315 lieues carrées, dont 85 faisant 425,000 arpents en bois, sur une population de 208,000 âmes, payera 3,295,900 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 543,400 liv.
Pour 52,000 habitations ou feux, à 9 1.10 s............... 494,000
Et pour 1,575,000 arpents, à environ 1 1. 8 s. 8 d........... 2,258,500
Somme égale..... 3,295,900 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 95 0/0
Les terres, etc.......... ........£ 95 0/0
Le bureau central de trois départements réunis est placé à Vassy, sous le n° 2.
Les départements réunis sont : Aube, Haute-Marne et Meuse.
N° 50.
Le département de la Mayenne, contenant 266 lieues carrées, dont 10 faisant 50,000 arpents en bois, sur une population de 288,000 âmes, payera 3,915,200 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 871,200 liv. Pour 72,000 habitations ou
feux, à 11 livres.............. 792,000
Et pour 1,330,000 arpents, à environ 1 1. 13 s. 10d.......... 2,252,000
Somme égale..... 3,915,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 110 0/0
Les terres, etc.................... 111 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Segré, sous le n° 21.
Les départements réunis sont : Maine-et-Loire, Mayenne et Loire-Inférieure.
N° 51.
' Le département de Maine-et-Loire, contenant 370 lieues carrées, dont 25 faisant 125,000 arpents en bois, sur une population de 374,000 âmes payera 4,654,502livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 992,502 liv.
Pour 93,500 habitations ou
feux, à 9 I. 13 s..............................902,275
Et pour 1,850,000 arpents, à 11. 9 s. 10 d. environ...:..................2,759,725
Somme égale..... 4,654,502 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................. 96 1/2 0/0
Les terres etc....................... 99 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Segré, sous le n° 21.
Les départements réunis sont : Maine-et-Loire, Mayenne et Loire-Inférieure.
N° 52.
Le département de la Meurthe, contenaut 310 lieues carrées, dont 104 faisant 502,000 arpents en bois, sur une population de 356,000 âmes, payera 3,205,830 livres de contribution publique ;
Savoir ;
Pour contribution mobilière.. 753,830 liv.
Pour 89,000 habitations ou feux, à 71. 14 s............... 685,300
Et pour 1,550,000 arpents, à environ 1 1. 2 s. 8 d............. 1,766,700
Somme égale..... 3,205,830 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 77 0/0
Les terres, etc........................ 75 Q/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Vie, sous le n° 3.
Les départements réunis sont : Moselle, Meurthe et Bas-Rnin.
N° 53.
Le département de la Meuse, contenant 318 lieues carrées, dont 98 faisant 490,000 arpents en bois, sur une population de 244,000 âmes, payera 2,989,800 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 536,800 liv.
Pour 61,000 habitations ou
feux à 8 livres...........................488,000
Et pour 1,590,000 arpeuts, à 11. 6 s. environ......................................1,965,000
Somme égale..... 2,989,800 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations....'................. 80 0/0
Les terres, etc..................... 86 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Vassy, sous le n° 2.
Les départements réunis sont : Aube, Haute-Marne et Meuse.
N° 54.
Le département du Morbihan, contenant 328 lieues carrées, dont 10 faisant 50,000 arpents en bois, sur une population de450,000âmes, payera 3,239,842 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 884,842 liv.
Pour 112,500 habitations ou feux, à 7 1.3 s.......................804,402
Et pour 1,640,000 arpents, à environ 18 s. 11 d........................1,550,598.
Somme égale..... 3,239,842 liv
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 71 1/2 0/0
Les terres, etc.......,............. 63 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Rosternen. sous Je n° 22.2
Les départements réunis sont : Morbihan, Finistère et Côtes-du-Nord.
N° 55.
Le département de la Moselle, contenant 328 lieues carrées, dont 73 faisant 365,000 arpents en bois, sur une population de 280,000 âmes, payera 3,016,000 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière... 561,000 liv.
Pour70,000habitationsoufeux, à 7 liv. 6 s.........................510,000
Et pour 1,640,000 arpents, à 23 s. 8 d. environ............. 1,945,000
Somme égale..... 3,016,000 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 73 0/0
Les terres, etc................... .. 78 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Vie, sous le n° 3.
Les départements réunis sont : Moselle, Meurthe et Bas-Rhin.
N° 56.
Le département du Nord, contenant 278 lieues carrées, dont 28 faisant 140,000 arpents en bois, sur une population de 700,000 âmes, payera 6,782,200 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 2,136,200 liv.
Pour 175,000 habitations ou feux, à un peu moins de 111. 2 s. 1,942,000
Et pour 1,390,000 arpents, à environ 1 liv. 18 s. 8 d......................2,704,000
Somme égale..... 6,782,200 liv.
Bases de la répartition particuliére.
Savoir :
Les habitations.................111 0/0
Les terres etc.................... 127 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé au Cateau ou Landrecies, sous le u° 1.
Les départements réunis sont : Nord, Ardennes et Marne.
N° 57.
Le département de la Nièvre, contenant 352 lieues carrées, dont 50 faisant 250,000 arpents en bois, sur une population de 224,000 âmes, payera 2,217,720 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 258,720 liv.
Pour 56,000 habitations ou feux, à 4 1. 4. s..............................235,300
Et pour 1,760,000 arpents à environ 19 s. 8. deniers......................1,723,800
Somme égale..... 2,217,720 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 42 6/0
Les terres, etc..............................65 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Saint-Fargeau, sous le n° 6.
Les départements sont : Yonne, Nièvre et Cher.
N° 58.
Le département de I'Oise, contenant 298 lieues carrées, dont 45 faisant 225,000 arpents en bois, sur une population de 308,000 âmes, payera 5,297,905 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière... 1,147,905 liv.
Pour 77,000 habitations ou feux, à 161. 3 s................................1,043,550
Et pour 1,049,000 arpents à 2 1. 1 s. 8 d.(environ............3,106,450
Somme égale...5,297,905 liv
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 161 1/2 0/0
Les terres, etc.................. 138 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à la Ferté-Milon, sous le n° 26.
Les départements réunis sont : Seine-et-Marne, Aisne et Oise.
N° 59.
Le département de I'Orne, contenant 310 lieues carrées, dont 34 faisant 170,000 arpents en bois, sur une population de 362,000 âmes, payera 5,386,420 livres de contribution publique ;
Savoir:
Pour contribution mobilière. 1,234,420 liv.
Pour 90,500 habitations ou feux, à 12 1.8 s............... 1,122,200
Et pour 1,550,000 arpents à 11. 19 s. 2 d.................. 3,029,800
Somme égale..... 5,386,420 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.........124 0/0
Les terres, etc.................... 130 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Montfort, sous le n° 24.
Les départements réunis sont : Orne, Sarthe et Indre-et-Loire.
N° 60.
Le département de Paris, contenant 24 lieue3 càrrées, dont Une lieue faisant 5,000 arpents en bois, sur une population de 720,000 âmes, payera 37,239,006 livres de contribution publique ;
Savoir ;
Pour contribution mobilière. 12,263,106 liv.
Et pour contribution foncière, tant d'habitations que d'enclos, terres, etc.................... 24,975,900
Somme égale..... 37,239,006 liv.
Bases de la répartition particulière de la ville de Paris (1).
L'habitation................. 66 à 67 livres.
L'arpent d'héritage. 432 1. ou 8 à 9 s. la toise. Le bureau des départements réunis en centre commun est placé à Dreux.
Les départements réunis sont Eure-et-Loir, Eure, Seine-et-Oise et Paris.
N° 61.
Le département du Pas-de-Calais, contenant 328 lieues carrées, dont 29 faisant 145.000 arpents éU bois, sur une population de 540,000 âmes, payera 5,590,975 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,536,975 liv. Pour 435,000 habitations ou feux, à 10 1.7 s............... 1,397,250
Et pour 1.640,000 arpents à 1 1. 12 s. 5 d.................. 2,657,250
Somme égale..... 5,590,975 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................. 103 1/2 0/0
Les terres, etc.................. 107 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Aumale, sous le n° 27.
Les départements réunis sont : Seine-Inférieure, Somme et Pas-de-Calais.
N° 62.
Le département du Puy-de-Dôme, contenant 365 lieues carrées, dont 24 faisant 120,000 arpents en bois, sur une population de 368,000 âmes, payera 3,636,867 livres de contribution publique ;
Savoir :
. Pour contribution mobilière.. 775,867 liv. Pour 92,000 habitations ou feux,
à 7 1. 13 s. 4 d................................705,334
Et pour 1,825,000 arpents à 1 l. 3 s. 8 d. environ............................2,155,666
Somme égale..... 3,636,867 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 77 0/0
Les terres, etc...................... 78 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Aigueperse, sous le n° 8.
Les départements réunis sont Creuse, Allier et Puy-de-Dôme.
N° 63.
Le département des Basses-Pyrénées, contenant 388 lieues carrées, dont 40 faisant 200,000 arpents en bois, sur une population de266,000âmes, payera 1,797,875 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 182,875 liv.
Pour 66,500 habitations ou feux, à 2 1. 10 s..................... 166,250
Et pour 1,940,000 arpents à environ 14 s. 11 d................ 1,448,750
Somme égale..... 1,797,875 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 25 0/0
Les terres, etc...................... 50 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Navarreins, sous le n° 17.
Les départements réunis sont Hautes-Pyrénées, Basses-Pyrénées et Landes.
N° 64.
Le département des Hautes-Pyrénées, conte-nant235 lieues carrées, dont 30 faisant 150,000 arpents en bois, surunepopulationdel44,000àmes, payera 1,064,240 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 75,240 liv.
Pour36,000habitationsou feux, à 11. 18 s............... ..... 68,400
Et pour 1,175,000 arpents à 15 s. 8 d. environ............. 920,600
Somme égale..... 1,064,240 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 19 0/0
Les terres, etc...................... 52 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Navarreins, sous le n° 17.
Les départements réunis sont Hautes-Pyrénées Basses-Pyrénées et Landes.
N° 65.
Le département des Pyrénées-Orientales, contenant 112 lieues carrées, dont 12 faisant 60,000 ar-pentsenbois, sur une population de 148,000 âmes, payera 1,116,240 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 130,240 liv.
Pour 37,000 habitations ou feux, à 3 1.4 s...................... 118,400
Et pour 1,060,000 arpents à environ 16 s. 5 d............... 867,600
Somme égale..... 1,116,240 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 32 0/0
Les terres, etc...................... 54 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Carcassonne, sous le n° 15.
Les départements réunis sont Tarn, Aude et Pyrénées- Orientales.
N° 66.
Le département du Bas-Rhin, contenant 268 lieues carrées, dont 85 faisant 425,000 arpents en bois, sur une population de 360,000 âmes, payera 3,286,500 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 841,500 liv.
Pour90,000habitations ou feux, à 8 1. 10 s..................... 765,000 »
Et pour 1,340,000 arpents à environ 11. 4 s. 8 d............ 1,680,000 »
Somme égale...3,286,500 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 85 0/0
Les terres, etc.................... 82 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Vie, sous le n° 3. Les départements réunis sont Moselle, Meurthe Bas-Rhin.
N° 67.
Le département du Haut-Rhin, contenant 204 lieues carrées, dont 71 faisant 305,000 ar-pentsen bois, sur une population de 272,000 âmes, payera 2,707,000 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 673,200 liv.
Pour 68,000 habitations ou feux, à 9 livres. ............... 612,000
Et pour 1,020,000 arpents à environ 11. 7 s. 8 d........... 1,422,000
Somme égale...... 2,707,200 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 90 0/0
Les terres........................ 92 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Luxeuil, sous le n° 4.
Les départements réunis sont Haut-Bhin, Vosges et Haute-Saône.
N° 68.
Le département de Rhône-et-Loire, contenant 389 lieues carrées, dont 25 faisant 125,000arpents en bois, sur une population de 630,000 âmes, payera 10,761,925 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 2,696,925 liv.
Pour 157,500 habitations ou feux, à 15 l. 10 s. 4 d...................2,451,750
Et pour 1,945,000 arpents à 2 1. 18 s. 8 d., environ..........................5,612,250
Somme égale...... 10,761,925 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 155 0/0
Les terres, etc................... 197 0/0
Le bureau central de3 trois départements réunis est placé à Vïllefranche, sous le n° 9.
Les départements réunis sont Haute-Loire, Rhône-et-Loire et Loire.
N° 69.
Le département de Saône-et-Loire, contenant 395 lieues carrées, dont 79faisant395,000arpents en bois, sur une population de 376,000 âmes, payera 4,106,843 livres de contribution publique ;
Savoir
Pour contribution mobilière..840,843 liv.
Pour 94,000 habitations ou feux, à 8 1. 2 s. 6 d. et demi..764,403
Et pour 1,975,000 arpents à 25 s. 4 d. environ............. 2,501,597
Somme égale...... 4,106,843 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 82 0/0
Les terres, etc.................... 84 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Villefranche, sous le n° 9.
Les départements réunis sont Haute-Loire, Rhône-et-Loire et Saône-et-Loire.
N° 70.
Le département de la Haute-Saône, contenant 265 lieues carrées, dont 73 faisant 365,000 arpents en bois, sur une population de 234,000 âmes, payera 1,891,490 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 347,490 liv.
Pour 58,500 habitations ou feux, à 5 1.8 s............... 315,900
Et pour 1,365,000 arpents à 18 s. 8 d. environ............. 1,228,100
Somme égale..... 1,891, 490 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations...................... 54 0/0
Les terres, etc...................... 62 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Luxeuil, sous le n° 4.
Les départements réunis sont : Haut-Rhin, Vosges et Haute-Saône.
N° 71.
Les départements de la Sarthe, contenant 306 lieues carrées,dont 29 faisant 145,000 arpents en bois, sur une population de 336,000 âmes, payera 4,065,760 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 914,760 liv.
Pour 84,000 habitations ou feux, à 91.18 s................ 831,600
Et pour 1,530,000 arpents à 30 s. 4 d.environ................... 2,319,400
Somme égale..... 4,065,760 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 99 0/0
Les terres, etc...................... 101 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Mont fort, sous le n° 24.
Les départements réunis sont : Orne, Sarthe, Indre-et-Loire.
N°72.
Le département de la Seine-Inférieure, co nte-naot 357 lieues carrées, dont 41 faisant 205,000 arpents en bois, sur une population de 424,000 âmes, payera8,994,670 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 2,034,670 liv.
Pour 106>000 habitations ou feux, à 171.9 s............... 1,849,700
Et pour 1,785,000 arpents à 21. 15 s. 2 d. environ.............. 5,110,300
Somme égale..... 8,994,670 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 174 0/0
Les terres, etc..................... 171 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Aumale, sous le n» 27.
Les départements réunis sont Seine-Inférieure, Somme et Pas-de-Calais.
N° 73.
Le département de Seine-et-Marne, contenant 300 lieues carrées, dont 39 faisant 195,000 arpents en bois, sur une population de 312,000 âmes, payera 5,173,980 livres de contribution publique.
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,123,980 liv.
Pour70,000 habitations ou feux, à 13 1.2 s..........................................1,021,800
Et pour 1,500,000 arpents à 21.
5d.............................3,028,200
Somme égale..... 5,173,980 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 131 0/0
Les terres, etc..................... 134 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à La Ferté-Milon, sous le n° 26.
Les départements réunis sont : Seine-et Marne, Aisne et Oise.
Nº 74.
Le département de Seine-et-Oise, contenant 286 lieues carrées, dont 40 faisant 200,000 arpents en bois, sur une population de 292,000 âmes, payera 4,946,102 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1,098,102 liv.
Pour73,000habitationsoufeux, à 13 1. 13 s. 6 d............... 998,275
Et pour 1,430,000 arpents à 1 I. 19 s. 10 d. environ............. 2,849,725
Somme égale..... 3,718,500 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 137 0/0
Les terres, etc..................... 140 0/0
Le bureau centrai des trois départements réunis est placé à Dreux, sous le ne 25.
Les départements réunis sont : Eure-et-Loir, Eure et Seine-et-Oise.
Nº 75.
Le département des Deux-Sèvres, contenant 305 lieues carrées, dont 20 faisant 100,000 arpents en bois, sur une population de 200,000 âmes, payera 1,746,937 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 195,937 liv.
Pour 50,000 habitations oiifeux, à 3 1. 11 s. 3 d................ 178,125
Et pour 1,525,000 arpents à environ 18 s..................... 1,372,875
Somme égale..... 1,746,937 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 36 0/0
Les terres, etc...................... 60 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à La Rochelle, sous le ne 20.
Les départements réunis sont : Charente-Inférieure, Deux-Sèvres et Vendée.
N° 76.
Le département de la Somme, contenant 312 lieues carrées, dont 29 faisant 145.000 arpents en bois, sur une population de 364,000 ames> payera 5,641,621 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière... 1,289,621 liv.
Pour9l,000habitationsoufeux, à 12 1. 17 s. 8 d..............................1,172,383
Et pour 1,560,000 arpents à 21. 10 d. environ....................................3,179,617
Somme égale..... 5,641,621 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations.................... 129 0/0
Les terres, etc..................... 135 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Aumale, sous le n° 27.
Les départements réunis sont : Seine-Inférieure, Somme et Pas-de-Calais.
N° 77. .
Le département du Tarn, contenant 269 lieues carrées, dont 14 faisant 70,000 arpents en bois, sur une population de 208,000 âmes, payera 2,096,780 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 351,780 liv.
Pour 52,000 habitation s ou feux, à 6 1.3 s...........................................319,800
Et pour 1,345,000 arpents à environ 21 s. 2 d............................1,425,200
Somme égale..... 2,096,780 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 61 0/0
Les terres, etc..................... 70 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Carcassonne, sous le 15.
Les départements réunis sont : Tarn, Aude et Pyrénées-Orien taies.
78.
Le département du Var, contenant 368 lieues carrées, dont 117 faisant 585,000 arpents en bois, sur une population de 252,000 âmes, payera 2,883,730 livres de contribution publiques
Savoir :
Pour contribution mobilière 422,730 liv.
Pour 63,000 habitations ou feux, à 6 1. 2 s.............. 384,300
Et pour 1,840,000 arpents à environ 22s. 8 d............. 076,700
Somme égale..... 2,883,730 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations...................61 0/0
Les terres, etc....................75 0/0
Le bureau central des quatre départements réunis est placé à Lorgues, sous le n° 11.
Les départements réunis sont Hautes-Alpes, Basses-Alpes, Var et Corse.
N° 79.
Le département de la Vendée, contenant 343 lieues carrées, dont 10 faisant 50,000 arpents en bois, sur une population de 220,000 âmes, payera 1,971,775 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière 214,775 liv.
Pour 55,000 habitations ou feux à 3 1.12 s.............. 195,250
Et pour 1,715,000 arpents à environ 18 s. 4 d............. 1,561,750
Somme égale...1,971,775 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 36 0/0
Les terres, etc.................. 61 0/0
Le bureau central des trois départements reunis est placé à la Rochelle, sous le n° 20.
Les départements réunis sont Charente-Infé-rieure, Deux-Sèvres et Vendée.
N° 80.
Le département de la Vienne, contenant 344 lieues carrées, dont 39 faisant 195,000 arpents en bois, sur une population de 256,000 âmes, payera 2,170,280 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière 313,280 liv.
Pour 64,000 habitations ou feux, à 5 1.9 s..............................284,800
Et pour 1,720,000 arpents à environ 18 s. 4 d........... 1,572,200
Somme égale....2,170,280 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 44 0/0
Les terres, etc...................... 61 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Confolens, sous le n° 19.
Les départements réunis sont Haute-Vienne, Vienne et Charente.
81.
Le département de la Haute-Vienne, contenant 288 lieues carrées, dont 12 faisant 60,000 arpents en bois, sur une population de 204,000 âmes, payera 1,532,318 livres de contribution publique ;
Savoir :
Pour contribution mobilière 184,318 liv.
Pour 51,000 habitations ou feux, à 3 1. 5 s. 9 d.......... 167,52
Et pour 1,440,000 arpents à 16 s. 5 d. environ............ 1,180,438
Somme égale..... 1,532,318 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations..................... 33 0/0
Les terres, etc..................... 54 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Confolens, sous le n° 19.
Les départements réunis sont Haute-Vienne, Vienne et Charente.
N° 82.
Le département des Vosges, contenant 295 lieues carrées, dont 89 faisant 445,000 arpents en bois, sur une population de 260,000 âmes, payera 2,548,000 livres de contribution publique;
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 500,500 liv.
Pour 65,000 habitations ou feux, à 7 livres..............................455,000
Et pour 1,425,000 arpents à environ 22 s. 4 d..........................1,592,500
Somme égale...... 2,548,000 liv.
Bases de la répartition particulière.
Les habitations................... 70 0/0
Les terres, etc.................... 74 0/0
Le bureau central (les trois départements réunis est placé à Luxeuil, sous le n° 4.
Les départements réunis sont Haut-Rhin, Vosqes et Haute-Saône.
N° 83.
«v,H département de I'Yonne, contenant 373 lieues carrées, dont 70 faisant 350,000 arpents en bois, sur une populationde 390,000âmes, Êfiqïïe 368'875 livres de contribution pu-
Savoir :
Pour contribution mobilière.. 1.106.875 liv.
Pour 87,500 habitations ou feux, à 11 1. 16 s............................1 006 250
Et pour 1,865,000 arpents à environ 34 s. 11 d..........................3,255,750
Somme égale...... 5.368,875 liv.
Bases de la répartition particulière.
Lee habitations.................. 115 0/0
Les terres, etc.............116 0/0
Le bureau central des trois départements réunis est placé à Sûint-Fargeau, sous le n° 6.
Les départements réunis sont Yonne, Nièvre et Lhér.
J'ai indiqué, ci-dessus, une méthode pour trouver la masse de contribution d'un lieu quelconque, dont on connaît la population et 1 étendue par arpent de mille lieues carrées. Mais, pour rendre plus sensible la suite de cette opération qui est confiée aux directoires de dis-taete, ainsi qu'il est porté en l'article 3 du projet de decret, j'aurais désiré pouvoir placer ici un modèle d'exécution de ce travail; dans tonfp l'étendue d'un district, et présenter en consé! quence la carte particulière de district, sur laquelle j ai opéré, avec le tableau élémentaire de cette première répartition, ce qui aurait en effet complété mon travail.
Mais il n'est pas possible qu'on place cette carte et son tableau dans un cahier d'impression. Je io?'AaclraVe,x conséquence dans un lieu apparent de 1 Assemblée nationale, où chacun pourra l'exa-ïï^ïï- à son ais®' Et si> aPrès cet examen, I Assemblee reconnaît qu'il soit utile d'en envoyer un exemplaire dans les différents départe-ES/iUf1S eI?,.centre commun, il sera temps I rcmfanta $irf-1 lmPression. Mais jusque-là je me ï ^'indiquer comment ce tableau est composé. En voici le titre :
Tableau élémentaire
de la première répartition provisoire des contributions publiques de l'année 1791, du district de Meaux, département de Seine-et-Marne, n 16, selon l ordre de ses cantons et municipalités, conformément aux dispositions de Var-ticle 3 du projet de décret de répartition présenté par M. Aubry-du-Bochet.
Ce tableau est divisé en 14 colonnes particulières, sous les distinctions suivantes 1. — Nom des municipalités. I. — Population.
3. - Nombre de feux ou habitations.
4. — Etendue des enclos.
5. — Etendue des terres.
63 — ïaux des feux 011 habitations.
7. — Taux de l'arpent d'enclos.
8. — Taux de l'arpent de terres.
y. — Contributions foncières d'habitations.
10. — Contributions d'enclos.
11. — Contributions mobilières.
12. — Contributions des terres ou aulres
héritages.
13. — Total des contributions.
14. — Observations.
LISTE
A» mnnnrt des 83 départements de la France, selon l'ordre de leur réunion au centre commun, à "effet de déterminer les différentes masses de contributions publiques communes aux départements réunis.
NUMÉROS des centres communs.
DÉPARTEMENTS.
Nord.... Ardennes Marne...
Aube........
2*..........\ Haute-Marne.
Meuse......
Moselle.., Meurthe. Bas-Rhin.
Haut-Rhin..
4»..........{ Vosges.....
Haute-Saône.
Doubs...
Jura.....
Côte-d'Or
Yonne.
6e......Nièvre.
Cher...
Loiret.......
7»..........{ Loir-et-Cher.
Indre.......
9e. 10».
lie.
12".
Creuse.........
Allier..........
Puy-de-Dôme...
( Haute-Loire— .Rhône-et-Loire. ( Saône-et-Loire.
Ain...........
Isère ..........
Drôme.........
Hautes-Alpes......
Basses-Apes.......
Var................
Corse..............
Bouches-du-Rhône.
Gard..............
Ardèche ..........
( Lozère ..
13»..........Hérault.,
( Aveyron.
( Cantal..,
14e..........1 Corrèze.,
I Lot......
15e
( Tarn..............
—{ Aude..............
( Pyrénées-Orientales.
f Ariège............
16*..........! Haute-Garonne.....
f Gers...............
Hautes-Pyrénées.
17e..........{ Basses-Pyrénées.,
Landes.........
Gironde........
18»..........{ Lot-et-Garonne.
Dordogne......
f Haute-Vienne......
19«......Vienne............
( Charente...........
( Charente-Inférieure.
20»..........Deux-Sèvres.......
( Vendée............
NUMEROS
des départements
dans l'ordre alphabétique.
56 7
48
9
49 53
55 52 66
67 82 70
23 38 £0
83
57
17
42 40 35
22
3 62
43
68 69
1
37 25
5
4 78 19
12
29
6
46 33 11
14
18
44
77
10 65
8
30
31
64 63 39
32
45 24
81 80
15
16 75 79
CONTRIBUTIONS
mobiliere.
liv.
2,136,200 391,600 603,493
518,100 543,400 536,800
561,000 753,830 841,500
673,200 500,500 347,490
total.
332 332 918
,310 ,062 ,500
1,106,250 258,720 266,062
733,425 665,500 259,820
218,102 220,010 775,867
360,360 2,696,925 840,843
574,430 390,885 257,460
153,728 112,200 422,730 62,000
671,990 429,550 306,020
319,247 419,375 353,925
532,015 227,150 335,500
351,780 412,300 130,240
129,800 386,540 197,780
75,240 182,875 127,600
1,227,339 588,259 611,086
184,318 313,280 408,295
776 195 214
,050 ) ,937 > ,775 )
liv.
3,131,293 1,598,300 2,156,330 1,521,190 1,582,872 1,631,032 1,658,745 1,213,979 3,898,128 1,217,765 750,658
1,407,560 1,092,547 1,094,665 894,320 714,120 385,715 2,426,684 905,891 1,186,762
liv.
4,646,000 2,146,000 3,291,500
2,750,800 2,752,500 2,453,000 2,455,000 2,452,000 2,445,000
2,054,000 2,047,500 1,544,000
1,543,000 1,443,000 3,667,000
4,262,000 1,959,000 1,861,500
,000 600 ,000
000 ,300 ,000
,000 ,000 ,000
,000 ,000 ,000
3,255 3,053 1,759
1,448, 1,853 2,861
1,741 8,065 3,266
2,350 2,830 1,753
1,192,000 1,100,000 2,461,000 600,000
2,551,000 2,149,000 1,849,800
1,743,000 2,153,000 2,779,000
2,149,000 1 350,000 2,160,000
1,745,000 2,154,000 985,000
1,140,700 1,795,500 1,456,500
989,000 1,615,000 1,478,000
4,323,000 2,147,500 2,775,500
1,348,000 1,857,000 1,848,000
3,059,000 1,511,000 1,757,000
total.
liv.
10,083,500
NUMEROS
des centres communs.
DÉPARTEMENTS.
( Maine-et-Loire..
21e..........I Mayenne........
{ Loire-Inférieure.
{ Morbihan.......
22®..........{ Finistère........
( Cfltes-du-Nord..
( Ille-et-Vilaine...
23«..........! Manche.........
( Calvados........
( Orne..........
24*.,.........I Sarthe........
( Indre-et-Loire
! Eure-et-Loir..
Eure..........
Seine-et-Oise.. Paris..........
25«
26*
Seine-et-Marne.
Aisne..........
Oise...........
( Seine-Inférieure.
27e..........{ Somme......
( Pas-de-Calais
NUMÉROS des
départements
dans l'ordre alphabétique.
51 50 41
54 28 21
34 47 13
59
71 56
27 26 74
60
73 2 58
72 76 61
mobiliere.
liv. 992,502 891,200 968,660
884,842 880,016 782,925
895,702 1,013,622 1,541,925 1,234,420 914,760 902,693
629,640 1,298,558 1,098,102 12,263,106 1,123,980 1,105,610 1,147,905
2,034,670 1,289,621 1,536,975
Total,....
CONTRIBUTIONS.
liv. 2,852,362
2,547,783
3,451,249
3,051,873
15,289,416
3,377,495 4,861,266
liv. 3,662,000 3,044,000 2,659,000
2,355,900 2,457,000 2,259,000
2,458,000 3,653,000 4,848,000
4,152,000 3,151,000 3,152,000
2,950,000 4,450,000 3,348,000 24,975,900
4,050,000 4,163,000 4,150,000
6,960,000 4.352,000 4,054,000
liv. 9,365,000
7,071,000
10,959,000
10,455,000
36,223,900
12,363,000 15,366,000
240,000,000
Je suspens ici l'insertion du surplus de mon travail, non parce qu'il doit composer plusieurs volumes, puisque cette impression sera indispensable, mais parce qu'il faut attendre que 1 Assemblee nationale, conformément aux dispositions de 1 article 10 du projet de décret oui précédé, ait prononcé définitivement sur la masse de contribution publique que chaque municipalité reunie en chef-lieu de canton, chaque district et chaque département doivent supporter.
Jusque-la, et pour qûe l'Assemblée et les membres des comités puissent jouir de cette partie de mon travail, qui comprend, en plusieurs volumes in-folio, les procès-verbaux des Hi départements vérifiés au comité de Constitution et dressés dans un ordre parfaitement régulier et véritablement méthodique, j'ai l'honneur de prévenir 1 Assemblée que je ferai déposer ces volumes aux Archives, afin que chacun puisse v avoir recours toutes les fois qu'il en aura besoin.
Il n est pas nécessaire que j'en dise davantage sur cette portion précieuse de mon travail* je dirai seulement que les procès-verbaux sont dressés de manière à pouvoir connaître, à la seule ouverture du livre, quand on y aura mis la dernière main, tout ce qui peut intéresser dans le nouvel ordre de choses.
En effet, population, étendue, administration, juridiction, contribution, tout est annoncé dans ces proces-verbaux, qui ne sont autre chose que le tableau générai et particulier de toutes les municipalités du royaume, rangées par ordre de canton, district et département, avec indication de tout ce qui peut intéresser le citoyen.
D'ailleurs, pour faire connaître dans quel ordre ils sont rédiges, car qui en voit un les voit tous, voici pour exemple le procès-verbal de la division du département d'Eure-et-Loir, ci-devant Beauce, Chartres, chef-lieu.
Département d'EuRE-ET-Lom.
L'Assemblée nationale a décrété, le 21 janvier 1790, que le département de Chartres est divisé en 6 districts, dont les chefs-lieux sont les villes de Dreux, Châteauneuf-en-Thimerais, No-gent-le-Rotrou, Chartres, Chateaudun et Janville.
En conformité de ce décret, et de tous ceux relatifs à ce département, et d'après les procès-verbaux et cartes du même département, déposes au comité de Constitution, et leur vérification, il a été dressé le procès-verbal oui suit: H
Le département d'Eure-et-Loir est borné au nord par le déparlement de l'Eure; à l'est par les départements de la Seine, de l'Oise et du Loiret; au sud par le même département du Loiret et celui du Loir-et-Cher; et à l'ouest par les départements de la Sarthe et de l'Orne.
Ce département est divisé en 6 districts dont les chefs-lieux sont :
Châteauneuf, Dreux, Chartres, Janville, Châ-teaudun, Nogent-le-Rotrou.
1° Châteauneuf.
Le district de Châteauneuf est divisé en 6 cantons, savoir :
La Ferté-Vidame, Brézolles, Châteauneuf, Cour-ville, la Loupe et Senonches.
Il est borné au nord par le département de l'Eure ; à l'est par le district de Dreux ; au sud par celui de Chartres ; et à l'ouest par le district de Nogent-le-Rotrou et par Je département de l'Orne.
Les paroisses ou lieux faisant limites du dis-
Vers le nord, Rohaire, Boissy, Reuil et Mon-tigny.
Vers l'est, Fessainvilliers, Brezolles, Grussav, Saint-Ange, Fontaine-les-Riboux, Levaville, Chêne-Cbenu et Theury.
Vers le sud, Vérigny, Dangers, Mitainvilliers, Gourville et Saint-Germain-le-Gaillard.
Et ver3 l'ouest, Froncé, Friaize, Saint-Eliph, Vaupillou, Meaucé, Fontaine-Siraon, Manon, le Russeintes, la Ferté-Vidame et Reveillon.
2° Dreux.
Le district de Dreux est divisé en 6 cantons, savoir :
Saint-Lubin-des-Jonchères, Dreux, Anet, Bu, Nogent-le-Roy et le Tremblay.
Il est borné au nord par le département de l'Eure; à l'est, par celui de Seine-et-Oise; au sud, par le district de Chartres; et à l'ouest par le district de Châteauneuf.
Les paroisses ou lieux faisant limites du district de Dreux et qui lui appartiennent, sont :
Vers le nord, Brou, la Mulotière, Dampierre, Saint-Lubin-des-Joncherets, Saint-Remy, Vert, Montreuil, Sorel, Moussel, Saussay, Anet, Oulins, la Chaussée, Nantilly et Guainville.
«Vers l'est, Gilles, Ménil-Simon, Ville-l'Evêque, Saint-Lubin-de-la-Haye, Goussainville, Champagne, Saint-Projet, Bontigny, les Pintières, Fa-verolles et Saint-Lucien.
Vers le sud, Saint-Martin-de-Nigel, Villiers-des-Moriers (1), Néron, Saint-Chéron et le3 Chaisses.
Et vers l'ouest, Aschères, le Tremblay, Boulay-les-deux-Eglises, Saulnière, Mainterne, Vitray, Saint-Lubin de Crevant et Revercourt.
3° Chartres.
Le district de Chartres est divisé en 8 cantons, savoir :
Bailleau-l'Evêque, Maintenon, Épernon, Gallar-don, Auneau, Dammarie, Illiers et Chartres.
Il est borné au nord par le district de Dreux; à l'est,parle département de Seine-Oise;au sud, par les districts de Janville et de Châteaudun; et a l'ouest, par les districts de Nogent-le-Rotrou et Châteauneuf.
Les paroisses ou lieux faisant limites du district de Chartres et qui lui appartiennent, sont :
Vers le nord, Challet, Bouglainval, Pierres, Maintenon, Hanches et Epernon.
Vers l'est, Droué, Houdreville, Escrône, Bleury et Saint-Symphorien.
Vers le sud, Auneau, Roinviile, Beville, Voise, Moinville,Prunay-le-Gillon, Theuville, Paisi.Boncé, Frenay-le-Comte, Bois-Villette, Luplantay, Erme-nonville-la-Petite, Blandainville et Illiers.
Et vers l'ouest, Méréglise, Saint-Eman, lesCha-telliers, Cernay, Orrouer, Saint-Lu[)erce, Fon-taine-la-Guyon, Briconville et Clevilliers.
4° Janville.
Le district de Janville est divisé en 6 cantons, savoir :
Voves, Ouarville, Gommerville, Janville et Or-gères.
Il est borné au nord par le district de Chartres; à l'est, par les départements de la Seine et de l'Oise et du Loiret; au sud, par le même département du Loiret, et à l'ouest, par le district de Châteaudun.
Les paroisses ou lieux faisant limites du district de Janville et qui lui appartiennent sont :
Vers le nord, Villeneuve-Saint-Nicolas, Allonne, Santeuil, Saint-Léger-des-Aubès, la Chapelle-d'Aunainville et Aunay.
Vers l'est, Garencières, Oysonville, Gaudreville, Grandville, Dommervilie, Barmainville, Oinville-Saint-Liphar, Thoury, Poinville et Santilly.
Vers le sud, Damberon, Poupnx, Lumeau, Ter-minier et Guillonville.
Et vers l'ouest, Pourneville, Courbehaye, Bai-gnolet, la Folie-Herbault, Villars et Mortainville.
5° Châteaudun.
Le district de Châteaudun est divisé en 8 cantons, savoir :
Brou, Dangeau, Bonneval, Sancheville, Civry, Cloye, Arrou et Châteaudun.
Il est borné au nord par le district de Chartres; à l'est, par celui de Janville; au sud, par le département du Loiret et celui du Loir-et-Cher, et, à l'ouest, par le district de Nogent-le-Rotrou.
Les paroisses ou lieux faisant limites du district de Châteaudun et qui lui appartiennent, sont :
Vers le nord, Vieuxvie, Saint-Avir, Chatonville, Vitray et Meslay.
Vers l'est, Andeville, Legault, Neuvy, Sancheville, Cormainville et Basoches.
Vers le sud, Pétonville, Villempuy, Osouer-le-Breuil, Lemée, la Ferté-Villeneuve, Chatet, Ro-milly, Cloye, Langey, Bois-Gasson, Courtalin et Arrou.
Et vers l'ouest, Unver, Dampierre et Mottereau.
6° Nogent-le-Rotrou.
Le district de Nogent-le-Rotrou est divisé en 6 cantons, savoir :
Champrond, Frazé, la Basoche, Auton, Nogent-le-Rotrou et Thiron-de-Gardais.
Il est borné au nord par le district de Châteauneuf ; à l'est par les districts de Chartres et de Châteaudun ; au sud, par le département de Loir-et-Cher, et à l'ouest, par les départements de la Sarthe et de l'Orne.
Les paroisses ou lieux faisant limites du district de Nogent-le-Rotrou, et qui lui appartiennent, sont :
Vers le nord, Montireau, Champrond, le Thieu-lin, Saint-Denis-des-Puiis et Villebon.
Vers l'est, Lesvis, Nouvilliers, Grandhoux, Mon-tigny-le-Chartif, Frazé, Moulhard, Villevillon et la Chapelle-Royale.
Vers le sud, la Basoche et la Chapelle-Guillaume.
Et vers l'ouest, Soifé, Saint-Bomer, les Estil-leux, Saint-Jean-de-Pierre-Fixte, Nogent-le-Rotrou, Margon, Marolles et Saint-Victeur.
Les 6 districts du département d'Eure-et-Loir contiennent 40 cantons et 475 paroisses ou lieux principaux, dont la nomenclature, selon l'ordre des districts et cantons, est portée en la liste qui suit :
Liste ou nomenclature des paroisses, ou lieux principauxdu département d'Eure-et-Loir, n° 27, selon l'ordre de ses districts ou cantons.
District de Chateauneof Divisé en 7 cantons.
Cette liste présente la forme d'un tableau divisé en 16 colonnes, sous les distinctions suivantes :
1° Indication des paroisses ou lieux;
2° Chefs-lieux de cantons;
3° Nombre des habitants;
4° Nombre des citoyens actifs;
5° Nombre des domestiques mâles;
6° Nombre des domestiques femelles;
7° Nombre-des chevaux de selle;
8° Nombre des chevaux de voitures ;
9° Tribunaux de paix ;
10° Tribunaux de commerce;
11° Contributions directes foncières;
12° Contributions directes mobilières;
13° Contributions indirectes, enregistrement;
14° Contributions indirectes, timbre;
15° Contributions indirectes, patentes;
16° Observations.
Les paroisses d'un même canton sont placées dans cette liste dans un ordre toujours uniforme, en commençant parle nord-ouest, et toujours en tournant de gauche à droite (de l'ouest à l'est) en forme de spirale, et de manière que la dernière paroisse sur la liste, se trouve le plus au centre du canton.
On conçoit combien cette liste doit être utile aux directoires des départements et districts, pour la répartition des contributions provisoires dont il s'agit dans le projet de décret qui précède.
Après avoir établi les bases de la répartition des contributions publiques, mobilière et foncière entre les 83 départements, et avoir indiqué un mode de répartition entre les districts et municipalités, je laisserais mon travail imparfait, si je n'en développais une autre vue d'utilité bien importante : son rapport avec les parties élémentaires de nos finances actuelles; cette monnaie représentative, et de nos écus, et de nos domaines nationaux; en un mot avec nos assignats.
En effet, dans le système éternel que le nouvel ordre de choses vient de créer pour le bonheur de tous, il se trouve une telle harmonie, des rapports si parfaits et si intimement liés entre eux, que nous ne pouvons faire un pas sans en reconnaître la parfaite identité; et, pour le prouver, je ne veux qu'un exemple.
Ce sont les 100 millions d'assignats de 100 sols que l'Assemblée vient de décréter.
Il ne faut que lire les deux articles qui composent ce décret, pour en faire l'application.
J'avais indiqué quelques précautions, sans lesquelles les assignats de 100 sols ne pourraient produire le bien qu'on s'en promettait, la destruction de l'agiotage, et je proposais, en conséquence, un établissement pour rembourser à bureau ouvert un certain nombre d'assignats de 50 livres, et en échanger de plus gros contre de plus petits. Mais cet établissement présentait un grand inconvénient : c'est qu'on supposait qu'on ^ûtapportéchaquejourles 100,000 écusdontj'avais besoin pour payer à bureau ouvert les 5,000 assignats de 5 livres aux 5,000 porteurs différents que j'indiquais, il en coûtait chaque jour 12,000 livres à la nation, et les porteurs d'assignats que je remboursais ou que j'échangeais, éprouvaient de grandes gênes (1). Mais l'Assemblée a tout prévu en ordonnant que les 100 millions d'assignats de 100 sols ne pourront être mis en émission qu'en vertu d'un nouveau décret, lequel ordonnera en même temps l'ouverture d'un bureau dans chaque district, où l'on pourra échanger à volonté lesdits assignats contre de la monnaie de cuivre, et surtout en déclarant, dans l'article 11 de son décret, que dans le rapport de ses comités des monnaies et des finances réunis, sur les moyens d'exécution relatifs tant à la fabrication des assignats de 5 livres, qu'à celle de la monnaie, ces moyens doivent être tels que l'émission de ces assignats et la monnaie de cuivre se fassent au même instant.
Par une telle mesure, les moyens d'exécution sont si connus d'avance, que
s'il n'était vraiment indispensable d'indiquer dans quelle proportion
les 100 millions d'assignats peuvent être distribués ainsi que la
monnaie de cuivre entre les départements, districts et municipalités, je
m'en rapporterais bien certainement à la sagesse de vos deux comités sur
les précautions à prendre pour donner à tous nos assignats une valeur
absolument égale, et sous tous les rapports possibles, aux écus qu'ils
représentent; mais cette distribution tient essentiellement à mon
travail, et je croirais commettre une grande faute, d'abord si je n'en
plaçais ici le tableau de distribution entre les différents
départements, et si je n'observais ensuite, comme je le fais en ce
moment, que pour
Voici le tableau de distribution entre les 83 départements. Je suis le même ordre alphabétique que j'ai adopté pour la répartition des contributions.
Pour connaître la somme d'assignats de 5 livres et de monnaie de cuivre à répartir entre les différentes municipalités, on en trouve les proportions dans le tableau qui est placé au commencement de ce projet.
TABLEAU de distribution de 100 millions d'assignats de 100 sols entre les 83 départements de la France, selon l'ordre de proportion qui doit exister entre eux sous le rapport de leur commerce ou besoins présumés (1).
1 Ain.............................................870,000 liv.
2 Aisne......................................................1,675,000
3 Allier......................................................333,000
4 Basses-Alpes......................................170 000
5 Hautes-Alpes........................................233^000
6 Ardèche..............................................464,000
7 Ardennes..............................................593,000
8 Ariège..............................................197,000
9 Aube....................................................785,000
10 Aude......................................................625,000
11 Aveyron................................................536,000
12 Bouches-du-Rhône.........................1,018,000
13 Calvados..............................................2,336,000
14 Cantal............ ..........................806,000
15 Charente .............................618,000
16 Charente-Inférieure............................1,175,000
17 Cher........................................403,000
18 Corrèze................................................344,000
19 Corse....................................................103,000
20 Côte-d'Or..............................................1,391,000
21 Côtes-du-Nord............ ............1,186,000
22 Creuse....................................................330,000
23 Doubs........................................503,000
24 Dordogne..............................................923,000
25 Drôme..............................382,000
26 Eure......................................................1,967,000
27 Eure-et-Loir........................................953,000
28 Finistère.....................................1,333,000
29 Gard....................................................650,000
30 Haute-Garonne.......................585,000
31 Gers..........................'.. 299,000
32 Gironde..................................................1,859,000
33 Hérault.................................635,000
34 Ille-et-Vilaine......................................1,356,000
35 Indre......................................................393,000
36 Indre-et-Loire.......................1,367,000
37 Isère........................................................592,000
38 Jura........................................................503,000
39 Landes...........................193,000
40 Loir-et-Cher..........................................1,008,000
41 Loire-Inférieure..................................1,467,000
42 Loiret......................................................1,111,000
43 Haute-Loire..........................................545,000
44 Lot..........................................................508,000
45 Lot-et-Garonne......................................891,000
46 Lozère....................................................483,000
47 Manche......................... 1,535,000 liv.
48 Marne....................................................914,000
49 Haute-Marne...........................823,000
Mayenne..............................1,319',000
51 Maine-et-Loire................?.. 1,503,000
52 Meurthe...................................1,142,000
£3 Meuse......................................................813,000
54 Morbihan..................h:.... 1,340,000
55 Moselle.............................894,000
56 Nord....................................3,236,000
57 Nièvre...................................391,000
Oise............................................1,739,000
j® Orne..........................................................1,870,000
Pa«s......................................................19,000,000
ol Pas-de-Calais........................................2,328,000
62 Puy-de-Dôme........................................1,163,000
63 Basses-Pyrénées....................................277,000
64 Hautes-Pyrénées........................114,000
65 Pyrénées-Orientales............................197,000
66 Bas-Rhin............................1,274,000
67 Haut-Rhin............................................1,020,000
68 Rhône-et-Loire........................4,061,000
69 Saône-et-Loire......................................1,071,000
70 Haute-Saône.......................526,000
71 Sarthe................................1,385,000
72 Seine-Inférieure..................................3,082,000
73 Seine-et-Marne................................1,702,0Q0
74 Seine-et-Oise........................................1,663,000
75 Deux-Sèvres..........................................296,000
76 Somme.......................................1,953,000
77 Tarn....................................................532,000
78 Var...................... ............640,000
79 Vendée...,....................................325,000
80 Vienne..........ijl:..........................474,000
81 Haute-Vienne...........'..................279,000
82 Vosges....................................................758,000
83 Yonne....................................................1,677,000
Total..... 100,000,000 liv.
La monnaie de cuivre devra se partager de la même manière que les assignats de 100 sols entre les départements, districts et municipalités.
D'après ces observations, et en conformité des dispositions du décret, il me semble qu'en amen-deant le projet de décret sur les assignats, que j'ai fait distribuer au bureau de distribution de l'Assemblée nationale, avec un précis du discours que j'ai prononcé le 29 avril à la tribune, sur les inconvénients résultant d'une émission considérable d'assignats de 5 livres, à l'effet d'établir des caisses publiques de remboursements d'assignats à bureau ouvert, pour la destruction des abus d'agiotage : précautions sans lesquelles on se flatterait en vain de les détruire, et qui ne sont autre chose, en termes d'agioteurs, que jouer à la baisse contre eux; il me semble, dis-je, qu'en amendant en effet le projet de décret, comme je vais le faire, on pourrait mettre en activité très incessamment les établissements que je propose.
Projet de décret.
Art. 1er. Il sera établi dans chaque
chef-lieu de district, à la recette générale de district, un bureau de
remboursement en échange des assignats.
Art. 2. Quand un dixième des assignats et monnaie de cuivre décrétés sera fabriqué et frappé, ils seront distribués à tous les receveurs de districts, dans la proportion qui revient à chacun d'eux.
Art. 3. La proportion qui revient à chacun, et dont le tableau sera joint
au présent décret, est calculée sur la masse des contributions mobilière
et des patentes ; et ces deux contributions, pour
Art. 4. Plusieurs citoyens contribuables pourront se réunir ensemble quand, à raison de leurs contributions mobilière et de patentes, ils ne seront point dans le cas d'atteindre, chacun isolément, au remboursement d'un assignat quelconque.
Art. 5. Tout receveur de district sur le certificat de la municipalité de chaque ville ou lieu, remboursera, au porteur en assignats de 100 sols et en monnaie de cuivre,le dixième delà quote-part qui doit revenir à cette municipalité à chaque distribution.
Art. 6. Chaque municipalité fera ensuite le remboursement ou échange à chaque citoyen contribuable, de la même manière et dans la même proportion qu'il est dit en l'article précédent.
Art. 7. Il est accordé quinze jours à chaque municipalité pour échanger à la caisse de district les petits assignats de 100 sols et la monnaie de cuivre qui reviennent à chacune, et seulement huit jours à chaque citoyen contribuable. Au delà de ces époques, s'il reste des assignats de 5 livres et de la monnaie de cuivre en caisse, ils seront distribués à tous ceux qui se présenteront, en observant seulement par les receveurs de district et de municipalité de n'échanger la monnaie de cuivre que contre un assignat de 100 sols à la fois, ceux-ci contre un assignat de 50 livres et au-dessus jusqu'à 100 livres, et ces derniers toujours contre un seul assignat de plus grosse somme; et attendu que cette distribution nécessite des frais aux receveurs et municipalités, et qu'elle n'est qu'une mesure de faveur, il sera rayé pour l'échange de chaque assignat en monnaie de cuivre, 1 0/0, et pour l'échange de petits assignats contre un plus gros, 1/2 0/0; mais, pendant la quinzaine accordée à chaque municipalité et la huitaine à chaque citoyen, les remboursements et échanges seront faits gratuitement.
Art. 8. Les receveurs de districts, pendant la quinzaine qu'ils échangeront les assignats de 100 sols et la monnaie de cuivre, suspendront la distribution de faveur dont il s'agit dans l'article précédent.
Il en sera de même dans les municipalités pendant la huitaine de la distribution, aux citovens contribuables.
Art. 9. Il sera affiché dans un lieu apparent à portée des maisons communes de municipalité :
l°Par le receveur de district, la liste des municipalités qui auront négligéde recevoir en échange leur contingent, afin que le public connaisse la somme qui devra être distribuée à bureau ouvert.
2° Et par les receveurs des municipalités, également la somme qu'ils auront à distribuer.
Art. 10. Cependant tant qu'il y aura des fonds en assignats de 5 livres et monnaie de cuivre dans les caisses de district et de municipalité, ceux qui auront négligé de se présenter dans les délais fixés, pourront réclamer tout ou partie de leur contingent, mais ils seront tenus de payer aux receveurs de district et de municipalité ce qui leur est attribué par l'article 7.
Art. 11. Les directoires de district et conseils de commune sont autorisés à faire un règlement pour l'ordre de la distribution ou remboursement, afin d'éviter tout soupçon et toute confusion.
a la séance de l'assemblée nationale du mercredi 13 avril 1791.
Nouveau projet de décret sur l'organisation de la marine militaire et sur le mode d'admission et d'avancement, présenté par le comité de la marine.
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète :
Art. 1er. Nul ne pourra commencer la profession
de navigation qu'en qualité de mousse, novice, ou aspirant de la marine.
Marine militaire.
Mousses.
Art. 2. Nul ne pourra, après l'âge de 16 ans, être embarqué comme mousse.
Novices.
Art. 3. Tous ceux qui commenceront à naviguer après cet âge et n'auront pas subi et satisfait à l'examen exigé par l'article 12, seront novices.
Matelots.
Art. 4. Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices, pourront, après 12 mois de navigation, être admis à l'état de matelot.
Art. 5. Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye et, à cet effet, la paye dès matelots sera graduée en plusieurs classes.
Art. 6. Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye sans avoir passé par les payes intermédiaires.
Officiers mariniers.
Art. 7. Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots ; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu'aux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu'ils auront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions.
Art. 8. On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre sans avoir été employé, pendant une année de navigation, en qualité de gabier.
Art. 9. Toutes les augmentations de solde et avancements en grade, pour les gens de l'équipage, seront faits, pour chaque vaisseau, par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard.
Maîtres entretenus.
Art. 10. Les officiers mariniers, parvenus par leurs services au premier
grade de leur classe, pourront être constamment entretenus, et le nombre
des entretenus sera déterminé d'après les besoins des ports. Les deux
tiers des places
Art. 11. Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu'ils eussent passé l'âge auquel l'admission aux différents grades d'oflicier pourrait avoir lieu.
Aspirants de la marine.
Art. 12. Ceux qui se présenteront pour servir en qualité d'aspirants dans la marine ne pourront y être admis qu'après 16 ans d'âge accomplis, et seulement après avoir subi un examen public sur l'arithmétique, la géométrie, la navigation et les éléments de la mécanique.
Art. 13. Les aspirants seront divisés en trois classes.
Dans la troisième seront compris tous ceux qui commenceront à naviguerais feront, sur les vaisseaux où on les emploiera, l'apprentissage de gabier et timonier.
Dans la seconde classe on admettra tous ceux qui auront 18 mois de navigation-, ils feront le service de quartiers-maîtres et passeront successivement à tous les grades d'officiers mariniers, celui de maître excepté.
Ils ne seront reçus dans la première classe qu'après deux ans et demi de navigation; et après avoir subi un examen au concours sur la théorie et la pratique de l'art maritime, pourvu qu'ils n'aient pas passé l'âge de 20 ans. Le nombre des aspirants de la première classe sera limité. Le temps de navigation sera évalué conformément aux dispositions énoncées dans l'article 19.
Art. 14. Les aspirants de la première classe prendront rang immédiatement après l'état-ma-jor, et entre eux de la date de leur admission dans cette classe. Ils ne seront, ainsi que iceux des deux autres classes, payés que pendant le temps qu'ils seront en activité de service.
Officiers de la marine.
Art. 15. Les grades d'officiers de la marine seront ceux d'enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseaux, et capitaines de vaisseaux, et les grades d'officiers généraux.
On ne pourra être fait officier avant l'âge de 18 ans.
Enseignes.
Art. 16. Le grade d'enseigne sera le dernier grade d'officier de la marine; le titre et le brevet en seront donnés à tous les aspirants qui auront rempli les conditions exigées par les articles précédents, et à tous les capitaines de navires reçus suivant les formes prescrites.
Art. 17. Les aspirants de la première classe seront faits enseignes de vaisseaux après 4 ans de navigation, dont une au moins sur les vaisseaux de l'Etat, en cette qualité d'aspirants de la première classe, et pour les trois autres années, le temps de navigation sur les bâtiments de commerce sera compté à raison des deux tiers de sa durée effective.
Art. 18. Les aspirants de la seconde classe se ront faits enseignes de vaisseaux après 5 ans dé navigation, dont 18 mois au moins en qualité d'aspirant de la seconde classe; et pour les 3 années et dernières restantes, le temps de navigation sur les bâtiments de commerce sera compté à raison des deux tiers de sa durée effective.
Art. 19. L'année de navigation, énoncée dans tous les articles précédents, est censée faite sur les vaisseaux de l'Etat; et si elle a eu lieu sur les bâtiments de commerce, elle ne sera comptée que pour 8 mois. Toute navigation antérieure à l'âge de 12 ans n'entrera pas en compte.
Art. 20. Tous les enseignes seront habiles à commander des bâtiments de commerce, pourvu qu'ils aient l'âge exigé par l'article suivant ; et les officiers de la marine marchande, reçus capitaines de navire, seront également enseignes de vaisseaux, et ne pourront être appelés dans une qualité inférieure au service de l'armée navale.
Art. 21. Nul ne sera reçu capitaine de navire, qu'après l'âge de 24 ans, lorsqu'il aura 72 mois de navigation, dont 12 au moins sur les bâtiments de l'Etat, et 12 mois de cabotage sur les côtes de France, et après avoir subi un examen public.
Art. 22. Tout navigateur non réçu capitaine, mais qui aura 18 mois de navigation en qualité de second sur des bâtiments de commerce de 20 hommes au moins d'équipage, appelé à servir sur l'armée navale, sera employé, en qualité d'aspirant de la première classe, pour la campagne seulement» quoiqu'il n'ait pas subi l'examen au concours, sans que cela puisse lui donner les droits attribués, par l'article 17, aux aspirants de la première classe qui ont été reçus au concours.
Art. 23. Le grade d'enseigne imposera à tous reiix qui le recevront l'obligation de servir sur l'armée navale et dans les arsenaux en cette qualité, lorsque les circonstances l'exigeront.
Enseignes entretenus.
Art. 24. Sur la totalité desenseignes* il en sera pris un nombre déterminé, pour les destiner uniquement au service public. Ils seront payés constamment, et tenus à résider dans leur département.
Art. 25. Les enseignes non entretenus n'auront d'appointements, et n'exerceront l'autorité de ce grade, que lorsqu'ils seront en activité de service militaire. Ils ne pourront en porter l'uniforme que lorsqu'ils auront été appelés à servir en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
Les bâtiments de commerce, commandés par des officiers militaires, ne pourront arborer les marques distinctives réservées exclusivement aux vaisseaux de l'État, sauf la flamme de police et de commandement entre bâtiments marchands, usités dans les ports des colonies et dans quelques ports étrangers.
Art. 26. Le dixième des places d'enseignes entretenus sera donné aux maîtres entretenus, moitié à l'ancienneté d'entretien, moitié au choix du roi.
Art. 27. Les autres places vacantes d'enseignes entretenus seront données au concours par un examen sur toutes les branches de mathématiques applicables à la marine, et sur toutes les parties de Part maritime.
Art. 28. Seront admis à cet examen tous ceux ayant le titre d'enseigne*
et n'ayant pas passé
Art. 29. Les enseignes entretenus cesseront de l'être, et seront remplacés, soit qu'ils quittent le service public, soit qu'ils préfèrent servir sur les bâtiments du commerce.
Art. 30. Tous les enseignes entretenus ou non entretenus de service sur le même vaisseau, ou dans le même port, jouiront des mêmes prérogatives, et exerceront la même autorité. Ils prendront rang entre eux suivant le temps de navigation faite en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
Lieutenants.
Art. 31. Le grade de lieutenant sera immédiatement au-dessus de celui d'enseigne.
Tous les enseignes entretenus ou non entretenus pourront également y prétendre, pourvu qu'ils n'aient pas plus de 40 ans. Les cinq sixièmes des places vacantes seront accordés à ceux d'entre eux qui auront le plus de temps de navigation faite, en qualité d'enseigne sur les vaisseaux de l'État ; l'autre sixième des places vacantes sera laissé au choix du roi, qui pourra le faire sans distinction d'âge entre tous les enseignes qui auront fait en celte qualité 24 mois de navigation sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 32. Les lieutenants seront entièrement et perpétuellement voués au service de l'État ; ceux des enseignes qui, appelés par leurs services au grade de lieutenant, préféreraient de naviguer sur les bâtiments du commerce, seront faits lieutenants surnuméraires.
Art. 33. Ceux des enseignes qui seront appelés au service de l'Etat après l'âge de 40 ans, ne pourront l'être qu'en qualité de lieutenants surnuméraires, pourvu qu'ils aient fait, depuis le moment où ils auront été faits enseignes, six ans de navigation, évalués conformément à l'article 19.
Art. 34. Les lieutenants surnuméraires n'auront d'appointements et n'exerceront l'autorité de ce grade, que lorsqu'ils seront en activité de service, SQit dans les ports, soit sur les vaisseaux de l'Etat.
Ils conserveront la faculté de prendre rang avec les lieutenants, à compter seulement du moment où ils voudront se vouer au service de l'État, et d'être alors constamment appointés, pourvu qu'ils n'aient pas passé l'âge de 40 ans, et qu'il y ait des places de lieutenants vacantes.
Art. 35. Dans le nombre des places vacantes de lieutenants entretenus, dévolues à l'ancienneté, il n'y en aura qu'une sur trois qui pourra être donnée aux lieutenants surnuméraires ; et dans le cas où plusieurs lieutenants surnuméraires se présenteraient pour la remplir, la préférence sera donnée au plus ancien.
Art. 36. Le rang des lieutenants entretenus sera déterminé par leur ancienneté, évaluée seulement par le temps de leur entretien. Les lieutenants surnuméraires prendront rang entre eux et avec les lieutenants entretenus, sur les vaisseaux où ils seront embarqués et dans les ports, suivant le temps de leur navigation en cette qualité sur les vaisseaux de l'État ; de manière que l'ancienneté soit réglée, pour les entretenus, par le temps de leur entretien ; pour les surnuméraires, par le temps de leur navigation faite dans le grade de lieutenant sur les vaisseaux de l'État, l'un étant toujours l'équivalent de l'autre.
Capitaines ds vaisseaux.
Art. 37. Les capitaines de vaisseaux seront pris parmi tous les lieutenants, de la manière suivante : une moitié de ce remplacement se fera en suivant le rang d'ancienneté, et seulement parmi les lieutenants entretenus, et l'autre moitié au choix du roi, entre tous les lieutenants, soit entretenus, soit surnuméraires. Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins 2 ans de navigation dans ce grade. L'ancienneté ne sera plus un titre pour les lieutenants âgés de 50 ans.
Art. 38. Les capitaines de vaisseaux prendront rang entre eux de la date de leur brevet. Les officiers faits capitaines de vaisseaux dans la même promotion conserveront entre eux le rang qu'ils avaient lorsqu'ils étaient lieutenants.
Officiers généraux.
Art. 39. Les officiers généraux seront divisés en trois grades: les amiraux, les vice-amiraux, les contre-amiraux.
Art. 40. Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, deux tiers au choix du roi. Ce choix ne pourra porter que sur ceux des capitaines de vaisseaux qui auront au moins 12 mois de navigation dans ce grade.
Art. 41. Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral par rang d'ancienneté.
Art. 42. Les amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux, et toujours au chuix du roi.
Art. 43. Les officiers commandant les escadres dans les mers de l'Amérique ou des Indes pourront être autorisés par le roi à récompenser par des avancements conformes aux règles précédentes, et en nombre déterminé, les officiers qui l'auront mérité. Les officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du grade qu'ils auront obtenu ; mais ils ne pourront le conserver qu'autant qu'ils auront été confirmés par le roi. Ces avancements, et celui dont il est parlé dans l'article suivant, seront comptés parmi ceux laissés au choix du roh
Avancements extraordinaires.
Art. 44. Si un officier ou tout autre homme de mer mérite par quelque action d'éclat, ou. autre titre incontestable constaté par procès-verbal, un avancement hors des règles précédentes, il ne pourra lui être accordé par le roi que sur la proposition expresse d'un officier commandant.
Art. 45. Les remplacements par ordre d'ancienneté dans les différents grades marcheront avant ceux par choix, et auront lieu à mesure que les places viendront à vaquer, et au plus tard deux mois après la connaissance de la vacance.
Nomination aux commandements.
Art. 46. Le commandement des armées navales et escadres composées au moins de 9 vaisseaux de ligne, ne pourra être confié qu'à des amiraux, vice-amiraux ou contre-amiraux, mais indistinctement entre eux.
Art. 47. Le commandement des divisions sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement; et celui des vaisseaux de ligne armés en guerre à des capitaines.
Art. 48. Les commandants de frégate seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants entretenus ou surnuméraires.
Art. 49. Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, gabarres, lou-gres et transports seront pris indistinctement, soit parmi tous les lieutenants, soit parmi les enseignes entrenus ou non entretenus.
Art. 50. Le roi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu'il n'y ait pas d'accusation.
Art. 51. Les commandants des armées navales et escadres, pendant le cours de leurs campagnes, exerceront le droit donné au roi par l'article précédent.
Retraites et décorations.
Art. 52. Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et décorations militaires, en raison de leurs services sur les vaisseaux de l'Etat, et du temps pendant lequel ils auront été entretenus ; mais à tous enseignes et lieutenants ayant 8 ans de navigation au service de l'Etat, on comptera pour moitié le temps de navigation qu'ils auraient faite sur les bâtiments du commerce depuis qu'ils auront acquis le premier de ces grades.
Art. 53. L'Assemblée nationale se réserve de statuer par un décret particulier sur la manière d'appliquer le présent décret à l'état actuel de la marine.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances d'avant-hier au soir et d'hier au matin, qui sont adoptés.
Les malheureux événements survenus à Douai ont fait naître quelques inquiétudes, au sujet des approvisionnements, dans l'esprit des habitants de Cambrai; la commune de cette ville a cru, en conséquence, qu'il était convenable de faire un approvisionnement public de grains, au moins pour trois mois ; elle a' émis un vœu dans ce sens et elle sollicite l'autorisation nécessaire.
Je demande donc le renvoi de la pétition delà commune de Cambrai au pouvoir exécutif.
Je ne puis dissimuler la défiance que m'inspire une telle demande; je
connais d'ailleurs les intentions de ceux qui ont provoqué une pétition
de genre dans
Les motifs de la pétition ne sont d'ailleurs pas développés. II peut y avoir quelque fondement dans la demande que vous soumet M. d'Estourmel : cependant, si vous décidiez le renvoi au pouvoir exécutif, on pourrait en induire que l'Assemblée nationale croit que cette pétition, dont les motifs sont encore inconnus, doit être prise en considération. Au surplus, les pétitionnaires peuvent adresser directement leur reauête au pouvoir exécutif.
En conséquence, je propose de passer à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
au nom du comité central de liquidation, présente une nouvelle rédaction des articles 3 et 4 du titre II du projet relatif à la liquidation des dettes sur les corps et établissements supprimés, adoptés sauf rédaction dans la seance du 12 avril 1791 (1). Ces articles sont ainsi conçus :
Art. 3.
« Après la publication de chaque décret qui ordonnera la reconnaissance desdites rentes au nom de l'Etat, les créanciers de ces rentes seront tenus de faire, par eux ou par leurs fondés de procuration, la remise des titres qu'ils auront eq leur possession ; les créanciers de rentes viagères y joindront l'acte de leur naissance et un certificat de vie eu bonne forme. » {Adopté.)
Art. 4.
« En échange de cette remise, il sera délivré, aux propriétaires de rentes perpétuelles ou viagères une reconnaissance valant contrat ou titre nouvel, par le commissaire du roi, liquidateur Général, stipulant pour l'Etat, laquelle reconnaissance portera le même capital, le même taux d'intérêts et les mêmes termes de payement que la rente qui était due par l'établissement supprimé Qe contrat contiendra l'acceptation du créancier ou de son fondé de procuration, et la clause qu line vaudra que d'un seul et même titre av°c ceux qui établissaient ladite rente; et il sera sujet au droit d'enregistrement. .. {Adopté).
rapporteur. Je déclare à l'As-semblee que Je comité retire les articles 5 et 6 du même titre de ce même projet comme inutiles et incompatibles avec les amendements compris dans U nouvelle rédaction des deux articles nue vous venez de décréter.
Vous avez, d'autre part, ajourné dans la séance du U avril l'article 11 de notre projet; voici la rédaction que nous vous proposons pour cet article qui deviendrait le neuvième du décret.
Art. 9 (ancien art. 11).
« Chaque directoire de département enverra au ministre des contributions
publiques, de quin-
fait part d'une lettre du sieur Pottin-de-Vauvineux; ce particulier annonce qu'il a été assez heureux pour trouver un moyen de rendre libre la circulation des espèces dans la capitale, et pour extirper les racines les plus cachées de l'agiotage exercé envers les assignats; il prévient l'Assemblée que ce n'est point un projet qu'il présente, mais que c'est une société qu'il forme, composée de 30 administrateurs, dont quinze parmi les notaires de Paris, le surplus en banquiers et capitalistes.
curé de Dourdan. J'ai adressé une demande de congé qui se trouve au comité de vérification, lequel n'en a pas encore fait le rapport.
Ces messieurs du comité auxquels je me suis adressé me ballottent, me renvoient de l'un à l'autre et ne me donnent point de répoose. Mes raisons sont cependant aussi simples que bonnes : je ne suis pas encore remplacé. J'ai donc droit d'aller continuer mes fonctions jusqu'à mon remplacement. J'avoue d'ailleurs que je ne suis pas malade, Dieu merci ! (Rires.)
au nom du comité de vérification. Le comité n'a pas eu autant de courage que M. le curé; il n'a pas osé présenter à l'Assemblée sa demande. Il sait que la paroisse de M. le curé est très bien desservie, que sa présence y est inutile; il est même allé jusqu'à croire qu'elle pourrait y être dangereuse.
Je demande donc que l'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
au nom du comité de salubrité. Messieurs, votre comité de salubrité travaille sans cesse à remplir la tâche honorable et laborieuse qu'il s'est imposée; bientôt il vous rendra compte du plan de ses opérations. Le plan réunit tous les moyens de perfectionner l'enseignement public de l'art de guérir. Il embrasse également la police de cet art précieux et les qualités nécessaires pour exercer la médecine, la chirurgie et la pharmacie, avec bien plus d'avantages pour l'humanité, que du temps où le despotisme enchaînait les talents par la manière dont il disposait des places.
Votre comité vous aurait déjà présenté ce plan s'il n'eût été obligé d'attendre que votre comité de Constitution vous eût fait adopter auparavant les bases de l'éducation nationale qu'il est chargé de vous présenter; mais des plaintes adressées de toutes parts, à votre comité de salubrité, sur un abus qui s'introduit dans la pharmacie du royaume, l'oblige à rompre le silence, pour vous rendre compte de cet abus et des suites funestes qui en résultent.
Par une fausse interprétation de l'article 2 du décret du 2 mars dernier, sur les patentes, des gens sans connaissances, comme sans autorisations quelconques, s'immiscent dans l'exercice de la pharmacie, préparent et vendent impunément toutes sortes de drogues et médicaments, tant simples que composés. Cet abus, pernicieux sous tous les rapports, mérite votre attention et votre vigilance. Le mal est pressant, et les malheurs qui en résultent sont très fréquents. Votre comité ne saurait vous exprimer combien il est instant de le réprimer. Il reçoit journellement des lettres de différents départements qui lui annoncent de nouveaux malheurs, occasionnés par impéritie ou par toute autre cause qu'on ne peut que soupçonner. C'est par ces motifs que votre comité vous dénonce aujourd'hui ce désordre qui peut devenir de plus en plus dangereux.
L'Assemblée nationale, occupée sans cesse du bonheur et des intérêts de 25 millions d'individus, ne sera point interrompue dans les travaux en s'occupant un instant de leur conservation. Elle y contribuera de tout son pouvoir en rétablissant l'ordre et la confiance dans la pharmacie. Vous devez cet acte de justice et votre surveillance à cette profession uniquement dévouée à l'utilité publique. Votre décret du 31 février dernier pour l'orfèvrerie lui assurerait seul ce double avantage, si la santé de vos concitoyens, vos frères et vos amis, bien plus précieuse encore à votre cœur que leurs intérêts, n'était pas un titre auprès de vous plus puissant encore et plus recommandable.
D'après ces considérations, votre comité vous propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de salubrité sur un abus qui s'introduit dans l'exercice de la pharmacie, considérant l'objet et l'utilité de cette profession, décrète :
« Que les lois, statuts et règlements existants au 2 mars dernier, relatifs à l'exercice et à l'enseignement de la pharmacie pour la préparation, vente et distribution des drogues et médicaments, continueront d'être exécutés suivant leur forme et teneur, sous les peines portées par lesditeslois et règlements, jusqu'à ce que, sur le rapport qui lui en sera fait, elle ait statué définitivement à cet égard : en conséquence, il ne pourra être délivré de patentes pour la préparation, vente et distribution des drogues et médicaments dans l'étendue du royaume, qu'à ceux qui sont ou pourront être reçus pour l'exercice de la pharmacie, suivant les statuts et règlements concernant cette profession.
« L'Assemblée charge son président de porter au plus tôt le présent décret à la sanction du roi.
Plusieurs membres: L'ajournement! l'ajoUrne-mentl
Je m'y opposé, parce que les accidents dont vient de nous parler M. le rapporteur sont très réels, et qu'on ne peut y mettre ordre trop tôt. J'appuie donc le projet du comité, j'ai reçu en effet plusieurs plaintes sur cet objet et l'on demande de toutes parts le redressement d'un tel abus.
(Le projet de décret du comité est adopté.)
au nom du comité général de liquidation, présente un projet de décret confirmant différentes liquidations d'offices faites par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation (1).
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu
de 28,842,1941.15 s. 5 d. à l'effet de quoi les reconnaissances de liquidations seront expédiées aux officiers liquidés, en satisfaisant par eux aux formalités prescrites par les précédents décrets.
RÉSULTAT des rapports de liquidations d'offices, remis au comité de judicature par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, le 4 avril 1791.
Montant des liquidations.
Siège royal de Gonq à Goncarneau......
Election de Chaumont-en-Bassigny.....
Election de Cognac...................
Municipalité de Bourmont..............
Sénéchaussée de Quimperlé............
Sénéchaussée de Riom.................
Sénéchaussée de Saint-Maixent.........
Grenier à sel d'Arcis-sur-Aube..........
Bureau des finances de Paris...........
Bailliage de Charmes..................
Maîtrise des eaux et forêts de Soissons.. Maîtrise des eaux et forêts de Sarregue-
mines.............................
Grenier à sel de Vendôme..............
Election de Niort......................
Election de Clermont-Ferrand..........
Bailliage de Montargis.................
Election de Saint-Amand..............
Prévôté royale d'Andelot...............
Bailliage de Thorigny.................
Election de Ghatellerault...............
Colonel des bourgeois d'Angoulême.....
Sénéchaussée de Tulle.................
Chancellerie près le parlement de Mètz.
Municipalité de Ligny..................
Bailliage de Bernay....................
Sénéchaussée et présidial de Rennes....
Parlement de Besançon................
Sénéchaussée d'Aix...................
Chambre des comptes d'Aix...........
Prévôté d'Ampvillers..................
Prévôté royale de Sierck...............
Jurés priseurs du bailliage de Ghâteau-
Gontier............................
Bailliage d'Orbec......................
Sénéchaussée de Montpellier...........
Prévôté royale de Murât...............
Bailliage de Nancy....................
Municipalité de Montaigu-les-Gombrailles.
Grenier à sel de Nuits..................
Prévôté de Nanteuil-lès-Meaux..........
Sénéchaussée d'Anjou.................
Election de Falaise....................
Grenier à sel de Montoire..............
Bailliage et présidial de Saint-Pierre-le-
Moùtier............................
Election de Valognes..................
Jurés priseurs du bailliage de Ghâteau-
du-Loir............................
Siège royal de la prévôté de Melle......
Sénéchaussée de Brest et Saint-Renan...
Bailliage d'Avranches..................
Grand bailly du Château-de-la-Motte-aux-
Bois............................
Présidial de Caen.....................
Maîtrise de Fougères..................
Maîtrise des eaux et forêts de Bourmont.
Bailliage de Meulan...................
Maîtrise des eaux et forêts d'Orléans____
Maîtrise des eaux et forêts de Laon....
Election de Laon......................
Maîtres des requêtes de l'hôtel du roi...
Bailliage de la Marche-en-Barrois.......
2 offices...................... 32,274 1. 13 s. 4
1 office (addit.)............... 436 14 »
7 offices..................... 81,584 6 10
7 offices..................... 20,715 11 »
2 offices (addit.)............. 2,522 14 :>
2 offices (addit.).............. 13,635 9 M
1 office (addit.).............. 3,200 » »
1 office (addit.)............... 1,298 16 »
1 office (addit.)............... 91,233 11 4
1 office (addit.).............. 796 18 »
1 office (addit.).............. 16,069 4 H
1 office (addit.).............. 3,141 13 4
1 office (addit.)............... 2,804 11 M
1 office (addit.)............... 13,162 14 4
1 office (addit.).............. 17,437 » 8
14 offices (addit).............. 46,894 1 4
8 offices..................... 67,467 14 1
3 offices..................... 9,206 14 4
3 offices (addit.).............. 32,645 10 »
6 offices.................... 40,484 18 1
1 office..................... 1,418 » 4
22 offices.................... 164,399 5 8
31 offices.................... . 1,994,850 19 N
6 offices.................... 23,044 17 »
4 offices (addit.)............. 9,302 6 »
3 offices (addit.)............. 219,000 » »
1 office..................... 7,977 12 M
1 office de grand sénéchal... . Néant.
1 office..................... 20,567 18 n
5,383 17 1
2 offices................... 10,996 7 4
2 offices.................— 2,825 13 2
2 offices.................... 4,739 4 9
1 office..................... 14,900 » n
3 offices.................... 14,874 16
1 office (addit.).............. 2,466 5 11
1 office..................... 1,284 9 »
5 offices.................... 21,971 6 6
1 office..................... 933 18 4
1 office de sergent à Choie t... 581 » 4
6 offices.................... 90,796 10 9
4 offices.................. 20,448 13 10
6 offices..................... 35,542 3 1
6 offices..................... 64,314 14 2
3 offices..................... 15,360 13 8
5 offices.................... 21,476 8 »
3 offices..................... 49,643 6 8
12 offices (addit.).............. 53,224 8 8
1 office...................... 45,000 »
1 office...................... 3,282 6 »
1 office (addit.)............... . ... 1,526 19 »
1 office (addit.)............... 80,948 6 n
2 offices (addit.).............. 13,978 16 n
2 offices (addit.).............. 2,384 16 8
1 office (addit.).............. 17,209 3 9
2 offices (addit.).............. 16,990 2 11
25 offices (addit.)............. . 2,716,212 16 »
7 offices.................... 64,111 1 8
(Ce décret est adopté.)
Un membre demande à M. le rapporteur d'indiquer le numéro auquel s'est arrêtée la liquidation.
rapporteur, répond que le commissaire liquidateur a fait imprimer une liste numérotée qui sera rendue publique.
Un membre demande que le rapport sur les agents de change soit mis le premier à l'ordre du jour de la séance de ce soir.
(Cette motion est décrétée.)
L'ordre du jour appelle la discussion des dispositions du projet de décret sur l'organisation du ministère, relatives à la sûreté de VEtat( 1).
au nom du comité de Constitution. L'Assemblée a renvoyé au comité de Constitution la partie de notre projet sur l'organisation du ministère, qui contient des dispositions relatives à la sûreté intérieure du royaume, et qui, dans les cas qui intéresseront la sûreté de l'Etat, ou la personne du roi, donne au ministre de la justice, pour toute l'étendue du royaume, le caractère et l'autorité de juge de paix en matière de police de sûreté.
Un grand nombre de membres de 1 Assemblée se sont rendus hier au soir comité pour discuter ce projet. Nous avons senti que ce droit de délivrer des mandats d'amener, que cette action pouvait être nécessaire, mais à qui cette action doit-elle être confiée? C'est sur cette question surtout que s'élèvent les difficultés. Gomme il règne à cet égard un étrange dissentiment entre les membres de l'Assemblée ; comme d'ailleurs, puisque nous touchons à la fin de nos travaux constitutionnels, le comité de revision doit être en activité, et que, pour se déterminer sur cette matière, il faut embrasser l'ensemble des principes constitutionnels, je crois qu'on pourrait ordonner au comité de revision de se réunir au comité de Constitution, pour examiner ce travail si important pour la sûreté publique.
Déjà plusieurs fois ces articles ont été renvoyés par des ajournements ; il est temps enfin de s'en occuper. Le comité prétend qu'il y a encore trop de dissentiment dans l'Assemblée. Est-ce un motif pour l'empêcher de présenter son projet? Ces dispositions qu'il a mises dans son projet imprimé, relatives à la sûreté de l'Etat, ne sont pas une chose indifférente ; mais il y a un point qui ne peut faire aucune difficulté.
Il est en effet évident que ce projet est essentiellement vicieux, en ce
qu'il donne au ministre de la justice le pouvoir judiciaire, en ce qu'il
en fait un juge de paix universel, et lui doane le pouvoir de délivrer
par tout le royaume des mandats d'amener, et même des mandats d'arrêts.
Le comité a si bien senti que tout autre homme qu'un juge qui pourrait
faire arrêter arbitrairement les citoyens, serait un despote, qu'il a
fait du ministre un juge de paix. Il a commencé par lui donner le
pouvoir de délivrer des lettres de cachet ; et ce n'est que pour donner
à cette idée une forme un peu plus légale qu'il lui donne le caractère
de juge. Or, je dis que vous ne pouvez
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix l
rapporteur. Je demande la parole. (Murmures et interruptions.)
(L'Assemblée, consultée, décrète que M. Démeunier sera entendu.)
rapporteur. Il ne s'agit pas de faire un juge du ministre de la justice, mais seulement de l'environner des moyens delà faire rendre à qui elle est due. Le préopinant est également dans l'erreur lorsqu'il qualifie d'ajournement indéfini la demande d'un renvoi au comité de revision. Si d'ailleurs l'article contient les vices monstrueux que M. Pétion lui trouve, ces vices sans doute n'échapperont pas aux deux comités dont on demande la réunion et l'ajournement est à tous égards infiniment plus sage.
Ce n'est point du reste la proposition d'un ajournement pur et simple que j'ai faite ; je propose que la question de savoir si vous décréterez des dispositions relatives à la sûreté générale du royaume, soit renvoyée à un nouvel examen du comité de Constitution, réuni au comité de revision. MM. Pétion et Buzot, qui se sont élevés avec le plus de chaleur contre notre projet, sont membres du comité de revision ; comment peuvent-ils se refuser à une discussion approfondie dans les comités, qui facilitera ensuite celle de l'Assemblée ?
(de Saint-Jean-d'Angély). J'appuie la motion de M. le rapporteur ; il faut laisser ces articles à l'examen des deux comités qui ne les reproduiront pas s'ils sont contraires aux principes de la Constitution.
Je demande que la discussion de ces articles soit ouverte sur-le-champ afin que l'Assemblée puisse immédiatement proscrire, par la question préalable, des dispositions aussi effrayantes pour la liberté civile.
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix l
(L'Assemble, consultée, décrète le renvoi aux comités réunis de Constitution et de revision.)
demande que l'ajournement de cette question soit fixé à lundi, tout au moins à un jour déterminé.
appuie cette motion.
rapporteur. La question demande une sérieuse discussion et l'on ne peut fixer le jour précis où les comités pourront faire leur rapport. Je propose donc l'ordre du jour sur la motion de M. de Sillery.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
Je désirerais savoir si le comité de Constitution a rédigé le décret qui lui a été demandé hier sur la qualité de citoyen actif à exiger des ministres et des ambassadeurs.
rapporteur. Le comité s'occupe
au nom du comité de Constitution. Vous avez chargé votre comité de Constitution de savoir de M. le garde des sceauxquel était le nombre des membres du tribunal de cassation étant à Paris. M. le garde des sceaux a rassemblé hier chez lui ceux qui se trouvent à Paris. On est convenu qu'il était important d'accélérer l'installation, parce que, lorsque vous auriez déterminé par un décret le jour où elle aurait lieu, ceux qui ne sont pas encore arrivés à Paris et qui attendent votre décret pour s'y rendre vous mettraient en état de faire marcher le tribunal. Il est fâcheux que quelques députés en aient été nommés ; mais, si tout le monde se rend à son poste, ce petit inconvénient n'empêchera pas l'activité du tribunal. Voici notre projet de décret :
Art. 1er.
« Le tribunal de cassation sera installé le 20 de ce mois. (Adopté.)
Art. 2.
« Les députés à l'Assemblée nationale, élus membres du tribunal de cassation, pourront être installés ; mais ils ne pourront remplir leurs fonctions de juges qu'après la présente session. (Adopté.)
Art. 3.
« Les officiers municipaux de la ville de Paris feront mettre, le 19 de ce mois, en leur présence, le scellé sur les greffes et autres dépôts des papiers et minutes des conseils des parties, et des différentes commissions et bureaux du conseil.
Art. 4.
'« Les procès en cassation, pendants au conseil des parties et aux commissions du conseil, sont renvoyés au tribunal de cassation, pour y être instruits et jugés, sans qu'il soit besoin de nouvelles assignations, ni de reprise d'instance. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les offices des avocats au conseil sont supprimés ; mais les titulaires desdits offices et les hommes de loi ayant exercé les fonctions de juge dans les anciens tribunaux pourront provisoirement remplir les fonctions d'avoué auprès du tribunal de cassation. »
On vous propose pour avoués au tribunal de cassation des avocats au conseil, mais il est encore dans la capitale d'autres officiers qui ont tous les talents nécessaires pour exercer auprès du tribunal de cassation. Ce sont les procureurs du Parlement, au grand conseil, au Châ-telet. Je demande que cette faculté leur soit accordée.
appuie l'amendement de M. Prieur.
rapporteur. Le comité ne fait que uroposer une disposition absolument provisoire ; sous peu de jours il présentera un projet de règlement qui fixera définitivement le nombre des avoués et le temps d'étude nécessaire pour remplir les fonctions qui leur sont attribuées.
Il est dangereux d'autoriser le tribunal de cassation d'un aussi grand nombre d'avoués ; cette atmosphère pourrait être funeste au bien de la justice. 11 convient d'ailleurs à l'intérêt des parties que des avoués qui auront commencé et suivi les affaires dans les tribunaux de districts ne puissent pas les suivre dans le tribunal de cassation. Ce serait encourager les défenseurs des parties à négliger la défense, à y laisser introduire des vices, des nullités et des violations des formes ou des lois; ce serait encourager les avoués à exciter les parties à se pourvoir dans tous les cas en cassation et à faire de ce tribunal une sorte de tribunal d'appel.
Je demande en conséquence que les avoués auprès du tribunal de cassation soient exclus des mêmes fonctions auprès des tribunaux de districts.
Cela est extrêmement juste. Il suffirait en effet que la passion animât un défenseur pour qu'il lui fût possible de déterminer son client à porter au tribunal de cassation une cause qu'il aurait soutenue dans un tribunal de district. L'amendement proposé par le préopinant établit une sorte d'intermédiaire entre les passions des plaideurs et les règles qui doivent en tempérer l'effet auprès du tribunal de cassation.
En conséquence, je crois qu'il faut dire : « Tous ceux qui peuvent être avoués aux tribunaux de districts pourront l'être également au tribunal de cassation, mais en faisant l'option de l'être ou dans l'un ou dans l'autre de ces tribunaux. »
rapporteur. J'adopte l'amendement, car si l'incompatibilité n'avait pas lieu, un avoué du tribunal de district pourrait très bien faire exprès des nullités pour avoir ensuite à faire une abusive procédure au tribunal de cassation.
Voici donc, en m'inspirant des diverses propositions qui viennent d'être faites, la rédaction que je propose pour l'article 5 :
Art. 5.
« Les offices des avocats au conseil sont supprimés; ceux qui en étaient pourvus seront admis à faire les fonctions d'avoués au tribunal de cassation, et jouiront aussi du droit d'exercer auprès des tribunaux de districts. Provisoirement seront aussi admis à exercer auprès du tribunal de cassation, les procureurs au grand conseil et tous ceux auxquels est accordée la faculté de remplir les fonctions d'avoués auprès des tribunaux de districts et auprès du tribunal de cassation » (Adopté).
rapporteur. Dans l'article 21 du décret du 27 novembre 1790, sur l'organisation du tribunal de cassatiçn, lequel est ainsi conçu i « Dans les cas où le jugement seul aura été cassé, l'affaire sera aussitôt portée à l'audience, » il s'est glissé la phrase suivante : Dans le tribunal ordinaire qui avait d'abord connu en dernier ressort. Cette disposition, insérée pat-inadvertance dans les copies imprimées de ce décret et de la loi intervenue sur ce décret, produit une contradiction ridicule avec l'article 19 et avec le reste du décret. Il est donc nécessaire de la retrancher.
Je propose donc à l'Assemblée de décréter le retranchement des mots : « Dans le tribunal ordinaire qui avait d'abord connu en dernier ressort. «
(Cette motion est décrétée.)
Je demande que les ministres soient tenus de présenter incessamment au comité des finances leurs vues sur l'organisation de leurs bureaux, ainsi que le tableau des dépenses nécessaires, pour que, sur le rapport du comité, il soit statué par l'Assemblée ce qu'il appartiendra.
appuie cette motion.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Marti-neau.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l organisation de la marine (1).
(2). Messieurs, l'objet qui vous occupe est certainement d'une grande importance, puisqu'il est question de statuer sur les réclamations de la marine marchande, à qui pou? devons la prospérité du royaume. Gomme je diffère, Messieurs, des vues de ce corps et de celles de votre comité, je réclame pour un moment votre attention. Les réflexions que je vais vous présenter sont le fruit de 29 voyages sur mer, dans l'espace de 25 ans, sur des vaisseaux militaires et de commerce.
Il faut à des nations maritimes et commerçantes, dit le rapporteur du comité, une armée de mer, pour protéger leurs côtes, défendre leurs colonies et leur commerce, source de richesse et d industrie.
Une marine militaire et permanente est donc nécessaire a la France, que la nature avait appelée a tenir le premier rang dans ce rapport, et il est douteux qu'elle tienne le second. Mais en supposant! existence de sa marine, telle qu'elle est au-jourdhui, composée de 75 à 80 vaisseaux de ligne, 60 frégates, et 35 à 40 corvettes, avec un état-major d'environ 1,000 officiers, supposés instruits, elle peut et elle doit protéger ses côtes, ses colonies et son commerce sans exciter des inquiétudes parmi les nations maritimes qui l'avoi-sinent. Ce n'est pas en organisant votre marine différemment de ce qu'elle est aujourd'hui, que vous atteindrez ce but. Qu'il y ait quelques officiers généraux de moins, suivant les divers plans qui vous sont présentés, la machine n'en sera pas mieux organisée. L'instruction, la pratique et la discipline : voilà les trois grandes bases qui doivent ramener la marine à ce qu'elle était sous Louis XIV, qui en a été le créateur, et qui l'a maintenue dans un état de gloire et de prospérité pendant 60 ans. Je vais donc, Messieurs, me borner à discuter l'objet sur lequel les opinions sont le plus divisées, qui est de savoir Je rang que doit avoir la marine marchande, si dans un mouvement de guerre l'Etat réclame ses services.
On ne voit pas que l'Angleterre, dont la marine matérielle est au moins
le double de la nôtre, et dont 1 etat-major, cependant, n'est pas
proportionné a celui destiné a notre marine, ait recours,
Ce n'est point ici une image de la guerre; c est la guerre même dans tous
ses détails et dans toutes ses fureurs. Après une ou plusieurs campagnes
dans lesquelles il a développé les plus grands talents et le plus grand
courage, je demande à l'Assemblée, j'interpelle même tous les généraux
de la marine, instruits et dégagés de préjugés, s'ils croiraient qu'un
vaisseau de ligne confié à un pareil homme ne serait pas en bonnes
mains, surtout s'il avait à son choix des officiers subalternes pour le
seconder? On m'objectera qu'il y a une grande différence entre le
commandement d'un vaisseau ordinaire et d'un vaisseau à deux batteries.
Je répondrai que cette différence n'existe point; que la manœuvre est
partout la même; que les officiers destinés a Ja commander et les bras
destinés à la servir sont en proportion des difficultés à surmonter. On
a cru apercevoir que tel homme qui s'est distingué dans une affaire
particulière, n'a pas justifie sa réputation lorsqu'on lui a confié le
commandement d'un vaisseau de guerre. Je suis bien convaincu que, si sa
justification n'eût pas été étouffé, elle aurait été complète. Vous en
avez une preuve récente dans l'adresse que vient de vous présenter la
fille du capitaine Thurot. Si le service de l'Etat exige, Messieurs,
qu'un homme de cette classe soit employé pendant Ja guerre, il ne doit
pas l'être en qualité d'enseigne comme votre comité vous le propose; où
devrait lui confier le commandement d'un vaisseau, en lui laissant le
choix de ses officiers; et, à la paix, il lui serait libre de prendre
son rang dans la marine militaire, à compter de la date de son brevet.
Si vous adoptez le projet du comité, vous ne verrez jamais un officier
de mérite se présenter pour être admis en qualité d'enseigne ; les
sujets qui se présenteront, seront des capitaines sans talents, qui
aviliront leur premier état au lieu de l'élever et de l'ennoblir, et qui
parviendront cependant à une décoration qui ne
C'eat ici le moment, Messieurs, de vous tracer le portrait de ces hommes que les circonstances peuvent amener au commandement d un vaisseau de ligne, et peut-être à celui de nos forces maritimes . Le mariD que je désire y voir appele, est celui, qui, parle liant de son esprit et la fermeté de son caractère, sait captiver les Immmes destinés à servir sous ses ordres, et maîtriser les dangers qui l'environnent de toutes parts; qui réunit, à une très grande pratique, une theone profonde. Tous les écrits que j'ai vu publier sur la question que nous traitons représentent la marine marchande comme une horde destinée a sillonner les mers, pour aller dans quelque partie du globe faire quelque trafic. On n'a pas considéré qu'un homme de génie forcé par les premiers besoins de la vie, à parcourir 1 Océan, peut donner à l'instruction tout le temps qu il est en mer, et éclairer la pratique par la théorie, avec les attraits que lui présentent chaque jour et à chaque instant l'astronomie, la géographie et toutes les sciences exactes; car aucune n'est étrangère à l'art de la navigation. Si les hommes dont je parle sont rares, n'en accusons que l'ancien régime. 11 n'y avait, en France, d'espoir d'avancement et de considération, qu en perdant un temps précieux dans les antichambres des ministres, ou en flattant les caprices et les passions des gouverneurs, des intendants et des chefs de corps. Autant ces mesures doivent déplaire à un homme fort de ses talents, et le décourager , autant les principes que vous avez établis l'inviteront à leur donner le plus grand effort.
On alléguera que l'adoption de mon projet portera le découragement dans le corps militaire permanent que je veux maintenir, J'aime à croire que le ministre, sensible à la gloire et a la dignité du département qui lui est confié, n'appellera à ce service que des hommes désignés par l'opinion publique; et, dans ce cas-là, ce choix qui malheureusement ne saurait être nombreux, ne pourra pas déplaire à un corps qui s'empressera certainement de se distinguer par son patriotisme et par ses talents.
S'il était nécessaire, Messieurs, d'invoquer l'expérience, je citerais Jean Bart, Duguay-Trouin, La Bourdonnais, que tout le monde sait être sor Y me luruicuic ougiuvuivn puisqu'il a été admis dans la marine, en qualité de capitaine de vaisseau, après la réputation qu'il s'était faite dans la course. Si ces hommes n'eussent été admis dans la marine, que d'après le plan de votre comité, ils n'honoreraient point aujourd'hui l'histoire de leur pays : car ils auraient consumé dans l'inaction leur jeunesse, leur activité et le fruit de leur expé-rience.
Quant aux officiers subalternes de la marine marchande, on doit observer qu'en temps de guerre plusieurs sont sans service, parce que le commerce maritime n'a plus la même activité. La marine militaire peut aisément se procurer les officiers auxiliaires dont elle aura besoin; ils feront le service d'enseignes à bord des vaisseaux; et s'ils se distinguent par quelques actions éclatantes, ils seront admis à entrer dans le corps de la marine militaire et à jouir des récompenses pécuniaires ou honorifiques, que leurs actions pourront mériter.
Votre comité, Messieurs, en présentant le grand ensemble de la tactique navale, paraît craindre qu'il soit confié à un marin marchand; mais, l'évolution des escadres est le complément de cet art; on ne doit la confier qu'à l'expérience reconnue. Le marin marchand qui l'aura bien développée dans le commandement d'un vaisseau de ligne peut y être appelé comme tout autre. Je suis très éloigné de croire que, parce qu'un homme sera entré dans la marine en qualité de garde-marine, et qu'il sera parvenu au grade de capitaine de vaisseau, on doive, sans autre examen, lui confier le commandement d'une escadre. Dans ce nouveau grade, l'expérience (je ne saurais trop le répéter), est absolument nécessaire. L'Inde dans la dernière guerre,nous en a fourni un exemple. Le commandant de nos forces navales n'a développé du talent que dans la sixième et dernière affaire : dans toutes les autres, il n'a montré que du courage.
Si vous adoptez, Messieurs, la dispostion que j'ai l'honneur de vous présenter, vous satisferez, j'ose du moins l'espérer, la marine marchande. La nation y verra l'application du principe que vous avez consacré : Que tout homme est admissible aux emplois publics suivant sa capacité, et sans autre distinction que celle de ses vertus et de ses talents.
Je propose, en conséquence, Messieurs, le projet de décret suivant sur l'admission de la marine du commerce :
Projet de décret.
« Lorsque le service de l'Etat exigera que les officiers de la marine du commerce soient employés à bord des vaisseaux de guerre, ils y seront admis comme suit :
« Les capitaines des vaisseaux de commerce, qui ont commandé pendant trois voyages dans nos colonies orientales ou occidentales seulement, pourront obtenir le commandement d'un vaisseau de ligne, d'une frégate ou de tout autre bâtiment ; ils jouiront des honneurs et des émoluments attachés au grade de capitaine de vaisseau, et ils prendront rang dans le corps de la marine militaire, à compter de la date de leur brevet.
« 2° Les autres officiers de la marine du commerce jouiront, seulement pendant qu'ils seront employés, des honneurs et des émoluments attachés au grade d'enseignes de vaisseau, sauf à récompenser, par des honneurs, des grades ou des pensions, les services distingués qu'ils auront pu rendre à l'Etat. »
Messieurs, il y a trois mois que votre comité de marine vous présenta un
plan sur l'organisation d'une marine militaire. Lorsque l'ordre de vos
séances ouvrit la discussion sur cet objet, ceux qui montèrent à la
tribune y vinrent successivement combattre les dispositions du comité.
Tous sans exception les trouvèrent défectueuses ; tous s'attachèrent
àvous en montrer les vices et les inconvénients. Leurs raisons,
Messieurs, vous déterminèrent; vous jugeâtes que ce plan ne remplissait
point l'objet que l'on devait se proposer, et vous renvoyâtes à un
nouvel examen, en adjoignant pour cela six nouveaux membres au comité,
et en prescrivant de consulter des officiers de la marine.
Il est fâcheux, Messieurs, que les circonstances aient rendu cette adjonction sans effet; il est fâcheux que la moitié des nouveaux membres n'ait pu paraître aux séances du comité; il est fâcheux que l'on en ait constamment éloigné MM. de Gal-bert et de Perigny, qui avaient droit d'y siéger, et que l'on n'y ait appelé que deux fois quelques officiers principaux de la marine, mais sans déléguer devers eux, et uniquement, à ce qu'il semble, pour remplir la lettre de votre décret. Vous vous rappelez aussi la retraite et les motifs de la retraite de M. de Menonville, un des nouveaux adjoints militaires, dont les connaissances sur cette partie étaient précieuses. Le résultat de ces faits a été, ce à quoi l'on devait s'attendre, la reproduction du même pian. C'est avec les mêmes principes, avec les mêmes règlements que votre comité reparaît. Les changements qu'il propose ne touchent point au fond de son ancien mode; et, dans plusieurs points, ils l'aggravent au contraire et le détériorent encore.
Votre comité, alors comme aujourd'hui, avait principalement en vue de réunir et de fondre ensemble la marine du commerce et la marine militaire. C'est uniquement dans cette vue qu'il vous proposait et qu'il vous propose de n'avoir ni écoles, ni instruction particulières pour ceux qui se destinent au service d'officiers sur les vaisseaux de l'Etat, c'est-à-dire, pour le métier militaire, le plus éminemment difficile et qui en a le plus essentiellement besoin.
C'est pour cela qu'il vous propose de n'attacher exclusivement les officiers au service des vaisseaux de guerre, que lorsqu'ils seront parvenus au grade de lieutenant.
C'est pour cela que le dernier grade d'officier, celui d'enseigne, serait nécessaire, suivant quelques-uns du comité, pour commander les vaisseaux de commerce; mais que, suivant tous, :il donnerait le droit de les commander, et réciproquement à l'officier de commerce le droit d'être appelé comme enseigne sur les vaisseaux de guerre.
C'est sans doute pour contraindre d'une manière indirecte, mais très puissante, à se porter vers le commerce, qu'il propose que les seuls officiers des grades de lieutenant et au-dessus reçoivent une solde constante, et que les aspirants et enseignes ne soient payés de l'Etat que lorsqu'ils seraient en activité de service.
C'est dans cette vue qu'on établit partout que la navigation marchande pourra remplacer celle sur les vaisseaux de guerre, pour les grades et les avancements, selon une proportion déterminée.
Votre comité cependant, pressé par l'opinion publique sur la nécessité de l'instruction dans la marine, a cru satisfaire à ce sentiment sans nuire à sa marche, par l'obligation de répondre à des examens. Il en exige quatre : le premier au début pour être reçu aspirant de la troisième classe.
Le second pour passer à la première classe des aspirants ; le troisième pour être fait enseigne, et le quatrième, enfin, pour parvenir au grade de lieutenant.
En lisant cette partie du plan, je me suis vraiment cru, Messieurs, reporté au collège, et cette idée, à l'égard de militaires, m'a paru du moins extrêmement neuve et saillante. Cependant quelque peu d'expérience en marine eût pu laisser entrevoir au comité que des jeunes gens, souvent éloignés des ports par la difficulté, pour tous ceux qui ne seraient pas riches, de s'y entretenir sans appointements; que des jeunes gens, non surveillés après leur débarquement, souvent poussés vers la carrière du commerce et le détail des marchandises, par l'impossibilité de trouver place sur les vaisseaux de guerre; que des aspirants que l'on destine à faire pendant 18 mois de navigation l'apprentissage et le service de matelot, puis pendant 30 autres mois le service d'officier-marinier; que ces jeunes gens, dis-je, seraient vraisemblablement tellement dépourvus d'instruction, que ceux-mêmes qui obtiendraient les places au concours, pourraient être encore fort ignorants et fort.au-dessous des connaissances nécessaires.
Gomment exiger sérieusement un examen à 30 ans d'un officier qui déjà enseigne, et peut-être commandant un vaisseau de l'Etat, aurait versé son sang pour sa patrie, qui déjà peut avoir rendu des services signalés à la nation, qui déjà peut avoir déterminé la paix ou la guerre ? Il ne faut vc>ir dans les examens que ce qu'il convient d'y voir : un moyen de s'assurer que le sujet qui se présente a de l'intelligence et du jugement, parce que le métier d'officier de la marine exige, en effet, ces qualités. Voilà pourquoi les sciences exactes sont la meilleure balance que l'on puisse employer pour juger de l'aspirant, quoiqu'elle ne soit, à beaucoup près, ni parfaite, ni suffisante ; mais voilà aussi pourquoi il faut examiner le sujet de bonne heure, lors de ses premiers pas dans la carrière et non lorsque déjà il est officier et homme fait.
Votre comité a cru ces examens possibles, mais leur exécution serait une chimère. J'ai vu, en pleine paix, des examens de cette espèce inévitablement suppléés, pour l'avancement des officiers absents, par les notions vagues et incertaines que les ministres avaient pu se former de leur capacité. Que sera-ce donc lorsque la guerre aura dispersé les officiers et aspirants de la marine dans les 4 parties du monde, et dans un système où l'on exige 4 examens au lieu d'un seul qui a eu lieu jusqu'ici? Ceux qui connaissent le mouvement si considérable qui existe en temps de guerre parmi les officiers de la marine, savent quelles entraves de telles lois apporteraient aux embarquements; une escadre pour les Indes pourrait ne pas trouver à compléter ses officiers; tel, malgré son goût et son aptitude, n'oserait suivre les traces de M. de La Pérouse, ou s'embarquer pour faire le tour du monde. L'article 31 réserve, il est vrai, pour ceux qui seraient à la mer le droit de se présenter au premier concours qui suivra leur retour; mais, aux termes du projet, les prétendants aux grades de lieutenant auraient perdu un nombre de rangs proportionné à la durée de leur absence, et cette perte est inappréciable dans un service et dans un grade où la moitié des avancements est accordée à l'ancienneté. Qui répondra d'ailleurs que ce nouveau concours n'offrira pas au concurrent, nécessairement plus occupé depuis longtemps de manœuvre et de guerre que de mathématiques, des difficultés qu'il n'aurait pas éprouvées à celui où il se trouvait naturellement appelé?
Ces examens ridicules, impossibles, portent encore tout le caractère de l'injustice. En effet le projet d'une éducation commune pour les marines militaire et commerçante vous ferait demander à un capitaine de navire marchand fort au delà de ce qui lui est nécessaire. De quel droit, dirait-il, exigez-vous de moi de répondre à un examen public sur l'arithmétique, la géométrie, les éléments de la navigation et de la mécanique ; puis plusieurs années après à un nouvel examen sur la pratique Let la théorie de l'art maritime,
puis enfin à un troisième examen public sur des connaissances encore plus étendues sans doute?
Voulez-vous donc concentrer le droit de naviguer pour le commerce en qualité d'officier dans les seules familles assez riches pour prodiguer l'instruction à leurs enfants ? Ai-je besoin, ajouterait-il, de savoir la géométrie et la mécanique pour conduire mon navire et régir mon commerce? Combien en effet de capitaines de navire dépouilleriez-vous de leur état, si votre loi avait un effet rétroactif ? et combien d'hommes pour l'avenir priveriez-vous d'embrasser une profession qu'ils eussent parfaitement remplie sans une science qui leur est inutile?
Voilà en effet, Messieurs, à quelles conséquences conduit un principe faux et erroné ! Exiger trop de la marine commerçante, affaiblir l'instruction de la marine militaire, nuire à toutes les deux, tel serait l'effet de la liaison entre elles, que l'on vous propose. Il est inconcevable que le comité de marine n'ait point abandonné cette base vicieuse attaquée par tous ceux qui ont parlé à votre tribune, inconnue à toutes les nations maritimes, et déjà marquée par vous du sceau de l'improbation. Cepen tant ce problème ne serait pas impossible à résoudre, en considérant les éléments qui ont produit cette idée, le petit nombre de ceux qui l'ont déterminée et la soutiennent dans le comité, et les causes qui les y attachent.
Toujours dois-je vous avertir, Messieurs, et je puis l'avancer avec hardiesse, que les militaires qui connaissent le service de la mer, que les deux seuls marins qui existent dans le comité de marine, blâment et réprouvent ce plan, et regarderaient son admission comme la destruction de la marine en France.
Je ne répéterai point les arguments qui furent employés il y a trois mois contre ce meme plan, et qui vous déterminèrent à le rejeter, parce que yotre temps est trop précieux pour le dissiper : mais il est indispensable de vous les rappeler sommairement, puisque c'est par les mêmes raisons qu'il faut combattre les mêmes erreurs.
On vous observa d'abord l'énorme différence qui existait entre deux professions, dont l'une avait pour but le commerce et l'autre avait pour but la guerre.
On vous dit que les agents du commerce partaient d'un port dans la seule vue d'arriver à un autre port, et qu'aussitôt après leur arrivée, bornés aux soins et aux détails de la vente et des achats, ils devenaient exclusivement marchands jusqu'à l'instant de l'appareillage pour leur retour : on dit qu'ils naviguaient habituellement seuls et sans ordre.
Que les évolutions, la discipline et tout ce qui constitue l'art de la guerre leur était totalement étranger; on lit remarquer que la faiblesse de leurs équipages les oblige à des surcroîts de précaution dads la navigation qui ne peuvent que leur faire contracter des habitudes timides, inconciliables avec les manœuvres de guerre.
On vous présenta d'un autre côté la destination de la marine militaire aux croisières, aux découvertes, aux combats, à l'art de chasser, de joindre, d'aborder, ou d'éviter un vaisseau. On vous dit que l'officier destiné à la guerre devait, dès sa plus tendre jeunesse, être formé aux évolutions, à l'action de combiner les mouvements et de présenter cet ensemble qui multiplie les forces et les moyens des armées navales ; qu'il devait y être exercé toute sa vie pour acquérir ce coup d'oeil sûr que le jugement seul ne suffit pas pour donner. Que la discipline militaire, la science de commander à des équipages nombreux, de diriger un immense détail d'artillerie ne s'apprenaient que sur des vaisseaux de guerre ; que cette école seule formait à la précision, à la hardiesse des manœuvres qui constituent Je talent.
On vous dit que la marine marchande n'avait jamais fourni d'hommes de mer célèbres; que c'était une erreur de l'avoir confondue, à cet égard, avec la marine corsaire, qui elle-même n'existe plus; que M. Duguay-Trouin n'avait jamais navigué sur aucun bâtiment de commerce ; et qu'il était bien difficile, en effet, qu'il se formât un marin et un général dans une profession mue par le désir du gain et par des spéculations mercantiles.
On vous observa que l'officier de guerre devait être uniquement occupé de gloire et que, par ce motif, toutes les nations maritimes avaient rigoureusement interdit le commerce à leurs officiers militaires. On vous fit remarquer, en conséquence de ce principe, combien il était dangereux d'embarquer sur vos vaisseaux de guerre une classe d'officiers, dont le mélange devait nécessairement y introduire le goût des pacotilles, et tous les inconvénients qui en sont la suite.
On vous dit enfin que, en élevant les prétentions et les titres des officiers de commerce, vous les éloigniez d'autant plus de cette simplicité dans la manière de vivre, si importante à l'économie, déjà négligée en France et qui rend la navigation des étrangers beaucoup moins dispendieuse que la nôtre.
Cette alliance des deux marines, Messieurs, n'est pas une idée neuve, et
peut-être votre comité l'a-t-il ignoré. Ce que l'on vous propose a déjà
été tenté par un ministre célèbre et absolu, mais doué de grands talents
et de grandes vues. Séduit par les déclamations oratoires d'un écrivain
du temps; abusé sur les causes d'une guerre funeste, M. le duc de
Choiseul, à la paix de 1763, voulut faire naviguer les jeunes officiers
et les gardes de la marine sur les navires du commerce. Il choisit
cependant les bâtiments qui, dans cet ordre, tenaient sans contredit le
premier rang par l'instruction des officiers, le rang de leurs vaisseaux
et le genre de leur navigation. Des officiers de l'Etat furent employés
sur des vaisseaux de la compagnie des Indes; mais bientôt l'épreuve fit
abandonner ce projet. On s'aperçut que des manœuvres routinières ne
donnaient que peu d'expérience, qu'elles n'en donnaient aucune pour
l'instruction la plus importante, celle des évolutions; que les séjours
dans les rades et dans les comptoirs inspiraient, nécessitaient le goût
du commerce; M. le duc de Choiseul reconnut son erreur et revint sur ses
pas. M. d'Après, célèbre par ses cartes de la mer des Indes, m'a dit en
1774, que depuis le petit nombre d'années que les vaisseaux du roi
fréquentaient l'Ile-de-France, il avait recueilli plus de découvertes,
plus d'observations que dans toutes les années antérieures. C'est M.
Grenier, M. Coëtivi, M. d'Hercé, un de nos collègues à l'Assemblée, M.
d'Entrecas-teaux, tous officiers de la marine de l'Etat, qui ont levé
les plans de l'archipel de Madagascar, qui ont découvert de nouvelles
îles, marqué plusieurs dangers et frayé des routes nouvelles et
inconnues, pour parvenir dans toutes les saisons aux Indes et à la
Chine. Tous ont été plus sensibles à la gloire attachée à ces
découvertes, qu'ils ne l'eussent été à l'accroissement le plus consi-
Pour exécuter ses projets, votre comité devait nécessairement se trouver gêné par les droits fondés et acquis des officiers qui sont en possession ; par la justice, la décence, et par l'exemple de tous les peuples. Dans cette occurrence il a pris son parti, et il vient vous proposer ouvertement de supprimer le corps de la marine et de le recréer à sa manière.
Ignore-t-il donc que l'idée de suppression porte toujours avec elle un caractère de défaveur, qu'elle blesse la délicatesse de tout corps militaire? Et à qui veut-il donner cette mortification? Au corps de marine le plus instruit de l'Europe; au corps qui a fait la seule guerre heureuse que la France ait soutenue sur mer et qu'elle ait terminée par une paix glorieuse et utile; au corps dont presque tous les individus ont acquis l'expérience de plusieurs combats et de la guerre la plus active dont les annales du monde fassent mention; au corps qui, pendant ce même temps, dirigeait les travaux des ports avec une telle intelligence que pas un seul vaisseau n'a manqué sa mission; que jamais il n'y avait eu auparavant une semblable célérité dans les réparations, une pareille prévoyance des besoins, une égale promptitude à reprendre la mer; au corps qui a fourni l'exemple de cent combats glorieux et remarquables par la supériorité des manœuvres; qui même, après la journée désastreuse du 12 avril, rallié sous les ordres de M. de Vaudreuil, notre collègue, sut le premier tenir la mer et forcer les vainqueurs à l'inaction. Non, la sagesse et la justice de l'Assemblée ne lui permettront jamais d'adopter une telle proposition.
Mais en recréant le corps militaire de la marine, conformément au mode de votre comité, quels seraient donc ceux des officiers généraux qui seraient exclus? et qui pourrait et voudrait les désigner? C'est au roi qu'on veut imposer cette tâche pénible : mais pourra-t-il se résoudre à dépouiller des serviteurs fidèles? et quelle règle dirigerait son choix? Tous, il le sait, ont bien mérité de la patrie ; si tous n'ont pas les mêmes actions, tous ont eu la même volonté, le même zèle, tous sollicitaient du service; l'occasion seule leur a manqué. Rejettera-t-il de la liste MM. Du-chaffaut et de la Motte-Piquet, dont l'âge, les infirmités ou les blessures laissent espérer moins de services dans l'avenir? Quoi, le prix de leur sang et le sacrifice de leur vie entière seraient ainsi méconnus! Ils seraient arrachés à leur plus douce habitude, celle de faire partie du corps où ils ont si glorieusement vécu : ils cesseront de jouir des conversations, de l'empressement de leurs anciens camarades; compagnons et témoins de [leurs belles actions! N'est-ce donc rien, pour l'utilité générale, que la présence et l'exemple de ces vieux généraux couverts de gloire et du respect public! Quel jeune officier peut les voir sans sentir dans son cœur le plus noble enthousiasme, sans désirer de marcher sur leurs traces?
Les moins anciens seraient-ils sacrifiés? Dans ce nombre alors se trouveraient compris MM. d'Albert de Rioms, Destouches, Soulange, Charitte, d'Aymar et autres, si avantageusement connus dans la dernière guerre. M. ae La Pé-rouse aussi serait perdu pour la marine, lors même que les recherches que vous avez ordon nées le rendraient aux vœux de la France. Tous ces officiers généraux auraient à regretter que leurs services et leurs talents les eussent fait monter au grade de chef d'escadre, et ne leur permissent plus de concourir avec les capitaines de vaisseau pour celles des places de contre-amiral que le comité réserve exclusivement aux officiers de ce dernier grade.
Le comité propose et avec justice de laisser aux officiers généraux qui ne trouveraient point place dans la nouvelle formation, leurs titres et leurs appointements. Mais dans ce cas c'est donc gratuitement, et, sans bénéfice pour l'Etat qu'on leur impose le sacrifice douloureux de toutes les espérances d'avancement et de gloire, qu'ils pouvaient concevoir pour l'avenir. Ne serait-il pas du moins plus sage et plus juste d'attendre que le temps ait réduit les officiers du grade de chef d'escadre ou contre-amiral au nombre déterminé, en observant seulement de faire un remplacement sur deux vacances pour ne pas laisser trop longtemps les capitaines de vaisseau sans aucun espoir d'avancement? Oui, Messieurs, si le plan du comité pouvait être admis, je vous proposerais sérieusement de faire décider par le sort, à votre tribune même, quels seraient les officiers généraux exclus; et ce serait celui qui n'a pas craint de lire un pareil projet que j'indiquerais pour puiser les billets d'exclusion dans l'urne fatale.
Pourquoi votre comité appelle-t-il à concourir aux places de capitaines de vaisseaux, les officiers des classes qui déjà depuis longtemps sont hors du corps de la marine, et exclut-il de ce concours les capitaines de vaisseau sans activité qui font partie intégrante du corps? Comment des hommes si disposés à trouver des abus dans tout ce qui tient à l'ancien régime, n'ont-ils pas soupçonné en cette occasion que la défaveur ministérielle pourrait avoir influé sur le sort de plusieurs des capitaines qui ont été mis hors d'activité? Une loi trop générale à cet égard pourrait être souverainement injuste.
Le nombre de 180 capitaines de vaisseau et de 800 officiers de grades subalternes est à peu près suffisant pour une marine de 80 vaisseaux de ligne. Si votre comité l'a reconnu, il n'en est que plus difficile d'expliquer pourquoi il veut donner le titre d'enseigne à tous les capitaines marchands; disposition que nous avons démontrée d'ailleurs être d'une conséquence très funeste.
Il est donc évident que le grade d'enseigne, tel qu'il le propose, est pour lui un poste de réserve sans utilité réelle, uniquement destiné à favoriser son plan f ivori, à réunir la marine marchande à la marine militaire sous une forme moins brusque, et qu'il a cru par là moins choquante.
C'est par ce même motif, sans doute, qu'il livre principalement les aspirants aux simples fonctions de matelot; et sans cela pourrait-on concevoir qu'on leur fît faire pendant 18 mois de navigation l'apprentissage et le service de matelot, pour leur faire exercer encore pendant trente autres mois de navigation les fonctions d'officiers mariniers? Gomment une telle institution pourrait-elle convenir à des hommes destinés à acquérir des principes théoriques, dont tout le savoir doit être dans le jugement et la réflexion?
Il serait difficile à des marins de juger pourquoi votre comité veut
entretenir 60 maîtres canon niers et seuli ment 50 maîtres d'équipage.
Certes les talents de ceux-ci ne sont point infé-
Je n'étendrai pas plus loin cette discussion ; j'en ai dit assez pour prouver que le plan de votre comité est mal conçu, dans ses vues générales comme dans ses détails. Les examens qu'il propose ne préserveraient pas le corps de la marine de retomber dans une ignorance funeste. Ce plan amènerait le goût de la pacotille et du commerce, si dangereux pour la guerre, si sévèrement et si raisonnablement proscrit par les ordonnances de toutes les nations maritimes. Il détruirait ce ressort puissant de l'âme des militaires : le désir exclusif de la gloire; il affaiblirait la considération attachée au grade d'officier, en le prodiguant à 5,000 individus, dont un grand nombre particulièrement sur les côtes de la Méditerranée, tels que les capitaines de tartanes savent à peine lire. Il nuirait au commerce même, en élevant encore les prétentions des capitaines marchands, si opposées aux habitudes simples et économiques des navigateurs des autres nations. Ce projet renferme des dispositions iniques, d'autres nuisibles au service public, il est inadmissible dans toutes ses parties.
Le temps vient où l'enthousiasme cessera, où l'on nous jugera sur nos œuvres. Lorsque des hommes de loi se seront trompés sur la rédaction de quelques points de jurisprudence, on dira : Ils se sont trompés; cependant leur intention put être bonne. Mais si des hommes de loi et des commerçants avaient rédigé une organisation de marine militaire, contre le sentiment et les réclamations des militaires et des marins, on dirait avec amertume : Gomment ne se seraient-ils pas trompés? On se rappellerait avec ironie l'adage célèbre : Ne sutor ultra crepidam.
Revenez, Messieurs, au système vrai et universel, au seul bon ; celui d'avoir une marine de l'Etat, exclusivement militaire. Ayez des écoles pour instruire vos élèves de la marine, pour diriger leurs premiers pas dans cette carrière pénible et savante. Faites pour ce service ce que vous avez jugé, avec raison, devoir faire pour le génie, l'artillerie, les ponts et chaussées; ce que vous ferez, sans doute, pour les ingénieurs constructeurs.
Personne ici ne doit, ni ne veut attaquer vos principes constitutionnels. Certes on ne choque point les droits de l'égalité, delà liberté, lorsqu'on ouvre la même porte à tous les citoyens, lorsqu'on exige les mêmes conditions de tous les Français! Un esprit faux pourrait seul voir différemment. La navigation marchande et la marine de guerre sont deux professions dissemblables. Elles ne demandent point les mêmes talents, elles ont un esprit totalement opposé; on ne connaît ni la morale, ni Ja marine, lorsqu'on dit le contraire : en effet la théorie et l'expérience ont également prouvé que l'amour du gain et celui de la gloire se gênent l'un l'autre, se nuisent, s'excluent chez la plupart des individus. Il y a peu de jours que le ministre de la guerre parlait ainsi, en vous rendant compte de l'insurrection du régiment de Languedoc; et la vérité de cette maxime énoncée dans votre tribune fut reconnue et exprimée par des applaudissements.
On se trompe, ou l'on vous trompe, sur la grande ressource qu'on a trouvée pour la guerre dans le secours des officiers auxiliaires : c'est seulement dans la dernière guerre, que M. de Sartine imagina ce moyen, et déjà l'on n'y aurait plus eu recours; parce que la bonne volonté ne suffit pas pour être transporté sur un vaisseau de ligne, parce que les principaux maîtres s'élevaient de toutes parts, et avec fondement contre ce plan; parce que des jeunes gens seuls se présentèrent et que les capitaines de commerce sages savent bien que commander un bâtiment marchand n'est pas savoir conduire un vaisseau de ligne.
Jusqu'ici on ne s'est pas plus attaché à détruire le travail du comité, qu'à vous présenter d'autres vues. Que cette circonstance cependant ne vous effraye point, je sais que plusieurs pourraient vous présenter des plans et des vues saines. Mais ce n'est point en assemblée qu'il convient de lire et de débattre de pareils ouvrages. Ce n'est qu'en comité qu'on peut le faire avec fruit. J'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, quinze jours vous suffiront pour organiser et bien organiser la marine, lorsque vous voudrez réellement qu'elle le soit. 11 ne faut pour cela que vous apercevoir enfin, après une double épreuve, que les connaissances de votre comité de marine ne pourraient être appliquées avec avantage à ce qui concerne la marine; il ne faut que vous adresser à ceux que votre comité ait dû lui-même naturellement consulter; déléguer des juges plus compétents pour la discussion des plans, que vous demanderiez, et nommer de nouveaux rapporteurs auprès de vous. Depuis 30 ans la marine a été l'objet des spéculations d'une foule de novateurs. Toutes les idées que l'on peut vous présenter ont déjà été produites et plusieurs ont été tentées ; c'est cela même qui rend ce travail facile et sûr. Par une autre occurrence très heureuse, le ministre actuel de la marine réunit toutes les connaissances, toute l'instruction que donnent la théorie et la pratique de la mer. Sa campagne sur VIsis, la part qu'il a eue à la confection de l'ordonnance de 1776, tels sont les titres qui assurent ses talents, qui lui donnent un droit certain à votre confiance. Entouré de MM. de Granchain, de Borda, de La Prévalaye, il semble que le hasard ait mis à sa portée et à la vôtre toutes les lumières que vous pouviez désirer. Voilà, Messieurs, la source où vous devez aller puiser; et, si j'en connaissais une meilleure, je vou3 l'indiquerais,
avec la même franchise, avec tout le désintéressement de quelqu'un qui n'a rien, qui ne veut rien de la marine, qui et depuis plus de dix. ans en est séparé.
En attendant cependant, soyez sans alarmes, jamais la marine ne fut en meilleur état, ses vaisseaux mieux entretenus, ses magasins plus soignés, ses officiers plus instruits et plus exercés, son administration plus éclairée et plus capable : dans cet état des choses on peut heureusement se passer de l'intervention prochaine d'un comité de marine, et des idées exagérées d'hommes à prétentions. On pourrait sans danger renvoyer à une autre législature, pour donner le temps aux passions de se calmer; c'est, je le crois, ce qu'il y aurait de mieux à faire. Un seul objet manque et flétrit le reste, je parle de l'indiscipline et de l'insubordination des équipages. Que le retour à l'ordre soit votre ouvrage, et alors, Messieurs, il ne vous restera qu'à désirer que toutes les parties du service public soient, disposées comme la marine.
Il est un article déjà décrété lequel il me semble que vous pouvez rappeler ici, parce qu'il détruit tout sujet légitime de plainte; c'est 1 aptitude de toutes les classes de citoyens à être admis comme officiers sur les vaisseaux de l'Etat. Mais, pour fournir au ministre de la marine quelques données certaines pour la base du travail que vous lui demanderiez, je vous propose de décréter le petit nombre des articles suivants :
« Art. 1er. L'Etat entretiendra une marine
exclusivement militaire.
« Art. 2. Il sera établi des écoles pour l'instruction et la discipline de ceux qui seront admis à prétendre aux places d'officiers au service de la marine de l'Etat.
« Art. 3. Toutes les classes des citoyens auront un droit égal à être admis aux écoles de la marine de l'Etat.
« Art. 4. Le ministre de la marine sera tenu de rédiger sur ces principes un plan d'organisation d'une marine militaire pour être rapporté et discuté à la première législature. »
Plusieurs membres à droite demandent l'impression du discours de M. Loynes de La Goudray.
La question préalable !
L'auteur demande lui-même la question préalable. Je demande à mon tour que le discours de l'antipréopinant soit imprimé.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'impression des discours de M. Louis Monneron et de M. Loynes de La Goudray.)
D'après le recensement du scrutin pour la nomination des deux commissaires qui doivent installer le tribunal de cassation, Messieurs FréteauetGoupil-Préfeln ont réuni la pluralité «les suffrages.
En conséquence je les proclame commissaires pour installer le tribunal de cassation.
donne lecture de deux lettres :
L'une des ouvriers des travaux publics de la section de l'île
Saint-Louis, qui invitent MM. les députés à l'Assemblée nationale à
assister au service qu'ils font célébrer
L'autre de MM. Dutremblay, Devaines, Con-dorcet, Lavoisier, Rouillé Delétang, commissaires de la trésorerie. Gette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Chargés de garder le dépôt des contributions que la volonté du peuple consacre au maintien de ses droits, nous veillerons sur.ce trésor de la liberté, qui ne sera plus employé que pour la conserver ou pour la défendre.
« Exécuteurs fidèles des décrets de l'Assemblée nationale, eux seuls régleront notre conduite. La limite qu'ils nous ont marquée nous sera toujours sacrée, et nous jurons entre vos mains de n'oublier jamais que ces dons du peuple qui, déposés dans la caisse commune, n'ont pas cessé de lui appartenir, ne doivent être dépensés que pour lui et par le vœu de ses représentants, seuls juges de ses besoins, seulsinterprètesdesavolonté.
« Nous ne perdrons jamais de vue que la certitude du bon ordre dans le Trésor national est le seul moyen de faire supporter à des hommes les privations que les contributions leur imposent, et de perpétuer cette confiance dans la foi publique, que la courageuse justice de l'Assemblée nationale a su créer au milieu d'une révolution, et maintenir dans le sein des orages.
« Nous regarderons comme un encouragement honorable la surveillance habituelle et immédiate qu'elle exercera sur nous. Nous mettrons notre gloire à nous montrer à elle occupés sans cesse d'éloigner cette obscurité, cette complication qui amènent le désordre, en donnant les moyens de le dissimuler; à nous pénétrer de cette maxime, qu'il n'y a d'utile que ce qui est juste, et d'honnête que ce qui peut être public.
« L'embarras dans les finances est pour un peuple libre le premier pas vers la corruption, qui n'est qu'un esclavage déguisé. Le monstre de l'inégalité se nourrit de ces richesses égarées qu'entassent ses mains avides. C'est avec 1 or des nations que la perfidie forge leurs fers, que la tyrannie achète ses armes; et les arides détails de nos fonctions s'ennobliront à nos yeux, par l'idée que les gardiens du Trésor public sont aussi les soldats de la liberté.
« Nous demandons à l'Assemblée, d'après ses propres décrets, de donner à l'établissement destiné pour la réunion de toutes les recettes et de toutes les dépenses, le nom de trésorerie nationale. Il rappellerait à tous les citoyens le fondement sacré sur lequel doit reposer leur confiance.
« Nous vous prions, Monsieur le Président, de vouloir bien présenter à l'Assemblée nationale l'expression de notre fidélité et de nos hommages.
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les commissaires de la trésorerie, Dutremblay, Devaines, Condorcet, Rouillé Delétang, Lavoisier.
propose de statuer immédiatement sur la demande exprimée dans cette lettre et présente le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que l'établissement formé par un de ses précédents décrets pour la réunion de toutes les recettes et de toutes les dépenses, portera, à l'avenir, le nom de Trésorerie nationale. »
(Ce décret est adopté.)
La suite de la discussion sur l'organisation de la marine est reprise.
(1). Messieurs (2), au mois de janvier dernier votre comité de la marine présenta à cette Assemblée un plan;d'organi-sation militaire.
Ce plan fut attaqué par des membres mêmes du comité. Il le fut encore par des députés étrangers au comité, je fus de ce nombre. Par mes conclusions je demandai l'ajournep^nt du projet et son renvoi au comité de la marine.
L'objet de l'Assemblée fut d'être plus éclairée sur le second projet qui lui serait présenté, parla discussion que nécessiterait au comité l'adjonction de six nouveaux commissaires.
M. de Sillery vous a dit hier qu'il avait présenté au comité un plan qui a été rejeté. J'en ai présenté un autre, qui a eu le même sort. Ainsi le nouveau projet que vous propose le comité est loin d'avoir, sur beaucoup d'articles, l'unanimité. Il en est quelques-uns où la majorité n'a été que d'une voix; et, je ne crains pas de le dire, ces articles sont les plus vicieux.
Le plan qui vient d'être présenté à l'Assemblée n'est point militaire, c'est un mélange de guerre et de commerce, où le3 principes de ces deux professions ne peuvent qu'être altérés. Je croyais avoir démontré, dans mon opinion du 15 janvier, sur le projet d'organisation militaire, combien l'esprit de ces deux marines était différent; et, si ce premier projet avait des vices, il m'est démontré que le second en a encore de plus considérables, et qu'il ne peut soutenir le jour de la contradiction.
J'en vais discuter les articles importants; et pour en abréger le fastidieux, j'adopte les premiers articles du nouveau projet, excepté l'article premier, parce qu'il ne présente point un sens bien déterminé; et quant aux articles 11 et 12, concernant les pilotes côtiers, je ne perdrai pas de temps à démontrer l'inutilité de l'examen qu'on leur demande, parce que cet examen tombera en désuétude; et, en jeffet, quel examen peuvent subir des hommes qui, pour la plupart, ne savent pas lire et dont la veritable science, la seule indispensable, est de connaître l'aspect des côtes, les bancs, les roches et les écueils qui les avoisinent.
Je m'arrête aux aspirants.
Les aspirants de la marine sont divisés, par votre comité, en trois classes ; et d'après les principes de la Constitution, comme d'après ceux d'une monarchie bien organisée, tous les citoyens y sont admissibles à 15 ans accomplis, après avoir cependant subi un examen public sur l'arithmétique, la géométrie, les éléments de navigation et de la mécanique.
Les aspirants, reçus d'abord de la troisième classe, parviennent à la seconde après 18 mois de navigation; et enfin, à la première, lorsqu'ils ont répondu d'une manière satisfaisante a un nouvel examen, tant sur la théorie que sur la pratique de l'art maritime.
Il résulte de cet article que le nombre des aspirants sera illimité,
puisque les deux seules conditions apposées pour l'admission sont, d'une
part, l'âge de 15 ans et de l'autre part un examen public. Mais ce
nombre illimité sera nécessairement très grand. En 1790, avec 5,600
officiers
Vous ne doutez pas que ces jeunes gens, la plupart de familles de navigateurs, ne s'empressent de se présenter à l'examen. Jetez à présent les yeux sur cette nombreuse pépinière de marins que renferment les trois grands ports militaires, sur la quantité de sujets que vont offrir les provinces, d'après le goût décidé des Français pour le service militaire ; considérez encore que l'admission sera facile, parce que ce n'est pas un concours exigé, mais un simple examen ; et ne craignez pas d'admettre que le nombre possible des aspirants reçus s'élèvera de 2,000 à 3,000, si vous observez que j'ai fait abstraction de tous les officiers de la marine marchande employés comme lieutenants, qui auront un égal empressement pour se faire admettre au nombre des aspirants.
Alors le peu d'armements qui se font en temps de paix ne suffira pas pour Ie3 employer tous. . Il faudra donc, s'ils veulent remplir le temps de navigation exigé, par le comité, pour l'avancement au grade d'officier, que la plus grande partie de ces jeunes gens cherchent de l'emploi dans la marine marchande. Or, Messieurs, votre comité ayant reconnu que la navigation marchande est moins instructive que la navigation militaire, exige douze mois de la première pour tenir lieu de huit mois delà seconde. Ce sera donc un grand avantage, pour les aspirants, de pouvoir être embarqués sur les vaisseaux de l'Etat, et cet avautage sera accordé par les commandants des ports ou par le ministre. Alors quel champ vous ouvrez a la protection, à la faveur, aux préférences ! Et pour qui ces préférences ? Pour les jeunes navigateurs aes trois grands ports, pour les enfants des capitaines ou officiers employés; plus à portée des armements, ils perdront rarement l'occasion de compléter le temps de navigation nécessaire pour parvenir au grade d'officier. Ils l'obtiendront, et dans le fait, quelques efforts qu'on tente pour confondre les deux marines, ni l'une ni l'autre ne pourra passer la ligne de démarcation posée par la nature des choses, elles seront toujours distinctes.
Enfin, Messieurs, ne trouvez-vous pas un grand inconvénient à faire passer ainsi les jeunes aspirants d'abord des vaisseaux de l'Etat sur les bâtiments de commerce, où ils porteront l'esprit de la navigation militaire, ensuite des bâtiments du commerce sur le3 vaisseaux de l'Etat, où ils porteront l'esprit de la navigation marchande, celui de pacotille ? J'avoue que je ne sais lequel de ces deux maux est le plus grand.
En effet le service militaire exige le plus grand désintéressement, le dévouement le plus absolu. L'esprit de pacotille en est le plus grand fléau. Il gêne les armements, il encombre les vaisseaux qui, retardés dans leur marche et mal préparés pour le combat, deviennent aisément la proie de l'ennemi.
Les officiers auxquels on confie les vaisseaux de l'Etat ne peuvent, à
cet égard, s'imposer une réserve trop rigoureuse ; mais une fois qu'on
s'est
D'un autre cô'é, si le projet du comité était adopté, il n'existerait plus d'autre dénomination pour les officiers commandant les bâtiments de commerce que celle d'enseigne de vaisseau, dénomination qui leur rappellerait sans cesse qu'ils sont officiers militaires. Ils se présenteront au service des armateurs, avec toutes les prétentions, tout l'esprit de cette profession, esprit qui tend sans cesse et presque irrésistiblement à la supériorité. Si l'intérêt étouffe un moment l'opinion d'eux-mêmes, et leur défend de rougir du service d'un négociant qui ne sera point guerrier, ils exigeront au moins un traitement plus considérable, des égards plus marqué^. Cette simplicité et cette économie, qui sont la base et la prospérité du commerce, disparaîtront de la marine marchande, et les négociants seront tous étonnés de n'avoir plus que des employés qui voudront leur faire la loi. Enfin ces enseignes auront, si vous le voulez, toutes les qualités, excepté celles qui sont nécessaires aux opérations mercantiles ; car, il ne faut pas s'y tromper, les éléments du service militaire et du service marchand sont très différents; et je pense que l'introduction de l'esprit militaire dans la navigation marchande serait la ruine absolue de notre commerce, et surtout du cabotage.
On n'exige des jeunes gens qui commencent la carrière de navigateurs marchands, que des connaissances très légères d'hydrographie. Ils font d'abord l'office de novice, et ne se forment qu'à une manœuvre routinière. Ils pourraient sans doute se perfectionner, si l'intérêt ne portait pas leurs vues ailleurs. Leur but est de parvenir au commandement d'un navire, et ils ne peuvent y arriver qu'en devenant négociants. Ils s'occupent donc des principes du commerce ; et, dès qu'un pilotin sait tenir les livres de compte, il est sûr d'arriver promptement au grade de lieutenant, sans être guère plus avancé dans la science de la navigation. Alors, si ses talents mercantiles se déploient, il ne tardera pas à commander. Ceux qui ne sont pas propres aux détails de la traite et de la vente des cargaisons, qui ne s'occupent que des travaux de la mer proprement dits, ne s'élèvent jamais au-dessus du poste de capitaines en second, et ce sont sans contredit les meilleurs marins.
Il existe donc dans la marine marchande, et c'est une vérité à laquelle votre comité n'a fait aucune attention, il existe deux classes très distinctes. La première, composée des officiers négociants, des capitaines par excellence, est à la tête des armements. La seconde, composée de vrais marins, mais peu estimés, et que les premiers qualifient de capitaines voituriers, n'est jamais qu'en sous ordre; car dans ce genre de navigation l'homme de mer est bien moins prisé que le facteur : aussi la majeure partie des marins qui se consacrent au service marchand se livre-t-elle plus constamment à l'étude du commerce qu'à celle de la marine.
Transportez ces marins sur les vaisseaux de 1 Etat, ils y porteront d'abord l'esprit de pacotille; mais, ce genre leur étant interdit, ils éluderont la loi, ou seront forcés, s'ils veulent se distinguer, de se livrer à l'étude pénible de connaissances qui leur étaient étrangères. La campagne terminée, ils redeviendront commerçants avec toutes les prétentions de marins militaires; et, dans le fait, ils ne seront ni l'un ni l'autre. Ceux qui veulent confondre les deux marines se rallient aux noms de Duguay-Trouin et de Jean Bart, mais Duguay-Trouin n'a jamais commandé de bâtiments de commerce ; et sans doute il ne s'y fût pas trouvé propre. Ses succès sur des vaisseaux armés en course commencèrent sa réputation, et ce ne fut que comme armateur que Jean Bart fixa l'attention de l'Europe. Ainsi l'exemple de Duguay-Trouin et de Jean Bart prouve au contraire que l'esprit des deux marines est incompatible, et qu'en les confondant on ne fera que les dénaturer l'une et l'autre.
Je reprends le projet du comité. Le grade d'enseigne est accordé aux aspirants de la première classe, qui auront fait quatre années de navigation dont une au moins obligée sur les vaisseaux de I Etat, en qualité d'aspirants, et après avoir subi un nouvel examen.
Ici, Messieurs, je vous fais remarquer qu'après toutes ces épreuves, un jeune homme reste dans 1 incertitude sur le sort qui l'attend, et qu'il n'est pas encore attaché au corps de la marine. Trois examens subis, quatre années de navigation, peut-être des campagnes de guerre en qualité d officier, peut-être même de3 blessures, tout cela ne lui suffit pas : il faut encore qu'il se soumette à la chance d'un concours exigé par l'ar-* ucle 29 et suivants, pour le grade de lieutenant; et quelle que soit sa capacité, si la nature lui a refusé la magie d'une élocution facile, s'il ne I emporte pas sur ses concurrents, peut-être
moins instruits, moins expérimentés, mais s'expri-
mant mieux, il se trouvera sans état, et ne pourra même se présenter à l'examen s'il a passé l'âge de 30 ans. Vous êtes sans doute étonnés qu'un pareil article vous ait été proposé par votre comité; mais vous saurez qu'il n'a passé qu'à la pluralité d'une seule voix ; et, certes, dans une matière aussi importante, ce n'est pas une pluralité suffisante.
Vous^voyez, Messieurs, que le concours placé au grade de lieutenant laisse sans état des jeunes gens qui, ayant embrassé la carrière militaire dès leur première jeunesse, et l'ayant suivie jusqu'à 1 âge de 30 ans, n'ont plus alors d'autres ressources que d aller solliciter de l'emploi dans le service marchand, auquel ils seront peu propres, par 1 habitude qu'ils auront contractée du service militaire, et par leur ignorance des principes du commerce; et, sur ce point, j'en appelle au témoignage de tous les négociants instruits. J'ajoute qu'ils trouveront difficilement de l'emploi, parce que leur exclusion du service militaire formera un préjugé contre eux. Il ne faut pas croire que le nombre de ces infortunés sera médiocre parce qu'il est très probable qu'il y aura toujours trois ou quatre fois plus de concurrents que de places vacantes de lieutenants à disputer.
Enfin cette disposition du projet a encore un inconvénient trè3 grave.
Une partie des enseignes qui seraient en état de se présenter aux
examens pourraient, à l'époque du concours, se trouver employés sur les
vaisseaux de l'Etat et répandus sur toutes les parties du globe.
Serait-il juste que ceux qui seraient restés fussent mieux traités que
ceux qui donneraient, dans le même temps, des preuves de zèle et qui
rendraient des services à la nation? Ne serait-il pas à craindre qu'à
l'approche des examens, on ne cherchât à éviter l'embarquement, et
surtout
Votre comité a cru remédier aux absences pour cause de service, en énonçant, article 31, que ceux qui se trouveront à la mer, lors du concours, et qui auraient atteint l'âge de 30 ans péndant ce voyage, pourraient se présenter au premier concours, après leur retour.
En supposant que ces marins, admis au concours, soient élevés au grade de lieutenant, qui leur rendra jamais les rangs perdus par leur absence ? Ils auront la douleur de se voir commandés par leurs cadets, et d'âge et de service, par le seul fait de leur zèle et de leur dévouement à la chose publique.
Ces reflexions, Messieurs, doivent vous faire conclure que le concours placé au grade de lieutenant est cruel pour la plupart des individus, injuste envers d'autres; et l'on prouverait, de la même manière, qu'étant placé au grade d'enseigne, il aurait les mêmes inconvénients. Il paraît donc démontré qu'il ne peut y avoir de concours qu'à l'entrée de la carrière ; et c'est ce que vous avez si sagement conservé dans le corps du génie militaire.
En un mot, Messieurs, pourquoi y aurait-il, dans l'armée navale, un autre mode d'admission que dans l'armée de terre? Qu'avez-vous décrété pour celle-ci?Que tous les citoyens de l'Empire lussent susceptibles des emplois, grades, avancements, décorations. N'avez-vous pas établi une hiérarchie de grades ? et n'avez-vous pas assuré l'état de tout militaire à son entrée au service ? Renvoyez-vous son admission à des grades marquants? Non; vous avez voulu et vous avez ordonné que celui qui aurait obtenu le grade d'officier, en raison de ses talents et de son mérite, pût parvenir successivement; mais vous n'avez pas voulu exposer son existence militaire aux hasards d'un examen, en l'exigeant lorsqu'il était déjà breveté officier. Avant de le lui conférer, vous avez sagement prescrit une sorte de concours et d'examen ; mais, une fois pourvu, son sort est assuré.
Ajoutez à cela, Messieurs, que le comité vous propose d'admettre au concours, pour le grade de lieutenant, des enseignes qui n auront, pour ainsi dire, fait leur apprentissage que sur des bâtiments du commerce, et qui auront été appelés, à tour de rôle, sur les vaisseaux de l'Etat, et même en concurrence avec les marins qui, n'ayant pas passé 30 ans, auraient satisfait d'ailleurs aux autres conditions.
Que diriez-vous, si l'on vous proposait que le premier grade entretenu dans l'armée de terre fût celui de capitaine; et que tous les officiers des gardes nationales remplissent, à tour de rôle, dans chaque régiment, les fonctions de lieutenants et sous-lieutenants, pour parvenir ensuite aux places de capitaines, d'après un concours non seulement entre eux, mais auquel seraient admis, avec eux, tous les gardes nationaux, dont les seuls titres exigés seraient l'âge et un temps déterminé de service? Et je dois vous faire observer que la différence du service, et surtout de l'esprit entre les troupes de ligne et les gardes nationales, n'est pas si grande qu'entre les marins de la marine marchande et ceux de la marine militaire.
Les militaires des deux armées doivent donc être soumis au même mode d'admission. S'il en était autrement, ne serait-il pas aussi étrange que ridicule de voir deux frères, l'un servant sur terre, pouvant être sous-lieutenant appointé à 16 ans ; et l'autre, voulant servir sur mer, n'en acquérir la certitude qu'au grade de lieutenant de vaisseau, puisque ce n'est qu'à ce grade qu'il serait de fait officier militaire de la marine ; et, avant que d'y parvenir, il faudra qu'il navigue, tantôt a bord des vaisseaux de l'Etat, tantôt à bord des bâtiments du commerce, avec l'incertitude d'être jamais admis.
La marine militaire est de toutes les professions celle qui exige le plus de connaissances et l'étude la plus constante: il est de toute justice que le citoyen qui y consacre sa vie soit rassuré contre la crainte de perdre inutilement les plus belles années de sa jeunesse; il est nécessaire en même temps d'offrir à ce citoyen tous les moyens d'instruction qui puissent le rendre capable de servir un jour utilement sa patrie, Ce sont des motifs semblables qui ont déterminé l'Assemblée à conserver les écoles du génie, de l'artillerie, des ponts et chaussées. L'art de la marine, plus savant encore, exige impérieusement la conservation de ses écoles; et qu'on ne croie pas que l'établissement des écoles gratuites proposées parle comité, article 14, remplisse cet objet; il est bien, à la vérité, suffisant pour mettre les jeunes gens en état de se présenter au concours, pour la place d'aspirant ou d'élève de la marine, car je ne tiens pas au nom; mais, une fois admis, ces jeunes gens doivent se livrer à un genre plus profond d'instruction. Ce n'est pas à bord des bâtiments de commerce cru'ils deviendront de hardis manœuvriers, d'habiles tacticiens, qu'ils prendront, ce qu'il leur importe d'acquérir, les notions au moins élémentaires de la construction navale ; c'est dans des écoles nationales, c'est à bord des corvettes d'instruction, qu'ils se formeront à ces hautes connaissances, et qu'ils deviendront véritablement marins. Mais vous n'obtiendrez aucun de ces avantages si, en fixant, d'après le projet de votre comité, la certitude de l'admission dans la marine au grade de lieutenant, vous abandonniez au hasard les fondements d'une bonne marine, l'instruction due aux jeunes gens qui se consacrent à une étude qui doit durer autant que leur vie, et si vous ne les rassuriez pas contre la crainte de perdre, sans fruit et sans récompense, les premiers travaux de leur jeunesse.
Je finis ici, Messieurs, mes remarques sur le projet du comité, et je vais soumettre à vos lumières un autre projet que j'ai médité longtemps, et qui me paraît fondé sur de bons principes. Je pars des mêmes bases dont j'avais offert de soumettre la discussion au comité de la marine ; mais ces bases furent rejetées à la majorité de sept voix contre six, et je dois dire que parmi les opposants, il se trouva à la séance du comité, des commissaires qui n'y paraissent presque jamais.
Je m'attache principalement au mode d'administration dans la marine, et au genre d'instruction qu'il convient de donner aux jeunes gens, lorsqu'ils feront leurs premiers pas dans cette carrière.
Je ne propose pas de charger l'Etat de leur première instruction ; c'est aux parents, qui destinent leurs enfants au service maritime, à leur donner celle qui convient, et à choisir pour cela les meil-1 leurs maîtres.
J'établis un concours auquel pourront se présenter tous les sujets de l'Empire, de quelque profession qu'ils soient, et les places à remplir seront données à ceux qui, au jugement de l'examinateur de la marine, répondront le mieux sur l'arithmétique, la géométrie, les éléments de mécanique et de navigation. Ce concours n'a pas l'inconvénient de celui que propose le comité, parce que ceux qui seront refusés, étant fort jeunes, auront la facilité de prendre un autre
ét Je vous ferai d'abord remarquer, Messieurs, que le goût des Français pour le service militaire est si grand, qu'il est probable qu'il se présentera toujours aux examens un beaucoup plus grand nombre d'individus qu'il n'en faudra pour remplir les places vacantes; d'ailleurs ces examens devant nécessairement être très rigoureux, à cause du concours, les parents n'oseront présenter que des jeunes gens qui auront quelque talent. Aussi les sujets qui composeront la marine seront choisis parmi un grand nombre d'autres, dont chacun sera lui-même un sujet choisi. Il n'est donc pas possible qu'en préférant ce mode d'admission, votre marine ne soit à l'avenir composée d'excellents sujets; et j'observerai que c'est à une disposition absolument semblable, que le génie militaire et l'artillerie doivent la grande supériorité qu'ils ont acquise : les mêmes causes produiront les mêmes effets.
On pourra m'objecter que l'examen que j'exige n'est pas assez profond, et qu'on devrait demander des connaissances plus étendues; mais je répondrai : , .
1° Qu'il est intéressant que les jeunes gens qui se destinent à la marine commencent de bonne heure cette carrière, et qu'alors on ne peut exiger d'eux, ce qu'on exige, par exemple, des ingénieurs militaires; r .
2° Que ces connaissances theonques qui font l'objet de l'examen, sont plus que suffisantes pour remplir parfaitement tout ce qui concerne le premier service de la marine, pourvu qu'on le possède bien ; qu'il n'est pas possible que des jeunes gens reçus à un concours ne soient fort instruits dans les connaissances élémentaires qui leur auront mérité la préférence, et qu'un jeune homme de 15 à 16 ans, fort sur les éléments, offre une heureuse aptitude à des études plus profondes ;
3° Que ceux de ces jeunes gens que la nature aura doués de talents distingués, et il s'en trouvera nécessairement plusieurs, sauront bien continuer seuls et sans maître leurs études théoriques, et qu'ils porteront le flambeau des sciences aans les parties de la marine, susceptibles d'être perfectionnées.
Je fixe à 15 ans, ainsi que le comité l'a proposé, l'âge avant lequel on ne pourra se présenter au concours; mais il faut aussi déterminer l'âge après lequel on ne pourra plus se présenter, parce qu'il est important qu'on parvienne de bonne heure aux grades. Je fixe cet âge à 18 ans, pour ceux qui n'auront pas encore exercé le métier de la mer, et j'accorde à ceux qui ont déjà navigué une année de plus pour chaque année de navigation qu'ils auront faite en qualité de marins, quel que soit le grade dans lequel ils auront été employés.
Daignez observer, Messieurs, combien cette dernière disposition favorise la classe la plus indigente. Une jeune homme, né de parents pauvres, s'embarque comme matelot. Il ne pense alors qu'à s'assurer des moyens de subsistance; il acquiert cependant des connaissances pratiques;! bientôt son âme s'agrandit à la vue de l'océan, dont son imagination active embrasse l'étendue. Un sentiment impérieux l'entraîne vers de plus grandes vues, son génie lui dit qu'il est né pour commander. Au retour de ses voyages, il va puiser dans les écoles gratuites des leçons d'hydrographie, il joint des connaissances théoriques à ses connaissances pratiques; enfin, au moyen des exemptions accordées en faveur des années de navigation, il peut, jusqu'à l'âge de 24 ans, se présenter au concours, non seulement avec l'espérance d'être reçu, mais encore avec la certitude qu'une fois admis, son service comme matelot lui servira pour parvenir plus promptement que les autres au grade d'officier; mon plan donne une latitude que n'offre aucun autre projet.
Je viens de vous exposer, Messieurs, le mode d'admission dans la marine, et vous voyez que je n'y reçois que des sujets distingués par leurs talents. Il reste maintenant à leur donner la meilleure instruction possible, et c'est ce que je fais en les embarquant, aussitôt après leur réception, sur des corvettes uniquement destinées à servir d'écoles de marine. Ils y seront d'abord instruits par les différents maîtres de manoeuvre, de ca-nonnage et de pilotage, sur tous les détails pratiques qui concernent ces artsj ils y rempliront successivement toutes les fonctions graduées de ces différentes professions. Les officiers leur expliqueront ensuite l'art des manœuvres; des maîtres particuliers leur enseigneront à appliquer aux différentes parties, les connaissances théoriques qu'ils auront déjà acquises; ils les exerceront à observer et à calculer toutes les observations nautiques et à faire toutes les opérations hydrographiques qui peuvent être utiles. Enfin les corvettes d'instruction feront une campagne d'observations au long cours, dans laquelle elles parcourront .différents climats, et les élèves acquerront alors toutes les connaissances relatives à la grande navigation, aux vues des terres, aux mouillages et aux appareillages.
Au reste, Messieurs, ces corvettes servant d'écoles de marine, ne sont point un simple projet que je vous propose; elles existent déjà, depuis 4 à 5 ans, dans notre marine, et elles sont regardées comme une instruction excellente. La seule chose que j'y ajoute, et c'est d'après l'avis des marins les plus instruits, est de prolonger l'armement de ces bâtiments, et de leur faire faire une campagne d'observations au long cours, afin de compléter l'instruction des élèves. Ce sont les officiers mêmes qui ont commandé ces corvettes, qui l'ont proposé; et ils ne doutent pas qu'après une pareille campagne et une instruction aussi suivie, les élèves n'aient acquis plus d'expérience dans le service de la mer, qu'ils n'en auraient acquis pendant 6 ans, je ne dis pas sur des bâtiments marchands, mais sur les vaisseaux mêmes de l'Etat, armés pour des missions ordinaires.
Les élèves, étant désarmés des corvettes, subiront un examen public sur toutes les parties théoriques et pratiques de l'instruction qu'ils auront reçue; et les juges de l'examen feront ensuite une liste, dans laquelle ils classeront les élèves, chacun suivant le degré d'instruction dont il aura fait preuve. Enfin, pour exciter leur émulation, je propose d'accorder, à ceux qui se seront le plus distingués, tant dans cet examen, que dans celui qu'ils auront subi pour le concours, des exemptions du temps de navigation prescrit pour être avancés au grade d'officier.
D'après ce plan d'instruction que vous adop-
Je propose que le grade d'enseigne soit le dernier grade entretenu de l'état-major de la marine. Je pense avoir démontré les inconvénients qui résulteraient de l'admission d'un projet qui ne donnerait qu'au grade de lieutenant la certitude d'être véritablement agrégé au corps de la marine. J'ajouterai ici que ce serait augmenter la dépense des armements, par le grand nombre d'enseignes et d'élèves qu'il faudrait embarquer, si l'on ne voulait les réduire au désespoir.
Votre comité vous propose 30 places d'enseignes constamment entretenus, destinés, comme la récompense des talents et des services distingués, aux maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage. J'offre le même avantage à cette classe d'hommes précieux, et qui mérite d'autant plus d'encouragement, qu'elle est privée davantage des moyens d'instruction. Je leur en offre même un plus grand, puisque, dans chaque année, je leur assure trois places d'enseignes ; ce qui, par progression, doit porter leur nombre au-clessus de trente. J'ouvre en même temps la porte de la marine militaire aux capitaines du commerce, connus par de grands talents ou de grandes actions, puisque je laisse en leur faveur, au choix du roi, la nomination à une partie des places d'enseignes. Je donne même une plus grande latitude de récompenses au mérite de ces capitaines, puisque j'admets qu'ils pourront être nommés aux places de lieutenants, réservées au choix du roi, sans avoir passé par le grade d'enseigne.
Je passe aux capitaines de vaisseaux.
Le comité propose que l'ancienneté ne soit plus un titre aux lieutenants qui auront atteint l'âge de 50 ans, pour devenir capitaines.
Je propose le même article, parce que, dans mon plan, le grade de capitaine de vaisseau est le seul où un âge déterminé soit une exclusion à l'avancement, tandis que votre comité en propose à différents grades, ce qui est un vice.
Je suis également d'accord avec le comité sur les officiers généraux, ainsi que sur la nomination aux commandements, et sur les retraites et décorations.
Appointements.
Le comité propose de payer en tous temps les appointements des officiers généraux, mais de ne payer que pour moitié ceux des capitaines et des lieutenants de vaisseaux, lorsqu'ils ne seront pas de service, à bord des vaisseaux, ou dans les arsenaux; et dans ce cas ils ne seront pas tenus de résider dans leurs départements.
Je n'élèverais aucune objection contrecette proposition, si ce mode avait été adopté pour l'armée ae terre; mais comme j'y vois les officiers jouir de semestres d'une année à l'autre, et conserver néanmoins la totalité de leurs appointements, je suis fondé à demander pourquoi le comité propose à l'Assemblée de traiter, d'une manière différente, les officiers des deux armées? Pourquoi ceux de l'armée navale ne conserveraient pas leurs appointements, lorsque les besoins de l'Etat n'exigent pas qu'ils soient employés? Pourquoi enfin ils n'auraient de semestres, et ne jouiraient de la faculté d'aller dans leurs familles, que par le sacrifice de la moitié de leurs appointements? Si l'Assemblée nationale traitait ainsi les officiers de la marine non employés, il serait au moins de toute justice de leur accorder, au retour des campagnes, des congés avec la totalité des appointements, en réglant que la durée de ces congés ne serait que de la moitié du temps qu'ils auraient été à la mer, de manière cependant que, quelle qu'eût été la durée de la campagne, celle du congé qui la suivrait ne pourrait excéder une année. Ce règlement réduirait à peu de chose l'économie qui pourrait résulter du projet de votre comité.
Je vous observerai enfin, Messieurs, que, la porte des emplois étant ouverte à tous les citoyens, il s'en trouvera nécessairement beaucoup très faiblement partagés du côté de la fortune, et qui cependant déploieront de grands talents. Si le désir d'instruction les décide à n'avoir d'autre demeure que nos arsenaux maritimes, trouve-riez-vous juste de ne pas les traiter plus favorablement que ceux qui, au sortir d'une campagne, iraient se délasser au sein de leurs familles? Non, Messieurs, une pareille loi ne peut subsister, et je demande que cet article soit rayé.
Je propose des appointements moins considérables; mais je demande qu'ils soient payés toute l'année.
Une assemblée de législateurs ne peut pas avoir l'intention de traiter d'une manière contradictoire les défenseurs de ses lois et de l'Empire; d'établir une différence entre deux frères, dont l'un servirait sur terre et l'autre sur mer; en un mot, de créer des privilèges.
Votre comité propose que rEtat entretienne 1,040 officiers de tous grades, savoir :
Officiers généraux....................30
Capitaines..................................180
Lieutenants................................800
Enseignes......................30
Total......... 1,040 officiers.
Les appointements de ces différents officiers forment une masse de 3,345,000 livres.
Les grades de capitaines et de lieutenants étant les seuls sur les appointements desquels le comité propose la retenue de moitié, lorsque ces officiers ne seront pas employés, voici l'économie qui résulterait d'une retenue que j'aime à croire que l'Assemblée rejettera.
Les appointements des 180 capitaines et des 800 lieu-tenants de vaisseaux, montent à..................... 2,922,000 1. » s.
Gomme il est à présumer qu'il y aura toujours la moi tié au moins de ces officiers employés, soit à bord des vaisseaux, soit dans les ports, la retenue ne serait à faire que sur l'autre moi-
A reporter..... 2,922,000 . » s.
Report..... 2,922,000 1. » s.
tié, ce qui la réduit au quart de la totalité, c'est-à-dire à 730,660 10
Reste..... 2,191,339 1. 10 s.
Il faut ajouter à cette somme les appointements des officiers généraux et des enseignes qui seront payés en tous temps. Ces appointements, montent pourlesofficiersgénéraux,à 387,000 » et pour les enseignes, à... 36,000 »
Total..... 2,614,339 1. 10 s.
L'Assemblée voudra bien ne pas perdre de vue que le comité, ne proposant que trente enseignes entretenus, il est démontré qu'il y aurait plus delà moitié des lieutenants employés, ou que l'Etat n'aurait presque aucuns bâtiments à la mer; et comme, pour former des officiers, it faut les exercer,il est encore démontré qu'on en embarque un plus grand nombre en temps de paix. Alors le bénéfice résultant de la retenue proposée serait moins considérable.
L'Assemblée voudra bien encore observer que cette retenue ne pourrait avoir lieu gue pendant la paix ; car, à la guerre, tous les officiers seront employés.
Ainsi le bénéfice de cette retenue ne serait que fictif, par les raisons suivantes, ou bientôt la marine serait sans officiers instruits.
Votre comité propose de donner aux enseignes non entretenus, appelés au service de l'Etat, depuis 1,200 livres jusqu'à 1,800 livres d'appointements; et aux aspirants, suivant leur classe, 540, 360 et 180 livres par an. Je ne porterai ma réflexion que sur les enseignes, puisque je ne propose, ainsi que lui, de ne payer les élèves qu'à la mer.
Je tire donc de la proposition de votre comité le dilemme suivant : « Ou l'Etat appellera, en temns de paix, sur ses vaisseaux, des enseignes, ou il n'en appellera pas. »
S'il en appelle, le bénéfice s'évanouit.
S'il n'en appelle pas, alors il n'aura point de sujets préparés militairement au grade de lieutenant; et si vous aviez une longue paix, à quelles écoles et comment se seraient formés ces officiers ? La France n'aurait réellement pas d'armée navale instruite, disciplinée, et préparée à manœuvrer devant celles des puissances voisines. Il faut donc renoncer à une retenue injuste envers les officiers de mer, puisque ceux de terre n'en supportent aucune, et dangereuse par ses suites pour le succès de nos forces navales.
D'après les raisons que je viens de développer, et présuman que l'Assemblée rejettera la retenue proposée, je porte pour dépense la totalité des appointements proposés par le comité, à 3,345,000 livres.
Mon plan est plus vaste, et cependant il est moins cher. Le comité a presque doublé les appointements de quelques grades, et moi je me suis borné à les augmenter d'un tiers, d'un quart, d'un cinquième, ou d'un sixième, et en cela, j'ai suivi l'esprit de vos décrets sur les appointements de l'armée de terre. Cependant chaque officier, suivant.son grade, jouira d'un traitement honnête. J'en ai consulté un grand nombre, et je n'en ai trouvé aucun qui ne m'ait répondu qu'ils devaient être contents.
Je propose un corps de 1,210 officiers de tous grades, savoir ;
Officiers généraux..............30
Capitaines......................180
Lieutenants............................600
Enseignes......................400
Total..................1,210 officiers
La totalité de leurs appointements, d'après mon plan, ne s'élèvera qu'à 3,087,000 livres.
Vous vous rappellerez, Messieurs, que les appointements proposés par le comité montent a............................. 3,345,000 liv.
Ceux que je propose ne s'élé-vant qu'à..................... 3,087,000
L'économie en faveur de mon plan est donc de............... 258,000 liv.
le propose................ 1,210 officiers
Le comité en propose...... 1,040 —
Excédent......... 170 officiers
J'entretiens donc, avec une économie réelle de 258,000livres, 170 officiers déplus'; et je ne suis pas forcé d'aller, dans des circonstances impérieuses, inquiéter, tourmenter nos commerçants, en leur enlevant les capitaines de leurs navires, que le tour du rôle appellerait au service de l'Etat.
Si l'on m'objectait que je propose un corps de marine trop nombreux; quoique l'objection ne fût pas fondée, puisque mes 300 élèves ne seront soldés qu'à la mer, j'aurais cependant les réponses suivantes à faire, toutes plus victorieuses les unes que les autres, quand même j'aurais proposé d'entretenir les 300 élèves (1) ; et je les puise dans le nouvel ordre de choses.
Je dirais : l'Assemblée a détruit les distinctions héréditaires. Il n'y a donc plus d'autre moyen d'être remarqué dans la société, d'y jouer les principaux rôles, que par la richesse.
L'Assemblée a détruit les grandes corporations et les compagnies de finance. Il n'y a donc plus d'autres moyens de se procurer de grandes richesses que par le commerce. Pour faire un grand commerce, la navigation seule en donne les moyens ; et une grande navigation ne peut exister que par une grande force militaire qui la protège. Qui peut calculer l'extension que prendra le commerce? Tous les citoyens vont s'y livrer. Alors quel accroissement va recevoir la marine, par la seule disposition des esprits 1
L'acte de navigation a créé et soutient la richesse de l'Angleterre, parce que son commerce en a reçu et en conserve la source précieuse. Avant ce fameux acte, chef-d'œuvre du génie politique, l'Angleterre était pauvre. Depuis, l'esprit des Anglais s'est tourné, par la seule impulsion des choses, vers le commerce; et, à l'instar de leur génie, le commerce n'a plus eu de bornes.
L'Assemblée nationale fera dresser, sans doute, un acte de navigation.
Alors l'esprit, les spéculations et les bénéfices du commerce, entrant
dans l'éducation publique, l'esprit public changera; il se dirigera vers
tous les moyens licites d'accroître la richesse nationale : et comme,
dans cet accrois-
Il faut donc constituer une marine militaire, qui puisse en garantir les opérations.
Si l'on m'objectait l'augmentation des dépenses de ce département,je répondrais:En raison de ce que votre armée navale deviendra plus redoutable, vous aurez besoin d'une armée de terre moins considérable. Alors vous reverserez sur la première l'économie de la seconde.
L'Angleterre a une armée navale formidable, et une armée de terre faible. La raison politique en est moins dan9 sa position topographique, comme île,que dans l'étendue de son commerce. Sa liberté est, par cette raison, fondée, moins sur sa constitution, que sur l'étendue de ce même commerce. Il n'y a point de despote chez une nation commerçante, parce que le commerce ne souffre aucun arbitraire. La liberté est donc plus assurée chez un peuple commerçant que chez un peuple agricole ; et, quelques forces navales qu ait ce même peuple, ces forces ne peuvent servir ni contre la liberté publique, ni contre la liberté individuelle; parce que, à supposer qu'un despote, qu'un tyran que Dieu aurait donné, dans sa colère, à ce peuple, pour roi, voulût l'enchaîner, il est démontré que ce despote ne pourrait mettre à exécution ses desseins tyranniques, avec des vaisseaux.
Je me résume, Messieurs.
Je crois avoir établi :
1° Que la France n'aura pas de marine vraiment militaire, vraiment protectrice du commerce, si elle ne l'organise pas d'une manière militaire ;
2° Que la seule manière de la bien organiser est dans le mode d'admission au service, dans l'établissement d'écoles de marine, pratiques, établies sur des corvettes d'instruction, et dans la formation d'un corps permanent d'élèves;
3° Que ce mode, qui doit ouvrir la porte de ce service à tous les citoyens, ne peut être qu'un concours placé à l'entrée de la carrière ;
4° Que d'établir un concours d'après un examen public, au grade d'officier, est un mode injuste pour les individus et presque impossible dans sonf exécution ;
5° Que le nombre des officiers doit être tel, que l'Etat puisse toujours armer au moins les deux tiers de ses vaisseaux, sans être obligé d'appeler des auxiliaires pour en compléter les états-majors, et sans troubler, par cet appel, toutes les opérations du commerce ;
6° Que l'Etat doit entretenir, en tout temps, les officiers de tous grades qui composeront sa marine militaire.
D'après ces principes, que je crois avoir suffisamment développés, j'ai l'honneur, Messieurs, de vous proposer le projet de décret suivant :
Projet de décret.
« L'Assemblée nationale décrète, comme loi constitutionnelle, les articles suivants :
« Art, 1er. L'Etat entretiendra une marine
militaire. ; „
« Art. 2. Nul ne pourra commencer la profession de navigateur qu'en qualité de mousse, de novice ou d'élève de la marine.
Mousses?
« Art. 3. Nul ne pourra être embarqué, comme mousse sur les vaisseaux de l'Etat, que de 10 à 16 ans.
Novices.
« Art. 4. Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans, et qui n'auront pas satisfait à l'examen exigé par l'article 17, seront novices.
Matelots.
« Art. 5. Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices pourront, après 12 mois de navigation, être admis à l'état de matelots.
« Art. 6. Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye et, à cet effet, la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes.
« Art. 7. Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye, sans avoir passé par les payes intermédiaires.
Officiers mariniers.
« Art. 8. Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur l'es matelots ; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu'aux matelots ou ouvriers matelots, parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu'ils auront les qualités nécessaires pour bien en remplir les fonctions.
« Art. 9. On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre sans avoir été employé, pendant une année de navigation en qualité de gabier.
« Art. 10. Toutes les augmentations de solde et avancements en grade pour les gens de l'équipage seront faits, pour chaque vaisseau, par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard.
Pilotes côtiers.
« Art. 11. Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu'il n'ait le temps de navigation, et satisfait à l'examen qui serait prescrit. Ces maîtres seront employés au moins comme timoniers.
« Art. 12. Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s'il n'a pas commandé au moins 3 ans, en qualité de maître au petit cabotage et satisfait à l'examen qui sera prescrit.
Maîtres entretenus.
« Art. 13. Les officiers mariniers, parvenus par leurs services au premier grade de leur classe, pourront être constamment entretenus, et le nombre des entretenus sera déterminé d'après les besoins des ports. Les deux tiers des places de maîtres entretenus, vacantes dans chaque département, seront données à l'ancienneté, et l'autre tiers au choix du roi. L'ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation faite sur les vaisseaux, frégates et autres bâtiments de l'Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître.
a Art. 14. Les maîtres entretenus de manœuvres, de pilotage et de canonnage, deviendront officiers conformément aux règles ci-après énoncées,
Écoles gratuites.
« Art. 15. Il y aura des écoles gratuites de navigation dans les principales villes maritimes, ainsi qu'il sera déterminé par un règlement particulier.
Élèves de la marine.
« Art. 16. Le nombre des élèves de la marine sera déterminé; tous les citoyens de l'Empire français y seront admissibles d'après les conditions énoncées dans les articles suivants.
«. Art. 17. Les places d'élèves vacantes seront données au concours] à ceux qui auront le mieux répondu à un examen public sur l'arithmétique, la géométrie et les éléments de navigation et de mécanique.
L'examen se fera à Paris (1), tous les ans, au 15 mars, par l'examinateur de la marine.
« Art. 18. Nul ne pourra être admis au concours avant l'âge de 15 ans accomplis : il ne pourra non plus se présenter après 18 ans, à moins qu'il n'ait déjà exercé le métier de la mer ; et dans ce cas il sera admis au concours un an plus tard pour chaque année de navigation qu'il aura faite, iusques et compris l'âge de 24 ans, passé lequel il ne pourra plus se présenter.
« Art. 19. Les élèves de la marine n'auront ni le grade ni le rang d'officiers ; ils seront commandés à bord des vaisseaux par le premier maître d'équipage, de pilotage et de canonnage.
« Art. 20. Les élèves reçus seront embarqués
« Art. 21. Les élèves rempliront successivement, sur ces corvettes, le service de tous les grades de gens de manœuvre, de canonnage et de pilotage, celui de maîtres et seconds maîtres excepté. Ils y seront instruits et exercés d'abord sur tous les détails pratiques qui concernent ces grades, et ensuite sur toutes les parties théoriques et pratiques de la manœuvre et de la navigation, conformément à ce qui sera prescrit par un règlement particulier.
« Art. 22. Au désarmement des corvettes, les élèves seront examinés publiquement en présence d'un conseil d'officiers de marine, par les maîtres d'art, nommés à cet effet par ledit conseil, sur toutes les parties d'instruction qu'ils ont reçues à bord des corvettes ; et les juges de l'examen feront une liste dans laquelle chaque élève sera classé suivant le degré d'instruction dont il aura fait preuve.
« Art. 23. Il sera accordé aux élèves qui se seront le plus distingués, tant dans l'examen du concours pour être reçus élèves, que dans l'examen au désarmement de la corvette, des exemptions graduelles du temps de navigation qui sera prescrit par l'article 26, pour l'avancement au grade d'officier. Ces exemptions ne pourront être données qu'au quart des élèves examinés, et aucune ne pourra excéder 18 mois.
Officiers de la marine.
« Art. 24. Les grades d'officiers de la marine seront ceux d'enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseaux, capitaines de vaisseaux, et les grades d'officiers généraux. Ces différents officiers seront entièrement voués au service de l'Etat, et constamment entretenus.
« On ne pourra être fait officier avant 18 ans accomplis.
Enseignes.
« Art. 25. Le grade d'enseigne sera le dernier grade d'officier de la marine : le titre et le brevet en seront donnés aux élèves qui auront rempli les conditions suivantes pour le nombre des places vacantes qui leur seront destinées.
« Art. 26. Nul élève ne sera fait enseigne, s'il n'a 18 ans d'âge accomplis, et 4 années de navigation, dont une en qualité d'élève sur les vaisseaux de l'Etat, et pour les trois autres années, le temps de navigation sur les bâtiments de commerce, ne sera compté qu'à raison de 8 mois pour chaque année de navigation.
« Art. 27. Le temps de navigation, antérieur à l'âge de 12 ans accomplis, ne sera pas compté.
« Art. 28. Les places vacantes d'enseignes seront données aux élèves par rang d'ancienneté, à l'exception de 5 places qui seront données chaque année ; savoir : 3 aux maîtres entretenus de manœuvres, de pilotage et de canonnage, dont une dans chaque état alternativement par année à l'ancienneté et au choix du roi, sans égard à l'âge ; et les 2 autres aux capitaines de navires du commerce, au choix du roi, et pareillement sans égard à l'âge.
« Art. 29. Les élèves faits enseignes prendront
Lieutenants.
Art. 30. Le grade de lieutenant sera immédia-ment au-dessus de celui d'enseigne.
« Art. 31. Les cinq sixièmes des places vacantes seront donnés par rang d'ancienneté aux en-
861(f Le sixième des places vacantes du grade de lieutenant sera laissé au choix du roi, qui pourra le faire sans distinction d'âge, parmi les enseignes qui auront fait au moins une année de navigation daus ce grade, ou parmi les capitaines du commerce qui auraient fait une actioD brillante a la
gU? Art. 32.Les lieutenants prendront rang entre eux, suivant leur rang d'enseignes et avant ceux nommés par le roi.
« Ces derniers ne prendront également rang qu'après les capitaines du commerce, élevés à cause d'une action distinguée à la guerre.
Capitaines de vaisseaux.
« Art. 33. Les capitaines de vaisseaux seront tous pris parmi les lieutenants, de la manière
suivante :
« Une moitié de ce remplacement se fera en suivant le rang d'ancienneté, et l'autre moitié au choix du roi, sans égard à l'âge.
« Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins 2 ans de navigation dans le grade de lieutenant.
« L'ancienneté ne sera plus un titre pour les lieutenants âgés de 50 ans.
« Art. 31. Les capitaines de vaisseaux prendront rang entre eux de la date de leur brevet.
« Les officiers faits capitaines de vaisseaux dans la même promotion conserveront entre eux le rang qu'ils avaient lorsqu'ils étaient lieutenants.
Officiers généraux.
« Art. 35. Les officiers généraux seront divisés en 3 grades : les amiraux, les vice-amiraux et les contre-amiraux.
« Art. 36. Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, 2 tiers au choix du roi. Ce choix ne pourra porter qUe sur ceux des capitaines de vaisseaux qui auront au moins 12 mois de navigation dans ce grade.
« Art. 37. Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral, par rang d'ancienneté.
u Art. 38. Les amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux, et toujours au choix du roi.
« Art. 39. Les officiers-commandants, en temps 'de guerre, les escadres dans les mers de l'Amérique ou des Indes, seront autorisés par le roi à récompenser, par des avancements conformes aux règles précédentes, et en nombre déterminé, les officiers qui l'auront mérité. Les officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du grade qu'ils auront obtenu et de ses appointements ; mais ils ne pourront le conserver et prendre rang parmi les officiers du grade auquel ils auront été promus, qu'autant queleur nomination aura été confirmée par le roi. ,
« Art. 40. Les remplacements par ordre d ancienneté dans les différents grades marcheront avant ceux par choix, et auront lieu à mesure que les places viendront à vaquer, et au plus tard, trois mois après la connaissance de la vacance.
Nomination aux commandements.
« Art. 41. Le commandement des armées navales et escadres, composées au moins de neuf vaisseaux de ligne, ne pourra être confié qua des amiraux, vice-amiraux ou contre-amiraux, mais indistinctement entre eux. , ..
« Art. 42. Le commandement des divisions sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement, et celui des vaisseaux de ligne armes en guerre, à des capitaines.
« Art. 43. Les commandants des frégates seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants.
« Art. 44. Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, flûtes, gabar-res, lougres, et autres bâtiments appartenant à l'Etat, seront pris indistinctement, soit parmi les lieutenants, soit parmi les enseignes, pourvu que ces derniers aient fait, en cette qualité, douze mois de navigation. . .
« Art. 45. Le roi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par ordre simple, quoiqu il n'y ait pas d'accusation.
« Art. 46. Les commandants des armees navales et escadres, pendant le cours de leur campagnes, exerceront le droit donné au roi par 1 article précédent.
Retraites et décorations.
« Art. 47. Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et décorations militaires, en raison de leurs services, ainsi qu il sera déterminé par un règlement particulier. i
« Art. 48. L'Assemblée nationale se reserve de statuer, par un décret particulier, sur la manière d'appliquer le présent décret à 1 état actuel de la marine, »
Décret d'application.
« Art. 1er Pour l'exécution des présents
décrets, le corps de la marine est supprimé, et sera recréé de la
manière ci-après, pour cette fois seule-
« Art. 2. Le corps de la marine militaire, entretenu par l'Etat, sera composé de :
Amiraux..................................................3
Vice-amiraux......................9
Contre-amiraux....................18
Capitaines de vaisseaux........................180
Lieutenants.........................600
Enseignes.....................................400
Elèves.......300
Maîtres pilotes entretenus.................45
Maîtres d'équipages entretenus...... 50
Maîtres canonniers entretenus....... 60
Maîtres charpentiers entretenus.......36
Maîtres calfats entretenus.......... 36
Maîtres voiliers entretenus.......... 18
« Art. 3. Tous les officiers de la marine rouleront entre eux, sans aucune distinction de ûepar-
t6?eArt. 4. La charge d'amiral de France est supprimée, et néanmoins les fonctions actuellement exercées par l'amiral, ou en son nom, le seront provisoirement dans la forme accoutumée, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement statue.
« Art. 5. Tous les grades non énoncés dans la présente composition, et toutes les distinctions d'escadres actuellement existantes, sont aussi supprimés, ainsi que les états-majors qui y sont attachés. Les fonctions attribuées à ces états-ma-jors seront exercées provisoirement par l'état-major de la marine dans chaque port.
« Art. 6. Les amiraux, vice-amiraux et contre-amiraux seront choisis par le roi, parmi les officiers généraux actuellement existants.
« Les officiers généraux non compris dans cette promotion conserveront leurs titres actuels, et leurs appointements.
« Le tiers des places de contre-amiraux sera laissé vacant, pour être rempli au choix du roi, par les officiers actuellement capitaines de vaisseaux.
« Art. 7. Les 180 capitaines seront choisis parmi les capitaines de vaisseaux actuels, les directeurs des ports, les majors de vaisseaux, les officiers des ports ayant rang de majors, et tous les officiers des classes qui seront dans le cas de concourir à cette formation, d'après le décret sur les classes, ils seront choisis par le roi.
« Art. 8. Les officiers promus aux grades d'officiers généraux ou de capitaines de vaisseaux, conserveront le rang qu ils avaient entre eux; et quant aux officiers des classes qui seraient compris dans la nomination, ils ne pourront être admis que dans le grade qu'ils avaient avant leur retraite et y reprendre" leur rang. Les directeurs des ports et officiers de ports, ayant rang de majors, prendront rang de l'époque de leur brevet de directeurs ou de majors.
« Art. 9. Les 600 lieutenants seront pris parmi les lieutenants actuels par rang d'ancienneté, et s'il ne s'en trouvait pas ce nombre, il serait complété au choix du roi, parmi les sous-lieutenants et les capitaines du commerce, conformément à l'article 31.
» Art. 10. Les 400 enseignes seront pris, savoir: 200 parmi les sous-lieutenants actuels, et sur les 200 autres places, 6 seront données à raison de deux dans chaque état aux maîtres entretenus de pilotage, de manœuvre et de canonnage; 6 aux capitaines du commerce, suivant l'article 28, et les 188 places restantes, aux élèves actuels qui auront rempli les conditions prescrites par l'article 26 ; dans le cas contraire, elles demeureront vacantes.
Art. 11. Pourront aussi concourir à cette formation, les officiers des classes qui sont dans le cas énoncé pas l'article 14 du décret sur les classes, conformément à la disposition de cet article.
« Art. 12. Le grade de sous-lieutenant est supprimé.
« Les lieutenants et sous-lieutenants actuels, qui ne seraient pas compris dans la première formation, conserveront les deux tiers des appointements dont ils jouissent actuellement jusqu'au moment où ils rentreront en activité.
« Art. 13. Les élèves actuels de la marine seront reçus au nombre des 300 élèves de la nouvelle formation, s'ils en sont jugés capables, d'après un concours et un examen publics qui auront lieu, le premier mai prochain, auxquels concours et examens pourront également se présenter tous les citoyens de l'Empire ayant 15 ans révolus, conformément aux articles 16 et 17.
« Art. 14. Les capitaines et majors de vaisseaux qui ne voudront pas continuer leurs services, ou qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, auront pour retraite dans ce moment-ci seulement, les deux tiers des appointements dont ils jouissaient, à moins que leurs services, d'après les règles fixées par le décret du 31 août dernier, ne leur donnent droit à un traitement plus considérable, et ceux qui auront 10 ans de service dans leur grade, obtiendront en retraite, le grade supérieur. Pour compléter les 10 ans, on comptera pour moitié le temps fait dans le grade inférieur.
Correspondance des grades des officiers de la marine, avec ceux des officiers de Varmée de terre.
Armée navale.
Amiral.
Vice-amiral.
Contre-amiral.
Capitaine de vaisseau, des trois classes.
Lieutenant de vaisseau, première classe.
Lieutenant de vaisseau, deuxième classe.
Enseigne, première classe.
Enseigne, deuxième classe.
Armée de terre.
Maréchal de France.
Lieutenant général.
Maréchal de eamp.
Colonel.
Lieutenant colonel.
Capitaine.
Lieutenant.
Sous-lieutenant.
Total de chaque grade. 30 officiers généraux...........
formation actuelle.
Officiers de la nouvelle formation. Officiers.
Appointements.
3 amiraux, chacun
9 vice-amiraux.....
18 contre-amiraux..
60 capitaines.......
60 Idem...........
60 Idem...........
180 capitaines.....................
.............-.....fsjgrrs
™ .......................lî§oSf°M.::
30,000 I. 15,000 9,000
6,000 5,000 4,000
2,400 1,800
1,500 1,200
1,210 officiers entretenus en tout temps. 300 élèves qui ne seront payés que lorsqu'ils seront employés.
90,000 I. 135,000 162,000
360,000 300,000 240,000
720,000 540,000
300,000 240,600
387,000 1.
900,000
1,260,000 540,000
1,510
3,087,000 l.
Dépense d'après le plan du comité.............................................3,345 000 l.
Dépense d'après mon plan...... ........................................3,087,000
Economie résultant de mon plan....258,000 1.
Nnta — Par ce nlan aucuns enseignes à payer extraordinairement, abord des vaisseaux, ni dans les arsenanx; et, si FentrrtUsn des élèves est accordé, il n'en résulterait une augmentation de dépense annuelle que de 150 .1 200,000 livres.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. de La Galissonnière.)
Après la longue discussion qui a été faite sur l'organisation de la marine, je propose une motion d'ordre. Je demandé que I on mette en discussion le principe même du cçmité, à savoir que tous les citoyens étant soumis a la conscription maritime, la marine française sera composée de tous les marins. Il y a là un point de difficulté sur lequel il faut ce me semble se décider tout d'abord.
Le plan du comité vous Convient-il? Gonvient-il au contraire d'en adopter un autre? Voilà la question. Si l'Assemblée veut entendre mes observations... (Nombreuses marques d'assentiment.)
Messieurs (1), j'attaque aussi le plan du comité, sans embrasser tous les détails, sans adopter toutes les opinions de ses adversaires. J'adopte encore moins, mais je ne répondrai rien aux censures amères de M. Ricard. Il y a une juste mesure dans le3 discussions politiques, une sorte de gravité dans la hardiesse des conceptions nouvelles qui n'appartiennent pas à tous les hommes ; et je remarque avec plaisir que M. Mon-neron vient de vous donner la preuve qu'on peut allier la sagesse et la dignité à l'improba-tion la plus prononcée. Je regretté que ses observations, qui auraient dû le conduire à d'autres résultats, ne soient pas suffisamment développées; elles se rapprochent des miennes sur plusieurs points : j'aurais désiré qu'il eût pu les produire au comité de marine.
Au reste, Messieurs, il me paraît bien évident que par des motifs très divers et souvent opposés, le plan du comité ne convient à personne, et que la marche arriérée de ses travaux excite Tétonnement et l'impatience de l'Assemblée : ces deux impressions sont naturelles.
Ceux qui désirent le renversement complet de l'ancien système militaire ont raison de n'être pas satisfaits. Ou détruit assez pour laisser apercevoir des ruines ; mais le nouvel édifice ne présente encore que des ruines : ceux qui désirent de conserver l'ancien régime sont encore plus mécontents ; ce qui était bon et ce qui ne l'était paS est également renversé.
Quant à la marche incertaine, arriérée des travaux du comité, elle
s'explique tout aussi facilement. J'avais toujours pensé que le plus
pressé était de soumettre à votre examen l'administration générale et
les dépenses de ce département : il était facile d'en saisir l'ensemble,
d'en régler les parties principales, et d'arriver graduellement aux
réformes, aux réductions nécessaires. Mon devoir personnel comme
administrateur, membre du comité, étaitde provoquer particulièrement sur
cet objet votre attention : c'est ce que j'ai fait par un premier
rapport qui vous a été distribué il y a 13 mois; ce rapport n'eut aucune
suite;
Le projet du comité est composé de 49 articles ; 40 au moins sont admissibles dans tous les plans, ils ne présentent ni vues nouvelles, ni obstacles à l'organisation d'un bon système militaire. Il n'en est pas de même des articles absolument neufs qui expriment l'intention et les moyens du nouveau plan. '
En vain vous a-t-on dit qu'ils sont une conséquence nécessaire des principes de notre Constitution, qu'il n'existe pas d'autres moyens de consacrer pour les marins l'égalité des droits, de détruire dans le corps de la marine tous les préjugés, toutes les prétentions anciennes, et d assurer enfin à la France la meilleure armee navale. Je conteste toutes ces assertions.
Je soutiens que le plan, tel qu'il est, est mauvais, qu'il est inconséquent à ses propres principes, dérogatoire à ses motifs ; je soutiens quil est inconstitutionnel, et extrêmement dangereux de transporter dans un état civil, tel que la profession de marin commerçant, les prétentions, les mœurs et l'esprit militaire. Je nai vu jusqu'ici dans toutes nos discussions que des vanités, des prétentions nouvelles, combattant d anciennes vanités, d'anciennes prétentions.
La marine commerçante était dans un état de servitude et d'avilissement, il faut l en affranchir; voilà ce que la justice et le bien public vous commandent.
La marine commerçante constitue essentiellement par ses matelots la puissance navale, elle peut encore lui fournir de bons officiers ; il faut leur ouvrir un libre accès, exciter leur émulation, assurer leur avancement; voilà ce que la raison, la justice, l'expérience nou3 conseillent. Mais attacher à l'action et au service du commerce maritime des grades militaires, instituer dans l'armée navale une classe d officiers, les enseignes de vaisseaux, par la seule considération de décorer de ce titre tous les capitaines du commerce, c'est établir sur les ruines des anciens oréiustés de plus dangereuses prétentions, c est manquer complètement le but qu'on se propose d'allier la marine du commerce avec la marine militaire, de les rendre auxiliaires l'une de 1 autre, puisqu'on ne veut plus en former qu un seul corps; c'est enfin consacrer par des lieux communs et des déclamations oratoires le plus dangereux des excès, celui d'ériger en principes le ressentiment des abus et l'exagération des principes.
On pervertira toujours les institutions politiques par l'abus et la fausse application des principes philosophiques sur l'égalité et la liberté. L'égalité de droits ne peut exister qu'entre les hommes qui se trouvent dans des circonstances égales de services, de mérite et de moyens. La liberté indéfinie n'existe pour personne ni dans l'ordre social, ni dans l'état naturel.
En admettant ces exceptions, et il est impossible de ne pas les admettre, c'est sur d'autres bases que celles qui vous sont présentées qu'il faut établir un système militaire. Je dirai ici, comme M. de Sillery: il ne s'agit plus de considérer ce qui blesse ou favorise telle classe d'hommes ou telles prétentions, mais ce qui est le plus utile à l'objet et à la fin de l'institution. Or 1 armée navale est instituée non pour procurer des soldes et des grades à ceux qui les sollicitent, mais pour faire respecter la puissance de la nation et pour défendre ses possessions. Il ne faut donc pas déterminer le régime de l'armée navale sur des convenances apparentes, sur des analogies de droits, de prétentions, encore moins sur des principes généraux de sociabilité inalliables avec plusieurs des conditions d'un système militaire.
Il n'y a que trois points essentiels à régler dans l'organisation de l'armée navale, la discipline, l'instruction, la distribution des grades et des modes d'avancement.
Le comité de la marine a dû considérer l'armée navale sous ces trois rapports et vous proposer les changements et améliorations dont chacun d'eux est susceptible, car vous ne lui avez pas ordonné de changer pour changer, mais pour être mieux.
La discipline des gens de mer, officiers, matelots, soldats, a été longtemps négligée, les dernières institutions l'ont rétablie et, jusqu'au moment où des traits multipliés d'insubordination ont excité votre sollicitude, le service sur les vaisseaux et dans les ports s'exécutait avec régularité.
L'instruction des jeunes officiers s'était fort perfectionnée depuis vingt ans; à une théorie très étendue on avait joint la pratique des manœuvres nautiques et la nécessité d'un nombre d'années de navigation pour avancer de grade en grade. Les examinateurs des élèves ont été choisis parmi les savants les plus distingués, et leur cours d'étude embrasse les différentes parties des sciences arbitraires. Je ne crois pas qu'il fût utile de rien changer à cet égard, d'autant que vous avez reconnu la nécessité de respecter,dans l'armée de terre, de semblables institutions pour l'artillerie et le génie, et d'avoir, dans l'infanterie comme dans la cavalerie, différentes routes à l'émulation et à l'avancement.
Les uns doivent arriver au grade par la pratique assidue des exercices militaires dans les emplois subalternes; les autres par une instruction plus soignée, par des talents cultivés et plus promptement développés doivent les devancer.
Il était abusif d'accorder cette faveur à une seule classe d'homme, il est indispensable de l'assurer à une classe d'instruction et de talents. Et je dis plus, Messieurs, comme il ne peut exister d'armée sans discipline, comme la discipline consiste essentiellement dans une inviolable subordination, si l'on parvenait à déterminer cette subordination morale des esprits incultes aux lumières et à la capacité présumée de ceux qui les commandent, il n'y aurait plus d'armée, car jamais on ne verra une armée de savants ou de philosophes. (Rires à droite.)
Il faudrait donc, dans l'Etat le plus démocratique qui ne serait pas en délire, instituer une éducation particulière pour le commandement, et tous les nommes obligés, pour subsister, de se vouer aux travaux grossiers, seront non pas exclus, mais éloignés de ce genre d'éducation ; ainsi il y aura toujours, il y a toujours eu même dans les démocraties ce qu'on veut appeler aujourd'hui des privilégiés, lorsque par le fait et par le droit il n'existe plus de privilège. Certainement Périclès et Alcibiade ne débutèrent pas dans l'armée des Athéniens comme les enfants des plus pauvres citoyens.
Comment donc peut-on se permettre d'attacher, à un mode d'instruction et d'avancement dans un corps militaire, le reproche et la défaveur d'un privilège, s'il n'y a d'exclusion pour personne, si les titres d'admission ne peuvent être déterminés que par un concours?
Comment vous prouvera-t-on, par exemple, que la Constitution est violée, que l'égalité des. droits est blessée pour les marins, en limitant la première classe des aspirants au grade d'officier, et en les admettant au concours après un temps de navigation déterminé?
Comme c'est là l'article fondamental du nouveau système, c'est sur celui-là particulièrement que portent mes observations.
Il y avait deux manières de constituer le corps militaire de la marine; l'une complètement favorable aux navigateurs commerçants pouvait se concilier fortuitement avec le bien de l'Etat et présentait au moins un système conséquent ; l'autre sans lésion pour les navigateurs commerçants, mais uniquement combinée sur des principes militaires, présentait un système complètement militaire.
On n'a suivi aucun de ces deux plans. Dans le premier on pouvait
considérer la marine commerçante comme la base et la pépinière de
l'armée navale et ne prendre que dans cette classe les officiers comme
les matelots. Il fallait bien se garder alors de créer des enseignes de
vaisseaux honoraires ; il suffisait que tous les marins, avertis des
conditions d'instruction et de navigation nécessaires pour être admis à
prendre rang dans le corps militaire, pussent librement se présenter au
concours pour remplir les places vacantes; c'est dans ce système que des
écoles gratuites distribuées dans tous les ports, et un nombre
d'aspirants illimité naviguant indifféremment sur les vaisseaux de
l'Etat ou du commerce, pouvaient conduire au but proposé ; il n'y avait
rien d'inconséquent, rien de dangereux à faire refluer sur les navires
du commerce tous les prétendants aux grades militaires avant de les
avoir obtenus: ce serait une perspective commune à tous, et cependant
ils exerceraient utilement, pour eux-mêmes et pour la chose publique,
une profession distincte de celle des armes; ils n'y porteraient pas des
prétentions anticipées et, en passant de l'une à l'autre, leur
avancement effectif satisferait leur ambition ; au lieu que le grade
inutile d'enseigne de vaisseau, prodigieusement multiplié par le projet
de décret, ne fera que tourmenter la vanité sans assurer à aucun des
titulaires un état solide, ni dans l'armée, ni dans le commerce. Enfin
dans ce système je vois un objet des motifs, des moyens conséquents: ce
n'est pas à mon avis la meilleure organisation militaire; elle vous
expose à des risques; mais on peut la défendre avec avantage, on peut
l'améliorer, elle n'offense ni les principes de
Aucun de ces avantages ne se trouve dans le plan qu'on vous propose ; il est, comme je l'ai dit, inconséquent à son objet qui est de lier les deux marines; il n'en fait qu'une qui est toute militaire, et ce grade d'enseigne, distribué à tous dès le début, donue des espérances et des prétentions qui ne peuvent plus être satisfaites que pour un petit nombre; il tient dans une longue attenta les titulaires; et, en décourageant les plus impatients d'obtenir leur avancement, il répand une sorte de démérite sur ceux qui vieillissent sans y parvenir. Le capitaine de navire, qui peut être aujourd'hui, à 50 ans, un homme distingué comme navigateur et comme citoyen, quoiqu'il n'ait aucun grade militaire, parce qu'il ne les a jamais recherchés, sera réputé un homme très médiocre, si étant fait enseigne de vaisseau à 20 ans, il n'est pas lieutenant à 40 ; et cependant combien y en aura-t-il quisne pour ront pas y parvenir? Gomment empêchera-t-on que, dans le grand nombre de jeunes gens qui seront reçus aspirants, il n'y en ait qui se vouent obstinément à la carrière militaire, et qu'ils n'obtiennent au concours, par une instruction plus soignée, la préférence sur les navigateurs commerçants ? Ce n'est donc pas leur avantage, c'est encore moins celui de l'Etat qu'on vous propose, c'est une innovation bizarre et dangereuse, provoquée d'une part par des prétentions inconsidérées, et de l'autre par les écarts de la popularité. {Murmures.)
Le plan très populaire que je viens aussi de vous indiquer, mais qui ne me i araît pas le plus militaire, prévient toutes les objections, toutes les observation» faites et à faire à l'appui des prétentions des navigateurs commerçants; celle qui fournit le plus à l'argumentation est la circonscription de tous les marins, qui les assujettit à un service militaire, et qui leur donne droit con-séquemment aux titres et aux honneurs militaires. Je ne conteste point cette proposition, mais je l'explique dans le sens naturel, dans le seul sens raisonnable qu'elle puisse avoir.
Certainement l'homme qui remplit un service militaire doit participer aux avantagés, comme il participe aux charges et dans la même proportion. Si son service est continuel, c'est alors son état, sa profession, .et il convient de lui assurer le complément des avantages de cette profession, de manière que nul autre ne soit mieux traité à mérite égal ; si le service est instantané, il faut deux choses pour être juste avec celui qu'on soumet par intervalle à un tel service, lui laisser la liberté et les moyens de quitter ou de poursuivre sa carrière, lui assurer une somme d'avantages équivalente à la nature et à la durée de son service; si ces conditions peuvent être remplies pour les capitaines et officiers marchands, et se concilier avec une bonne organisation militaire, ils n'ont pas à se plaindre.
Il est juste que les capitaines de navires aient le rang d'officiers dans l'armée navale, aussitôt qu'ils y sont appelés. Il est juste que ceux qui auront servi en cette qualité en obtiennent le brevet, et qu'ils aient les moyens de poursuivre la carrière militaire, en se présentant au concours pour les places de lieutenants entretenus. Il est juste que tous les navigateurs du commerce qui se sont distingués à la guerre par des actions éclatantes obtiennent dès ce moment-ci tous les grades, toutes les récompenses auxquels ils ont droit; mais aussi il n'y a que cela de juste, le reste est inutile ou dangereux.
Et que l'on ne croie pas qu'en éloignant toute autre prétention, je nuise à la considération qu'il convient d'accorder à l'état de capitaine de navire; c'est ce qu'on vous propose qui nuirait le plus à cette classe en général, en en favorisant quelques-uns. Il est de toute évidence qu'aussitôt que la profession de marin sera réputée uniquement militaire, ceux qui ne pourront dépasser le grade d'enseigne de vaisseau, auront dans la navigation marchande et dans l'armée navale, l'existence la plus subalterne. Il en serait de même pour les gardes nationales, si on leur donnait des grades communs, si on les admettait en concurrence pour les emplois soldés avec les troupes de ligne: le grand art du législateur est d'assigner à chaque état la considération qui lui est propre, et de n'en soumettre aucun aux préjugés, aux prétentions d'un autre état ; mais le plus grand des dangers pour la liberté, la vue la plus funeste qu'on puisse avoir en politique, est d'attribuer à une seule profession, celle des armes, par exemple, la mesure des honneurs et prérogatives qui peuvent appartenir aux autres; ainsi, en Russie, les grades militaires sont l'échelle commune de tous les rangs de l'état civil: un juge, un médecin, un avocat, obtiennent le rang de capitaine, le rang de major, et en Tmv quie, on sait qu'il faut être janissaire pour être quelque chose.
C'est ainsi.que vous courez le risque, par cette manie des rangs, des honneurs militaires, transportés hors de leurs sphères, de dénaturer votre Constitution, d'altérer les formes et les principes du gouvernement, et d'arriver à un gouvernement militaire le plus détestable, le plus tyran-nique de tous.
Voilà où vous conduit le projet de votre comité, en transportant, dans les navires et les ateliers du commerce maritime, l'esprit et les prétentions de la marine militaire. Voilà les produits de la vanité, revêtue des enseignes de la philosophie.
Sans doute que les navigateurs marchands, les capitaines de navire doivent jouir dans toute leur plénitude des avantages de la nouvelle Constitution.
Leur état doit s'annoblir de toute la dignité qui appartient désormais
aux citoyens libres. Un capitaine de navire est sous plusieurs rapports
un fonctionnaire public ; il a la police de son équipage ; il doit avoir
sur son vaisseau le caractère et l'autorité de juge de paix. Voilà sa
dignité, son rang comme marin commerçant. La patrie réclame-t-elle ses
services, c'est alors un officier de l'Etat, un ofticier militaire qui
doit prendre rang avec ceux entretenus ; veut-il poursuivre cette
carrière? Elle doit lui être ouverte ; ses talents, ses services doivent
entrer en concurrence avec tous les autres; rentre-t-il dans l'état
civil? C'est un citoyen de l'armée auxiliaire qui reprend ses
occupations de paix et d'industrie, et qui laisse dans les camps, dans
La circonscription maritime, dont on veut se faire un titre pour donner un grade militaire permanent à tous les marins, ne peut être distinguée à cet égard de la circonscription générale à laquelle sont soumis aujourd'hui tous les Français, où ce qu'elle a de particulier est indestruc-tiblement attaché à la profession de marin, les gens de mer étant les seuls qui puissent labourer et défendre le champ de leur industrie et de leurs moissons.
Je vais vous rendre ceci plus sensible par cet exemple.
Supposez sur l'une des frontières de la France une mine qui eu fait la richesse, exposée à l'invasion de l'ennemi, les habitants de cette frontière sont tous entrepreneurs ou employés dans l'exploitation de la mine, ils ont une part au profit, et l'autre part appartient à la nation qui entretient constamment un camp pour la garde de la mine : l'ennemi arrive, tous les mineurs, entrepreneurs, artistes et ouvriers sont appelés pour renforcer la garde du camp, et chacun est placé suivant son rang et son intelligence parmi les troupes de ligne.
L'ennemi se retire, la garde militaire rentre dans son camp, et les mineurs retournent à leurs travaux. Ceux qui ont fait de belles actions, ou qui montrent de l'aptitude au service militaire, sont admis au concours pour les emplois vacants. Mais il reste une démarcation naturelle et nécessaire entre les exploiteurs de la mine, servant temporairement dans le camp, et ceux qui l'habitent toujours. Que direz-vous maintenant, si l'on prétendait vous prouver qu'il n'y a point d'autre camp que la mine, et qu'il ne faut point d'autres gardes que le3 mineurs? Voilà cependant ce qu'on vous propose, et les grands mots d'aristocratie, de Constitution, d'égalité de droits, qui se prêtent à tout, viennent à l'appui de3 sophismes.
Telles sont, Messieurs, les vérités que je vous devais. Contradicteur depuis longtemps, et sur plusieurs points, de l'ancien régime de la marine, j'en connais tous les abus, et je ne les dissimulai jamais. Vous ferez bien de les réformer, vous ferez mal de détruire le corps militaire. Quoi qu'on puisse tvous dire, vous n'en remplacerez pas facilement l'instruction. Laissez au commerce son esprit, ses mœurs, ses habitudes ; laissez à l'état militaire une sorte de fierté nécessaire; mais défendez-vous de so.n influence sur l'état civil : ne dédaignez pas le3 principes, les exemples de l'Angleterre, de la Hollande; leurs institutions navales doivent avoir pour vous plus d'autorité que les discours de vos orateurs. Quand on vous dira qu'on peut supprimer les intendants de marine, ou les remplacer par d'autres employés, je ne m'y opposerai pas; car je suis convaincu qu'on peut toujours se passer d'un homme et d'une place. Mais quand on vous propose de tout changer, de tout bouleverser dans le système de l'armée navale, tous les hommes sages et qui ont quelque expérience des choses maritimes doivent se réunir pour vous préserver de cette grande erreur.
Hé quoi! au milieu des esprits ardents qui vont toujours en avant, n'en trouverons-nous plus qui sachent douter, qui accordent à ceux qui nous ont précédé le mérite de quelques vues raisonnables ? Sommes-nous donc les seuls sages, les seuls habiles dans l'art du gouvernement, dans les moyens de conquérir et de con- server la liberté? Souvenez-vous, Messieurs, que son point de contact, avec votre système militaire, est la pierre angulaire de l'édifice, et que l'armée navale est précisément la partie de la force publique que vous pouvez le plus vigoureusement constituer, 6ans qu'il en résulte aucune atteinte pour la liberté; car elle n'agit et ne peut agir qu'au dehors.
Instituez donc l'armée navale comme l'artillerie et le génie, puisque les mêmes études et de plus étendues sont nécessaires à la navigation militaire.
Ayez non seulement des écoles gratuites pour tous les marins, mais des écoles militaires dans les grands ports.
Instituez des élèves ou aspirants en nombre limité; qu'il soient admis au concours; qu'après le temps de navigation prescrit, ils passent encore au concours pour Je grade d'enseigne; que tous les officiers du commerce aient la liberté de se présenter aussi à ce concours.
Que tous les capitaines de navires aient le rang d'officiers dans l'armée quand ils y sont appelés; qu'ils conservent le brevet d'enseigne quand ils en ont rempli le service, mais non autrement.
Que tous ceux qui ont été oubliés, qui ont droit à des récompenses, soient honorablement traités.
Voilà mon avis, et je vous propose en conséquence pour premier article du décret, celui-ci :
« Art. 1er. Le corps militaire de la marine
de France sera composé des amiraux, vice-amiraux, contre-amiraux,
capitaines, lieutenants, enseignes de vaisseaux, officiers mariniers,
canon-niers entretenus, et d'un nombre d'aspirants déterminé, lesquels
ne recevront une solde que lors de leur embarquement sur les vaisseaux
de l'Etat.
« Art. 2. Il y aura des écoles gratuites pour les marins dans tous les norts, et des écoles militaires navales à Brest, à Toulon, à Rochefort.
« Art. 3. Les navigateurs du commerce et les officiers mariniers pourront, ainsi que les aspirants, après un temps de navigation déterminé, concourir pour les places d'enseignes de vaisseaux. (Applaudissements. )
(L'Assembiée décrète l'impression du discours de M. Malouet et renvoie à demain la suite de la discussion.)
La nécessité s'impose d'accélérer la libération de la dette publique. Je demande donc que les travaux du comité central de liquidation soient mis à l'ordre du jour de toutes les séances du matin, notamment le jeudi et le dimanche. Il importe que ces travaux et ces rapports soient très connus et que cet objet qui doit influer sur la Constitution et sur l'extinction de la dette publique soit fait avec autant de publicité que de promptitude.
Nous avons été envoyés pour deux objets: la Constitution et les finances ; nous devons nous occuper de tous deux avec un soia égal.
Je demande que les rapports du comité de liquidation soient mis à l'ordre de tous les jours et de toutes les séances.
(La motion de M. Camus est décrétée.)
Je reçois une lettre de M. Amelot, commissaire du roi au département de la caisse de l'extraordinaire.
Cette lettre est aiusi conçue :
« Paris,
« Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous adresser copie du compte de la caisse de l'extraordinaire à l'époque du 31 mars dernier. Quoiqu'il soit à l'impression depuis le 10 de ce mois, j'ai lieu de craindre quil ne puisse être achevé de plus de huit jours. Je me suis en conséquence déterminé à mettre cette copie sous les yeux de l'Assemblée; et, pour satisfaire plus promptement au désir qu'elle doit avoir d'en connaître le résultat, je joins ici un résumé très succinct qui lui présentera les progrès des diverses recettes de la caisse de l'extraordinaire et l'état des remboursements.
« L'Assemblée nationale 'apprendra sans doute avec plaisir qu'au moyen des mesures prises en exécution des articles 7 et 8 du titre II de la loi du 15 décembre dernier, les espèces sonnantes reçues par les receveurs de districts pour le compte de la caisse de l'extraordinaire et dont ils ont adressé les bordereaux depuis le 1er du mois dernier jusqu'à ce jour compris, s'élèvent à la somme de 2,488,250 livres dont le service du Trésor public a été aidé dans les départements au moyen des rescriptions des receveurs de la caisse de l'extraordinaire.
« Je suis,etc...
« Signé : AMELOT. »
Voici le résumé du tableau joint à la lettre de M. Amelot :
Les domaines nationaux ont produit jusqu'au 30 mars, savoir :
Les fruits, depuis le
1er janvier 1791..............8,889,698 1. 6
s. 6 d.
Les capitaux, depuis la même époque............45,971,552 7 »
Les recettes extraordinaires............................193,386 » 9
Total......... 55,054,636 1. 15 s. 5 d.
Il a été brûlé jusqu'à la fin de mars 42 millions d'assignats; le 1er avril 10 millions, le 8 avril 6 millions
et le 14 avril 10 millions. En total 68 millions d'assignats brûlés.
La contribution patriotique, produite jusqu'au 31 mars, est de 35,213,800 1. 3 s. 11 d. dont le Trésor public a touché à compte sur les 35 millions ordonnés devoir lui être versés, par la loi du 15 décembre.............. 33,525,885 9 10
De sorte qu'il ne lui revient que.......... 1,687,320 1. 14 s. 1 d.
Un membre du comité d'aliénation propose un net de décret portant vente de biens nationaux iverses municipalités.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait, au nom de son comité d'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites par les municipalités ci-après, déclare vendre aux-dites municipalités les biens nationaux compris dans lesdites soumissions, et ce, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790.
Département de l'Oise.
A la municipalité de
Formerie, pour..............26,456 1. 5 s. 8 d,
A celle de Roy-Boissy 37,150 A celle de Ghoisy-au-Bac....................................84,749
A celle de Glairoix.. 7,591 A celle de Longueilsous-Tourotte................40,524
A celle d'Allercy.... 660,586 4
Département de la Haute-Marne.
A la municipalité de Sommermont.........5,531 18 2
Département de Maine-et-Loire.
A la municipalité de Vernantes............ 84,725 »
Département d'Indre-et-Loire.
A la municipalité de Tours................ 19,286 19 »
Le tout payable de la manière déterminée par le susdit décret du 14 mai 1790. »
(Ce décret est adopté.)
lève la séance à trois heures.
Opinion de M. Barrère (1 ), député du département des Hautes-Pyrénées, sur la dictature ministérielle proposée par le comité de Constitution dans le projet de décret sur l'organisation du ministère (2).
Messieurs, si je pouvais penser qu'une Assemblée d'hommes ordinaires pût
adopter les articles
Mais je parle à des représentants d'une nation à la liberté de laquelle il n'est plus possible d'attenter et je demande que vous ne délibériez pas sur la proposition qui vous est faite.
En m'élevant contre les articles du comité, je crois défendre la liberté civile, empêcher qu'on déshonore la Constitution par une tyrannie absurde, et qu'on avilisse même le pouvoir exécutif par la concession d'un droit aussi dangereux, aussi funeste pour lui-même que pour la nation. Du moins, dans la Constitution, les ministres du roi ne doivent être armés que d'une sévérité indispensable, d'une autorité responsable et limitée. Officiers nécessaires d'un pouvoir légitime, ce n'est que par leurs propres abus qu'ils peuvent exciter l'indignation et les plaintes publiques; mais, dans le système du comité, les ministres peuvent facilement devenir odieux par la seule autorité qu'il leur concède; ils peuvent donner des ordres injustes; ils peuvent, à chaque instantj devenir les instruments d'une violence arbitraire et d'une tyrannie insupportable.
Sans entrer dans le détail des abus innombrables d'autorité auxquels le système du comité peut donner lieu, il me suffira de prouver que le droit que le comité de Constitution veut donner au ministre de la justice est inconstitutionnel, immoral, inutile et surtout dangereux et destructif de la liberté civile et de la liberté de la presse.
Et d'abord, il est inconstitutionnel. En effet, on vous propose d'ériger un ministre en juge de paix, c'est-à-dire de le faire participer aux fonctions judiciaires.
Quel est donc cet homme qu'on appelle à cette magistrature vraiment^0j0uZa«-é?? C'est un ministre du roi, ou plutôt le roi responsable; etcependant la Constitution défend au roi l'exercice du pouvoir judiciaire.
Du moins, dans les justices de paix, la Constitution a voulu que ces juges changeassent tous les deux ans, pour corriger, pour tempérer la grande autorité des juges de paix : ici, au contraire, ces fonctions dureront autant que celles du ministre, c'est-à-dire qu'elles seront perpétuelles comme le ministère. } Dans les justices de paix, un canton suffit à l'autorité d'un juge; ici, au contraire, le royaume entier n'est qu'un canton pour le ministre de la justice.
Dans l'ancien régime, 20 ou 30 bastilles suffisaient pour enfermer les
citoyens dénoncés au despotisme. Sous le règne de la liberté, comment
peut-on faire du royaume une seule et vaste prison d'Etat? Certes, si le
comité avait voulu rendre le ministère odieux par une concession aussi
extraordinaire, j'admirerais son ouvrage: il aurait atteint son but. Mais
s'il a cherché à consolider, àaugmenter le pouvoir ministériel, en lui
donnant l'effroyable droit d'attenter à la liberté des citoyens, dans toute
l'étendue du royaume, il faut
Il faut surtout le proscrire, lorsqu'on voit que le comité a couvert d'un nom respectable, l'énorme pouvoir qu'il donnait au ministre; lorsqu'on voit que, pour lui donner le droit de délivrer les mandats d'amener et d'arrêt, il a cru devoir lui conférer le caractère et le nom de juge de paix. On était en peine, sans doute, du mode par lequel on transmettrait cette dictature au ministre, et on l'a déguisée sous l'autorité du juge de paix. C'est là une profanation d'un nom sacré, c'est une subversion intolérable de fonctions et de principes.
Le système du comité est inutile. Quel en est l'objet ? La sûreté de l'Etat et la personne du roi. Eh! qu'avons-nous besoin des ministres du roi pour que l'Etat soit en sûreté? Il est curieux de voir que les défenseurs des Empires, les surveillants des ennemis de l'Etat soient les ministres. D'ailleurs, est-ce au milieu des gardes nationales, des tribunaux, des assemblées administratives répandues sur toute la surface du r oyaume, que la sûreté de l'Etat réclame la vigilance d'un seul homme absorbé par des détails journaliers d'exécution et de correspondances législatives? Voyez même ce qui se passe au sein d'une révolution longue et orageuse ; voyez ce qui s'est passé au milieu d'une anarchie inévitable quand on fait une Constitution : les ministres étaient heureusement sans pouvoir; mais les fonctionnaires du peuple, mais les bons citoyens veillaient, «t la sûreté de l'Etat n'a pas été un instant compromise.
Si nous examinons ce qui concerne la personne du roi, je rappellerai une journée malheureusement trop célèbre. Lorsque, le 28 février, on trouva dans le palais du roi des hommes couverts d'armes de toute espèce, où étaient alors les
ministres?..... Et sans le courage prudent des
gardes nationales, que seraient devenus le roi et la Constitution? Parlera-t-on encore de la sûreté du roi? N'est-il pas défendu par tous les amis de la Constitution et des lois? Si quelqu'un voulait attenter à sa sûreté, ne verrait-on pas s'élever contre lui autant de plaintes qu'il y aurait de fonctionnaires publics, ou plutôt de Français? Mais d'ailleurs, quoi de plus rare que ces crimes contre la sûreté de l'Etat ? Et si, au milieu de nos nombreux accusateurs publics, au milieu du cortège nombreux des commissaires du roi, avec le secours imposant des tribunaux criminels, d'une haute cour nationale et des procurateurs de la nation, on se plaignait encore de l'insuffisance des moyens, il faudrait croire que la France ne serait remplie que de rebelles, de factieux et de Catilinas; il faudrait croire qu'un pays où les mœurs sont douces, où la Constitution a éloigné toutes les ambitions folles ettous les projets incendiaires, ne serait plus aujourd'hui que la patrie des conjurations, que le repaire de vils conspirateurs : Et alors il faudrait armer toutes les mains de mandats d'arrêt et de mandats d'amener. Mais ce serait là faire une supposition aussi honteuse et aussi fausse qu'elle est injurieuse à la nation. Concluons que la nouvelle autorité dont on voudrait armer le ministre de la justice est un instrument inutile. J'ajoute qu'il estimmo-ral.
En créant ce pouvoir, vous entoureriez le ministre de la justice de pièges de
toute espèce,, de rapports infidèles, de délations absurdes; vous exposeriez
cet officier royal, dont tous les pas doivent être marqués par la sagesse, à
violer
Une cause d'immoralité se présente encore, elle est prise de la responsabilité même dont on veut tirer un argument favorable au système du comité. Le ministre étant exposé à des réparations et à des dommages-intérêts envers le citoyen qu'il aura imprudemment ou faussement accusé, amené ou arrêté, pourrait être partagé entre le calcul et la tentation de la subornation des témoins, et sa condamnation à des dédommagements considérables.
Que sera-ce si l'on ajoute à cette arithmétique immorale le calcul de l'amour-propre et de toutes les passions qui circonviennent un ministre? Voilà cependant ce qu'aura produit la délégation imprudente d'une autorité vraiment étrangère aux fonctions et aux devoirs des ministres du roi. Je soutiens enfin que ce pouvoir qu'on ose proposer pour le ministre est un des plus dangereux.
Que sous l'empire corrompu de l'ancien gouvernement on ait trompé les rois, même les mieux intentionnés, au point de leur persuader que les prisons d'Etat et les ordres arbitraires qui les peuplaient, sont un accessoire inséparable du gouvernement et un instrument nécessaire au maintien de l'ordre public comme à celui de la Couronne, il n'y a là rien qui puisse surprendre. Il suffit de connaître l'avilissement cruel des hommes de cœur et la servitude insolente des anciens ministres ; mais qu'on veuille persuader à des représentants du peuple, à l'Assemblée nationale qui a proscrit à jamais les ordres arbitraires, qu'on veuille lui persuader qu'il importe à la sûreté de l'Etat et de la personne du roi, de donner à un seul homme, souvent choisi par l'intrigue, quelquefois par l'opinion publique, mais jamais par le peuple, un droit terrible sur la liberté et l'honneur de tous les citoyens, un droit que l'Assemblée nationale frémirait elle-même d'arroger à un de ses comités le plus nombreux, c'est ce qu'il est incivique de penser, et qu'il est nécsssaire de proscrire par la question préalable sur les articles inconstitutionnels proposés par lecomité de Constitution.
Non, Messieurs, il n'est pas permis à l'Assemblée nationale de puiser dans la source des pouvoirs du peuple, pour les transporter sur la tête d'un ministre. Le droit de nommer des juges de paix appartient constitutionnellementau peuple; c'est à lui d'élire des fonctionnaires chargés des fonctions judiciaires; c'est à lui de désigner ceux qui auront le droit de décerner des mandats a amener et des mandats d'arrêt. C'est par un tel principe que vous avez décidé, il y a peu de jours, que vous ne pouviez déléguer au Corps législatif le droit de nommer le régent dans cer- tains cas, parce que, disait M. Thouret, ce droit appartient au peuple et ne peut lui être ravi. J invoque, contre le comité, les principes du comité lui-même.
Mais à ce principe, il s'en joint un autre aussi impérieux ; le voici : Il n'y a ni Constitution ni liberté dans un pays où il est permis au roi ou à ses ministres (ce qui est la même chose) de frapper directement un citoyen; un pays où le roi et les ministres peuvent sévir contre des citoyens qui lui sont dénoncés, autrement qu'en ordonnant à ses commissaires dans les tribunaux, ou aux accusateurs publics de les poursuivre devant les juges avec les formes légales.
C'est surtout dans les cas où un citoyen serait dénoncé au gouvernement pour avoir attenté à la sûreté de l'Etat, que doit être circonscrite l'autorité ministérielle par le grand principe que je viens d'établir ; autrement le moindre écrit accusé d'être incendiaire sera puni par le mandat d'arrêt, et voilà une censure effrayante s'élevant dans le royaume, ou plutôt l'anéantissement de la liberté de la presse.
La défense énergique de la Constitution et de la liberté par un citoyen généreux, la dénonciation à l'opinion publique d'un corps ou d'un citoyen, ou d'un fonctionnaire public plus voué au gouvernement qu'au maintien de la Constitution, sera aux yeux du ministre un trouble apporté à l'ordre public, ou un attentat à l'autorité des corps ou du repos des citoyens4 qui font la sûreté de l'Etat, et voilà l'anéantissement de la liberté civile.
Dans l'ancien régime, l'honneur des familles, l'autorité des pères, la sûreté publique, le respect dû à l'autorité, étaient les motifs des proscriptions ministérielles. A ces noms sacrés, les bastilles s'ouvraient ; les formes légales eussent été trop lentes. Aujourd'hui tout sera crime de lèse-majesté ou de lèse-nation. La liberté civile sera violée toutes les fois qu'on voudra prononcer ces mots : sûreté de l'Etat, sûreté de la personne du roi.
Du moins sous le gouvernement si regretté des bastilles, et sous le régime si juste des lettres de cachet, on n'arrêtait presonne sans avoir observé une espèce de formalité; on consultait un intendant; on faisait informer secrètement par un subdélégué ; on demandait le vœu des familles. Ici, c'est un homme seul, sans procédure préalable, sans examen intermédiaire ; c'est uu ministre à qui l'on donne pouvoir d'attenter à la liberté d'un citoyen, de le faire traîner du fond du royaume avec la prévention du crime etl'appareildesscélérats.Quelleidée s'est-on donc formé des droits du citoyen ? N'obéissant, comme tous les pouvoirs, qu'à la loi seule, fort de sa liberté et de son égalité politique, la volonté générale peut seule l'atteindre par les formes qu'elle a établies et dans les cas qu'elle a déterminés. Mais comment déterminer tous les cas où un ministre pourra lancer ses mandats d'arrêt ; ses mandats d'amener ? Gomment livrer à un seul homme, non élu par le peuple le droit de disposer de la liberté de ce même peuple, dans des cas indéterminés et avec des dispositions vagues et arbitraires? Gréez donc des dictateurs, des vizirs, oubliez la Constitution française.
Oubliez surtout cette sublime et touchante institution des juges de paix,
cette magistrature vraiment paternelle, établie, pour ainsi dire, sur les
foyers de chaque citoyen, et dont chaque citoyen reçoit tous les jours
l'influence en bé-
3uoi revêtir une lieutenance générale de police es couleurs populaires? Je ne dirai pas qu'avec le beau titre déjugé de paix, et ce terrible pouvoir d'arrêter et d'amener d'un bout du royaume à l'autre, le ministre de la justice pourra donner des entraves à la justice même; qu'un grand coupable sera soustrait au jugement des tribunaux établis sur les lieux; que les juges du peuple seront paralysés par les ordres naturellement et inévitablement arbitraires. . Je sais qu'on m'oppose la responsabilité, ce frein utile si souvent écrit dans nos lois, si rarement employé dans nos tribunaux ; mais j'y aperçois un danger de plus pour la liberté et pour les vertus civiques. Le ministre livre un mandai d'arrêt ; le ministre peut être trompeur ou trompé dans l'expédition de ce mandat. L'accusé innocent réclame une réparation, une indemnité. N'y aura-t-il pas quelque ministre qui calculera entre les indemnités qui peuvent être prononcées et la corruption des juges et des témoins? Je m'arrête : ce crime ne serait pas celui du ministre, ce serait celui de l'autorité dont la Constitution l'aurait investi. Epargnons des crimes à la loi ; je conclus à la question préalable sur les articles proposés par le comité de Constitution.
Séance du
La séance est ouverte à six heures et demie du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresse des municipalités de Rive-de-Gier et des communautés voisines, qui remercient vivement l'Assemblée de la suppression des aides.
Adresses de la garde nationale de Ronfleur, de celle de Longwy et de la Société des amis de la Constitution établie à Amiens, qui, pénétrées d'une douleur profonde au sujet de la mort de M. de Mirabeau, ont fait célébrer en son honneur un service solennel.
Adresse de MM. Sauer et Briatte, tendant à offrir à la nation la découverte de la ductilité et de la malléabilité du métal des cloches, et de sa conversion en monnaie, à très peu de frais. L'Assemblée en ordonne le renvoi au comité des monnaies, pour en rendre compte avec les autres offres qui ont été faites à ce sujet.
Adresse du sieur De fer, concessionnaire du canal destiné à conduire les eaux
de V Yvette à Paris; il se plaint de l'interruption de cette entreprise,
occasionnée par les violences des communautés riveraines, qui ont détruit
une partie des travaux commencés, ont comblé plusieurs parties exécutées et
coupé ou arraché 7,000 pieds d'arbres qui garnissaient les francs bords du
canal. Il demande d'être autorisé par l'Assemblée nationale à poursuivre
l'entreprise du canal de l'Yvette et, quedès ce moment, les constructions,
planta-
(L'Assemblée renvoie cette adresse au comité d'agriculture et de commerce, pour que, d'après les renseignements qu'il recevra du département de Paris, il puisse rendre compte de cet objet.)
Adresse des membres composant le district de Pont-à-Mousson, qui annoncent qu'ils ont fait célébrer un service solennel pour le repos de l'âme de M. de Mirabeau.
Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Clermont, qui assure l'Assemblée qu'elle usera de vigilance et d'activité pour déjouer le* projets et les trames contre la patrie.
Adresse des électeurs du district de Cusset, qui ont repoussé une factionxle 13 curés, réfractaires à la loi du serment.
Suit un extrait de cette adresse :
« Nous venons d'effacer la honte qu'une faction de 13 curés, réfractaires à la loi du serment constitutionnel, s'efforçait de répandre sur un district vraiment patriotique. Sans doute la plupart de ces insermentaires n'ont été égarés que par l'influence d'un mauvais voisinage. Cependant après avoir vainement attendu aussi longtemps que la prudence pouvait le permettre, que la réflexion et l'exemple de nos prêtres citoyens amenassent à résipiscence ces aveugles ou perfides dissidents, on leur a enfin donné pour successeurs des vicaires éprouvés, de mœurs pures, d'un caractère ferme, et qui les feront bientôt oublier.
« Qu'elle paraisse maintenant cette bulle ultra-montaine, fabriquée avec des intentions si perverses dans les fallacieux bureaux du Vatican, tous nos fonctionnaires publics sont prêts à la combattre avec les armes d'une saine doctrine,
et nous, à la fouler aux pieds.....Ils sont passés
ces temps où des prêtres fanatiques, l'œil en pleurs, le visage en convulsion, montrant une poitrine desséchée, un crucifix en main, entraînaient sur leurs pas un peuple trop crédule.
« Nous ne respirons plus que l'égalité et la liberté que nos représentants nous ont donnée...
« C'est surtout dans les campagnes que la Constitution nouvelle a fait de rapides progrès. Ce sont ces hommes que l'orgueil flétrissait du nom de paysans et de vilains, qui ont embrassé avec le plus d'ardeur cet immortel et sublime ouvrage. C'est là qu'ea dépit des détracteurs intéressés, vous trouverez autant de défenseurs de vos lois qu'il y a d'individus...
« Quelques dévotes abandonnées du monde pourront encore se laisser attendrir, mais fanatiques et dévotes seront conspués et chassés par nos seuls enfants; et nous vous jurons que nous mourrons plutôt que de laisser porter la moindre atteinte à la personne de nos représentants, ou aux lois bienfaisantes qu'ils ont si courageusement substituées au régime le plus barbare et le plus oppresseur. »
M. Poinçot, libraire, rue de La Harpe, demande à offrir à l'Assemblée nationale sa belle collection des œuvres de J.-J. Rousseau.
est admis à la barre et dit :
« L'hommage que la nation française a rendu à l'auteur du Contrat social
était digne d'elle et de lui. C'était aux régénérateurs de notre Empire
qu'appartenait le droit d'apprécier le génie de Rousseau. Le monument le
plus durable de sa gloire sera [sans doute celui qu'il s'est élevé lui-
(L'Assemblée accepte l'hommage de M. Poinçot et lui accorde les honneurs de la séance.)
docteur en médecine, est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage sur l'art des accouchements.
(L'Assemblée lui accorde les honneurs de la séance.)
Les sieurs Mangtn et Corbet sont admis à la barre et présentent un plan d'une très grande partie de la ville de Paris.
(L'Assemblée leur accorde les honneurs de la séance.)
Un de MM. les secrétaires continue la lecture des adresses :
Adresse du juge de paix et de ses assesseurs du Pont-Saint-Esprit. Ils informent l'Assemblée que, depuis trois mois qu'ils sont en activité, ils ont rendu 184 jugements, presque tous au gré de toutes les parties, rédigé 7 verbaux en bureau de conciliation, et le j uge de paix en son particulier a terminé 54 affaires.
Délibération de la municipalité de la Fère : elle a arrêté qu'il sera célébré un service pour M. de Mirabeau et qu'elle portera le deuil pendant huit jours.
Lettre de M. Diot, curé de Vendresse, qui a été élu à l'évêché métropolitain de la Marne.
Adresse de la municipalité de Gannat ; elle annonce que de 70 cures qui se trouvent dans l'étendue du district de Gannat, trois seulement sont vacantes par le refus de serment.
Adresse des officiers municipaux de Beaucaire, qui dénoncent les démarches réptéhensibles de M. Dulau, ci-devant archevêque d'Arles.
(L'Assemblée renvoie cette adresse et les pièces y annexées aux comités ecclésiastique et des recherches réunis.)
député extraordinaire de la ville de Toulousey est admis à la barre et dit :
« Aujourd'hui que la fureur des ennemis de la patrie a fait couler dans nos murs le sang des citoyens qui ont si bien servi la cause delà liberté, les larmes que m'arrache encore ce sinistre événement étouffent ma plainte, et ma douleur deviendrait encore plus profonde, lorsque, attachant nos regards sur la fatalité des circonstances, je ne pourrais me défendre de la perspective de quelques nouveaux revers si, nous ayant toujours témoigné le désir de les prévenir, vous ne nous donniez pas de nouvelles preuves de votre bienveillance.
« Excédés du nombre de privilégies dont 1 arrogance étouffait depuis longtemps, dans la ville de Toulouse, tout germe d'industrie, nous n'avons pas été plus tôt ralliés au cri de la liberté, que vous avez fait entendre, que indignés de la lâcheté et de la perfidie des membres de la ci-devant noblesse, qui ont abandonné les intérêts de leur pays par une désertion de notre assemblée. Dans le pre- mier conseil général renforcé que nous avons pu faire tenir sous l'ancien régime, nous avons demandé, au mois de novembre 1789, le remplacement, au moins pour la ville de Toulouse, des députés que là sénechaussée entière aurait dû désavouer. Cependant, accablés alors par le nombre des iraprobateurs de vos travaux, nos espérances ont été deux fois trompées.
« Mais depuis que des administrateurs choisis par le peuple ont pu se livrer à tout ce que la cause publique doit se promettre de vos principes, Toulouse, malgré ses pertes incalculables, qui semblaient devoir l'écraser, chaque jour plus distinguée par son civisme, a donné des exemples bien propres à lui assurer la considération que vos suffrages lui ont mérité. Je ne vous parlerai pa3 de 250,000 livres dont nous avons fait offre i t remise à la nation. Ces sacrifices sont modiques auprès de ceux que nous avons multipliés pour nous assurer l'inestimable bienfait de la régénération nationale. Daignez prendre en considération l'épuisement absolu de nos finances. Le système des contributions publiques nous fait craindre la perte des octrois, unique base à Toulouse des revenus municipaux.
« Toulouse a fait de grandes dépenses pour la Révolution; elle espère que, lorsqu'il s'agira de faire des répartitions d'indemnité, vous prendrez son état en considération. Cette ville située au midi de la France, à une égale distance des deux mers, pourrait obtenir divers établissements d'éducation et d'industrie ou de commerce. J'observerai aussi que, relativement à l'usage que l'on peut y faire des nombreux établissements ecclésiastiques ou biens nationaux, il a été fait, jusqu'à ce moment, des ventes de presque tout ce qui est disponible à l'usage des particuliers.
« Dans le nombre des moyens qui sont à votre disposition pour réparer nos pertes, il y a des objets relatifs à l'éducation publique qui, dans tous les siècles, ont si honorablement distingué cette cité que vous avez particulièrement rendue encore plus recommandable par vos éloges. Les Toulousains, loin de négliger les sciences et les arts au milieu des convulsions de la Révolution, s'en sont occupés avec un grand intérêt : ils ont offert aux parties méridionales de l'Empire les ressources pourl'enseignementpropreàlamarine, à l'artillerie et au génie, que des calculs ministériels avaient relégués à Alais et à Vannes. Ils ont ouvert des cours publics de langues, qui accéléreront, dans les autres parties du globe, les rétablissements des droits de l'homme et des nations.
« Vous avez applaudi à ces élans vraiment utiles, et vous nous avez fait espérer que les institutions de ce genre ne seront pas éphémères. Vos décrets ont été enseignés dans des séances publiques. La langue ou l'idiome du pays, si analogue à la douceur de ses habitants, leur prêtait un nouveau charme. L'Académie des arts a anéanti, par des règlements vraiment constitutionnels, les injurieuses classifications inventées par les privilégiés. Enthousiastes pour la Révolution, nous payerons à ses auteurs le tribut d'une reconnaissance éternelle par le civisme le plus inébranlable. » (Vifs applaudissements.)
répond : « Si l'Assemblée nationale connaît quelque délassement au milieu de ses travaux, elle le trouve dans les preuves de patriotisme qui lui sont offertes de toutes parts.
« Il est passé le temps ou chaque individu,
« Nous n'avons plus qu'un intérêt : c'est celui de la patrie; plus qu'une corporation, qu'une Commune; elle embrasse tous les Français ; elle fera plus, elle réunira tous les cœurs.
On dirait que, dans cette généreuse émulation qui anime tous les citoyens, ils s'attachent au bien commun par les sacrifices mêmes qu'ils lui
«^G'est à ce titre que l'Assemblée nationale aime à rendre justice aux citoyens de la ville de Toulouse.
« Dites-leur, quand vous retournerez parmi eux, que l'Assemblée nationale a applaudi a l'expression de leur zèle patriotique et de leur attachement aux lois; qu'elle a entendu avec intérêt le récit de ce qu'ils ont souffert et l'exposé de leurs besoins, et que, dans ses desseins pour la prospérité de la France, elle ne saurait oublier une cité importante et fidèle.
Je vous invite, au nom de l'Assemblée, à assister à la séance.- »
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de ce matin, qui est adopté.
L'ordre du jour est un rapport du comité d'agriculture et de commerce sur la profession de courtier et d'agent de change, de banque et de commerce.
au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, depuis longtemps, le commerce se plaint des abus qui existent parmi la généralité des agents de change, de banque et des courtiers de commerce, répandus dans la plus grande partie des villes de commerce du royaume. L'ancienne administration avait senti la nécessité d'y remédier; et, depuis dix ans, elle s'en occupait; mais la lenteur à faire le bien, les besoins d'argent toujours multipliés, et le combat continuel entre l'intérêt particulier et l'intérêt général, avaient empêché de prendre, à cet égard, le parti qui était le plus convenable pour l'intérêt public. On avait créé des offices d'agents de change en titre de finances; et la profession qui, par sa nature, était et devait être la plus libre, était enchaînée par l'intérêt fiscal.
C'est à nous, Messieurs, qu'il était réservé d'opérer, par le sage règlement que le commerce sollicite, le bien que l'ancien gouvernement n'avait pu faire.
Les offices de courtiers de change, en titre de finances, dont le montant avait été versé au Trésor public, que vous avez supprimés, ne sont pas les seuls qui existent dans le royaume. Il se trouve, dans beaucoup de villes de commerce, des courtiers particuliers qui sont avoués par les municipalités. 11 en est qui ont payé des rétributions pour leurs offices. Il y a des courtiers d'assurance, des entremetteurs, des affréteurs, des conducteurs, interprètes de navires, et beaucoup de ces offices qui ont été donnés par le grand amiral de France, avec et sans rétribution. Il est donc nécessaire de comprendre tous ces différents offices dans la suppression. Ceux qui auront droit à quelques remboursements produiront leurs titres, et auront leur recours contre qui il appartiendra. Les agents de change de Paris et de Lyon réclament des in- demnités qu'ils prétendent leur être dues. Votre comité d'agriculture et de commerce a pensé que c'était au comité de liquidation que les réclamations de cette nature devaient être portées, pour y être examinées, et statué sur son rapport.
Il est intéressant de faire cesser les abus de tous les privilèges, afin de réduire tous les courtiers sous une seule et même dénomination, et que tout particulier ne puisse se mêler de négociations, sans avoir reçu auparavant un caractère public. La sûreté du commerce le demande; l'intérêt social l'exige.
Plusieurs mémoires ont été fournis à votre comité, pour lui indiquer la forme des élections des agents et courti rs de change, et pour lui demander d'en fixer le nombre (1). Votre comité a pensé que l'élection serait contraire aux principes de la liberté générale, et particulièrement à celle du commerce. L'état d'agent de change est une profession de commerce; elle doit jouir de la liberté naturelle. Il faut que ceux qui se sentent les talents d'en exercer les fonctions, puissent s'y livrer; mais il convient de les assujettir à des formalités qui les mettent dans le cas de ne pas abuser de leur état, et qui donnent à l'exercice de leurs fonctions une authenticité où les parties contractantes puissent avoir recours dans l'occasion. C'est dans ces vues que votre comité vous propose un règlement général qui lui a paru nécessaire, et qui peut s'adapter à tous les courtiers et agents de change du royaume.
La manière d'opérer, soit en banque, soit en marchandise, n'étant pas la même partout, votre comité vous propose de charger les tribunaux de commerce de faire le règlement particulier sur la police des bourses et loges, sur la manière de fixer le cours du change et des effets publics et autres dispositions convenables aux localités.
Votre comité a considéré que fixer le nombre . des agents de change dans chaque ville serait violer les bases de la Constitution, d'après laquelle tout particulier a la liberté de faire ce que son talent, son génie, ses facultés lui permettent d'entreprendre : il faut laisser un grand essor à l'industrie. Celui qui se sera mis dans un état auquel il ne sera pas propre, sera obligé de l'abandonner pair le fait. Celui qui prendra une patente pour exercer les fonctions d'agent de change, tâchera de mériter la confiance publique. S'il n'a pas les talents ou les qualités pour l'obtenir, il se retirera bientôt et ceux qui seront véritablement propres à cet état seront les seuls qui l'exerceront. Alors le commerce se trouvera dégagé des entraves qu'il éprouvait par l'obligation qu"on lui avait imposée de se servir d'un homme qui pouvait avoir la faculté d'acheter un office, mais qui n'avait pas toujours les qualités propres à cet état. ,
Les dispositions et les registres des agents de change devant faire foi en justice, il est prudent qu'ils ne puissent en excercer les fonctions qu'après avoir prêté le serment, ainsi qu'ils y sont obligés par les dispositions de l'ordonnance de 1673.
L'intérêt du commerce commande impérieusement que les agents de change
qui ne sont que les intermédiaires entre les cultivateurs, les
banquiers, les marchands et les négociants, ne puis-
Les agents de change, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, n'étaient dans le commerce que des intermédiaires qui exercent une espèce de fonction publique; les négociants qui les commettent, n'ayant de leurs opérations, d'autres preuves que leur aveu, il est important qu'ils soient assujettis à avoir des registres timbrés et paraphés, sur lesquels ils coucheront toutes les négociations qu'ils feront, pour servir de renseignements et de preuves légales en cas de contestation, afin qu'on puisse y avoir recours, quand il s'élèvera quelque difficulté sur les conditions de la négociation consommée par leur ministère.
Le secret est l'âme des opérations de commerce. Un agent de change indiscret pourrait anéantir le crédit d'un négociant, et faire un tort considérable à sa fortune. Il est de votre sagesse, je pourrais dire de votre devoir, de le prescrire à ceux qui entreprendront la profession de courtier et d'agent de change; l'importance de leurs fonctions a fait croire à votre comité qu'il était nécessaire d'infliger la peine d'une amende aux agents de chaoge qui ne se conformeraient pas à la loi.
C'est d'après toutes les réflexions que je viens de vous présenter, que le projet de décret que je vais avoir l'honneur de vous soumettre a été rédigé par votre comité d'agriculture et de commerce.
« Art. ler. Les commissions de courtiers,
agents de change, de banque, de commerce et d'assurance, tant de terre
que de mer, conducteurs, interprètes dans les ports de mer, tant
français qu'étrangers et autres, de quelque nature, et sous quelque
dénomination qu'elles aient été créées, sont révoquées, à compter du
jour de la publication du présent décret.
« Art. 2. Conformément à l'article 7 du décret sur les patentes, du 2 mars dernier, il sera libre à toutes personnes d'exercer la profession de courtier et agent de change, de banque et de commerce, taut de terre que de mer, mais à la charge de se conformer aux dispositions des règlements qui seront incessamment décrétés, sans que personne puisse être forcé d'employer leur ministère.
« Art. 3. Tout particulier qui voudra exercer les fonctions de courtier et agent de change, de banque et de commerce, tant de terre que de mer, sera tenu de prendre une patente, qui ne pourra lui être délivrée qu'autant qu'il rapportera la quittance de ses impositions.
« Art. 4. Celui qui aura pris une patente sera tenu de se présenter devant le juge du tribunal de commerce; ii y fera sa déclaration qu'il veut exercer la profession de courtier, d'agent de change et de commerce; et il prêtera le serment de remplir ses fonctions avec intégrité, de se conformer aux décrets de l'Assemblée nationale et aux règlements, et de garder le secret, sur les affaires qui lui sont confiées.
« Art. 5. Le greffier du tribunal lui délivrera une expédition de sa prestation de serment, qu'il sera tenu de produire à la municipalité, pour y justifier qu'il a rempli cette formalité, sans laquelle il ne pourra user de la patente..
« Art. 6. Nul ne pourra exercer tout à la fois la profession de courtier, d'agent de change, et celle de négociant, banquier, marchand, fabricant, commissionnaire, et même être commis dans aucune maison de commerce; il ne pourra être pareillement délivré de patentes à ceux qui auraient fait un contrat d'atermoiement ou faillite à leurs créanciers, à moins qu'ils ne se soient réhabilités; de quoi ils seront tenus de justifier.
« Art. 7. Ne pourront, ceux qui seront reçus courtiers et agents de change, faire, pour , leur compte, aucune espèce de commerce et négociation, à peine de destitution et de 1,500 livres d'amende. Ils ne pourront, sous les mêmes peines, endosser aucune lettre ou billet commerçable, donner aucun aval, tenir caisse ni contracter aucune société, faire ni signer aucune assurance et s'intéresser directement ni indirectement dans aucune affaire. Tous actes, promesses, contrats et obligations qu'ils auraient pu faire à cet égard seront nuls et de nul effet.
« Art. 8. Ne pourront de même les négociants, banquiers, ou marchands, prêter leurs noms directement ni indirectement, aux courtiers et agents de change, pour faire le commerce, et les intéresser dans celui qu'ils pourraient faire; et ce, sous peine d'être solidairement responsables et garantis de toutes les condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées contre les-dits courtiers et agents de change.
« Art. 9. Dans tous les lieux où il sera établi des courtiers et agents de change, il sera dressé un tableau dans lequel seront inscrits leurs noms et demeures; ledit tableau sera affiché dans les tribunaux de commerce, et dans les lieux où les marchands et négociants sont dans l'usage de s'assembler, ainsi qu'à la maison commune.
« Art. 10. Les courtiers et agents de change seront obligés de tenir des
livres ou registres journaux en papier timbré, lesquels seront signés,
cotés et paraphés par un des juges du tribunal de commerce : lesdits
registres seront écrits par ordre de dates, sans aucun blanc, et par
articles séparés; ils contiendront toutes les négociations et opérations
de commerce, pour lesquelles lesdits courtiers, agents de change et de
commerce auront été employés, le nom des parties contractantes, ainsi
que les différentes conditions convenues entre elles; seront tenus
lesdits courtiers de donner, aux parties intéressées, un extrait signé
d'eux desdites négociations et opérations dans le même jour où elles
auront été arrêtées. « Art. 11. Ils ne pourront, sous peine de des-
« Art. 12. Les particuliers qui, sans être pourvus de patentes, se seraient immiscés dans les fonctions de courtier et agent de change et de commerce, seront non recevables à aucune action, pour raison de leurs salaires; les registres où ils auront écrit leurs négociations n'auront aucune foi en justice; ils seront de plus sujets à l'amende déterminée par l'article 9 du décret du 16 février dernier.
« Art. 13. Les courtiers et agents de change, de banque et de commerce ne pourront, à peine d'interdiction, se servir de commis, facteurs et entremetteurs pour traiter et conclure les marchés ou négociations dont ils seront chargés.
« Art. 14. Il sera incessamment procédé par les tribunaux de commerce à la confection du tarif des droits de courtage, dans les différentes places de commerce du royaume : ce tarif aura force de loi, dans chaque ville où il aura été fait ; et jusqu'à la publication du nouveau tarif, ceux actuellement subsistants continueront à être exécutés.
« Art. 15. Il sera également fait par les tribunaux de commerce un règlement sur la manière de constater le cours de change et des effets publics.
« Art. 16. Les courtiers et agents de change se conformeront aux dispositions du présent décret à peine de destitution; et ceux contre lesquels elle aura été prononcée ne pourront, dans aucun temps, être pourvus de patentes pour en exercer les fonctions.
« Art. 17. La connaissance des contraventions et contestations relatives à l'exécution du présent décret sera attribuée aux tribunaux de commerce. »
(La discussion est ouverte sur ce projet de décret.)
Il n'est personne dans l'Assemblée qui ne convienne qu'il faut des règlements pour les agents de change; mais la grande question est de savoir si le nombre des agents sera illimité ou déterminé. Les courtiers sont pour le premier avis;les agents de change tiennent pour le second.
Quel est l'intérêt du commerce? Le voici : sûreté, précision, vérité, promptitude et secret. Sûreté pour les effets; précision pour le cours; vérité pour les déclarations de ce cours; promptitude pour la négociation; secret enfin pour l'opération. Vous pressentez déjà, Messieurs, mon opinion; vous penserez, peut-être, comme moi (Murmures prolongés.),qu'il est impossible qu'avec un nombre illimité on puisse réunir toutes ces conditions, réunion qui est cependant essentielle.
Si le nombre des agents est illimité, les opérations seront divisées; dès lors elles seront nécessairement ralenties, et conséquemment point de promptitude dans les négociations. Le cours deviendra plus difficile à savoir, car le cours ne peut être fixé que par des opérations marquantes et faites à la même époque. A l'égard du secret, on sent très aisément qu'il est toujours plus compromis en raison du nombre. Ce nombre indéfini leur serait même réciproquement préjudiciable, au grand détriment du commerce.
Je n'ai examiné, quant à présent, la question que relativement au commerce.Si je 1 avais encore considérée relativement aux commerçants, je vous aurais montré d'autres inconvénients qui me con-firment dans l'opinion où je suis, que le nombre des agents de change doit être limité. C'est ce qui m'engage à vous proposer le projet de décret suivant :
« Le nombre des agents de change sera limité et il sera déterminé par les municipalités des lieux où ils exerceront leurs fonctions. »
La discussion des articles proposés par le comité exige beaucoup de réflexions et une grande maturité à cause de l'intérêt de Paris et de toutes les places de commerce pour le change. L'Assemblée devrait en prononcer l'ajournement.
On peut toujours s'occuper du principe et décréter les deux premiers articles du comité.
Vous avez rendu un décret qui établit la liberté des professions et ce décret a été reçu avec reconnaissance. L'obligation de se munir d'une patente et d'en acquitter le prix, les règlements à observer pour certaines vacations, ce sont là les seules conditions auxquelles vous avez attaché le libre exercice des différents genres d'industrie. Cependant, Messieurs, c'est une de ces libres professions qui sort maintenant de la ligne et qui vient réclamer une exception en sa faveur; c'est la profession d'agent de change; ce sont les soixante brevetés par l'ancien gouvernement qui viennent vous demander de mettre leur état au-dessus de la loi commune.
Pour colorer leurs demandes, ils donnent à leurs fonctions une importance toute particulière. A les entendre, si vous ne faites pas pour les agents de change une loi d'exception, un corps dans la société; si vous ne limitez pas le nombre des membres dont ce corps doit être composé, il n'est pas de dangers qui n'en résultent pour le crédit public, pour la fortune des particuliers, pour la sûreté des affaires.'Ce sont là, Messieurs, de faibles terreurs, que la moindre connaissance dissipe aisément; ce sont de vaines assertions de l'intérêt particulier, qui ne peuvent pas tenir contre les vues d'esprit public, qui doivent vous diriger dans cette matière.
Aujourd'hui que les agents de change voient la liberté des professions établies, ils prétendent être des fonctionnaires publics, et à ce titre ils demandent encore la conservation de leur privilège ; mais les entremetteurs sont-ils autre chose que des agents, des hommes de confiance qui facilitent par leur entremise les affaires de commerce? Il faudrait donc regarder aussi les banquiers, les commissionnaires, tous ceux qui font les affaires d'autrui, comme des fonctionnaires publics. Cependant a-t-on jamais pensé à donner à tous ces individus des privilèges? A-t-on jamais prétendu en limiter le nombre? Ces limites sont-elles compatibles avec une fonction de pure confiance? Les fonctionnaires publics sont salariés par le public et font les affaires des particuliers gratuitement ; proposer cette condition aux agents de change, ce serait, je crois, mettre leur patriotisme à une rude épreuve. (Applaudissements.)
On nous parle beaucoup de la confiance publique. Ne voit-on pas qu'il faut que les particuliers puissent se confier librement, et non qu'ils soient obligés de se livrer à une classe privilégiée d'individus? Ceux qui justifieront cette confiance ne tarderont pas à se faire une réputation, et cette réputation que leur probité et leurs lumières leur acquerront sera leur privilège.
On parle de la confiance publique, et quand donc a-t-onvu les agents de change mériter cette confiance? L'ont-ils méritée par leurs intrigues, leurs banqueroutes, les fortunes scandaleuses qu'on les voyait accumuler? Cependant, pour prétendre qu'ils doivent continuer à faire une corporation, il faudrait que l'exnérience parlât en leur faveur. Comment se fait-il au contraire que, depuis la nouvelle formation des agents de change surtout, on se plaigne de tant d'infidélités, de lant de spéculations hasardées, de tant de marchés absurdes, de tant de banqueroutes? D'où vient qu'on les a vus si souvent se concerter pour tromper ceux dont ils usurpaient la confiance, et combiner à leur gré les résultats de la Bourse? D'où vient que, depuis qu'ils forment une corporation, on les a vus être toujours les instruments de l'agiotaged'un ministère déprédateur?... La liberté seule peut mettre fin à ces abus.
Mais, dira-t-on, lorsque tout le monde s'immiscera dans l'exercice de ces fonctions, comment le secret des affaires sera-t-il maintenu? Je réponds que le secret était nécessaire sans doute pour cacher aux yeux du public, longtemps crédule, les honteuses spéculations des ministres. Il fallait du secret pour seconder les intrigues cruellement perfides par lesquelles ces agents élevaient leur fortune sur les malheurs publics; c'est par le secret, sans doute, qu'ils ont ruiné tant de commerçants, obligés par la loi de leur confier leurs affaires, qu'ils ont porté la désolation dans tant de familles. Non! non! Messieurs, plus de loi de secret, plus d'obscurité. Ceux qui osent la réclamer encore ne sont pas faits pour le grand jour qui nous éclaire. L'intégrité, la loyauté, voilà le premier secret dan? la gestion des affaires. (Vifs applaudissements.)
Ce secret, dira- t-on, peut être dans quelques affaires un acte de prudence particulière pour soutenir le crédit d'un commerçant.
Mais pourquoi donc un honnête homme, l'honnête homme muni d'une patente, ne saurait-il pas garder un secret que l'honnêteté, la bienséance ou son propre intérêt lui commandent? Un brevet accordé |à la cupidité donnera-t-il donc des qualités morales qu'une modeste patente enlèverait? J'ai honte de répondre à de pareilles objections ; mais, j'ose le répéter, si le secret est nécessaire dans certains cas, qui tous les jours deviendront plus rares, je l'espère, que la loi ne l'autorise jamais, à peine de se rendre complice des infamies qu'elle semblerait vouloir protéger.
On objecte que les agents de change futurs n'auront pas les connaissances nécessaires. Ces connaissances, je ne crois pas qu'elles soient si rares; mais l'expérience même des agents actuels est plutôt une objection contre eux, qu'un titre en leur faveur. Que peut-on désirer de mieux dans les nouveaux agents, sinon qu'ils ignorent ces honteuses manœuvres de l'agiotage, qu'ils ne connaissent pas cette science funeste de faire des marchés sur le cours fictif des effets, de faire des négociations de 100,000 livres là où il n'y a pas 20,000 livres d'effets véritables ? '
Plusieurs membres : Cela est vrai.
Dans tous les cas nous croyons que les vraiesjconnaissances, c'est la liberté, c'est la concurrence qui nous les donnera. Si les agents actuels croient mériter la confiance publique, qu'ils ne redoutent pas la perte de leur privilège. La conscience les suivra sous le régime de la liberté, et ils conserveront le premier rang.
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Je ne vois donc aucune raison directe qui puisse nous engager à faire exception, en faveur des agents de change, à la loi commune de liberté et d'égalité. Je vois au contraire beaucoup de raisons pour qu'ils soient soumis, comme tous les autres citoyens, à votre décret général sur les métiers et professions. C'est dans ces principes que les agents de commerce sont institués chez les nations étrangères, distinguées par leur commerce.
On n'y connaît point de ces faiseurs de négociations, nantis d'un brevet d'accaparement. Je pense donc que, en laissant la vocation d'agent de change libre à tout le monde, moyennant des patentes, il est nécessaire d'établir un règlement pour que tous ceux qui voudront se vouer à cet état, sachent à quoi ils sont tenus en l'embrassant, de manière que la sûreté des engagements s allie avec le libre exercice de cette industrie. (Applaudissements. )
Je vote donc pour les deux premiers articles du comité qui renferment les résultats des principes que je viens de développer; et je demande 1 impression et l'ajournement des autres articles.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
rapporteur, donne lecture de 1 article 1er.
Art. 1er.
« Les offices et commissions d'agents et courtiers de change, de banque, de commerce et d assurance, tant de terre que de mpr, conducteurs, interprètes dans les ports de mer tant français qu'étrangers et autres, de quelque nature et sous quelque dénomination qu'ils aient été créés sont supprimés, à compter du jour de la promulgation du présent décret. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de I article 2 ainsi conçu :
« Art. 2. Conformément à l'article 7 du décret sur les patentes, du 2 mars dernier, il sera libre à toutes personnes d'exercer la profession de courtier et d'agent de change, de banque et de commerce, tant de terre que de mer, mais à la charge de se conformer aux dispositions des règlements qui seront incessamment décrétés, san3 que personne puisse être forcé d'employer leur ministère. »
Je crois que, pour assurer le service de la Bourse qui finirait subitement demain, il faut décréter que les fonctions des agents de change actuels continueront provisoirement jusqu'au 1er de mai.
Il me semble que les règlements à porter sur cet objet sont infiniment simples. Je crois donc qu'il faut ordonner l'impression des articles du règlement et ajourner à samedi. Je ne vois pas comment cet intervalle d'aujourd'hui à samedi pourrait être nuisible à quelque opération de commerce.
appuie la motion de M. de La Rochefoucauld-Liancourt.
Je proposerai à l'Assemblée, en modifiant la proposition de M. de Liancourt, de décréter provisoirement que les nouvelles dispositions adoptées n'auront leur effet qu'après la confection du règlement.
Pourquoi attendrait-on jus-
appuie l'opinion de M. de Noailles.
rapporteur. Vous ne considérez que la Bourse de Paris; mais qu'arriverait-il aux Bourses de Bordeaux et de Marseille si vous établissiez la liberté avant le règlement? Il en pourrait résulter les plus grands inconvénients. (Applaudissements.)
Il faut préalablement que ces nouveaux agents se pourvoient de patentes, et le bureau des patentes n'est pas encore ouvert. D'ailleurs ce serait jeter dans de justes alarmes toutes les places de commerce de l'Europe, qui ont des rapports avec celle de Paris, que de confier pendant quelques jours les changes à des hommes qui ne rempliraient aucune des formalités indispensables pour l'exercice de cette profession.
J'ajoute que les agents de change actuels ont des patentes provisoires ^celles en vertu desquelles ils ont exercé jusqu ici, et qu on ne contrevient donc pas au décret qui porte qu a compter d'aujourd'hui on ne pourra exercer sans patente, si on laisse exercer provisoirement les agents actuels, d'après les anciens règlements.
On pourrait ajouter, à la fin de l'article, une disposition portant que l'ancien règlement continuera d'être exécuté jusqu'à la promulgation du nouveau.
rapporteur. Yoici la rédaction que je propose pour l'article 2 :
Art. 2.
« Conformément à l'article 7 du décret sur les patentes du 2 mars dernier, il sera libre a toutes personnes d'exercer la profession d'agent et courtier de change, de banque et de commerce, tant de terre que de mer, mais à la charge de se conformer aux dispositions des règlements qui seront incessamment décrétés, sans que personne puisse être forcé d'employer leur ministère; et cependant les anciens agents de change continueront d exercer leurs fonctions conformément aux anciens règlements, jusqu'à lapromulgationdes nouveaux règlements, qui seront incessamment décrétés. » (Adopté.)
rapporteur. Je propose maintenant d'ajourner à la séance de samedi soir la suite de la discussion.
(Cet ajournement est décrété.)
lève la séance à dix heures.
a la séance de l'assemblée nationale du
PÉTITION des courtiers de change de Paris à l'Assemblée nationale.
Messieurs, .
Nous gémissions depuis longtemps sur les abus san3 nombre que laissaient encore subsister les anciennes institutions. Pénétrés de la sagesse de vos principes, nous attendions avec confiance une loi qui rendît, à tous les citoyens, la taculte d'exercer librement toutes les fonctions industrielles de la société. Vous vous êtes occupés de cette partie importante de l'administration, et vous avez décrété, le 16 février dernier : « Qu a « compter du 1er avril prochain, il sera libre à « touti personne d'exercer telle profession, art « ou métier qu'elle trouvera bon, après s être « pourvue d'une patente, en avoir acquitte le « prix, suivant le taux déterminé, et s'être con-« formée aux règlements .qui pourront être
« faits. » . r \ ,
Ce décret général a porté nommément sur les agents de,change du royaume.
La raison, la justice, qui ont présidé a cette restitution des droits naturels des citoyens, ordonnaient à ces ci-devants privilégiés de reutrer en silence dans la classe commune; mais l'intérêt personnel, à défaut de motifs, leur a suggéré des prétextes pour demander la continuation de leurs fonctions exclusives.
Ils ont dit que la liberté accordee a tous les citoyens de prendre une patente d'ager.t du commerce allait ouvrir la porte au brigandage dans îgg affaires.
Comme s'il était bien clairement prouvé que la probité n'eût trouvé d'asile que dans la circonscription de leurs membres et que le règlement sévère réclamé ne pût prescrire de meilleures conditions pour être admis, que celles portées par leurs statuts particuliers. '
Ils ont dit qu'un nombre déterminé était indispensable, c'est-à-dire qu'un privilège exclusif était nécessaire pour présenter une base à la
confiance. . ,, ....
Comme si la confiance qui s établit par un individu dans un autre pouvait jamais être commandée; comme s'il n'était pas déjà malheureusement trop constaté que plusieurs de ces privilégiés, qui se croient exclusivement dignes de confiance, ont failli pour une somme de près de 60 millions, depuis 5 ans, époque de leur création. ,. ..
Ils ont dit qu'ils voulaient bien se soumettre à une élection, mais qu'en adoptant ce mode les électeurs seraient pris seulement dans les banquiers, marchands en gros ou notaires, et avec la clause, que le quart de voix serait suffisant pour les rendre admissibles et que les autres prétendants ne pourraient l'être qu'à la majorité.
Comme si le citoyen, fort de sa bonne conduite dans l'état qu'il a exercé, ne devait pas se présenter avec la sécurité qui défie les récusations, et si au contraire le candidat, qui ne peut encore avoir que la présomption en sa faveur, n était pas, par cela seul, dans une position à mériter
plus d'indulgence. ,
Ils ont dit que le défaut de secret dans les négociations,-l'obligation
réclamée par nous de
Comme si la loi qui, sous 1 ancien régime les a autorisés à marcher dans l'ombre, pour favoriser les coupables manœuvres des mini8tre3 de8 finances, pouvait continuer d'exister, par la considération de quelques intérêts PJ^lie s lo s-que tous vos travaux cherchent partout la lu: mière, et s'opposent d'une manière si évidente a tout ce qui peut alimenter cet agiotage elf.eoé, qui est, depuis 6 ans, le fléau du commerce et de
nos manufactures. . rQiiaU
Nous ne taririons pas, Messieurs, s il fallait réfuter en son entier la doctrine inconstitutionnelle des agents de change sur l'organisation future. Il vous suftira d'analyser les étonnants paradoxes qu'ils viennent de hasarder pour juger du ridicule de leurs prétentions. Mais, c est moins ces ci-devants privilégiés que nous entreprenons de combattre, que les droits de tous les citoyens uue nous venons réclamer. Gardez-vous de croire, surtout, que nous nous laissions ici guider par cet intérêt vil et personnel qui détruit la fraternité et sollicite l'injustice. Non, Messieurs! Si un tel sentiment avait pu jamais trouver accès auprès de nous, apologistes éhontés de legoisnae des agents de change, nous eussions demande avec eux une fixation de nombre dans lequel votre équité n'aurait pu se dispenser de nous confondre. Mais il s'agit d'un plus grand objet, bn entrant dans la carrière, nous demandons qu elle soit ouverte à tous ceux qui voudront la parcourir. l'administration économique et severe que votre sagesse vient d'établir dans les impôts et les perceptions, va livrer à l'oisivete, et peut-être à l'indigence, un grand nombre de nos concitoyens. Votre justice ne vous permettra pas de leur interdire une profession que vous avez rendue libre comme toutes les autres; si elle cessait de l'être, alors toutes les corporations viendraient, sous des prétextes aussi specieux, et tout aussi peu fondés que ceux des agents de change, réclamer les privilèges que vous avez anéantis. Vous avez senti qu'il suffisait, pour parer aux inconvénients do cette liberte, de taire de sévères règlements de police pour les pressions qui en sont susceptibles. .
Nous joignons à cette pétition un projet de règlement qui vous manifestera, d'une Irnanieie plus positive1, la sévérité de nos principes et la pureté de nos intentions.
Titre Ier.
Admission des citoyens à la profession d'agent de commerce.
Art 1er. A compter du 15 avril prochain,
conformément au décret sur les patentes du l6 le-vrier 1791, il sera
libre à toute personne d exercer la profession d'agent de commerce, en
se conformant à ce qui sera dit ci-après.
Art. 2 Celui qui aura obtenu une patente se retirera par-devant le président du tribunal de
commerce pour y prêter serment.
Art. 3. Le greffier de ce tribunal lui délivrera une expédition de sa prestation de serment, qu'il sera tenu de produire à la commune pour y justifier qu'il a rempli cette formalité.
Art. 4. Il y aura à la Bourse un tableau sur lequel seront inscrits, par ordre alphabétique, les noms et demeures de ceux qui seront pourvus de patentes.
Titre II.
Obligation à remplir par les agents de commerce dans l'exercice de leur profession.
Art 1er II est défendu aux agents de
commercé, sous peine de destitution, d'arrêter en leur nom et de
liquider par eux-memes aucune opération, à moins qu'ils n'en soient
requis par les parties.
Art. 2. Lorsqu'ils orsqu'ils auront fait une négociation, ils donneront aux parties contractantes, un arrêté dans chacun desquels seront mentionnés les noms, soit du vendeur, soit de 1 acheteur, qui se connaissant, pourront terminer ensemble leur
opération.
Art 3. Les agents de commerce seront tenus d'avoir chacun un registre-journal en papier timbré, dont chaque feuillet sera coté et paraphé par un des juges du tribunal de commerce. Ce registre sera destiné à recevoir, jour par jour, et dans la forme la plus exacte, toutes leurs opera-
l°Art 4 Au moyen du serment ci-dessus requis, il sera ajouté foi aux déclarations des agents de commerce. Ils ne pourront, dans aucun cas, refuser, soit aux juges, soit aux négociants intéressés, l'exhibition et même, au besoin, la com-pulsion de leurs registres. . ,
Art 5. Ils ne pourront, sous peine de destitution, négocier aucun effet, lorsqu'il se trouvera cédé par un négociant dont la faillite serait dé-Claree , ' Art '6 II leur est défendu, sous la même peine, d'endosser aucun effet, ou d'en donner leur aval. Ils seront seulement tenus de certifier la vérité de la dernière signature des lettres de change ou billets négociés.
Titre iii.
Police de la Bourse.
Art 1er. La Bourse sera ouverte tous les jours, excepté les fêles et dimanches, depuis midi jus-cru à une heure; et c'est pendant la duree de ce temps seulement qu'il est permis, aux agents de commerce d'y traiter des négociations et d en faire constater le cours.
Art. 2. L'emplacement connu à la .Bourse sous le nom de parquet est, à compter du 15 avril prochain, supprimé. . , , ,
Art. 3. Il sera envoyé chaque jour, pendant la tenue de la Bourse, une garde qui se tiendra au dehors, et n'obéira qu'à la réquisition de3 commissaires dont il sera ci-après fait mention.
Art 4. Toute opération faite a la Bourse devra être terminée avant l'ouverture de la Bourse suivante, passé lequel délai la partie lesee sera reçue à se pourvoir par-devant le tribunal de commerce pour faire prononcer les dommages et intérêts qu'elle pourra avoir à reclamer.
Art 5. Il sera nommé 4 crieurs jures, dont es fonctions seront d'annoncer1, à haute voix, les cours qui leur seront successivement donnes par les agents de commerce, et de les inscrire ensuite sur un tableau ostensible, destine a cet
usage
Art. 6.111 sera pareillement nommé deux com-
d,. ih]ptnbHr0Dt> d après ,e relevé qu'ils feront au tableau, de concert avec deux agents de com-
StJérifioateurs, les différents foars qai au-ront eu heu sur chacun des effets négociés. t01?V H8 deux a.gents de commerce vérifica-
nrnS ce+service f'ar semaine, suivant leur ordre d inscription sur le tableau.
cinalii/^r? ?"voy,é, chaque jour, à la muni-ÏÏÏÏÏÎLtnbunal de commerce, une cote souscrite des connaissances et des agents de
SrSS?^rifîcate»rs.^ semaine, afin que l'une K (-es admmistrations puissent y recourir au besoin. J
chiv^'J^o mi?nicipalité sera essentiellement chargeede surveiller les opérations des agents de commerce, et elle dénoncera au tribumlfpour v être jugees celles qui pourraient présenter Quelque provocation ou quelque délit q
contra lïï'aiT .noms- des, ageQts de commerce n?ninnii?Uels Peine- de destitution avait été ffinïft front inscrits sur un tableau parti-ïï/ïS a -SA^a *ue le Public prévenu ne
2tP oSieX|)0se à Ie noudangers en se servant de leur ministère.
Observations
sur le secret dans les négociations, réclamé par les agents de change.
Paris est la seule ville de l'Europe où l'agent de change soit autorisé par la loi à ne pas nommer son vendeur et son acheteur, et à liquider par lui-même toutes les opérations qu'il négocie
On voit au premier coup d'œil que cette faculté 1 d ensevelir es négociations dans le secreestle moyen le plus efficace dont on ait pu se servir pour ouvrir la porte à tous les abuSP II s'ensuit que l'agent de change peut, contre les prinS tTX™ 1 ^.intéressé dansïes af-
comntP 9omhi?fpe? ne^°Çler pour son propre compte, 2° bénéficier sur le prix des opérations
en a°cusant faussement celui auquel il a vendu ou acheté; 3° favoriser les accaparements et l'agiotage, sans qu'on puisse constater ses .manœuvres; 4° enfin nrêter fnn ministère au premier venu, av^la'sécurité de
ne pouvoir être recherché par la loi
On ne peut entendre l'énumération de toutes ces monstruosités légales, sans se sentir pressé par la curiosité de connaître, sinon le motif raisonnable, au moins le prétexte qui a pu engager 1 ancieu gouvernement à légitimer ce renversement de l'ordre et des prfncipes. Nous allons fane paraître cette cause ténébreuse au grand
usSrnl i!8alHmpf ',avolo,nté ministérielle avait les droits du peuple, plusieurs circonstances, embarrassantes pour l'Etat, ont souvent
LTTlenl6S Comrôleufs généraux'des finances soit a donner aux emprunts une plus grande extension que celle portée par les éditsde crÂ-
«on'iînp lf;furer au crédit Public une éléva-fuser circonstances paraissaient lui re-
cas'le Trésor royal chargeait inia,?v h.-,ng? de vendre des effets frau-
S il étaie,Dt hors des limit* de la ZS'nS8 ilSSS^.au. ^ntvaive, on leur
frl1!^1'011 de Ie P^er. Dans les deux cas, il iallait nécessairement dispenser l'agent dp nommer son vendeur et son acheteur, parce nue ces opérations ne pouvant jamais être avoués
SrordnuTfSreS' 6/leS auraie,!lt> Par lapubS!
posé contraire à celui qu'on était pro-
II fut donc inévitable d'avoir recours à une loi qui autorisât les agents de change à ne pas nommer les parties contractantes.
Mais aujourd'hui que nous ne voulons plus ÎÎÎWte/™ ,a P°siUon de nos finances e? mais it Sbl6e nall0Iîale.a décrété que désor-m? ? in IT-F?ad« clarté y serait répan iue et qu il en serait donné connaissance à tous les citoyens par la voie de l'impression, il n'es plus de considération qui puisse militer en faveur de cette etrange loi, qui ne formerait plus qu'une dis-
Gonstitution^ ^ l6S
KM
le^r comnfp T. d arrêt?r'en 'eur nom et pour leur compte, des négociations de panier sur
l'étranger et sur Paris? Le plus souvent l'agent
qui termine ainsi une opération, dans le deslem
toujours de bénéficier sur le prix, n'a pasêï
rPêTnl,Ldiïlème de la valeur d« "objet ar-navpr sfn^ ®rl. conséquence un dé/ai pour
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fn^Utes ces considérations se réunissent pour taire prononcer que les agents de commerce soient tenus l l'avenir de nommer leTrs
tuUoÏÏp ? UfS acbereurs s°us peine de desti-
tution de leurs fonctions.
Signé : j.-e. Say, président. j.-b. savy,
secrétaire.
a la séance pe l'assemblée nationale du
donnait ordre d'acMe/sur la ''pYaceTusqu'à œ que Je crédit national eût atteint ie pomUù l'on
PROPOSITION inutilement faite par M. Stnvaï
dumauT?^ A L'A?™ÉE, dans la séance au matin, le
de l'opinion qu'il auraît prononcée s'il avait eu la liberté de la parole. (Inviolabilité d" la personne du roi). v «wwumit
(Déposée, suivant mon usage, chez M. Dufoul-leur, notaire, rue Montmartre.
conLnleCrUdpiûnitait ?rmée,- 11 fa»ut donc me contenter de lire, a la tribune, le projet sui-
« deLrnn«»!?S °UÏ !G raPP°rt de S0D comité w ^ouffitution, sur les articles 3 et 8 du pro-
« jet de decret concernant la résidence des fonc-« tionnaires publics, reconnaît et déclare, »
JePrleau on remarque ces expressions, reconnaît et déclare, et non pas décrète.) « Que la personne du roi est sacrée, inviolable
« exempte de toute juridiction, dans tous les temps, « dans tous les cas, sans aucune exception :
« Que nulle puissance, eût-elle pour appui la «volonté du roi lui-même, ne peut déclarer » cette personne sacrée, justiciable;
« Que tout acte qui dérogerait à ce principe, « directement ou indirectement, serait un crime, « et de la part de ceux qui l'auraient proposé, et ¦ de la part de ceux qui l'auraient décrété;
« Que toute supposition qui tendrait à provo-« quer la moindre peine sur la tête royale, ne « peut sortir que de la bouche d'un insensé ou « d'un factieux ;
« Que tout projet de loi, dans lequel sont ap-« pliquées, à la personne du roi, des expressions « irrévérentes et des dispositions pénales, blesse « à la fois les principes essentiels de toute mo-« narchie, les règles distinct ives de la monar-« chie française, les sentiments, les ordres, les « plus chers de la nation, les décrets même, ou « plutôt les déclarations formelles de l'As-« semblée :
« En conséquence, l'Assemblée déclare qu'elle « n'entend point délibérer sur les actes dont il « s'agit, et qu'elle en improuve la proposition. »
Telle est, sur cette matière, ma profession de foi : tel est le projet de déclaration que j'ai porté à la tribune; on ne saurait plus mal réussir. Cependant j'observerai que la majorité, mieux conseillée, s'est désistée de l'article fatal, qui, dans le projet du 25 février, enchaînait tellement la personne du roi au lieu des séances du Corps législatif, que le monarque était déchu du trône, s'il s'en éloignait. Il est vrai que le décret du 28 mars fixe la résidence de la personne royale à vingt lieues au plus loin de la législature.
Mais ils n'ont point osé aggraver cette proposition,assez étrange en elle-même, par la déclaration, ou seulement par la menace d'aucune peine.
A l'égard de l'hypothèse d'un souverain sortant du royaume, et refusant d'y rentrer sur la proclamation du Corps législatif, si la discussion n'eût pas été fermée, toujours fidèle à mon principe, que l'Assemblée était sans pouvoir, même apparent, non seulement pour décider, mais pour traiter la question, après avoir établi, ou plutôt rappelé en peu de mots son évidente im-compétence, je me serais permis de parcourir avec la même rapidité les contradictions et les dangers que présentait cette hypothèse à tous les esprits justes....
« Si le roi, qu'on suppose devoir sortir de son « royaume pour trahir ou combattre la nation, « est le plus fort, aurais-je dit, la proclamation « du Corps législatif ne fera que l'irriter, s'il doit « manquer de ressources, soyez sûrs, Messieurs, « qu'il saura le prévoir et ne sortira pas. Levoyez-« vous avec M. Pétion, revenant à la tête d'une « armée aguerrie et bien disciplinée? Croyez-vous « que vos successeurs en seraient embarrassés, « et gardez-vous de rendre leur position plus « fâcheuse par une loi indiscrète, qu'ils seraient « également en peine de soutenir et d'abandon-« ner. Je vous conseille donc de vous en reposer « sur leur prudence. En un mot, le roi dont il «. s'agit sera-t-il défait? Vos décrets sont super-« flus. Sera-t-il victorieux? Que deviendront, et a vos décrets et la législature? Mais puisqu'on « attaque le trône par des hypothèses, il m'est « bien permis d'en faire une pour le défendre. « En 1356, les Etats de Paris s'élevèrent, vous le « savez, Messieurs, contre l'autorité du roi dans « sa personne et dans ses cours. Nous ne les dé- « signons jamais au Parlement que sous le nom « des Etats séditieux. L'assemblée de Troyes en « 1419 alla plus loin. Elle poussa l'audace jus-« qu'à violer la loi de l'hérédité. Elle approuva « ce fameux traité de Troyes qui plaçait sur le « trône le roi d'Angleterre, et que le Parlement « de Paris refusa constamment d'enregistrer, « action héroïque qui valut la mort à plusieurs « de ses membres, la dispersion de tout le corps, « mais qui sauva la couronne à Charles VII.
« Que le passé nous apprenne, Messieurs, à lire « dans l'avenir. Je suppose qu'un siècle moins « heureux que le nôtre voit naître une Assem-« blée parjure, factieuse, soudoyant une armée « de brigands pour effrayer le roi, pour l'enchaî-« ner, pour lui dicter toutes ses réponses, pré-« voyants, comme vous l'êtes, voudriez-vous, « Messieurs, ménager dans vos décrets des pré-« textes et des moyens à la rebellion de cette « folle mais puissante législature? N'en croyez « pas non plus le rapporteur de votre comité de « Constitution, qui voudrait vous persuader que « son travail est le fruit du plus vif, du plus pur, « du plus respectueux attachement pour la per-« sonne du roi. En vérité cette ironie de M. Thou-« ret est trop amère. Dire au roi qu'un décret qui « peut coûter la liberté ou la couronne à l'un de « ses petits-fils est la meilleure preuve qu'on « puisse lui donner de respect et d'amour, c'est « un abus de la parole, si hardi en même temps « et si bizarre, qu'on est forcé de croire que le « règne des empiriques n'est point passé, quoi-« qu'en ait dit le même M. Thouret.
« Il vous a parlé, Messieurs, de fausses pro-« priétés et de faux talents. Fausses propriétés! « je nf sais ce que c'est, si par ces termes on « n'entend pas des propriétés envahies par la « force, de quelque masque qu'elle se couvre. « Faux talents ! Il eu existe. On les reconnaît au « très facile et très funeste arrangement de cer-« tains mots sonores pompeusement insignifiants, « mis en opposition avec les principes les plus « familiers de toute morale, de toute religion, de « toute société, lorsqu'il s'agit non de convaincre « les gens de bien, mais d'égarer la multitude. « On vous traite comme elle. Oui, Messieurs, vos » orateurs parlent à l'Assemblée comme à la mul-« titude, dont ils savent que la confiance tient de « l'aveuglement.
« En effet ne faut-il pas compter sur l'aveugle-« ment d'une Assemblée pour oser lui soutenir, « comme a fait le rapporteur de votre comité de « Constitution, qu'un roi, privé du trône, n'a pas « cessé d'être inviolable ; que la loi qui le dépose « ne le juge pas, et que, toujours le maître d'é-« viter ou d'encourir l'application de cette loi, il « n'est, en dernière analyse, justiciable que de « lui-même?
« Je le demande, est-ce ainsi qu'on raisonne « avec des hommes qu'on respecte? Le même « rapporteur vous donnait-il encore uae preuve « d'estime, lorsqu'à vos yeux il confondait dans « le chaos de ses sophismes, l'hérédité du trône « et l'inviolabilité de la personne du roi? Ne sont-« ce pas deux vérités, analogues sans doute, mais « tout à fait indépendantes l'une de l'autre ? L'hé-« rédité du trône est un établissement politique; « en France, il est irrévocable. L'inviolabilité des « monarques est un de leurs attributs essentiels. « Partant, il est inhérent à leur personne. Que le « trône soit électif, qu'il soit héréditaire, si le « roi n'est pas inviolable, il n'est pas roi. Me « trompai-je, Messieurs, il me semble que ces « idées sont nettes, et ces vérités sensibles. Je les
« oppose à toutes les paroles de M. Thouret; je « soutiens... »
Mais pourquoi m'étendre ici sur ce que j'aurais dit à l'Assemblée. En voilà plus qu'il ne faut pour indiquer le caractère et la marche de mon opinion. Mes principes une fois établis, on est eûr des co îséquences. Principes et conséquences, ]e soumets tout à l'examen religieux des fidèles amis de la monarchie et de la liberté.
Au reste, si j'avais reconnu dans l'Assemblée cette puissance dont elle-même s'est revêtue, j'aurais conclu en l'invitant à décréter l'usage, fréquemment observé par nos souverains, de ne pas s'absenter du royaume sans nommer un régent. Je n'aurais pas eu de peine à démontrer que cette nomination appartenait essentiellement au roi et qu'un ne pouvait la régler ni par le droit du sang, ni parla voie d'élection, sans compromettre également la sûreté du monarque et la tranquillité de l'Etat.
Nos pères l'avaient senti. Mais le moyen d'invoquer leur sagesse au milieu d'une Assemblée qui rougirait de ne pas dédaigner tous les modèles, comme elle frémirait de ne pas exercer tous les pouvoirs! Cette majorité superbe et crédule, à qui 6es chefs ont persuadé qu'elle était le flambeau de l'univers et l'arbitre de nos destinées futures, ne m'eût jamais laissé le temps de lui prouver qu'il suffirait, pour avoir de bonnes lois, de recueillir dans nos annales les principes et les exemples, qu'elle méprise ou qu'elle ignore.
Signé : Duval d'Eprémesnil.
Paris, ce
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du malin.
Un de MM. les secrétaires. La multiplicité des adresses ne m'a pas permis de finir la rédaction du procès-verbal de la séance d'hier au soir. Je crois toutefois indispensable et urgent pour l'intérêt du commerce de lire dès maintenant le décret rendu sur les agents de change. (Marques d'assentiment.)
(Lecture est faite de ce décret dans les termes adoptés dans la séance d'hier au soir et sa rédaction est approuvée par l'Assemblée.)
Un membre du comité de vérification. M. Rous-selet, député de Provins, sollicite un congé de 8 jours. Cette demande a été examinée par le comité de vérification qui a reconnu le bien fondé des motifs invoqués. Nous vous proposons, en conséquence, d'accorder le congé demandé par M. Rousselet.
(Le congé est accordé.)
au nom du comité des finances. Messieurs, il vous a été fait, il y a quelque temps, un rapport tendant à vous demander différentes sommes pour les dépenses courantes du Trésor public; ce rapport est imprimé et il est instant de le mettre à l'ordre du jour.
L'Assemblée craignant, au moment où il fut présenté, que dans l'administration des deniers publics il ne vint encore fe glisser des abus comme ceux qu'elle avait déjà détruits, et fatiguée de ces éternelles demandes de fonds, ne voulut pas accorder tout ce que le comité des finances voulait à cette dernière époque, elle crut suffisant de donner au Trésor public Ja somme de 20 millions. Aujourd'hui cette somme est entièrement dépensée, et l'ordonnateur réclame de nouveaux secours.
Je propose d'ajourner à dimanche le rapport de* détails et des comptes que l'Assemblée doit connaître avant d'accorder cette demande; mais, en attendant, comme il ne faut pas exposer le Trésor public à manquer et atténuer la confiance publique je crois qu'il est convenable d'accorder provisoirement une somme de 10 millions.
(L'Assemblée nationale décrète que le rapport sera mis à l'ordre du jour de la séance de dimanche, et qu'en attendant la caisse de l'extraordinaire versera un fonds de 10 millions dans le Trésor public.)
Plusieurs affaires relatives à des privilèges dont jouissait la ville de Sarlat ont occasionné dans cette ville, lors de l'élection des députés pour la convocation aux états généraux, des divisions entre les citoyens et les officiers municipaux. Le détail de ces dissensions a été consigné dans le procès verbal, lequel a été déposé au greffe du district.
Mais, depuis la Révolution, les citoyens de cette ville s'étant réunis ont manifesté le désir de faire disparaître ces traces de discorde, ils ont adressé à cet effet une pétition à l'Assemblée lui demandant de les autoriser à retirer du greffe cette pièce dont l'anéantissement calmerait les esprits.
Je propose à l'Assemblée de décréter l'autorisation que la municipalité de Sarlat sollicite.
La proposition qui est faite à l'Assemblée renferme une injustice ou du moins une irrégularité choquante; il est nécessaire d'avoir des notions certaines sur les faits avant de prononcer.
appuie l'opinion de M. d'André,.
Un membre demande la question préalable sur la proposition de M. Loys.
(L'Assemblée, consultée, décrète le renvoi de cette affaire au comité des rapports.)
au nom du comité d'emplacement. Le district de Château-Chinon, département de la Nièvre, demande à louer la maison des capucins de cette ville pour y placer le corps administratif de cette ville et le tribunal.
Le département du Puy-de-Dôme demande l'autorisation de louer le premier et le deuxième étage de la partie du collège de Clermont autrefois occupé par l'administration provinciale d'Auvergne.
D'autre part, les membres du directoire du district de Pont-Audemer exposent qu'ils se sont, provisoirement établis dans le presbytère de Ja paroisse, mais que dans ce bâtiment ils sont continuellement exposés aux réclamations des paroissiens, sur le préjudice que les allées et venues du public font aux escaliers et planchers.
Il faut donc quitter le presbytère; mais où ira le district, où s'établira-t-il, ainsi que le tribunal ? Il demande d'être autorisé à acquérir la maison des carmes.
Un de vos décrets ordonne au comité depréférer en général les loyers aux acquisitions.
La résolution définitive de votre comité est de ne plus proposer à l'Assemblée des décrets d'autorisation d'acquérir que pour quatre districts par département, c'est-à-dire pour ceux qu'il lui paraîtra évidemment impossible de ne pas conserver. Cette mesure paraîtra dure, sans doute, à plusieurs corps administratifs de l'ancienne province de Normandie. Mais, d'un côté, il ne faut pas voir la France dans la Normandie et, de l'autre, une autorisation de louer n'est nullement une interdiction d'acquérir dans le cas où le corps administratif serait conservé. Cela ne préjuge rien sur son existence future ni sur sa suppression. Une considération devant laquelle tout se taît, c'est que les administrés des districts supprimés auraient en dernier terme une double charge à supporter jusqu'au moment de la revente qui pourrait ne pas être prompte et se faire avec perte.
Un sage a dit : Dans le doute abstiens-toi ; voilà le code de votre comité.
Voici en conséquence les trois décrets que le comité d'emplacement m'a chargé de vous présenter; ils n'éprouverout sans doute aucune difficulté :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Uhàteau-Ghinon, département de la Nièvre, à louer, aux frais des administrés et à dire d'experts, la maison des capucins de cette ville, pour y placer le corps administratif du district et le tribunal ; excepte néanmoins, de la présente permission, de louer, les jardins et autres terrains dépendant de ladite maison, ainsi que l'église, pour être, ces objets réservés, vendus séparément dans les formes ci-dessus prescrites. » (Adopté).
Deuxième décret»
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Pont-Audemer, département de l'Eure, à louer, à dire d'experts, pour deux ans, aux frais des administrés, la maison des carmes de cette ville, et dépendances, pour yjpiacer le corps administratif du district et le tribunal, à la charge de verser annuellement le prix du loyer à la caisse du district. (Adopté.)
Troisième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département du Puy-de-Dôme à louer, à dire d'experts, pour s'y placer, la partie du collège de Clermont, où était ci-devant établie l'administration provinciale d'Auvergne, et l'étage au-dessus, pour être, le prix, versé à la caisse de l'administration du collège; sauf à prendre des mesures ultérieures dans le cas où la totalité desdits bâtiments deviendrait nécessaire à l'instruction publique : décrète, en conséquence, que le décret provisoire du 17 janvier, qui autorisait le directoire à s'établir dans la ci-devant cour des aides de Clermont, sera regardé comme non-avenu, et ledit édifice vendu. » (Adopté.)
au nom du comité des finances.
J'ai l'honneur de soumettre à l'Assemblée la question de savoir si après les décrets des 21 décembre 1189, 17 avril, 29 septembre et 8 octobre 1790, les coupons d'assignats sous la date de 1791, détachés de ceux sous les dates de 1792 et 1793 doivent être payés au Trésor public et valoir dans la circulation.
Pour mettre le public à l'abri de toutes craintes pour les coupons d'assignats, et pour parer aux falsifications, je propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que les coupons d'assignats qui ont pour échéance l'année 1791, quoique détachés de ceux de 1792 et 1793, seront payés pour les six mois d'intérêts qui ont couru du 15 avril au 15 octobre de la même année, comme si les trois coupons se trouvaient réunis; savoir ceux de 1,000 livres à raison de 15 livres, ceux de 300 livres à raison de 4 livres 10 sols, ceux de 200 livres à raison de 3 livres; que les deux autres coupons de 1792 et 1793, soit qu'ils se trouvent séparés ou réunis, sont nuls et de nulle valeur, et ne peuvent être mis en circulation qu'autant qu'ils seraient réunis aux coupons de 1791. »
Un membre : Il y a eu pour cela une commission nommée aux comités des finances et de Constitution. Cette commission n'a point encore examiné cette question. En conséquence, je demande au moins que cette question soit ajournée jusqu'au moment où les commissaires auront émis leur vœu.
Dans le cas où l'on n'ajournerait pas, alors je combattrai le décret par les raisons les plus importantes, même pour le bien public. En conséquence, je demande si l'on veut l'ajournement, ou si l'on veut discuter.
Plusieurs membres : L'ajournement! L'ajournement !
(L'Assemblée décrète le renvoi de cette question au comité des finances pour en conférer avec les commissaires précédemment désignés.)
au nom du comité de Constitution. Messieurs, par votre décret du 22 mars dernier, vous avez décidé que : « Nul agrégé et en général nul individu ne sera appelé à exercer, et nul professeur ne pourra continuer aucune fonction ou remplir aucune place dans les établissements appartenant à l'instruction publique, dans tout le royaume, qu'auparavant il n'ait prêté le serment civique, et, s'il est ecclésiastique, le serment des fonctionnaires publics ecclésiastiques. »
L'incivisme, toujours fertile en ressources pour éluder la loi, a imaginé une subtilité grossière avec laquelle il a persuadé à quelques personnes qu'il v avait des moyens de ne pas se conformer à votre décret, et il a donné, à l'article dout je viens de vous donner lecture, une interprétation toute contraire à sa lettre et à son esprit.
Les principaux, les sous-principaux, les précepteurs, etc... ne sont pas clairement et nominativement désignés dans le décret, a-t-on dit, donc ils ne sont pas compris dans ses dispositions. Cette étrange exception pourrait avoir des conséquences funestes à un des objets les plus importants de la société. *
L'esprit de votre décret est sans doute d'éloigner de l'instruction
publique des hommes contraires à la Révolution, soit par leurs préjugés,
| soit par leur intérêt personnel. Le département
Je viens en conséquence vous proposer trois articles additionnels :
« Art. 1er. Toutes personnes chargées d'une
fonction publique dans le département de l'instruction, qui nont pas
prêté le serment prescrit par les lois des 26 décembre et 22 mars
dernier?, sont déchues de leurs fonctions, et il doit être
provisoirement pourvu s'il est nécessaire à leur remplacement parles
directoires de département.
« Art. 2. Pour remplir les chaires de professeurs et toutes autres places vacantes, ou qui viendront à vaquer dans le département de l'ius truction publique, jusqu'au moment où l'Assemblée nationale en aura décrété la nouvelle organisation, les directoires de département ne seront pas astreints à ne choisir que parmi les agrégés des universités.
« Art. 3. Les places purement ecclésiastiques, autres que celles dont l'existence et le traitement sont assurés par la constitution civile du clergé, et qui néanmoins n'ont pa* été supprimées, telles que les places de chapelains, ou desservants d'hôpitaux, de prisons et autres, seront, en cas do vacance par non-prestation de serment ou autrement, supprimées si elles sont superflues ou remplies provisoirement, si le service public l'exige, par les directoires de département, en attendant que l'Assemblée nationale ait réglé, par les décrets, ce genre de service public. »
L'article premier porte : « sont déchues...». Je crois qu'il faudrait indiquer les personnes auxquelles cet article doit être appliqué. Beaucoup d'individus ont eu l'intention de ne pas prêter le serment ; mais il peut y en avoir aussi qui aient omis de le prêter par erreur, comme ne se croyant pas compris. Je demanderais que ces derniers fussent exceptés ou qu on accordât à ceux qui se sont soustraits à la loi du serment un délai de huit jours pour être admis à le prêter.
rapporteur. On pourrait dire : «... seront déchues, si elles ne se soumettent pas à la loi... »
J'implore l'indulgence de l'Assemblée en faveur de gens faibles, qui, sur ce qu'on leur avait assuré qu'il y aurait une contre-révolution, craignaient d'essuyer une rude correction de la part des évêques.
Ce n'est plus le temps de l'indulgence; le jour de la justice est venu. Il faut que la loi soit respectée et qu'aucun citoyen ne puisse l enfreindre impunément.
(L'A ssemblée consultée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Gaultier-Biauzat.)
Sur l'article 3, la question de savoir si un chapelain d'hôpital, de prison ou autre établissement est utile ou nécessaire est assurément une question sur laquelle il est très convenable de se concerter avec l'évêque.
Je demande donc que la déchéance des places vacantes ne soit prononcée que d'après l'avis de 1 évêque du département.
On vent vous faire préjuger, avec une légèreté inconcevable, une des plus importantes questions de notre droit public et de notre Constitution.
Il est bien vrai que le crédit de ces évêques, crédit dont les suites de notre histoire développent les suites funestes, leur avait fait attribuer l'inspection sur l'instruction et l'éducation publique. Prenez garde, Messieurs, ceci n'est point de l'essence ue la religion. L'instruction de laquelle l'Eglise est chargée est celle dont Jésus-Christ a chargé ses apôtres : Instruisez les nations.
Distinguons bien les objet?; les apôtres n'ont ete chargés et n'ont chargé leurs successeurs que du soin de nous transmettre la morale divine de leur maître; mais qu'a-t-elle de commun avec certaines sciences qui font l'objet de l'éducation publique, telles que la philosophie, la physique, l'éloquence, la grammaire et les mathématiques ? Il n'est pas besoin d'allier sans cesse le sacerdoce à des institutions qui n'ont aucun rapport avec lui. C'est de cette confusion qu'est né le despotisme exercé sur la raison humaine, despotisme qu'il fautdétruire au lieu de lui donner de nouveaux ressorts.
J'en appelle au rapporteur; il sent l'importance de ma proposition.
Et moi j'en appelle à l Assemblée; j'en appelle aux principes et à la nation.
Quand vous aurez examiné cette importante question,peut-être croirez-vous qu'ilest certaines branches distinctes sur lesquelles il faudra, jusqu'à un certain point, donner de la surveillance au clergé. Mais enfin cette question mérite bien d être approfondie, et il ne convient pas de la préjuger comme ou se propose de le faire.
Si M. Lanjuinais retire son amendement.. .
Non.
Alors je demande la question préalable par la raison très simple que la juridiction de l'évêque ne doit nullement s'étendre sur des établissements particuliers, et qu'elle ne doit s'appliquer qu'au culte public. Il dépend absolument d une administration de département de savoir s'il convient de supprimer, de transformer, de changer l'administration d'un hôpital, de telle manière qu'il ne faille qu'un chapelain au lieu de deux ou trois, ou de telle façon qu'il en faille plusieurs au lieu d'un seul ; mais cela ne peut nullement concerner le culte public.
Je demande donc la question préalable sur l'amendement de M. Lanjuinais. (L'Assemblée consultée décrète qu'il n'y a pas ieu à délibérer sur l'amendement de M. Lanjuinais.)
Je demande par amendement que le droit de nommer les fonctionnaires
publics ecclésiastiques soit provisoirement conservé aux municipalités,
aux hôpitaux et autres œuvres pies qui étaient en usage de le faire.
N'allons pas
J'appuie la motion de M. Bouche, elle est extrêmement raisonnable. Vous vous rappelez, Messieurs, que, dans le mois de novembre dernier, vous avez rendu un décret sur le rapport de votre comité ecclésiastique, par lequel vous avez déclaré que les hôpitaux continueraient d'être administrés comme ils l'étaient au 1er octobre, qu'il est nécessaire de maintenir les municipalités dans le droit de nommer.
Plusieurs membres : Aux voix I aux voix I (L'amendement de M. Bouche est décrété.)
Un membre demande par sous-amendement que le choix des municioalités et des administrateurs ne puisse tomber que sur des sujets qui auront prêté le serment. (Ce sous-amendement est décrété.)
rapporteur. L'amendement de M. Bouche avec le sous-amendement que vous venez d'adopter pourrait former un quatrième article. Le projet de décret serait donc ainsi conçu :
Art. 1er.
« Toutes personnes chargées d'une fonction publique dans le département de l'instruction, qui n'ont pas prêté le serment prescrit par les lois des 26 décembre et 22 mars derniers, sont déchues de lrurs fonctions; et il doit être provisoirement pourvu, s'il est nécessaire, à leur remplacement, par les directoires de département.
Art. 2.
« Pour remplir les chaires de professeurs et toutes autres places vacantes ou qui viendront à vaquer dans le département de l'instruction publique, jusqu'au moment où l'Assemblée nationale en aura décrété la nouvelle organisation, les directoires de département ne sont pas astreints à ne choisir que parmi les agrégés des universités.
Art. 3.
« Les places purement ecclésiastiques, autres que celles dont l'existence et le traitement sont assurés par la constitution civile du clergé, et qui néanmoins n'ont pas é!é supprimées, telles que les places de chapelains ou desservants d'hôpitaux, de prisons et autres, seront, en cas de vacance pour non-prestation de serment ou autrement, supprimées si elles sont superflues, ou remplies, provisoirement, si le service public l'exige, par les directoires de département, en attendant que l'Assemblée nationale ait réglé, par ses décrets, ce genre de service public.
Art. 4.
« La faculté de nommer les ecclésiastiques desservant les hôpitaux, les collèges, en nombre jugé convenable par les directoires des déparlements, en vertu de l'article précédent, sera provisoirement maintenue aux municipalités ou administrateurs d'hôpitaux qui les nommaient, en vertu des titres constatés ; aux conditions que ces ecclésiastiques auront prêté le serment, et qu'ils ne pourront pas être mis en fonction sans l'approbation du directoire du département, donnée sur l'avis du directoire du district. » (Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur Vorganisation de la marine (1).
Vous avez décrété que les officiers de la marine, tant nationale que commerçante seront conservés. Votre comité vous a procomposé de déclarer que tous ceux qui seraient pris dans cette conscription maritime formeraient la marine française et la marine nationale. Gomment est-il possible qu'une proposition si raisonnable et si nécessaire ait éprouvé tant de contradiction.
On a paru frappé surtout d'une comparaison que vous a faite M. Malouet. 11 vous a fait la comparaison de la mine que les ouvriers ont à défendre, et cependant, vous a-t-il dit, ces ouvriers ne sont pas les militaires, ne sont pas armés. Cette comparaison peut être très ingénieuse; mais elle est absolument fausse dans son application à la marine. Les marins conscrits ne sont pas auxiliairement appelés au service de l'Etat. Ils sont véritablement les troupes de ligne de la mer; sans eux, il ne s'armerait pas un seul vaisseau ni en temps de paix, ni en temps de guerre, et pour rétorquer la comparaison, si l'armée qui garde une mine était uniquement composée d'ouvriers mineurs, s'il fallait être essentiellement mineur pour être en état de garder cette mine, si tous les ouvriers mineurs étaient obligés de faire à tour de rôle le service de la campagne, assurément les mineurs seraient tous militaires.
Eh bien! Messieurs, il en est de même à Londres ; ce sont les marins qui sont les gardiens, disons mieux, les conservateurs de la marine nationale. Ils sont donc militaires par cela même qu'ils sont marins, et leur en refuser le titre est tout à la fois une injustice et un inconséquence.
Je dis que tous les navigateurs sont conscrits, dès qu'un navigateur est obligé, par cela seul qu'il est navigateur, de servir l'Etat toutes les fois et autant de temps que les circonstances l'exigent; dès lors qu'on ne peut pas armer un seul vaisseau, sans que les navigateurs conscrits soient en partie obligés de servir; et je conclus jà ce que l'article du comité soit adopté.
(2). Messieurs, les armées navales sont une partie trop intéressante de la force publique pour ne pas mériter toute votre attention. Leur composition exige des vaisseaux et des hommes. Tout ce qui concerne les premiers jusqu'au moment où ils sont remis enire les mains des hommes de mer, est confié à l'administratiou dont vous ne vous occupez pas en ce moment; il ne s'agit aujourd'hui que de ces hommes qui doivent monter, faire mouvoir et diriger les vaisseaux.
Supposons donc les vaisseaux construits; examinons à qui vous pouvez et devez les confier, et quel doit être le meilleur mode d'organisation des hommes de mer.
Je ne vous apporte pas, Messieurs, les lumières de l'expérience, mais la méditation, l'avantage d'être dégagé de toute prévention, comme de tout intérêt ; enfin, les comparaisons que j'ai pu faire
chaque jour des diverses opinions discutées dans le comité, me persuadent que vous entendrez mes réflexions avec indulgence.
Je ne redoute ni les sarcasmes avec lesquels on voudrait éloigner de prendre part à cette délibération tous ceux qui ne sont pas marins, ni le reproche du fanatisme de la popularité. J'ai cherché à saisir la vérité-, je vais vous la présenter sans ornement, elle ne vous en sera que plus sensible.
Les vaisseaux sont des forteresses flottantes, destinées à protéger, à défendre, à attaquer. Elles exigent, pour être mises en mouvement et en action, le concours d'un grand nombre d'individus. Il faut que ees individus sachent également braver les dangers de la mer et ceux de la guerre; il leur faut de l'expérience et les connaissances de l'art maritime; il faut qu'il y ait entre eux une correspondance parfaite, afin que tous les efforts soient faits de concert et que tous les mouvements soient dirigés au même but ; il faut donc un chef ou capitaine sur chaque vaisseau, des officiers, pour le seconder et au besoin le remplacer, des officiers mariniers qui surveillent les matelots, et ceux-ci pour exécuter ce qu'on leur ordonne.
Si le trésor national pouvait fournir les fonds nécessaires pour enrôler et payer annuellement les uns et les autres, les difficultés qui arrêtent votre délibération seraient bientôt aplanies ; mais vous avez reconnu l'impossibilité d'entretenir annuellement tous les hommes de l'armée navale. Vous avez adopté les classes ou la conscription maritime comme une loi commandée par la nécessité et l'intérêt public.
Si votre décret qui admet la conscription ne nous a pas empêchés de nous occuper d'un plan d'organisation des états-majors de l'armée navale; si nous avons tous été également convaincus qu'il serait trop dangereux délaisser au hasard l'éducation et le choix des officiers ; si nous voulons tous qu'ils réunissent les connaissances théoriques à l'expérience, et que, par leurs talents et leurs vertus, ils acquièrent sur leurs équipages cette heureuse influence qui donne au chef le droit de tout commander et de faire oser les choses même qui paraissent impossibles, il est fâcheux que nous différions sur les moyens d'atteindre ce but.
Votre comité vous propose de multiplier les formes d'instruction en multipliant les écoles, d'exciter l'émulation par des examens successifs, de faire acquérir de l'expérience par l'obligation indispensable de naviguer, et enfin de terminer les épreuves de ceux qui se destineront au service de l'état par un concours fixé entre l'âge de 18 à 30 ans.
11 vous propose de ne rien limiter pour le nombre des grades inférieurs, de laisser à tous les citoyens la carrière ouverte jusqu'au concours qui appelle toujours ceux qui auront le plus de connaissances et de talents.
Enfin, il vous demande que ceux qui auront été admis au concours soient constamment entretenus, et ne puissent s'occuper qu'à perfectionner leurs connaissances et uniquement du service public.
11 croyait que tant de précautions réunies n'auraient pas laissé de doutes sur ses intentions, ni d'irtquiétudes sur les résultats de son plan.
On laisse bien à la marine du commerce le soin de former les marins des dernières classes. On convient qu'elle doit être l'école de la marine militaire, que même elle doit la recruter.; pour-
quoi donc craindrait-on de la voir former des aspirants et des hommes capables de disputer au concours l'honneur d'être préférés pour le service public? Pourquoi refu.-erait-on à ceux qui, par état, sont obligés de quitter tout, lorsqu'on les appelle, le droit de se présenter au concours lorsqu'ils auront acquis assez de connaissances et d'expérience pour y paraître avec avantage?
On opposait hier au plan de votre comité, qu'il confond les deux marines militaire et de commerce; que c'est le moyen de les détruire l'une et l'autre; que les examens sont trop multipliés; qu'il n'y aura que les fils de famille riche qui puissent se destiner à des états si difficiles; que M. de Choiseul échoua, en 1763, dan3 le projet qu'on vous présente.
On vous disait que la dénomination d'enseigne de vaisseau donnerait aux capitaines des prétentions exagérées; que l'entretien, remis aprè3 le concours et l'admission au grade de lieutenant,, laisserait sans espérances les jeunes gens qui n'auraient pas réussi, et qui seraient trop âgés pour songer à d'autres états ; qu'il faut fixer le concours au grade d'aspirant, à l'âge de 15 à 18 ans.
M. Malouet vous rappelait beaucoup de vérités qui, parleurs généralités, peuvent être invoquées pour des plans souvent très différents. Il finissait par 2 articles qui développaient ses intentions, une marine militaire et commandée par ceux qui, dès leur enfance, y auraient été destinés.
Vous apercevez aisément en quoi diffèrent le plan de votre comité et les opinions qui l'ont combattu. Les différences se réduisent principalement aux points suivants :
1° Par son premier article le comité vous propose de décréter que tous les-citoyens, soumis à la conscription maritime, sont compris dans la marine française. On ne veut pas de cet article. . .
2° Le comité vous propose de ne point limiter le nombre des aspirants de la marine. On veut que vous le limitiez.
3° Le comité vous propose de faire subir à tous ceux qui voudront commander des bâtiments au long cours l'examen d'enseigne, et de leur en donner le brevet. On ne veut pas de cette disposition.
4° Enfin, le comité vous demande de fixer le concours au grade de lieutenant, et de n'y admettre que les marins reçus enseignes, ayant de 18 à 30 ans. On vous demande, au contraire, de fixer le concours au grade d'aspirant de 15 à 18 ans.
L'examen de ces diverses propositions vous mettra à même de prononcer entre le comité et ceux qui l'attaquent.
1° Est-il vrai que tous les citoyens, soumis à la conscription maritime, sont compris dans la marine française?
Je dis que c'est une vérité de fait incontestable. La marine française
est en effet composée des chefs et des équipages des armées navales. On
ne pourrait pas raisonnablement dire que les chefs seuls la composent ;
et si, pour rendre cette vérité plus sensible, il était besoin d'un
exemple, je vous rappellerais celui que faisait hier M. Malouet; je vous
dirais : Supposons une mine en exploitation sur la frontière, un camp
toujours prêt pour la défendre de l'ennemi, et des officiers seulement
entretenus par l'Etat dans le camp, pour commander tous les ouvriers de
la mine qui, au premier signal,, se rendent au camp
Laissez, nous a-t-on dit, aux militaires leur fierté; ne les avilissez pas par une union qui n est pas purement militaire : il en résulterait des inconvénients incalculables.
Ce langage, Messieurs, a excité votre împro-bation.
Je n'ai pas dit cela.
Non. La première partie c'est vous qui l'avez dite, et la seconde, c'est M. de La Goudray.
Je n'ai pas dit cela. (Murmures.)
Il est très essentiel dans cette discussion de ne point attribuer à une idée, à un principe, à une expression, la valeur d'un autre principe, d'une autre expression.
J'ai été loin de présenter, comme avilissante, l'union du commerce et de la marine militaire. Je vous ai montré, au contraire, combien il était inconséquent de faire dépendre la considération d'un état, de la considération d'un autre. Je m é-lève avec plus d'intérêt pour le commerce contre les propositions qu'on vous présente, que ne vous le disent ceux qui me combattent.
Certainement le commerce est une chose noble, utile. L'état militaire n'est que le protecteur, le serviteur du commerce. Pourquoi donc veut-on faire passer des innovations dangereuses, relativement au système politique, sur le compte des prétendues préventions en faveur de l'état militaire ?
Monsieur Malouet, cela est bien. Mais j'ai mon opinion, et.....
La mienne tend évidemment au but le plus sensé.
Je ne sais pas si vos moyens sont infaillibles, mais.....{Murmures.)
Que M. Defermon ou tout autre fasse d'autres propositions que les miennes, qu'ils les réfutent, je ne m'y oppose pas; mais que l'on m'attaque sur ce que je veux soumettre un état à un autre, en disant que je veux avilir le commerce pour exalter l'état militaire, je je repousserai très fort cette attaque-là, parce qu'elle n'est ni dans la raison, ni dans mes principes.
Jamais je n'ai dit, je n'ai pensé, jamais je ne dirai qu'il soit avilissant de joindre la marine militaire à la marine de commerce. J'ai dit que cela était dangereux ; que je les regardais comme totalement différente l'une de l'autre'; que la marine militaire était une institution partielle et très grande; que la marine marchande par son état s éloigne de cette réunion.
Je suis bien aise de voir tout le monde rendre hommage à la marine marchande. J'ai peine à concevoir comment on s'est permis de proposer d'exciter la fierté des uns aux dépens des autres. La fierté de l'âme libre n'est pas placée à humilier ses semblables, mais à s'en faire estimer à se les attacher. Les chefs de nos armées navales devront être plus fiers de commander a des marins qui s'honorent d'être compris dans la marine française qu'à des hommes qui n iront à ce service que comme des esclaves.
Nous ne sommes plus au temps ou nos chefs des armées navales calculaient leur mérite sur le nombre d'années de leurs parchemins. Quils acquièrent des talents et des vertus, ils auront une fierté qui ne blessera personne, et ils verront, avec plaisir et non avec envie, ceux qui partageront leurs travaux et leurs dangers, partager la gloire de se dire de la marine française.
Je suis donc bien loin de voir des inconvénients dans l'admission du premier article du plan du comité; qu'on admette si l'on veut un autre rédaction; qu'on dise entermes plus précis:
« La marine française sera composée de tous « les citoyens soumis à la conscription maritime.»
Mais, qu'on ne craigne pas de le dire, qu on ne refuse pas à des milliers de citoyens ce que pourrait leur envier la vanité de quelques chels qui ne connaissent pas leur véritable gloire.
Tous ceux qui vous ont parlé des marins français vous ont vanté leur courage, leur fermeté, leur loyauté, pourquoi donc ne pas leur donner une satisfaction que la vérité commande et qu'il serait injuste de leur refuser?
2° Je passe au second point de discussion. Convient-il ou non de limiter le nombre des aspirants de la marine ? .
On avoue, dans tous les systèmes, que les aspirants sont des jeunes gens qui souvent n ont pas commencé à naviguer, et n'ont encore m les lumières de l'expérience, ni une théorie bien
complète. . , v.
Personne n'ignore aussi que la profession de marin est celie dont se dégoûtent le plus aisément ceux qui n'ont pas eu, dès leur enfance, 1 habitude de la mer. # ^ ...
Les services des aspirants sont assez peu intéressants pour qu'on ne propose pas de les entretenir, mais seulement de les payer pendant leur service.
Enfin, on est d'accord d'admettre les aspirants à l'âge de 15 ans. .
C'est d'après ces faits reconnus que 1 Assemblée peut se décider sur la question. .
Je soutiens qu'un état qu'on peut acquérir à 15 ans, ne peut et ne doit pas mériter la faveur d'être limité au petit nombre qui a eu assez de mémoire ou d'étude pour l'obtenir.
Supposez un aspirant de 15 ans, sûr de parvenir à son tour; vous le retiendrez dans 1 état auquel ni la nature, ni son goût ne 1 avaient destiné, et vous aurez un chef qui pourra être fort médiocre.
Supposez au contraire que les aspirants ne soient pas limités, et que ceux qui en auront subi l'examen n'aient rien à attendre de la nation qu'après leur admission au concours pour le grade de lieutenant, vous verrez abandonner la profession maritime par ceux qui s y etaient destinés sans réflexion, et qui ne se trouvent pas en état de la soutenir. Vous n aurez au concours pour le grade de lieutenant, que des jeunes gens habitués à la mer, et réunissant a une expérience consommée une theone très
C°Leslèexémples de ce qui se fait pour le génie, pour l'artillerie, ne
doivent pas vous induire en erreur. Les élèves, pour y être admis,
doivent
Dans la marine, au contraire, le concours ne doit pas seulement porter sur les connaissances théoriques; il doit porter encore sur l'expérience; les armements du commerce et même ceux faits par l'Etat, en temps de paix, leur fournissent des occasions assez faciles pour en acquérir.
Et pourquoi, Messieurs, craindriez-vous de mettre le temps du concours entre 18 et 30 ans? La nation doit-elle faire les frais d'éducation de jeunes gens de 15 à 18 ans ? Les écoles publiques, la solde des aspirants pendant qu'ils seront de service, ne font-ils pas d'assez grands sacrifices? Concluons donc que le nombre des aspirants ne doit pas être limité, que la limitation ne servirait qu'à écarter du concours grand nombre de marins dont les services peuvent être fort utiles.
Je passe à la troisième question. Convient-il, ou non, que tous ceux qui voudront commander au long cours subissent l'examen d'enseigne et en obtiennent le brevet ?
L'importance qu'on attache à cette question demande encore, Messieurs, un moment de votre attention. Vous ne m'avez entendu rappeler ni les mots de Constitution ni ceux d'aristocratie: on vous a dit que ces grands mots étaient un épou-vantail dont on se servait pour entraîner les esprits faibles. Ce n'est pas ainsi que je crois qu'on peut vous déterminer. Mais il ne faut pas aussi qu'on compte fixer votre opinion autrement que par des vérités incontestables : c'est à vous rappeler celles qui tiennent à la question, que je vais me borner.
Il a fallu, dans tous les temps, pour être admis à commander au long cours, avoir fait preuve de capacité par un examen sur la théorie et la pratique de l'art maritime. Un capitaine de navire doit encore avoir un âge mûr; on n'a pas voulu exposer les hommes qu'il commande, à être victimes de son ignorance ou de sa jeunesse.
Personne n'a contesté qu'il fallait cet examen à l'âge de 24 ans, et le comité ne vous propose rien de nouveau que le nom qu'il donne à ceux qui l'auront subi.
On les appelait capitaines de navire, et on convient qu'il n'est plus possible de les commander comme on le faisait autrefois pour être matelots. On dit même qu'on veut les traiter honorablement et^convenablement et que, appelés au service, ils ne le doivent pas être dans une autre qualité que celle d'enseignes.
Eh bien, Messieurs, c'est d'après ces vérités reconnues, que le comité vous propose de leur donner le nom qui peut et doit leur rappeler les fonctions qu'ils auraient à remplir au service public.
L'utilité de cette disposition devient plus sensible en vous en faisant l'application par l'exemple de M. Malouet.
Tous vos marins arrivent à bord comme les mineurs dans le camp; ici les maîtres mineurs sont placés à la tête de leurs ouvriers; là, les enseignes à la tête des matelots ; les chefs, entretenus par l'Etat pour commander, sont placés au-dessus des uns et des autres; mais chacun est placé suivant son grade, chacun est à sa place.
Et ici je dois vous rappeler que vous avez décrété que les marins seraient appelés au service public, chacun dans son grade; il faut donc fixer
ces grades, afin que chacun sache comment il peut être appelé.
Voyons maintenant les prétendus inconvénients de donner à des officiers de commerce le brevet d enseigne.
On vous a dit que ce serait en faire des militaires, et leurdonnerun esprit de prétentions qui nuirait infiniment au commerce. On vous a dit que ce grand nombre d'enseignes, dont tous les ports seraient inondés, nuirait également au bien du service militaire.
Je réponds à ces deux objections, et d'abord je demande si c'est Je nom d'enseigne qui fera un militaire de celui qui a subi l'examen prescrit a ceux qui veulent commander au long cours. Quoi, ce même individu serait appelé au service sous le nom de capitaine de navire comme sous celui d enseigne; il aurait le même grade, les memes fonctions, et on veut lui refuser le nom d enseigne de crainte d'en faire un militaire? Ne t est-il pas dès qu'il fait partie de l'armée navale par la conscription?
Qu'on ne craigne pas que l'enseigne attache trop d importance à son titre, et qu'il transporte dans les navires et ateliers du commerce l'esprit et les prétentions militaires. Les armateurs seront toujours les maîtres du choix de leurs équipages; tous ceux qui se destineront à la navigation du commerce auront doue besoin de la confiance des armateurs, et ils sauront bien que ce n est pas par des prétentions qu'on gagne cette confiance.
Enfin, le dernier point de difficulté est de savoir si le concours sera fixé au grade de lieutenant a 1 âge de 18 à 30 ans, ou au grade d'aspirant a l'âge de 15 à 18 ans. * . Je Qeme permettrai qu'une réflexion; il est impossible qu'un jeune homme de 15 ans nui n'a point encore l'habitude de la mer, qui n'aura même souvent pas commencé à naviguer, puisse être assez utile pour que la nation doive lui promettre un état certain. Elle ne doit pas plus faire pour lui que pour tous les jeunes gens destinés aux autres professions de la société. C'est au moment où ils offrent une espérance légitime, qu ils rendront des services utiles, qu'on peut leur assurer un état immuable. Or, ce moment, le comité vous propose de le fixer de 18 à 30 ans, et de joindre aux conditions de l'âge celles de 1 instruction, tant théorique que pratique; de sorte que ceux qui obtiendraient la préférence a son concours, seraient vraimeut en état de rendre des services utiles, et mériteraient la place qu'il leur destine.
Ainsi sur les quatre points de difficultés qui se sont eleves dans la discussion, je crois que le plan du comité demande la préférence, et je demande à 1 Assemblée de lui accorder la priorité.
Plusieurs membres demandent l'impression du discours de M. Defermon.
(L'Assemblée décrète l'impression.)
La question que l'on agite me parait tenir à des principes simples, a des principes généraux que l'on peut facilement appuyer sans avoir aucune connaissance de la marine.
Je n'attaquerai point le premier article du comité ; cet article n'a
d'autre tort que d'être insignifiant, que de ne renfermer aucune
disposition précisé; mais s'il est vrai, comme l'annonce M. Defermon,
que cet article est désirée par les
On a discuté la question de savoir s'il devait y avoir une marine militaire, ou si l'on devait absolument séparer la marine militaire de la marine du commerce; ceci n'est pas une question nouvelle, mais ce pourrait être une question mal posée, et difficile à résoudre dans sa généralité.
M. Defermon prétend que le service des bâtiments de commerce doit être entièrement assimilé au service des vaisseaux de guerre. Non, sans doute; il est facile de sentir qu'un service public fait pour l'Etat, et dirigé pour l'Etat, n'est pas le même qu'un service privé fait pour l'intérêt de quelques particuliers et par des particuliers; ainsi dune ces deux services ne peuvent être confondus.
A-t-on voulu dire que les mêmes hommes pourraient être indifféremment employés à l'un et à l'autre service? Si les services sont distincts par leur objet, distincts par leur nature, n'est-ce pas déjà une prévention que les mêmes hommes ne peuvent être indifféremment employés à l'un et à l'autre. Je ne répéterai pas ce qui a été dit, je me borne à deux observations.
J'observe d'abord que si le commerce emploie, sous le titre d'officiers et capitaines, 8 ou 10,000 individus, et que le service de l'Etat n'en exige que 2,000, sans doute il ne faut pas imposer à l'Etat l'obligation d'employer successivement cette inutile multitude. L'intérêt du service est de choisir ceux qui peuvent y être bons.
J'observerai, en second lieu, que de donner à tous les hommes, n'exerçant par le fait aucune profession publique, un titre militaire, un caractère de fonctionnaire public, c'est peut-être une disposition contraire aux principes de la Constitution. Ce privilège, sans danger dans le moment actuel, parce qu'il serait accordé à une classe dont le patriotisme est bien connu, mais tendant à- former dans l'Etat une corporation militaire, pourrait être dangereux pour l'avenir. Ainsi donc ni l'intérêt du service, ni l'esprit de la Constitution, ne permettent que les mêmes hommes soient indifféremment appliqués aux deux services..
Mais, en m'opposant à la confusion absolue des deux mrrines, je ne suis pas non plus de l'avis de ceux qui, également injustes, veulent entre les deux une barrière insurmontable. Le corps militaire, de quelque manière qu'il soit composé, n'aura jamais le privilège exclusif des talents. La marine de commerce a fourni de très bons hommes de mer, d'habiles manœuvriers, de véritables grands hommes, dont la patrie réclame les services et à laquelle ils doivent le fruit de leurs talents.
Ce qu'il y a de juste à dire sur cette matière me paraît se réduire à ceci : La navigation des Lâtiments de commerce forme aussi des officiers de mer quand ils ont des talents. Dans quelque lieu, sur quelque espèce de oâtimeut qu'ils aient fait leur apprentissage, soit à l'Etat, soit au commerce, ils n'en sont pas moins précieux. La marine commerçante cherche la fortune, et la marine militaire, l'honneur. Quel est alors l'intérêt de l'Etat? Le même que celui du négociant, c'est-à-dire de choisir les hommes les plus propres à son service, et non pas, comme on propose de le faire, à tour de rôle, ceux qui exercent la même profession. La marine militaire doit être l'élite de la marine marchande. (Applaudissements.)
Nous voilà donc arrivés à la nécessité de choisir parmi les navigateurs ceux qui doivent être spécialement attachés au service de l'Etat. En organisant le corps, il faut avoir en vue, non pas l'utilité des ofticiers exerçant telle ou telle profession, mais l'utilité publique. Il faut que le corps de la marine, pour être bien constitué, soit renfermé dans de justes limites, qu'il soit composé d'hommes qui pourront être raisonnablement présumés les plus habiles, et que ces hommes aient la certitude d'améliorer leur sort en prolongeant leur service. Le comité a limité le nombre dans les grades supérieurs, et sur ce point tout le monde est d'accord.
Il n'en est pas de même en ce qui concerne les lieutenants et les enseignes. Suivant le plan du comité, tout aspirant, ayant un temps déterminé de navigation, subit un examen et devient enseigne, mais on ne parvient pas de la même manière au grade de lieutenant. Là, le nombre des lieutenants est fixé ; il y a un concours pour y parvenir, et les plus habiles seuls sont admis.
Ainsi le comité établit deux concours différents, un examen au concours et un examen sans concours. 11 est assez inutile d'observer, parce que cela est généralement connu, qu'un examen sans concours, qu'un examen où il ne faut que bien répondre, et non pas répondre mieux qu'un autre, n'est qu'une forme communément illusoire, toujours facile à remplir ou facile à éluder. Un examen ne peut être une véritable épreuve des connaissances de celui qu'on y soumet, qu'autant qu'il a des concurrents qu'il a intérêt à surpasser, qu'autant qu'on peut juger les candidats par comparaison. Le mot examen seul ne peut avoir une détermination précise.
Ainsi donc tous ceux qui n'ont qu'a subir un examen satisfaisant pour être aspirants seront aspirants, et nous aurons un très grand nombre d'aspirants. Ce nombre sera d'autant plus grand que presque tous ceux exerçant la profession maritime auront intérêt à se dérober au service plus pénible auxquels ils peuvent être assujettis en qualité de matelots et d'officiers maritimes. Il y aura aussi, par la même raison, un très grand nombre d'enseignes, et il est même nécessaire qu'il y en ait beaucoup, puisqu'ils sont aussi destinés seuls à conduire les bâtiments de commerce ; il y a une seconde épreuve, et cette épreuve est le choix du négociant qui doit l'employer.
Mais si l'Etat le fait enseigne de vaisseau, il est obligé de l'employer sans choix, sans distinction, et l'Etat, dans cette hypothèse, se trouve dans une position beaucoup plus défavorable que les négociants. D'où il résulte, à mon avis, qu'en n'ayant point limité le nombre des enseignes, ou se heurte à un inconvénient assez grave. Ainsi donc pour ce qui regarde les enseignes, 1e comité a violé les deux bases que j'ai établies. Il n'a point limité le nombre ; il n'y pas de choix dans l'admission.
Voyons si la troisième condition, d'accorder toujours des encouragements à ceux qui servent, est également remplie.
On parvient au grade de lieutenant par le concours. Si le concours a paru au comité propre à fournir de bons lieutenants, il aurait dû le juger également propre à fournir des enseignes habiles ; et la raison qui l'a déterminé à mettre le grade de lieutenant au concours, pouvait aussi le déterminer pour le grade d'enseigne, puisque le concours, dans sa nature, est établi pour juger ceux à qui les grades peuvent bien mieux convenir.
Le concours, dit le comité, comprendra un
Je dis qu'il arrivera presque toujours que les talents pratiques auront le désavantage de se voir délaissés et de ne point parvenir. A la mer on apprend à agir beaucoup mieux qu'à parler ; et l'enseigne de vaisseau qui reviendra d'une campagne pénible, oùles services qu'il aura rendus ne lui auront pas permis de se livrer à des études qui, alors, pourraient lui paraître oisives, verra toujours un jeune enseigne nouvellement parvenu à ce grade, nouvellement sorti des études, sorti de dessus les bancs, exercé à l'art de parler, obtenir sur lui la préférence, et parvenir plutôt que lui au grade de lieutenant. Ainsi, par un renversement de tout principe, on verra la jeunesse et l'inexpérience conduire en chef des opérations qui seront exécutées en subalternes par l'âge et le talent.
L'homme expérimenté, voyant mieux dire ce qu'il saura mieux faire, détestera un service qui ne lui offrira aucun espoir d'avancement, ne viendra au service public que quand il y sera forcé, ou bien on aura des hommes médiocres qui n'auront pas trouvé d'armateurs qui les aient jugés dignes de leur confiance. Le comité a donc trouvé le moyen de dévouer au service public les personnes qui y sont les moins propres.
Autre difficulté et qui me paraît fort difficile à concilier.
En temps de guerre, les enseignes de vaisseaux seront dispersés sur toute la surface du globe. Ils seront employés de la manière la plus active, la plus périlleuse, dans les Indes orientales, dans les Indes occidentales, au bout du monde. L'enseigne dew^aisseau se trouvant en France nouvellement arrivé à ce grade se présentera au concours, qui ne pourra avoir lieu qu'en France ; tandis que l'enseigne qui servira avec activité à l'autre extrémité du monde sera dans l'impossibilité de s'y présenter. Le premier obtiendra seul le grade de lieutenant, qui sera toujours refusé ou inaccessible à ceux qui s'en seront rendus dignes d'une manière utile et active. Donc le concours sera impraticable pendant la guerre, ou bien deviendra la source la plus absurde des plus cruelles injustices. (Applaudissments.)
Revenons donc à des idées plus simples, plus naturelles. Les officiers voués au service public sont fonctionnaires publics. Ils doivent être choisis; ils doivent être les hommes les plus habiles; ils doivent l'être tous. Ainsi tout le corps militaire, tout le corps des officiers de mer voués au service public, en y comprenant tous les grades, doit être choisi sur la masse des navigateurs. Donc le dernier de ces grades, celui par lequel on commence, le grade d'enseigne doit être donné au concours auquel seront appelés tous les navigateurs et spécialement les capitaines de commerce.
Il faut établir des règles en vertu desquelles le capitaine de navire, qui n'aura pas pu parvenir par la voie du concours, puisse néanmoins parvenir, car il ne faut pas qu'un seul homme de talent dans la marine marchande puisse échapper à la marine militaire. (Applaudissements.) Mais je ne pense pas pour cela que l'on doive préférer un capitaine de navire à un lieutenant de vaisseau, et je penserai toujours que 15 ans de service militaire équivalent au moins à 30 ans de service dans la marine marchande.'
Il me reste à parler des aspirants de la marine. Le comité de la marine a conservé les aspirants : donc il les a crus utiles. Mais;comment les aspirants ou élèves de la marine sont-ils utiles? Est-ce par les services qu'ils rendent d'abord ? Est-ce par l'éducation qu'ils y reçoivent? Dans un temps où d'orgueilleux préjugés faisaient supposer que le courage était le partage exclusif d'une classe d'hommes, et l'honneur la plus précieuse récompense, on était conséquent, sans doute, en supposant qu'une foule de jeunes gens, tirés de cette classe privilégiée, donneraient dans toutes les occasions les exemples d'une fermeté qui était son premier et presque son unique devoir. Mais, maintenant que ces chimères de la vanité sont évanouies, il serait absurde de compter que cet exemple serait donné exclusivement.
Ainsi donc les élèves de la marine qui n'ont ni la force, ni l'activité, ni les lumières des officiers, ne sont utiles sur un vaisseau qu'à eux-mêmes par l'éducation qu'ils reçoivent, et non pas par les services qu'ils rendent. Puisque l'Etat peut faire les frais de cette éducation, il faut qu'il la rende aussi utile qu'elle puisse être, et cette éducation deviendra nulle si elle s'étend sur un grand nombre de sujets.
Si les aspirants par exemple, sont au nombre de 4,000, et il est probable qu'ils atteindront ce nombre-là, il se passera peut-être 7 ou 8 années avant que chacun d'eux ait pu, faire une seule campagne sur les vaisseaux de guerre, et le bénéfice de cette éducation deviendra nul pour être subdivisé entre un trop grand nombre d'individus. Pour avoir formé trop de sujets, l'Etat n'en aura élevé aucun. Ainsi donc, pour rendre l'éducation utile, il faut limiter Je nombre des aspirants au nombre de ceux qui peuvent être embarqués sur les vaisseaux de l'Etat. En un mot, Messieurs, ou il ne faut pas d'aspirants, ou il faut que le nombre des aspirants soit limité.
Je ne crois pas être dispensé de répondre à l'objection qui fut faite à cette tribune, que limiter le nombre des aspirants était une institution contraire à la Constitution. Sans doute, il est dans l'esprit de la Constitution de destiner aux services publics les hommes qui y sont les plus propres. Si l'esprit de la Constitution eût été d'établir cette égalité absolue dont on nous parle, elle n'aurait pas établi partout des choix populaires qui ont pour objet de porter aux places les hommes qui en sont les plus dignes. Elle aurait dit que tous les administrés eussent été à leur tour administrateurs. (Applaudissements.)
En limitant le nombre des aspirants, quels seront ceux qui seront admis dans cette classe à jouir de l'éducation dont l'Etat veut bien faire les frais? Ceux qui seront le plus dans le cas d'en profiter; ceux qui, par un examen préliminaire, auront annoncé plus de dispositions; et comme il n'est pas question ici d'officiers formés, mais de jeunes gens que l'ont veut former pour la mer, on ne peut exiger que des connaissances théoriques.
Après cet examen, il en faut un autre pour avancer dans cette carrière,
car je ne pense pas que les aspirants puissent devenir de droit
enseignes de vaisseaux. Il faut pour parvenir à ce grade d'enseigne,
qu'ils soient, comme tous les autres navigateurs, soumis au concours, et
qu'ils n'obtiennent la préférence qu'autant qu'ils l'auront méritée. Il
ne faut pas qu'on puisse dire comme autrefois : « Quoique tu n'aies pas
vu la
Mais cette éducation ne peut pas être éternelle ; il faut qu'elle ait un terme fixé. Je proposerai donc que lorsqu'un aspirant aura joui pendant un temps déterminé de ce titre et de l'espèce d'éducation qui pourra y être attachée, s'il n'est pas fait enseigne, qu'il soit obligé de se retirer et de rentrer dans la foule des navigateurs.
Il me reste à parler des capitaines de commerce. C'est avec satisfaction que je m'empresse de rendre une justice éclatante à cette classe de citoyens estimables par leur loyauté, par le patriotisme dont ils ont fait preuve, et qui sont si dignes de l'estime de la nation et de l'intérêt de l'Assemblée nationale. Je suis partisan de tous les encouragements qu'il est possible d'accorder à cette profession ; mais, lorsqu'il est question de commerce et d'agents de commerce, cet encouragement se trouve toujours dans ce mot que je ne puis trop répéter: Liberté! liberté! Vous favoriserez cette classe en lui laissant la liberté entière d'en exercer les fonctions, en la dérobant à la dépendance du corps militaire que l'on a quelquefois accusé d'avoir abusé de ses droits.
Les capitaines de commerce ne sont pas fonctionnaires publics ; mais l'Etat, pour ne pas compromettre sa sûreté, doit les surveiller. C'est avec raison qu'on exige d'eux 6 ans de navigation. Mais je ne sais pourquoi on a étendu à 12 mois le temps qu'ils doivent passer sur les vaisseaux de guerre. 11 faut qu'un capitaine de commerce sache sur quel pied il servira. On ne peut lui donner moins que le grade d'enseigne. Voilà en quoi le plan du comité est oppresseur; c'est qu'à 24 ans un capitaine pourra être enseigne, et il pourra encore l'être à 60. N'est-ce pas faire injure à ceux qui exercent cette profession, de croire qu'ils ont besoin d'une école étrangère? Les professions les plus utiles sont maintenant les plus honorables. Celle-ci conduit à la fortune par le plus beau chemin, le travail et les dangers.
Je vais maintenant vous faire lecture de mon projet de décret.
« Art. 1er. L'Etat contiendra un corps
d'officiers de mer de tous .grades, pour être spécialement voués à son
service.
« Art. 2. Le nombre des aspirants sera limité. Ce titre sera donné au concours ; on ne pourra être aspirant plus de 6 années.
« Art. 3. Le grade d'enseigne sera donné par un examen au concours sur la théorie et la pratique. Seront admis à ce concours tous les capitaines de commerce et les aspirants ayant un temps déterminé de navigation. Les enseignes et ceux qui parviendront à ce grade par celui de maître, seront constamment entretenus.
« Art. 4. Les enseignes parviendront au grade de lieutenant par rang d'ancienneté de navigation faite en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat, pourvu qu'ils n'aient pas passé l'âge de-Cette ancienneté déterminera aussi le rang des enseignes entre eux.
« Art. 5. Il y aura un sixième des places de lieutenant laissé au choix du roi. Ce choix pourra porter sur les enseignes et sur les capitaines de commerce qui se seront distingués par leurs talents ou leurs services en commandant les bâtiments de commerce.
« Art. 6. Les navigateurs pourront être reçus capitaines après six années de navigation, un examen publie, et un âge déterminé.
« Les capitaines reçus ne pourront être appelés au service public dans une qualité inférieure à celle d'enseigne, et seulement dans le cas déterminé ci-après.
« A l'époque d'armements extraordinaires pour lesquels le corps des officiers de mer entretenus par l'Etat serait insuffisant, le Corps législatif décidera, sur la proposition du roi, s'il faut pourvoir aux besoins du service en augmentant par le concours le corps des entretenus et en appelant au service les capitaines du commerce.
« Art. 7. Les capitaines appelés au service prendront rang avec les autres enseignes, suivant leur ancienneté respective, parviendront de même au grade de lieutenant. Ceux qui auront été employés deux ans de suite sur les vaisseaux de l'Etat seront de droit entretenus, sans être assujettis à la condition du concours.
«Art. 8. Les capitaines de navire pourront être faits lieutenants, sans passer par le grade d'enseigne, dans les cas déterminés ci-devant. » J'ai parlé à l'Assemblée nationale avec toute la simplicité d'un homme qui dit ce qu'il croit vrai, ce qu'il croit utile, parce que c'est son devoir, et qui le dit ni-avec passion ni par intérêt. ( Vifs applaudissements.)
Plusieurs membres : L'impression! l'impression !
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours et du projet de décret.)
Quoique j'aie fait part à l'Assemblée, dans une précédente séance, de la lettre de M. Deschamps (1), qui constate suffisamment que la municipalité de Lyon, à laquelle le décret de l'Assemblée avait été adressé, a fait parvenir ce document à M. Deschamps, cependant je crois devoir faire part à l'Assemblée de la lettre des maires et officiers municipaux de Lyou, attendu qu'elle contient une réponse de M. Deschamps, dont il est peut être bon que l'Assemblée ait connaissance.
« Lyon, le
« Monsieur le Président, « Nous nous sommes empressés d'exécuter les décrets de l'Assemblée nationale, et M. Deschamps a répondu :
« Je soussigné déclare que MM. Chalier etCha-« puis, officiers municipaux, m'ont remisaujour-« d'hui à 8 heures du soir la lettre et le décret « y mentionné, et j'ai déclaré à ces messieurs, « que, prévenu de cette remise, j'ai eu l'honneur « d'écrire, par le courrier d'hier, à l'Assemblée na-« tionale, en la personne de M. son Président, « en annonçant que j'attendrais la réponse que « l'Assemblée daignerait me faire.
« Ce
« Signé : Deschamps. »
« Nous sommes avec respect, Monsieur le Président, etc...
« Signé : Les Maires et officiers municipaux de la ville de Lyon. »
Un membre : Il n'y a pas de réponse.
On ne peut laisser M. Deschamps revêtu de son inviolabilité lorsque les
causes pour
La dernière leltre M. Deschamps porte que sa santé n'est pas encore rétablie, que son dessein est de se retirer à la campagne et qu'il ne prévoit pas qu'il lui soit possible de se remettre entièrement avant la fin de la législature.
C'est une véritable dérision que de voir un membre de l'Assemblée venir demander à l'Assemblée même si le décret qu'elle arendu porte réellement ce qu'il exprime. Je demande que l'Assemblée persiste dans son décret de rappel et qu'elle renvoie l'affaire au pouvoir exécutif pour qu'il prenne les mesures convenables et nécessaires à l'effet que M. Deschamps satisfasse à la loi que lui impose ce décret.
M. Deschamps étant malade, il y aurait de l'inhumanité et de la barbarie à le rappeler; on ne peut forcer un membre de l'Assemblée, que le dérangement de sa santé en éloigne, de s'en rapprocher avant que cela lui soit possible.
Si M. Deschampsest réellement malade et qu'il soit décidé à rester à la campagne, nous ne pouvons pas nous y opposer. L'humanité même nous sollicite de céder à cette résolution ; mais M. Deschamps ne me paraît pas aussi malade qu'il le dit. (Murmures.)
Il déclare vouloir se retirer à la campagne pour y demeurer jusqu'à la fin de la présente session, il paraît du moins assez étrange qu'il prévoie devoir être malade tant que durera la législature. (Murmures.)
Puisque sa santé est mauvaise, il faut quu donne sa démission, parce qu'alors il sera dépouillé de son inviolabilité et la municipalité pourra le poursuivre s'il fait quelque démarche qui puisse troubler l'ordre public.
La démission de M. Deschamps est véritablement acquise. M. Deschamps a demandé dans sa lettre un congé jusqu'à la fin de la législature constituante. M. Deschamps doit être considéré comme un militaire qui écrirait au ministre, en temps de guerre, qu'il ne peut joindre son régiment qu'après la lin delà guerre. (Applaudissements.) Le ministre très sûrement, et avec beaucoup de justice, regarderait cette déclaration comme une démission. Cependant il faut que le département de Rhône-et-Loire soit représenté. M. Deschamps déclarant qu'il ne peut le représenter a par là-même donne sa démission. Ma motion est que l'on tienne la lettre de M. Deschamps comme une démission de sa place de député, et qu'il soit ordonné à son suppléant de venir prendre sa place.
(L'Assemblée nationale décrète qu elle tient la lettre de M. Deschamps comme une démission de sa qualité de député, et ordonne que son suppléant viendra le remplacer.)
La suite de la discussion sur l'organisation de la marine est reprise.
Il me semble, Messieurs, que les simples règles de la justice et du bon sens suffisent pour nous diriger dans la détermination que nous avons à prendre. Je me garderai bien de comprendre, dans les idées que j'ai à vous soumettre, les diverses questions dont on a environné le système général dans les deux opinions qui se combattent, pour les colorer et les faire adopter par l'Assemblée.
Indépendamment des critiques particulières qu'on a faites sur le plan du comité, on en a fait aussi de générales qui attaqueraient le système entier; mais il me semble qu'elles ne portent nullement sur le premier article. En-effet, ceux qui s'exercent sur les vaisseaux de l'Etat doivent tous être admis sur les vaisseaux consacrés à la défense de l'Etat.
Vous avez décrété qu'il y aurait des classes, qu'il y aurait une conscription pour la marine. Eh bien! il résulte de là que les marins, étant obligés de servir quand ils en seront requis, doivent tous être habiles à venir servir sur les vaisseaux de l'Etat. Il me semble que la justice et la raison prescrivent cette règle, et dès ce moment nous ne devons pas regarder comme insignifiant le premier article proposé par le comité, qui établit cette maxime.
Il est Vrai que les expressions dont il s'est servi pour concevoir ce principe le rendent un peu insignifiant; mais rédigeons-le en des termes plus clairs, et vous allez voir les conséquences qui en sortiront. Disons que la marine française sera composée de tous les citoyens soumis à la conscription maritime, et nous dirons ce qui doit effectivement exister, ce à quoi personne ne peut s'opposer.
Voyons maintenant la différence des deux systèmes. Les uns veulent que la marine militaire soit tellement séparée de la marine marchande, que celle-ci ne puisse venir dans la marine militaire que par accident, par occasion, par besoin. Nous au contraire nous demandons véritablement que tous les navigateurs qui naviguent sur les vaisseaux de commerce, et qui se rendent utiles à l'Etat, ne soient point exclus des grades de la marine militaire, quoiqu'ils ne soient pas entretenus.
Veuillez considérer les inconvénients qui résultent du plan proposé par M. de Champagny, savoir que les marins du commerce ne seront appelés, comme ils l'étaient jadis, à servir, sur les vaisseaux de l'Etat, que lorsque le besoin l'exigera. Le petit remède même qu il vous propose, de faire décider par le Corps législatif si le nombre des entretenus sera augmenté, ou si les-capitaines des navires marchands seront entretenus, ce remède est absolument nul ; car, quand on veut détruire des préjugés trop enracinés, quand on veut régénérer la nation entière, il faut faire des dispositions pour que les institutions actuelles ne se sentent plus des institutions passées. .
A ce sujet voici quel était l'état ancien, quel est encore l'état de la marine, puisqu'il n'est pas réformé. Là il y a une marine entretenue et des hommes qui se sont servis de ces mêmes privilèges de naissance pour faire faire une constitution de la marine; ceux qui viennent les aider dans ce service, quand le besoin de l'Etat l'exige, sont des hommes qui ont l'air d'être postiches dans cette marine, et qui, quelques services qu'ils rendent, ne font pas partie du corps, et sont condamnés à des humiliations perpétuelles. (Applaudissements.)
Et que résulterait-il du système que l'on vous propose? Que ce sera
toujours la même organisation ; que des hommes n'ayant pas de grades
militaires, quoiqu'ils soient entretenus, lorsqu'ils
Et ne vous a-t-on pas dit qu'il serait humiliant pour des marins de la marine de l'Etat de voir partager leurs grades avec des hommes qui ne sont pas militaires. Pour moi, je ne vois aucun inconvénient dans le système contraire ; j'y vois le résultat nécessaire de la conscription militaire, car tout homme qui est forcé de venir servir sur les vaisseaux de l'Etat doit participer aux grades et aux honneurs qui sont attachés à ce service.
Quel inconvénient aperçoit-on dans le grade d'enseigne donné à tous les capitaines de commerce, en raison de leurs services, de leur navigation ?
Il n'y en a aucun ; au contraire, ils seront plus attachés à leur état par le grade qu'ils auront reçu, et plus pénétrés de l'obligation d'être utiles à la patrie en servant sur des vaisseaux de commerce, et ne voyant plus à côté d'eux de simples protecteurs dans la marine militaire, mais en y voyant des frères qui les défendent.
Ces mots de protecteurs, de protégés, cette différence éternelle entre des hommes qui montent des vaisseaux armés de canons et des hommes qui montent des vaisseaux chargés de marchandises, me paraissent tout à fait contraires aux idées que nous devons avoir maintenant, d'après notre Constitution. Si vous établissiez encore cette lignede démarcation, vous.verriezdes protecteurs; et à côté des protecteurs il y a toujours des protégés. Eh bienl moi je veux voir des frères d'armes qui servent utilement la patrie.
On ne voit dans le projet de votre comité que l'esprit de votre Constitution, que la stricte justice. En adoptant les vues.qui lui sont contraires, vous altéreriez la stabilité de vos travaux, par cela seul que les hommes qui composent la marine militaire pourront calculer que vous avez encore un peu ménagé, un peu favorisé les préjugés auxquels ils sont attachés. Et vous aurez, d'un autre côté, découragé cette marine marchande, à commencer depuis le dernier matelot jusqu'au capitaine le plus expérimenté ; ils seront obligés de se regarder par votre décret comme les inférieurs de cette marine militaire, tandis qu'ils doivent être leurs égaux, quoiqu'ils servent l'Etat dans diverses fonctions.
Je n'allonge pas davantage ma discussion qui ne peut tenir qu'à un ou deux principes, comme l'a dit M. de Champagny ; mais à un ou deux principes plus agrandis, plus appopriés au système de notre Constitution, plus conformes à nos principes. C'e3t à cela d'abord qu'il faut nous attacher, c'est ce qu'il faut décréter. ' La marine sera composée de tous les marins conscrits dans la marine française, c'est là le principe qu'il faut décréter. Il ne faut pas s'em-Darrasser dans des questions de détail, puisque la question qu'on vous propose tient à des principes que vous avez cent fois décrétés, et qu'il ne faut pas laisser fléchir. Décrétons ce premier point ; et pénétrons-nous de l'idée qu'il faut détruire les préjugés, les attaquer partout où nous les trouvons pour nous rallier à ces principes, pour établir notre constitution sur les mêmes ûases, surtout pour suivre les règles de la justice.
Je demande donc la priorité pour le projet du comité et je propose à l'Assemblée de commencer par établir comme principe fondamental que les citoyens soumis à la conscription maritime seront compris dans la marine française. Cette maxime une fois lixée, on en pourra tirer toutes les conséquences.
Si l'on met aux voix la priorité et qu'elle soit accordée au projet du comité, la discussion sera nécessairement ouverte de nouveau. (Murmures.)
Je mets aux voix l'article 1er(Murmures).....Je mets aux voix cet article parce que M. de
Champagny lui-même l'a adopté.
Je ne m'oppose point à ce que l'article 1er
soit mis aux voix, quelles que soient les conséquences qu'on en puisse
déduire ensuite. Si j'ai dit qu'il était insignifiant, c'est que j'ai
trouvé ce jugement conforme à la vérité; mais je l'expliquerai dans un
second article que je me propose ae présenter quand le premier sera
adopté.
A présent i à présent !
Je mets aux voix l'article 1er. II est ainsi
conçu :
« Art. 1er. La marine française sera composée
de tous les citoyens soumis à la conscription maritime. » (Adopté.)
Je prends la liberté d'observer à l'Assemblée nationale que l'organisation de la marine qu'elle va décréter doit embrasser l'avenir comme le présent, et qu'il faut qu'elle craigne de s'y déterminer par des préventions que le moment aurait fait naître. M. Le Chapelier m'a paru aussi croire que j'avais mis des préventions à la place de» principes. De ceux que j'ai établis résulte seulement la nécessité d'avoir un corps d'ofliciers de tout grade; car il n'y a pas de grade pour lequel on puisse faire une ^excep-tiou ; aucun n'est indifférent à la chose publique.
C'est en conséquence que je propose de faire suivre l'article que vous venez de décréter de la disposition suivante. Remarquez que je ne me sers pas du mot militaire parce que je ne veux pas ae prétentions abusives. Voici cette disposition :
« L'Etat entretiendra un corps d'officiers de mer de tous les grades spécialement destinés à son service. »
Cet article est absolument nécessaire pour conserver une marine à la France et je crains que l'on ne puisse conclure du projet de décret du comité que tous les marins seront appelés indistinctement à tous les grades.
Je demande qu'on ne délibère pas sur la disposition qui vous est soumise, et voici ma raison. Ou elle préjuge le système de M. de Champagny, qu'il ne faut pas préjuger; ou elle est parfaitement inutile ; car si M. de Champagny veut dire qu'on n'admettra aux grades que ceux qui sont entretenus, il préjuge son système et détruit celui du comité.
Il y aura, dit M. de Champagny, un corps d'officiers de mer de tous les
grades. Il faut tirer de là la conclusion qu'un officier de navire
marchand ne pourra point avoir de grade ou de qualité, sans être
entretenu par l'Etat, et alors il
le jeune. La proposition de M. de Champagny contient un fait incontestable et, tant que la France aura un commerce et des colonies, il faudra qu'elle entretienne une marine.
L'incertitude dans laquelle on paraît demeurer résulte uniquement de ce que fa question n'est pas bien posée. S'il était question de savoir s'il y aura indéfiniment une'classe de citoyens destinée au commerce et une autre destinée à la marine militaire, sans doute tout le monde devrait être d'avis du rejet de l'article, mais il ne s'agit pas de cela ici. Dès l'instant que vous êtes tous convenus qu'il faut une marine militaire, qu'il faut un corps pour bien servir l'Etat, il ne s'agit que d'éviter qu'on établisse une proscription pour les uns ou pour les autres. Or je ne vois aucune trace de proscription dans l'article de M. de Champagny. Je demande donc qu'il soit mis aux voix.
L'article proposé par M. de Champagny limite le nombre des aspirants et exclut du service un grand nombre de sujets; et en cela il diffère avec le plan du comité. Or je crois que cette question est prématurée et que ce n'est ni le moment de la discuter, ni celui de la résoudre. Cette question devra être traitée quand vous examinerez le mode d'admission; mais, comme la discussion ne porte pas actuellement sur ce point, et que l'article de M. de Champagny semble le préjuger, je demande non pas la question préalable, car je pourrais bien être de son avis, mais que l'on passe à l'ordre du jour, sauf à le discuter ultérieurement à sa place.
Il y a beaucoup d'erreurs de fait dans ce que vient de dire le préopinant; il n'a pas saisi mon système. L'article que je propose ne préjuge rien; il ne s'agit pas de limiter le nombre des aspirants parce que les aspirants ne sont pas officiers. Vous venez de décréter que tous les citoyens soumis à la conscription maritime sont compris dans la marine française. Cette expression est vague, les emploierez-vous tous? Non sans doute. Il faut donc exprimer, comme je le dis dans mon article, qu'il sera choisi dans la masse totale de la marine française un corps d'officiers de mer de tous les grades, spécialement voués au service de l'Etat. Il me paraît important de déterminer d'abord cette conséquence, qui peut d'ailleurs s'attacher à tous les projets.
Outre que l'article proposé préjuge la question de savoir s'il n'y aura à avoir des grades que les officiers entretenus, je vous observe, Messieurs, qu'en disant que l'Etat entretiendra des officiers de tout grade, on vous ferait revenir indirectement contre un de vos décrets. Car vous avez dit, dans le décret de la conscription, que les marins seraient appelés au service public, chacun dans le grade qu'il aurait acquis. Vous avez' donc reconnu que chaque marin, appelé au service public, pouvait dire : « J'ai tel grade, et l'on doit m'appeler à tel service. »
Vous ne pouvez revenir sur ce décret et je demande à passer aux «articles du comité.
Je sais très bien que la marine militaire, comme une foule de corporations, s'est rendue souvent désagréable aux personnes de l'Etat ; mais je vous prie d'observer que ces torts de quelques individus n'empêchent pas d'apercevoir l'utilité entière dont est et dont sera la marine militaire. Voyez tous les Etats maritimes de l'Europe ; voyez s'il y en a un seul qui ose prononcer dans ce moment la destruction de ses forces navales. (Murmures.) Il est impossible de ne pas admettre la proposition de M. de Champagny, à moins que vous ne.vouliez vous exposer à perdre vos possessions lointaines. Je demande donc que son article soit décrété.
Il faudrait nous supposer bien peu de raison pour croire que nous proposons que tous les officiers de la marine française feront tour à tour le service militaire et le service du commerce. Il est clair par les articles 36 et 37 qui portent, l'un, que les places d'enseignes entretenus seront données aux maîtres entretenus ; l'autre, que les lieutenants seront entretenus et particulièrement voués au service de l'Etat; il est clair, dis-je, que nous voulons une marine entretenue. L'article de M. de Champagny est dangereux s'il tend à conserver l'ancienne ligne de démarcation entre la marine marchande et la marine militaire. On dit que c'est ici la place de cet article ; mais à quelque époque que vous le décrétiez, vous le placerez où il doit être, quand vous connaîtrez bien de quels mots il faut se servir pour déterminer le système que vous aurez adopté. Il est nécessaire de renvoyer cet article, pour qu'après vous avoir fait décréter qu'il y aura un corps de marine entretenu, on ne.vous dise pas que la ligne de démarcation est préjugée.
Il y a là une subtilité dont il faut prévenir l'Assemblée. Le comité veut bien des officiers entretenus, mais il faudra qu'ils soient lieutenants, et qu'ils aient au moins 30 ans. Le plan du comité est donc de n'entretenir que très tard, et cependant il est important d'entretenir de très bonne heure. Il est indispensable de placer l'article proposé par M. de Champagny immédiatement après l'article 1er que vous avez déjà décrété.
Si l'article que propose M. de Ghampagny ne veut rien dire, il est inutile de s'en occuper ; s'il veut dire quelque chose, il sera toujours temps de le placer. Cet article sera renvoyé au moment opportun en passant à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la proposition de M. de Champagny.)
Plusieurs membres demandent la priorité pour le plan du comité.
En décrétant de passer à l'ordre du jour, vous n'avez pas déterminé votre
ordre de travail. On demande la priorité pour le plan du comité qui est
attaqué depuis trois jours sans qu'on l'ait défendu : 40 des articles
qu'il contient portent sur des détails qui sont admissibles dans tous
les projets ; mais il en renferme 9 qui en forment les bases principales
et qui ne pourront jamais être admis. Gomment demande-t-on la priorité
pour un pareil plan ! Nous nous retrouvons à la difficulté dont
l'article de M. de Champagny donne la solution. Si vous ne prononcez
Ceci me paraît raisonnable ; il faut discuter ce3 questions. M. Malouet dit qu'on nia pas défendu les articles du comité ; nous sommes au pair, car moi je dis qu'on ne les a pas attaqués.
J'observais toutefois que les questions proposées quoique intéressantes par elles-mêmes ne doivent pas être discutées dans le moment actuel. Elles entraîneraient des débats qu'on ne peut pas se promettre de voir terminer vu l'heure avancée de fa séance, et il me paraît plus' convenable, pour économiser le temps, de décréter les premiers articles du projet du comité qui ne sont susceptibles d'aucune difficulté. Vous donnerez ainsi le temps de réfléchir sur les questions contestées, et, par cette marche, vous n'aurez point accordé de priorité, vous n'aurez rien préjugé.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète la motion de M. Le Chapelier.)
donne en conséquence lecture des articles suivants :
Mousses.
Art. 2.
« Nul ne pourra être embarqué comme mousse sur les bâtiments de l'Etat, que de 10 à 16 ans. » (Adopté.)
Novices.
Art. 3.
« Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans, et n'auront pas satisfait à l'examen exigé par l'article 14, seront novices. » (Adopté.)
Matelots.
Art. 4.
« Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices pourront, après douze mois de navigation, être admis à l'état de matelot. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye ; et, à cet effet, la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes. » (Adopté).
Art. 6.
« Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye, saos avoir passé par les payes intermédiaires. » (Adopté.)
Officiers mariniers.
Art. 7.
« Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu'aux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu'ils auront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions. » (Adopté.)
Art. 8.
« On ne pourra être fait officier marinier de manœuvre, sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier. »
Un membre propose par amendement à cet article de limiter à six mois l'année de navigation en qualité de gabier, à laquelle le comité propose de soumettre l'officier marinier de manœuvre.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement et adopte l'article 8 sans changement.)
Art. 9.
« Toutes les augmentations de solde, et avancements en grade pour les gens de l'équipage,seront faits pour chaque vaisseau par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard. » (Adopté.)
Pilotes côtiers.
Art. 10.
« Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu'il n'ait le temps de navigation, et satisfait à 1 examen qui sera prescrit : ces maîtres seront employés au moins comme timoniers. » (Adopté.)
Art. 11.
« Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s'il n'a commandé au moins trois ans en qualité de maître au petit cabotage, et satisfait à l'examen qui sera prescrit. » (Adopté.)
Maîtres entretenus.
Art. 12.
« Les officiers mariniers, parvenus par leurs services au premier grade de leur classe, pourront être constamment entretenus, et le nombre des entretenus sera déterminé d'après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus, vacantes dans chaque département, seront donnés à l'ancienneté, et l'autre tiers au choix du roi. L'ancienneté des maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les bâtiments de l'Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître. » (Adopté.)
donne lecture de l'article 13 qui est ainsi conçu :
« Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu'ils eussent passé l'âge auquel l'admission aux différents grades d'officier pourrait avoir lieu.»
Un membre propose par amendement de retrancher de l'article les mots :
«... encore qu'il eussent passé l'âge auquel l'admission aux différents grades d'officier pourrait avoir lieu.»
(Cet amendement est décrété.)
Un membre propose par amendement de décréter que les maîtres entretenus
de manœuvre
(L Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.)
fait lecture de l'article 13 amendé.
Art. 13.
« Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées.» (Adopté.)
fait part à l'Assemblée d'une lettre qui lui est adressée par des ouvriers des travaux publics de la section des Gobelins, dans laquelle ils annoncent qu'il sera célébré samedi 16 du courant sur les 11 heures du matin dans 1 église paroissiale de Saint-Marcel un service solennel pour le repos de l'âme de M. de Mirabeau.
annonce l'ordre du jour de la seance de demain et lève la séance à 3 heures et demie.
a la séance de l'assemblée nationale du
Aperçu de la situation des finances aux 1er mai
1789 et 31 décembre 1790.
Relevé des différentes erreurs et variations du comité des finances de VAssemblée nationale et nouvel examen des discussions qui ont eu lieu sur les besoins de 1791 et sur les impôts pour les acquitter, par M. Bernigand de Grande député.
L'administration des finances, jusqu'en l'année 1780, était presque inconnue ; elle était concentrée entre un très petit nombre d'individus et couverte d'un voile impénétrable pour le grand nombre des citoyens.
M. Necker en était l'ordonnateur principal. Il donna au roi et rendit public, parla voie de l'impression, le compte général en recettes et dépenses d une annee, déchira le voile qui cachait l'énor-mite des impôts et fit connaître une masse effrayante de rentes perpétuelles, viagères et d'obligations à terme qui accablaient le peuple.
Ce ministre, dans le temps, fut loué des uns et blâmé des autres. Ses partisans admiraient ses talents et sa loyauté ; ses contradicteurs soutenaient que le compte était inexacte, et qu'il n avait eu, en l'offrant, d'autre intention que de ranimer le crédit public, dont il faisait, depuis 4 ans, un très grand usage.
Je ne veux présenter que des calculs. Je ne chercherai point à apprécier les éloges ou les reproches, je remarque- seulement que, dans la même année, M. Necker ouvrit deux emprunts que son successeur en fit de très considérables' chargea les peuples d'un troisième vingtième et de sols pour livres sur toutes les autres contributions, ce qui en aggrava infiniment le fardeau.
Depuis, la dette s'accroissait chaque année par la même voie des emprunts, et les besoins, à la fin de 1787, étaient si pressants, les ressources si incertaines, que les notables du royaume furent appelés, pour donner leur avis sur les moyens de pourvoir à toutes les charges du gouvernement.
Leurs conférences produisirent quelques discussions ; le résultat fut de conseiller l'assemblée des états généraux du royaume.
Je passe tous les événements intermédiaires qui n'ont pas une analogie directe aux finances ; j'observe seulement que l'impôt territorial et celui du timbre, qui avaient été proposés aux notables et sur lesquels ils n'avaient pas voulu délibérer, furent présentés aux Parlements qui refusèrent de les enregistrer (1).
Je m'abstiens également de rendre cofhpte du ministère de M. de Brienne. L'arrêt du conseil qui suspendait les remboursements des capitaux échus, et qui ordonnait le payement d'une partie des rentes, en reconnaissances à termes, souleva les rentiers et la ville de Paris. M. Necker fut rappele. En usant de la loi de son prédécesseur, il ne fit rien payer. Le semestre des rentes resta en arrière, ainsi que tous les capitaux suspendus, et il n'acquitta point, non plus, ceux dont 1 échéance arrivait depuis sa rentrée au ministère.
C'est dans cette position que les états généraux turent convoqués. L'ouverture en fut définitivement indiquée au 5 mai 1789. M. Necker y donna le compte des finances, depuis le 1er mai 1788 et un aperçu général de leur situation.
Il établit que Je déficit entre les recettes et dépenses de l'année était de 56,239,000 livres il assura que quelques réformes dans les dépenses, Wûes améliorations dans les recettes, dont il oltnt le tableau, l'auraient facilement anéanti: et que 170 millions suffisaient pour acquitter rigoureusement les charges extraordinaires de la fin et celles entières de l'année suivante. Dès le lendemain, les trois ordres qui composaient 1 assemblée générale, se divisèrent en trois chambres pour l'examen des pouvoirs respectifs des députés. Le tiers état prétendit que la vérification devait se faire en commun. Un mois et plus s écoula en conférences, en discussions, et le troisième ordre qui s'était déclaré communes, se donna le titre d1 Assemblée nationale, en prenant cependant la précaution d'arrêter que tous les impôts, toutes les contributions qui existaient, demeuraient confirmés provisoirement et seraient perçus comme par le passé jusqu'à remplacement.
Les deux premiers ordres persistaient à vouloir vérifier séparément leurs pouvoirs, malgré l'arrête des communes. Le roi, pour pacifier et réunir les esprits, crut devoir offrir une Charte des droits de la nation, qu'il avait modelée sur la très grande majorité et même sur la presque universalité des cahiers des bailliages et sénéchaussées : le clergé 1 adopta sans restriction, la noblesse n'y en opposa que de très légères, les communes la refusèrent.
Les insurrections de la capitale, celles des provinces décidèrent enfin les
trois ordres à se reunir et 1 Assemblée nationale s'empressa au meme moment
d'établir dans son sein un comité des finances, qui fut composé de 64
membres; il lurent pris dans les communes, 16 dans
Il n'est pas inutile d'observer que le choix fut fait au hasard et san3 connaître ceux qui étaient élus; que 12 membres de ce comité qui n a point été changé participent exclusivement à tout ce qui s'y passe; que la grande majorité convient de bonne foi qu'elle ne s'en occupe point.
Dès le mois de septembre 1789, ce comité ht présenter à l'Assemblée un premier travail qui était fort peu instructif et dont le résultat était
d'approuver un emprunt de 30 millions, que e premier ministre jugeait indispensable pour le service courant. Au mois de juillet le comité des douze l'avait autorisé à prendre des secours auprès de la Caisse d'escompte. .
l'emprunt projeté ne put réussir; il lui en fut substitué un de 80 millions, beaucoup plus avantageux pour les prêteurs qui pouvaient fournir moitié des fonds en argent, moitié en effets royaux; il n'a produit que 52 millions.
Cependant, dès le 18 novembre, le comité présenta un nouveau tableau des finances par lequel il prétendit prouver que, en soulageant le peuple des aides, de la gabelle et des droits réservés, les recettes et dépenses seraient au courant et qu il y aurait un excédent de plus de 30 millions pour employer, chaque année, à des remboursements.
11 faut entendre M. de Montesquiou, rapporteur de ce projet, afin de le voir dans tout son ensemble.
« Les tableaux que nous venons de mettre sous vos yeux sont de la plus grande exactitude puisqu'ils prennent les choses dans l'état où elles sont et qu'ils ne s'appuient sur aucun système; il n'y a ni suppositions ni omissions : nous ne vous présentons que des revenus existants et la totalité des dépenses; nous ne nous sommes livrés à aucune spéculation, etc., etc. Vous voyez que toutes les dépenses seront payées sans qu'aucune nouvelle source de richesse soit ouverte ; il est certain que le peuple, dégagé de la gabelle, des aides, des droits réservés, et bien plus soulagé encore par la cessation de la surcharge qui résulte de ces impôts et des vexations de tout genre qui les accompagnaient, n'aura plus qu'un seul impôt territorial ou personnel à payer ; que cet impôt sera inférieur de 49 millions i effectifs a ceux qu'il payait précédemment ; enfin que, 1 intérêt de la dette et les dépenses publiques acquittés, la nation aura un excédent de revenu de 33 millions. »
Plus bas il ajoute : « Nous ne vous avons pas présenté les rêves de l'imagination; nos évolutions ne sont pas problématiques, nous n'avons rien donné au hasard; c'est dans quelques mois que nous pourrons entrer eu jouissance, cest d'aujourd'hui que vous pouvez en jeter toutes les bases, vous pouvez dire: tel jour lordre immuable sera établi; tel jour il ne sera plus permis d'être inquiet sur la fortune publique ; il nous reste un revenu supérieur à la dépense de millions, et nous n'avons pas parlé des secours dont les biens du clergé doivent être à la chose publique (1). »
Le résultat des tableaux fixait la dette exigible, qu'il appelait dette criarde, et dans laquelle il faisait entrer le remboursement de la magistrature, des offices de finances et des cautionnements ou fonds d'avance a 870,180, 908 liv.
Il divisait en deux caisses, l'une dite d'administration et l'autre nationale, les recettes et dépenses.
La première caisse devait recevoir et payer 159,140,000 livres et conséquemment être au courant.
La seconde devait recevoir 289,609,000 livres ; elle ne devrait payer que 253,192,492 livres; il devait y rester 33,415,508 livres (1).
Ce rapport fut appuyé de pièces justificatives et de différents tableaux calculés avec la plus grande précision.
M. Vernier présenta, quelques mois après, au nom du même comité, un état général des finances; ce qu'il appelait dette criarde y était arrêté à 2 milliards 400 millions (2).
Il portait les recettes à 522,721 livres, ci......................... 522,092,721 liv.
il fixait toutes les dépenses ordinaires à 405 millions, ci 405,000,000
Ce qui donnait bien arithmé-métiquement 117,92,721 livres d'excédent de revenu pour acquitter les capitaux et un boni . annuel de................... 117,092,721 liv.
Le peuple devait être également soulagé de la gabelle et autres impôts désastreux et les 2 milliards 400 millions de dettes exigibles devaient être acquittés en grande partie par les dons patriotiques, par la contribution du quart des revenus parla ventede3 400millions de biens ecclésiastiques que l'Assemblée venait de déclarer nationaux ; le surplus aurait été successivement amorti par les 117 millions d'excédent de revenu(3).
Quelques mois après, M. Vernier donna un nouveau mémoire toujours bien rassurant, mais différent du premier; je crois inutile d'en faire le parallèle.
Cependant malgré toutes ces satisfaisantes perspectives, la caisse d'escompte fournissait depuis plusieurs mois son crédit et ses billets pour mettre au courant les payements ordinaires.
Les administrateurs de cet établissement prirent des inquiétudes ; on les tranquillisa en taisant ordonner la création de promesses d'assi-
Le numéraire disparaissait; il devenait chaque jour plus rare ; on crût en rétablir la circulation par une création de 400 millions d'assignats-monnaie, à trois pour cent d'intérêts.
M. Necker, rassuré ou feignant de 1 etre par cette masse effrayante de
papiers qu'il destina a
Une nouvelle création de 800 millions d'assignats sans intérêts fut décrétée à une très faible majorité (1) ; et on supprima les trois pour cent d intérêts des 400 premiers millions?ls de tannée 1791 sont écoulés, et les impôts qui doivent fournir aux dépenses ne sont point encore en vigueur, si l'on en excepte celui du timbre et de l'enregistrement.
M. de Gernon, dès le mois de décembre, annonçait que nous touchions au moment d'une restauration complète des finances, qu'il y avait beaucoup de numéraire au Trésor public, au'il convenait, pour le laisser dans l'abondance de lui faire délivrer 45 millions d'assignats, ce qui fut
Peu de temps après, M. Anson fit un éloge pompeux de votre position financière; aucune nation de 1 Europe n'était plus au courant de ses payements : six jours après, M. Le Brun demandait un nouveau secours de 60,521,000 livres, oui fut accordé. '4
Le 14 février, il a encore été décrété, sur une pareille demande, un versement de 72 millions
iïPSIfnai8 de la caj?se de l'extraordinaire dans celle du Trésor public (2).
C'est dans cette position que s'est ouverte la discussion sur les dépenses de 1791, et sur les impots a établir pour les acquitter.
M. Le Brun avait donné un rapport le 14 janvier dans lequel il portait à environ 566 millions là depense ordinaire. J'ai relevé les erreurs et les omissions; j'ai cru avoir établi, et je persiste à penser que, en parlant des dépenses de M. Le Brun, il fallait plus de 920 millions pour le service de l'année courante.
Le comité des finances a fait reparaître M. de Montesquiou avec un nouveau tableau. Il n'a nas suivi la même marche que M. Le Brun; il a divisé ses dépenses en trois chapitres, dont le total s'élève à 740,591,248 livres ; compris 20 mil iû°nsde dépenses qu'il ne désigne point, et 59 millions seulement pour celles renvoyées dans les départements.
Montesquiou a fait des erreurs dans tous les chapitres qu'il a présentés, et de très grandes omissions; on va relever les principales.
Dans le premier, il ne porte que 8 millions pour les pensions des curés qui ne prêtent point le serment sur la constitution civile du clergé Cette somme ne suppose que 16,000refusants et il est notoire que dans plusieurs départements la grande majorité des curés n'a pu s'y déter-mmer, ou ne l'a fait qu'avec restrictions, et au'il yen aura plus de moitié dans le royaume à pensionner..................................Mémoir
M. de Montesquiou a donné i'étât" des avances laites par la caisse d'escompte
jusqu'au mois de
L administration de la caisse de l'extraordinaire a présenté celui des remboursements faits a la caisse d'escompte jusqu'au 31 décembre et la note des payements faits en janvier; ils ne reviennent au total qu'à 302,281,200 livres Sur le premier aperçu il resterait encore dû à la caisse d'escompte près de 98 millions. Cependant d après le compte qui a été rendu par les administrateurs de cette caisse aux sociétaires, le 19 janvier dernier, il paraît que la nation s'est entièrement libérée vis-à-vis d'elle.
Il n'en reste pas moins certain qu'il doit y avoir eu, à cet égard, d'autres arrangements pour 1 acquit entier des 400 millions de billets de caisse ou promesses d'assignats, puisque l'on ne voit que 300 millions d'échangés suivant les comptes de M. Lecouteulx.
Y aurait-il encore en circulation 100 millions aepromesses d'assignats? Ou comment ont-elles été payées? C'est un point de fait que le comité des finances doit éclaircir.
Tandis qu'il est certain qu'il restait dû au 31 décembre, à la caisse d'escompte, 12,719,400 livres QUI Ont été soldas fin ianwifip at .------» * "" iv/u» iQucuuuutture eu entier, c1m "a" m .......... 12,719,040 liv.
M. de Montesquiou a oublié les 6 millions de coupons d'assignats, les annuités des 70 millions qui étaient dus anciennement à la caisse d escompte, et, de son aveu, il y a des rentes pour 1790, qui s'élèvent à 48 millions, en tout, 58 millions........... 58,000,000 liv.
M. de Montesquiou ne porte qu'une année des rentes perpetuelles et viagè res. Cependant il y avait une année entière d'arriérée le 31 décembre dernier; et l'Assemblée a décrété que cette année serait payée concurremment avec celle qui écherrait en décembre 1791.
Il a déclaré que les rentes sont mises à jour. 11 porte a cet effet dans l'état qu'il a fait distribuer 20 février' 180 millions comme acquittés (1).
Il savait cependant que M. Dufresne n'a pas remis aux payeurs des rentes les 180 millions; que le Trésor public ne fournil à cette dépense que mois par mois, et qu'il n'a pas pu en être use autrement. M. de Montesquiou a donc fait une erreur ou une omission d'au moins 90 millions,^ il ne veut faire payer que les 6 premiers mois de 1790, et s'il laisse les 6 derniers mois en arrière, quoique l'Assemblée ait décrété bien formellement que les recettes de l'année ne pourraient jamais être employées au payement de J annee précédente.C'était d'après ce principe que ?ru» dans ma première opinion, qu'il fallait ajouter 80 millions à une même somme que M. Le Brun destinait extraordinairement pour les arrérages des rentes. .
Mais, sous tous les points de vue, M. de Montes quiou a fait erreur dans le tableau de la dépense sur ce chapitre qu'il faut rétablir pour 90 millions, ou pour 180, dans l'une ou l'autre des hypothèses que j'ai présentées.
M. de Montesquiou ne dira point, sans doute, que 1 ordonnateur du Trésor
public doit payer la totalité des rentes échues au 31 mars dernier, sur les
132,521,000 livres, que la caisse de l'extraordinaire a fournies en janvier
et février. Je devais acquitter les charges ordinaires; il
Les affaires étrangères ne sont portées que pour 6,300,000 livres. Cette somme sera insuffisante pour 1791. Les négociations extraordinaires pour traiter des indemnités dues aux princes étrangers devant occasionner de très grands frais....................... Mémoire.
La dépense de la gendarmerie nationale devait être de 9 à 10 millions suivant les données du comité et les décrets de l'Assemblée, au lieu de 7,287,000 livres qui étaient présentées par le comité................................ Mémoire.
M. Le Brun fixait, le 44 janvier, la dépense de la marine et des colonies à 50 millions; elle a été portée du 1er mai 1789 au 1er mai 1790 à 60,545,612 livres, et M. de Montesquiou la réduit à 40,500,000 livres; il faut au moins la rétablir au taux fixé par M. Le Brun, et porter en augmentation, ci.................. 9,500,000 liv.
Il est impossible que les sommes tirées pour les dépenses des caisses de l'extraordinaire, des bureaux de liquidation, de celui de l'envoi des décrets puissent suffire; on a déjà été forcé de les augmenter; on laisse ces articles en observation ............................... Mémoire.
Les pensions ne sont tirées que pour 14 millions, M. Le Brun les portait à 18 ; et il ajoutait 9 millions pour 6 mois d'arriéré de 4790; M. de Montesquiou a oublié ces échus qui devraient être portés pour l'année entière. Par les molifs détaillés a l'article des arrérages des rentes, on se borne à les rétablir pour six mois, ci. 9,000,000 liv.
Les intérêts de la dette non liquidée ne sont présentés que pour 24,653,399 livres.
Pour démontrer toutes les erreurs de cet article, il faudrait une très longue discussion; l'on se contentera de présenter quelques objections sur les principaux articles qui composent ce chapitre et de relever les plus graves omissions.
M. de Montesquiou prétend, en forme d'observations, que les tableaux de la
dette non exigible qu'il a fournis n'ont point été critiqués ; qu'ils ont
servi de bases à tous les calculs qui ont été faits depuis. Il trouvera la
réponse à son assertion dans l'ouvrage de M. Duclos du Frénois intitulé :
Réflexions sur l'état des finances à l'époque du 1er mai 1789, il y verra qu'ils sont comptés; et l'on pourrait se
permettre d'établir que M. du Frénois n'a pas relevé toutes les erreurs et
omissions des dettes non exigibles. Que les 400 premiers millions
d'assignats et les arriérés des rentes n'entraient pour rien dans les états
qu'il a fournis et cependant les 2 articles auraient augmenté le total de la
dette de 580 millions ; ce ne 6ont point les seuls. On se propose de
l'établir en vérifiant le tableau général des dettes de l'Etat, qu'a promis
M. de Cernon.
Au surplus, quelles que soient les erreurs ou l'exactitude des données qui
furent présentées à cette époque, il est bien étonnant que l'on propose
actuellement de réduire à 687,385,000 livres, une dette qui fut reconnue
alors pour 1,900,000. Les 1,200,000 et plus qui sont retranchés ne
A ces observations générales je vais en ajouter de particulières sur divers articles.
M. de Montesquiou a fait erreur et double emploi. en réduisant les rentes du corps du clergé a 3,458,984 livres, et en ne diminuant pas la masse des revenus supposés du clergé, de la même somme, parce que la totalité des rentes du clergé faisait partie de son actif général. Cette observation doit être commune à la réduction de 2 millions faite sur les dettes actives des maisons particulières des chapitres et des religieux et religieuses par les mêmes motifs.
M. Vernier estimait 8 millions le produit des dîmes inféodées et 160 millions le principal; M. de La Rochefoucauld les évaluait à 10 millions de revenus, au nom du comité des impositions, lorsqu'il voulait faire connaître les charges de l'ancien gouvernement, et quand il faut racheter les fonds desdites dîmes, on ne les porte plus que pour 4 millions: c'est un problème que la seule liquidation peut résoudre, puisque l'on n'a pas voulu présenter le relevé de leurs estimations par experts......................... Mémoire.
M. de Montesquiou a omis le remboursement des offices ministériels, celui des charges de perruquiers, le montant des brevets des maîtrises et jurandes dont l'Assemblée a ordonné la suppression : il faut au moins en payer les intérêts ; onévalue à près de 400 millions ces objets ; mais, en les réduisant à 300, c'est 15 millions qu'il faut rétablir dans la dépense de 1791, ci............................ 15,000,000 lit.
Les erreurs sur toutes les autres parties de cet article sont de la plus haute importance, le comité ne doit plus se dispenser de donner l'état général des charges du gouvernement et le détail circonstancié de la valeur des biens nationaux ; vingt fois et plus il a été interpellé de justifier des estimations de ces biens, que les municipalités et corps administratifs ont dû fournir ; il n'est que ce seul moyen qui puisse faire connaître aux créanciers de l'Etat et aux porteurs d'assignats l'étendue du gage que l'Assemblée leur a donné.
La position de nos finances est donc très critique, malgré les annonces fastueuses des comités.
Les seules erreurs et omissions sur la dépense de 1791 qui viennent d'être tirées hors ligne, reviennent à 235,619,000 livres, non compris celles qui sont présentées comme observations, et qui ne sont pas moins réelles (1).
En réunissant cette somme à la dépense des 3 tableaux de M. de Montesquiou, qui s'élève à 740,591,248 livres, c'est un total de plus de 976 millions qui est indispensable pour fournir au service de l'année 1791, non compris tout ce qui a été laissé en arrière............ Mémoire.
Que cette somme soit divisée en 3 chapitres; que les départements soient chargés, sous leur simple responsabilité d'en lever et dépenser 60 millions, ce ne sont pas moins, ou des impôts, ou des capitaux qu'il faut y employer; et j'ai prouvé que les prétendus capitaux n'étaient aue fictifs, et que même, en les aliénant, on ne fait que changer leur destination, pour grever à perpétuité les peuples des frais immenses du culte, et d'une taxe des pauvres de 50 à 60 millions et peut-être plus, que les revenus de ces capitaux acquittaient en entier (1).
M. de Montesquiou présente quelques recouvrements extraordinaires, la rentrée de 20 millions pour la vente des sels et du tabac actuellement en magasin. J'ai entendu affirmer, par des financiers instruits, qu'il sera difficile et même impossible que la vente de ces denrées puisse produire en 1791 les sommes nécessaires a acquitter les dépenses des bureaux, loyers des greniers, dépôts et frais de recouvrement.
Le second tiers de la contribution patriotique est aussi une ressource offerte pour dimiouer la dépense de 35millions; j'observe que,quoique cette oblation soit volontaire, elle n'affectera pas moins les revenus de 1791, de ceux qui ne sont pas obligés de prendre sur leurs capitaux pour la jpayer, que les impôts nouveaux.
Les 60 millions du revenu présumé des biens nationaux, présenté dans un autre
article, se réduiront certainement à moitié;,je crois l'avoir établi dans
une note insérée dans ma première opinion; mais je le démontrerai jusqu'à
l'évidence, d'après les données qui ont été fournies, en examinant le compte
général des recettes et dépenses, depuis le 1er
mai 1789, et l'état de l'actif et passif que M. de Gernon a promis de
fournir incessamment (2)
M. de Grillon, le jeune, a bien annoncé à la séance du 18 février une manière
plus prompte d'améliorer les finances ; ce serait de proposer aux
capitalistes une réduction des intérêts qui leur sont dus, ou à refus, de
les rembourser, sans
On ne proposera point sans doute une nouvelle émission de ce papier assignat, puisqu'il a été annoncé, par les plus zélés partisans de ce numéraire fictif, que si l'on en fabriquait au delà de la valeur des biens déclarés nationaux, ce serait faire circuler de la fausse monnaie.
L'Assemblée s'est d'ailleurs mise dans l'heureuse impuissance de le faire, en décrétant qu'il n'en serait fait une troisième émission que lorsque la majeure partie de ceux qu'elle a consentis aurait été employée en acquisition de biens nationaux, et qu'il en aurait été brûlé une certaine quantité; et pourrait-elle raisonnablement en ordonner une nouvelle création, sans connaître exactement la valeur de l'hypothèque qu'elle aurait à leur donner (1).
Je n'ai point combattu l'évaluation, faite en bloc par le comité, des charges locales qu'il ne porte qu'à 59 millions. Je les apprécie cependant beaucoup plus, et le tableau de celles du département de Saône-et-Loire que j'ai calculées par approximation, compris justice gratuite, salaires de districts de département, entretien des chemins, ponts et chaussées, droits de la collecte primaire et frais de procédure criminelle, s'élevait à plus de 400,000 (livres au lieu de 283,700 livres fixé par le comité.
Je n'ai point parlé des frais de perception des impôts indirects, que le comité a omis, dans l'intention, sans doute, de les faire ajouter à chaque contribution particulière. Cependant, il est impossible de dissimuler au peuple que ces frais seront une augmentation de charges qu'il sera obligé de supporter, et il est essentiel d'observer que l'ancien gouvernement les portait au rang aes premières dépenses du Trésor public, et qu'ils étaient compris dans la recette générale de 475 millions d'impôts, qu'il n'y soit d'excepté que les dépenses locales du pays d'Etat, les milices et entretien de quelques parties de chemin- Je donnerai un tableau, sous le n° 2, qui constatera ce point de fait.
Les dépenses des anciens impôts indirects s'élevaient à plus de 20 millions,
mais celles des nouveaux seront plus considérables, puisque le comité a
arrêté les frais et recouvrements des droits de traites, transportés aux
frontières, à
On peut juger par comparaison ce que coûtera la perception du droit de timbre et d enregistrement, celle du droit de patente et la régie nationale du tabac dont le produit pourrait bien, au moins pendant quelques années, ne point acquitter les frais de vente.
Je crois, en me résumant, avoir établi qu'il faudra plus d'un milliard pour le service de 1791 et pour le recouvrement des impôts, non compris les traitements des ecclésiastiques, pensions des religieux et religieuses échus au 31 décembre dernier, parce que le produit des dîmes et des revenus de l'année qui vient d'expirer a dû être employé exclusivement à cet objet, et qu'il faudra certainement y ajouter un très grand supplément.
Ce tableau n'offre point une aussi consolante perspective que celle que les comités ont présentée. Cependant il est appuyé sur des faits et des calculs; et je me suis abstenu, comme l'avait désiré M. de Montesquiou, de toutes discussions qui n'étaient point indispensables. . .
Je passe actuellement aux ressources présentées par le comité des impositions; comme elles ne sont en grande partie qu'hypothétiques, je ne les examinerai qu'avec rapidité.
Le comité porte la contribution foncière et personnelle à 350 millions.
J'ai observé, dans une autre opinion que, sous l'ancien régime, elles ne s'élevaient qu'à 181 millions; que l'on n'aurait dû strictement n'en remplacer que 151, attendu que l'Assemblée en avait renvoyé plus de 30 aux départements (1). . M. Ûelley-Dagier a donné, depuis mon premier écrit, sa quatrième opinion, qui établit, d'une manière invincible, par un aperçu général des revenus du royaume, que la masse des contributions foncières et personnelles, proposée par les comités, ne pourrait point avoir lieu, malgré le civisme et la meilleure volonté des propriétaires et cultivateurs (2).
J'avais évalué le produit net des dîmes à 80 mil-lions ; M. Dagier le porte à 90, compris les frais de perception, qu'il estime 25 millions ; le produit net, selon lui, n'est donc que de 65 millions. Je l'avais fixé à 80, dans la crainte que l'on ne crût que je cherchais à affaiblir cette ancienne contribution qui se payait insensiblement eu égard à la rareté ou à l'abondance de la récolte, et eu nature, tandis qu'il faudra la payer en argent, même dans les années où l'intempérie des saisons aurait détruit entièrement la récolte.
Les droits de timbre et enregistrement sont portés par le comité à 53,625,000
livres. Sous l'ancien gouvernement ceux de contrôle, scellés, sols pour
livre, etc., étaient regardés comme très onéreux, quoique moins
considérables; un grand nombre des cahiers en demandait la diminution et on
ne s'attendait certainement point à les voir remplacer par d'autres qui
pèseront sur les con-
Le droit de patente est présenté par le comité comme un objet de 18 millions; j'avoue que je n'ai encore pu comprendre comment on a substitué aux droits d'entrée des villes ce nouvel impôt.
Le vœu du comité et celui de la nation entière était de soulager la classe la moins fortunée de la société; cependant le droit de patentes va porter principalement sur tous les petits marchands, les ouvriers, les artistes, etc., et les droits ou entrées des villes connus sous le nom d'octroi, dons gratuits, etc., étaient payés, en très grande partie, par les riches consommateurs (2) et même par les étrangers.
Le surplus des ressources de 1791, présenté par le comité d'imposition, comprendra un droit d'hypothèque beaucoup plus fort que celui qui existait. La ferme des postes et messageries, l'impôt odieux des loteries, le revenu des bois déclarés nationaux, porté dans un premier aperçu du comité, pour 20 raillions, et réduit dans le dernier à 15; la rentrée annuelle d'une créance sur les américains, et enfin le produit du tiers de la contribution patriotique, le tout évalué, non compris les frais de perception à 579 millions.
J'ai démontré combien il fallait élever cette masse de contribution, que l'on devait à peu près la doubler, pour ne point absorber 500 millions de capitaux qui n'existent que très fictivement.
J'ajoute que, si les comités ne se décident point à changer leur plan d'impôt et de contribution, le désordre des finances peut devenir irréparable par l'impossibilité de percevoir ceux qu'ils proposent.
La dépense des années postérieures à 1791 ne sera point aussi considérable, il n'y aura ni anticipation, ni arriérés de rentes à payer si on se met au courant cette année, comme le désire le comité des finances; mais elle restera encore si forte, que tous les impôts projetés en ce moment, ne pourraient l'acquitter entièrement.
J'aurais terminé ici les réflexions que je viens de présenter s'il ne s'était
élevé une vive discussion à la séance du 16 février sur les recettes et les
dépenses extraordinaires qui ont eu lieu, à dater du 1er mai 1789 jusqu'au 31 décembre 1790.
Plusieurs membres de 1 Assemblée ont soutenu que la majeure partie des dépenses n'avait été soldée qu'en aliénant une grande partie de capitaux.
L'un d'eux s'est soumis d'établir que les recettes extraordinaires s'élevaient à plus de 800 millions, dont 330 seulement avaient été employés à acquitter des anticipations, et quelques parties des dettes, ou anciens effets suspendus, et qu'il en résultait un emploi de 470 millions de capitaux, en dépenses ordinaires ou extraordinaires.
Cette assertion était peu conforme aux données
On ne peut contester qu'environ 51 millions n'aient été fournis pour achats de grains et farines, et pour les primes d'encouragement sur ce commerce, il faut avouer également que les dépenses de la garde parisienne ont coûté de 5 à 600,000 livres par mois, celles des ateliers de charité de la capitale, 300 à 400 ; que les autres frais de la Révolution doivent être immenses par l'envoi multiplié de commissaires civils dans plusieurs provinces, par celui des aides de camp du général de l'armée parisienne, dans toutes les parties de l'empire, par les arrestations et détentions d'une multitude de citoyens, au nom du comité de recherches de l'Assemblée ; par 6, 7 et 800,000 livres, que coûte chaque mois l'indemnité des députés, et les frais relatifs à l'Assemblée par l'impression et l'envoi d'une multitude de lois à 50,000 tribunaux, corps administratifs et municipalités. Et par le don de 5 à 600,000 livres fait à la ville de Paris, pour la démolition de la Bastille, outre le prix des matériaux qu'elle a vendus ; mais, que ces capitaux aient été employés au payement desdites dépenses ou pour d'autres causes connues ou inconnues, elles ne sont pas moins réelles, et il sera indispensable d'en faire le résumé pour démontrer que M. de Montesquiou et les autres membres au comité des finances ont commis de grandes erreurs dans leurs tableaux.
Elles se trouvent vérifiées en partie par les aveux que M. Le Brun a fait, au nom du comité des finances, le 14 février dernier, lorsqu'il vint réclamer un nouveau secours de 72 millions (1).
Voici le tableau qu'il a présenté :
Les fonds qui se trouvaient en caisse le 1er mai
1791, suivant le compte général fourni par M. Necker,étaient de....
58,000,000 liv.
Les recettes faites depuis se sont élevées à........... 1,159,000,000
Total....................1,217,000,000
Sur cette somme il n'a été reçu de revenus ordinaires que 486 millions, ci................486,000,000
Ce qui fixe les recettes extraordinaires à............. 731,000,000
M. Le Brun ne donne aucun état de ce qui a été remboursé, mais M. de
Montesquiou assure, dans celui du 20 février (2) qu'il a été acquitté pour
236 millions d'anticipations ; le relevé des remboursements faits depuis le
1er mai 1789 jusqu'au 31 décembre 1790, vérifie qu'ils ne s'élèvent point à
60 millions (3) et en partant de cet aperçu, il aurait été employé, en
dépenses ordinaires ou extraordinaires, 435 mil-
Mais M. Le Brun ne donnait qu'un aperçu ; je vais offrir le même tableau sous
un autre point de vue, en partant des comptes qui ont été présentés à
l'Assemblée, depuis le 1er mai 1789.
Il est constant qu'à dater dudit jour jusqu'au 31 avril 1790, il a été reçu 827,109.003 livres (1), ci......................... 827,109,003 liv.
Il est certain que les recettes faites dans les huit mois suivants s'élèvent à (2)...... 367,862,713
Et conséquemment le total à 1,294,971,716 liv......... 1,194,971,716
Sur lesquels il faut déduire 36,669,901 livres, qui restaient en caisse le 31 décembre 1790, ci......................... 36,669,901
Ce qui réduit la recette effective à................... 1,158,301,815 liv.
En adoptant avec M. de Montesquiou, que la masse des anticipations fût au 1er
mai 1789, de 271 millions 500 livres, il faut en retrancher 41 millions qui
étaient dus au lor janvier dernier, ce qui réduit le remboursement de cet
article à 230,500,000 livres, en supposant celui des autres effets anciens,
depuis le ler mai 1789 jusqu'au 31 décembre 1790
(3), d'environ 59 millions
Ce que l'on doit regarder comme recette de revenu ordinaire se réduisait à 358,265,434 livres, en sorte que le total des dépenses et des remboursements en anticipations, rescriptions ou arriérés, ne serait que de 648,049,919 livres.
D'où il résulte bien évidemment qu'il y a eu de dépense extraordinaire 510,251,996 livres.
Et, par une conséquence nécessaire, qu'il a été aliéné pour une pareille somme de capitaux.
Ce calcul ne peut point cadrer avec celui présenté par M. de Montesquiou, le
20 février, non plus qu'avec le compte de la caisse de l'extraordinaire, du
31 décembre, duquel il résulte qu'il n'a été distribué jusqu'à ce jour que
pour 500 millions d'assignats; cependant, si on y ajoutait 52 millions de
l'emprunt national, et non pas 26, comme le veut M. de Montesquiou, puisque
les 26 millions de capitaux reçus dans cet emprunt ont été portés dans les
comptes comme remboursement. Si l'on faisait la balance du prix de la
vaisselle d'argent qui est entrée et sortie du Trésor public, et si l'on
voulait y joindre les ren- er mai
1789 jusqu'au 31 décembre 1790. Il sera peut-être porté beaucoup au delà
de la réalité, attendu les revirements que l'ordonnateur public faisait
à ce suje»; mais j'ai mieux aimé élever ces remboursements à un taux
plus fort que de les laisser au-dessous, afin que l'on ne puisse
m'accuser d'avoir cherché à augmenter les charges de 1791. — V. l'état
nº 3.
Je conviens avec lui que les 510 millions de capitaux aliénés, d'après le
tableau que je viens de présenter, n'ont point été pris en entier sur les
assignats; j'avoue qu'il y a eu depuis le 1er
mai 1789 de grandes dépenses extraordinaires, des subsistances fournies pour
des sommes énormes ; mais ce qui étonne tous les citoyens, c'est que le
comité n'ait point fait rendre compte à M. Necker des achats et ventes de
ces grains, ou que le compte soit resté dans les bureaux ; si le ministre
s'est exécuté, il est difficile de concevoir qu'il y ait une perte de près
de 40 millions pour les primes, et sur les ventes et reventes des farines.
La France entière attend des éclaircissements à cet égard.
En me résumant, je vais jeter ua coup d'œil sur la situation où se trouvaient les finances au premier mai 1789, et sur celle où elles sont aujourd'hui.
Tous les impôts qui entraient au Trésor public, à la première époque, ne s'élevaient qu'à 475,294,000 livres, et il payait tous les frais des impôts indirects, une grande partie de ceux connus sous le nom de taille,, vingtième, capta-tion, etc., une partie des dépenses des ponts et chaussées, des chemins royaux ; il n existait alors que 56 millions de déficit annuel.
Envoyés pour rétablir l'ordre et supprimer les abus, de grandes réformes ont été faites; les grâces et les pensions réduites au tiers ou au quart, et cependant la masse des impôts futurs n'est pas diminuée,puisqu'il faudra, pour atteindre 1792, près d'un milliard, et que nous avons déjà absorbé plus de 500 millions de capitaux connus, et peut-être plus de cent dont nous n'avons point le détail.
S'il ne restait plus qu'une année à parcourir pour le rétablissement de l'ordre et que l'impôt pût alors être borné aux facultés des contribuables, il faudrait attendre avec patience et faire les plus grands sacrifices ; mais, au mois de novembre 1789, M. de Montesquiou promettait que l'ordre allait être rétabli sous peu de jours ; sa promesse a été aussi vaine qu'illusoire et il est malheureusement démontré par les aperçus que vient de donner le comité des finances, que la dépense des trois chapitres pour l'année 1791 doit être de plus de 740 millions ; il est presque certain qu'il y aura 300 millions d'erreurs ou omissions, et que les 740 millions ne suffiront pas en 1792, ni les années suivantes ; il n'y aura plus alors de biens nationaux, il est même très douteux qu'il en existe actuellement ; comment espérer que la nation, le peuple, qui ne pouvait pas payer, en 1788, 475 millions, et au plus 80 millions de dîmes, au total 555 millions, puisse acquitter plus d'un milliard ou même 740 millions?
Les impôts anciens étaient assurés, le recouvrement de la majeure partie se faisait graduellement mois par mois, pour acquitter les charges journalières.
Les impôts projetés ne portent sur aucune base fixe; la rentrée en sera
extrêmement incertaine;
Il n'y a de certain, en fait d'impôts, que ceux qui portent sur les fonds, sur les personnes et sur les consommations, les contributions sur les denrées sont proportionnées aux facultés. Peu sensibles parce qu'elles sont confondues avec le prix des marchandises, et au moins volontaires quant à la quotité; mais elles ne sont point variables.
Les droits, au contraire, établis nouvellement sous le nom de traites, peuvent, dans la circonstance où se trouvent tous les grands consommateurs de l'Etat, être très modiques, puisqu'ils portent en grande partie sur des objets de luxe, et qu'il faut, avant d'y satisfaire, pourvoir aux besoins ordinaires.
Le timbre et les droits d'enregistrement sont si excessifs que l'on évitera de faire tous les actes qui ne seront point d'une nécessité indispensable.
Les patentes mêmes devant suivre la proportion des loyers, ceux qui y seront assujettis, pour éviter une partie de l'impôt, se contenteront d'une habitation absolument nécessaire, en sorte que le loyer des. maisons diminuera, et par suite les bases sur lesquelles doivent porter la contribution foncière et personnelle.
La nation n'avait rien à dépenser pour le culte, Eresque rien pour le soulagement des infortunés. a bienfaisance des citoyens avait assuré, aux ministres des autels et aux pauvres, leur subsistance ; il faut actuellement y pourvoir et payer plus de 153 million» (1) pour le service et les pensions des ecclésiastiques, et on a accordé, cette année, aux pauvres des provinces, 15 millions et à ceux de Paris 7, ce qui porte cet objet à 22 millions; mais les années suivantes, il faudra bien augmenter la taxe des pauvres. On en a prouvé la nécessité; en sorte que cette dépense, réunie avec celle du culte ira peut-être au delà de 220 millions, et pour y fournir, on ne peut présenter le revenu des églises et la dîme que M. Chas-set, au nom des quatre comités avait évalués à 170 millions, que les dettes, indemnités et non-valeurs doivent diminuer de 20 à 30.
Une petite partie des citoyens de l'Empire aura reçu, pour se dédommager des nouvelles impositions, la faculté de payer en argent, ce qu'ils fournissent en blé, en vin, etc., et la nation ne recevra dans ce moment, pour s'indemniser, que 30 millions nets des revenus des biens du clergé, qu'elle a mis à sa disposition, et 6 ou 7 millions pour la partie des bois et en vendant la totalité des biens de l'Eglise mis à l'enchère, douze ou quinze cents millions en capitaux, et les 36 ou 40 millions de revenus, n'existeront plus après les aliénations (2).
Je n'étendrai pas le parallèle plus loin quant à présent, mais j'en ai, je
crois, assez dit, et je pense avoir prouvé que les finances sont
actuellement dans un bien plus grand désordre, qu'au moment où les
représentants de la nation se sont assemblés pour les réparer. Et cependant,
l'As-
On peut faire des fautes en politique, suspendre la force publique et l'exercice de la justice, qui est le premier soutien d'un empire, les confier à des mains faibles et malhabiles ; des erreurs de cette force ne peuvent pas subsister longtemps; dès quelles sont reconnues, chacun s'empresse de les abjurer.
Mais les finances détruites et dilapidées, la source des impôts tarie peuvent conduire à des maux incalculables et souvent sans remède.
NOTE sur le compte du mois de janvier 1791.
Ces observations étaient imprimées, lorsque 1 état en recettes et dépenses du mois de janvier 1791 a été rendu public, il confirme une partie des erreurs et omissions qui ont été annoncées, ce qui détermine à faire quelques rapprochements pour le démontrer.
Et d'abord, la masse de la recette n'offre que des revenus arriérés et des anticipations sur ce 9/Ulo!'°n«na,Ppelle caPitaux de la nation; des 84,83b,929 livres qui sont entrés, pendant le mois de janvier, au Trésor public, 64 millions y ont été versés en assignats par la caisse de l'extraordinaire.
Au chapitre de la dépense, celle de la marine et des colonies y est rapportée pour 7,242,887 livres.
L Etat présenté par M. de Montesquiou ne la fixait qu'à 40,500,000 livres pour Tannée, par mois à 3,175,000 livres.
La dépense effective donne une différence de plus de moitié de celle présumée. Ce qui prouve qu on est resté infiniment au-dessous des besoins reels, en ne relevant l'erreur que pour 9,500,000 livres.
Les rentes perpétuelles viagères et des capitaux à terme sont portées, dans le prospectus de dépenses, à un peu plus de 184 millions, pour 1 année entière.
Le premier semestre serait de 92 millions, celui des six premiers mois de 1790, de même somme, ce qui porte chaque mois à plus de 32 millions de livres.
La dépense effectuée de janvier est de 29 millions de livres.
Le payement est faible d'un peu plus de 2 millions et contrarie absolument l'assertion de M. de Montesquiou, par laquelle il a annoncé que le payement des rentes échues était à jour, tandis qu'il n'a été réellement acquitté des arriérés, que le premier mois de 1790.
Les ateliers de charité de Paris sont évalués, dans l'état général du comité, à 7 millions pour 1 année, un peu moins de 700,000 livres par mois.
La dépense de cet objet a coûté, comprise celle du canal de Bourgogne, pour le mois de janvier, 319,000 livres.
Et il est à observer que celle du canal de Bourgogne ne s'élevait, sous l'ancien régime, qu'à 50,000 livres par an.
Les dépenses de l'année 1791, pour le culte et les pensions, ont été résumées à la page 19 de l'état général donné par M. de Montesquiou, et fixées à 153,847,000 livres. '
Le compte du mois de janvier ne présente aucune somme acquittée pour le premier quartier qui aurait dû l'être par avance : ce qui ne doit point étonner, puisque les payements ont dû se faire sur les lieux par les trésoriers de districts.
Mais l'article 47 des dépenses du mois de janvier annonce un payement de 10,284,000 livres, a compte de ce qui est dû de Vannée 1790.
L'aperçu des dépenses de 1791 n'offre, dans aucun des chapitres, les arriérés de ces traitements et pensions; c'est une erreur bien constatée du comité des finances qui n'a point été relevee, que l'on s'était contenté d'indiquer; elle sera certainement, au total, de la plus haute importance, étant impossible, ainsi qu'il a été observe, que les revenus de 1790, compris la dîme, puissent suffire à toutes les charges ; cependant on ne tire quant à présent, cette omission, que pour 10,284,000 livres, qu'il faut ajouter à la masse générale des erreurs qui ont été relevées dans ces observations.
En vain le comité prétendrait que la rentrée des revenus arriérés des biens nationaux couvrirait les arrérages des dépenses et pensions des ecclesiastiques et religieux. Il est prouvé par le compte du trésorier de la caisse de l'extraordinaire, qu'il n'y avait été versé aucuns deniers des revenus nationaux le 31 décembre, et, par le compte du mois de janvier, qu'il n'a reçu jusqu'au 3 du mois que 63,627 1. 15 s. 6 d.
La dépense relative à l'Assemblée nationale a été fixée pour 6 mois à 4,688,000 livres.
Ce qui fait pour chaque mois 781,333 livres.
ocV iSo ,?oûlé' dans le comPtedu mois de janvier, «51,023 livres, et il est encore bon d'observer qu il restait en arrière 3 mois entiers de cette dépense le 31 décembre dernier, dont le comité n a point parlé : on ne porte cependant que le payement fait en janvier (1),
Le comité n'a fait aucune mention dans ces 3 chapitres de l'achat du numéraire. M. Le Brun 1 avait évalué, dans son aperçu, à 4 millions; cette depense s'est élevée, au mois de janvier, à la somme de 523,838 livres.
C'est encore une omission à ajouter au tableau du comité, qui serait très considérable, quand on ne 1 évaluerait que dans la proportion du mois de janvier, mais qui peut l'être infiniment davantage, le numéraire devenant chaque jour plus rare, et devant disparaître à proportion de l'émission du papier, monnaie, qui suffira, et au delà, à tous les échanges de l'intérieur de l'Empire.
La rentrée des assignats provenant des ventes se fait très lentement, puisque d'après le compte de M. Le Couteulx du 31 janvier, il n'en avait été brûlé que pour 4 millions.
Il est inutile, quant à présent, de fournir de plus longs débats sur le compte du mois de janvier : on voulait seulement établir l'exactitude des erreurs et omissions qui ont été relevées dans le cours de ces observations.
N° 1.
TABLEAU pour faire connaître les anticipations sur les revenus de 1791. • relevé ou compte du 30 avril 1790.
Pages 9 et 10 du compte.
Sur les recettes générales.
En janvier 1791...................... S,300,000 liv.
En février.............. -............. 5,500,000
En mars............................." 5,500,000
Sur les fermes générales unies.
En janvier........................... 5,850,000
En février...............................................6,500,000
En mars...................................7,740,000
En avril..........................................................3,510,000
En janvier. En lévrier. En mars... En avril...
Sur la régie générale.
603,000 207,000 180,000 90,000
Régie des domaines.
En janvier. En février . En mars .. En avril ... En mai.
28,000 367,000 28,000 54,000 15,000
16,300,000 liv
23,600,000
1,080,000
492,000
Total général..... 41,472,000 liv.
Nº 2.
TABLEAU pour faire connaître les objets supprimés ou renvoyés comme dépense locale aux villes et
départements.
relevé sur le compte du 1er avril 1790, distribué aux membres de l'assemblée.
Articles
Articles renvoyés aux villes supprimés. et départements.
Page 97............. Les engagements à temps envers le clergé, supprimés
par décret .................................................2,500,000 liv.
Pages 98 et 99....... Les intérêts et gages d'offices, cautionnements et fonds
renvoyés aux dettes exigibles et non constituées..... 14,779,230
Page 100............ Les intérêts des anticipations supprimés par le rem-
8 boursement...................................... 15,800,000
Pages 101 et suivantes Les indemnités et pensions à diverses personnes ren-
iusau'à 110 ....... vovées à l'article des pensions ou à celui des dettes
1 4 , exigibles........................................ 3,167,464
Page 137............ Les pensions, traitements, gratifications, étant portés à
29,954, 350 livres, et réduites à 14 millions, la suppression est de..........................v........ 15,954,000
Les logements, chauffage, menues nécessités et concierges des tribunaux du royaume,renvoyés à lacharge
des départements................................................................352,117 liv.
Page 143............ Les frais des intendances, subdélégués, etc., remplacés par les directoires de département, districts et
municipalités...................................................1,413,202
Pages 144, 145 et 146. La police de Paris; traitement des commissaires, gratifications, etc., renvoyés à ladite ville............................1,568,920
Pages 447,148 et 149. Guet et garde de Paris et autres objets de police, également renvoyés à la ville............*......................1,135,966
Page 151........... Pavés de Paris et travaux dans les carrières..................1,027,420
Traitement des receveurs généraux et particuliers des finances et des Trésoreries des pays d'Etat, remplacés par les trésoriers d'état de district........................7,313,000
La dépense de la ferme générale et frais des aides coûtaient de 6 à 7 millions; on n'en fait mention que
fiour mémoire, les frais des impôts nouveaux devant
es remplacer................................... » »
A reporter.............. 52,200,694 liv. 12,810,625 liv.
Articles
Articles renvoyés aux villes
supprimés. et départements.
T ;. , . . , Report.................. 52,200,694 liv. 12,810,625 liv.
La regie des domaines et bois est confiée aux départements; elle coûtait....................................................2 606 465
Pages 117 et suivantes Les secours aux hôpitaux de Paris, ateliers, hospices, etc............................................................................2,692,906
Leux donnes aux provinces............................942 074
Page 184............ Travaux de charité...........
Page 185............ Destruction de la mendicité...!.....................
Page 193............ Enseignement public à Paris....'........'.*......"..... ^
Dans les provinces........ . ................." 681784
Pa„n Passeports supprimés........«.V.I..400,000
ra&6 ............ Construction et réparations d'édifices publics....................1,874,000
Dépenses diverses............................................817 000
Frais de procédure criminelle................... 3,180!()00
Dépenses variables....................................4 500 000
1,911,000 1,144,000 322,422
Articles supprimés............ 52,600,694 liv.
Articles renvoyés aux provinces............ 33,380,276 liv.
observation générale.
Les dépenses supprimées ou renvoyées aux villes et départements reviennent à.......... 85,980,970 livres
^J6.- 6 gene!?le faite au ïrésor Public aurai,; dû diminuer d'autant; cependant, on peut juger, par les observations que 1 on a présentees, combien M. de Montesquiou propose de l'augmenter!
«M8 renv°yes ,aux départements, revenant à plus de 33 millions, confirment l'assertion donnée à
cet egara dans ma première opinion, sur le parallèle des anciennes contributions réelles et personnelles, avec celles que 1 on propose d y substituer.
Et les suppressions énoncées en la première colonne vérifient la déclaration de M. Necker que rien n'était si iacue que de rétablir le niveau entre les recettes et dépenses annuelles.
les interets deS aiîUciPations coûtaient 15,800,000 livres; on pouvait les
anéantir en y employant une partie des 400 millions qu avait offerts le
clergé, puisqu'elles ne s'élevaient qu'à 271 millions, le 1er mai 1789.
Les pensions ont été réduites de 15,954,000 livres. Les deux objets couvraient la majeur» partie du déficit, et restant des offres du clergé, en éteignant pour pareille somme de capitaux, et les intérêts les plus onoreux auraient à peu près rétabli la balance.
Nº 3.
ETAT des remboursements faits depuis le 1er mai
1789 jusqu'au 31 décembre 1790 non compris ceux des anticipations.
relevé du compte général du 1er mai 1789 au 30
avril 1790.
Art. 57. Remboursement des paquebots supprimés....................................» iU q0fi i;v
Art. 58. Remboursement du papier des Iles............ ..........................................\ qÎh717
Art. 80. Remboursement du prêt fait par les fermiers généraux .7 .'.'.'.7'.'. . .'.7'.'. .'.'i i" .7 7" " 2 450 000
Art. 60. Remboursement aux mêmes............ . ............. 'agQ'n^
îrî' 51* SemÎ!0ursement au*. receveurs généraux qui avalent'trop* payé! ! .7 ! ! ! ! 77 ! ! 77 7 ! ! ! '. 86'428 Art. 62. Remboursement à divers.......................................... fin,'«Il
Art. 63. Remboursement à M. le prince de Condé...'. .7.77777 .777777 ' '77.................. 600 000
Arî' S' ^em°oursement d'avances faites par les fermiers généraux... ! !......!'.'.!!'.'.'.!!'"".' 10 000 'OOO
Art. 65. Remboursement par la Caisse d'escompte avant le 1" mai............... ..........3 600 000
Art. 66. Remboursement pour le sieur de Mory.. .. ..........................71 ono
Art. 67. Remboursement sur la loterie dos hôpitaux'... .V. .7.77V.7.7.7'' ''...................................6 059'û00
Art. 68. Remboursement à des commissaires des guerres..............7.7. 77...................490 000
Art. 69. Remboursement d'offices des receveurs en faillite.,........ ..............................136 017
a î' ïï- déboursement de rentes de 20 livres' et au-dèssous. :.:.:....!!!.'................. 182 903
ÎS' 5em5oursement à Gênes, en Hollande et en Flandre................. .77* .77.77 7" " ' 4 430 652
Art. 73. Remboursement des emprunts des pays d'Etat.................................. 6 423 447
arî' rt Remboursement des rescriptions non acquittées dans les provinces...'7.77 .777'.77777' 9,'561,'o85 Art. 75. Remboursement des quittances des gages.....................................! ! 241 847
Total.................... 48,286,924 liv.
relevé des comptes depuis le 1» mâï 1790 jusqu'au 31 décembre, même année.
Mni \ gem£onrsemeiitt àn papier des lies............................................2,866 liv,
mai..........j Remboursement de principaux de rentes de 20 livres et au-dessous.......... 19,843
{ KemDoursement de l'emprunt de Gênes. . . ...................................................338 526
i Remboursement du papier des îles.............. .. "......... ......................8 '749
Remboursement des rentes de 20 livres et au-dessous! ! .7" ! .7.7 77 " 7 ...........7'873
Remboursement de l'emprunt de Gênes...................... " ' 100 000
Remboursement à Gênes.................. .7..!.!!.!! !........................73 530
( Remboursement au sieur Giambonê..>.77."!!!.!!.................................41o'732
Juillet........] Remboursement du papier des îles................................................2,'l00
I Remî>oursement des petites rentes au-dessous'de'20'ïiVrês!.7"'.".".'".'.!!!!! 8^925
K Remboursement du dépôt fait au Trésor public.. * ' 573,600
A reporter.............. 1,546,144 liv.
, n , „ . déport....................................1,546,744 liv
/ Kemboursement an sieur Trenonay................................................................................560 000
l Remboursement du papier monnaie des îles.-...........................15 613
i Remboursement de l'emprunt de Gênes...............................!.... 200 000
Août........./ Remboursement des traites de Gênes...............................................87*431
........] Remboursement sur l'emprunt de Flandres......................' ..!...!.. 240 000
I Remboursement de petites parties de rentes..................................9'i96
f Remboursement des billets de M. de Bouloyne............................ . ^OOOO
\ Remboursement de petites parties de rentes de 20 livres et au-dessous..".!!!.] Toeio
f Remboursement de l'ancien papier monnaie des îles......... ..........." " " 15'107
„ . , ] Remboursement sur l'emprunt de Flandres........................................q«'nnn
Septembre... A Remboursement sur celui de Gênes...........................'..'."."'.'.'.'.'.'." 108 87?
I Remboursement aux héritiers du sieur Fillon..............!.!!,"!'!................43'«se
! Remboursement à M. Necker pour son dépôt..................'..'.....'.'.... 4Go'ooo
l Remboursement de l'ancien papier des îles.......................". ".............7'hrr
_ . . ; Remboursement de petites rentes......................... ..............................'oei
Octobre.......S Remboursement d'offices supprimés.................. ............................"'jJJJ
/ Re mboursement de dépôt fait au Trésor public....................j hqq qqq
1 Remboursement à la ville de Paris.......................'..!."..!.!!!!!'!!.' 100 000
! Remboursement de papier des îles............................"...! "."*.* .as'sïji
Remboursement des petites rentes.................!..!.!!!!.!.'..!.'..'.'. 13*688
Remboursement au trésorier de la ville......................*...."..'.'..'.' 200'000
Remboursement pour l'hôtel de ville..................................10'7^0
Remboursement à M. Lecouteulx.....................".!.!.!!!!!'.!!!!!!!.!' 400' 000
Remboursement du papier monnaie des îles.............'...'..'..."."..*..*."'. .'." 2l'622
Décembre.....Remboursement de petites parties de rentes...........'.!!.'..!!!'..............5,267
» Remboursement de l'emprunt de Hollande........ ................................1 «m'oii
Remboursement d'offices.........................!!..!!'!!"!..........................440
Remboursement aux notaires de Paris..............!'...*.......!..../. '.... *. 2,628,445
Total..................... 57,975,842 liv.
observations.
«« p«» a»'" -rU fallu
soit ^.iS'Î^Cié^ îll^rinf''GMdel6t' à ®rest> Parce que les sommes qu'il a fourmes
N° 4.
TABLEAU des sommes que l'on doit considérer comme revenu ordinaire, rentrées au Trésor public depuis le l»r mai 1789 jusqu'au 31 décembre 1790.
relevé du compte du t« mai 1789 au 30 avril 1790.
Les fermes générales des postes, messageries et de Poissy.........................139 294 fin* li*
Régie des aides abonnements de Flandre, régie des domaines et bois de lk loterie'royale, '
revenus casuels, marcs d'or et des poudres et salpêtres.......... . 9fi 900 9KH
Recette générale des finances, pays d'Etat, capitation, vingtièmes, abonnés,' 'câpi'tati'ons "et
dixièmes sur les pensions.............................. . K2 892 8*53
Impositions particulières pour les fortifications des villes, bénéfices sur les monnaies', 'caisses du '
commerce, recettes diverses et second quart du don gratuit du clergé...............................3,612,533
Total................... 292,701,143 liv.
de fUe a™ée consiste en un don patriotique, contribution du quart, anticipations, Î^aIZ „ CaiSSe descoraPte reatre®? diverses, vaisselle d'argent, portée aux Monnaies, qui ne peuvent être SrifiîrZI reCelteS «^ordinaires et emprunts qu'il est 'inutile de détailler, mais qïe l'on peut vérifier par 1 examen du compte dont on vient d'extraire les articles ci-dessus.
relevé des comptes depuis le 1er mai 1790
jusqu'au 31 décembre, même année.
Mai......... Ferme des postes, des affinages............................................................................................99 gg-j jjv
Régie des aides, loterie royale, domaines et bois.. . .. ".".....................................6 602'22*5
Impositions des pays d'Etat................................'.'.'.!!!!'.'.'.'.!!!"! 95l'641
Dixièmes sur les taxations des receveurs généraux'," droits d'Anjou,' intérêts'dès
sommes dues au Trésor public et recettes diverses....................153 327
Jum...... • ' fermes des postes, régie des aides, loterie royale et régie des domaines eV bois.' 5,680'271
impositions des pays d Etats, caisse de commerce et recettes diverses............504 890
JmLLET..... Fermes generales des postes, revenu de la Flandre, régie des aides, des domaines
et bois et du marc d or......................................'......................6 980 701
A reporter
21,153,022 liv.
130 lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il8 avril 1*791 .j
Report..............................21,153,022 liv.
Impositions des pays d'Etats, vingtièmes et capitations, abonnés, caisse de commerce, divers débets anciens et troisième quart du don gratuit du clergé...... 1,156,415
Août....... Fermes générales des postes, abonnement de la Flandre maritime, régie dés aides,
des domaines et bois............................................................5,639,954
Impositions des pays d'Etats.........................................................999,229
Impôts des marchés du Poitou, capitation de la cour, droits de la caisse du
commerce, anciens débets et recettes diverses.................................315,373
Septembre .. Fermes générales des postes, régie des aides, des domaines et bois, de la loterie
royale.............................................................................................7,991 » ^09
Des pays d'Etats........................................................................................................................954,269
Capitation de la cour, bénéfices sur les monnaies, anciens débets, recettes
diverses..................................................................981,370
Octobre .... Fermes générales des postes, abonnement de Flandre, loterie royale et régie
des domaines et bois..........................................................................................................5,104,297
Impositions des pays d'Etats.........................................................918,308
Droits d'Anjou, capitation de la cour, impositions particulières aux fortifications, caisse du commerce, bénéfice sur la fabrication des monnaies, anciens débets
et recettes diverses............................................ ..........1,483,172
Novembre... Fermes générales des postes, régie des aides, de la loterie royale, régie des domaines et bois des parties casuelles, impositions des pays d'Etats et capitations, revenus sur payements faits au Trésor public..................................................6,895,429
Droits de la caisse du commerce, anciens débets, recettes diverses...............138,094
Décembre. .. Fermes générales, fermes des postes, régie des aides, des domaines et de la loterie
royale..................................................................................................6,405,597
Impositions des pays d'Etats..............................................................................................4,343,896
Impositions abonnées, capitations et différentes retenues sur les payements du
Trésor public, caisse du commerce, anciens débets, parties non réclamées.... 1,114,457
Total des 8 derniers mois de 1790.......... 65,564,291 liv.
Les dons patriotiques, contributions du quart, vaisselles portées aux Monnaies, les divers emprunts et les assignats versés de la caisse extraordinaire, n'ont point été relevés, parce qu'ils ne font point partie des revenus ordinaires ; il n'a été également fait aucune mention des bons du grand comptant, des traites du sieur Gaudelet, qui ne peuvent être regardés que comme revirement de finances.
résumé des recettes des revenus ordinaires.
Année commencée le 1er mai 1789 et terminée le 30
avril 1790.............................. 292,701,143 liy.
8 derniers mois......................................................................... 65,564,291
Total des 20 mois.................. 358,265,434 liv.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
Il y a une loi que vous devez rendre sur les émigrations. Cette ioi qui avait été ajournée à un délai très rapproché et qui n'a pas été représentée depuis est vivement réclamée par un grand nombre de citoyens qui s'alarment des mouvements très actifs des Français réfugiés.
Je demande que l'Assemblée s'occupe incessamment de cet objet qui mérite toute l'attention des amis de la liberté.
Je demande que cette loi, dont je suis chargé spécialement par mes commettants de solliciter l'adoption, soit mise à l'ordre du jour de demain.
L'exécution de cette loi est mathématiquement impossible. Ainsi je demande, sur l'observation de M. Lanjuinais, qu'on passe à l'ordre du jour.
Je crois que cette loi est impraticable; ce qui nous a été présenté à cet égard est une prime en faveur des émigrants.
L'Assemblée ne peut pas passer à l'ordre du jour sans décider en même temps que le rapport de cette loi vous sera fait. Le projet qui vous a été offert présente effectivement des difficultés, mais ce ne sont pas des difficultés insurmontables. Une loi contre les émigrants, je ne sais si je me trompe, me paraît très facile à faire.
Je ne demande pas l'ajournement, mais l'ordre du jour. Le rapport de la loi sur les émigrants vous sera fait, il doit l'être. Acceptez-le, rejetez-le, mais exécutez vos décrets.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour 1
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la motion de M. Lanjuinais.)
Je demande également que les comités enargéâ de présenter à l'Assemblée
un
Cette proposition est d'autant plus juste que les personnes qui disposent de cette liste civile en emploient les fonds comme s'ils étaient plus que suffisants aux besoins du roi et, que dans ce moment, on en dépense une partie à faire des réparations au château de Versailles pour y recevoir les prêtres réfractaires.
(La motion de M. Lanjuinais est décrétée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de jeudi au soir qui est adopté.
présente à l'Assemblée une adresse desprocureursd'Orbe,Montreuil, Moyaux, Bernay, etc., qui demandent qu'il soit prompte-ment statué sur la liquidation de leurs offices.
(Cette adresse est renvoyée au comité de judi-cature.)
Messieurs, je reçois une lettre des prêtres habitués de la ville d'Arras (Pas-de-Calais.) Ils représentent à l'Assemblée que leur situation est pénible et que ses décrets n'ont pas pourvu au sort des prêtres qui sont habitués dans les paroisses qui n'avaient pas de provision de vicaire.
(Cette adresse est renvoyée au comité ecclésiastique.)
Je reçois une lettre des commissaires nommés par la section de l'Oratoire, et une délibération de cette section du 14 de ce mois. Dans cette délibération, il est question d'un comité nommé par la municipalité pour informer, instruire et juger des soi-disant délits commis à Vincennes le 28 février dernier. La délibération est fondée sur le doute que la municipalité de Paris ait pu former un pareil comité. Sans prendre connaissance des faits dont il est question, l'Assemblée nationale veut-elle renvoyer cette délibération au comité de Constitution ?
Il faut passer à l'ordre du jour parce que cela ne nous regarde pas. (L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
Voici une adresse des receveurs, commis et préposés à la perception des entrées de Paris, lesquels réclament une indemnité proportionnée au tort dont ils souffrent par l'anéantissement de leur état ainsi que le remboursement du cautionnement qu'ils ont fourni, ou des autres sommes qu'ils ont versées au Trésor public, conformément à divers arrêts du conseil.
L'Assemblée veut-elle renvoyer cette pétition au comité des pensions ?
Plusieurs membres : Oui I oui ! (L'Assemblée décrète le renvoi de cette pétition au comité des pensions et des finances réunis.)
J'ai cru devoir économiser, autant qu'il a été en moi, les moments de l'Assemblée; en sorte que jusqu'à présent j'ai, autant qu'il m'a été possible,empêché plusieurs personnes de se préseuter à la barre, et de prononcer des discours lorsqu'il ne s'agissait que d'intérêts particuliers. Je les ai satisfaits autant qu'il m'a été possible, par une simple énonciation. Aujourd'hui, Messieurs, les avocats au conseil insistent pour être admis à la barre et prononcer un discours sur les propositions qui ont été faites à leur égard par le comité de judicature. L'Assemblée veut-elle les entendre à la barre?
Plusieurs membres : Non ! non I
Je ne crois pas que 1 Assemblé doive perdre son temps à entendre des corporations à la barre ; c'est pourquoi ie demande que l'on passe à l'ordre du jour, sauf aux avocats au conseil à adresser à M. le Président toutes les pétitions qu'ils trouveront convenable de lui faire parvenir.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
au nom du comité de Constitution, fait un rapport sur les pétitions de quelques villes qui demandent des tribunaux de commerce et de quelques municipalités qui désirent être réunies les unes aux autres ; il propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution sur les pétitions des administrations des départements du Haut-Rhin, de la Manche, de la Loire-Inférieure, des Bouches-du-Rhône, des Hautes-Pyrénées et de l'Ariège, décrète ce qui suit :
« Il sera établi des tribunaux de commerce dans les villes de Colmar, Annonay, Aubenas et Cherbourg.
« Celui formé à Nantes, en exécution de la loi de 1 organisation judiciaire, aura 4 suppléants ; il sera incessamment procédé à leur élection, ainsi qu'au remplacement des deux membres qui ont donné leur démission, i « Il sera établi dans la ville de Martigues une juridiction de prud'hommes pêcheurs pour les communautés des patrons-pêcheurs, dits de la pêche à la tartane, et de Vart menu, lesquelles n'en formeront qu'une à l'avenir, qui sera régie par les statuts de la communauté des pêcheurs de Marseille.
« Les communes des ci-devant fiefs de la Goy, Romany, Saint-Didier, Beauchamps et Canillac, sont réunies aux municipalité et territoire de la ville de Saint-Remy, et seront soumises à son administration.
« Les communes de Héhac, la Grasse, Soube-clause et Barbazan, composeront ensemble une seule municipalité, à la formation de laquelle il sera incessamment procédé dans le lieu de Sou-beclause.
« La municipalité qui s'est formée dans le bourg de Sainte-Quitterie est supprimée, et réunie a celie de Tarascon ; en conséquence, les citoyens actifs de ces deux lieux s'assembleront dans cette ville, pour procéder à l'élection d'une nouvelle municipalité. »
Je crois qu'il est urgent de faire une loi générale de ce décret, et qu'il faut ajouter, dans les départements des Bouches-du-Rhône, du Var et des Basses-Alpes, les terres ci-devant seigneuriales, connues sous le nom de fief3 inhabités, et dire qu'elles seront réunies aux territoires des communes les plus voisines, et comprises dans les rôles de contribution.
J'appui la motion de M. Bouche, sa proposition est très sage, mais il y a
une dif-
Je retire ma demande, et je pense qu'il faut attendre celle des corp3 administratifs.
Je crois que la force de l'exemple sera le meilleur de3 moyens pour parvenir à des réunions des municipalités; et, en conséquence, afin de faire connaître la nécessité de cette réunion, je demande que le petit rapport de M. Gossin soit imprimé, pour que les municipalités, prenant exemple de ce qui arrive, demandent leur réunion respective.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Gossin et son envoi aux 83 départements et adopte le décret du comité de Constitution.)
au nom du comité militaire. Par votre décret du 28 janvier dernier, vous avez décrété la levée de 100,000 soldats auxiliaires qui devront être entretenus dans les différents départements du royaume, pour être ensuite, quand les circonstances l'exigeront, incorporés dans les régiments de ligne que l'on voudra porter au grand complet de guerre.
Voici quelques articles que votre comité militaire m'a chargé de vous présenter, pour faciliter l'exécution de votre décret du 28 janvier dernier.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité militaire, décrète les articles suivants :
Art. 1er.
« Les 100,000 soldats auxiliaires que, par son décret du 28 janvier dernier, l'Assemblée nationale a destinés pour être répartis, lorsque les circonstances l'exigeront, dans les régiments qu'il sera nécessaire de porter au grand pied de guerre, seront levés et entretenus de la manière la plus avantageuse pour la défense et la tranquillité du royaume; de sorte que dans chaque département il en soit enrôlé un nombre proportionné à sa population et à sa position, plus ou moins rapprochée des côtes ou des frontières.
Art. 2.
« En conséquence des dispositions de l'article ci-dessus, le ministre de la guerre adressera, dans le plus court délai à l'Assemblée nationale, un projet de répartition, par département, des 100,000 soldats auxiliaires.
Art. 3.
« Ledit état de répartition ayant été arrêté définitivement et décrété par l'Assemblée nationale, sera ensuite adressé par le ministre de la guerre aux directoires de département, qui, conformément aux articles 3, 4 et 6 du décret du 28 janvier, recevront, chacun dans leur département respectif, un nombre de soumissions pour -contracter engagement égal à celui des auxiliaires qui leur aura été affecté.
Art. 4.
« Le roi géra prié de faire, conformément à l'article 4 du décret du 28 janvier, les règlements nécessaires sur la forme des engagements que devront contracter pour trois ans les hommes qui voudront servir comme soldats auxiliaires, sur la réception desdits auxiliaires, sur les conditions nécessaires pour obtenir l'admission, et sur les contrôles qui devront être dressés pour s'assurer de leur existence; les contrôles contiendront l'état de payement à faire aux auxiliaires admis; et les ordonnances de payement seront délivrées en conséquence de ces états dûment visés et certifiés.
Art. 5.
« Les soldats auxiliaires recevront, tous les trois mois, leur solde fixée par l'article 5 du décret du 28 janvier, à 3 sols par jour. Ils en-seront payés sans retenue dans le chef-lieu du district de leur domicile, et conformément aux règlements qui seront faits par le roi.
Art. 6.
« Lorsque les soldats auxiliaires seront incorporés dans les régiments, ils recevront la même paye et le même traitement affectés par les décrets aux troupes de ligne, et cette solde commencera pour eux à dater du jour de leur départ pour les régiments qui leur auront été désignés.
Art. 7.
« Le ministre de la guerre désignera dans chaque département un commissaire des guerres qui sera spécialement chargé de veiller à l'exécution des dispositions prescrites par le présent décret. »
Messieurs, on ne peut décréter un projet de cette importance, qui regarde tous les départements, sans examen. Je demande que le projet soit renvoyé à demain, et qu'il soit imprimé.
Ce n'est pas un décret qui a pour objet de former une armée de 100,000 auxiliaires, cela est décrété, ce sont des articles nécessaires à l'exécution de ce projet, et quoique je ne sois pas militaire, je les ai saisis dans leur ensemble au point que je voterai en pleine sûreté de conscience.
présentent plusieurs observations sur le projet.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
(L'Assemblée, consultée, adopte le décret du comité militaire.)
Lorsque vous avez rendu le décret sur les auxiliaires, plusieurs personnes ont craint que le sort avantageux que vous avez fait aux troupes auxiliaires, ne nuisît au recrutement de l'armée. J'observe au contraire que, si vous ne prenez des mesures pour accélérer la formation du corps d'auxiliaires, il ne se formera pas. Je cite pour exemple la ci-devant province d'Alsace, qui de tout temps a fourni le plus de recrues à 1 armée; elle a dans ce moment complété en très grande partie tous les régiments qui s'y trouvent; les recrues s'y multiplient étonnamment, etcepen-dant il ne s'est encore présenté qu'un seul homme pour l'armée auxiliaire ; il est donc bien certain qu'il manque quelque chose à notre décret.
Je pense, Messieurs, que si l'autorité civile
Je demande donc, non pas dans ce moment, parce que toutes espèces de mesures demandent un peu de réflexion, mais ]e demande que le comité militaire et, notamment, M. le rapporteur se concertent pour exciter, autant qu'il sera possible, dans les municipalités, dans les cantons et dans les districts, le zèle et l'intérêt des personnes qui se décideront au service, et qu'il nous présentent sur cet objet un article de décret qui fasse le complément de ceux qu'il vous soumet dans ce moment ici.
Je crois que les moyens nécessaires pour y parvenir doivent être contenus dans l'instruction qui sera envoyée dans les différents départements du royaume pour la levee des auxiliaires. Je ne sais pas ce qui se passe en Alsace, mais je sais que dans plusieurs autres départements du royaume il s'est déjà présenté 300, 400 et même 500 individus. Cependant je trouve la proposition de M. de Noailles très sage. D'après cela si l'Assemblée nationale l'adopte, ie crois que les mesures dont vient de parler le préopinant pourraient être renfermées dans l'instruction.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix! (L'Assemblée charge son comité militaire de prendre ces observations en considération lorsqu'il s'occupera de l'instruction, qu'il doit rédiger sur la loi du 28 janvier et sur les articles additionnels.)
au nom du comité militaire. Lorsque vous avez décrété, Messieurs, l'avancement dans l'armée, le comité militaire vous a observé que les corps à talents pouvaient demander, par la nature de leurs services et des connaissances qu'ils exigeaient, que les lois générales décrétées pour l'armée, éprouvassent quelques modifications; il vous proposa alors d'ajourner les dispositions relatives à l'avancement de l'artillerie et du génie. ¦
Depuis il vous a soumis un projet de décret sur l'avancement du génie, et vous l'avez adopté. Je viens dans ce moment vous proposer les dispositions sur l'artillerie qui termineront le travail de l'avancement, travail qui paraît avoir obtenu l'assentiment des militaires des différents grades.
Si vous avez examiné, Messieurs, le projet de décret qui vous a été distribué, vous avez dû voir qu'il est absolument dans les mêmes principes que ceux que vous avez déjà décrétés poulie reste de l'armée. Il est divisé en trois titres. Le premier qui traite de la nomination des sous-officiers ne contient d'autres dispositions nouvelles que celles relatives aux compagnies de mineurs et d'ouvriers; encore sont-elles des conséquences des mêmes principes et se bornent-elles à statuer qu'on y choisira les sous-officiers par compagnie, au lieu de les choisir par régiment les compagnies de mineurs et d'ouvriers faisant pour ainsi dire des corps à part, et étant destinées à servir séparées du reste de l'artillerie.
Le second titre traite de la nomination aux places d'officier et de l'avancement depuis le grade de lieutenant jusqu'à celui d inspecteur général. La nomination aux places d officier est soumise aux mêmes règles pour l'artillerie, que pour les autres troupes de la ligne. Mais je ferai seulement cette observation que les aous-officiers et canonniers seront plus avantageusement traités que dans les autres corps de troupes. Un quart des places leur est réservé, la proportion des officiers aux soldats étant plus favorable dans l'artillerie.
Quant aux règles d'avancement pour parvenir du grade de lieutenant aux premiers grades de l'artillerie, après nous être occupés longtemps de savoir si la nature de ce service nécessitait des modifications, nous nous sommes tous réunis, a l'exception de M. de Thiboutot, à penser que ce corps devait être soumis aux lois générales qui dirigeront l'avancement du reste de l'armée.
Le troisième titre est relatif aux remplacements des officiers réformés. Il a pour objet d'abord d'assurer le sort des lieutenants en troisième, officiers dont les services et le mente réclament toute votre attention. Il contient en outre une disposition relative aux officiers généraux. Comme je crois que ce projet de décret ne doit pas trouver d'opposition, je ne l appuierai pas de développements plus etendus. Si, dans le cours de la délibération, il se présente des objections, je tâcherai d'v répondre.
Voici le projet de décret que nous vous proposons.
Nomination aux places de sous-officiers. (Décrété pour les autres troupes de ligne.)
« Art. 1er. L'on comprendra à l'avenir dans
le corps de l'artillerie, sous la dénomination de sous-officiers, les
sergents-majors, les sergents, les caporaux-fourriers et les caporaux ;
1 avancement à ces différents grades aura lieu dans les compagnies de
canonniers, de mineurs et d ouvriers ainsi qu'il suit.
Nomination des caporaux dans les compagnies de canonniers.
(Décrété pour les autres troupes de ligne.)
« Art. 2. Les caporaux, dans les compagnies de canonniers, présenteront chacun à leur capitaine celui des soldats de leur compagnie quils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de
«°Art'. 3. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés. . .
« Art. 4. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines.
« Art. 5. Lorsqu'il vaquera une place de caporal dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste.
« Art 6. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante.
« Art. 7. Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, elle sera supprimée, et il en sera fait une nouvelle en suivant les mêmes procèdes.
Nomination des caporaux dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 8. Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers, il ne sera point formé de liste pour la nomination aux places de caporal, et lorsqu'il en vaquera une dans une de ces compagnies, les caporaux de ladite compagnie présenteront chacun à leur capitaine, celui des soldats de la compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de caporal.
« Art. 9. Le capitaine choisira parmi les sujets qui lui seront présentés par les caporaux, celui qui devra remplir la place vacante.
Nomination des caporaux-fourriers dans les compagnies de canonniers.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 10. Lorsqu'il vaquera une place de caporal-fourrier dans une compagnie de canonniers, le capitaine de cette compagnie choisira parmi tous les caporaux et tous les soldats du régiment, ayant au moins deux ans de service, le sujet qui devra la remplir.
Nomination des caporaux-fourrier s dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 11. Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers, lorsqu'il vaquera une place de caporal-fourrier, le capitaine de la compagnie où la place sera vacante, choisira parmi tous les caporaux et les soldats de sa compagnie, ayant au moins deux ans de service, celui qui devra la remplir.
Nomination des sergènts dans les compagnies de canonniers.
(Décrété pour les autres troupes de ligne.)
« Art. 12. Les sergents-majors et les sergents dans les compagnies de canonniers présenteront chacun à leur capitaine, celui des caporaux de leur compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de sergent.
« Art. 13. Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés.
« Art. 14. Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines.
« Art. 15. Lorsqu'il vaquera une place de sergent dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste.
« Art. 16. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante.
Nomination des sergents dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 17. Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers, il ne sera point formé de liste pour la nomination des sergents; et lorsqu'il vaquera une place de sergent dans une de ces compagnies, les sergents de ladite compagnie présenteront, chacun à leur capitaine, celui des caporaux de la compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de sergent.
« Art. 18. Le capitaine choisira parmi les sujets qui lui seront présentés par les sergents, celui qui devra remplir la place vacante.
Nomination des sergents-majors dans les compagnies de canonniers.
(Décrétépour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 19. Lorsqu'il vaquera une place de sergent-major dans une compagnie de canonniers, les sergents-majors du régiment présenteront chacun pour la remplir un sergent de leur compagnie, et il en sera formé une liste.
« Art. 20. Le capitaine de la compagnie où la place de sergent-major sera vacante, choisira trois sujets sur la liste de ceux qui auront été présentés par les sergents-majors.
« Art. 21. Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante.
Nomination des sergents-majors dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers'.
(Particulier à Vartillerie.)
« Art. 22. Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers lorsqu'il vaquera une place de sergent-major, le capitaine de la compagnie où la place sera vacante, choisira parmi les sergents de sa compagnie, celui qui devra la remplir.
Nomination des adjudants.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 23. Lorsqu'il vaquera une place d'adjudant, les sept officiers supérieurs réunis nommeront à la pluralité des voix, parmi tous les sergents du régiment, celui qui devra la remplir; et dans le cas où les voix se porteraient sur sept sujets différents, la voix du colonel sera prépondérante.
« Art. 24. Les sergents nommés aux places d'adjudants concourront du moment de leur nomination avec les seconds lieutenants (sans cependant être brevetés) pour arriver à la lieutenance en premier, et ils pourront rester adjudant jusqu'à ce que leur ancienneté les y porte.
« Art. 25. Lorsqu'un sergent, moins ancien que les adjudants, sera fait second lieutenant, les adjudants jouiront en gratification et par supplément d'appointements de ceux de seconds lieutenants.
Nomination aux places d'officiers.
Nomination au grade d'officier.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 1er. Il sera pourvu de deux manières
aux emplois de seconds lieutenants lesquels seront partagés entre les
sujets qui auront passé par les grades de canonniers, de mineurs,
d'ouvriers et de sous-officiers, et ceux qui arriveront immédiatement au
grade d'officier par les examens.
« Art. 2. Sur quatre places de seconds lieute-
« Art. 3. Les places de seconds lieutenants destinées aux sous-officiers, seront données alternativement à l'ancienneté et au choix.
« Art. 4. L'ancienneté se prendra dans les régiments sur tous les sergents indistinctement du même régiment à dater de leur nomination.
Particulier à l'artillerie.
Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers sur tous les sergents indistinctement de chacune desdites compagnies, également à dater de leur nomination.
Décrété pour les autres troupes de ligne.
« Art. 5. Le choix aura lieu dans les régiments sur tous les sergents du même régiment, et il sera fait par tous les officiers ayant 25 a.ns d'âge, et par les officiers supérieurs, à la majorité absolue des suffrages.
Particulier à l'artillerie.
Dans les compagnies de mineurs, en temps de paix, parmi tous les sergents desdites compagnies, et en temps de guerre parmi tous les sergents de chacune des compagnies ; il sera fait par tous les officiers de ces compagnies ayant 25 ans d'âge, et par le commandant d'artillerie, à la majorité absolue des suffrages.
Dans les compagnies d'ouvriers parmi les sergents de la compagnie où l'emploi sera vacant, et il sera fait par les officiers de ladite compagnie avant 25 ans d'âge, et par le directeur de l'arsenal ou le directeur du parc, à la majorité absolue des suffrages
« Art. 6. Quant aux autres places de seconds lieutenants, elles seront données à ceux qui auront été reçus élèves.
Nomination aux places d'élèves.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 7. Nul ne pourra être reçu élève du corps de l'artillerie, qu'il n'ait subi les examens qui seront prescrits pour l'admission au service, et ceux qui sont particuliers à l'école de l'artillerie.
Rang des élèves.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 8. Les élèves du corps de l'artillerie auront rang de sous-lieutenants.
« Art. 9. Les élèves du corps de l'artillerie, après avoir satisfait aux examens particuliers à ce corps (lesquels seront conservés ou modifiés s'ily a lieu) parviendront aux emplois de seconds lieutenants, suivant le rang qu'ils auront obtenu par ces examens.
Nomination aux emplois de premiers lieutenants.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 10. Lesseconds lieutenants parviendront, à leur tour d'ancienneté dans le régiment, dans la compagnie de mineurs ou d'ouvriers dont ils font partie, aux emplois de premier lieutenant.
Nomination aux emplois de capitaine. (Particulier à l'artillerie.)
« Art. 11. Les premiers lieutenants, sans aucune exception, parviendront en temps de paix, à leur tour d'ancienneté sur tout le corps, aux emplois de capitaine.
A Ja guerre, les officiers rouleront jusquau grade de capitaine commandant inclusivement dans le régiment ou bataillon, dans la compagnie des mineurs ou d'ouvriers à laquelle ils sont attachés.
Nomination aux places de quartiers-maîtres.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 12. Les quartiers-maîtres seront choisis par les conseils d'administration, à la pluralité
des suffrages.
« Art. 13. Les quartiers-maîtres pris, parmi les sous-officiers, auront le rang de seconds lieutenants; ils conserveront leur rang s'ils sont pris parmi les officiers. , ,,
« Art. 14. Les quartiers-maîtres suivront leur avancement dans les différents grades, pour le grade seulement, ne pouvant jamais être titulaires ni avoir de commandement ; mais jouissant en gratification, et par supplément d'appointements, de ceux attribués aux différents grades où les portera leur ancienneté.
Nomination aux emplois de lieutenants-colonels, (Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 15. On parviendra du grade de capitaine à celui de lieutenant-colonel par ancienneté et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué. , ...
« Art. 16. L'avancement au grade de lieutenant-colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur tout le corps ; à la guerre, le tour d'ancienneté sera sur le régiment ou bataillon, et sur les compagnies de mineurs et d'ouvriers employés.
« Art. 17. Sur trois places de lieutenants-colonels vacantes, deux seront données aux plus anciens capitaines, et la troisième par le choix du roi, à un capitaine en activité dans ce grade depuis deux ans au moins.
Nomination aux emplois de colonels.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 18. On parviendra du grade de lieutenant-colonel à celui de colonel par ancienneté, et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué- , ,
« Art. 19. L'avancement au grade de colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur tout le corps; à la guerre le tour d'ancienneté sera sur le régiment et sur les officiers employés au parc.
« Art. 20. Sur trois places de colonel vacantes, deux seront données aux
plus anoiens lieutenants-colonels, et la troisième, par le choix du
roi, sera donnée à un lieutenant-colonel en activité dans ce grade depuis deux ans au moins.
Nomination aux places de commandan ts d'ar tillerie.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 21. Les colonels parviendront aux places de commandants d'artillerie par ancienneté.
Nombre d'officiers généraux attachés au corps de Vartillerie.
(Particulier à l'artillerie.)
« Art. 22. Le corps de l'artillerie roulera sur lui-même pour les grades d'officiers généraux : en conséquence, il y sera attaché, sous le titre d'inspecteurs généraux, quatre lieutenants généraux et cinq maréchaux de camp, faisant nombre parmi les officiers de ces deux grades, conservés en activité dans l'armée.
Nomination au grade de maréchal de camp.
(Décrété pour les autres troupes d,e la ligne.)
.« Art. 23. On parviendra du grade de colonel à celui de maréchal de camp, par ancienneté et par le choix du roi.
Sur deux places de maréchal de camp vacantes, une sera donnée au plus ancien colonel, et l'autre, par le choix du roi, sera donnée à un colonel en activité dans ce grade depuis deux ans au moins.
« Art. 24. Si un colonel que son tour d'ancienneté porterait à la place d'inspecteur général préférait se retirer avec le grade de maréchal de camp, à être employé comme inspecteur général, il en aurait la liberté et recevrait la retraite fixée pour les colonels, sans avoir égard au grade de maréchal de camp.
« Art. 25. Le colonel qui préférerait se retirer avec le grade de maréchal de camp sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui Je suivrait, et qui, dans ce cas serait nommé a la place vacante.
Nomination au grade de lieutenant général.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Art. 26. On parviendra du grade de maréchal de camp à celui de lieutenant général par ancienneté et par le choix du roi.
Sur deux places de lieutenant général vacantes, une sera donnée au plus ancien maréchal de camp, l'autre à un maréchal de camp en activité dans ce grade depuis deux ans au moins.
« Art. 27. Si un maréchal de camp, que son tour d'ancienneté porterait au grade de lieutenaut générai, préférait se retirer avec ce grade à y être employé en activité, il* en aurait la liberté, et recevrait la retraite fixée pour les maréchaux de camp, sans égard à son grade de lieutenant général.
« Art. 28. Le maréchal de camp qui préférerait se retirer avec le grade de lieutenant général sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d ancienneté à celui qui le suivrait et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante.
« Art. 29. Les trois années d'études préliminaires à l'admission dans le corps de l'artillerie, compteront aux officiers de ce corps, pour obtenir la décoration militaire et la pension de retraite.
du remplacement des officiers réformés.
« Art. 1er. Les lieutenants en troisième,
réformés par le décret d'organisation de l'artillerie, rempliront les
places de second lieutenant vacantes par la nouvelle organisation.
Ceux de ces officiers qui excéderont le nombre de places à remplir seront employés, comme lieutenants surnuméraires, jusqu'à leur remplacement et ils jouiront, dès ce moment, des appointements de lieutenants en second.
« Art. 2. Ceux des lieutenants en troisième qui n'auront pas été remplacés, le seront aux emplois de lieutenants qui viendront à vaquer alternativement avec les élèves, les lieutenants en troisième ayant le premier tour.
« Art. 3. Lorsqu'un lieutenant en troisième sera promu au grade de second lieutenant, il prendra rang parmi les officiers de ce grade, en datant de son premier brevet d'officier; et, d'après cette disposition, il suivra son avancement au grade de premier lieutenant, dans lequel il prendra rang, de la date de ce nouveau brevet.
« Art. 4. Les lieutenants en troisième qui peuvent ou pourront par la suite justifier, par l'examen d'usage qu'ils possèdent les connaissances théoriques exigées pour l'admission de l'artillerie, prendront rang même parmi les premiers lieutenants, suivant la date de leur premier brevet d'officier.
« Art. 5. Ceux qui sont ou seront dans le cas du précédent article obtiendront des lettres d'examen pour jouir de cet avantage, dès le moment de la présente organisation ou aux époques des examens réglés pour les élèves de l'artillerie.
« Art. 6. Les officiers de tous grades du corps de l'artillerie ayant plus de vingt ans de service, qui à l'instant de la nouvelle organisation voudront ne pas continuer leurs services, seront libres de se retirer et obtiendront, pour ce moment seulement, les deux tiers de leurs appointements pour retraite, à moins que leurs services, d'après les règles fixées par le décret du 3 août dernier, ne leur donnent droit à un traitement plus considérable. Ceux de ces officiers ayant au moins 15 ans de services et au-dessous de 24, qui voudront également ne pas continuer leurs services, conserveront néanmoins leur activité pour la croix de Saint-Louis.
« Art. 7. Le premier choix des neuf inspecteurs généraux de l'artillerie sera fait par le roi parmi tous les officiers généraux de ce corps.
Ceux desdits officiers généraux qui ne seront pas choisis pour remplir les places d'inspecteurs généraux recevront des pensions suivant le décret du 3 août dernier, néanmoins ils seront susceptibles de rentrer en activité, comme inspecteurs généraux, dans le nombre de ces places laissé au choix du roi. »
(La discussion est ouverte sur ce projet de décret.)
rapporteur, donne lecture des différents articles du projet de décret qui sont successivement mis aux voix dans les termes suivants.
L'Assemblée nationale, ouï son comité militaire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Nomination aux places de sous-officiers.
(Décrétépour les autres troupes de la ligne.)
« On comprendra à l'avenir dans le corps de l'artillerie, sous la dénomination de sous-officiers, les sergents-majors, les sergents, les caporaux-fourriers et les caporaux; l'avancement à ces différents grades aura lieu dans les compagnies de canonniers, de mineurs et d'ouvriers ainsi qu'il suit. (Adopté.)
Art. 2.
Nomination des caporaux dans les compagnies de canonniers.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
Les caporaux, dans les compagnies de canonniers, présenteront chacun à leur capitaine celui des soldats de leur compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de caporal. (Adopté.)
Art. 3.
(Idem.)
« Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés.
Art. 4.
(Idem.)
« Il sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines. (Adopté)
Art. 5.
(Idem.)
« Lorsqu'il vaquera une place de caporal dans une compagnie, le capitaine de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste. (Adopté.)
Art. 6.
(Idem.)
« Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante. (Adopté.)
Art. 7.
(Idem.)
« Lorsque la liste sera réduite au-dessous de moitié, elle sera supprimée, et il en sera fait une nouvelle en suivant les mêmes procédés. (Adopté )
Art. 8.
Nomination des caporaux dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
(Particulier à l'artillerie.)
« Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers, il ne sera point formé de liste pour la nomination aux places de caporaux, et lorsqu'il en vaquera une, dans une de ces compagnies, les caporaux de ladite compagnie, présenteront chacun à leur capitaine, celui des soldats de la compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de caporal. (Adopté.)
Art. 9.
(Idem.)
« Le capitaine choisira, parmi les sujets qui lui seront présentés par les caporaux, celui qui devra remplir la place vacante. (Adopté.)
Art. 10.
Nomination des caporaux-fourriers dans les compagnies de canonniers.
(Décrété pour les autres troupes de ligne.)
« Lorsqu'il vaquera une place de caporal-fourrier dans une compagnie de canonniers, le capitaine de cette compagnie choisira parmi tous les caporaux et tous les soldats du régiment, ayant au moins deux ans de service, le sujet qui devra la remplir. (Adopté.)
Art. 11.
Nomination des caporaux-fourriers dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
(Particulier à l'artillerie.)
« Dans les compagnies demineurset d'ouvriers, lorsqu'il vaquera une place de caporal-fourrier, le capitaine de la compagnie où la place sera vacante choisira parmi tous les caporaux et les soldats de sa compagnie, ayant au moins deux ans de service, celui qui devra le remplir. (Adopté.)
Art. 12.
Nomination des sergents dans les compagnies de canonniers.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Les sergents-majors et les sergents dans les compagnies de canonniers présenteront, chacun à leur capitaine, celui des caporaux de leur compagnie qu'ils jugeront le plus capable d'être élevé au grade de sergent. (Adopté.)
Art. 13.
(Idem.)
« Le capitaine choisira un sujet parmi ceux qui lui auront été présentés. (Adopté.)
Art. 19.
(Idem.)
« 11 sera formé une liste de tous les sujets choisis par les capitaines. (Adopté.)
Art. 15.
(Idem.)
« Lorsqu'il vaquera une place de sergent dans une compagnie, le capitaiQe de cette compagnie choisira trois sujets dans la liste (Adopté.)
Art. 16.
(Idem.)
« Parmi ces trois sujets, le colonel chosira celui qui devra remplir Ja place vacante. (Adopté.)
Art. 17.
Nomination des sergents dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
(Particulier à Vartillerie.)
« Dans les compagnies demineurs et d'ouvriers il ne sera point formé de liste pour la nomination des sergents; et lorsqu'il vaquera une place de sergent dans une de ces compagnies, les sergents de ladite compagnie présenteront, chacun a leur capitaine, celui des caporaux de la compagnie qu ils jugeront le plus capabled'être élevé au grade de sergent. (Adopté.)
Art. 18.
(Idem.)
» Le capitaine choisira parmi les sujets qui lui seront présentés par les sergents, celui qui devra remplir la place vacante. (Adopté.)
Art. 19.
Nomination des sergents-majors dans les compagnies de cannonniers.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Lorsqu'il vaquera une place de sergent-major dans une compagnie de canonniers, les sergents-majors du régiment présenteront chacun pour la remplir un sergent de leur compagnie et il en sera formé une liste. (Adopté.) ° '
Art. 20.
(Idem.)
« Le capitaine de la compagnie où la place de sergent-major sera vacante, choisira trois suiets sur la liste de ceux qui auront été présentés par les sergents-majors. (Adopté.)
Art. 21.
(Idem.)
« Parmi ces trois sujets, le colonel choisira celui qui devra remplir la place vacante. (Adopté.)
Art. 22.
Nomination des sergents-majors dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers.
. (Particulier à Vartillerie.)
« Dans les compagnies de mineurs et d'ouvriers lorsqu il vaquera une place de sergent-maior, le capitaine de la compagnie où la place sera vacante choisira parmi les sergents de sa compagnie, celui qui devra la remplir. (Adopté.)
Art. 23.
Nomination des adjudants. (Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Lorsqu'il vaquera une place d'adjudant, les sept officiers supérieurs réunis nommeront à la pluralité des voix, parmi tous les sergents du régiment, celui qui devra la remplir; et dans le cas où les voix se porteraient sur sept sujets différents, la voix du colonel sera prépondérante. (Adopté.)
Art. 24. (Idem.)
« Les sergents nommés aux places d'adjudants concourront, du moment de leur nomination, avec les seconds lieutenants (sans cependant être brevetés) pour arriver à la lieutenance en premier, et ils pourront rester adjudants jusqu'à ce que leur ancienneté les y porte. (Adopté.)
Art. 25. (Idem.)
« Lorsqu'un sergent, moins ancien que les adjudants, sera fait second lieutenant, les adjudants jouiront en gratitication et par supplément d'appointements, de ceux de seconds lieutenants. (Adopté.)
Nomination aux places d'officiers.
Art. 1er.
Nomination au grade d'officier. (Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Il sera pourvu de deux manières aux emplois de seconds lieutenants, lesquels seront partagés entre les sujets qui auront passé par les grades de canonniers, de mineurs, d'ouvriers et de sous-officiers, et ceux qui arriveront immédiatement au grade d'officier par les examens. (Adopté.)
Art. 2. (Idem.)
« Sur quatre places de seconds lieutenants vacantes dans un régiment, une compagnie de mineurs ou d'ouvriers, il en sera donné une aux sous-officiers. (Adopté.)
Art. 3. (Idem.)
« Les places de seconds lieutenants destinées aux sous-officiers, seront données alternativement à l'ancienneté et au choix. (Adopté)
Art. 4. (Idem.)
« L'ancienneté se prendra dans les régiments sur tous les sergents indistinctement du même régiment, à dater de leur nomination.
(Particulier à l'artillerie.) « Dans les compagnies de mineurs et d'où-
Art. 5.
(Décrété pour les autres troupes de ligne.)
« Le choix aura lieu dans les régiments sur tous les sergents du même régiment, et il sera fait par tous les officiers ayant 25 ans d'âge, et par les officiers supérieurs, à la majorité absolue des suffrages.
(Particulier à Vartillerie.)
« Dans les compagnies de mineurs en temps de paix,parmi tous les sergents desdites compagnies, et en temps de guerre, parmi tous les sergents de chacune des compagnies ; il sera fait par tous les officiers de ces compagnies ayant 25 ans d'âge, et par le commandant d'artillerie, à la! majorité absolue des suffrages.
« Dans les compagnies d'ouvriers, parmi les sergents de la compagnie où l'emploi sera vacant, il sera fait par les officiers de ladite compagnie ayant 25 ans d'âge, et par le directeur de 1 arsenal ou le directeur du parc, à la majorité absolue des suffrages. (Adopté.)
Art. 6. (Idem.)
« Quant aux autres places de seconds lieutenants, elles seront données à ceux qui auront été reçus élèves. (Adopté.)
Art 7.
Nomination aux places d'élèves. (Idem.)
« Nul ne pourra être reçu élève du corps de l'artillerie, qu'il n'ait subi les examens qui seront prescrits pour l'admission au service, et ceux qui sont particuliers à l'école de l'artillerie. (Adopté.)
Art. 8.
Rang des élèves. (Idem.)
« Les élèves du corps de l'artillerie auront rang de sous-lieutenants. (Adopté.)
Art, 9. (Idem.)
« Les élèves du corps de l'artillerie, après avoir satisfait aux examens particuliers à ce corps (lesquels seront conservés ou modifiés, s'il y a lieu) parviendront aux emplois de seconds lieutenants, suivant le rang qu'ils auront obtenu par ces examens. (Adopté.)
Art. 10.
Nomination aux emplois de premiers lieutenants. (Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
» Les seconds lieutenants parviendront, à leur tour d'ancienneté dans le régiment, dans la com- pagnie de mineurs ou d'ouvriers dont ils font partie, aux emplois de premier lieutenant. (Adopté.)
Art. 11.
Nomination aux emplois de capitaine.
(Particulier à l'artillerie.)
« Les premiers lieutenants, sans aucune exception, parviendront, en temps de paix, à leur tour d'ancienneté sur tout le corps, aux emplois de capitaine.
« A la guerre, les officiers rouleront jusqu'au grade de capitaine commandant inclusivement dans le régiment ou bataillon, dans la compagnie des mineurs ou d'ouvriers, à laquelle ils sont attachés. (Adopté.)
Art. 12.
Nomination aux places de quartiers-maîtres.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Les quartiers-maîtres seront choisis par les conseils d'administration, à la pluralité des suffrages. (Adopté.)
Art. 13.
(Idem.)
« Les quartiers-maîtres pris parmi les sous-officiers, auront le rang de seconds lieutenants ; ils conserveront leur rang, s'ils sont pris parmi les officiers. (Adopté.)
Art. 14.
(Idem.)
« Les quartiers-maîtres suivront leur avancement dans les différents grades, pour le grade seulement, ne pouvant jamais être titulaires, ni avoir de commandement, mais jouissant en gratification, et par supplément d'appointements, de ceux attribués aux différents grades où les portera leur ancienneté. (Adopté.)
Art. 15.
Nomination aux emplois de lieutenants-colonels.
(Idem.)
« On parviendra du grade de capitaine à celui de lieutenant-colonel, par ancienneté, et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué. »
La parole est à M. de Thi-boutot.
Messieurs, il n'est aucune arme dont le service n'ait ses avantages et ses désavantages; mais votre intention est, sans doute, de les proportionner les unes aux autres dans toutes celles qui composent l'état militaire.
Vous venez de décréter l'organisation de l'artillerie, et vous avez cru devoir, non seulement doubler exactement le grade subalterne de capitaine dans les régiments de cette arme, quoiqu'il n'ait été doublé dans aucun des régiments d'infanterie et de cavalerie; mais même réduire à 9 le nombre de ses officiers généraux, et à 108 celui de ses officiers supérieurs, quoiqu'elle parût etre fondée à réclamer 10 officiers généraux et 160 officiers supérieurs, pour être traitée, à ces deux égards, comme le corps du génie.
Si vous n'avez voulu l'assimiler avec aucune arme, avec aucun corps de l'armée, lorsqu'il a été question des avantages auxquels elle pouvait peut-être prétendre comme eux, pourriez-vous vouloir l'assimiler avec eux, lorsqu'il est question du plus grand désavantage que puisse éprouver son service?
On vous propose, Messieurs, d'autoriser les ministres du roi à y nommer à leur choix, et sans égard à l'ancienneté, une partie des emplois, soit d'officier supérieur, soit d'officier général ; et d'accorder aux soldata le quart de tous ceux d'officiers qui viendront à y vaquer, quand même ils n'auraient pas les connaissances nécessaires pour les bien remplir.
Permettez-moi de vous observer que le roi et ses ministres ont eu jusqu'ici, dans chaque arme, le pouvoir de nommer hors de rang à tous les grades d'officier supérieur et d'officier général, ceux qu'ils ont voulu, ou qu'ils ont cru devoir distinguer des autres. S'ils n'ont point usé de ce pouvoir dans l'artillerie, c'est qu'ils n'avaient pas à mettre, entre les talents qui y existent, la différence qu'ils avaient à mettre entre ceux qui existent dans les autres armes ; c'est qu'il leur était impossible de les récompenser dans l'infanterie et dans la cavalerie, sans y distinguer les officiers qui en étaient pourvus, parce que l'infanterie et la cavalerie n'exigent pas nécessairement ces talents, et qu'ils avaient au contraire à les récompenser dans tous les officiers d'artillerie, parce qu'on ne peut y être admis qu'après en avoir fait preuve.
On ne saurait en effet douter, Messieurs, que le premier emploi d'officier ne soit le prix du talent dans l'artillerie, puisqu'il se donne au concours, et qu'il n'est permis d'y prétendre qu'après avoir soutenu, en présence de tous les officiers d'un régiment de cette arme, l'examen sévère d'un des plus habiles mathématiciens de l'Académie sur les sciences exactes, d'où dérive essentiellement la théorie de son service.
Il est certain que ceux qui démontrent, à leur examen, le plus de talents pour ces sciences, obtiennent alors la préférence qui leur est due sur tous leurs camarades, ou sur tous leurs concurrents.
Il est certain qu'ils ne sauraient faire preuve de ce talent, sans faire preuve d'aptitude pour un travail encore plus sec, encore plus pénible que celui qu'exige l'étude de la théorie et de la pratique de l'art auquel ils se destinent.
Il est certain, enfin, qu'ils ne sont admis à l'exercer que pour passer dans une école où tous les officiers reçoivent la même instruction sur cette théorie et sur cette pratique, et qu'il faudrait qu'elle fût insuffisante, qu'elle fût consé-quemment moins bien entendue qu'elle ne doit l'être, pour qu'ils ne fussent pas tous eux-mêmes en état de bien remplir, dans l'occasion, les différentes parties de leur métier.
A quels signes reconnaîtrait-on donc, Messieurs, ceux qui devraient y obtenir une nouvelle préférence sur leurs camarades? Croyez-vous que des officiers qui ont eu nécessairement plus de peine à apprendre, et plus de dépenses à faire que ceux des autres armes, pour se mettre en état de rendre service à la patrie, soient moins attachés à leur fortune militaire, que les autres citoyens ne peuvent l'être à leur fortune civile ? Serait-il digne de votre justice de vouloir rendre arbitraires les distinctions désavantageuses que le plus grand nombre d'entre eux aurait à éprouver? Elles ne sauraient être justifiées que par l'intérêt
du service, c'est-à-dire que par la supériorité des connaissance qu'aurait acquises, sur la théorie et sur la pratique de l'artillerie, le petit nombre de ceux auxque's elles seraient destinées.
Mais i»l faudrait alors s'assurer de cette supériorité de connaissances par un nouvel examen, ou en exigeant de chaque officier des mémoires sur les différentes parties de son métier. Et que pourrait-on encore conclure de l'une et de l'autre de ces épreuves? Les idées les plus profondes qu'on a acquises sur un art quelconque, sur une science même qui ne fait pas partie des sciences exactes, ne sont-elles pas toujours celles qu'il est le plus difficile de bien développer ou de bien rendre, soit de vive voix, soit par écrit? Que deviendraient d'ailleurs les talents militaires dans les corps qui les cultivent, si on y destinait à celui de bien parler ou de bien écrire, les récompenses qui y ont été jusqu'ici réservées pour le talent de bien agir, ou de bien prendre son parti devant l'ennemi? Personne n'ignore que ce n'est pas le mérite de l'esprit naturel, mais celui de l'esprit acquis ; que ce ne sont point les avantages de l'esprit en superficie, mais ceux de l'esprit en profondeur qui ont distingué les Vauban, les Vallière et les Gribeauval, dans la carrière qu'ils ont eue à parcourir.
On se flatterait en vain de trouver, dans l'artillerie, des officiers qui fussent également propres à toutes les parties qu'embrasse le service de cette arme. On se flatterait donc en vain d'en trouver qui n'eussent pas à la fois quelque avantage et quelque désavantage à l'égard de leurs camarades; et on ne saurait apprécier ces avantages et ces désavantages, sans apprécier aussi l'utilité des différentes parties de leur métier, sans exposer conséquemment celles qu'on jugerait les moins utiles, à être moins bien remplies qu'elles ne doivent l'être.
Si les occasions peuvent seules faire connaître les talents, elles peuvent seules aussi les former et les développer. Les plus grands géomètres, les plus habiles chimistes et les meilleurs physiciens de l'Académie, les officiers même les plus éclairés sur tous les détails de la théorie de leur service, ne seront jamais en état de le remplir aussi bien à la guerre, que ceux qui y auront perfectionné l'instruction qu'ils auraient acquise dans leur cabinet.
Ce n'est donc pas seulement en se livrant au travail préparatoire, aux essais même de pratique qu'il exige; c'est en le faisant devant 1 ennemi, qu'on devient capable de le bien faire dans les circonstances critiques et intéressantes pour J'Etat. On ne saurait prévoir toutes les difficultés, pour apprendre à les bien connaître, et il faut au moins les bien connaître, pour être en état de les vaincre.
Voilà pourquoi, Messieurs, les officiers d'artillerie ont toujours cru jusqu'ici que les services qu'ils rendaient à la guerre étaient les seuls qui dussent être récompensés par des grades.
Voilà pourquoi le roi a toujours cru lui-même que ceux qu'ils rendaient pendant la paix ne devaient être payés que par des lettres de satisfaction, ou tout au plus, par quelque gratification pécuniaire.
Le despotisme qu'on reproche aux ministres a, dans tous les temps,
respecté ces principes, parce qu'il a, dans tous les temps, senti la
nécessité de conserver lés talents dans ce corps; et je ne crains
pas de vous dire que, dès qu'on se permettra d'y récompenser par des
grades, d'autres services que ceux rendus à la guerre, dès qu'on
On aurait donc tort de vous présenter, Messieurs, comme un moyen d'encourager les vrais talents dans l'artillerie, le mode d'avancement qui vous est proposé pour elle.
Le principe sur lequel il est fonde suffirait seul pour les décourager, et la maniéré dont il devrait en général être appliqué dans ce corps ne pourrait qu'en arrêter les progrès, et hnirpar les éteindre.
Croyez-vous, en effet, Messieurs, quun ministre, chargé de détails aussi compliques que ceux de cette arme, puisse jamais les suivre seul, et même avec les secours ordinaires qu il emploie pour remplir sa place? Il ne saurait absolument se dispenser d'emprunter des secours extraordinaires à l'artillerie elle-même; et s îln est pas aussi jaloux qu'il devrait l'être de là gloire de son ministère, vous sentez bien ae son unuisieie, yuup o^u».» nePri férera pas toujours les plus utiles au bien de la chose et les plus dignes de son estime, a ceux dont il ne saurait avoir l'air de dépendre, à ceux même qu'il pourrait intéresser, non seulement à adopter, mais encore à faire valoir cette maxime si chère jusqu'ici à nos ministres de la guerre, que tout ce qui vient du roi doit êtré réputé
S'il accorde sa confiance à quelque officier moins avancé qu'il ne peut l'être, cet officier, consulté sans doute sur l'avancement de ses camarades, n'en devient-il pas nécessairement le maître ? Perdra-t-il de vue le sien, lorsqu il aura à s'occuper de celui des autres? Et n'est-il pas à craindre qu'il ne sacrifie à l'avancement de ses protecteurs et de ses protégés, celui des officiers qui n'aurait pas le bonheur de lui plaire, ou qui, par son ancienneté, mettrait obstacle à son ambition.
Que deviendraient dont les vrais talents qu'cm se serait proposé d'encourager dans 1 artillerie, si l'art de faire valoir des talents supposes, sice: lui de faire sa cour aux ministres, ou à ceux qui ont gagné leur confiance, si l'intrigue enfin ou la bassesse, devaient assurer le sort d une partie des officiers qui seraient dans le cas de pretendre aux grades supérieurs?
On vous dira peut-être, Messieurs : 1° qu on arrive trop tard à la tête de ce corps et qu il convient de mettre désormais les officiers d un talent reconnu à portée d'en obtenir les premiers emplois, dans un âge qui. leur permette^ de les remplir avec toute l'activité possible; 2° que le génie est un corps à talents comme l'artillerie, et qu'il a reçu avec reconnaissance le mode devancement qu'on voudrait vous faire agreer pour elle.
Je vous observerai, à l'égard de la première objection, que les emplois les plus importants de l'artillerie ne sauraient être bien remplis aue par des officiers d'une expérience consommée; que le mérite de cette expérience n'exclut pas celui de l'activité; et que, quand les chefs d un corps destiné à être employé par petites parties, infiniment séparées les unes des autres, devraient touiours être très bien choisis, ils ne pourraient jamais rien, ou presque rien, sans le secours des talents de leurs subordonnes.
Je vous rappellerai qu'il faudrait nécessairement compter moins sur le mérite de ces talents lorsque les officiers auraient à les faire valoir auprès de leurs protecteurs autant que devant l'ennemi; et je vous prierai de remarquer que ce ne serait, en général, qu'aux dépens de leurs camarades qu'ils auraient à faire valoir auprès de leurs protecteurs; que la méfiance et la dm: sion prendraient, en conséquence, bientôt parmi eux la place de la confiance et de 1 union ; et aue'l'intérêt de la chose publique aurait tout à souffrir, s'il s'en trouvait qui; dans les occasions essentielles, crussent avoir quelque raison d en détacher leurs intérêts particuliers.
Je vous proposerai à l'égard de la seconde objection, les considérations suivantes :
Il est peut-être digne de la sagesse de 1 Assemblée de n'admettre aucun des changements importants qu'on voudrait lui faire agréer pour l'artillerie, qu'après s'être bien assuré que les avantages qu'ils promettraient, l'emporteront sur Ie3 inconvénients qui en seraient la suite. Elle ne peut s'en assurer qu'en les comparant les uns avec les autres; et, comme le genie s'est plaint lui-même de son peu d'activité, lorsqu il a ete question de dépouiller l'artillerie du service des mines, comme il n'est pas douteux qu il ne soit infiniment moins employé qu'elle devant 1 ennemi, les inconvénients attachés au nouvel ordre de choses qu'on vient d'établir pour 1 avancement de ce corps, ne sauraient être compares à ceux qui résulteraient de son établissement dans une arme destinée à assurer le succès de toutes les actions de guerre.
Ce serait peut-être aussi vouloir se tromper aue de vouloir croire que les officiers du genie aient vu, en géuéral, avec plaisir, introduire ce nouvel ordre de choses dans leur corps. 11 en est assurément plusieurs, et même de très éclairés, qui le regardent comme plus propre a y favoriser le talent de l'intrigue, qu'à y encourager les vrais talents militaires.
Il ne saurait être goûté, m dans ce cçrps, ni dans l'artillerie, que par ceux qui auraient eu ou qui pourraient avoir plus d'occasions de se faire connaître que leurs camarades ; et U y a lieu de croire, Messieurs, que ce ne serait pas d'après eux que vous voudriez en apprécier les avantages ou les inconvénients. Vous sentez au'ils devraient avoir autant de raisons d en de-sirer l'établissement, que tous leurs camarades en auraient de le craindre. Vous sentez qu ils ne pourraient être pris pour juges dans leur propre cause et vous savez que les corps à talents ne sont pas moins accessibles que les autres a I am: bition ; que les officiers même de ces corps, qui s'annoncent pour en être le plus exempts, sont presque toujours ceux qui en sont le plus suscepibles.
Pour moi, Messieurs, qu'on ne soupçonnera pas d'intérêt particulier dans l'examen du mode d'avancement qui vous est proposé pour celui de l'artillerie, je me crois d'autant plus fondé a vous représenter le3 inconvénients qui en résulteraient pour elle, que j'ai été déjà à portée d'en éprouver les funestes effets dans ce corps.
Elle l'avait adopté d'elle-même en 1765, pour
Pourriez-vous, d'après une expérience aussi décisive, ne pas le reconnaître vous-même, Messieurs, si vous observez surtout qu'il est impossible de se procurer, sans peine et sans efforts, les talents nécessaires à son service; qu'on ne peut se livrer à cette peine et à ces efforts, sans le secours de 1 amour-propre ; que l'amour-propre est, de toutes les passions de l'homme, la plus facile à blesser ; qu'il est au moins incertain que le choix du roi pût encourager le tiers des vrais talents de l'artillerie; qu'il est certain qu'il en découragerait nécessairement les deux tiers, et que la nation aurait donc au moins deux fois plus à perdre qu'elle n'aurait à gagner, à en autoriser, à en établir surtout l'usage dans ce corps.
Mais quelque funeste qu'il pût être à l'artillerie, Messieurs, il le serait encore bien moins que le droit qu on voudrait y donner aux soldats, d obtenir le quart de tous les emplois d'officiers qui y deviendraient vacants, sans avoir les connaissances nécessaires pour les bien remplir.
Lorsque le bonheur d'être né possesseur de grandes terres était compté pour .quelque chose, lin a jamais dispensé personne de la preuve à îournir de ces connaissances pour y être admis comme officier. Depuis que vous avez décrété 1 égalité de tous les citoyens, le malheur d'être né sans lortune pourrait-il donner le privilège de savoir, sans les avoir apprises, les choses les plus nécessaires à son service? Le nom seul que porte 1 artillerie annonce assez que ce service exige essentiellement la connaissance des arts et des sciences qui y ont rapport.
Voudrait-on se persuader que l'égalité à établir entre tous les citoyens qui composent l'Etat doit s établir de même entre tous ceux qui composent 1 armée, et qu'elle ne peut être établie si on soumet les officiers tirés de la classe des soldats à toutes les charges que le service de l'artillerie impose nécessairement aux officiers tirés des classes de la société les moins malaisées, lorsque ceux-ci ne seront pas assujettis comme eux à toutes les charges qu'il impose à l'état de soldat, lorsqu ils pourront même prétendre à être officiers, sans avoir fait les fonctions de soldat aussi longtemps qu'eux.
. Votre intention est vraisemblablement, Messieurs, que les officiers à fournir par la classe des soldats ne soient pris dans l'artillerie, comme dans les autres armes, que parmi les sous-officiers et vous avez déjà décrété que ce seraient ces sous-ofticiers qui désigneraient eux-mêmes dans les autres armes, ceux destinés à partager leur grade avec eux. Croyez-vous que les soldats doivent nommer médiatement tous les officiers de 1 armée? Croyez-vous que l'intérêt même de lîi lWJ?!?Ii,ique le permette dans un corps à talents? S'il le permet, Messieurs, il n'est point d'aspirant au grade d'officier dans l'artillerie, qui ne se soumette d'autant plus volontiers à cette charge, qu'il n'y existe aucun officier qui ne tienne à honneur d'être, dans son grade, le premier soldat de la troupe qu'il commande ; qu'il n en est même point qui ne regarde comme le plus beau titre d'un général d'armée, celui d'être le premier soldat de son armée.
Mais vous penserez sans doute qu'il ne saurait être question de l'intérêt des classes plus aisées ou plus malaisées de la société, quand il est question du plus grand de tous les intérêts, de celui de la défense de l'Etat, conséquemment de la société entière.
La Constitution qu'on vous propose pour assurer cette défense ne méritera votre confiance qu autant qu elle sera fondée sur la nature des choses qu elle ne peut changer, et à laquelle il est consequemment de toute nécessité qu'elle se conforme.
Il s'agit donc de savoir, Messieurs, si la nature du service quont à remplir les officiers d'artillerie, dans tout autre grade que celui de lieutenant, n exige pas des connaissances étendues dans les sciences qui y ont rapport, ou si elle les exige. Dans le cas où elle ne les exigerait pas, il paraîtrait juste de dispenser, de la charge de es acquérir, les citoyens de toutes les classes de la société qui y prétendraient à l'état d'officier. Dans le cas où on les exigerait, il paraîtrait absolument indispensable de les assujettir tous, et sans distinction, à remplir cette charge, lorsqu'ils approcheraient au moins du grade de capitaine en second.
Comme on ne saurait douter, Messieurs, qu'elle ne les exige; comme je crois avoir prouvé qu'on ne peut assurer le bien du service de l'artillerie, qu autant qu'on assurera le sort de ceux auxquels U sera confié, j'ai l'honneur de vous proposer de substituer aux articles du projet de décret de votre comité militaire, qui intéressent, soit l'avancement général de tous les officiers de cette arme, soit 1 avancement particulier des officiers que la classe des soldats doit lui fournir, les articles suivants :
« 1° Tous les emplois d'officiers d'artillerie auxquels on parviendra immédiatement, et sans passer par l'état de soldat, seront donnés à l'ancien-nete.
« 2° Le quart des emplois d'officiers oui v vaqueront dans les régiments appartiendra aux soldats de cette arme. Il seront admis sans examen a ceux de lieutenant en second, et même de lieutenant en premier; mais ils ne pourront prétendre à 1 emploi de capitaine, sans avoir fait preuve des connaissances mathématiques qu'on exige des autres officiers, pour être admis même à celui de lieutenant en second. »
Les Propositions de M. de Thiboutot ont déjà été plusieurs fois discutées lors des décrets sur le génie et ont été rejetees. Je pourrais m'en référer à ce seul point; cependant je vais réduire son opinion à deux points.
Et d'abord, il prétend que ne doDner qu'un tiers des places à
l'ancienneté, c'est détruire l'émulation; or je dis au contraire que
si l'avancement par tour d'ancienneté a été regardé dans tous les
corps comme le moyen d'y porter la stupeur, il serait
particulièrement nuisible à l'artillerie, s il y était exclusif; car
c'est dans une pro-lession qui exige une instruction continuelle,
que le talent doit toujours être stimulé. Je vous
En second lieu, à l'égard des inspecteurs généraux de l'artillerie, dont M. de Thiboutot demande la conservation, je crois et je suis persuadé que le ministre fera de bons choix et qu'il conservera les plus capables; mais les conserver tous en activité par une loi, c'e3t leur accorder une faveur que vous n'avez pas donnée aux autres officiers généraux de l'armée. Cependant tous ces officiers généraux, qui peuvent être fâchés de n'être pas employés, ne se croient pas dégradés. D un moment à l'autre ils peuvent reprendre leur activité.
Sous ces deux rapports, auxquels se réduit l'opinion de M. de Thiboutot, vous ne pouvez admettre aucune des propositions qu'il vous a faites, à moins de détruire l'uniformité si précieuse que vous avez voulu établir dans la ligne et à moins de vous mettre en contradiction formelle avec le décret relatif au corps du génie.
Je demande la question préalable sur les propositions de M. de Thiboutot, et qu'on procède à l'examen des articles du projet de décret.
Quand on a la raison et l'expérience pour soi, certainement on ne peut rien alléguer contre ce que j'ai dit.
Je crois aussi que M. de Thiboutot, dont je respecte infiniment les lumières, se laisse égarer par son attachement envers le corps de l'artillerie, dont il est membre. Je vois, dans les motifs mêmes qu'il vous a donnés, une raison pour rejeter sa proposition.
Il vous a dit que l'artillerie est un corps à talents, qu'il faut y entretenir l'émulation; or, je demande si l'émulation subsistera lorsqu'il suffira d'avoir une bonne santé pour parvenir à tous les grades? Il faut que l'on puisse récompenser ceux qui se sont distingués par leur mérite: je ne vois pas d'autre moyen d'encouragement. Nous ne destinons à ces encouragements qu'un tiers des places; les autres seront données à l'ancienneté. On peut s'en rapporter à la sagesse du roi, au patriotisme du ministre ; il faudra qu'on ne consulte dans les Choix que l'utilité du service. Vous avez mis dans le génie, un tiers des places au choix du roi; pourquoi n'adopteriez-vous pas la même disposition pour l'artillerie?
Je demande la question préalable sur les deux propositions de M. de Thiboutot.
Je demande la division de la question préalable. Je crois que l'Assemblée est absolument décidée, quant au mode d'avancement, quoique cela soit très éloigné de mon opinion. En ce qui concerne l'article des inspecteurs généraux, je demande la division; ces places étant inamovibles et étant non seulement des grades, mais des charges, leur ôter leur activité, ce serait véritablement les dégrader.
rapporteur. Je m'oppose à la division de la question préalable. L'opinion de M. de Menonville n'est pas fondée sur des raisons solides, les motifs qu'il a allégués sont inexacts.
M. de Menonville veut écarter la question préalable de l'opinion de M. de Thiboutot relative aux inspecteurs généraux, en disant que ces officiers sont inamovibles, et que leurs places sont des charges ; mais les places de directeurs dans le génie étaient aussi inamovibles, et cependant vous ne les avez pas regardées comme des propriétés des directeurs du génie; mais les places de colonels généraux de la cavalerie, de l'infanterie et des dragons étaient des charges, et cependant vous les avez supprimées.
Vous avez fait alors ce que vous ferez encore en ce moment; vous n'avez consulté que l'intérêt général; vous avez voulu que les officiers les plus capables fussent choisis, et c'est pour que cela puisse être dans l'artillerie que nous vous proposons que le choix des inspecteurs soit fait parmi tous les officiers généraux de l'artillerie.
Je demande donc que la question préalable porte sur les deux propositions de M. de Thiboutot, et je prie M. le Président de la mettre aux voix.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les propositions de M. de Thiboutot et adopte l'article 15 du projet du comité.)
rapporteur, con* tinue la lecture des articles du projet de décret.
Art. 16.
(Idem.)
« L'avancement au grade de lieutement colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur tout le corps; à la guerre, le tour d'ancienneté sera sur le régiment ou bataillon, et sur les compagnies de mineurs et d'ouvriers employés. (Adopté.)
Art. 17.
(Décrété pour les autres troupes lie la ligne.)
« Sur trois places de lieutenant-colonel vacantes, deux seront données aux plus anciens capitaines, et la troisième, par le choix du roi, à un capitaine en activité dans ce grade depuis 2 ans au moins. (Adopté.)
Art. 18.
Nomination aux emplois de colonels.
(Idem.)
« On parviendra du grade de lieutenant-co-lonel à celui de colonel par ancienneté, et par le choix du roi, ainsi qu'il va être expliqué. (Adopté.)
Art. 19.
(Idem.)
« L'avancement au grade de colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi, sera, pendant la paix, sur tout le corps; à la guerre le tour d'ancienneté sera sur le régiment et sur les officiers employés au parc. (Adopté.)
Art. 20.
(Idem.)
« Sur 3 places de colonel vacantes, 2 seront données aux plus anciens
lieutenants-colonels, et la troisième, par le choix du roi, sera
donnée
Art. 2i;
Nomination aux places de commandant d'artillerie.
(Particulier à Vartillerie.)
« Les colonels parviendront aux places de commandant d'artillerie par ancienneté. (Adopté.)
Art. 22.
Nombre d'officiers généraux attachés au corps de l'artillerie.
(Idem.)
« Le corps de l'artillerie roulera sur lui-même pour les grades d'officiers généraux: en conséquence, il y sera attaché, sous le titre d'inspecteurs généraux, 4 lieutenants généraux et 5 maréchaux de camp', faisant nombre parmi les officiers de ces 2 grades, conservés en activité dans l'armée. (Adopté.)
Art. 23.
Nomination au grade de maréchal de camp.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« On parviendra du grade de colonel à celui de maréchal de camp, par ancienneté et par le choix du roi.
« Sur 2 places de maréchal de camp vacantes, une sera donnée au plus ancien colonel, et l'autre, par le choix du roi, sera donnée à un colonel en activité dans ce grade depuis 2 ans, au moins. (Adopté.)
Art. 24.
(Idem.)
« Si un colonel, que son tour d'ancienneté porterait à la place d'inspecteur général, préférait se retirer avec le grade de maréchal de camp, à être employé comme inspecteur général, il en aurait la liberté et recevrait la retraite fixée pour les colonels, sans avoir égard au grade de maréchal de camp. (Adopté.)
Art. 25.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Le colonel qui préférerait «e retirer avec le grade de maréchal de camp sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui le suivrait, et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante. (Adopté.)
Art. 26.
Nomination au grade de lieutenant général.
(Idem.)
« On parviendra du grade de maréchal de camp à celui de lieutenant général par ancienneté et par le choix du roi.
« Sur deux places de lieutenant général va- cantes. une sera donnée au plus ancien maréchal de camp, l'autre à un maréchal de camp en activité dans ce grade depuis deux ans au moins. (Adopté.)
Art. 27.
(Décrété pour les autres troupes de la ligne.)
« Si un maréchal de camp que son tour d'ancienneté porterait au grade de lieutenant général préférait se retirer avec ce grade à y être employé en activité, il en aurait la liberté "et recevrait la retraite fixée pour les maréchaux de camp, sans égard à son grade de lieutenant gé-néral. (Adopté.)
Art. 28.
(Idem.)
« Le maréchal de camp qui préférerait se retirer avec le grade de lieutenant général sans y être employé, ne pourrait néanmoins faire perdre le tour d'ancienneté à celui qui le suivrait et qui, dans ce cas, serait nommé à la place vacante. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 29 qui est ainsi conçu :
« Les trois années d'études préliminaires à l'admission dans le corps de l'artillerie, compteront aux officiers de ce corps, pour obtenir la décoration militaire et la pension de retraite. »
Un membre propose de remplacer cet article par la disposition suivante.
Art. 29.
« Dorénavant il n'y aura, pour les élèves des corps de l'artillerie et du génie, qu'un même cours d'instruction, un même examen, et les mêmes examinateurs. Les élèves qui seront admis choisiront, suivant leur rang de promotion, celui des deux corps dans lequel ils voudront servir. En conséquence, les trois années d'études préliminaires à l'admission dans le corps de l'artillerie,compteront aux élèves de ce corps pour obtenir la décoration militaire et la pension de retraite. » (Adopté.)
Art. 1er.
« Les lieutenants en troisième, réformés par le décret d'organisation de l'artillerie, rempliront les places de second lieutenant vacantes par la nouvelle organisation.
« Ceux de ces officiers qui excéderont le nombre de places à remplir, seront employés comme lieutenants surnuméraires jusqu'à leur remplacement, et ils jouiront, dès ce moment, des appointements de lieutenant en second.(Adopté.)
Art. 2.
« Ceux des lieutenants en troisième qui n'auront pas été remplacés, le seront aux emplois de lieutenant qui viendront à vaquer, alternativement avec les élèves, les lieutenants en troisième ayant le premier tour. (Adopté.)
Art. 3.
« Lorsqu'un lieutenant en troisième sera pro-
Art. 4.
« Les lieutenants en troisième qui peuvent ou pourront par la suite justifier par l'examen d'usage qulls possèdent les connaissances théoriques exigées pour l'admission de l'artillerie, prendront rang, même parmi les premiers lieutenants, suivant la date de leur premier brevet d'officier. (Adopté.)
Art. 5.
« Ceux qui sont ou seront dans le cas du précédent article obtiendront des lettres d'examen pour jouir de cet avantage, dès le moment de la présente organisation, ou aux époques des examens régies pour les élèves de l'artillerie. (Adopté.)
Art. 6.
« Les officiers de tous grades du corps de l'artillerie ayant plus de 20 ans de service, qui à l'instant de la nouvelle organisation voudront ne pas continuer leur service, seront libres de se retirer, et obtiendront pour ce moment seulement les deux tiers de leurs appointements pour retraite, à moins que leurs services, d'après les règles fixées par le décret du 3 août dernier, ne leur donnent droit à un traitement plus considérable: Ceux de ces officiers ayant au moins 15 ans de service, et au-dessous de 24, qui voudront également ne pas continuer leur service, conserveront néanmoins leur activité pour la décoration militaire. (Adopté.)
Art. 7.
« Le premier choix des neuf inspecteurs généraux de l'artillerie sera fait par le roi parmi tous les officiers généraux de ce corps.
Ceux desdits officiers généraux qui ne seront pas choisis pour remplir les places d'inspecteurs généraux recevront des pensions suivant le décret du 3 août dernier; néanmoins ils seront susceptibles de rentrer en activité, comme inspecteurs généraux, dans le nombre de ces places laissé au choix du roi. » (Adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation de la marine (1).
rapporteur. Messieurs, les articles que vous avez décrétés hier n'ont encore rien préjugé sur l'adoption du projet de décret qui vous est présenté par le comité. La question est encore entière, et les opinions restent flottantes entre le projet qui vous est présenté par votre comité et ceux qui vous ont été successivement offerts par MM. Gualbert, de La Galisson-nière, de La Goudray, de Vaudreuil, Malouet et de Champagny ; car je ne fais de différence entre leurs opinions que par la manière dont elles vous ont été présentées.
MM. Malouet et de Champagny ont souvent obtenu vos applaudissements :
et, quoique je sois entièrement opposé au résultat de leur système,
c'est avec les raisons qu'ils ont alléguées que je me confirme dans
l'opinion où je suis, que vous
Je vous avais annoncé que le projet de séparer les deux marines vous serait présenté sous toutes les formes possibles. J'avais prévu que l'on chercherait à jeter l'Assemblée dans l'incertitude par la multiplicité des plans ; mais je conserve l'espoir que vous ne vous laisserez pas abuser par tous ces détours proposés pour vous faire prononcer une séparation si désirée et si contraire aux lois constitutionnelles de l'Etat.
Dans une question aussi étrangère à la plupart des membres de cette Assemblée, je conçois que ce n'est que par des discussions contradictoires qu'ils peuvent être éclairés. Chaque opinion doit trouver des approbateurs et des opposants. C'est de ce chaos que la vérité doit luire à vos yeux, la voici tout entière. Le moment est décisif, vous allez prononcer sur le sort de plus de 100,000 citoyens. 5 ou 600 d'entre eux réclament un décret que le reste réprouve. Examinons les raisons respectives, et si le bien de l'Etat exige une décision contraire à la majorité des voeux, prononcez-la sans balancer. Nous traitons des intérêts de la patrie et non de ceux de quelques individus.
L'opinion de M. de Champagny vous a expliqué, d'une manière franche, un vœu qui paraît être celui du corps de la marine. Il désire que le nombre des aspirants soit fixé ; il admet au concours avec eux tous les capitaines de navire, et il fixe le premier grade entretenu de la marine à celui d'enseigne.
Il ne faut pas se dissimuler que, le mode d'admission décrété, l'organisation est faite ; car c'est cette admission au service de la marine qui va consacrer irrévocablement l'égalité politique de ceux qui se dévouent au service de la mer, ou rétablir cette barrière dont je ne croyais plus voir rassembler les débris dans cette Assemblée. Il est évident que la majeure partie des officiers sera choisie dans le corps des aspirants, objet de la prédilection du corps de la marine. Qu il me soit permis de faire une question très simple à M. de Champagny, zélé défenseur de ce système.
M. de Champagny a répété qu'il ne regardait pas les aspirants comme faisant partie de la marine, qu'ils n'étaient que des objets d'espérance pour la patrie. Cependant il les admet au concours pour le grade d'enseigne, avec tous les capitaines de navire. Il est aisé d'apercevoir que cette faveur qu'il veut bien leur accorder n?est que par respect pour Je principe. Je lui représenterai qu'ordinairement un concours n'a d'objet que de choisir entre des citoyens de même classe les plus instruits, pour parvenir au grade qui en est l'objet.
Je dois donc en conclure qu'il met entièrement sur la même ligne les aspirants qu'il a déclarés ne pas faire encore nombre dans le corps de la marine, et les capitaines de navire, qui déjà ont prouvé leurs talents, et ont reçu des marques d'estime et de confiance de leurs concitoyens en commandant leurs vaisseaux. Je crois de mon devoir de vous répéter que si vous fixez le nombre des aspirants, que ce sera sans cesse parmi eux que tous les choix seront faits, et vous établirez sur l'Océan une classe de privilégiés qui, ne pouvant plus exister parmi nous, auront trouvé le secret d'avoir un asile au séjour de la tempête. Je ne puis croire que vous prononciez un tel décret.
On vous présente, Messieurs, sans cesse la
Je pourrais, ainsi que M. Malouet, me servir de l'élégante comparaison qu'il a employée, mais dans un sens différent. Je comparerai, comme lui, la marine commerçante à cette mine abondante que vous pouvez exploiter. Elle vous offre pour composer le corps de la marine, sans frais d'exploitation, ses métaux épurés, et vous voulez préférer au lieu de l'argent pur qui nous est offert, une mine brute dont vous ne connaissez pas la valeur et qui trompera peut-être votre espérance. (Applaudissements.)
En admettant le concours au grade d'enseigne, vous allez juger vous-mêmes, et ce décret rendu, la séparation de la marine militaire et de la marine marchande est irrévocablement prononcée. Pouvez-vous prévoir les suites d'un pareil décret? Il est évidemment contradictoire à la conscription militaire que vous avez établie. Quoique vous ayez applaudi à la métamorphose que M. Malouet a faite des capitaines de vaisseaux, tantôt en guerriers redoutables, tantôt en juges de paix de leurs vaisseaux, je lui répondrai que ce n'est pas avec un rameau d'olivier qu'on couronne les guerriers triomphants, et je ne cesserai de combattre l'injustice qu'on veut leur faire éprouver.
Ceux qui soutiennent une telle opinion, peuvent-ils oser dire de bonne foi que la marine cessera d'être instruite, en admettant le concours à une époque où l'instruction et la pratique auront mûri et démontré les connaissances théoriques que nos marins auront acquises? Non, je ne puis le croire. En accordant au contraire le grade d'enseigne à tous les navigateurs qui, après avoir subi des examens, ont quatre années de navigation, croyez-vous manquer de sujets pour le remplacement de trente ou quarante lieutenants de vaisseau qu'il faudra chaque année? Croyez-vous que tous auront la prétention de concourir, et dans le nombre des marins, n'en existera-t-il pas en grand nombre qui préféreront le service paisible du commerce aux hasards de la guerre?N'êtes-vous pas également assurés que tous ceux qui se présenteront au concours seront instruits? et peut-être ne serez-vous embarrassés que sur le choix? (Applaudissements.)
Ce n'est plus le moment des faveurs et des prédilections, on ne croit plus qu'au véritable talent et, lorsque la carrière des hommes sera également ouverte à tous les citoyen?, que ne doit-on pas attendre de leur émulation? (Applaudissements.) Si de nombreux armements exigent le secours de quelques officiers de commerce, ils se jetteront avec transport dans nos arsenaux pour partager les dangers de leurs camarades ; mais s'ils y sont appelés, même par un décret du Corps législatif, ainsi qu'on nous l'a proposé et qu'ils y soient traités comme dans la dernière guerre, je doute que des hommes libres supportent une telle humiliation.
Votre comité, Messieurs, a discuté pendant plus de deux mois tous ces points intéressants. Nous vous présentons la vérité telle que nous l'avons aperçue, et malgré l'ironie et le sarcasme latin qu'il a plu à un des préopinants de nous appliquer, si nous n'avons pas ses talents et ses connaissances, au moins nous ne jugeons pas aussi sévèrement que lui la marine commerçante, et nous sommes sans inquiétude sur le génie commercial que les officiers de la marine marchande apporteront au service.
Ils sauront qu'ils doivent, au moment de leur admission dans le corps, abandonner toute spéculation de commerce, et ils seront fidèles observateurs du décret qui en prescrira l'obligation (Murmures à droite.)» Je pourrais, ainsi que M. de La Coudray, citer aussi des passages latins et je lui dirais : Et ego Arcadiam vidi. C'est parce que j'ai été le témoin des humiliations sans nombre dont on accablait cette classe estimable de citoyens que j'ai cru qu'il était de mon devoir de les défendre et de les aider à vaincre les obstacles qu'on leur oppose. (Applaudissements à gauche, murmures à droite.)
Si vous prononcez, Messieurs, cette démarcation entre la marine militaire et la marine marchande, je plaindrai mes concitoyens de ne pas s'élever à la hauteur de la Révolution, et de se contenter d'un état subordonné lorsque nos décrets ont prononcé l'égalité politique entre tous les hommes. Je conclus au rejet de tous les plans qui ont été proposés et à l'admission des articles présentés dans le plan du comité. (Applaudissements.)
Je me présente pour défendre le projet de décret proposé hier par M. de Champagny. On a prétendu qu'il tendait à établir une ligne de démarcation qui existait dans l'ancien système entre la marine marchande et la marine militaire : et ce n'est qu'en forçant ou en déguisant ses expressions qu'on peut trouver dans son projet de décret une pareille démarcation.
M. de Champagny n'établit, à bien dire, qu'une classe d'aspirants pour tous les navigateurs qui n'ont point encore obtenu un grade militaire; mais, comme il craint qu'il ne se présente pas un assez grand nombre d'officiers pour suffire au service, il propose d'avoir un certain nombre d'aspirants destinés à ce service militaire.
J'observe que le comité ne nie point cette objection-là, puisqu'à l'instant M. de Sillery vient de dire, en parlant des capitaines qui se présenteront aux concours, que le nombre en serait peut-être fort petit. S'il est fort petit, il peut être inférieur aux besoins que l'on aura en temps de guerre. En conséquence, je crois que nécessairement le bien public, l'utilité du service exigent que l'on s'assure d'une pépinière de sujets. Je pense donc qu'il faut adopter l'article de M. de Champagny.
Vient ensuite, Messieurs, l'article des enseignes. M. de Champagny ne
diffère du comité que dans ceci : Le comité veut que le titre
d'enseigne soit donné indistinctemeut à tous les navigateurs qui
auront obtenu le commandement d'un navire. M. de Cbampagny, au
contraire, veut qu'ils viennent au concours, et qu'il n'y ait à
porter le titre d'enseigne que ceux qui l'auront obtenu en en
remplissant les fonctions. Sur
J'avoue que je suis étonné de voir le comité dispenser ces capitaines de navire du concours pour les places d'enseigne de la marine militaire. Je ne sais comment ils peuvent être enseignes de l'armée navale lorsqu'ils n'auront jamais fait que le service des vaisseaux marchands et n'auront pas même monté à bord d'un vaisseau de guerre. Pourquoi donner des grades sans fonctions? On n'a pas assez insisté sur une raison péremptoire. Il n'est personne de nous qui n'ait vu toutes les gardes nationales du royaume, et particulièrement celle que nous avons sous nos yeux, faire un service infiniment pénible et assidu ; cependant personne n'a encore dit que le service de garde nationale fut un titre pour prétendre aux grades de l'armée de ligne. La garde nationale aurait peut-être plus de motif à élever des prétentions, que n'en a la marine commerçante, qui fait un service lucratif.
On vous a toujours demandé : Faut-il une marine militaire? Mais moi, je puis demander aussi : Faut-il une marine commerçante? Car il est impossible, non pas d'effacer des lignes de démarcation odieuses qui existaient entre les différentes classes de citoyens, mais de détruire par un décret, une ligne de démarcation qu a faite la nature même des choses, c'est-à-dire vous ne pouvez pas faire que celui qui sa-donneà l'art du commerce soit guerrier, et celui qui s'adonne à la guerre soit commerçant. )
Il faut donc, pour le moins, que les officiers de la marine marchande ne soient admis aux grades de l'autre qu'en se présentant au concours et qu'un capitaine de navire ne puisse pas franchir le concours pour passer sur-le-champ au grade d'enseigne dans l'armée navale.
Je crois que les articles de M. de Champagny sont fondés sur la plus exacte raison, la plus exacte vérité. L'article des aspirants ne découle d'aucun principe contraire à la Constitution; ainsi, je demande que les articles de M. de Champagny aient la priorité sur le projet du comité.
Un membre : L'ancien régime ministériel avait établi, dans plusieurs villes du royaume, différentes écoles de marine où des professeurs, payés par le Trésor public, enseignent les mathématiques, l'hydrographie, le dessin, le pilotage, enfin tout ce qui est nécessaire d'apprendre quand on se destine au grand art de la navigation et au terrible métier des combats de mer. Il n'est personne, sans doute, qui conteste l'utilité de pareils établissements. Aussi n'est-ce pas cet établissement en lui-même que je critique, mais seulement les abus. Un des plus criants dans l'ancien ordre de choses, c'était de ny admettre que des sujets privilégiés; mais une Assemblée qui a conservé les droits imprescriptibles de l'homme et des citoyens, qui a do mé une patrie à tous les Français, doit les appeler tous également à la servir, selon la mesure de leurs talents. Et combien cette loi d'égalité devient précieuse aujourd'hui et est propre à former de grands marius;
On nous a souvent parlé des corps a talents; le corps de la marine est certainement un corps à talents. Il n'est point de service à la fois qui exige plus de théorie soutenue d'une longue pratique et de plus vastes connaissances. Il est donc nécessaire d'ouvrir cette brillante et laborieuse carrière au plus grand nombre possible de concurrents. Il faut, pour être conséquent à tous ces principes, que l'Assemblée nationale ordonne que, dans les différentes écoles de marine aujour d'hui établies, des professeurs salariés et dont le nombre sera augmenté, s'il est nécessaire, donneront des leçons publiques à tous les citoyens qui se présenteront pour être admis dans la marine. M. de Sillery, dans une opinion bien rai-sonnée et dont vous avez ordonné l'impression, a démontré non seulement la justice, mais encore la nécessité de cette loi. Je suis absolument de son avis à cet égard.
Il nous reste à examiner, Messieurs, la grande question de savoir s'il est nécessaire d'entretenir une marine militaire; je me bornerai à vous faire remarquer que c'est ici qu'on peut invoquer l'exemple d'une nation voisine et rivale. On nous a souvent parlé ici des Anglais, de leurs lois, de leurs moeurs, de leurs usages. Or, il me semble que l'on peut en parler encore, quand il s'agit de marine.
Les Anglais ont une marine militaire ; ils en ont donc senti la nécessité. Les nations savantes dans l'art de l'économie et de la politique, et dans l'art sublime des gouvernements, ont compris qu'une marine, uniquement destinée au commerce, ne pouvait remplir leurs vastes vues; elles ont compris que pour la conservation de leur marine marchande elles avaient besoin d'un corps d'officiers militaires constamment entretenus par l'Etat; et toujours prêts à combattre les puissances ennemies, au premier signal qui leur en est donné. Mais ce peuule, fier de son ancienne liberté, a compris en même temps que, dans un art si vaste, il fallait ouvrir la carrière au plus grand nombre possible de concurrents; que rien n'était plus capable d'étouffer l'émulation si nécessaire dans cetéiat, que de concentrer les emplois honorables du service de mer parmi les citoyens d'une classe privilégiée. Les talents, les grandes vertus guerrières, voilà les titres que l'on exige en Angleterre de ceux qui aspirent à servir la patrie; voilà les degrés par lesquels on parvient aux premiers honneurs militaires; et si l'Angleterre a donné cet exemple aux autres nations, celui-là est sans contredit un des meilleurs. Je crois que c'est celui que nous devons le plus imiter.
Plusieurs personnes ont observé que la marine militaire ne rendait pas assez justice à la marine marchande, et que ses prétentions sont trop exagérées; qu'elle est trop enorgueillie de son anr cienne organisation, qui tant de fois l'a rendue indépendante, même de l'autorité royale, dans un temps où tou* les autres citoyens respectaient jusqu'à ses caprices. Car, Messieurs, on a beaucoup parlé du despotisme ministériel, et cependant il est bon que vous sachiez que même les mieux intentionnés n'ont jamais pu mettre à la raison ce qu'on appelait alors le grand corps de la marine; le fameux conseil de guerre de Lorient en est une preuve convaincante.
Le comité de marine a évité les deux extrêmes : il a pris le juste
milieu, ce sage tempérament si convenable aux constitutions
politiques. Convaincu de cette grande vérité que l'Assemblée
nationale doit une protection égale à tous les citoyens, et que l'un
des principaux devoirs de la patrie envers ses enfants est : 1° de
leur procurer l'instruction nécessaire pour les mettre en état de la
servir un jour utilement ; 2° de leur offrir, dans le genre de
service auquel ils se sont fixés, tous les avantages, tous les
encouragements
Il a confondu les deux marines là où elles peuvent être réunies avec activité en leur donnant une commune origine. Il les a distinguées là où des fonctions plus importantes exigent une plus grande réunion de talents et une expérience des opérations militaires, qui ne peuvent être le partage de tous. Enfin punir, sans exception de personnes, ceux qui manqueraient à leur devoir, récompenser le mérite partout oùii serencontre, certes, voilà la base d'un bon gouvernement.
J'adopte dans son entier le plan d'organisation de la marine militaire proposé par le comité.
Je suis persuadé, et la plus grande partie de l'Assemblée 1 éprouve comme moi, que la prolonation de cette discussion n'offre plus d'idées nouvelles et ne peut faire aucun progrès pour la détermination que l'Assemblée doit prendre. Il me paraît qu'il y a deux points principaux qui forment seuls la difficulté qui subsiste entre les différentes opinions ouvertes.
Une de ces difficultés est celle-ci : Le nombre des aspirants sera-t-il limité ou illimité? La seconde est celle-ci : le brevet d'enseigne sera-t-il accordé à tous les capitaines mariniers non entretenus ? Je crois, lorsque ces deux points auront été éclaircis, qu'il sera infiniment facile de se déterminer sur les détails. Il est indifférent de savoir à quel système on accordera la priorité.
En conséquence, je fais la motion que les deux questions soient ainsi posées et présentées à la discussion de l'Assemblée.
Il ne peut y avoir et depuis hier il ne devrait pas y avoir d'autres questions. Je me réduis donc très volontiers aux deux questions simples qui vous sont présentées.
(L'Assemblée adopte l'ordre de délibération proposé par M. de Saint-Méry.)
M. Malouet. Je bornerai mon opinion à la proposition qui vient d'être énoncée, telle que je l'ai énoncée moi-même hier, et je serai court.
Si l'on ne s'attache qu'aux principes généraux dont on fait une application si arbitraire, la question ne sera jamais éclaircie; car, en adoptant tous les principes généraux proposés par le comité, je n adopte aucun de ses résultats. Une des grandes difficultés provient de ce qu'on transporte les vices de l'ancien régime, que nous laissons tous au nouvel ordre de choses. S'il était question de soumettre encore l'admission aux grades de la marine à des privilèges, ce serait une idée insoutenable aujourd'hui. La Constitution a trop nettement, trop sagement prononcé sur cette question pour que l'Assemblee puisse se prêter sur ce point à aucune déviation.
Si le dissentiment de l'Assemblée ne porte que sur ce seul point, que tous les navigateurs puissent, à certaines conditions de navigation et d'instruction, être considérés comme aspirants, et se présenter au concours pour le premier grade d officier, je suis de cet avis. Je n'en suis pas moins convaincu qu'il est nécessaire d'avoir une classe particulière d'élèves aspirants qui seront reçus dans des écoles militaires, par la raison que vous avez tous reconnus la nécessité d'entretenir un corps militaire dans tous les grades, non seulement d'officier, mais d'officier marinier, de ca-nounier, etc.
On a voulu considérer comme armée navale le corps des gens de mer qui se vouent au commerce ; ils en sont une partie essentielle ; mais ce que j'ai appelé avec justesse le camp de l'armée, c'est le noyau de l'armée qui est composée non seulement d'officiers de tous les grades mais d'officiers mariniers, de matelots entretenus, de soldats de mer ; il y a dix mille soldats de mer entretenus. C'est là le noyau de l'armée navale.
Que vous admettiez ensuite au concours, pour le grade d'officier, tous les navigateurs qui s'en trouveront capables, et qui voudront se présenter ; c'est ce qui n'était pas dans le régime des privilèges, et c'est ce qu'il est raisonnable d'établir aujourd'hui. Mais n'excluez point le principe que nous vous présentons comme un bon système militaire naval. Ayez des jeunes gens qui seront élèves, aspirants, qui seront admis au concours, qui n'auront pas plus de privilèges que les capitaines de navire qui viendront leur disputer un grade d'officier au concours. Vous avez des écoles d'instruction, dont je demande la conservation dans les grands ports.
On vous a dit à cela, c'est rétablir l'ancien régime de la marine. Mais il n'y a rien de plus opposé. Les grades de la marine reçus sur les certificats de mer et sur un examen, aucun navigateur ne pouvait entrer en concurrence avec eux pour avancer dans l'armée navale. Il n'est plus question de tout cela. On vous propose d'admettre tous les navigateurs qui n'auraient pas voulu se présenter comme élèves, mais qui viendront au concours pour disputer les grades.
On s'est attaché à combattre cette idée-là par l'ancien avilissement des officiers auxiliaires. On vous a dit : « Les officiers de commerce seront donc soumis aux humiliations qu'on leur faisait éprouver autrefois. Je sais que c'était une véritable corvée pour les officiers de la marine marchande que d'être admis à servir ainsi ; mais il ne s'agit plus de cela. Les navigateurs qui entreront maintenant, par le concours, dans le corps de la marine, n'y seront plus regardés comme intrus.
Il s'agit de savoir si vous voulez qu'il y ait toujours un corps d'armée navale entretenu et recruté d'après des vues purement militaires. Il s'agit de savoir si vous voulez concilier ces vues très raisonnables. (Murmures.) Je demande, comme le dernier opinant, le système naval de l'Angleterre, de la Hollande. Chez tous ces peuples vous trouverez des écoles navales et des marines instruites ; vous trouverez ensuite ce que nous vous proposons chez les Anglais, chez les Hollandais, chez les Suédois ; c'est que tous les marins commerçants qui se distinguent, et qui veulent entrer dans la marine militaire, y sont admis.
Voilà comment vous pouvez concilier l'égalité des droits politiques, les principes de la Constitution, avec les conditions raisonnables d'un système militaire; mais si vous ne limitez pas Je nombre des élèves aspirants, il en résultera des inconvénients effroyables : c'est que d'une part vous aurez une très grande quantité d'élèves; qu'il sera conséquemment impossible de veiller à leur instruction : de l'autre, c'est encore une vue politique, que celle de ne pas multiplier inutilement l'accès aux grades dans tous les états.
Il me semble qu'autant qu'il est utile que le peuple ait connaissance
de ses droits et de ses devoirs, autant il est important qu'il
connaisse la nécessité d'arriver à un grade, pour être considéré. Je
ne pense pas qu'il a fallu multiplier les arguments; car enfin, si
toute la nation voulait
Il est juste et sage que ceux qui débuteront comme mousses puissent devenir amiraux; mais il est impossible de donner à tous, indistinctement, la facilité et les prétentions d'aspirants et d'étéves. Outre que vous auriez une multitude d'aspirants, vous ne pourriez pas les employer.
Je propose done de décréter:
«Que le nombre des éléves aspirants soit limité à trois cents;
«Qu'il y ait des écoles militaires navales dans les grands ports;
«Que tous les capitaines de navire et les navigateurs qui auront cinq ans de navigation, et qui auront commandé ou servi comme seconds sur les navires de commerce, au long cours, soient admis en concurrence, avec les éléves aspirants pour le grade d'enseigne de vaisseau.
Que vous propose le préopinant? Il demande que vous limitiez le nombre des hommes qui pourront se présenter au concours sous le nom d'aspirants et sous le nom de capitaines de navrire marchand. Je demande quel serait le résultat de cette destination. Je crois que les uns et les autres ne doivent avoir qu'une seule dénomination; que le concours seul doit décider entre eux; qu'il faut des preuves de capacité et d'expérience pour y être admis.
Les trois cents luumuus, qui aciaicut aumio au rang d'aspirants sur leurs simples etudes, de- viendraient ceux qui, dans Tancien regime, for- maient la classe des elfcves de la marine. Us se croiraientinftniment superieurs&ceuxquin'ayant pas subi Fexamen de navigation d'aspirant, au- raient commenc6 par naviguer dans la marine du commerce, et se presenteraient au concours sons le nom d'officiers du commerce.
II est absolument contraire a vos prmcipes ei a l'interet public de vouloir faire une classe par- ticulifcre d'aspirants. J'aimerais autant qu'on nous dit qu'il faut eloigner les citoyens du concours que de dire qu'il ne faut pas elever les pre- tentions du peuple en lui donnant trop de facilite a etre utile. Je ne congois pas comment le preo- piuant, etant aussi eclair6 qa'il Test, a pu faire une pareille proposition. (Murmures a droite.)
Vous ne m'avez pas entendu. Je vous ai presente des vues simples, et vous en faites une idee impopulaire et malhonnete. J'ai parle d'aprfcs uneautorite que vous ne recuserez pas, c'est celle de Jean-Jacques Rousseau; et ce que me fait dire le prSopinant serait digtie d'un vizir de Turquie. J'ai dit au contraire qu'aucune classe du peuple ne devait 6tre eloignee.
Je crois que plus les hommes se reuniront pour rechercher Instruction, plus vousaurez (Thommes instruits. Je crois qu'il y au- rait beaucoup d'inconvenients dans la limitation du nombre; car il arriverait de la qu'il se pre- senterait moins de concurrents quand le con- cours serait ouvert. Or, le moyen de faire le meilleur concours est d'y appeler le plus grand nombre de concurrents possible. C'est la que la rivalite est permise; c'est la qu'il faut l'exciter, Tencourager par tous les moyens et surtout en y appelant le plus grand nombre. En conse- quence, je demande que le nombre des aspirants ne soit pas limites.
La question est de savoir sMl y aura un nombre d'aspirants fixe, ou s'il sera illimitS. On a dit que declarer ce nombre fixe, ce serait un desavantage pour les pauvres. On n'a done point observe que c'est un concours oil tous les citoyens indistinctement auront droit, et qu'assez g£neralement dans les concours ce ne sont pas les plus riches qui obtiennent les prix. Je trouve, moi, que ce concours est d'une grande utilite, surtout pour l'education; et je pense que le projetdoit 6tre decretS dans ce sens.
II y aurait les plus grands inconvenients h creer un corps d'aspirants qui finiraient par croire qu'ils ont le droit exclusif d'obtenir les grades d'officiers et qui regarde- raient comme des intrus les navigateurs mar- chands qui parviendraient t s'y introduire.
Je demande la parole.
Plusieurs membres demandent que la discus- sion soit fermee.
(L'Assemblee dSerSte que M. de Lhampagny sera entendu.)
Mon opinion a Cprouve de la d^faveur dans cette Assemblee, parce qu'on a confondu I'acceptioa generale du mot aspirant avec ^application particuli&re qui en a 6te faite par le comite. 11 ne s'agit ici que d'une classe d'616ves k qui la nation doit donner une educa- tion maritime et militaire. On ne peut en attendre ni T adresse des matelots, ni les lumifcres d un ofticier; rnais seulement des talents dont lEtat pourra un jour recueillir les fruits. Si vous avez uu trfes grand nombre d'aspirants, il en r5sultera qu'il s^coulera plus de dix ann6es avant que chacun ait pu faire une seule campagne; ainsi roducation sera nulle. Pour avoir voulu Clever trop de sujets, l'Etat n'en aura forme aucun. On se rappelle qu'en fixant le nombre des aspi- rants j'ai aussi fixe le temps pendant lequel on pourra rester a ce grade. Ainsi ce ne sera qu une ecole passagere, et aprfcs une epoque determinee on rentrera dans la foule des navigateurs. Ma proposition ne choque done pas les principes cTegalite. En un mot, il faut limiter le nombre des°aspirants ou renoncer a en avoir.
En limitant le nombre aes aspirants ne donnez-vous pas une preference i ceux qui seront £lev6s aux d§penses de l'Elat, sur ceux qui auront £te eleves par leur famille? On a dit que ['education etait p6nible et que l'Etat devait profiler des depenses qu'il aura faite. Mais ne doit-il pas profiler aussi des talents de ceux pour ['instruction desquels les parents au- ront fait de la depense? (Applaudissemenls.)
Je de-mande que I'ou d5crete comme principe consti- tutionnel que nul ne pourra 6tre admis aspirant, qn'aprCs avoir subi l'examen propose par le co- mite et qu'aprfes avoir navigue pendant 12 mois sur quelqties vaisseaux et eu quelque quality que ce soit.
Pretend-on qu'il faut ar- mer sur-le-champ des vaisseaux de guerre pour l'education des aspirants, ou que les propri6taires des vaisseaux marchaads auront la bonte de les recevoir. Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
L'Assemblée a décrété tout à l'heure qu'elle bornerait la discussion aux deux questions que je lui ai présentées. Je demande que la délibération soit actuellement ramenée à la première de ces deux questions : « Y aura-t-il un nombre déterminé d'aspirants? »
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Trois propositions ont été faites :
La première que le nombre des aspirants soit illimité ;
La seconde que nul ne soit admis dans la marine militaire qu'après un examen et 12 mois de navigation ;
La troisième de M. de Champagny, rédigée par M. Malouet, est ainsi conçue :
Le nombre des élèves aspirants est limité à 300.
Il y aura des écoles militaires navales dans les grands ports.
Tous les capitaines de navires et les navigateurs qui auront 5 ans de navigation, et qui auront commandé ou servi comme seconds sûr les navires de commerce au long cours, seront mis en concurrence avec les élèves aspirants pour le grade d'enseigne de vaisseau.
Cette proposition n'est pas la mienne. Il est dans mon intention de faire entrer en concurrence tous les navigateurs. Sans répéter les moyens dont je me suis servi pour appuyer ma proposition, je me contenterai de vous la rappeler. Je demande que le nombre des aspirants soit limité, et que le temps pendant lequel on sera aspirant soit déterminé de manière que, si vous adoptez 300 aspirants, on ne puisse être aspirants que 3 ans. Il en résultera que, chaque année, il y aura des aspirants qui quitteront ce titre puur rentrer dans la masse des navigateurs, et d'autres navigateurs qui arriveront au titre d'aspirant. Ce sera une navette à laquelle vous appellerez successivement tous les navigateurs, en les appelant par ordre de talents et de connaissances; et cette institution n'est pas seulement pour la marine militaire à laquelle je ne songe pas dans ce moment-ci : elle est pour toute la marine, pour tous les navigateurs. Je soutiens encore qu'il n'y a que cet le manière de rendre utile l'instruction clés aspirants.
Plusieurs membres : Aux voix I aux voix I
Messieurs, vous allez prononcer la démarcation de la marine militaire et de la marine marchande.
Je vais poser ainsi la question : Y aura-t-il un nombre déterminé d'aspirants ?
Il faut poser différemment la question.
Messieurs, ce n'était point pour rendre obscure la question, mais pour 1 eciaircir, que j'ai cru devoir séparer les aspirants de la marine, de la constitution de la manne. Vous établirez, dans tous les ports, des écoles où tous les marins seront admis chaque année. Dans les marins sortis de ces écoles, seront choisis un nombre quelconque, 3 ou 400 élè- ves, qui obtiendront l'avantage de faire leur apprentissage sur les vaisseaux de l'Etat, et cet apprentissage aura un temps déterminé. (Murmures.)
Plusieurs membres. La. question préalable!
Il est bon de donner d'abord à Ce mot d'aspirant sa juste signification. Si par aspirant ou élèves vous entendez un jeune homme qui travaille, qui étudie pour se rendre digne d'obtenir une place dans la marine, alors je dis que le nombre de ces élèves ou aspirants doit être parfaitement illimité. Mais, si c'est un degré dans le corps de la marine, il faut bien que ce degré soit limité.
Je conclus à ce que le nombre des élèves soit illimité ; et quand vous ferez la conscription de la marine, alors vous verrez ce que vous aurez à faire pour le premier degré. (Applaudissements.) Ainsi, d'après les principes que le comité a lui-même posés, nous devons tous être d'uccord, que la porte de la marine militaire doit être ouverte, non seulement à tous les navigateurs, mais a tous les citoyens.
Selon la première interprétation donnée par M. Emmery, tous les citoyens français sont aspirants. Ce point-là est déclaré par la conscription de la marine ; mais il y a équivoque, parce que le comité a substitué de fait le mot aspirant à celui d'élève. 11 nous a beaucoup parlé de la crainte qu'il avait de voir renouveler les privilèges ; mais lorsque lui-même il vous propose d'établir une classe de citoyens qui parviendront au grade d'officier marinier par des travaux moindres que ceux du reste des navigateurs, n'éiablit-il pas aussi dans son sens un privilège?
Que l'on cesse de s'effrayer de ces mots répétés tant de fois avec succès. Si le nombre des aspirants dans le sens proposé par le comité n'est pas limité, vous accordez une véritable préférence aux gens riches ; car, comme vous ne pourrez point entretenir ceux qui iront dans les écoles, vous exclurez tous les enlants de ceux qui n'auront pas assez de fortune pour les y envoyer.
D'un autre côté, vous faites tout l'avantage des départements maritimes aux dépens des autres, par la même raison que le citoyen peu aisé ne pourra soutenir à ses frais un enfant dans des écoles qui ne seront établies que dans les grands ports. Je demande donc que l'on détermine le mode par lequel on parviendra au grade d'élève, que ce soit par le concours, et que pour aspirer ensuite au grade d'enseigne, il faudra encore un concours. (Applaudissements.)
Voici une nouvelle rédaction de M. Champagny :
« Parmi ceux qui se destinent à la marine, il sera pris un nombre déterminé d'élèves pour faire, sur les vaisseaux dé l'Etat, l'apprentissage de la navigation. »
Plusieurs membres à gauche demandent l'ajournement de cette nouvelle rédaction.
Je demande le renvoi de cette proposition au comité.
Plusieurs membres à droite : La question préalable sur l'ajournement.
Plusieurs membres à gauche : Le renvoi au comité.
Plusieurs membres : La question préalable sur le renvoi au comité.
Je mets aux voix la question préalable sur la demande d'ajournement.
(Une première épreuve parait douteuse, il est procédé à une seconde épreuve.)
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande d ajournement. (Vives réclamations.)
Plusieurs membres : La question a été mal posée.
Un membre :0n n'a pas demandé l'ajournement mais seulement le renvoi au comité, Parque la question y soit examinée par lu à nouveau et proposée demain à l'Assemblée d'une façon plus claire.
Je vais faire une nouvelle épreuve et consulter l'Assemblée sur la question préalable réclamée contre la demande de renvoi au comité.
(L'épreuve a lieu.)
Je consulte le bureau sur le résultat de la délibération.
S'il y a doute, le renvoi est de droit.
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la demande de renvoi au comité. (Vives réclamations a Vextrême gauche. )
Plusieurs membres à Vextrême gauche : L'appel nominal 1 II y a doute.
Un grand nombre de membres : Nonl non! (Bruit.)
Que risque-t-on de renvoyer au comité? (Applaudissements à l'extrême gauche et dans les tribunes.)
Je demande que la séance soit levée.
Je vais consulter 1 Assemblée pour savoir s'il y a eu doute dans le vote au'elle vient d'émettre.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas eu doute.)
J'insiste pour que la séance soit levée; ma motion est appuyée, vous devez la meître aux voix, Monsieur le Président.
Plusieurs membres : La question préalable!
Il
ne faut pas rompre la séance sans avoir jugé la aues^ion. Quand un certain parti dans l'Assemblée a la minorité, il fait lever la séance. (Applaudis-sements.)
Je demande que la question soit jugée sans désemparer.
Plusieurs membres : Oui! oui! oui!
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si je dois lever la seance.
(L'Assemblée décide que la séance ne sera pas levée.)
Plusieurs membres à l'extrême gauche : L'appel nominal! Il y a doute !
Nous demandons l'appel nominal parce que nous ne voulons pas participer au deshonneur du nom français auquel vous allei concourir. (Applaudissements à l extrême gauche et dans les tribunes.)
Rien ne déshonore l'Assemblée, rien ne tend à la dissoudre, que l'insurrection scandaleuse de la minorité contre la majorité. (Applaudissements.)
Pour terminer des .débats aussi indécents, il faut faire l'appel nominal; il est de droit.
Un membre à l'extrême gauche : Monsieur le Président, vous devez faire l'appel nominal. Dix membres ont le droit de le demander et nous sommes cent.
Je réponds au préopinant par l'usage constant de l'Assemblée nationale, usage invoqué avec vehemence par ceux qui réclament aujourd'hui contre lui. Il est arrivé plusieurs fois que le Président, après deux épreuves douteuses, a été sommé par ces mômes messieurs..... (Applaudissements sur certains bancs ; murmures à Vextrême gauche)..... de soumettre à l'Assemblée la question de savoir & il v avait doute. Cette marche a été suivie. M. le Président n'a donc fait que se conformer à 1 usage constant en prononçant, d'après le vœu de la majorité, qu'il n'y avait pas doute.
et plusieurs membres à Vextrême gauche : Nous n'avons pas entendu.
Ce serait se ioue'r des décrets de l'Assemblée nationale que de permettre à la minorité de réclamer ainsi contre la maiorité. (Applaudissements.) Je demande que la délibération soit continuée. 11 m'est impossible de ne pas ajouter une observation à ce que je viens de dire. Après avoir écouté avec calme une longue discussion, quand la délibération approche de sa fin et qu'on peut entrevoir l'opinion de la majorité, on substitue les déclamations à la place des raisons, et l'on ne cherche plus qu a capter les applaudissements des tribunes. (Applaudissements prolongés.)
Je demande la parole.
L'agitation de cette Assemblée est sans doute très affligeante. Oui, s est-on écrié, il est très affligeant de voir la violence delà minorité contre la majorité. (Murmures sur certaines bancs; applaudissements a l extrême
Au moins ne dira-t-on pas que c'est nous qui interrompons.
Dix des vôtres ont parlé tant qu'ils ont voulu et vous nous interrompez.
Je demande comment cette agitation pourrait ne pas exister quand ii
s'agit de la conséquence à tirer de 1 opinion de
Vousn,ête8Pasdans laquestion
Monsieur le Président, je nai pas fini, et je dois avoir la liberté de dire mon opinion. La France entière a les yeux sur nous. C'est parce que je sens que notre dissentiment peut lui coûter des larmes de sang, que je veux que nous délibérions paisiblement. Une partie de 1 Assemblée a demandé l'appel nominal ; c était un appel à la raison, à la réflexion. Quand U a été Question du renvoi des ministres, une partie de 1 Assemblée qui savait être en minorité a demandé l'appel nominal, et la majorité n'a pu lui refuser cette satisfaction. Eh bien, aujourd'hui une autre partie de l'Assemblée, convaincue qu il s agit d'attaquer les principes de la Constitution et de recréer les privilèges... (Murmures.) Nous nous estimons tous. Ce sentiment est nécessaire au bonheur du royaume, et ceux qui croient que la proposition de M. de Champagny est inconstitutionnelle, jugent les choses d'après leurs principes. Une opinion peut être une erreur, mais non pas un crime. On ne peut pas regarder comme coupables les moyens qu'on emploie pour la dépendre. Je persiste donc à demander l'appel nominal.
Je vais consulter l'Assemblée.
J'ai demandé la parole. Je veux d abord vous dire un mot de la situation de l'As-semblee. (Mwrwmm.)L'embarrasde l'Assemblée... (Nouveaux murmures.)
Je demande que la discussion soit fermée sur cet incident.
Il y a depuis trois jours, à l'examen de I Assemblée, une question intéressante, que nous aurions déjà jugée, si elle n'avait changé de lace, et si tout à coup elle ne se trouvait pas remplacée par une question nouvelle très compliquée et très embarrassante. Il s'agissait d'abord de savoir si les aspirants seraient en nombre illimité. M. de Champagny a mis au lieu du mot aspirant, le mot élève. On a demandé si ces élèves seront des officiers de marine ; on n'a pas répondu à cette question, et par la manière a établir la délibération on avait voulu faire décider quils seraient des officiers de marine. Je demande l'ajournement à demain.
M. Defermon a fait une proposition qui me paraît devoir faire cesser le trouble . monde a gemi, c'est de renvoyer la délibération a demain, en chargeant le comité de la marine de lui présenter l'état actuel de la question, ainsi que des projets de décrets conformes aux diverses opinions soutenues dans la délibération de ce jour. (Applaudissements ) (L Assemblée adopte la motion de M. d'André.)
annonce qu'il n'y aura pas de seance du soir et lève la séance à quatre heures et demie. 4
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
député du département des Basses-Pyrénées, qui s'était absenté par congé, annonce son retour à l'Assemblée.
Voici une lettre très courte que je reçois :
« Paris, 20 mars 1791.
« Monsieur le Président,
« J'ai exécuté, à la gloire de Louis XVI et des « Français, l'illumination ornée de différentes « inscriptions relatives aux circonstances. J'en ai « formé un dessin. J'ai été en présenter l'hom-« mage au roi et à la reine; Leurs Majestés ont « eu la bonté d'y applaudir. J'ai l'honneur de « demander la même grâce à l'Assemblée na-« tionale. Si elle daigne me l'accorder, ce jour « sera le plus beau de ma vie, et j'obtiendrai la « plus belle récompense à laquelle peut prétendre « un citoyen libre, qui chérit sa patrie, sa légis-« lature et son roi. »
« Signé : POCHON,
« Homme de loi et volontaire de la garde nationale. »
(L'Assemblée témoigne sa satisfaction à M. Po-chon en lui accordant les honneurs de la séance.)
fait lecture d'une lettre de la dame Scott, supérieure du couvent des religieuses de Saint-Cloud.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous prévenir que, jeudi « 14 du présent mois, nous avons déclaré à MM. les « officiers municipaux que toute la commu-« nauté, au nombre de 20 religieuses du chœur « et 4 sœurs converses, désiraient profiter de la « liberté que la loi leur donne pour se retirer « dans le sein de leur famille. J'ose vous sup-« plier, en conséquence, de vouloir nous com-« prendre dans le nombre de celles à qui les dé-« crets de l'Assemblée nationale accordent des « pensions.
« Veuillez, Monsieur, être persuadé de notre
« Signé : scott, « Supérieure du couvent des religieuses de Saint-Cloud. »
(Cette lettre est renvoyée au comité ecclésiastique.)
Un membre : La disposition de l'article 5 du décret du 2 décembre dernier et les dispositions des articles 1 et 2 du décret du 16 de ce mois présentent une contradiction apparente, en ce que l'alternative accordée aux élèves de l'artillerie, par le décret du 2 décembre, semble leur être enlevée par celui du 16 de ce mois. Je demande que, pour faire cesser cette difficulté, il soit ajouté au décret du 16 de ce mois une disposition portant qu'il n'est entendu par le mot Vélèves, que ceux qui n'ont pas subi le dernier examen ; et qu'à l'égard de ceux qui ne l'ont pas subi en 1789, et qui ont été jugés dignes d'être faits officiers, ils doivent être appelés aux places actuellement vacantes, concurremment et alternativement avec les lieutenants en troisième. Au surplus, je consens à ce que ma motion soit renvoyée au comité militaire. (Ce renvoi est décrété.)
Parmi les districts qui se distinguent le plus par leur patriotisme et leur zèle pour l'exécution de vos décrets, on peut citer celui de Rethel, département des Ardennes. La vente des domaines nationaux montait au 12 de ce mois, à 6,014,475 livres, tandis que le montant des soumissions n'était que de 3,001,012 1.16 s. Ainsi le prix de la vente a plus gué doublé. Les adjudications qui ont eu lieu jusqu'à présent sont au nombre de 235. (Applaudissements.)
au nom du comité central de liquidation, présente le projet de décret suivant : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui a rendu compte des vérifications de faits et rapports faits par le directeur général de la liquidation, décrète, en exécution de ses précédents décrets sur la liquidation et le payement de la dette de l'Etat, qu'il sera payé aux personnes employées dans l'état ci-après, pour les causes et les sommes y énoncées, savoir :
Arriéré des dépenses de la guerre, année 1789.
« Aux sieurs Sidet et Méniolle, la somme de cent huit mille six cent
quatorze livres un sou onze deniers, pour la fourniture et entretien des
lits militaires dans les ci-devant provinces d'Alsace et Franche-Comté,
pendant les 9 derniers mois de 1789, et pour dépenses extraordinaires
pendant le même intervalle, avec les intérêts des parties desdites
sommes qui en sont susceptibles, d'après les clauses et aux termes
portes par les traités relatifs auxdites fournitures ; savoir, les
intérêts de la somme de 34,261 I.'5 s., à compter du 1er octobre 1789, ceux de la somme de 36,412
1. 2 s. 5 d., à compter du 1er janvier 1790, et ceux de la somme de
37,475 1. 9 s. 6 d., à compter du 1eravril 1790; lesdits intérêts
payables et devant avoir cours de la manière et jusqu'au terme porté par
le décret du 6 mars 1790.
« Au sieur Schmitt la somme de soixante- quatorze mille sept cent dix-neuf livres dix-huit sous trois deniers, pour fourniture et entretien des lits militaires dans les ci-devant généralités de la Rochelle, de Dauphiné, de Bordeaux, et dans les ci-devant provinces de Bretagne, comté de Bourgogne et Corse, ainsi que pour les dépenses extraordinaires relatives aux mêmes objets.
Finances de charges de commissaires des guerres.
« A François Boursier , pour le montant du brevet de retenue à lui accordé le 12 mai 1786, sur la charge de commissaire des guerres, la somme de soixante-dix mille livres : ci........70,000 l. » s. » d.
avec les intérêts à 5 0/0 à compter du 14 mars 1791.
« A Thomas-Louis-Nicolas Hullin de Champe-roux, pour le montant d'un brevet de retenue à lui accordé le 20 février 1785, sur la charge de commissaire des guerres, la somme de soixante-dix mille livres, ci...... 70,000 » »
avec les intérêts à compter du 18 février 1791. ~
« A Charles-Henry Gailard, pour le montant du brevet de retenue à lui accordé le 18 septembre 1784, sur la charge de commissaire des guerres, la somme de soixantedix mille livres, ci...... 70,000 » »
avec les intérêts à compter du 12 mars 1791.
« A Guillaume-René Pougin, pour le montant du brevet de retenue à lui accordé le 23 juillet 1784, sur la charge de commissaire des guerres, la somme de soixante-dix
mille livres, ci.......... 70,000 » »
avec les intérêts à compter du 1er mars 1791.
......
Total...... 280,000 1. » s. » d.
maison du roi.
Arriéré de 1788 et 1789.
« Au sieur Forget, capitaine des Aires de Bourgogne et Bresse, la somme de treize cent trente-trois livres six sous huit deniers, montant d'uue ordonnance du 3 avril 1790, et du reste d'une autre ordonnance du même jour, ci......... 1,333 I. 6 s. 8 d.
« Au sieur de Ville-motte, tenant l'Académie d'équitation, la somme de trente-six mille livres, montant de deux ordonnances des 31 décembre 1788, et 31 décembre 1789, ci....... 36,000 » »
A reporter..... 37,333 1. 6 s. 8 d.
Report..... 37,333 I. 6 s. 8 d.
Aux comédiens français, la somme de dix-neuf mille livres, montant du reste d'une ordonnance du 31 décembre 1788, et de trois ordonnances des 5 février 1789,31 décembre même année, et 27 juillet 1790, ci..................... 19,000
« Au sieur Delorme, relieur, montant d'une ordonnance du 3 avril 1790,Iasommede quatre ûiille quatorze livres dix sols : ci.............. 4,014 10 s. 8 d.
Total de l'arriéré de la maison du roi... 60,347 17 6
Arriéré du département de la guerre, années 1788 et 1789.
« Au sieur Saudra, la somme de onze cent cinquante-deux livres pour les six derniers mois de son traitement extraordinaire, porté en une ordonnance du 31 décembre 1789 : ci....... 1,152 1. s. d.
« A l'hôpital de Boulo-gne-sur-Mer, la somme de huit cent cinquante-six livres quatre sous, pour supplément du prix des journées des soldats malades, portées en une ordonnance du
8 octobre 1790, ci...... 856 4 »
« A la veuve et héritiers ou créanciers du sieur de Stainville, maréchal de France, pour partie de ses appointements, compris en deux ordonnances du 30 novembre 1790, la somme de quatre mille trois cent cinquante-quatre livres seize sous, ci......... 4,354 16 »
« Aux mêmes pour les prévôts et archers étant a sa suite, la somme de sept cent quatre-vingt-trois livres quinze sous, montant d'un état ordonnancé le 30 novembre 1790 : ci.......... 783 15
« Au sieur Bacot, maréchal général des logis des camps et armées, la somme de cinq cent quarante livres pour ses appointements compris en une ordonnance du 31 décembre 1789 : ci. 540 » »
Report.....7,685 l. 71 s. » d.
A reporter. 7,685 1. 71 s.
« Au sieur de Luynes, colonel général de dragons, la somme de quatre mille quatre cent dix livres, pour six moisdeses appointements compris en- une ordonnance du 31 décembre 1789, ci...4,410 » »
« Au sieur Diau, régisseur général des étapes et convois militaires, la somme de trois cent deux livres dix sous montant d'une ordonnance du 15 décembre 1790, ci ..............4,410 » »
« Au sieur de Klinglin, lieutenant de roi à Strasbourg, la somme de cinq cents livres, portée en une ordonnance du 5 février 1790, ci.........500 » »
« Au sieur d'Agues-seau, major des gardes du corps, la somme de quinze cents livres, montant d'une ordonnance du 19 janvier 1790, ci..15,00 » »
« Au sieur de Scalier, maréchal de camp, la somme de vingt-deux mille huit cent quatre-vingt-une livres sept sous deux deniers portée dans une ordonnance du 15 décembre, 1790, ci.....22,881 7 2
« Au sieur ûumont Valdajou, chirurgien-re-noueur, la somme de quinze cents livres, portée en une ordonnance du31 décembre 1789, ci.1,500 » »
Total de l'arriéré de la guerre.............. 38,780 1. 12 s. 2d.
Brevet de retenue.
« Au sieur Louis-Philippe-Joseph d'Orléans, pour partie du montant d'un brevet de retenue à lui accordé le 20 octobre 1786, sur la charge de gouverneur de la province de Dauphiné ; la somme accordée par ledit brevet, montant en totalité à quatre cent cinquante mille livres, mais sur laquelle il ne doit être payé que celle de trois cent cinquante mille livres, réellement payée par Philippe d'Orléans à Louis d'Aubesson de la Feuil-lade :
ci.................... 350,000 1. » s. » d.
Avec les intérêts à compter du 9 février dernier.
BIBLIOTHÈQUE DU ROI. Arriéré de 1787, 1788 et 1789.
A MM. Anqnetil.............................................. j ™
Aubron.............................................
Barbe...............................................
Barbier.............................................
1788 ............. 900 liv.
900
178 8..........................300
178 9..........................- 300
178 8..........................730
178 9...................730
178 8..........................1,200
178 9..........................1,200
f 1787...................5,000
L'abbé Barthélémy.................................... 5 1788..........................7,000
[ 1789..........................7,000
S 1788..........................150
Bizet......
Bonneville,
Caperonnier.
....................................... ( 1789..........................150
( 1788........"..........700
...... ............................... ( 1789.............. 700
\ 1788....................1,800
.................................... } 1789..........................1,800
Carra } "88..............1,500
....................................................... ( 1789.................1,500
l 1787..........................5,000
Caussin de Perseval.................................... ] 1788........................5,000
f 1789..........................5,000
( 1788..........................800
......................*.............. 1789..........................800
Cazenave
Chevret......
Chevret l'aîné
Le Clerc.....
Coeuilla.....
Cointreau....
178 8..........................800
178 9............ 800
178 8..........................800
178 9..........................800
1788..........................830
1789.....................830
178 8..........................1,000
178 9..........................1,000
178 8............... 800
178 9..........................800
„ ,u r„„ . ( 1788............. 4,000
L'abbéCoupé........................................ | 17g9............. 40QQ
L'abbé de Courçay........— .......................... ^gg
,000
1788............. 2,000
Domaine.
Farjal... Gauterau. Gauthier.
De Guignes. Henry .....
2,000
178 7............. 5,000
L'abbé Desaumais..................................... \ 1788............. 5,000
1789............. 5,000
178 8............." 800
......................................... ( 1789............. 800
n , . ( 1788............. 800
Duby................................................ | 1789............. 800
l 1788.............. 700
.....................i................... ( 1789............., 700
l 1788............. 400
....................................... ( 1789.............. 400
( 1788............. 1,200
...................................I 1789.............- 1,200
^ ( 1788............. 1,000
Gouner................................................ { 1789............. 1,000
( 1788..........................1,000
........... .............. j 1789..........................1,000
l 1788..........................700
.................................. { 1789...............700
x „ (1788..................1,200
JolIyfils.............................................j 1789..........................1,200
T „ . I 1788................3,000
JollyPere.............................................. | 1789..........................3,000
A reporter.................... ^.
1,800 liv. 600 1,460 2,400
19,000
300 1,400 3,600 3,000 15,000
1,600 1,600 1,600 1,660 2,000 1,600 8,000 4,000 15,000
1,600 1,600 1,400 800 2,400 2.000 2,000 1,400 2,400 6,000 107,120 liv.
lAssemblée nationale.] ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il8 avril 1*791 .j
Lévrier de Ghamprion................................( "88..
r ............. 1 1789..
Report............................
De Kéralio................................ . ( 1788..........................1,000
1789..........................1,000
.............1,000
..............1,000
Malin............................. 5 "88..........................2,400
................ I 1789 ........................2,400
L'abbé Martin....................... \ "88..........................2,600
...........l 1789..........................2,600
Parquoy.................... { "88..........................1,500
' ....................... 1 1789..........................1,500
Le prince l'aîné.............1788..........................1,600
....................... I 1789..........................1,600
Ronfin.....................f "88.
............................ ( 1789.
Surget. Tassin
1788. 1789.,
1788.
1789.
..............2,000
..............2,000
..............700
..............700
..............700
..............700
Vauprat.............. ( "88..........................2,000
.............:............( 1789..........................2,000
De Villeneuve................. j 1788..........................2,024
....................( "89..........................2,024
De Villiers.............. ( 1788..........................1,000
............................. I "89..............1,000
Total.144,160 liv.
107,120 liv. 2,000
2,000 4,800 5,200 3,000 3,200 4,000 1,400 1,400 4,000 4,048 2,000
Arriéré du département de la guerre, année 1789.
« A Jacques-Christophe Naudetetses cautions, munitionnaires des vivres des troupes de terre, la somme principale de dix-huit cent quarante-trois mille quatre-vingt seize livres seize fsous, ci................. 1,843,096 1. 16 s. » d.
« Les intérêts de ladite somme jusqu'au 31 décembre 1789,..........99,458 6 1
« Plus les intérêts à 5 0/0 de la somme principale de 1,843,0961.16 s., a
compter du 1er janvier 1790, jusqu'à
l'époque fixée par le décret au 6 mars dernier; le tout sans retenue des
4 deniers pour livre, sauf à liquider, s'il y a lieu, parla suite, ce
que ladite retenue aurait pu produire au profit de l'établissement des
invalides,l'Assemblée voulant, au surplus, qu'il soit pris les
renseignements nécessaires pour connaître ce que sont devenus les grains
et ustensiles, tant de magasin que de four, qui ont dû être remis par
lesdits Naudet et ses cautions.
Total..... 1,942,555 I. 2 s. 1 d.
Arriéré du département de la finance, année 1789.
« Au sieur Anisson-Duperron, directeur de 1 Imprimerie du Louvre, pour montant de 3 or- donnances des 31 décembre 1789, 9 janvier et 3 avril 1790, la somme de soixante-trois mille deux cent soixante-dix-huit livres quatorze sous, ci.................... 63,278 1. 14 s. » d.
« Au sieur de Bréqui-gny pour travaux littéraires, montant de 2 ordonnances des 3 juin et 3 décembre 1789, la somme de six mille livres, ci...............6,000 » »
« Au sieur Demun, pour son service extraordinaire auprès de feu M. le Dauphin, la somme de deux mille livres montant d'uneordonnan-ce.du30juin 1789, ci..2,000 » »
« Au sieur de Berry, montant d'un mémoire de fourniture de chandelles et cire pour le Trésor public, la somme de douze cent seize livres, huit sous, ci........... 1,216 8
« A la charge par tous les dénommés aux états ci-dessus, de se conformer aux lois de l'Etat, tant pour 1 obtention des reconnaissances définitives, que pour celles des mandats sur la caisse de 1 extraordinaire.
« A l'égard de la demande formée par le sieur Benière, curé de
Saint-Pierre-de-Ghaillot, pour indemnité d'attributions qu'il a perdues
par la clôture de Paris, et de celle du sieur d'Amesme pour honoraires
qu'il prétend lui être dus en qualité d'inspecteur des travaux de la
clôture de Paris, l'Assemblée nationale a déclaré n'y avoir lieu, quant
à présent, au payement desdites sommes, sauf auxdits Bénièrc et d'Amesme
à se
L'Assemblée nationale décrète, au surplus, que le directeur du Trésor public et, après lui, les commissaires de la trésorerie ne seront tenus de donner d'autre certificat relativement au non-payement des particuliers non compris dans les états ordonnancés ou dans les ordonnances en masse, sinon que l'ordonnance n'apas été acquittée, ou qu'elle ne l'a été que jusqu'à concurrence de celte somme. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité de la caisse de l1 extraordinaire. J'ai l'bonneur de faire part à l'Assemblée qu'il sera brûlé, dans le cours de la semaine, pour 12 milions d'assignats, ce qui fera la somme de 80 millions brûlés.
au nom du comité de liquidation (1). Messieurs, votre comité central de liquidation se trouve arrêté dans ses travaux par une difficulté que vous seuls pouvez résoudre, et que je suis chargé de vous soumettre.
11 s'agit de fixer l'autorité des arrêts ou jugements en dernier ressort, et spécialement des arrêts du conseil, en fait de liquidation de créances snr l'Etat. Vous savez combien de libéralités injustes et de déprédations se trouveraient couvertes par l'autorité d'un arrêt du conseil, si c'était une décision irréfragable en finances. Il n'y a donc pas de question plus importante sur la dette nationale, que celle qui va être mise en délibération.
Les arrêts et jugements, quand ils ne sont pas contradictoires avec ceux qui étaient chargés de défendre les intérêts de l'Etat, ne peuvent jamais obtenir contre l'Etat l'autorité de la chose jugée.
Ainsi, les arrêts du conseil qu'on appelait en finances ou en commandement, et qui étaient rendus, soit sur requête non communiquée au contrôleur des bons d'Etat, soit sur rapport ou sans rapport, mais sans parties, et du propre mouvement, tous ces actes de la volonté ministérielle n'ont aucun caractère légal : ils n'ont pas même le véritable caractère d'un jugement : ils ne portent donc pas avec eux cette présomption de justice et de vérité qui interdit tout examen, toute preuve contraire, \otrecomité est convaincu que ces décisions où le ministre pronouçait en despote, où les magistrats du conseil, lorsqu'on daignait les y appeler, n'avaient que la voix consultative, attestent bien les anciens désordres, mais ne peuvent pas les rendre légitimes. Le gouvernement se jouait lui-même de cette forme, et il n'est pas rare de rencontrer deux, trois et quatre arrêts de ce genre, qui se contredisent et se réforment successivement.
Mais, lorsque l'arrêt du conseil était rendu con-tradictoirement avec le
contrôleur des bons d'Etat, alors on avait observé du moins des formes ;
il y avait eu instruction, comme entre particuliers ; le contrôleur des
bons d'Etats était dans la main du ministre ; mais enfin ce
contradicteur avait assisté au rapport, il avait pu en relever les
inexactitudes : les magistrats du conseil avaient jugé ; le ministre
n'avait eu que sa voix. Si la partie avait succombé, elle ne pouvait
revenir que par des moyens de cassation ou de requête civile qui,
relativement aux arrêts
Ces arrêts contradictoires, votre comité de liquidation peut-il en examiner le mérite au fond ? S'il les trouve injustes, peut-il, en les soumettant à votre jugement, vous proposer de les réformer vous-mêmes, et sans avoir recours aux formes judiciaires : ou doit-il, s'il ne trouve pas de moyens de cassation, vous proposer d'exécuter ces jugements; et, s'il y a de tels moyens, faire poursuivre la cassation par le contrôleur des bons d'Etat ?
Votre comité a toujours droit d'examiner le bien jugé des arrêtés contradictoires, quelque système qu'on embrasse à l'égard des questions subséquentes.
Ne pût-il que proposer la demande en cassation, il faut toujours qu'il délibère si la nation a un intérêt légitime de prendre cette voie; et, pour le découvrir, il faut bien examiner le fond. Sous ce point de vue il semble qu'il ne peut y avoir aucune difficulté sur la première question.
Les autres sont plus difficiles et peuvent être examinées, soit relativement à l'ancien régime, soit par rapport aux décrets que vous avez rendus sur le mode de liquidation des créances de l'Etat. Telles sont les deux sources de décision qui nous amèneront peut-être au même résultat.
Nous l'avons déjà observé, Messieurs; dans l'ancien système, un arrêt du conseil sur une créance contre le Trésor public, soit que cet arrêt fût ou non favorable au prétendu créancier, ne pouvait être attaqué que par les voies de droit, c'est-à-dire par voie de cassation fondée ou sur la violation des lois du royaume, ou sur des moyens tels que ceux qui autorisent une requête civile. Il n'était pas avoué de tout le monde que l'injustice évidente au fond et sans contravention à une loi positive, fût un moyen de cassation ; mais, dans le fait, il y a eu bien des arrêts du conseil dont la cassation n'a pas eu d'autre fondement.
D'un autre côté, l'on peut observer que, dans les vrais principes de l'ancien gouvernement français, le conseil du roi ne pouvait pas être compétent en première instance, en matière con-tentieuse; ce n'était pas un tribunal légal; ce n'était exactement qu'une commission au choix du prince, et divisée en bureaux, un conseil domestique du monarque, et non un tribunal reconnu par les lois du royaume.
Concluons que, dans l'ancien régime, un arrêt du conseil, même
contradictoire en première instance, était, dans le droit, un acte
réprouvé par la loi, un fruit odieux du despotisme. Dans le i
fait,c'étaitunjugementirréfragable en apparence, et néanmoins sujet à
être réformé, non seulement pour contravention aux lois positives, ou
par des moyens tels que ceux de la requête civile, mais même pour
prétendue injustice au fond. Ainsi, d'après l'ancienne pratique, on ne
pourrait pas, si ce n'était en prenant la voie de la cassation, et par
des moyens de cassation réels ou colorés, attaquer un arrêt du conseil
contradictoire et portant liquidation d'une créance sur l'Etat; et
Mais ce sont vos décrets que nous devons principalement consulter ici. En matière de finances et de dette nationale, qui pourrait sérieusement contester les pouvoirs de l'Assemblée nationale? Ce qu'elle a ordonné, elle l'a pu légitimement. Ce qu'elle a pu ordonner, elle le peut exécuter. Ses pouvoirs ne font pas la matière d'un doute ; il ne s'agit que d'examiner ses intentions ou sa volonté. Vous avez rendu plusieurs décrets sur l'objet dont il s'agit, nous allons vous les rappeler avec exactitude.
Le premier est celui du 20 octobre 1789; il a interdit les arrêts du propre mouvement et les évocations avec retenue des affaires : au reste il a ordonné que le conseil continuerait provisoirement ses fonctions comme par le passé.
Il n'y a rien là, ce semble, qui décide notre question. Il s'ensuit seulement que le conseil est devenu provisoirement un tribunal légal pour la liquidation, comme pour autres affaires ; mais non pas que l'Assemblée ait renoncé au droit de réformer elle-même les arrêts du conseil en matière de finance.
Même incertitude dans le décret du 22 janvier 1789, qui a établi le comité de liquidation : l'article 9 porte que le comité « rendra compte à l'Assemblée de chaque partie de la dette, à mesure qu'elle aura été vérifiée, et lui soumettra le jugement de celles qui pourraient être contestées. » Il reste toujours à décider si, et comment, une dette, jugée contradictoirement par arrêt du conseil, peut être contestée.
L établissement du comité de liquidation donna lieu d'examiner si le conseil pouvait encore continuer de juger les créances sur l'Etat. Le conseil lui-même douta de sa compétence et arrêta, le 28 du même mois, de demander les intentions de l'Assemblée à cet égard, par une lettre qu'adresserait M. le garde des sceaux à M. le Président de 1 Assemblée nationale.
Cette lettre fut écrite le 13 février : l'Assemblée en renvoya l'examen au comité de liquidation, qui consulta l'Assemblée le 15 février suivant; et voici ce que porte, sur ce sujet, votre procès-verbal :
« Un membre du comité chargé de la liquidation de l'arriéré des départements a demandé à 1 Assemblée une explication de l'article 9 du décret qui a établi ce comité, cet article étant conçu en ces termes : « Le comité rendra compte a l'Assemblée de chaque partie de la dette, à mesure qu'elle aura été vérifiée et lui soum> ttra le jugement de celles qui pourraient être contestées. »
« L'Assemblée a jugé que, conformément à son décret du 20 octobre dernier, le conseil du roi devait continuer les apurements décomptés dontil est saisi ; et que si, après l'apurement d'un compte ou d'une indemnité, elle les renvoyait elle-même et y trouvait quelques méprises, elle déciderait alors ce qui serait convenable à cet égard. »
Ces dernières paroles semblent un trait de-lumière : le conseil continuera de liquider la dette publique, mais l'Assemblée pourra revoir son jugement; et si elle reconuaît des méprises, décider Ce qu'elle jugera convenable. Ainsi, dans cette matière, les arrêts du conseil ne sont plus que des avis préparatoires, sujets à la revision de 1 Assemblée, comme les avis du district sur les affaires dont la décision appartient au direc toire du département, comme les arrêtés du département dans toutes les matières dont la décision souveraine est laissée au roi ou attribué au Corps législatif.
Il est clair que votre décret du 15 février s'applique au moins à tous les arrêts du conseil postérieurs aux décrets, soit qu'ils soient ou non contradictoires; car il ne fait point d'exception. Il s'applique aussi au fond de la décision, et non à de simples erreurs de calcul; car il ne distingue pas le genre de méprise. L'exception est générale. D'ailleurs, il ne faut point de revision pour des erreurs de calcul; il suffit qu'elles puissent être constatées par le calcul même.
Le décret du 17 juillet 1790 sur les fonctions du comité de liquidation, justifie déplus en plus cette explication d'un texte qui n'a guère besoin de commentaire.
Art. 1er.
Nulle créance sur le Trésor public ne peut être admise qu'en vertu d'un décret sanctionné par le roi. L'Assemblée se réserve donc de décider elle-même sur toutes les créances de l'Etat reconnues ou non par les tribunaux.
Art. 2.
« En exécution du décret sanctionné du 22 janvier, et de la décision du 15 février dernier aucunes créances arriérées ne seront présentées à l Assemblée nationale, pour être définitivement reconnues ou rejetées, qu'après avoir été soumises a l examen du comité de liquidation, dont les délibérations ne pourront être prises que par les deux tiers au moins des membres de ce comité; et lorsque le rapport du comité devra être fait à 1 Assemblee, il sera imprimé et distribué dans la huitaine avant d'être mis à l'ordre du jour
« Néanmoins les vérifications et apurements des comptes, dont les chambres des comptes ou autres tribunaux peuvent être saisis actuellement, continueront provisoirement, et jusqu'à la nouvelle organisation des tribunaux et l'établissement des règles fixes sur la comptabilité, à s effectuer comme ci-devant, suivant les formes ordinaires ».
L'Assemblée veut donc que toutes les créances soient soumises à l'examen, c'est-à-dire au jugement préparatoire de son comité, pour lui être présentees ensuite à elle-même, afin qu'elles soient définitivement reconnues ou rejetées il n'y a de définitif que ce jugement de l'Assemblée : néanmoins les chambn s des comptes et autres tribunaux, ce qui comprend le conseil, jugeront provisoirement ; mais l'Assemblée prononcera définitivement.
Ou ne doute pas que les ordonnateurs, les ministres, les tribunaux qui ont rejeté une créance et qui, a cet égard, sont sur la même ligne, ne l'aient tait que pour de bonnes raisons. Mais s'ils l'ont admise, on doute alors, et l'on veut juger s'ils l ont lait d après de justes motifs. Au premier cas seulement, point d'examen de l'Assemblée, ni de son comité. C'est ee qui résulte de l'article 3, dont voici les termes :
- « Une créance qui aura été rejetée dans les formes légalement autorisées jusqu'ici par les ordonnateurs, ministres du roi, chambres des comptes ou autres tribunaux, ne pourra être nré-Se?le« a,i comité de liquidation. »
La tin de non-recevoic tirée de la chose jugée, l'autre nS 06 C3Sî 6lle n'a donc pas lieu dans l'autre:
Voici qui semble encore plus décisif; c'est l'ar
Loi du
Art. 8.
« Il sera procédé, en la manière accoutumée, à l'examen et à la vérification des indemnités qui pourraient être dues aux fermiers ou sous-fermiers actuels des messageries, soit pour les non-jouissances forcées par les circonstances, soit pour la résiliation de tout ou partie de leurs baux, et au partage des indemnités entre les différentes compagnies ou particuliers qui y prétendraient droit ; pour les décisions qui seront intervenues et les débats qui pourraient être présentés contre lesdits résultats, être portés au comité de liquidation, qui en rendra compte à l'Assemblée : le tout en conformité du décret du 17 juillet, relatif aux créances arriérées et aux fonctions de son comité de liquidation. »
Il faut donc avouer que les arrêts du conseil rendus en la manière accoutumée, ce qui n'exclut pas sans doute les arrêts contradictoires, doivent être revus, ainsi que les raisons ou débats qui peuvent être présentés pour les combattre ; et revus où ? Dans votre comité préparatoirement, et définitivement dans cette Assemblée.
Reprenons en peu de paroles.
Dans l'ancien régime, les principes ne reconnaissent point l'autorité du conseil, en matière contentieuse.
Dans l'ancien régime, il est de fait que le conseil cassait, en cette matière, comme en toute autre, sous prétexte d'injustice évidente; et le conseil lui-môme, après avoir cassé faisait un nouveau jugement sur le fond. Pourquoi l'Assemblée n'exercerait-elle pas, en matière de finances, le même pouvoir qu'avait le conseil et dans la même étendue ? Après la Constitution, c'est le principal objet de notre mission que de juger la dette et de la liquider par nous-mêmes, et non par des juges de cassation. Les immenses détails de vos finances ne permettent pas ces longueurs. Jugez donc vous-mêmes, et liquidez prompte-ment suivant vos propres décrets; jugez, en cette matières, les justices du royaume; il y va de la prospérité de l'Empire.
Cependant, Messieurs, votre comité central s'est trouvé partagé sur ce point ; et la majorité s'est réunie à vous proposer un avis mitoyen qui c n-sisteà distinguer les arrêts du conseil aniérieurs à l'époque du 15 février 1790, où vous semblez avoir clairement réduit le conseil à donner un simple avis préparatoire de votre jugement définitif. A l'égard de ces arrêts antérieurs, vous devez peut-être suivre les anciennes formes, puisque les parties avaient pu compter que vous les observeriez; du moins vous ne devez juger vous-mêmes une seconde fois, que d'après des ouvertures de cassation. Quant aux arrêts postérieurs, pourquoi n'observeriez-vous pas, à la lettre, votre décret du 15 fevrier ? Soit qu'il y ait ou non des moyens de cassation, ce décret vous réserve en tous les cas la décision définitive. La loi du 29 août ne présente aucun doute sur ce point.
Voici le projet que je suis chargé de vous présenter :
projet de décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, décrète qu'en fait de liquidation de créances et d'indemnités jugées à la charge de la nation, ce comité tiendra, pour titres valables et exécutoires, les arrêts qu'il estimera ne pouvoir être attaqués, par voie de cassation ni de requête civile; à l'exception néanmoins des arrêts du conseil, rendus même contra-dictoirement, depuis le 15 février 1790, lesquels demeureront sujets dans tous les cas à la revision de l'Assemblée nationale. »
La question qui est soumise à l'Assemblée par le comité central de liquidation mérite un sérieux examen; je demande l'impression du rapport que vous venez d'entendre et je propose que le projet de décret du comité ne soit mis en délibération que deux jours après cette impression.
(La motion de M. d'André est décrétée).
au nom du comité d'aliénation, présente un projet de décret portant vente de biens nationaux à diverses municipalités.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï son comité de l'aliénation des domaines nationaux, déclare vendre aux municipalités ci-après les biens mentionnés en leurs soumissions, et ce, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, savoir ;
Département de l'Oise.
A la municipalité de Plessis-Bryon.......... 9,372 V » s. » » 1.
A celle de Feuquières. 37,598
Département de l'Aube.
A la municipalité d'Er-vy.................... 129,000 1. » s. » d
Département du Gers.
A la municipalité d'Or-dan................... 27,710 i. » s. » d.
Département du Finistère.
A la municipalité de Sizun................. 61,474 1.17 s. 3 d.
Département des Côtes-du-Nord.
A la municipalité de Saint-Brieuc........... 238,184 1. 18 s. » d.
Département de la Loire-Inférieure.
A la municipalité de Granchamp........... 29,229 1. 15 s. » d.
A celle de Couept.... 15,302 2
Département d'Ille-et- Vilaine.
A la municipalité de Rannée.............. 83,461 1. s. 4 4.
Département de la Loire-Inférieure.
A la municipalité de Couëron............... 4,520 1. » s. » d.
A celle de Nort...... 97,867 1. 14 s. » d.
Département de Maine-et-Loire.
A la municipalité de Chalonnes............. 37,605 1. » s. » d.
Département des Vosges.
A la municipalité de Soncour............... 11,353 1. 17 s. 6 d.
A celle d'AUigneville. 22,105 1
« Le tout payable de la manière déterminée par ledit décret du 14 mai 1790. »
(Ce décret est adopté.)
au nom des comités des finances et de la caisse de l'extraordinaire (1). Messieurs, vous avez renvoyé aux comités des finances et de la caisse de l'extraordinaire le rapport qui vous fut fait il y a quelque temps sur les besoins et sur la situation du Trésor public (2). Je vous apporte en leur nom les explications que vous avez paru désirer: nous espérons qu'elles vont fixer toutes les idées sur l'état présent et dissiper entièrement les inquiétudes sur l'avenir...
Plusieurs membres à droite : Ah I Ah !
Tel est du moins le but que nous nous sommes proposé en commençant ce travail. Plus nous approchons du moment où nos fonctions doivent cesser, plus il est nécessaire que la situation des finances soit connue de tous les citoyens de l'Empire comme de vous-mêmes. La confiance n'est solide que lorsqu'elle est éclairée. Vous ne voulez, dans aucun genre, usurper celle qui vous est due.
Avant d'entrer dans les détails du compte que nous allons vous rendre, nous vous prions de vous reporter a l'époque de votre décret du 27 janvier dernier. A celte époque ainsi qu'à toutes les précédentes, l'Assemblée nationale recevait de l'ordonnateur du Trésor public de fréquentes demandes de fonds, et de fréquents états de dépenses : ces derniers étaient formés,\non seulement des objets qui composent ce que nous appelons dépeoses annuelles, mais encore des payements de tout genre qu'il était d'usage d'effectuer au Trésor. Là se trouvaient confondus, avec les dépenses de l'année courante, les remboursements d'anticipations, d'emprunts à terme, d'arriérés de tous les départements ; le tout au hasard et d'une manière souvent incomplète. Les moindres inconvénients de ce mélange d'objets, correspondant à tant d'époques diverses, étaient de compliquer une administration sur laquelle il est si essentiel que tout le monde puisse avoir des idées nettes, et d'entretenir de fâcheuses incertitudes sur l'emploi des capitaux que vous consacrez à la libération générale.
Le 27 janvier vous résolûtes de faire cesser cette confusion : vous
décrétâtes en conséquence
Par la première, vous prescriviez au directeur du Trésor public de vous remettre l'état des dépenses non acquittées de l'année 1790.
Par la seconde, vous lui demandiez l'état des besoins de la présente année, désormais isolée de toute autre.
Par la troisième, enfin, vous lui ordonniez d envoyer au directeur général de la liquidation létat de tous les remboursements exigibles et de 1 arriére de son département.
Vos ordres ont été exécutés. M. Dufresne a tourni les différents états qui lui étaient demandes par le décret du 27 janvier ; ces états sont imprimés et distribués depuis longtemps.
Vous êtes donc en état de statuer sur la suite des dispositions dont votre décret n'était pour ainsi dire que le préliminaire.
Votre intention doit être, et certainement elle est, que le Trésor public n'ait plus qu'une seule fonction, celle de recevoir les revenus de l'Etat et d acquitter régulièrement les seules dépenses
décret qUG V°US &V6Z déterminées par vos
Pour la fixation des dépenses, les états de M. Dufresne nous sont désormais inuliles. Nul projet, nul aperçu n'est recevable aujourd'hui, puisque nous avons une loi. Votre décret du 18 février fixe à 582,700,000 livres la dépense de l'an-nee, a la charge du Trésor public: cette somme doit y être versée en 1791, d'une manière quelconque ; vous devez y pourvoir, et à l'avenir vos revenus bien réglés doivent suffire à l'acquitter. C est de cette double surveillance que vous allez charger spécialement le nouveau comité de trésorerie.
Pour que l'exécution de ce plan soit simple, pour qu aucune confusion de mots ne soit favorable à a confusion des choses, il faut que, sans nuire à la fidélité due aux engagements, quelle que soit leur date, le Trésor public ne soit plus chargé de ceux antérieurs à la présente année, louie recette, autre que la recette ordinaire, lui est interdite ; toute dépense, autre que celle de I annee, doit de même lui être soustraite.
Tels sont les principes généraux d'où vont dériver les dispositions
particuliéres que nous aurons l'honneur de vous proposer, et dont nous
reporterons l'exécution au 1er janvier
dernier, pour qu enfin nous ayons établi d'une manière précisé l'ordre
qui doit subsister, et pour que nous ne laissions à nos successeurs
aucune partie du chaos à débrouiller.
Ce que le Trésor public n'acquittera pas, il faudra sans doute que la caisse de l'extraordinaire en soit chargée. Il ne s'agit pas ici de capituler avec des engagements ; vous voulez que toutes les dettes soient payées; vous voulez seulement qu elles soient bien constatées, qu'elles ne puissent plus vous être reproduites et que l'acquitte-tement ne nuise pas au service courant.
Nous vous proposons donc d'ordonner que toutes les dépenses de l'année 1790, non acquittées au 1er janvier dernier, soient payées par la caisse de l'extraordinaire, et que le compte final ?™n s intérêts de rentes échues au 1er juillet 1 /yo, soit soldé par la même caisse.
Alors l'état annuel sera composé, en dépenses de toutes celles que vous
aurez décrétées pour être faites depuis le 1er janvier d'une année
ius-quau 1er janvier de l'année suivante; et en arréragés de rentes et
pensions, du dernier se-
Il serait plus parfait, sans doute, que les rentes marchassent de front avec les dépenses ; que le jour de leurs échéances, un nombre suffisant de bureaux fût ouvert pour les acquitter toutes ; que l'ordre alphabétique fût aboli et que le hasard de la lettre initiale des noms de baptême n'influât point sur le sort de créanciers égaux en titre. Mais un payement de 150 millions, montant actuel d'un semestre, ne pourrait se faire avec cettë rapidité et cette régularité extrême, qu'en adoptant un système entièrement nouveau; et,en le supposant possible, il faudrait encore, pour l'instituer dès aujourd'hui, augmenter d'une somme considérable les charges de la caisse de l'extraordinaire déjà si obérée. Nous croyons donc remplir suffisamment vos vues d'ordre en faisant ouvrir le payement de chaque semestre le jour même de son échéance; et l'on peut dire, avec assez de raison, que, le second semestre de l'année dernière n'étant échu que le premier jour de celle-ci, la charge en appartient à l'année où nous sommes, et non à celle où cette dette n'existait pas .encore.
Les obligations du Trésor public étant clairement circonscrites par cette disposition générale, il est aisé d'en faire l'application aux détails de son état actuel.
Au 1er janvier dernier, le fonds de caisse du
Trésor était de 20,018.000 livres. Ses administrateurs, qui nous
l'attestent, en donneront sans doute la preuve par le compte de leur
administration antérieure à cette époque.
Depuis ce jour, le Trésor public est chargé par vos décrets de payer 582,700,000 livres par an, et par conséquent 145,675,000 livres par quartier. Qu'a-t-il reçu dans les trois premiers mois de cette année? C'est la seule question qu'en ce moment-ci nous ayons à lui faire. Quand il y aura répondu, vous aurez à lui fournir ce qui lui manque pour compléter 145,675,000 livres et rien au delà. Il en sera de même dans les quartiers suivants. Ce résultat sera toujours clair, toujours simple ; et c'est à quoi se borneront désormais tous nos calculs avec le Trésor public.
L'état de M. Dufresne, imprimé sous le nom d'aperçu, mais qui ajourd'hui doit être changé en état définitif, borne la recette du quartier de janvier à 78,065,000 livres. En partant de ce fait, vous devez y ajouter 75,610,000 livres pour compléter les fonds de ce quartier. Lorsque vous aurez remis cette somme au Trésor public, en Je dégageant de. tout autre service que celui de l'année, il se trouvera, au commencement du quartier actuel, avec le même fonds de caisse qu'il avait en commençant l'année, et c'est la seule avance qui lui soit nécessaire. 30 millions doivent suffire pour parer provisoirement aux non-valeurs dans les recettes du second quartier. Cependant vous avez fait remettre au Trésor public beaucoup plus, 75,610,000 livres, et vous vous rappelez à quelle somme s'élevaient les nouvelles demandes qui vous ont été faites en son nom : la cause en est simple. Suivant la méthode qui s'eét constamment pratiquée jusqu'à présent, et que nous proposons de proscrire, le Trésor public paye à la fois les deux semestres des rentes de 17y0, au lieu d'un seul ; il paye les restes de l'année dernière en même temps que les dépenses de l'année courante. Il avait continué le remboursement des anticipations à leur échéance ; il acquitte dans ce moment le culte de 1790 et celui de 1791 ; il a déjà payé une partie des objets dont, le 18 février, vous avez chargé la caisse de l'extraordinaire de fournir les fonds, sans déterminer l'époque de ce versement. C'est ainsi que, cumulant une foule d'objets faits pour être séparés, le Trésor public a des besoins immenses qui dérangent sans cesse vos combinaisons ; c'est ainsi que vous êtes toujours dans l'impossibilité d'apercevoir d'un coup d'œil votre véritable état de situation.
Vous voulez sortir de cette éternelle perplexité. Vous avez raison de le vouloir; c'est à nous à vous en présenter les moyens : vous les trouverez dans la seule disposition de renvoyer à l'arriéré, c'est-à-dire à la caisse de l'extraordinaire, tout objet étranger au service de cette année.
Pour l'exécution, vous avez trois choses à ordonner :
La première, que le Trésor public restitue immédiatement à la caisse de l'extraordinaire toutes les sommes qu'il en a reçues depuis le 1er janvier, et que cette restitution soit faite en argent ou en récépissés des différents payements qu'il a faits depuis cette époque sur les restes de l'annéo dernière, et sur les arrérages de rente appartenant au premier semestre 1790;
La deuxième, que la caisse de l'extraordinaire verseau Trésor public la somme de 75,610,000 livres pour suppléer aux recettes du quartier de janvier ;
La troisième, que la caisse de l'extraordinaire remplace au Trésor public toutes les avances qu'il a faites et qu'il fera, tant pour le traitement du clergé de 1790, que pour les objets énoncés dans l'article 4 du décret du 18 février dernier.
L'effet de ces trois décisions sera de mettre à l'instant même toutes les choses à Jeur véritable place : alors, si, pour la commodité du service, on juge utile de faire faire au Trésor public, même les payements dont il ne doit plus être chargé, et dont la caisse de l'extraordinaire devra fournir les fonds, l'ordre établi n'en sera pas: moins invariable. Le Trésor public, remboursé par la caisse de l'extraordinaire en masse, à mesure qu'il lui remettra la preuve des payements en détail, n'agira que comme dépositaire et n'aura plus à vous fatiguer de se3 continuelles réclamations.
Vous sentez, Messieurs, combien les trois dispositions précédentes vont porter d'ordre et de clarté dans l'état habituel du Trésor public; mais il ne faut pas nous dissimuler l'immensité des charges que la disette des revenus accumule sur la caisse de l'extraordinaire. Les assignats qu'elle renferme sont l'espoir de la France et ont assuré le succès de la Révolution. C'est une raison de plus d'en être économe et de hâter le rétablissement des revenus publics, sans lesquels il ne peut exister ni ordre durable, ni liberté, ni Constitution. il est évident ^ue, dans l'ordre actuel des choses, la plus impérieuse nécessité nous commande de grands sacrifices, mais il est de notre devoir d'en mesurer l'étendue; et il ne nous est permis de faire illusion sur ce point, ni à la nation, ni à nous-mêmes.
Vous savez qu'au 1er janvier dernier la caisse de l'extraordinaire avait fourni au Trésor public, y compris ce qui lui restait à rembourser des anciens billets de la caisse d'escompte et des promesses d'assignats, 524;095,000 livres.
Nous vous avons démontré que, en terminant les comptes antérieurs au
service de la présente an-
Et pour l'arriéré des dépenses de 1790, 48,537,750
Total..... 138,568,250 liv.
Cette somme, jointe à la précédente, forme un total de 662,663,250 livres, évidemment consommées au lep janvier dernier sur les 1,200 millions d'assignats créés par vos décrets d'avril et de septembre 1790.
Il est vrai que dans cette somme de 662,663,250 livres se trouvent
compris 236 millions d'anticipations remboursées dans l'année 1789 et
1790, et les sommes qui ont opéré le rapprochement de toutes les rentes;
mais cette observation ne sert qu'à repousser les calculs exagérés que
l'on se plaît à faire des dépenses autorisées par l'Assemblée nationale,
et ne change rien au calcul vrai et important qui réduit a 537,336,750
livres, la somme des assignats de la première et de la seconde émission
dont vous pouviez encore disposer au 1er
janvier 1791.
Vous avez vu, dans le cours de ce rapport, combien le service de cette année exigerait encore de secours : vous n'hésiterez pas à les donner; mais vous presserez le travail dont le résultat sera de mettre un terme à ce dangereux emploi de nos capitaux. Heureusement le patriotisme et la sagesse de vos combinaisons ont élevé le prix des domaines nationaux à une valeur qui remplacera toutes nos avances; mais les contribuables eux-mêmes doivent sentir que, si l'on prodiguait plus longtemps ce trésor, le poids des charges qu'il est destiné à éteindre et qu'il n'éteindrait pas, retomberait tout entier sur eux, et les accablerait. C'est donc leur propre intérêt qui sollicite de vous une prompte répartition de l'impôt, et qui leur ordonne de s'y soumettre avec le même zèle qu'ils ont déployé pour la cause de la liberté.
Voici les trois projets de décret que nous vous proposons :
premier projet de décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des finances et de la caisse de l'extraordinaire, décrète ce qui suit :
« Art. ler. Toutes les dépenses de l'État
faites avant le 1er janvier 1791, mais non
encore soldées à ladite époque, et les intérêts des rentes et pensions
dues par l'Etat à l'échéance du 1er juillet
1790, non soldés au 1er janvier dernier,
seront acquittés en masse par la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 2. Les états contenant ce qui restait dû au 1err janvier 1791, desdites dépenses, et au
1er janvier 1790 desdites rentes et
pensions, certifiés par les différents payeurs, et visés par les
ordonnateurs du Trésor public, seront remis au commissaire du roi de la
caisse de l'extraordinaire, qui sera tenu d'en faire verser les fonds au
Trésor public, à mesure des besoins.
« Art. 3. Le Trésor public rendra à la caisse de l'extraordinaire les
sommes qu'elle lui a versées depuis le 1er
janvier 1791 ; cette restitution sera faite soit en nature, soit en
récépissés des différents payeurs chargés d'exécuter les payements
compris dans lesdits états.
« Art. 4. Le comité central de liquidation et les commissaires de la caisse de l'extraordinaire surveilleront l'exécution du présent décret. »
deuxième projet de décret.
« L'Assemblée nationale,voulant établir un ordre permanent dans l'administration des finances, et séparer entièrement les dépenses qu'elle a décrétées pour l'année 1791, d'avec les dépenses des années antérieures, ouï le rapport des comités des finances et de l'extraordinaire, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Le directeur général du Trésor
public présentera l'état général de toutes les sommes qui y ont été
versées avant le 1er janvier 1791, provenant
tant des receltes ordinaires, que des emprunts, des dons patriotiques,
de la contribution patriotique, de la caisse de l'extraordinaire et
autres recouvrements, ainsi que de tous les versements faits sous ses
ordres dans les différentes caisses, et des payements faits directement
par le Trésor public, tant pour les dépenses de l'Etat jusqu'au 1er
janvier 1791, que pour les intérêts de créances de tout genre jusqu'au
1er juillet 1790.
« Art. 2. Le service du Trésor public, dans l'année 1791, sera composé de
toutes les dépenses décrétées par l'Assemblée nationale, pour être
faites depuis le 1er janvier 1791 jusqu'au
1er janvier 1792, et de tous les
intérêts de rentes et pensions depuis le 1er
juillet 1790 jusqu'au l6r juillet 1791.
« Art. 3. La somme desdites dépenses et desdits intérêts de rentes et pensions étant fixée, par le décret du 18 févrierdernier,à582,700,000 livres pour l'année 1791, le quart de ladite somme montant à 145,675,000 livres sera versé au Trésor public dans les 3 mois de chaque quartier, soit par les revenus ordinaires de l'Etat, soit par la caisse de l'extraordinaire, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale.
» Art. 4. D'après l'état des recettes ordinaires qui seront effectuées chaque mois, l'Assemblée nationale jugera, à la fin de chaque quartier, des besoins du Trésor public, et décrétera des secours s'il y a lieu.
« Art. 5. L'état des recettes présenté par le directeur du Trésor public pour les 3 premiers mois de la présente année, ne s'élevant qu'à la somme de 70,650,000 livres, la caisse de l'extraordinaire versera audit Trésor, par supplément, celle de 75,600,000 livres. »
troisième projet de décret.
« L'Assemblée nationale décrète :
« Art. 1er. La dépense du culte de l'année
entière 1790 et les traitements des ecclésiastiques supprimés pendant
les 6 premiers mois de ladite année seront payés par la caisse de
l'extraordinaire sur les revenus des biens ecclésiastiques et sur les
dîmes de l'année 1790.
« Art. 2. La caisse de l'extraordinaire fera l'avance des sommes qui seront nécessaires pour acquitter lesdits payements sans délai, sauf à les reprendre sur les revenus qui lui rentreront, et dont elle pressera le recouvrement; en cas d'insuffisance desdits revenus, la caisse de l'extraordinaire y suppléera.
« Art. 3. Les dépenses énoncées dans l'article 4 du décret du 18 février dernier, sous le nom de dépenses particulières à l'année 1791, seront remboursées au Trésor public par la caisse de l'extraordinaire.
Art. 4. L'Assemblée nationale fixera par un
Un membre demande l'impression du rapport et l'ajournement de la délibération. (Marques d'assentiment.)
(L'Assemblée repousse cette motion.)
Le même membre restreint sa motion à l'impression du rapport et déclare qu'il ne s'oppose plus à ce que la délibération soit ouverte maintenant sur les projets de décret.
(L'Assemblée décrète que la discussion aura lieu immédiatement sous la réserve de statuer, lorsqu'elle sera finie, sur la demande d'impression.)
Vous vous souvenez de la dernière demande faite par le Trésor public d'une somme de 150 millions. M. Camus observa alors qu'une somme de 20 millions suffisait provisoirement, si le Trésor public se bornait à acquitter les dépenses de l'année. Vous décrétâtes un secours provisoire de 50 millions; mais personne ne répondit à la remarque que fit M. Camus que la caisse de l'extraordinaire avait remboursé 11 millions indûment payés par le Trésor public. Gomme cette remarque a jeté de l'inquiétude dans quelques esprits, je désirerais que M. Camus nous donnât des éclaircissements à ce sujet.
Jusqu'ici, malgré les intentions que vous aviez manifestées, le Trésor public demandait continuellement des fonds qu'il appliquait arbitrairement à différentes dépenses qui n'entraient pas dans la dépense de l'année, qu'il appliquait même à d'autres objets qu'à ceux que vous aviez désignés. C'est pour arrêter ce désordre que vous avez rendu, le mois dernier, un décret par lequel vous ordonnez que Je Trésor public ne payerait plus aucune espèce d'objet arriéré, et que même la caisse de l'extraordinaire lui rembourserait tous les objets de cette nature qu'il aurait déjà acquittés. C'est en exécution de ce décret, que la caisse de l'extraordinaire a fourni au Trésor 11 millions, mais que le Trésor public avait indûment payés.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
rapporteur, donne lecture de l'article du premier projet qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des finances et de la caisse de l'extraordinaire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Toutes les dépenses de l'Etat faites avant le 1er janvier 1791, mais non encore soldées à ladite époque, et
les arrérages des rentes et pensions dues par l'Etat à l'échéance du
1er juillet 1790, non soldés au 1er janvier dernier, seront acquittés en
masse par la caisse de l'extraordinaire. »
Un membre : Je propose d'ajouter à la disposition portant que les dépenses de 1790 seront acquittées en masse par la caisse de l'extraordinaire la clause suivante : « d'après un arrêt détaillé et signé par le directeur général du Trésor public, n
Plusieurs membres : La question préalable!
(L'Assemblée rejette l'amendement par la question préalable et adopte l'article 1er.)
rapporteur, donne lecture des articles 2, 3 et 4 du premier projet :
Art 2.
« Les états contenant ce qui restait dû au 1er janvier 1791, desdites dépenses, et au 1er juillet 1790 desdites rentes et pensions, certifiés par les différents payeurs, et visés par les ordonnateurs de la trésorerie nationale, seront remis au commissaire du roi de la caisse de l'extraordinaire qui sera tenu d'en faire verser les fonds à lâ trésorerie nationale, à mesure des besoins. »> (Adopté.)
Art. 3.
« La trésorerie nationale rendra à la caisse de I extraordinaire les sommes qu'elle lui a versées depuis le 1er janvier 1791; cette restitution sera faite, soit en nature, soit en récépissés des différents payeurs chargés d'exécuter les payements compris dans lesdits états. » (Adopté.)
Art. 4.
« Le comité central de liquidation et les commissaires de la caisse de l'extraordinaire surveilleront l'exécution du présent décret. » (Adopté.)
Je demande une disposition additionnelle. Il ne faut pas vous dissimuler que . toutes les fois qu'on a voulu faire exécuter littéralement vos décrets, on y a trouvé des embarras et des difficultés; et c'est pour cela que, par le passé, on a payé l'arriéré avec les fonds qui etaient faits pour 1790. Je propose donc la disposition additionnelle suivante qui formerait le second paragraphe de l'article 4 :
« Le comité central de liquidation et celui de lextraordinaire, réunis, feront imprimer au moins chaque mois, et distribuer à domicile, le rapport de ce qu'ils auront fait dans le cours du mois pour l'exécution des précédents articles. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture des articles du deuxième projet :
« L'Assemblée nationale voulant établir un ordre permanent dans l'administration des finances, et séparer entièrement les dépenses qu'elle a décrétées pour l'année 1791, d'avec les dépenses des années antérieures, ouï Je rapport des comités des finances et de l'extraordinaire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le directeur général du Trésor public présentera l'état général de
toutes les sommes qui y out été versées avant le 1er janvier 1791, provenant tant des recettes ordinaires que
des emprunts, des dons patriotiques, de la contribution patriotique, de
la caisse de l'extraordinaire et autres recouvrements, ainsi que tous
les versements faits sous ses ordres dans les différentes caisses, et
des payements faits directement par le Trésor public, tant pour les
dépenses de l'Etat jusqu'au 1er janvier
1791, que pour les intérêts
,decréancesdetoutgenrejusqu'aulerjuilletl790. » (Adopté.)
Art. 2.
« Le service de la trésorerie nationale dans l'année 1791 sera composé de
toutes les dépen- er janvier 1791,
jusqu'au 1er janvier 1792, et de tous les
arrérages de rentes et pensions depuis le 1er juillet 1790, jusqu'au 1er
juillet 1791. » (Adopté.)
Art. 3.
« La somme desdites dépenses et desdits arrérages de rentes et pensions étant fixée, par le décret du 18 février dernier, à 582,700,000 livres pour l'année 1791, le quart de ladite somme, montant à 145,675,000 livres sera versé à la trésorerie nationale dans les trois mois de chaque quartier, soit par les revenus ordinaires de l'Etat, soit par la caisse de l'extraordinaire, en vertu des décrets de l'Assemblée nationale. » (Adopté.)
Art. 4.
« D'après l'état des recettes ordinaires qui seront effectuées mois par mois, l'Assemblée nationale jugera, à la fin de chaque quartier, des besoins de la trésorerie nationale, et décrétera des secours, s'il y a lieu. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 5 du ueuxième projet. Cet article est ainsi conçu :
« L'état des recettes présenté par le directeur du Trésor public pour les trois premiers mois de la présente année, ne s'élevant qu'à la somme de 70,650,000 livres, la caisse de l'extraordinaire versera audit Trésor, par supplément, celle de 75,600,000 livres. »
Un membre : Je propose deux amendements à l'article 5 : le premier consiste à substituer le mot aperçu à celui d'état; le second a pour objet, en indiquant clairement la liaison de cet article avec l'article 3 du précédent décret, de prévenir l'erreur de ceux qui penseraient qu'il s'agit d'un nouveau versement effectif de 75,600,000 livres à la trésorerie nationale.
rapporteur. J'adopte les deux amendements et voici la rédaction que je propose pour l'article 5 :
« Art. 5. L'aperçu des recettes présenté par le directeur du Trésor
public pour les trois premiers mois de la présente année, ne s'élevant
qu'à la somme de 70,065,000 livres, et l'Assemblée nationale ayant
décrété, par l'article 3 du décret de ce jourd'nui, sur l'acquit des
dépenses arriérées, que la trésorerie nationale rendrait à la caisse de
l'extraordinaire tout ce qu'elle en avait reçu depuis le 1er janvier dernier; la caisso de
l'extraordinaire versera à ladite trésorerie," par supplément, celle de
75,600,000 livres. » (Adopté.)
L'objet capital du décret qui vous est présenté, c'est de mettre une
ligne de démarcation entre tout ce qui est antérieur au 1er janvier 1791, et ce qui est postérieur à
cette époque.
J'observe ensuite qu'il y a des détails, qui ne sont pas clairs. Par exemple, il pourrait arriver, d'après l'article 5, qu'on pourrait croire que la recette de ces trois premiers mois n'a monté qu'à 7 millions et que ce qu'il faut pour parvenir au surplus de la dépense, est de 75 millions; et ce fait n'est pas vrai, parce que, après examen fait de la recette et de la dépense portées dans les derniers aperçus de M. Dufresne, il en résulte que la recette n'est pas portée assez haut, et que la dépense est portée trop haut.
La recette n'est pas portée assez haut parce que, dans cet aperçu, on n'a pas compris le produit du droit d'enregistrement et celui du timbre pour les sommes qu'ils ont réellement rapportées, notamment dans la ville de Paris. Il est certain que ces deux impôts ont monté beaucoup plus haut que l'on comptait. D'après cela la recette montera au-dessus de 70 millions.
M. Dufresne, en donnant l'état de ce qui a été payé, a été rechercher tout ce qui était dû par exemple des arrérages de pensions ou de rentes de 1786, 1787, 1788, 1789 et 1790; il vous a demandé la totalité de cette somme là. Or, ce n'est pas ainsi que l'on doit opérer dans une dépense aussi considérable que celle du royaume. Il y a toujours des parties qui ne sont pas payées dans l'année de leur échéance. Gela est si vrai que vous avez encore de l'arriéré, non pas par la faute du gouvernement, mais à raison soit de la négligence des parties, soit de différentes affaires de famille. Il n'est donc pas juste de vous demander aujourd'hui, en 1791, vingt millions par exemple pour rembourser ceux qui...
Plusieurs membres à gauche, s'adressant à un groupe de députés de la droite qui causent : A l'ordre! à l'ordre!
Nous pouvons parler sans troubler l'ordre du public; et comme ce sont des comptes embrouillés et en désordre, nous ne voulons pas les entendre, car nous n'y comprenons rien.
J'observe qu'on n'est pas dans l'Assemblée pour faire des conversations particulières ; et ceux qui veulent parler n'ont qu'à sortir de la salle.
J'appuie la motion de M. le Président et je demande, si l'Assemblée veut en délibérer, qu'elle rende un décret pour cela; je m'y soumettrai sur-le-champ avec le plus grand plaisir, et j'irai causer ailleurs. (Murmures.)
Je disais donc qu'il ne fallait pas demander une somme de 20 millions pour des dépenses passées. G'est en confondant ainsi toutes les dépenses que le désordre s'introduit dans la comptabilité; et c'est de là qu'est résulté le juste effroi qu'a donné la première demande faite par M. de Gernon, le 26 mars. Il est certain que la somme qu'il demandait était excessive.
Pour parvenir à ce que nous désirons, à une bonne comptabilité, il faut
que dans le mois d'avril l'ordonnateur du Trésor public nous apporte la
masse des recettes réelles, et en supposant, par exemple, que cette
recette monte à 80 millions au lieu ue 70, alors on imputera 10 millions
sur le quartier suivant. Je demande que l'ordonnateur du Trésor public
soit obligé de présenter, non pas un aperçu, mais un relevé exact du
produit de ce qui a été versé au Trésor public, et notamment par les
droits d'enregistrement et de timbre, jusqu'au 31 mars dernier; qu'il
soit également tenu de donner l'état effectif de toutes les dépenses qui
ont été faites jusqu'au 31 mars; et que, sur les versements à faire dans
le courant du trimestre d'avril, on diminue les sommes qui n'ont pas été
payées dans les premiers trimestres, et celles qui ont été perçues au
delà de ce que portait l'état. En
« Art. 6. Le directeur ae ia nale sera tenu de tournir dans le courant de ce mois l'etat exact des sorames qui oot 6ts ree le mpnt npivnes atin que 1 excedaot de ce qui a " 55 ce qui avait ete presume devojr I'ptrp qoit deduit sur lis fonds a tournir a id. I1!6' ®?"„„SlB dans le present trimestre.
Il sera fait un tableau distinct, dans cet etat de receUes, de celles qui appartiennent a la nreserfte ann6e, et de celles qui appartiennent aux annees anterieures. Le aieme ordre sera observe fravenir dans chaque trimestre. »
J'adopte cet article additionnel.
(L,arUcle 6 nouveau est decrete.)
rapporteur. donne lecture de l'article 1er du
troisiéme projet, qui est ainsi conçu:
L'Assemblée nationale décréte:
Art. 1er. « La dépense du culte de l'année
entière 1790 et les six premiers mois de ladite année des traitements
des ecclésiastiques pensionnes seront pavés par la caisse de
l'extraordinaire sur les revenus des biens ecclésiastiques et sur les
dîmes de l'année 1790. (Adopté.)
Un member Je propose de substituer le mot pensionnés au mot supprimés
rapporteur. J'adopte Pamendement. L'arlicle serait dones ainsi redige.
« L'Assemblee nationale decrte ce qui suit.
rapporteur, donne lecture des articles 2, 3 et 4 du troisième projet :
Art. 1er
« La dSpeQse du culte de l'annSe entire 1790 et les six premiers mois de ladite ann6e des traitements des ecclesiastiques pensionnes seront navSs par la caisse de l'extraordinaire sur ep revenus des biens ecclesiastiques et sur les dimes de Tann6e 1790. (Adopte.)
Art. 2.
« La caisse de l'extraordinaire fera l'avance des sommes qui seront nécessaires pour acquitter le dits payements sans délai, sauf a les reprendre sur les revenus qui lui rentreront et dont elle pressera le recouvrement; en cas dmsum-sance desdits revenus, la caisse de 1 extraordinaire y suppléera. » (Adopté.)
Art. 3.
« Les dépenses énoncées dans l'article 4 du décret du 18 février dernier, sous le nom de dépenses particulières à l'année 1791, seront remboursées au Trésor public par la caisse de l'extraordinaire.(Adopté.)
Art. 4.
« L'Assemblée nationale fixera par un décret au commencement ou dans le cours de chaque auartier, la somme qui devra etre versee au Trésor public pour acquitter lesdites dépenses. »
^Assemblée décrète l'impression du rapport de M. de Montesquiou, sur lequel elle vient de rendre les trois derniers décrets.)
D'après l'ordre du jour, l'Assemblée devrait reprendre ua délibération «r wanisation de la marine; mais meure très avancée ne permettant pas d'entreprendre la discussion d'une matière aussi importante, je nronose de terminer la séance par un court rapport du comité militaire sur une proposition relative à l'artillerie.
(Cette motion est decretée.)
Avant d'accorder la. parole du rapporteur du comité militaire, je vais faire donnePrPîecmre à l'Assemblée,par un secretaire de différentes lettres qui viennent de meire adressées.
Un de MM. les secrétaires donne lecture de ces différentes lettres;
Lettre du ministre de la justice.
« Monsieur le Président,
« Je crois devoir demander à.^embleei nationale l'interprétation des articles 2 et 3 de la ni di 2 mars ie vais lui soumettre les doutes qui se so^t élevés sur leurs véritables sens et qui Se peuvent être fixés que par'elle.
« En exécution de l'article 3, qui porte, en termes généraux et exprès, que les accuses( détenus seront incessamment remis en liber te, les nortes des prisons leur ont ete ouvertes. M. Des combiers seul y a été retenu, rnntrp ceux OUÏ ont UOlliie iuiuio up les officiers municipaux, d'enlever e drapeau rouge l'Assemblée he peut pas avoir compris dan! l'amnistie qu'elle accorâe, ceux qui sont aTonSfpCenTe"fin que, relativement cet accusé les procédures existent dans toute leur force puisque, d'après la disposition de l'article ï la loi n'a regardé comme-non avenues que les procédures commencées sur les autres éveue-Es M Descombiers demande sa liberté- e nmir l'obtenir, il invoque la loi même sur Celle s'appu ent ceux qui la lui refusent^! observe d'abord qu'on ne
bienfait de la liberté, puisque la loi dit, article 3, sans exception : Les accusés détenus seront mees-wmment mis en liberté.
TTes charges des anciennes procédures ne peuvent pas, selon lui, légitimer sa détention. Toute procédure criminelle étant essentiellement indivisible puisque la loi l'a anéantie relativement à un lait, elle ne peut exister pour un autre. Ce principe, ajoute-t-il, a été reconnu par
Vka E^effet si elle a ordonné sa poursuite, elle n'a pas dit que l'information serait.continuée; maiP elle a ordonné une nouvel e Vniri les termes de l'article : « " sem informe ItevanHe tribunal de
il je ne puis être en prison, puisquil n existe
P^e^supposant même que la nouvelle procédure fournisse contre moi assez
de preuves nour lég Smer un décret, je ne peux être retenu nour ce
moment en prison; car l'emprisonnement SHeut être que le résultat d'un
décret et le décret ne peut être que le résultat de l'information
ordonnée devant le tribunal d'Agde. Loin de douvo r être décrétée,
l'information n'es pas i Sre commencée; je ne peux donc perdre la
« Tel est, Monsieur le Président, l'état de la question qui se réduit au point de savoir si rAssemblée nationale a entendu, par l'article 3 de la loi du 2 mars, étendre le bienfait de l'amnistie sur tous les accusés indistinctement, sauf a poursuivre devant le tribunal d'Arles, les auteurs des crimes désignés dans l'article 2, ou bien si elle a voulu excepter de l'amnistie ceux oue la première procédure accuse des crimes dont Ja loi a ordonné l'information. Je vous prie de soumettre cette question à l'Assemblée nationale. »
« Je suis, etc.
« Signé; Duport. »
(L'Assemblée décrète que cette lettre sera renvoyee aux comités des recherches et des rapports.)
Lettre du ministre de la marine.
« Monsieur le Président, « Dans le nombre des officiers de la marine oui ont demandé leur retraite, je trouve celle de M de la Bintinaye, major de vaisseau, à qui mon prédécesseur la fait espérer, et qui aurait dû être expediée au mois de mars dernier, avant l'éoo-que fixée précédemment pour le travail des pensions; mais comme il n'en a pu être accordé aucune depuis deux ans, cet officier est resté inscrit sur le tableau de la marine.
«lia renouvelé sa demande en 1790 parce quil est souvent incommodé des douleurs ou'il éprouvé, et dont le principe est l'amputation qui lui a été faite, après avoir perdu un bras au combat de Ja Surveillante, en 1779 Ainsi son vœu est bien prononcé ; et iJ n'a pas dépendu de lui de ne pas être retiré depuis Je commencement de J'année dernière.
« Cependant, comme il m'a écrit depuis peu pour m annoncer qu'étant sorti de France après son itérative demande, iJ ne voulait pas v ren-
î,oer;^Je du0is',P°nr me conformer à la loi du 22 décembre 1790, considérer M. de la Binti-nave comme n'étant plus au service à compter de 1 époque à laquelle le délai accordé par cette loi a dû expirer. Je vais prendre les ordres du roi en conséquence; et je proposerais à sa Majesté de nommer à l'emploi de cet officier « Je suis, etc.
« Signé :PE FLEURIEU. »
Lettre du ministre de la guerre.
« Monsieur le Président, « Je crois devoir envoyer à l'Assemblée nationale les détails des événements fâcheux oui viennent d'avoir lieuà Wissembourg ; ils sont contenus dans les lettres de M. Kellermann, dont
i?! Jî?eur de vous envoyer des copies. L Assemblee verra qu'ils ont eu pour cause la différence des opinions sur l'admission des soldats au club des Amis de la Constitution. »
Plusieurs membres à droite :Hem ! Hem ! Hem !
« Un décret de l'Assemblée nationale du 19 décembre dernier s'exprime ainsi :
« Art. 2. Il est défendu à Vavenir à toute asso-« ciation ou corporation d'entretenir, sous aucun
« prétexte, des correspondances avec les réqiments « français, suisses et étrangers qui composent l'ar-« mée. Il est pareillement défendu aux dits corps « a ouvrir ou de continuer depareillescorrespondan-« ces, à peine par les premiers d'être poursuivis « par les magistrats chargés du maintien des lois' « comme perturbateurs du repos public, et par les « seconds, d'être punis suivant la rigueur des or-« donnances. ».
« Les uns pensent que ces décrets interdisent absolument aux soldats d'entrer dans les dites sociétés ; les autres ne l'interprètent point d'une manière aussi sévère.
« Il y a environ deux mois que quelques commandants de troupes de ligne m'écrivirent que les sociétés des Amis de la Constitutions de villes avaient établi une correspondance avec les soldats et leur avaientenvoyé des invitations d'aller à leur séance; que plusieurs de leurs membres etaient venus dans les chambrées des soldats, pour les solliciter à cet effet ; que ceux-ci, sans le consentement de leurs officiers, s'étaient rendus a ces assemblées; qu'ils y étaient eux-mêmes reçus com m e membres ; qu'ils y délibéra ient, qu'ils y rendaient compte de ce qui se passait, à leur régiment; en un mot qu'on leur permettrait de parler sur toutes sortes de sujets.
« Les commandants crurent que c'était absolument defendu par le décret que j'ai cité : et comme les soldats n'avaient été à ces clubs que d après des démarches que ceux-ci n'auraient pas dû se permettre, ils leur défendirent d'y aller davantage. Ils m'en ont rendu compte, et je leur exprimai, par une lettre extrêmement courte, et qui n entre dans aucun détail, que leur conduite me paraissait convenable.
« On a donné, je ne sais pourquoi, de la publicité a cette lettre, dans laquelle les officiers généraux et autres commandants, qui n'approuvent pas que les soldats aillent dans ces sociétés, ont cru trouver la confirmation de leurs principes Ainsi ils défendent absolument aux soldats l'entrée de ces clubs. D'autres ne donnent pas une semblable interprétation à ma lettre, soit parce qu ils ont su les circonstances particulières auxquelles elle répondait, soit parce qu'ils n'avaient pas de raison d'empêcher les soldats d'aller entendre les discussions dont l'objet est d'expliquer et de faire respecter et aimer les lois sous lesquelles ils doivent vivre, comme les autres citoyens, pourvu toutefois qu'ils ne prennent point part aux délibérations.
« Comme je vois des patriotes également zélés sur cette matiere, je ne puis m'empêcher de désirer que l'Assemblée nationale veuille bien résoudre la question par un décret explicatif. Ou elle daigne se souvenir que le militaire doit obéir, non pas seulement à l'esprit, mais à la lettre de la loi ; ainsi, que toutes celles qui le concernent doivent être de dernière évidence et ne pas souffrir différentes interprétations.
« Lorsque l'Assemblée peut elle-même s'occuper de J objet que je viens de lui soumettre, je ne me permettrai assurément pas de déclarer mon opinion particulière; mais j'ose espérer qu'elle ne désapprouvera pas que, chargé de veiller à l'exécution de la loi, je lui présente quelques vues de détail, propres à en multiplier les avantages.
« Par exemple, si l'Assemblée décide, ainsi qu il me paraît naturel de le
penser, que les soldats ont le droit d'assister aux séances des Amis de
la Constitution, ne serait-il permis aux chefs de corps de faire les
règlements de discipline, d ordre, qui doivent s'étendre à toutes les
fonc-
Plusieurs membres : Cela n'est pas supportable !
« Je suis, etc.
« Signé : duportail. »
Copie d'une première lettre de M. Kellermann, maréchal de camp, commandant dans les troupes le département au Bas-Rhin à M. Duportail, ministre de la guerre.
« Wissembourg, le
« Monsieur le Ministre, « Je me suis rendu hier matin à Wissembourg, à cause de l'insurrection arrivée au régiment de Beauvoisis. En voici la cause :
« Avant-hier, à 5 heures après-midi, 7 ou 8 soldats de ce régiment allèrent, comme spectateurs, à la Société des amis de laConstitu-tion. Plusieurs officiers les attendirent à la sortie et les envoyèrent en prison, avec des menaces très dures et des propos également injurieux pour les soldats et pour la Société. Les soldats se rendirent en prison. Leurs camarades, l'ayant appris, allèrent chez le colonel pour le prier de leur faire grâce. Il l'a refusée. Après l'appel, le désordre a commencé. Les grenadiers ont déposé les drapeaux du quartier et la caisse chez le commandant de la place ; il y a eu un premier coup de donné. On a fait battre la générale : les officiers disent que ce sont les soldats, et les soldats disent que ce sont les officiers. Le désordre a augmenté ; il est enfin arrivé au point que 5 ou 6 officiers et 7 ou 8 soldais ont été blessés. Vers une heure du matin, le tumulte a été calmé, et tout était tranquille à mon arrivée. J'ai fait assembler le régiment et, avant de rien entendre, j'ai ordonné que les drapeaux et la caisse fussent remis à leur place : ce qui a été fait sur-le-champ.
« Dansla journée d'hier j'ai reçu les dépositions des officiers et des soldats. Ce matin plusieurs citoyens font les leurs ; je les enverrai aujourd'hui à M. Guelp qui vous les fera passer, afin que vous ordonniez surcet article. En attendant, il est nécessaire que le régiment sorte d'ici pour aller à Strasbourg. J'attends pour cela les ordres de M. Guelp, à qui j'ai rendu compte de cette affaire.
« Hier au soir, à l'appel j'ai tenté tous les moyens de conciliation ; ils ont échoué ! Les soldats servent bien, sont exactement dans l'ordre, mais ils ne veulent pas entendre parler de certains de leurs officiers qui, disent-ils, ont les premiers tiré l'épée contre eux et en ont blessé plusieurs. Il faudra nécessairement que ces officiers s'absentent jusqu'au jugement. Leur présence produirait des scènes encore plus fâcheuses que fa première. La nuit s'est passée tranquillement. Pas un homme n'est sorti du quartier, et les patrouilles se sont faites avec ordre.
« Je dois les plus grands éloges aux chasseurs de Guyenne et à la garde nationale, qui s'est conduite à merveille. Je viens de faire distribuer de quoi faire mille cartouches.
« Vous voyez, Monsieur le Ministre, combien il est important de décider, comme j'ai eu l'honneur de vous le demander, si les soldats peuvent assister aux lectures publiques faites par les sociétés des amis de la Constitution. Le colonel de Beauvoisis s'est cru en droit de le leur défendre, d'après un décret rendu pour Gourbevoie, par lequel il est défendu à toute association d'entretenir correspondance avec les corps militaires. Ce décret ne paraît pas devoir s'appliquer aux lectures publiques qui n'ont pas ce caractère de secret qui constitue la correspondance. Les soldats sont avides de tout ce qui est relatif à la Constitution. Dans vingt villes du royaume, et surtout à Strasbourg, on leur lit les nouvelles sans que la discipline en souffre. Tout le mal est venu du sens peu clair du décret ; de ce que l'on croit pouvoir faire dans une ville ce qui est permis dans une autre. Il faut enfin que personne n'aille aux lectures, ou que tous y puissent aller. Les amis de la Constitution formant société à Landau ont bien voulu, pour parer à tout, suspendre leurs séances jusqu'à la décision. (Applaudissements.)
« Je ne quitterai pas Wissembourg, que le régiment ne soit parti. J'ai laissé Landau en bon état. U y a 24 pièces de canon montées et chargées à mitraille, 20,000 cartouches d'infanterie. On continue à travailler; et j'ai donné, avant de partir, l'ordre de distribution des troupes en cas d'alarme. J'aurai sous peu à vous donner des nouvelles de Worms et de l'autre côté du Rhin.
« Je suis, etc.
« Signé : kellermann. »
« Pour copie : Duportail. »
Copie de la deuxième lettre de M. Kellermann à M. Duportail, ministre de la guerre.
« Wissembourg, le
Monsieur le Ministre,
« Je suis parvenu, à force de fermeté et de moyens conciliants, à ce que les soldats de Beauvoisis reçussent tous leurs officiers, à l'exception de ceux, comme j'ai eu l'honneur de vous le dire hier matin, dont ils ne voulaient aucunement entendre parler. Je me suis rendu à l'appel du soir. Le régiment s'est porté au quartier autour de moi. J'ai ordonné à tous les officiers de prendre leur place et de faire l'appel : tout cela s'est exécuté sans le plus petit murmure. On est rentré dans les chambres sans bruit. Il semble enfin qu'il n'y a eu aucun désordre. M. Guelp vous fera passer incessamment les procès-verbaux des dépositions que je lui envoie ce matin. J'aurai l'honneur de vous informer par ma première lettre si je puis espérer que cette affaire se termine sans faire usage des procès-verbaux, ou s'il est nécessaire qu'il y ait un jugement fondé sur les procès-verbaux.
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : kellermann.
« Pour copie : Duportail. »
(L'Assemblée ordonne le renvoi de la lettre de
M. Duportail et des deux lettres de M. Kellermann aux comités réunis de Constitution, militaire des recherches et des rapports, en les chargeant de lui proposer incessamment leurs vues.)
Lettre de la municipalité de Nantes.
« Monsieur le Président
« Nous croyons devoir instruire l'Assemblée nationale de l'événement qui a troublé la fête de 1 inauguration du pavillon national : En conséquence nous vous envoyons le rapport, que nous vous prions de mettre sous ses yeux; nous en envoyons un double au ministre.
« Nous avons eu la disgrâce de voir la cérémonie de 1 inauguration du pavillon national, que nous fîmes hier, troublée par une rixe qui s'éleva entre M. d Hervilly, colonel du 84° régiment, ci-devant de Rohan, et le peuple et la garde nationale qui ont cru qu'il s'était refusé aux cris de Vive la nation, dans le moment où tout le monde se livrait aux transports de la plus vive allégresse. Quelque violents qu'aient pu être les mouvements qui ont accompagné cette discussion, dont nous n avons pas été témoins, nous devons cependant espérer qu'elle n'aura pas de suite; mais les cris ainsi que l'état de mécontentement du peuple qui, outre ce que nous avons entendu nous-meines, nous ont été confirmés de la part de différentes associations de citoyens, nous ont fait craindre les plus grands malheurs.
« La fermentation était si grande et si générale qu il n est resté à notre disposition aucun moyen de force pour en arrêter les suites. Celui que nous avons jugé le plus sage, et même le seul qui se soit présenté à nos réflexions les plus sérieuses, a été d'engager M. d'flerviilv à s'éloigner de Nantes, pour la tranquillité de la ville et la sûrete de ses propres jours.
« Le cas nous a paru de la plus grande importance; et ahn de nous assurer de nouveau du meilleur parti à suivre, nous avons invité MM. les administrateurs du département et du district que nous avions déjà pressentis sur ce point a nous aider de leurs lumières. Ils ont eu la complaisance de répondre à nos désirs et de se rendre dans la nuit à la maison commune. Ils ont persiste dans le premier parti que nous avions iueé IeJn^rITeur-,?n ™nséquence, nous avons répété à M. d Hervilly l'invitation que nous lui avions faite de quitter la ville, démarche à laquelle il a bien voulu se rendre, le matin de ce jour. La fié J°Ult mailltenant de la Plus grande tranquillité.
« Nous sommes, etc. »
M. de Broglie, rapporteur au comitt militaire, a maintenant la parole.
au nom du comitt militaire. Messieurs, lorsque vous avez decrete 1'organi- sation de l'artillerie, vous avez fixe a 53 le nombre des capitaines detaches et employes dans les places de guerre. Vous les avez en mecoe temps classes; mais des observations qui interes- sent le bien du service et dont Ja convenance sapergoit, obligent a augmenter de deux le nombre des capitaines de la troisi&me classe, et a reduire a 28 le nombre de 30 determine pr6c6- demment pour la quatrieme; ce qui fait en tout une augmentation de depense de 800 livres par aD, a raison de 400 livres par capitaine. Voici le projet de decret que nous vous proposons :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité militaire, décrète que sur les 42 capitaines destinés à être détachés et employés au service des places de guerre, 14 seulement seront de la troisième classe et 28 de la quatrième. »
(Cette motion est décrétée.)
indique l'ordre du jour de la seance de demain et lève la séance à trois heures.
a la séance de l'assemblée nationale ou
rapport fait le
M. le Président. M. de Broglie, rapporteur du comité militaire, a maintenant la parole.
M. de Broglie, au nom du comité militaire. Messieurs, lorsaue vous avez décrété l'organisation de l'artillerie, vous avez fixé à 53 le nombre des capitaines détacbés et employés dans les places de guerre. Vous les avez en même temps classés; mais des observations qui intéressent le bien du service et dont la convenance s aperçoit, obligent à augmenter de deux le nombre des capitaines de la troisième classe, et a réduire a 28 le nombre de 30 déterminé précédemment pour la quatrième; ce qui fait en tout une augmentation de dépense de 800 livres par an, a raison de 400 livres par capitaine. Voici le projet de décret que nous vous proposons ;
Messieurs, tous ceux qui ont mûrement réfléchi sur fa confiance actuelle de la nation pour les assignats-monnaie, reconnaissent que leur unité de lorme et leur parité intrinsèque qui est en tout de même nature que celle des espèces entre elles sont une des bases de cette confiance et de leur facile circulation, et l'on ne peut nier que sans cette parfaite conformité ils n'auraient ni la nature, m le cours, ni les effets de la monnaie. L est donc avec une grande sagesse que le comité des finances et vous, Messieurs, avez constamment repoussé tous les projets qui tendaient à altérer cette précieuse unité de forme et de valeur, soit par des endossements, timbres, talons, certificats de vérification, soit par des procédés chimiques et autres pratiques qui auraient établi des dissemblances apparentes et un cours plus ou moins accrédité entre les assignats de même somme.
Les vrais principes, à cet égard, ont été démontres avec assez d'évidence pour vous convaincre que tout moyen de ce genre qui eût été autorisé par la loi même de l'émission des assignats, les eût bientôt privés de la faculté de circuler comme monnaie et aurait ainsi renversé les justes espérances que la nation avait conçues de cette grande opération. Mais combien serait plus dangereuse encore toute innovation téméraire qui par une loi postérieure à leur émission, viendrait inquiéter la confiance due aux assignats, ébranler leur crédit, porter atteinte à cette unité, à cette homogénéité qui leur fut dévolue par leur création, et détruire cette parité absolue qui est et doit toujours être, entre les assignats de même somme, ainsi qu'elle existe entre un écu et un ecu; en sorte qu'il n'y ait jamais dans la circulation aucun motif de préférer un assignat à un autre assignat de même valeur et de donner plus de confiance et de prise à l'un qu'à l'autre.
Bien loin donc, Messieurs, que l'Assemblée nationale, sous quelque prétexte
que ce soit, doive autoriser aucune empreinte qui apporterait des
différences dans les assignats, c'est que déjà, peut-etre, elle aurait dû
prononcer que toute certification apposée sur les nouveaux assignats, par
signatures privées, timbres ou autrement, serait regardee comme un attentat,
une altération à la monnaie nationale comme un moyen de monopole, et
déclarer, en conséquence, suspendus dans la
Malgré l'évidence des principes sur cette matière, plusieurs citoyens, dont il faut louer l'industrie et le patriotisme, sans en approuver les résultats, ont proposé divers projets à l'Assemblée nationale qui, vous ayant été déférés, ont été écartés par vos délibérations. Celui dont vous m'avez chargé de vous faire le rapport aujourd'hui, présente non seulement tous les inconvénients que je viens de vous retracer, mais il y joint encore le défaut, sans doute bien grave, de toucher à l'existence même de l'assignat, de l'annuler et de le faire revivre à volonté. J'entrerai dans quelques détails.
Le projet de l'inventeur a été imprimé et distribué sous le titre de : Découverte pour transporter les assignats d'une ville à une autre, sans courir les risques du brigand et en conservant à la poste tous ses avantages, présentée à l'Assemblée nationale le 10 mars 1791. Il consiste dans la création de deux timbres, l'un pour suspendre, l'autre pour rendre à la circulation les assignats. Il serait déposé par l'auteur, dans chaque ville, bourg, ou village de France où il y a un bureau de poste, un timbre de chaque espèce, portant le nom du lieu où ils seront employés. Ce qui établit quelques milliers de timbres différents pour les assignats, 1200, à 1,500 bureaux pour les appliquer à première réquisition et 3 à 4,000 employés pour vérifier les assignats, les timbrer, les enregistrer, les remplir du nom de ceux à qui le transport en serait fait par le timbre de suspension, et tout cela s'exécutera pour le modique prix d'un sol par 100 livres pour suspendre, et de pareille somme pour réhabiliter l'assignat; au moyen de quoi les assignats suspendus et volés sur les malles des courriers n'étant d'aucun usage pour les voleurs, ils quitteraient le métier ou ne manqueraient pas de renvoyer à leur adresse les assignats suspendus qu'ils auraient trouvé dans Ja malle volée.
Ainsi, Messieurs, l'on propose à l'Assemblée nationale de confier par un décret, à 3 ou 4,000 individus dans le royaume, et même dans les places étrangères, les points secrets de vérification des assignats, et ces employés seraient sans doute à la nomination ou au choix des privilégiés, admis ou renvoyés à sa volonté, et par conséquent inconnus et sans responsabilité envers l'administration; ils pourraient par la simple apposition d'un timbre, paralyser et revivifier les assignats, ils pourraient, volontairement ou par méprise, mettre en circulation de faux assignats, au moyen de ces timbres si multipliés et sans doute, l'État ou le privilégié en serait responsable au porteur abusé.
Si l'Etat s'en rendait garant, dès lors il est évident qu'on ne voudrait que des assignats timbrés ; dès lors, l'assignat serait dénaturé; sa certitude ne reposerait plus sur la perfection et les difficultés employés dans la fabrication, et tout le témoignage de l'assignat ne porterait désormais que sur les nouveaux timbres ; car il importera peu au preneur d'examiner si l'assignat est contrefait ou non, pourvu qu'il soit certain que les timbres soient vrais et lui assurent la valeur.
Si c'est le privilégié qui est rendu responsable, où trouvera-t-il une caution qui garantisse la fortune publique mise ainsi dans ses mains par la faculté qu'il aurait de certifier ou faire certifier les assignats par l'apposition de ces timbres. En vain répondrait-on que par les timbres de circu- lation, la loi garantirait seulement que l'assignat n'a pas été volé, mais non qu'il est véritable; car les formes établies par la loi ne peuvent rien certifier sur tel ou tel assignat, sans certifier en même temps qu'il n'est pas faux. Donc, par l'opération des timbres, les preuves de vérité qui sont nombreuses au corps de l'assignat, qui sont on peut le dire, impossibles à contrefaire de manière à tromper l'œil le moins exercé, deviendraient inutiles; l'assignat timbré serait d'une autre nature que l'assignat non timbré, parce que sa certification serait transférée tout entière à un timbre et à un timbre de six lignes de largeur.
De cette transformation de l'assignat, il peut résulter deux choses également funestes à ce numéraire restaurateur; c'est que les timbres peuvent être contrefaits ; c'est que les vrais timbres peuvent, par la prévarication des employés, être appliqués sur de faux assignats et sur des assignats volés. Par le premier moyen, les voleurs seraient en état de continuer leurs captures; par le second, de nouvelles voies de fraude et d'erreur seraient ouvertes pour discréditer et perdre la monnaie de l'Etat; car il y aurait impossibilité de convaincre le timbreur faussaire qui aurait timbré dans les mains des voleurs, les assignats suspendus; ou dans les mains des contrefacteurs, les assignats contrefaits.
Mais les contrefacteurs d'assignats trouveraient-ils plus de difticulté à contrefaire les timbres ? Et dans tous les cas la loi qui aurait transféré à un timbre la preuve de l'assignat, pourrait-elle refuser de le reconnaître dans les mains du porteur abusé, soit que le timbre fût vrai ou faux et mis sur des assignats contrefaits ou volés ? Gomment en effet exiger que des citoyens puissent connaître assez 1,200 à 1,500 timbres selon les lieux, pour se garantir de la fraude? Ainsi ces timbres ne prouveraient rien, ni que l'assignat n'a pas été volé, ni qu'il n'est pas contrefait; ainsi les vols et les contrefaçons n'en seraient pas empêchés, puisqu'il serait bien facile aux voleurs et aux contrefacteurs d'apposer par exemple un faux timbre de circulation sous le nom de Lille ou de Golmar, aux assignats faux ou volés qu'ils voudraient répandre en Provence, où le timbre de ces villes serait peu connu.
Mais, répondra l'inventeur, on ne devra pas recevoir en Provence, des assignats portant le timbre de villes si éloignées; ce qui revient à dire que des assignats une fois timbrés ne seront plus transmissibles d'un lieu à l'autre que par de nouveaux timbres, et que pour eux le timbre sera forcé; ainsi ces assignats ne seront plus des assignats circulant, des assignats-monnaie, ayant partout le même cours et y jouissant de la même confiance, mais de simples papiers négociables sur la foi du timbre, au gré de la confiance ou des connaissances des preneurs. Ainsi il y aurait dans la circulation, des assignats vierges et sans timbres; des assignats chargés de timbres qui, selon l'auteur même, seraient préférés, et des assignats maculés par des timbres insignifiants pour être de lieux trop éloignés. N'est-il pas évident qu'on s'exposerait ainsi au danger funeste de voir refuser en circulation, ou les assignats simples, ou les assignats timbrés? N'est-il pas évident que ces dissemblances, ces diversités produiraient des doutes, des choix, des préférences, des refus, des défiances, d'où résulterait bientôt la lenteur de la circulation et la ruine entière de la belle opération des assignats?
L'auteur de la découverte, voulant, comme de raison, répondre à la très forte
objection de la
Je n'insiste pas sur l'illégalité grave, et sur les autres inconvénients de ces ajoutures qu'on pourrait à volonté remplacer par d'autres, pour dénaturer les transports qui y seraient inscrits; et je dis combien d'autres illégalités, quelles incertitudes naîtraient dans les affaires, de ces transports anonymes, opérés en faveur des personnes dénommées au timbre de suspension? Gomment les timbreurs discerneront-ils le voleur et le vrai propriétaire, avant de rendre la vie à l'assignat dans les mains d'un porteur inconnu? Ne faudrait-il pas un code complet pour déterminer leur conduite dans les cas de mort, de faillite ou d'évasion des dénommés ? Par exemple, le timbre aura-t-il toujours l'effet d'un transport absolu, ou bien le cédant ayant opéré lui seul la suspension, conservera-t-il toujours le droit de suite, tant que le timbre de circulation n'aura pas été apposé? Pourra-t-il faire saisir son propre envoi, former opposition au timbre de circulation? Aura-t-il la faculté, en cas de faillite, de recourir sur ses assignats encore en nature, comme les marchands ont droit sur leurs marchandises expédiées, mais encore sous cordes, à la charge par lui de prouver, par le registre du timbre d'envoi, qu'il en est l'expéditeur? Or, ces droits ne pouvant lui être refusés, le timbre ajouterait donc aux assignats-monnaie une propriété qui n'est pas dans leur espèce, puisque dans les cas de faillite toute monnaie délivrée appartient à la masse des créanciers.
Ne faudrait-il pas des lois multipliées Bur les effets des timbres? Car on ferait un volume des difficultés légales auxquelles ils donneraient naissance, et que la loi devrait prévoir, comme serait, par exemple, celle qui aurait lieu lorsque les assignats timbrés de suspension seraient volés ou égarés en route. La simple inscription de l'expéditeur au registre du timbre opérerait-elle sa décharge envers son correspondant, comme le chargé à la poste? Je ne le pense pas ; donc le seul chargé à la poste présente à l'expéditeur une sûreté de plus que le projet des timbres.
Ne faudrait-il pas encore faire des règlements pour les cas, par exemple, où des assignats étant déjà timbrés de suspension, le banquier recevrait contre ordre avant l'envoi, ou apprendrait que son correspondant ne mérite plus sa confiance? En ce cas, quel timbre apposera-t-on pour les remettre en circulation? Donnera-t-on au timbreur le droit de biffer le premier timbre, ou d'apposer le timbre de circulation sans l'intervention des dénommés au timbre de suspension ? Quels dangers,,quels inconvénients, quels abus enfanteraient ces timbres! Je ne m'attache pas à vous les présenter, parce qu'ils s'offrent en foule à vos premières réflexions.
Mais lors même que ces dangers n'existeraient pas, je.dis que le projet de l'auteur n'atteint point le but qu'il se propose, et n'aurait que partiellement et inutilement les avantages qu'il lui attribue ; je le prouverai par quelques réflexions.
L'auteur parle beaucoup des courriers volés; mais sont-ce les courriers qui portent le plus d'assignats sur les chemins, et qui sont le plus exposés aux vols ? N'y a-t-il pas des portefeuilles d'un grand prix dans les mains des capitalistes et des courtiers? Et les vols de ce genre n'ont-il pas été les plus fréquents et les plus considérables ? A quoi serviraient ici les moyens de l'auteur ?
N'y a-t-il pas sur les routes des négociants, des voyageurs, des marchands forains et autres qui, spéculant sur les denrées, les grains, les fourrages, le bétail, les chevaux, etc... portent avec eux de très grosses sommes pour faire leurs achats dans les campagoes, les foires et les marchés? A quoi leur serviraient les moyens de l'auteur? Feront-ils timbrer leurs assignats à la journée, et chaque fois qu'ils auront à déloger.
Les moyens de l'auteur ne sont donc que partiels, puisqu'ils ne tendent qu'à protéger les assignats chargés sur les malles des courriers. J'ajoute qu'ils n'atteindraient pas même ce but particulier. En effet, le plan de l'auteur ne prohibe pas à la poste de se charger d'assignats non suspendus; il laisse à chacun la liberté de faire timbrer ou non ses envois. Or, il est évident que par économie, ou par défaut de temps, peu de personnes feront timbrer, puisque par les mêmes motifs, il en est déjà beaucoup qui, dans l'ordre actuel, ne font pas charger à la poste leurs envois d'assignats. Il restera donc toujours, dans le plan même de l'auteur, une chance assez forte pour les voleurs, en détroussant les courriers. Et croit-il qu'en supposant même qu'il leur fût impossible de remettre en circulation par un faux timbre, les assignats même qu'il leur fût impossible de remettre en circulation par un faux timbre, les assignats suspendus et volés, ils seront assez complaisants pour renvoyer ces assignats à leur adresse? Non certes, ils les détruiront ou les garderont, dans l'espérance de les faire timbrer tôt ou tard par les timbreurs mêmes, ce qui, avec un peu de patience et de temps, ne sera pas difficile.
Mais, dit l'auteur, lorsque des vols de courrier auront été faits, on aura
soin de publier la liste des numéros volés ; fort bien, c'est-à-dire qu'on
veut que chaque citoyen, fermier, marchand ou autre, encore moins à portée
d'être averti, aille, avant de recevoir en payement un assignat même de 50
livres, s'enquérir si cet assignat n'est pas sur la liste des numéros volés.
On veut que l'ayant pris et reçu de bonne foi à la faveur d'un faux timbre
ou autrement, on puisse le saisir dans ses mains, on veut même que,
soupçonné d'être complicedu vol, on puisse s'assurer de sa personne pour le
dénoncer aux jurés. Gardons-nous de répandre sur des citoyens français cette
terreur, cette crainte d'être dépouillés ou emprisonnés pour des assignats
reçus et donnés avec confiance, sous les auspices de la loi, si l'on ne veut
pas voir
Je ne m'arrête pas aux difficultés invincibles pour le commerce et la banque, qui exigent ordinairement dans la circulation des fonds une expédition prompte et rapide, d'user du moyen proposé, et de faire, au moment du départ du courrier, timbrer de suspension, enregistrer et endosser des parties considérables d'assignats; je ne m'arrête pas à l'inconvénient plus grave encore pour celui à qui ils sont expédiés et qui doit payer à réception, d'être forcé de perdre un temps précieux à son crédit et à ses engagements, pour faire timbrer de circulation ; et c'est en faveur des négociants qui se sont tant récriés sur l'embarras du timbre des lettres de change venant de l'étranger, qu'on propose un pareil moyen.
Je ne serais pas entré, Messieurs, dans de si grands détails, pour vous faire rejeter un plan que vous avez jugé vous-mêmes au premier aperçu, s'il n'était pas enfin nécessaire d'éclairer nos concitoyens par la publicité, sur tous ces projets chimériques dont on berce leurs inquiétudes, en excitant, en exagérant de vaines et dangereuses appréhensions, pour altérer la forme unique, simple, mais inimitable des assignats, qualité si nécessaire à leur usage comme monnaie.
Que serait en effet, dans une grande opération nationale, cette faculté, cette action sur la monnaie de l'Etat, qui serait imprudemment accordée à un privilégié et à ses 2 ou 3,000 agents inconnus, répandus dans les villes, bourgs et villages, de suspendre et de rétablir la valeur des assignats ; de les anéantir un moment, et de les recréer ensuite, pour leur donner, selon l'inventeur, une nouvelle existence? Non, Messieurs, vous vous opposerez à tout projet, à toute innovation qui attenterait ainsi aux bases sacrées, aux principes qui ont été établis par la loi sur cette monnaie précieuse; vous vous opposerez surtout constamment à tout moyen qui diminuerait, changerait, ajouterait la moindre chose au corps et aux formes de l'assignat. Il doit rester invariablement tel qu'il a été décrété, sans addition d'aucune empreinte, endossement, prolongement, timbre, et aussi sans retranchement d'aucune de ses parties. L'assignat a son titre de fin, son vrai poids, qui est connu de tous les citoyens, qui ne souffre aucun remède, aucun alliage, aucun poinçon de vérification. Les assignats ont, comme les espèces, leur valeur courante, réelle, légale, nationale, que rien ne doit suspendre ou changer, accréditer ou faire suspecter.
Que le commerce prenne donc toutes les mesures, étrangères à la forme et à la nature intrinsèque de l'assignat, qui pourront, comme pour les espèces d'or et d'argent, en assurer le transport. Est-il donc si difficile aux négociants et banquiers des principales villes, de diminuer considérablement les envois effectifs et en nature, par des virements de place en place, et en facilitant, sous un léger bénéfice et par des mandats sur leurs correspondants, les remises d'assignats? Alors les envois en nature seraient plus rares, et n'auraient lieu que lorsqu'il faudrait rétablir entre les villes la balance du numéraire; alors on ne verrait pas si souvent les assignats se croiser sur les routes entre deux villes qui se payent à la fois ; on ne verrait pas les assignats envoyés en nature dans une place où l'abondance de ce numéraire fait rechercher les occasions de retour.
J'aurais pu, Messieurs, relever bien d'autres inconvénients dans le projet dont je viens de vous faire le rapport ; mais j'ai pensé que ce que je vous en ai dit suffirait pour le faire rejeter ; cependant il me reste à vous faire observer que plusieurs bons esprits, même dans l'Assemblée nationale, qui n'ont pu s'occuper assez des principes sur la nature et la circulation des assignats, se laissent prévenir par l'utilité apparente de tous ces moyens prétendus de sûreté qui leur sont offerts; il me paraît nécessaire de détruire ces erreurs, de prévenir même celles que de nouveaux projets pourraient produire; et le moyen d'y parvenir, c'est de publier les principes qui vous ont dirigés.
Je demande donc que vous arrêtiez aujourd'hui que le rapport sur les endossements, que je vous ai fait le 13 décembre passé et celui que je viens de vous lire, où j'ai renfermé une partie des lumières que vous m'avez communiquées, seront remis à l'imprimeur de l'Assemblée nationale, pour être incessamment imprimés et distribués a tous ses membres (1) ; cette publicité devenue nécessaire, vous garantira de ces assauts multipliés des prétendus inventeurs, elle vous dispensera d'employer un temps précieux pour la Constitution, à porter ces discussions à la tribune, et peut-être elle instruira davantage, sur cette matière, ceux à qui elle n'est pas assez connue. Si vous approuvez, Messieurs, ce rapport, je vous prie d'en ordonner la transcription sur vos registres, et d'arrêter que copie en sera remise au comité des finances, qui vous a fait déférer le projet des timbres par M. de La Blache.
(Approuvé et arrêté par les commissaires de l'Assemblée nationale, pour les assignats. AParis, le 17 avril 1791.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Rapport fait le
Messieurs, si vous voulez vous prononcer sur ce sujet bien plus important qu'il ne le paraît au premier coup d'oeil, il est nécessaire de le considérer sous toutes ses faces, relativement à la nature des assignats et aux droits respectifs des citoyens. Il faut considérer l'usage de cette monnaie nationale dans le commerce, la correspondance et les besoins de la vie, sa circulation générale et locale dans toutes les classes et sur toute la surface du royaume, et ne pas trop s'arrêter aux inconvénients qu'on veut prévenir, si les moyens qui sont présentés pour y remédier doivent exposer aux plus grands dangers cette opération salutaire, et si leur effet certain doit être d'intercepter, de suspendre cette circulation de la vie politique actuelle de la France.
Pour juger avec précision ce projet de loi, il faut connaître les motifs qui
l'on fait concevoir, et chercher si le but qu'on se propose pourrait être
rempli, sans manquer à la justice envers le
On veut préserver les négociants des suites du vol des assignats et leur conserver en ce cas leur droit de propriété, en leur aitribuant tacitement la faculté d'opposition à la caisse de l'extraordinaire, et celle de saisie et interception dans la circulation des assignats volés. On veut bien leur ménager des garanties et un recours en cas de ïéception d'assignats contrefaits. Mais ces deux dangers, dont on voudrait les garantir, ne sont-ils pas inhérents à tout papier faisant les fonctions de monnaie? Ne le sont-ils pas à la monnaie elle-même, aux espèces d'or et d'argent? Car, selon le proverbe populaire : Les écus n'ont point de maître; c'est par cela même, qu'ils ont la propriété de monnaie et de circulation libre.
Les décrets de l'Assemblée nationale ayant établi si sagement une parfaite identité entre les assignats et la monnaie, est-il possible, est-il convenable, pour écarter des craintes et des dangers particuliers, qui sont communs à toute espèce de monnaie, d'admettre aujourd'hui une disposition qui en détruirait la principale propriété? Et doit-on décréter, pour les assignats, une forme incompatible avec leur qualité essentielle de monnaie courante, pour les convertir en simples billets à ordre? Car les dénominations ne changent pas la nature des choses ; et il est certain que la loi qui prescrirait la nécessité de l'endossement des assignats rétablirait réellement pour eux toutes les suites et tous les droits qui appartiennent aux effets à ordre; c'est même dans cette unique vue qu'elle est sollicitée.
C'est assurément un très grand mal, qu'à cause de leur peu de volume, on puisse voler de fortes sommes en assignats, soit dans les portefeuilles, soit dans les malles des postes, soit sur les messageries. Ce serait un bien plus grand mal encore, que l'on pût facilement les contrefaire, et mettre de faux assignats en circulation; malgré cela nous ne voyons pas qu'on puisse adopter, contre ces deux -inconvénients, d'autres précautions qu'une extrême vigilance.
Pour la première émission de 400 millions d'assignats, l'Assemblée nationale n'ordonna pas l'endossement : elle n'en fil pas une loi. Le décret du 1er juin 1790, après avoir prononcé qu'il y aura un tireur et un endosseur d'office, nommé par le roi, se borne à laisser à tout autre, la faculté libre d'endosser ou non, en cas d'envoi par la poste. Et cependant le rapporteur qui proposa cette mesure, à la sollicitation de quelques négociants, ladésapprouvait hauiement lui-même, comme inutile ; et nousprouverons bientôt qu'elle l'était, parce qu'elle ne pouvait produire aucun droit: nous prouverons que, par cela même, elle n'était pas digne des législateurs, parce qu'elle fait illusion aux cessionnaires, en dirigeant leur confiance sur une fausse base. Nous dirons qu'il ne fallait point de loi pour donner aux contractants la faculté de certifier au dos des assignats dont ils étaient propriétaires, le transport qu'ils s'en faisaient les uns aux autres, puisque cette faculté, n'étant pas prohibée pour les assignats, appartient aux porteurs comme à tous autres propriétaires de titres de créance. Nous dirons que, si le décret du 1er juin eût prononcé la loi expresse de la transmission des assignats par endossements successifs, celte loi les eût frappés de mort en les créant; qu'elle les aurait dépouillés de leur qualité de monnaie, dont cependant elle leur attribuait les fonctions; et que cette grande opération de la régénération de nos finances eût été complètement manquée.
Nous avons donc à démontrer : 1° que si la loi des endossements, qu'on sollicite avec tant d'instances, devait produire des droits de suites contre les endosseurs et les porteurs, elle anéantirait rapidement la circulation des assignats comme monnaie; qu'alors cette salutaire opération serait perdue sans ressource et entraînerait avec elle les finances et la Constitution ; 2° que si cela ne devait produire aucun droit, ainsi que la loi du 1er juin, non seulement elle serait inutile et on ne la solliciterait pas, mais qu'elle compromettrait, par une forme illusoire et par son inutilité même, la justice et la dignité de l'Assemblée nationale. . ,
Les fonctions ordinaires des monnaies sont de terminer les achats et les ventes, de payer les créanciers, d'acquitter et libérer les débiteurs, soit par la simple transmission des espèces d'une main dans l'autre, soit que cette transmission doive être appuyée de conventions ou contrats quittancés ; mais jamais le débiteur, qui s est une fois acquitté, ne peut être recherché à raison de la monnaie qu'il a remise en payement lorsqu'une fois elle a été délivrée et reçue; alors l'affaire est terminée, le débiteur est franc et quitte.
Telleest la propriété essentielle desmonnaies, et personne, je pense, ne pourra le contester. Voyons à présent, si par la loi des endossements successifs qui donneraient un droit quelconque de garantie coutre les endosseurs, ou de saisie dans les mains des porteurs, cette propriété essentielle ne serait pas absolument détruite dans les assignats-monnaie, et s'ils pourraient en conserver les effets dans la circulation générale. Nous disons circulation générale; car lorsqu'on discute ce qui intéresse cette grande circulation des assignats qui doit couvrir la force entière du royaume et pénétrer même dans les campagnes les plus reculées, il faut sortir un peu du cercle des banquiers et des négociants, qui, par la connaissance qu'ils ont de leurs signatures respectives et par leur correspondance mutuelle, peuvent être informés à temps des vols d'assignats et de leurs numéros et trouver, dans certains endossements qui leur sout bien connus, de quoi appuyer leur confiance, lorsque leur cédant leur est étranger ou suspect.
Mais est-ce seulement pour circuler parmi les banquiers et les riches négociants que les assignats-monnaie ont été décrétés? Ne l'ont-ils pas été pour les citoyens de toutes les classes, riches ou pauvres, qui ont à payer et à recevoir, à vendre et à acheter? Ne l'ont-ils pas été pour avoir cours, comme la monnaie, dans les foires et les marchés publics, dans les boutiques en détail, dans les manufactures et parmi les ouvriers, enfiu dans les conventions fortuites, même entre inconnus et gens illettrés, qui ne savent ni lire ni signer? Sans cela ils ne seraient point une monnaie, ils rentreraient dans la classe des effets de portefeuille, et nous pouvons dire qu'alors une somme de moins de 100 millions de ces assignats serait déjà trop considérable pour qu'ils puissent se soutenir en crédit.
Si cette forme, si contraire aux fonctions ordinaires de la monnaie, pouvait
être décrétée, que feraient ceux qui ne sont pas favorisés de la fortune et
qui, forcés de recevoir des assignats en payement de leurs salaires ou de la
main-d'œuvre, ne pourraient, voulant acheter ou payer, les
Tous ces citoyens, assujettis par la loi, à recevoir des assignats en payement, quels moyens auront-ils pour reconnaître si ces assignats ont été volés, et s'ils ne leur sont pas transmis à la suite d'un faux endossement? Et dans ce cas, que feront-ils pour se garantir du recours? Mettront-ils leur confiance aux signa1 ures des endosseurs qui les ont précédés? Us n'en connaissent aucun. La placeront-ils sur leur cédant? Mais, pour l'ordinaire, il leur est inconnu, il est étranger, ou il leur serait un mauvais garant; et cependant chacun veut que le payement qui lui est fait soit définitif et sans retour; chacun veut aussi pouvoir s'acquitter définitivement et sans craindre aucun recours, avec la même monnaie nationale qu'il a reçue. Et qui pourra calmer leurs inquiétudes, si, avec la possibilité ou la crainte d'un faux endossement, ils ne trouvent, dans les endossements les plus rapprochés, aucun recours valide ou à leur portée, et s'ils peuvent être exposés à voir saisir ces assignats dans leurs mains, ou a soutenir des procès pour en conserver la propriété?
Dira-t-on qu'on ne doit pas recevoir des assignats de personnes inconnues ou trop peu fortunées pour les garantir? Dans ce cas, ies assignats avec endossement légal ne sont plus une monnaie, puisque les inconnus et les pauvres ne peuvent pas s'en servir pour acheter ou payer. Ils ne sont plus une monnaie 5 car lorsqu'on me paye avec des espèces, je n'ai qu'une seule chose à voir : sont-elles fausses ou non? Et si je les trouve bonnes, peu m'importe quel est celui qui me les a données, ou celui de qui il les tient : Elles étaient bonnes et recevables par elles-mêmes ; je les ai reçues : nous sommes quittes; et comme lui, je pense, sans craindre aucune recherche, les employer pour acheter ou m'acquit-ter.
Si, pour recevoir des assignats de personnes inconnues ou incapables de garantie et ne pas courir les risques d'en perdre la valeur, les citoyens de toutes les classes doivent non seulement s'assurer, comme ils le font, des espèces monnayées, que les assignats ne sont pas contrefaits, mais encore que dans la suite des endossements il ne s'en trouve aucun de faux; si tous ceux qui auront donné ou reçu des assignats doivent, pendant toute la durée et jusqu'à l'extinction de ce papier, rester exposés à des recours en remboursement, sans pouvoir, jusque-là, se regarder comme libérés des affaires qu'ils auront terminées avec des assignats, ne s'écrieront-ils pas tous ensemble : « Nous voulons de l'argent et point d'assignats? » Que deviendrait alors cette unique ressource de la nation?
Geux-mêmes qui regrettent tant cette formule à ordre^ si contraire à la nature et aux propriétés de l'assignat-monnaie, et qui, pour conserver tous leurs droits de suite, en cas de vol, demandent un décret pour établir les endossements suc cessifs, comment s'y prendront-ils, lorqu'un inconnu, un étranger, un homme dont la fortune est douteuse leur présentera des assignats avec son endossement à la suite de plusieurs autres endossements également inconnus ou insuffisants pour la garantie? Ils feront ce que tout homme prudent devra faire; ils se diront : « Ces assignats peuvent avoir été volés ; un ou plusieurs des endossements peuvent être faux », et ils les refuseront, ou exigeront du porteur un endossement bien connu.
Et vous voudriez, avec ces endossements illégaux, avec ces défiances, avec ces refus, avec ces signatures plus ou moins accréditées, qui mettraient une si grande différence entre des assignats et des assignats, vous voudriez qu'ils pussent faire les fonctions de monnaie ; vous voudriez qu'ils en conservassent les propriétés ; vou3 voudriez qu'ils pussent soutenir le crédit national et vivifier la circulation et le commerce. Non; dites plutôt que les assignats cesseraient bientôt d'avoir cours, non pas seulement parmi les simples citoyens, non pas dans les marchés publics, les manufactures et chez les commerçants en détail, mais aussi parmi les banquiers et les négociants eux-mêmes ; car plus les assignats seraient couverts d'endossements inconnus, moins ils obtiendraient leur confiance, puisqu'une seule signature équivoque, venant à la suite des endossements les plus accrédités, pourraient en invalider le transport, les rendre suspects et les faire refuser.
Et qu'on ne nous dise pas que, en demandant une loi précise pour les endossements, on n'a pas l'intention d'en déduire strictement un droit de recours pour les assignats volés et mis en circulation par de faux endossements. Il faut s'expliquer avec franchise et sans réticence; il faut être franc. La loi des endossements pleins et nominatifs, c'est-à-dire à tel ou tel, entraînerait évidemment ce droit, et on le sait bien ; et c'est aussi parce qu'on le sait, qu'on la sollicite, car si cela ne devait avoir aucun effet, on ne la demanderait pas.
On sait bien que, en cas de vol, les assignats ne pourraient être transmis
que par une lausse signature et qu'un honnête homme, une fois trompé par un
faussaire, tous les endossements subséquents au sien seraient invalidés par
la loi même, et les porteurs sujets à restitution. A quoi servirait de ne
pas avouer qu'on a pour but ces conséquences, puisque, malgré que le décret
du 1er juin n'eût pas prononcé la nécessité des
endossements, on a vu tant d'opposition à payement, faites par des
négociants à banquiers, à la caisse de l'extraordinaire, pour cau:-e de vol
ou d'assignats égarés? Oppositions nulles, sans doute, mais qui ne le
seraient pas si le décret du 1er juin eût prononcé la loi expresse des
endossements successifs (1).
Or, il est certain que si cette erreur capitale eût été commise pour les
premiers assignais, l'opération eût été complètement manquée, puisque la
nouvelle de ces oppositions, quoique nulles par elles-mêmes et non fondées
contre les porteurs de bonne foi, étant parvenue dans quelques villes
decommerce, produisit d'abord cet effet qu'on ne
Nous ne pouvons nous empêcher de frémir au simple aperçu des effets malheureux qu'aurait une pareille loi. Loi injuste, le cours des assignats étant forcé; loi imprudente et impolitique, le salut de la nation reposant sur la libre circulation des assignats et sur la confiance pleine et entière qui leur est due, laquelle ne peut subsister un instant, si celui qui reçoit un assignat est tenu à autre chose, pour sa sûreté, que d'examiner s'il est véritable et non contrefait.
Ainsi le décret, qui serait une loi des endosse ments, serait un décret funeste. 11 entraînerait rapidement avec lui la chute des assignats considérés comme monnaie; et nous ne cesserons de nous y opposer, parce que le salut du royaume dépend aujourd'hui des assignats-monnaie.
On se réduira peut-être à demander un décret semblable à celui du 1er juin, c'est-à-dire qui permette les endossements sans les exiger; mais je dis que, bien loin que l'Assemblée doive permettre les endossements libres par une loi, elle devrait les prohiber comme instruments de monopole; mais je dis qu'une pareille loi n'en serait pas une, puisqu'elle permettrait ce qui est bien loisible à tout propriétaire d'assignats, lorsqu'il n'y a point de loi contraire; mais en le permettant, elle induirait en erreur ceux qui, en vertu de la loi, attacheraient quelque effet à ces endossements; elleleur persuaderait à tort que la signature de leur cédant est pour eux une garantie utile; et dans le cas où ils ne le jugeraient pas suffisamment responsable, elle leur fournirait un prétexte de refuser ses assignats, et peut-être d'exiger de lui, pour obtenir leur confiance, des sacrifices d'autant plus considérables, qu'il serait moins fortuné. Il serait donc contre la dignité, la justice et la prudence de l'Assemblée nationale, de donner lieu, par un décret insignifiant et inutile, à de pareilles méprises des hommes simples et de bonne foi, à de semblables exactions contre le pauvre dont la signature ne peut rien garantir, et à de tels obstaclesà la circulation desassignats.
Après avoir démontré combien serait injuste et impolitique un décret pour prescrire l'endossement des assignats ; après avoir prouvé combien cette loi serait funeste à la circulation, en les frappant d'un motif de défiance et de crainte tout à fait étranger à la véritable base de leur crédit, et qui ne porterait que sur une prévoyance de vols ou de portefeuilles égarés, je crois devoir déclarer que je suis bien éloigné de croire tout à fait inutile, et dans toutes les circonstances, non pas l'endossement ou transport que je condamne, mais la simple signature du cédant au dos des assignats, dans les cas d'envois par la poste, de place en place, ou par les messageries, parce que, pour les assignats égarés et retrouvés, ou saisis dans les mains mêmes des voleurs ou de leurs complices convaincus, cette précaution pourrait servir à démontrer le propriétaire; mais pour cela une loi n'est pas nécessaire; la faculté de prendre cette précaution est inhérente au droit du propriétaire de l'assignat, lorsque la loi ne le défend pas; et rien n'empêche, sans que l'Assemblée nationale s'en mêle, que messieurs les négociants continuent à leur gré d'en faire usage, parce qu'alors elle n'a que l'effet qu'elle peut produire, sans pouvoir porter atteinte à la nature de l'assignat, qui est toujours censé appartenir au porteur, s'il n'est lui-même convaincu de vol ou de complicité; cependant je désire que ce moyen ne soit pas employé sur les nouveaux assignats ; il ne serait pas sans danger.
En détaillant les motifs qui justifient le décret du 18 novembre passé, et qui s'opposent au projet de loi pour les endossements, nous n'avons pas mis en considération les inconvénients majeurs qui en résulteraient pour le Trésor public et pour la confiance nationale, par la quantité énorme d'assignats qu'il faudrait fabriquer et délivrer à la caisse de l'extraordinaire, au-dessus du nombre qui en a été décrété, surtout de ceux de petites sommes, afin de pouvoir remplacer à présentation ceux qui se trouveraient surchargés d'endossements ; car il,est bien certain que, pour parer aux inconvénients qui font désirer cette loi, les endossements en blanc ne produiraient aucun effet ; puisqu'il n'en serait pas des assignats-monnaie, qu'on est forcé de recevoir, comme des lettres de change et billets à ordre qu'on reçoit librement, et pour lesquels le ces-sionnaire ne peut acquérir que les droits de son cédant, parce que c'est à lui à bien placer sa confiance lorsqu'il accepte un transport. Mais dans la supposition de la loi des endossements sur les assignats, il serait nécessaire que ces assignats fussent remplis du nom du cessionnaire avec la date, ce qui mettrait bientôt et souvent tous les assignats daus le cas d'être échangés.
Nous concluons unanimement contre la demande formée d'une telle loi, et pour l'exécution du décret du 18 novembre passé.
{Approuvé et arrêté par les commissaires de VAssemblée nationale, pour les assignats. A Paris, le 13 décembre 1790.)
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Le comité militaire a été chargé par l'Assemblée de faire une enquête sur la révolte des régiments de Languedoc et de tfeauvoisis ; je propose de fixer le jour où il devra nous faire son rapport.
Un membre du comité militaire. Le comité attend des renseignements plus étendus qui puissent lui permettre de porter une appréciation plus complète et plus juste sur ces deux affaires; il faut donc attendre jusque-là pour lui demander son rapport.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la motion de M. d'Estourmel.)
Un de MM. les secrétaires instruit l'Assemblée du retour de M. de
Bournazel, député du département de l'Aveyron, et de M. Paultre des
Epinet-
donne lecture d'une lettre de M. Fréteau qui lui fait part de l'impossibilité où
Il sera de se trouver à l'installation du tribunal de cassation, à cause du mauvais état de sa santé.
(L'Assemblée charge M. le Président de lui désigner un suppléant.)
désigne M. Treilhard.
secrétaire, commence la lecture d'une lettre datée de Constantinople, du 12 janvier dernier, et contenant des dénonciations du sieur Broquier contre le consul de France à Alexandrie.
Un membre réclame contre la lecture de cette lettre et en demande le renvoi au comité de commerce et d'agriculture.
(L'Assemblée interrompt cette lecture et décrète le renvoi demandé.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Biberolles de Martinanges, un congé d'un mois, et à M. Target, un congé de 15 jours.
(Ces congés sont accordés.)
Messieurs, je vais avoir l'honneur de vous faire part d'une lettre que le zèle du département de l'Allier l'a engagé à écrire aux membres du comité d'imposition et que je vais leur remettre. Mais, auparavant, j'ai tenu à vous en donner lecture; la voici :
« Messieurs, les impositions de cette année ne pouvant pas être recouvrées de sitôt, par les délais nécessaires qu'éprouveront les formations des rôles, tant de la contribution foncière que de la contribution mobilière, quelques efforts que nous puissions faire pour les abréger, nous avons pensé que ce serait en même temps servir l'impatience des bons citoyens de notre département et acquitter la dette la plus sacrée envers la nation, que d'offrir librement des acomptes sur les nouveaux rôles.
« En conséquence, nous demandons, Messieurs, à être autorisés à faire ouvrir dans chaque municipalité, un registre sur lequel chacun pourra faire inscrire les payements qu'il voudra faire, en déduction de ses impositions futures, en prenant les précautions que vous nous prescrirez pour la sûreté des deniers. (Vifs applaudissements.)
a Nous sommes avec respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
« Les Administrateurs composant le directoire du département de VAllier.
« Signé : Jouffret,procureur général syndic; Boissot, Duchou, Michelon, de la Faye, Merlin, secrétaires. »
(L'Assemblée ordonne l'impression de cette lettre dans le procès-verbal).
Je fais la motion que M. le Président soit chargé d'écrire une lettre de satisfaction aux administrateurs du département de l'Allier.
(Cette motion estdécrétée.)
au nom du comité ecclésiasti- que. J'ai l'honneur d'informer l'Assemblée qu'il résulte de l'état envoyé au comité ecclésiastique, par le département de la Corse, que presque tous les ecclésiastiques fonctionnaires publics y ont prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre dernier ; sur 121 paroisses que contient l'île, 3 curés seulement ont refusé d'obéir à votre décret.
D'autre part, le département du Morbihan vient d'envoyer à votre comité un tableau général et détaillé des traitements et pensions fixés par le directoire tant pour le clergé fonctionnaire que pour le clergé supprimé et pour les religieux et religieuses de ce département; le total de cet état ne s'élève pas à 900,000 livres.
Ce travail est un modèle d'exactitude et de bon ordre ; c'est le premier de ce genre qu'ait reçu jusqu'ici l'Assemblée nationale.
Aussi, je demande que le comité ecclésiastique soit autorisé à écrire une lettre de satisfaction au directoire du département du Morbihan, qui a montré tant de diligence et d'exactitude. (Marques d'assentiment.)
Je demande qu'au lieu du comité ce soit M. le Président.
(L'Assemblée charge M. le Président d'écrire une lettre de satisfaction au directoire du département du Morbihan.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités ecclésiastique et d'aliénation sur les baux emphytéotiques (1).
au nom des comités ecclésiastique et d'aliénation. Messieurs, dans la séance du 19 mars dernier, vous avez ajourné deux articles d'un projet de décret présenté au nom de vos comités ecclésiastique et d'aliénation, et plusieurs autres additionnels qui vous étaient proposés. Voici le résultat de la nouvelle discussion à laquelle vos comités se sont livrés.
La première et principale question renvoyée à leur examen était celle de savoir s'il est ou s'il n'est pas de l'intérêt de la nation de mettre simultanément en vente les rentes emphytéotiques ou à vie qui lui appartiennent, ensemble les nues propriétés des biens qui en font l'objet.
Plusieurs objections ont été faites contre cette proposition. On n'acquiert en général, vous a-t-on dit, que pour jouir promptement ou au moins dans un temps peu éloigné. Si la proposition était seulement de vendre les nues propriétés des biens dont les preneurs emphytéotiques ou à vie n'ont plus à jouir que pendant 12 ou 15 ans, on pourrait espérer de trouver des acquéreurs; et d'en tirer quelque prix. Mais quels sont ceux qui voudront sacrifier des fonds pour une jouissance qui ne doit se réaliser que dans 30, 50, 80 ou 100 ans?
Il y a dans cette objection trois graves erreurs faciles à reconnaître.
11 suffisait de lire les articles et les tables proposées, pour ne pas
tomber dans les deux premières. Le soumissionnaire, porte le projet de
décret, sera tenu d'offrir : 1° 22 fois le revenu de la rente; 2° le
capital de l'excédant au même denier; mais eu égard à la non-jouissance
qu'éprouvera l'acquéreur jusqu'à l'expiration du bail. Il ne s'agit pas,
comme vous le voyez, de vendre seulement des nues propriétés.
A la nue propriété d'un bien donné à emphytéose ou à vie, se trouve toujours attachée une rente dont l'adjudicateur jouira au moment même de son acquisition.
La seconde erreur n'est pas moins frappante. Sans doute un particulier aurait tort de 'vouloir vendre aujourd'hui la nue propriété d'un immeuble dont lui ou ses héritiers ne peuvent jouir que dans 50 ou 100 années. Il y a tout à croire qu'il ne vendrait qu'avec un grand désavantage; il n'aurait du moins aucun moyen pour se garantir dans ce danger. Mais il en est tout autrement d'une grande nation qui met simultanément en vente une quantité considérable de nues propriétés... .
On est convenu qu'il n'y a aucune impossibilité ou plutôt qu'il est réellement très possible de constater la vraie valeur présente d'une jouissance qui ne doit se réaliser que dans un temps plus ou moins éloigné. L'on a paru reconnaître également l'exactitude, la justesse de l'opération proposée. Vos comités m'ont chargé de vous supplier de peser la seconde condition insérée dans l'article de son projet. Le soumissionnaire sera tenu d'offrir : 1° 22 fois le revenu de la rente; 2° 22 fois aussi le capital de l'excédant, c'est-à-dire de la vraie valeur de la nue propriété.
Qu'on nous dise que personne ne voudra acquérir une nue propriété, c'est une objection d'une autre nature, à laquelle nous répondrons; mais qu'on ne dise pas que les acquéreurs ne payeront pas la valeur des nues propriétés nationales. Il est impossible qu'il en arrive ainsi. Car telle sera la condition expresse de la loi : nulle soumission ne sera reçue, aucune nue propriété ne sera mise en vente, si le soumissionnaire na commencé par oflrir d'en payer la vraie valeur. Il est donc certain que la nation ne vendra point, ou que si elle vend, elle le fera sans désavantage.
Mais supposons qu'il soit réellement difficile, disons même impossible de retirer de.la vente des nues propriétés le prix rigoureusement exact de leur valeur, la conséquence est-elle qu'il ne faut pas les vendre? Qu'arrivera-t-il en effet si vous prenez ce parti contraire ? qu'à l'expiration de chaque bail emphytéotique ou à vie, une propriété libre rentrera dans la main de la nation. Mais que sera-ce que ces diverses successions qui s'ouvriront à des époques différentes et éloignées, et en quelque sorte disséminées dans Pespace d'un siècle ? N'en doutez pas, toutes ces ressources ainsi éparses de distance en distance deviendront nulles et sans la moindre influence sur le sort de la fortune publique...
Les motifs d'intérêt public viennent tous a 1 appui de vos comités. Il existe des soumissions en grand nombre sur les objets de cette nature. La ville de Rouen seule en a demandé pour plus d'un million. On ne doute pas que ceux qui ont la jouissance actuelle ne soient très jaloux de convertir un droit résoluble en une propriété incommutable ; et vous savez si c'est un grand bien pour la chose publique que les domaines nationaux rentrent dans la circulation, et redeviennent des propriétés particulières. Vous savez que c'est à l'industrie, à l'activité, aux efforts des seuls propriétaires qu'il appartient de donner à la propriété tout son développement, toute sa valeur.
Nous n'entrerons en ce moment dans aucun détail sur quelques articles additionnels que vos comités m'ont chargé de vous présenter. Nous espérons qu'ils souffriront peu de difficultés. Nous avons en conséquence repris les articles que vous avez déjà décrétés dans la séance du
19 mars ; nous y avons ajouté les dispositions nouvelles que le comité a adoptées et nous en avons formé un nouveau projet que nous vous proposons de décréter dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités ecclésiastique et de l'aliénation des domaines nationaux, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Les baux emphytéotiques légitimement faits sont ceux qui ont été revêtus de lettres patentes dûment enregistrées, ou qui ont été homologués par arrêt ou jugement en dernier ressort sur les conclusions du miuistère public.
Art. 2.
« Seront aussi exécutés, quoique non revêtus des formalités ci-dessus :
« 1° Les baux emphytéotiques faits à portion de fruits? ceux passés par les ci-devant chapitres, corps et communautés subsistants depuis
20 ans, et ceux passés par de simples bénéticiers depuis 40 ans sans réclamation ;
« 2° Les baux moins anciens, faits à la suite d'un bail de 99 ans, ou de deux baux de plus de 27 ans chacun, du consentement, soit des supérieurs, soit des corps et communautés avec lesquels la possession était originairement indivise, et passés à une redevance au moins égale à celle portée aux baux antérieurs, lorsqu'elle élait en nature, et supérieure, de moitié lors qu'elle était en argent;
« 3° Ceux dont la redevance n'excède pas la somme de 200 livres;
« 4° Enfin, ceux dont les preneurs prouveront que par des constructions, plantations ou autres améliorations faites à leurs dépens, les biens ont acquis une valeur double de celle qu'ils avaient à l'époque du bail.
Art. 3.
« Ceux dont les baux sont conservés par les articles précédents, et qui justifieront avoir versé, en exécution de la déclaration du 22 juillet 1702, la finance à laquelle ils auraient été taxés, jouiront pareillement des 10 années qui leur ont été accordées par l'article 10 de cette déclaration, au delà de celles fixées par leurs baux.
Art. 4.
« Il ne sera exercé aucune action en restitution de fruits contre les détenteurs qui, n'étant dans aucune des exceptions ci-dessus, ne se trouvent pas maintenus dans leur jouissance.
Art. 5.
« Les dispositions de l'article 1er, et les
premières et troisièmes exceptions portées en l'article 2, auront lieu,
tant pour les contrats appelés appensionnements ou locateries
perpétuelles, que pour les baux à rentes foncières ou perpétuelles.
« Et quant aux baux à cens ou rentes foncières de biens qui étaient rentrés dans les mains des possesseurs ecclésiastiques, et dont ils étaient tenus de les vuider aux termes des lois, lesdits baux à cens ou rentes foncières seront exécutés, pourvu néanmoins que les nouvelles redevances ne soient pas inférieures aux anciennes.
Art. 6.
« Les dispositions des précédents articles ne s'appliquent qu'aux biens ci-devant ecclésiastiques, et non aux biens domaniaux.
Art. 7.
^ « Ne sont pas compris dans les dispositions de l'article 9 du décret du 14 mai, les baux passés par de simples bénéficjers, pour un terme au delà de 9 années, et jusqu'à 18; mais lesdits baux seront exécutés pour ce qui reste à écouler des 9 premières années, et même pour les années qui excèdent ce terme, si la première desdites années excédantes se trouvait commencée au 2 novembre 1789.
« Quant aux baux de 18 à 29 ans, ils seront exécutés pour les années qui resteront à courir, si la dix-neuvième année se trouve commeucée lors de la publication du présent décret; seront enfin exécutés les baux faits pour plus de 9 ans jusqu'à 29, et. passés par les ci-devant chapitres, corps et communautés.
Art. 8.
« Sont également nuls les baux faits par anticipation, c est-à-dire pour les maisons, plus d'un an avant l'expiration du bail, et pour les biens ruraux plus de 3 ans avant le 1er octobre de Vannée pendant laquelle le précédent fermier doit faire sa dernière récolte, excepté néanmoins lorsque les baux auront été faits par les ci-devant chapitres, corps et communautés.
Art. 9.
« L'article précédent ne pourra néanmoins préjudicier aux adjudications déjà faites sous la condition que l'acquéreur ne sera pas tenu à l'entretien du bail dans les pays où les coutumes, statuts ou règlements tixent un moindre délai pour la légitime passation des baux.
Art. 10.
« Les baux faits par anticipation par de simples bénéficiers seront encore maintenus lorsque l'exécution en aura été commencée avant le 2 novembre 1789, ou que le preneur, jouissant en vertu, du premier bail, en aura obtenu un second sons la condition de faire des constructions, plantation s ou améliorations, et prouvera qu'il a rempli la condition.
Art. 11.
« La récolte de la présente année 1791 sera faite par tout fermier ou cultivateur, qui, sans avoir de bail subsistant, a fait les labours et ensemencements qui doivent la produire.
Art. 12.
« Lorsqu'il y aura soumission pour les portions dont un fermier général jouit par lui-même, il sera, par des experts nommés par le fermier général et le directoire du district, fait une estimation qui fixera le fermage que pourrait produire la portion demandée : le fermier général aura la faculté, ou de laisser l'adjudicataire jouir de la portion vendue en recevant de lui un dixième dudit fermage, ou d'en conserver la jouissance en payant lui-même neuf dixièmes du fermage estimé à l'adjudicataire.
Art. 13.
« En cas d'aliénation des portions comprises en un bail général, soit sous-affermées, soit con-> servées par le fermier général, la redevance due par ce dernier diminuera du montant des neuf dixièmes, qui, aux termes de l'article précédent, et des dispositions du décret du 31 décembre dernier, seront touchés par l'adjudicataire.
Art. 14.
« Les rentes emphytéotiques, ou à vie, appartenant à la nation en vertu des actes maintenus par les dispositions précédentes, ensemble la nue propriété des biens qui en sont l'objet, pourront être aliénées aux conditions et suivant les règles qui vont être expliquées.
Art. 15.
« Les experts estimeront quel doit être le revenu des biens compris au bail emphytéotique ou à vie. Lorsque le revenu fixé par les experts excédera celui de la rente emphytéotique, le soumissionnaire sera tenu d'offrir : 1° 22 fois le revenu de la rente emphytéotique; 2° le capital de l'excédent au même denier, mais eu égard à la non-jouissance que l'acquéreur éprouvera jusqu'à l'expiration du bail, le tout suivant les tables de proportion annexées au présent décret.
TABLE DE PROPORTION
pour servir à Vestimation des biens donnés à emphytéose.
Le prix du revenu (excédant la redevance emphytéotique) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22.
Valeur actuelle d'un
revenu de 1,000 liv. dont la jouissance Durée. est suspendue
jusqu'à l'expiration d'un bail emphytéotique.
5 ans................17,616 livres
10 ans................14,105 —
45 ans................11,294 —
20 ans................9,043 —
25 ans................7,241 —
30 ans................5,798 —
35 ans................4,642 —
40 ans................3,717 —
45 ans;..............2,976 —
50 ans................2,383 —
55 ans................1,908 —
60 ans................1,528 —
65 ans................1,223 —
70 ans................980 —
75 ans................784 —
80 ans................628 —
85 ans................503 —
90 ans................403 —
95 ans................322 —
100 ans................258 —
Combien de fois il faudra payer le revenu excédant la redevance portée au
bail emphytéotique, ou 17 8/13 (1). 14 2/19 5/17 1/23 6/25 4/5 9/14 3 33/46 2 41/42 13/34 10/11 9/17
11 9 7 5 4
2 1 1 i
les 49/50 51/65 49/78 50/99 27/67 19/59 8/31
TABLE DE PROPORTION
pour servir à Vestimation des biens donnés par bail à vie.
Le prix du revenu (excédant la rente portée au bail) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22.
Valenr actuelle
d'un Combien de fois
revenu de 1,000 liv. il faudra payer dont la jouissance le revenu excédant
Age de la tête. est suspendue la redevance
par portée
un bail à vie an bail à vie. sur une seule tête.
5 ans........ 6,205 livres ou 6 9/44 (1)
10 ans........ 5,907 — 5 39/43
15 ans........ 6,531 — 6 17/32
20 ans........ 7,183 — 7 2/11
25 ans........ 7,685 — 7 24/35
30 ans........ 8,244 — 8 10/41
35 ans........ 8,883 — 8 83/94
40 ans........ 9,619 — 9 13/21
45 ans........ 10,424 — 10 14/33
50 ans........ 11,333 — 11 1/3
55 ans........ 12,290 — 12 11/38
60 ans........ 13,349 — 13 15/43
65 ans........ 14,530 — 14 26/49
70 ans........ 15,842 — 15 16/19
75 ans........ 17,169 — 17 12/71
80 ans........ 18,434 — 18 23/53
85 ans........ 19,500 — 19 1/2
90 ans........ 20,263 — 20 5/19
95 ans........ 21,761 — 21 51/67
TABLE DE PROPORTION
pour servir à Vestimation des biens donnés par bail à vie sur deux têtes.
Le prix du revenu (excédant la rente portée au bail) étant fixé sur le pied de 100 livres pour 4 livres 6/11® de rente ou au denier 22.
Valeur actuelle d'un
revenu de 1,000 liv. Combien de fois
Ages dont la jouissance il faudra payer
des deux têtes. est suspendue le revenu excédant
par un bail à vie la redevance
sur deux têtes. portée au bail.
! 10 ans................3,125 livres ou 3 1/8 (2)
20 ans................3,576 - 3 53/92
30 ans...........3,969 — 3 94/97
40 ans................4,397 - 4 25/63
50 ans................4,830 - 4 83/100
60 ans..............5,232 — 5 16/69
70 ans........ 5,572 — 5 4/7
80 ans................5,785 — 5 11/4
i 20 ans........ 4,118 — 4 2/17
30 ans........ 4,600 — 4 3/5
40 ans........ 8,134 — 5 2/15
50 ans........ S,684 — 5 13/19
60 ans........ 6,208 - 6 16/77
70 ans....'.... 6,674 — 6 31/46
80 ans........ 6,989 - 6 90/91
( 30 ans........ 5,167 - 5 1/6
1 40 ans................8,805 - 5 62/77
on ) 50 ans................6,463 - 6 25/54
30 ) 60 ans................1,090 - 7 1/100
/ 70 ans................"7,643 — 7 9/14
l 80 ans................8,015 - 8 1/67
! 40 ans................6,576 — 6 53/92
50 ans........ 7,392 - 7 29/74
60 ans................8,173 - 8 14/81
70 ans................8,868 - 8 79/91
80 ans................9,334 - 9 1/3
/ 50 ans................8,412 - 8 7/17
-A \ 60 ans................9,419 - 9 31/74
80 { 70 ans................10,330 — 10 32/97
( 80 ans................10,950 — 10 19/20
( 60 ans................10,722 — 10 13/18
60 I 70 ans................11,959 - 11 47/49
(80 ans.......'. 12,815 — 12 22/27
„A I 70 ans................13,676 - 13 48/71
70 j 80 ans...........14,983 - 14 58/59
80 | 80 ans................16,906 - 16 29/32
Article additionnel.
« Sur le rapport fait par les comités ecclésiastique et d'aliénation réunis, des difficultés qui se sont élevées dans plusieurs départements, par rapport à l'exécution de traités faits entre des ci-devant bénéficiers et des particuliers ou des compagnies de gens d'affaires, par lesquels les personnes qui ont contracté avec les bénéficiers se sont engagées envers eux, moyennant des remises convenues, à leur faire des avances de fonds, et à percevoir le prix des baux qui seraient faits par le bénéficier lui-même en leur présence, et ce, pendant un nombre d'années convenu, quel que fût le bénéfice dont le titulaire qui traitait se trouvât pourvu, et dans le cas même où il acquerrait un nouveau bénéfice au lieu de celui qu'il possédait :
« L Assemblée nationale, considérant que les conventions dont il s'agit caractérisent un traité particulier, propre à la personne beaucoup plus qu'au bénéfice, et qu'il ne saurait être assimilé aux baux généraux des biens d'un bénéfice dont elle a ordonné l'exécution dans des circonstances et sous des conditions désignées ;
« Déclare que les traités dont il vient de lui être rendu compte ne sont point dans le cas d'être exécutés par la nation ; et néanmoins, attendu que ceux qui avaient consenti lesdits traités les ont exécutés de fait pendant le cours de l'année 1790, décrète que leur exécution ne cessera qu'à compter du 1er janvier dernier. »
(Ce décret est adopté.)
Il s'est élevé une difficulté au comité ecclésiastique, sur la question de savoir si les rentes foncières à prix d'argent étaient comprises dans le décret du 9 mars dernier, qui suspend la vente des droits incorporels. Les uns ont soutenu l'affirmative, les autres la négative, fondés sur ce ciue les ventes à prix d'argent, présentant une valeur certaine, n'étaient pas comprises dans le décret du 9 mars, et pouvaient être vendues.
président du comité d'aliénation. Le comité d'aliénation s'est occupé de cette question et de quelques autres analogues ; si l'Assemblée l'ordonne, il lui présentera jeudi prochain ses vues sur cet objet.
(L'Assemblée décrète qu'elle entendra jeudi prochain le comité d'aliénation.)
J'aireçu une lettre du directoire du département de Paris dont je vais donner lecture à l'Asaemblée :
« Monsieur le Président,
« Dans un arrêté de police que le directoire a « pris le 11 de ce mois, relativement aux églises « paroissiales, chapelles et autres édifices reli-« gieux, le directoire, considérant que les contra-« ventions à ses dispositions peuvent être de « telle conséquence, que les peines ordinaires « de police seraient insuffisantes, pour les cas de « résistance, s'adresse, ainsi qu'il l'avait annoncé « dans le même arrêté, aux législateurs, pour » qu'ils veuillent bien statuer dans leur sagesse « la peine qu'ils voudront appliquer auxdites « contraventions. »
« Nous sommes, etc. »
Il n'est fait mention dans cette lettre que d'une partie de l'arrêté
du
J'ajouterai d'ailleurs que, si le département de Paris ne s'était pas chargé de présenter à l'Assemblée son arrêté, je le lui aurais déféré moi-même comme contenant des dispositions inconstitutionnelles et dangereuses pour la liberté publique. Je conclus au renvoi de la lettre et de l'arrêté du directoire de Paris au comité de Constitution qui devra en faire incessamment le rapport.
Je réponds à M. de Biauzat que je m'oppose formellement au renvoi qu'il demande. Je pense qu'il faut lire l'arrêté du département de Paris, pour lui donner les éloges qu'il mérite; et je crois qu'il ne sera pas difficile de prouver que le département de Paris s'est renfermé strictement, quoi qu'on en dise, dans les limites de l'autorité que la Constitution lui a confiée pour l'exécution non seulement des lois, mais de la déclaration des droits, qui est supérieure à toutes les lois; que nous n'avons fait que déclarer, et à laquelle nous ne pourrions attenter sans nous rendre indignes de la confiance de la nation. (Applaudissements.)
Je demande donc que la discussion s'ouvre sur cet arrêté, pour éclairer ceux qu'un zèle malentendu peut avoir égarés; et je m'engage à prouver qu'il est conforme à toutes les règles et a tous les principes; que cet arrêté est plein de la plus saine philosophie, de la plus droite raison et de la plus exacte vérité; que cet arrêté met toutes choses à leur place; qu'il maintient la liberté qui appartient à tous les citoyens. Il est donc nécessaire qu'il soit lu, et que ceux qui y trouvent des choses irrégulières veuillent bien nous les indiquer. La discussion en est essentielle, non pas pour l'Assemblée, qui est exempte de préjugés, mais pour le peuple qui n'est pas assez instruit. Pour moi, je déclare que je conclurai à donner des éloges au département de Paris et à envoyer son arrêté dans tous les départements. (Applaudissements.)
secrétaire, donne lecture de l'arrêté qui est ainsi conçu :
Arrêté du directoire du département de Paris concernant les églises paroissiales, les chapelles et autres édifices de la ville de Paris.
« Paris
« Le directoire, pénétré de l'obligation où il est de concourir de toutes ses forces à l'établissement de la Constitution, de prendre toutes les mesures administratives qui doivent assurer la pleine exécution des lois et, en particulier, pressé par les circonstances d'employer des moyens prompts et efficaces, pour maintenir l'ordre.public dans tout ce qui concerne le service du culte catholique.
« Vu son précédent arrêté du 8 de ce mois, par lequel, en confirmant les mesures provisoires prises par la municipalité, il requérait qu'il lui fût rendu compte de l'état des églises paroissiales de Paris, et de leur suffisance ou insuffisance pour le service public au culte catholique;
« Vu le compte présenté par la municipalité, à la séance de ce jour, et après avoir entendu le procureur général syndic :
« Le directoire, considérant que la nation, en se chargeant des frais du culte catholique, n'entend pas y consacrer plus d'édifices qu'il n'est nécessaire pour l'entier et complet exercice de cette religion ;
« Que le Trésor national doit profiter de la vente de toutes les propriétés nationales devenues inutiles à l'établissement public ;
« Que la liberté du citoyen, dans ses opinions religieuses et dans tout ce qui ne blesse pas l'ordre public, doit lui être garantie contre toute espèce d'atteinte;
« Voulant en même temps réprimer efficacement les désordres publics journellement suscités par de mauvais citoyens, sous prétexte d'opinions;
« A arrêté ce qui suit :
« Art. 1er. La municipalité nommera, pour
chaque église paroissiale, un officier public, sous le nom de
préposé laïc, lequel aura la garde de l'édifice, celle de la
sacristie, le dépôt des ornements, etc... ét le soin de la police
intérieure.
« Art. 2. Le préposé de chaque paroisse aura sous ses ordres le nombre d'employés qui sera jngé suffisant pour le service Me de l'église.
« Art. 3. Tout préposé laïc et les employés sous ses ordres seront tenus, sous peine de destitution, d'empêcher qu'aucune fonction ecclésiastique ne soit exercée dans leur église, sacristie ou bâtiments en dépendant, par d'autres que par les fonctionnaires publics ecclésiastiques, salariés par la nation, nominativement attachés à ladite église paroissiale et inscrits sur un tableau exposé à cet effet à la porte de la sacristie.
« Art. 4. Il ne pourra être fait d'exception à l'article précédent qu'en faveur des prêtres ou ecclésiastiques qui seront munis d'une licence particulière, accordée par l'évêque du département, visée et consentie par le curé de la paroisse, laquelle permission aura besoin d'être renouvelée tous les 3 mois.
« Art. 5. Toute autre église ou chapelle, appartenant à la nation, dans la ville de Paris, sera fermée dans les 24 heures, si elle n'est du nombre de celles qui sont expressément exceptées par l'article suivant :
« Art. 6. Sont exceptées les chapelles des hôpitaux et autres maisons de charité, des prisons et autres maisons de détention ;
« Les chapelles des couvents des religieuses cloîtrées qui n'ont pas été supprimées;
« Celles des collèges de Paris en plein exercice;
Celles enfin des séminaires, en attendant qu'ils soient tous réunis en un seul, aux termes des décrets.
« Toutes ces exceptions ne sont que provir soires, et en attendant ce que l'Assemblée nationale décrétera touchant 1 instruction publique, les maisons de secours, et celles de détention.
« Art. 7. Les exceptions portées en l'article précédent n'auront lieu qu'aux conditions suivantes : que ces chapelles, ne devant servir qu'à l'usage particulier de la maison, ne seront en aucun cas ouvertes au public, qu'aucune fonction ecclésiastique ne pourra y être exercée que par ceux qui auront à cet effet une mission par7 ticulière de l'évêque de Paris, visée par le curé de la paroisse ; laquelle mission n'aura pu être accordée que sur la demande des supérieurs de ces maisons.
« Art. 8. Il sera présenté incessamment une requête officielle à l'Assemblée nationale, pour demander que la loi prononce, en cas de contravention, la peine de destitution pour les supérieurs, et même de suppression des chapelles suivant les cas.
« Art. 9. Les religieuses cloîtrées, qui ne voudraient pas profiter de la faveur qui leur est accordée par l'article 6, sont libres d'en faire la déclaration à la municipalité. A cette condition, elles régleront seules ce qu'elles jugeront convenable à l'exercice de leur culte, en se servant des chapelles intérieures de leur couvent. S'il n'y a pas de chapelle intérieure dans leur couvent, elles s'adresseront à la municipalité, qui pourra, après la visite des lieux, leur accorder la disposition de la chapelle extérieure, ou seulement d'une partie de cette chapelle, si elle se trouve plus grande qu'il n'est nécessaire pour leur usage particulier; mais, dans ce cas, toute communication extérieure sera fermée, et les religieuses cloîtrées seront dispensées de la seconde condition exigée par l'article 7 ci-dessus.
« Art. 10. Les églises et chapelles qui ont été fermées en vertu de l'article 5 seront, aux termes des décrets, mises en vente au profit de la nation ou réservées à toute autre destination qui pourrait être déterminée par l'Assemblée nationale. Les acquéreurs de ces édifices resteront libres d'en faire tel usage qu'ils jugeront à propos.
« Art. 11. Tout édifice ou partie d'édifice que des particuliers voudront destiner à réunir un grand nombre d'individus pour l'exercice d'un culte religieux quelconque portera, sur la principale porte extérieure, une inscription pour indiquer son usage, et le distinguer de celui des églises publiques appartenant à la nation, et dont le service est payé par elle.
c Art. 12. Cette inscription ne pourra, pendant le cours de cette année 1791, être placée qu'après avoir été vue et autorisée par le directoire au département.
« Art. 13. Seront exempts de l'inscription, les maîtres des maisons qui ont déjà, ou auront des chapelles particulières pour l'usage seulement intérieur de leurs maisons.
« Art. 14. Il est expressément défendu de mêler aux exercices de quelque culte que ce soit des provocations contre la Constitution, contre les lois ou contre les autorités établies. A ce signe, la police doit distinguer, de ceux qui se réunissent paisiblement pour leur religion, ceux qui, sous ce prétexte, s'assembleraient dans des vues criminelles, et pour tenter des coalitions factieuses contre l'établissement de la Constitution.
« Art. 15. Toute contravention aux articles 11, 12 et 14 sera réprimée, la première fois, par les moyens et les peines ordinaires de police, et la seconde fois, par telle autre peine plus sévère prononcée par la loi, le directoire du département se réservant de s'adresser à l'Assemblée nationale pour avoir à cet égard une loi pénale.
« Art. 16. Le directoire ordonne expressément à la municipalité d'employer tous les moyens, pour réprimer efficacement les coupables effets de l'odieuse intolérance qui s'est récemment manifestée, et pour prévenir les même délits, sous quelque forme qu'ils se reproduisent contre la pleine liberté religieuse reconnue et garantie par Fa nouvelle Constitution.
« Art. 17. Le présent arrêté sera envoyé à la municipalité de Paris, pour qu'elle ait à veiller à son exécution; et il sera imprimé et affiché partout où besoin sera :
Signé : La Rochefoucadld, président.
Blondel, secrétaire.
Je crois, avec M. d'André, que l'arrêté du département de Paris est conforme aux notions de la plus pure et de la plus saine philosophie, digne même d'être consacré par votre sagesse. Mais il est des règles dont la conservation est si importante, qu'il est impossible de les omettre sans ébranler les fondements de l'ordre public.
Vous avez sagement établi, Messieurs, que tout Etat dans lequel la destination des pouvoirs n'est pas bien marquée, n'est pas bien assurée, n'a pas de bonne constitution. C'est cette distinction de pouvoir que, dans un mouvement de zèle dont le principe est sans doute infiniment louable, le directoire du département de Paris a méconnue : c'est ce qui fait le vice essentiel de son arrêté ; c'est ce qui ne vous permet pas d'accepter comme arrêté ce qui est excellent à vous être présenté comme pétition. (Applaudissements à l'extrême gauche.)
Rappelez-vous que vous avez entendu dans cette Assemblée, il y a fort peu de temps, le reproche adressé à des patriotes de tendre par leurs opinions au pouvoir fédératif : Eh bien, si chaque directoire de département peut, avec de bonnes intentions, en présentant des vues sages, s'arroger la puissance législative (Applaudissements à l'extrême gauche.), nous voilà parvenusaux portes de l'Etat fédératif dans lequel notre Constitution une fois précipitée se trouvera anéantie et perdue sans ressource.
Messieurs, considérez, je voue prie, dans votre sagesse la souveraine importance de l'exemple dont il s'agit ici. Tout l'Empire a les yeux ouverts sur la délibération que vous allez prendre. Ce que le directoire du département de Paris aura pu se permettre, chacun des 82 directoires de département pourra sans doute se le permettre également; et vous allez avoir en France 83 pouvoirs législatifs (Applaudissements.) Vous avez été frappés de la nécessité de renfermer strictement les corps administratifs dans les limites de l'autorité qui leur e3t attribuée. Vous avez distingué l'administration et l'ordre judiciaire. Vous avez donné aux départements ce qui concerne la tenue, et aux tribunaux ce qui tient aux questions d'éligibilité.
Maintenant, je viens vous démontrer que l'arrêté dont on vient de vous donner lecture entreprend véritablement sur les fonctions du Corps législatif. L'article 1er porte que : « La municipalité nommera pour chaque église paroissiale un officier public sous le nom de préposé laïque, etc. » Je demande si un officier peut être jamais établi autrement que par la loi. Cela me paraît assez clair et assez évidemment démontré. (Applaudissements.)
Je passe rapidement sur plusieurs dispositions immédiatement
subséquentes à celle-ci. Je me contenterai de cette observation
générale, que par l'ensemble des dispositions on change absolument
l'ordre légal établi jusqu'à présent pour l'administration des
paroisses, et que l'on transfère à la municipalité de la ville ce
que les lois attribuaient ci-devant aux assemblées de paroisses,
arrangement très bon en lui-même, mais qui ne peut être introduit
que par une loi; car enfin il est indubitable que ce n'est que par
l'autorité
Je viens à l'article 4 qui est ainsi conçu : « Il ne pourra être fait d'exception à l'article précédent, qu'en faveur des prêtres ou ecclésiastiques qui seront munis d'une licence particulière, accordée par l'évêque du département, visée et consentie par le curé de la paroisse. »
Je vois que le directoire du département de Paris, avec des vues très bonnes, dans l'effervescence de son zèle, a tranché une des grandes questions du droit public ecclésiastique, c'est-à-dire l'admission dans une paroisse d'un prêtre étranger à cette paroisse. L'admission des prêtres étrangers aux paroisses a été longtemps discutée par les canonistes français ; les uns donnaient ce droit d'admission aux curés qui sont aussi d'institution divine; les autres, au contraire, ne le donnaient qu'aux évêques, cet objet ne pouvait être décidé que par une loi.
L'article 2 est obscur, il n'a pas la précision que doit avoir la loi. Gomment interpréter quel est le nombre nécessaire d'individus qui peuvent être admis dans les églises louées?
Je passe aux articles 11 et 12 d'autant plus volontiers qu'ils présentent une idée belle et sage, mais qui ne peut trouver place que dans une pétition ; et je demande à ce directoire législateur comment il fera si le citoyen n'obéit pas à sa loi? Qu'arrivera-t-il? Remarquez que vous avez attribué la police aux municipalités. Eh bien 1 si la municipalité ne rend point une ordonnance conforme, quel est le citoyen qui se croira lié par cet arrêté du département? Mais, me dira-t-on, le directoire est supérieur : il ordonnera à la municipalité de rendre une ordonnance ; le citoyen sera traduit devant la municipalité, et l'appel porté devant un tribunal. Mais le juge établi pour faire l'application de la loi doit-il faire, ou ne doit-il pas faire l'application du règlement fait par ce directoire? S'il ne doit pas en faire l'application. ce règlement est impuissant ; s'il doit en faire l'application, c'est donc bien véritablement une loi que le directoire a faite de son propre mouvement.
Je dis que, si le directoire du département de Paris a ordonné l'exécution d'une disposition qui n'est pas dans la loi, il a fait une loi particulière. Non pas que je n'approuve ce règlement en lui-même ; je le regarde comme sage, et je pense que c'est s'égarer étrangement que de le croire opposé à nos principes religieux et civils. Je crois même que la difficulté des circonstances exige que vous vous empressiez d'adopter ce système; mais ce n'est pas assez de faire le bien, il faut encore le bien faire.
Pour ne pas abuser des moments que vous avez l'indulgence de m'accorder, je n'étendrai pas davantage mes réflexions et voici le projet de décret que je voue propose :
« L'Assemblée nationale, sans approuver l'arrêté du directoire du département de Paris, lequel elle a déclaré de nul effet, prenant ledit arrêté pour pétition, arrête que les articles dudit arrêté seront mis successivement en délibération. »
Je n'aime pas plus que le préopinant le système des républiques fédératives. Si je croyais voir que l'arrêté du département nous menait à cet ordre de choses, je serais le premier à m'élever pour le repousser. Mais je ne sais rien de tout cela, et je ne puis être aucunement de l'avis de M. Goupil.
L'arrêté du département est la conséquence claire et précise d'un article de la déclaration des droits de l'homme. Il donne un appui au droit imperceptible qu'a tout homme de faire ce qui n'est pas défendu par la loi; et surtout de se réunir tranquillement dans un lieu commun pour l'exercice du culte. Encore y apporte-t-il une espèce de restriction en demandant une inscription au-dessus du temple. Nous ne saunons trop approuver ces vues saines et fermes pour la cessation d'une odieuse intolérance.
La mesure du département, de faire rendre aux non-conformistes les édifices qui ne sont point nécessaires au service public, me paraît exactement conforme à ces principes. Cette manifestation, loin de troubler l'ordre public, doit au contraire le rétablir et prévenir la persécution qui nous plongerait dans les discordes et les maux Tes plus fâcheux. Cette arme, mise aux mains des fanatiques par des gens habiles, est un volcan placé sous votre Constitution. Il faut lui dcmner une issue, si vous voulez préserver la patrie.
Un membre à gauche : Ce n'est pas là la question.
Je ne rechercherai pas si ces cénobites, qui ont consacré le cours de leur vie à la recherche d'une perfection chimérique, sont des hommes d'une raison faible et égarée par les préjugés; mais je sais qu'ils doivent jouir d une liberté sans bornes en tout ce 9U1 ne contrarie pas les principes de la Constitution.
Je conclus à l'adoption de l'arrêté, et a l'envoi aux départements, comme instruction pour faciliter l'exécution des décrets sur la Constitution civile du clergé.
Je ne trouverais certainement dans cette Assemblée aucune contradiction, quand je rendrais hommage au zèle, à la purete, au patriotisme des membres du directoire du département de Paris ; mais personne n'est à 1 abri de l'erreur. Déjà l'un des préopinants vous a prouvé qu'il y avait quelques articles dans cet arrêté qui excédaient les bornes prescrites aux corps administratifs. Dans les deux premiers articles, par exemple, on crée des officiers publics pour la garde et la conservation des meubles, ornements et effets, lesquels sont,dans l'état actuel, confies à des administrations particulières qu'on ne peut déplacer sans innovation. De plus, en excédant ainsi les bornes de son pouvoir, le département augmente la dépense, à moins que la même opération ne supprime les administrations qui existent.
L'article 3 me paraît rédigé dans un sens contraire aux intentions du département, et il me semble qu'à ce sujet il faut faire une déclaration qui lève toutes les difficultés. Vous avez ordonne que les ecclésiastiques fonctionnaires publics prêteraient un serment, et la seule peine quait entraîné le refus de prêter serment, ou plutôt sa seule conséquence, c'est que le prêtre tonction-naire public le refusant est devenu un ecclésias-tiaue ordinaire. Les uns et les autres ont conservé le droit d'exercer partout les fonctions ecclésiastiques où ils voudront et où ils pourront le faire (Applaudissements unanimes.)', et cependant u résulterait de l'article 3 que tous les ecclésiastiques refusant de prêter le serment ne pourraient pas aller dire la messe dans une paroisse.
Jamais les simples ecclésiastiques nont été privés de faire les
fonctions ecclésiastiques, ex-1 cepté celles attachées à un titre
dont ils ne-
L'article suivant fait une exception en faveur des prêtres qui seraient munis d'une licence particulière. Il est certain que cette mesure est mauvaise. L'édit de 1695 voulait bien qu'on ne pût prêcher ni confesser dans aucune paroisse sans permission : mais jamais ni cet édit, ni aucune loi n'ont exigé la licence de l'évêque pour qu'un prêtre pût dire la messe. (Applaudissements.)
Cet article aurait encore un autre inconvénient, il augmenterait singulièrement la dépense du culte, et en voici la preuve : Vous savez que dans toutes les paroisses il existe aussi des curés et des vicaires; mais il existe aussi des prêtres habitués, lesquels ne sont pas salariés. Ces prêtres sont nécessaires pour le service, et jusqu'à ce moment-ci ils ont vécu du casuel de leur service. Vous n'avez pas supprimé le casuel de ceux-là; vous avez supprimé le casuel des curés et celui des vicaires, parce que vous avez payé les curés et les vicaires; mais vous n'avez pas supprimé le casuel des prêtres habitués, que des particuliers peuvent employer à des cérémonies pour en augmenter la pompe. Cependant s ils sont suspendus, alors les églises se trouvant privées du secours qu'elles en reçoivent, il faudrait nécessairement augmenter de beaucoup le nombre des vicaires et, par conséquent, la dépense du culte.
Enfin il résulte de cet article, rapproché avec l'article 11, des conséquences qui ne peuvent être dans l'intention du directoire du département de Paris. Je déclare d'abord hautement que la liberté des cultes est nécessaire, qu'elle est une conséquence de vos décrets. {Applaudissements prolongés.) Je ne connais qu'un culte dans l'Eglise de France ; dans l'Eglise catholique, apostolique et romaine, il ne peut en exister deux.
II est impossible qu'on trace une démarcation entre les prêtres assermentés ou non assermentés {Applaudissements). La seule différence qui existe entre eux est que les premiers sont fonctionnaires publics et que les autres ne le sont pas; mais ils sont tous du même culte. Cependant je vous prie de remarquer que, en adoptant l'arrêté, il en résulte que vous auriez déclaré un schisme, que vous auriez été contre le vœu de la nation qui n'a jamais entendu faire un schisme, et qui ne consentira jamais à être schismatique. (Applaudissements.)
Il y a encore une autre considération, et je demande ici votre attention : c'est que si par une mesure quelconque, il pouvait résulter un schisme, la conscience de tous les prêtres qui ont accepté des offices parce qu'ils ont bien senti qu ils n étaient pas schismatiques et qu'il n'v avait qu un culte-en France, pourrait être alarmée. Par exemple, supposons l'église des thé-atins donnée à des prêtres qui n'ont pas prêté le serment; supposons que M. l'Archevêque de Pans vint y faire l'office, y faire des ordinaires : que pourriez-vous dire? 11 en résulterait alors que vous perpétueriez une scission qui ne doit pas être perpétuée. Les prêtres vivraient d'obla-tions; vous n'auriez, à la vérité, qu'un seul culte payé par la nation ; mais il y aurait un autre culte et, en établissant le schisme, vous auriez établi la mendicité.
Je déclare que je regarde la liberté des cultes comme nécessaire, comme décrétée, mais je ne veux pas voir deux cultes là où il n'en existe qu'un. Je pense donc que vous ne pouvez vous dispenser de renvoyer l'arrêté du directoire du département de Paris au comité de Constitution ; c'est à ce comité qu'il doit être porté, puisqu'il y est question d'objets de police. Je propose donc de décréter les dispositions suivantes :
« L'Assemblée nationale déclare que les ecclésiastiques fonctionnaires publics, qui n'ont pas prêté le serment prescrit par la loi du 26 décembre 1790, n'étant réputés par ladite loi que démissionnaires de leurs titres de fonctionnaires publics, peuvent exercer librement, dans toutes les églises nationales, les fonctions ecclésiastiques qui ne sont pas attachées à des titres de fonctionnaires publics, qu'ils peuvent même confesser dans lesdites églises avec la permission des évêques diocésains et des curés du lieu ;
« Décrète : 1º Que les églises et chapelles dépendant des maisons et communautés sécu-. lières, etci-devant régulières, ne pourront servir qua l'usage particulier desdites maisons, sans pouvoir dans aucun cas, être ouvertes au public ;
« 2° Que celles desdites maisons qui auraient admis des étrangers dans leurs églises seront supprimées ;
« 3° Seront pareillement supprimées celles desdites maisons dans lesquelles il aura été fait des provocations contre Ja Constitution, contre les lois et contre les autorités légitimes.
« L'Assemblée nationale renvoie, au surplus, 1 arrêté du directoire du département de Paris, du 11 de ce mois, au comité de Constitution, pour en rendre compte incessamment. »
L'arrêté du département est un délit national. Le renvoi ne peut en être ordonné ; et je m'oppose à ce que l'arrêté du département de Paris soit considéré comme pétition.
Il me semble que l'on veut, avec de bonnes intentions sans doute, prêcher l'intolérance religieuse à la tribune. (Murmures et applaudissements.)
Vous n'avez pas la parole.
C'est une motion d'ordre.
proteste.
J'avais la parole avant Monsieur. Je me renferme dans la question. (Murmures.)
Monsieur le Président, puisque tous les préopinants ont demandé le renvoi au comité de Constitution, je ne sais pourquoi on l'arrête; mais je me demande auparavant comment il est possible que l'Assemblée qui a tant de choses à faire semble donner cours à une discussion qui ne sert qu'à échauffer les imaginations et à perpétuer cette fermentation malheureuse qui agite en ce moment le peuple. Ceux qui ont parlé avaient sans doute de bonnes intentions; mais ils n'en ont pas moins prêché l'intolérance religieuse la plus caractérisée.
Je veux être libre, moi, et c'est parce que je veux l'être que je
veux aussi que les autres le
Pour abréger cette discussion, je demande, dans l'intérêt de l'ordre public, que le renvoi au comité de Constitution soit décrété, et que l'on passe à l'ordre du jour. (Applaudissements.)
Je demande à faire un amendement à la motion de M. Buzot. {Murmures.)
La parole est à M. Lanjui-nais.
Et moi aussi je veux être libre {Murmures.); et c'est parce que ie veux être libre que je ne peux pas tolérer, que l'on renvoie 1 arrêté d«l département de Paris au comité de Constitution; parce que je ne saurais consentir a ce que, par provision, notre Constitution soit violée, et à ce que l'acte qui la viole ait son exe -cution provisoire. (Applaudissements.)
Voici ma motion : Ou le directoire a usurpé le pouvoir du Corps législatif, ou il s est maintenu Sans les bornes^e sel fonctions. S il a réellement usurpé les pouvoirs du Corps législatif, il a commis volontairement ou involontairement le plus grand des délits possibles, le crime de lèse-nation tu premier chef. (Murmures et rires.) Son arrêté doit avoir sou exécution dans les vingt-quatre heures; il ne faut pas laisser écouler ces vingt-quatre heures s'il est attentatoire au pouvoir lègisltif
Je ne dirai point, Messieurs, comment l'acte dont il s'agit contient des dispositions illégales; il est oppolé à vos décrets, il a abrogé vos lois, il a donc empiété sur vos fonctions. (Murmures.) Si l'on convient de ce que j'avance, si cette usurpation est reconnue, je conclurai tout de suite; mais si l'on en doute, je demande a prouver mon assertion.
Plusieurs membres : Oui! oui! Prouvez! prouvez !
Vous avez rendu, le 29 décembre dernier, un décret portant qu il est defendu à aui que ce soit de rien innover relativement au gouvernement des églises et des fabriques jusqu à te que vous ayez fait une loi generale sur cette matière. Or, la violation de cette loi, sanctionnée et publiée, est si évidente...
Ce n'est pas là la question. Vous n'avez la parole que sur la motion du renvoi.
Je suis parfaitement dans l'ordre. Je dis, Monsieur le Président, quon ne peut pas renvoyer purement et simplement cet arrêté au comité; il faut déclarer que l'arrête dont il s'agit sera regardé comme non avenu, bi, d'ailleurs, on veut ménager les personnes qui Tout rendu, et dont les intentions pouvaient être pures il faut dire au moins que les choses resteront dans le même état où elles etaient avant l'arrêté du directoire. (Murmures.)
S'il m'était permis d'entrer dans d'autres détails ip nrouverais que cette loi est la plus in-juste, la p^us Apolitique posaiblei^qa'^te pourrait compromettre essentiellement votre Const tu on et attirer sur le royaume les plus grands malheurs. (Murmures.)
On n'a encore pris la parole que contre l'arrêté. Je demande à parler pour.
Je fais k la motion de M. Buzot un amendement qui consiste en un seal motL As- semble nationale renvoie aux comites de Uon- stiUition et ecclSsiastique. .^nSJ^to g(oit k l'execution de I'arrfete du directoire ae denartement.
Voici pourquoi jmsisie sui nr&ment pour ramener la paix et pour precher Klfrance- car deux dispositions de cet arrete sont absolument coniraires a vos decrets. Vous avez d/cret™ que les fonctionnaires pub Lies non JssermeS ne pourraient pas remplir leurs oSS dans les'eglises paroissfes; cepend^t aujourd'hui on leur en au'ils aient une permission de leveque. yuam vera-t-il, Messieurs? On force, en quelque sor e, ces nr6 res-la a aller dans des maisons particu- hlres, dans des chapelles secies et e'est comtne cela au'on excite la fermentation. II faut leur laisser la faculte libre dejouir du droit qu'ilsont de dfre la messe dans leurs paroisses; etlorsque Ste liberS leur sera laissee, ils n'auront plus d'excuse si des troubles arrivent.
En outre, I'arrete nexcepie yum des communautes. Or, vous avez dfcritt qu il serait permis a toutesles commuoaut^d'exercer Ip rnlte nourvu que cet exercice ne tut pas pa- oissiX SS leur fite leurschapelles;eLe n'ont que des chapelles privees, il faut les leur laisser.
Plusieurs membres: Cela est dans l'arrêté.
Cela n'y est pas. On a bien parlé des chapelles des prisons, des collèges deshô-nitaux mais non pas des maisons religieuses. Lassez donc les choses dans l'état où elies élaien ; et en renvoyant l'arrête aux comités de Constitution et ecclésiastique, ordonnez qu'il soit sursis à son exécution.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
J'ai demandé la parole pour une motion d'ordre. La discussion qui a été ouverte sur l'arrêté du directoire du département de Pans a pour but d'éclairer l'opinion publique sur cet arrêté. Vous ne pouvez donc pas fermer la discussion, quand vous n'avez encore entendu que des orateurs qui parlaient contre lui ; ce serait la vraiment autoriser la fermentation qui agite les esprits, puisqu'on n'aurait entendu aucun défenseur de l'arrêté dont il s'agit. Quand il aura été. exnliaué, quand il aura été entendu, les opinions se réuniront peut-être en sa faveur, comme nous avons déjà vu les préopinants en reconnaître la sagesse, et M. Goupil notamment, bien qu il 1 ait trouvé mauvais dans sa forme.
En vain me demande-t-on de me renfermer dans la question du renvoi. MM. Camus et Lan-iuinais, qui avaient annoncé qu'ils ne parleraient nue sur le renvoi, sont entrés dans 1 examen du fond, pour en faire ressortir les inconvénients.
On a dit que nous avions d'autres objets importants a discuter ; mais quand il s'agit d'un objet qui tient à la liberté publique, quand depuis trois jours Paris est en mouvement, quand les ennemis de la Révolution d'un côté, et les fanatiques de l'autre se servent de cet arrêté pour exciter des troubles, en laisser la discussion en arrière, sous le prétexte d'un renvoi, c'est se résigner bien inutilement à tout le mal qui pourrait résulter de l'incertitude des esprits.
Vous ne pouvez donc pas éviter cette discussion très importante, et pour qu'elle soit commencée avec la sagesse et la dignité qui vous convient, je demande pour motion d'ordre qu'un membre du directoire du département, M. l'abbé bieyês, soit entendu, pour savoir dans quel sens 1 arrêté du département a été rédigé. Je me réserve ensuite de prouver qu'il est aussi régulier dans la forme que juste dans le fond.
(M. l'abbé Sieyès paraît à la tribune. On applaudit à plusieurs reprises.)
Je vais répondre à l'interpellation qui vient de m'être faite. J'expliquerai dans quelles intentions, dans quel esprit le directoire du département s'est cru obligé de prendre 1 arrêté qui vous est soumis en ce moment.
Rappelez-vous les circonstances dans lesquelles le directoire a été obligé de prendre ces dispositions. L'ordre public était troublé dans Paris Le fanatisme d'un côté, l'intolérance de l'autre semblaient attaquer à l'envi l'établissement de là Constitution. Une partie des églises, devenues inutiles par l'établissement de la constitution civile du clergé, étaient choisies pour les rendez-vous des réfractaires à la loi; et je vous prie d observer qu'il était bien singulier que des établissements nationaux fussent, en quelque sorte, offerts par la nation à ceux qui faisaient profession de désobéir à la loi.
La nation veut sans doute favoriser le service du culte catholique ; elle veut, par conséquent, que tout individu quelconque qui voudra professer la religion catholique, apostolique et romaine, puisse le faire dans des églises publiques, b est d après cet esprit que l'Assemblée nationale a formé sa constitution civile du clergé; elle a mis le culte public dans les églises paroissiales; elle a décrété l'existence, le traitement des évê-ques, des curés et des vicaires; - elle a supprimé tout le reste; ainsi l'intention de la nation n'a pu être que d'offrir le service du culte public dans les eglises paroissiales.
S'il n'y a pas assez d'églises paroissiales, je dis qu il faut accorder à chaque paroisse une ou deux succursales, si l'on n'aime mieux augmenter les paroisses; mais quand une fois toutes les paroisses seront tellement établies qu'on ne puisse pas dire que le service public catholique ne répond pas aux besoins publics, je dis que dès ce moment la nation ne doit plus rien.
C'est dans cette intention que Je directoire a pris les mesures qu'il était urgent de prendre Le n est pas seulement l'ordre public troublé c'est une lettre du roi, écrite par M. Delessart au directoire du département, qui l'a obligé de prendre ces mesures.
A présent, la question est de savoir si les mesures prises par le directoire du département sont bonnes ou mauvaises, compétentes ou non compétentes. On n a pas voulu traiter la question au fond, disait-on ; et cependant on l'a très bien traitée au lond, et vous avez vu des membres du comité ecclesiastique venir prétendre que le dé- partement est intolérant, et que le comité seul était tolérant : plaisante tolérance que celle qui déclare hautement qu'elle ne connaît qu'un culte et qu'elle n'en veut pas d'autre.
Un membre à gauche : Oui, pour les catholiques, il n en faut qu'un.
Je n'entre pas dans le fond de la question, puisqu'il paraît que l'Assemblée ne veut pas le traiter ; mais je me borne à la simple explication des raisons que le directoire du département a eu pour ordonner ces mesures dans la ville de Paris. Je lirai l'arrêté article par article et je prouverai la compétence.
L'article premier est ainsi conçu : Article premier. La municipalité nommera pour chaque église paroissiale un officier public, sous le nom de préposé laïc, lequel aura la garde de l'édifice, celle de la sacristie, le dépôt des ornements et le soin de la police intérieure. »
On a beaucoup attaqué l'article premier : On a prétendu qu'il n'appartenait pas à un corps administratif de créer des fonctions nouvelles. Je distingue entre fonctions et fonctions; car certainement, lorsque vous donnez un devoir à un corps administratif, vous lui permettez sans doute de nommer, par commission, des agents pour l'action immédiate de ce qu'il a à faire. Il y a plus : les préposés laïcs existaient déjà. En effet, dans toutes les églises, il y a des personnes chargées de la police, de la garde de l'édifice, du dépôt et de la garde des ornements. Comment-voulez-vous que les corps administratifs puissent donner des ordres à ces préposés s'ils ne les connaissent pas ? Comment voulez-vous qu'ils puissent être obéis, s ils n'ont pas des agents responsables ?
Ces agents étaient, pour ainsi dire, dissémines; on ne savait où les prendre. Le directoire a réuni leurs fonctions sur un seul agent responsable. Les corps administratifs ont le droit de prendre des mesures provisoires; sans cela, toute administration serait dissoute. Le directoire a dû dire qu'il y aurait un agent responsable, et que, pour que l'unité fût conservée, les autres agents lui seraient subordonnés.
Je sais qu'il y a des intérêts particuliers choqués par nos mesures qui cependant ne sont que provisoires. Aussi ce n'est qu'un malentendu, parce que l'intention du directoire était de faire entendre à la municipalité, par un arrêté particulier, que tout curé qui voudrait se charger lui-même de la responsabilité, n'avait qu'à se présenter pour être préposé laïc ; que tout curé qui ne voudrait pas se charger de cette responsabilité serait autorisé à présenter quelqu'un pour que la municipalité le nomme. Ainsi tous les intérêts particuliers qui ont paru se réunir contre cette disposition me paraissent très mal entendus; il n'v a pas le moindre inconvénient dans la mesure - de plus elle est compétente en soi.
Je passe au troisième article. Il est ainsi conçu : « Tout préposé laïc et les employés sous ses ordres seront tenus sous peine de destitution d'empêcher qu'aucune fonction ecclésiastique ne soit exercée dans leur église, sacristie ou bâtiments en dépendant, par d'autres que par les fonctionnaires publics ecclésiastiques salariés par la nation, nominativement attachés à ladite église paroissiale, et inscrits sur un tableau exposé à cet effet a la porte de la sacristie. »
Cet article paraît avoir soulevé l'indignation de beaucoup de membres
du comité ecclésiastique. Nous allons l'examiner sous le rapport de
la com-
Vous sentez bien que toute fonction exercée dans un bâtiment public pour le service du public, est une fonction publique ecclésiastique... (Applaudissements sur un grand nombre de bancs; murmures à droite.) Il s'élève des réclamations : il faut prouver. Je dis que toute fonction ecclésiastique exercée dans un lieu public, pour le public, est une fonction publique. Je fais une comparaison : l'instruction publique est nationale et publique comme le culte public. Vous avez des chaires publiques. Si un particulier disait : Je vejix instruire nos concitoyens, et s'il les instruisait dans une de ces chaires, n'exercerait-il pas une fonction publique ? (Murmures.)
Un membre à droite : Il s'agit de la messe.
Il y a de l'obscurité dans l'idée qu'on se forme des fonctions publiques. Dans toute fonction publique, il y a deux choses : les hommes qui agissent pour les besoins publics, et ceux qui profitent du service qu'on leur rend. Les citoyens sont les administrés : ceux qui leur rendent ces services pour la nation sont des'fonc-tionnaires publics. (Applaudissements.)
Il y a plusieurs personnes qui réclament dans ce moment, parce qu'elles songent à plusieurs fonctions qu'on remplit dans les églises, sans être fonctionnaire public, par exemple la fonction de dire la messe. Je réponds que la fonction de dire la messe ne fût-elle pas une fonction publique, quoique je le soutienne, un prêtre au milieu delà messe peut très bien faire un prône. (Murmures.)
Je vois beaucoup de personnes qui ne sont pas du même avis que le département : Elles veulent que tout prêtre, soit qu'il ait prêté son serment, soit qu'il ne l'ait pas prêté, ait le droit d'aller dire sa messe dans une église publique. Eh bien ! l'arrêté du département le dit. Jusqu'à présent, dans la ville de Paris, nul homme n'a été reçu dans une église, n'a reçu des ornements pour dire la messe, sans avoir une permission faite et donnée au secrétariat de l'archevêché. G'est là une règle de police nécessitée par de graves inconvénients. Il arrivait souvent que des personnes qui n'étaient pas même ecclésiastiques endossaient l'habit ecclésiastique et se faisaient un métier d'aller dire une, deux, trois messes dans la journée, pour gagner quarante-cinq sols. G'est un fait qui ne peut pas être contredit, que nul n'était reçu dans une paroisse s'il n'était pas connu.
Plusieurs membres : Cela ne se faisait pas.
Si cela n'était pas fait, il faut que cela soit fait. (Applaudissements.) Cette mesure de police existait. Si elle n'existait pas, il faudrait la faire exister, et elle ne sortirait pas de la compétence de la police des corps administratifs. Ce n'est pas au Corps législatif qu'il appar- tient de s'occuper des mesures de police, pour connaître les prêtres qui peuvent exercer des fonctions dans les églises. (Applaudissements.)
Le département a parfaitement senti qu'il pouvait y avoir dans l'étendue d'une paroisse des personnes qui se prêtassent au service de cette paroisse; il a dû faire l'exception suivante qui est l'objet de l'article 4.
« Art. 4. Il ne pourra être fait d'exception à l'article précédent qu'en faveur des prêtres ou ecclésiastiques qui seront munis d'une licence particulière, accordée par l'évêque du département, visée et consentie par le curé de la paroisse, laquelle permission aura besoin d'être renouvelée tous les trois mois. »
Cette mesure existait déjà. On la confond avec des idées d'approbation, tandis qu'il ne s'agit que de permission. Cette permission était nécessaire ; cet usage doit être conservé. Faites attention aux inconvénients qui pourraient résulter du défaut de cette mesure. Il y a deux opinions :*les uns prétendent que depuis qu'ils ne sont plus les ministres de nos temples, ces temples ne sont plus catholiques; les autres prétendent que nos temples sont véritablement catholiques, et ils ont parfaitement raison. Hé bien, qu'arriverait-il lorsque deux prêtres, dont l'un serait assermenté et l'autre ne le serait pas, sortiraient de la même sacristie pour aller dire la messe ? La foule se porterait sur leur passage pour les huer ou les applaudir, selon l'opinion qui la dominerait; ou bien le choc des partis se ferait sentir. Quelles scènes ! Quels scandales 1 La police aurait à craindre toutes les chances de calamité qui pourraient résulter d'un pareil événement. Il faudrait donc que la police ait un bataillon à la porte de chaque église, depuis le matin jusqu'au soir. Vous concevez qu'un corps administratif, qui a des mesures à prendre pour que l'ordre public ne soit pas troublé, ne doit pas s'exposer à ces inconvénients-là, surtout dans ce moment-ci. (Applaudissements prolongés.)
Le département ne peut savoir si tel prêtre doit être admis à remplir des fonctions, il ne peut s'en rapporter qu'au chef ecclésiastique. Cette mesure appartient au département, puisque c'est une mesure de police. Elle est nécessaire puisqu'elle tend à éviter que des fanatiques ne se présentent pour exciter des troubles. Que des prêtres aient ou non prêté serment; qu'importe qu'ils disent la messe, pourvu qu'ils aient une permission de l'évêque. Ainsi la mesure que nous avons prise n'est pas une imposition nouvelle pour la liberté, puisqu'elle existait déjà. J'ai prouvé que cette mesure est bonne, et qu'elle est dans la compétence des corps administratifs. Voici l'article qui suit : « Art. 5. Toute autre église ou chapelle appartenant à la nation, dans la ville de Paris, sera fermée dans les 24 heures, si elle n'est du nombre de celles qui sont expressément exceptées par l'article suivant. »
La nation a créé des paroisses pour rendre le service ecclésiastique
a l'universalité des citoyens. Elle a cru qu'il suffisait d'avoir
des évê-ques, des curés et des vicaires; mais il devrait y avoir
aussi d'autres établissements ecclésiastiques pour les prisons, les
hôpitaux et les collèges, et pour les religieuses auxquelles la
nation a permis de rester cloîtrées. Elle leur devait la facilité de
suivre leur règle ; il fallait pour cela des chapelles
particulières. Elle devait le service public à tous les citoyens; il
fallait pour cela des églises paroissiales et des succursales. Voilà
Je vais plus loin, les autres églises sont inutiles au service public; elles se trouvent dès lors dans la classe des propriétés nationales qui doivent être vendues. Notre arrêté n'est encore à cet égard qu'une mesure pour l'exécution de vos décrets.
L'article 6 contient des exceptions à l'article précédent.
L'article 7 est conçu en ces termes : « Les « exceptions portées en l'article précédent n'au-« ront lieu qu'aux conditions suivantes : que ces « chapelles, ne devant servir qu'à l'usage parti-« culier de la maison, ne seront, en aucun cas, « ouvertes au public; qu'aucune fonction ecclé-« ëiastique ne pourra y être exercée que par « ceux qui auront à cet effet une mission parti-« culière de l'évêque de Paris, visée par le curé « de la paroisse, laquelle mission n'aura pu être « accordée que sur la demande des supérieurs « de ces maisons. »
La nation doit un service public ecclésiastique dans les églises paroissiales qui doivent être suffisantes; mais la nation ne doit aucun service public pour des maisons particulières ; le public ne doit donc pas aller à ces maisons particulières. (Applaudissements.) Le département avait à remplir son devoir ou à suivre sa commodité ; son devoir était de faire cesser les troubles commencés. Sa commodité eût été de ne rien faire et de ne pas s'exposer aux attaques qu'il éprouve.
C'est ouvrir un schisme, nous dit-on, que de permettre à des particuliers réunis d'exercer le culte catholique romain, séparément-des églises paroissiales. Faites attention que les personnes qui ont présenté cette observation méritent seules ce reproche-là ; car elles voudraient que toutes les églises publiques et nationales servissent de rendez-vous à tous les réfractaires qu'elles veulent éloigner du service public. Vous sentez bien que s'il y a à craindre que le schisme soit prononcé, ce danger-là est bien plus imminent, lorsque les prêtres réfractaires s'acquitteront de l'exercice du culte religieux dans des églises nationales que nous autorisons, qui nous appartiennent. Ils sont bien plus autorisés là, que lorsqu'ils se réunissent dans leurs appartements, dans les chapelles qu'ils ont achetées et qui ne sont pas à la nation. (Applaudissements.)
Vous ne faites pas assez attention que je me réfère à la position où nous sommes. Vous ne savez donc pas que les réfractaires se retirent dans des réduits obscurs avec la permission des anciens évêques, que les habitations de simples particuliers recèlent ce qu'il y a de plus sacré dans la religion; qu'on peut craindre de la part des fanatiques, s'il y en a, de3 prédications, des provocations, des serments. Ces inconvénients doivent être connus des corps administratifs et non du Corps législatif, car il n'est pas de son devoir de s'en informer. Ce sont autant de chances pour les troubles que ces conciliabules qui échappent à la surveillance de la police. Par le moyen des mesures que nous avons prises, on pourra dire aux réfractaires : Pourquoi vous cachez-vous? Vous voulez faire croire que vous êtes persécutés; vous ne l'êtes pas.....(Applaudissements prolongés.) L'Assemblée connaît, comme mous, la fermentation qni règne relativement à la différence des opinions religieuses.
Je demande la parole.
Le département chargé de pourvoir à l'ordre public doit donc être très impartial, et dire aux réfractaires qui se réunissent clandestinement : « Pour votre intérêt, il faut que vous n'échappiez pas à la surveillance de la police, car vous n'échapperiez pas à celle de cette partie du peuple qui entoure vos établissements cachés et qui pourrait croire que ce sont des clubs aristocratiques contre la Révolution, et confondre les mesures que vous prenez avec celles de gens qui veulent gêner la liberté des autres. » Afin d'épargner des crimes à quelques fractions du peuple, il fallait prendre des mesures pour éviter le danger de ces réunions d'hommes. Il fallait dire à ces hommes : « Vous refusez de prêter le serment, vous ne voulez pas vous soumettre aux précautions de police exigées dans les églises. Eh bienl si vous voulez vous réunir, voici les conditions auxquelles la police veillera à votre tranquillité.
Nous vous obligeons à établir une inscription au-dessus de l'édifice que vous destinez à votre culte. Nous vous obligeons, pour cette année, à obtenir à cet effet l'aveu du directoire de département, parce que les mesures de police l'exigent. Il est fâcheux qu'on doive révéler ainsi les mesures administratives, mais il faut bien le faire puisqu'on est attaqué. Le département n'a fait autre chose que de dire à ceux qui se cachent : « Vous n'êtes pas persécutés », et aux intolérants, aux fanatiques :« Vous ne persécuterez pas. » Enfin le département n'a pas fait une loi nouvelle; il a rappelé l'exécution d'une loi ancienne, et il a consigné dans l'article 15, qu'il savait très bien où sa compétence finissait, et où commençait celle du Corps législatif, et qu'il savait très bien qu'il fallait s'adresser aux législateurs, pour avoir des lois, parce que le département n'est pas législatif. (Applaudissements.)
Un membre à droite : Ce n'est pas encore le moment.
L'article 14 porte des défenses ainsi exprimées. « II est expressément défendu de mêler aux exercices, de quelque culte que Ge soit, des provocations contre la Constitution, contre les lois ou contre les autorités établies. A ce signe, la police doit distinguer, de ceux qui se réunissent paisiblement pour leur religion, ceux qui, sous ce prétexte, s'assembleraient dans des vues criminelles, et pour tenter des coalitions factieuses contre l'établissement de la Constitution. »
Vous voyez combien ces mesures, ces défenses seraient illusoires, si ces conciliabules échappaient à la| surveillance de la police. Voici quels sont les termes de l'article 8.
« Il sera présenté incessamment une requête officielle à l'Assemblée nationale, pour demander que la loi prononce, en cas de contravention, la peine de destitution pour les supérieurs, et même de suppression pour les chapelles, suivant les cas. »
Le directoire a bien senti où sa compétence finissait, et où
commençait celle de l'Assemblée nationale. Il fallait des lois; il
n'est que corps administratif. L'article 9 établit que les
religieuses cloîtrées qui ne voudront pas profiter de l'exception
faite en leur faveur par l'article 5, régleront seules ce qu'elles
jugeront convenable à Pexercice de leur culte, en se servant des
chapelles intérieures de leur couvent. Cette faveur était de leur
laisser leur chapelle extérieure. Si elles veulent se mettre dans la
classe désobéis-
L'article continue ainsi : « S'il n'y a pas de chapelle intérieure dans leur couvent, elles s'adresseront à la municipalité qui pourra, après la visite des lieux, leur accorder la disposition de la chapelle extérieure, ou seulement d'une partie de cette chapelle, si elle se trouve plus grande, qu'il n'est nécessaire pour leur usage particulier; mais, dans ce cas, toute communication extérieure sera fermée, et les religieuses cloîtrées seront dispensées de la seconde condition exigée par l'article 7 ci-dessus.
« L'article 10 établit que les églises et chapelles qui auront été fermées, seront mises en vente au profit de la nation, etc... » Cet article n'est que l'exécution de votre décret.
Le onzième article qui exige qu'une inscription soit placée sur les maisons destinées à la réunion d'un grand nombre d'individus pour l'exercice d'un culte religieux quelconque, cet article, dis-je, a excité de vives réclamations. Le département n'est pas assez ignorant de vos décrets, pour ne pas savoir que vous avez établi la liberté des opinions religieuses. En conséquence, tout particulier qui veut, à ses frais et dépens, avoir une chapelle chez lui, ou même une collection d'hommes qui, comme les différents clubs, s'assemblent entre eux, le peut; et il est dans les limites de la loi.
Nous.avons dit : Nous sommes les exécuteurs de la loi; nous sommes obligés de protéger la liberté contre tous ceux qui voudraient y porter atteinte; cette protection est impossible dans ce moment-ci, sans quelques mesures de police. Nous avons donc restreint cette liberté, autant que l'intérêt général l'a exigé.
Ceux qui nous accusent d'avoir été plus loin que l'Assemblée nationale, d'avoir de fait établi l'intolérance religieuse, ignorent bien les décrets de l'Assemblée nationale, la déclaration des droits de l'homme. Encore une fois nous ne sommes pas législateurs; mais le directoire du département ne peut maintenir la liberté qu'en ayant une surveillance toujours active partout où les circonstances font craindre que cette liberté ne soit attaquée d'une manière puissante.
Et je vous prie bien de considérer, Messieurs, que le département ne vous a pas apporté son arrêté à juger. II se soumettra parce qu'il le doit; mais il savait trop bien qu'il n'était pas sorti de sa compétence, pour venir vous demander votre jugement sur les mesures administratives qu'il avait prises. Vous êtes Corps législatif, il est corps administratif. Il ne veut pas empiéter sur votre pouvoir; de même il ne croit pas que votre intention soit de réunir tous les pouvoirs nécessaires pour maintenir les lois de police en France. En conséquence il s'est contenté de vous, demander purement et simplement, par l'article 15, que l'Assemblée nationale vînt au-devant de ses mesures, par la loi pénale, que lui ne pouvait pas décréter.
Je vais donner lecture des articles 16 et 17.
« Art. 16. Le directoire ordonne expressément à la municipalité d'employer tous les moyens, pour réprimer efficacement les coupables effets de l'odieuse intolérance qui s'est récemment manifestée, et pour prévenir les mêmes délits, sous quelque forme qu'ils se reproduisent contre la pleine liberté religieuse reconnue et garantie par la nouvelle Constitution.
« Art. 17. Le présent arrêté sera envoyé à la municipalité de Paris, pour qu'elle ait à veiller à son exécution ; et il sera imprimé et affiché partout où besoin sera. »
Si après ce3 explications sur l'intention du directoire du département, si après vous avoir prouvé qu'il n'est pas sorti de sa compétence, il m'est permis de conclure en motion quelconque, comme membre de l'Assemblée nationale, je demande qu'elle veuille bien décréter sur-lé-champ, qu'après avoir pris connaissance de cet arrêté de police, elle approuve toutes les dispositions qui y sont contenues, comme conformes à la loi, et en décrète l'envoi à tous les départements du royaume.
Quant au renvoi demandé au comité de Constitution, il y a une observation très importante à vous faire. Lorsque les corps administratifs, chargés par la Constitution de maintenir l'ordre public, se croient obligés de prendre des mesures très promptes pour prévenir les désordres, si alors les personnes qui doivent obéir, ont le droit de dire : « Gela vous plaît à dire : vous nous ordonnez d'obéir à votre arrêté; mais nous avons le recours à l'Assemblée nationale. Nous pouvons faire dénoncer par quelques membres de l'Assemblée nationale votre arrêté, et par conséquent en empêcher l'exécution.
Songez aux malheurs inconcevables qui en résulteraient, si cette idée-là était reçue dans le public I Comment concevez-vous que, toutes les fois qu'on porte une loi d'exécution, ceux qui sont obligés d'observer cette loi puissent contester son exécution? Provisoirement ils doivent obéir; car s'ils n'obéissent pas provisoirement, il n'y a plus d'administration, il n'y a plus de liberté,, plus d'exécution. (Applaudissements.)
Ils doivent provisoirement obéir, sauf à s'adresser ensuite à l'autorité supérieure, s'ils croient avoir éprouvé quelque injustice. Autrement il n'y a plus d'exécution dans le royaume, et alors on ne peut confier l'administration à personne; car ceux qui vous diraient qu'ils peuvent administrer avec de telles entraves, mentiraient et à leur conscience et à votre confiance. (Applaudissements.)
Il faut examiner la question de savoir si cet arrêté doit être une loi générale, et ne pas laisser à l'avenir aux départements de pareilles homologations. En satisfaisant à la piété filiale, je dois vous dénoncer un acte tout à fait différent du département de l'Ain. Il a fait défense à tout curé, desservant ou vicaire, de laisser remplir les fonctions sacerdotales par des prêtres non assermentés, sous peine, par les contrevenants, d'être regardés comme perturbateurs du repos public. (Plusieurs membres de l'extrémité gauche de la partie gauche applaudissent.) Je demande, malgré les applaudissements, s'il y a un monument plus fait pour soulever le cœur des amis de la liberté et de la tolérance. Quant aux principes renfermés dans l'arrêté du directoire du département de Paris, je dois les approuver plus que personne, car je les ai proposés à cette tribune et ils ont été repoussés par un mis à l'ordre. Je demande que l'Assemblée, prenant cet arrêté en considération, le fasse distribuer à tous les membres de cette Assemblée, que le comité de Constitution prenne du directoire les éclaircissements nécessaires, afin que l'Assemblée puisse prononcer un jugement.
Les détails que le
Quant à la position du directoire, elle n'a pu l'autoriser à faire une loi sur cet objet, mais seulement à demander que l'Assemblée portât une loi qui pût prévenir les troubles, et assurer la tranquillité publique. L'arrêté du directoire ne porte aucune atteinte à la religion ; il renferme des principes de tolérance qui sont aussi conformes au véritable esprit de la religion qu'aux principes de la saine raison; mais je trouve qu'il porte une atteinte formelle à la puissance législative, et c'est sous ce point de vue que je le combats.
Qu'a fait le département? Il a tiré les conséquences d'un principe consacré par la déclaration des droits de l'homme. Mais ces conséquences sont des lois de développement. Notre Constitution elle-même est une conséquence des principes de la déclaration des droits. Dira-t-on pour cela que les corps administratifs ont le droit de faire les lois constitutionnelles qui dérivent de ces principes? Si vous admettiez de pareilles entreprises, vous prépareriez la ruine de votre Constitution.
11 est établi par la déclaration des droits de l'homme que nul ne doit être troublé dans la manifestation de ses opinions religieuses, que la confusion des pouvoirs produit le despotisme.
Quelles sont les conséquences naturelles qui résultent de ces principes? C'est que les citoyens ne doivent pas être troublés dans la manifestation de leur culte; c'est que les pouvoirs doivent être divisés. Mais s'ensuit-il de là que chaque corps administratif doive faire les lois qui résultent de ces principes; qu'ils doivent autoriser la publicité des cuites; et faire eux-mêmes la séparation des pouvoirs? A quels maux ne nous exposerions-nous pas? Combien les conséquences ne différeraient-elles pas? car les hommes ne tirent pas toujours les mêmes conséquences d'un principe établi. Quelle confusion 1 quel bouleversement l La Constitution se trouverait bientôt anéantie. Les départements deviendraient des Etats fédérés, et l'unité monarchique serait détruite. Je n'attaque ici que la forme de ces dispositions, et je demande le renvoi au comité de Constitution de l'excellent projet d'arrêté du directoire du département pour faire une loi générale.
se présentent à la tribune.
Tous les orateurs, soit qu'ils aient approuvé l'arrêté ou qu'ils ne l'aient pas approuvé, en ont demandé le renvoi au comité. Si quelqu'un veut parler contre ce renvoi, il doit avoir la parole.
donne lecture de l'ordre du jour de la semaine et de la séance de demain ; il donne ensuite communication d'une lettre de M. Lasnier de Vaussenay, qui prie l'Assemblée d'agréer sa démission, et d'une adresse des États plaignants de la principauté dePorentruy.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de cette adresse au comité diplomatique et décrète qu'il en sera fait lecture à la séance de mardi soir.
La discussion sur l'arrêté du directoire du département de Paris est reprise.
La parole est à M. l'abbé Maury.
J'ai demandé la parole pour inviter l'Assemblée nationale à déclarer nulle et connue non (avenue la délibération du département de Paris et pour répondre à M. l'abbé Sieyès. Je serai très court, très précis et, j'ose ajouter infiniment modéré. (Applaudissements.)
Il est d'autant plus nécessaire que l'Assemblée nationale s'occupe de la proclamation du directoire du département de Paris, qu'un très grand nombre et peut-être la totalité des départements du royaume, ont pris des mesures absolument semblables, relativement au culte public.
L'orateur du département de Paris a fait des efforts très ingénieux pour prouver que ce département s'était renfermé dans les objets de pure police, qui appartiennent essentiellement à sa compétence, mais avant d'écarter les sophis-mes que l'on a développés dans cette tribune pour justifier le département de la ville de Paris, il me semble, Messieurs, que la seule date de cette proclamation aurait dû avertir ce corps ad-ministratif de rester dans les bornes du respect qu'il doit aux représentants de la nation, en les consultant avant de rendre une loi qui pouvait troubler la tranquillité.
Qu'un corps administratif, dans l'intervalle d'une session à l'autre, pressé par le besoin, rende des proclamations provisoires sur des cas que les législateurs n'ont pas pu prévoir, alors les circonstances excusent tout. Mais que, dans une ville, où les représentants de la nation sont assemblés, le directoire du département ait cru être autorisé à voir dans l'administration de la religion ce que les représentants de la nation n'y avaient point aperçu, c'est sans doute une indiscrétion qui doit être réprimée avec d'autant plus de célérité, que c'est le premier exemple que ce corps vous ait donné.
Vous savez, Messieurs, qu'il est de l'essence de tousles corps
administratifs de prétendre sans cesse à l'accroissement de leur
autorité. Le département de Paris vous avertit ici, au nom de tous
les départements du royaume, qu'il doit être réprimé, qu'il doit
être contenu dans les bornes que la Constitution lui a données,
parce que rien ne sollicitait sa décision. Tout au contraire
semblait l'inviter à venir à cette barre avertir la sollicitude des
représentants de la nation.C'était au département de Paris à vous
dénoncer les scandales inouïs dont cette capitale a été
malheureusement témoin; mais, le département a cru qu'il était plus
instant de faire fermer les églises que d'arracher des mains d'un
peuple séduit des ins-
Plusieurs membres : A l'ordre 1 A l'ordre.
En rappelant à l'Assemblée nationale ces scènes d'horreur dont tout bon Français devrait chercher à perdre le souvenir ; je suis loin de supposer qu'il y ait eu la moindre intelligence avec ceux qui se sont permis de pareilles voies de fait. Je suis persuadé que l'erreur individuelle a tout fait; mais je me plains de ce que le département de Paris, qui a été instruit de ce véritable trouble apporté à l'ordre public, n'a pas cru devoir en occuper sa sollicitude ou même en avertir la vôtre.
Ici, Messieurs, l'amour de la vérité doit l'emporter sur l'intérêt de tous les partis. Nous devons la chercher avec impartialité; et il est d'autant plus important de la connaître, qu'il n'est plus au pouvoir d'aucun corps administratif de tromper à cet égard l'opinion publique. Il semble que les catholiques aspirent aujourd'hui aux honneurs de la persécution. Il semble qu'ils cherchent à surprendre la piété de l'Assemblée nationale et delà nation elle-même, qui est encore catholique, en se plaignant de mauvais traitements qu'ils n'ont pas reçus . Eh bien 1 Messieurs, voici une lettre que je vais déposer sur le bureau, lettre qui mérite d'être lue dans l'Assemblée. Elle m'a été adressée, et j'ose vous annoncer que vous n'en entendrez pas la lecture sans édification et sans intérêt.
Plusieurs membres : Est-elle signée ?
Elle m'est adressée par la mère supérieure des Filles de la Charité.
Plusieurs membres : Ah ! Ah ! Ah !
M. l'abbé Maury a promis qu'il serait court ; voilà une heure qu'il parle ; il a promis qu'il serait précis ; il divague ; il a promis qu'il serait modéré ; vous le voyez.
Un membre : Je demande que la lettre ne soit pas lue et qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
J'obéis aux ordres de l'As-semblée.Vous ne voulez point entendré la lecture de la lettre de la supérieure des Filles de la Charité ; mais, Messieurs, je prends acte de votre décret pour vous sommer de ne plus arrêter par des murmures, quand nous parlons de persécutions; car vous en auriez entendu d'ef-iroyables, vous ne pouvez plus les nier.
A présent, en quoi consiste tout l'art de M. l'abbé Siéyès ? Dans l'apologie qu'il vous a faite de la proclamation du département de Paris ? Cet art consiste dans trois ou quatre so-phismes très ingénieux que je vais vous développer. M. l'abbé Sieyès vous a parlé du serment que vous avez exigé de tous les fonctionnaires publics du royaum e ; et en conséquence il a supposé que cette loi du serment, qui n'est qu'une loi très conditionnelle, puisqu'on est dispensé de prêter le serment quand on renonce à son emploi, M. l'abbé Sieyès a supposé que c'était une loi du royaume, à laquelle tout le monde était soumis.
Plusieurs membres : Il n'a pas dit cela.
Je l'arrête à son principe, et je le nie. Je nie que vous ayez rendu un décret pour exiger de tous les ecclésiastiques un serment, vous l'avez seulement exigé des fonctionnaires publics. C'est donc abuser d'une loi que de l'exagérer; c'est se jouer de la crédulité publique que de vouloir persuader que des ecclésiastiques qui ne sont pas fonctionnaires publics n'aient pas le droit de dire la messe dans un temple.
Un membre : Il n'a pas dit cela.
M. l'abbé Maury abuse des moments de l'Assemblée.
Un moment et nous serons tous d'accord. Je dis qu'un prêtre qui monte à l'autel n'est pas un fonctionnaire public; c'est un ministre du culte qui célèbre les saints mystères, comme les fidèles qui y assistent sont les administrés. Il ne faut donc pas argumenter d'une loi qui leur est étrangère ; il ne ïaut donc pas se prévaloir des mouvements populaires que toutes ces proclamations sont faites pour exciter, au lieu de les apaiser.
Il est bien évident que tout ecclésiastique non assermenté peut se présenter dans des églises pour dire la messe; très certainement il n'est pas dans le cas de votre décret, et on ne peut pas le lui opposer. Le peuple se trompait donc quand il supposait qu'il a reçu de vous, par zèle pour la Constitution, le droit d'augmenter arbitrairement la loi, parce que votre décret ne regarde que les fonctionnaires publics. Ainsi, Messieurs, les secours de protection que l'on nous accorde ne sont que des moyens d'oppression; et si l'on voulait véritablement arrêter l'effervescence populaire, il faudrait éclairer le peuple et non pas l'égarer ; et on l'égaré par une proclamation qu'on lui persuade être dans le sens du décret, tandis qu'elle n'y est pas. Voilà la première erreur du département de Paris.
Ensuite le département de Paris vous a dit que, jusqu'à présent, les ecclésiastiques étaient obligés de se munir d'une permission de l'ordinaire pour célébrer la messe dans le diocèse de Paris; ainsi en assujettissant les ministres de la religion à ne pouvoir dire la messe sans le licet particulier \c'est le mot technique), sans le licet de l'évêque diocésain approuvé par le curé de la paroisse il se conformait à l'ordre commun. Ici, M. l'abbé Sieyes est tombé dans une grande erreur. Il existe non pas dans les districts du royaume, mais dans les cinq ou six plus grandes villes de France, une grande quantité de prêtres que personne ne connaissait et pour lesquels il existait des lois de police ecclésiastique, des lois purement locales.....
Un membre ; G'est vrai.
Je vais revenir dans un instant à la ville de Paris et vous verrez
que je connaîtrais bien peu les avantages de ma cause, si j'avais eu
la maladresse d'en séparer la ville de Paris, parce que c'est là
surtout que mes moyens vont devenir décisifs. Eh, Messieurs, je suis
obligé de vous parler de l'universalité des règles de police
ecclésiastique parce que, je vous l'annonce, la proclamation du
département est peut-être adoptée par les quatre-vingt-deux autres
départements du royaume. Il faut donc qu'on sache partout quelles
sont les intentions de l'As-
Eh' bien! en 1727, car la date n'en est pas plus reculée, M. le cardinal de Noailles, alors archevêque de Paris, rendit une ordonnance pour défendre à tout ecclésiastique qui ne serait pas de son diocèse de célébrer la messe et d'en recevoir l'honoraire sans la permission de l'évêque diocésain ; donc, quand on ne recevait point d'honoraires, on n'avait pas besoin de permission. (Rires ironiques.) Si quelqu'un eût contredit ce fait-là, je me serais chargé de lui répondre.
Plusieurs membres : A l'ordre du jourl
Voilà, Messieurs, la loi dont on a abusé. Je suis bien dans l'ordre du jour, car je réponds directement. Je dis que, de temps immémorial, tout prêtre connu dans le diocèse de Paris pouvait dire la messe sans une permission particulière de l'évêque diocésain. Je dis, Messieurs, que le département de Paris a sophistiqué d'une manière sensible. Je dis que ce n'est pas pour le maintien des règles des ecclésiastiques qu'il a mis cette disposition dans son arrêté; que c'est pour soumettre, comme fonctionnaires publics, des ecclésiastiques qui ne sont pas dans la sphère des fonctions pour lesquelles vous avez exigé un serment; que c'est les obliger de demander une permission nouvelle pour eux, une permission dont ils n'ont pas besoin.
Et il est étrange, Messieurs, que, pour opprimer, l'on interprète la loi et qu'on la commente.Il faut que la loi, quand elle punit, soit plus claire que le jour; mais, Messieurs, le département de Paris qui va fouiller dans les archives synodales pour y trouver des lois qui n'existent pas, pour y trouver des lois qu'il empoisonne..... (Murmures.)
Plusieurs membres : De la modération ! De la modération !
pour y trouver des lois qu'il exagère; ce département n'a pas eu d'autre règle de conduite dans toutes ses délibérations que l'esprit de persécution.
Voici un autre exemple éclatant, j'ose le dire, des sophismes du département de Paris. Il confond perpétuellement et très insidieusement deux choses absolument différentes, savoir, les fonctions ecclésiastiques et les fonctions publiques. Gomme célébrer la messe est une fonction ecclésiastique, il l'enveloppe dans ses proscriptions, comme si c'était là une fonction publique, dans le sens que l'Assemblée nationale attache à ces mots. L'Assemblée nationale ne s'est jamais mêlée de fonctions ecclésiastiques, elle ne s'est mêlée que de fonctions publiques; et un ecclésiastique qui ne demande rien à la nation est libre. (Applaudissements prolongés à gauche : murmures à droite.)
Je ne puis pas, Messieurs, répondre comme je le voudrais aux applaudissements de l'Assemblée (Rires) ; mais je pourrais bien répondre à un de mes voisins auquel je dois infiniment moins d'égards, que, pour se contenter de pareils compliments, il faut être bien près de ses pièces. (Rires.) J'ai dit, et je le répète encore, que l'Assemblée nationale ne s'étant pas occupée des ecclésiastiques, mais des fonctionnaires publics, (Applaudissements ironiques), et en vérité je ne vois pas ce que vous trouvez là à applaudir...
Un membre : Ce n'est pas cela.
Il n'est pas question ici de juridiction ni de spiritualité, il est question de l'objet de votre décret. Le département de Paris a très mal raisonné. Pourquoi? Parce que dans l'article 3 il a dit : « Tout préposé laïque et les employés sous se3 ordres seront, sous peine de destitution, tenus d'empêcher qu'aucune fonction soit exercée dans ses églises. »
Je me suis plaint de ce.qu'on avait confondu les fonctions ecclésiastiques avec les fonctions publiques ; car si vous aviez parlé de l'administration des sacrements, je me tairais; mais, comme la messe est une fonction ecclésiastique, le département n'est pas assez ignorant pour n'avoir pas bien prévu que c'était la célébration de la messe qu'il défendait. Or, il la défendait par un sophisme, en raisonnant mal; et voilà ce.qui doit l'avertir une fois pour toutes, quand il sera dans l'incertitude, de consulter l'Assemblée avant de faire des proclamations ; parce que l'Assemblée lui aurait dit qu'il existait une ligne de démarcation très prononcée entre les fonctionnaires publics et les fonctionnaires ecclésiastiques.
C'est de là qu'est partie l'erreur du département de Paris; c'est de là qu'il est parti pour se croire autorisé à faire une loi sur la séparation de tous les cultes publics. Assurément l'Assemblée ne l'avait pas encore mis sur la voie d'une pareille délibération. Mais, Messieurs, rien ne me surprend dans ce genre d'inductions sophistiques,et le principe nous a été dévoilé. Savez-vous comment on se trompe perpétuellement dans l'explication et le commandement de vos décrets? C'est que perpétuellement on veut expliquer vos lois par les droits de l'homme. Or, Messieurs, Jes droits de l'homme sont des axiomes d'éternelle raison ; mais ce n'est pas par des axiomes d'éternelle raison qu'un Etat se régit, c'est par des lois, si vous avez des lois. (Murmures.)
Savez-vous qui dans le royaume a véritablement le droit de, parler des droits de l'homme ? Les législateurs qui doivent les connaître, pour faire des lois qui y soient conformes. Cette déclaration est une espèce d'évangile naturel que vous avez voulu avoir sans cesse devant les yeux pour vous guider dans la carrière de la législation, et les citoyens doivent raisonner d'après les lois que vous avez faites, et non d'après les droits de l'homme. (Applaudissements.)
A Philadelphie, on proposa la déclaration des droits. Pourquoi? dit le congrès. Si nous n'avons pas de loi, nous n'avons pas de constitution à faire. Si nous avons des lois, cette déclaration devient étrangère à l'ordre public.
Un membre : Cela est faux.
Il en a été question pendant 17 jours ; vous n'avez donc pas lu ?
Je me plains de ce que le département a entrepris sur votre autorité; je me plains de ce qu'il ne vous a pas dénoncé les abus qui avaient excité sa sollicitude; je me plains de ce qu'il a gardé un silence coupable sur d'autres scandales que la force publique doit réprimer ; car, si la force ne le peut, la société est dissoute ; je me plains de ce qu'il a gardé un silence coupable sur les attentats d'une partie du peuple trompé par un zèle qui l'a égaré, et auquel il fallait dire : vous vous trompez, au lieu de l'approuver dans ses extravagantes barbaries ; je me plains de ce qu'il a osé faire fermer, de son autorité privée, les églises de la capitale.
Et remarquez, Messieurs, la contradiction frap-
Tout le discours de M. l'abbé Maury ne tend qu'à exciter la fermentation. Je fais la motion que M. Maury soit censuré comme calomniant la nation et l'Assemblée nationale, pour avoir osé prononcer à la tribuue que nous voulons ôter le culte public à la religion catholique, à la religion romaine.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
Je crois que la motion de M. d'André sera accueillie, car il prétend être un des légataires de M. de Mirabeau.
Je voudrais être légataire des talents de M. de Mirabeau pour vous confondre et vous réduire au silence, en prouvant combien vos intentions sont perfides.
Je demande à me justifier.
Loin de vous justifier, vous venez d'aggraver votre faute par un nouveau trait.
Je demande la parole.
(L'Assemblée décrète la censure contre M. l'abbé Maury.)
Je demande que M. le Président soit censuré.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée, et que l'arrêté du directoire du département de Paris soit renvoyé au comité de Constitution.
Je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète le renvoi de l'arrêté du directoire du département de Paris au comité de Constitution.)
lève la séance à trois heures et demie.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
fait la motion suivante : « L'Assemblée nationale décrète que demain, à
l'ouverture de la séance, son comité de Consti-
(Cette motion est décrétée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
Dans la rédaction de ce procès-verbal, M. le secrétaire, en faisant mention du discours de M. l'abbé Sieyès, insère les motifs et intentions du directoire du département de Paris dans la proclamation qu'il a faite. Gela est contraire à l'usage ordinairement suivi pour la rédaction des procès-verbaux.
L'importance de l'objet et la nécessité d'éclairer les esprits sur une question d'où dépend la tranquillité publique doivent faire déroger aux usages habituels ; je demande, en conséquence, que le procès-verbal ne soit pas modifié. (Marques d'assentiment.)
Je relève une erreur plus importante dans le procès-verbal. Il y est dit que l'Assemblée a renvoyé au comité de Constitution la pétition du directoire du département de Paris. Or, l'Assemblée a renvoyé à son comité de Constitution, non pas la pétition du directoire du département de Paris relative à son arrêté, mais l'arrêté lui-même; car, certes, elle n'a pas entendu décider qu'elle souffrirait une usurpation de pouvoir qui lui était dénoncée.
Je demande donc que ces faits soient rétablis, ; et que le mot arrêté soit substitué à celui de pé-I tition dans le procès-verbal, afin de rendre ce dernier conforme au décret que vou3 avez rendu.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je crois que le procès-verbal est bien rédigé, et qu'en effet l'Assemblée n'a renvoyé au comité que la pétition du directoire.
L'Assemblée avait à délibérer et sur la pétition du directoire, et sur la dénonciation qui avait été faite de son arrêté ; fatiguée du long discours de M. l'abbé Maury, l'Assemblée s'est séparée sans que la question ait été bien posée ; mais je crois que l'arrêté était compris dans le renvoi qu'elle a décrété.
(L'Assemblée décide que le procès-verbal portera que l'arrêté du directoire du département de Paris a été renvoyé au comité de Constitution, et adopte le procès-verbal.
J'ai reçu des administrateurs du département de Paris la lettre suivante :
Paris,
« Monsieur le Président, °
« Quoique ce qui s'est passé aujourd'hui dans « la capitale, relativement
au départ projeté dû « roi pour Saiot-Cloud, n'ait pas nécessité l'ac-«
tion de la force publique de tout le département « de Paris, le
directoire a cependant cru y trou-« ver un motif suffi.-ant pour prendre
la mesure « prescrite par l'article 18 du décret de l'Assemblée «
nationale, sur le complément de l'organisation « des corps
administratifs, et rassembler le con-« seil du département pour
s'occuper efficacement « des moyens de rétablir l'ordrè public. Le con-j
« seil réuni, au moment même, s'empresse d'en
« Nous sommes, etc. »
(L'Assemblée décrète que dans le cours de la séance les membres du département de Paris seront admis et entendus à la barre.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse de la municipalité de Lyon. (Cette adresse est renvoyée au comité des finances.)
Un membre du comité d'aliénation propose la vente de domaines nationaux à diverses municipalités dans les termes ci-après :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de son comité d'aliénation des domaines nationaux, déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens mentionnés en leurs soumissions, et ce, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, savoir :
Département de l'Allier.
À la municipalité de Moulins............... 1,947,552 1. » s. » d.
Département de l'Ille-et-Vilaine.
A la municipalité
d'Ecousse............. 8,328 J. » i
A celle de Saint-Malo. 1,214,980 18
A celle de Rennes.... 1,705,980 19
Département du Morbihan.
A la municipalité de Vannes............... 1,530,023 1. 19 s.
4 10
7 d.
Département de Paris.
A la municipalité de
Paris................. 14,460,606 1. 12 s. 4 d.
A celle de Sceaux-
Penthièvre........................8,785 8 »
Département de Seine-et-Oise.
A la municipalité de
Maudras.............J 34,650 1. » s. » d.
A celle de Boissy-
Saint-Léger......................2,310
A celle d'Essones.... 53,633 » »
A celle de Champceuil. 2,500 11 6 A celle de Juvisy-sur-
Orge................................113,194 4
A celle du Grand et
Petit-Quincy....................5,335 » »
A celle deDalainville. 20,119 A celle de Serain-
court................................50,028
A celle de Meriel.... 28,454 »
A celle de Saint-Leu. 15,855 » »
A celle de Marnies.. 19,159 5 >
A celle de Meulan... 47,195 » » A celle de Montfort-
l'Amaury..........................357,422 8
A celle de Huisson.. 15,593 12 »
A celle d'Ormoy .... 6,374 » »
A celle de Videlles.. A celle de Neuilly-
sur-Marne............
A celle de Milly.....
32,206 1. 7 s.
77,641 . » 35,985 8
Département de Seine-et-Marne
A la municipalité de
Coulommiers..................1,044,088 7 »
A celle de laChapelle-
la-Reine...............2,362 8 6
Département de VAisne.
A la municipalité de La Ferté-Milon....... 156,205 7
A celle de Vailly.... 109,043 7 6
Le tout payable de la manière déterminée par ledit décret du 14 mai 1790. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Le Brun, curé de Lions-la-Forêt, un congé d'un mois.
(Ce congé est accordé.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation de la marine (1).
A la dernière séance, où vous vous occupâtes de la discussion sur l'organisation de la marine, vous étiez parvenus au point de décider si les aspirants seraient en nombre limité ou illimité. Pour vous mettre à même de prononcer en connaissance de cause, il vous fut proposé de renvoyer à votre comité pour qu'il vou3 présentât les rédactions dans l'un comme dans l'autre système. Je vais vous lire l'ancien projet du comité.
« Art. 1er. Il y aura des écoles gratuites de
navigation dans les principales villes maritimes, ainsi qu'il sera
déterminé par un règlement particulier.
« Art. 2. Ceux qui se présenteront pour servir en qualité d'aspirants dans la marine ne pourront y être admis qu'après 15 ans d'âge accomplis, et seulement après avoir subi un examen public sur l'arithmétique, la géométrie, les éléments de la navigation et de la mécanique.
« Art. 3. Les aspirants seront divisés en trois classes.
« Dans la troisième classe seront compris tous ceux qui commenceront à naviguer. Us feront sur les vaisseaux l'apprentissage et le service des matelots, et seront exercés aux fonctions de gabier et de timonier.
« Dans la deuxième on admettra tous ceux qui auront 18 mois de navigation. Ils feront le service de quartier-maitre et passeront successivement à tous les grades d'officier marinier, ceux de maître et de second maître exceptés.
« Ils ne seront reçus dans la première classe qu après 2 ans et demi de navigation et après avoir subi, d'une manière satisfaisante, un examen sur la théorie et la pratique de l'art maritime, suivant ce qui sera prescrit. Le temps de navigation sera évalué conformément aux dispositions énoncées dans l'article 21.
« Art. 4. Les aspirants de la marine de la première classe prendront rang
après le premier maître d'équipage et le premier maître canonnier,
Le titre d'aspirant a été adopté par le comité, parce qu'il lui a paru intéressant de ne conserver aucun mot qui pût tixer les ancienues idées que l'on avait et des gardes et des élèves de la marine.
Ces dispositions avaient paru au comité propres à nécessiter, de la part de tous les jeunes gens qui se destinent à la marine, et une grande instruction et beaucoup de pratique. On vous a représenté qu'ils n'acquerraient pas assez d'instruction pratique si on ne limitait pas le nombre, et si le nombre limité n'était pas admis de préférence à la navigation sur les vaisseaux de l'Etat. C'est dans cette vue que nous vous proposons les dispositions suivantes :
« Art. 1er. Il y aura des écoles gratuites
d'hydrographie et de mathématiques dans les principaux ports du royaume.
»
Cet article est commun à tous les ports.
« Art. 2. Il sera, chaque année, ouvert un concours dans les principales villes maritimes auquel concours pourront se présenter tous les jeunes gens de 15 à 20 ans qui se destinent à la marine; ils y seront examinés sur les connaissances théoriques.
« Art. 3. Ceux qui auront le mieux satisfait à l'examen seront admis à servir pendant 3 ans sur les vaisseaux de guerre sous le titre d'aspirants. On fixera le nombre d'aspirants à recevoir chaque année, dans chaque lieu où le concours sera établi, à raison de sa population maritime.
« Art. 4. Les aspirants seront payés pendant leurs 3 années de service, il n'y aura pas, dans les départements de la marine, d'école de théorie qui leur soit particulière.
« Art. 5. Les aspirants qui auront fait 3 années de service se retireront et seront remplacés par un nombre égal de jeunes gens reçus au concours.
« Art. 6. Les concours établis pour parvenir aux grades d'officiers seront ouverts à tous les navigateurs qui auront au moins 4 années de navigation, sans aucune distinction, telle que ceux qui auront été ou qui n'auraient pas été aspirants. Il sera fait uu règlement pour déterminer les formes et les juges du concours ainsi que le service des aspirants. »
Voilà le plan qui nous a paru présenter le moins d'inconvénients possibles dans le système de la limitation des aspirants. Tout ce que l'Assemblée doit considérer est de savoir s'il est nécessaire, s'il est utile qu'elle fasse la dépense d'un entretien pour les éludes pratiques. Cette décision n'avait pas paru décisive au comité, car il y a dans la marine française, pour les jeunes gens qui veulent être laborieux, assez d'occasions de uaviguer pour que l'Etat ne nous ait pas paru devoir en faire la dépense.
Cependant si l'Assemblée se détermine à croire au moins ceite disposition utile, il faut qu'elle en calcule en?uite la dépense. Pour la navigation et l'eniretieu habituels de 300 aspirants, elle peut être évaluée, d'abord pour leurs appointements qui seront très modiques, à 150,000 livres; mais il est uu autre article ae dépense, c'est que aussitôt que voas aurez décrété, que vous ferez les frais de cette éducation pratique, il faudra que vous fassiez les frais d'armement de corvettes et d'escadres d'évolution pour perfectionner cette éducation pratique.
Or, Messieurs, ces frais seront beaucoup plus considérables que les salaires des aspirants. Ces frais, cependant, pourraient tourner à l'avantage de la chose publique si on destinait les corvettes et les escadres d'évolution à faire la garde-côte des frontières du royaume. Il n'y aura rien dans ce plan qui puisse paraître choquant puisqu'il est de fait qu'en Angleterre la marine militaire est chargée de ce service, puisqu'il est en même ternes reconnu que le meilleur service, pour apprendre la navigation, est celui des gardes-côtes parce qu'il exerce journellement et connaît tous les dangers.
C'est sous ce point de vue que je ne puis m'em-pêcher de vous dire que si vous croyez devoir faire cette dépense, je ne puis me persuader qu'il en résulte de très grands inconvénients. Je ne crois pas qu'il soit par là porté atteinte aux principes décrétés par votre Constitution et au but que vous devez avoir pour assurer à tous les citoyens l'égalité des droits politiques.
Je me borne donc à rappeler à l'Assemblée nationale qu'elle a d'abord à se déterminer entre les deux partis qui lui ont été présentés-, ou des aspirants en nombre limité, ou des aspirants en nombre illimité.
L'Assemblée nationale est au moment de prononcer le mode d'admission qu'elle adoptera pour les sujets qui se destineront au service de la mer. Les débats qui ont eu lieu depuis que cette importante affaire est le sujet de votre délibération prouvent les dangers que vous avez reconnus vous-mêmes d'établir une organisation vicieuse, et l'incertitude où vous a jetés la différence des plans qui vous ont été offerts.
Je vous ai détaillé les raisons qui m'ont déterminé à adopter le plan que votre comité vous propose ; je le crois le seul conséquent aux principes constitutionnels que vous avez décrétés, et en même temps le seul favorable, le seul conservateur de votre marine actuelle. Cependant, je suis bien éluigné de croire que ce plan, quelque bon qu'il soit, ne puisse être amélioré. Le résultat de vos discussions doit naturellement opérer ces heureux changements; et je serai bien éloigné de combattre un amendement, lorsque j'en aurai reconnu l'utilité.
M. de Champagny a combattu le plan du comité avec un grand avantageuses talents et ses connaissances devaient être d'un grand poids auprès de vous. Cependant, j'ose encore ne pas être de son avis, lorsqu'il s'oppose aux principales bases de notre plan ; mais j'adopte entièrement les moyens qu'il propose de les affermir. Si M. de Champagny a paru être opposé au plan du comité, je ne supposerai jamais que ses doutes aient eu un autre objet que la crainte où il était que l'instruction fût négligée, et que ceux qui seraient admis dans le corps de la marine n'eussent pas les connaissances que l'on est dans le droit et la nécessité d'exiger d'eux.
Certes, je serai toujours de son avis, lorsque les propositions qu'il
fera seront relatives à l'accroissement dés talents de nos jeunes
marins, et que surtout ses moyens d'exécution seronteonformes à vos
décrets constitutionnels. On me trouvera peut-être bizarre de ramener
même l'instruction des citoyens aux lois d'égalité que vous avez
décrétées. Mais songez qu'au moment d'une révolution pareille à la
nôtre, chaque citoyen se ressouvient des anciennes injustices qu'il a
éprouvées; et n'étant pas encore accoutumé à tous les
Je me suis donc opposé au corps d'aspirants limité et entretenu, tant que l'on m'a présenté ce corps d'aspirants comme devant être le premier grade de la marine et la pépinière des officiers. Mais M. de Champagny propose que, dans les différents havres où les écoles d'hydrographie seront établies, chaque année les jeunes élèves obtiennent au concours d'être nommés aspirants entretenus de la marine; que le prix de leurs talents soit de rester trois ans dans les grands ports exercés aux manœuvres navales. Il fixe le nombre de ses aspirants à 300; et, chaque année, 100 de ces jeunes élèves se retireront dans leurs ports respectifs pour y continuer la navigation dans les vaisseaux de commerce et seront remplacés par un égal nombre. Je ne vois, dans ce projet, rien qui soit contradictoire au plan du comité. Je n'aperçois au contraire qu'un moyen plus sûr d'accroître les connaissances parmi ceux qui se dévouent à ce pénible métier, et cette proposition est également utile à l'armée navale et a la marine commerçante. Cette navette conti nuelle de 100 sujets, qui se renouvelleront chaque année, augmentera en 10 ans les connaissances de tous les marins, et ne peut manquer de former des officiers de la plus grande distinction.
Votre comité ne vous a proposé dans son plan que des bases, et peut-être a-t-il eu tort de n'en pas développer tous les articles en vous présentant, non seulement les principes, mais le règlement qui vous aurait mis plus à portée de juger son travail, cette matière étant très étrangère à la plus grande partie des membres de cette Assemblée. Je vais essayer de lui présenter cet ensemble en adoptant les aspirants entretenus que M. de Champagny vous propose. Vous verrez qu'ils ne sont point incompatibles avec notre plan et que l'on aurait pu adopter sa proposition et en faire un des articles du règlement qui vous sera présenté. Je dois vous faire observer que si le plan du comité est rejeté, vous trouverez les plus grandes difficultés lorsqu'il faudra appliquer un nouveau pian au corps actuel de la marine.
Qu'il me soit permis de vous rappeler que j'ai eu l'honneur de vous dire dans mon rapport, que nous avions été obligés de marcher entre deux écueils également dangereux; l'un, de vous proposer un décret inconstitutionnel; l'autre, de désorganiser entièrement le corps actuel de la marine, il est de mon devoir de vous expliquer notre pensée, et quoique je n'aie pas le suffrage de MM. les officiers de la marine, il n'en est pas moins certain que, pénétré de la nécessité de conserver et de maintenir le corps dans le degré d'instruction où il est maintenant, il me serait facile de vous démontrer que le plan que votre comité vous propose est le seul qui puisse atteindre ce but si désirable.
En effet, suivant le projet d'application qui vous a été distribué, le corps de la marine sera composé de 3 amiraux, 9 vice-amiraux, 18 contre-amiraux, 180 capitaines de vaisseaux et 800 lieutenants. Le corps actuel est composé de 100 capitaines de vaisseaux, 100 majors de vaisseaux 636 lieutenants et environ 450 sous-lieutenants de vaisseaux. C'est une justice que je me plais à rendre, mais il n'existe pas un corps plus instruit que celui de la marine, et, puisque nous avons cet avantage inappréciable, n'était-il pas de notre devoir, en respectant les principes, de le conserver dans son entier?
Le plan de votre comité vous en donne les moyens. Il vous offre l'avantage incalculable au moment d'une formation nouvelle de pouvoir conserver tous les individus, et de vous assurer a jamais que les remplacements qui seront faits chaque année seront composés des officiers les plus instruits de la marine française. Daus le système contraire, en faisant du grade d'enseigne le premier grade constamment entretenu,vous serez obligés départager la quantité d'officiers que vou8 devez constamment entretenir, entre les lieute-nantsjet lesenseignes.il faudrait donc réformer un grand nombre des lieutenants de vaisseaux, et quels que fussent ceux sur qui cette réforme pourrait tomber, ce serait toujours une vraie perte pour l Etat, car ils sont tous très instruits et tous de la plus grande espérance.
Les sous-lieutenants de vaisseaux méritent à toutes sortes d'égards la reconnaissance de la nation, plusieurs d'entre eux ont servi pendant la guerre avec distinction, et dans le plan que votre comité vous propose, 134 de ces officiers seront elevés au grade de lieutenant, et vous aurez un moyen de pourvoir au remplacement de ceux qui ne pourront obtenir des places. Je suis bien éloigné de croire que les officiers ne méritent pas également que l'on s'occupe de leur sort, mais au moment où l'égalité préside à toutes nos institutions, les talents et les connaissances doivent emporter la balance. Si vous destiniez aux remplacements un corps considérable de lieutenants dont l'instruction ne fût pas certaine, il en résulterait nécessairement que dans 10 ou 15 ans toute la tête de la marine serait moins instruite que les officiers subalternes qui acquerront les grades par Je concours.
Qu il me soit permis de vous faire une dernière observation. Le plan que le comité vous propose vous offre les mêmes avantages et le même mode d admission, qui est en usage dans la marine anglaise, que l'on vous a déjà citée plus d'une fois. Le midshipman, avant de parvenir au grade de lieutenant, est irrévocablement obligé de faire ses 6 ans de navigation, soit dans les vaisseaux de guerre, soit dans les vaisseaux de commerce; les 2 services lui seront également comptés ; mais il n obtient le grade de lieutenant que lorsque ses talents ont été reconnus. M. Edouard, fils du roi d Angleterre, a été soumis à cette même loi. (Murmures a droite.) Messieurs, j'ai dit, Monsieur Edouard, parce que c'est à présent la manière dont on désigne les princes.
Les aspirants anglais ont même une facilité que nous leur refusons : car pendant la paix ils ont la liberté de naviguer dans les vaisseaux de commerce, en conservant la demi-paye du service militaire. Dans ce pays, on n'a jamais cru que l'on dérogeait en faisant le commerce ; les frères cadets des pairs du royaume embrassent sans scrupule cette profession; et si dans ce moment on rejette avec tant d'opiniâtreté le plau que l'on vous propose, je persiste à croire que les anciennes opinions conservent encore une grande influence.
Je me résume en adoptant 300 élèves entretenus, dont un tiers remplacé
sera chaque année, ainsi que le propose M. de Champagny ; mais je
persiste à défendre le plan du comité. Je le défends comme le seul qui
s'accorde avec les principes,
Si vous voulez le permettre, je vais vous lire un projet de décret :
« Art 1er. Il y aura des écoles gratuites de
navigation dans les principales villes de la marine, ainsi qu'il sera
ordonné par un règlement particulier.
« Art. 2. Il en sera également établi dans quatre des principales villes de l'intérieur, pour donner aux citoyens des provinces méditerranéennes la facilité de donner à leurs enfants l'éducation nécessaire pour être admis au service de la mer.
« Art. 3. Ceux qui se présenteront pour servir en qualité d'aspirants de la marine ne pourront y être admis qu'après 15 années d'âge accomplies, et seulement après avoir subi un examen public sur l'hydrographie, les éléments de la géométrie, les éléments de la navigation et la mécanique.
« Art. 4. L'État entretiendra constamment un corps de 300 élèves dans les 3 grands arsenaux qui seront formés ainsi qu'il sera statué par l'article suivant.
« Art. 5. Les aspirants seront rangés en 3 classes et chaque année les aspirants monteront d'une classe.
« Art. 6. Les aspirants ne seront entretenus que pendant 3 années. Ils seront renouvelés chaque année par tiers, et après ce temps ils retourneront dans leurs ports respectifs pour continuer à naviguer sur les vaisseaux de commerce, et y faire la quantité de mois de mer exigée pour être admis au concours. »
Messieurs, ce n'est point au milieu de la consternation générale qu'il est possible d'attacher votre attention à l'organisation de la marine. (Murmures.)
Lorsque les lois fondamentales de l'Empire sont violées, lorsque la Constitution est attaquée dans la personne du monarque (Murmures prolongés.).....
Un grand nombre de membres : A l'ordre du jour !
L'ordre du jour est de parler de ce qui doit consterner les bons citoyens.
Un grand nombre de membres : A l'ordre du jour !
Je ne puis pas vous donner la parole contre le vœu de l'Assemblée. Je la consulte.
insiste pour avoir la parole.
(L'Assemblée décrète qu'elle passe à l'ordre du jour.)
Monsieur le Président, vous n'avez pas le droit d'ôter la parole.
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'Abbaye !
Je fais la motion que vous 3oyez rappelé à l'ordre pour avoir pris sur vous de consulter l'Assemblée sans y être provoqué par aucune motion particulière. (Murmures.)
Respectez le Président de l'Assemblée.
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour!
L'ordre du jour est l'ordre public.
L'ordre du jour est de vous taire. (Bruit.)
M. de Virieu fait la motion que je sois rappelé à l'ordre. Il suppose que sans en être requis j'ai consulté l'Assemblée sur l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Non ! non 1 II a tort !
La motion a été faite par un si grand nombre de membres que j'ai dû la mettre aux voix. (Murmures à droite.)
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
La suite de la discussion sur Vorganisation de la marine est reprise.
Je crois que, de la manière dont les articles sont maintenant proposés, l'institution des aspirants ne peut plus laisser d'équivoque. Je propose seulement d'ajouter aux articles de M. Defermon, un article qui dise qu'outre les examinateurs nécessaires, les juges seront pris, par nombre égal, dans la marine militaire et dans la marine commerçante.
Je demande auquel de3 deux projets dontje viens de donner lecture l'Assemblée veut donner la priorité. Entend-elle l'accorder à l'ancien ou au nouveau?
(L'Assemblée accorde la priorité au nouveau projet.)
donne lecture des trois premiers articles qui sont adoptés comme suit :
Art. 14.
« Il y aura des écoles gratuites d'hydrographie et de mathématiques dans les principaux ports du royaume. »
Art. 15.
« Il sera, chaque année, ouvert un concours dans les principales villes maritimes, auquel concours pourront se présenter tous les jeunes gens de 15 à 20 ans, se destinant à la marine; ils y seront examinés sur les connaissances théoriques. »
Art. 16.
« Ceux qui auront le mieux satisfait à l'examen seront admis à servir pendant 3 ans sur les vaisseaux de guerre, sous le titre d'aspirants : on fixera le nombre d'aspirants à recevoir chaque année dans chaque lieu où le concours sera établi, à raison de sa population maritime. »
L'éducation que le comité propose me paraît devoir attirer toute
l'attention de l'Assemblée. En proposant d'obliger les aspirants à faire
18 mois de mer, un apprentissage de gabier et de timonier, et, pendant
30 autres mois, le service d'officier marinier, ensuite en n'établissant
d'école dans aucun des trois grands ports, votre comité me semble
Trompés peut-être par les règlements sages prescrits à cet égard pour le service de terre, il a .voulu assimiler deux services qui diffèrentcomme deux éléments. On s'est égaré sur l'esprit de l'ordonnance de 1772. La science de l'officier de mer réside uniquement dans sa tête. Le mouvement à imprimer à un vaisseau est le résultat d'une opération d'esprit, et une suite du jugement de celui qui l'ordonne. Dans le combat le plus vif, comme dans la manœuvre la plus difficile, le commandant est dans l'inaction; c'est l'esprit seul qui agit.
A-t-on réfléchi qu'un simple enseigne de vaisseau, commandant une corvette, peut entraîner la nation dans une guerre? Est-ce donc vers l'instruction des matelots qu'on doit diriger l'officier? Ne doit-on pas craindre plutôt ce penchant naturel aux jeunes gens qui leur fait préférer généralement les exercices du corps à l'étude nécessaire pour former l'esprit. Je voudrais que son instruction sur la manœuvre ne fût pas négligée; mais je voudrais qu'un examen préalable au concours sur les mathématiques m'assurât qu'il est doué d'un bon jugement, parce que jamais un sot ne peut devenir un homme de mer de talent.
Un membre : Il y a un inconvénient dans ces dispositions. Il n'est pas possible que vous exigiez des aspirants, par un article subséquent, 4 ans de navigation pour qu'ils puissent concourir : Que feront-iîs pendant la quatrième année ?
Plusieurs membres : Ils navigueront sur les vaisseaux de commerce.
Je suis certain qu'un officier qui se sera conduit avec distinction ne sera nullement embarrassé d'être employé sur les vaisseaux de commerce pour la quatrième année.
En créant des aspirants de la marine pour servir pendant un temps déterminé, sur les vaisseaux de l'Etat, l'Assemblée nationale ne peut avoir d'autre objet que de leur donner une éducation complète. Or, aux yeux même du comité, 3 ans ne suffisent pas, puisqu'il exige 4 ans d'éducation. Ainsi donc l'apprentissage ne sera point fini, si les aspirants ne peuvent être admis à faire sur les vaisseaux de l'Etat que 3 ans de navigation.
On observe qu'ils pourront compléter leurs 4 années d'éducation sur des bâtiments de commerce; mais pour y être admis avec empressement, il ne suffit pas d'être navigateur, il faut avoir de plus des connaissances de commerce, dont ces jeunes gens, qui n'auront été que sur des vaisseaux de l'Etat, seront presque tous privés.
En créant des aspirants de la marine, il est impossible de ne pas voir que cette institution a un objet particulier, et le voici : Sans doute que, dans les 20 raillions d'hommes qui forment l'intérieur des départements du royaume, la nature crée de temps à autre des hommes avec le génie et le caractère propres à former de bons marins. 11 importe d'attirer ce3 hommes au service de la mer pour lequel ils sont nés : telle doit être une des vues particulières de l'institution des aspirants. Hé bien ! ce jeune homme, après avoir con- couru et fait ses 3 ans de services avec succès, ira-t-il errant de port en port, en cherchant iuu-tilement à employer sa quatrième année? Peut-être sera-t-il obligé de s'en retourner chez lui avec le regret d'avoir perdu sa jeunesse et d'avoir fait perdre à l'Etat les fruits des avances qu'il en aura reçues.
Ainsi donc votre institution sera manquée; l'éducation des aspirants ne sera pas complète, l'Etat aura fait des avances dont il ne recueillera pas les fruits. J'en conclus que le temps de service des aspirants sur les vaisseaux de guerre soit prolongé jusqu'à 4 ans, ou que l'on borne à 3 ans le nombre d'années nécessaires pour pouvoir se présenter au concours.
Il est évident, par la tournure que prend la délibération, qu'on cherche à vous conduire par degrés au point que nous avons voulu éviter. Voilà, par le dernier amendement que propose M de Champagny, la véritable compagnie des gardes de la marine rétablie sous un nom différent. (Applaudissements.)
Je m'oppose formellement à ce projet. Regar-dera-t-on les Anglais comme peu au fait de ce qui est nécessaire pour former une éducation maritime? Hé bien,le garde-marine est momentanément employé dans les vaisseaux de commerce et dans les vaisseaux de guerre; et pourvu qu'il apporte à l'amirauté un certificat par lequel il prouve qu'il a six années de navigation, pourvu qu'il soutienne un examen qui constate sa capacité, il est admis dans la marine royale.
M. de Champagny, dans la dernière séance, proposa une navette de 300 jeunes gens, dont 100 se relèveraient chaque année. J'observe que la marine militaire n'a pas besoin, chaque année, de 100 sujets de plus; que par conséquent ces 100 sujets seront également intéressés a être reversés dans la marine de commerce, lorsqu'ils auront servi pendant 3 ans sur les vaisseaux de guerre. Il en résultera que la marine commerçante sera plus instruite, et que la marine militaire aura plus d'officiers distingués.
Je demande que les 3 années ne suffisent pas pour parvenir au grade d'officier, et je m'en réfère au plan du comité.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Champagny.)
donne lecture des trois articles suivant du projet de décret qui sont adoptés en ces termes :
Art. 17.
« Les aspirants seront payés pendant leurs 3 années de service ; il n'y aura pas, dans les départements de la marine, d'écoles de théorie qui leur soient particulières.
Art. 18.
« Les aspirants qui auront fait 3 années de service se retireront et seront remplacés par un nombre égal de jeunes gens reçus au concours.
Art. 19.
Les concours établis pour parvenir au grade d'officiers seront ouverts à tous les navigateurs qui auront au moins 4 ans de navigation, soit sur les vaisseaux de guerre, soit sur les vaisseaux du commerce, sans aucune distinction de ceux qui auront été ou qui n'auront pas été aspirants. »
Les membres du département de Paris sont introduits à la barre.
au nom de la députa tion. Messieurs, nous ne vous retracerons pas les événements qui se sont passés hier. Le directoire, dans ces circonstances, a cru devoir convoquer le conseil du département ; mais, en prenant cette mesure extraordinaire, il a cru devoir en prendre une autre pour éclairer les citoyens. Nous allons vous donner connaissance de l'arrêté que le directoire a pris hier à cet effet.
procureur général syndic, lisant :
« Extrait des registres des délibérations du directoire du
« Sur le rapport de M. le procureur général syndic, le directoire arrête que les sections seront convoquées par la municipalité, pour délibérer sur la question qui suit l'exposé ci-après.
« Le roi avait projeté d'aller aujourd'hui à Saint-Gloud. Un grand nombre de citoyens, craignant que les ennemis du bien public n'osassent abuser de son nom pour donner de la force à leurs manœuvres anticonstitutionnelles, sont allés le prier de ne pas partir.
« M. le maire et M. le commandant général ont craint que le roi ne parût forcé dans ses volontés. Ils lui ont déclaré qu'il ne cesserait en aucun moment d'être libre et que, s'il persistait à vouloir se rendre à Saint-Gloud, tous les moyens publics seraient employés pour favoriser son départ. Le roi a craint le trouble; il n'a voulu exposer ni le peuple, ni la garde nationale ; il s'est décidé à rester.
« Le directoire s'est décidé de la manière suivante :
« Les sections sont invitées à donner leur avis sur la question suivante :
« Faut-il, dans ces circonstances, prier le roi d'exécuter son premier projet, qui était d'aller à Saint-Gloud, ou bien faut-il le remercier d'avoir préféré de rester pour ne pas exposer la tranquillité publique ? La municipalité, autorisée par le département, demande, sans aucun délai, une réponse oui ou non à cette question.
« Le directoire arrête en même temps que le conseil du département sera immédiatement convoqué pour ce soir 6 heures, pour délibérer sur l'état présent des choses.
Extrait des registres des délibérations de rassemblée du département de Paris, du lundi 18 avril 1791.
« Sur l'exposé, fait par le directoire au conseil assemblé, des faits énoncés dans son procès-verbal de ce matin, le conseil approuve les mesures prises par le directoire et la convocation des sec-lions qu'il a donnée. » Arrête :
« Qu'il sera présenté sans délai une adresse au roi pour le prier d'éloigner de sa personne les ennemis de la Constitution, qui cherchent à le tromper par des conseils perfides; qu'il sera fait une adresse aux citoyens pour les éclairer sur leurs véritables intérêts ; les prévenir contre les insinuations dangereuses des ennemis du bien public; leur rappeler les principes d'ordre et le respect pour la loi qui conviennent à un peuple libre ; et qu'en même temps les membres du département et les officiers municipaux seraient invités à se répandre dans leurs sections respectives pour y retracer ces principes.
« Que le département se rendra demain en corps à l'Assemblée nationale pour lui donner connaissance des faits qui se sont passés aujourd'hui et des mesures qu'il a prises pour en prévenir les suites. »
L'Assemblée a entendu le compte que vous venez de lui rendre pour l'exécution des lois et le maintien du bon ordre, et elle vous en témoigne sa satisfaction.
Plusiexirs membres : Accordez-leur les honneurs de la séance.
Plusieurs autres membres : L'ordre du jour 1 (Murmures à droite.) (La députation se retire.)
L'Assemblée nationale... (Vives interruptions.)
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour I
A l'ordre ! Messieurs. (S'a-dressant à M. de Cazalès). Attendez, Monsieur.
M. le Président n'a pas le droit de me refuser la parole quand je demande à combattre la motion de l'ordre du jour.
(de Saint-Jean-d'Angély.) Je demande qu on passe à l'ordre du jour sur la proposition d'accorder la séance au directoire.
J'insiste pour avoir la parole contre l'ordre du jour.
Je mets aux voix si on entendra M. de Cazalès.
(L'Assemblée décide qu'elle n'entendra pas M. de Cazalès.)
L'Assemblée a fait ce qu'elle n'avait pas le droit de faire ; je persiste à demander la parole.
Je demande qu'il soit fait mention dans le procès-verbal, que l'on a refusé la parole à M. de Cazalès.
J'appuie la motion et je demande qu'on y ajoute que j'ai dit que l'Assemblée n'était pas délibérante.
C'est à la rédaction du procès-verbal que se porte votre observation.
Je demande à M. Prieur comment une Assemblée, qui ferme une discussion sans avoir entendu un membre qui réclame la la parole et quand la discussion n'est pas commencée, est une assemblée délibérant?.
La suite de la discussion sur l'organisation de la marine est reprise.
Il s'agit maintenant de fixer le rang dans lequel seront appelés les
aspirants,
Art. 20.
« Lorsque les aspirants de la marine, qui n'auront point obtenu le concours, seront appelés au secours de l'Etat, ils ne prendront rang dans les vaisseaux qu'à la suite des aspirants entretenus de la même classe qu'eux. L'ancienneté comptera entre les aspirants entretenus du moment qu'ils auront été reçus aspirants. » (Adopté.)
Je demande, Monsieur le Président, que les aspirants qui auront fait trois années de navigation ne se trouvent pas, après ce temps, embarrassés pour faire la quatrième; mais qu'il y ait un article qui dise que les bâtiments de commerce ou les bâtiments de guerre seront obligés d'en prendre un ou deux jusqu'à ce qu'ils puissent trouver les moyens de compléter leur quatrième année.
Il est dans l'esprit de tous les membres de l'Assemblée de procurer à tous les citoyens les moyens de se perfectionner dans leur état; mais j'observe à l'Assemblée qu'adopter l'amendement qui vient d'être proposé, ce serait accorder le privilège particulier d'être toujours embarqués ou sur les vaisseaux de commerce ou sur les vaisseaux de l'Etat. Je ne vois donc pas qu'on puisseadopter la proposition du préopinant, et je demande qu'on passe à l'ordre du jour.
Je crois que c'est vouloir faire revivre les anciennes idées que l'on avait sur la distinction qu'il fallait mettre entre la marine militaire et la marine marchande. Je demande donc la question préalable.
J'insisterais sur l'amendement si je le regardais comme un secours suffisant pour les élèves que vous venez d'instituer; mais je suis loin de trouver dans cet article une issue convenable. Je demande au comité, ou à son rapporteur, de vous expliquer ce que deviendra le grand nombre d'élèves dont le calcul nous est dérobé.
Vous avez voulu faire des élèves comme une condition de votre système militaire naval, c'est-à-dire qu'en trois ans il y ait plus de trois cents élèves pour recrutement du corps militaire. Or le corps militaire sera composé de 1,000 officiers ; son remplacement par année, en temps de paix, sans calculer les malheurs de la guerre, ne peut pas aller au delà de vingt-cinq. Quelle sera la perspective de ce grand nombre d'élèves?
Qu'est-ce que vous allez donc faire? Je demande au comité de s'expliquer, et je prie M. de Champagny de me permettre, malgré la profonde estime dont je fais profession pour lui et pour ses talents et pour ses connaissances, de lui reprocher de s'être relâché...
Plusieurs membres à gauche : Ah ! ah ! ah !
Vous vous êtes privés d'un principe conséquent, vous en aviez un qui pouvait être soutenu. Je vous l'ai dit : il ne vous fallait point d'aspirants, il ne vous fallait point d'élèves.
Messieurs, j'aperçois clairement et nettement, par la tournure que prend cette délibération, qu en détruisant tous les privilèges, yous en laisseriez subsister un, et c'est celui des côtes maritimes contre les provinces de la Médi-i terranée. Prenez garde que tous les enfants de marchands et d'armateurs trouvent facilement leur quatrième année à faire sur les vaisseaux parce qu'ils la feront sur les vaisseaux de leurs parents, de leurs amis. Les jeunes gens de l'intérieur se trouveront tour à tour expulsés de tous les vaisseaux marchands. J'insiste donc sur l'amendement de M. de Roehebrune, et je demande qu'il soit mis aux voix.
Il est extrêmement constitutionnel d'accoutumer notre jeunesse à servir alternativement dans un grade supérieur et un grade inférieur au service du public, ou au service particulier. Chez les Romains, Scîpion l'Africain en a donné l'exemple, et nous sommes dignes de l'imiter. Il faut que les jeunes gens s'accoutument à se soumettre au service particulier, au service de l'Etat et vice versa, sans aucune difficulté. Voilà l'esprit de la Constitution.
J'observe à l'Assemblée que c'est créer un privilège pour les armateurs, car il faut absolument que l'élève, pour être admis au concours, ait les 4 ans de navigation; en conséquence, s'il ne peut pas trouver à faire son complément, nécessairement il ne peut pas être admis au concours. Il en résultera que l'armateur qui voudra favoriser ou son fils ou son parent, lui fera achever sur un de ses bâtiments les 4 années de navigation, pourra le présenter au concours, et dès lors les autres en seront exclus. Je demande que l'Assemblée prenne des mesures pour procurer aux élèves le moyen de faire leurs 4 années de navigation, et que ce soit, si l'on veut, sur les bâtiments de l'Etat.
D'après les observations qui ont été faites par les différents préopinants, je crois que l'on n'a pas une idée juste de l'amendement proposé. On vous demande d'obliger les armateurs à choisir, parmi les 300 élèves, un élève qui leur conviendra ; seulement leur choix sera limité à un certain nombre. Par là, vous fournirez à tous vos élèves le moyen de compléter leur temps de navigation et en même temps de perfectionner leur instruction. J'insiste donc sur l'amendement.
Tout ce que l'on dit à l'appui de l'amendement ne porte que sur la supposition qu'on n'aura pas la faculté de naviguer; mais cette supposition est fausse : vos décrets et les faits militent contre elle et la détruisent. J'invoque la question préalable contre l'amendement.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
met aux voix la question préalable.
(Après une première épreuve déclarée douteuse, l'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'amendement de M. de Roehebrune.)
Je propose comme amendement que les élèves qui seront reçus sur les vaisseaux de commerce y soient reçus comme passagers ou y soient reçus à leurs frais, à moins d'y mire une fonction quelconque pour laquelle ils seront payés comme les autres travailleurs.
Mon amendement est le
L'article n'a été combattu que par les habitants des villes maritimes. Les habitants des villes maritimes regarderont toujours comme intrus ceux des provinces qui voudront se livrer à la navigation. Enfin, Messieurs, sur les amendements de MM. Le Chapelier et La Ville-Leroux, je remarque qu'on ne fait aucun tort à des armateurs de leur donner dans leur équipage des jeunes gens instruits et qui ont déjà navigué pendant 3 ans. Quant à la proposition de les prendre comme passagers, c'est absolument leur fermer la porte à toute instruction. N'étant sur un navire que comme passagers, du moment qu'ils voudront se mêler à quelques manœuvres, on leur dira : « Vous êtes ici pour ne rien faire. »
Je dis que l'article que l'on propose n'est qu'un privilège en faveur ae ceux qui ont été aspirants; car, si, après avoir été aspirants pendant trois ans, il faut une quatrième année de navigation, et si ces aspirants ont la faculté d'être admis sur les vaisseaux de commerce, il s'ensuivra qu'ils forceront la plupart des navigateurs à qui nous n'avons pas le droit d'imposer cette charge. (Murmures.)
Un armateur n'est qu'un entrepreneur de manufactures navales : or, vous n'obligeriez pas un commerçant ou un entrepreneur à prendre tel ou tel commis ou ouvrier.
Pour tout concilier, il suffirait de supprimer la quatrième année de navigation.
Les armateurs ne peuvent avoir aucune répugnance, parce que ces aspirants-là sont enfants de la loi, enfants de la Constitution. Je demande que l'on mette aux voix l'article.
Je n'avais à faire que les mêmes observations que vient de faire tout à l'heure M. Goupilleau. Je crois que c'est porter une atteinte manifeste à la liberté indéfinie (Murmures.) qui doit régner dans le commerce. Mon vaisseau m'appartient comme ma maison ; je ne dois avoir dans mon vaisseau que des gens qui me plaisent. Il est très possible que, dans le nombre des aspirants, il n'y en ait aucun qui ait ma confiance. D'après cela, je ne dois pas être forcé de l'admettre sur mon vaisseau. Je conclus à ce que l'article soit rejeté entièrement.
Il y a peu d'années que le commerce était assujetti, par les règlements et les ordonnances, à prendre tant de novices sur une certaine quantité d'équipage ; le commerce a fait des représentations contre cette mesure qui ne tendait à rien moins qu'à rendre la navigation française plus chère qu'aucune autre navigation. Le commerce a obtenu de l'ancien gouvernement que cette charge fût supprimée. Depuis quelques années, le commerce est libre de composer jusqu'à un certain point ses équipages comme il le veut.
Maintenant on nous propose de lui donner une autre charge; je ne crois pas qu'il soit prudent d'adopter une pareille mesure. Qu'il soit libre à tous les armateurs marchands de choisir et de traiter avec chacun de ces élèves comme ils le jugeront à propos, et qu'en résumé, ceux qui n'auront pas été choisis puissent faire leur quatrième année de navigation sur les vaisseaux de l'Etat.
Si vous décrétez cette disposition, vous pouvez prendre pour certain que les aspirants qui sortiront chaque année trouveront un moyen sûr et prompt de faire leur quatrième année, parce que les armateurs ne feront pas de difficulté de les embarquer. J'applaudis et au patriotisme et aux vues que M. Lecouteulx vous a soumises. J'espère que les autres armateurs n'auront ni d'autres vues, ni moins de patriotisme. Il ne restera donc qu'à faire un règlement; mais je crois que l'on peut toujours délibérer sur l'article, sans entrer dans tous ses détails. Je demande donc que l'on mette aux voix l'article proposé par M. de Rochebrune.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
L'article suivant est décrété :
Art. 21.
« Chaque armateur sera obligé de recevoir, à bord des bâtiments de 150 tonneaux et au-dessus, qu'il armera pour les voyages au long cours ou de grand cabotage, un aspirant du nombre de ceux qui, après trois ans d'entretien, n'auront pas complété leurs 4 ans de navigation pour être admissibles au concours. »
Nous voici parvenus au grade d'officiers de la marine.
Art. 22.
Officiers de la marine.
« Les grades d'officiers de la marine seront ceux d'enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseaux et capitaines de vaisseaux, et les grades d'officiers généraux.
« On ne pourra être fait officier avant l'âge de 18 ans accomplis. » (Adopté.)
Art. 23.
« Le grade d'enseigne sera le dernier grade d'officier de la marine. » (Adopté.)
donne lecture de l'article suivant qu'il présente sous cette double forme:
Les aspirauis ue premiere classe seront sus- ceptibles d'6tre embarques comme enseignes de vais- seaux, apr£s quatre ans de navigation, dont une au moins obligee sur les vaisseaux de l'Etat, on qua- lite d'aspirants, et avoir satisfaita l'examen qui sera prescrit ; et pour les trois autres annees le temps de navigation sur les batiments de commerce sera compt6 a raison dos deux tiers de sa duroe effective : ils en auront le titre et le grade des qu'ils auront ete ap- peles au service a tour de rôle.
« Les aspirants de la premiere classse seront faits enseignes de vaisseau apres quatre ans de navi- gation, dont une au moins obligee sur les vaisseaux de l'Etat en qualite cl'as- pirants, et avoir satisfait a l'examen qui sera prescrit; et pour les trois autres annees, le temps de navi- gation sur les batiments de commerce a raison des deux tiers de sa duree effectivo. »
Si vous adoptez le projet de votre comité, il en résulterait qu'il seraitillusoire, parce que, si vous admettez le concours au de.Iieutena°t, il en résulterait que les 5 ou 600 enseignes de vaisseau que votre comité vous propose de créer navigueraient pendant une guerre, et même pendant plus longtemps, sans pouvoir concourir ; et, par conséquent, vous ne pourriez, sans injustice, refuser à un officier qui aurait fait 4 ou 5 ans de guerre, d'être avancé au grade de lieutenant de vaisseau. 11 faut donc que le concours soit fixé au premier grade d'officier de la marine, qui est celui d'enseigne de vaisseau. G'est ce que je demande à l'Assem-blee.
C'est ici le moment de rappeler ce que j'ai développé, les deux fois que j ai parlé sur cet article-là. Le nombre des officiersde la marine que vous allez établir sera insuffisant en temps de guerre ; par conséquent, vous seriez obligés de prendre un grand nombre aothciers de la marine commerçante pour venir servir, comme auxiliaires, sur vos vaisseaux. « Il en résultera que les capitaines de navire, qui auront pourtant été obligés de passer un grade d aspirant, se trouveront arriver dans la marine avec un grade absolument illusoire, c'est-à-dire que la ligne de démarcation entre la marine militaire et la marine marchande sera prononcée par ce mode-là.
Je persiste à dire que, si vous n'établissez le concours qu'au grade de lieutenant, vous consolidez le corps de marine le mieux instruit. En Angleterre, il n'y a pas d'enseignes, il n'y a oue des capitaines et des lieutenants. Etablissez le même mode qu'eux, puisque vous avez les mêmes ennemis à combattre. Vous établissez la ligne de démarcation et je persiste à demander que le concours soit fixé au grade de lieutenant.
La question présentée a l Assemblée nationale consiste à savoir si le concours dent être placé au grade d'enseigne ou à celui de lieutenant.
Si le préopinant juge que le concours est un moyen propre à donner de bons lieutenants il aurait pu en conclure qu'il est également propre a donner des enseignes habiles. Et certes, il importe aussi à l'Etat d'avoir'des enseignes habiles-car les enseignes, sur les vaisseaux de guerre' comme les lieutenant?, peuvent commander où conduire des bâtiments ; de leurs fautes, comme de leurs talents, peuvent dépendre quelquefois les succès ou les revers de nos armées navales.
Mais j'examine le concours dans sa nature pour voir à quel grade il s'applique avec plus dé justesse et de convenance. Tout le corps militaire, tout le corps des officiers de mer voués au service public, en y comprenant tous les grades doit être choisi sur la masse des navigateurs Donc le dernier de ce grade, celui par lequel on commence, le grade d'enseigne doit être donné au concours auquel seront appelés tous les navigateurs et spécialement les capitaines de commerce.
Le concours ne fera jamais connaître que les connaissances théoriques ; il ne fera juger ni les talents ni les services de ceux qui seront soumis a I examen, et quand il est question d'élever à un grade aussi important que celui de lieutenant, il faut demander à celui qui se présente et des talents et des services, et non pas de simples connaissances théoriques.
Je demande la priorité pour la motion de M. de Champagny.
a la parole et parle quelques instants sur la question.
Je crois devoir interrompre ici la délibération pour vous donner connaissance d'une lettre que je viens de recevoir; c'est une lettre de M. le garde des sceaux qui m'annonce la venue du roi. La voici :
« Monsieur le Président, « J'ai l'honneur de vous adresser une lettre du roi, dont je vous prie de donner lecture à l'Assemblée nationale. « Je suis, etc.
t Signé : DOPORT. »
Voici le billet du roi.
« Je vous prie, Monsieur le Président, de prévenir l'Assemblée nationale que je vais m'y rendre dans le moment. (Vifs applaudissements.)
« Signé : Louis. »
Un membre : 11 faut nommer une députation pour aller au-devant du roi.
On propose de nommer une députation pour aller au-devant du roi: elle sera de 24 membres.
Plusieurs membres : Oui ! oui ! (L'Assemblée décrète par acclamation d'envoyer sur-le-champ au-devant du roi une députation de 24 membres.)
nomme la députation.
Plusieurs membres : Le roi vient !
(La députation sort.)
Monsieur, le Président, allez donc recevoir le roi !
Non I non ! le Président ne doit pas se déranger.
Messieurs, je recommande le plus grand silence; et je crois me conformer aux intentions de l'Assemblée en ajoutant que personne ne doit prendre la parole que le Président.
Continuons la délibération.
annonce l'ordre du jour de la séance de ce soir et de celle de demain.
(L'Assemblée attend en silence l'arrivée du roi.)
Plusieurs membres : Chapeaux bas !
Plusieurs membres : Il n'est pas besoin de le dire.
Un huissier : Voici le roi !
Tous les membres de l'Assemblée se lèvent.
entre dans la salie suivi de plusieurs
« Messieurs,
« Je viens au milieu de vous avec la confiance que je vous ai toujours témoignée. Vous êtes instruits de la résistance qu'on a apportée hier à mon dépnrt pour Saint-Cloud : je n ai pas voulu qu'on la'fît cesser par la force, parce que je crains de provoquer des actes de rigueur contre une multitude trompée, et qui croit agir en faveur des lois, lorsqu'elle les enfreint. Mais il importe à la nation de prouver que je suis libre : rien n'est si essentiel pour l'autorité des sanctions et des acceptations que j'ai données à vos décrets. Je persiste donc, par ce puissant motif, dans mon projet de voyage à Saint-Cloud; et l'Assemblée nationale en sentira la nécessité.
« Il semble que, pour soulever un peuple fidèle et dont j'ai mérité l'amour par tout ce que j'ai fait pour lui, on cherche à lui inspirer des doutes sur mes sentiments pour la Constitution. J'ai accepté, et i'ai juré de maintenir cette Constitution, dont la constitution civile du clergé fait partie, et j'en maintiens l'exécution de tout mon pouvoir. Je ne fais que renouveler ici l'expression des sentiments que j'ai souvent manifestés à l'Assemblée nationale. Elle sait que mes intentions et mes vues n'o it d'autre but que le bonheur du peuple, et ce bonheur ne peut résulter que de l'observation des lois et de l'obéissance ù toutes les autorités légitimes et constitutionnelles. »
répond : « Sire,
« Si le sentiment profond dont l'Assemblée nationale est pénétrée était compatible avec quelque plus douce impression, elle la recevrait de votre présence. Puisse Votre Majesté trouver elle-même parmi nous, dans ces témoignages d'amour qui l'environnent, quelque dédommagement de ses peines I
« Une inquiète agitation est inséparable des progrès de la liberté. Au milieu des soins que prennent les bons citoyens pour calmer le peuple, on se plaît à semer des alarmes : des circonstances menaçantes se réunissent de toutes parts, et sa défiance renaît.
« Sire, vous, le peuple, la liberté, la Constitution, ce n'est qu'un seul intérêt : les lâches ennemis de la Constitution et de la liberté sont aussi les vôtres.
« Tous les cœurs sont à vous; comme vous voulez le bonheur du peuple, le peuple demande le bonheur de son roi : empêchons qu'une faction trop connue par ses projets, ses efforts, ses complots, ne se mette entre le trône et la nation ; et tous les vœux seront accomplis.
« Quand vous venez, sire, resserrer dans cette enceinte les nœuds qui vous attachent à la Révolution, vous donnez des forces aux amis de la paix et des lois; ils diront au peuple que votre cœur n'est point changé; et toute inquiétude, toute défiance disparaîtra; no3 communs ennemis seront encore une fois confondus, et vous aurez fait remporter à la patrie une nouvelle victoire. »
sort de la salle au milieu de vifs ap- plaudissements et des'cris répétés de Vive le roi! partant de tout Je côté gauche et de quelques membres du côté droit.
Je demande l'impression du discours du roi et de la réponse de M. le Président et leur envoi aux 83 départements.
Je demande qu'il soit envoyé une députation au roi, de la part de l'Assemblée nationale, pour le remercier de la démarche qu'il vient de faire et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu'il a prononcé, afin que, le discours du roi et la réponse de M. le Président étant imprimés de l'autorisation du roi, ils servent de proclamation pour le rétablissement de la paix publique.
Plusieurs membres : BravoI bravo! (Applaudissements.)
Il n'y a pas de contradiction dans les deux propositions.
Plusieurs membres : Non! non!
Je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète les motions de MM. de Noailles et Briois-Beaumetz et rend le décret suivant) :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera fait une députation au roi, pour le remercier de la démarche qu'il a faite auprès de l'Assemblée nationale, et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu'il a prononcé et qu'elle a applaudi, afin que ce discours, imprimé et envoyé aux 83 départements, avec la réponse de M. le Président de l'Assemblée nationale, y serve de proclamation pour le maintien ou le rétablissement de la paix publique. »
C'est la première fois que je prends la parole, dans cette Assemblée, à cette tribune. J'avoue que je vois avec peine que personne ne m'y a précédé dans cette circonstance. Le roi est venu, par une démarche pleine de confiance, vous annoncer, ce que vous saviez tous, qu'il n'avait pas pu mettre à exécution l'intention qu'il avait d'aller à Saint-Cloud. Il vous a annoncé qu'il était d'une importance majeure, pour la Constitution et pour les lois sanctionnées, qu'il eût l'air d'être libre. (Murmuresprolongés à gauche; vifs applaudissements à droite.)
Tout le côté gauche : Mettez-h à l'ordre !
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour!
Je m'oppose à la demande de passer ù l'ordre du jour.
Je consulte l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
Monsieur le Président, je réclame.....
Plusieurs membres: La levée de la séance!
Non! uon! Il ne faut pas lever la séance.
Voici les noms des dépu'és qui doivent aller chez le roi.
insistent, dans le tumulte, pour avoir la parole.
M. de Castellane. Je demande qu'il soit permis au préopinant d'exprimer sa pensée. (Bruit.)
Voix à gauche : Non! non 1
Voix à droite: Si 1 siI
Voici les noms des membres de la députation.
(Il donne lecture de ces noms.)
Plusieurs membres : Levez la séance!
On demande que la séance soit levée.
Non ! non !
Plusieurs membres parlent dans le tumulte.
Je demande...
Plusieurs membres : Vous n'avez pas la parole.
Je demande que la parole ne soit accordée au préopinant qu'autant qu'il voudra bien se charger de nous expliquer pourquoi, dans son côté, lui et ces Messieurs qui se disent si souvent les amis du roi et de la royauté n'ont pas donné un seul applaudissement au roi et n'ont pas mêlé leurs acclamations à celles d'une très grande partie de cette Assemblée. (Vifs applaudissements à gauche ; murmures à droite.)
(Un officier de la garde nationale, placé à l'entrée de la salle sur un des bancs réservés aux députés applaudit vivement aux paroles de M. Rœderer; un membre du côté droit, le remarquant, l'interpelle et lui fait observer qu'il est à une place qu'il ne doit pas occuper; plusieurs membres du côté droit se joignent à leur collègue et font sortir de la salle cet officier.)
Cette interpellation déplacée que vient de faire M. Rœderer...
Nous ne pouvions pas applaudir à la réponse de M. le Président. (Bruyantes interruptions à gauche.)
Je demande que la séance soit levée.
Non! l'ordre du jour!
parle dans le tumulte.
Plusieurs membres à gauche font signe au Président de lever la séance.
Je mets aux voix l'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
La séance est levée.
(La séance est levée à trois heures.)
a la séance de l'assemblée nationale du
Opinion de M. Malonet, commencée et interrompue dans la séance du 19 avril 1791, sur la violence faite au roi dans la journéé du 18 avril 1791.
Messieurs, ce n'est point au milieu de la consternation générale qu'il est possible d'attacher votre attention à l'organisation de la marine. Lorsque les lois fondamentales de l'Empire sont violées ; lorsque la Constitution est attaquée dans : la personne du monarque...
(Ici l'ordre du jour, les cru et les murmures ne m'ont pas permis d'achever.)
Mais puisqu'il m'est impossible de parler à l'Assemblée, je continue et je parle à la nation. Ah! citoyens, ne vous aveuglez pas; un danger commun nous presse et nous menace tous. Il ne s'agit plus de savoir quel est celui de nous qui se rendra le plus odieux à la faction dominante, , il s'agit du salut de l'Etat et du vôtre. I Le roi, arrêté dans sa voiture, dans son palais, ! par une partie de la garde préposée à sa sûreté ; les lois sans autorité ; les magistrats impuissants et méconnus;.les chefs de la milice repoussés, 1 désobéis ; des hommes armés délibérant, pres-; crivant des conditions au monarque, interprétant, au gré de leur fureur, les lois nouvelles ; les administrateurs du département sans service, sans moyens, remettant aux sections l'exercice de leurs pouvoirs ; et l'Assemblée refusant de délibérer sur un tel ordre de choses, répondant à la plainte douloureuse du monarque par des battements de mains, lui accordant son approbation pour tout secours (1) : telle est notre position. Elle est horrible.
La nation veut une Constitution libre, où est-elle ? Est-ce le roi qui est libre, lorsque, outragé, violenté dans son palais, il ne peut en sortir sans exciter une sédition ; lorsque les outrages et les séditions dirigés contre lui sont impunis? — Sommes-nous libres, nous, les représentants du peuple, lorsque nous ne pouvons, sans péril, parler d'autre langage que celui des factieux, lorsqu'on étouffe notre voix, si nous voulons braver le danger qui nous menace ? Sont-ce les magistrats, les administrateurs qui sont libres, lorsque leurs ordres sont méprisés, lorsque, au lieu d'ordonner et de punir, ils se croient réduits à la honteuse nécessité de dissimuler et d'obéir aux mouvements populaires ?
La voilà donc accomplie, cette prophétie de Mirabeau expirant. Son convoi funèbre serait, disait-il,celui de la monarchie 11 a vu, il a signalé les crimes et les dangers. Votre orateur, votre héros vous a répété de son lit de mort ce que sa voix tonnante vous avait annoncé dans la tribune, que tout périrait par l'anarchie ; et vous voulez l'anarchie ! Vous proclamez la liberté, la Constitution, et vous entrez en fureur quand on vous parle des moyens de maintenir l'une et l'autre!
O vous ! hommes faibles qui n'êtes point corrompus, vous n'en êtes pas moins
coupables ; les malheurs de la France vous seront imputés. Les scélérats
sont conséquents, ils marchent rapi-
Hommes faibles, vous avez tout perdu et vous n'échapperez point à la fureur que vous caressez! Les tigres, après avoir égorgé le troupeau, épargnent-ils les chiens timides qui n'ont suie défendre? Que signifie maintenant cet amour dont vous vous vantez pour la liberté, et votre respect pour les lois? Eh bien, si vous êtes des hommes libres, si vous respectez les lois, montrez-nous le tribunal et le supplice qui attendent ceux qui les violent ! Si vous êtes des hommes libres, pourquoi courbez-vous bassement la tête sous le joug des factieux ? Pourquoi ces cris féroces, dans les rues de la capitale, ne sont-ils pas réprimés ? Pourquoi les clubs et les sections osent-ils délibérer sur les plus grands intérêts de l'Etat en présence du Corps législatif qui se tait? Pourquoi laissez-vous étouffer la voix d'un honnête homme qui ose parler?
Que signifient nos longues séances, nos discussions oiseuses, pendant que tout périt sans que l'on daigne s'en occuper? L'arrêté d'un club, celui d'une section, l'orateur du peuple, voilà les décrets auxquels on obéit, et nous le souffrirons, nous,, les gardien s, les dépositaires des droits et des pouvoirs de la nation 1
Eh bien, quand je serais seul à le dire, qu'elle apprenne par ma voix que le roi, les lois, la liberté et ses représentants sont méconnus 1 Que si, sans égard aux dissentiments misérables qui nous divisent, tous les bons citoyens ne concourent au maintien de l'ordre public, l'Etat est dissout! Que si les factieux ne sont promptement réprimés, le roi et l'Assemblée ne sont plus en sûreté.
Signé : Malouet.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresse de la Société des amis de la Constitution, séant à Brignolles, par laquelle ils demandent qu'il soit annuellement appliqué des fonds au rachat des Français esclaves chez les nations bar-baresques.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
Procès-verbal de l'assemblée électorale du district de Charolles, contenant la nomination des curés qui remplacent ceux qui ont refusé de prêter le serment civique.
Adresses du directoire du département de l'Yonne, du directoire du district de Tonnerre, des officiers municipaux d'Alençon, de la communauté de Fon-tenay-en-Gatinais, de la garde nationale de Dar-nelal-lès-Rouen, et des habitants du bourg de Po-ligny, département du Jura, qui expriment les plus vifs regrets sur la perte de M. de Mirabeau. Ils ont arrêté de porter le deuil et de faire célébrer un service solennel pour honorer sa mémoire.
Adresse de l'assemblée électorale du département de la Lozère, qui annonce que, malgré les obstacles qu'elle a éprouvés de la part de plusieurs de ses membres, elle est parvenue à choisir pour nouvel évêque M. Nogaret, curé de la Canourge, auési recommandable par ses talents que par ses vertus. Elle envoie le procès-verbal de cette nomination. Elle demande si les électeurs fonctionnaires publics, qui ont refusé de concourir à l'élection du nouvel évêque, ne doivent pas être déchus de leurs fonctions.
(Cette adresse est renvoyée au comité des rapports.)
Adresse de félicitation, adhésion et dévouement des citoyens actifs de la ville de Seillans, département du Var ; ils demandent la conservation de leur curé.
Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Montauban, qui demande que tous les prêtres confesseurs, et tous les instituteurs del'un et l'autre sexe, soient tenus de prêter le serment civique. .
Adresse des officiers municipaux de Clichy-la-Garenne, contenant le procès-verbal de la prise de possession de M. Lemaignen, nouvellement élu curé de cette paroisse.
Adresse des administrateurs composant le directoire du département de la Dordogne, qui expriment leur surprise extrême sur l'inculpation qui leur a été faite, dans le sein de l'Assemblée nationale, d'avoir rétabli l'usage de la corvée; ils protestent de leur entier dévouement pour l'exécution des décrets.
Adresse du directoire du département du Gard, qui annonce qu'il a arrêté de porter le deuil pendant 3 jours pour la mort de Mirabeau.
Adresse des amis de la Constitution de Caen, qui protestent de leur soumission aux lois.
Adresse des amis de la Constitution de Guéret, qui protestent de leur attachement aux lois : ils annoncent qu'ils redoublent d'effort pour maintenir l'ordre public.
Adresse de la Société des amis de la Constitution séant à Aix, qui témoigne sa douleur sur la mort de Mirabeau, et qui réclame le cœur de ce grand homme.
Pétition de Claude Saintomer, citoyen de Paris, qui propose d'abolir la manière de procéder, au civil, à la procédure par comparaison d'écritures; elle contient un projet de loi sur la meilleure forme pour administrer cette procédure.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
M. Lucas, sculpteur, ami de Mirabeau, et qui a sculpté son buste de son vivant, en fait hommage à l'Assemblée nationale. Il se flatte qu'elle verra avec plaisir l'empressement des artistes multiplier les images d'un des plus ardents défenseurs de la liberté, mis, par les représentants de la nation, au rang des grands hommes.
M. l'abbé Major, professeur au collège royal de Bar-le-Duc, fait hommage
à l'Assemblée natio-
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention honorable de ces deux hommages dans le procès-verbal et accorde les honneurs de la séance à MM. Lucas et l'abbé Major.)
M. Barthélémy fait hommage à l'Assemblée d'un ouvrage en salpêtre.
(L'Assemblée renvoie son adresse au comité militaire et lui accorde les honneurs de la Séance.)
M. Menuret, docteur en l'université de médecine de Montpellier, présente à l'Assemblée deux ouvrages: l'un, sur les moyens de former de bons médecins, sur les obligations réciproques des médecins et de la société, avec un projet d'éducation nationale relative à cette profession ; l'autre sur la culture des jachères, couronné par la Société royale d'agriculture.
(L'Assemblée renvoie le premier de ces ouvrages au comité de salubrité, le second à celui d'agriculture et accorde à M. Menuret les honneurs de la séance.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture:
1° D'une adresse des amis de la Constitution de Marseille, qui proposent à l'Assemblée de faire quelques changements à l'uniforme des gardes nationales;
2° D'une adresse de la commune des Arts, qui demande uu règlement d'organisation.
(Ces deux adresses sont renvoyées au comité de Constitution.)
Messieurs, vous avez renvoyé hier à votre comité diplomatique une adresse des Etats de Porentruy et vous avez en même temps décrété que lecture de cette adresse, vous serait faite à la séance de ce soir. M. Boissy-d'Anglas, secrétaire, va vous faire cette lecture:
secrétaire, lisant:
« Adresse des Etats de la principauté de Poren~ truy à l'Assemblée nationale.
« Les moments de l'Assemblée sont précieux ; les réclamations des exposants seront claires et simples. La vérité s'affaiblit par les divagations et l'apprêt lui donne l'air du mensonge.
« La principauté de Porentruy tient à la fédération germanique; elle n'a que des rapports d'alliance avec les cantons suisses.
« En 1731, des troubles s'y élevèrent; le prince-évêque avait entrepris sur les Etats ; le peuple se plaignit du prince; l'autorité du chef de l'Empire et les lois communes à la confédération germanique furent invoquées; un commissaire impérial se rendit à Porentruy. L'affaire subit un long examen, et ce ne fut qu'en 1736 qu'intervint une sentence du conseil aulique impérial de Vienne. En conséquence de cette sentence, le Srince-évêque est constitutionnellement ti-nu 'accorder à ses sujets la convocation des Etats, toutes les fois qu'elle est requise par ceux-ci ; et il ne lui est permis de la refuser qu'autant qu'il peut donner des raisons preignante* et bien fondées de son refus.
« De 1736 à 1739, les peuples lésés, à ce qu'ils pensaient, par cette décision, témoignèrent des inquiétudes sur le pouvoir qu'on laissait au prince d'alléguer des prétextes pour ravir à des hommes libres le droit de prendre part à leurs intérêts les plus légitimes, et des troubles éclatèrent. Le prince-évêque sollicita les forces impériales pour mettre à exécution la sentence, et il en obtint.
« L'Etat de Bâle, rigoureusement attaché aux principes de la confédération helvétique, déclara qu'il ne souffrirait pas le passage des troupes impériales sur le territoire des cantons. Le chef de l'Empire renonça à seconder les prétentions de l'évêque. Alors ce dernier recourut à la France.
« En 1739, il fut fait une convention entre Sa Majesté très clémente et le prince-évêque. Ce fut en conséquence de cette première convention que, dès l'année suivante, à la sollicitation du prince, des troupes françaises entrèrent dans le pays. Elles y séjournèrent plus d'un an; et la sentence de Vienne fut mise à exécution, grâce à leurs baïonnettes.
« En 1742, le pays étant épuisé par le séjour des troupes françaises, les Etats furent convoqués, afin de pourvoir au remboursement des dépenses occasionnées. Depuis cette époque, les Etats ne furent plus rassemblés, et ces dépenses ne sont pas encore acquittées.
« En 1780, la convention de 1739 entre Sa Majesté très clémente et le prince-évêque, relative à l'engagement réciproque pris par eux de ne pas souffrir que leurs ennemis et adversaires respectifs s'établissent dans leurs pays, et de ne leur accorder aucun passage pour aller attaquer l'autre, fut reprise, étendue et modifiée dans un traité conclu à Versailles, le 20 juin.
« En 1785, le prince-évêque produisit au président et syndic des Etats qu il ne convoquait plus, un compte où étaient portées entre autres choses les avances faites par lui, pour raison du séjour des troupes qu'il avait fait venir en 1740. Les Etats, pour toute réponse, demandèrent leur convocation, et annoncèrent leur résolution de réitérer cette demande jusqu'à ce qu'elle leur eût été accordée.
« Le prince, dérogeant lui-même à la sentence du conseil impérial de Vienne de 1736, n'en a pas moins mis de persévéranceà rejetercette demande en se dispensant même d'alléguer des prétextes, au lieu des raisons preignantes sous lesquelles constitutionnellementil ne pouvait s'y refuser.
« Au mois de septembre dernier, la convocation des Etats ayant encore été demandée, le prince écrivit à l'Etat de Bâle, que, ne pouvant se refuser à la convocation des Etats, il lui demande du secours. L'état de Bâle conseilla à son évêque de ne pas employer la violence, et de demander, comme en 1731, un commissaire impérial qui entendrait ses sujets. Au lieu d'écouter ce sage conseil, le prince-évêque préférant toujours les extrêmes et les mesures véhémentes, s'adressa à Sa Majesté impériale pour lui demander des troupes, sous prétexte qu'il en avait besoin pour l'ordre public et la sûreté de sa personne.
« L'empereur, sur ce simple exposé, accorda des troupes exécutrices
contre des sujets Iran-quilles et paisibles, et qui n'avaient rien à se
reprocher. Persuadé sans doute que les troupes
« MM. les représentants du peuple français ne sauraient iguorer combien il est important que les habitants de la principauté de Po-rentruy soient protégés, pour la sûreté même de l'Empire français, surtout dans les circonstances présentes. La principauté de Porentruy est plus que limitrophe de cet empire. En effet, en s'éten-dant depuis la partie septentrionale de l'Alsace, jusqu'à Belfort, jusqu'au Jura et Besançon, partout les frontières de France sont hérissées de forteresses, à l'exception d'un circuit sinueux d'environ trente lieues, qui enferme tout le petit Etat de Porentruy. C'est sur toute cette dernière étendue qu'il né se présente d'autre point fortifié par l'art, que celui sur lequel est construit le petit fort de Blamont, lieu de défense dont la garde, à raison sans doute du traité fait avec le prince-évêque, n'est confiée qu'à une compagnie d'invalides.
« Assurément si la France eût jamais pu prévoir que les cautons helvétiques eussent pu oublier leurs maximes de défense, au point de livrer le passage à des troupes autrichiennes, les trente lieues de frontières auraient été sans doute hérissées de citadelles.
« Le prince-évêque a manqué de confiance envers la puissance alliée. C'est en cet état que les habitants de Porentruy portent leurs réclamations aux pieds de l'Assemblée nationale, et osent lui proposer nn décret par lequel le roi sera prié de manifester au prince-évêque de Bâle, par 1 organe de l'ambassadeur de France en Suisse, accrédité chez ledit prince, la surprise extrême qu'a causé à Sa Majesté et aux représentants de la nation française, le procédé dudit prince-évêque, qui, sans en prévenir Sa Majesté, ni sondit ambassadeur, reçoit et souffre chez lui nombre de personnes adversaires à la Constitution française, qui devient hautement la nouvelle Constitution du royaume, et qui manœuvre, par des correspondances aussi illicites qu'incendiaires, de toutes les manières propres à amener une contre-révo-lution dans ledit royaume; et, ce qui est bien pis, qui a appelé et introduit dans les terres de sonévêché, frontières de Ja France, un corps des mêmes troupes allemandes qui sont connues par toute l'Europe pour se réunir dans les terres d'Allemagne qui bordent le Rhin depuis le canton de Bâle jusqu'au delà de Worms, pour, en cas de déclaration de guerre de la part de l'Empire, être à portée de soutenir, par la voie des armes, les prétentions des princes de l'Empire possession-nés en Alsace et en Lorraine, contre l'exécution des décrets de l'Assemblée nationale, laquelle introduction desdites troupes anéantit du côté du prince, toute possibilité, le cas de guerre échéant, de s'opposer à leur passage au travers de son pays pour aller attaquer la France, et du côté du monarque français, celle de concerter avec ledit prince la sûreté du royaume le long des frontières, en fermant, par des troup- s françaises, les passages au travers de la principauté de l'évêque de Bâle, par lesquels les ennemis pourraient pénétrer en France.
« De tous lesquels faits il résulte évidemment que le priuce-évêque de Bâle a ravi à la France l'avantage que procure à cette dernière l'article 3 du traité, et que la France, qui la première a mis à exécution et à grands frais ledit traité d'alliance en donnant les secours que ledit prince avait réclamés, est aujourd'hui en droit de se plaindre de la violation dudit traité d'alliance et d'insister à ce que, dans un court délai, le prince-évêque remette les choses dans le premier état, et de congédier, en conséquence, lesdites troupes aiasi introduites, sauf auditprince à prendre son recours conformément au dit traité, vers le roi, pour se garantir de ses ennemis, soit intérieurs, soit extérieurs; si mieux n'aime ledit prince, pour faire cesser les troubles qu'il dit exister dans ses Etais, provoquer la médiatiou d'un commissaire du roi, conjointement avec d'autres commissaires médiateurs, que le prince aurait trouvé bon d'appeler, examiner et régler à l'amiable les difficultés qui peuvent causer lesdits troubles et diviser le prince et ses sujets, et accorder sous la protection dudit commissaire le libre retour dans ses Etats à tous ses sujets que l'entrée desdites troupes et les menaces dudit prince ont mis eu fuite. »
L'adresse dont M. Boissy-d'Anglas vient de vous faire lecture a déjà été renvoyée au comité diplomatique.
Je demande que le rapport de cette lettre soit fait incessamment. Il est inconcevable que le ministre des affaires étrangères n'ait fait aucune négociation pour empêcher l'introduction des troupes étrangères sur le territoire de Porentruy. Ce pays est la clef de la France ; et dans un moment où l'évêque de Bâle se met ouvertement à la tête des ennemis de la Révolution française, où il fait recruter une armée, oùil fait colporter dans l'Alsace des libelles incendiaires, des manifestes de contre-révolution; il est infiniment important que nous prenions des mesures pour la défense de cette partie de nos frontières. Cependant le ministre des affaires étrangères garde le silence.
Et le comité diplomatique dort.
Je demande qu'il soit fait, sous trois jours, un rapport à cet égard.
Je demande que le ministre des affaires étrangères soit tenu de remettre au comité diplomatique les négociations qu'il doit avoir ouvertes avec l'évêque de Bâle. Je crois qu'il est important de connaître l'esprit de ces négociations.
Avant de répondre au préopinant, je dois commencer par faire remarquer la singulière connexité entre la dénonciation des mouvements qu'on prétend exister à Porentruy et les mouvements qui viennent d'avoir lieu àParis.Hier, M. Mercier, auteur d'un journal intitulé: les Annales de Paris, en même temps qu'il dénonçait d'un côté le départ du roi pour Saint-Cloud et les manœuvres des prêtres réfractaires pour exciter le peuple à un mouvement dans Paris, disait dans son journal d'hier, que les Autrichiens étaient sur la frontière^ qu'on était menacé, qu'on ne pouvait pas s'endormir plus longtemps, qu'il fallait prendre les armes et faire des mouvements, et le soir même, lorsque Paris est dans une fermentation lâcheuse,on vient répéter le même langage à l'Assemblée pour propager ces alarmes I...
Or, je déclare, moi, que le ministre des affaires étrangères a remis au
comité diplomatique qui ne dort pas, qui s'assemble très exactement, les
Le ministre nous a remis aussi les traités existant entre la France et la République de Bâle, traités que nous avons examinés de concert avec M. l'évêque de Paris, ci-devant évêque de Lydda, qui avait rédigé ces traités en qualité de plénipotentiaire de M. l'évêque de Bâle. Le comité n'a rien vu dans les articles qui autorisât la France à porter des troupes dans le Porentruy où il y a actuellement 600 hommes de troupes autrichiennes. M. de Noailles nie ce fait-là.
Il y a d'abord eu 500 hommes. Depuis quelque temps, j'ai appris qu'il en était encore arrivé 500 qui environnent actuellement Porentruy, etqu'unrégimentde 3,000 hommes doit être arrivé aujourd'hui à Prisac.
Eh bien, j'admets qu'il soit arrivé encore 500 hommes. Ce n'est pas là une armée qui puisse nous alarmer beaucoup, et je crois qu'il en sera de cette armée de l'évêque de Bâle, comme de celle de M. de Condé, qui heureusement n'existe encore que dans les caricatures que nous voyons à l'entrée de cette salle. 3e ne dis pas cela pour empêcher que l'Assemblée ne prenne des mesures pour rassurer les habitants des frontières; mais ces mesures ne regardent pas le comité diplomatique ; elles neregardent pas le ministre des affaires étrangères, qu'on attaque toujours pour des objets qui lui sont étrangers; elles regardent le ministre delà guerre. C'est lui qui est chargé de la défense des frontières. Le ministre des affaires étrangères doit seulement Vous rendre compte de ce qui se passe dans les cours où nous avons des agents.
QUant aux recrutements et mouvements militaires qui se font sur les frontières, le ministre des affaires étrangères n'en est pas responsable. Cela est si vrai que les officiers généraux, qui commandent en Alsace, ont très grand soin de se faire informer de ce qui se passe au delà du Rhin; et à cet égard nous avons des obligations personnelles à M. de Noailles, qui, lorsqu'il était dans le pays, a eu trèsgrandsoin de s'informer de ce qui se passaitautour de \u\. (Applaudissements).
Je reviens à ce qu'a' dit M. Rewbell, et je suis précisément entré dans ces détails pour vous faire voir que si, d'un côté, il ne faut pas s'endormir, et qu'il est bon de prendre toutes les précautions qu'exige la sûreté du royaume, de l'autre aussi, il ne faut pas jeter sans cesse dans le peuple des alarmes très dangereuses, très inutiles, j'ose le dire, parce que ces alarmes,surtout dans le moment où les ennemis de l'ordre public cherchent à exciter des troubles intérieurs, ces alarmes viennent encore au secours des menées que l'on pratique dans l'intérieur, et peuvent exciter une fermentation extrêmement dangereuse et nuisible à la Constitution.
D'après cela, je ne demande que le renvoi, non pas au comité diplomatique, mais au comité mi-litaire.Le comité militaire s'informera si les frontières sont en état de défense, s'il y a des régiments à l'extérieur; il prendra toutes les précautions
Sue son zèle et ses connaissances lui inspireront.
n a demandé le renvoi au comité diplomatique de la dénonciation qu'on vient de faire. J'observe que ce comité n'est institué que pour examiner les traités, et pour vous rendre compte de leur exécution ; mais nous ne pouvons être chargés d'aucune espèce d'administration ; il ne nous est pas permis de nous immiscer dans les fonctions du ministre des affaires étrangères, encore moins dans des détails qui, comme je viens de le dire, ne regardent pas même ce ministre; nous ne pouvons nous charger d'aucune responsabilité. Tout ce que nous pourrons, ce sera de vous lire le traité qu'on vient de réclamer. Ainsi, pour que nous ne répandions pas des alarmes dangereuses, pour que nous ne nous égarions pas dans des détails inutiles, je m'oppose au renvoi de l'affaire de Porentruy au comité diplomatique.
Je suis parfaitement de l'avis de M. d'André, lorsqu'il dit que les troubles extérieurs influent sur ceux de l'intérieur; mais j'en tire la conséquence qu'il faut détourner les premiers pour prévenir les autres. C'est en ne réprimant pas, par une résistance imposante, les rebelles, partout où ils se trouvent, qu'on favorise et les ennemis de la Constitution et les factieux. Depuis longtemps, les députés d'Alsace et de Franche-Comté dénoncent inutilement au ministre des affaires étrangères et à celui de la guerre, les rassemblements qui se font à Porentruy.
En vain ai-je observé que nous ne pouvions souffrir que des troupes étrangères fussent introduites sur le territoire de nos alliés sans notre consentement, qu'un traité nous autorisait à occuper le pays quand la sûreté de nos frontières l'exigerait, fait sur lequel je défie le comité diplomatique de me contredire, toujours le ministre des affaires étrangères m'a répondu que ce rassemblement de troupes, s'il existait, ne pouvait nous alarmer; qu'il avait les assurances les plus positives des intentions pacifiques de Léo-pold. Je lui répondis qu'effectivement l'Autriche est intéressée à conserver notre amitié; mais qu'il ne fallait pas moins être attentif à tout ce qui se passait, surveiller les démarches, plutôt que calculer les intérêts.
J'ajouterai que l'évêque de Bâle n'avait pas le droit de requérir les troupes autrichiennes; que s'il ne s'agissait que d'une difficulté entre ce qu'on appelle en Allemagne, le prince et ses vassaux, la diète aurait dû commencer par envoyer des commissaires, et que les troupes ne pouvaient venir qu'à la suite d'un mandat exécuto-rial et d'un jugement de 1 Empire. Les formalités sont de rigueur; elles ont eu lieu à Porentruy en 1739; récemment elles ont été employées à Liège; et l'empereur, en envoyant des troupes sans que ces formalités aient été remplies, sans qu'ii y ait eu un mandat exécutorial, est devenu partie dans cette affaire.
Nous ne pouvons donc pas souffrir que les troupes autrichiennes, car ce
ne sont pas les troupes impériales, puisqu'il n'y a pas eu de rescrit de
l'Empire, nous ne devons, dis-je, pas souffrir qu'elles occupent le
territoire de nos alliés sans notre consentement. Le prince-évêque a si
bien senti ces vérités, qu'il a écrit une lettre circulaire à tous les
directoires de district des ci-devant provinces d'Alsace et de
Franche-Comté, pour leur dire de n'avoir aucune inquiétude; qu'il ne
faisait venir des troupes que pour apaiser des troubles qui se faisaient
sentir dans ses propres Etats, et qu'il les faisait venir avec le
consentement du roi de France. Cependant les troubles de Porentruy sont
apaisés. Pourquoi fait-
C'est la réponse que le ministre des affaires étrangères, chez qui M. d'André a été avec moi, nous a faite à nous-mêmes en nous disant que cela ne le regardait pas, mais regardait le ministre de la guerre qui a des ordres à donner à l'armée. Je lui ai répondu que le ministre de la guerre n'avait pas de correspondance à entretenir avec les Etats helvétiques, et que c'était au ministre des affaires étrangères à nous instruire de cela, ou que son ministère était complètement inutile.
Lorsque nous apprîmes que les cantons de Berne et de Soleure avaient si bien manœuvré que le passage avait été accordé, nous nous transportâmes encore, un de mes confrères, M. l'évêque de Lydda et moi, chez M. de Montmorin. Nous lui témoignâmes nos craintes. Nous lui avons dit : u Nous ne craignons ni 200, ni 500, ni 2,000, ni 40,000 Autrichiens; mais ce que nous craignons, c'est l'effervescence de nos gardes nationales de Franche-Comté. Ce sont de braves gens, Messieurs, que ces gardes nationales.
Le ministre nous dit que, selon toutes les apparences, nous avions une crainte sans fondement; qu'il avait comme des assurances positives que les troupes autrichiennes n'entreraient pas ; et elles sont entrées trois jours après.
Je lui dis : « Mais, Monsieur, cela nous suffit-il? Nous ne pouvons pas nous dissimuler qu'il y a des mouvements tout le long du Rhin ; qu'il y a un recrutement ouvert pour l'armée des contre-révolutionnaires, à la tête de laquelle est M. Ri-quetti le jeune, qui paraît en première ligne. Le ministre se moqua, pour ainsi dire, de nos paroles, et nous dit qu il ne pouvait pas croire à cette espèce d'armée contre-révolutionnaire; qu'aussitôt qu'il en serait légalement convaincu, il ne manquerait pas de faire garnir les gorges par les troupes françaises.
Depuis il a été bien convaincu de tous ces faits qu'il avait traités de chimères. Le décret que vous avez rendu contre le cardinal de Rohan et ses adhérents, le rapport qui vous a été fait de M. Rro-glie, les nombreux décrets de prise de corps, lancés par le tribunal d'Altkirch, contre ceux qui faisaient ces recrutements, l'ont dû convaincre bien légalement des manœuvres qu'il paraissait ignorer. Ces troupes contre-révolutionnaires sont rassemblées le long de nos froutières; on les voit, on leur parle ; elles portent un uniforme noir et jaune, avec des têtes de mort sur le bras.
Plusieurs membres à droite : Ah ! Ah ! Ah !
Cependant quoique les ministres aient eu une connaissance authentique et officielle de ces faits, nulle mesure n'a été prise. J'avoue que ces rassemblements sont ridicules, insolents ; mais cette insolence des ennemis extérieurs accroît celle des rebelles de l'intérieur, et nulle invasion n'est à craindre : il faut préve- nir les pillages, auxquels se prépare un amas de brigands. Je crois que ces faits sont dignes de toute l'attention du comité diplomatique, et je demande qu'il soit chargé de nous faire un rapport à ce sujet.
Sans entrer dans le détail des faits qui vous ont été exposés par M. Rewbell, l'affaire qui vous est soumise donne lieu à des réflexions générales beaucoup plus importantes. Je remarquerai d'abord qu'autrefois, lorsque les frontières de la France étaient menacées par la moindre apparence d'hostilité, le ministère exerçait la surveillance la plus scrupuleuse : il rassemblait sur les frontières des troupes capables d'en imposer à l'ennemi ,1e plus puissant. Aujourd'hui qu'il n'est pas un seul mouvement extérieur qui ne soit lié àjla tranquillité intérieure et à l'intêrêt de la liberté, je vois précisément adopter une marche opposée. La plus grande sécurité, la plus grande incurie fait le caractère de votre gouvernement; et, j'ose le dire, il se manifeste jusqu'au sein de l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
Depuis plus de six mois on ne peut plus douter de l'intelligence des ennemis extérieurs avec ceux du dedans. Depuis plus de six mois des troupes étrangères sont rassemblées sur toutes vos frontières; et les ministres sont inactifs 1 et les commissaires nommés par l'Assemblée pour les surveiller, gardent le silence ou ne l'interrompent que pour nous endormir dans une funeste sécurité.
Ce n'est pas ici le moment d'examiner les motifs de ces rassemblements, ni de calculer le nombre de ces troupes; mais je vous prie de remarquer d'où émane la dénonciation sérieuse qui vous est faite en ce moment. Ce n'est ni du gouvernement, ni du sein de cette Assemblée; c'est de la part des habitants d'un pays étranger, de la part de nos alliés de Porentruy : et comment est accueillie cette pétition? Quand un député des départements menacés, connu par son patriotisme, demande que le comité diplomatique instruise l'Assemblée, lui propose des mesures pour la sûreté, ce comité suppose des intentions perfides I II vient froidement, par l'organe d'un de ses membres, discuter la compétence de deux comités. On agite des questions de patriotisme, à l'occasion du ministre de la guerre et du ministre des affaires étrangères, comme s'il était question ici de peser le patriotisme des ministres, et comme si les ministres n'étaient pas les mêmes aux yeux des représentants de la nation, dans un moment aussi critique, et comme si les représentants de la nation devaient avoir un autre soin que de surveiller tous les ministres, comme s'il importait aux représentants de la nation que tel comité examine telle ou telle affaire.
Ce qui nous importe à tous, c'est que ni le comité diplomatique, ni le comité militaire n'ont déployé sur les affaires les plus importantes, sur la sûreté du royaume et la liberté de la nation, ce caractère d'énergie, de patriotisme et de sollicitude qu'on devait attendre de tous les représentants du peuple.(Vifsapplaudissements à Vextrême gauche.)
Je parle ici avec une franchise qui pourra paraître dure...
Plusieurs membres : Non ! non !
mais qui me semble
nécessaire. Ce n'est pas, Messieurs, le moment de nous flatter, de nous
ménager réciproquement ;
Bravo I Je demande la parole.
C'est le moment pour l'Assemblée nationale de savoir que chacun de ses membres doit se regarder comme c hargé person-nellemerit des intérêts de la nation. C'est le moment de sortir de la tutelle des comités, et de ne pas prolonger les dangers publics par une funeste sécurité.....(Applaudissements.)
Cet avis doit suffire ; et s'il ne suffisait pas, j'interpellerais le comité diplomatique de dire dans quel moment, intéressant pour la liberté, il nous a révélé un secret qu'il fût important de connaître; et si je voulais lui demander pourquoi il en a dissimulé d'autres, je ne serais pas embarrassé.
Plusieurs membres à gauche : Parlez! parlez!
Je dirais au comité diplomatique, ou plutôt à l'Assemblée nationale, qu'il existe depuis très longtemps des rassemblements sur plusieurs de nos frontières ; qu'on a fait passer au comité des adresses contenant les alarmes universelles, sans que le comité ait rien fait. Je dirais que le comité diplomatique ne nous a point averti ni de la négligence avec laquelle le ministre des affaires étrangères veille à la sûreté du royaume, ni des commandements laissés à des officiers connus pour être ennemis de la Révolution, ni des places décisives pour la défense du royaume confiées récemment à des ennemis de la Révolution ; enfin qu'il ne nous a proposé aucune mesure vigoureuse.
Je pourrais citer des membres de ce comité qui ont fait des aveux en particulier, des aveux importants, qu'il n'ont pas daigné faire à l'Assemblée. Il me suffira de vous rappeler la conduite du comité dans l'affaire d'Avignon. Pourquoi nous cache-t-il une foule d'événements relatifs à cette affaire, et qui sont intimement liés à la tranquillité publique, au sort de la Révolution? Pourquoi ne vous dit-il pas que la ci-devant Provence et les départements voisins sont menacés des troubles les plus alarmants? C'est pour avoir négligé de prononcer sur le vœu des Avignonnais, qu'on est prêt à avoir une guerre civile, non seulement entre les habitants d'Avignon et ceux du Comtat, mais entre les départements qui diffèrent d'opinion, et dont les uns prennent le parti des Avignonnais et des patriotes au Comtat, et les autres des aristocrates de ce pays.
D'où vient que le comité De vous a pas encore fait le rapport qui seul peut prévenir ces troubles? D'où vient que, lorsque vous voulûtes vous occuper de cette affaire, le comité diplomatique est venu, dans un langage mystérieux, annoncer de prétendus inconvénients et répandre des craintes, au moment où l'Assemblée, pénétrée de la justice de la cause du peuple d'Avignon, allait prononcer une décision qui eût rendu la paix dans les provinces méridionales, et donné un plus puissant appui à la liberté I (Murmures.) ~ Voilà ce que j'ai à dire. Je conclus de tout cela que l'Assemblée veuille bien désormais ne pas se payer de ces déclamations vagues et contradictoires, ni donner une pleine confiance à ses comités, lorsqu'ils cherchent à obscurcir les vérités les plus évidentes et les plus certaines; mais n'écouter que sa sagesse ei sa prudence lorsqu'il s'agit d'aussi grands intérêts. (.Applaudissements.)
Je demande la parole.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Aura-t-on le droit de nous inculper sans que nous puissions répondre?.... Si l'Assemblée nous regarde comme justifiés, je me tais.
Plusieurs membres : Parlez ! parlez !
M. Robespierre n'a écouté que la chaleur de son patriotisme dans les inculpations qu'il a faites aux comités. Le comité diplomatique et le comité militaire, auquel je dois rendre justice parce que nous avons marché ensemble, vous ont présenté constamment tout ce qui était utile et nécessaire. Vous n'auriez pas voulu que, tous les matins, les comités diplomatique et militaire fussent venus vous rendre compte de toutes les adresses des municipalités, des amis de la Constitution et autres, qui disaient : « Il est arrivé du monde là, il est arrivé du monde ailleurs. »
Ces deux comités ont recueilli constamment et avec le plus grand soin tous les avis qui ont été donnés. C'est sur leur rapport qu'a été rendu le décret concernant les auxiliaires; c'est sur leur rapport qu'a été rendu le décret qui porte un certain nombre de régiments au complet pour l'avenir; c'est sur leur rapport qu'a été rendu un décret qui porte qu'il sera accordé au ministre de laguerre quatre millions pour mettre les places frontières en état de défense ; c'est sur leur rapport que le nombre des régiments a é té augmenté: c'est encore sur leur rapport qu'on a ordonné qu'outre les cinquante mille fusils qui avaient été donnés aux gardes nationales, il serait accordé encore quarante mille fusils, et qu'on les porterait même à un nombre supérieur à celui qui a été fixé, en sorte qu'on a donné pour le moment tous les fusils disponibles. Ainsi que vouliez-vous que fissent vos deux comités? M. de Noailles, revenant des lieux mêmes, vous a rapporté que tout était en bon état sur les frontières.
On nous accuse de n'avoir pas rapporté l'affaire d'Avignoa : nous ne l'avons pas rapporté une fois, mais deux. Sur le second rapport vous avez rendu un décret provisoire. M. Bouche peut attester que j'ai constamment sollicité le rapport d'Avignon. M. Menou vous fera incessamment, au nom du comité diplomatique, le troisième rapport de l'affaire d'Av;goon. Nous- ne l'avons pas fait jusqu'ici, parce que nous avions cru que les .circonstances étaient trop délicates pour que vous vous en occupassiez : c'est ainsi qu'uue foule d'affaires restent ensevelies dans le comité des rapports ; c'est ainsi que celle de Nîmes a été différée pendant longtemps, parce que les députés du département disaient que le temps d'en faire le rapport n'était pas encore arrivé.
Certes un comité a le droit de différer un rapport qu'il croit dangereux, à moins que l'Assemblée ne le presse de le faire. Le comité diplomatique est donc à l'abri de toute inculpation, et je voudrais bien qu'on n'inculpât plus aussi légèrement d'honnêtes gens qui font leur métier, et surtout qu'on n'affectât point des rélicences pour exciter contre eux des soupçons qu'on ne peut ensuite justifier quand on est interpellé. Maintenant si vous voulez reovoyer l'affaire de Poren-truy au comité, j'y consens, et je me reproche d'avoir donné lieu à cette discussion.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
Si l'Assemblée ferme la discussion, c'est une preuve qu'elle est contente du comité militaire, et qu'elle est tranquille sur la situation de Porentruy; si l'Assemblée n'est pas en parfaite sécurité, alors je réclame la parole.
J'avoue franchement que j'ai infiniment peu de sollicitude sur les troubles extérieurs. Je me rappelle avec confiance que, sous le despotisme, la France a su résister, par le courage de ses citoyens, à toutes les puissances voisines liguées contre elle; et je ne crois pas que, sous le règne d'une Constitution qu'ils chérissent, d'une liberté qu'ils idolâtrent, ils puissent craindre le ridicule rassemblement des hommes dont on vient de parler. Mais on a fait remarquer, avec raison, la nécessité d'empêcher l'introduction de troupes étrangères à Po'rentruy ; ce territoire ouvre l'entrée de l'Alsace, de telle façon que tous les postes qui sont sur le bord du Rhin pourraient être pris à revers, et qu'alors l'état de notre défense serait entièrement changé. Certes, si on a besoin de troupes dans la principauté de Porentruy, pour maintenir le despotisme de M. l'évêque de Bâle, il suffit des troupes qu'on avait envoyées.
C'est au ministre des affaires étrangères, et non au ministre de la guerre, à veiller, avec la plus grande activité, sur toute la partie extérieure; et si ses agents, ennemis de la Révolution, ne lui en rendent pas compte assez exactement, il faut savoir, puisque l'on a des espions, des agents, des ambassadeurs, des négociateurs, car je confonds assez facilement tous ces mots-là (Applaudissements), il faut savoir en choisir qui puissent « rendre des comptes fidèles.
Le comité militaire et le ministre de la guerre ont pris toutes les mesures qui étaient en leur pouvoir et n'ont plus rien à faire en ce moment. J'interpelle tous les députés des départements qu'il fallait mettre en défense, de déclarer s'ils ont reçu aucune réclamation contre la répartition actuelle des troupes. Il n'est pas une municipalité, surtout dans le département du Haut-Rhin, qui ne trouve que non seulement il y a un nombre de troupes suffisant, mais qu'elles sont même disposées de telle manière que la sûreté .intérieure y est observée avec la plus grande exactitude, que toute espèce d'intelligence avec le pays étranger est détruite par la sagesse des dispositions des officiers généraux patriotes qui sont dans cette province, enfin par toutes les mesures qui ont été prises.
La question de Porentruy est donc purement diplomatique ; et on ne peut trop inviter la sollicitude de IL de Montmorin à exciter tous les agents que la France entretient dans les pays étrangers à nous donner des nouvelles afin que ce ne soit pas par des papiers ou par des lettres particulières que nous apprenions ce qui se passe sur nos frontières. (Applaudissements.) (L'Assemblée ferme la discussion.)
Vous voyez les débats qui s'élèvent dans l'Assemblée, pour la première fois, entre le comité diplomatique d'une part et le comité militaire de l'autre. (Murmures.) La même difficulté existe entre le ministère de la guerre et le ministre des affaires étrangères. L'un prétend qu'il ne doit pas s'occuper de ce qui se passe aux frontières ; l'autre au contraire prétend que cela entre dans ses fonctions. Et vous avez entendu M. d'André qui vous a dit : « Le comité diplomatique est uniquement chargé d'examiner les traités qui sont faits entre la nation française et les autres nations, et de vous en rendre compte. » Qu'arrive-t-il ? C'est que le comité diplomatique, en effet, ne surveille pas ce qui se passe chez leâ nations étrangères : il ne surveille pas le ministre des affaires étrangères, qui, chaque jour, néglige de plus en plus son devoir. Or, il faut que le comité diplomatique exerce cette surveillance.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Vous passez aux voix avec une légèreté extrême. Il n'est pas de député qui n'ait de ces réclamations entre ses mains et vous êtes exposés à recevoir demain les mêmes plaintes. Je demande que votre comité diplomatique soit tenu incessamment de faire ce qu'il n'a pas encore fait depuis son institution, de vous donner un état de la situation politique actuelle de la France, et qu'il soit chargé de surveiller le ministre des affaires étrangères.
Plusieurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. Pétion.
Si cette proposition, qui intéresse essentiellement la tranquillité publique, est repoussée, je demande que le comité diplomatique soit cassé.
Il ne faut pas croire que le comité diplomatique ait les moyens de surveiller ce qui se passe dans les cours étrangères; car pour cela il faudrait avoir des agents avec lesquels le comité diplomatique correspondît. Le ministre ne lui rend que les comptes qu'il veut ; et le comité ne peut pas aller fouiller dans les archives des affaires étrangères. Or je déclare, comme je l'ai dit l'autre jour, que moi, dans mon opinion, je crois qu'il est impossible que le comité diplomatique marche avec le ministre actuel des affaires étrangères.
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
J'ai dénoncé l'autre jour à l'Assemblée le ministre des affaires étrangères. Je savais que par là je me faisais beaucoup d'ennemis. Mon devoir l'a emporté sur toute autre considération. Je reviens encore aujourd'hui sur cette dénonciation, et je persiste à dire qu'il est impossible que le comité diplomatique puisse travailler avec le ministre actuel des affaires étrangères ; que, tant que ce ministre restera en place, l'Assemblée ne sera jamais bien instruite. ( Vifs applaudissements à l'extrême gauche ; murmureà sur de nombreux bancs).
Je remarque avec une véritable peine que dans le moment où Paris est dans une fermentation vraiment effrayante... (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
on occupe l'Assemblée de dénonciations qui peuvent être vraies, mais dont aucune n'est prouvée... (Murmures prolongés.)... et qui dans tous les cas peuvent troubler la tranquillité publique.
Je suis absolument de l'avis des préopinants, relativement à l'affaire de
Porentruy ; j'adopte
Le devoir, l'intérêt des gens qui aiment le bien de l'Etat, qui aiment la Constitution, est de chercher au contraire tous les moyens de la mettre en vigueur, tant du coté extérieur que du côté intérieur, et de ne pas perdre le temps en dénonciations véritablement fâcheuses et qui ne peuvent produire que les plus mauvais effets. (Murmures a l extreme gauche.)
(L'Assemblée renvoie l'affaire de Porentruy à 1 examen des comités militaire et diplomatique reunis, pour en rendre compte dans la séance de leudi.)
En conséquence des ordres de l'Assemblée, la députation qu'elle a nommée pour remercier le roi de la démarche qu'il a faite auprès de l'Assemblée nationale et pour le prier de vouloir bien remettre le discours qu'il y a prononcé et qu'elle a applaudi, s'est rendu chez le roi a l'issue de la séance de ce matin. Le roi avait prévenu les désirs de l'Assemblée nationale S» f,alsa"t remettre son discours au bureau de MM. les secrétaires.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité d'agriculture et de commerce sur la profession de courtiers et d'agents de change, de banque et de commerce (1).
rapporteur. Messieurs, vous avez décrété, jeudi dernier, les deux premiers articles du projet de décret que je vous ai proposé au nom du comité d'agriculture et de commerce sur la profe.-sion de courtiers et d'agents ue change, de banque et de commerce. Voici l'article 3
Art. 3.
« Tout particulier qui voudra exercer les fonctions d'agent et de courtier de change, de banque et de commerce tant de terre que de mer, sera tenu de prendre une patente, qui ne pourra lui être délivrée qu'autant qu'il rapportera la quittance de ses impositions. » (Adopté.)
rapporteur. Voici maintenant l'article 4.
« Art. 4. Celui qui aura pris une patente, sera tenu de se présenter devant le juge du tribunal du commerce; il y fera sa déclara.ion qu'il veut exercer la profession de courtier, d'agent de change et de commerce; et il prêtera le serment de remplir ses fonctions avec intégrité, de se conformer aux décrets de l'Assemblée nationale et aux règlements et de garder le secret sur les affaires qui lui seront confiées. »
Plusieurs membres prétendent que les dispositions renfermées dans cet
article sont surabondantes et inutiles et qu'il doit par conséquent être
écarté par la question préalable.
met aux voix la question préalable.
(L'Assemblée consultée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'article 4.)
Je demande par amendement que les mots : « et de garder le secret sur les affaires qui lui seront confiées », qui terminent l'article soient retranchés.
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence l'article 4 est mis aux voix et décrété comme suit :
Art. 4.
« Celui qui aura pris une patente sera tenu de se présenter devant le juge du tribunal de commerce: il y fera sa déclaration qu'il veut exercer la profession d'agent, de courtier de changé et de commerce, et il prêtera le serment de remplir ses fonctions avec intégrité, et de se conformer aux décrets de l'Assemblée nationale et aux règlements. »
rapporteur, donne lecture de l'article 5 ainsi conçu :
Art. 5.
« Le greffier du tribunal lui délivrera une expédition de sa prestation de serment, qu'il sera tenu de produire à la municipalité, pour y justifier qu'il a rempli cette formalité, sans laquelle il ne pourra user de la patente. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 6 ainsi conçu :
« Art. 6. Nul ne pourra exercer tout à la fois la profession de courtier, d'agent de change, et celle de négociant, banquier, marchand, fabricant, commissionnaire et même être commis dans aucune maison de commerce; il ne pourra être pareillement délivré de patentes à ceux qui auraient fait un contrat d'atermoiement ou faillite à leurs créanciers, à moins qu'ils ne se soient réhabilités ; de quoi ils seront tenus de justifier. »
Un membre propose de modifier comme suit la rédaction de cet article :
Art. 6.
« Nul ne pourra exercer, tout à la fois, la profession d'agent, de courtier de change, et celle de négociant, banquier, marchand, fabricant, commissionnaire, et même être commis dans aucune maison de commerce : ceux qui auraient fait un contrat d'atermoiement ou faillite à leurs créanciers ne pourront faire usage de la patente qui leur aurait été délivrée, à moins qu'ils ne se soient réhabilités ; de quoi ils seront tenus de ju-titter. »
(L'article 6 est décrété avec celte nouvelle rédaction.)
(La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance.)
lève la séance à dix heures.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir qui est adopté.
M. Charles de Fondra, ancien militaire, fait hommage à l'Assemblée d'un mémoire sur l'organisation générale de la force publique intérieure.
(L'Assemblée ordonne le renvoi de ce mémoire au comité militaire et accorde à M. Charles de Fondra les honneurs de la séaoce.)
M. Fèvre du Grandvaux fait hommage à l'Assemblée d'un plan d'éducation.
(L'Assemblée renvoie ce travail au comité de Constitution et accorde à M. Fèvre du Grandvaux les honneurs de la séance.)
Il s'élève quelques difficultés sur les paientes relativement aux corps de pêcheurs qui ont des terrains qui leur sont d'une très grande utilité puisqu'ils servent au sèchement de leurs filets et autres opérations. La municipalité de Marseille veut soumettre les pêcheurs au droit de patente et faire vendre les terrains dont ils sont possesseurs; elle allègue la suppression des maîtrises, des jurandes et de toutes les corporations. Cet objet mérite une attention particulière.
Je re Marquerai que les pêcheurs sont soumis au classement des gens de mer, que, par conséquent, ils sont assujettis à faire le service de mer en temps de guerre; ils sont de plus soumis, dans presque tous les ports de mer à être pilotes cô-tiers. Lorsqu'il arrive un bâtiment, on va prendre pour un patron pêcheur le plus instruit de ces hommes qui est obligé de faire ce service-là. O'un autre côté, les pêcheurs font la garde du port et la font gratuitement. Ils arment un ou deux bateaux.
Toutes ces considérations exigent au moins que leur pétition soit examinée ; ainsi je demande que la réclamation que je fais soit renvoyée au comité des contributions publiques et que l'exécution du décret sur les patentes soit suspendue relative-mentaux pêcheurs.
(L'Assemblée décrète le renvoi, au comité des contributions publiques, de l'observation de M. d'André.)
annonce, d'après le vœu de l'Assemblée, que les séances de demain et d'après-demain ne commenceront, en raison des offices religieux, qu'à 4 heures de l'après-midi.
au nom du comité d'emplacement, présente les cinq projets de décrets suivants :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de l'emplacement,
autorise le directoire
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise Je directoire du département des Hautes-Alpes à acquérir, aux frais des administrés et dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la maison des jacobins, ainsi qu'elle est désignée au plan qui sera joint à la minute du présent décret, pour y placer le corps administratif du département; excepte de Ja présente permission d'acquérir toutes les autres parties de leur maison et dépendances, non désignées audit plan, lesquelles seront vendues séparément et dans les formes ci-dessus prescrites. » (Adopté.)
Troisième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district d'Evaux, département de la Creuse, à louer, à dire d'experts, aux frais des administrés pour 2 ans seulement la partie de la maison pré-vôtale et abbatiale deChambord, occupée actuellement par le tribunal de district, pour y placer le même tribunal; l'autorise pareillement à faire faire, aussi aux frais des administrés, les réparations et arrangements intérieurs vraiment urgents et indispensables, à la charge que la dépense ne pourra excéder la somme de 400 livres décrète, en outre, que le jardin elle surplus de la maison seront loués, et le prix du loyer versé dans la caisse du district. » (Adopté.)
Quatrième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Saint-Maximin, département du Var à louer aux frais des administrés, moyennant la somme de 200 livres, la partie du premier etage, du côté de l'Rst, de la maison des dominicains, appelee l'Hospice, pour y placer le coros administratif du district, à la charge de verse» annuellement le prix du loyer dans la caisse d district. » (Adopté.)
Cinquième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district du Quesnoy, département du Nord à louer pour 2 ans seulement, aux frais des administrés, les bâtiments du gouvernement, pour v placer le corps administratif du district et le tribunal, à la charge de verser annuellement le prix du loyer dans la caisse du district. » (Adopté.)
fait une motion tendant à ne pas faire imprimer les lois qui ne regardent nue
des établissements particuliers ou des opérations particulières. ^flUWUB
(Cette motion est décrétée.)
En conséquence, l'Assemblée rend le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que les commissaires chargés par elle de surveiller l'acceptation, la sanction et l'envoi de ses décrets, continueront de veiller à ce que toutes les lois qui portent des dispositions générales constitutives au droit du royaume soient imprimées et envoyées le plus pKOinptement possible à tous les corps administratifs et tribunaux du royaume, conformément aux précédents décrets de l'Assemblée.
« A l'égard des lois qui ne regardent que des établissements particuliers ou des opérations particulières, les mêmes commissaires feront la distinction de celles qui doivent être imprimées et envoyées dans tout le royaume, d'avec celles qui ne doivent l'être qu'aux établissements qu'elles intéressent.
« Tous les mois les commissaires feront imprimer une table contenant l'état indicatif et sommaire des décrets sanctionnés et non envoyés par tout le royaume : cet état sera envoyé à tous lesdits corps administratifs et tribunaux. »
au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, votre comité des contributions publiques m'a chargé de vous présenter quelques dispositions relatives à l'exécution du décret sur l'abolition des jurandes.
Ces dispositions ne sont que des conséquences, des principes qui ont déterminé le décret; cependant, pour prévenir les objections, je crois devoir vous observer que, lorsque vous avez détruit ces petits privilèges exclusifs qui se nuisaient entre eux, et qui nuisaient encore plus à la société et aux progrès de l'industrie, vous avez pensé qu'il était juste d'indemniser les particuliers qui les avaient achetés, et vous avez réglé, par les articles 3 et 4, la forme dans laquelle ils seraient remboursés; mais vous avez considéré que ceux qui auraient renoncé à l'exercice de leur profession ou de leur commerce, n'avaient aucun droit à cette indemnité, puisqu'elle n'a pour objet que de dédommager ceux qui ont continué et continueront leur commerce, de la concurrence à laquelle vous avez appelé tous les citoyens. Il faut donc que le commissaire, chargé de la liquidation de la dette publique, ait un moyen de reconnaître si les porteurs de lettres de maîtrises et de quittances de finances sont dans les termes que vous avez prescrits pour être liquidés, et votre comité a pensé que, pour éviter à cet égard toute méprise, il était nécessaire d'ordonner aux syndics des communautés de fournir un état des particuliers qui les composent et de le faire certifier par les officiers municipaux.
Le deuxième article du décret, dont je vais avoir l'honneur de vous faire lecture, présente une disposition que la justice réclame en faveur de quelques particuliers qui ont obtenu des maîtrises et qui en ont versé le prix dans la caisse de l'école gratuite de dessin. Cette école avait des revenus qui lui étaient assignés sur le Trésor public; mais, le 19 décembre 1776, un arrêt du conseil ordonna que dans les corps et communautés il serait fait distraction d'un certain nombre de maîtrises au profit de ladite école, ce qui diminuait d'autant la dépense publique ; ceux qui ont été pourvus de ces maîtrises en ont donc payé le prix à la décharge de l'Etat, et votre comité a pensé qu'ils ne devaient pas être traités différemment de ceux qui ont versé directement au Trésor public.
Le troisième article ne présente aucune disposition nouvelle, mais comme il s'est élevé quelques difficultés sur la manière de régler i'in-demnité aux particuliers reçus dans les maîtrises avant l'époque du 4 août 1789, votre comité a cru devoir vous proposer un article qui fit cesser toute incertitude. En effet, Messieurs, vous avez ordonné par votre décret du 2 mars que les particuliers reçus dans les maîtrises, depuis le 4 août 1789, seraient remboursés de la totalité de leurs finances, et que ceux qui seraient reçus avant cette époque éprouveraient une diminution d'un 30® par année de jouissance ; cette déduction doit par conséquent s'arrêter où la jouissance finit, ainsi elle ne doit avoir lieu que jusqu'au 4 août 1789.
Il me reste à vous présenter une considération qui intéresse les citoyens habitant le faubourg Saint-Antoine de la ville de Paris ; ils jouissaient depuis longtemps de l'avantage de payer le prix de la maîtrise dans le cours de dix années, cette faveur leur avait été accordée dans un moment où l'établissement des jurandes les privait du droit de travailler et de vendre librement leurs marchandises. 11 a paru juste à votre comité que ceux qui ont payé des acomptes dans l'intention d'acquérir la maîtrise, soient remboursés de ces acomptes dans la même forme et de la même manière que les autres citoyens.
Tels sont les motifs qui ont déterminé le décret dont je vais vous faire lecture. « L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Dans un mois, à compter de la publication du présent décret, les syndics des corps et communautés créés par l'édit d'août 1776, et autres subséquents, formeront un état qui contiendra le nom et l'époque de la réception des particuliers qui composent le premier tableau desdits corps et communautés, ou qui exercent en vertu de brevets dont la finance a été versée au Trésor public, en observant de n'y point comprendre les maîtres qui ont renoncé à 1 exercice de leur profession ou commerce, avant le 1er avril 1789; cet état sera remis aux officiers municipaux, qui, après l'avoir certifié, l'adresseront au commissaire du roi, chargé de la liquidation de la dette publique.
Art. 2.
« Les particuliers qui ont obtenu des maîtrises, et dont la finance a été versée dans la caisse de l'école gratuite de dessin, à Paris, à la décharge du Trésor public, seront remboursés dans les formes et suivant les proportions déterminées par les articles 3 et 4 du décret du 2 mars, qui abolit les jurandes.
Art. 3.
« La déduction du trentième par année de jouissance sur le prix des jurandes et maîtrises, dont le remboursement est ordonné par l'article 4 du décret du 2 mars, n'aura lieu que jusqu'au 4 août 1789.
Art. 4.
« Les particuliers habitant le faubourg Saint-Antoine de la ville de Paris, qui étaient autorisés à payer le prix de la maîtrise dans le cours de 10 ans, seront remboursés des acomptes qu'ils justifieront avoir payés, en se conformant aux dispositions de l'article 4 du décret du 4 mars. » (Le décret est adopté.)
au nom du comité des contributions publiques présente un projet de décret sur les secours à accorder à la ville de Dunkerque.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Que dans le délai de 3 jours, à compter de la notification du présent décret, l'administration du pilotage de Dunkerque fera verser dans la caisse de la municipalité de cette ville une somme de 50,000 livres, faisant partie de celle qui existe dans la caisse du pilotage.
Art. 2.
« Le conseil général de la commune remettra à l'admininistration du pilotage une obligation de pareille somme payable au 1er janvier 1793, sans intérêt ; et les fonds nécessaires à ce remboursement seront prélevés sur ceux que la ville de Dunkerque sera autorisée à imposer, suivant le mode et dans la forme qui sera décrétée par l'Assemblée nationale, pour subvenir aux dépenses particulières des villes. »
Cette affaire est de la nature de celles qui doivent être portées au directoire de département par l'intermédiaire des districts; la municipalité de Dunkerque aurait dû épuiser cette formalité indiquée par la loi avant de s'adresser à l'Assemblée nationale. Je demande, en conséquence, le renvoi pur et simple au département, en conformité des décrets de l'Assemblée.
appuie la motion de M. Gaul-tier-Biauzat.
(L'Assemblée décrète le renvoi pur et simple au département.)
au nom du comité des contributions publiques, présente le projet de décret suivant :
« Le ministre des finances remettra aux comités réunis, des pensions, des contributions publiques, des finances, des domaines, d'agriculture et de commerce, un état nominatif des clercs de communautés d'arts et métiers, lequel contiendra le jour de leur naissance, la nature et la durée de leurs services, afin que ces comités présentent un décret sur la manière de leur procurer les secours que leur état et leurs services peuvent exiger. »
Plusieurs membres réclament vivement contre ce projet de décret qu'ils considèrent comme un objet de surcharge dans les dépenses du Trésor national et concluent à la question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret.)
au nom du comité des finances, propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale considérant :
« 1° Que parmi les dons qui ont précédé la contribution patriotique, plusieurs ont été faits en contrats de rente sur l'Etat; qu'en établissant la contribution patriotique, il a été permis à ceux qui avaient des dons de cette nature, de les offrir en payement de la totalité ou de partie de cette contribution;
« 2° Que le plan de libération des dettes nationales a été en partie établi sur le produit de la contribution patriotique; que cette contribution devient absolument nécessaire pour l'exécution de ce plan ;
« 3° Que les circonstances qui avaient fait exiger le payement en argent ou en effets exigibles, de la contribution patriotique, ne sont plus aussi impérieuses ; que déjà, par cette raison, les brevets de retenue et les décomptes anciens de pensions ont été admis par décret du 23 janvier en payement de cette contribution ;
« 4° Qu'il est de l'intérêt de la nation d'en accélérer et faciliter le payement, et d'employer tous les moyens qui peuvent tendre à la libération des créances dont le Trésor national acquitte les intérêts annuels, décrète ce qui suit :
« Les créanciers de rentes employés sur les états de payement pour en recevoir annuellement les intérêts pourront les donner en payement de leur contribution patriotique, non seulement pour les arrérages échus, mais encore pour le montant des capitaux évalués sur le pied du produit net du denier vingt de l'intérêt qu'ils produisent, en rapportant le certificat des payeurs desdites rentes, contenant le montant des intérêts annuels et la preuve de leur valeur parmi les rentes payées annuellement par la nation. »
(Ce décret est adopté.)
Il est une partie d'administration dont l'arriéré est notoirement dans le plus grand désordre, c'est l'administration des bâtiments du roi. Je demande que l'Assemblée veuille bien décréter qu'il sera nommé 8 commissaires pris dans son sein pour suivre assidûment l'examen et l'apurement de l'arriéré de cette administration et eu rendre compte à l'Assemblée avant la fin de la session.
Plutôt que de nommer un comité particulier pour cet objet il vaut mieux en charger le comité de liquidation.
J'appuie la proposition de M. Blin, car cette partie de la dette est entièrement réclamable par de malheureux ouvriers.
Je demande que les 8 commissaires qui seront nommés si la proposition de M. Blin est admise ne fassent partie d'aucun autre comité.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Blin et l'amendement de M. de Choiseul-Praslin.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale décrète qu'il sera nommé 8 commissaires pris dans l'Assemblée parmi les membres qui ne sont d'aucun comité, pour suivre assidûment l'examen et l'apurement de l'arriéré des bâtiments du roi, afin d'en pouvoir rendre un compte très exact à l'Assemblée, avant la fin de la session. »
Le facteur de la poste m'a remis un paquet marqué du contreseing de l'Assemblée et contenant des cartons. En s'écartant, ces cartons ont fait rompre le papier d'enveloppe par les côtés et l'on a reconnu qu'ils |étaient remplis de dentelles. (Mouvement.)
Plusieurs membres : Aux pauvres !
(L'Assemblée décrète que ce paquet sera renvoyé au comité de mendicité pour que le prix en soit distribué aux pauvres.)
Et les lettres, Monsieur le Président?
Le paquet était à l'adresse
Je vous prie d'annoncer, Monsieur le Président, que le comité diplomatique et le comité militaire se réuniront pour l'affaire de Porentruy, ce soir, au comité militaire.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l organisation de la marine (1).
rapporteur. Dans le dernier plan du comité, il proposait de donner le grade d enseigne aux aspirants, et de fixer le concours au grade de lieutenant; mais aussi il vous avait propose de donner le titre d'aspirants en nombre illimité. Vous avez décrété, sur les aspirants, quîLy«. .en- aurait 300 ïui seraient entretenus pendant trois ans et qui auraient également le droit d être mandés à faire leur quatrième année de navigation à bord des bâtiments de commerce: dés lors il devient nécessaire de donner le grade d enseigne entretenu au concours.
Il devient également indispensable de fixer le grade des officiers de la marine marchande lorsqu ils seront appelés au service public. Ce grade doit être celui d'enseigne, puique tout le monde convient qu'ils ne peuvent être appelés au service dans une qualité inférieure; et comme vous ne pouvez pas leur accorder le grade d'enseigne entretenu au concours, mais seulement à l'examen, parce qu'il ne convient pas de limiter le nombre des officiers de la marine marchande, je vous proposerai un article qui, en fixant lé concours pour le grade d'enseigne entretenu fixera en même temps six ans de navigation et pnt^menupub ic pour Ie g^de d'ensligne non entretenu. Voici cet article :
Enseignes.
Art. 24. « Le grade d'enseigne entretenu sera donne au concours; celui d'enseigne non entretenu sera donné à tous les navigateurs qui après six ans de navigation, auront satisfait à un examen public sur la théorie et la pratique de 1 art maritime.
Je propose de décréter que le grade d enseigne dans la marine ne pourra être donné quau concours; que cependant, lorsque le service militaire forcera d'appeler, à bord des vaisseaux de guerre, des capitaines de marine commerçante au long cours ils ne pourront y être appelés qu'au grade d'enseigne; mais ce sera dans le cas seulement que ces sujets n'auront pas pu remplir toutes les places.
J'observe que le décret que nous vous proposons n'est qu'une suite,
qu'une conséquence de ce que nous avons déjà décrété relativement aux
aspirants. Je vous observe que le remplacement total de la marine ne
peut jamais etre de plus de 490 sujets chaque annee que !°nîls admettez»
dans les aspirants de la marine 100 sujets, par an, par conséquent il
est de toute evidence que dans les trois années, en supposant que les
officiers qui seront pris au concours soient toujours pris parmi les
aspirants qui auront eu le bonheur de mériter l'é-
Voilà ce qui marquera la démarcation entre la marine militaire et la marine marchande. Avec ce que nous vous proposons, il en résultera que lorsqu'on voudra appeler ces suiets-là. pour servir dans la marine de l'Etat; ils viendront naturellement servir avec leurs camarades au lieu que si vous prenez le grade intermédiaire de capitaine de navire, pour le venir faire servir dans nos vaisseaux, le rendre sujet à la conscription militaire, si vous lui accordez le grade d enseigue, il ne sera regardé que comme un intrus dans le corps, et comme un auxiliaire, grade qui desespère toute la marine marchande. Je conclus donc comme le comité.
L'avis du comité me paraît conforme a l'esprit qui a dicté l'article sur les aspirants. il ny aura qu'un certain nombre d'enseignes entretenus. Les places d'entretenus seront données au concours; ensuite tous les olliciers de la marine marchande, c'est-à-dire de la marine française, tous les matelots qui auront servi auront le brevet d'enseigne. Il faut bien leur donner le brevet d'enseigne, afin que orsque vous les appellerez dans nos vaisseaux, ils aient un grade acquis. '
Plusieurs membres demandent à fermer la discussion.
(L'Assemblèe dècide que la discussion n'est
La proposition que l'on agite est sans doute une de celles sur lesquelles 1 Assemblee nationale doit être le plus en garde et contre l'esprit de corps qui l'attaque et contre 1 esprit de prévention qui la défend, et moi qui crois n obéir qu'à la loi de la raison, peut-être aussi ne ferai-jeque suivre celui d'un préjugé contre lequel j'ai lutté toute ma vie; mais ea avertissant l'Assemblée nationale, en l'armant pour ainsi dire contre ma propre opinion j'ai rempli y crois, ce qu'a pu m'inspirer la plus s^upuleuse impartialité. (Applaudissements à
Un membre à droite : C'est fort adroit.
M. de Champagny. Il faut d'abord poser le ventable état de la question. Nous convenons que les capitaines de commerce ne peuvent être appelés que comme enseignes. Le seul point sur lequel il y ait quelque contestation est de savoir si on donnera le titre d'enseigne aux capitaines de navire, avant ou après qu'ils auront été appeles au service, pour le conserver toute leur vie. Consultez le bon sens, il vous dira d'appeler des gens par leur nom et de laisser le titre de la profession que l'on exerce habituellement, et non pas de 1 emploi qu'on est appelé à exercer.
La Constitution vous prescrira de respecter l'égalité des citoyens. La
politique vous avertira de ne pas faire une corporation puissante;
l'Etat vous dira : Laissez quelque appât, quelque encouragement qui
puisse attirer à mon service les hommes qui lui seront les plus propres;
ne traitez pas ceux qui n'ont pas servi, comme ceux qui
Enfin le commerce vous dira : Dégagez-moi des entraves dans lesquelles je gémissais ; donnez-moi cette liberté avec laquelle je deviendrai l'instrument de votre puissance et de votre richesse ; mais ne m'imposez pas de nouvelles chaînes qui n'en seront pas moins pesantes pour avoir été dorées par la vanité. Je conclus que les capitaines de commerce qui doivent avoir le grade d'enseigne, lorsqu'ils seront appelés au service public, doivent le conserver et avancer comme les autres enseignes.
Si les diverses objections qui vous sont présentées ne paraissent pas nou-! éloigner du véritable point de la question, vous ne me verriez pas à la tribune, et j'aurais été vaincu par celui qui m'y a précédé ; mais il faut considérer les choses dans leur nature et avec l ur valeur intrinsèque, si je puis m'expri-mer ainsi.
Dans ce que vous a allégué M. de Champagny pour vous prouver qu'il y aurait de grands inconvénients dans le système que vous oppose le comité, il n'a rien posé qui puisse vous en donner la preuve. Il vous a parlé du danger d'une grande corporation, et je croisa la sensation que cette idée a produite sur l'Assemblée qu'elle n'y aura pas et qu'elle n'y a pas eu de succès.
On a beaucoup parlé de l'espèce de régénération qui sera produite, parce que la marine de l'Etat ne sera plus désormais composée de privilégiés; mais ce n'est pas seulement cet esprit que l'on tirait de sa naissance qu'il faut détruire, c'est encore le préjugé qui tient à la nature de la profession même, a cet esprit militaire qui accoutume beaucoup trop ceux qui sont dans l'état militaire à se regarder comme supérieurs, par rapport à un autre homme, dont ils ne sont que les véritables protecteurs.
Vous avez encore à briser, si je puis m'expri-mer ainsi, l'esprit de la marine, à laquelle on ne saurait donner trop d'éloges sous tous les rapports, mais à l'esprit de laquelle il faut apporter de très grands changements ; il est impossible que cet esprit se conserve et subsiste dans le même ordre de choses, sans menacer perpétuellement l'intérêt de l'Etat.
Je dis donc, Messieurs, qu'il est essentiel que cet esprit soit détruit, parce que vous avez fait une chose vraiment inutile pour l'esprit de votre révolution et de votre Constitution, à moins que vous n'établissiez dans l'armée navale le constant parallélisme jusqu'au grade d'enseigne non entretenu.
Les capitaines de navire, c'est un point avoué de tous, doivent être employés au service de l'Etat, lorsque cela deviendra nécessaire. Donnez-leur donc d'avance le titre qui convient à leur véritable destinée; accoutumez-les à prendre l'esprit si nécessaire pour venir au service de l'Etat; préférez même ce service à celui qui pourrait être plus avantageux, plus lucratif quant à la fortune, mais qui cependant exige de véritables talents. Sans cela, il ne se présentera jamais personne de bonne volonté pour remplir ce grade, et cette médiocrité, qu'on paraît admettre de la marine commerçante dans celle de l'Etat, sera bien plus certainement admise et confirmée..Au contraire» lorsque ce parallélisme sera bien établi entre les deux marines, on s'accoutumera à se voir comme des rivaux, comme des hommes qui doivent avoir la même émulation, le même désir de servir la chose publique, et cet esprit, ainsi dirigé vers un but essentiel, vous produira des hommes du plus grand mérite.
Je demande la parole.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée ferme la discussion et accorde la priorité à l'avis du comité.)
rapporteur, donne à nouveau lecture de l'article 24 :
« Le grade d'enseigne entretenu sera donné au concours; celui d'enseigne non entretenu sera donné à tou-* les navigateurs qui, après six ans de navigation, auront satisfait à un examen public sur la théorie et la pratique de l'art maritime. »
Voici l'amendement que je propose. Comme je crois qu'il est possible de donner le grade d'enseigne de vaisseau à tous ces capitaines de navires commerçants, je demande que les chambres de commerce soient consultées avant que vous décrétiez l'article.
Plusieurs membres demandent la question préalable contre l'amendement de M. Gualbert.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cet amendement.)
Je demande que, des six années de navigation, il y en ait une passée sur les vaisseaux de l'Etat, afin que les enseignes n'arrivent pas tout neufs sur les vaisseaux de guerre.
Un membre : Cette idée est juste.
rapporteur. Jusqu'à présent, on a parlé à l'Assemblée de la navigation de la course; et toutes les fois qu'on lui en a parlé, on lui â montré que c'était la meilleure des institutions. Je demanderais donc que l'on mît ou un an de navigation sur les vaisseaux de l'Etat, ou en qualité d'officier sur un corsaire.
Corsaire ne vaut rien, je mettrai armé en course.
Il serait très possible qu'on armât en course un chasse-marée avec |quatre pierriers.
Plusieurs membres : Aux ! voix ! aux voix!
rapporteur. Voici comme je rédigerai l'article :
Art. 24.
« Le grade d'enseigne entretenu sera donné au concours; celui d'enseigne non entretenu sera donné à tous les navigateurs qui, après six ans de navigation, dont une au moins sur les vaisseaux de l'Etat, ou en qualité d'officier sur un bâtiment uniquement armé en course, auront satisfait à un examen public sur la théorie et la pratique de l'art maritime. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture des articles suivants.
Art. 25.
« Tous les enseignes seront habiles à comman-
Art. 26.
« Tout navigateur non reçu enseigne ni aspirant, mais qui aura 18 mois de navigation en qualité de second sur des bâtiments de commerce, de 20 hommes au moins d'équipage, appelé à servir dans l'armée navale, sera employé en qualité d'aspirant de la première classe.(Adopté.)
Art. 27.
« Les enseignes non entretenus n'auront d'appointements et n'exerceront l'autorité de ce grade, que lorsqu'ils seront en activité de service militaire; ils ne pourront en porter l'uniforme que lorsqu'ils auront été appelés au service en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
« Les bâtiments de commerce, commandés par des officiers militaires ne pourront arborer les marques distinctives réservées exclusivement aux vaisseaux de l'Etat, sauf la flamme de police et de commandement entre bâtiments marchands, usitée dans les ports des colonies et dans quelques ports étrangers. » (Adopté.)
Art. 28.
« Le dixième des places d'enseignes entretenus sera donné aux maîtres entretenus, moitié à l'ancienneté d'entretien, moitié au choix du roi, sans égard à l'âge. » (Adopté.)
Art. 29.
« Les autres places vacantes d'enseignes entretenus seront données au concours par un examen sur toutes les branches de mathématiques applicables à la marine, et sur toutes les parties de l'art maritime. » (Adopté.)
Art. 30.
« Seront admis à cet examen, tous ceux ayant rempli les conditions prescrites par le concours, et n'ayant pas passé l'âge de 30 ans; cet examen aura lieu dans chaque département de la marine, pour remplir les places d'enseignes entretenus qui se trouveraient vacantes dans ce département. » (Adopté.)
Art. 31.
« Les enseignes entretenus cesseront de l'être, et seront remplacés, soit qu'ils quittent le service public, soit qu'ils préfèrent de servir sur les bâtiments de commerce. » (Adopté.)
Art. 32.
« Tous les enseignes entretenus ou non entretenus, de service sur le même vaisseau ou dans le même port, jouiront des mêmes prérogatives, et exerceront la même autorité. Ils prendront rang entre eux suivant le temps de navigation faite en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat. » (Adopté.)
Lieutenants.
Art. 33.
« Le grade de lieutenant sera immédiatement au-dessus de celui d'enseigne : tous les enseignes entretenus ou non entretenus pourront également y prétendre, pourvu qu'ils n'aient pas plus de 40 ans. Les cinq sixièmes des places vacantes seront accordés à ceux d'entre eux qui auront le plus de temps de navigation faite en qualité d'enseigne sur les vaisseaux de l'Etat; l'autre sixième des places vacantes sera laissé au choix du roi, qui pourra le faire sans distinction d'âge, entre tous les enseignes qui auront fait en cette qualité 24 mois de navigation sur les vaisseaux de l'Etat. »
Si je ne craignais pas d'interrompre l'Assemblée, je dirais un mot, mais comme je suis condamné d'avance...
Plusieurs membres : Non ! non !
Je dis donc : C'est vouloir atténuer toute émulation, que de donner le grade de lieutenant de vaisseau aux enseignes non entretenus qui viendront enlever les places à ceux qui auront servi sur les vaisseaux de l'Etat. Je ne conçois pas comment votre comité vient vous proposer un article aussi ridicule que celui-là. (Murmures.)
Je demande que les enseignes entretenus concourent au cinquième des places de lieutenant avec les enseignes non entretenus suivant le temps de service sur les vaisseaux de l'Etat.
Le préopinant n'entend pas l'article. L'article dit que le rang d'ancienneté ne comptera que de l'époque et du temps de navigation sur les vaisseaux de l'Etat.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Gualbert.)
D'après cet article, il pourrait arriver, par le choix du roi, qu'on serait amiral à 23 ans ; je crois qu'il est très peu d'individus assez privilégiés par la nature pour avoir à cet âge les qualités requises pour remplir un tel poste.
Je propose donc d'après ces considérations de dire que le choix du roi, pour faire des lieutenants avec les enseignes, ne pourra porter que sur ceux qui auront 3 ans de navigation.
rapporteur. Les observations du préopinant ne me paraissent entraîner aucun inconvénient, parce que tout le monde est convaincu que plus un marin exerce, mieux il vaut.
Les hommes de mer sont toujours plus vieux que ceux qui font la guerre sur terre, et puisque, dans les décrets rendus sur l'armée de terre, il est possible, en calculant comme a calculé M. de Saint-Méry, d'être maréchal de France à 30 ans, je crois que l'on ne risque rien d'admettre la possibilité qu'il vient de calculer pour qu'on ne soit pas amiral à 23 ans et le cas n'arrivera certainement pas.
(L'Assemblée décrète l'article 33 proposé par le comité.)
rapporteur, donne lecture des articles suivants.
Art. 34.
« Les lieutenants seront entretenus, et entièrement et perpétuellement voués au service de l'Etat, et prendront rang entre eux suivant leur ancienneté d'admission. » (Adopté.)
Capitaines de vaisseau. Art. 35.
« Les capitaines de vaisseau seront pris parmi
rapporteur, donne lecture de l'article 36 ainsi conçu :
« Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins 2 ans de navigation dans ce grade; l'ancienneté ne sera plus un titre pour les lieutenants âgés de 50 ans.
Je ne vois pas pourquoi on veut exclure du choix les lieutenants âgés de 50 ans.
M. Aforeau de Saint-Méry. Je demande qu'il faille 3 ans de navigation, d'emploi et d'exercice comme lieutenant de vaisseau, pour être promu par le roi au grade de capitaine de vaisseau.
Je demande également que l'âge de 50 ans soit supprimé, ou du moins si l'on veut statuer sur l'âge, que l'on le porte à 60 ans.
rapporteur. Dans toutes les discussions de la marine, on n'a cessé de vous répéter que l'homme de mer vieillissait plus tôt que l'homme faisant un service de terre ou ne naviguant pas. Nous avons été convaincus de cette vérité, dans le comité, que l'intérêt public devait être la base des projets que nous vous soumettrions. C'est d'après ces deux considérations, que nous avons examiné dans le comité si un homme qui ne parviendrait au grade de capitaine qu'à 50 ans serait dans le cas de rendre à l'Etat les services que l'on devait attendre d'un officier dans la vigueur de l'âge.
D'après cet examen, nous avons pensé qu'il était avantageux pour le service de l'Etat de ne plus admettre à la promotion de capitaines les officiers qui auront passé l'âge de 50 ans.
D'ailleurs, si l'Assemblée adoptait une autre mesure, elle augmenterait considérablement le nombre de ces officiers.
Je demande donc à l'Assemblée qu'elle prenne ces observations en considération avant de se déterminer.
Quant à l'autre amendement, je n'ai rien à dire.
(L'Assemblée consultée adopte les deux amendements de M. Moreau de Saint-Méry.)
rapporteur. L'article serait en conséquence rédigé comme suit :
Art. 36.
« Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins 3 ans de navigation dans ce grade. « (Adopté.)
rapporteur. L'article suivant dont je vais vous donner lecture a été rédigé par M. de Champagny :
Art. 37.
« Le grade de capitaine de vaisseau pourra aussi être donné, au choix du roi, aux enseignes non entretenus qui, ayant passé l'âge de 40 ans, auront 8 ans de navigation, dont 2 sur les vaisseaux de l'Etat, et le reste en qualité de commandant de bâtiment de commerce, et qui se seront distingués par leurs talents et leur conduite. » (Adopté.)
Art. 38.
« Les capitaines de vaisseau prendront rang entre eux de la date de leur brevet. Les officiers faits capitaines de vaisseau dans la même promotion conserveront entre eux le rang qu'ils avaient lorsqu'ils étaient lieutenants. » (Adopté.)
Officiers généraux.
Art. 39.
« Les officiers généraux seront divisés en 3 grades :
« Les amiraux, les vice-amiraux et les contre-amiraux. » (Adopté.)
Art. 40.
« Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, deux tiers au choix du roi. Ce choix ne pourra porter que sur ceux des capitaines de vaisseau qui auront au moins 24 mois de navigation dans ce grade. » (Adopté.)
Art. 41.
« Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral par rang d'ancienneté. » (Adopté).
Art. 42.
« Les amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et contre-amiraux, et toujours au choix du roi. ¦» (Adopté.)
Art. 43.
« Les officiers, commandant en temps de guerre les escadres dans les mers de l'Amérique ou des Indes, seront autorisés par le roi à récompenser par des avancements conformes aux règles précédentes, et en nombre déterminé, les officiers qui l'auront mérité. Les officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du grade qu'ils auront obtenu et de ses appointements ; mais ils ne pourront le conserver qu'autant qu'ils auront été confirmés par le roi. Ges avancements seront comptés parmi ceux laissés au choix du roi. » (Adopté.)
Art. 44.
« Les remplacements par ordre d'ancienneté dans les différents grades marcheront avant ceux par choix, et auront lieu à mesure que les places viendront à vaquer, et, au plus tard, 2 mois après la connaissance de la vacance. » (Adopté.)
Nomination aux commandements.
Art. 45.
« Le commandement des armées navales et escadres composées au moins de 9 vaisseaux de ligne, ne pourra être confié qu'à des amiraux, vice-amiraux ou contre-amiraux, mais indistinctement entre eux. » (Adopté.)
Art. 46.
« Le commandement des divisions sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement et celui des vaisseaux de ligne armés en guerre, à des capitaines. » (Adopté,)
Art. 47.
« Les commandants des frégates seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants. » (Adopté.)
Art. 48.
« Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, flûtes, gabarres, lougres et autres bâtiments appartenant à l'Etat, seront pris indistinctement, soit parmi les enseignes entretenus ou non entretenus, pourvu que ces enseignes aient fait une campagne en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat, soit parmi les lieutenants.
Je demande que l'enseigne, pour parvenir au commandement, ait fait au moins 2 ans de navigation dans ce grade sur les vaisseaux de l'Etat.
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Gual-bert et décrète l'article 48.;
rapporteur, donne lecture des articles suivants :
Art. 49.
« Le roi nommera aux commandements, et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu'il n'y ait pas d'accusation. » (Adopté.)
Art. 50.
« Les commandants des armées navales et escadres, pendant le cours de leurs campagnes, exerceront le droit don né au roi par l'article précédent, sous leur responsabilité. » (Adopté.)
Retraites et décorations.
Art. 51.
« Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et récompenses militaires, en raison de leurs services, ainsi qu'il sera déterminé par un règlement particulier. »
Je demande la question préalable sur cet article, et je demande à en développer les raisons.
D'abord la première partie relative aux retraites est comprise dans votre décret général sur les pensions.
Quant à la deuxième partie qui concerne la décoration militaire, j'avoue que je ne puis voir, sans une peine extrême qu'à chaque fois que, dans cette Assemblée, on parle de militaires, on cherche toujours à nous faire consacrer toutes ces misérables babioiures. (Murmures à droite.)
Voix diverses : Aux voix l'article I — La question préalable sur l'amendement ! — A l'ordre du jour !
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la motion de M. La Réveillère-Lépeaux et adopte l'article 51 du comité.)
rapporteur, donne lecture de l'article 52 ainsi conçu :
Art. 52.
« L'Assemblée nationale se réserve de statuer par un décret particulier sur la manière d'appliquer le présent décret à l'état actuel de la marine. » (Adopté.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret des comités de Constitution et militaire sur l'organisation des gardes nationales (1).
J'ai demandé la parole pour parler sur les gardes nationales.
Je suis moins en état que personne de substituer de nouvelles dispositions de détail à celles que j'improuve dans le plan des deux comités ; nnais comme ce que les gardes nationales ont fait jusqu'ici et doivent faire pour le salut de cet Empire, comme les gardes nationales parisiennes, et à leur exemple les gardes nationales de tout le royaume, sont en ce moment le plus sûr, le plus fidèle rempart de notre liberté, comme enfin cette liberté précieuse fait elle-mêmeet doit faire la règle de notre Constitution, dans les parties surtout de la force publique, je me hasarderai de présenterà cet égard non point des connaissances, mais quelques idées prisées dans des sentiments de crainte que m'ont inspirés déjà quelques décrets de l'Assemblée nationale.
Oui, Messieurs, j'aime à le répéter, nous sommes principalement' redevables de notre liberté aux gardes nationales...
Plusieurs membres : C'est vrai !
Toutes sont venues au secours de la raison, qui dès lors a coupé et pu couper dans l'Assemblée nationale l'hydre aux cent têtes de la tyrannie. De là aussi ce beau feu de patriotisme qui brûle encore dans toutes les parties du royaume. Conservons-le soigneusement, et gardons-nous d'effacer, par nos institutions factices, ce que la liberté a elle-même gravé sur toutes les communes du royaume : « Désormais le citoyen sera soldat, et le soldat citoyen. » C'est d'après cette seule épigraphe que je raisonnerai, bien plus par sentiment que par ordre, sur la formation de la garde nationale.
Tout me semble perdu si, après avoir tout aplani, tout rendu à l'égalité, à la fraternité de la nation, nous élevons nous-mêmes par notre institution un mur de séparation, de distinction, de supériorité entre les corps civils et militaires. La garde nationale, digne d'être comparée en ce moment aux premiers soldats romains, n'en serait bientôt puisqu'une peinture, si nous avions la maladresse de lui donner des maîtres et même des émules dans les troupes de ligne. Ce serait un plus grand malheur de la dégrader que de l'anéantir.
Enfin, puisque la nouvelle maréchaussée est décrétée malgré tout ce qui a été dit contre elle, puisqu'on a décrété encore 100,000 hommes de troupes auxiliaires, ce qui, dans ces circonstances fait moins la sûreté générale que l'effroi de la nation qui paye, et cela à cause de ceux qui commandent, puisque enfin cela a passé et avec assez de rapidité, il s'agit, en ce moment, sinon de revenir sur nos pas, au moins d'empêcher cet excès de faveur qui a échappé à l'excès de nos craintes, par des lois mieux réfléchies et plus mesurées touchant les gardes nationales.
Mon plan serait donc très uniment, sans autre détail réglementaire pour le moment, de composer la garde nationale de manière qu'elle soit comme amalgamée à la troupe militaire. Car je pose en cette matière un'grand principe : C'est que la force publique comporte moins l'inégalité dans ses éléments entre ceux qui l'exercent et ceux pour qui elle est exercée, que toute autre pariie du gouvernement. Or il parait qu'après avoir déjà établi la gendarmerie nationale dans une forme assez extraordinaire... (Murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
Il n'est jamais permis de parler contre la loi, parce que si le législateur ne respecte pas la loi lui-môme, comment peut-il espérer que les citoyens la respecteront?
L'objet que je vous soumets entre dans la question. Je propose de tempérer l'excès de force que nous venons de mettre dans la main des troupes de ligne.
Après avoir décrété 100,000 hommes pour servir de milice à l'armée, je ne vois plus, pour former la garde nationale, que d s citoyens destinés à toute autre profession que celle des armes, et cette dernière institution demande plus qu'aucune autre l'exercice militaire. Malheur à la France, si elle est souvent dans le cas d'en faire naître le goût ou d'en contracter l'habitude par ses besoins.
Cependant, comme les Français ont fait voir et prouvent encore la vérité de ce vieil adage : « Pour sa liberté, tout homme est un héros », je ne voudrais pas que ce penchant fût affaibli, au moment peut-être où il est nécessaire plus que jamais de l'entretenir. Il faudrait donc trouver un moyen qui servît à concilier ces deux avantages, savoir l'égalité, la fraternité entre le citoyen et le soldat d'une part; de l'autre la paix domestique, la libre circulation sociale de l'amitié.
Ainsi donc je me suis abusé dans mon patriotisme qui, dans ceite matière, me sert comme d'excu-e, où je voudrais que ce que nous avons appelé jusqu'ici milice, ce tribut forcé du peuple à l'armée qui le défendait, fût converti dans cette Révolution en garde nationale elle-même, de telle sorte que l'armée et la nation y trouvassent un dépôt commun pour leurs besoins respectifs, l'un pour le dehors, l'autre pour le dedans. Enfin mon idée serait que la force publique ne fût divisée qu'en deux parties, en troupes de ligne et en garde nationale, réunies dans une telle forme que cette division disparût, que la garde nationale alimentât la troupe de ligne, tout en servant et défendant la liberté et la sûreté publiques.
Si ce plan ne vous paraissait plus praticable en ce moment, après les décrets qui ont été rendus sur la nouvelle maréchaussée comme sur la milice, je m'en afflige, parce que j'entrevois les plus grands maux dans la ligne de séparation et de distinction que vos décrets ont déjà tracée entre les gardes nationales et les troupes de ligne. Il faut détruire les gardes nationales, comme on semble en avoir le projet, ou les constituer de manière, qu'au besoin, on les voit sortir tout armées, comme Pallas de la tête de Jupiter; ce ne sera, Messieurs, que par ce moyen que nous défendrons, que nous sauverons la patrie ; ce n'est que par l'accord qui se manifeste entre leurs sentiments, que les soldats en garnison vivent comme des frères, comme des amis, tandis que leurs officiers n'ont pas honte de les en punir. Nous en avons la preuve toute fraîche dans l'exemple de l'affaire qui vous a été rapportée d'une ville de l'Alsace, dont j'ai oublié le nom.
Oui, Messieurs, je finirai ici mon opinion par cette dernière et triste réflexion : Quel est celui d'entre nous, ami de la Révolution, qui ne tremble et n'ait lieu de trembler pour elle, en voyant aujourd'hui que, par nos décrets, toutes lès forces de l'Etat sont seulement à la disposition des ennemis ou déclarés ou suspects de la Constitution. (.Applaudissements à gauche.)
Je ne m'arrête pas à ce que cette Constitution, qui a frappé tant d'individus, a fait de bien aux officiers militaires en général; je dirai seulement, et je ne cesserai de dire, que tout est perdu si une telle force leur est confiée sans contrepoids. Malheureusement nous avons déjà pris à cet égard le change sur les fonctions de la gendarmerie nationale. Hàtons-nous donc de réparer le mal, et d'apprendre aux troupes de ligne, que, sorties du sein des municipalités, elles doivent respecter leurs mères, qu'elles doivent non pas les dominer, mais les servir.
Et que veulent donc les deux comités, en faisant une différence entre les gardes nationales des villes et les gardes nationales des campagnes, pour mettre celles-ci sous la dépendance des maréchaussées, pour soumettre la fleur, l'honneur delà nation, ce qu'il y a de plus estimable dans la nation, les meilleurs, les plus zélés patriotes, aux ordres d'un cavalier de maréchaussée? C'est la disposition d'un des articles de votre comité. (Applaudissements.)
El que signifie encore cette distinction entre les villes et les campagnes, relativement à des hommes armés et engagés pour le service commun de la patrie? E-t-il une disposition plus anticonstitutionnelle? Vainement on aurait aboli l'aristocratie des personnes, si on laissait subsister, si l'on fomentait encore celle des villes et des lieux? Quelles idées les comités se sont-ils formés du citoyen agriculteur, engagé pour le service de la patrie, lorsqu'il* l'ont mis aux ordres et à la suite de la maréchaussée?
Vous remarquerez que, dans le projet des comités, il y a un article dont la disposition porte que, hors les gardes nationales des villes,toutes les gardes nationales des campagnes, ce qui signifie tout le royaume, seront obligées de venir à l'aide et par conséquent aux ordres de la maréchaussée. C'e^t contre cette disposition que je m'élève ici de tout mon zèle, de tout mon patriotisme, parce qu'il s'ensuivrait la ruine entière de la Constitution.
Vos comités ont été jusqu'à ôter à toutes les gardes nationales en général jusqu'au signe de leur emploi, de leurs fonctions officie les.Faudra-t-il donc au moment de la Constitution faire de l'épaulette, qui donne de la vanité, une marque distinctive pour les seuls officiers des troupes de ligne.
Sans entrer dans une discussion plus étendue, je me borne à ma première proposition, qui est, qu'en rejetant le plan des deux comités sur l'organisation des gardes nationales, il en soit présenté un autre par lequel, d'après mes observations que je regarde comme autant de principes salutaires pour la liberté publique et particulière, la milice nationale soit une troupe militaire, et doublement auxiliaire, tant pour les besoins de la nation au dedans, que pour sa défense au dehors.
Je demande l'ajournement de cette discussion à demain. On ne pensait pas que cette matière dût passer aujourd'hui et personne n'est prêt.
rapporteur. Vous voilà parvenus au moment d'organiser cette force
publique, qui est destinée à maintenir la tranquil-liié des citoyens, à
soutenir leurs droits à défendre leur liberté et à renousser les
attaques des ennemis intérieurs et extérieurs. C'est la nation elle-même
dont vous allez distribuer la force, en soumettant cette faveur au joug
salutaire de la loi; ce sont les citoyens eux-mêmes, qui,
Vous avez déjà décrété les principes d'après lesquels cette organisation doit être formée, et vos comités n'ont eu qu'à se conformer à vos décrets dans le plan qu'ils vous ont présenté. Tous les citoyens actifs et leurs enfants, avez-vous dit, sont obligés de déclarer solennellement la résolution où ils sont de servir la patrie, lorsque l'ordre public troublé ou la patrie en péril demandent l'emploi de leurs forces. Le refus de ce service les prive nécessairement du droit de citoyen actif; tous doivent pendre leur inscription dans les municipalités ; et la patrie ne dispense du devoir de la servir que ceux que la nature a mis hors d'état de porter les armes ; elle ne suspend les fonctions, à cet égard, que de ceux qui, déjà fonctionnaires publics, la servent d'une autre manière. Mais cette force, armée pour le maintien des lois et de la liberté, doit toujours être dans l'heureuse impuissance de les attaquer; elle doit ne pouvoir jamais favoriser la licence; — je parle toujours d'après vos décrets — jamais elle ne doit agir par elle-même; toujours elle doit être requise; et ceux-là seuls peuvent la requérir, que le peuple a choisis pour administrer la chose publique et pour maintenir l'exécution des lois. La force légalement requise, avez-vous dit encore, ne connaît plus que l'obéissance. Pour préserver la nation du danger de ces résolutions soudaines que peuvent prendre des hommes armés qui, législateurs, juges et exécuteurs réuniraient tous les pouvoirs et toutes les passions, vous avez voulu que les citoyens, faisant les fonctions de gardes nationales, ne pussent jamais délibérer en cette qualité; vous avez banni les armes et même l'uniforme du sein de ces assemblées délibérantes, dont la liberté fait l'essence; où c'est un privilège ou plutôt un devoir du citoyen d'annoncer tout ce qu'il croit utile à la chose publique; où tous sont égaux devant la loi; où l'homme armé croirait pouvoir exercer l'ascendant que donnent toujours l'appareil et le sentiment de la force.
C'est par une suite de cette égalité dont nous devons entretenir le sentiment et par laquelle se maintiendra toujours la liberté, que vous avez décrété qu'il n'y avait qu'une seule garde nationale soumise aux mêmes règlements, à la même discipline, et revêtue du même uniforme. 11 n'y a plus de provinces diverses, il n'y a qu'une nation ; il n'y a plus d'habitants du nord et du midi, peuples jadis rivaux ou jaloux ; il n'y a plus que les citoyens égaux du même Empire. Toute supériorité est alarmante pour des hommes libres et égaux, et celui d'entre eux qui commence par être mon supérieur, finira, tôt ou tard, par être mon maître.
Enfin, vous avez porté vos sages précautions jusque sur la totalité des citoyens armés par la loi, sur cette immense garde nationale qui couvre la surface de l'Empire, hérissée d'armes, protégée par des canons et présentant de toutes parts l'appareil de la guerre. Vous avez dit que cette garde nationale ne formerait point un corps militaire, et la sagesse vous a dicté ce décret. Vous avez voulu préserver la nation du dangereux esprit de conquête que vos lois sublimes ont proscrit et les citoyens, de cette émulation
de grades et de rangs par lesquels le despotisme achète aisément des esclaves. Que le soldat, ce fonctionaire public, portion de l'armée qui est elle-même une portion extraite de la force publique, que le soldat, remplisse le noble devoir de protéger notre sûreté I Qu'il obtienne par sa valeur les justes récompenses que lui destine la patrie reconnaissante! Grades, honneurs, cordons, tout est annobli par la sagesse et les moindres faveurs de la patrie sont des honneurs, parce que la patrie ne veut ni corrompre, ni flatter, ni subjuguer l'armée. L'armée, avez-vous dit, est une force habituelle, extraite de la force publique : donc c'est la force habituelle qui est une armée, la force publique ne l'est pas. La force habituelle, voilà le corps militaire ; la force publique, c'est la totalité des citoyens, c'est la masse de la nation, c'est la garde nationale de France.
Tels sont les principes que vous avez posés. D'où il suit que ce que vous avez demandé à vos comités, et qu'ils n'ont pu, par conséquent, se dispenser de vous présenter, c'est de déterminer les fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales, de les diviser par corps séparés, mais soumis à une loi uniforme; de régler le service qui pourrait être nécessaire en temps de paix; de les rendre propres au service en temps de guerre, et d'établir le genre de discipline qui peut convenir à des citoyens qui ne sont armés que momentanément, et dont les délits étrangers à la discipline seraient d'ailleurs punis par les lois.
C'est l'objet du plan que vos comités vous ont présenté; il est divisé en cinq sections. Dans la première, nous vous proposons des articles ex-tensifs de cette proposition, que vous avez décrétée, qu'il y aura dans chaque communauté un registre ouvert, pour y recevoir l'inscription des citoyens actifs, et de leurs fils depuis l'âge de 18 ans.
La seconde présente un projet d'organisation pour le service de la garde nationale.
La troisième règle, les fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales.
La quatrième règle, l'ordre du service que les gardes nationales pourront être appelés à faire.
La cinquième et dernière renferme des articles de discipline qui devront être en vigueur durant le temps de ce service.
Le comité militaire vous présentera un plan de tactique et d'exercices militaires propres au genre de défense auquel les citoyens, faisant le service des gardes nationales, pourront être appelés.
Telle est, Messieurs, la vue générale du plan que nous avons l'honneur de vous présenter.
Je vais avoir maintenant celui de vous exposer les développements de la première section de ce plan. Il est votre texte, il est votre loi; il est la chose que vous avez décrétée, et cela répond au préopinant qui semblait vouloir vous faire sortir de l'ordre de vos décrets pour proposer un plan absolument différent. Le comité pourra sans doute se soumettre aux ordres de l'Assemblée à cet égard ; mais au moment actuel il a dû prendre vos lois, les développer, et ce sont uniquement des développements qu'il est engagé à vous présenter.
Je dis donc que votre décret du 12 juin 1790 contient trois dispositions
: 1° l'inscription des citoyens actifs et de leurs fils, âgés de 18 ans,
sur un registre ouvert dans chaque municipalité; 2° l'exemption, non de
l'inscription, mais au ser-
Vos comités ont donc dû développer ces dispositions dans cette espèce de code général des citoyens gardes nationales; ils y ont ajouté des dispositions nouvelles qui leur ont paru nécessaires au complément de cette loi, mais qui ne sont pourtant qu'une conséquence de vos décrets antérieurs.
Au premier article concernant l'inscription des citoyens actifs et de leurs fils, ils vous proposent d'ajouter : 1° une disposition pénale pour engager les citoyens à s'inscrire. Cette disposition n'est pas coërcitive : la peine sort naturellement du refus que fait le citoyen d'offrir ses services à sa patrie ; et comme il est de principe que le membre d'une société prend l'engagement en y entrant de veiller à la sûreté des individus et, par conséquent, de la société, comme chacun de ses membres veille à la sûreté de ce citoyen lui-même, son refus le prive du titre de citoyen ; et puisque tous les membres de cette société sont des citoyens actifs, il est censé renoncer à ce titre en renonçant à ses devoirs : il n'est plus citoyen actif. G'est lui-même qui se destitue ; la loi ne fait que sanctionner ce décret prononcé déjà par la nature des choses ;
2° Nous vous proposons, en second lieu, d'admettre au droit de citoyens gardes nationales les étrangers et leurs fils qui seront devenus Français aux termes de vos décrets. Ce n'est qu'une application infiniment juste d'une loi que vous avez déjà rendue, car aux termes de vos décrets ces étrangers sont citoyens actifs;
3° Quant à l'âge de l'inscription, nous vous proposons une disposition politique qui d'ailleurs est une conséquence de votre décret du 12 juin.
C'est un si beau moment pour un citoyen, que celui auquel il se consacre au service de son pays ; où, sorti de l'enfance et renonçant aux jeux et aux frivolités de cet âge, il voit la patrie lui tendre les bras, le créer homme et le recevoir au nombre de ses défenseurs! Que ce moment doit laisser chez lui de profonds ressouvenirs! Rien ne doit le retarder. La patrie n'admet aucun prétexte; le vrai citoyen ne doit en alléguer aucun pour se refuser au premier de ses devoirs. A l'âge de son inscription, s'il se trouve éloigné de son pays, il faut que le souvenir de son devoir l'y rappelle; que son cœur palpite en songeant à l'inscription de ses compagnons d'âge ; que son imagination enflammée lui retrace la douceur de ces fêtes publiques, la joie pure de ses parents, leur tendres embrassements, les félicitations de ses amis, et le serment solennel à tous ses concitoyens, pour le maintien de la Constitution. C'est par de telles institutions que les anciens Grecs, ces maîtres dans l'art de chérir la patrie, avaient su attacher les citoyens, par un sentiment passiouné, au pays qui les avait vus naître. Le Grec, voyageant hors de son pays, lorsqu'il se trouvait dans ces époques solennelles où ses concitoyens réunis célébraient les fêtes de la liberté, sentait son cœur s'attendrir à ces ressouvenirs touchants, et ses yeux se baignaient de larmes. C'est ainsi que se forme, que se propage l'esprit public. Ce ne sont pas les lois, c'est l'amour des lois qui rend une Constitution immortelle; et l'amour des lois ne se maintient que par le charme des fêtes publiques, par la majesté des institutions nationales, par l'attrait inévitable de cette universelle solennite
dans laquelle tous les citoyens d'un grand empire éprouvent tous à la fois le même sentiment.
Vous avez donné un corps à votre Constitution, il faut lui donner une âme et lui inspirer le souffle de la vie. Votre comité de Constitution vous proposera des moyens d'animer ainsi les assemblées nationales, soit générales, soit particulières, que vous avez décrétées, d'en corriger la sécheresse, qui jusqu'ici ne les a présentées aux citoyens que comme des devoirs et des sacrifices. Vous avez formé les membres et les muscles du corps politique, il faudra leur donner du jeu, de l'onction et de la souplesse. Mais, dans l'objet particulier dont nous vous occupons maintenant, il nous paraît convenable que le citoyen, qui, sans motif, aura retardé son inscription de garde nationale, à 18 ans, soit aussi retardé dans son inscription civique que vous avez fixée à 21 ans, et qu'il ne puisse pas s'inscrire par procuration. Il a dédaigné de s'engager dans l'âge prescrit, à la défense de sa patrie ; la patrie ne peut le reconnaître, et, puisque trois ans doivent s'écouler entre les deux inscriptions, il est juste que la dernière soit retardée de tout ce qu'il a mis d'insouciance à prendre la première. Seulement lorsque la suite d'une éducation nécessaire sera la cause de l'absence d'un jeune homme de 18 ans, son père ou ses parents pourront le faire inscrire au registre public.
Vos comités vous proposent encore que les fils des citoyens actifs qui auront rempli les fonctions de gardes nationales pendant 10 ans après leur inscription, aient acquis par ce service, ou par l'intention de le faire quand ils en seraient requis, les droits de citoyens actifs. Cette disposition est dans l'esprit de vos décrets qui tendent à considérer le fils du citoyen actif comme actif lui-même, lorsque son père paye une imposition qui, répartie sur ses enfants, produirait plusieurs impositions suffisantes pour les rendre citoyens actifs eux-mêmes. Si le service pour la patrie est un devoir pour celui qui le fait, il n'en mérite pas moins la reconnaissance de la société ; et le prix de ce service ne peut se trouver que dans le droit de citoyen, que celui-ci était disposé à payer de son sang.
D'ailleurs vous aspirez à perfectionner votre décret concernant le droit à Féligiblité fondé sur la base de l'imposition. Et en attendant que l'esprit public ait amélioré les mœurs publiques; si vous voulez que le titre de citoyen actif soit un motif d'ambition pour le petit nombre de ceux qui en sont exclus, si vous avez pensé qu'il serait, dans chaque famille, un aiguillon au travail et surtout à l'économie, ces vertus principales des pauvres; si vous avez cru qu'il devait exciter et former chez eux les vertus domestiques, parce que l'esprit d'ordre conduit à l'épargne, et le goût de l'épargne à l'aisance, à l'attachement réciproque des membres de la famille ; vous avez pensé aussi que le moment viendrait où chaque citoyen français serait aussi citoyen actif. Il est en effet des institutions qui dépendent des mœurs et qui ne peuvent s'achever que lorsque les mœurs sont perfectionnées; il est d'une sage politique d'attendre la maturité des fruits.
Sur la troisième disposition de votre décret du 12 juin, concernant le remplacement des citoyens inscrits, nous avons cru devoir vous proposer quelques développements :
1° Si un citoyen commandé allègue un empêchement légitime, il pourra se faire remplacer; c'est votre loi;
2° Il ne pourra se faire remplacer que par un
3° Un citoyen inscrit, qui ne se fait pas remplacer, doit servir la patrie de quelque manière; il sera taxé.
4° S'il s obstine à payer la taxe; s'il s'avilit au point de penser que son service peut être représenté par de l'argent, il sera suspendu pendant un an de l'honneur de servir en personne; mais il sera toujours taxé.
5° Enfin ceux qui refusent de se faire inscrire ny seront pas contraints; on les abandonne à 1 inévitable jugement de l'opinion publique. Mais, puisque la société protège leur personne et leurs biens, ils doivent payer le remplacement ue la société est obligée de faire de leur personne, nfin ils ne pourront pas faire leur service en personne ; car ils ne sout pas inscrits ni classés dans des compagnies.
Enfin, sur la seconde disposition de votre décret du 12 juin, concernantceux qui sont exempts de service, ou dont le service est suspendu pour raison d'incompatibilité, nous n'avons aucune explication à donner. Les articles que nous vous proposoos nous paraissent assez clairs. 11 me paraît qu'après ces développements, l'Assemblée peut passer à la délibération sur la première section de notre projet de décret.
Il n'est pas possible de s expliquer avec plus d'élégance et plus de clarté que le préopinant l'a fait sur les différentes dispositions qu'il vous a soumises. Cependant, en attaquant en aucune manière l'objet de son discours, je crois qu'il aurait pu avoir un autre objet, et l'objet eût été d'abord de marquer, d'une manière précise, l'importance et l'utilité des gardes nationales sous ces ti ois points de vue, Ja protection qu'elles doivent, accorder à la liberté, la protection qu'elles doivent accorder contre les ennemis du dehors, et la protection qu elles doivent accorder aux propriétés.
Si le préopinant avait bien voulu diriger son discours et son raisonnement, pour nous montrer l'importance et l'utilité du service des gardes nationales sous ces trois points de vue, c'est alors que nous aurions vu comment une garde nationale peut être utile pour delendre les propriétés dans un royaume où une ge darmerie nationale est bien organisée, c'est alors que nous aurions vu comment une garde nationale peut être utile pour délendre la nation contre les ennemis du dehors, dans un royaume où l'armée est bien organisée; c'est alors que nous aurions vu comment une garde nationale peut être utile pour défendre lu liberté dans un royaume où il existe une Constitution, un Corps législatif permanent, qui a dans les mains le véritable nerf de la liberté: l'argent et la disposition de l'armée.
En passant ensuite à l'objet de nécessité du service personnel, je crois que le préopinant, lors-quil a établi pour principe que tout mem-x/ une société doit un service à cette société, a établi en cela un principe vrai; mais quand il a conclu de là que tout membre d'une sçciete devait un service personnel à cette société, il en a tire une conséquence qui m'a paru absolument fausse. Il n'y a point de liberté dans une nation, toutes les fois que les individus et citoyens de cette nation sont contraints à un service personnel.
On renouvelle sous une autre forme, Messieurs, l'institution féodale du service obligé de la féodalité. Je crois que toutes les fois que vous obligez un citoyen de s employer personnellement, corpo Tellement pour un service quelconque, vous le privez de la liberté de sa personne ; vous n'avez point de droit sur la personne, vous en avez sur la propriété. (Murmures prolongés.) Quand j'ai dit que la société n'avait pas le droit sur les personnes, je n'ai pas voulu dire qu'elle n'avait pas le droit de réprimer les délits des personnes. Je dis que la société n'a pas le droit d'imposer à un individu une tâche qui lui soit personnelle, quoiqu'elle puisse être utile à la société. Voici comment je le prouve.
Le droit de reposer en sûreté après qu'on a payé ses gardiens est le premier droit de tout citoyen, sans cela il n'y a point de gouvernement; car le but de toute société est de remettre à un petit nombre une force publique capable de défendre et de maintenir la sûreté de tous. Je voudrais encore que M. Rabaud m'eût dit comment, dans une nation où tous les citoyens, c'est-à-dire où tous les membres de cette nation seront armés, il pourra exister une force publique; car j'entends bien par force publique l'existence d'un petit nombre armé au milieu d'un grand nombre qui ne l'est pas. (Murmures.) Ou bien nous n'avons pas l'idée du mot force, ou nous raisonnons bien étrangement sur cette matière.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
J'entends par le mot force publique cette puissance qui est capable de contenir les passions d'un grand nombre pour assurer la propriété d'un seul. Il n'y a donc point de force dans un état où tout est fort. (Rires.) Ne fût-ce même que pour votre amusement, vcus devez m'écouter... Dès que tout le monde est armé, personne ne l'est, et voilà précisément ce paradoxe que je veux établir d'une manière démonstrative.
Je dis. Messieurs, que si la propriété est at taquée, il faut une force pour la défendre, pour la conserver : cette force ne peut être force qu'autant que la force de tous les citoyens ordinaires ne sera pas égale à celle que vous avez instituée force publique. Aussi, Messieurs, voyez-vous tous les jours depuis que vos concitoyen* ont des fusils, la police ne peut plus se faire qu'avec des canons. (Murmures à gauche.) Autrefois 20 hommes armés étaient forts. Aujourd'hui 20 hommes armés ne le sont plus, parce que tout le monde est armé.
Du moment que tous les citoyens sont armés, contre qui le sont-ils, si ce n'est contre les ennemis du dehors ?
Plusieurs membres : Contre les aristocrates l contre les ennemis du dedans...
Cela ne peut être contre les ennemis du dedans.
Plusieurs membres : Sil si! si!
C'est un exemple que vous avez .tous les jours sous vos yeux : il est
clair que tous les citoyens sont aussi forts les uns que les autres.
(Rires et murmures.) Il est évident que tous les citoyens armés ne sont
pas plus forts que tous les citoyens armés. (Rires à gauche.) Du moment
que tout le monde est armé,
Plusieurs membres : ah ! ah !
Ne m'interrompez donc pas. Quand.tous les citoyens d'un empire sont armés, il y à la plus grande force publique contre les ennemis du dehors, mais il n'y a point de force publique contre les ennemis du dedans. (Rires.) Ce qu'il y a de très vrai, c'est que ceux qui me contredisent déraisonnent ou bien moi. (Applaudissements à gauche.) Se tournant du côté gauche.) Je crois bien que c'est vous.
Le système du comité ne me paraît pas être conçu dans l'esprit des circonstances actuelles. Je veux d'un côté que l'on fas-e entrer dans le plan de l'organisation des gardes nationales d'exercer une surveillance assidue et habituelle contre les ennemis de la Constitution et je crains que ce délaut de surveillance ne serve à les détruire elles-mêmes. D'un autre côté, je trouve très impolitique que, dans le projet du comité, les officiers de la garde nationale ne puissent être réélus qu'après l'intervalle d'un service fait en qualité de simples soldats. Il en résulte qu'il sera plus difficile de commander que d'obéir, et surtout le danger d'oublier dans cet intervalle les fonctions du commandement. Je m'élève également contre la disposition qui défend aux officiers de porter les marques distinc-tives de leur grade.
Si je croyais que le silence des orateurs qui occupent ordinairement la tribune vînt de l'assentiment général au plan de vos comités, certaine-nient je n'aurais pas pris la parole; mais comme je ne crois pas qu'ils aient eu le temps de méditer cette importante matière, que la plupart d'entre eux ne s'attendaient pas à la voir discuter aujourd'hui, cette seule considération m'engage à vous faire observer que, lorsqu'il a été question des troupes de ligne, nous avons discuté pendant plusieurs séances avant de décréter un seul article, et que, lorsqu'il s'agit des gardes nationales, d'un corps que nous ne devrions envisager qu'avec la plus tendre affection, il n'y aurait pas eu de discussion préliminaire. Prenez-y bien garde, Messieurs, la naiion pourrait vous reprocher que vous avez négligé ses plus chers intérêts. En conséquence, je couclus à l'ajournement pour la première séance.
rapporteur. J'ai eu l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que c'est avec surprise que je me suis trouvé à l'ordre du jour : c'est pourquoi je consens volontiers au renvoi à l'époque que l'Assemblée déterminera.
(de Nemours). L'organisation de la garde nationale doit être le dernier des travaux de l'Assemblée; j'en demande le renvoi à l'époque où la Constitution sera entièrement achevée.
En raison de l'importance de la matière, je demande que la discussion soit ajournée à la semaine prochaine.
(L'Assemblée consultée décrète la motion de M. Emmery.)
Je demande que le comité de Constitution présente au plus tôt sou travail sur l'organisation du Corps législatif, afin qu'on ait le temps de l'étudier et de le méditer.
Un membre du comité vient de me.faire savoir que ce travail serait incessamment achevé.
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre de M. Porion, évêque du département du Pas-de-Calais, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée apprendra sans doute avec plaisir les progrès que l'esprit public fait tous les jours dans le département du Pas-de-Calais. Il me serait impossible de peindre le patriotisme, qui partout a éclaté dans ma route d'Arras à Saint-Omer. Les citoyens de ce département se sont pressés sur le passage de leur nouveau pasteur et ont font éclater la joie la plus vive et la plus pure. J'ai eu même la douce satisfaction de voir plusieurs curés et vicaires qui m'attendaient sur les routes à la tête de leur paroisse pour invoquer sur moi les bénédictions du ciel, et s'en retournaient les yeux baignés de douces larmes, en apprenant qu'enfin ils avaient un pasteur qui pourrait vivre et mourir au milieu d'eux.
« J'ai installé ce matin dans l'église cathédrale, en présence d'un nombreux cortège et d'un peuple immense dont les applaudissements réitérés et la joie sincère m'ont bien amplement dédommagé des tracasseries sans nombre auxquelles j'ai été en butte depuis que j'ai cru de mon devoir de me soumettre à la loi du 26 décembre. Dans un jour tel que celui-ci, Monsieur le Président, j'aurais bien désiré qu'il n'y ait eu que des heureux à Saint-Omer, et cependant j'ai vu couler des larmes.
« J'ai vu des malheureux plongés dans la plus profonde affliction me tendre leurs bras et rne demander leur liberté qu ils ont sans doute mérité de perdre puisqu'ils ont manqué à la loi, en troublant l'ordre public. Ce sont des citoyens emprisonnés à l occasion des émeutes arrivées il y a 4 ou 5 mois à Saint-Omer, à la ville d'Aire et à Arques. Ils paraissent touchés du repentir le plus vif et le plus sincère et m'ont supplié de solliciter leur grâce auprès de l'Assemblée nationale. A leurs touchantes instances se sont jointes celles d'une foule immense de citoyens qui attendaient à la porte de la prison et qui tous répondaient de la conduite à venir de ces mal-heureux.Quatre mois de captivité ne paraîtront-ils pas suffisants à l'Assemblée nationale pour expier l'erreur d'un moment, produite dans les uns par un patriotisme peu éclairé et dans d'autres par des inquiétudes méchamment insinuées parmi le peuple sur la libie circulation des giains.
«Les municipalités de Saint-Omer, d'Aire et d'Arqués ont déjà sollicité auprès de l'Assemblée nationale l'anéantissement des procédures dont les pièces ont été renvoyées au comité des rapports.
« Je ne rappellerai pas ici ces temps où les accusés se rendaient de
toutes les parties du royaume à Orléans pour y recevoir du nouvel évêque
le jour de son sacre une amnistie générale; c'était un privilège et vous
avez avec raison détruit tous les privilèges pour ne faire régner que la
loi. Mais vous savez, Monsieur le Président, mon ministère est un
ministère de paix et de charité; II serait bien consolant, bien
encourageant pour moi de débuter dans la carrière épineuse dans
« Je vous supplie, Monsieur le Président, de vouloir bien mettre mon vœu sous les yeux de l'Assemblée nationale et de lui présenter en même temps l'hommage de mon respect et de mon attachement inviolable à notre sainte Constitution.
« Signé : Porion. »
Plusieurs membres : Au comité des rapports !
Je demande que l'Assemblée nationale, en chargeant son Président de renvoyer au roi la partie de cette lettre, qui concerne la demande de l'évêque en faveur des malheureuses victimes d'une erreur qui les a plongées quelques instants dans une rébellion dont ils n'avaient pas prévu les conséquences, autorise son Président à témoigner au roi que l'Assemblée nationale verra avec satisfaction qu'il veuille bien user d'indulgence.
Un membre à gauche : Oh ! ce n'est pas cela.
Il est à désirer sans doute que les malheureux détenus aient enfin leur liberté, et cette liberté peut leur être légitimement due ; mais je crois, Messieurs, qu'il ne serait pas sans danger de renvoyer au roi pour qu'il accorde la grâce. Certainement, il ne faut pas, avant d'avoir examiné un point de cette importance, préjuger qu'il sera possible de donner, je ne dis pas seulement au roi, mais même au Corps législatif le droit d'accorder des grâces; je ne le pense pas, et sous aucun rapport il n'est possible, dans le moment actuel, d'engager le roi d'accorder une grâce. Il faudrait que le comité des rapports fût chargé de vous faire, le plus incessamment possible, le rapport de cette affaire.
Je ne suis pas éloigné de l'idée du préopinant sur le droit constitutionnel de faire grâce; mais au moins dans l'état actuel rien n'est encore innové sur le droit de grâce, le roi en jouit encore... (Murmures.) et puisqu'il en jouit encore, je le réclame pour de malheureuses victimes.
Plusieurs membres : Oh ! non ! non !
Il faut d'abord avoir connaissance de l'affaire, elle est dans les mains du comité des rapports. Je demande que ce comité, touché de la lettre de M. l'évêque du Pas-de-Calais, nous rende compte de cette affaire dans la plus prochaine séance du soir.
(L'Assemblée renvoie l'examen de la lettre de M. Porion, évêque du département du Pas-de-Calais, au comité des rapports pour en rendre compte incessamment.)
Un membre demande que le comité des rapports soit tenu également de rendre compte incessamment de l'affaire du château d'Abaucourt, département de la Meurthe.
(Cette motion est décrétée.)
Un membre du comité d'aliénation propose la vente de biens nationaux à diverses municipalités dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï son comité d'aliénation des domaines nationaux, déclare vendre aux municipalités ci-après, les biens mentionnés en leurs soumissions, et ce, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, savoir: *
Département de la Manche.
A la municipalité de Saint-Etremont-de- Bon-
Fossé.................. 86,800 1. » s. » d.
A celle de Trois-Gots.. 2,284 10 4 A celle de la Mance-
lière................... 13,992 » »
A celle de Villiers-Fos-
sard................... 20,240 »
A celle de Saint-Sam-
son-de-Bon-Fossé....... 5,460 » »
A celle de Saint-Fro-
mond.................. 211,250 12 4
A celle de la Mance-
lière................... 2,640 »
A celle de Saint-Fro-
mont.................. 5,639 14 10
A celle de Saint-Etre-
mont-de-Bon-Fossé..... 5,700 » »
A celle de Trois-Gots.. 16,369 9 4
Département de l'Oise.
A la municipalité d'Au-
teuil......................................22,709 1. 10 s. d.
A celle de Verderel.... 26,176 14 ».
A celle de Liancourt... 20,717 19 10
Département des Hautes-Pyrénées.
A la municipalité de Oursbelille............. 7,362 1. 14 s. 7d.
Département des Basses-Alpes.
À la municipalité d'Au-
bignon...........................4,277 1. » s. » d.
A celle de Saint-Vincent......................................3,000 1. » s. >» d.
A celle de Chardavou.. 3,000 * » A celle de Château-
neuf.................................3,053 » »
A celle de Noyers..........22,528
A celle de Lanuere...............9,298 » »
A celle de Brunet..........9,811 14 »
A celle de Forcalquier.. 78,461 5 »
A celle de Mison ...... 9,700 » »
Département de la Manche.
A la municipalité de Saint - Martin - ae - Bon -
Fossé....................................40,176 1. 16 s, » d.
A celle de Gondé-sur-
Vire......................................40,062 » »
Idem..................................37,444 »
Département du Calvados.
A la municipalité de
la Roque............... 476 1.
A cel le de Beaumeil... 1,540
4 s. » d.
Département dè Maine-et-Loire.
A la municipalité de Rosière................. 45,253 1. 10 s. 10 d.
Département de Lot-et-Garonne.
A la muaicipalité de Monflanquio............ 114,324 1. 14 s. 8d.
A celle de Yianne..... 14,249 11 8
Département de la Charente-Inférieure.
A la municipalité de Saintes................. 38,166 1. » s. » d.
Département de la Vendée.
A la municipalité de Niort.................. 264,216 1. 17 s. 8d.
Département de la Manche.
A la municipalité de Saint-Georges-Moncoq... 50,644 1. » s. » d.
A celle de Marigny.... 43,675 10
Le tout payable de la manière déterminée par ledit décret du 14 tuai 1790.»
(Ce décret est adopté.)
Je rappelle à l'Assemblée qn'elle a décidé que la séance de demain ouvrirait à quatre heures de l'après-midi.
La séance est levée à trois1 heures.
projet de décret sur l'organisation des gardes nationales, présenté au nom du comité de Constitution et du comité militaire,par M-Rabaud-Saint-Etienne.
section première.
De la composition de la liste des citoyens.
Art. 1er. Les citoyens actifs s'inscriront,
pour le service de la garde nationale, sur des registres qui seront
ouverts à cet effet dans les municipalités de leur domicile ou de leur
résidence continuée depuis un an; ils seront ensuite distribués par
compagnies, comme il sera dit au titre suivant.
Art. 2. A défaut de cette inscription et de cette distribution par compagnies, ils demeureront suspendus de l'exercice des droits que la Constitution attache à la qualité de citoyen actif, ainsi que de celui de porter les armes.
Art. 3. Ceux qui, sans être citoyens actifs, ont servi depuis l'époque de la Révolution, et qui sont actuellement en état de service habituel, pourront, s'ils en sont jugés dignes, être honorablement maintenus, par délibération des conseils généraux des communes, dans le droit de continuer leur service. .
Art. 4. Aucune raison d'état, de profession, d'âge, d'infirmités ou autres, ne dispensera de l'inscription les citoyens actifs qui voudront conserver l'exercice de leurs droits ; plusieurs d'entre eux seront néanmoins dispensés du service, ou l'exercice en demeurera suspendu, ainsi qu'il sera dit ci-après.
Art. 5. Tous fils de citoyen actif seront tenus de s'inscrire sur lesdits registres, et de se faire distribuer dans les compagnies, lorsqu'ils seront parvenus à l'âge de 18 ans accomplis.
Art. 6. Ceux qui, à l'âge de 18 ans, n'auront pas satisfait aux dispositions de l'article précédent, ne pourront prendre, à 21 ans, l'inscription civique ; ils ne seront admis à celle-ci que 3 ans révolus après l'inscription et distribution ci-dessus ordonnées.
Art. 7. Les citoyens actifs ou fils de citoyens actifs, qui sont maintenant âgés de plus de 18 ans, seront admis, à l'âge de 21 ans, à prendre l'inscription civique, s'ils se font inscrire et distribuer dans les compagnies, dans le délai de 3 mois au plus tard après la publication du présent décret.
Art. 8. Les étrangers, qui auront rempli les conditions prescrites pour devenir citoyens français, et leurs enfants seront traités à cet égard comme les Français naturels.
Art. 9. Nul ne sera reçu à s'inscrire par procuration; mais tous seront tenus de prendre leur inscription en personne. Les pères pourront cependant faire inscrire leurs enfants absents, si la suite de leur éducation est la cause de leur absence.
Art. 10. Les fils de citoyens actifs, qui auront satisfait à ces devoirs, jouiront, après 10 ans révolus, depuis leur inscription sur le registre de la garde nationale, et leur distribution par compagnies, de tous les droits de citoyens actifs, quand ils ne payeraient pas la contribution exigée, pourvu que d'ailleurs ils remplissent les conditions prescrites par la Constitution.
Art. 11. Les registres d'inscription des municipalités seront doubles; et l'un d'eux sera envoyé, tous les ans, et conservé dans le directoire du district.
Art. 12. Les fils de citoyens actifs, qui se seront inscrits dans l'année, seront reçus au serment de la garde nationale, qui se prêtera à la fête civique du 14 juillet suivant, dans le chef-lieu du district.
Art. 13. Les citoyens inscrits et distribués dans les compagnies, lorsqu'ils seront commandés pour le service, pourront, en cas d'empêchement légitime, se faire remplacer, mais seulement par des citoyens actifs inscrits sur les registres et servant dans la même compagnie, sans pouvoir jamais en employer d'autres à ce remplacement.
Art. 14. A l'égard des citoyens actifs qui n'auront pas jugé à propos de se faire inscrire, ils seront soumis, comme les autres, à un tour de service à la décharge des citoyens inscrits, mais ils ne feront jamais leur service en personne, et ils seront, sur mandement du directoire de district, taxés par chaque municipalité pour le payement de ceux des citoyens inscrits, qui les remplaceront dans le service qu'ils auraient dû faire.
Art. 15. Ceux des citoyens inscrits qui ne serviront pas volontairement, ou ne fourniront pas volontairement leur remplacement au jour indiqué pour leur service, seront pareillement taxés par la municipalité ; et à la troisième fois qu'ils auront été contraints à payer cette taxe, ils seront suspendus, pendant un an, de l'honneur de servir en personne, ou de l'exercice du droit de citoyens actifs ou éligibles.
Les femmes et les filles seront exemptes de toute contribution.
Art. 16. Les citoyens qui exercent les fonctions de juges ou de commissaires du roi près le3 tribunaux, les présidents des administrations, vice-présidents et membres des directoires, les procureurs syndics de département ou de district, les officiers municipaux, les procureurs de la commune et leurs substituts, ne pourront, nonobstant leur inscription et leur distribution par compagnies, faire aucun service personnel dans la garde nationale, et ne seront soumis, à raison de ce service, ni à aucun remplacement, ni à aucune taxe.
Art. 17. Les évêques, curés et vicaires, les officiers, sous-officiers, cavaliers et soldats des troupes.de ligne et delà marine étant actuellement en activité de service, les officiers, sous-officiers et cavaliers de la gendarmerie nationale et les sexagénaires, seront dispensés, nonobstant leur inscription et distribution par compagnies, de tout service dans la garde nationale et de toute taxe.
Art. 18. En cas de changement de domicile ou de résidence habituelle, le citoyen actif inscrit fera rayer son nom sur le registre de l'ancienne municipalité, s'inscrira sur celui de la nouvelle, et sera distribué dans une compagnie: faute de quoi, il demeurera sujet au service ou au remplacement dans l'une et dans l'autre municipalité.
De l'organisation des citoyens pour le service de la garde nationale.
Art. 1er. Les citoyens seront organisés par
district et par canton pour le service de la garde nationale; sous aucun
prétexte ils ne pourront l'être par communes, si ce n'est dans les
villes considérables, ni par département.
Art. 2. Les sections dans les villes seront, à cet égard, considérées comme cantons, et les villes au-dessus de 50,000 âmes, comme districts.
Art. 3. Il y aura un ou plusieurs bataillons ou demi-bataillons par canton, à raison de la population.
Art. 4. Les bataillons seront composés de 6 jusqu'à 10 compagnies, qui, au taux commun seront de 53 hommes chacune, compris les officiers et sous-officiers, le tambour compté en dehors, sous la modification ci-après, par rapport aux grandes villes.
Art. 5. Chaque compagnie sera divisée en 2 pelotons, 4 sections et 8 escouades.
Art. 6. Il y aura dans chaque compagnie un capitaine d'armes, un lieutenant d'armes, 2 sous-lieutenants d'armes, 2 sergents et 4 caporaux.
Art. 7. Le lieutenant et l'un des sous-lieutenants commanderont chacun un peloton, et auront chacun un sergent sous leurs ordres.
Art. 8. A la tête de chacune des 4 sections, il y aura un caporal qui commandera la première escouade-, et la seconde sera commandée par le plas âgé des soldats de l'escouade.
Art. 9. Chaque bataillon aura un commandant en chef, un commandant en second, un adjudant, un porte-drapeau et un maître-armurier.
Art. 10. La réunion des bataillons du même district jusqu'au nombre de 8 à 10 formera une légion.
Art. 11. Chaque légion sera sous les ordres d'nn chef de légion, d'un adjudant général et d'un sous-adjudaut général. Les légions réunies auront pour chef un commandant de légion, qui exercera ce commandement à tour de rôle pendant 3 mois, si ce n'est dans les villes au-dessus de 100,000 âmes, où il y aura un commandant général des légions, nommé par les citoyens actifs de chaque section, inscrits et distribués par compagnies.
Art. 12. On tirera tous les ans au sort, savoir : Dans le chef-lieu de district, le rang des légions et des bataillons ;
Dans le chef-lieude canton, le rang des compagnies ;
A la tête des compagnies, le rang des pelotons, des sections et des escouades.
Art. 13. La formation des compagnies se fera de la manière suivante:
Dans les villes et lieux considérables, 53 citoyens actifs, et fils de citoyens actifs inscrits, et du même quartier, composeront une compagnie.
Dans les communes qui ne pourraient pas former une compagnie, il sera formé des pelotons de 24 hommes, des sections de 12, des escouades de 6; de manière que plusieurs communes forment une compagnie, en se réunissant de proche en proche^ selon les ordres qui seront donnés par les directoires de district.
Art. 14. S'il arrivait que le nombre des citoyens inscrits, soit dans une commune de campagne, soit dans plusieurs communes réunies à cet effet, ne s'accordât pas avec le nombre de 53, dont chaque compagnie doit être formée, la compagnie pourra se réduire à 45.
Art. 15. Il en sera de même dans le cas où le nombre des citoyens inscrits viendrait à varier, soit en augmentation, soit en diminution, jusqu'à ce qu'il y ait lieu de former ou de supprimer une compagnie.
Art. 16. Dans les villes au-dessus de 50,000 ames, les compagnies pourront être formées de 102 hommes, compris le capitaine, le lieutenant, 2 sous-lieutenants d'arme, 4 sergents et 8 caporaux.
Art. 17. En ce cas les compagnies se partageront en deux divisions, commandées, l'une par le capitaine et un sous-lieutenant, l'autre par le lieutenant et le second sous-lieutenant, les 4 pelotons auront chacun un sergent à leur tête ; chacune des huit sections aura un caporal qui commandera la première escouade, la seconde aura à sa tête le plus âgé des soldats
Art. 18. Pour former dans les cantons la première composition des compagnies, les maires ou premiers officiers municipaux des communes accompagnés chacun d'un des notables, se réuniront au chef-lieu de leur canton, apportant avec eux la liste des citoyens actifs et de leurs enfants inscrits. Ils conviendront ensemble du nombre et de la formation des compagnies; ils adresseront le résultat au directoire de district; et ce dernier réglera ces distributions et en instruira le directoire de département.
Art. 19. Les citoyens actifs destinés à former une compagnie se
réuniront, tant pour eux que pour leurs enfants, et sans uniforme, avec
les maires de leurs communes, dont le plus ancien présidera. Ceux-ci et
les citoyens ainsi réunis éliroDt ensemble au scrutin individuel, et à
la pluralité absolue des suffrages, ceux qui devront remplir, pendant le
temps qui sera déterminé dans les articles suivants, les fonctions de
capitaine, celles de lieutenant et celles de 2 sous-
Art. 20. Après l'élection des officiers et sous-officiers, les citoyens élus pour les places de capitaines, lieutenants et sous-lieutenants de chaque compagnie, formeront les 2 pelotons pour les 2 sergents, et les 4 sections pour les 4 caporaux; ils auront soin de réunir dans cette formation les citoyens des mêmes communes dans les campagnes, et des mêmes quartiers dans les villes.
Art. 21. Les citoyens élus aux places de capitaines, lieutenants, sous-lieutenants et sergents des différentes compagnies du même canton, se réuniront au chef-lieu du canton et là, sous la présidence du plus âgé des capitaines, ils formeront la distribution des bataillons, à raison d'un demi-bataillon depuis 3 compagnies jusqu'à 5, et d'un bataillon les compagnies jusqu'à 10.
Ils auront soin de placer dans le même bataillon depuis 6 compagnies des communes voisines.
Art. 22. Celte distribution faite, les capitaines, lieutenants, sous-lieutenants et sergents des compagnies dont chaque bataillon sera composé, en éliront au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, le commandant en chef, le commandant en second, et l'adjudant.
Art. 23. Les commandants en chef, commandants en second, et adjudants de bataillon, les capitaines et lieutenants des compagnies dont ces trois bataillons seront composés, se réuniront au chef-lieu du district, et tous ensemble, sous la présidence d'un commissaire du directoire, ils éliront au scrutin individuel et à la pluralité absolue des suffrages, le chef, l'adjudant et le sous-adjudant général de la légion, s'il n'y en a qu'une, et ceux de chaque légion, s'il y en a plusieurs, après avoir déterminé les bataillons dont chacune sera composée.
Art. 24. Les élections des officiers des légions, de ceux des bataillons, des officiers et sous-officiers des compagnies dans les villes, se feront de la même manière que dans les campagnes, mais en observant que les sections étant réputées cantons, 10 commissaires choisis par chaque sectiou au scrutin de liste et à la pluralité relative, formeront la distribution des compagnies, aux termes de l'article 15.
Art. 25. Aucun officier des troupes de ligne en activité ne pourra être nommé officier des gardes nationales.
Art. 26. Les officiers et sous-officiers de tout grade ne seront élus que pour un an, et ne pourront êtreréélusqu'après avoir été soldats pendant une année. Les réélections seront faites par les compagnies, les bataillons et les légions, le second dimanche de mai de chaque année. En cas de service contre l'ennemi de l'Etat, il ne sera fait aucune réélection d'officiers et de sous-officiers tant que durera ce service.
Art. 27. L'uniforme national sera le même pour tous les Français en état de service, sans aucune distinction d'épaulettes entre l'officier et le soldat. Les sergents et caporaux seront distingués par un galon de laine sur la manche. Les officiers recevront, lors de leur nomination, chacun un hausse-col différent, affecté à chaque grade, des mains du directoire de district, auquel ils le remettron t en sortant d'exercice. Les commandants de bataillon et de légion porteront en outre un panache aux trois couleurs de la nation.
Art. 28. L'uniforme est définitivement réglé ainsi qu'il suit :
« Habit bleu de roi, doublure blanche, parement et collet écarlate, et passepoil blanc, revers blanc et passepoil écarlate, manche ouverte à trois petits boutons, poche en dehors à trois pointes, et trois boutons avec passepoil rouge, le bouton tel qu'il est prescrit par le décret du 23 décembre dernier, les retroussisécarlates, veste et culotte blanches : sur la poitrine, au côté gauche de l'habit, un médaillon écarlate contenant ces mots circulairement écrits en lettres blanches : Constitution, liberté, égalité; et dans le centre le mot : Veillez.
Art. 29. Néanmoins l'uniforme ne pourra être exigé; le service des citoyens actifs et de leurs enfants âgés de dix-huit ans, inscrits, sera reçu sous quelque vêtement qu'ils se présentent; mais ceux qui porteront l'uniforme seront tenus de s'y conformer, sans aucun changement à celui qui est prescrit.
Art. 30. Les drapeaux des gardes nationales seront aux trois couleurs, et porteront ces mots : Le Peuple Français, et ces autres mots : La liberté ou la mort.
Art. 31. Les anciennes milices bourgeoises, compagnies d'arquebusiers, fusiliers, chevaliers de l'arc ou de l'arbalète, compagnies de volontaires, et toutes autres, sous quelque forme et dénomination que ce soit, sont supprimées.
Art. 32. Les citoyens qui font actuellement le service des gardes nationales continueront le service dont elles seront requises, jusqu'à ce que la nouvelle composition soit établie.
Art. 33. L'Assemblée nationale, voulant rendre honneur à la vieillesse des bons citoyens, permet que, dans chaque canton, il se forme une compagnie de vétérans, de gens âgés de plus de soixante ans, organisés comme les autres et vêtus du même uniforme; et ils seront distingués par un chapeau à la Henri IV et une écharpe blanche à la ceinture ; leur arme sera un es ponton.
Art. 34. Ces vétérans ne seront employés qu'aux fonctions qu'ils auront désiré remplir. Ils assisteront assis aux exercices des gardes nationales, adjugeront les prix et seront appelés les premiers dans chaque district au renouvellement de la fédération générale du 14 juillet.
Art. 35. L'Assemblée nationale permet également qu'il s'établisse dans chaque canton, sous la même forme d'organisation, une compagnie composée de jeunes citoyens au-dessous de l'âge dè dix-huit ans. Cette compagnie, commandée par des officiers de la même classe, sera soumise à l'inspection de trois vétérans nommés à cet effet par leurs compagnies.
Des fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales.
Art. 1er. Les fonctions des citoyens servant
en qualité de gardes nationales, lorsque la réquisition leur en est
faite légalement dans la personne de leurs chefs médiats ou immédiats,
sont de ré" tablir l'ordre, et de maintenir l'obéissance aux lois.
Art. 2. Les citoyens requis et leurs chefs ne se permettront pas de juger
si les réquisitions ont aû être faites et seront tenus de les exécuter
provisoirement, sans délibération; mais les chefs pourront exiger la
remise d'une réquisition par
Art. 3. Dans l'intérieur des villes, pour le rétablissement de l'ordre public, les troupes de ligne n'agiront qu'en cas d'insuffisance de la garde soldée, s'il y en a, et de la garde nationale. Dans les campagnes, les gardes nationales n'agiront que pour soutenir la gendarmerie nationale et les troupes de ligne.
Art. 4. Toute délibération prise par les citoyens armés, sur les affaires de l'Etat, du département, du district, de la commune, même de la garde nationale, à l'exception des affaires expressément renvoyées au conseil de discipline qui sera établi ci-après, est une atteinte à la liberté publique, et un délit contre la Constitution, dont la responsabilité sera encourue par ceux qui auront provoqué l'Assemblée, et par ceux qui l'auront présidée.
Art. 5. Les citoyens ne pourront, ni prendre les armes, ni se rassembler en état degardes nationales, sans l'ordre des chefs médiats ou immédiats, ni ceux-ci l'ordonner sans une réquisition légale dont il sera donné communication aux citoyens.
Art. 6. Ne sont exceptées de cette règle que les fonctions du service ordinaire et journalier, et les patrouilles de sûreté qui se feront dans les viiles et lieux où les citoyens se gardent eux-mêmes.
Art. 7. En cas de flagrant délit ou de clameur publique, tous Français, sans exception, doivent secours à ceux qui sont attaqués daus leurs personnes ou dans leurs propriétés. Les coupables seront saisis sans qu'il soit besoin de réquisition.
Art. 8. Dans le cas de la réquisition permanente, qui aura lieu aux époques d'alarme et de troubles, les chefs donneront les ordres nécessaires pour que les citoyens se tiennent prêts à un service effectif. Les patrouilles seront renforcées et multipliées.
Art. 9. Dans les cas de réquisitions particulières ayant pour objet de réprimer les incursions extraordinaires du brigandage, ou les attroupements séditieux contre la sûreté des personnes et des propriétés, la perception des contributions ou la circulation des subsistances, les chefs pourront ordonner, selon les occasions, ou des détachements tirés des compagnies, ou le mouvement et l'action des compagnies entières.
Art. 10. Les gardes nationales dissiperont toutes émeutes populaires et attroupements séditieux : ils saisiront et livreront à la justice les coupables d'excès et violences, pris en flagrant délit ou à la clameur publique; ils emploieront la force des armes dans les cas exprimés par la loi martiale, si elle est proclamée, dans ceux où ils ne pourraient pas soutenir autrement le poste de la défense duquel ils sont chargés, et lorsque des violences et voies de fait seront employées contre eux.
Art. 11. Les corps de la garde nationale auront, en tous lieux, le pas sur la gendarmerie nationale et la troupe de ligne, lorsqu'ils se trouveront en concurrence de service avec elles. Le commandement daus les fêtes ou cérémonies civiles appartiendra à celui des officiers des trois corps qui aura la supériorité du grade, ou, dans le même grade, la supériorité de l'âge. Mais, lorsqu'il s'agira d'action militaire, les corps réunis seront commandés par l'officier supérieur de la troupe de ligne ou de la gendarmerie nationale.
Art. 12. Tout officier municipal, qui, de son chef, ou même par délibération du conseil géné.
ral de la commune, requerrait le service des gardes nationales d'une municipalité contre une autre, sera poursuivi comme criminel de lèse-nation, et responsable de tous les événements ; cette réquisition ne pouvant jamais être faite que par le directoire du district ou du département.
Art. 13. En cas d'invasion hostile et subite par une troupe étrangère, Je roi pourra faire donner, par l'intermédiaire des directeurs de départements, les ordres qu'il croira nécessaires aux commandants des différentes légions pour la défense de la patrie.
Art. 14. S'il n'y a point d'invasion subite du territoire français, les citoyens actifs et leurs enfants, en état de garde nationale, ne pourront être contraints de marcher à la guerre, qu'à la réquisition des corps administratifs, sur un décret émané du Corps législatif.
Art. 15. Lorsque les gardes nationales légalement requises sortiront de leurs foyers pour aller contre l'ennemi extérieur, elles seront payées par le Trésor public également et saus distinction de grades.
Art. 16. Les gardes nationales ne seront point iudividuellemeut incorporées dans les troupes de ligne, mais elles marcheront toujours avec leur drapeau, ayant à leur tête les officiers de leur choix, sous le commandement du chef supérieur.
Art. 17. Aucun officier des gardes nationales ne pourra, dans le service ordinaire, faire distribuer des cartouches aux citoyens armés, si ce n'est en cas de réquisition précise, à peine de demeurer responsable des événements.
Art. 18. Tous les dimanches, pendant les mois d'avril, mai, juin, septembre et octobre, ou pendant les cinq mois de l'année qui seront déterminés par les administrations ou directoires de département, les citoyens se rassembleront par communes, ou dans les villes au-dessus de 4.000 âmes par section, pour être exercésa suivant l'instruction arrêtée à cet effet, et qui sera distribuée dans les départements.
Tous les premiers dimanches des mêmes mois, ils)se rassembleront par bataillon dans le chef-lieu du canton, pour y prendre l'ensemble des marches et évolutions militaires, et tirer à la cible. Les administrations de département détermineront, avec économie, la dépense de ces rassemblements et exercices. Il sera donné, chaque fois, au meilleur tireur, un prix d'honneur dont la valeur n'excédera pas 6 livres, et dont les fonds seront faits par compagnie, pour l'année entière.
Art. 19. Le droit de port d'armes appartient à tout citoyen actif; mais il est défendu à tous de porter, hors le temps du service, soit dans les rues, soit dans les lieux publics, des épées, sabres ou autres armes, sans préjudice du droit d'avoir des armes pour sa défense, lorsqu'on est en voyage.
Art. 20. Néanmoins les officiers, sous-officiers et soldats ou cavaliers des troupes de ligne, en temps de service ou à leur garnison, les officiers, sous-officiers et cavaliers de la gendarmerie nationale, les corps soldés pour la garde des villes, et les officiers et soldats citoyens en état de service de gardes nationales, ont le droit de porter l'épée.
Art. 21. Les citoyens actifs qui se présenteront à une assemblée de
commune, assemblée primaire, assemblée électorale, ou toute autre
assemblée politique, soit avec des armes de quelque espèce qu'elles
soient, soit en uniforme, seront
Art. 22. Sont exceptés de cette règle les seuls officiers et soldats qui, étant commandés pour le service, le jour même de l'assemblée, sont autorisés à y entrer et à y donner leur voix en uniforme, mais sans armes, épée ni bâton.
Art. 23. Les fusils et mousquets de service, délivrés des arsenaux de la nation, étant une propriété publique, le nombre en sera constate par chaque municipalité, et les citoyens, qui en seront dépositaires, seront tenus d'en faire la représentation tous les trois mois, ou d'en payer
ja yjjgup
Art. 24. Les drapeaux de chaque bataillon demeureront déposés chez le commandant en
chef. ,,
Art. 25. Le serment fédératif sera renouvele chaque année, dans le chef-lieu de district, le 14 juillet, jour anniversaire de la fédération générale. ....
Art. 26. Il ne sera fait, à l'avenir, aucune fédération particulière : tout acte de ce genre est déclaré attentat à l'unité du royaume et a la fédération constitutionnelle de tous les Français.
De Vordre du service.
Art. 1er. L'ordre et le rang des bataillons,
des compagnies de chaque bataillon, des pelotons, sections et escouades
de chaque compagnie étant réglés par le sort tous les ans, ainsi qu'il
est dit en l'article 14 de la section 2, l'ordre du service sera
déterminé sur cette base, toutes les fois qu'il faudra rassembler et
mettre en marche des bataillons de garde nationale.
Art. 2. Les bataillons seront formés d'un nombre égal d'escouades tirées de chacune des compagnies. . .
Art. 3. Le tour commencera toujours par la première escouade de la première compagnie du premier bataillon, et continuera par la première escouade de la deuxième compagnie, jusqu a la première escouade de la dernière compagnie du dernier bataillon ; et toutes ces escouades composeront 8 compagnies qui formeront alors l bataillon.
Art. 4. S'il faut un second bataillon, le tour de service sera repris dans le même ordre, à l'escouade où le précédent tour de service se sera arrêté.
Art. 5. Chaque bataillon ainsi formé sera divisé de la même manière que les bataillons primitifs des gardes nationales, et sur le pied du taux moyen quant au nombre des hommes; il en sera de même des compagnies. . , ,
Art. 6. Il y aura, parmi les ofhciers de chaque grade, un rang de piques réglé par le sort, et l'adjudant général en tiendra note.
Art. 7. Les officiers de chaque grade seront appelés au commandement des compagnies, bataillons et détachements, suivant le rang dont il vient d'être parlé. '
Art. 8. Il y aura dans le détachement, par compagnies et bataillons, le même nombre d'officiers que dans l'organisation primitive.
Art. 9. Les mêmes régies seront suivies, dans chaque canton, pour les petits détachements; les escouades seront tirées, à tour de rôle, de chaque compagnie du bataillon, de Ja manière qui vient d'être expliquée.
Art. 10. S'il est nécessaire de rassembler 2 ou 3 compagnies, elles seront formées par d'autres escouades commandées pareillement à tour de rôle, en commençant au point où le précédent tour de service se sera arrêté.
Art. 11. Les compagnies ainsi formées seront commandées par le même nombre d'officiers déterminé pour l'organisation primitive, et pris, à tour de rôle, aux termes de l'article 6.
Art. 12. En cas d'invasion ou d'alarme subite dans une commune, les citoyens marcheront par compagnies, pelotons, sections ou escouades, sous les ordres de leurs capitaines, lieutenants, sous-lieutenants, sergents, caporaux ou anciens, sur la première réquisition qui leur en sera faite par le corps municipal.
Art. 13. Les patrouilles, soit ordinaires, soit extraordinaires, se feront dans les villes, selon le même tour de rôle, par demi-escouades tirées de diverses compagnies, en reprenant toujours le rang de service au point où le précédent s'est arrêté.
De la discipline des citoyens servant en qualité de gardes nationales.
Art. 1er. Ceux qui seront élus pour commander
dans quelque grade que ce soit se comporteront comme des citoyens qui
commandent à des
citoyens. .. .
Art. 2. Chacun de ceux qui font le service de la garde nationale, rentrant à l'instant où chaque service est fini, dans la classe générale des citoyens, ne sera sujet aux lois de la discipline, que pendant la durée de son activité.
Art. 3. Le chef médiat ou immédiat, quel que soit son grade, n'ordonnera de rassemblement que lorsqu'il aura été requis légalement ; mais les citovens se réuniront, à l'ordre de leur chef, sans aucun retard, sauf la responsabilité de celui-ci.
Art. 4. S'il arrivait néanmoins que quelques-uns des citoyens inscrits, distribués par compagnies, ne se présentassent ni par eux-mêmes, ni par des soldats citoyens de la même compaguie, aux ordres donnés par les chefs médiats ou immédiats, ceux-ci ne pourront user d'aucun moyen de force, mais seulement les déférer aux officiers municipaux qui les soumettront à la taxe de remplacement, comme il est dit ci-dessus.
Art. 5. Tant que les citoyens sont en état de service, ils sont tenus d'obéir, sans hésiter, aux ordres de leurs chefs. .......
Art. 6. Ceux qui manqueraient, soit à 1 obéissance, soit au respect dû à la personne des chefs, soit aux règles du service, seront punis des peines
de discipline. . ,. . t
Art. 7. Les peines de discipline seront les mêmes pour les officiers, sous-officiers et soldats sans aucune distinction. .
Art. 8. La simple désobéissance sera punie des arrêts, qui ne pourront excéder deux jours.
Art. 9. Si elle est accompagnée d'un manque de respect ou d'une injure envers les officiers ou sous-officiers, la peine sera des arrêts pendant trois jours, ou de la prison pendant 24 heures.
Art. 10. Si l'injure est grave, le coupable sera puni de 8 jours d'arrêt ou de 4 jours de prison.
Art. 11. Pour manquement au service ou à l'ordre, là peine sera d'être suspendu de l'honneur de servir depuis 1 jour jusqu'à 3.
Art. 12. La sentinelle qui abandonnera son poste sera punie par huit jours de prison : le détachement qui abandonnerait le poste qui lui serait confié sera puni de quatre jours de prison ; et si le commandant ne pouvait justifier qu'il a fait tout ce qu'il a pu pour conserver le poste, ou s'il l'avait lui-même abandonné, il sera puni de deux fois 24 heures de prison, et suspendu en outre de toute fonction pendant deux mois.
Art. 13. Celui qui troublera le service par des conseils d'insubordination sera condamné à faire 7 jours de prison.
Art. 14. Ceux qui ne se soumettront pas à la peine prononcée seront notés sur le tableau des gardes nationales et, par suite, suspendus de l'exercice des droits de citoyen actif, jusqu'à ce qu'ils viennent exprimer leur repentir et subir la peine imposée.
Art. 15. Il sera créé, pour chaque bataillon, un conseil de discipline, lequel sera composé du commandant en chef, des 2 capitaines les plus âgés, du plus âgé des lieutenants, des 2 plus âgés des sous-lieutenants, du plus âgé des sergents, des 2 plus âgés des caporaux et des 4 fusiliers les plus âgés dans chacune des compagnies, lesquelles les fourniront alternativement de 6 mois en 6 mois. Ce conseil s'assemblera par ordre du commandant en chef toutes les fois qu'il sera nécessaire.
Art. 16. Ce conseil est la seule assemblée dans laquelle les gardes nationales pourront exercer, en cette qualité, le droit de délibérer.
Art. 17. Ceux qui croiront avoir à se plaindre d'une punition de discipline pourront, après avoir obéi, porter leur plainte à ce conseil qui ne pourra, en aucun cas, prononcer contre ceux qui auront tort, aucune peine plus forte que celles qui sont établies dans la présente section.
Art. 18. Tout délit, tant militaire que civil, qui mériterait de plus grandes peines, ne sera plus réprimé par les lois de la discipline, mais rentrera sous la loi générale des citoyens et sera déféré au juge de paix, soit pour être condamné, sauf l'appel aux peines de police, soit pour être renvoyé au tribunal criminel, s'il y a lieu.
Art. 19. A la guerre, les gardes nationales seront soumises aux lois décrétées pour le militaire.
Articles généraux.
Art. 1er. Les chefs et officiers de légion,
commandants et adjudants de bataillon, capitaines et officiers des
compagnies, seront responsables à la nation de l'abus qu'ils pourront
faire de la force publique et de toute violation des articles du présent
décret, qu'ils auraient commise, autorisée ou tolérée.
Art. 2. Les administrations et directoires de département veilleront par eux-mêmes et par les administrations et directoires de district sur l'exécution du présent décret, et seront tenus, sous leur responsabilité, de donner connaissance au Corps législatif de tous les faits de contravention qui seraient de nature à compromettre la sûreté ou la tranquillité des citoyens, sans préjudice de l'emploi provisoire de la'force publique, dans tous les cas où cette mesure serait nécessaire au rétablissement de l'ordre.
Séance du
La séance est ouverte à quatre heures du soir.
Messieurs, vous avez accordé, dans un des articles du décret sur l'organisation de la marine, aux officiers, commandant les escadres dans les parages éloignés, le pouvoir de destituer les officiers qui seront sous leurs ordres.
Je propose de dire qu'ils ne pourront user de ce pouvoir que sous leur responsabilité et je demande que ces mots soient ajoutés dans l'article.
(Cette motion est décrétée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture des lettres, adresses et pétitions suivantes :
1° De l'assemblée électorale du département du Calvados, qui annonce la nomination de M. l'abbé Fauchet à l'évêché de ce département.
2° Des officiers, sous-officiers et gardes de la compagnie de la prévôté de l'Hôtel, qui supplient l'Assemblée de fixer leur sort en prononçant sur leur organisation.
(Cette adresse est renvoyée au comité militaire, avec charge de faire incessamment son rapport sur cette partie de son travail.)
3° De la société des amis de la Constitution établie à Quimperlé, qui proteste de son attachement aux décrets de l'Assemblée nationale, et promet de s'opposer de toutes ses forces aux entreprises des ennemis de la Révolution et de l'ordre public.
Suit un extrait de cette adresse :
« La sublime, la salutaire Constitution que vous venez de donner à l'Empire français assure à jamais le bonheur de la nation et la gloire de ses augustes représentants; mais si le chapitre immortel des droits de l'homme est pour nous un juste motif de reconnaissance et d'allégresse, vous savez, Messieurs, qu'il est en même temps, pour un trop grand nombre, un sujet de rage et de désespoir. Nous ne pouvons pas nous dissimuler que les ennemis de cette glorieuse Constitution ne cherchent, ne respirent que la subversion et son anéantissement.
« Il est donc de l'intérêt de tout ami de l'ordre, de tout bon Français, de veiller sans relâche à la conservation de cette arche précieuse, dépositaire de la liberté française, et le gage du salut de la nation. C'est là le devoir le plus essentiel des corps administratifs, judiciaires et de la garde nationale; mais c'est principalement aux sociétés des amis de la Constitution qu'il importe de surveiller et de dénoncer les trames combinées, les menées sourdes et clandestines de ses ennemis. Paris, le centre des vertus civiques et des talents, le foyer du patriotisme, a donné à la France l'exemple d'un établissement aussi utile ; animés du même esprit, nous en avons formé un semblable, dont nous vous faisons l'hommage. » (Applaudissements.)
4° Des fabricants de galons, passementiers, teinturiers, franger s, etc.,
de la ville de Paris, qui font des représentations contre le projet de
supprimer les épaulettes de l'uniforme de la garde nationale.
(Cette pétition est renvoyée au comité de Constitution.)
50 Des ci-devant huissiers-audienciers au Parlement de Paris, qui supplient l'Assemblée de prendre en considération leur position particulière, et de leur accorder une indemnité différente de celle des autres huissiers.
(Cette pétition est renvoyée au comité de judi-cature.)
6°De M. Santo-Domingo,qui supplie l'Assemblée de prononcer sur sa conduite, pour la justification de laquelle il joint à sa lettre un mémoire apologétique.
(La lettre et le mémoire sont renvoyés au comité colonial.)
7° De M. de Romance-Mesmon, qui réclame contre la destitution de son état de lieutenant des gardes françaises, qu'il annonce avoir été prononcée en 1780 par un acte d'autorité arbitraire.
(Cette pétition est renvoyée au comité militaire.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
représente que des raisons particulières, dont il sera rendu compte par le comité central de liquidation, ne permettent pas de mettre à exécution, du moins quant à présent, le décret rendu dans la précédente séance, portant qu'il sera nommé 8 commissaires pour suivre assidûment l'examen et l'apurement de l'arriéré des bâtiments du roi. Il demande qu'il soit sursis à cette exécution.
(Cette motion est décrétée.)
ingénieur-mécanicien, est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée du portrait du roi et de celui de Mirabeau, gravés sur métal par un procédé nouveau de son invention.
horloger, est admis à la barre, et fait hommage à l'Assemblée de diverses inventions dont il est l'auteur.
témoigne à MM. Pelletier et Legros la satisfaction de l'Assemblée et leur accorde les honneurs de la séance.
l'un des commissaires nommés pour l'installation du tribunal de cassation. — Messieurs, M. Treilhard et moi avions été nommés par vous pour l'installation du tribunal de cassation. Nous nous sommes transportés à cet effet hier au palais. Nous sommes arrivés dans la grand'chambre, où il y avait été préparé une estrade sur laquelle étaient 4 fauteuils pour les quatre commissaires. Les 4 commissaires se sont placés. Vos 2 commissaires ont pris les deux premières places. Les membres élus pour composer le tribunal se sont placés debout chacun dans le parquet.
Quand chacun a été en place, j'ai ordonné aux huissiers d'ouvrir les portes et d'introduire le public. Le public entré, j'ai fait un discours analogue à la circonstance. M. Pastoret, commissaire du roi, a fait un discours. Après cela, j'ai lu à haute voix l'article 29 de votre décret portant établissement de la cour de cassation, qui détermine la forme de cette installation. J'ai de suite lu à haute voix la formule de serment que vous avez prescrit. Chacun des membres élus pour composer le tribunal, debout dans le parquet, a répondu à haute voix : « Je le jure. »
Après quoi je leur ai dit : « Messieurs, vous êtes installés, prenez vos places. » Us ont pris leurs places; et le doyen d'âge a prononcé un discours après lequel les commissaires de l'Assemblée et les commissaires du roi se sont levés. Nous avons été reconduits par une députation de 8 membres du tribunal de cassation, qui marchaient deux à deux et à côté de chacun des commissaires. Nous avons été reconduits ainsi jusqu'au grand escalier. Voilà le compte que je devais rendre à l'Assemblée.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il est important que le récit que vous venez d'entendre, et qui contient des détails si intéressants sur la prestation du serment civique par les membres du tribunal de cassation, soit inséré dans le procès-verbal de l'Assemblée, et je m'étonne que vos commissaires n'aient pas dressé un procès-verbal des faits qu'ils viennent de vous exposer.
commissaire. Permettez-moi, Messieurs, de vous dire que, pour cette fois, le préopinant ne me ramènera pas aux vrais principes. Il était impossible que le procès-verbal qu'il demande fût rédigé, puisqu'il n'y avait pas encore de greffier. On travaille dans ce moment à en rédiger un, lequel sera signé des commissaires; une expédition, Messieurs, vous sera remise pour être déposée dans vos archives, et une autre sera envoyée à la Chancellerie. (Marques d'approbation.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du ministre de la marine, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je crois devoir vous informer du résultat des mesures qui ont été prises pour faire connaître le pavillon national par les puissances barbares-ques, et particulièrement de ce qui s'est passé à Tunis le premier de ce mois, relativement à cet objet.
« Gomme un récit incomplet ou peu exact des faits pourrait inspirer aux navigateurs de la Méditerranée des alarmes mal fondées, il m'a paru nécessaire de vous faire connaître tous les détails de cette affaire qu'il me semble même convenable de rendre publique. Il était très important de prendre les plus grandes précautions, pour garantir les navires français des entreprises des corsaires barbâresques, auxquelles le changement de pavillon aurait pu servir de prétexte. J'ai écrit au roi de Maroc et aux souverains des 3 régences d'Alger, Tunis et Tripoli. Je leur ai envoyé des modèles du nouveau pavillon. Ces paquets ont été portés par une corvette expédiée pour cet objet, et les consuls, résidant auprès de ces puissances, ont été chargés de ne rien négliger pour obtenir qu'il fût expédié promptement, aux commandants des corsaires de Barbarie, des ordres très précis de respecter notre pavillon national.
« Les mesures ont eu à Maroc le succès que j'en attendais. Le consul
m'écrit que le roi a fait rassembler les capitaines et autres officiers
de sa marine, leur a prescrit de reconnaître en mer et de respecter le
pavillon, et a ordonné qu'il fût salué par le canon des forteresses, le
premier jour qu'il serait arboré sur la maison consulaire à Salé, i Le
consul d'Alger m'apprend aussi que la notification du changement de
pavillon n'a éprouvé aucune difficulté; que le Dey a promis de le faire
respecter par ses corsaires, et a donné des ordres i en conséquence;
mais le Bey de Tunis n'a pas
« Quelques circonstances particulières ayant rendu les communications entre Alger et Tunis difficiles, on était encore dans cet état d'incertitude le 1er de ce mois, iour déterminé pour arborer en mer et dans les ports étrangers. !e pavillon national. Le consul a renouvelé ses instances et obtenu enfin qu'il serait donné des ordres aux commandants des corsaires pour respecter en mer le pavillon; mais le Bey n'a pas voulu permettre qu'on l'arborât dans ses ports et dans ses rades.
« Cette défense a extrêmement affligé les capitaines de navires marchands qui se trouvaient à Tunis, et qui étaient très empressés d'obéir à la loi. J'ai lieu d'espérer que le Bey n'aura pas tardé à recevoir les informations qu'il attendait d'Alger et qu'il aura levé sa défense avant l'époqu»- où les lettres que j'écris pour cet objet pourront êire arrivées ; mais, en attendant, les ordres donnés aux corsaires suffisent pour rassurer sur les inconvénients que les navigateurs pourront craindre.
« Je n'ai encore aucune nouvelle de Tripoli, mais je ne présume pas que la notification ou changement de pavillon y éprouve de difficultés. « Je suis avec respect, votre très humble, etc. » Signé : de fleurieu.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre de la dame Mallard, nourrice du roi, qui est ainsi conçue :
« Messieurs.
« J'ai eu le bonheur de bien nourrir et de bien servir le roi. Je n'ai jamais été autaut à charge à l'Etat que celles qui m'ont précédé dans cette glorieuse carrière. Personne tfiguore quelle a été leur fortune. La mienne consiste en 13,553 1. 10 s., constatés par un brevet, et eu 4,000 livres comme nourrice de l'héritier présomptif du trône, affectées sur la recette générale de Bordeaux par un arrêt du Conseil. J'ai donc en tout 17,553 I.
10 s. de traitement. (Murmures.)
« MM. Fréteau et Camus ont eu la bonté de me faire dire dans le temps que ces pensions me seraient payées par la liste civile. Je m'y suis présentée; les commis et les personnes en sous-ordre prétendent qu'étant seule et unique de mon espèce, qu'ayant nourri l'enfant de l'Etat, c'était à la nation à me récompenser;.....
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour!
Il faut renvoyer cette demande au comité des pensions.
M. le secrétaire, continuant la lecture. « Que cependant et pendant l'attente d'une décision ultérieure à cet égard, le roi par sa liste civile me prêterait de l'argent, pour que je ne manque pas; argent que je rétablirais à ia caisse de la liste civile quand la nalion aurait décidé mon sort.
« Je viens avec la plus vive confiance, dans la reconnaissance, la générosité, j'ose ajouter dans l'humanité de MM. les représentants d'une grande nation, vous supplier de décréter si ce sera le Trésor royal ou 1a liste civile qui me payeront mes 17,553 livres, produit net de mes pensions. Il est très important pour moi de savoir mon sort, pour ne plus éprouver, à mon âge de 63 ans des renvois et, par conséquent des dégoûts, quand j'ai bien nourri et bien servi un enfant de France.
« Ma fortune n'est pas exorbitante, et dans tous les temps et dans toutes les circonstances j'ai eu la plus grande attention de n'être ni importune, ni a charge à l'Etat; la calomnie seule, que je défierai toujours, peut me contredire dans les té-nebres; mais jamais au grand jour et à visage découvert.
« Je suis avec respect, etc.
« Signé : Mallard, nourrice du roi. »
Plusieurs membres: Au comité des pensions!
Ii n'est pas besoin de rien décider sur cette adresse; rien ne prouve mieux que la lettre elle-même que le roi n'est pas instruit de cette pétition; car s'il en avait eu connaissance, elle n'aurait certainement jamais paru à cette tribune. Je demande l'ordre du jour.
Plusieurs membres : Au comité des pensions !
Je m'oppose au renvoi, et j'appuie mon opinion.sur l'article 13 du décret constitutionnel sur les pensions, lequel porte que la nation ne reconnaîtra que les services qui lui auront été rendus. (Applaudissements et murmures.)
J'étais chargé par le comité des pensions de vous demander la parole, à la première séance du soir, pour vous faire deux ou trois rapports de différentes affaires de personnes qui tourmentent depuis longtemps le comité des pensions pour avoir une décision, savoir : les enfants de M. de Lowendal, ceux de M. deSparre et quelques autres affaires de ce geure-là. Si l'Assemblée juge à propos de renvoyer la lettre de la dame Mallard au comité, je lui demanderai de m'accorder la parole à une des prochaines séances du soir pour lui faire un rapport sur ces différentes questions. (Cette motion est décrétée.)
Messieurs, les officiers municipaux de Cambrai viennent d'adresser, à mes collègues et à moi, un procès-verbal du 16 avril courant contenant le récit de l'installation de l'évêque du département du Nord. 11 résulte de ce procès-verbal que tout s'est passé dans le plus grand ordre et que toutes les autorités ont concouru à le maintenir.
Les officiers municipaux de Cambrai espèrent que, d'après l'insertion que vous voudrez bien en ordonner dans votre procès-verbal, les impressions données contre leur civisme tomberont-je vais remettre la pièce sur le bureau. (Applaudissements.)
Les entreposeurs de tabac auraient désiré vous présenter eux-mêmes leur pétition, dans laquelle ils manifestent leur attachement aux principes de la Constitution; mais, puisque vous en avez ordonné le renvoi aux comités qui doivent en connaître, je demande pour eux les honneurs de la séance. (Cette motion est décrété.)
au nom du comité ecclésiastique, propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par son comité
ecclésiastique ; « 1° De l'arrêté du directoire du département
2° De l'arrêté du directoire du département de Loir-et-Cher, du 4 de ce mois, sur l'avis du directoire du district de Mer, du 2 précédent, et de l'évêque de ce département, concernant la circonscription de plusieurs paroisses du district de Mer ¦
« 3° De l'arrêté du directoire du département de l'Yonne, du 12 de ce mois, sur les délibérations du directoire du district et de la municipalité d'Avallon, des 29janvier, 29 février et 20 mars derniers, et de l'avis donné par l'évêque de ce département le 21 dudit mois de mars, concernant la réunion des paroisses d'Avallon, décrète :
Art. 1er.
Département du Nord, ville de Douai.
« Il y aura, pour la ville de Douai, trois paroisses : savoir, celles de Saint-Jacques, de Saint-Pierre et Saint-Amé, dans les églises de ce nom.
* Elles seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans l'avis susdaté du district de Douai ; les autres paroisses de cette ville sont supprimées.
Art. 2.
Département de Loir-et-Cher, ville de Mer.
« Le bourg d'Aunay, contigu à la ville de Mer, et les maisons du val de Courbouson, jusqu'au chemin de Perclière, en ligne droite, sans y comprendre les maisons du Château et la métairie de Masne, sont réunis à la paroisse et à ladite municipalité de Mer.
Art. 3.
Ville de Suèvres.
« Il n'y aura qu'une seule paroisse et municipalité pour la ville de Suèvres ; cette paroisse sera desservie dans l'église de Saint-Christophe : les autres paroisses de ladite ville sont supprimées.
Art. 4.
Bourg d'Oucques.
« Il n'y aura qu'une seule paroisse et municipalité dans le bourg d'Oucques ; cette paroisse sera desservie dans l'église de Saint-Jean. La paroisse de Saint-Séverin-d'Oucques, les fermes de la paroisse de Beauvilliers au delà de l'étang du côté du midi, celles de Lancomeet desBercellieres de la paroisse de Saint-Léonard, sont réunies à la paroisse de Saint-Jean-d'Oucques.
Art. 5.
Département de V Yonne, ville d'Avallon.
Il n'y aura, dans la ville d'Avallon, qu'une seule paroisse, qui sera desservie dans 1 église de Saint-Lazare. L'église de Saint-Martin sera conservée comme oratoire. Le curé de Saint-Lazare y enverra, les dimanches et les fêtes, y célébrer la messe, et faire les instructions spirituelles, sans pouvoir exercer les fonctions cu-riales. »
(Ce décret est adopté.)
se présente à la tribune pour faire un rapport tendant à accorder une gratification à M. Trouville, à raison d'une machine hydraulique dont il est l'inventeur.
Un membre demande que ce rapport soit ajourné à une séance du soir. (Cet ajournement est décrété.)
Messieurs, le 19 de ce mois, vous avez rendu un décret portant qu'il serait fait le lendemain même, par conséquent hier, lecture des décrets précédemment rendus sur la régence, sur la garde du roi mineur et sur la résidence des fonctionnaires publics; cette lecture n'a pas été faite : je demande qu'il y soit procédé à l'instant, afin que ces décrets soient immédiatement portés à la sanction ; rien n'est plus important à la tranquillité publique.
Plusieurs membres. Le rapporteur du comité de Constitution est absent.
(L'Assemblée décrète que, vu l'absence du rapporteur, cette lecture aura lieu demain sans faute, et elle charge en conséquence un des secrétaires d'en prévenir le rapporteur.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité d'agriculture et de commerce sur la profession de courtier et d'agent de change, de banque et de commerce (1).
rapporteur. Messieurs, nous en sommes restés à l'article 7 du projet de décret du comité de commerce et d'agriculture sur les courtiers et agents de change. Voici cet article :
Art. 7.
« Ne pourront, ceux qui seront reçus courtiers et agents de change, faire, pour leur compte, aucune espèce de commerce et négociation, à peine de destitution, et de 1,500 livres d'amende. Ils ne pourront, sous les mêmes peines, endosser aucune lettre ou billet commerçables, donner aucun aval, tenir caisse ni contracter aucune société, faire ni signer aucune assurance, et s'intéresser directement ni indirectement dans aucune affaire. Tous actes, promesses, contrats et obligations qu'ils auraient pu faire à cet égard, seront nuls et de nul effet. » (Adopté.)
Art. 8.
« Ne pourront de même les négociants, banquiers, ou marchands, prêter leurs noms, directement ni indirectement, aux courtiers et agents de change, pour faire le commerce, et les intéresser dans celui qu'ils pourraient faire ; et ce, sous peine d'être solidairement responsables et garants de toutes les condamnations pécuniaires qui pourraient être prononcées contre lesdits courtiers et agents de change. » (Adopté.)
Art. 9.
« Dans tous les lieux où il sera établi des courtiers et agents de
change, il sera dressé un tableau sur lequel seront inscrits leurs noms
et demeures ; ledit tableau sera affiché dans les tribunaux de commerce,
et dans les lieux où les marchands et négociants sont dans l'usage de
s'assembler, ainsi qu'à la maison commune. » (Adopté.)
Art. 10.
« Les courtiers et agents de change seront obliges de teDir des livres ou registres-journaux en papier timbré, lesquels seront signés, cotés et paraphés par un des juges du tribunal de commerce : lesdits registres seront écrits par ordre de dates, sans aucun blanc, et par articles séparés; ils contiendront toutes les négociations et opérations de commerce, pour lesquelles lesdits courtiers, agents de change et de commerce auront été employés, le nom des parties contractantes, ainsi que les différentes conditions convenues entre elles. Seront tenus lesdits courtiers, de donner aux parties intéressées un extrait signé d'eux, desdites négociations et opérations, dans le même jour où elles auront été arrêtées. >> (Adopté.)
Art. 11.
« Ils ne pourront, sous peine de destitution et de responsabilité, négocier aucun effet, lorsqu'il se trouvera cédé par un négociant dont la faillite serait déclarée ouverte, ou qui leur serait remis par des particuliers non connus et non domiciliés. » (Adopté.)
Art. 12.
« Les particuliers qui, sans être pourvus de patentes, se seraient immiscés dans les fonctions de courtier et agent de change et de commerce, seront non recevables à intenter aucune action pour raison de leurs salaires : les registres où ils auront écrit leurs négociations, n'auront aucune foi en justice: ils seront, de plus, sujets à l'amende déterminée par l'article 19 du décret du 16 février dernier. » (Adopté.)
Art. 13.
« Les courtiers et agents de change, de banque et de commerce, ne pourront, à peine d'interdiction, se servir de commis, facteurs et entremetteurs, pour traiter et conclure les marchés ou négociations dont ils seront chargés. » (Adopté.)
Art. 14.
« Il sera incessamment procédé, par les tribunaux de commerce, à la confection du tarif des droits de courtage, dans les différentes places de commerce du royaume : ce tarif aura force de loi dans chaque ville pù il aura été fait ; et jusqu'à la publication du nouveau tarif, ceux actuellement subsistants continueront à être exécutés. » (Adopté.)
Art. 15.
« Il sera également fait, par les tribunaux de commerce, un règlement sur la manière de constater le cours du change et des effets publics. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 16 ainsi conçu :
« Les courtiers et agents de change se conformeront aux dispositions du présent décret, à peine de destitution; et ceux contre lesquels elle aura été prononcée ne pourront, dans aucun temps, être pourvus de patentes pour en exercer les fonctions. »
Un membre propose de substituer aux mots : « ne pourront, dans aucun temps, être pourvus de patentes pour en exercer les fonctions » ceux-ci : « ne pourront, dans aucun temps, quoique pourvus de patentes, en exercer les fonctions. »
rapporteur. J'adopte l'amendement; l'article serait donc rédigé comme suit :
Art. 16.
« Les courtiers et agents de change se conformeront aux dispositions du présent décret, à peine de destitution ; et ceux contre lesquels elle aura été prononcée ne pourront, dans aucun temps, quoique pourvus de patentes, en exercer les fonctions. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 17 ainsi conçu :
« La connaissance des contraventions et contestations relatives à l'exécution du présent décret sera attribuée aux tribunaux de commerce. »
(Cet article est mis aux voix et décrété.)
Un membre demande que cet article soit ajourné jusqu'à ce qu'il ait été statué par un décret, soit sur la détermination précise des tribunaux de commerce, soit sur le point de savoir où se porteront les appels de leur jugement.
Je demande à M. le rapporteur si son intention est de donner aux tribunaux de commerce la connaissance en dernier ressort. J'observe en outre que le droit de patentes est un impôt indirect, dont l'action doit être portée devant les tribunaux ordinaires; et on ne saurait trop remarquer dans ce décret que le comité d'agriculture et de commerce chercne sans cesse à rappeler l'esprit de corporation que nous avons poursuivi jusquedans lesderniers retranchements. Je demande la question préalable sur l'article proposé, et que les contestations relatives aux patentes des agents de change soient portées devant les mêmes tribunaux où sont portées les contestations des autres citoyens à l'occasion de leurs patentes.
rapporteur. J'observerai au préopinant que c'est pour la première fois que dans cette Assemblée on demande la question préalable sur un article décrété, mais je ne m'en prévaudrai pas. Je lui répondrai que nous n'avons pas parlé du tribunal d'appel, parce que l'Assemblée ne l'a pas encore désigné pour les tribunaux de commerce.
Je réponds ensuite que vous ne pouvez ôter à ces tribunaux la compétence que vous leur avez accordée sur les affaires de commerce. Je demande que l'article déjà décrété soit maintenu.
Les opérations des agents et courtiers de change peuvent donner lieu à des actions en faux, a des actions criminelles. Gr, je demande à M. le rapporteur de m'expliquer comment on pourra poursuivre le faux dans un tribunal où il n'y a ni commissaire du roi, ni accusateur public. D'après cela, je me borne à demander la question préalable.
L'article est dangereux en ce qu'il en résulte, en faveur des tribunaux
de commerce dont les magistrats sont plutôt des arbitres que des juges,
l'attribution de plusieurs matières de police et de finance qui ne
peuvent être de leur compétence ; toute disposition est d'ailleurs
inutile à cet égard, car les contestations qui pourront s'élever seront
portées en vertu des décrets que vous avez déjà rendus soit aux juges de
paix, soit aux tribunaux ordinaires, c'est-à-dire devant le tribunal qui
a le droit d'-en
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article 17 du comité.)
au nom des comités de la marine, militaire et des colonies. Messieurs, vous avez chargé vos comités de la marine, militaire et des colonies de vous rendre compte des troubles qui ont agité la colonie de la Martinique. Depuis le commencement de la Révolution, cette malheureuse colonie était divisée en deux partis. D'un côté les cultivateurs, de l'autre les habitants des villes prirent les armes. En vain l'intérêt général les invitait à la paix, à l'union. La diversité des opinions se manifesta, les esprits s'exaltèrent. Bientôt chacun ne reconnut de véritables amis de la liberté que dans son parti, et dans l'autre que les ennemis de la Constitution. Bientôt tous les individus furent entraînés à la guerre civile, les uns par la chaleur des opinions, les autres par des suggestions et des promesses insidieuses constatées dans les interrogatoires subis par quelques prisonniers.
Aussi les citoyens, marchant dans le sentier de l'erreur, croyaient marcher dans celui de la liberté qu'ils n'avaient jamais connue. C'est dans cet état de choses que le régiment de la Martinique, croyant voir dans ses chefs les ennemis deia liberté, les abandonna et s'empara du Fort-Bourbon et du Fort-Royal.
Pour prévenir les dangers auxquels était exposée cette colonie précieuse par sa position qui la rend le boulevard de toutes les Antilles, vous adoptâtes les mesures prescrites par votre comité colonial. Des commissaires pacificateurs et 6,000 hommes ont été envoyés dans la Martinique, les premiers pour porter à leurs frères des colonies le rameau d'olivier, et les derniers pour protéger les citoyens et assurer l'exécution des lois.
Au moment de l'insurrection du régiment de la Martinique, M. de Damas opposa la force des citoyens armés aux individus qui tenaient les forts. 116 hommes de ce dernier parti ont été pris, les armes à la main, savoir: du régiment de la Martinique, 66; de celui de la Guadeloupe, 8; artillerie des colonies, 2; matelots et soldats de la marine, 40.
Le sieur de Damas, voyant que cette colonie était privée de tout commerce, que la disette des subsistances s'était fait sentir, se détermina à faire partir, pour la France, ces prisonniers dont la présence pouvait devenir nuisible. En conséquence, il fit embarquer ces 116 prisonniers, ainsi que 4 matelots et soldats de marine, sur un vaisseau commandé par le sieur de Rivière, chef de division, en station à la Martinique.
Le 2 février, le navire prit terre et toucha au port de Saint-Malo, où les prisonniers ont été débarqués. Les uns ont été conduits à l'hôpital à cause de maladie, et les autres dans les prisons du château, par les ordres du commandant du port, qui sollicite les ordres de l'Assemblée nation aie sur le sort de ces prisonniers.
Vos comités réunis ont été unanimement d'avis que les prisonniers devaient être tenus en état d'arrestation jusqu'au rapport des commissaires. En conséquence, j'ai l'honneur de vous proposer le projet de décret suivant.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de la marine, militaire et des colonies, décrète :
« Que les matelots, soldats et particuliers arrêtés les armes à la main, et conduits de la Martinique dans les prisons du château de Saint-Malo, seront mis seulement en état d'arrestation; en conséquence décrète que le roi sera prié de renvoyer les matelots à leurs quartiers, les soldats dans une citadelle, et les particuliers dans la ville de Saint-Malo, où ils recevront la ration :
« Le tout, jusqu'à ce que, sur le rapport qui sera fait par les commissaires qui ont été envoyés aux îles du Vent, il ait été ultérieurement statué par l'Assemblée. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité militaire sur Les fournitures de l'armée (1).
rapporteur. Messieurs, j'ai eu l'honneur de vous présenter, il y a 3 semaines, un rapport sur les fournitures de l'armée et un projet de décret en 8 articles, dont vous avez adopté les 2 premiers (1). Par ce vote, vous avez décrété le principe que les fournitures de toute espèce,pour le service ordinaire de l'armée duns ses garnisons et quartiers, seront faites par entreprises, au rabais.
Il s'agit maintenant de statuer spécialement sur les fournitures de vivres et de fourrages pour lesquelles nous vous proposons des exceptions. Il a paru à votre comité militaire, et le bon sens naturel le dit également, qu'il est impossible de se confier à des entreprises momentanées dont le succès serait incertain. Votre comité vous propose donc d'autoriser le ministre de la guerre à confier à deux compagnies séparées, l'une pour les vivres, l'autre pour les fourrages, le soin de ces fournitures.
D'ailleurs, pour faciliter la délibération, il serait peut-être bon de diviser la matière de cet article et d'opiner séparément sur les vivres et les fourrages.
Voici le texte de notre troisième article :
« Sont exceptées des présentes dispositions des articles 1 et 2, les fournitures des vivres et des fourrages, qui pourront être confiées, par le ministre de la guerre, à des compagnies séparées, composées chacune des personnes qu'il croira les plus capables de bien remplir l'un ou l'autre service. »
(de Saint-Jean-d'Angély). Dans ce cas, il faut qu'il y ait deux régies séparées.
Je sais que les vues du comité militaire ont tendu à donner les entreprises des vivres et fourrages à des compagnies distinctes et séparées. Néanmoins il y a uue observation importante à faire; il résulte de cette séparation un inconvénient sensible; c'est qu'étant obligés d'avoir des agents doubles, les frais seront, sinon doubles, au moins fort augmentés.
J'y vois de plus l'inconvénient de faire connaître davantage les opérations relatives à la guerre. Car il est évident que s'il n'y a qu'une entreprise et un entrepreneur, le ministre est forcé de ne s'ouvrir qu'à un agent, tandis qu'il est obligé de s'ouvrir à deux, lorsqu'il y a deux compagnies.
D'après cela, Monsieur le Président, mon opinion n'est pas qu'il y ait
deux compagnies distinctes ou réunies. Je demande, au contraire, par
amendement, que l'on n'impose point au ministre de la
Il n'y a aucun inconvénient à charger de la fourniture des fourrages, en temps de paix, les différents régiments de troupes à cheval. D'abord, il n'en coûte rien à l'Etat, il n'y a point d'entrepreneurs à payer, et les conseils d'administration sont fort accoutumés à fournir des fourrages à leurs régiments.
Je m'oppose à la motion de M. d'Aremberg; il faut que le soldat puisse se plaindre des fournisseurs salariés, mais il ne faut point qu'il ait des démêlés d'intérêts pécuniaires avec ses officiers.
Je demande la priorité pour le projet de M. de Broglie; et je me ronde sur les raisons décisives qu'il en a données.
J'observe au reste que par delà l'exception que porte l'article, tout Je reste est purement administratif; que par conséquent Ja latitude Ja plus absolue doit être donnée au ministre. Nous ne devons faire que des lois générales. Nous avons dû lui dire : vous mettrez en adjudication, en temps de paix, toutes les fournitures de la guerre; maintenant les vivres et fourrages sont une exception, et vous pourrez les mettre en régie. Voilà ma raison principale pour demander qu'on aille aux voix sur la proposition de M. de Broglie.
Je n'ai pas demandé la parole pour appuyer la motion de M. Le Chapelier et de M. de Broglie, mais bien pour la combattre. En général, je n'aime pas à me mêler de toute espèce d'administration; cependant je crois devoir présenter à l'Assemblée les motifs d'après lesquels le comité militaire s'est déterminé dans cette disposition.
Le ministre de la guerre avait témoigné le désir qu'il n'y eût qu'une seule compagnie pour les vivres et fourrages; mais nous avons su qu'il n'y avait qu'une compagnie aujourd'hui existante qui pût se charger d'une fourniture aussi considérable que celle-là. Nous avons senti que dès lors elle serait maîtresse de l'adjudication, rt qu'il en résulterait un désavantage immense pour la nation.
La première idée qui s'est présentée au comité a été celle de faire diminuer les prix en établissant une concurrence non seulement pour les vivres, mais même pour les fourrages. Si l'Assemblée décrète qu'il n'y aura qu'une compagnie de vivres et de fourrages, elle n'a qu'à dire simplement qu'elle veut la donner aux agents actuels qui sont connus, qui sont dans le bureau de la guerre. Ils vous feront la loi, et ils auront un très grand marché.
Je mets aux voix l'amendement de M. de Broglie, qui consiste à substituer, dans l'article 3, aux mots : « à des compagnies séparées », ceux-ci : « à une ou plusieurs compagnies ».
(Cet amendement est adopté.)
rapporteur. Voici comment on pourrait rediger l'article avec l'amendement de M. de Broglie, quoique ce ne soit pas mon opinion de l'adopter :
Art. 3.
« Sont exceptées des précédentes dispositions des articles 1 et 2, les fournitures des vivres et des fourrages, qui pourront être confiées par le ministre de la guerre à une ou plusieurs compagnies, composées chacune des personnes qu'il croira les plus capables de bien remplir l'un ou l'autre service. (Adopté.)
rapporteur, donne lecture des articles suivants :
Art. 4.
« Dans le cas où le ministre de la guerre jugerait à propos de confier la fourniture, soit des vivres, soit des fourrages, à des compagnies de son choix, le prix de l'entreprise sera nécessairement fixé par le prix commun de chaque espèce de denrées, pendant les mois de novembre, décembre, janvier, février et mars. » (Adopté.)
Art. 5.
« Le prix sera constaté d'après les états que les directoires de département enverront, tous les quinze jours, au ministre, du prix des différentes espèces de denrées, dans tous les marchés de leur département. » (Adopté.)
Art. 6.
« Le ministre pourra convenir, avec les entrepreneurs des vivres et des fourrages, de toute autre stipulation qu'il croira juste et convenable pour l'intérêt respectif des parties contractantes. » (Adopté.)
Un membre propose l'article additionnel suivant :
« Les régies, s'il en est formé, seront des régies simples et appointées, sans aucune rétribution. Aucune dépense ne sera allouée, qu'elle ne soit justifiée par des pièces authentiques; et le compte en sera rendu public par la voie de l'impression. »
Plusieurs membres réclament la question préalable contre cette disposition.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article additionnel).
rapporteur, donne lecture des articles 7 et 8 du projet, qui sont ainsi conçus :
Art. 7.
« Les traités pour les fournitures des vivres et fourrages, et pour toute autre fourniture militaire, seront imprimés. Les seules clauses dont le public aura eu connaissance par la voie de l'impression, seront obligatoires pour l'Etat. » (Adopté.)
Art. 8.
« Les traités seront d'ailleurs religieusement observés de part et d'autre, et ne pourront être rescindés ou annulés pendant le temps fixé pour leur durée, que pour les causes et parles formes de droit.» (Adopté.)
annonce l'ordre du jour de la séance de demain qu'il rappelle devoir être ouverte à quatre heures de l'après-midi.
Messieurs,lorsque
au nom du comité diplomatique. Le comité diplomatique a bien les pièces nécessaires pour rendre compte de ce qui est arrivé à Avignon, si l'Assemblée nationale ne veut rendre qu'un décret pareil à celui qu'elle a rendu il y a 3 ou 4 mois; mais si l'Assemblée nationale veut décider définitivement sur la pétition d'Avignon, le comité diplomatique n'a pas encore toutes les pièces nécessaires pour cela. Voilà ce qui a arrêté son rapport.
J'ai été nommé rapporteur du comité. Je m'occupe à faire toutes les recherches possibles, soit à la bibliothèque du roi, soit ailleurs, pour tout ce qui concerne l'historique d'Avignon, et mettre l'Assemblée en état de prononcer.
J'observe à l'Assemblée que si M. de La Tour-Maubourg avait voulu entrer dans le détail des faits qui ont motivé sa demande, il vous aurait convaincu que vous n'avez pas un moment à perdre pour prévenir les plus grands désordres, non seulement à Avignon et dans le Comtat, mais encore dans les départements méridionaux de la France. Il vous aurait dit que le parti opposé à la majorité du Gomtat et d'Avignon qui demande la réunion, a fait une incursion sur les patriotes, et que déjà les maires de plusieurs communes qui ont voté la réunion, que les patriotes les plus distingués du Gomtat et d'Avignon, et les plus attachés à la Révolution française, sont égorgés.
Il vous aurait dit que les départements voisins prenaient fait et cause dans cette querelle ; que d'un côté, ceux qui agissent sous les ordres du directoire du département de la Drôme volent au secours du parti anti-révolutionnaire d'Avignon et du Gomtat ; et que de l'autre le département des Bouches-du-Rhône est disposé et a fait tous les préparatifs nécessaires pour voler au secours des patriotes du Gomtat et d'Avignon. Il vous aurait dit que déjà un grand nombre de citoyens, de fonctionnaires publics, de gardes nationales du département des Bouches-du-Rhône sont à Avignon; que les maires, et en particulier le maire d'Arles, ont juré à Avignon de venger l'assassinat commis dans la personne des patriotes avignonais et contadins, dont ils regardent la cause comme liée à celle de la Révolution française.
Je puis dire que le rapport est prêt depuis 3 mois ; depuis 3 mois, vous savez tout ce que vous pouvez savoir. La pétition des Avignonais vous avait été développée dans 2 rapports faits, l'un par M. Tronchet, et l'autre par M. Pétion. La réunion est appuyée par tous les moyens du droit positif et du droit des gens. Si l'on veut bien se reporter à cette époque, on se rappellera que l'Assemblée avait une conviction profonde de la justice de cette pétition.
C'est à vous à juger, Messieurs, d'après ces faits, qui ne peuvent point être démentis, qui sont constatés par des lettres qui arrivent tous les jours de ces contrées, s'il est possible que l'on diffère sous prétexte qu'il faudrait rechercher dans la bibliothèque du roi l'historique d'Avignon. Est-il quelqu'un qui ne sache, sans fouiller une bibliothèque, tout ce qu'il faut savoir sur les rapports des Avignonais avec la France? Est-il quelqu'un qui ne connaisse les pétitions des communes de ce pays, appuyées par les départements voisins? A-t-on oublié que les députés de la ci-devant Provence étaient chargés par leurs mandats de solliciter la réunion du Comtat.
Je demande, au nom du salut public, et pour éviter l'effusion du sang français, que le rapport soit fait incessamment; et certes, si vous vouliez écouter tout ce que vous dicte l'intérêt public, dans ce moment même vous concluriez de tous les moyens qui vous ont été présentés dans les 2 rapports précédents, que cette cause est déjà éclaircie à vos yeux; et vous prononceriez sur-le-champ la réunion d'Avignon et du Gomtat Ve-naissin a la France. (Murmures ; applaudissements dans les tribunes.)
au nom du comité diplomatique. 11 y a deux moyens d'opérer la réunion d'Avignon et du Comtat Venaissin. Un de ces moyens est de prouver que le Gomtat et la ville d'Avignon ne sont qu'un domaine engagé au pape, et de celle manière, il doit être réuni à la France, comme tous les autres domaines qui ont été engagés à différents particuliers.
En outre, il y a un autre moyen, qui est celui du vœu présenté par Avignon et le Gomtat. C'est sur ce second moyen que j'ai dit à l'Assemblée nationale que nous n'avions pas encore toutes les pièces nécessaires ; et, puisqu'on me force de le dire ici, sur environ 60 et quelques communautés qui composent le Comtat Venaissin, il n'y en a que 28 qui aient fait passer leur vœu en laveur de la réunion.
C'est la majorité.
Personne n'est plus empressé que moi de faire ce rapport, car je déclare que, dans mon opinion particulière, je crois qu'il n'y a que la réunion qui puisse sauver non seulement le Gomtat et Avignon, mais les départements voisins. Pour la motiver, il nous faut des pièces légales, et on nous les fait espérer cette semaine; je l'ai entendu dire à quelques députés de Provence et aux députés extraordinaires. Cependant si l'Assemblée nationale croit que les circonstances sont assez pressantes pour faire le rapport sur cette affaire, je suis tout prêt à le faire.
Si en 3 mois ou n'a pas pu réunir les pièces nécessaires, je ne sais pas
combien de temps il faudra pour y parvenir. Cependant tout vous engage à
vous occuper promptement d'un objet aussi pressant. Je n'aurais pas pu
vous donner tous les détails que vous a donnés M. Robespierre sur
l'affaire d'Avignon, parce que je n'ai point vu les pièces originales;
je sais seulement qu'à différentes époques, il y a eu des citoyens
égorgés, et que le pays se ruine et se dépeuple journellement. , je
voulais ajouter que la ville d'Avignon a décrété, pour tout le temps des
troubles, une force
J'ai à répondre encore que, lorsqu'on a désigné le département de la Drôme, comme voulant soutenir ceux qui s'opposent à la réunion, on n'est pas, je crois, bien instruit de ses dispositions. Ce département est tout autant attaché que celui des Bouches-du-Rhône, à la Révolution française. Lorsqu'il a envoyé des gardes nationales à Car-pentras, ce qui était en effet une mesure inconstitutionnelle, c'était seulement pour [arrêter l'effusion du sang; et quelque improuvée qu'ait été cetie démarche, le département de la Drôme ne peut pas s'en repentir, puisque 50 hommes de cette garde nationale ont peut-être empêché la dévastation d'une grande ville. Si ce département fait en ce moment marcher des gardes nationales, je l'ignore; mais je suis sûr que les troupes seraient destinées à protéger également la vie de ceux qui sont et de ceux qui ne sont pas patriotes.
Je ne demande pas qu'on fasse un rapport précipité sur le fond de l'affaire. Je demande pour le moment que les comités diplomatiques et d'Avignon réunis vous proposent, mardi prochain, des mesures pour rétablir la paix dans ce pays-là; et j'observe qu'il ne faut point y envoyer des troupes comme l'autre fois.
Si vous envoyez encore des troupes, elles se perdront : il n'y a pas d'autre parti à prendre que de prononcer la réunion, sans attendre l'arrivée de toutes les pièces.
Messieurs, toutes les pièces nécessaires pour avoir le rapport sur le Comtat Ve-naissin et Avignon existent, et voici comment : Vous avez entendu M. de Menou vous dire qu'il avait 28 délibérations de communautés de ce pays-là. Il en existe environ 39 ou 40 qui se sont égarées, je ne sais pas comment; mais on les retrouvera. Toujours est-il que ces 28 délibérations donnent un nombre de 1,400 individus en sus de la moitié de ceux qui composent les habitants du Comtat; etcertainementtoutes les délibérations des communes du pays Venaissin seraient actuellement entre les mains du rapporteur, si les aristocrates du pays (Rires.), je veux dire si les gens d'église et la noblesse n'empêchaient le peuple d'élever la voix. Le peuple, dans ce pays-là, veut être français ; mais le peuple a été désarmé, mais les gens d'église l'excommunient et lui annoncent l'enfer.
Voici un fait, Messieurs, bien capable de hâter votre détermination. Je viens dans le moment de lire une lettre officielle, écrite aux députés d'Avignon, dans laquelle on leur marque qu'à la suite d'une instruction pastorale de l'abominable évê-que de Vaison, instruction pastorale dans laquelle ce prêtre sacrilège parle PÉvangiie d'une main, et le poignard de l'autre, à la suite, dis-je, de cette instruction pastorale il y a eu un massacre de patriotes; 8 ou 10 d'entre eux ont été hachés par morceaux. A la suite de cet assassinat, l'évêque de Vaison a fait chanter un Te Deurn pour remercier Dieu. (Murmures d'horreur à gauche ; mouvement à droite.)
Une partie du peuple séduite par les gens d'église de ce pays que le ciel, dans sa colère, a jetés sur cette terre malheureuse, à la suite de cet assassinat et de cette prière, a été danser autour de ces morceaux couverts de sang et de boue, et encore palpitants. (Murmures à gauche.) Voilà, Messieurs, l'effet d'une instruction pastorale.
Dans ces circonstances, il n'était guère possible aux départements voisins de ne pas connaître de cette querelle. Les uns se sont armés pour, les autres contre les patriotes. Hé! Messieurs, si vous ne hâtez votre détermination, vous ne verrez-point dans le Midi une guerre civile, non, vous n'en verrez pas, mais vous verrez tout le Comtat inondé de sang; vous verrez tous vos département voisins dans un désordre affreux, par l'effet de l'incendie et du brigandage qui couvrira le Comtat. Oui, vos départements voisins vont être infestés par tous les brigands qui, dans ce moment-ci, composent l'armée papale, qui se débanderont et exerceront dans les pays voisins le meurtre et le pillage.
Il vous a été fait deux rapports : le premier concluait à la réunion d'Avignon et du Comtat Venaissin ; le second concluait à la même chose, sauf à négocier avec le pape pour une indemnité, s'il y a lieu. On a publié des ouvrages très bien faits. On a lu ici deux discours excellents. Que viendra vous apprendre un nouveau rapport? Rien, Messieurs. Tant de mémoires qui vous ont été distribués, tant d'instructions qui ont passé sous vos yeux, tant de rapports si bien faits, tant d'opinions si bien prononcées, peuvent-ils, vous laisser quelque chose à désirer!
Messieurs, au nom de la paix publique, au nom de la paix de la France, au nom de la tranquillité de nos départements du Midi, décidez cette question, et décidez-la le plus tôt qu'il sera possible.
Le Comtat Venaissin est un dépôt : Avignon n'est qu'un engagement. Comme législateurs, un peuple libre vient librement à vous. Son voeu vous est exprimé : il ne manque que votre décret, et je vous le demande. (Applaudissements prolongés.)
Je fais la motion que M. Bouche remette sur le bureau la lettre qu'il vient de citer, parce qu'il n'est pas vrai que l'évêque de Vaison ait fait chanter un Te Beum après l'assassinat qu'il vient de rapporter.
Je Vais mettre aux voix la proposition de M. de La Tour-Maubourg.
J'appuie la motion de M. l'abbé de Bruges.
(L'Assemblée décrète que l'affaire concernant la réunion à la France d'Avignon et du Comtat Venaissin, sera mise à l'ordre du jour de mardi prochain.)
lève la séance à neuf heures.
Séance du
La séance est ouverte à quatre heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
Messieurs, le 6e article du décret que vous avez rendu hier sur les fournitures de vivres et de fourrages à l'armée ouvre la porte à plusieurs abus. Il laisse le ministre maître de donner des indemnités En conséquence, j'ai à vous proposer un article additionnel qui laisse subsister l'article 6 tel qu'il est, mais qui vous mettra à même de découvrir les friponneries et les fripons.
Le voici :
« Le ministre fera imprimer, à la suite du marché, les détails élémentaires des dépenses qui auront déterminé les prix totaux des stipulations particulières, comparées avec celles des anciens traités, et les détails seront certifiés véritables par le ministre. »
Plusieurs membres : Renvoyez au comité 1
(L'Assemblée décrète le renvoi de la motion de M. Bouche au comité militaire pour en rendre compte incessamment.)
En attendant que l'Assemblée soit plus nombreuse, je vais, si vous le trouvez bon, vous faire part de quelques dépêches qui m'ont été adressées. (Marques d'assentiment.)
M. Houdon, sculpteur, fait hommage à l'Assemblée du buste de Mirabeau. (Vifs applaudissements.) Voici la lettre qui accompagne son envoi :
« Monsieur le Président, pénétré comme tous les bons citoyens de l'immense perte que la patrie vient d'éprouver, je me suis empressé de mettre à profit les moyens que j'avais pour faire le buste de M. de Mirabeau. Appelé, une demi-heure après sa mort, pour lui mouler la physionomie, aidé et de conseils et de ma mémoire, j'ose me flatter de m'être approché le plus possible de la ressemblance. Consacrer mon ciseau aux grands hommes qui ont servi et illustré ma patrie, telle a été mon ambition constante; la récompense de mes travaux est l'estime de mes concitoyens. Dans ce moment, cependant, j'en sollicite une plus précieuse encore et qui me serait bien chère, c'est la permission d'offrir aux illustres représentants de la nation le premier exemplaire du buste de leur digne collègue dont ils ont tant honoré la mémoire. Si mon voeu a votre approbation, monsieur le Président, j'ose me flatter que vous daignerez vous charger de faire agréer, aux régénérateurs de l'Empire français, l'image du grand homme que nous regrettons tous. (Vifs applaudissements.)
« Je suis, etc. »
Signé : HOUDON.
(L'Assemblée accepte l'offre de M. Houdon et ordonne qu'il en sera fait
une mention honorable dans son procès-verbal).
donne lecture d'une lettre de M. Fenouillot de Falbaire, contenant des réclamations relatives à une indemnité qu'il prétend lui être due par le gouvernement, lequel ra dépossédé, dit-il, sans motif raisonnable, de sa place d'inspecteur général des salines.
(L'Assemblée renvoie cette lettre aux comités des finances et des pensions.)
donne lecture d'une lettre du procureur général syndic et d'une adresse des administrateurs composant le directoire du département de Seine-et-Oise,
Cette dernière adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, chargé de maintenir la constitution, et de faire exécuter les lois, mais sans cesse entouré de ses serviteurs, de ses domestiques, comment un monarque, avec les intentions les plus pures, pourra-t-il se défendre des séductions de ceux qui l'environnent, s'ils sont ennemis de la chose publique, et réfractaires à la loi? Gomment conserver a-t-il dans toute son intégrité une Constitution dont ses serviteurs méditent en secret l'anéantissement ?
« Les événements actuels ne prouvent que trop àïquels dangers la nation peut se voir exposée par l'influence des serviteurs malintentionnés qui obsèdent le roi et usurpent sa confiance.
« Le département de Seine-et-Oise, convaincu qu'il importe essentiellement au maintien de la Constitution de garantir le roi de la séduction de ceux qui l'environnent et de ne confier la garde et le service du chef suprême du pouvoir exécutif, qu'à des hommes soumis aux lois de l'Etat; supplie l'Assemblée nationale de décréter consti-tutionnellement que tout serviteur et domestique du roi, de la reine, et de l'héritier présomptif du trône, de quelque nature que soient ses fonctions, sera tenu de prêter, dès à présent, serment de maintenir de tout son pouvoir la constitution du royaume;et les ecclésiastiques, de maintenir spécialement la constitution civile du clergé. » (Applaudissements d gauche et dans les tribunes.)
« Signé : Les administrateurs composant le directoire du département de Seine-et-Oise. »
(Cette lettre et celte adresse sont renvoyées au comité de Constitution.)
fait lecture :
1° D'une lettre de M. Potin de Vauvineux qui, ayant offert, il y a quelque temps, d'établir un bureau pour escompter les assignats moyennant une faible rétribution, réitère ses offres à l'Assemblée, en avertissant qu'il sera obligé d'augmenter de quelque chose cette rétribution pour pouvoir établir dans Paris cinquante bureaux, ce qui facilitera beaucoup l'écnange des assignats.
(Cette lettre est renvoyée au comité des finances.)
2° D'une lettre de M. Noé, médecin-accoucheur, qui demande que l'Assemblée fasse imprimer son ouvrage sur les accouchements contre nature, ouvrage dont il fait hommage à l'Assemblée.
(Cette lettre est renvoyée au comité de salubrité.)
Je demande l'impression de cet ouvrage par ordre de l'Assemblée ; car si vous le renvoyez purement et simplement au comité de salubrité, vous n'en entendrez pas parler d'un mois.
On ne peut pas faire imprimer l'ouvrage sans le connaître; or l'Assemblée ne peut connaître le mérite de l'ouvrage que par le rapport d'un de ses comités.
(L'Assemblée confirme le renvoi de la lettre de M. Noé au comité de salubrité.)
Un de MM. les secrétaires annonce que M. Rousseau, citoyen français, fait hommage à l'assemblée d'une ode qu'il a composée en l'honneur de Mirabeau.
au nom du comité des domaines. Messieurs, un délit très considérable a été commis dans la forêt nationale de Noyon : environ 5,000 pieds d'arbres ont été saccagés. Il est vérifié que le délit a été commis sur les ordres du garde-marteau de la maîtrise de Noyon.
Aussitôt que les autres officiers de la maîtrise ont été instruits de ce fait par différentes municipalités voisines, ils se sont rendus sur les lieux et ont constaté le fait en présence des officiers de ces municipalités et du garde-marteau lui-même, qni a avoué que véritablement il avait donné les ordres pour faire abattre et qu'il avait été chargé de le faire par les administrateurs du district de Noyon.
Il est vrai, cependant, Messieurs, que la presque totalité de ces arbres n'était point mauvaise, qu'au contraire ils sont de la plus belle venue, et que plusieurs même ont depuis 3 jusqu'à 7 pieds de tour. L'observation, Messieurs, en a été faite au garde-marteau, qui n'a pu se refuser de rendre hommage à la vérité. Il est très vraisemblable que les administrateurs du district de Noyon sont mal à propos accufés d'un fait qui ne serait, de leur part, qu'un abus très condamnable de leurs fonctions, car il est certain que s'ils ont un droit de surveillance sur les forêts, ils n'ont aucun droit d'administration sur les mêmes biens.
Le comité des domaine?, consulté à ce sujet par les officiers de la maîtrise de Noyon, a pensé qu'il était nécessaire de saisir sur-le-champ les bois coupés en délit, et de dénoncer à l'accusateur public un délit de cette importance. En conséquence, pour empêcher, Messieurs, que l'activité des poursuites, nécessaires dans une occasion aussi majeure, ne fût interceptée, votre comité des domaines vous propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité des domaines, d'un délit considérable commis dans des bois nationaux situés dans le district de Noyon, et ci-devant dépendant de l'évêché, du chapitre et de l'abbaye de cette ville ;
« Décrète que son Président se retirera dans le jour par-devers le roi, à l'effet de le supplier de donner, sur-le-champ, à son commissaire près du tribunal de Noyon, les ordres nécessaires pour requérir l'exécution de la loi, et la condamnation des peines qu'elle prononce contre tous les auteurs ou complices du délit constaté par le pro-cès-verbal des officiers de la maîtrise de Noyon, du 15 avril présent mois, même contre toutes personnes qui, sous prétexte d'administration ou autrement, auraient participé audit délit. »
(Ce décret est adopté.)
fait lecture d'une lettre des membres du tribunal de disti'ict de Bastia, département delà Corse, qui assurent l'Assemblée de leur
soumission et de leur amour pour la Constitution française.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Appelés par le vœu de nos concitoyens aux « devoirs de l'administration de la justice, nous « ne pouvons mieux commencer nos travaux « qu'en vous adressant les hommages solennels « de notre parfaite adhésion à vos décrets. Pleins « d'admiration pour la sagesse des lois que vous « venez de donner à la France, après avoir assuré « la liberté par une Constitution qui fera à jamais « votre gloire, nous ne cesserons d'aimer, de « chérir, de respecter cette Constitution. Elle est « puisée dans la nature, elle fait révérer les droits e sacrés de l'homme ; mais en lui rappelant en « même temps ses devoirs envers la société, « elle lui fait sentir cjue, s'il n'y a pas de vrai « bonheur sans liberté, il n'y a point de vraie li-« berté sans lois.
« Nous sommes, etc...
au nom du comité de Constitution. Messieurs, plusieurs personnes ont demandé avec empressement le relevé des articles décrétés sur la régence et sur la garde du roi mineur et sur la résidence des fonctionnaires publics. S'il ne s'agissait que de relire les articles décrétés, parce qu'il n'aurait été question que de quelques rédactionsouderaccorderquelques amendements, il y a longtemps, Messieurs, que cette partie de travail vous aurait été présentée, mais l'Assemblée se rappellera parfaitement que les décrets sont restés incomplets quant à leur fond même.
Plusieurs dispositions ont été renvoyées au comité, notamment six articles relatifs à la formation d'un mode de composition du corps électoral, dans le cas de la régence élective. Ainsi ce n'était pas la relue des articles, comme définitivement décrétés, qu'il s'agissait de demander; mais que l'Assemblée remit à l'ordre du jour la matière pour décréter les articles nouveaux.
Le comité n'a pas pressé la reprise de cette matière, parce qu'au moment où elle a été décrétée, elle ne présentait aucun intérêt instant, et que c'était seulement une partie de décrets constitutionnels à arrêter pour composer le code de la Constitution : et, comme il l'a pratiqué plusieurs fois avec l'agrément de l'Assemblée, et un grand succès pour le travail, il avait suspendu cet achèvement ultérieur pour s'occuper de plusieurs autres parties importantes à l'accélération du travail des séances.
Véritablement, Messieurs, pour entrer dans votre juste désir d'accélérer la fin de la Constitution, et pour préparer à la suite de vos séances un fond certain de matières, il s'est livré exclusivement à mettre la dernière main aux deux seules parties importantes de travaux qui vous restent à faire : l'organisation complète et détaillée des corps administratifs et du Gode pénal.
Une de ces parties de la rédaction de laquelle j'ai été particulièrement
chargée est à l'impression, quant aux articles; et je m'occupe
maintenant du rapport sur l'autre partie : Le tout mis à l'impression va
vous être distribué. Mais pendant que vos délibérations se pressent sur
des objets constitutionnels, pendant que nous prenons plaisir à
redoubler d'efforts pour suivre la célérité de votre marche, nous
éprouvons que notre zèle, trompé par l'épuisement de nos forces
physiques ne suffit pas pour faire dans le même espace de temps la même
somme de travail que nous au-
Cependant je dirai avec satisfaction personnelle, et je crois que l'Assemblée l'entendra avec le même sentiment, que la carrière de nos travaux préparatoires est à peu prés terminée, si l'on en excepte le triage, le choix des dispositions vraiment constitutionnelles pour lesquelles vous aYez nommé un comité de revision dont nous sommes membres.
Quant à l'objet qui a été poursuivi, voici, Mes-sieuis, les articles qui, dès le second jour qui a suivi vos délibérations, ont été mis définitivement en état de vous être lus; je les lirai, si l'Assemblée le veut ; mais j'ai l'honneur de lui observer qu'elle n'en sera pas plus avancée, parce que le décret restera incomplet tant qu'il n'aura pas été fait de décret ultérieur sur une des principales parties renvoyées au comité. Voici déjà les articles projetés par moi définitivement ; mais ils ne sont pas connus, ils n'ont pas été distribués, la matière n'est pas même à l'ordre du jour.
Sous ce rapport nouveau de décret à faire, j'ajouterai, et je le dois, que le comité n'a pas délibéré sur le projet qui m'est personnel-tSi l'Assemblée veut permettre que nous ne suspendions pas notre travail, je crois que la semaine ne se passera pas sans que nous soyons en état de le soumettre à la délibération, et de lui rapporter aussi les nouveaux articles. (Applaudissements.)
Je prie, en conséquence, l'Assemblée de passer en ce moment à l'ordre du jour.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ordre du jour.)
au nom du comité de Constitution, fait un rapport sur les contestations qui se sont élevées dans le département de l'Hérault, sur le ressort des 3 tribunaux de commerce établis dans le district de Béziers, et a présenté le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité de Constitution, décrète :
« Que le tribunal de commerce de Béziers aura pour ressort les cantons de Béziers, Capestan, Cazouls, Murvieil, Magalas et Servian;
« Que le territoire du tribunal de commerce de Pézenas s'étendra sur les cantons de Pézenas, Montagnac, Fontez, Roujao, le Poujot et Béda-rieux ;
« Que les cantons d'Agde, Mèze et Florensac, ressortiront au tribunal qui doit être établi dans la ville d'Agde, en remplacement du siège de l'amirauté ;
« Que l'alternat, convenu par les députés du département entre les villes de Béziers et Pézenas, n'aura pas lieu. » (Ce décret est adopté.)
Je dois faire part à l'Assemblée d'une lettre qui vient de m'être remise; elle est signée Beaumont, citoyen d'Avignon. La voici :
« Monsieur le Président, « Je viens d'apprendre, par les papiers publics, que, dans la dénonciation faite hier soir à l'Assemblée nationale des malheurs arrivés dans la ville de Vaison, on y a représenté mon frère, évêque de cette ville, comme les ayant excités par sa présence. Il m'est impossible de ne pas repousser une inculpation aussi calomnieuse. La prudence que mon frère a montrée depuis les troubles de ce malheureux pays, et son caractère me sont un sûr garant (Murmures.) qu'il ne peut s'être rendu coupable d'un fanatisme aussi atroce. J'ai la certitude qu'il est depuis un mois, à Borcas, asile que sa sûreté personnelle ne lui a pas permis de quitter, et où il a été appelé par le vœu unanime des habitants. »
« Je vous prie, Monsieur le Président, de communiquer cette lettre à l'Assemblée. « Je suis avec respect, etc...
« Signé : BEAUMONT. »
L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les moyens d'appliquer au corps actuel de la marine les décrets relatifs à Vorganisation de ce corps.
au nom du comité de la ma-rine( 1). Messieurs, l'Assemblée nationale vient de prononcer le décret qui fixe l'organisation de la marine française. Dans sa sagesse, eUe a combiné l'impérieuse nécessité d'entretenir sur les mers une force publique redoutable et le plus saint de ses devoirs en abolissant les démarcations qui depuis si longtemps affligeaient la marine commerçante.
Vous devez maintenant terminer votre ouvrage, en faisant l'application du décret d'organisation au corps actuel de la marine; et votre comité vient vous proposer son travail relativement à cet objet.
11 ne vous cachera point, Messieurs, combien il est douloureusement affecté d'être obligé de vous proposer quelques mesures, sans doute rigoureuses pour ceux qui seront compris dans les réformes, mais indispensables pour l'exécution des lois que vous avez décrétées.
Au moment de la régénération d'un grand Empire, les citoyens de tous les états doivent concourir également à ce grand travail ; les uns trouveront enfin le terme des injustices qu'ils ont éprouvées, les autres oublieront leurs prétentions pour rétablir l'harmonie; quelques individus auront des sacrifices pénibles à faire ; mais tous ensemble seconderont vos travaux; et les législateurs, impassibles comme les lois, doivent écarter les obstacles et terminer leur ouvrage.
Si vous jetez les yeux sur la liste des officiers généraux de la marine, vous y verrez une longue suite de citoyens vertueux, qui tous ont mérité la reconnaissance de la patrie par leurs longs et pénibles services. Mais, dans ce nombre, il eu est plusieurs qui ont payé leurs dettes à la patrie, et que leur grand âge et leurs infirmités mettent dans l'impossibilité d'être encore employés. C'est à ces braves vétérans, qui, pendant tant d'années, ont été les défenseurs et les exemples de la marine, que l'Etat doit à présent une retraite honorable et digne de la nation qui l'accorde. Mais, dans un Etat bien constitué, tous les officiers employés doivent être en état de servir; et c'est particulièrement dans le service pénible de la mer, que l'on a besoin d'officiers dans la force de leur âge, et en état d'en supporter les fatigues.
Votre comité croit de son devoir, en ce moment, de rappeler aux fonctionnaires publics qui peuvent, par leurs conseils, avoir quelque influence sur l'opinion du roi, que la nation ne veut dorénavant entretenir en activité que des officiers en état de la servir.
Cependant, Messieurs, malgré ce principe que nous venons d'établir, et
qui doit dorénavant
Jusqu'à présent, l'état général de la marine n'a jamais été déterminé. Les ministres, tout-puissants dans leurs départements, n'avaient aucune base, aucun régulateur dans leur conduite ; le nombre des officiers généraux, des capitaines, des lieutenants était arbitraire. Ils créaient de nouveaux grades; ils en réformaient d'anciens; et dans ce désordre politique, tout le monde était mécontent, parce que personne n'était jamais certain d'obtenir ce qui lui était légitimement dû, et que, le ministre étant despote lors même qu'il rendait justice, c'était une faveur qu'il fallait solliciter.
Ces formes ne nous conviennent plus ; la nation va donner ses ordres: chaque citoyen connaîtra ses devoirs, ce que l'on exige de lui ; et il est assuré de n'éprouver dorénavant aucune injustice.
Nous avons cru devoir vous proposer de supprimer le corps de la marine dans sa totalité, pour le recréer aussitôt suivant la nouvelle organisation que vous avez décrétée.
Cette disposition a été sévèrement attaquée dans la discussion d'un des membres de cette Assemblée : il prétend qu'elle tend à humilier le corps de la marine. Nous nous croyons dispensés d'être obligés de lui répondre et nous ne rappelons les réflexions qu'il a faites à cet égard, que pour trouver l'occasion de rendre au corps de la marine toute la justice qui lui est due; et il nous paraît inutile d'expliquer que cette suppression n'est qu'une affaire de forme, indispensable dans la circonstance.
Avant que votre comité ait fixé son opinion sur le nombre d'officiers de la marine qu'il vous propose d'entretenir, il a calculé le nombre de vaisseaux que l'Etat pouvait armer en temps de guerre ; et c'est d'après cette base que son travail a été arrêté. Ce nombre serait sans doute insuffisant, si nous n'avions pas les enseignes non en-trenus, employés sur les vaisseaux de commerce, qui compléteront nos armements en temps de guerre ; mais il est suffisant pour la paix, et ne laisse aucune inquiétude pour la guerre, parce qu'il est assez nombreux pour que, dans chaque vaisseau, on puisse y placer des officiers accoutumés aux évolutions navales et aux manœuvres guerrières.
C'est d'après ces réflexions que nous vous proposons de décréter que le corps entretenu de la marine de l'Etat sera dorénavant composé de :
3 amiraux,
9 vice-amiraux,
18 contre-amiraux,
180 capitaines de vaisseau,
800 lieutenants,
200 enseignes,
50 maîtres d'équipage entretenus,
50 maîtres-canonniers,
36 maîtres-charpentiers,
36 maîtres-calfats.
18 maîtres-voiliers.
Le nombre des enseignes non entretenus ne sera point fixé. Qu'il nous soit permis, Messieurs, de rappeler que c'est ce décret que vous avez prononcé, qui réunit la marine militaire et la marine commerçante, sans porter préjudice au bien du service, mais qui aura l'heureux effet de détruire cette rivalité, si destructive de l'harmonie et de la concorde qui doivent exister entre des citoyens.
Par une suite des sages dispositions que vous avez adoptées, dans le nombre des aspirants de la marine, vous avez décidé d'en entretenir 300, qui se renouvelleront chaque année par tiers. Non seulement vous avez eu en vue de pourvoir à l'instruction des jeunes marins qui se destinent au service militaire, mais la marine commerçante doit juger que vous vous êtes occupés d'elle dans cette disposition. En effet, quoique vous ayez décrété que tous les marins qui auraient quatre années de navigation seraient admis au concours, en supposant que le choix tombât sur ceux qui auraient été aspirants entretenus, le service de la marine n'exigeant chaque année qu'un remplacement de 30 à 40 sujets, il est de la dernière évidence que, sur 300 jeunes aspirants, il n'y en aura que 120 au plus qui passeront au service de l'Etat, et que les 180 autres reflueront dans ia marine commerçante, et y apporteront des connaissances et des talents.
Nous avons cru devoir vous proposer de supprimer la charge d'amiral de France : les droits qui lui étaient attribués ne peuvent plus être le partage d'un citoyen dans un pays libre. En effet ils étaient immenses. Chef de tous les tribunaux de l'amirauté, la justice se rendait en son nom. Tous les événements de la mer lui payaient un droit, et les infortunés échappés du naufrage lui devaient également un tribut. Les barbares qui avaient rédigé ce Code de lois monstrueuses avaient trouvé le secret d'imposer jusqu'au malheur. Pendant la guerre, toutes les lettres de marque lui payaient des redevances ; et sans jamais faire aucuns frais, il avait une part avantageuse dans toutes les prises. Les passeports pour les côtes maritimes étrangères, les droits d'ancrage dans les ports étaient également de sa compétence ; enfin, toutes les ordonnances de la marine avaient besoin de l'attache de M. l'amiral pour être exécutées.
La suppression de cette charge est un impôt cruel dont vous délivrez les marins : elle rapportait plus de 500,000 livres de rente à celui qui la possédait; et cette somme énorme était prélevée aux dépens des plus malheureux des navigateurs. En abolissant un pareil abus, nous avons cru qu'il était nécessaire, pour ne point interrompre l'ordre du service qui est établi, de vous proposer de décréter que les fonctions exercées par M. l'Amiral, ou en son nom, le seraient provisoirement dans la forme accoutumée, jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné.
Suivant l'ancienne organisation de la marine, il existe des distinctions d'escadres et des états-majors qui y sont attachés; nous vous proposons de les supprimer, et que leurs fonctions soient exercées provisoirement par l'état-major de la marine dans chaque port.
Tous les officiers généraux de la marine, et c'est avec le plus vif
intérêt que nous vous le répétons, ont des droits à la reconnaissance de
la nation ; mais, quelques regrets que nous ayons de vous proposer une
grande diminution dans le nombre des officiers généraux existants
maintenant, Je devoir impérieux dont nous sommes chargés, nous prescrit
l'obligation de vous proposer de réduire à trente les officiers généraux
que
Il nous a paru également juste de conserver aux officiers généraux qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, leurs titres actuels, et la totalité des appointements dont ils jouissent maintenant.
Nous vous proposons de faire concourir, à la composition des 180 capitaines de vaisseau, tous les capitaines de vaisseau actuels, les capitaines de vaisseau et directeurs des porls, les majors de vaisseau, les officiers de port ayant rang de majors, et tous les officiers des classes qui seront dans le cas de concourir à cette formation. Ils seront également choisis par le roi, et l'intérêt de l'Etat exige que ces choix soient faits sans égard à l'ancienneté, mais qu'ils tombent sur les sujets le plus en état de servir. Ils conserveront, dans les nouveauxgrades qu'ils vont obtenir, les rangs qu'ils avaient entre eux. Cependant, si quelques officiers des classes y étaient appelés, il nous a paru juste, vu le service tranquille auquel ils étaient employés, de ne compter que pour moitié le temps qu'ils auraient été employés dans ce service.
Votre comité a pensé que tous les capitaines de vaisseau actuels pouvaient être appelés à cette nouvelle formation; et en rayant le mot capitaines en activité, que vous devez trouver dans le projet qui vous a été distribué, nous avons cherché à réparer un acte révoltant du pouvoir arbitraire qui avait été exercé par un des précédents ministres. Votre comité a également pensé que l'époque d'une formation nouvelle était celle où vous deviez, par des exemples, consacrer les principes que vous venez d'établir. L'organisation de la marine française est le décret qui vous occupe ; tous les marins ont des droits aux grades supérieurs, quand ils les ont mérités par leurs services ; et nous avons cru devoir vous proposer de décréter que, sur les 180 places de capitaines de vaisseau, 4 de ces places seront destinées aux marins des autres grades, qui auraient rendu à l'Etat des services distingués pendant la guerre, et qui seraient restés sans récompense.
Cette sage disposition prouvera à tous les navigateurs que votre surveillance et votre justice ont été égales pour tous les citoyens, et elle consacrera 1 égalité qui doit régner entre eux, et la juste préférence qui doit être accordée aux talents et au mérite.
Dans l'organisation actuelle de la marine, indépendamment des lieutenants de vaisseau, il existe un grade de sous-lieutenant dont une partie est composée des officiers de la marine commerçante qui ont servi comme auxiliaires pendant la dernière guerre, et l'autre d'officiers du même corps qui ont eu la protection d'y être admis : nous vous proposons d'accorder un sixième des places de lieutenants de vaisseau aux sous-lieutenants, et de déterminer leur ancienneté par le temps de leur navigation sur les vaisseaux de l'Etat, et celui de leur activité de service dans les arsenaux en qualité de sous-lieutenants, enseignes, lieutenants de frégate, capitaines de flûte, gardes ou élèves aspirants, volontaires de la marine et premiers maîtres.
Les lieutenants seront donc composés des lieutenants de vaisseau actuels et des lieutenants des ports, et ce grade sera complété par les sous-lieutenants de vaisseau suivant leur ancienneté. Les lieutenants actuels doivent naturellement conserver leur ancienneté : cependant, Messieurs, si parmi eux il s'en trouve qui aient été élevés à ce grade depuis le 4 août 1789, époque où vous aviez suspendu tout avancement, il a paru juste à quelques membres de votre comité, que, dans la formation nouvelle, ils ne prissent leurs rangs avec les sous-lieutenants qui vont être élevés à ce grade, que suivant les règles du service que vous avez prescrites.
D'après ces dispositions, le grade de sous-lieutenant sera entièrement supprimé ; ceux d'entre eux qui ne seront pas nommés lieutenants obtiendront la moitié des places d'enseignes entretenus, en exceptant toutefois ceux qui sont attachés au corps de canonniers matelots, et ceux qui n'ont point servi depuis qu'ils ont été faits sous-lieu-tenants. Nous vous proposons aussi de réserver 10 places d'enseignes pour les maîtres entretenus, et d'en laisser 20 vacantes pour être remplies au premier concours qui aura lieu.
En suivant les dispositions que nous vous proposons, presque la totalité des sous-lieutenants actuels se trouveront placés, et nous vous proposons d'accorder à ceux qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, les deux tiers de leurs appointements jusqu'au moment où ils rentreront en activité. Pour parvenir à ce but, nous avons cru devoir réserver un quart des places d'enseignes qui vaqueront à l'avenir, qui leur seront accordées sans concours et à l'ancienneté.
Il ne vous échappera pas, Messieurs, l'importance que vous devez mettre à propager l'instruction dans le corps de la marine; et la dernière disposition dont je viens de vous rendre compte, est relative à la nécessité absolue d'entretenir vos concours.
Le brevet d'enseigne non entretenu sera donné en ce moment à tous les capitaines de navire reçus pour le long cours. Soumis, ainsi que tous les marins, à la conscription militaire, c'est ce grade que vous leur accordez, qui lie les deux marines ensemble sans aucun inconvénient ni pour l'une ni pour l'autre; chacun maintenant connaît son poste ; et lorsqu'une guerre exigera le secours des enseignes non entretenus pour l'armement de nos flottes, ils accourront en roule aider leurs camarades et leurs amis dans leurs travaux.
Les collèges de Vannes et d'Alais doivent être supprimés à l'époque des établissements des écoles publiques, et sans doute les ordres les plus prompts seront donnés à cet égard. Le ministre de la marine jugera comme nous qu'une année d'instruction perdue est une vraie perte pour l'Etat, et nous ne pouvons un moment douter de sa surveillance.
Les élèves et volontaires de la marine actuels, qui n'ont point complété
les 3 années de navigation que vous avez décidées, seront compris dans
le nombre des aspirants entretenus que vous avez décrété, et le reste
des places d'aspirants seront données au concours, ainsi que vous l'avez
décidé dans le décret d'organisation. Dans le
Cette disposition ne peut avoir lieu qu'à l'époque actuelle; elle sera un adoucissement à leurs espérances déçues, et une preuve en même temps que l'Assemblée nationale, en prononçant une loi qu'elle trouve juste, s'occupe des individus qui en éprouvent la rigueur.
Votre comité, d'après ce qui a été décidé pour le service de terre, a cru pouvoir vous proposer d'accorder aux capitaines de vaisseau et aux majors de vaisseau qui ne voudront pas continuer leurs services, ou qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, les deux tiers des appointements dont ils jouissaient, à moins que leurs services, d'après les règles fixées par le décret du 31 août, ne leur donnent droit à un traitement plus considérable, et que ceux qui auront 10 ans de service obtiennent en outre le brevet du grade supérieur. Nous vous observerons, Messieurs, qu'il nous a paru juste de compter pour moitié de service le temps qu'ils auront fait dans le grade inférieur, et nous nous sommes déterminés à vous proposer cette mesure, particulièrement pour les majors de vaisseau dont le grade avait été inconnu jusqu'à l'époaue de 1786.
Au moment où nous établissons les règles les plu* sévères sur l'admission au service, où nous fixons le concours à une époque où il faut être instruit de toutes les connaissances théoriques nécessaires è l'art de la navigation, nous avons cru devoir vous proposer de réformer entièrement le grade de maître-pilote, parce que dorénavant tous les officiers seront en état de conduire et de diriger la route du vaisseau; mais nos maîtres-pilotes actuels entretenus méritent des récompenses, et vous ne vous refuserez pas de leur accorder Je grade d'enseigne et leurs appointements, jusqu'à ce qu'ils soient faits enseignes entretenus. Les maîtres-pilotes qui ne sont point encore entretenus auront également le brevet d'enseigne et seront admis au concours, sans égard à leur âge.
Une dernière disposition relative aux pilotes qui n'auront point été faits enseignes, est de fixer leur service lorsqu'ils seront appelés au service de l'Etat, et nous proposons qu ils soient chefs de timonerie avec une paye égale à celle dont ils jouissaient à l'époque de leur suppression.
Voilà, Messieurs, les bases qui ont servi de guide à votre comité : nous avons toujours en devant les yeux les décrets que vous avez prononcés, et nous avons tâché de les faire cadrer avec le bien du service.
Dans une constitution libre, toutes les institutions ne peuvent que se perfectionner : sous un gouvernement arbitraire, le mécontentement est toujours la suite des ordonnances nouvelles; et si, dans l'organisation actuelle de la marine, il existe quelques réformes à faire, elle: s'opéreront sans contradiction, quand on en aura reconnu l'utilité : mais votre comité de la marine a rempli le devoir impérieux qui lui était imposé, en ne vous proposant que des décrets conformes aux lois constitutionnelles de l'Etat, au bien du service, l'égalité absolue oui doit exister entre tous les enfants de la même patrie.
C'est dans cet esprit que votre comité vous propose Je projet de décret suivant :
« Art. 1er. Pour l'exécution des précédents décrets, le corps de la marine est supprimé, et le mode de nomination pour la recréation de la marine, sera fait, pour cette fois seulement, de la manière suivante :
« Art. 2. Le corps de la marine française, entretenu par l'Etat, sera composé de:
3 amiraux;
9 vice-amiraux;
18 contre-amiraux;
180 capitaines de vaisseau;
800 lieutenants;
200 enseignes;
50 maîtres d'équipage entretenus;
60 maîtres-canonniers entretenus;
36 maîtres-charpentiers ;
36 maîtres-cal fats;
18 maîtres-voiliers;
Art. 3. Le nombre des enseignes non entretenus ne sera point fixé.
« Art. 4. Le nombre des aspirants entretenus de la marine sera fixé à 300.
« Art. 5. Tous les officiers de la marine rouleront entre eux, sans aucune distinction de département.
« Art. 6. La charge d'amiral de France est supprimée, et néanmoins, les fonctions actuellement exercées par l'amiral ou en son nom le seront provisoirement dans la forme accoutumée, jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué.
« Art. 7. Tous les grades non énoncés dans la précédente composition, et toutes les distinctions d'escadres actuellement existantes sont aussi supprimées ainsi que les états-majors qui y sont attachés. Les fonctions attribuées à ces états-majors seront exercées provisoirement par l'état-major de la marine dans chaque port.
« Art. 8. Les amiraux, vice-amiraux et contre-amiraux seront choisis par le roi parmi les officiers généraux actuellement existants.
« Lés officiers généraux, non compris dans cette promotion, conserveront leurs titres actuels et leurs appointements.
« Le tiers des places de contre-amiraux sera laissé vacant, pour être rempli, au choix du roi, par les officiers actuellement capitaines de vaisseau.
« Art. 9. Les 180 capitaines de vaisseau seront choisis parmi les capitaines de vaisseau actuels, les capitaines de vaisseau et directeurs déports, les majors de vaisseau, les officiers de port ayant rang de majors, et tous les officiers des classes qui seront dans le cas de concourir à cette formation, d'après le décret sur les classes. Ils seront choisis par le roi.
» Le roi pourra accorder 4 de ces places à des marins des autres grades, qui auraient rendu à l'Etat, pendant la guerre, des services distingués, restés sans récompense.
« Les choix seront faits sans égard à l'ancienneté, et devront porter sur les sujets le plus en état de servir.
« Art. 10. Les officiers promus aux grades d'officiers généraux ou de
capitaines de vais-
« Les directeurs de port et officiers de port, ayant rang de major, prendront rang, de l'époque de leur brevet de directeur ou de major.
« Art. 11. Les lieutenants seront choisis parmi les lieutenants, lieutenants de port et sous-lieutenants actuels.
« Art. 12. Les lieutenants prendront rang les premiers et conserveront entre eux celui qu'ils avaient.
« Les lieutenants de port prendront rang, parmi les lieutenants, de la date de leur brevet.
« Art. 13. Les sous-lieutenantsquicompléteront ce grade, seront nommés suivant le rang de leur ancienneté, qui sera déterminé par le temps de leur navigation sur les vaisseaux de l'Etat, et celui de leur activité de service dans les arsenaux, en qualité de sous-lieutenants, enseignes, lieutenants de frégate, capitaines de flûte, gardes ou élèves, aspirants volontaires de la marine, et premiers maîtres : on leur comptera de plus le temps de commandement des bâtiments armés en course ; et, pour moitié, celui de commandement des bàiiments particuliers au long cours.
« Art. 14. Pourront aussi concourir à cette formation les officiers des classes qui sont dans le cas énoncé par l'article 14 du décret sur les classes, conformément à la disposition de cet article.
« Art. 15. Le grade de sous-lieutenant est supprimé. La muitié des places d'enseignes entretenus sera donnée aux sous-lieutenants qui ne sont point portés au grade de lieutenant, en exceptant ceux attaches au corps de canonniers matelots, qui conserveront leurs postes, et ceux qui n'out point servi depuis qu'ils ont été faits sous-lieutenants. Sur l'autre moiiié restante, dix places seront réservées pour les maîtres entretenus, et le reste sera rempli au premier concours qui aura lieu incessamment.
« Art. 16. Les sous-lieutenants actuels, non compris dans la formation, conserveront les deux tiers de leurs appointements jusqu'au moment où ils rentreront en activité. Il leur sera réservé un quart des places vacantes à l'avenir, d'enseignes entretenus, qui leur seront données sans concours, et à l'ancienneté.
« Art. 17. Le brevet d'enseigne de vaisseau, non entretenu, sera donné en ce moment à tous les capitaines de navire reçus pour le long cours.
« Art. 18. A l'époque ne l'établissement des écoles publiques, les collèges de marine de Vannes et d'Alais seront supprimés.
« Art. 19. Le titre d'aspirant entretenu sera donné aux élèves et volontaires actuels qui n'ont pas complété les trois années de navigation. Ne seront réputés volontaires que ceux qui on', servi, ou servent en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat. Le surplus des places sera donné au concours qui aura lieu incessamment.
« Art. 20. Les élèves qui se retireront, d'après la disposition de l'article précédent, ayant trois années de navigation, conserveront la moitié de leurs appointements, jusqu'à ce qu'ils soient parvenus au grade d'enseigne entretenu. Cette demi-solde ne pourra néanmoins être payée pendant pius de trois ans.
« Art. 21. Les capitaines et majors de vaisseau, qui ne voudront pas continuer leur service, ou qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, auront pour retraite, dans ce moment-ci seulement, les deux tiers des appointements dont ils jouissaient sur les fonds de la marine, à moins que leurs services, d'après les règles fixées par le décret du 3 août dernier, ne leur donuent droit à un traitement plus considérable; et ceux qui auront 10 ans de service dans leur grade obtiendront en retraite le grade supérieur. Pcrnr compléter les dix ans, on comptera pour moitié le temps fait dans le grade inférieur. Ils seront tenus de déclarer qu'ils veulent leur retraite, dans les quatre mois qui suivront la sanction du présent décret.
« Art. 22. Le grade et le titre de pilote sont supprimés.
« Art. 23. Les maîtres-pilotes actuellement entretenus auront le grade d'enseigne et conserveront les appointements dont ils jouissaient, jusqu'à ce qu'ils soient faits enseignes entretenus.
« Art. 24. Les maîtres pilotes non entretenus auront le titre et le brevet d'enseigne non entretenu et seront admis au concours, sans égard à l'âge.
« Art. 25. Tous les pilotes qui n'auront pas été faits enseignes, appelés dans la suite au service de l'Etat, y seront appelés en qualité de timc-niers, ou chefs de timonerie, d'une paye égale à celle dont ils jouissaient à l'époque de leur suppression. »
Plusieurs membres : L'impression du rapport 1
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. de Sillery.)
La discussion est ouverte sur le projet de décret du comité.
rapporteur, donne lecture de différents articles du projet :
Art. 1er.
« Pour l'exécution des précédents décrets, le corps de la marine est supprimé; et le mode de nomination pour la recréation de la marine, sera fait, pour cette fois seulement, de la manière suivante. » (Adopté.)
Art. 2.
a Le corps de la marine française, entretenu par l'Etat, sera composé de
3 amiraux,
9 vice-amiraux,
18 contre-amiraux,
180 capitaines de vaisseau,
800 lieutenants,
200 enseignes,
50 maîtres d'équipage entretenus,
60 maîtres-canouniers entretenus,
36 maîtres-charpentiers,
36 maîtres-calfats,
18 maîtres-voiliers. »
Je demande à M. le rapporteur pourquoi il n'y a que 60 maitres-canon-niers et 180 capitaines de vaisseau.
rapporteur. Je réponds qu'il est bien plus aisé de former des maîtres-canon-niers que des capitaines de vaisseau, que cette place exigeant une élite d'individus qui aient reçu une éducation particulière, il en faut un plus grand nombre.
Mais pour décréter cela il faut avoir des bases et savoir combien il y avait autrefois de capitaines de vaisseau.
Vous avez déjà décrété, dans votre premier plan, que les capitaines de vaisseau pourraient aussi commander des frégates. Ainsi il est donc possible que 180 capitaines de vaisseau ne suffisent pas pour une totalité de 160 bâtiments, attendu qu'il y aura bien quelques capitaines que leurs infirmités pourront empêcher de commander et sur les vaisseaux, et sur les frégates, et sur les corvettes et sur les bâtiments de tous genres.
11 est difficile de ne pas admettre 6 lieutenants pour un capitaine. Dans l'emploi qui en est fait ordinairement, le nombre de 800 est très fort au-dessous de cette proposition.
(L'article 2 est décrété.)
Art. 3.
« Le nombre des enseignes non entretenus ne sera point fixé. » (Adopté.)
Art. 4.
« Le nombre des aspirants entretenus de la marine sera fixé à 300. » (Adopté.)
Art. 5.
« Tous les officiers de la marine rouleront entre eux sans aucune distinction de département. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 6 ainsi conçu :
« La charge d'amiral de France est supprimée, et, néanmoins, les fonctions actuellement exercées par l'amiral ou en son nom le seront provisoirement dans la forme accoutumée jusqu'à ce qu'il ait été autrement statué. »
J'avais déjà observé au comité que cet article ne peut pas être ainsi rédigé, sans qu il en résulte des embarras inextricables. Si vous supprimez la charge de grand-amiral, à quoi je ne m'oppose pas, vous ne pouvez pas nier que toutes les expéditions d'amirauté se feront en son nom. L'amiral est chargé de l'expédition des passeports : il faut donc que vous déterminiez dans quelle forme les passeports seront expédiés, et par qui ils seront signés.
Je sais, et cela a été agité au comité, qu'il est très important que les passeports ne changent pas subitement de forme; car les puissances barbaresques font les plus grandes difficultés au moindre changement, à la moindre omission. La différence de papier, une lettre effacée suffit pour faire confisquer un navire; ainsi il est très important de statuer nettement sur la forme dans laquelle doivent être faits les passeports.
Vous supprimez la charge d'amiral : il est bien de statuer que tous les congés actuellement déposés dans le greffe de l'amirauté, signés par M. l'amiral actuel, vaudront pendant un temps déterminé; mais vous ne pouvez pas dire dans un article de loi, que les expéditions qui se font au nom de l'amiral, se feront suivant la forme qui sera déterminée tout à l'heure.
Je demande donc, ainsi que vous l'avez enjoint au comité, qu'il soit statué que tous les congés actuellement signés par M. l'amiral, et déposés dans le greffe de l'amirauté, parce qu'il les envoie pour six mois, vaillent comme par le passé pendant six mois, à compter du jour de l'application du présent décret, et qu'à l'avenir ces dits congés soient signés au nom du roi parle ministre de la marine, lequel sera tenu de notifier la nouvelle forme de passeports à toutes les puissances maritimes, et particulièrement aux régences barbaresques.
rapporteur. J'observe que c'est une affaire de règlement.
Je vous observe qu'il est impossible de mettre un article aussi vague.
Je pense, ainsi que le préopinant, qu'il est impossible de décréter l'article dans les termes qui vous sont proposés; mais la mesure qui nous a été proposée par M. Malouet ne remplit pas, à beaucoup près, ses intentions. Je dois avertir l'Assemblée que depuis le mois de septembre 1790, où vous avez rapporté les fonctions judiciaires ou autres qu'exerçait l'amirauté, le comité de la marine est chargé de vous présenter un travail en remplacement sur cette partie.
Il y a à peu près huit jours que plusieurs membres du comité de la marine se sont réunis au comité de Constitution : M. Malouet était de ce nombre; mais malheureusement, M. le rapporteur n'en était pas. Nous avons examiné comment on pourrait aviser, de quel moyen on pourrait se servir, pour faire exercer les fonctions de grand-amiral. Nous avons indiqué nos vues au comité de la marine. M. Defermon, je crois, en a pris note; on ne tardera pas à vous faire un rapport sur cette matière. Vous n'avez pas rempli, à beaucoup près, l'intention de l'article, ni fait ce qu'il faut faire.
L'article que l'on vous soumet n a de disposition positive et absolue que la suppression de la charge d'amiral. Sur ce point le comité a été déterminé par deux motifs-, d'une part, parce que la charge d'amiral, étant un titre et pour ainsi dire une finance, ne pouvait plus exister d'après vos décrets, quant aux fonctions administratives.
Qu'est-ce que le comité vous propose? Elles continueront d'être exercées, etc.....et il ajoute : elles le seront provisoirement dans la forme accoutumée jusqu'à ce qu'il en ait été autrement ordonné. II résulte de cette disposition que le comité ne vous propose aucun changement ni dans les passeports dont vient de vous parler M. Malouet, ni dans toutes les fonctions administratives confiées à l'amiral, et qui étaient exercées en son nom ; je crois donc que l'Assemblée peut admettre l'article.
Si au lieu de cette rédaction vous vouliez adopter celle-ci :
« La charge d'amiral de France ne sera point « remplacée; mais ses fonctions administratives « continueront provisoirement jusqu'à ce qu'il « en ait été pourvu par l'Assemblée nationale au « mode de remplacement. »
Il faut que le texte d'une loi soit précis, qu'il soit positif ou négatif; vous ne pouvez pas supprimer et confirmer à la fois.
rapporteur, relit l'article 6 qui est ainsi conçu :
« La charge d'amiral de France est supprimée, « et néanmoins, les
fonctions actuellement exer-« cées par l'amiral ou en son nom le seront
pro-
Tout le monde est d'accord ; il faut supprimer la charge d'amiral; mais, après avoir prononcé cette suppression, il faut commettre quelqu'un pour en exercer les fonctions : alors vous pouvez mettre que le roi sera prié de commettre ce quelqu'un.
Voici l'article avec l'amendement : ...
« La charge d'amiral est supprimée, et néanmoins, les fonctions administratives actuellement exercées par l'amiral ou en son nom, le seront provisoirement dans la forme accoutumée, jusqu'à ce qu'il ait autrement statué par l'Assemblée nationale. »
Par là l'amiral est véritablement commis pour exercer dans la forme accoutumée, ou pour faire exercer en son nom, en la forme accoutumée.
Plusieurs membres : Cela n'est pas clair.
Cela n'est pas clair, et cela est pris mot pour mot dans les décrets que vous avez rendus, lorsque, supprimant les justices seigneuriales, vous avez ordonné aux juges de continuer leurs fonctions.
La chose est plus importante que vous ne l'imaginez; et je prie Messieurs les députés des côtes de la Méditerranée de vouloir bien donner leur avis.
Messieurs, aucun des préopinants ne vous a expliqué assez clairement sur quoi sont fondés leurs justes motifs de crainte. Les dispositions que vous avez à faire sur l'article qu'on vous propose, sont de la plus grande importance. Les corsaires algériens, tunisiens, et généralement tous les Barbaresques rentrent dans leurs ports, le moins souvent qu'ils peuvent; et si vous ne prenez pas un laps de temps assez considérable pour que tous ces corsaires soient instruits du moindre changement que vous ferez dans les patentes, il en résultera qu'ils seront enchantés de trouver un prétexte, et que, sur la moindre différence, ils conduiront vos bâtiments dans leurs ports.
La plupart de ces corsaires, ne sachant pas lire dans leur langue, connaissent encore moins la nôtre. Voici, Messieurs, comment ils s'assurent si un bâtiment est véritablement français. Ils disent au capitaine, qu'ils rencontrent en mer : « Voyons votre patente ». Ils la prennent, la plient en deux, sortent de leur portefeuille une moitié exactement déchirée par le milieu et l'appliquent dessus. Si les parties du dessin, du cartouche, des armes, de l'écriture se rencontrent parfaitement, ils laissent passer le bâtiment ; mais, sur la moindre différence, ils l'arrêtent et le confisquent. Voilà, Messieurs, les considérations qu'on ne vous avait pas soumises, et qui doivent vous déterminer à adopter les précautions qui vous sont proposées par M. Malouet.
Plusieurs membres : L'ajournement!
Il n'est pas besoin d'ajournement, il suffit de mettre : « Les expéditions seront signées par M. l'amiral jusqu'au jour de la sanction. » Alors vous avez tout le temps d'en faire signer. On ajournerait dix fois qu'il faudrait toujours en venir là.
rapporteur. En conséquence des diverses observations qui viennent d'être présentées, voici comment je propose de rédiger l'article :
Art. 6.
« La charge d'amiral de France est supprimée; et néanmoins les passeports, congés et autres expéditions qui sont actuellement signés par M. de Penthièvre, et qui seront signés en sa qualité d'amiral jusqu'au jour de la sanction, vaudront jusqu'au 1er janvier 1792. » (Adopté.)]
Art. 7,
« Tous les grades non énoncés dans la précédente composition et toutes les distinctions d'escadre actuellement existantes sont aussi supprimés, ainsi que les états-majors qui y sont attachés. Les fonctions attribuées à ces états-majors seront exercées provisoirement par l'état-major de la marine dans chaque port. » (Adopté.)
Art. 8.
« Les amiraux, vice-amiraux et contre-amiraux seront choisis par le roi, parmi les officiers généraux actuellement existants.
« Les officiers généraux non compris dans cette promotion conserveront leurs titres actuels et leurs appointements.
« Le tiers des places de contre-amiraux sera laissé vacant pour être rempli, au choix du roi, par les officiers actuellement capitaines de vaisseau. »
Il y a dans le nombre des officiers généraux actuels des vieillards très respectables par leurs services, mais que l'âge et les infirmités semblent exclure de la nouvelle formation ; leurs noms vous sont connus, MM. de Barras, Duchaffaut, de La Mothe-Piquet et plusieurs autres. Cependant ils croiraient recevoir une mortification s'ils n'étaient point compris dans la nouvelle promotion. Je demande donc qu'il soit ajouté que ceux des officiers généraux qui, à raison de leurs infirmités, ne pourraient être employés, mais qui ayant commandé des escadres ou divisions de vaisseaux, ont reçu des témoignages honorables de leurs services, restent jusqu'à la fin de leur vie à la tête des listes d'activité.
rapporteur. Dans le rapport que j'ai fait, je crois avoir suffisamment indiqué le vœu du comité, relativement à ces officiers généraux. Je n'ai pas voulu les nommer, parce que j'ai voulu laisser à chaque membre de cette Assemblée le plaisir de le faire ; et comme ces places sont à la disposition du roi, il est probable qu'il secondera les vœux de la nation, en employant des officiers aussi estimés, ainsi je crois qu'il est impossible de les désigner ici.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour sur l'amendement de M. Malouet et adopte l'article 8.)
rapporteur, donne lecture de l'article 9 ainsi conçu :
« Les 180 capitaines de vaisseau seront choisis « parmi les capitaines de vaisseau actuels, les « capitaines de vaisseau et directeurs de port « ayant rang de majors, et tous les officiers des « classes qui seront dans le cas de concourir à « cette formation, d'après le décret sur les classes. « Ils seront choisis par le roi.
« Le roi pourra accorder 4 de ces places
« Les choix seront faits sans égard à l'ancien-« neté et devront porter sur les sujets le plus en « état de servir. »
Un membre propose par amendement que, dans la liste des officiers parmi lesquels les capitaines de vaisseau seront choisis, l'Assemblée comprenne les lieutenants de vaisseau plus anciens dans ce grade que les majors de vaisseau de dernière promotion.
(Cet amendement est adopté.)
En conséquence l'article 9 est rédigé en ces termes :
Art. 9.
« Les 180 capitaines de vaisseau seront choisis parmi les capitaines de vaisseau actuels ; les capitaines de vaisseau et directeurs de port, les majors de vaisseau, les officiers de port ayant rang de majors, les lieutenants de vaisseau plu* anciens dans ce grade que quelques-uns des majors de vaisseau des dernières promotions et tous les officiers des classes qni seront dans Iîî cas de concourir à cette formation, d'après le décret sur les classes, seront choisis par le roi.
« Le roi pourra accorder quatre de ces places à des marins des autres grades, qui auraient rendu à l'Etat, pendant la guerre, des services distingués restés sans récompense.
« Les choix seront faits sans égard à l'ancienneté et devront porter sur les sujets le plus en état de servir. » (Adopté.)
Art. 10.
« Les officiers promus aux grades d'officiers généraux ou de capitaines de vaisseau conserveront le rang Qu'ils avaient entre eux; et quant aux officiers des classes qui seront compris dans la nomination, on ne comptera que pour moitié le temps qu'ils auront servi dans les classes. Les directeurs de port et officiers de port ayant rang de majors, prendront rang de l'époque de leur brevet de directeur ou de major. » (Adopté.)
Art. 11.
« Les lieutenants seront choisis parmi les lieutenants de port, et sous-lieutenants actuels. »
Uu membre propose par amendement que les élèves puissent concourir pour les places de lieutenants avec les autres officiers dénommés dans cet article.
(L'Assemblée rejette cet amendement par la question préalable et décrète l'article 11 du comité.)
rapporteur. L'article 12 de notre projet de décret est ainsi conçu :
« Les lieutenants prendront rang les premiers et conserveront entre eux celui qu'ils avaient.
« Les lieutenants de port prendront rang parmi les lieutenants, de la date de leur brevet. »
Nous vous proposons d'y ajouter la disposition suivante :
« A l'exception de ceux qui ont été élevés au grade de lieutenant depuis le 4 août 1789 ; lesquels ne prendront rang que par ancienneté de leurs services, ainsi que les sous-lieuteuauts. »
Cette exception est une
très grande injustice; car le 4 août il n'y avait pas de décret de l'Assemblée qui défendît de nommer aux places vacantes. On ne peut donc pas déplacer de leur rang ceux qui l'ont eu avant le décret actuel.
J'ai été du nombre de ceux qui ont été de l'avis de l'exception; et voici mes motifs : Le corps de la marine tel qu'il existait avait un grade que j'appellerai intermédiaire, composé de sous-lieutenants qui ne pouvaient parvenir au grade de lieutenant par le cours ordinaire de leur service. Les élèves étaient au-dessous des sous-lieutenants, tant qu'ils étaient élèves; mais ils enjambaient par-dessus ce grade pour devenir lieutenants.
Voici une seconde considération, c'est qu'il a été certifié au comité que le ministre, après avoir fait parvenir dans les ports la volonté du roi de ne pas faire de promotion, a fait des promotions depuis le 4 août 1789.
Les faits qui viennent de vous être annoncés par M. Defermon sont en partie vrais; mais il en tire de fausses conséquences. La dernière ordonnance de la marine accordait aux gardes de la marine le brevet de lieutenant de vaisseau, dès l'instant qu'ils avaient 6 années de navigation, et ce brevet leur était envoyé en Amérique, dans l'Inde ou ailleurs : il était daté du jour qu'ils avaient atteint l'âge prescrit. Le ministre a donc dû accorder ces brevets ; et ces officiers ont été promus selon la loi.
Depuis quelques mois vous avez rendu un décret qui ordonnait la suspension à la nomination de tout emploi dans les différents départements. Ce décret fort sage, puisque vous vous occupiez de la nouvelle organisation de l'armée de terre et de mer, a été exécuté, mais aujourd'hui on veut faire concourir les sous-lieutenants qui, par l'effet de ia nouvelle organisation, seront promus au grade de lieutenant, avec tous les lieutenants nommés depuis le 4 août 1789 ; mais, Messieurs, une loi peut-elle avoir lieu avant d'être faite; et n'est-ce pas vous demander de donner au décret d'aujourd'hui un effet rétroactif, jusqu'à l'époque du 4 août 1789 ?
Je prétends que les lieutenants nommés depuis cette époque jusqu'à celle où vous avez défendu toute nomination ont été nommés selon la loi, et qu'ils ne peuvent, sous aucun prétexte et sans vouloir renverser tous les principes et toutes les règles observées dans l'avancement militaire, perdre leur rang. Je conclus donc par demander la question préalable sur ia seconde partie de l'article.
Plusieurs membres : La question préalable.
Je prie l'Assemblée de considérer que nous lui proposons de réparer une injustice existant depuis très longtemps, injustice contraire au décret du 4 août 1789; et la réparation ne partira que de cette époque. En effet. Messieurs, il y a nombre d'anciens marins qui ont 20, 30 ou 40 ans de services, et qui depuis la loi du 4 août 1789, depuis cette loi d'égalité politique, ont vu passer aevaut eux des jeunes gens de 20 et tant d'auuées, qui a'ont pas rendu les mêmes services qu'eux, et qui ne devaient point perpétuer leurs privilèges.
Je mets aux voix la question préalable sur l'addition proposée par M. le rapporteur.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.
Plusieurs membres réclament contre cette épreuve et réclament un nouveau vote.
Je vais consulter à nouveau l'Assemblée.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur l'addition proposée par M. de Sillery à l'article 12.
Je consulte l'Assemblée sur l'addition elle-même. (Cette addition est adoptée.)
En conséquence l'article 12 est mis aux voix dans les termes suivants :
« Les lieutenants prendront rang les premiers, et conserveront entre eux celui qu'ils avaient. « Les lieutenants de ports prondront rang parmi les lieutenants, de la date de leur brevet.
A l'exception de ceux qui out ete Aleves au grade de lieutenant depuis le 4 aout 1789, lesquels ne prendront rang que par anciennete de leurs ser- vices, ainsi que les souslieutenants. » (Adopté.)
Art. 13.
* Les sous-lieutenants qui compléteront ce grade seront nommés suivant le rang de leur ancienneté, qui sera déterminé par le temps de leur navigation sur les vaisseaux de l'Etat, et celui de leur activité de service dans les arsenaux en qualité de sous-lieutenants, enseignes, lieutenants de frégate, capitaines de flûte, gardes ou élèves, aspirantsvolontairesdela marine, et premiers maîtres. On leur comptera de plus le temps de commandement des bâtiments armés en course et pour moitié celui de commandement des bâtiment particuliers au long cours.» (Adopté.)
Art. 14.
« Pourront aussi concourir à cette formation les ofliciers des classes qui sont dans le cas énoncé par l'article 14 du décret sur les classes, conformément à la disposition de cet article. » (Adopté.)
Art. 15.
« Le grade de sous-lieutenant est supprimé. « La moitié des places d'enseignes entretenus sera donnée aux sous-lieutenants qui ne sont point portés au grade de lieutenants, excepté ceux attachés au corps des caoonniers matelots, qui conserveront leurs postes, et ceux qui n'ont point servi depuis qu'ils ont été faits sous-lieutenants. Sur l'autre moitié restante, 10 places seront réservées pour les maîtres entretenus, et le reste sera rempli au premier concours qui aura lieu incessamment. » (Adopté).
Art. 16.
« Les sous-lieutenants actuels non compris dans la formation, conserveront les deux tiers de leurs appointements jusqu'au moment où ils rentreront en activité; il leur sera réservé un quart des places vacantes à l'avenir d'enseignes entretenus, qui leur serout données sans concours à l'aucienaeté. » (Adopté.)
Art. 17.
« Le brevet d'enseigne de vaisseau non entretenu sera donné dans ce moment à tous les capitaines de navire reçus pour le long cours.(Adopté.)
Art. 18.
« A l'époque de l'établissement des écoles publiques, les collèges de marine de Vannes et d'A-lais seront supprimés. » (Adopté.)
Art. 19.
« Le titre d'aspirant entretenu sera donné aux élèves et volontaires actuels qui n'ont pas complété les trois années de navigation ; ne seront réputés volontaires que ceux qui ont servi ou servent en cette qualité sur les vaisseaux del'Etat; le surplus des places sera donné au concours, qui aura lieu incessamment. » (Adopté.)
Art. 20.
« Les élèves qui se retireront d'après la disposition de l'article précédent, ayant quatre années de navigation, conserveront la moitié de leurs appointements jusqu'à ce qu'ils soient parvenus au grade, d'enseigne entretenu ; cette demi-solde ne pourra néanmoins être payée pendant plus de trois ans. » (Adopté.)
Plusieurs membres proposent sur l'article 21 divers amendements.
rapporteur, adopte ces amendements et rédige, en conséquence, comme suit l'article :
Art. 21.
« Les capitaines et majors de vaisseau qui ne voudront pas continuer leur service, ou qui ne seront pas compris dans la nouvelle formation, auront pour retraite, dans ce moment-ci seulement, les deux tiers des appointements dont ils jouissaient, qui leur seront payés provisoirement sur les fonds de la marine, à moins que leurs services, d'après les règles fixées par le décret du 31 août dernier, ne leur donnent droit à un traitement plus considérable; et ceux qui auront 10 ans de service dans leur grade obtiendront en retraite le grade supérieur. Pour compléter les dix ans, on comptera pour moitié le temps fait dans le grade inférieur, et ils seront tenus de déclarer qu'ils veulent leur retraite dans les quatre mois qui suivront la sanction du présent décret ; et les officiers maintenant aux colonies auront également quatre mois pour se décider, qui ne compteront que de l'époque de leur retour. »
Art. 22.
« Le grade et le titre de pilote sont supprimés. » (Adopté.)
Art. 23.
« Les maîtres pilotes actuellement entretenus, aurout le grade d'enseigne, et conserveront les appointements dont ils jouissent, jusqu'à ce qu'ils soient faits enseignes entretenus. » (Adopté.)
Art. 24.
« Les maîtres pilotes non entretenus auront le titre et le brevet d'enseigne non entretenu, et seront admis au concours sans égard à l'âge. » (Adopté.)
Art. 25.
« Tous les pilotes qui n'auront pas été faits enseignes, appelés dans la
suite au service de l'Etat, y seront appelés en qualité de timoniers ou
chefs de timonerie, d'une paye égale à celle
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du ministre de la justice relative aux accusés du crime de lèse-nation détenus dans les prisons du ci-devant Ghâtelet, dans laquelle il demande que l'Assemblée prononce si tous ces accusés, dont Ja liste est jointe à sa lettre, même ceux contre lesquels il pourrait n'y avoir pas lieu à accusation, doivent être indistinctement renvoyés devant le tribunal d'Orléans.
Un membre fait la motion que le crime de lèse-nation soit tout d'abord défini.
Un membre fait la motion que tous les accusés soient renvoyés à Orléans.
Un membre demande le renvoi au comité des rapports de la liste des accusés et de la lettre du i ministre de la justice.
s'oppose à ce renvoi de crainte que le rapport de toutes ces affaires ne fasse perdre trop de temps à l'Assemblée.
appuie le renvoi au comité des rapports en demandant que ceux des recherches et de jurisprudence criminelle lui soient adjoints et il propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale renvoie la lettre du ministre de la justice aux trois comités réunis, des recherches, des rapports et de jurisprudence criminelle; décrète : 1° Que ces comités lui présenteront, dans le plus court délai, l'état de ceux des accusés compris sur la liste jointe à la lettre du ministre, qui sont dans le cas de subir le jugement de la haute cour nationale, comme ayant été renvoyés soit à cette cour, soit au tribunal provisoire du Ghâtelet, par des décrets de l'Assemblée nationale; 2° que les comités distingueront parmi les autres accusés, compris sur la liste jointe à la lettre du ministre, et dont le renvoi, soit à la haute cour nationale, soit au tribunal provisoire du Ghâtelet, n'a été prononcé par aucun décret de l'Assemblée nationale, ceux qui sont prévenus de délits que les comités estimeraient ne pouvoir être qualifiés crimes de lèse-nation, et dont le jugement pourrait être renvoyé aux tribunaux ordinaires; et ceux dont les délits, paraissant plus graves, devraient devenir l'objet de rapports particuliers et détaillés à faire ensuite à l'Assemblée nationale, pour la mettre en état de statuer s'il y a ou s'il n'y a pas lieu à accusation contre les prévenus de cette troisième classe. »
(L'Assemblée accorde la priorité à la motion d'Emmery et adopte son projet de décret.)
au nom des comités de la marine et des pensions. Messieurs, vous avez
renvoyé, à vos comités de la marine et des pensions, l'examen des faits
imputés au ministre de la marine, sur la dénonciation de M. Bonjour,
pour avoir ordonné le payement d'un premier quartier des appointements
des ci-devant directeurs et intendants des bureaux de la marine (1). Il
est évident que le payement est contre le texte du décret du 29
décembre, ainsi conçu : « L'Assemblée nationale
L'Assemblée avait dit : Voilà des hommes placés en intermédiaires ; leurs fonctions sont inutiles, elles doivent être fondues dans celles des ! premiers commis et des chefs de bureau. S'ils sont appelés à remplir les places de chefs de bureau, ils exerceront les deux fonctions, et il n'y aura qu'une seule dépense.
Voici en conséquence le projet de décret que je vous présente au nom des comités des pensions et de la marine réunis.
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités de marine et des pensions réunis, décrète :
« Art. 1er. La décision du ministre de la
marine, du 17 mars dernier, relative à MM. Granchin, Devaivres, Poujet
et Le Brasseur, n'étant pas conforme au décret du 29 décembre 1790, les
fonds payés en conséquence de ladite décision seront rétablis dans la
caisse de la marine.
« Art. 2. La communication donnée par M. Bonjour, d'une décision qui était pour lui une pièce de décharge, et n'était point de nature à être tenue secrète, n'est qu'une conséquence des décrets de l'Assemblée nationale, et conforme aux devoirs de M. Bonjour. >»
Quant aux éclaircissements donnés par le ministre sur les fonds qui devaient rester en caisse, de ceux qui avaient été affectés annuellement au conseil de la marine supprimé par la loi du 25 janvier dernier, ils nous ont paru satisfaisants, et nous vous proposons à ce sujet un troisième article ainsi conçu :
« Art. 3. Les 128,275 1. 17 s. 3 d. restants des fonds destinés au conseil de la marine, suivant le compte satisfaisant qu'en a rendu le ministre, seront versés dans la caisse publique. » Nous vous proposerons aussi cet autre décret, f L'Assemblée nationale décrète que les relations et cartes envoyées par M. de La Peyrouse, de la partie de son voyage jusqu'à Botany-Bay' seront imprimées et gravées aux dépens de la nation, et que cette dépense sera prise sur le fonds de 2 millions ordonnés par l'article 14 du décret du 3 août 1790.
« Décrète qu'aussitôt que l'édition sera finie, et qu'on en aura retiré les exemplaires dont le roi voudra disposer, le surplus sera adressé à Mmede La Peyrouse, avec une expédition du présent décret, en témoignage de la satisfaction du dévoue-ment de M. de La Peyrouse à la chose publique, et à l'accroissement des connaissances humaines et des découvertes utiles. »
Un membre : Je demande que ce second décret soit mis aux voix avant l'autre, parce que le premier sera do longue discussion.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Messieurs, en vous me de La Peyrouse, je suis bien sûr de votre
indulgence et de votre attention.
L'Assemblée a prouvé qu'elle prenait le plus vif intérêt au sort de M. de La Peyrouse, par un décret qui a honoré aux yeux de l'Europe entière la nation qui l'a rendu par l'organe de ses représentants.
M. de La Peyrouse, en partant pour la longue et trop périlleuse campagne du tour du monde, dut pourvoir aux besoins d'une jeune épouse dont il se séparait pour le service de la nation. En conséquence, il fut convenu que le ministre de la marine ferait compter ses appointements à sa femme pendant tout le temps de son absence. Le ministre a exécuté les dispositions de M. de La Peyrouse jusqu'au 31 décembre 1789; mais, sous le prétexte de la responsabilité, il ne s'est pas cru autorisé à continuer le payement des appointements; il a refusé constamment de comprendre M. de La Peyrouse dans l'état des appointements des officiers de la marine.
Je ne vous ferai pas remarquer, Messieurs, le contraste de la conduite des ministres qui refusent constamment le payement des dettes les plus sacrées, par un scrupule qu'ils savent devoir faire la plus grande impression, avec cette facilité avec laquelle ils autorisent des dépenses considérables, illégales ou au moins douteuses, et sans que cette responsabilité qu'ils invoquent puisse les arrêter.
Si je pensais comme Je ministre qu'on pût mettre en doute si les appointements de M. de La Peyrouse seront payés à sa femme, je vous dirais : Messieurs, examinez la situation d'une femme qui sans secours dévore dans le silence les larmes les plus constantes et les plus amères sur les dangers trop réels d'un époux sacrifié au service de la nation ; examinez si vous serez plus durs que la loi qui, en laissant son état suspendu pendant dix ans, n'ose prononcer si elle est veuve ou non ; examinez votre décret qui ordonne l'armement de deux bâtiments pour aller à la recherche de M. de La Peyrouse ; et dites-moi si votre cœur ne se refuse pas à déclarer veuve Mmo de La Peyrouse? Et, dans ce cas même, vous refuseriez-vous à décréter à l'instant une pension en sa faveur?
Mais, Messieurs, l'espoir nous est encore permis ; et quelque faible qu'il puisse être, nous aimons tous a nous flatter de quelque succès. Le ministre ne peut vous proposer en ce moment des grâces particulières sur la tête de Mme de La Peyrouse. En conséquence je finis par une réflexion qui entraînerait votre détermination, si je faisais l'injure à vos cœurs de ne pas être convaincus qu'ils ont prononcé dès qu'ils ont pu connaître l'objet de ma réclamation.
Si les bâtiments qui ont été à la recherche de M. de La Peyrouse reviennent dans un an ou deux et vous amènent ce navigateur, s'il se présente à la barre, et que, aprèâ vous avoir raconté ses malheurs et ses souffrances, il vous dise : Messieurs, une pensée adoucissait mon sort; je savais que ma femme existait au milieu d'une nation généreuse qui sait récompenser dignement ceux qui se sacrifient pour elle ; je savais que, par les précautions que j'avais prises avec le gouvernement, elle recevait sa subsistance : mais quelle n'a pas été ma surprise et ma douleur, en apprenant que, par une suite de là plus belle Révolution, ma femme s'est trouvée privée du plus absolu nécessaire depuis 3 ans. Oui, Messieurs, je ne crains pas de le dire, je vois à ces mots la rougeur monter sur votre front.
Mme de La Peyrouse pourrait demander les
appointements de son mari, pendant tout le temps que la loi n'ose
prononcer sur son état; mais, modeste dans ses réctamations comme dans
sa conduite, elle se borne à solliciter le salaire de son mari, jusqu'au
retour des bâtiments que vous avez envoyés à sa découverte. Et si, par
un malheur qu'il serait trop cruel de prévoir, vous n'avez aucune
connaissance du sort de ce navigateur, elle remettra entièrement le sien
dans vos mains; et quel qu'il soit, dans la triste et cruelle situation
où elle se trouvera, elle ne pourra qu'y être très sensible. Je vous
propose d'ajouter l'article suivant au décret :
« M. de La Peyrouse restera porté sur l'état de « la marine jusqu'au retour des bâtiments envoyés « à sa recherche, et ses appointements conti-« nueront à être payés à sa femme, suivant la « disposition qu'il en avait faite avant son dé-« part. » (Applaudissements unanimes.)
rapporteur. Avec l'article additionnel présenté par M. Millet de Mureau le projet de décret serait ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que les relations et cartes envoyées par M. de La Peyrouse, de la partie de son voyage jusqu'à Botany-Bay, seront imprimées et gravées aux dépens de la nation, et que cette dépense sera prise sur le fonds de 2 millions ordonnés par l'article 14 du décret du 3 août 1790;
« Décrète que, aussitôt que l'édition'sera finie, et qu'on en aura retiré
les exemplaires dont le roi voudra disposer, le surplus sera adressé à
Mme de La Peyrouse, avec une expédition
du présent décret, en témoignage de la satisfaction du dévouement de M.
de La Peyrouse à la chose publique, et à l'accroissement des
connaissances humaines et des découvertes utiles ;
« Décrète que M. de La Peyrouse restera porté sur l'état de la marine jusqu'au retour des bâtiments envoyés à sa recherche, et que ses appointements continueront à être payés à sa femme, suivant la disposition qu'il en avait faite avant son départ. »
(Ce décret est mis aux voix et adopté.)
rapporteur. Nous passons maintenant à l'autre projet de décret.
Il était dans l'intention de l'Assemblée de conserver une fonction et un traitement quelconque aux ci-devant intendants. Le seul tort que je connaisse dans la décision de M. de Fleurieu, relativement au payement des 4 intendants de la marine, est de n'y avoir pas mis le mot provisoirement. En conséquence je demande la question préalable sur le projet du comité, et qu'on y substitue un article qui porte que les sommes payées à MM. Granchin, Devaivres, Poujet et Le Brasseur leur soient accordées provisoirement, jusqu'à ce qu'après l'organisation des bureaux on sache dans quel état ils resteront.
Plurieurs membres demandent la question préalable sur la motion de M. d'Estourmel.
Il n'y a rien de plus simple à juger que la question qui nous est soumise : il suffit de rapprocher les articles du décret de la décision même du ministre.
Par l'article 2, les directeurs et intendants sont supprimés. Voyez maintenant comment la décision du ministre s'accorde avec le décret, s'accorde avec les intentions de l'Assemblée. Le décret supprime les intendants et le ministre en conserve les fonctions; le décret dit qu'il n'y aura point de traitement et le ministre dit qu'ils seront payés de leurs fonctions contre les expressions littérales du décret. Je demande qu'on aille aux voix sur le projet de décret du comité.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! ,
Je ne veux mettre ni chaleur ni partialité : il s'agit ici d'une dénonciation faite contre le ministre de la marine. Je comptais aujourd'hui même demander la parole au nom des députés des colonies réunis, et comme ayant porté la parole chez M. de Fleurieu, où nous nous étions rendus pour lui dire que nous regardions comme une calamité qu'il quittât le poste qu'il occupe. (Murmures.)
Un membre : Il ne s'agit pas de cela.
Je sens bien que ce que je viens de dire me donne beaucoup de défaveur; mais cela n'en est pas moins vrai, et la suite fera juger si notre démarche a été juste, mesurée au non.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
Je répondrai qu'il est toujours à l'ordre du jour de dire la vérité. Je dis donc qu'au nom des colonies...
Il ne s'agit pas des colonies.
Vous savez apparemment que l'Assemblée a décrété que les colonies ne seraient pas séparées du ministère de la marine. (Rires.) Par conséquent il s'agit ici des intérêts des colonies.
Je vous prie de vous renfermer dans la question. Vous n'avez la parole que pour cela.
Non pas, Monsieur le Président; il s'agit d'une inculpation qui pourrait l'aire que les colonies perdentle ministre qu'elles désirent conserver pour le rétablissement de l'ordre. Assurément le désordre y est trop grand pour que l'Assemblée nationale ne prenne pas en considération ce vœu des colons et des colonies, lorsqu'ils vous disent que vous avez un ministre qui a leur confiance. (Murmures.)
Monsieur le Président, vous me faites l'honneur de vous moquer de moi. (Rires.) Monsieur le Président, quoique par votre organe j'apprenne que le vœu des colonies n'est rien...
Plusieurs membres : Il n'a pas dit cela.
On a ditqueM. Le Brasseur, un des ci-devant intendants dont il est ici question, voulait prendre la place de M. Bonjour; cest au contraire M. Bonjour qui veut celle de M. Le Brasseur. Ce dernier, qui est aussi bon patriote, a été administrateur en chef en Afrique, à Saint-Domingue, à l'île de France, et a rendu autant de services que M. Bonjour, officier du gobelet chez M***. Je désapprouve hautement la conduite du sieur Bonjour, et j'ajoute que, en donnant ainsi des éloges à la dénonciation d'un supérieur par un employé en sous ordre, on détruirait l'esprit de subordination, sans lequel il me paraît impossible que l'administration puisse marcher.
Je demande s'il y a lieu de renvoyer les quatre personnes qui sont à la tête de toute la marine dans le moment où vous décrétez un armement de 45 vaisseaux. Le ministre de la marine est un homme de mérite, il est de plusieurs académies (Rires.)...
Je demande la question préalable sur le projet du comité et je propose en outre le renvoi de la dénonciation au comité de Constitution, pour savoir si, sur une dénonciation particulière, un ministre regretté par la majeure partie de son département...
Je vous rappelle à l'ordre.
Monsieur le Président, vous rappelez à l'ordre comme un pédant donne des férules.
Plusieurs membres : La censure! La censure contre M. de Folleville !
(L'Assemblée décrète la censure contre M. de Folleville. (Applaudissements à droite.)
Je conclus à la question préalable sur le projet du comité.
Il n'a pas paru aux membres de votre comité que ce fût une chose licite et louable à un subalterne de provoquer une dénonciation avant d'avoir fait ses représentations à son supérieur. (Rires à gauche.) Lorsque le sieur Bonjour a provoqué la décision du ministre, s'il lui avait représenté qu'il regardait sa décision comme contraire aux décrets et qu'ensuite sa conscience, son patriotisme l'eût porté à un comité, alors je ne trouverais pas sa conduite répréhensible.
Je conclus à ce que le traitement touché par les 4 intendants soit réputé autant à valoir sur celui qui leur sera fixé par la suite et à ce qu'un commis des bureaux ne puisse déplacer les pièces que sur la demande des comités ou par les ordres de l'Assemblée. Voilà mon avis.
Messieurs, tous les actes, tant des ministres que des administrateurs, doivent être conformes aux lois. La loi toujours impassible ne doit jamais céder, si l'on ne veut pas voir les décisions administratives et ministérielles substituées aux décrets du Corps législatif, si nous ne voulons pas retomber dans le chaos du pouvoir arbitraire, dans tout le désordre qui amène nécessairement le silence des lois.
Le décret reudu hier contre M. de Fleurieu est le premier acte exercé en conséquence des décrets sur la responsabilité ministérielle et doit laire époque dans l'histoire. On ne peut s'arrêter à des considérations personnelles quand il s'agit de réclamer l'exécution de la loi. J'insiste forte-meut pour que l'Assemblée ne permette pas que la volonté d'un ministre et son erreur, peut-être involontaire, soient mises en balance avec la loi. Celle du 29 décembre était assez claire; elle supprimait les intendants généraux ; depuis cette époque ils ne devaient donc point toucher de traitement; ceux qu'ils ont reçus doivent être restitués.
C'est une erreur de M. de Fleurieu qui, ayant le droit d'accorder un
traitement quelconque aux
Voici en quoi consiste la contravention du ministre à votre décret. Vous avez réservé à l'Assemblée nationale de décider s'il y avait lieu ou non à conserver ces personnes, à leur donner une qualité et des appointements, et le ministre de son fait a déclaré qu'il y avait lieu à leur donner une qualité et des appointements.
Messieurs, il est important que l'on sache enfin que, si les ministres n'exécutent pas vos décrets, ils seront ramenés à la nécessité de leur exécution. 11 faut, pour ce premier motif, adopter le premier article du comité. A l'égard du second article, il doit l'être également, parce qu'il est impossible de trouver dans la conduite du sieur Bonjour aucun fait blâmable; au contraire, elle est digne d'éloges en ce qu'il vous a mis à même de réprimer les contraventions du ministre, et de faire enfin que le salut de la chose publique ne dépende plus des volontés des ministres et de leurs subalternes.
Je pense que l'erreur du ministre se borne à avoir avancé un payement qui
ne devait avoir lieu qu'après le décret de l'Assemblée nationale qui en
aurait déterminé la quotité. Pour exprimer cette idée, je demande que
l'article 1er soit rédigé ainsi :
« Les traitements faits aux ci-devant directeurs et intendants de la marine seront réputés acomptes ou avances. »
J'appuie l'amendement.
M. de Champagny vous a présenté une mesuré qui me paraît extrêmement inutile. Il avait été décidé que, dans ce moment-ci, les 4 intendants continueraient leur travail : cette disposition existe toujours. Où est le tort du ministre? C'est d'avoir fixé des appointements aux commis, d'en avoir ordonné le payement. Ce délit est évident à tous les yeux; et il est véritablement scandaleux que l'on passe deux heures sur une question aussi claire. S'il s'agissait de justifier une action de quelque patriote, on n'accorderait pas la parole si longtemps. Je demande que la discussion soit fermée et que les amendements soient rejetés par la question préalable.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les amendements.)
Je demande la question préalable sur le projet de décret.
La discussion est fermée.
Messieurs, il est de votre honneur et de votre justice d'entendre les motifs sur lesquels je fonde ma question préalable.
Plusieurs membres : Non ! non ! la discussion est fermée !
Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si M. Emmery sera entendu.
(L'Assemblée décide que M. Emmery ne sera point entendu.)
rapporteur, donne lecture du projet de décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de ses comités de marine et des pensions réunis, décrète :
Art. 1er.
« La décision du ministre de la marine, du 17 mars dernier, relative aux sieurs Granchin, Devaivres, Poujet et Le Brasseur, n'étant pas conforme au décret du 29 décembre 1790, les fonds payés en conséquence de ladite décision seront rétablis dans la caisse de la marine.
Art. 2.
« La communication, donnée par le sieur Bonjour, d'une décision qui était pour lui une pièce de décharge, et n'était point de nature à être tenue secrète, n'est qu'une conséquence des décrets de l'Assemblée nationale, et conforme au devoir du sieur Bonjour.
Art. 3.
« Les 128,275 I. 17 s. 3 d. restants des fonds destinés au conseil de la marine, suivant le compte satisfaisant qu'en a rendu le ministre, seront versés à la caisse publique. »
(Ce décret est adopté.)
prévient que la séance de demain matin ouvrira à onze heures et lève la séance à dix heures.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance du mardi 19 avril au matin, qui est adopté.
secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Il y a de l'obscurité dans le premier article du décret d'application de la marine que vous avez adopté hier. Cette obscurité ou cette équivoque existe dans ces mots-ci : pour cette fois seulement.
Je demande que ces mots soient retranchés ou, du moins, que l'Assemblée renvoie l'article au comité pour qu'il présente une rédaction plus claire et plus correcte.
(Ce renvoi est décrété.)
donne lecture :
1° D'une lettre du président de l'assemblée électorale du Var par laquelle il annonce la nomination de M. l'abbé Rigouard, curé de Solliès-Farlède et député à l'Assemblée nationale, au siège épiscopal de ce département. (Applaudissements.)
2° D'une lettre du ministre de la justice, portant que, d'après l'ordre
qu'il a reçu du roi, il al'hon-
(Cette lettre et ce document sont renvoyés au comité des rapports.)
3° D'une lettre des administrateurs du directoire du département des Hautes-Alpes contenant envoi d'un imprimé ayant pour titre: « Instruciion pastorale de M. l'archevêque d'Embrun, relativement au schisme dont son diocèse est menacé, » imprimé qu'ils dénoncent comme étant capable de répandre l'alarme et le trouble dans le département.
(Ce document est renvoyé à l'examen du comité des recherches.)
4° D'une adresse du sieur Dumont-Valdajou, chirurgien-démonstrateur de la ville de Paris, par laquelle il sollicite la continuation des traitements qu'il avait obtenus du gouvernement et qui ne lui ont pas été payés depuis quelque temps; il prie l'Assemblée d avoir égard aux divers établissements qu'il a fondés pour soulager la classe des citoyens infortunés de la ville en leur fournissant, en cas de maladie, les remèdes nécessaires à leur guérison.
(de Saint-Jean-d* Angêly). Je propose de rendre à M. Dumont-Valdajou les déboursés qu'il a faits.
Il ne faut pas laisser croire des faits qui ne sont pas vrais. Dans le rapport que j'ai fait dimanche au nom du comité de liquidation, M. Dumont-Valdajou est compris pour son arriéré (2). Après cela, il y a d'autres articles concernant ses pensions ; cela regarde le comité de cette partie : ainsi il n'a pas à se plaindre.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
J'observe qu'il ne s'agit pas seulement dans la pétition de M. Dumont-Valdajou de son arriéré, mais encore de son traitement à venir et qu'il serait bon de la renvoyer au comité des pensions.
(de Saint-Jean-d Angèly) appuie l'opinion de M. le Président.
Les établissements d« secours dus à M. Dumont-Valdajou regardent le comité de mendicité qui s'occupe précisément, en ce moment, de l'organisation des maisons de secours de la capitale.
Je demande le renvoi de l'adresse à ce comité.
(L'Assemblée décrète le renvoi de l'adresse de M. Dumont-Valdajou au comité de mendicité.)
J'ai reçu une lettre de MM. les officiers municipaux de Lyon, en forme de mémoire; la municipalité entretient l'Assemblée de diverses affaires à l'occasion desquelles elle s'est crue obligée de faire arrêter différents i arii-culiers accusés d'avoir excité le trouble dans cette ville et d'avoir conspiré contre l'Etat.
Cette lettre est très longue ; je crois que l'Assemblée pourrait se contenter d'en ordonner le renvoi à son comité des recherches pour en faire le rapport.
(Ce renvoi est décrété.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse des Français habitant à Saint-Paul (île de Bourbon), ainsi conçue :
« Saint-Paul (île de Bourbon),
« Le
« Messieurs,
« L'assemblée générale de la colonie vous a instruit, par son adresse du 29 septembre dernier, que votre décret du 8 mars et les sages instructions qui l'accompagnent étaient enfin parvenus dans cette colonie avec l'ordre du roi au gouverneur de les faire mettre à exécution.
« Cette assemblée ayant déclaré qu'elle jugeait la formation d'une nouvelle assemblée plus avantageuse à la colonie, que la continuation de sa propre activité, il a été bientôt après procédé à de nouvelles élections dans les paroisses, qui ont été faites conformément aux articles 4, 6, 7, 8, 9 et 10 de vos instructions.
« C'est sur nous que la colonie a daigné jeter les yeux pour composer le nouveau corps de ses représentants réunis au nombre de 40 dans la paroisse Saint-Denis : là nous avons jugé qu'il convenait que nous finissions nos séances à Saint-Paul; et c'est dans ce dernier lieu que, depuis le 23 du mois dernier, nous nous occupons sans relâche des travaux importants auxquels nous appelaient vos décrets bienfaisants et le choix de nos concitoyens.
« Nos regards se sont d'abord portés vers les auteurs de notre liberté, et les douces émotions de la sensibilité ont pu seules exprimer le vif sentiment de gratitude dont nos cœurs sont touchés.
« Respectant sans doute, Messieurs, le droit précaire qu'ont tous les hommes de participer à la formation des lois qui les gouvernent, vous avez voulu abandonner à nos faibles lumières le soin de préparer les plans sur la Constitution, la législation et l'administration qui peuvent convenir à la prospérité de cette colonie. Cette tâche honorable est un fardeau bien pesant pour des hommes peu versés dans les détails de l'économie politique, dont leur état et le despotisme les ont toujours tenus éloignés; qui, pour la plupart cultivateurs, n'ont à offrir a la confiance de leurs commettants, que des intentions pures et le zèle ardent du patriotisme.
« Nous ne doutons point, Messieurs, que nous ne puissions incessamment vous faire parvenir nos pétitions et nos plans de constitution et de législation ; et d'avance nous réclamons de votre bonté l'indulgence que nous avons droit d'en attendre, lorsque paraîtra au milieu de vous cet ouvrage de quelques hommes simples, droits, qui, sans autre prétention que celle de faire le bien, peuvent errer néanmoins dans les moyens d'y parvenir. Au moins, si, égarés par de fausses lumières ou par la bonté même de nos cœurs, nous nous écartons des voies qui doivent nous conduire au bonheur, nous sommes certains de trouver bientôt dans votre sein des législateurs éclairés qui relèveront nos erreurs et nous ramèneront aux vrais principes.
« Daignez permettre qu'au nom de tous les Français de cette colonie que
nous représentons, nous vous présentions l'hommage pur de leur
dévouement et de leur reconnaissance. Nous osons vous assurer que,
remplis d'amour et de vénération pour les pères de la patrie, pour le
chef auguste et bienfaisant de l'Empire français, nous recevrons
toujours avec empressement et soumission les décrets qui nous seront
adressés, et
« Bien pénétrés de ces sentiments, nous sommes avec un profond respect, Messieurs, vos très humbles, etc,....
Signé : Rougemond, Bernard, Barbarin, Au-ber, Barrois, Greslau, J. Simillies, Fa-lois, Bussor, Bertrand, Ghaudemerle, La-porte, Delaunay, Degmont, Eisdore, Dro-manne, Hubert, Juard, Lecher, Lebourg, Jasiettiers, Léon, Thauret, Cassaret, Gui-bon. »
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention de cette adresse dans le procès-verbal.)
Voici une lettre anonyme.
Plusieurs membres : Pas de lecture I pas de lecture!
Ce n'est point sur un ton qui déplaira à l'Assemblée; je crois devoir la lui faire connaître :
« Messieurs,
« Ne laissez pas l'honneur à la législature suivante d'abolir le duel ; immortalisez-vous en rendant un si grand service à l'humanité. Songez que si vous méprisez cet avis, vous en répondrez devant Dieu et devant les hommes. Vous répondrez de tout ce sang qui sera versé. Je ne laisserai pas ignorer à la France entière ce peu de mots que je vous écris.
« Je verrai si vous êtes dignes de mon respect.
« Adieu.
« Le 28 avril 1791. »
Il faut renvoyer cette lettre au comité de Constitution.
(Ce renvoi est décrété.)
Un membre du comité de vérification rend compte de la justice des motifs invoqués par M. de Lachèze à l'appui d'une demande de congé de 3 semaines et propose à l'Assemblée de lui accorder ce congé.
(Ce congé est accordé.)
au nom du comité des colonies et des pensions. Messieurs, après avoir entendu le compte qui vous fut rendu des troubles qui avaient eu lieu à Port-Louis, île de Tabago, le 17 février dernier, vous jugeâtes qu'une indemnité était due au sieur Blosse, lieutenant en premier au régiment delà Guadeloupe, qui, après avoir déployé le plus grand courage pour ramener à l'ordre une troupe indisciplinée, et pour sauver la vie à un très grand nombre d'habitants, perdit absolument la totalité des effets qu'il possédait. Vous avez renvoyé la demande du sieur Blosse à l'examen et à la discussion du pouvoir exécutif. Le ministre de ce département a renvoyé au comité des colonies son avis et la fixation de son indemnité. L'avis du comité et du ministre de la marine a été le même que celui du comité des colonies. Ils pensent que l'on doit à ce citoyen, qui s'est dévoué au service de la patrie, une indemnité sur les fonds destinés au payement des gratifications et indemnités. En conséquence, je vous propose d'adopter le projet de décret dont la teneur suit :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu ses comités des colonies et des pensions réunis, décrète que, sur les 2 millions destinés au payement des gratifications et indemnités en vertu du décret au 3 août 1790, il sera payé au sieur Blosse, lieutenant en premier au régiment de la Guadeloupe, la somme de 6,000 livres, pour l'indemniser des pertes qu'il a éprouvées dans les troubles qui ont eu lieu au Port-Louis, île de Tabago, le 17 février 1790. »>
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport des comités des contributions publiques, des finances, des domaines et d'agriculture et de commerce sur les articles généraux relatifs à l'organisation des corps des finances.
au nom des comités des contributions publiques, des finances, des domaines et d'agriculture et de commerce. Messieurs (1), vous avez chargé vos comités des contributions publiques, des finances, d'agriculture et de commerce et des domaines réunis, de vous présenter leurs vues sur l'organisation des compagnies de finance. Ils sont prêts à remplir cette tâche.
Elle se divise en trois parties.
Vous avez d'abord à distinguer deux espèces de perceptions : l'enregistrement et le timbre d'une part, les douanes de l'autre. Ce sont heureusement les seuls impôts indirects qui nous restent. La perception des taxes des traites exige une police et une manutention différente de celle des droits d'enregistrement. Nulle ressemblance ne les rapproche. Elles exigent donc une organisation séparée. M. Defermon vous présentera l'une, M. Gou-dart l'autre. Mais, avant d'entrer dans les détails de l'organisation des perceptions indirectes, vous avez à régler plusieurs objets préliminaires qui regardent l'existence politique des agents qui en seront chargés. Ce sujet a paru à vos comités mériter un rapport particulier. Je suis chargé de vous le faire, et c'est ce qui m'amène à la tribune.
Veuillez donner une sérieuse attention à cet objet. Il ne faut pas croire qu'en instituant les agents des perceptions indirectes, vous n'ayez à ordonner qu'un simple atelier de finances, à établir entre les ouvriers qui le rempliront, qu'une police propre à assurer et accélérer un travail étranger et indifférent à la Constitution.
Les contributions indirectes que vous avez décrétées exigeront, pour leur perception, environ 18,000 hommes. C'est peu, sans doute, si l'on compare ce nombre à celui qui était autrefois employé en France, à celui qui l'est maintenant en Angleterre. L'ancienne contribution indirecte de France, les entrées comprises, employaient 80,000 hommes : celles d'Angleterre en emploient 40,000. Mais c'est beaucoup, si l'on considère non seulement ce que ces hommes eussent pu rapporter d'avantages à la société, étant employés à des travaux utiles, mais encore, et surtout, ce qu'ils pourraient contre la liberté politique et la propriété s'ils étaient institués sans précaution. 18,000 hommes, dépositaires d'un pouvoir public, sont d'un grand poids dans la balance des pouvoirs. Il faut donc examiner avec beaucoup d'attention sous quelle forme il convient que les agents de la finance exercent le leur.
Subordonnerez-vous les employés, sans en faire de grands corps, aux corps
administratifs? En
Pour les résoudre,il est nécessaire de rappeler deux principes : 1° il faut que les moyens ne contrarient pas la fin ; que les percepteurs puissent faire la perception sans embarras, la faire par tout le royaume, sur des principes uniformes ; car c'est de l'uniformité de perception que dépend l'exécution de la plus importante de vos lois constitutionnelles, celle qui décrète l'égalité; 2° il faut encore que les moyens de la perception ne contrarient pas la Constitution. Guidés par ces deux principes, examinons la première question.
Première question. Faut-il des corps de finance?
Les corps administratifs ne peuvent être chargés des perceptions indirectes :
1° Parce que les produits de cette sorte de perception dépendent d'une multitude de circonstances qui les augmentent ou les réduisent, et qui, ne pouvant être soumises au calcul, ne peuvent, par cette raison, être assujetties à des règles fixes. Un département où la perception serait relâchée payerait moins qu'un autre moins riche, mais où la perception serait plus rigide ;
2° Les perceptions indirectes exigent des connaissances particulières et une étude suivie. Les corps administratifs, composés de membres temporaires, y seraient toujours malhabiles;
3° Il s'introduirait dans la perception une différence d'usages et de jurisprudence impossible à détruire à la suite ;
4° Des magistrats élus par le peuple, pour un temps limité, pourraient très bien ne pas être animés de l'esprit de perception qui est nécessaire pour assurer les produits.
Voilà 4 circonstances qui montrent que les perceptions ne peuvent être remises aux corps administratifs, sans blesser le premier principe que nous avons exposé. Voici ce qui concerne le second :
l°Les perceptions indirectes multiplieront trop les occasions où la magistrature populaire agirait sur le peuple. Or rien ne compromet tant la magistrature populaire, que la fréquence de son action. Elle est instituée pour la tranquillité des citoyens : il ne faut donc pas qu'ils puissent lui reprocher leurs inquiétudes de chaque jour, les gênes de chaque action de leur vie. Le sentiment des gênes attachées aux perceptions indirectes, sera longtemps prêt à s'aigrir ou à s'exalter par les réminiscences de l'ancien régime;
2° Les membres des corps administratifs, pouvant disposer d'un très grand nombre de places, pourraient disposer d'un grand nombre de suffrages dans toutes les élections ;
3° Les membres des corps administratifs, maîtres de favoriser un très grand nombre de citoyens dans les perceptions, augmenteraient aussi par là leur influence dans les élections;
4° Les autorités administratives sont obligées de requérir la force publique quand elle est nécessaire pour la sûreté de la perception. Si les administrateurs sont eux-mêmes les percepteurs, ils paraîtront toujours agir dans leur propre cause, armer pour leur opinion, disposer de la force à l'aide de leurs volontés. Toujours le service de la force publique doit être séparé de la faculté de la délibération.
Concluons donc que l'existenflfc séparée de petites corporations de finance, attachées à chaque département ou district, d'un côté compromettrait le grand principe de l'égalité de perception qui dépend ici de l'uniformité ; de l'autre donnerait aux corps administratifs une trop grande puissance active, une trop grande influence morale, et cependant compromettrait ou dénaturerait le pouvoir qui leur est déféré par la Constitution. 11 faut donc des corps d'agents pour les perceptions indirectes.
Deuxième question. Subordonnerez-vous les corps de finance au gouvernement?
Mais si vous instituez de grands corps de finance, vous tombez dans d'autres dangers; et c'est ici l'objet de la seconde question... Subordonnerez-vous les corps de finance au gouvernement? Ces corps ne peuvent-ils pas porter atteinte à la liberté et à la propriété, en ruinant la Constitution qui en est l'abri ?
La Constitution peut être attaauée en 2 points : l'autorité déléguée au prince, et l'autorité exercée par des représentants ae la nation.
Les autorités nationales peuvent l'être par 2 moyens : 1° la corruption, qui rend le despotisme indifférent à leur existence; 2° la force ouverte, qui, en les détruisant, épargne la peine et l'humiliation de les corrompre.
J'appelle autorités nationales celle du Corps législatif, celle des corps judiciaires, la souveraineté du corps du peuple.
Le ministre peut les corrompre : 1° en s'em parant des suffrages de ceux qui remplissent les places : c'est corrompre l'autorité dans son exercice; 2° en corrompant ceux qui donnent les places, afin qu'ils les décernent à ceux qui sont déjà corrompus : c'est empoisonner la source.
On corrompt les suffrages de deux manières. Immédiatement par l'argent, en payant un homme vénal; même en rendant vénal, par la séduction de l'argent, un homme qui ne l'était pas. Média-tement par l'argent encore, en corrompant par lui l'esprit public, en montrant partout l'argent s'é-coulant des mains du prince, les places lucratives, les pouvoirs lucratifs et permanents émanant des mains du prince; en attirant tous les regards sur le prince, et en les détournant de la patrie, qui, comme la nature, n'est libérale que pour le travail, et en proportion du travail.
On corrompt aisément l'esprit public, on attire tous les regards sur le prince, quand il a 18,000 places à donner, quand ces 18,000 places sont lucratives, quand elles suffisent chacune à l'établissement d'une famille, quand elles sont distribuées sur toute la surface du royaume, quand elles sont permaneutes, quand elles offrent des chances d'avancement, quand elles donnent des fonctions qui embrassent les citoyens dans tous les actes de leur vie. et donnent sur eux une sorte d'empire, quand elles offrent à ceux qui les occupent l'appui d'un grand corps, et surtout quand tous ces avantages départis aux corporations de finance n'appartiennent à aucun autre fonctionnaire public, c'est-à-dire quand les autres fonctionnaires publics sont temporaires, modique-ment salariés, quand ils sont privés de tout empire, même de toute influence; quand enfin ils n'ont pas l'appui, si souvent utile, d'une grande corporation étendue sur tout l'empire.
On détruit les autorités nationales par la force ouverte ; mais, suivant
les circonstances, la me-! sure de force nécessaire pour cette
destructiou est
On a une force suffisante pour détruire la souveraineté d'un peuple corrompu : 1° quand on peut disposer dé 18,000 hommes, dont 15,000 forment une armée disciplinée et exercée; 2° de 30,000 hommes qui aspirent à faire partie de cette armée; 3° d'une perception productive avec quoi l'on soudoie un supplément de force ; 4° du crédft des grandes compagnies de finance, nanties des contributions publiques, et pcmvant les offrir pour gages à des emprunts considérables.
On dispose réellement d'une perception productive : 1° quand on peut cacher les produits et les dérober; 2° quand on peut les faire parvenir par une route détournée dans le trésor du prince au lieu du Trésor public ; 3° quand on peut forcer les produits et retirer de l'impôt une somme extraordinaire pour une entreprise préméditée.
Avec tous ces moyens, le ministère peut également miner Vautorité du prince. « En Angleterre, dit John Nickols, la séduction et la corruption sont devenues les ressorts du gouvernement. Les taxes multipliées sous tant de formes produisent des places utiles, sans nombre, à donner, et multiplient son influence dans le3 élections. Il ne renoncera point au plus ferme appui de l'empire qu'il a usurpé sur la nation, et sur le roi même, à qui il a laissé peu de dispositions, sous le spécieux prétexte de ménager son intérêt. »
Ainsi, c'est à des ministres intrigants, ambitieux et usurpateurs, bien plus qu'au prince, que pourrait profiler la ruine des autorités nationales.
Ce pourrait être aussi aux chefs mêmes des corps de finance ; et alors l'autorité publique serait véritablement dans les mains des traitants. C'est ce qui est toujours arrivé sous le règne des ministres faibles ou ignorants, qui, comme on sait, n'ont pas été rares en France. Autrefois la puissance des plus grandes corporations, je veux parler des cours et même celle des ministres, quand elle avait été amollie quelque temps, ne suffisaient pas toujours pour résister à la puissance des compagniesdefinance. Ondoitse rappeler combien M. Necker a eu de peiue à réduire au nombre excessif de 12 les 48 receveurs généraux des finances; combien cette réforme, quoique insuffisante, lui suscita de tracasseries. On a vu des compagnies de finance qui naguère menaçaient encore.
Avec de grands corps de finance subordonnés au ministère, le ministère peut donc corrompre et détruire la Constitution, être lui-même corrompu et affaibli.
Il peut du moins violer sans cesse la liberté individuelle et la propriété; la liberté individuelle, en autorisant des vexations, des duretés privées; la propriété, en dérobant, ou seulement en cachant au peuple les produits, en empêchant la surveillance, en compliquant la comptabilité, en empêchant la réforme des perceptions, les diminutions de frais, les suppressions d'emplois inutiles, enfin en faisant servir les deniers publics à des spéculations privées.
La conséquence de ces observations est donc que les corps de finance ne doivent pas être mis sans réserve et sans précaution dans la dépendance du ministère ou du gouvernement.
L'intérêt même de nos nouveaux corps de finance sollicite la prévoyance des législateurs. L'intérêt de ces corps est que rien ne les sépare du corps des citoyens ; que rien ne les distingue de la classe commune des fonctionnaires publics. Sous un gouvernement libre, tous les citoyens sont frères ou ennemis; tous les fonctionnaires publics sont considérés comme ayant part à la paternité publique, ou comme des instruments de tyrajinie. Les agents du fisc sont les fonctionnaires publics les plus exposés aux préventions défavorables. L'impôt excite toujours quelque humeur dans le redevable au moment de payer, et cette humeur sert de prétexte aux défiances. Or, si l'on veut que le citoyen soit confiant pour les agents des perceptions," il faut montrer que la loi a été défiante envers eux. Si l'on veut qu'à leur aspect la sécurité reste inaltérable dans tous les esprits, il faut que l'inquiétude et la cautelle se montrent dans les institutionsqui les concernent. Si l'on veut que les percepteurs ne puissent être accusés sans cesse de malfaisance, il faut les environner de règles qui leur ôtent les moyens de mal faire; de sorte que dans leur action on ne voie que celle de la loi, et dans leur intérêt que l'intérêt public.
Troisième question. Comment convient-il d'instituer les corps de finance?
One des premières vérités que nous avons reconnues est qu'on ne peut établir en France un grand corps de finance indépendant d^une autorité supérieure toujours active, toujours vigilante et responsable. Ce principe nous conduit à un premier résultat, c'est que jamais les perceptions indirectes ne peuvent être affermées et qu'elles doivent être régies. En effet, une ferme serait un grand corps indépendant, au sein de l'Etat, où il n'y a plus de grauds corps; un grand corps, dont les chefs vous seraient donnés par la seule richesse, et dont les inférieurs seraient au choix des chefs; un grand corps dont l'union et l'étroite cohésion doubleraient les forces naturelles ; en un mot, un empire dans l'empire, et puissant contre l'empire. Avoir ainsi réduit la question, c'est l'avoir résolue.
D'ailleurs, un de vos décrets semble interdire même d'examiner si les revenus publics, consistant en contributions ou taxes, seront affermés. C'est le décret du 7 octobre, dont voici les termes : « Aucun impôt ne sera accordé que pour le temps qui s'écoulera jusqu'au dernier jour de la session suivante. Toute contribution cessera de droit à cette époque, si elle n'est pas renouvelée. ». Il résulte de ce décret, que les contributions établies sous le nom de taxes, comme les contributions appelées directes, dénomination souvent appliquée d'une manière très inexacte, n'ayant d'existence assurée que pour 2 ans, ne pourraient être données à ferme pour plus de 2 ans. Or tout le monde sent que l'Etat ne trouverait de fermiers pour un temps aussi court, qu'en laissant l'exploitation des revenus affermés à un taux fort inférieur à sa valeur.
Quoique ces observations suffisent pour éloigner à jamais l'idée d'affermer les taxes publiques, cependant, Messieurs, il peut être utile de tixer plus particulièrement votre détermination sur ce point. Je vais donc vous exposer encore quelques réflexions de vos comités à cet égard.
1° Il nous a paru que ce serait rendre odieuse et méprisable, ou du moins
très suspecte, l'activité qu'il importe tant de faire honorer dans
2° Par la régie, on empêche les fortunes subites et démesurées ; on empêche le dégoût de se répandre sur toutes les professions ; 1 amour des richesses de gagner tous les cœurs. On épargne au peuple un spectacle qui l'afflige, l'irrite ou le corrompt ;
3° Par la régie, on évite des Vexations infinies. La ferme tourmente toujours les lois, pour les rendre plus productives, et ensuite les tribunaux ou le législateur même, pour consacrer l'extension des lois, et y ajouter. Dépositaires ou instruments d'une grande partie de la fortune publique, les fermiers, toujours importuns, sont néanmoins toujours sûrs d'obtenir. Ils ne font pas les lois, dit Montesquieu, mais ils forcent à les faire.
On a dit que les régies étaient plus rigoureuses envers le peuple que les fermes : cela a été vrai en France, mais on n'en peut rien conclure en faveur des fermes. En effet, la cause de la différence dont il s'agit a été la versatilité du gouvernement, qui a sans cesse passé de la régie à la ferme, et delà ferme à la régie. On a mis les régies entre les mains de compagnies qui, ayant été fermières et voulant le redevenir, ont vexé Bous le nom de régie, pour faire désirer le retour de la ferme, et en même temps se préparer, par des rigueurs dont l'odieux ne tombait pas sur elles, des profits plus abondants pour le temps où la ferme serait rétablie. La forme de régie étant invariablement arrêtée, les régisseurs n'auront plus désormais de motifs pour vexer.
Enfin, si après les raisons les exemples pouvaient être nécessaires, nous dirions que dans tous les pays libres, en Hollande, en Angleterre, les revenus de l'Etat sont en régie.
Après avoir combattu l'idée d affermer les contributions indirectes, on se sent cependant rappelé à cette idée par un avantage attaché aux fermes : c'est la certitude et la fixité du revenu public, qui, dépendant de la vigilance du fermier, est garanti par son intérêt privé.
Cet avantage, il est vrai, n'appartient point à la simple régie; mais il n'appartient point exclusivement à la ferme. M. Necker l'a ootenu du système des régies composées, système qui consiste à laisser les perceptions entièrement dans la main de l'Etat; à donner aux régisseurs des appointements fixes et suffisants, et et leur accorder, dans ce revenu, lorsqu'il passe une certaine mesure, une part qui devient une légère surabondance de salaire et une sorte de largesse rèmu-nératoire.
Dans ce système, l'impôt ne devient pas la propriété de quelques individus; une autorité publique en tient toujours le régulateur.
Dans ce système, l'armée fiscale est à l'Etat, non à des particuliers.
Dans ce système donc, le bénéfice du régisseur ne peut avoir d'autre effet que de le rendre plus attentif à ses devoirs, de donner à la règle plus de vie, plus d'action; de la rendre, pour ainsi dire, plus présente à toutes les circonstances qui peuvent naturellement et légitimement féconder le revenu public. La régie intéressée est celle que le commerçant , établit dans ses affaires, en ajoutant aux gages de ses commis une part dans les bénéfices. Encore, bien qu'il dirige toujours leurs opérations, il aime à faire concourir leur volonté et leur zèle au succès de ses entreprises. Dans l'art d'administrer la finance, le commerce doit être votre modèle. C'est son expérience qu'il faut opposer aux misérables et funestes routines des anciens manipulateurs d'argent qu'on appelait autrefois les aigles de la finance et qui, pour la plupart, en étaient bien plutôt les vautours.
Nous avons dit que les chefs des corps de régie, ou les ministres, acquièrent la puissance redoutable d'exercer à leur choix la corruption ou la violence, quand ils peuvent disposer d'un grand nombre de places et d'une grande somme des deniers publics.
La première conséquence qui semble résulter de ces considérations, c'est qu'il convient de ne point donner aux ministres la faculté de nommer aux emplois supérieurs, ni aux chefs de la régie le droit de nommer aux emplois inférieurs; mais d'autres circonstances contrarient le principe. Vous avez décrété que la suprême administration des finances serait confiée à des délégués du prince, sous leur responsabilité. Or, si le ministère est responsable des perceptions, il doit pouvoir nommer aux places supérieures ; et si, comme je le pense, les employés supérieurs doivent être responsables aussi pour ce qui les concerne, ils doivent pouvoir nommer aux emplois inférieurs.
S'il était possible de réduire un corps de finance à une subordination aussi exacte que les corps militaires, de les soumettre à la discipline pour tous leurs mouvements, la responsabilité aurait pour appui des règles précises et rigoureuses, et l'on pourrait charger les corps administratifs de composer les régies. Mais les percepteurs ne sont ni casernés pendant la nuit, ni alignés pendant le jour ; ils ne manœuvrent pas tous ensemble ; leurs fonctions sont en partie abandonnées à leur probité; leur subordination est volontaire : la confiance est donc le seul titre sur lequel les nominateurs puissent répondre des sujets : ils doivent, par conséquent, avoir la liberté du choix.
Mais il est très possible de tempérer l'effet d'une pareille faculté. On peut décréter :
1° Que le ministre notifiera au Corps législatif la nomination qu'il aura faite des chefs de régies, et qu'il les exposera ainsi à la censure des représentants de la nation ;
2° Que la nomination des employés supérieurs des départements n'appartiendra ni aux chefs des régies, ni au ministre exclusivement, mais à celui-ci, sur la présentation des autres;
3° Que tous ces employés et les inférieurs seront présentés aux corps administratifs et aux municipalités sur le territoire desquels ils exerceront leurs fonctions, et qu'ils y seront assermentés;
4° Qu'il y aura un ordre d'avancement déterminé par la loi, et tel que, sans affaiblir la responsabilité, ni arrêter l'émulation, il prévienne l'arbitraire ;
5° Que l'arbitraire sera également écarté des destitutions. Cette dernière mesure est importante; car la crainte d'une destitution assujettit bien plus encore que la gratitude d'une nomination. La nomination s'oublie aisément : elle est un bienfait, quand elle n'est pas une justice ; au lieu que la crainte de la destitution agit en raison du double intérêt de la fortune et de l'honneur et constitue presque toujours l'homme dans la dépendance la plus étroite.
Voilà nos moyens pour empêcher que la grande masse d'hommes qui composeront les corps de finance ne soient à la disposition de leurs chefs ou des ministres.
Il nous reste à vous exposer le moyen que nous avons cru propre à prévenir l'abus des fonds provenant des contributions indirectes.
Ce moyen consiste à décréter qu'ils seront versés par les percepteurs des régies, dans les caisses de district.
Si vous l'adoptez, les ministres ne seront pas maîtres de changer le cours des deniers publics, de les détourner du Trésor de l'Etat, pour les verser dans le trésor du prince, ni de les intercepter pour eux-mêmes.
Si vous l'adoptez, les chefs des compagnies ne pourront déguiser les produits, pour augmenter leurs profits ; ils n'auront plus d'intérêt à les déguiser, à les forcer par une rigueur démesurée ou par des exactions; ils n'auront plus à offrir aux vues du gouvernement un crédit fondé sur le nantissement des deniers de l'Etat, et qu'ils survendent néanmoins à l'Etat.
Si vous l'adoptez enfin, non seulement vous n'aurez plus à craindre que les contributions publiques ne soient employées au détriment de la Constitution, mais de plus, le Corps législatif tiendra entièrement dans ses mains le régulateur du pouvoir exécutif : au moindre danger d'usurpation de sa part, un décret suspendra le versement des fonds des caisses de districts dans la trésorerie. Ainsi une législature pourra, sans combats, sans péril, sans bruit, d'un seul mot, paralyser une armée tournée contre la liberté et tarir, pour les plus redoutables ennemis de la Constitution, la source de la vie et de la puissance.
Vous avez applaudi à cette vue, Messieurs, lorsque le comité des contributions publiques vous a proposé de réserver à des autorités populaires la suprême administration des finances; et si vous avez rejeté le projet de décret qui vous a été proposé à cet effet, c'est uniquement parce que vous n'avez pas trouvé de convenance au moyen d'exécution qui vous était offert. Or, le versement des contributions indirectes dans les caisses de district, remplit à peu près le même objet et ne présente aucun des inconvénients qui vous ont frappés, dans l'idée de faire élire les chefs de régies par les représentants du peuple. C'est donc à vos principes que nous nous conformons aujourd'hui, et ce sont vos lumières qui nous ont guidés.
Si nous nous bornons à considérer notre projet sous ses rapports immédiats avec les droits de la propriété et de la liberté, nous trouvons encore plus de motifs qu'il n'en faut pour l'appuyer.
C'est un droit attaché à la propriété en matière, de finances, que de suivre de l'œil les deniers publics, depuis le moment de leur recette jusqu'au payementfinal des dépenses pour lesquelles ils sont consacrés.
C'est sur ce principe que vous avez voulu que les produits des contributions directes fussent recueillis par des collecteurs populaires, mis en dépôt dans la caisse de trésoriers électifs, soumis à l'inspection d'administrateurs de district, pareillement électifs. C'est sur ce même principe que vous avez décrété que des représentants de la nation inspecteraient sans cesse les opérations des administrateurs royaux de la trésorerie générale.
Ce que vous avez fait pour une sorte d'impôt, vous devez évidemment le faire pour les impôts indirects dans chaque district. A quoi servirait, en effet, que des représentants de la nation surveillassent le Trésor public, que des représentants de chaque district surveillassent les caisses des contributions directes, si des mains suspectes pouvaient intercepter dans leur cours les contributions indirectes, et si leur produit était un secret concentré entre quelques membres d'une régie séparée du reste de la nation, et dépendant du seul ministre ?
On n'oppose à notre système qu'une objection facile à lever.
On nous dit que les receveurs de district sont, en général, incapables de la tâche qu'ils ont maintenant à remplir et que le surcroît de recette, que nous proposons de leur attribuer, ne fera qu'aggraver le mal résultant de leur impuissance actuelle.
Nous répondrons à cette objection :
1° Qu'il n'y a de receveurs incapables que dans quelques petites villes et que, dans cellès-là, les recettes indirectes seront peu considérables;
2° Que si les receveurs des districts sont, en général, moins capables que ceux des régies, en compensation ces premiers ne sont pas aussi généralement attaqués que les seconds de la maladie de l'agiotage, qui présente bien plus de danger pour la chose publique ;
3° Que d'après les mesures prises par l'Assemblée nationale, le nombre des districts sera réduit l'année prochaine, et que très probablement la suppression tombera sur ceux qui offrent le moins la ressource des talents;
4° Que jusqu'à présent la comptabilité n'ayant été soumise à aucune règle, elle a pu être irrégulière, sans qu'il faille en conclure que les mêmes hommes dont on se plaint aujourd'hui, l'exercent encore mal à la suite ;
5° Qu'il est incomparablement plus simple et plus facile de recevoir sans contrôle, sans examen, des mains d'un percepteur d'impôts indirects, le produit de sa recette, que de recevoir les contributions directes, pour lesquelles il y a des formes à suivre, des quittances à donner; qu'ainsi les hommes capables de faire celle-ci le seront certainement de faire l'autre ;
6° Que s'il se trouve des receveurs de district incapables de remplir leurs fonctions, il faut les destituer; car il est absurde de laisser en place des hommes chargés d'une recette annuelle de 380 millions de perceptions directes, et de 3 milliards de biens ecclésiastiques, tandis qu'on ne peut leur confier une simple recette de 80 millions, dégagée de tout embarras de perception.
Dans les principes et dans le plan que nous vous proposons, Messieurs, tout se réduit à empêcher les corps de finance, que vous allez placer entre tous les pouvoirs publics, d'être une fédération occupée de ses seuls intérêts dans l'Etat, ou une armée ministérielle, instrument de corruption et de tyrannie publiques. Ne vous le dissimulez pas, Messieurs : la Constitution n'a aucun danger à courir qui ne vienne de la finance, ou que la finance ne puisse augmenter. La liberté anglaise ne périra que par ses finances; elle n'est déjà altérée que par ses finances; une malheureuse vénalité ne s'est introduite dans le parlement britannique que par les finances.
Veill ez sur l'avenir, Messieurs ; prévenez l'abus des corps de finance.
Servez en cela de modèle à la nation voisine qui, sous d'autres
rapports, vous en a servi; avertissez-la, par votre prévoyance, des
malheurs qui l'attendent, comme elle vous a
Voici le projet de décret que vos comités m'ont chargé de vous présenter :
« Art. 1er. Les taxes d'enregistrement et de timbre d'une part, celles des traites, de l'autre, seront perçues par deux régies intéressées, l'une sous le titre de régie de 1 enregistrement et du timbre, l'autre sous le titre de régie des douanes.
« Art. 2. L'administration centrale de chaque régie sera établie dans la capitale.
« Art. 3. Les modes d'admission aux emplois et d'avancement seront déterminés pour chaque régie par un décret particulier.
« Les régisseurs généraux dans chaque régie seront choisis et nommés par le roi, entre les employés du grade immédiatement inférieur, ayant au moins 5 années d'exercice dans ce grade.
« Les employés du grade immédiatement inférieur à celui de régisseur seront choisis et nommés par le ministre des contributions publiques, entre trois sujets qui lui seront présentés par les régisseurs généraux, suivant l'ordre d'avancement qui leur sera prescrit.
« Les préposés inférieurs seront nommés par la régie.
« Art. 4. Les régisseurs généraux ne pourront être destitués qu'en vertu d'une délibération des commissaires ae la trésorerie, et sur la proposition du ministre des contributions publiques. Les préposés immédiatement inférieurs ne pourront l'être qu'avec l'approbation du ministre des contributions publiques et en vertu d'une délibération des régisseurs généraux. Les employés inférieurs pourront l'être par une délibération des régisseurs.
« Art. 5. Immédiatement après la nomination des régisseurs généraux, le roi en donnera connaissance au Corps législatif. Le ministre des contributions publiques donnera connaissance de celle des préposés en chef dans les départements, aux directoires des corps administratifs dans le territoire desquels les préposés devront exercer leurs fonctions. Les régisseurs généraux donneront, tant aux directoires desdits corps administratifs que des municipalités, l'état des employés intérieurs qui exerceront dans leur territoire.
« Art. 6. Tous les membres des régies feront serment de remplir avec fidélité les fonctions qui leur auront été départies; les régisseurs généraux prêteront ce serment entre les mains du ministre des contributions publiques et du commissaire de la trésorerie; les préposés, devant les directoires des corps administratifs dans le territoire desquels ils devront exercer leurs fonctions.
« Art. 7. Les produits des recettes des différentes régies seront versés dans les caisses de district, aux termes et suivant le mode qui seront réglés par le décret d'organisation de chacune d'elles.
« Art. 8. Tout receveur de l'une ou l'autre régie adressera au receveur de district, avec les fonds qu'il lui fera passer, un état de sa recette brute, des frais de perception qui auront été et dû être prélevés sur les produits, et de la somme i effective versée à la caisse du district. Il en- I verra en même temps un double certifié de ces états au directoire du district et à la municipalité de sa résidence.
« Art. 9. Les directoires de district pourront, quand ils le jugeront à propos, vérifier et faire vérifier, par les municipalités, les caisses et les registres des receveurs des différentes régies.
« Art. 10. Les receveurs de district fourniront un supplément de cautionnement proportionnel au produit présumé de leur recette, d'après les déclarations des régisseurs généraux.
« Art. 11. Les produits des régies qui seront versés à la caisse au receveur de district, seront ajoutés à la masse générale de ses autres recettes, et sa remise sera fixée sur le tout conformément à l'article 25 du décret du 22 novembre dernier. »
Je demande la parole.
(de Saint-Jean-d' Angély). Le rapport qui vient d'être fait est très important; avant de passer à la discussion, il me semble nécessaire que l'Assemblée ait pu le méditer.
En conséquence je propose l'ajournement jusqu'après l'impression de ce document.
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Rœderer et arrête que, dès qu'il aura été distribué, les articles du projet seront soumis à la discussion.)
L'ordre du jour est un rapport des comités des domaines, des contributions publiques, des finances et d'agriculture et de commerce, sur l'organisation générale de l'administration des douanes nationales.
au nom des comités des domaines, des contributions publiques, des finances et d'agriculture et du commerce. Messieurs (1), je viens dans ce moment fixer votre attention sur un objet bien important, puisqu'il s'agit de l'exécution de vos décrets sur les droits de traites, c'est à vous, en effet, qu'il appartient d'autoriser la dépense de cette grande administration, d'en régler toutes les parties, afin que rien ne soit laissé à l'arbitraire. C'est ainsi que, successivement, toutes les dispositions qiji s'y rapportent doivent vous être soumises, pour éprouver les réformes dont vous les jugerez susceptibles.
Les administrateurs des douanes nationales, qui ont été nommés en exécution de votre décret du 31 octobre, ont présenté un plan d'organisation de l'administration qui leur était confiée. Ce plan, analysé et discuté dans vos comités réuuis d'agriculture et du commerce, des contributions publiques, des domaines et des finances, a paru susceptible de plusieurs changements importants ; c'est le résultat de ce travail que je viens vous offrir.
Avant d'entrer dans aucuns détails, je dois vous présenter une observation générale qui vous fera connaître la difficulté qu'il y aura toujours d'arriver, dans la perception des droits de traites, à une mesure proportionnelle avec tous les autres impôts, parce que la difficulté résulte de la nature même des choses et du but auquel il faut atteindre, très indépendamment des produits ; la protection que la nation doit au commerce et à l'agriculture, qui sont les deux sources de la richesse et de la prospérité des empires.
Ce serait en effet mal juger des traites que de
Les traites se trouvant, dans le nouveau sys- teme que vous avezadopte, uue branche entiere- ment isolee par la suppression de la gabelle et la liberte que vous avez accordee a la culture du tabac, il en resulte necessairement que la garde des fronti&res et des cotes reste a la charge des traites; ce qui rendra cette administration dis- pendieuse.
Vous desirez sans doute, Messieurs, que je vous mette a portee de comparer !e present au passe ; mais,pour vous offrir des resultats bien certains, ii faudrait me livrer a des details tres longs, les surcharger de calculs arides, et les justi- fier par beaucoup d'observations. Cependant, pour vous donner en apergu un terme de com- paraison, si nousisolons les traiies dans I'ancien regime, comme elles vont l'6tre dans le nouvel ordre de choses que yous avezetabli, je me crois autorise a dire que le produit net des traites, evalue 28,200,000 livres, en y comprenant les droits pergus dans l'intSrieur, ne sWenait qu'avec une depense d'environ 14 millions.
Aujourd'hui le produit net a esperer, en y com- prenant le droit sur le tabac pour 4 millions, ne peut etre evalue qu'a 18,800,000 livres, parce que, pour favoriser le debouche des productions de yos colonies, vous venez de consentir a un sacrifice de plus de 1,200,000 livres; mais aussi la depense due nous allons vous proposer ne s'elevera qu'a 8,543,572 livrer Ainsi, en der nier resultat, si les produits sont diminues de 9,400,000 livres, de l'autre, la depense offreune economie de plus de 5,400,000 livres. Le veritable sacrifice n'est done reellement que de 3,965,000 li- vres. G'est a ce prix que vous aurez fait un si grand bien au commerce. Ge sacrifice serait en- core plus considerable, que vous vous applau- diriez du parti que vous avez pris.
Vos conntes desirent que vous trouviez ieb moyens de reduire la depense, sans nuire, par une 1'ausse economie, a toutes les mesures que les grands interets du commerce et de l'agncul- ture~ combines avec ceux duTresor public, vous font un devoir de preudre pour remplir toutes vos obligations. Nous sommes dans la contiance que ce que nous venons vous proposer est juste; et que, dans Mat des choses, ll est impossible de porter plus loin Teconomie.
Apres ces reflexions qui tixent vos iaees, aaiis lesquelles nous avons pose les veritables termes du probleme en indiquant les grandes difficuites que nous avions a vaincre, je vais analyser le plan sur lequel vous avez a prononcer.
II se divise naturellemeut eu deux parties.
La premiere otfre 1 organisation generaie ae l'administration des douanes nationales.
La seconde concerne la depense.
En suivantcet ordre, je vous ferai connaitre l'uti- lite de cette multitude d'agents qui vont fitre employes a cette perception, et les motifs qui ont determine a proposer les differents salaires qu'on vous demande de leur accorder.
Avant de vous soumettre le travail de vos co- mites, je suis charge en leur nom, et plus parti- culiarement de celui d'agriculture et de com- merce, d'acquitter une dette sacree, ceile de la reconnaissance envers un citoyen recommanda- ble par son zele etses lumiere*: M. Magnien. Plus qu'un autre j'ai (tte aportee d'apprScier les servi- ces qu'il a rendus a la chose publique, et je me plais a dire que, lorsque le comite d'agriculture et du commerce s'estoccupe de la grande opera- tion du reculement des douanes aux frontieres, livre a lui-meme, separe en quelque sortede tous les agents qui auraient pu 1'aider dans un tra- vail h£risse de difficulty, ll a trouve dans M. Maguien des secours d^autantplus stirs, que ce citoyen a, par une longue experience, acquis des connaissances qu'il s'est empresse de communi- quer. II a supplee par la a toutes les instructions que le comite aurait ete dans le cas de reclamer ; ll a mis a decouvert tous les abus, dont il a ete si longtemps le t6moin ; il a indique tout le bien qu'il etait possible de laire : c'est une justice ae dire qu'il a rendu notre travail facile, et contn- bue tres essentiellement au succes de cette grande operation. Le temps est venu ou les homines qui se rendent utiles sont distingues; il suffit de les faire connaitre. Si le temoignage que vos comi- tes rendent a M. Magnien n1est qu7une partie de la recompense qui lui est due, ce tribut de notre reconnaissance, offert devant les representants de la nation, sera dans tous les temps un titre d'honneur, que tous les citoyens a l'envi cher- cheront a meriler en consacrant leurs talents au service de la patrie.
Organisation generate de Vadministration des trai- tes, comprenant V6tablissement des bureaux de perception et des brigades sur les frontUres, leur surveillance locale et la correspondance cen- trale a Paris.
Je ne vous arreterai qu'un instant sur lopera- tion principale qui sert de base a tous les eta- blissement3 dont je vais vous parler, parce quelle peut s'enoncer en peu de mots et que i'atilite de ces etablissenaents se demontre par le seut expose.
c'est le royaume de France qu il faut garder, c'est la contrebande qu'il faut empecher ; il est reconuu que la circonference surlaquelle il faut former des etablissements protecteurs parcourt environ 1,518 lieues, savoir : 895 lieues de cotes, et 623 lieues de frontieres de terre.
On a calcule que pour se mettre en etat ae pourvoir a la surete de toutes les perceptions, de satisfaire a toutes les facilites qu'il faut don- ner au commerce, il etait n£cessaire d'etablir un bureau par deux lieues; cette mesure n'est que proportionnelle, car,selonles localites, ilsseront plus 6loignes dans telles parties, et dans telles autres plus rapprochSs; leur nombre seul est utile a connaitre; il se porte a 714. Les comites ne croient pas qu'il y ait rien d'exagere dans cette premiere disposition. G'estdansces bureaux: que serontdistribues 1,668 employes, ce qui n'en donne pas 3 pour chaque bureau ;inais lis seront repartis selou i'utilite dout ils doivent 6tre, et suivant les besoins du service.
Independammentde ces bureaux dans lesquels
Je ne poursuivrai pas, Messieurs, sans vous taire remarquer que ces établissements dont il est impossible de se passer pour la sûreté du commerce, forment la partie essentielle de la dépense ; que lors même qu'il ne s'agirait pas de percevoir des droits, il faudrait encore employer cette force pour repousser les productions étrangères qui nuiraient à nos manufactures et à notre agriculture ; et quand vous calculerez qu'il s agit de pourvoir au salaire de 14,953 employés, vous ne vous étonnerez plus si la somme est considérable ; i'en parlerai lorsque je vous offrirai Je tableau de la dépense, je ne m'occupe dans ce moment que de l'organisation, de la distribution des préposés, et d'indiquer l'utilité de leur service. Je reprends la suite de tous les agents dont le besoin d6 surveiIler la Perception indique le besoin.
Ces 714 bureaux de perception et ces 1,775 postes de préposés à la police du commerce exierieur, exigent une surveillance continuelle et d autant plus grande, qu'ils sont placés sur 1 extrême frontière à l'étranger; elle sera con-Uee a b3 inspecteurs ambulants des douanes et à 12 inspecteurs sédentaires dans 12 des princi-pales douanes.
Le comité a pensé qu'une aussi grande surveillance dont l'utilité est si évidente, ne pouvait être confiee a moins de 75 personnes qui auront une grande activité, et dont la plus grande partie aura un espace assez étendu à parcourir: aussi Messieurs, si vous avez des réductions à faire' elles ne sauraient porter sur des agents qui sont les vrais moyens d'exécution de vos lois.
Il est nécessaire de former des centres de directions à cette multitude d'établissements épars et tellement éloignés du centre commun qu'ils ne peuvent y correspondre que par des intermédiaires; de là la nécessité des directions particulières. 38 départements aboutissent aux frontières- I mais comme il en est qui n'y tiennent que par un seul district, d'autres par UDe seule paroisse, on a dû renoncer à l'idée de placer une direction par département ; il a paru plus économique et plus convenable a l'objet dont il s'agit, de diviser les frontières du royaume, pour les douanes nationales, en 20 directions; en observant, autant qu'il a été possible, de suivre la division même des départements et de placer les directions près des corps administratifs.
Pour le rassemblement des fonds et la vérifica- tion des perceptions,il se présentait trois movens Le premier, d'établir autant de receveurs généraux qu'il y a de directions ; le second, de réunir les tonctions de receveur général à celles de* directeurs; le troisième, de faire verser le produit des perceptions, par les receveurs principaux dans les caisses de district. '
Les administrateurs ont proposé le premier moyen, et le ministre des finances a partagé cette opinion. Le second, qui avait l'avantage de présenter une économie de 95,000 livres, a paru à vos comités sujet aux mêmes inconvénients que le premier, celui d'autoriser ces receveurs à trouver leur salaire dans le bénéfice qu'ils feraient sur la négociation de l'argent destiné au Trésor public. Il leur a paru plus conforme aux principes qui dirigent toutes vos opérations, de faire verser promptemerit dans les caisses des districts le produit des perceptions, et d'assurer ainsi, de la manière la plus prompte et la plus économique, la rentrée dans le Trésor public. Vos comités se sont arretes par ces motifs que je me contente d indiquer, a donner Ja préférence au dernier moyen, qui, en effet, paraît le plus naturel ; et cest dans cet esprit que je continuerai à vous parler de cet objet.
Ainsi, en résumant sur ces agents supérieurs, bS inspecteurs ambulants, 12 inspecteurs sédentaires, dirigés par 20 directeurs ; en tout 95 préposes supérieurs, qui seront chargés de diriger le travail d'environ 15,000 employés, dispersés dans une etendue de 1,518 lieues.
Vous jugerez, sans doute, comme votre comité que ces dispositions-n'excèdent pas les bornes du besoin; que réduire le nombre des agents, ce serait compromettre les intérêts auxquels il faut veiller. Vous aurez sous les yeux un tableau complet de cette régie, lorsque je vous aurai parle du point central d'où tout doit émaner et ou, en dernier résultat, tout doit venir se réunir
Cette régie centrale recevra son mouvement du pouvoir exécutif, et le communiquera à toutes les parties.
Voici la nature et l'étendue des travaux dont elle sera chargée; cette connaissance est nécessaire pour déterminer le nombre d'agents qui doivent être employés.
l°La régie aura,sous la surveillance du ministre, la nomination des emplois vacants, mais elle devra se conformer aux règles qui seront établies ; car il importe de faire cesser aussi dans cette partie, l arbitraire et l'influence de la faveur qui, dans toutes les carrières, a repoussé le vrai mérite qui restait sans récompense;
2° Elle veillera à la suite des affaires conten-tieuses, et donnera les instructions nécessaires pour la suite des saisies;
3° Pour assurer l'exactitude du versement des fonds dans le Trésor public, elle recueillera les états de produits des receveurs des douanes les bordereaux des fonds envoyés par eux aux receveurs de districts, en fera la comparaison avec les bordereaux de recette envoyés par ces derniers, et s'assurera, par ce moyen, si les envois de fonds annoncés par les receveurs des douanes sont réels. La vigilance de l'administration sera telle,qu elle pourra à toute réquisition rendre un compte exact de la situation de chaque comptable;
4º Elle recevra lescomptes des différents receveurs ;
5° Enfin elle entretiendra une correspondance active avec les 20
directeurs ; elle veillera à ce que les décrets de l'Assemblée nationale
soient exécutes, et elle tiendra tous les agents des
Lorsque nous vous avons proposé de confier la régie des douanes nationales à 7 personnes, il entrait dans les vues de votre comité de commerce qui s'était concerté à cet égard avec le ministre, de joindre à cette régie deux inspecteurs généraux aont les fonctions eussent été de parcourir chaque année une partie des côtes et frontières pour y vérifier le travail et l'exactitude des différents préposés; mais vos comités réunis ont reconnu que le même objet pouvait être rempli avec plus d'économie et moins d'agents, en portant le nombre des régisseurs à 8, et en assujettissant deux d'entre eux aux tournées que l'on proposait de faire faire par les inspecteurs généraux. Cette inspection, à laquelle chaque régisseur sera appelé à son tour, les mettra tous en état de connaître l'universalité des côtes et frontières, dont ils auront à diriger le service, et de réunir toutes les lumières, toutes les instructions qui peuvent concourir à perfectionner cette administration et satisfaire à tous les intérêts généraux et particuliers du commerce.
Dans ce moment, Messieurs, où il faut établir un nouvel ordre de choses, vos comités ont pensé qu'il était nécessaire de porter le nombre des régisseurs à 8, et qu'il en résulterait un grand bien, parce que le choix du roi appellera sans doute dans cette administration l'un de ces hommes qui ont des connaissances de détail, si précieuses dans toutes les administrations et surtout dans celle des douanes nationales, où il faudrait toujours réunir à des connaissances générales une expérience acquise dans l'exercice de différents postes; de ces hommes précieux, il en est que le ministre saura désigner au roi pour assurer le succès de cette grande opération.
Nous vous proposons cependant d'arrêter dès aujourd'hui que le nombre des régisseurs sera successivement réduit à 6, parce quedans la suite ce nombre doit suffire; dans ce moment, il serait insuffisant.
Les fonctions de ces régisseurs, dont 6 seront toujours sédentaires à Paris, vous sont connues par l'énumération que j'en ui faite. Ils délibéreront en commun sur toutes les affaires relatives aux douanes nationales, et c'est avec une distribution sagement combinée de différents agents dans les bureaux qu'ils parviendront avec facilité à diriger cette administration.
Vos comités ont pensé que l'organisation des bureaux de la régie centrale devait être divisée en 6 bureaux à la tête de chacun desquels serait placé un directeur dont le travail sera constamment soumis au conseil que formeront les régisseurs en chef qui délibéreront sur toutes les affaires.
L'un de ces bureaux sera chargé de tout le contentieux de l'administration des douanes nationales.
Le deuxième préparera l'expédition de toutes les affaires communes à tous les départements.
La correspondance avec les 20 directeurs sera divisée en 4 bureaux.
Pour donner à cette administration toute l'activité qui lui est nécessaire, le nombre des commis ne peut être moindre de 38. Les administrations avaient proposé de le porter à 68 dont la dépense était évaluée à 189,000 livres; dans le plan que nous proposons, elle se trouve réduite à 114,100 livres, tous les objets d'utilité sont remplis : vos comités ont dû vous présenter ces moyens d'ordre et d'économie, et sans doute, ils ne doivent pas craindre que vous leur reprochiez d'avoir mis de l'exagération dans ce qu'ils vous proposent.
Telle nous paraît devoir être l'organisation générale de l'administration des douanes nationales, considérée sous tous les rapports généraux et particuliers; je vais fixer votre attention sur toutes les différentes parties dont je viens de parler, en vous présentant le tableau de la dépense dont j'ai dit en commençant que le résultat était une somme de 8,543,572 livres. C'est dans le détail seul que je vais mettre sous vo3 yeux, que vous reconnaîtrez s'il serait possible de faire de nouvelles réductions.
Des appointements de tous les préposés et de toutes les dépenses relatives à l'administration des douanes nationales.
Le principe qui a servi de base à la fixation des appointements de tous les ageats,qui doivent dépendre de la nouvelle administration des douanes nationales, doit vous être exposé, parce qu'il servira de mesure à toutes les propositions que le développement du plan va vous offrir.
Les dépenses publiques doivent être réglées avec la plus sévère économie, parce qu'elles pèsent sur le peuple qui les paye; et lorsqu'elles présentent un ensemble considérable, tel que la garde de plus de 1,500 lieues de frontières^ la multiplicité des dépenses qui en résulte doit nécessairement restreindre Ta quotité de ces salaires ; la justice, lorsqu'elle est éclairée, commande de diminuer le salaire des places supérieures, pour donner aux grades inférieurs ce qui leur est absolument nécessaire; car pour être servi avec zèle et fidélité, il faut que chacun des employés trouve une juste rétribution, et aperçoive dans son avancement, Ja récompense de son exactitude.
Il serait trop long de vous exposer toutes les classes qui ont été formées pour la fixation de ces salaires; mais j'en dirai assez pour vous mettre à portée de les apprécier; je les reprends dans le même ordre où je les ai présentées eu traçant l'organisation générale de cette administration.
Les 1.668 employés qui seront répartis dans les 714 bureaux de perception
auront ensemble pour appointements la somme de 1,253,610 livres ; je
dois vous observer que c'est à raison de 7541. 5 s. par préposé; dans ce
nombre, trois receveurs seulement jouiront de 5,000 livres, à raison de
l'importance de la comptabilité dont ils seront chargés; quelques autres
auront un traitement de 4,000 livres et les moindres salaires seront de
200 livres. Par les deux extrêmes de la proportion, vous pouvez juger,
Messieurs, que, dans cette partie qui forme un objet très essentiel de
la dépense, il est impossible de vous proposer aucune réduction, surtout
si vous considérez que tous ces traitements sont soumis à une réduction
pour l'imposition personnelle et à une contribution pour la caisse des
retraites dont vous jugerez sans doute la conservation utile. Le sort de
ces employés doit un jour s'améliorer, parce qu'il deviendra possible
d'en réduire Je nombre; mais,aujourd'hui, il est une autre dette à
acquitter ; celle de fournir des secours à ceux qui vont rester sans
emploi; les comités vous proposeront un travail sur cette classe
d'hommes malheureux dont il faut adoucir le sort ; vous ne serez
Les 13,284 préposés à la police du commerce extérieur, divisés en 1,775 postes, auront ensemble pour appointements la somme de 5,963,782 livres ; ceux-là, Messieurs, ne seront pas plus chèrement salariés, et même dans une proportion plus faible, puisque c'est à raison de 459 1. 4 s. par employé. Le traitement le plus fort est donné pour le service à cheval, et ne s'élève pas au-dessus de 1,800 livres; le moindre donné aux mousses ne s'élève pas au delà de 250 livres, le plus grand nombre ne recevra pas au delà de 380 livres ; ces trois termes connus, il vous est démontré que l'économie a présidé à la distribution de ces salaires qui seront acquis par une activité continuelle, et vous trouverez juste de leur offrir en perspective un avancement proportionné à l'utilité et à la durée de leur service, avancement qui jusqu'ici leur a constamment été refusé, et qui devra leur être assuré par un règlement que nous vous présenterons très incessamment.
Permettez, Messieurs, qu'en rapprochant ces deux articles qui forment un objet de dépense de 7,217,642 livres, je vous observe de nouveau que cette somme n'est que l'acquittement d'une dette sacrée, la protection due au commerce, à l'industrie et à l'agriculture ; que, par elle, en assurant la prospérité de toutes ces branches si fécondes en richesses, vous facilitez la perception de tous les autres impôts ; et, sous ce point de vue, la dépense générale de l'administration des douanes nationales ne paraîtra pas excessive. Ces mêmes agents, déjà si utilement employés, et quelques autres, qui ne coûteront pas 1,300,000 livres, doivent faire arriver dans le Trésor public 18,800,000 livres, et c'est le commerce lui-même qui paye la protection que la nation lui accorde. C'est ainsi qu'en considérant cette dépense sous le seul rapport qui soit vrai, on reconnaît qu'il est de sa nature qu elle soit considérable : mais elle est juste ; elle est nécessaire ; il n'est plus possible de calculer et d'atteindre à une économie qui serait une véritable parcimonie qui nuirait à tout.
Le troisième objet de dépense comprend les 75 préposés supérieurs qui auront la surveillance de 14,954 préposés, tant des bureaux que des brigades. Les appointements proposés pour cette classe d'agents s'élèveront ensemble à 216,000 livres.
Je dois vous observer que le maximum pour les inspecteurs ambulants est fixé dans ce plan à 3,800 livres et le minimum à 2,400 livres; que le maximum des inspecteurs sédentaires est de 3,000 livres, et le minimum de 2,400 livres. Pour apprécier ces salaires, et reconnaître s'ils excèdent les justes proportions, il faut considérer que les inspecteurs ambulants seront chargés de l'achat et de l'entretien d'un cheval, et qu'ils auront à parcourir environ 25 lieues de terrain, pour inspecter les différents bureaux et les postes intermédiaires. Les inspecteurs sédentaires, moins payés que les premiers, auront néanmoins des fonctions très importantes, très assujettissantes. Il vous paraîtra sans doute difficile de faire aucune réduction sur ces divers traitements. Si nous les comparons à ceux de quelques employés de cette classe, dans l'ancien ordre de choses, vous y apercevrez une grande économie; en effet, tel contrôleur général des douanes jouissait d'un traitement qui se portait de 8 à 9,000 livres, et son service était moins actif que ne le sera celui des nouveaux préposés.
Voire comité a donc cru pouvoir vous demander d'approuver cette répartition des salaires.
Il nous reste à présent, Messieurs, à vous parler du traitement des vingt directeurs'des frontières et de celui des huit régisseurs : nous terminerons ce chapitre par l'état des frais de bureaux.
11 est un principe incontestable en matière de perceptions indirectes; c'est qu'un des moyens les plus certains d'en obtenir tout ce à quoi elles paraissent devoirs'élever,estd'intéresser auxpro-duits les agents qui les perçoivent ; et on ne peut se dissimuler que, dans une administration de l'espèce dont nous vous proposons l'organisation, chacun des employés, suivant son poste et son grade, concourt plus ou moins, mais toujours d'une manière très directe au maintien des produits : une conséquence naturelle de cette vérité serait qu'il aurait été désirable de pouvoir donner aux différents préposés des douanes nationales un motif d'encouragement et d'activité. Vos comités, convaincus de la justice de cette théorie et de l'utilité dont elle pouvait être au Trésor public, ont longtemps, mais vainement cherché à en faire l'application à tous les emplois sans distinction : mais il faut des bases pour établir des remises; et si vos comités, d'accord sur ce point avec les commissaires des douanes nationales, en ont trouvé d'assez approximatives pour les produits de chaque direction en particulier, de presque certaines pour le produit total des douanes nationales, ils ont aussi reconnu que les bases qui pouvaient servir à établir des remises pour le sort des employés inférieurs étaient tellement incertaines qu'on ne pouvait, sans s'exposer aux inconvénients des deux extrêmes, c'est-à-dire à accorder trop ou trop peu, faire dépendre de données aussi variables la subsistance de ces employés; car celle-ci doit être assurée, indépendamment de tous les événements qu'on peut prévoir et même de tous les hasards : et ce n'est que sur l'aisance qu'on peut, sans inquiétude, s'abandonner à un résultat de calcul sur lequel, malgré toutes les probabilités, la prévoyance la plus éclairée peut être trompée.
Cette aisance se trouve et doit nécessairement se trouver dans les
emplois supérieurs (et par ceux-ci nous entendons les places de
directeurs et de régisseurs), qui sont destinés à être la
récom-pensed'un travail pénible etdeconnaissanceséten-dues, résultant
d'une longue expérience. C'est donc à ces places qu'il est, par les
motifs que nous vous avons présentés plus haut, et convenable et utile
d'attacher des traitements divisés en parties fixes et parties variables
; mais comme cette dernière partie d'émoluments peut, surtout dans les
deux premières années, ne pas rendre tout ce que l'on doit en attendre
par la suite, vos comités ont pensé qu'il était juste de fixer un
minimum auquel chacun de ceux dont le traitement vous occupe dans cet
instant aurait droit de prétendre, quelle que fût la modicité des
produits sur lesquels leurs remises sont assises. Cette précaution vous
paraîtra sans doute de toute justice, si vous voulez considérer que ces
remises éventuelles sont entrées pour une partie importante dans le
traitement que vos comités vous proposent pour les directeurs et
régisseurs, et qu'il ne serait pas équitable de les exposer à en être
totalement privés par les contrariétés de tout genre, inséparables d'un
établissement nouveau, contrariétés antérieures à l'époque de leur
administration, et auxquelles la surveillance de l'avenir, quelque
active qu'elle puisse être, ne
Nous avons établi que les directeurs et régisseurs devaient, et pour leur propre avantage, et pour celui de la nation, avoir un traitement composé de parties fixes et de parties variables, c est-à-dire de remises ; mais elles ne peuvent être de même genre, ni basées sur les uiômes proportions pôur les uns et pour les autres. Un directeur ne peut concourir qu'aux produits de la direction'¦ sa surveillance ne s'etend pas au delà de son arrondissement ; mais sur tout ce qui le compose, elle sera éclairée par son propre intérêt, et l'on sait combien ce motif a de force. Ainsi, il entretiendra dans une activité perpétuelle tous les emplovés qui lui sont subordonnes ; il proposera les économies qu'il jugera convenables sui les frais inutiles, et il ne présentera jamais de réductions nuisibles à la perception, parce qu il lui importera de ne pas courir le risque de dégrader ses produits.
Le régisseur, au contraire, tient dans sa main tous les fils de l'administration: c'est lui qui fait concourir toutes les surveillances particulière» à l'avantage général; ce sera lui qui aura, le droit et le devoir de juger des avantages ou des inconvénients, des économies ou des dépenses qu'on pourrait lui proposer. C'est dans ses mains enhn, que résideront les grands moyens ,de vigilance, et surtout d'économie : et les nous vous proposons de les assujettir, leur tour-niront les moyens de s'éclairer par eux-mêmes, et de juger des choses sur les lieux.
Il résulte de ces points de conformité et de différence dans les positions des directeurs et des
régisseurs:
1º Que le traitement des uns et des autres doit être composé de parties fixes et de parties éventuelles ou de remises;
2° Que les remises ne peuvent être accordees que sur les produits nets; .
3° Que celles des directeurs doivent avoir lieu sur le produit de leurs directions ;
4° Que celles des régisseurs doivent s étendre sur le produit de toutes les directions, mais dans une proportion différente. h
Cela posé, nous vous proposons d'accorder à chacun des vingt directeurs :
1º Un traitement fixe et uniforme de 7,000 livres;
2° Une remise éventuelle d'un demi-denier pour livre sur le produit net de sa direction, mais avec nn minimum de 1,000 livres, pour les deux Premières années. Sans doute, toutes les directions ne sont pas d'une même importance; mais ceux nui seront chargés des directions les plus considérables, trouveront, dans la quotité de leurs remises, un dédommagement sufhsant d un travail plus important et plus étendu; et la diffé rence de ces remises proportionnera tout naturellement le traitement au travail, et deviendra encore un objet d'encouragement et d émulation.
La proportion que vos comités vous proposent a été déterminée par ces considérations puissantes, qui veulent qu'on se tienne a une ega e distance des deux extrémités La mesure qu 1 s ont adoptée pourra paraître faible à ceux qui se rappellent que telles directions rendaient depuis 20 à 30,000 lives.
Mais elle vous paraitra juste : et c'est tout ce que nous avons cherché. Les appointements de des 20 directeurs forment en totalité la somme de 140,000 livres.
Les remises sont pour 1 e minimum de 2U,UUU livres en totalité; et dans la supposition d un produit net de 18,800,000 livres, elles pourront sé-lever à 39/242 livres aussi en totalité.
Quant aux 8 régisseurs des douanes nationales, formant à Paris le centre de l administration, leur traitement fixe vous est propre à raison de 12 000 livres. Ce sort est bien différent de celui dont ils jouissaient ; mais ce n'est pas 1 exagération du passé qui doit vous servir de mefuïe : vous Pdevez payer convenablement ceux qui sont employés à la direction générale de cette administration nationale, oui doit perdre tous les caractères delà fiscalité. On n'était prodigue autrefois nue Darce qu on ne calculait pas pour le peuple sur qui ïes impôts étaient prélevés. Tout semblait fait pour enrichir quelques hotn-mes privilégiés, que la protection appelait à ces places lucratives Ce n'est pas, lorsque vous avez porté une sévère économie dans les salaires que vous accordez à tous les fonctionnaires publics, crue, sur le produit des impôts, vous en prélèverez qui excèdent les justes bornes. Ainsi ils auront chacun :
1° 12 000 livres de traitement fixe; ce qui tait, pour 8 régisseurs, 96,000 livres;
2° Des remises à raison de trois quarts de denier pour livre, sur la totalité des produits nets.
Et comme l'évaluation des produits des douanes nationales peut raisonnablement être portee a 18 800 000 livres, il en résulte que les remises calculées au taux ci-dessus faisant une somme de 58,345 livres, chacune des places pourra valoir, par la suite, 18 à 20,000 livres, et dans ces premières années, 16 à 18,000 livres.
Enfin, nous vous avons dit qu'il nous paraîtrait utile d'assujettir les régisseurs à visiter les; frontières du royaume; il est juste de leur accorder annuellement une sommeJde 10,000 livres pour ces frais de voyage. Nous. n'avons, pas besoin d'appuyer sur les motifs qui rendent cette dispt^ sition utile, et qui doivent vous convaincre, ainsi que vos comités en ont été persuadés, de 1 avantage qui résultera de cette opération bien faite, qui sûrement ne fera pas regretter le peut sacrifice pécuniaire qu'elle necessite.
Je viens, Messieurs, de vous parler du traitement de tous les préposés .qui seront employés dans cette régie ; je dois ajouter que les régisseurs et ceux des préposés qui auront un maniement de deniers, seront a^ajettis a fournir un cautionnement en immeubles. Celui des 8 régisses S devoir être fixé à 100,000 livres pour chacun : quant à celui des receveurs, il ne peut être encore déterminé; il le sera d'après le montant présumé de leur recette et du délai qui sera fixé pour le versement qu'ils devront en taire : les cautionnements des inspecteurs sédentaires et ambulants seront de 10,000 livres; ceux des directeurs de 15,000 livres.
Ces dispositions, nous avons lieu de le croire, vous paraîtront combinées d'une manière juste pour ceux que vous appelez à cette administration, et avantageuse pour le Trésor public : aussi est-ce avec confiance que vos comiiés vous présentent leur opinion.
Ce n'est pas à ces seuls objets que se borno la dépense de cette administration ; celle des bureaux de l'administration centrale s'élèvera à 114,100 livres. Cette somme se divise entre 38 personnes, savoir : 6 directeurs, dont j'ai indiqué les fonctions. Leur traitement nous a paru devoir être fixé, savoir : à un directeur aux appointements de 8,000 livres, et les 5 autres à 6,000 livres. En réduisant, comme nous l'avons fait, le nombre des agents, nous avons eu deux objets : le premier, de les salarier mieux ; le second, de n'employer que des hommes instruits, car ces directeurs doivent l'être, étant placés à une grande administration, réduite à ses moindres termes. Les appointements des premiers commis et de tous les agents qui leur sont subordonnés, sont, pour un seul, de 4,000 livres ; pour les autres de 3,500 et de 3,000 livres; pour les commis aux écritures, de 1,500 et de 1,400 livres.
Ces détails vous mettent à portée, Messieurs, de juger si nous pouvions réduire la dépense ; nous ne le croyons pas. Je pourrais, pour justifier cette opinion, comparer les traitements projetés, avec ceux dont jouissaient les mêmes agents ; vous verriez que quelques-uns s'élevaient jusqu'à 10,000 livres, que l'un d'eux avait jusqu'à 20,000 livres; mais, je le répète, ce ne sont pas des motifs pour admettre ces propositions, et je ne dois pas comparer ces temps de prodigalité à celui de l'économie et de la justice.
Enfin, le loyer et les frais de bureaux de cette régie, réduits au nécessaire, forment uu objet de dépense, qui ne peut être évalué à moins de 20,000 livres.
Après vous avoir parlé des frais de bureaux de l'administration centrale, je dois vous faire con-n aî tre l'é va luation de ceux des 20 directions, qui n e sont pas compris dans les dépenses dont j'ai fait l'énumération. Ces frais sont évalués à 66,000 livres, et nous paraissent réduits à leurs moindres termes. Les 6 directions principales sont évaluées à 4,000 livres ; les frais de bureaux des 14 autres directions sont évalués à raison de 3,000 livres.
Un objet sur lequel il me serait impossible de vous offrir des détails concerne le lover des 714 bureaux établis aux frontières, celui des corps de garde intermédiaires et l'eutretien des embarcations, la fourniture du bois et de la lumière, les frais décompté: cette dépense est présentée comme un objet de 344,080 livres. Cette somme ne paraît pas excessive, vu la nature des différents objets que je viens d'indiquer, et auxquels il faut pourvoir.
Enfin, Messieurs, un dernier objet de dépense ne peut également être évalué que par approximation, à 300,000 livres. Il concerne :
1° Les frais de registres et d'impression;
2° Les fournitures annuelles dans les bureaux de perception sur les frontières, en poids, balances, ustensiles et meubles;
3° Les frais de ports de lettres, boites et paquets .
L'énonciation de ces dépenses justifie la somme proposée pour y fournir. Toutes ces dépenses devant être étavées de pièces justificatives, si la somme déterminée surpasse, le surplus sera ajouté aux produits de la perception des droits.
La réunion de ces divers articles donne la somme totale de 8,543,572 livres que je vous ai annoncée devoir être la dépense de la régie et administration des douanes nationales.
Des tableaux mis à la suite de ce rapport vous offriront d'une manière abrégée, et pourtant plus détaillée, toutes les parties de dépense que je viens de parcourir. Le projet de décret que je vais avoir l'honneur de vous présenter résumera les diverses questions qui vous paraîtront susceptibles de discussions, et que vous traiterez ainsi avec une méthode qui accélérera vos décisions qui ne sauraient être différées beaucoup, sans nuire bien essentiellement à la perception. Il est instant de faire cesser toutes les incertitudes, de fixer le sort de tous ces agents, et de donner à leur zèle toute l'activité dont il est susceptible. C'est dans cette vue que, pour y ajouter encore, on vous présentera incessamment un plan sur le mode de l'avancement et des retraites. Toutes les places sont ouvertes au désir et au besoin de travailler; tous les grades doivent l'être à l'émulation, au talent et à la bonne conduite. Vous aurez ainsi fait tout le bien qui dépend de vous, et qui jamais ne vous sera présenté vainement.
Voici, Messieurs, le projet de décret que je soumets à votre discussion :
« Art. 1er. La perception des droits qui
seront payés à toutes les entrées et sorties du roynume, conformément au
tarif général décrété les 31 janvier, 1er
février, 1 et 2 mars, ainsi que celle des droits établis sur les denrées
coloniales par le décret du 18 mars, sera confiée à une régie sous les
ordres du pouvoir exécutif.
« Art. 2. Cette régie sera, pour le moment, composée de 8 personnes, sous le nom de régisseurs des douanes nationales; mais,à compter du ^janvier 1794, le nombre de ces 8 régisseurs sera successivement réduit à 6, à mesure de vacance par mort ou démission.
« Art. 3. Tous les préposés nécessaires à la perception et au maintien des droits de douanes seront divisés en bureaux, brigades et directions, ainsi qu'il va être expliqué ci-après : ils seront entièrement subordonnés aux régisseurs.
« Art. 4. Les bureaux établis sur les côtes et frontières du royaume seront au nombre de 714, savoir : 94 bureaux principaux et 620 bureaux particuliers.
« Art. 5. Les brigades au nombre de 1,775 seront distribuées sur les côtes et frontières pour assurer la perception, et s'opposer aux importations et aux exportations en fraude des droits.
Art. 6. Ces bureaux et brigades seront surveillés par des inspecteurs sédentaires, particuliers et principaux.
« Art. 7. Ces employés ainsi que ceux des bureaux et brigades, correspondront à 20 directions, entre lesquelles seront divisées toutes les côtes et frontières du royaume. Il y aura à la tête de chacune de ces directions un directeur, qui en entretiendra là correspondance et les rapports avec la régie centrale.
« Art. 8. Les 714 bureaux énoncés dans l'article 4 seront, suivant leur importance, composés de receveurs particuliers ou principaux, de contrôleurs de la recette et de la visite, de liquidateurs, de visiteurs, de receveurs aux déclarations, de gardes-magasins, de contrôleurs aux entrepôts, de commis aux expéditions, d'emballeurs, de pe-seurs, de portefaix, de plombeurs et de concierges.
« Art. 9. Les brigades énoncées dans l'article 5 seront composées en
totalité de 13,284 employés,
« Art.10.Les fonctions des receveurs, soit principaux, soit particuliers, consisteront à percevoir les droits d'après les déclarations données par les redevables, les certificats des visiteurs et la liquidation qui en aura été faite par les contrôleurs ou liquidateurs; les receveurs principaux seront encore chargés de recevoir les fonds et de vérifier les comptes des receveurs particuliers.
« Ils enverront les bordereaux de leurs différentes recettes, tant aux directeurs de leur arrondissement qu'à la régie centrale.
« Art. 11. Le produit des recettes, déduction faite des frais de régie, sera versé, dans les délais qui seront déterminés, savoir : par les receveurs particuliers entre les mains des receveurs principaux, et par ceux-ci entre les mains des receveurs de districts, d'après les règles générales qui seront fixées pour le versement des impôts indirects. .....
« Les receveurs de districts seront tenus d'envoyer les bordereaux de tous les versements qui leur seront faits, tant au directeur des douanes de leur arrondissement qu'à la régie centrale.
« Art. 12. Il y aura dans 12 des principales douanes un inspecteur sédentaire, dont les fonctions consisteront à indiquer les commis qui devront être chargés de la vérification des déclarations, à assister à la reconnaissance et à l'estimation des marchandises dont les droits sont perceptibles à la valeur; enfin à assurer dans toutes ses parties, l'exactitude du service des différents préposés de leur résidence.
« Art. 13. Les inspecteurs principaux et particuliers, dont il a été fait mention dans l'article 6, seront au nombre de 63, savoir : 38 inspecteurs principaux et 25 inspecteurs particuliers : leurs fonctions seront de vérifier la perception, Ja comptabilité, et la manutention des receveurs et autres préposés des douanes de leur arrondissement, de diriger et surveiller le service des brigades et les opérations des capitaines généraux.
« Art. 14. Les directeurs transmettront aux différents préposés de leur arrondissement les ordres qu'ils recevront de la régie centrale; ils tiendront la main à l'exécution de ces ordres, veilleront à ce que le produit des recettes soit exactement versé dans les caisses et adresseront à la régie centrale les états généraux des produits et des versements de fonds de leur direction.
« Art. 15. Les régisseurs des douanes nationales seront chargés, sous les ordres du pouvoir exécutif, de l'exécution de tous les décrets de l'Assemblée nationale, relatifs aux douanes; ils recueilleront les états de produits des différents receveurs, et les bordereaux des fonds qu'ils auront versés dans les caisses des districts, pour être en état de connaître, dans tous les temps, la situation de tous les comptables dont ils auront Ja surveillance, et dont ils vérifieront les comptes.
« Art. 16. Lesdits régisseurs délibéreront en commun sur toutes les affaires qui auront rapport à l'administration des douanes : deux d'entre eux seront tenus de faire annuellement l'inspection d'une partie des côtes et frontières du royaume, pours'assurer de l'exactitude du service des différents préposés. Ils feront et rapporteront à l'administration centrale les procès-verbaux de ces tournées, qui auront lieu de manière que la totalité des côtes et frontières se trouve visitée dans le cours de 2 années. Chaque régisseur sera tenu, à son tour, de cette inspection, pour les frais de laquelle il sera annuellement alloué à la régie une somme de 10,000 livres.
« Art. 17. Les bureaux de la régie centrale à Paris seront au nombre de 6, composés au total de 38 employés, sous les noms de directeurs, premiers commis et commis aux écritures.
« Art. 18. Chacun des régisseurs des douanes nationales fournira un cautionnement en immeubles de 100,000 livres.
« Art. 19. Les cautionnements des préposés ci-après désignés seront également en immeubles; ceux des receveurs seront fixés en raison du montant présumé de leur recette et du délai qui sera déterminé pour le versement qu'ils devront en faire, d'après les bases qui seront fixées pour les receveurs de district. Les cautionnements des inspecteurs seront de 10,000 livres, ceux des directeurs de 15,000 livres.
« Les préposés qui ont précédemment fourni des cautionnements en espèces n'en seront remboursés qu'après qu'ils auront fourni les cautionnements en immeubles fixés pour leurs emplois.
« Art. 20. La dépense de toute la régie des douanes nationales, pour les appointements ou les remises, loyers et frais de bureaux, sera répartie conformément aux états annexés au présent décret, et demeure fixée à la somme de 8,526,572 livres.
« Cependant,si des circonstances extraordinaires ou des événements imprévus nécessitaient une augmentation dans la dépense ci-dessus fixée, le pouvoir exécutif pourra provisoirement l'autoriser sur la demande de la régie-centra le, jusqu'à la concurrence de la somme de 100,000 livres; et sur cette autorisation les commissaires de la trésorerie pourvoiront à son acquittement.
« Art. 21. Indépendamment des appointements et des frais de.bureau fixés pour les 20 directeurs aux frontières, il sera accordé à chacun d'eux une remise d'un demi-denier pour livre sur la totalité du produit net des droits de douane de leur arrondissement; et cependant, eu égard à l'incertitude des.produits particuliers de chaque direction pendant les 2 premières années, chaque directeur aura droit, pour ses remises, à un minimum de 1,000 livres pendant lesdites 2 premières années seulement; et ce, dans le cas où les produits de sa direction ne s'élèveraient pas à une sommé suffisante pour lui procurer cette remise d'après la fixation ci-dessus déterminée.
« Art. 22. Il sera également accordé aux 8 régisseurs une remise de trois quarts de denier pour livre sur la totalité du produit net desdits droits.
« Art. 23. Les traitements fixés par le présent décret seront payés, savoir: aux préposés des côtes et frontières, à compter du 1er janvier de la présente année; aux employés des bureaux de Paris, à compter du 1er avril; et aux 7 régisseurs actuels, à compter du jour de leur nomination. .
« Le roi sera prié de faire incessamment le choix du 8er régisseur.
« Art. 24. Il sera accordé pour indemnité aux préposés des douanes qui auront passé d'un bureau à un autre à plus de 20 lieues de leur résidence, un supplément d'un mois de leurs anciens appointements; lesdites indemnités seront payées sur les produits des traites de l'année dernière.
« Art. 25. Il sera procédé, dans le plus court délai, à la diligence des directoires de disirict, sous l'inspection des directoires de département, à la vente des bâtiments, meubles et ustensiles servant à l'exploitation des bureaux antérieurs
des traites qui sont supprimés, et le prix en sera versé au Trésor public.
« Art. 26. Le préseut décret sera porté dans le jour à l'acceptation du roi. »
ÉTAT GÉNÉRAL des préposés des bureaux de perception, des droits de traites et de leurs appointements.
Receveurs,
298
Ruralistes.
Contrôleurs.
416
283
Visiteurs.
402
Recev.aux déclarations 36
Gardes-Magasins.
17
Com. aux expéditions 69 ..
Emballeurs..................112 .
Peseurs............................23 ..
Portefaix........................3 ..
Plombeurs.
Concierges.
Total.... 1,668 préposés.
3 Receveurs à 5,000 liv......................15,000 liv.
5 Idem à 4,000......................................20,000
5 Idem à 3,000......................................15,000
11 Idem à 2,400..........................26,400
14 Idem à 2,000....................................28,'000
13 Idem à 1,600......................................20,'800 > 324 400
29 Idem à 1,200 ....................................34,800
44 Idem à 1,000......................................44 000
45 Idem à 800 ........................................36,'000
70 Idem à 700......................................49 000
59 Idem à 600..........................................35 ,'400
303 Buralistes à 500..................................151,500 \
1 57 Idem à 400 ........................................22'800 /
25 Idem à 300..........................................1 '500 \ 188,150
31 Idem à 200.................. .. 6',200 )
6 Contrôleurs à 2,500........................15,000 \
7 Idem à 2,100.... ...........................14 700 j
13 Idem à 1,800......................................23,'400 f
20 Idem à 1,400 ......................................28,000 f
23 Idem à 1,100...............................25,300 V 247,510
37 Idem à 900..........................................33,300
38 Idem à 720........................................27,360 I
73 Idem à 650..........................................47 ,'450 1
66 Idem à 500........................................33,000 /
4 Visiteurs à 1,900......................7,600
57 Idem à 1,500 ......................................85,500
47 Idem à 1,150....................................54,050
36 Idem à 950..........................................34,200 ) 313,150
56 Idem à 750..........................................42,000
60 Idem à 550 ........................................33,000
142 Idem à 400 ........................................56,800
9 Receveurs aux déclarations à
1,600..............................................14,400
15 Idem à 1,200....................................18,000 ) 44,000
10 Idem à 1,000....................................10,000
2 Idem à 800........................................1,600
3 Gardes-Magasins à 1,800 ..............5,400 \
2 Idem à 1,400....................................2,800 /
10 Idem à 1,100....,..........................11,000 ) 20,350
1 Idem à 650........................................650 (
1 Idem à 500........................................500 )
6 Commis aux expéditions à A
1,150..................................6,900 j
8 Idem à 950............................................7,600 f „n m
31 Idem à 750............................................23,250 l 5u,j>uu
15 Idem à 550........................................8,250 1
9 Idem à 500 ..........................................4,500 J
110 Emballeurs à 400......................44,000 j « 1 ahh
2 Idem à 300 ........................................600 i 44,600
21 Peseurs à 700......................14,700 ) iKQnn
2 Idem à 600......................................1,200 f 15,aw
2 Portefaix à 157 ..................................350 |
1 Idem, à 100........................100 i
2 Plombeurs à 600................................1,200 )
2 Idem à 500........................................1,000 \ 2,600
1 Idem à 400 ..........................................400 '
1 Concierge à 700 ................................700 \
2 Idem à 500..........................................1,000 > 2,000
1 Idem à 300 ........................................300 )
Total..................... 1.253,610 liv.
Appointements.
APPOINTEMENTS des brigades de préposés à la police du commerce extérieur.
Service à pied....... 11,799
Service à cheval.
329
Service de merj et de rivière. 1
1,156
[8230 \1739 J1679 118 30
3
122 25 22 155
5
I 16 92 354 441 66 43
7
6
8
V 62
25 17 2 1 2
4 11
9
Préposés à 400..................................3.292,000
Sous-lieutenants à 440..................765,160
Lieutenants à 500 ............................839,500
Lieutenants d'ordre à 620..............73,160
Lieutenants principaux à 800.... 24,000
Capitaines de ville àl,000..........3,000
Cavaliers à 800 ................................97,600
Sons-Lieutenants à 900....................22,500
Lieutenants à 1,000 ........................22,000
Capitaines généraux à 1,400.... 217,000
Capitaines généraux à 1,800.... 9,000
Mousses à 270 ................................4,320
Matelots à 370..................................34,040
Idem à 380........................................130,720
Idem à 420........................................185,220
Patrons à 470 ....................................31,020
Pilotes à 420....................................18,060
Idem à 500 ..........................................3,500
Idem à 620 ..........................................3,720
Idem à 700 ..........................................5,600
Préposés à bord à 420 ....................26,040
Sous-Lieut. de Patache à 620... 15,500
Lieutenants, Idem à 800................13,600
Capitaines de Patache à 900.... 1,800
Sous-Lieut. de Felouque à 470.. 470
Lieutenants de Felouque à 520 . 1,040
Capitaines à 620 ................................2,480
Sous-Lieutenants de Chippe à 500 5,500
Lieutenants de Chippe à 620.... 5,580
4,996,820
368,100
448,210
Total.
13,284 Préposés.
Total.
5,853,130 liv.
Supplément d'appointements accordé aux employés des grandes villes, à raison du haut prix des vivres et des loyers................................... 110,652
Total......................... 5,963,782 liv.
TRAITEMENT, frais de tournée et de bureaux des inspecteurs, directeurs et régisseurs
des douanes nationales.
Inspecteurs sédentaires.......... 12
Inspecteurs principaux.......... 38
Inspecteurs particuliers.......... 25
Bordeaux, Nantes, Rouen, le Havre,
Strasbourg et Marseille à 3,000 .... 18,000 Bayonne, la Rochelle, Lorient, Paris,
Dunkerque et Toulon, à 2,400--------14,400
Blaye, Bordeaux, Rochefort, Brest, le Havre, Calais, Orchies, Saarlouis, Strasbourg, Saint-Claude, Seissel et
la Ciotat, à 3,400................ 40,800
Bannière, Saint-Jean-Pied-de-Port, Paimbeuf, Guérande, Vannes, Quim-per, Morlaix, Saint-Brieuc, Cran-ville, Bayeux, Cherbourg, Honfleur, Dieppe, Saint-Valéry-sur-Somme, Dunkerque, Maubeuge, Sedan, Mont-médy, Sarreguemines, Arcey, Bourg-d'Oisan , Antibes , Saint-Tropez, Arles, Cette et Port-Vendres, à 2,600 ............................ 67,600
Saint-Girons, Hasparen, Pauliac, Li-bourne, Ile de Ré, les Sables-d'O-lonne, Roscoff, Saint-Servan, Boulogne, Cassel, Armentières, Saint-Amand, Bavay, Rocroy, Givet, Thionville, Biiche, Saint-Hippolyte, Rhultzheim,Brisac,Pontarlier,Bnan-çon, Colmar, la Nouvelle et Taras-
con, à 2,000 ..................... 50,000
Nourriture et entretien du cheval de chacun des 63 Inspecteurs principaux et particuliers, à 400 ........ 25,200
32,400
183,600
A reporter.
216,000 liv.
Directeurs aux frontières........ 20
Leurs appointements. Leurs remises. Leurs frais de bureaux.
Régisseurs...................... 8
ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il8 avril 1*791 .j
Report.......................
Bordeaux, Nantes, Rouen, Lille, Strasbourg, Marseille, Bayonne, la Rochelle, Lorient, Metz, Besançon, Pont-de-Beauvoisin, Saint-Malo, Caen, Boulogne, Valenciennes, Charleville, Toulon, Montpellier et Perpignan,
à 7,000.......................... 140,000
Remises à chacun des 20 Directeurs
dont le minimum à 1,000......... 20,000
Bordeaux, Nantes, Rouen, Lille, Strasbourg', et
Marseille, à 4,000 ..... 24,000 )
Aux autres Directeurs, > 66, 000 3,000 ................ 42,000 J
Régisseurs à 12,000...................96,000
Frais de tournée.................... 10,000
216,000 liv.
226,000
106,000
Bureaux de la régie centrale.
Bureau du Contentieux.......... 5
Bureau central pour les affaire^ non contentieuses, communes à tous les départements......... 5
Bureau de Correspondance des Directions de Bayonne, Bordeaux et la Rochelle................. 7
Idem, de Nantes, Lorient, Saint-Malo, Caen, Rouen et Boulogne........................... 7
Idem, de Lille, Valenciennes, Charleville, Metz, Strasbourg et Besançon..................... 7
Idem, du Pont-de-Beauvoisin, Toulon, Marseille, Montpellier et Perpignan.........................7
1 Directeur........................8,000
1 Premier Commis............4,000
1 Commis pour les ex-
traits............................1,800
2 Commis aux écritures
à 1,400.......................2,800
1 Directeur..................6,000
1 Premier Commis............3,500
1 Premier Commis à
3,000...............3,000
2 Commis aux écritures
à 1,500 ........................3,000
1 Directeur..........................6,000
2 Premiers Commis à
3,500 ............................7,000
1 Premier Commis............3,000
3 Commis aux écritures,
à 1,500......................4,500
Même composition..............
Même composition
Même composition.
16,600 15,500
20,500
20,500 20,500 20,500
114,10
Total.
662,100 liv.
RÉCAPITULATION de la dépense pour la régie des douanes nationales.
1,668 liv. Préposés des douanes nationales, répartis dans les sept cent quatorze bureaux placés
aux frontières, pour leurs appointements...........................................1,253,610 liv.
13 284 Préposés à la Dolice du commerce extérieur, divisés en dix-sept cent soixante-quinze
postes.....t................................................................5,963,782
12 Inspecteurs sédentaires.........................................................................32,400
63 Inspecteurs principaux et particuliers, y compris ce qui leur est alloué pour la nourriture de leur cheval..............................................................183,600
20 Directeurs aux frontières, leurs appointements fixes.................. 140,000 liv. 1
Minimum des remises à eux allouées............................... 20,000 > 226,000
Frais de bureaux........................«........................ 66,000 )
8 Régisseurs, appointements fixes.....................................................................................96,000
Frais de tournée desdits régisseurs.................................................................10,000
38 Agents dans les bureaux de la régie centrale..........................................................................114,100
Loyer et frais de bureaux de la régie.............................................................20,000
Loyer et frais des bureaux de perception et des corps de garde d'employés, frais de
construction et de réparation des embarcations et autres................................................344,080
Impressions, fourniture de registrès, ports de lettres et paquets, et autres dépenses
non fixes, dont il sera justifié par quittances, ainsi que de leur utilité.................300,000
15,093 liv. Total.............................................................8,543,572 liv.
(L'Assemblée décrète l'impression de ce rapport.)
Je demande qu'on passe de suite à la discussion des articles.
(Cette motion est décrétée.)
rapporteur, donne successivement lecture des divers articles du projet de décret :
Art. 1er.
« La perception des droits qui seront payés à toutes les entrées et
sorties du royaume, conformément au tarif général décrété les 31
janvier, 1er février, 1er et 2 mars 1791,
ainsi que celle des droits établis sur les denrées coloniales par le
décret du 18 mars de la même année, sera confiée à une régie sous les
ordres du pouvoir exécutif. » (Adopté.)
Art. 2.
« Cette régie sera, pour le moment, composée de 8 personnes, sous le nom de régisseurs des douanes nationales; mais, à compter du 1er janvier 1794, le nombre de ces 8 régisseurs sera successivement réduit à 6, à mesure de vacance par mort ou démission. »
Un membre propose, par amendement, de réunir la régie du droit de timbre à celle des douanes et des postes et de porter le nombre des régisseurs à dix.
Un membre propose, par amendement, de diminuer au contraire le nombre des régisseurs et de le réduire à quatre.
Un membre prétend que cet article ne doit pas être rédigé en loi; qu'il faut seulement l'énoncer dans une instruction et laisser aux législatures suivantes le soin d'établir la quantité de régisseurs que les circonstances nécessiteront.
Un membre soutient que l'on ne doit statuer sur le nombre des régisseurs qu'après avoir déterminé la nature de leurs fonctions et il propose d'ajourner l'article jusqu'après le vote sur l'article 14.
(L'Assemblée rejette ces différentes motions par la question préalable et décrète l'article 2 du projet de décret.)
Art. 3.
« Tous les préposés nécessaires à la perception et au maintien des droits de douanes seront divisés en bureaux, brigades et directions, ainsi qu'il va être expliqué ci-après : ils seront entièrement subordonnés aux régisseurs. » (Adopté.)
Art. 4.
« Les bureaux établis sur les côtes et frontières du royaume seront au nombre de 714, savoir : 94 bureaux principaux, et 620 bureaux particuliers. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les brigades, au nombre de 1775, seront distribuées sur les côtes et frontières pour assurer la perception, et s'opposer aux importations et aux exportations en fraude des droits. » (Adopté.)
Art. 6.
« Ces bureaux et brigades seront surveillés par des inspecteurs sédentaires, particuliers et principaux. » (Adopté.)
Art. 7.
« Ces employés, ainsi que ceux des bureaux et brigades, correspondront à 20 directions, entre lesquelles seront divisées toutes les côtes et frontières du royaume. Il y aura à la tête de chacune de ces directions un directeur, qui en entretiendra la correspondance et les rapports avec la régie centrale. » (Adopté.)
Art. 8.
« Les 714 bureaux énoncés dans l'article 4 seront, suivant leur importance, composés de receveurs particuliers ou principaux, de contrôleurs de la recette et de la visite, de liquidateurs, de visiteurs, de receveurs aux déclarations, de gardes-magasins, de contrôleurs aux entrepôts, de commis aux expéditions, d'emballeurs, de peseurs, de portefaix, de plombeurs, et de concierges. » (Adopté.)
Art. 9.
« Les brigades énoncées dans l'article 5 seront composées de 13,284 employés, sous les dénominations de capitaines généraux, capitaines particuliers, lieutenants principaux, lieutenants d'ordre, commandants de brigade à pied et à cheval, commandants de pataches et autres bâtiments de mer, brigadiers, sous-brigadiers, préposés à pied et à cheval, pilotes, matelots, et mousses. » (Adopté.)
Art 10.
« Les fonctions des receveurs, soit principaux, soit particuliers, consisteront à percevoir les droits d'après les déclarations données par les redevables, les certificats des visiteurs, et la liquidation qui en aura été faite par les contrôleurs ou liquidateurs ; les receveurs principaux seront encore chargés de recevoir les fonds et de vérifier les comptes des receveurs particuliers.
« Ils enverront les bordereaux de leurs différentes recettes, tant aux directeurs de leur arrondissement qu'à la régie centrale. » (Adopté.)
L'Assemblée prononce l'ajournement de l'article 11 du projet de décret, ainsi conçu :
« Le produit des recettes, déduction faite des frais de régie, sera versé, dans les délais qui seront déterminés, savoir : par les receveurs particuliers, entre les mains des receveurs principaux, et par ceux-ci entre les mains des receveurs de districts, d'après les règles générales qui seront fixées pour le versement des impôts indirects.
« Les receveurs de districts seront tenus d'envoyer les bordereaux de tous les versements qui leur seront faits, tant au directeur des douanes de leur arrondissement qu'à la régie centrale. »
Art. 11 (Art. 12 du projet).
« Il y aura dans 12 des principales douanes un inspecteur sédentaire, dont les fonctions consisteront à indiquer les commis qui devront être chargés de la vérification des déclarations, à assister à la reconnaissance et à l'estimation des marchandises dont les droits sont perceptibles à la valeur; enfin, à assurer dans toutes ses parties l'exactitude du service des différents préposés de leur résidence. » (Adopté.)
Art. 12 (Art. 13 du projet).
o Les inspecteurs principaux et particuliers dont il a été fait mention dans l'article 6, seront au nombre de 63 ; savoir : 38 inspecteurs principaux et 25 inspecteurs particuliers; leurs fonctions seront de vérifier la perception, la comptabilité et la manutention des receveurs et autres préposés des douanes de leur arrondissement, de diriger et surveiller le service des brigades et les opérations des capitaines généraux. » (Adopté.)
Art. 13 (Art. 14 du projet).
« Les directeurs transmettront aux différents préposés de leur arrondissement les ordres qu'ils recevront de la régie centrale; ils tiendront la main à l'exécution de ces ordres, veilleront à ce que le produit des recettes soit exactement versé dans les caisses, et adresseront à la régie centrale les états généraux des produits et d» s versements de fonds de leur direction. » (Adopté.)
Art. 14 (Art. 15 du projet).
« Les régisseurs des douanes nationales seront chargés, sous les ordres du pouvoir exécutif, de l'exécution de tous les décrets de l'Assemblée nationale relatifs aux douanes ; ils recueilleront les états de produits des différents receveurs, et les bordereaux des fonds qu'ils auront versés dans les caisses, pour être en état de connaître, dans tous les temps, la situation de tous les comptables dont ils auront la surveillance, et dont ils vérifieront les comptes. » (Adopté.)
Art. 15 (Art. 16 du projet).
« Lesdits régisseurs délibéreront en commun sur toutes les affaires qui auront rapport à l'administration des douanes : deux d'entre eux seront tenus de faire annuellement l'inspection d'une partie des côtes et frontières du royaume, pour s'assurer de l'exactitude du service des différents préposés. Ils feront et rapporteront à l'administration centrale les procès-verbaux de ces tournées, qui auront lieu de manière que la totalité des côtes et frontières se trouve visitée dans le cours de deux années. Chaque régisseur sera tenu, à son tour, de cette inspection, pour les frais de laquelle il sera annuellement alloué à la régie une somme de 10,000 livres. » (Adopté.)
Art. 16 (Art. 17 du projet).
« Les bureaux de la régie centrale à Paris seront au nombre de 6, composés au total de 38 employés, sous les noms de directeurs, premiers commis, etcommisaux écritures. » (Adopté.)
Art. 17 [Art. 18 du projet).
« Chacun des régisseurs des douanes nationales fournira un cautionnement en immeubles de 100,000 livres. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 18 (art. 19 du projet), ainsi conçu :
« Les cautionnements des préposés ci-après désignés seront également en immeubles ; ceux des receveurs serout fixés en raison du montant présumé de leur recette et du délai qui sera déterminé pour le versement qu'ils devront en faire, d'après les bases qui seront fixées pour les receveurs de districts. Les cautionnemeuts des inspecteurs seront de 10,000 livres, ceux des directeurs, de 15,000 livres.
« Les préposés qui ont précédemment fourni des cautionnements en espèces, n'en seront remboursés qu'après qu'ils auront fourni les cautionnements en immeubles fixés pour leurs emplois.»
Je propose un amendement que je réduis ainsi : « L'intérêt des
cautionnements en argent des préposés leur sera payé jusqu'au 1er juillet; passé ce terme, cet intérêt ne
leur sera plus payé, à moins que le retard de leur remboursement ne soit
occasionné par celui de leur liquidation. »
Je demande que ceux qui sont retirés et qui ont des cautionnements soient remboursés dans un délai fixé.
J'annonce à l'Assemblée qu'il lui sera fait un rapport sur le remboursement des cautionnements.
(L'Assemblée consultée adopte l'amendement de M. de Delley.)
rapporteur. L'article pourrait être en conséquence rédigé comme suit :
Art. 18 (Art. 19 du projet).
« Les cautionnements des préposés ci-après désignés seront également en immeubles ; ceux des receveurs seront fixés en raison du montant présumé de leur recette, et du délai qui sera déterminé pour le versement qu'ils devront en faire, d'après les bases qui seront fixées pour les receveurs. Les cautionnements des inspecteurs seront de 10,000 livres ; ceux des directeurs de 15,000 livres.
« Les préposés qui ont précédemment fourni des cautionnements en espèces, n'en seront remboursés qu'après qu'ils auront fourni les cautionnements en immeubles fixés pour leurs emplois. Ils continueront cependant de recevoir les intérêts de leurs cautionnements en argent jusqu'au 1er juillet ; mais, passé cette époque, cet iutérêt n'aura plus lieu, à moins que le retard de leur remboursement ne soit occasionné par celui de leur liquidation. » (Adopté.)
Art. 19 (Art. 20 du projet).
« La dépense de toute la régie des douanes nationales, pour les appointements ou les remises, loyers et frais de bureaux, sera répartie conformément aux états annexés au présent décret, et demeure fixée à la somme de 8,543,572 livres.
« Cependant si des circonstances extraordinaires ou des événements imprévus nécessitaient une augmentation dans la dépense ci-dessus fixée, le pouvoir exécutif pourra provisoirement l'autoriser, sur la demande de la régie centrale, jusqu'à la concurrence de la somme de 100,000 livres ; et sur cette autorisation, les commissaires de la trésorerie pourvoiront à son acquittement. » (Adopté.)
Art. 20 (Art. 21 du projet).
« Indépendamment des appointements et des frais de bureau fixés pour les
vingt directeurs aux frontières, il sera accordé à chacun d'eux une
remise d'un demi-denier pour livre sur la totalité du produit net des
droits de douane de leur arrondissement ; et cependant, eu égard à
l'incertitude des produits particuliers de chaque direction pendant les
deux premières années, chaque directeur aura droit, pour ses remises, à
un minimum de 1,000 livres pendant lesdites deux premières années
seulement, et ce, dans le cas
Art. 21 (Art. 22 du projet).
« Il sera également accordé aux 8 régisseurs une remise de trois quarts de denier pour livre sur la totalité du produit net desdits droits. » (Adopté.)
Art. 22 (Art. 23 du projet).
« Les traitements fixés par le présent décret seront payés, savoir : aux préposés des côtes et frontières, à compter du premier janvier de la présente année; aux employés des bureaux de Paris, à compter du 1er avril ; et aux 7 régisseurs actuels, à compter du jour de leur nomination.
« Le roi sera prié de faire incessamment le choix du huitième régisseur. » (Adopté.)
Art. 23 (Art. 24 du projet).
« Il sera accordé pour indemnité aux préposés des douanes qui auront passé d'un bureau à un autre à plus de 20 lieues de leur résidence, un supplément d'un mois de leurs anciens appointements; lesdites indemnités seront payées sur les produits des traites de l'année dernière. » (Adopté.)
Art. 24 (art. 25 du projet).
« Il sera procédé dans le plus court délai, à la diligence des directoires de district, sous l'inspection des directoires de département, à la vente des bâtiments, meubles et ustensiles servant à l'exploitation des bureaux antérieurs, des traites qui sont supprimés, et le prix en sera versé au Trésor public. » (Adopté.)
Art. 25 (Art. 26 du projet.)
« Le présent décret sera porté dans le jour à l'acceptation et à la sanction du roi. » (Adopté.)
La France fait en général une exportation d'étoffes précieuses et d'ob ¦ jets de mode. Ces objets ne peuvent pas souffrir le déballage sans éprouver beaucoup d'endom-magement; peut-être même aucun négociant ne voudrait s'exposer au danger de les voir périr, parce qu'on ne saurait pas les remballer. Cette considération avait déterminé sous l'ancien régime à avoir, à Paris et à Lyon, des douanes conservatrices.
Je ne demande pas qde vous décrétiez aujourd'hui cette mesure, mais je pense que l'intérêt du commerce exige que votre comité vous présente des vues sur l'établissement de deux douanes qui seraient à Paris et à Lyon.
rapporteur. Le comité s'est occupé de cet objet et il vous en fera le rapport incessamment.
annonce l'ordre du jour des séances de ce soir et de lundi matin et invite les membres de l'Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour y procéder à l'élection d'un président et de trois secrétaires.
La séance est levée à deux heures et demie.
ANNEXE
a la séance de l'assemblée nationale du
Rapport de MM. J. Godard et Ij. Robin, commissaires civils, envoyés par le roi, dans le département du Lot, en exécution du décret de l'Assemblée nationale, du 13 décembre 1790. — Remis au roi, le 6 avril, par M. Godard, en présence de AI. Dnport, ministre de la justice, et présenté par lui à Sa Majesté. (Imprimé par ordre de l'Assemblée nationale.)
Au Roi.
Sire,
Des troubles alarmants se sont élevés dans le département du Lot. L'Assemblée nationale a décrété qu'il y serait envoyé des commissaires civils pour y rétablir la paix. Votre Majesté daigna nous confier cette importante mission. Nous allons, Sire, remplir le dernier devoir qu'elle nous impose, celui de vous en rendre compte.
Dans une première partie du rapport, nous considérerons quel a été l'objet de notre mission;
Dans quel état nous avons trouvé le département du Lot ;
Ce que nous avons fait pour y rétablir la paix ;
Et dans quel état nous l'avons laissé ;
Puis, nous repliant, pour ainsi dire, sur nous-mêmes, nous examinerons, dans un tableau général des faits, quelles ont été les causes des diverses insurrections;
Et quels sont les moyens définitifs propres à affermir à jamais, dans le département, l'ordre qui existe aujourd'hui.
Cet examen sera l'objet de la seconde partie.
PREMIÈRE PARTIE.
C'est le 13 décembre 1790, qu'une pétition du directoire du département du Lot annonça à l'Assemblée nationale les troubles qui aftligeaient cette partie du royaume et provoqua les conseils et l'autorité des représentants de la nation.
Le directoire commençait par rappeler à l'Assemblée, que, dès le mois de septembre dernier, il l'avait instruite du refus que faisaient dès lors les habitants de la campagne, d'exécuter ce ix des décrets qui ordonnent le payement des redevances féodales conservées jusqu'au rachat; des mesures prises pour ramener les citoyens à l'exécution de la loi en leur faisant eutendre le langage de la raison; du peu de succès d'une proclamation du 30 août, sur laquelle on avait fondé de grandes espérances; des menaces, des voies de lait, des excès de toute espèce auxquels se portaient les mal intentionnés ; de l'audace avec laquelle ils excitaient l'insurrection et élevaient des monuments séditieux presque sous les yeux de l'administration; du malheur qu'elle éprouvait de voir, en plusieurs endroits, les officiers municipaux être les secrets moteurs, ou les complices, ou les témoins indifférents de pareils désordres; de la faiblesse enfin, et de l'insuffisance des moyens de l'administration pour prévenir ou arrêter des maux aussi graves.
Le directoire ajoutait qu'après avoir lutté pendant trois mois contre cette faiblesse et cette insuffisance de moyens, la digue venait de se rompre et que les maux étaient à leur comble;
Que, sur la demande du district deGourdon, un détachement de 100 hommes de troupes de ligne et deux brigades de maréchaussée avaient été envoyés sur son territoire ;
Que les administrateurs du district s'étaient empressés d'employer ces forces à faire abattre toutes les potences, tous les mais, toutes les marques de sédition qui existaient dans leur arrondissement, et à faire arrêter les principaux auteurs des troubles, sur les dénonciations des municipalités, conformément au décret du 3 juin
Que, dans presque tout le district, les intentions des administrateurs avaient été remplies;
Que le lieu de Saint-Germain restant seul à purifier de tout monument de licence et d'anarchie, les brigades de maréchaussée, assistées du détachement de 100 hommes d'infanterie, s'y étaient transportées ; qu'elles éprouvèrent de la résistance : et que, Je tocsin ayant sonné dans toutes les paroisses voisines, la troupe des rebelles ayant grossi, et la municipalité étant restée muette, l'officier, qui commandait les troupes, aussi bon patriote que brave militaire (1), ne voulut pas livrer bataille à un peuple abusé; qu'il se replia sur Gourdon, et y fut poursuivi.
Là (continue-t-on) il réclama fe3 pouvoirs civils; la municipalité se montra ; elle commanda la garde nationale; elle déploya le drapeau rouge : mais bientôt la ville fut investie par des troupes de paysans, qui arrivèrent de toutes parts, armés de fusils, de haches et de faux. Ces paysans, au nombre de 5,000 environ, avaient un chef; c'était Joseph Linars. Il se conduit en général d'armée ; il envoie des propositions à la ville; il lui annonce des scènes sanglantes, si elle cherche à se défendre ; elle lui permet d'approcher, et dès lors il se conduit en conquérant. 11 entre dans Gourdon ; il court à l'hôtel Commun ; il n'y trouve qu'un administrateur ; il lui demande compte de la conduite du directoire ; il exige la représentation des ordres du département ; il blâme le district ; il dicte un procès-verbal, qu'il ordonne à l'administrateur de signer; il commande l'élargissement des prison-mers ; il annonce au peuple que les maréchaussées seront supprimées, que les troupes de ligne évacueront la ville ; lui-même promet de se retirer : cette retraite fut le signal du pillage. La maréchaussée est poursuivie et se disperse ; le detachement d'infanterie abandonne la ville ; les insurgés pillent, ravagent, détruisent les maisons des citoyens aisés et des administrateurs; les têtes de ceux-ci sont mises à prix ; les archives du district sont spoliées ; tous les dépôts de papiers sont violés; les paysans qui se retirent sont remplacés par d'autres. Depuis 3 jours (dit-on encore), ils se succèdent sans interruption, pour consommer la destruction de la malheureuse ville, qui est devenue l'objet de leur fureur. Ils se transportent, enfin, dans tous les châteaux de la contrée, dans toutes les habitations considérables, et y commettent les plus affreux ravages.
Quant à M. Linars (disent les' administrateurs du directoire du département), il n'a pas craint de nous écrire pour nous annoncer ses exploits; il n a pas négligé de donner à sa conduite les couleurs du patriotisme. Le procès-verbal dicté par lui a Gourdon, et sa lettre au directoire du département, sont envoyés à l'Assemblée nationale.
Après avoir, de cette manière, mais avec plus
La cause ou le prétexte des désordres, c'est, dit-on, le payement des rentes. Dans un grand nombre de paroisses, le peuple s'en croit totalement affranchi; dans les autres, il ne veut payer qu'après une vérification rigoureuse des titres : de là, l'érection des potences et des mais, pour effrayer les percepteurs, et même les redevables de bonne volonté.
A l'égard des mesures prises pour arrêter les progrès du mal, le directoire du département annonçait à l'Assemblée nationale qu'il avait cru devoir réunir dans le centre du département une masse de forces imposantes, qu'on pût ensuite faire porter avec succès dans les campagnes, pour y ramener l'ordre, enchaîner les chefs de la sédition, et faire disparaître de nouveau toutes les marques d'insurrection, qui, depuis trois jours, s'étaient reproduites et multipliées: il annonçait que, pour renforcer 350 hommes en garnison à Cahors, il avait appelé 150 hommes du régiment de Royal-Pologne, cavalerie, qui venaient d'arriver à Montauban, et dont cette ville pouvait momentanément se dessaisir; qu'il allait appeler la majeure partie du premier bataillon du régiment de Languedoc, infanterie, en garnison à Figeac; qu'il avait dépêché un courrier à M. d'Esparbès, commandant des troupes de ligne du département, pour l'engager à se rendre à Cahors; qu'il avait fait la même demande à M. Dupuy-Mont-brun, commandant général des gardes nationales du Lot; et qu'il allait concerter avec ces officiers les moyens les plus prompts et les plus efficaces de rétablir la tranquillité publique.
Voilà les mesures prises par le directoire du département. Celles qu'il sollicitait de la puissance de la nation étaient d'autant plus instantes, qu'à l'embarras, à l'impossibilité même de secourir plusieurs lieux qui réclamaient à la fois des secours, se joignait, disait-il, tout ce que présente d'extraordinaire l'apparition subite d'un chef de parti à la tête de 5,000 hommes. Il demandait à l'Assemblée nationale un surcroît considérable de forces, et les conseils de sa sagesse.
Sur cette pétition, dont nous avons cru devoir résumer ici tes détails les plus importants, l'Assemblée nationale rendit aussitôt le décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports sur la pétition des administrateurs du département du Lot, décrète :
« Que son président se retirera à l'instant par-devers le roi, pour le prier :
« 1° De donner des ordres pour que, devant les juges du tribunal du district de Gourdon, il soit incessamment informé à la réquisition de celui chargé de l'accusation publique près ledit tribunal, contre tous ceux qui, par des insinuations perfides, auraient cherché à égarer le peuple, et à lui persuader que les décrets de l'Assemblée nationale des 18juin, 13 juillet et 3 août derniers n'existaient pas, ou ne devaient pas être exécutés, ainsi que contre les auteurs, fauteurs et complices des troubles qui ont eu lieu à Gourdon et lieux circonvoisins, pour,après l'information faite, être, de suite, le procès fait et parfait aux accusés ;
« 2° D'envoyer, dans le département du Lot,
« 3° Enfin de donner également les ordres les plus prompts pour qu'il soit envoyé aussitôt à Cahors une quantité de troupes suffisante, pour, sur la réquisition desdits commissaires civils et des corps administratifs, concourir, avec les gardes nationales et la maréchaussée, au rétablissement de l'ordre et de la tranquillité publique.
Ce décret fut sanctionné le 17 décembre.
Le 14, Votre Majesté daigna nous confier l'importante mission qu'elle avait à déférer. Et le 26, nous partîmes pour Cahors.
C'est à Cahors, cnef-lieu du département, qu'il nous parut convenable d'aller û'abord, afin de nous concerter avec les administrateurs sur toutes les mesures à prendre pour ramener l'ordre.
Arrivés le 30, nous nous rendîmes, le lendemain matin 31, au lieu où le directoire du département tient ses séances. Après la présentation de nos commissions, et leur transcription sur les registres, nous demandâmes la communication de tous les procès-verbaux, de toutes les pièces qui pourraient nous donner une connaissance exacte des troubles : il importait surtout d'être instruit de l'état actuel du département, afin d'opérer d'une manière sûre et efficace; et nous nous hâtâmes de recueillir tous les renseignements nécessaires, afin d'apporter des remèdes prompts au mal qui nous environnait.
Ce mal était très grave; et quoique, à une distance considérable, les maux s'exagèrent si facilement, le récit qui en avait été fait dans la capitale, avant notre départ, était bien au-dessous de la réalité.
Dans le district de Gourdon, l'agitation était encore très grande; le triomphe de8 paysans sur les troupes de ligne avait donné aux premiers une force dont on craignait à chaque instant qu'ils n'abusassent de nouveau; les administrateurs du district, mis en fuite, errants, n'osaient pas encore reparaître; à peine même le tribunal, dont quelques membres avaient aussi été poursuivis, avait-il repris ses fonctions.
Le district de Lauzerte était le théâtre des plus affreux désordres. Un rassemblement armé de ci-devant gentilshommes, dont nous aurons occasion de parler dans la suite, y avait excité les alarmes et même la fureur du peuple : chaque jour on recevait la nouvelle de quelques châteaux pillés ou incendiés.
Des troubles funestes avaient éclaté dans le district de Figeac; ils étaient sur le point de s'y renouveler ; une fermentation excessive y remuait les esprits.
Montauban, dont les divisions n'avaient pas encore cessé, était toujours le sujet des plus vives inquiétudes.
Le district de Cahors, dans le territoire duquel le rassemblement armé des ci-devant gentilshommes avait pris naissance, n'était pas encore revenu de la commotion qu'un pareil événement avait été capable de produire. La ville était en proie à des craintes sans cesse renaissantes : une partie de la garnison était, pour ainsi dire, en guerre ouverte avec les habitants ; le commandant des troupes de ligne donnait de l'ombrage aux citoyens.
Toutes les différentes parties du département étaient, comme on le voit, agitées par des troubles plus ou moins violents; à l'exception du district de Saint-Ceré, où ne se faisaient entendre encore que de sourdes rumeurs, mais où existaient quelques-unes des causes de l'insurrection qui avait éclaté dans les autres districts, et où l'on redoutait une funeste et prochaine explosion.
Il suffit, au reste, de connaître une partie du discours prononcé par le procureur général syndic, lors de notre première séance au directoire, pour connaître en même temps les maux qui affligeaient le département :
« Garantir de la contagion (disait-il) les cantons qui ont eu jusqu'ici le bonheur de s'en préserver; rétablir le corps administratif du district de Gourdon, et lui assurer le calme qui lui est nécessaire pour l'exercice de ses fonctions ; nantir le tribunal de tous les renseignements, de toutes les pièces qui peuvent servir à la poursuite des coupables; étouffer l'incendie dans les lieux qu'il désole, prévenir l'explosion dans ceux où le feu est encore comprimé, remonter à l'origine des désordres; prendre des mesures pour qu^ls ne se reproduisent jamais, et surtout chercher à retirer le peuple de l'égarement dans lequel il a été plongé; tels sont les difficiles travaux auxquels vous allez vous livrer. »
Plus le mal était grave et universellement répandu, plus il était nécessaire de bien choisir le remède qu'il fallait y appliquer.
Avant d'agir, il fallait chercher dans les faits, dans le caractère des
habitants, dans les principes qui doivent régir un peuple devenu libre,
le véritable moyen de réprimer les excès et de ramener l'ordre. Déjà
nous avions fait à cet égard d'utiles recherches. Nous étions sur le
point de prendre un parti et de le proposer au département, lorsque le
1er janvier tous les administrateurs se
rendirent près de nous, pour nous communiquer des nouvelles fâcheuses
qu'ils venaient de recevoir du district de Lauzerte.
Le directoire du district écrivait que le canton du Bourg était en proie à la plus affreuse insurrection ; qu'une horde de brigands portait partout Je feu et le pillage : « Toutes les nuits (disait-il) on y pille, on y brûle un château... — le mal fait tous les jours des progrès plus rapides ; le remède devient plus difficile, etc. »
Le directoire envoyait en même temps une copie du procès-verbal de la municipalité de Saint-Nazaire, en date du 28 décembre, et une copie du procès-verbal de la municipalité du Bourg, en uate du 31, qui constataient le pillage et l'iucendie de deux châteaux ; il annonçait aussi que l'exprès qui avait apporté le procès-verbal du Bourg, avait assuré qu'on avait incendié les châteaux de la Motte et de la Bruguède.
Dans des conjectures aussi critiques, rien n'était plus instant que de prendre une délibération, afin de prévenir, sans retard, de nouveaux désordres : rien n'était plus important non plus, parce que c'était des mesures que nous allions adopter que dépendait le sort de notre mission.
En considérant dans leur ensemble tous les faits, tous les événements
qui, depuis le commencement de la Révolution, avaient eu lieu dans le
département du Lot, on pouvait démêler dans les auteurs et complices des
insurrections, d'un côté, de coupables instigateurs, de l'autre,
beaucoup de gens égarés et entraînés. — Il paraissait convenable de
contenir les premiers par la terreur, et de les environner d'une force
armée, qui pût à la fois prévenir ou réprimer tous leurs mouvements. Ne
pouvait-on pas aussi éclairer le peuple, le retirer de son égarement ?
La raison n'a-t-elle pas un tel empire, que son langage puisse être
Nous arrêtâmes, par la même délibération, conjointement avec le directoire du département : 1° que M. d'Ësparfjès, commandant pour le roi des troupes de ligne, serait requis d'appeler dans le département toutes celles qui étaient à sa disposition, d'après les ordres qu'il avait dû recevoir, en exécution du décret de l'Assemblée nationale, du 13 décembre ; 2° qu'il serait fait par nous, commissaires civils, une proclamation, dans laquelle nous expliquerions l'objet de notre mission, et les moyens par lesquels nous entendions l'effectuer.
Aussitôt la réquisition fut faite à M. d'Esparbès ; et nous écrivîmes en même temps au ministre de la guerre, pour l'inviter à augmenter le nombre des troupes accordées au département.
Il s'agissait aussi de pourvoir particulièrement à la sûreté du district de Lauzerle. 30 hommes de cavalerie y avaient été envoyés, le 24 décembre, par le directoire du département. Un renfort considérable était nécessaire pour la protection du pays; mais il fallait Je proportionner au nombre de troupes dont il était possible de disposer; et ce nombre n'était pas considérable.
Le 2 janvier, M. d'Esparbès fut requis de faire partir le lendemain, pour ce district, 50 maîtres de Royal-Pologne et 40 hommes d'infanterie.
Quant à la proclamation, voici dans quel esprit, Sire, vos commissaires crurent qu'elle devait être faite. Il leur sembla qu'en montrant de la confiance au peuple, ce serait le moyen d'attirer la sienne et que, possédant sa conliance, ils parviendraient plus facilement à le convaincre de ce que son avantage et son devoir exigeaient de lui. Us lui déclarèrent qu'ils se transporteraient, sans armes et sous la sauvegarde du caractère sacré dont ils étaient revêtus, sous celle des bons citoyens, partout où leur présence serait utile, afin de recueillir toutes les plaintes, d'entendre toutes les réclamations et de donner aux citoyens les explications nécessaires sur les lois. C'était là inviter le peuple à renoncer aux voies de fait et aux violences; ils l'y invitèrent expressément par tous les moyens d'utilité générale et particulière qu'ils purent mettre en usage; ils lui peignirent à la fois et leur vive douleur de la prolongation dés excès, et le grand intérêt qu'avaient tous les départements du royaume à se réunir, à rassembler leurs forces pour réprimer les désordres qui feraient de l'un d'eux un sujet de scandale et d'épouvante pour les autres; ils lui parlèrent aussi de la punition réservée aux instigateurs, de l'arrivée de nouvelles troupes, qui seraient employées à protéger la sûreté, la propriété et les droits des citoyens ; ils l'invitèrent enfin, au nom de cette Constitution qu'il adore, à en mériter les bienfaits :
« Rendez-vous dignes (lui disaient-ils) de cette belle Constitution qui vous offre tant d'avantages et que vos infatigables représentants ont principalement établie pour vous; ne les affligez plus, n'affligez plus un bon roi, qui a tant d'amour pour les Français, par des renouvellements de séditions et de désordres; prenez bieo garde que, si vous attentez à un seul point de la Constitution, tous les autres qui vous sont si avantageux, s'écrouleront et tomberont d'eux-mêmes. »
Comme il était désirable de ne rien faire, autant qu'il serait possible, que par l'empire de Ja persuasion, et de ne recourir qu'à la dernière extrémité à l'appareil militaire, nous invoquâmes le secours de toutes les personnes qui pouvaient, en servant nos vues, servir en même temps la chose publiqrue. Nous écrivîmes une lettre circulaire à tous les maires du département, pour les prier, pour prier les officiers municipaux et les notables de faire connaître à tous les habitants et de leur expliquer même, s'il était nécessaire, les idées et les principes de la proclamation. Nous ajoutons que si la municipalité, le conseil général, la commune en corps ou quelques-uns des habitants en particulier avaient des instructions à donner, des mémoires à remettre, des réclamations à faire, des pétitions à présenter, ils étaient invités à nous les faire parvenir, ou à venir conférer avec nous ; et nous ouvrîmes, de cette manière, une correspondance générale avec tous les citoyens du département.
Nous écrivîmes aussi une lettre circulaire à tous les curés : « Le ministère de paix qui nous est confié, leur disions-nous, nous ne voulons l'exercer que par l'empire de la raison, de la persuasion et de la loi. Une telle doctrine est celle de l'Evangile que vous prêchez, et notre mission momentanée se rapproche, en quelque sorte, de la vôtre... Vous recevrez, avec cette lettre, notre proclamation; nous vous renouvelons ici l'invitation de la lire au prône de votre paroisse ; et nous vous prions de plus de l'expliquer à ceux qui ne l'entendraient pas, de la traduire dans le langage qui leur est familier, d'user de la sainte influence que vous avez sur eux pour leur en faire adopter tous les principes ; et si nous parvenons, comme nous avons lieu de l'espérer, à voir la tranquillité rétablie et assurée dans toutes les parties du département, nous aimerons à publier partout que vous avez partagé nos soins, notre sollicitude, et que vous avez été de puissants auxiliaires pour nous dans l'importante mission que nous avons à remplir. »
La proclamation, les lettres lurent envoyées à leur destination par le directoire du département ; et nous restâmes encore quelques jours à Cahors pour recevoir et lire les mémoires qu'on nous envoyait de toutes parts ; pour prendre sur les faits beaucoup de renseignements nécessaires qui nous manquaient; pour entendre les propriétaires dont les châteaux avaient été incendiés, ou qui avaient encore des inquiétudes sur le sort de leurs propriétés; pour décider enfin, avec les administrateurs du département, quelques points essentiels qui tenaient à la tranquillité publique.
Lorsque nous eûmes entendu tout le monde, pris uue connaissance suffisante des faits, réglé, d'une manière générale, ce qui était relatif à la tranquillité, nous songeâmes à nous rendre àtiour-don.
Une lettre de Figeac, dont le procureur général syndic du département nous fit partie 7 janvier, annonçait, dans le district de ce nom, de nouvelles menaces de soulèvement et de nouveaux troubles.
Mais la ville et le district de Gourdon avaient été le principal objet de
notre mission. L'administration du district n'y était pas encore
rétablie, et il était instant qu'elle reprit ses fonctions. D'un autre
côté, les administrateurs qui n'avaient pas osé reparaître, et que nous
avions vus à Cahors, nous avaient promis de se rendre sur les lieux, en
même temps que nous nous y rendrions nous-mêmes. Enfin les nouvelles que
nous avions reçues de la municipalité de Gourdon, depuis notre arrivée,
n'étaient pas satisfaisantes (1). Nous er janvier 1791,
par
Toutes les circonstances nous faisaient donc un devoir de nous transporter, avant tout, dans le district de Gourdon; et nous résolûmes de partir le 8 janvier, bien décidés à nous rendre ensuite dans les autres districts, où notre présence pourrait être nécessaire.
Ici il sera peut-être utile de raconter avec quelque étendue tout ce que nous avons fait dans le district de Gourdon pour y rétablir la paix. Notre mission est la première qui ait eu pour objet de ramener à son devoir un peuple égaré ou coupable, et si le langage seul de la raison, employé dans l'exécution de cette mission, a eu quelque succès, il importe que l'on connaisse les détails de cette heureuse tentative et qu'on sache ce que l'expérience nous a appris à nous-mêmes; c'est que des moyens très simples peuvent avoir de grands et salutaires effets.
D'abord, avant de partir, nous sentîmes qu'indépendamment de la lettre générale écrite à tous les maires du département, il fallait, dès le moment de notre arrivée dans le district de Gourdon, écrire une lettre circulaire à tous les maires et à tous les procureurs de la commune de ce district, afin de les prévenir que nous arrivions au milieu d'eux pour chercher les instructions qu'ils pouvaient nous donner et recueillir les réclamations dont eux ou les habitants de leurs communes voudraient nous faire dépositaires. Les effets d'une telle correspondance devaient être utiles pour nous, en nous éclairant davantage sur les faits utiles pour le peuple, par les conférences fraternelles que nous aurions avec lui ; et dès lors il nous parut convenable d'adopter la même marche dans tous les districts où nous croirions devoir nous transporter, attendu que partout il y aurait des causes de troubles à vérifier et des agitations à calmer.
Il y avait cependant plusieurs communes pour lesquelles une pareille
lettre ne paraissait pas suffisante. Il était non seulement important,
mais nécessaire d'entendre celles qui avaient montré le plus de
résistance à la loi, qui avaient arboré des signes criminels de
rébellion, qui renfermaient des perturbateurs publics.Celles-là, nous
prîmes la résolution de les inviter, d'une
Il y avait encore une autre mesureà prendre. On nous avait dit assez généralement que le payement des rentes et l'élévation de signes rébelhonnaires étaient les principales causes des désordres, et qu'il était dangereux de parler de ces deux objets au peuple, dans le sens qui n'était pas conforme à son intérêt ou à sa volonté. On nous avait dit aussi que, lorsqu'on lui montrait les décrets de l'Assemblée nationale sur la tranquillité publique et sur le payement des droits seigneuriaux rachetables, il répondait que ces décrets imprimés à Cahors y étaient aussi fabriques et n'émanaient pas de l'Assemblée nationale. Alors, nous fimes imprimer à Cahors ces divers decrets et nous résolûmes d'en distribuer des exemplaires à chaque commune, avec la précaution de les signer en présence des habitants des campagnes eux-mêmes, pour en certifier l'authenticité. Celait le moyen tout à la fois et de recommander en général celle de tous les décrets, par la conformité exacte que le peuple apercevrait entre ceux que nous lui remettions et ceux qui lui étaient envoyés par le département.
Tous ces différents préliminaires étant régies, nous partîmes le 8 janvier pour Gourdon.
Il faut dire ici que, la veille de notre départ, la municipalité de Cahors nous avait envoye une députation pour nous demander que deux de de ses membres nous accompagnassent dans notre voyage, afin de nous garantir des dangers ou de les partager avec nous. Mais il n y avait point de dangers avec un peuple auque on montrait de la confiance ; s'il y en avait d ailleurs, ils devaient être pour nous seuls; nous partîmes sans aucune escorte ni militaire ni civile.
Le jour où nous quittâmes Cahors était le lendemain d'une foire tenue à Gourdon. Sur notre route, nous rencontrâmes un grand nombre d habitants de la campagne, qui revenaient de cette foire. Ils entourèrent-notre voiture, parurent satisfaits de nous voir, nous demandèrent, sur quelques décrets, des explications que nous nous empressâmes de leur donner; et nous jugeâmes dès lors du salutaire effet qu'avait produit sur eux la proclamation qui, la veille, avait été lue dans les cabarets, sur la place publique, et qui avait été le sujet de tous les entretiens. Cependant un des paysans s'approcha de nous mystérieusement et nous dit que noua trouverions des obstacles sur notre passage dans le village du Vigan, à une lieue et demie de Gourdon.
Nous continuâmes notre route. Peut-etre que, si nous avions été accompagnés de marechaussee ou de troupes de ligne, nous aurions en effet éprouvé quelques difficultés. Mais le peuple parut touché de notre confiance. Tous les habitants du Vigan étaient rassemblés dans la rue de leur village que uous traversions; nous la traversâmes sans aucune résistance; et nous devons meme dire que la garde nationale de ce village voulut nous escorter jusqu'à l'endroit où nous rencontrâmes celle de Gourdon, c'est-à-dire à environ une lieue de cette ville.
Ce n'est pas sans attendrissement que nous nous rappelons ici toutes les
marques de bienveillance que nous donnèrent les citoyens de
Dès le lendemain matin, nous nous rendîmes à la maison commune. Il est dans les principes de la liberté que le peuple soit toujours présent partout où l'on discute ses droits, où l'on parle de ses devoirs, et où l'on s'occupe de son bonheur; nous demandâmes qu'il assistât à notre séance. C'était la première occasion que nous avions de parler à la fois à un grand nombre d hommes et d'exercer sur eux tous, dans un seul moment, l'empire de la raison et de la loi. Le peuple entra en effet; et avant de demander 1 enregistrement de nos commissions, ainsi que la communication des procès-verbaux relatifs à 1 insurrection, nous ne pûmes nous empêcher de jeter un coup d'œil douloureux sur la situation affligeante du pays. Les plus considérables maisons de la ville dévastées; les riches propriétaires mis en fuite; les administrateurs du district errant depuis plus d'un mois, séparés de leurs familles et de leurs fonctions; l'administration enfin, non seulement sans forces, mais n'existant plus. Eh ! qui souffre, dîmes-nous, de tous ces maux réunis? N'est-ce pas le peuple qui, pour la défense de ses intérêts, s'est créé des administrateurs, et qui, en employant à des soulèvements le temps qu il doit consacrer au travail, perd des journees utiles, nécessaires même à son existence, et montre ensuite le tardif regret de ce coupable et funeste emploi? Nous lui montrâmes que de grands devoirs étaient placés à côté de ses droits, et que ce n'était point parles voies qu il mettait en usage, mais par de respectueuses pétitions qu'il devait réclamer et faire valoir ceux-ci. Nous lui annonçâmes que nous venions remettre sur leurs sièges les administrateurs qu on avait forcés de s'expatrier, et redonner ainsi, à toute l'étendue du district, l'activité et la vie qui lui manquaient. Nous lui rappelâmes qu'il devait sa confiance aux hommes qu'il avait choisis; qu il devait les respecter, même lorsqu'il leur échapperait quelques erreurs; que s'il avait jamais à se plaindre de ses mandataires ceux-ci avaient des supérieurs toujours prêts i écouter les plaintes du peuple et à recevoir ses réclamations; mais qu'il renverserait la Constitution qui était pnncipalementétablie pour son bonheur si, en exerçant cette justice lui-même, il substituait le despotisme tyannique de la force à la sainte autorité de la loi. Nous l'invitâmes enfin a se montrer confiant en nous, comme il vovait que nous l'étions en lui, et à nous aider ainsi à ramener la tranquillité qu'il était d'un si grand intérêt pour lui de voir renaître.
Ce qui devait sans contredit en signaler le rejour c'était le rétablissement du corps administratif de Gourdon dans le plein et libre exercice de ses fonctions. Ce fut là aussi ce qui fixa nos regards; mais il nous parut important que la municipalité du chef-lieu de district, qui avait plusieurs fois invité et pressé les administrateurs de se rendre au vœu des bons citoyens, parût aans cette cerémonie imposante, et préparât en quelque sorte, par la publicité de sa démarche 1 assentiment universel des communes du district' Nous crûmes aussi devoir attendre le jour où les maires, les procureurs de la commune, les habitants de plusieurs municipalités devaient se rendre à Gourdon ; parce que, plus il y aurait de témoins ou de coopérateurs de notre ouvrage, plus il y aurait de personnes qui se croiraient désormais intéressées à soutenir et défendre l'administration ; parce que d'ailleurs les administrateurs, replacés dans leurs fonctions en présence d'un peuple nombreux, s'y croiraient pour ainsi dire, replacés par le peuple lui-même' et reprendraient plus facilement le courage dont ils avaient besoin, après les excès de tout genre dont ils avaient été les victimes.
Nous fixâmes donc au 11 janvier cette sorte de réinstallation, si nécessaire pour les intérêts du district entier. La municipalité de Gourdon nous accompagna au directoire; un grand nombre d officiers municipaux et d'habitants du district, qui s'étaient rendus près de nous, nous accompagnèrent également. La garde nationale voulut aussi prendre part à cette solennité; et tous les citoyens manifestèrent la joie la plus vive de ce premier pas, qui se faisait avec tant d'accord et d'harmonie vers l'ordre et la justice.
Arrivés au district, nous y trouvâmes les administrateurs qui nous avaient promis de venir reprendre leurs fonctions; et là, en présence du peuple que nous voulions toujours rendre témoin de nos opérations, nous développâmes tous les principes constitutionnels sur le pouvoir administratif; et nous finîmes par inviter le peuple à respecter toujours, dans les administrateurs qu'il avait élus, non seulement son ouvrage, mais celui de la loi ; à les surveiller, s'il le voulait, parce que dans un Etat libre tout doit être surveillé par tous, mais à ne point entraver, par de fausses critiques et d'injustes clameurs, leurs opérations si multipliées et si pénibles; à craindre, en un mot, pour l'ordre public et pour chaque citoyen en particulier, de refroidir leur zèle et de suspendre leur précieuse activité.
Tout le monde parut convaincu de la vérité de ces principes. Déjà le poids de nos fonctions nous parut allégé : et nous allâmes commencer, avec les officiers municipaux et les habitants de différentes communes du district, les conférences que nous leur avions demandées, qu'ils désiraient eux-mêmes, et dans lesquelles nous eûmes soin de rappeler avec force tout ce qui était propre à maintenir la confiance due aux corps administratifs.
Ces conférences ont duré pendant 3 jours, les 11,12 et 13 janvier; et durant cet intervalle, nous avons entendu la plus grande partie des municipalités du district, qui, malgré leur éloignement et la rigueur de la saison, ont mis le plus grand empressement à venir nous chercher. Celles que des occupations pressantes avaient retenues, ou qui avaient reçu trop tard notre invitation, sont venues nous trouver à Cahors ; en sorte que nous avons conféré avec presque toutes, et que ce que nous allons raconter est l'histoire fidèle des dispositions dans lesquelles nous avons trouvé les esprits dans le district de Gourdon, et de celles dans lesquelles nous les avons laissés. Ce ne sera qu'au moment où nous examinerons les causes des troubles, que nous indiquerons les renseignements que nous avons recueillis sur cet objet dans le même district.
Le payement des rentes (1) et la plantation des mais ont été le principal
objet de notre entretien avec toutes les municipalités. Dans
quelques-unes, on avait payé les rentes
Telle était à peu près la doctrine du pays sur les rentes.
Il était difficile de la fronder ouvertement ; et un seul mot contraire à ces idées, depuis longtemps enracinées dans les esprits, échauffait vivement l'imagination des habitants de la campagne.
Heureusement la proclamation les avait disposés à nous entendre. Partout elle avait été accueillie avec attendrissement. Dans un village seulement (et c'est M. Valran dont nous avons déjà parlé, et dont nous parlerons encore, qui nous a raconté ce fait), un paysan s'était permis quelques réflexions contre l'arrivée des troupes : mais un autre demanda si les troupes venaient par ordre de VAssemblée nationale, et si elles seraient autant pour les uns que pour les autres : on lui répondit que oui, et tout le monde fut content. Nous étions aussi, nous, envoyés par le roi, en exécution d'un décret de l'Assemblée nationale; et ce caractère très imposant conservait toute sa dignité aux yeux du peuple. Aussi nous écouta-t-il avec autant de docilité qu'il avait mis d'empressement à venir nous entendre et conférer avec nous.
il nous a paru important, Sire, de placer ici l'analyse de nos entretiens avec les habitants de la campagne, afin que vous puissiez y voir que nous n'avons jamais cherché qu'à les éclairer, et que, si nous sommes parvenus à les convaincre, c'est sans avoir employé le lâche artifice de flatter aucune de leurs passions.
Nous commençâmes par convenir avec eux qu'il était possible que les dernières reconnaissances lussent contraires au titre primordial, et qu'elles portassent des surcharges aussi injustes qu'exorbitantes : mais nous leur prouvâmes en même temps, par des exemples tirés de leur propre intérêt, que la possession devait rester à celui qui l'avait, jusqu'à ce qu'elle lui fût ôtée également, et que le décret de l'Assemblée nationale qui avait consacré ce principe, était conforme aux premières notions de la justice.
Voici un des arguments qui parurent faire le plus d'impression sur les habitants. Vous avez une maison, disions-nous à l'un de ceux qui nous entendaient; si votre voisin prétendait qu'elle est à lui, vous lui diriez : attendez, pour vous en emparer, que les tribunaux vousen aient adjugélapropriété ; mais jusque-là elle est à moi, je la possède, et je dois en conserver la possession. Vous trouveriez avec raison très injuste, très vexatoire qu'il voulût, par menaces, par voies de fait, par violence, vous dépouiller de cette maison. S'il se pourvoyait par les voies légales, les tribunaux commenceraient par juger en votre faveur la question de la possession, avant de juger celle de la propriété. Eh bien, il en est de même de la rente qui appartient à un ci-devant seigneur, et dont il a joui jusqu'à présent : il doit conserver la possession de sa rente, comme vous voudriez et comme vous devriez conserver la possession de votre maison. Vous ne voudriez pas qu'on usât envers vous de voies illégales et barbares pour vous ôter cette possession ; il ne faut pas davantage en user envers lui pour le dépouiller de la sienne.
Puis, pourrépondreà cet argument, quinelaisse pas d'avoir quelque force en apparence, tiré de ce qu'il peut y avoir des risques à payer un débiteur dont on n'est pas sûr d'être remboursé, nous disions que d'abord de pareilles craintes paraissent chimériques; qu'ensuite on ne peut exiger au plus que 29 années d'arrérages, et que le fond sur lequel est assise la rente est bien suffisant pour ! répondre de la restitution des surcharges pendant les 29 années; que si le seigneur ne payait pas de ses propres deniers cette restitution, il se formerait une compensation entre ce qu'il doit pour la restitution des surcharges qu'il a perçues injustement, et ce qui lui est dû légitimement pour sa rente ; qu'ainsi il n'y avait aucun risque à continuer, jusqu'au jugement du fond, le payement provisoire.
On nous avait dit que les seigneurs ne demandaient pas leurs rentes. Ils ne les ont pas demandées, disions-nous, parce qu'il y a eu des attroupements; parce qu'on a menacé dans quelques endroits leurs châteaux, leurs personnes, leurs propriétés. Vous ne demanderiez pas non plus, en pareil cas, ce qui vous serait dû; et vous attendriez avec impatience le moment où il vous serait permis en sûreté de réclamer vos droits. Les seigneurs ont besoin de ce qui leur appartient, comme vous avez besoin de percevoir le revenu du champ que vous cultivez. Vous souffririez du retard qu'on apporterait à votre jouissance; ils souffrent de celui que vous apportez à la leur. Ne faites pas à leur égard ce que vous ne voudriez pas que l'on fît envers vous.
Ce langage n'était que le développement des décrets de l'Assemblée nationale.
Le peuple nous écoutait avec la plus profonde attention : nous cherchions
à démêler parmi ceux qui nous entendaient, ceux qui n'étaient pas encore
convaincus; nous les apercevions facilement; et nos explications, nos
conférences étaient plus ou moins longues, suivant le nombre de
personnes que nous avions à convaincre et la
Nous disions encore à ces habitants égarés de la campagne : L'Assemblée nationale a ôté aux seigneurs tous les droits de supériorité qu'ils avaient sur vous; et vous êtes aujourd'hui leurs égaux; mais les seigneurs sont vos égaux aussi et ils ont droit, comme vous, à la sûreté de leurs personnes et de leurs propriétés.
Enfin, leur disions-nous, voyez ce que l'Assemblée nationale et le roi ont l'ait pour vous. Ils ont détruit la dîme, les corvées, la gabelle, une multitude de droits seigneuriaux aussi onéreux qu'humiliants; ce droit exclusif de la chasse qui dévorait à l'avance le fruit de vos travaux. Leur donneriez-vous le repentir de tant de bienfaiis en attentant à des propriétés qu'ils ont déclarées sacrées et en ébranlant, par l'anarchie et le désordre, les fondements d'une Constitution qu'ils ont principalement établie pour vous?
Sire, nous éprouvons une bien douce satisfaction a vous le dire; votre nom et celui de l'Assemblée nationale produisaient tout à coup dans les esprits une impression qui, sans nous étonner, nous pénétrait d'attendrissement. A peine avions-nous prononcé ces noms qu'il ne faut plus désunir, que le sentiment de la joie, du bonheur et de la reconnaissance se peignait sur tous les visages : ces noms, enfin, qui rappelaient tant d'actes de bienfaisance et de justice, étaient, pour les bons habitants de la campagne, les meilleurs de tous les raisonnements et nous ont suffi, plus d une fois, pour toucher leur âme et convaincre leur raison.
Tous ont promis de renoncer pour toujours aux voies de fait et aux
violences, de n'exercer jamais leurs réclamations que par les voies
légales, d'avoir un saint respect pour les propriétés d'autrui ;
plusieurs ont aussi promis de payer les rentes même avant la
vérificatiou des titres. La plupart' nous devons Je dire, ne nous ont
pas fait cetiè dernière promesse; et ils donnaient pour raison lenormite
des restitutions qu'on avait à leur faire, la contradiction qu'il y
avait de payer quelque chose à son propre débiteur, et la misère sous
laquelle ils gémissaient, tant par les surcharges scandaleuses qu'ils
payaient depuis des siècles que par 2 années de disette. Mais ce qu'ils
ont juré solennellement, c'est de se soumettre avec respect aux
décisions des tribunaux, et de les exécuter dans le cas même où elles
leur seraient entièrement contraires. Nous n'avions rien de plus à
exiger; car notre mission était d'arrêter es désordres, de ramener la
paix, d'assurer I executiondes lois, de disposer les citoyens à se faire
juger par les tribunaux, et nullement de les juger nous-mêmes (1). Mais
nous ne les avons pas
Voilà, Sire, ce qui concerne le payement des rentes.
A l'égard des mais, que sont-ils? Y en a-t-il partout? Quelle idée y attache-t-on? C'est à cela que peut se réduire ce qui regarde cet article particulier.
Les mais, comme on le sait, sont des arbres très élevés et fort droits, plantés sur la place publique, ou sur la place la plus spacieuse d'un village.
Dans tous les villages du district de Gourdon, sans exception, il y en a un, et dans quelques-uns, deux et même trois.
Quant à l'idée qu'on y attache, il n'est pas d'efforts que nous n'ayons faits pour la découvrir. Lorsque nous faisions quelques questions à ce sujet, les mots de liberté, de signe de réjouissance pour la liberté, étaient à la lois prononcés par tous. Demandions-nous si on ne croyait pas, comme nous l'avaient dit quelques personnes, que lorsqu'un mai était planté pendant un an et un jour, on se trouvait, au bout de ce temps,affranchi du payement de la rente, et si ce n'était pas là le motif de cette plantation universelle de mais, et de l'attachement qu'on montrait pour eux? On repoussait par le sourire une pareille question ; on ne concevait pas que nous pussions avoir une telle idée ; on nous répondait qu'un morceau de bois, planté dans la terre, ne pouvait pas plus détruire un titre qu'en augmenter la valeur ou en créer un nouveau; et cette réponse simple nous a paru si bonne, que nous nous en sommes presque toujours servis, en la développant, pour convaincre de leur erreur le très petit nombre de personnes qui avaient la superstition de croire que la plantation d'un mai, pendant un an et un jour, dispensait ensuite de payer les rentes.
En général, l'idée qu'on attachait aux mais, lorsque nous avons paru dans le district de Gourdon, c'est celle de la conquête de la liberté; les mais presque partout sont ornés de rubans, surmontés d'une couronne de laurier ou d'un bouquet de fleurs, et portent l'inscription civique : Vive la nation, la loi et le roi. Dans toute l'étendue du district, il n'y avait que trois communes dont les mais portassent un signe d'insurrection: Saint-Cirq, Milhac et Léobard. A Saint-Cirq et à Milhac, les mais portaient des cribles; ce qui avait quelque rapport à l'affranchissement des rentes. A Léobard, le mai était surmonté d'une girouette enlevée par les habitants sur le château du seigneur; ce qui était une espèce de trophée de cette voie de fait, et une sorte d'invitation d'en commettre de semblables. Dans ces trois endroits, on nous a promis que ces signes de sédition ou de désobéissance à la loi disparaîtraient.
Les signes de sédition, nous devons le dire, étaient plus multipliés
autrefois, et cependant un grand nombre de mais n'en portait aucun. Les
mais, d'un autre côté, n'étaient pas aussi multipliés qu'ils le sont
aujourd'hui; dans quelques villages, il n'y en avait point; et
aujourd'hui, comme nous l'avons dit plus haut, il y en a partout, et
quelquefois jusqu'à deux et trois. C'est depuis l'affaire de Gourdon,
depuis le triomphe que les paysans ont obtenu sur la troupe de ligne,
qui venait faire abattre leurs mais, que les mais
Il devenait difficile, d'après cela, de décider si ces mais devaient ou ne devaient pas subsister. Mais il ne doit y avoir de défendu que ce qui l'est par la loi. La loi ne défend que les signes de sédition et non les signes de liberté. Les mais n'étaient point des signes de sédition par eux-mêmes, puisqu'ils ne portaient que des inscriptions civiques. Ils ne l'étaient point par l'idée qu'on y attachait, puisqu'on n'y attachait en général que celle de la liberté, et nullement celle de l'affranchissement des rentes. Dans plusieurs endroits, les mais avaient été plantés le 14 jaillet et avaient, pour ainsi dire, été les témoins du serment que les citoyens avaient prêté à la Constitution. Ce fait îious avait été attesté par plusieurs communes, et il est prouvé par une délibération qui nous fut envoyée le 9 janvier, à Gourdon, par la commune de Genouillac. Voici cette délibération :
« Aujourd'hui,
Ce qui est consigné dans cette délibération s'était passé, à peu de chose près, comme nous l'avons dit plus haut, dans plusieurs communes, et nous avait été attesté par différents officiers municipaux et habitants des campagnes. Nous ne pouvions donc blâmer et proscrire que les mais qui portaient quelques signes de sédition, ou qui étaient attentatoires aux propriétés. Mais lorsque les mais étaient des monuments de liberté, lorsque les inscriptions civiques dont ils étaient chargés et toutes les autres circonstances l'annonçaient; lorsqu'on n'y attachait aucune idée de trouble ou de violation de propriété, nous eussions cru attenter nous-mêmes à la liberté, en les blâmant et les proscrivant ; nous recommandions seulement qu'on les regardât aussi comme des monuments de l'obéissance due à la loi.
La promesse nous en a été faite ; et, en général, nous pouvons assurer que, dans toute l'étendue du district de Gourdon, les mais ne doivent être le sujet d'aucune espèce d'inquiétude. Le fait seul de la demande du titre primordial, formée par les paysans, suffit, d'ailleurs, pour prouver qu'ils n'attachent point à la plantation d'un mai l'idée de l'affranchissement des rentes.
Tel est le résultat de nos idées, et tel est aussi celui de nos conférences avec les habitants du district de Gourdon, sur le payement des rentes et sur les mais.
Il fallait tâcher aussi de les guérir de frayeurs exagérées et chimériques qu'ils avaient les uns des autres.
Si, dans quelques villages, les habitants ont planté des mais, c'est, disaient-ils, parce qu'ils avaient eu peur des paroisses voisines qui les avaient menacés d'une incursion dans le cas où ils ne feraient pas comme elles.
S'ils ne payaient pas de rentes, c'est par un effet de la même crainte.
S'ils étaient allés à Gourdon lors de l'insurrection, c'est encore par la même raison.
Les officiers municipaux de quelques villages nous ont dit aussi que, s'ils avaient paru à la tête de quelques attroupements, c'est parce qu'ils y avaient été contraints par le village entier, et qu'ils n'avaient pu résister à la force.
Nous avons d'abord représenté aux habitants, que, s'il n'y avait dans un village que des hommes amis de l'ordre et de la paix, ils ne craindraient ni les menaces ni les incursions de leurs voisins, parce qu'en se coalisant pour le bien, ils parviendraient facilement à en imposer aux perturbateurs publics; et nous ajoutions que de bons citoyens exécutaient la loi, sans s'inquiéter de savoir si les autres l'exécutaient, et sans craindre les menaces de ceux-ci.
Vos commissaires, Sire, n'ont pas omis non plus de remettre sous les yeux des officiers municipaux, les engagements sacrés que ceux-ci avaient contractés envers la patrie, en acceptant les places dont ils avaient été honorés : ils leur ont représenté que leur premier devoir était de donner l'exemple de la soumission à la loi, et que des citoyens fidèles mouraient victimes de leur patriotisme, plutôt que de se déshonorer par une lâche condescendance aux vues de la multitude. Nous leur avons dit que si, dans les circonstances critiques, ils avaient soin d'appeler à eux tous les bons citoyens, de leur demander l'appui de leurs forces, ils formeraient, par une telle réunion, un nombre bien plus considérable que celui des ennemis de la chose publique, et qu'ainsi il leur serait facile de braver toutes les menaces. Enfin, nous les avons engagés à parler souvent au peuple, à l'éclairer sur ses devoirs, à lui montrer son véritable intérêt dans la sou-missionâ la loi. Plusieurs fois nous avons éprouvé la puissance de ces fraternels entretiens sur les esprits les plus rebelles. En voici un exemple, Sire, dont vous n'entendrez pas, sans quelque intérêt, les détails.
M. Valran, dont il a déjà été parlé, était venu à Cahors nous faire part
des menaces dirigées contre lui, ajoutant que, pour les effectuer, les
paysans s'étaient ajournés au 11 janvier; et il nous avait remis, à cet
égard, un mémoire dans lequel il réclamait vivement notre appui. Le 10
janvier, il vint nous trouver à Gourdon, et nous
Pour calmer les craintes de M. Valran, nous lui dîmes que, dans un moment où les envoyés du roi se trouvaient au milieu du peuple, il était difficile de penser qu'il se livrât encore à des actes de violence; surtout après les marques éclatantes de confiance qu'ils avaient reçues de lui, et lorsque nous invitions tous les citoyens à nous adresser leurs réclamations et leurs plaintes. Nous engageâmes M. Valran à écrire sur-le-champ à ses empnytéotes, et à les inviter, de notre part, à se rendre près de nous. Il leur écrivit, en effet; et le soir même, 12 ou 15 paysans, députés par 6 paroisses, vinrent nous trouver pour nous raconter le sujet de leurs réclamations. Ils avaient amené avec eux un praticien qui pût les défendre. Ce fut contre lui principalement qu'il fallut argumenter. Ses objections étaient nombreuses ; toutes furent réfutées ; et il finit par être convaincu que les réclamations des habitants de la Bouyriane n'étaient pas fondées. Il restait à éclairer ceux-ci. Nous commençâmes par leur prouver que, dans le cas même où leur prétention serait juste, il ne leur serait permis de l'exercer que par les voies légales : nous leur prouvâmes ensuite qu'elle ne l'était pas; et, après de très longues explications de part et d'autre, ils s'en retournèrent non seulement convaincus que dans toutes les circonstances il ne faut faire valoir ses droits que devant les tribunaux, et qu'il est criminel de vouloir se faire justice à soi-même; mais convaincus encore que leur réclamation était destituée de fondement, et résolus tous à l'abandonner.
Ce n'était pas assez de conférer avec les habitants des campagnes : il fallait entendre toutes les personnes dont les propriétés avaient été pillées ou incendiées, soit lors de l'insurrection de Gourdon, soit quelque temps auparavant. Les religieuses de Sainte-Claire avaient aussi souffert quelque dommage ; leur maison avait été forcée ; elles s'étaient vues contraintes de fuir chez un voisin : nous nous sommes transportés chez elles, afin de ne négliger aucun des renseignements dont nous avions besoin.
Enfin, il était important d'entendre celui qui avait joué un si grand rôle dans l'insurrection de Gourdon. Il demeure à deux lieues environ de cette ville; nous lui écrivîmes pour l'inviter à se rendre près de nous ; il s'y rendit avec son frère qui lui avait servi, en quelque sorte, de premier aide de camp; et nous eûmes une très longue conférence avec eux. Mais ce n'est pas encore le moment de rendre compte du résultat de cette conférence. Nous racontons nos différentes opérations dans le département, avant d'entrer dans aucun détail sur les faits qui ont déterminé notre mission.
Celle que nous avions pour le district de Gourdon, en particulier, paraissait achevée. L'administration du district était rétablie dans ses fonctions; les agitations du peuple étaient calmées; son âme paraissait dirigée vers de meilleurs sentiments, et son esprit vers de plus saints principes. Nous avions recueilli, sur tous les faits, les éclaircissements qui étaient nécessaires; encore une fois, tout paraissait terminé.
Cependant le corps municipal de Saint-Germain, qui était venu en totalité, et avec plusieurs habitants, nous trouver à Gourdon, nous avait fait envisager comme extrêmement utile, pour la durée de la tranquillité publique, notre apparition seulement dans le lieu même qui avait été le1 foyer de l'insurrection : il nous avait priés instamment de nous y rendre avant de retourner à Cahors; et le 14 janvier, nous quittâmes Gourdon pour aller à Saint-Germain.
Le maire et un officier municipal nous attendaient à une lieue environ de leur village, pour nous réitérer leurs instances. Bientôt nous aperçûmes la municipalité et la garde nationale qui venaient au-devant de nous.
Tous les habitants, au nombre de 1,800 environ, étaient répandus dans les rues du village. Nous nous rendîmes à la maison commune: c'étaient deux petites chambres qui pouvaient à peine contenir les officiers municipaux et le conseil général. Il était cependant important, Sire, que le peuple entendît vos commissaires; il en avait d'ailleurs manifesté le désir : on nous proposa d'aller à l'église; nous y allâmes. Bientôt elle fut remplie de tous les habitants. Un silence profond y régna à l'instant même. Nous rappelâmes au peuple que c'était lui qui avait donné aux autres villages le signal de ia révolte; que c'était lui qui était la première cause de tous les désordres survenus à Gourdon et dans tout le département; nous parlâmes avec la plus grande sévérité contre ses déplorables excès : nous ne craignîmes pas, seuls au milieu d'un peuple nombreux, de dire qu'il était dans l'intention de l'Assemblée nationale que les vrais coupables fussent punis: qu'elle l'avait décrété, et que les tribunaux exécuteraient ses intentions.
Nous dîmes aux habitants en général qu'ils se devaient à eux-mêmes, et qu'ils devaient à la chose publique, de donner à tous les autres villages l'exemple du repentir et de l'obéissance, après avoir donné celui de la rébellion et de tous les genres de désordre; que c'était la seule manière de réparer en partie tout le mal qu'ils avaient fait. La raison et la loi furent tour à tour invoquées par nous pour toucher et convaincre les esprits: dans ce temple de la religion, la religion aussi fut appelée à notre aide ; un membre du conseil de l'administration du département (1), qui demeure à Saint-Germain, et qui se trouvait là, ajouta quelques paroles aux nôtres. Il proposa aux habitants de nous donner à l'instant même la preuve de leur repentir et la promesse d'une meilleure conduite à l'avenir, en renouvelant en notre présence, et entre nos mains, le serment civique. Sur-le-champ, cette proposition fut accueillie avec transport et exécutée; et nous partîmes, recevant de toutes parts des actions ae grâces, et, de chacun en particulier, le renouvellement des promesses publiques qui venaient de nous être faites.
De là, jusqu'à Cahors, les municipalités et les gardes nationales de plusieurs villages nous donnèrent les témoignagnes les plus éclatants de leur confiance et de leur attachement. Elles nous promirent toutes la plus exacte soumission à la loi ; et nous n'eûmes à notre retour que des nouvelles satisfaisantes à donner au directoire du département sur cette partie de notre mission.
Notre dessein, après avoir pacifié le district de Gourdon, était d'aller
dans celui de Lauzerte,
Vous concevez, Sire, d'après ces faits, combien nous étions impatients d'y porter nos pas. Toutes nos dispositions étaient faites en conséquence, et notre résolution annoncée.
Mais une incursion de paysans, arrivée la nuit du 2 au 3 janvier dans l'abbaye d'Espagnac, à quatre lieues de Figeac, et une grande agitation oui existait encore dans les esprits, firent craindre au directoire du département de plus grands désordres. Il crut très urgent de les prévenir, pensa que notre présence produirait un plus grand bien dans le district de Figeac, que dans celui de Lauzerte, où, disait-il, la tranquillité renaissait. Il nous pria même, par une délibéra-ration expresse, de nous rendre dans ce premier district. Voici cette délibération:
« Lecture faite de deux lettres adressées à M. le procureur général syndic, du district de Figeac, le 11 du courant, ensemble d'une pétition adressée au directoire et à MM. les commissaires civils, par les dames religieuses du monastère d'Espagnac le 14 du même mois, etc.;
« Ouï le procureur général syndic;
« Le directoire du département, considérant que la présence de MM. les commissaires civils est plus nécessaire, dans le moment, au district de Figeac, qu'à celui de Lauzerte, attendu que les troubles semblent cesser et se calmer dans ce dernier, tandis que, dans celui de Figeac, il existe des mouvements qui font craindre une explosion et des progrès qu'il importe de calmer, et qu'il est d'ailleurs urgent de pourvoir à ce que les menaces faites auxdites religieuses, et par elles dénoncées, ne soient point effectuées; arrête que MM. Godard et Robin, commissaires civils, envoyés par le roi, seront et demeurent priés de se transporter incessamment dans ledit district de Figeac, au lieu d'aller dans celui de Lauzerte, comme ils en avaient formé le projet. »
Cette délibération est du 16 janvier. Nous crûmes d'autant moins pouvoir résister au vœu qui nous était ainsi manifesté par les administrateurs, qu'ils avaient, sur le pays et sur le caractère des habitants, des connaissances légales, que nous, étrangers, nous ne pouvions pas avoir au même degré. Nous nous déterminâmes donc à changer la direction de notre marche, et le 17 janvier nous partîmes pour Figeac.
Dans le séjour momentané que nous fîmes à Cahors, il se passa un événement assez remarquable, dont nous croyons devoir dire ici quelque chose, puisqu'il a influé manifestement sur la tranquillité d'une ville, qui a donné pendant longtemps les plus grandes inquiétudes à la France.
Les régiments de Touraine et de Royal-Pologne étaient en garnison à Montauban, en vertu d'un décret de l'Assemblée nationale. Le 1er janvier, l'Assemblée, jugeant que l'un de ces deux régiments suffisait pour maintenir l'ordre dans cette ville, et que l'autre pourrait être employé utilement ailleurs, si un décret antécédent ne semblait s'opposer à ce qu'il fût retiré de Montauban, déclara que ce décret n'apportait aucun obstacle à ce que le roi disposât, selon le besoin, du droit que lui donnait la Constitution de régler le mouvement des troupes. Vous ordonnâtes, Sire, que le régiment de Royal-Pologne sortirait de Montauban, et vous autorisâtes M. d'Esparbès à disposer, comme il le jugerait convenable, des détachements de ce régiment, tant pour rétablir le calme dans le département du Lot, que pour le maintien de la tranquillité publique dans les autres parties de son commandement. Le 15 janvier, M. d'Esparbès écrivit au directoire du département que l'annonce du départ du régiment de Royal-Pologne produisait dans la ville de Montauban une fermentation qui pouvait avoir les suites les plus funestes :
« Les officiers du régiment de Touraine (ajoutait-il) sont venus en corps me prier d'en conserver un détachement pour proteger leur autorité vis-à-vis des soldats. Une pétition, signée de plus de 700 habitants, m'a été présentée hier au soir, avec une lettre qui contient les expressions de la crainte et de la terreur; j'ai répondu verbalement que j'y aurais égard ; je suis exhorté à concourir avec MM. les commissaires civils à rétablir la tranquillité dans le département du Lot et, pour remplir cet objet, le roi me laisse le maître d'employer des détachements de Royal-Pologne, quoique les guidons soient à Agen. Je vous prie de vous concerter avec MM. les commissaires civils, dont je requiers, par votre canal, les avis et la présence. »
Cette lettre fut envoyée en grande diligence à Cahors; 2 membres du département nous l'apportèrent. Nous étions alors avec M- Dupuy-Montbrun, commandant général des gardes nationales du Lot, excellent citoyen, qui, dans les troubles de Montauban, a donné les preuves du plus généreux dévouement et du patriotisme le plus pur (l). Il avait quitté Montauban le même jour que la lettre avait été écrite, et était en état de nous donner des renseignements sur lesquels nous pouvions compter. 11 nous assura que toutes les craintes étaient sans fondement; et que M. d'Esparbès, par son ascendant sur les soldats, et les précautions que sa prudencelui suggérerait, serait maître de prévenir toute espèce d'insurrection. Notre avis fut donc que les ordres du roi devaient recevoir leur exécution ; et cet avis, adopté par le département, fut envoyé à M. d'Esparbès.
Mais, le lendemain,un exprès apporta une pétition signée de plus de 1,000
habitants de Montauban, qui confirmaient les nouvelles de la veille, et
qui demandaient la conservation d'un détachement de Royal-Pologne. Il
parut prudent, pour n'avoir aucun reproche à se faire, de consulter le
directoire du district et les commissaires municipaux. Nous attendîmes
jusqu'au lendemain leur réponse; elle n'arriva point. Et comme nous
avions fixé le jour de notre arrivée à Figeac, et déterminé le temps que
nous y resterions, nous partîmes le 17 janvier pour nous y rendre. Mais
nous annonçons dès à présent que, sur l'avis du directoire du district
et des commissaires municipaux, le directoire du département persista
dans l'arrêté qu'il avait pris conjointement avec nous; et que
l'exécution de cet arrêté
Il y avait eu récemment dans le district de Figeac 2 insurrections: l'une vers la fin de décembre, dans la communauté d'Issepts, pour faire restituer par le fermier les rentes qu'il avait perçues. Cette insurrection avait été l'ouvrage de quelques instigateurs, qui allaient de force enlever les bons citoyens de leurs maisons, pour en grossir leur attroupement; mais les rentes avaient été rendues depuis au fermier par plusieurs de ceux qu'on avait forcés de les réclamer.
L'autre insurrection avait eu lieu la nuit du 2 au 3 janvier. Les paysans de plusieurs villages étaient venus, à main armée, autour du monastère des religieuses d'Espagnac, pour demander ]a restitution des frais auxquels ils avaient été condamnés, il y a environ 20 ans, dans un procès qu'elles avaient, disaient-ils,gagné injustement, et pour n'avoir pas communiqué leurs titres. Des coups de fusils furent tirés, quelques effractions furent faites; mais l'aumônier arriva, parvint à se faire entendre des paysans, qui déclarèrent ne vouloir faire de mal à personne; leur promit qu'il leur serait rendu justice par Mme la supérieure; réussit ainsi à les calmer; et l'attroupement se dissipa.
Ces 2 insurrections, qui étaient la suite de quelques autres dont nous aurons occasion de parler dans la seconde partie de notre rapport, jetaient l'alarme dans tous les esprits ; aucun propriétaire ne se croyait en sûreté ; et, en effet, la plus vive agitation régnait dans toute l'étendue du district.
C'est là que, pour arrêter les progrès du mal,nous comptâmes
particulièrement sur l'effet de nos entretiens avec le peuple ; et
l'emploi de la force armée ne nous parut encore qu'une ressource
ultérieure, dont il ne fallait faire usage qu'à la dernière extrémité.
Nous avions d'ailleurs, dans ce district même, un exemple frappant, qui,
en venant à l'appui de notre opinion, nous prouvait toute l'efficacité
des moyens de douceur et de persuasion. Nous trouvons cetexemple dans
une lettre écrite le 11 janvier, par le procureur syndic du district de
Figeac (1), au directoire du département ; et nous saisissons avec
empressement l'occasion de rendre à cet administrateur citoyen, par le
seul récit des faits, et en rapportant les priucipaux détails de sa
lettre, l'hommage dû à son patriotisme et à ses lumières. Après avoir
raconté que, sur la dénonciation delà supérieure d'Espagnac, le
directoire du district avait arrêté d'envoyer dans le couvent un
détachement de 25 hommes du régiment de Languedoc; il ajoute que ces 25
hommes ne furent pas plutôt arrivés sur les lieux, qu'il se forma un
attroupement armé, pour savoir pour quoi et par quel ordre ils
arrivaient; que le sergent qui commandait le détachement se présenta
sans armes, expliqua ses ordres aux paysans ; et que ceux-ci, après
plusieurs menaces, finirent par se retirer, en promettant néanmoins de
revenir le dimanche suivant. Il dit encore qu'un particulier de Figeac,
qui se trouva dans ce moment à Espagnac, courut à toute bride répandre
cette nouvelle dans la ville ; que les officiers du régiment se
transportèrent sur-le-champ dans la salle du district; que les membres
du directoire se rassemblèrent
Cette lettre était en date "du 11 janvier. Elle nous fut remise par le procureur général syndic du département, à notre retour de Gourdon; et dès lors même, nous nous applaudîmes de ce que, dans deux districts opposés, et dans le même temps, les mêmes moyens avaient été mis en usage avec un égal succès.
Notre marche était donc toute tracée dans le district de Figeac, tant par ce qui y était déjà arrivé que par l'heureuse expérience que nous avions retirée de notre voyage de Gourdon ; et nos conférences avec le peuple commencèrent dès le lendemain de notre arrivée.
Elles ont duré trois jours entiers, comme à Gourdon, c'est-à-dire les 19, 20 et 21 janvier ; et pendant cet intervalle, nousavons entendu 83 municipalités, sur 90 qui existent dans le district.
La, nous avons trouvé les esprits bien plus intraitables et moins faciles à manier qu'à Gourdon ; plus de mais insurrect ionnaires, c'est-à-dire chargés de cribles et de mesures, quoique, en général, les mais soient en moins grand nombre, et que dans plusieurs villages il n'y en ait pas un seul; nous avons trouvé aussi plus de villages qui avaient payé les rentes de 1789 et de 1790, niais plus de résistance à les payer à l'avenir.
Nous avons entendu, enfin, un plus grand nombre de plaintes sur toutes sortes d'objets; sur les communaux que les paysans demandent à partager, sur le taux du rachat qu'ils trouveut trop considérable, sur Vindivis qu'ils disent être un droit vexatoire, sur les mesures qu'ils assurent qu'on a falsifiées et agrandies.
Nos représentations, nos raisonnements, nos invitations à la paix, et nos menaces de la sévérité ont été les mêmes qu'à Gourdon. Seulement nous avons été obligés de les reproduire sous plus de formes, et de prolonger davantage nos entretiens, à raison de la résistance que nous apercevions. Mais toujours nous avons fini par vaincre cette résistance ; il n'a fallu, pour y parvenir, que plus de patience et de temps.
On nous a fait là toutes les promesses qu'on nous avait faites à Gourdon; et nous comptons d'autant plus sur leur efficacité, qu'elles nous ont été faites à la fois par plus de citoyens. Les maires et procureurs de la commune des différentes municipalités du district ne venaient presque jamais seuls; un grand nombre d'habitants ae leur village les accompagnaient; il en est venu quelquefois jusqu'à 50 de chaque paroisse ; nulle part nous n'avons vu autant de municipalités et un aussi grand nombre d'habitants de chacune d'elles, que dans le district de Figeac ; et nous avons cru remarquer que ce district, étant celui de tous ceux que nous avons parcourus, où il y avait eu le moins de désordres, c'est par cette raison que les habitants venaient près de nous en plus grand nombre, se présentaient avec plus de hardiesse, et nous parlaient avec un ton plus fier.
De ce district, nous comptions aller directement dans celui de Lauzerte, où nous avions toujours pensé que notre présence était d'une absolue nécessité, et où nous regrettions vivement de n'avoir pu nous rendre plus tôt; mais la veille de notre départ, le 31 janvier, nous reçûmes, par un exprès, une lettre de M. le procureur général syndic du département, par laquelle on nous anuouçait que les désordres se prolongeaient encore dans le pays, où l'on avait cru cependant que la tranquillité commençait à se rétablir; que deux châteaux venaient d'y être brûlés ; que la partie du district de Gahors, qui avoisine l'une des extrémités de celui de Lauzerte, se ressentait de la funeste commotion qui agitait encore celui-ci; que 15 prisonniers avaient été faits par la troupe de ligne, immédiatement après la dévastation du second château; que le directoire du département avait envoyé 30 hommes de plus dans le district de Lauzerte; et la lettre de M. le procureur général syndic finissait ainsi : « Vous jugerez aisément, Messieurs, qu'après que vous aurez fait à Figeac tout le bien qu'on a droit d'y attendre de vous, votre présence sera infiniment nécessaire à Ca-hors. Le directoire sera impatient de vous y voir arriver. »
Dès le lendemain, 22 janvier, au lieu de nous rendre directement à Lauzerte, comme c'était notre projet, nous partîmes pour Cahors, où nous pensions, u'après la lettre de M. le procureur général syndic, que nous avions des délibérations décisives à prendre. Nous n'y prîmes aucune délibération importante, et nous nous hâtâmes de nous transporter à Lauzerte, d'où il semblait que jusqu'à présent tout avait concouru à nous éloigner.
Là, Sire, l'affliction de vos commissaires fut profonde; et ils manifestèrent, dans toutes leurs paroles, une grande sévérité. Cette affreuse continuation de désordres semblait accuser à la fois, et le caractère du peuple, pour qui les ménagements n'étaient pas de saison, et notre marche elle-même, cette marche de persuasion et de confiance, par laquelle nous avions cru devoir exécuter notre mission. Quoi, disions-nous à ceux qui nous entendirent les premiers, c'est lorsque les envoyés du roi étaient au milieu de vous; c'est lorsqu'ils vous invitaient à les rendre dépositaires de vos réclamations et de vos plaintes; c'est lorsque vous aviez lu toutes les paroles de paix qu'ils vous adressaient dans leur proclamation, que vous avez continué vos incendies et vos pillages ? Vous étiez coupables; mais peut-être aurait-on pu vous croire égarés; aujourd'hui l'on ne verra plus en vous que des criminels, pour qui l'indulgence serait elle-même un crime. A l'instant, on nous assura qu'aucun désordre n'avait été commis depuis la publication de la proclamation. Il nous était difficile de croire un pareil fait. La proclamation, dîmes-nous, fut publiée dans toute l'étendue du district de Gourdon, le 9 janvier; votre district est encore plus rapproché de Cahors que celui de Gourdon; c'est d'ailleurs pour votre district particulièrement que notre proclamation avait été faite; elle a dû enfin être publiée partout à la même époque. On nous assura de*nouveau qu'elle n'avait point été publiée le 9 ; que, loin de l'avoir été dans ce temps, elle ne l'avait été que le 23 janvier; quelques municipalités nous attestèrent même qu'elles l'avaient reçue trop tard pour la publier le 23, et qu'elle ne pouvait l'être que le dimanche suivant. Nous eûmes soin de nous faire donner l'assurance d'un fait aussi important pour nous, par les certificats d'un très grand nombre de municipalités. Bientôt nous en acquîmes la certitude par le directoire même du district, qui, instruit de nos recherches à cet égard, s'empressa de nous apporter un mémoire justificatif dans lequel il prouvait que les proclamations n'étaient parties de Gahors que le 13 janvier; qu'elles n'arrivèrent que le 15 à Lauzerte; que du 15 au lendemain, qui était un dimanche, l'intervalle n'avait pas été assez considérable pour faire les envois; qu'ils n'avaient été faits que dans la semaine suivante; et que c'était la raison pour laquelle la proclamation n'avait été publiée que le 23. Nous nous rappelâmes alors cette phrase de la lettre que nous écrivit, le 19 janvier, à Figeac, M. le procureur général syndic du département : Le directoire voit avec la plus vive douleur les désordres se propager, et le peuple sourd à la voix des envoyés du roi, se laisser entraîner partout dans les mêmes égarements. Le peuple n'avait point été sourd à notre voix, puisqu'il ne l'avait point entendue; puisque nous étions dans le département du Lot comme des étrangers pour le district de Lauzerte, et que les habitants de ce district ignoraient entièrement notre existence. Notre courage alors se ranima; et si nous avions à gémir sur une longue et déplorable suite de désordres, nous ne désespérâmes pas au moins de convaincre le peuple ae cette contrée, comme nous avions déjà convaincu celui de Gourdon et de Figeac, que son intérêt et son devoir lui faisaient un besoin de la paix et de la soumission aux lois.
Cette conviction, nous l'avons opérée.
Lorsque nous avons parlé au peuple de ses excès, il a avoué ses torts, et en a montré le plus sincère repentir.
Lorsque nous avons parlé des effets volés dans
Nous avons parlé aussi des reconnaissances de rentes exigées de quelques ci-devant seigneurs, ou offertes par eux pour sauver le reste menacé de leur patrimoine; le peuple a senti facilement l'illégalité, la nullité de pareils actes, l'injustice qu'il y aurait de les conserver dans le cas même où ils seraient valables; et l'on n'a pas hésité de nous les remettre.
On demandait l'élargissement des prisonniers ; on sollicitait de l'indulgence pour eux, nous avons répondu que l'indulgence était pour l'égarement; mais que le crime devait avoir sa peine; que, parmi les auteurs et les complices des troubles, il y avait des coupables qu'il était indispensable de punir. On a senti les motifs de cette nécessité; on les a avoués; on finissait seulement par dire que si on punissait le peuple, il fallait aussi punir les nobles, qui, disait-on, par leur rassemblement armé, et leurs vexations, sont cause de tous les malheurs arrivés dans ce district.
Quant aux mais, nous avons efa très peu de chose à dire sur cet objet; il n'eii existe presque point dans ce district ; et aucun ne porte de signes d'insurrection.
Mais dans aucun, ou presque aucun village, on ne paye les rentes. De toutes parts nous avons reçu des plaintes sur les surcharges. Nous avons répété là ce que nous avions déjà dit ailleurs sur les principes de la possession, sur le recours à la loi; et nous avons été entendus de tout le monde. Si dans aucun district il n'y avait eu autant de désordres, dans aucun peut-être il ne s'est montré autant de repentir. Le temps était trop court pour permettre aux paysans d'en multiplier les actes a leur gré; ils nous promirent de nous apporter à Cahors de nouvelles preuves de la ferme résolution où ils étaient d'expier leurs égarements; et nous parlerons tout à l'heure de l'empressement avec lequel ils ont acquitté leur promesse.
En quittant Lauzerte pour nous rendre à Cahors, nous passâmes par Moissac et par Mon-tauban.
A Moissac, l'accord régnait entre tous les esprits; et nous n'éprouvâmes
dans cette ville, que des sujets de contentement (1). Notre présence
Le général des troupes de ligne y réclamait depuis longtemps notre présence. Le directoire du district et les commissaires municipaux la désiraient. Ceux-ci avaient même fait réimprimer, le 18 janvier, notre proclamation, à la suite de laquelle ils en avaient fait imprimer une, par laquelle ils invitaient tous les citoyens à déposer dans notre sein leurs inimitiés, leurs ressentiments, leurs craintes, et à nous rendre les arbitres d'une réconciliation que tous devaient désirer. Il nous était impossible de résister à des vœux aussi prononcés.
Mais, lors de notre passage à Montauban, la tranquillité était entièrement rétablie dans celte ville; le départ du régiment de Royal-Pologne, que les administrateurs du département, sur 1 avis de ceux du district, n'avaient pas cru devoir suspendre, n'avait causé aucun trouble; le général des troupes de ligne avait trouvé l'état de la ville tellement satisfaisant, qu'il l'avait quittée la veille, pour se porter dans un autre point de son commandement. Cette ville enfin, qui avait été si longtemps le théâtre d'agitations sans cesse renaissantes, n'offrait, de toutes parts, que l'image de la paix et du bonheur; nous craignîmes, par notre présence, de révéler en quelque sorte, les passions éteintes ou assoupies, en fournissant à quelques mécontents l'occasion d'exhaler leurs plaintes dans des pétitions dont ils nous auraient fait dépositaires ; et nous ne voulûmes séjourner qu'un très petit nombre d'heures à Montauban ; après avoir reçu les témoignages les plus favorables sur la conduite du régiment de Touraine ; après avoir engagé quelques-uns de ses membres, qui étaient venus nous trouver, à être d'autant plus modérés aujourd'hui, qu'ils avaient plus de force, à se ressouvenir sans cesse que la discipline est le nerf et la sauvegarde de 1 armée; comptant enfin sur lui, de même que sur la surveillance continuellement active du directoire du district et des commissaires municipaux, pour rendre l'ordre durable et éterniser la paix.
Il nous tardait d'être arrivés à Cahors, pour nous trouver dans le centre
du département et juger de là quel était l'effet général de nos voyages
et de nos conférences dans les différents districts que nous venions de
parcourir. Il y avait d'ail-
C'est le 30 janvier que nous fûmes de retour à Cahors.
Il nous est impossible d'exprimer avec quelle rapidité se succédaient chaque jour les signes de repentir, qui, de toutes parts, nous étaient apportés ou envoyés par différentes communes.
Les officiers municipaux de Saint-Pantaléon, de Bagat, de Saint-Daunés et de Lasbouygues, quatre des communes les plus inquiétantes du district de Lauzerte, vinrent à plusieurs reprises, dans l'intervalle de notre retour à Cahors et de notre départ pour la capitale, nous apporter des procès-verbaux, des délibérations, qui attestaient que chaque jour de nouvelles et considérables restitutions avaient eu lieu ; ils nous remirent aussi les déclarations de plusieurs citoyens, portant que, lors du pillage, ceux-ci avaient enlevé une multitude d'effets pour les garantir de l'invasion des voleurs, et qu'ils les restitueraient à la première réquisition qui leur en serait faite ; ils déposèrent enfin, entre nos mains, plusieurs actes de renonciation qu'ils tenaient de leurs ci-devant seigneurs; actes aussi injustes que nuls, mais qui n'en causaient pas moins d inquiétudes à ceux qui les avaient donnés.
Du district de Figeac, de celui de Gourdon, on nous envoya des délibérations qui, conformément au désir que nous avions montré, ordonnaient l'abattement des signes d'insurrection placé sur les mais ; et les procès-verbaux, qui prouvaient que ces délibérations avaient été exécutées, nous furent aussi apportés.
Dans le district de Cahors, plusieurs faits du même genre confirmèrent encore l'expérience que nous avions, que le langage de la raison n'était pas hors de la portée du peuple. En voici deux qu'il nous est impossible de passer sous silence.
Vers la fin de notre séjour à Cahors, on vint nous avertir qu'à une lieue de là, dans le village de Galessy, les habitants d'un village voisin, nommé Pasturat et dépendant de la même municipalité, étaient venus au nombre de 35 environ, et par attroupement, enlever sur le grenier de VExacteur public la tente qu'ils y avaient portée. Sur-le-champ nous écrivîmes aux officiers municipaux du lieu, pour les engager à se rendre dès le lendemain près de nous, et à se faire accompagner par le plus d'habitants qu'il leur serait possible. Ils vinrent, nous avouèrent aussitôt qu'ils avaient été égarés, s'excusèrent sur ce qu'on leur avait dit que les habitants de Galessy devaient aller reprendre toutes les tentes, et sur la peur qu'ils avaient eue que ces tentes ne devinssent la proie d'autrui. Nous leur fîmes à cet égard toutes les représentations que demandaient les circonstances ; nous exigeâmes d'eux que, dès le lendemain, ils reportassent la tente enlevée; et dès le lendemain, tous, en effet, la reportèrent.
Nous devons ajouter que l'Exacteur ne voulut pas la recevoir, et (Aie pendant 3 jours de suite nous avons vu ces bons paysans inquiets, ne sachant que faire, tremblants de n'avoir pas suffisamment expié par leur démarche l'égarement dans lequel on les avait fait tomber ; ne s'occupant plus, enfin, de leur travail ; venant à chaque instant nous parler de leur repentir, et ne songeant qu'aux moyens de réparer entièrement le mal qu ils avaient pu faire.
Voici maintenant l'autre fait. La surveille de notre départ, on vint nous dire, comme une chose très alarmante et très grave, que sous nos yeux, pour ainsi dire, à une lieue environ de Cahors, et dans un village dépendant de la municipalité de Cahors même, on avait élevé un mai auquel était attachée une planche, sur laquelle on avait écrit : Vivent la nation, la loi et le roi, et au-dessous, plus de tentes. Il nous parut étonnant que la municipalité de Cahors, au zèle et à l'activité de laquelle rien n'échappe, ne fût pas instruite d'un pareil fait. Notre intention était de le vérifier, en faisant venir quelques personnes du pays ; mais, dès le lendemain, un de nos amis (1), qui faisait près de nous les fonctions de secrétaire, et qui réunit une grande prudence à un patriotisme très éclairé, alla sur les lieux, sans nous en prévenir, parla aux habitants du pays, par qui il fut très bien accueilli, et les questionna sur la seconde inscription attachée à leur mai. Rien ne les étonna davantage que les questions qu'on leur fit. Jamais ils n'avaient entendu parler de cette inscription. Us répondirent qu'ils ignoraient qu'elle existât, et qu'ils n'imaginaient même pas qu'elle pût exister, parce que, parmi eux, Ja plupart avaient payé la tente, et que les autres étaient prêts à la payer. L'un des paysans se détacha alors des autres pour venir nous raconter lui-même les faits ; nous lui recommandâmes de faire disparaître la seconde inscription, que l'on prendrait, malgré les habitants de son village, pour un signe d'insurrection ; et le lendemain cette inscription avait déjà disparu.
C'est ainsi que partout, Sire, nous avons trouvé le peuple docile aux représentations de vos commissaires ; partout nous avons remarqué qu'en dirigeant bien ses facultés, il était possible de l'amener à la plus scrupuleuse observation de la loi par le sentiment seul de son intérêt et de son devoir ; et sur la fin de notre séjour à Gahors, nous recevions autant de nouvelles satisfaisantes et douces pour notre cœur, que nous en avions reçu d'affligeantes et de terribles, dans les premiers jours de notre arrivée.
Nous ne crûmes pas cependant devoir quitter le département, sans faire au peuple une adresse dans laquelle nous lui rappellerions ses devoirs; où nous présenterions aux citoyens, d'une manière générale, ce que nous avions dit à chacun d'eux, ou à chaque commune dans nos conférences particulières ; où nous les inviterions, enfin, par les exemples de repentir et de soumission que nous avions à leur citer, à se maintenir dans l'état de tranquillité, sans lequel ils ne jouiraient jamais des bienfaits de la Constitution.
Cette adresse nous sembla d'autant plus nécessaire, qu'il nous avait paru, dans nos entretiens avec le peuple, qu'il désirait vivement d'être éclairé, et nous avons même pris de là occasion d'engager tous ses administrateurs à lui parler, à lui écrire souvent, à être, pour ainsi dire, avec lui dans un état presque habituel de correspondance, pour lui rappeler fréquemment ce qu'il est et ce qu'il doit être.
Notre adresse fut publiée le 3 février ; les administrateurs du
département en joignirent une,
Sur notre route, nous reçûmes encore de plusieurs municipalités les témoignages les plus touchants de confiance, et l'assurance d'une entière soumission à la loi. Celle de Saint-Germain, lieu où avait commencé l'insurrection de Gourdon, nous attendait sur notre passage, pour nous remettre un mémoire instructif sur les faits; et ce mémoire finissait ainsi :
« Soyez, nous vous en supplions, nos interprètes auprès de l'Assemblée nationale; exposez-loi les motifs qui nous ont fait agir; et si elle trouve dans sa sagesse, que nous soyons coupables de quelque délit, dites-lui que nous invoquons la sévérité de sa justice ; mais que si le repentir le plus sincère.et le plus amer est capable d'expier nos fautes, elle n a pas besoin de nous punir. C'est ainsi que pensent ceux qui vivent avec plaisir les défenseurs de la Constitution, et qui mourraient sans peine ses martyrs. »
Nous omettions, Sire, de vous rendre compte des dispositions militaires que nous avons faites, conjointement avec le directoire du département, avant de quitter Cahors. C'était une mesure que la prudence indiquait et ne permettait pas de négliger. Les troupes ont été distribuées de manière à protéger également partout les personnes et les propriétés. La force en a été augmentée, où nous pouvions avoir à craindre les efforts de ceux qui pourraient tenter de nouveau d'abuser et d'égarer le peuple; et elles existent encore dans lé département, comme un moyen de précaution et de sûreté.
Un fait assez digne de remarque, c'est que ces troupes sont réparties dans tous les districts, et qu'il n'y en a qu'un où nous n'avons pas envoyé un soldat, et où il n'en existe pas un seul; c'est le district de Gourdon. C'étaient pourtant les troubles survenus dans cette contrée qui avaient déterminé notre mission ; c'était pour les apaiser que l'Assemblée nationale avait décrété que des troupes seraient envoyées dans le département du Lot. Mais le peuple de ce district a vivement désiré qu'on n'usât point à son égard de cette précaution qu'il redoutait; il a demandé qu'on se fiât entièrement à lui ; et nous lui avons donné la grande marque de confiance qu'il sollicitait; espérant qu'il mettrait une sorte d'amour-propre à la justifier, et qu'une tranquillité qui serait, pour ainsi dire, son ouvrage, serait bien plus durable que si elle était commandée par l'appareil de la force et des armes. Nos espérances n'ont pas été trompées; tous les troubles étaient calmés lorsque nous avons quitté le département; et depuis notre arrivée à Paris, nous avons reçu du procureur de la commune de Gourdon (1) une lettre dans laquelle il nous dit i « Depuis votre départ, la ville et les campagnes n'ont pas cessé d'être dans une tranquillité parfaite; les communes commencent à s adresser au tribunal, pour le rendre l'arbitre de leurs contestations avec leur seigneur.
Nous venons de vous exposer, Sire, quelle a été notre conduite dans le département du Lot, et quel en a été le résultat.
Partout, soit dans les campagnes, soit dans les villes, nous n'avons agi que par l'empire de la persuasion et de la loi.
Les principes de bonté qui caractérisent Votre Majesté semblaient d'abord nous commander cette marche.
Mais nous avons cru voir aussi, dans l'esprit de la Constitution, qu'il n'y en avait pas d'autre à suivre, et que c'était à la raison, qui avait élevé le nouvel ordre de choses sous lequel nous allons vivre, à le soutenir contre ses ennemis, et à en assurer la perpétuelle durée. Nous avons pensé que l'esprit de l'homme étant le même dans tous les pays, était également partout susceptible de recevoir la lumière qui lui était offerte, et qu'il fallait seulement plus ou moins de précautions, pour dissiper les nuages qui, dans quelques lieux, l'obscurcissent encore. Nous avons pensé, en un mot, que si, dans les villes, en général, on entend la loi plus facilement que dans les campagnes, si on l'y observe avec plus d'exactitude, lorsqu'un esprit de parti n'y égare pas les citoyens, c'est que l'instruction y est plus répandue ; qu'il fallait donc également la répandre dans les campagnes, et ne pas commencer par punir des hommes à qui peut-être on n'aurait à repro-mais cher que des torts, qui ne sont pas les leurs, ceux d'une longue oppression et d un avilissement qui n'est que la suite de cette oppression même.
Sire, dans l'application que nous avons faite de ces principes, nous avons constamment éprouvé que l'instruction pouvait être aujourd'hui un des principaux ressorts de notre nouvelle organisation; qu'à l'avenir une éducation vraiment nationale peut rendre ce ressort encore plus actif. Nous avons embrassé avec transport l'idée d'un grand peuple, qui n'obéira désormais qu'à l'empire de la raison, et qui se montrera vraiment digne de la liberté, en rendant inutile celui de la force ; et nous sommes heureux de pouvoir mettre sous les yeux de Votre Majesté des vérités aussi douces pour une âme bonne, franche et loyale comme celle de Loui3 XVI.
Ces vérités, Sire, sont le fruit de l'expérience; et l'expérience trompe rarement. L'événement, en effet, a justifié notre marche. Dans toute l'étendue du département, secondés par 2 de nos amis (1) qui remplissaient près de nous les fonctions de secrétaires, et qui étaient nos véritables coopéra-teurs, soutenus aussi par les diverses sociétés patriotiques du pays, qui, en répandant nos principes, en semant l'instruction, en éclairant les esprits, aplanissaient les difficultés que nous aurions pu rencontrer, nous sommes parvenus, à l'aide d'un mélange de fermeté et de douceur, proportionné aux lieux, aux circonstances et aux personnes, à rétablir le calme et à ramener le règne de la justice et des lois.
L'ordre peut encore être affermi par quelques moyens qu'il n'appartient qu'à l'Assemblée nationale et à Votre Majesté de déterminer. Nous allons vous les exposer, Sire, dans la seconde partie de notre rapport.
Moyens définitifs par lesquels l'ordre peut être affermi dans le département du Lot.
Pour parvenir d'une manière sûre à la connaissance de ces moyens, il faut avant tout bien connaître les causes des insurrections.
Pour connaître ces causes, il faut auparavant encore avoir une couuaissance exacte des faits.
Uu tableau général de ces faits doit doue précéder toute espèce de
discussiou. Pour être com-
§ 1er.
Tableau général des faits.
Nulle part la destruction du régime féodal ne fut accueillie avec plus du transport que dans l'ancienne province du Quercy, parce que c'était là principalement que la féodalité avait les effets les plus terribles.
C'était dans cette province que régnait dans toute sa latitude la maxime nulle terre sans seigneur, et qu'une girouette placée au-dessus d'un toit était le titre en vertu duquel le seigneur exigeait de ses vassaux des redevances énormes.
Ces redevances éiaient encore accrues d'intervalle en intervalle par les régisseurs, les fermiers, les agents des seigneurs, et principalement par leurs feudistes.
Ces feudistes étaient entièrement dévoués a celui qui les employait; on leur abandonnait les arrérages de ce que l'on appelait découverte; ils découvraient beaucoup, parce qu'ils avaient leur intérêt à beaucoup découvrir; le résultat de leurs recherches était toujours qu'il était dû au seigneur plus qu'ou ne lui payait; de là toutes les surcharges qui abondent dans une infinité de reconnaissances.
Les censitaires étaient ignorants; le fermier leur disait de payer, parce qu'ils devaient, sans leur expliquer comment ils devaient; il fallait qu'ils payassent sur-le-champ, autrement on tes menaçait"de procès ruineux, et qu'ils perdaient presque toujours. Le fermier donnait ensuite a ces hommes qui ne savaient ni lire, ni écrire, des quittances où rien n'était détaillé; où l'on se contentait de dire qu'un tel avait payé la rente qu'il devait à la seigneurie ; où l'on se gardait bien d'en exprimer la quotité, crainte de s'exposer à des restitutions, en percevant des rentes au-dessus du taux porté par les titres; c'est ainsi qu'on écrasait ces malheureux censitaires, en abusaut de leur ignorance, de leur bonté, et de la terreur qu'on savait leur inspirer.
On ne se bornait pas à accroître les redevances, en insérant dans les reconnaissances des surcharges plus ou moins considérables; on agrandissait, dans quelques endroits, les mesures qui servaient à percevoir les droits seigneuriaux.
Il y avait aussi, dans Ja plupart des châteaux, un crible roulant, dont l'objet était d'épurer les grains d'une manière si avantageuse pour celui qui ies recevait, que le blé de rente avait toujours un prix supérieur de 30 sols à peu près, par mesure, à celui qui se vendait au marché.
Il serait trop long d'entrer dans le détail de toutes les vexations, de toutes les fraudes que les divers agents des seigneurs exerçaient, à l'insu même de ceux-ci, contre les paysans. Nous nous bornerons à dire que presque partout, il y avait dans l s redevances féodales des surcharges immenses; que ces surcharges étaient pour le peuple un fardeau qu'il ne pouvait plus soutenir, qui le réduisait à une misère extrême; et que les girouettes, les mesures, les cribles roulants, et en général tout ce qui tenait à la féodalité étaient pour lui un objet d'horreur et d'ef-froif ,
On devine dès lors avec quel transport il dut apprendre que la féodalité était détruite. Mais l'excès de ses malheurs produisit aussi des excès dans l'essor qu'il donna aux sentiments de joie dont il fut dominé.
L'indignation d'ailleurs s'empara de lui, lorsque, par la découverte de plusieurs titres anciens, il eut la preuve de la différence prodigieuse qui existait entre les reconnaissances surchargées qu'on faisait valoir contre lui, et ces titres dont on lui cachait depuis longtemps l'existence. Ces surcharges lui donnaient droit à des restitutions; il s'imagina qu'elles devaient surpasser le capital de la rente; et dès lors il se crut, dans quelques lieux, entièrement affranchi des rentes.
Enfin, il confondit ailleurs les redevances conservées jusqu'au rachat, avec celles supprimées sans indemnité; et cette erreur s'accordait si bien avec son intérêt, qu'il souffrait difficilement qu'on cherchât à l'en guérir.
De là, un grand nombre de mais qui étaient des signes de réjouissances pour la destruction du iïéau qui désolait le Quercy.
De là, aussi, plusieurs mais, chargés de cribles, de mesures ou de girouettes, qui étaient des signes de l'égarement du peuple, ou plutôt d'une partie du peuple, sur les redevances seigneuriales.
De là, enfin, quelques potences plantées pour effrayer les redevables ou les percepteurs.
Bientôt ces potences disparurent; et le mouvement extraordinaire qui avait agité les esprits, daus le passage subit de la servitude à lu liberté, se calma.
Il se renouvela aux mois de mai et de juin 1790, dans le district de Figeac. Les habitants d'un village (1), à l'instigation d'un seul particulier, allèrent prendre possession d'un pré, et en fauchèrent l'herbe, ayant à leur tête le tambour de la municipalité.
Dans le mois de juillet, les propriétés de M. Lostanges, situées aussi dans ce district, furent dévastées.
Enfin, le moment où les rentes avaient coutume de se paver approcha; et cette circonstance, qui rappelait les obligations et le fardeau du peuple, renouvela aussi dans les esprits, que de nouvelles découvertes avaient encore aigris davantage, une fermentation qui fut presque universelle, mais qui ne se manifesta cependant par aucun signe de violence.
Le directoire du département crut qu'il était de son devoir de s'occuper sérieusement de cet objet, en publiant, dans une proclamation, les principes de la raison et de la loi sur les redevances que l'Assemblée nationale avait conservées jusqu'au rachat.
Cette proclamation, publiée le 30 août, dans laquelle on disait au peuple qu'il devait payer d'abord ce qu'il avait payé jusqu'ici, sauf à répéter ensuite ce qui lui était dû, ne produisit pas, dans tous les lieux, l'effet qu'en attendait le département.
A Thuron, dans le district de Cahors, une potence fut plantée dans le mois de septembre 1790, devant le château de M. de Lunegarde, pour pen-dreceux qui payeraient les redevan es; et la maréchaussée, qui se trans orta suc les lieux pour l arracher, fut repoussée par un atiroupement que les villages voisins avaient grossi : la potence ne tarda pas cependant à être enlevée.
A Galessy, village du même district, et dans le même temps à peu près,
une potence fut aussi
Ici nous devons dire que la commune de Galessy, dans une adresse au département, avait fait la déclaration formelle qu'elle était disposée à payer la rente aux seigneurs, pourvu que ceux-ci justifiassent des titres primordiaux; et que les habitants de Thuron s'étaient trouvés, le lendemain de la plantation de leur potence, dans une assemblée nocturne, tenue dans un village voisin, où il fut question de l'exhibition des titres : en sorte que, tant à Galessy qu'à Thuron, les potences n'avaient pas pour objet d'empêcher à jamais le payement des rentes, mais seulement avant l'exhibition du titre primordial.
On planta encore une potence dans l'étendue du district de Cahors ; ce fut le 9 octobre 1790. Les circonstances sont d'une telle singularité, qu'elles méritent d'être connues dans quelques détails. Au sortir de la messe paroissiale, le valet de la commune de Vire publia que tous ceux qui devaient des rentes à M. Dinety, lieutenant de prévôt à Bordeaux, étaient priés de les lui porter le lendemain. Au mot de rente, tous les habitants se soulevèrent; on dit hautement « qu'il fallait « pendre celui qui avait été si osé de crier la « rente, et tous ceux qui s'aviseraient de la « payer. » La fermentation alla toujours croissant ; une potence lut plantée sous les fenêtres de la maison commune ; arrachée pendant les vêpres, elle fut replantée aussitôt après ; et ce ne fut que Ja nuit du 14 au 15, qu'on lui substitua un mai chargé de raisins, de gâteaux, de gobelets, et portant l'inscription : Vivent la nation, la loi et le roi. Le directoire du département avait été instruit de tous les faits, excepté du dernier. Il arrêta, sur l'avis du directoire du district (1), que deux commissaires seraient envoyés sur les lieux, pour employer, à l'égard du peuple, tous les moyens de persuasion et de confiance, et que cependant, attendu la plantation de la potence et Ja nécessité de l'enlever, une brigade de maréchaussée et 50 gardes nationales accompagneraient les commissaires. Ceux-ci partirent, ainsi escortés, le 17 octobre. Le peuple ne devina point quelles étaient leurs intentions; il ne vit que la force armée qui l'effraya. On avait d'ailleurs attaché au mai, dans la nuit précédente, un écrit latin, qui fut arraché, lors de l'apparition des commissaires, par le domestique du procureur de la commune; mais dont on avait sans doute donné l'explication au peuple. Cet écrit signifiait : « Tenez fer-« me ; nous sommes libres, ne vous laissez pas « plonger dans la servitude. » Le peuple, enfin, qui avait arraché la potence, ne voyait rien dans son mai qui pût exciter la sévérité du directoire du département; et peut-être les commissaires eurent-ils tort d'appliquer à ce mai l'arrêté qui n'avait été rendu que relativement à la potence. Il insulta la maréchaussée, les gardes nationales, et ne voulut rien entendre de la part des commissaires.
Le procès-verbal de ceux-ci porte que les paysans, quoique sans armes, « s'attroupèrent autour du mai avec des femmes et des enfants ; qu'ils crièrent à haute voix qu'on aurait beau faire feu sur eux, que le mai ne serait point arraché; qu'ils l'avaient acheté, qu'ils le voulaient là ; qu'on aurait beau envoyer des troupes, qu'ils trouveraient du secours ; qu'ils voulaient payer la rente, mais conformément aux titres primordiaux; et qu'ils ne voulaient pas qu'on les fît proclamer, parce que, s'ils rie les payaient pas après la proclamation, les seigneurs leur feraient des frais. » Le procès-verbal ajoute que les esprits, loin de se calmer, s'échauffèrent de plus en plus, et que les commissaires furent obligés de se retirer. Bientôt cependant le repentir succéda à cette violente agitation ; 4 jours après, le 21 octobre, les habitants de Vire prirent une délibération unanime, par laquelle ils arrêtèrent de faire tous leurs efforts pour empêcher à l'avenir toute insurrection, de laisser librement proclamer le payement des rentes, de les payer même, sauf au censitaire à se pourvoir en justice, pour la réduction ou la modération; ils arrêtèrent en même temps d'employer toute leur activité et leur vigilance, pour l'exécution prompte et paisible des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi, pour l'exécution des arrêtés du département et du district, et de ceux principalement qui ordonnent le payement des rentes jusqu'au rachat ; et ils envoyèrent cette délibération au directoire du département.
De tous ces faits, arrivés aux mois de septembre et d'octobre 1790, dans le district de Cahors, il résulte que, s'il y a eu trois potences plantées dans ce district, elles n'ont pas tardé à être arrachées ; que dans les trois endroits où elles ont été plantées, le peuple n'avait pas l'idée de l'affranchissement absolu des rentes; enfin que dans le village de Vire, un repentir sincère et un grand respect pour la loi ont succédé aux délits dont le peuple s'était rendu coupable.
Dans le même temps, à peu près, où tous les faits que nous venons de raconter se passaient dans le district de Cahors, des placards incendiaires étaient affichés, et des potences étaient plantées dans la terre de M. de Lostange, située dans le district de Figeac. Attachait-on à ces placards et à ces potences l'idée de l'affranchissement des rentes ? Nous ne pouvons rien assurer de positif sur cet objet, faute de notions suffisantes : tout ce que nous pouvons dire, c'est que ces signes de rébellion ont existé fort peu de temps, et avaient disparu lorsque le détachement du régiment de Languedoc, qui fut envoyé sur les lieux, y arriva.
Voyons maintenant ce qui s'est passé dans Je district de Gourdon.
Il paraît qu'une seule potence y a été plantée; c'était dans le village de Gindou, vers le milieu du mois d'octobre dernier ; et elle avait pour objet d'effrayer tous ceux qui voudraient payer les rentes.
Mais des mais étaient plantés dans un grand nombre de villages du district; et sur l'avis qui fut donné au directoire du département que, dans quelques endroits, on les regardait comme un signe d'affranchissement des rentes, il donna quelques ordres particuliers pour faire abattre, conformément au décret de l'Assemblée nationale, toutes les marques d'insurrection, sans cependant spécifier les mais ni en prononcer le nom.
Ici une grande attention est nécessaire pour tous les faits qui suivent, et qui successivement vont amener la grande insurrection du mois de décembre.
Le 15 novembre, le directoire du district de Gourdon, effrayé de la multitude de mais qui existaient sur son territoire, et n'ayant pu, par les voies de la douceur (1), parvenir à les faire disparaître, crut qu'il était temps d'employer l'appareil de la force, et proposa au département de requérir un détachement de troupes de ligne, qui, avec l'adjonction des brigades environnantes, aurait ordre de se transporter dans tous les chefs-lieux de canton, puis dans chaque paroisse, pour abattre les mais, et en général toutes les marques d'insurrection.
Le conseil de l'administration du département était alors assemblé; et, les 15 et 21 novembre, il arrêta de faire venir 100 hommes de troupes de ligne en garnison à Figeac, pour les envoyer à Gourdon, où conjointement avec les gardes nationales de cette ville et deux brigades de maréchaussée, ils obéiraient aux réquisition du directoire du district, relativement à l'enlèvement de toutes les marques d'insurrection et à l'arrestation des coupables.
Ces 100 hommes de troupes de ligne arrivés à Gourdon, le directoire du district commença par les requérir de se transporter, le 26 novembre, accompagnés de deux brigades de maréchaussée, au village de Gindou, pour y faire abattre la potence.
Il les requit ensuite de se rendre, le 29, à Lou-piac, pour faire abattre le mai et toutes les autres marques d'insurrection ; et les requit en même temps de faire abattre toutes celles qui se rencontreraient sur leur passage.
Mêmes ordres furent donnés le 1er décembre, pour aller le 2 dans les villages du Vigan, de Saint-Projet et de Saint-Cirq ; le 3, dans ceux de Concourès, Saint-Germain et Peyrilles; et, dans les divers arrêtés, les mais étaient toujours associés aux marques d'insurrection.
Le 3 décembre, les 100 hommes de troupes de ligne, accompagnés des brigades de maréchaussée de Fraissinet et de Souilhac, s'acheminèrent donc du côté de Saint-Germain; et là commença l'insurrection, qui fit ensuite de si terribles progrès.
Avant même que ce détachement fût arrivé, et dès qu'il fut aperçu, le tocsin fut sonné ; et des bandes de paysans armés descendirent des montagnes, pour se rendre où le tocsin les appelait.
A la distance de 100 pas du village, le maire se présenta devant le
détachement; on lui fit lecture de l'arrêté du directoire de district ;
il pria le commandant de suspendre la marche de sa troupe, jusqu'à ce
qu'il eût communiqué cet arrêté au peuple : « et après un quart-d'heure
d'absence (dit le procès-verbal du commandant) il est revenu devers
nous, et nous a assurés que lorsque le peuple serait bien persuadé que
le décret qui ordonnait d'abattre le mai émane de l'Assemblée nationale,
il se porterait lui-même à enlever cette marque d'insurrection ; il nous
a rendu responsables ae tout le sang qui coulerait, si nous employions
la force pour dissiper l'at-
M. de Saint-Sauveur crut devoir céder aux instances pressantes qui lui étaient faites; il penka qu'il était important qu'il retournât à Gourdon pour conférer avec les membres du directoire du district; et il somma le maire d'annoncer au peuple la retraite de la troupe.
En se retirant, elle fut assaillie de coups de pierres, et poursuivie fort loin ; trois fois M. de Saint-Sauveur fut obligé de la faire ranger en bataille, menaçant le peuple de faire tirer sur lui « mais sans jamais faire usage de notre feu » (dit-il dans son procès-verbal), « préférant de nous « exposer à tous les dangers, plutôt que de ver-« ser le sang d'un peuple furieux, mais égaré. »
Le peuple à la fin se lassa de poursuivre la troupe; et lorsqu'elle fut à peu près à moitié chemin de Saint-Germain à Gourdon, M. de Saint-Sauveur ordonna à un brigadier de maréchaussée et à 2 cavaliers de se rendre en diligence dans cette ville, pour y rendre compte à la municipalité de l'état des choses, et lui demander main-forte, attendu qu'il y avait à craindre qu'avant d'arriver à Gourdon, les habitants de Saint-Cirq, du Vigan et de Saint-Projet, qui la veille avaient vu abattre leurs mais, et près desquels il fallait passer, ne cherchassent à se venger, et ne poursuivissent la troupe jusque dahs Gourdon même.
Aussitôt que la municipalité fut instruite des faits, elle s'empressa de pourvoir à la défense de la ville, requit le commandant de la garde nationale de faire battre la générale, se hâta d'arborer le drapeau rouge, parce qu'elle vit un danger imminent dans l'approche d'une troupe immense de paysans que l'on voyait de toutes parts accourir par nombreux pelotons; elle proclama aussi la loi martiale, et marcha à la tête de la garde nationale, suivie du détachement de Languedoc, sur l'avenue de Saint-Germain.
La troupe se rangea en bataille; on pointa le canon ; et toutes les dispositions propres à se mettre en état de défense furent faites.
La troupe villageoise, de son côté, faisait entendre des cris menaçants, tirait des coups de fusil, et devenait effrayante en se grossissant à chaque instant, par les bandes de paysans que les tocsins de toutes les campagnes, qui sonnaient à la fois, appelaient de loin en loin.
Néanmoins le procureur de la commune (1), et un officier municipal se détachèrent de la garde nationale et de la troupe militaire, pour aller demander aux paysans quel était l'objet de leur incursion.
Il ne paraît pas qu'alors ils se fussent choisis un chef; ils répondirent qu'ils voulaient l'élargissement des différents prisonniers faits le jour précédent dans quelques villages, par le détachement de Languedoc, lors de l'enlèvement des mais.
Les deux députés de la municipalité employèrent
Mais les paysans qui arrivaient de toutes parts communiquèrent plus facilement le mouvement qui les entraînait, qu'ils ne reçurent les impressions momentanées qui avaient été données à la troupe villageoise; cette troupe d'ailleurs finit par se donner un chef; elle se crut alors bien plus forte qu'elle ne l'était auparavant; et il devint plus difficile de lui faire entendre aucune proposition.
De ce moment on entra dans un véritable état de guerre. La ville de Gourdon se regarda comme une vil 'e assiégée, et ayant l'ennemi à sa porte. Mais quel éiait cet ennemi? Le peuple de tous les villages du district. L'embarras de la municipalité était extrême.
Il était sept heures du soir à peu près, lorsque la troupe villageoise se choisit un commandant. Ce commandant était M. Joseph Linars, qui était venu à la tête de la garde nationale de Genouil-lac, village où il demeure, et qui,sur sa route, avait recueilli 5 à 600 paysans qui marchaient aussi du côté de Gourdon, et qui s'étaient rangés sous ses ordres.
Dès qu'il eut accepté le commandement général de l'armée, il députa le sieur Jean Linars, son frère, à la municipalité, pour la prévenir qu'il était aux portes de la ville avec 4,500 hommes; qu'il demandait à connaître la cause des vexations que la troupe de ligne commettait journellement et successivement dans les diverses paroisses du district; et il lui fit déclarer en même temps que si l'on tirait un seul coup de fusil sur sa troupe, il ne répondait plus de rien.
La municipaliié lit à M. Linars les promesses qu'il demandait, et lui déclara que c'était par ordre du département que la troupe de ligne s'était transportée dans plusieurs paroisses du district.
M. Linars voulut voir cet ordre; M. Taillefer, l'un des membres du directoire du district, et le seul que l'on put trouver, le communiqua. Le député de l'armée villageoise déclara, après l'avoir lu, que cet ordre avait été tronqué par les administrateurs du district; qu'il n'était applicable qu'aux signes d'insurrection et non aux mais, qui étaient des signes de liberté; et il s'empressa de faire connaître au peuple que la troupe de ligne n'était point coupable, et qu'elle n'avait fait que son devoir en obéissant à des ordres supérieurs.
Cette troupe s'était retirée dans l'église qui avoi-sine la maison commune, et attendait là les réquisitions de la municipalité. Le peuple demanda qu'elle mît bas les armes. Le commandant et les soldats répondirent, « que, ne les ayant portées « que pour la défense de la patrie," ils ne les « quitteraient qu'après avoir versé tout leur « sang. » On insista. M. Linars, frère du commandant de la troupe villageoise, dit au commandant de la troupe de ligne, que « dix mille hom-« mes, qui gardaient les environs de Gourdon, « étaient dans le cas de faire subir la loi. —Non « pas, (répondit M. de Saint-Sauveur) à ceux qui « préfèrent l'honneur à la vie » ; et il alla rejoindre dans l'église les soldats qui l'y attendaient.
Le peuple commençait à s'échauffer; c'était pa: ticulièrement cou Ire les administrateurs du district qu'il voulait diriger sa fureur, parce que M. Linars avait dit qu'eux seuls étaient coupables pour n'avoir pas suivi à la lettre les ordres du département, et pour leur avoir donné une extension arbitraire; il nous a même été assuré qu'il avait ajouté, ' qu'ils méritaient d'être pen-« dus, et qu'il n'y avait pas assez de cordes pour « les pendre. »
Mais M. Taillefer était le seul des administrateurs qui fût présent; on le peignit à M. Linars comme un honnête homme et un bon citoyen. Celui-ci se rappela alors qu'il avait été son condisciple ; il recommanda au peuple de ne lui faire aucun mal; mais il exigea que, sous sa dictée, M. Taillefer écrivit un procès-verbal qu'il appelait un traité de paix. Cette pièce est très importante, et il est essentiel de la connaître. La voici :
« Aujourd'hui 3 décembre 1790, s'est présenté Joseph Linars, à la tête de 4,500 hommes, pour demander au directoire du district la cause des troubles et vexations qu'ont éprouvés déjà plusieurs paroisses, et que craignent d'éprouver toutes celles du district. Sur quoi nous lui avons présenté les ordres que nous avons reçus du département du Lot, dont nous lui avons donné copie, certifiée de nous ; et, d'après la lecture qui en a été faite, nous avons reconnu qu'il ne nous était prescrit que de faire abattre les marques d'insurrection et rétablir le bon ordre; que cependant, dans le délibéré que nous avons donné au commandant de la troupe qui nous a été confiée, nous n'avons pas excepté les mais érigés à la liberté reconquise, et ce qui a obligé les troupes nationales à la démarche qu'elles ont faite ;
« A été arrêté que le canon ne sortira de la maison de ville que lorsque l'ennemi de l'Etat sera dans les environs, mais jamais contre les citoyens qui voudront se plaindre des exactions : de plus, que le district se 'joindra à tous les cantons pour demander la suppression des maréchaussées, ces troupes étant devenues inutiles depuis le moment que les gardes nationales sont en activité.
« Ledit délibéré étant pris, le sieur Joseph Linars a décidé sa troupe à repartir, de peur qu'il n'arrivât d'autres troupes et qu'il ne pût les contenir. Il a exhorté toutes les municipalités présentes, au cas qu'elles eussent quelques marques d'insurrection, de les mettre bas elles-mêmes, et de ne conserver que les mais destinés à la liberté reconquise; ce qu'elles ont toutes promis de faire, quoiqu'elles aient déclaré n'en avoir aucune.
« A Gourdon, les mêmes jour et an que dessus : « Signé : taillefer. »
Ce procès-verbal fut signé à onze heures trois quarts du soir. M. Linars,
commandant général de l'armée villageoise, en fit lecture au peuple, qui
manifesta son contentement. Il saisit alors ce moment pour promettre de
faire retirer sa troupe, de ne pas faire ouvrir les prisons, de retenir,
dans toute l'étendue de son canton, tous ceux qui montreraient la
volonté de venir à Gourdon; et, à minuit environ, il partit, emmenant
beaucoup de monde avec lui, et voyant une grande partie des soldats
qu'il commandait regagner leurs villages. Mais il en resta 5 ou 600,
qui, soit par lassitude, soit à cause de l'obscurité de la nuit, soit
par rapport aux mauvais chemins, ne voulurent pas se mettre en rouie. M.
Linars a l'ait lui-même cette déclaration, dans
Ces 5 ou 600 personnes, du moment où elles furent sans chef, et livrées à elles-mêmes, s'abandonnèrent aux mouvements les plus désordonnés; leur nombre s'accrut prodigieusement dans cette nuit désastreuse; ceux qui étaient partis revinrent; d'autres se joignirent à ceux-ci; bientôt il y en eut plus de 10,000 ; on oublia ce qui avait été dit sur la troupe de ligne, et le respect qu'on lui devait; elle s'était renfermée dans l'Eglise, dont elle avait barricadé les portes; les plus violentes menaces furent vomies contre elle; quelques paysans s'efforcèrent même de séparer les soldats de leurs officiers, proposèrent de l'argent aux premiers pour livrer leurs chefs ; grenadiers et soldats, tous répondirent qu'ils aimeraient mieux mourir que de commettre une action aussi lâchement barbare. Enfin le cri général du peuple était celui-ci « que les soldats sortent « sans armes, et que les cavaliers de maré-« chaussée soient massacrés » (1).
La troupe de ligne resta ainsi, depuis 6 heures du soir du 3 décembre, jusqu'au lendemain 11 heures du matin, exposée aux insultes et aux menaces, et craignant à chaque instant de se voir forcée d'en venir avec le peuple à un combat dont les suites, de part et d'autre, eussent été sanglantes.
Enfin, à force de représentations, de prières, de promesses, la municipalité obtint du peuple le serment solennel que les soldats sortiraient avec armes et bagages, et qu'ils ne seraient pas maltraités.
C'était au directoire du district à faire à la troupe de ligne la réquisition de partir; mais tous les membres de ce directoire avaient fui; ce fut un commis qui fit et signa la réquisition ; et, attendu les circonstances urgentes dans lesquelles on se trouvait, la municipalité consentit au départ de la troupe.
Aussitôt cette troupe se mit en marche, ayant à sa tête les officiers municipaux, qui, par leur présence, voulaient lui ménager une retraite sûre; enveloppée de tous côtés par la garde nationale de Gourdon; ayant placé, au milieu des grenadiers, trois cavaliers de maréchaussée, contre lesquels le peuple était tellement animé, que deux autres n'avaient pas osé sortir et s'étaient tenus cachés dans le clocher de l'église ; suivie enfin par une foule de paysans qui faisaient retentir l'air des cris redoublés de Vive la nation.
Il semblait dès lors que tout devait être terminé, et que le peuple, ayant obtenu la satisfaction qu'il désirait devait rentrer dans l'ordre.
Mais à peine le détachemeut fut-il parti, qu'un s'empara des canons, qu'on en brisa l'affût, et que la maison de M. de Fontanges, ci-devant gentilhomme, devint l'objet d'une fureur universelle; tous les meubles en fuient brisés, les denrées jetées dans la rue, les murs tux-mêmes ne furent pas épargnés; de là on fondit sur la maison du sieur Hebray, ci-devant subdélégué, et les mêmes ravages y furent exercés.
Le leudemain 5, l-e nombre des campagnards s'était accru au double,
suivant le procès-vei bal
Le 6 décembre, les désordres n'avaient pas encore cessé. On se précipita dans le monastère des religieuses de Sainte-Glaire, qui furent obligées de se sauver dans une maison du voisinage. Là, de nouveaux dégâts furent commis par une multitude furieuse; le peuple ne se retira que lorsqu'il s'y vit forcé par la lassitude; mais les malintentionnés ne quittèrent la ville que pour se répandre dans les campagnes, où ils portèrent leur fureur, et où les maisons de M. Taillefer, membre du directoire, et de M. Aisac, membre de l'administration du district, furent dévastées.
Ce ne fut que le 7 décembre que la tranquillité commença à renaître dans la ville de Gourdon. Pendant quatre jours entiers, elle fut donc livrée à toutes les horreurs dont on a entendu le récit; et la municipalité fut d'autant plus impuissante pour réprimer les excès, qu'une partie de la garde nationale s'était mêlée aux habitants de la campagne et confondue avec eux. Cependant le 5 décembre, au moment où l'on menaçait d'incendier le bureau du directeur du district, un officier municipal s'y transporta, fit enlever tuus les papiers, tous les registres, et les déroba à l'invasion du peuple. Le soir, lorsqu'on pillait la maisou du curé, deux officiers municipaux s y transportèrent également, et firent conduire dans les prisons 5 brigands, qui furent ensuite élargis par les paysans.
Voilà tout ce que la municipalité put faire au milieu de la multitude immense dont elle était environnée, et n'ayant aucune force à sa disposition : les municipalités et les gardes nationales de quelques villages, qui vinrent lui offrir leurs secours, arrivèrent trop tard pour lui être de quelqueutilité ; celles qui vinrent plus tôt n'étaient pas assez fortes pour lutter avec avantage contre fe torrent. Ce n'est qu'en versant des flots de sang qu'on eût pu arrêter les désordres; et il est probable encore que, sans pouvoir y parvenir, on n'aurait fait, en déployant la force, qu'augmenter la fureur du peuple et multiplier ses ravages.
Les personnes mêmes qui ont assisté aux événements ne peuvent pas se faire une idée de la violencedu mouvement qui avait été imprimé aux esprits : aussi était-il impossible qu'il s'arrêtât tout à coup.
Indépendamment des maisons de MM. lailleler et Aisac, qui furent dévastées le 6 décembre, ou dévasta le même jour et le lendemain le château de M. Touchebœuf-Beaumont, à Léobard.
Depuis le 6 jusqu'au 12, on dévasta successivement à Rampoux, à Cuzals et à Gindou, 3 maisons appartenant à M. Boisson, ci-devant avocat général de la cour des aides de Montauban.
D'autres dévastations ont encore été faites depuis; des restiiutions de rentes ont été exigées; veux qui n'avaient pas encore été pillés ou incendiés étaient menacés dans leurs personnes ou leurs propriétés; et tous ces désordres, quoique diminués considérablement, n'avaient pas encore cessé au mois de janvier.
Lorsque tous ces faits que nous avons recueillis, soit dans les
procès-verbaux, soit dans les récits uniformes que nous avons entendus,
se passaient dans le district de Gourdon, le district de Cahord eteelui
de Lauz-rte, particulièrement,
Le 9 décembre, le bruit s'était répandu généralement, dans la ville de Cahors, que les ennemis du bien public avaient choisi cette ville pour y opérer partiellement une contre-révolution : c'est dans les procès-verbaux de la municipalité que nous puisons ce fait, ainsi que les détails que nous allons raconter; tous sont ici d'une telle importance, que nous ne les exposerons, le pl us qu'il nous sera possible, que d'après Jesacles les plus authentiques.
Il est parlé dans les procès-verbaux de la municipalité de Cahors, et des alarmes conçues par le peuple relativement au bruit de contre-révolution qui se propageait, et des circonstances qui semblaient autoriser ce bruit. Ces circonstances c'était l'arrivée perpétuelle, dans la ville, des ennemis les plus acharnés de la Constitution, et une couleur violette portée par quelques individus dans leurcocarde. Le corps municipal, à qui tous ces faits furent dénoncés, se crut obligé drarrêter entre autres dispositions, le mêmejour 9 décembre: 1° qu'il serait fait une perquisition de tous les étrangers, afin qu'il leur fût enjoint de sortir à l'instant de la ville; 2° que tous les citoyens eussent à ne porter d'autre cocarde que la cocarde aux 3 couleurs de la nation; 3° que le directoire du département serait prié de laisser dans la ville la troupe de ligne qui en faisait la sûreté
Ce qui augmenta encore les alarmes du peuple ce fut une déclaration formelle faite à deux reprises différentes, trois jours après l'arrêté ci-dessus, et dans l'hôtel même de la commune, par 5 officiers de Champagne qu'ils étaient des aristocrates; déclaration qui força le corps municipal de prier M. d'Esparbès de renvoyer ces officiers.
A 4 lieues de Cahors, dans la ville de Castelnau, les mêmes bruits de contre-révolution s'étaient également répandus; et ce sont encore les procès-verbaux de la municipalité que nous allons invoquer; voici ce qu on y lit à la date du 13 décembre : « Dans ces circonstances (est-il dit) où tous les citoyens honnêtes et tranquilles sont dans l'agitation, et craignent quelques é vénemen ts fâcheux, depuis qu'ils ont vu une assemblée de plus de 20 de ci-devant nobles se tenir dans la maison du sieur Bellud-Saint-Jean, et qu'ils sont instruits qu'il y a une correspondance journalière par 1 entremise du sieur Lauture-Escayrac, entre la maison dudit sieur Bellud et du sieur Bonnal ces deux ennemis irréconciliables, et notamment jeudi dernier, 9 du courant, qu'ils avaient contracté une fédération offensive et défensive que d'ailleurs le sieur Bonnal, ci-devant seigneur de Castelnau, et tous les ci-devant nobles, ont enlevé toute la poudre qui était au pouvoir des marchands de celte ville, et qu'ils ont chez eux une quantité considérable de fusils de munition-toutes ces alarmes nous ont décidés à être plus exacts à faire le devoir de notre charge. »
Que résulta-t-il de cette exactitude? Le 13 décembre, à 10 heures du soir, le maire et un officier municipal parcourant les rues pour faire la police, et ayant déjà fait retirer plusieurs personnes qui étaient attroupées, rencontrèrent 7 à 8 personnes qui l'étaient également, et à qui ils observèrent que « dans des moments aussi criti-« ques il n'était pas prudent de voir à 10 heures « du soir un attroupement de 7 ou 8 personnes « qu'en conséquence ils les priaient de se retirer»' Un sieur Seguy, notaire, était du nombre de ceux à qui s'adressait cette invitation; il s'élança à la tête de sa compagnie sur le maire et sur l'officier municipal, tenant dans chacune de ses mains un pistolet dont heureusement aucun ne partit. Il se saisit ensuite de son épée dont il voulait faire usage, et qu'on parvint à lui arracher; enfin il rajusta ses armes, coucha en joue le maire de Castelnau, et lui tira un second coup de pistolet, qui partit cette fois, et qui blessa une autre personne que le maire; celui-ci, alors, et l'officier municipal qui l'accompagnait, crurent que le parti le plus sage était de se retirer.
Mais un pareil événement ne pouvait pas être enseveli dans le silence ; le lendemain il en fut question dans la maison commune où le corps municipal s'assembla ; et voici quelques-unes des paroles du réquisitoire du procureur de la commune :
« Votre vie est en péril, dit-il; les ennemis de la révolution s'assemblent et trament des complots terribles; ils ont fait une ligue et ont juré de perdre leur vie avant de ne pas venir à bout de leur trame odieuse; ils ont, et vous n'en pouvez douter, acheté toute la poudre à tirer des marchands de cette ville ; nous sommes menacés, et nous sommes sans force et sans secours; ils ont, ces ennemis de notre nouvelle Constitution, mis en butte le sieur Seguy, notaire. Vous venez d'entendre la lecture du procès-verbal que deux de vos collègues dressèrent hier au soir à 10 heures ; vous sentez que l'assassinat commis sur les personnes des sieurs de Cayla, maire, et Combebiac, officier municipal, n'est que trop le prélude des noirs complo ts que les ci-devan t n o bles projetèren t da n s 1 assemblée qu'ils tinrent dans nos murs le 9 du courant, etc. » Le procureur de la commune finit par indiquer ies mesures qu'il croit devoir être prises par la municipalité ; et le résultat du réquisitoire, ainsi que de la délibération, fut que la proclamation publiée le 9 par la municipalité de Cahors sur le renvoi des étrangers et les couleurs de la cocarde serait adoptée et publiée par la municipalité de Castelnau; qu'il serait porté plainte au département de l'assassinat commis la veille par le sieurSeguy; qu'un secours indispensable de 50 hommes de troupes de ligne serait demandé; cru'il serait acheté 25 livres de poudre à tirer et 50 livres de balles; « enfin, qu'attendu que l'action aussi noire que criminelle dudit sieur Seguy est une suite des trames odieuses ourdies par les ci-devant nobles et leurs prosélytes, contre ia vie des vrais patriotes de cette ville, les commissaires nommes demeurent chargés de supplier le département de faire part à l'Assemblée nationale tant du procès-verbal dressé par ledit sieur de Cayla et Combebiac, que du présent déli-debérée la pétition qu'ils sont autorisés à présenter au corps administratif, etc. »
Les inquiétudes, qui étaient très grandes à Cahors, augmentèrent sensiblement à la nouvelle de cet arrêté ; et tous les doutes parurent se réaliser, lorsque, le 16 décembre, on entendit les commissaires de la commune de Castelnau déclarer « qu'instruits d'une fédération de contre-révolu-« tionnaires armés qui se sont emparés de toute « la poudre à tirer qu'il y avait chez les distri-« buteurs, il était de leur devoir de demander « des troupes de ligne pour dissiper cette bande « de factieux ».
C'est à la municipalité de Cahors qu'ils firent cette réquisition de secours. II fut arrêté par celle-ci que 60 hommes de troupes de ligne, et 60 de la garde nationale, seraient envoyés à Castelnau.
Ces troupes n'étaient pas encore parties, non
L'annonce du secours qui fut envoyé détermina les personnes rassemblées à Gastelnau à se retirer à Montcuq, dans, le district de Lauzerte. Mais indépendamment de l'effroi qu'elles portèrent avec elles dans ce district, ainsi que nous le raconterons tout à l'heure, l'alarme devint universelle, lorsqu'on entendit parler d'une déclaration faite par les ci-devant gentilshommes, déposée par eux à la municipalité de Lauzerte, et regardée par le peuple comme une véritable déclaration de guerre. Voici cette déclaration, écrite et signée au château de Haut-Gastel le 17 décembre; il est de la plus haute importance de la connaître :
« Nous soussignés (est-il dit), informés des brigandages qui se sont commis, il y a quelques jours, aux environs de Gourdon et près de Cahors; que même, en ce moment, les environs de Montcuq sont la proie des brigands qui dévastent les propriétés, pillent et démolissent les châteaux et maisons particulières, et répandent dans le pays une terreur universelle, nous donnons avis à MM. les officiers municipaux de Lauzerte que nous nous réunissons pour marcher contre ces brigands, et protéger les propriétés de tout individu qu'ils oseraient attaquer; et dans la crainte que cette démarche ne puisse être interprétée dans un sens défavorable, et qu'on ne nous suspecte de vouloir nous opposer à quelques-uns des décrets de l'Assemblée nationale, nous déclarons à MM. les officiers municipaux, qu'en prenant les armes, nous n'avons d'autre motif que l'intérêt général et la sûreté des propriétés; que nous serons toujours prêts à voler au secours de tout individu qui serait attaqué; que, sur l'invitation, soit du district, soit des différentes municipalités qui le composent, nous marcherons avec plaisir à leurs secours, et que, dès l'instant où la tranquillité publique sera rétablie, nous nous séparerons et quitterons les armes.
« Nous prions MM. les officiers municipaux de communiquer la présente déclaration aux autres municipalités des environs, afin qu'elles ne puissent pas se méprendre sur le vrai but de notre union momentanée : nous les prions également d'engager tous les bons citoyens de Lauzerte à se joindre à nous, afin d'en imposer plus sûrement à tous ceux qui voudraient troubler l'ordre et la tranquillité publics; et nous espérons que leur exemple décidera les habitants des campagnes à s'unir à nous dans les mêmes vues.
« Fait au château deHaut-Castel,le 17 décembre 1790.
« Signé : d'Escayrac, Verlhac, Pechpeyron de Beaucaire, Bonal, Grocy-Rozet, la Beruede, Pella^rue-Châielan, de Boissiére, le Duc, Boissière fils, Chevalier de Bonnal. »
Il est très vrai qu'il y avait depuis quelques jours des dévastations "de propriétés; que 4 ou 5 châteaux avaient déjà été pillés ou incendiés; et si nous n'en avons encore rien dit, c'est que l'origine de ces désastres ne date que de la nuit du 10 au 11 décembre, tandis que l'assemblée des ci-devant gentilshommes, tenue à Gastelnau, est du 9, et que l'ordre des faits exigeait qu'on parlât d'abord de ce rassemblement. Nous y reviendrons tout à l'heure, quand nous aurons rendu compte des dévastations, des incendies et des pillages que nous venons d'annoncer.
Ces excès déplorables ont continué, presque sans interruption, jusqu'au 18 janvier inclusivement. Durant cet espace de temps, il y a eu, dans le district seul de Lauzerte, près de 30 châteaux ou maisons qui ont été incendiés, ou pillés, ou dévastés. Dans le mois seul de janvier, il y en a eu 5 environ qui ont été la proie des flammes ou du pillage; et soit que ces événements ou ceux de Gourdon, soit que toute autre cause ait influé sur les autres districts, des désordres ont aussi été commis dans ceux-ci, et le mal est devenu tout à coup universel.
Il est inutile d'entrer, à cet égard, dans des détails qui n'auraient aucune espèce d'utilité, puisque ce ne serait qu'une répétition de faits qui se ressemblent entièrement.
Nous nous bornerons à dire que, le 16 janvier, 15 paysans, du nombre de ceux qui venaient d'incendier un château dans le district de Lauzerte, furent faits prisonniers, tant par la garde nationale que par la troupe de ligne ; que, dans le même temps, et pour la même cause, 5 prisonniers furent faits à Gastelnau ; et, dès à présent, nous reprenons ce qui regarde la déclaration des ci-devant gentilhommes. Gela exige plus de développements.
11 paraît que le jour même que celte déclaration fut faite, on s'empressa de vouloir exécuter ce qu'elle renfermait.
Dès le 17 décembre, à sept heures moins un quart du soir, les sieurs
Lavaur cadet, demeurant au château de Charry, et Bellud, demeurant au
château de Bateuc, tous les deux de cette société de ci-devant nobles
dont nous avons parlé plus haut, vinrent avertir le maire de Montcuq «
qu'il y avait une troupe de messieurs armés, « en chemin, qui
demandaient l'hospitalité, pour « cette nuit, attendu que leur intention
était d'al-« 1er arrêter les brigandages. Lemaire leurrépon-« dit qu'il
n'existait ni brigandages ni troubles « dans la ville, que tout y était
paisible ettran-« quille, qu'ainsi ces messieurs feraient bien de « ne
pas alarmer les citoyens. » Les deux députés insistèrent. Le maire
demanda unedemi-heùre pour avertir la municipalité et préparer les
esprits. Mais, sans attendre la réponse, « la troupe « armée entra dans
la ville, à cheval, au nombre « de 14 ou 15 hommes, tous armés de fusils
à « deux coups, baïonnette au bout, pistolets à la « ceinture, sabres et
épées, portant leurs fusils « en état de bataille, et semblant prêts à
faire
Le peuple ne continua pas moins à « s'alarmer « de cette entrée nocturne. Il se mit à crier que « si ces messieurs n'avaient aucune mauvaise in-« tention, ils n'avaient qu'à remettre leurs armes, « et qu'on les laisserait tranquilles ; et comme il « nous parut (lit-on encore dans le procès-ver-« bal de la municipalité de Montcuq) que la tran-« quillité publique dépendait de la remise que fe-« raient ces messieurs de leurs armes; MM.Gos-« sane, maire, Bru et Boyé, officiers municipaux, « furent joindre ces messieurs chez la dame Vi-« vans; ils les prièrent de remettre leurs armes, « qu'ils leur feraient rendre aujourd'hui en par-« tant ; mais ils s'y refusèrent constamment ; ce « qui irrita davantage le peuple, qui se réunit « de toutes parts, et sans qu'il fût possible de « contenir sa fureur, qui se bornait néanmoins à « la remise de ces armes. »
Tout cela est extrait mot à mot du procès-verbal dressé, le 18 décembre, par la municipalité de Montcuq ; et ce qu'on va lire en est également tiré. « Dans le temps (est-il dit) que plusieurs « membres de la garde nationale de Montcuq, « et MM. les officiers municipaux étaient à déli-« bérer sur les moyens de conciliation ; cesmes-« sieur-, des fenêtres de la maison de Mme Vi-« vans, vers les onze heures du i-oir, làchè-« rent trois coups de fusils dans la rue, devant « lu corps de garde, ce qui jeta l'alarme et la « consternation parmi les citoyens; et la garde « nationale riposta plusieurs coups de fusils, « dont heureusement personne ne fut atteint. »
Nouslisons dans un autre procès-verbal,dressé le même jour par la même municipalité, que l'alarme répandue par l'arrivée nocturne des 14oul5 gemilshommes futsi considérable, q;e le tocsin fut sonné dansdifférenteséglises,ce qui attira dans la ville un grand nombre de citoyens des communes voisines. On ajoute que « l'alarme s'était accrue « par un bruit qui paraissait avoir de la consis-« tance, que ces 14 ou 15 cavaliers étaient l'a-« vaut-garde d'une troupe prétendue volontaire de 4 ou 500 personnes; » de sorte que la municipalité se vit obligée de requérir, à la fois, le directoire du département, le commandant général des gardes nationales, celui des troupes de ligne, et enlin la municipalité, de Cahors de lui envoyer, sur-le-champ, un secours de 100 hommes.
L'agitation extrême qui régnait dans la ville de Montcuq, cette arrivée successive et nombreuse des habitants des environs, effrayèrent les 14 ou 15 personnes qui s'étaient rendues la veille dans cette ville.
Elles en partirent pendant la nuit; mais, dans la journée du 18, il paraît qu'elles commirent quelques violences : voici du moins ce qu'on lit dans une lettre en date du 19 adressée par le maire de Tréjouls au procureur syndic du district de Lauzerte :
« Hier samedi, le domestique de M. le curé de Tréjouls venait de Montcuq, à cheval, vers les 3 heures du soir; il rencontra une trentaine de cavaliers, du nombre de ceux que vous dites s'être ligués, qui, le voyant d'un peu loin, se mirent à le poursuivre à toute bride; et dès qu'ils furent à portée, ils déchargèrent 2 coups de fusil sur lui; heureusement il ne fut pas blessé, mais il sentit une balle qui lui frisa le chapeau. C'est un fait que vous ne révoquerez pas en doute, puisqu'il y a plusieurs témoins qui le virent; d'autre part, cet homme ne les avait pas provoqués, parce que c'est un homme marié, le plus tranquille de notre paroisse, qui sert ne domestique à M. le curé depuis quelque temps.
« Hier encore ces mêmes personnes pousui-virent longtemps un domestique de M. Moti-mayon. G'est un fait aussi avéré que le premier, d'aôrès ce que l'on m'a assuré, etc. »
Le lendemain 19, ces mêmes personnes se rendirent, escortées par un grand nombre de leurs collègues, dans le village de Saint-Gyprien. Les faits sont encore ici d'une si haute importance, que nous ne parlerons que d'après le procès-verbal qui fut dressé le même jour par la municipalité.
Le sieur Duc, fils de l'ancien président de l'élection de Cahors, avait invité la municipalité et les citoyens de Saint-Cyprien à un repas qu'il donnait dans sa maison de campagne, lorsqu'on fut instruit que « la cavalerie, qui était à Montcuq « dans la nuit de vendredi à samedi dernier, et « qui avait considérablement augmenté en nom-« bre, venait fondre sur la paroisse de Saint-« Gyprien. »
Sur-le-champ, et dès que les citoyens aperçurent cette cavalerie, suivie, d'une infanterie armée et la plupart déguisés ils prirent la fuite et se sauvèrent dans leur village. Il ne resta que les sieurs Sebal et la Roque, officiers municipaux, qui s'étaient rendus à la maisou de campagne du sieur Duc, et à sa sollicitation, pour y maintenir le bon ordre.
Ils firent tous leurs efforts pour détourner cetie troupe armée du projet
qu elle avait d'entrer dans le village de Saint-Cyprien. « Qu'allez-«
vous faire, lui dirent-ils, dans une paroisse qui « avait le bonheur de
jouir de la paix? Ces mes-« sieurs, dit le procès-verbal, répondirent
qu'ils « voulaient faire la paix avec tout le monde. « Mais quelle fut
notre douleur et notre surprise, « ajoute-t-on, lorsqu'arrivés sur le
sol du sieur « Savary, cette troupe armée, rangée en ordre « de
bataille, fit une décharge d'artillerie sur « des citoyens qui s'étaient
réfugiés au clocher « de l'église où ils étaient montés pour sonner « le
tocsin, saus que nous pussions les en em-« pêcher. Notre douleur
augmenta encore lors-« que nous vîmes un des sonneurs blessé à une «
main par un coup de fusil à balle; on ne dis-« continuait pas de tirer,
et 6 hommes qui étaient « sans armes, et, les bras croisés, spectateurs
« de l'attaque, furent les victimes de leur curio-« sité; 2 d'entre eux
furent tués à coups de « fusil et de baïonnette, ils restèrent sur la
place, « les 4 autres furent grièvement blessés par des « coups de
fusil, dont le sieur Sebal, un des u officiers municipaux est du nombre.
Le tocsin « attira certains citoyens, qui se rendirent au « clocher par
la porte de l'église, du côté opposé « à l'attaque. Us firent une
décharge à leur tour « sur cette troupe armée; mais personne ne « resta
sur la place, et la troupe ne perdit qu'un « cheval. L'alarme était
générale, ajoute-t-on, « l'effroi et la terreur s'étaient emparés de
tou3 « les citoyens, et surtout lorsque cette troupe « armée chercha à
mettre Je feu à l'église et à la
« parts, et alors cette troupe se retira..... Elle
« avait pour chefs les sieurs marquis d'Escavrac, « marquis de Beaucaire, chevalier de Gomba-« rieux, Monlauzun, les 3 frères Bellud-Saiot-« Jean, les 3 frères Ayma-Fondani-Pechvigairal, « Aly-Lagarde et autres inconnus. » Ei un mot, il est dit, dans le procès-verbal, que cette iroupu était composée d'en viron 36 ou 40 hommes à cheval ou à pied; mais il nous a été assuré à Lauzerte, pur les officiers municipaux de Saint-Cyprien, qu'elle était composée d'environ 30 hommes à cheval et du même nombre à pied.
Deux de ces gentilshommes en se retirant, MM. de Pellagrue et de Beaucaire, se rendirent à Lauzerte. C'est à la municipalité de cette ville qu'avait été adressée la déclaration du 17, qui n'avait [ as prévenu les esprits en leur faveur. On était également instruit de ce qui s'était passé la veille à Saint-Cyprien ; et quoi que MM. de Pellagrue et de Beaucaire eussent pris la précaution d'annoncer qu'ils n'avaient aucuns desseins hostiles, et que leur unique objet était de réclamer le secours des bons citoyens contre l'invasion générale des propriétés, le peuple s'attroupa, demanda qu'ils fussent arrêtés, et ne parut se calmer un instant que lorsque la municipalité eut ordonné que leurs armes, leurs chevaux et leurs effets seraient mis sous la sauvegarde de la municipalité. Mais le soir, lorsque MM. de Pellagrue et de Beaucaire réclamèrent leurs armes pour sortir de la ville, le peuple s'opposa à ce qu'elles leur fussent remises. Il s'écria qu'il fallait que la municipalité les gardât, de peur qu'on ne s'en servît de nouveau contre les citoyens. Les mouvements devinrent très violents. On consentit d'ubord à ce que MM. de Pellagrue et de Beaucaire partissent, mais sans armes. Puis la fermentation s'accrut, on demanda qu'ils fussent emprisonnés; on parla ensuite de pendre ces hommes, qui, disait-un, avaient tué plusieurs citoyens. Ce ne fut qu'à force de sollicitations que la municipalité obtint qu'ils fussent conduits en prison; et elle alla les chercher elle-même, pour les y accompagner, de crainte que le peuple ne se portât contre eux à quelque parti extrême. Le peuple aussitôt rentra dans l'ordre; mais le lendemain une scène bien extraordinaire succéda aux événements de la veille. Vers une heure après-midi, u;ie multitude immense se précipite dans la salle de la maison commune, et fait en tendre ces cris : « Faites sortir ces messieurs; « on ne veut point de nobles dans la ville; ils; sont la cause du désordre qui y a régné hier; « ils ont été illégalement emprisonnés; on n'a-« vait aucune preuve de délit contre eux; nous « voulons les faire sortir (2); » et sur-le-champ, sans attendre la délibératiou de la municipalité, on se transporte dans les prisons, et l'on en fait sortir les deux personnes qui y avaient été renfermées la veille.
On voit par les différents détails dans lesquels nous venons d'entrer,
qu'il était impossible que ces rassemblements armés de gentilshommes
eussent une longue durée. Aussi, depuis leur disparition, opérée le 19
décembre à Saint-Cy-prien, par le peuple, il ne paraît pas qu'ils se
soient réunis; taudis que les incendies, les pil-
Tel est le tableau général des faits, dans lequel il faut maintenant chercher quelles sont les véritables causes des désordres qui ont afflige le département. Déjà sans doute on les devine, ou ou les aperçoit en graude partie ; mais il n en est fias moins de notre devoir de les indiquer d'une manière précise. 11 y a d'ailleurs quelques circonstances particulières, dont nous n'avons pas encore parlé, et que i-ous allons faire connaître dans la recherche à laquelle nous allons nous livrer. Elles jetteront un grand jour sur ce délicat et important objet de notre travail.
§2.
Causes des insurrections et des désordres.
Lorsqu'on embrasse d'un coup d'oeil l'universalité des événements dont nous venons de faire le récit, on aperçoit bien distinctement deux genres d'insurrections; l'un dans le district de Gourdon, l'autre dans ceux de Cahors et de Lauzerte; et l'on voit également que ces deux insurrections particulières ont suffi pour produire ensuite, dans toute l'étendue du département, la cummotion générale qui s'y est fait ressentir.
Quelles sont les causes de chacune de ces insurrections? C'est ce que nous allons chercher, en commençant par le district de Gourdon ; et comme on connaît les faits dans tons leurs détails, nous ne présenterons, autant qu'il sera possible, que des résultats.
N° Ier
Causes de l'insurrection de Gourdon.
1° Les ennemis du bien public avaient-ils formé le projet de soulever le peuple contre le direc-tiore du district de Gourdon, et d'attenter ainsi à l'autorité des corps administratifs pour détruire la Constitution? C'est une idée qui s'est présentée à l'esprit de plusieurs personnes; elle nous a été communiquée; nous avons examiné avec la plus grande attention si elle avait quelques fondements; et nous n'avons trouvé ni dans les faits qui ont précédé l'insurrection, ni dans les faits de l'insurrection elle-même, aucune circonstance qui pùt accréditer cette opinion. On ne voit, daus le district de Gourdon, aucunes démarches tentées par les ennemis de la Constitution envers ce peuple qui l'adore ; on n'y aperçoit aucuns pièges qui lui soient tendus. Si là, comme ailleurs, la Révolution a pour ennemis les hommes à qui le nouveau régime ne promet pas les jouissances abusives qu'on trouvait dans l'ancien, ils sont aussi impuissants par leur nombre que par les moyens qu'ils pourraient employer. On ne voit d'ailleurs aucune manœuvre de séduction qui puisse leur être attribuée. Il n'y a donc aucune raison de croire que l'insurrection ait eu pour but d'ébranler la Constitution, en sapant l'autorité des corps administratifs. On découvrira tout à l'heure un autre motif de ce soulèvement universel du peuple contre le directoire du district de Gourdon.
2º. Serait-ce le peuple qui, sans être mû par un intérêt étranger, aurait de son propre mouvement saisi une occasion qu'il croyait favorable pour effacer jusqu'aux dernières traces de la leodalité, et se délivrer à jamais du payement des rentes? C'est aussi là l'opinion de plusieurs personnes; on nous l'a dit; nous l'avons examinée; et elle nous a paru aussi dénuée de fondement que la première. Ce n'est pas qiie dans le nombre immense d'individus qui se sont portés à Gourdon, il n'ait pu s'en trouver quelques-uns à 1 esprit desquels elle se soit présentée, ceux par exemple qui attachaient à la plantation d'un mai pendant un an et un jour l'idée de l'affranchissement des rentes ; mais nous avons déjà prouvé que ceux-là ne formaient qu'un très petit nombre; nous avons fait voir que la masse du peuple n'attachait aucune idée superstitieuse à la plantation dun mai; nous l'avons démontré, en disant que nulle part le peuple ne se refuseau payement absolu des rentes, et qu'il demande seulement, avant de payer, l'exhibition du titre primordial. Il faut d ailleurs ne pas perdre de vue que c'est à Saint-Germain que le peuple a manifesté avec le plus d'instance le désir qu'il avait de conserver son mai; que c'est là qu'il a montré une résistance indomptable contre ceux qui voulaient l'arracher ; que c'est là enfin qu'a commencé l'insurrection. Or les habitants de Saint-Germain avaient pris, dès le mois de janvier 1790, une délibération, par laquelle ils avaient arrêté qu'ils ne se refuseraient point au payement des rentes; mais que ne voulant payer que ce qu'ils devaient légitimement, ils demanderaient à leur Seigneur l'exhibition du titre primordial. Ils lui avaient même écrit en conséquence pour lui envoyer une copie de leur délibération ;etdans leur lettre ils disaient qu'ils espéraient que le Seigneur ne les blâmerait point de ne vouloir payer que ce qu'ils doivent.
Il est donc certain qu'en défendant leur mai, et tirant sur la troupe de ligne, ils n'ont pu . avoir aucun motif qui fût relatif à l'exemption des rentes; ce n'est par conséquent point à la volonté de s'en affranchir qu'il faut attribuer l'insurrection de Gourdon.
3° Est-ce donc à M. Linars qu'il faut l'attribuer, soit dans ses commencements, soit dans ses progrès? N'avait-il pas ménagé de loin ces attroupements multipliés, partis presque dans le même moment de tous les villages; ou n'a-t-il pas saisi avec empressement l'occasion qui s'est offerte à lui pour exécuter des desseins perfides et ruiner une partie de la Constitution? On l'a dit; on l'a cru; ce qu'il y a même de bien extraordinaire, c'est que les ardents patriotes et ceux qui le sont moins l'ont également dit et cru; c'est que nous avons remarqué aussi dans plusieurs personnes de l'un et de l'autre parti, une égale incertitude sur les vues de M. Linars : il ne fallait pas tant de circonstances pour exciter de notre part le plus vif intérêt. Nous avons étudié M. Linars, soit dans sa conduite lors de l'insurrection, soit dans sa conduite précédente, soit dans son caractère que nous avons cherché à démêler en conférant avec lui, soit dans les renseignements que nous avons tâché de recueillir sur toutes ses habitudes; et voici l'opinion que nous nous sommes formée de lui et du rôle qu'il a joué dans l'insurrection de Gourdon.
M. Linars était noble; il était d'une famille qui avait environ 400 ans de noblesse ; et cette circonstance a tout à coup élevé les soupçons contre lui. Mais il avait à se plaindre de l'ancien régime dont il avait éprouvé des injustices relativement à son avancement militaire. Dès le commencement de la Révolution, il a manifesté son amour pour le nouvel ordre de choses qui se préparait; il fut-envoyé à Paris lors de la fédération du 14 juillet, et plusieurs de ses collègues nous ont attesté que pendant la route il n'avait cessé de louer avec enthousiasme toutes les opérations de l'Assemblée nationale. Nous devons ajouter que d'abord il a été fait maire de son village; qu'ensuite il a été fait commandant de la garde nationale; que deux de ses frères ont aussi obtenu pour les premières places du pays les suffrages du peuple, et que ce peuple, qui se trompe rarement dans ses choix, surtout lorsqu'il est invité à une sorte de défiance par l'état et la richesse des hommes qui appellent ses regards, n'aurait point accordé à ceux-ci les marques éclatantes de confiance qu'il leur a données, s'ils n'en eussent pas été dignes. Il n'est donc pas vraisemblable que l'ennemi de l'ancien régime et l'ami du nouveau ait voulu détruire celui-ci, en attentant à l'autorité des corps administratifs.
Cependant il serait possible que les opinions et les sentiments de M. Linars, si favorables dans les commencements à la Révolution, eussent ensuite éprouvé quelque changement. Examinons-le dans l'affaire de Gourdon.
Un fait certain, c'est que l'insurrection a commencé à Saint-Germain ; que de proche en proche elle s'est étendue dans tous les villages, et lorsque M. Linars est arrivé aux portes de Gourdon, à la tête de sa garde nationale et des paysans qui s'étaient joints à lui, il était déjà tard, et que la troupe villageoise qui était arrivée, et qui le nomma son commandant, était très nombreuse : ce n'est donc pas lui qui a fomenté l'insurrection, puisqu'elle existait avant qu'il se montrât, et que d'ailleurs on n'aperçoit aucunes traces de secrètes manœuvres antérieures à cette époque.
Dès qu'il fut revêtu du commandement, il divisa sa troupe en cinq
colonnes, en plaça une à chaque porte de la ville, et fit la défense la
plus expresse de commettre la moindre hostilité. Mais n'excita-t-il pas
ensuite la fermentation du peuple, au lieu de chercher à la calmer?
N'a-t-il pas tenu des propos, non seulement despectueux envers les
membres du district, mais rébellion-naires? N'est-ce pas lui, en un mot,
qui par ses discours contre le district est la première cause des
attaques livrées aux personnes et aux propriétés de plusieurs membres de
cette administration? 11 est certain que M. Linars a hautement accusé le
directoire du district d'avoir de sa seule autorité, et contre les
arrêtés du département, ordonné l'abattement des signes de liberté. Il
paraît certain aussi qu'il a dit hautement que les membres du district
méritaient d'être pendus. On a dit encore que lorsqu'il arriva à la
maison commune, dans le moment où son frère venait de montrer quelque
intérêt à M. Taillefer (1), il lui dit, est-ce ainsi que vous vous
conduisez? et que ce frère qui lui avait servi de premier aide de camp,
lui répondit : Mon frère, ce qui est fait est fait, monsieur est un
honnête homme, il est notre condisciple, etc. ; et de tout cela on a
conclu que MM. Linars avaient conçu les desseins les plus perfides
contre le directoire du district. Enfin cet arrêté dicté à M. Taillefer,
par lequel le
Dans l'entrevue que j'ai eu l'honneur d'avoir avec vous, Messieurs (nous dit-il), vous m'avez objecté ce qui paraissait tendre à ma charge. Vous m'avez fait l'honneur de me dire que vous étiez convaincus avec tout le monde que le peuple avait tant de déférence à ma volonté, qu'il n'aurait fait aucun dégât si j'étais resté à Gourdon. Permettez-moi, Messieurs, une observation, qui, quoique bien naturelle, ne m'est venue que par réflexion : si tout le monde croit que le peuple aurait fait ce que j'aurais voulu, pourquoi s'obstine-l-on à dire que mon dessein était de mettre la désunion entre les troupes nationales et celles de ligne? Avec les sentiments qu'on me prête et la force que j'avais à ma disposition, d'où vient que je n'ai pas fait égorger le détachement? Pourquoi n'ai-je pas fait livrer au peuple en furie le commandant de la troupe qu'il demandait avec tant d'acharnement? Puisqu'on dit que mon langage était qu'il n'y avait pas assez de cordes pour pendre le directoire du district, pourquoi n'en ai-je pas fait chercher quelques bouts d'après la soumission du peuple à mes ordres ? Je pouvais les faire pendre sur-le-champ. Si j'avais voulu opérer une contre-révolution, comme d'autres disent, comment, avec les dispositions où ils prétendent qu'était le peuple de faire ma volonté, ai-je borné mes exploits à la journée du 3? Pourquoi n'ai-je pas profité de l'ivresse où était le peuple? Pourquoi nesuis-je pas resté avec lui pour l'encourager dans le désordre? Cette troupe grossissait à tout moment; la saison, les circonstances, tout m'était favorable en me dépeignant comme on le fait; le peuple n'a point de travaux qui le pressent dans ce moment, et n'a pas trop de quoi vivre ; la proposition de se mettre en campagne et d'aller vivre de rapines et de pillage aurait été goûtée par un grand nombre. Je pouvais donc, non pas opérer une contre-révolution que je crois impossible, mais faire beaucoup de mal. Si donc je n'ai rien fait de ce que je pouvais faire, pourquoi me croire si mauvais sujet? Pourquoi ne pas dire de bonne foi qu'obligé de marcher comme le reste des citoyens, il a été heureux que le peuple m'ait donné le commandement dont je me suis servi pour empêcher le mal autant que j'ai pu, etc.? »
Dans cette lettre, M. Linars se défend d'avoir tenu contre le directoire du district le propos que nous avons rapporté plus haut; mais ce propos nous a été attesté par tant de personnes, que nous sommes obligés de croire que M. Linars l'a effectivement tenu.
M. Linars se défend aussi de l'idée qu'on lui avait prêtée d'avoir voulu opérer une contre-révolution. A cet égard, toutes les circonstances le justifient complètement; et il est certain, comme il le dit lui-même, que s'il eût voulu profiter de l'ivresse du peuple et de la confiance qu'on lui montrait, il eût pu, dans un moment oùle département était presque sans aucune force militaire, et où l'esprit des paysans était si facile à enflammer, produire des maux incalculables. Il ne faut donc pas l'accuser d'avoir voulu attenter à l'autorité des corps administratifs, puisqu'en restant à la tête du peuple avec de pareilles vues, il pouvait malheureusement, en usant de son ascendant, se flatter de les voir remplies.
Voici cependant une imputation qu'on lui fait, et qu'il nous est impossible de passer sous silence. On assure qu'un officier municipal ayant emmené les deux frères chez lui, pour leur faire prendre quelques rafraîchissements, M. Joseph Linars, qui était le commandant, dit à cet officier municipal : « que son frère et lui avaient couru pendant 8 « heures consécutives pour ramasser les paysans, « ou les forcer à marcher; qu'il espérait bien « que leurs pasne seraient pas perdus; et qu'avant « de quitter la ville, ils voulaient faire sauter « 5 têtes. »
Ce propos est très grave, et annoncerait, en effet, de coupables projets ; mais il est si ouvertement contredit par les événements; il est tellement certain que M. Linars n'est sorti de Genouillac qu'à la sollicitation de sa garde nationale, et d'après le bruit public; il est tellement certain encore, qu'il n'a pu ramasser les paysans, et qu'il ne les a pas forcés de marcher, puisqu'en arrivant aux portes de Gourdon, il a trouvé toute la troupe qui y était déjà rassemblée depuis quelque temps, que, malgré toute la confiance due à un officier municipal, on est forcé de croire qu'il se trompe et qu'il a mal entendu; car, encore une fois, il est impossible de croire que M. Linars ait tenu un propos que tous les faits concourent à démentir.
Tout ce qu'il y a de prouvé, et ce qui paraît certain, c'est que M.
Linars a accusé hautement le directoire du district ; c'est qu'il l'a
montré comme seul coupable de l'abattement des mais. Cette accusation
est-elle un délit? N'est-elle qu'une grande imprudence? C'est ce qu'il
faut examiner. D'abord, il ne faut pas perdre de vue les circonstances;
et en y arrêtant continuellement ses regards, on voit un peuple immense,
irrité contre ceux qui ont voulu abattie ses mais, et qui, dans quelques
villages, les ont abattus : on le voit désirant une vengeance, la
cherchant avidement, accusant la troupe de ligne d'être seule coupable,
ne craignant pas d'en venir aux mains avec elle, parce qu'elle sent sa
supériorité. La troupe de ligne était là, et le combat pouvait commencer
à l'heure même. Les membres du district, au contraire, n'y étaient pas,
et avaient fui. M. Linars croit voir dans l'arrêté de ceux-ci une
extension des ordres du département; il croit devoir le dire,
pourarrêter la fureur du peuple dirigée entièrement contre la troupe de
ligne; il le dit ; et sil'on faitat-tentionà la clairvoyance et àla
finesse du peuple;
4° Quelle est donc la véritable cause de cette insurrection? Ce n'est pas une seule, mais plusieurs qui, combinées ensemble, ont produit l'explosion qui, dans un instant, a ébranlé le district entier.
On se rappelle ce que nous avons dit sur les mais ; il y en avait dans plusieurs villages. Dans les uns (mats c'était le plus petit nombre), ils portaient quelques marques d'insurrection ; clans les autres, ils n'en portaient aucune, et étaient regardés par tout le monde, ou par la majorité des citoyens, comme des signes de liberté. Le peuple était attaché aux uns et aux autres, mais il eût été possible de lui faire entendre raison, en ne faisant arracher, conformément à la loi et aux arrêtés du départ- ment, que les signes d'insurrection ou de sédition ; au lieu qu'il vit, avec une peine extrême, que, sans laire aucune diflérence entre les mais insurrectionnaires et les mais libre-, on avait ordonné indistinctement l'enlèvement de tous.
Il faut dire qu'il était aigri par les mauvais traitements qu'ou accusait
la troupe de ligne d'avoir exercés, quelques jours auparavant (1), à
Loupiac, contre plusieurs paysans. M. Saint-Sauveur déclare lui-même,
dans" son procès-verbal, qu'après avoir fait lecture à un officier
municipal du réquisitoire du district de Gourdon, et l'avoir sommé de
faire abattre le mai, il avait, sur le refus de cet officier municipal,
« t'ait prendre « 4 hommes pour procé 1er à l'exécution du « premier
ordre ». Le peuple trouvait qu'il était
Il savait, d'ailleurs, que 4 particuliers avaient été arrêtés lors de l'enlèvement du mai Loupiac, et conduits en pri-on : 2 pour avoir sonné le tocsin lorsque la troupe arriva; le troisième, pour être allé chercher du secours contre cette troupe, dans un village voisin ; et le quatrième, pour avoir, suivant le procès-verbal ou commandant, « tenu des propos séditieux, et « déclaré que le mai ne s'abattait pas encore ». Il s'était répandu dans toute l'étendue du district, et il paraît avéré, que ce quatrième, qui se nomme Bertrand Montez, était un de ceux auxquels on s'adressa pour abattre le mai ; qu'il refusa de le faire, en disant qu'il ne se prêterait à une pareille opération, que si la commune l'ordonnait; et que sur cette réponse, qui fut peut-être prononcéed'un ton séditieux, il fut enlevé, maltraité, enchaîné et conduit avec les trois autres dans les prisons de Gourdon. De si grandes punitions pour un fait, qui, loin d'être un délit aux yeux du peuple, ne lui paraissait, au contraire, qu'un acte de défense légitime, excitèrent son ressentiment; et il ne pouvait plus voir de sang-froid ni la troupe de ligne, ni les cavaliers de maréchaussée qui l'accompagnaient.
Enfin, 2 circonstances particulières concoururent à échauffer plus
vivement l'imagination de ce peuple, si facile alors à émouvoir. On lui
avait dit que le jour où la troupe de lignp était rassemblée sur la
place publique de Gourdon, pour se rendre à Giudou, M. de Fontanges,
gentilhomme, avait donné de l'argent à M. Saint-Sauveur; et dans le
fait, M. de Fontanges, à qui M. Saint-Sauveur avait remis de l'argent
blanc qui le chargeait trop, lui avait rendu publiquement de l'or en
échange. Le peuple ensuite avait vu à Saint-Germain (1), sur le corps du
commandant de la troupe de ligne, le manteau ou la pelisse que portait
ordinairement M. de Fontanges. Tout à coup les idées les plus sinistres
s'emparent de lui; il aperçoit dans la remise d'argent, faite par un
gentilhomme au commandant de la troupe de ligne, un salaire donné à ce
commandant, pour marcher contre le peuple; il croit voir dans le
commandant, couvert du manteau de M. de Fontanges, M. île Fontanges
lui-même ; tous les soldats, dès lors, lui paraissent autant d'envoyés
des ennemis de l'Assemblée nationale, pour détruire le nouvel ordre de
choses et ramener l'ancien. Il n'en doute plus, lorsqu'il lui est
affirmé par la municipalité qu'elle n'a jamais requis la troupe de
ligne, et qu'elle n'a point été avertie par le district, de l'arrivée de
Voilà toutes les causes qui, par leur réunion, ont produit les grands malheurs de Gourdon;
C'est l'abattement de tous les mais, sans distinction, sans tempérament, sans avertissement donné à la municipalité du lieu où allaient se faire les opérations;
Ce sont les mauvais traitements exercés, dans le cours de ces opérations, contre quelques paysans;
C'est l'imprudence innocente de M. Saint-Sauveur d'avoir reçu publiquement, et pour ainsi dire à la tête de sa troupe, cet argent dont nous avons parlé;
C'est celle autre imprudence, également innocente d'avoir paru à Saint-Germain, couvert d'un manteau qui n'était pas le sien, et qu'on a reconnu pour appartenir à un homme qu'on ?us-peciait peut-être injustement, mais qui était suspect;
G'est enfin l'idée superstitieuse attachée par quelques paysans à la plantatiou d'un mai.
La principale cause, sans contredit, et celle dont toutes les autres ne sont pour ainsi dire que les accessoires, ce sont les arrêtés successifs on directoire, contraires à la fois et au décret de l'Assemblée nationale et aux arrêtes du département.
Le décret de l'Assemblée nationale du 3 août 1790 porte « que, dans toute l'étendue du royaume, Sa Majesté sera priée de donner des ordres pour que les municipalités fassent détruire toutes les marques extérieures d'insurrection et de sédition, de quelque nature qu'elles soient. »
Les arrêtés du département sont entièrement c informes à la loi, et ne parlent que des signes d'insurrection.
Le directoire du district, paraissant oublier ces arrêtés et la loi, ordonne l'abattement de tous les mais, et des autres signes d'insurrection,lorsqu'il est certain que Ja plupart des mais étaient élevés à ta liberté. Il ne fait aucune distinction entre les premiers et les seconds ; il rejette toute espèce de précaution ; il fait usage de la force armée, sans avoir employé ou épuisé les moyens de douceur indispensables dans ces premiers temps, où, par l'effet nécessaire et irrésistible des circonstances, la plupart des esprits ont été entraînés au delà du but; il envoie les détachements sans donner le moiudre avertissement aux municipalités. Telles sont, autant que mous l'avons pu apercevoir, les principales causes de l'insurrection; et les autres que nous avons détaillées, n'ont fait, en se joignant aux premières, qu'accélérer l'insurrection ou la rendre plus violente.
Nous devons au reste nous empresser de déclarer que si le directoire du district est coupable, ce n'est que d'une erreur; que cette erreur trouve son excuse dans le juste désir qu'il avait de hâter le payement des rentes, pour que les propriétaires de celles-ci n'eussent plus aucun prétexte de refuser le payement ae l'impôt. Elle avait aussi son excuse dans la persuasion où étaient ces administrateurs que tous les mais étaient des signes d'insurrection; parce que quelques-uns l'étaient en effet, ou parce que les mais, dans l'esprit d'un petit nombre de personnes qu'ils avaient entendues, étaient des signes de l'affranchissement des rentes. Sans doute, les administrateurs auraient dû s'éclairer davantage sur les faits, éclairer le peuple lui-même, se transporter, s'il le fallait, sur les lieux, comme l'a fait, dans le district de Figeac, le procureur syndic de ce district ; et nous sommes assurés qu'avec de tels procédés, il& eussent obtenu le succès qu'ils auraient désiré; mais la science de l'admi listra-tion est si nouvelle encore, que, si l'on mérite des éloges pour suppléer en quelque sorte à la loi en devinant et appliquant tous les moyens qui peuvent rendre le retour à l'ordre plus facile, on ne doit encourir aucuns reproches pour ignorer ce que la méditation et l'expérience apprendront bientôt à tous les administrateurs; et le directoire du district de Gourdon, en particulier, n'en mérite aucuns, par la certitude que nous avons acquise de l'extrême pureté de ses intentions.
Les causes de l'insurrection arrivée dans ce district sont connues; il nous reste à examiner celles des districts de Cahors et de Lauzerte.
N° 2.
Causes de l'insurrection des districts de Cahors et de Lauzerte.
L'insurrectiou seule de Gourdon aurait suffi pour exciter un grand mouvement et produire les plus fâcheux désordres dans toute l'étendue du département du Lot. Mais il ne faut que jeter un coup d'œil impartial sur la série des faits dont nous avons rendu compte, et considérer seulement la date de ces faits, pour apercevoir sur-le-champ une autre cause de l'insurrection qui a éclaté dans les districts de Cahors et de Lauzerte.
Un fait certain, c'est que les dévastations n'ont commencé dans ces districts que dans la nuit du 10 au 11 décembre, et que dès le 9 de ce mois le bruit d'une contre-révolution prochaine s'était tellement répandu à Cahors, que la municipalité de cette ville a été pendant près d'un mois agitée par la crainte qu'un pareil bruit ne se réalisât; que pendant tout ce temps elle a veillé avec une ardeor infatigable au salut de la chose publique, et qu'elle s'environnait chaque jour de toutes les précautions que lui suggérait son zèle pour déconcerter les projets des ennemis de la Constitution. Il y avait eu aussi, le 9 décembre, dans la ville de Castelnau, ou dans les environs un rassemblement de gentilshommes, qui avait causé le plus grand effroi à tout le pays; c'était M. d'Es ayrac, ci-devant seigneur de. Lauture ; connu généralement pour être un des plus chauds ennemis de la Révolution, qui était accusé d'être à la tête de ce rassemblement. 11 faut joindre à ces circonstances l'enlèvement de toute la poudre chez les marchand-, la provision faite par les ci-devant nobles d'une quantité considérable de fusils ; et quand on voit que tout cela est antérieur aux désordres qui n'ont commencé que dans la nuit du 10 au 11 décembre, il est permis de croire que ces désordres ne sont que la couséquence des événements que nous venons de raconter.
Les désordres, à la vérité, se multiplient, se propagent; presque tous les châteaux sont ou incenuiés, ou dévastés, ou menaces; et le peuple ne s'arrête qu'après plus d'un mois de rapines et de pillages.
Mais aussi les bruits de contre-révolution avaient pris de la
consistance; on avait vu les municipalités, concevoir des alarmes à cet
égard, et s'approvisionner de poudre et de plomb pour
Quelques-uns de ceux-ci nous Ont fait remettre un mémoire justificatif, dans lequel ils exposent que ce n'est qu'après la destruction de plusieurs châteaux situés à 2 et 3 lieues de Lauzerte, savoir « les châteaux du Repaire, de la « Ëouisse, de Follemont, de Saint-Pantaléon, « et trois maisons à Monteny qu'ils se réunirent « au château de Haut-Castel, près Lauzerte, et « qu'ils conçurent Je noble projet de défendre « leurs propriétés et celles de leurs voisins, « quels qu'ils fussent, au péril de leurs vies;de « se porter partout où il y aurait du danger, et « de faire leurs efforts pour en imposer aux bri-« gands. » Ils ajoutent que, pour ôter aux malveillants tout prétexte de calomnier leurs démarches, ils en envoyèrent à la municipalité de Lauzerte la déclaration dans laquelle ils expliquaient leurs vues; qu'ils l'envoyèrent par deux députés; « qu'elle fut accueillie" comme devait « l'être un acte de patriotisme, qui n'avait et ne « pouvait avoir d'autre but que celui de rétablir « le calme et la paix; que M. le maire de Lau-«. zerte en fournit son reçu aux députés. »
Ils disent aussi que, le 18, le tocsin sonnant dans plusieurs paroisses, et instruits même qu'il sonnait depuis la veille à Saint-Cyprien, ils se rendirent au château du Gai, où ils trouvèrent quelques personnes qui s'y étaient rassemblées dans l'intention de porter du secours aux propriétaires qui en auraient besoin ; que le 19, avertis qu'il venait de se former un attroupement d'au moins 600 hommes armés chez M. Duc, bourgeois de Cahor.-, dans la paroisse de Saint-Cyprien, et que ce même attroupement devait de là se rendre au Cal et à Marcillac, pour y brûler les deux châteaux, ils allèrent chez M. Duc pour sauver sa maison du pillage dont elle était menacée ; « qu'avant d'arriver ils virent effectivement une « troupe de paysans armés de fusils, de faux et « autres armes offensives, qui, à leur approche, « quittèrent ce poste pour se réunir dans le vil-« lage de Saint-Cyprien ; » que deux officiers mu-« nicipaux qui étaient aussi chez M. Duc, « dirent « à ces messieurs que c'était par la force et mal-« gré leurs remontrances que les paysans s'étaient « emparés de la maison de M. Duc ; que leur pro-« jet en la quittaut était d'aller incendier le châ-« teau du Gai et celui de Marcillac; qu'eux gen-« tilshommes observèrent à ces deux officiers « municipaux qu'il était essentiel de faire ces-« ser de pareils désordres, et les prièrent de mar-« cher à leur tête jusqu'au village de Saint-Cv-« prien, pour, de concert avec eux, faire enten-« dre raison à cet attroupement ; que ces deux « officiers municipaux approuvèrent fort cette « démarche, et engagèrent même ces messieurs « à venir jusqu'au village, en leur disant que « cela ne pouvait faire qu'un très bon effet, mais « que dès qu'ils furent à portéè du village, on
« les menaça avec des hurlements affreux;.....
« .....que ces menaces effrayantes n'empêchè-
« rent pas M. Descayrac de s'avancer seul avec « un des officiers municipaux pour parler au « peuple et l'exhorter à la paix; que, dans le mo-« ment même où il commençait à leur parler, « un malheureux, que personne n'avait aperçu, « lui déchargea un violent coup de bâton sur « les reins, et qu'un autre le renversa d'un coup « de fusil qui l'atteignit à la tête; que tous ces « messieurs étaient encore immobiles en atten-« dant l'effet de la négociation qui devait s'entamer, lorsqu'un autre des leurs, presque au « même instant, eut son cheval tué sous lui, et « fut lui-même blessé très grièvement en plu-« sieurs endroits ; qu'alors indignés de l'horrible « trahison de ces paysans qui continuaient à « tirer sur eux, ils tirèrent à leur tour pour leur « défense, et s'en retournèrent de suite au châ-« teau du Gai; qu'ils eurent de leur côté 4 per-« sonnes blessées et un cheval tué; et qu'ils ont « appris, après leur retraite, que du côté de ces « paysans, il y avait eu 2 hommes tués et quei-« ques blessés. » Ils finissent par raconter « qu'à « leur retour au Gai, on leur dit que la munici-« palité de Gastelnau de Montratier avait reçu un « renfort de la ville de Cahors, et qu'elle venait « de rendre une proclamation qui défendait toute « espèce d'attroupement; que d'après cette nou-« velle, et croyant que la ville de Gastelnau em-« ploierait utilement ce renfort pour faire cesser « les brigandages qui désolent encore cette con-« trée, ils lui écrivirent sur-le-champ pour la « prévenir que dès qu'elle se trouvait en force « pour rétablir la paix et l'ordre dans cette parti tie du Quercy, ils allaient se séparer, s'en rap-« portant à leur honnêteté et à leur vigilance « pour la sûreté des individus et des pr.'prié-« tés.......que le soir même la séparation eut « lieu, et qu'il ne resta au Gai que les person-« nés nécessaires pour le garantir de toute in-« suite..... « Qu'en se séparant, cinq de ces messieurs se « rendirent à Lauture qui était menacé, etc. »
D'après ce mémoire, il paraît que les gentilshommes, en se rassemblant et s'armant, n'ont eu que des intentions pures, celles de défendre leurs propriétés : mais, avant d'entrer dans l'examen de cette grande question, nous croyons devoir observer et prouver que presque tous les faits rapportés dans leur mémoire ne sont point exacts.
Ils disent que ce n'est qu'après la destruction des châteaux du Repaire,
de la Bouisse, de Follemont, de Saint-Pantaléon et de trois maisons à
Montcuq, qu'ils se sont réunis. A la vérité, ils n'ont signé que le 17
décembre Ja fédération qu'ils avaient formée entre eux, mais dès le 9
ils s'étaient réunis; et une preuve que leur réunion a commencé avant le
17, c'est que le 13 il en était parlé dans un procès-verbal de la
municipalité de Castelnau; que le 14, le procureur de la commune de
cette ville en parla aussi dans son réquisitoire; que le 16, les
commissaires de la municipalité de Gastelnau allèrent dénoncer à celle
de Cahors une fédération de contre-révolutionnaires armés; et
qu'aussitôt 60 hommes de troupes de ligne et 60 gardes nationaux furent
envoyés à Castelnau, pour mettre la ville et les environs en état de
défense contre cette fédération. Or c'est le moment de cette fédération,
bien plutôt que le
Il est dit aussi dans le mémoire justificatif que le tocsin sonna le 18 décembre à Saint-Cyprien; et les ci-devant gentilshommes donnent ce fait particulier pour le motif de leur réunion au château du Gai. Or, ce fait n'est pas encore exact; le tocsin ne sonna que le 19 à Saint-Cyprien, au moment où les gentilshommes arrivèrent dans un nombre si considérable et avec un appareil si menaçant.
Ils disent qu'avertis le 19 qu'il venait de se former chez M. Duc, dans la paroisse de Saint-Cyprien, un attroupement d'au moins 600 hommes armés, ils allèrent chez ce particulier pour sauver sa maison du pillage dont elle était menacée; qu'à leur arrivée, les paysans armés de fusils, de faux et autres armes offensives, se retirèrent aussitôt à Saint-Cyprien, « et que deux officiers « municipaux dirent à ces messieurs que c'était « par la force et malgré leurs remontrances que « les paysans s'étaient emparés de la maison de « M. Duc; que leur projet, en la quittant, était « d'aller incendier le château du Gai et celui de « Marcillac. » Tous ces faits né sont pas plus exacts que les précédents. D'abord, il s'en faut bien que ce fût pour piller la maison de M. Duc que les paysans s'étaient rendus chez lui, puisque c'est un repas que celui-ci donnait aux paysans de Saint-Cyprien, afin de les mettre dans ses intérêts et de les engager à défendre ses propriétés si elles étaient menacées. La municipalité dit même à cet égard à M. Duc « qu'il était inutile « qu'il se constituât en dépense, que son zèle et « celui de tous les citoyens de Saint-Cyprien les « portaient tous assez à défendre les propriétés « et à prévenir le brigandage sur cette paroisse. « Il ne serait pas vraisemblable ensuite que les paysans se fussent rendus en armes à un repas; il ne le serait pas non plus que s'ils eussent été armés de fusils, de faux et autres armes offensives, 600 hommes ainsi armés eussent fui à l'approche de 50 ou 60 hommes ; mais il est faux qu'ils fussent armés; le procès-verbal de la municipalité dit expressément qu'ils étaient sans armes. Comment a-t-on pu enfin attribuer aux officiers municipaux le propos qui leur est imputé, lorsqu'on lit dans le procès-verbal qu'ils dressèrent le même jour, la phrase qui suit : « quelle a été « notre douleur et notre tristesse lorsqu'on nous « a appris que la troupe de cavalerie qui fut à « Montcuq dans la nuit de vendredi à samedi « dernier, et qui avait considérablement augmenté « en nombre, venait fondre sur la paroisse de « Saint-Cyprien, dans le temps que les citoyens « étaient dans la maison du sieur Duc à se diver-« tir avec le sieur Duc fils, qui les en avait si « instamment priés; » lorsqu'on lit encore ce qui suit : « les sieurs marquis d'Escayrac, marquis « de Beaucaire, La Coste, Caminel et autres de-« mandèrent à ces deux officiers municipaux « qu'est-ce qu'ils faisaient là, et ils répondirent « la vérité, qu'ils s'étaient rendus à Loyx à la « sollicitation du sieur Duc fils. »
Mais voici où l'inexactitude est la plus frappante.! Les gentilshommes disent dans leur mémoire « que les officiers municipaux approuvèrent fort; leur démarche, et engagèrent même ces mes-« sieurs à venir jusqu'au village, en leur disant « que cela ne pouvait faire qu'un très bon effet. » C'est précisément le contraire qu'il fallait dire pour être vrai. Il n'est pas d'efforts qui n'aient été faits par les officiers municipaux, pour empêcher la troupe armée d'entrer dans le village de Saint-Cyprien : « Qu'allez-vous faire, luidirent-« ils ? Vous mettez Je trouble dans une paroisse « qui avait le bonheur de jouir de la paix. »
Enfin, on lit dans le mémoire, que ce furent les paysans qui, les premiers, maltraitèrent la troupe armée, et tirèrent sur elle; et il est dit, au contraire, dans le procès-verbal de la municipalité de Saint-Cyprien, que ce fut la troupe armée qui, rangée en bataille, fit une décharge d'artillerie sur les citoyens qui s'étaient réfugiés au clocher pour sonner le tocsin ; fait qui paraît extrêmement vraisemblable ; car, si les paysans avaient eu des intentions aussi hostiles que le suppose le mémoire, ils étaient tellement supérieurs par le nombre à la troupe armée, qu'il leur eût été facile de la massacrer entièrement, tandis qu'aucun individu, appartenant à cette troupe, n'a été tué.
De si nombreuses et de si fortes inexactitudes dans le mémoire des gentilshommes jettent tout à coup un jour défavorable sur leur réunion. Cependant, comme il serait possible, ou que ce mémoire eût été rédigé par une personne qui ne connaissait qu'imparfaitement les faits; ou que ces gentilshommes, dans le trouble extrême où ils étaient, n'eussent fait qu'une légère attention aux événements; ou que leur unique but, en atténuant les circonstances, ait été de vouloir disposer en leur faveur les esprits naturellement prévenus contre eux; cherchons dans les faits, et indépendamment du mémoire, quelles pouvaient être les véritables intentions de ces gentilshommes, en contractant une fédération, armée.
On devine d'abord bien facilement que, dans un pays où le peuple adore une Révolution qui a détruit cet amas scandaleux de vexations et d'abus sous le poids desquels il était accablé, cette même Révolution doit avoir pour ennemis tous ceux à qui ces vexations et ces abus étaient profitables. La haine de ceux-ci pour la Constitution doit même s'accroître dans la proportion du soulagement qu'éprouve le peuple; parce que plus le peuple gagne, et plus ils perdent.
Mais il y a une grande différence entre ne pas aimer une Révolution, qui supprime une partie des jouissances auxquelles on était accoutumé, et se liguer contre cette même Révolution. Quelques-uns des gentilshommes du département du Lot nous ont dit ; « Nous n'aimons pas « la Révolution qui nous fait beaucoup de mal; « mais, en citoyens fidèles, nous observons scru-« puleusement tous les décrets de l'Assemblée a nationale. »
Examinons si ceux qui ont contracté une fédération armée étaient en effet des citoyens fidèles, ou s'ils n'étaient pas, comme ils en ont été accusés parla voix publique, de véritables contre-révolutionnaires.
Nous sommes obligés de dire qu'à Gourdon, il nous fut remis, par un homme
digne de foi, un
« Il fut trouvé dans la poche d'un paysan, qui sortait d'une des maisons dévastées, une lettre contenant à peu près ces termes : Mon cher, les « choses en sont encore au même point, parce « que les coffres ne sont pas encore assez garnis; «mais, soyez tranquille, dès qu'ils le seront, la « bombe éclatera : » après quoi il yavait encore plusieurs mots latins. On sait le nom de l'homme et do la femme qui lurent cette lettre, et qui se décidèrent à la brûler, parce qu'ils remarquèrent qu'elle contenait la signature d'un nom égal à celui d'un habitant de Gourdon, qu'on craignait de compromet re. »
Voici un autre fait qui semble venir à l'appui du précédent.
Le 30 décembre 1790, un paquet adressé à la dame Coste, par le sieur Latapie, lieutenant au régiment de Médoc, fut envoyé tout ouvert à la municipalité de Cahors ; ce paquet renfermait une lettre du sieur Latapie à sa femme, et cette letire commençait ainsi : « Cesse tes alarmes, ma plus « chère amie, je ne suis ni emprisonné, ni pendu, « ni mort, ni blessé, mais harassé de fatigue; tu « as dû recevoir ce matin une lettre de moi que « je t'ai écrite de Cahors, où j'avais été député « pour des affaires de la plus grande consé-« quence, et dont la France va retentir dans peu ; « les troupes qu'on a fait rentrer à Cahors, n'an-« noncent rien moins que la tranquillité, puisque « le château de Gai fut pillé et brûlé avant-hier « par l'imprudence qu'eurent ces messieurs de « venir au château de Lauture, où je devais me « rendre, pour conférer sur mon importante mis-« sion, etc. » Une pareille lettre parut mériter d'être communiquée au comité des recherches de l'Assemblée nationale. On lui en envoya une copie ; l'original fut remis à l'accusateur public, pour qu'il fît incessamment les poursuites nécessaires; et l'on crut d'autant moins pouvoir se dispenser de ce résultat sévère, que le sieur Latapie était accusé d'avoir fait partie du rassemblement des gentilshommes.
Voilà, comme vous le voyez, deux lettres qui semblent indiquer que la Constitution avait des ennemis qui n'attendaient que le moment favorable de faire éclater leur ressentiment, et qui veillaient même pour faire naître ce moment. Il s'élève dès lors les plus violents soupçons contre le but de la fédération armée; et surtout lorsqu'on en considère toutes les circonstances. D'abord, les gentilshommes se rassemblent secrètement et sans permission; ils prennent ensuite Je parti de rendre public leur rassemblement; mais ils font une déclaration, au lieu de faire une pétition ; et ils restentcontinuellement rassemblés, lorsqu'il ne leur était pas permis de l'être un sul instant. Ils parcourent, dans l'appareil militaire le plus effrayant, les villes et les campagnes. Ils entrent dans le sein des communes contre le gré des municipalités, et lorsqu'aucun pillage ne les y appelle ; ils tirent sur les citoyens; ils en tuent quelques-uns. Quel était leur chef? L'homme du pays qui s'était déclaré le plus ouvertement contre la Constitution. Dans quel temps, enfin, leur rassemblement avait-il lieu?Dans le temps à peu près où une commotion, presque générale, agitait l'Empire, et où, de toutes les parties du royaume, il arrivait des nouvelles de piojeis tramés contre la Révolution. Il serait donc bien difficile de penser que. dans 'e département du Lot, le rassemblement armé des gentilshommes n'ait pas eu pour but quelques projets du même genre.
Si cependant on fait attention, d'un autre côté, que ce rassemblement n'a pas commencé avant le 9 décembre, et que par conséquent il est postérieur aux troubles Je Gourdon; si l'on considère que, l'année précédente, des dégâts multipliés affligèrent le district de Lauzerte, on sera peut-être tenté de croire que les gentilshommes, effrayés par les troubles de Gourdon, et craignant que les malheurs de l'année précédente ne se renouvelassent, ont pris, par cette unique raison, et dans la seule intention de se défendre, le parti de se rassembler. Dans cette hypothèse, ils auraient eu tort de se rassembler sans permission; ils n'auraient pas couvert l'illégalité de leur rassemblement par leur déclaration envoyée à la municipalité de Lauzerte; ils ne justifieraient, dans aucun cas, ni leurs courses nocturnes ni leurs armements extraordinaires, ni les délits graves qu'ils ont commis. Mais ne serait-il pas possible, malgré toutes les apparences qui semblent accuser les gentilshommes, que leur rassemblement n'eût eu pour motif que la défense de leurs possessions ; défense à laquelle ils auraient été portés par l'aspect des troubles de Gourdon, et par le souvenir de ceux dont ils avaient souffert l'année précédente ? C'est le résultat de l'information, qui seul pourra donner la solution de ce problème.
Quelle que soit, au reste, la cause véritable de ce rassemblement, c'est ce rassemblement qui est la cause première des désordres du district de Lauzerte.
A la vérité, l'amour du pillage s'est joint, dans quelques individus, à la nécessité où s'est cru voir le peuple de repousser les hommes qu'il regardait comme ses ennemis; mais il n'en est pas moins vrai que c'est ce rassemblement et tous ses accessoires qui ont'fait naître les désordres et qui les ont longtemps perpétués.
Tout était tranquille en effet, lorsque se forme la réunion des gentilshommes; la nouvelle de cette réunion et des approvisionnements de poudre, de plomb et d'armes de toute espèce effraye le peuple; et les désordres commencent. Les gentilshommes paraissent ensuite. Leur apparition, leurs courses nocturnes, leur conduite hostile, l'assassinat de plusieurs citoyens, toutes ces circonstances excitent la fureur du peuple; il voit d'ailleurs à la tête des ci-devant nobles, un homme dont nous sommes fâchés de parler aussi souvent, puisqu'il n'existe plus ; cet homme est M. d'Es-cayrac, qui, vers le commencement de janvier, a fini par périr dans le département de Lot-et-Ga-ronne, à la suite d'une affaire dont les détails ne seront encore bien connus que par l'information qui s'instruit à Toulouse. Il vexait ses vassaux dans l'ancien régime, et leur prenait (comme un grand nombre de personnes nous l'ont assuré dans le pays), tout ce qui était à sa convenance. Dans celui-ci, il s'était montré ouvertement contre cette Révolution, qui, en réparant toutes les injustices passées, vient si fort au soulagement du peuple; il devait donc, à plus d'un titre, être ciaint et haï des paysans. Ceux-ci, en le voyant à la tête d'une fédération qui avait toutes les apparences de l'hostilité, ont vu à l'instant même, i ou seulement laRévolution,mais leurs propriétés et leurs jours en danger ; ils n'ont plus écouté que ie ressentiment, et iront plus vu que la nécessité qui les portait à la vengeance. L'état de guerre a véritablement commencé. C'est la force qui a agi contre la force; et celle qui a vaincu a Uni pur abuser de son triomphe.
Une preuve manifeste que c'est véritablement ia réunion des gentilshommes
et leurs procédés
Les trois maisons de Montcuq n'ont été dévastées que postérieurement à l'arrivée nocturne des gentilshommes dans cette ville; et cette dévastation a même été la suite immédiate de l'effroi qu'ils avaient causé au peuple (1).
Le pillage et l'incendie du château de Marcillac n'ont été également que la suite de la terrible journée de Saint-Gyprien. Tous les paysans que le tocsin attira dans ce village, lorsque les gentilshommes y fuient arrivés, allèrent en se retirant piller le château de Marcillac et y mettre le feu. « Nous nous y sommes présentés, disent les « officiers municipaux de Saint-Gyprien, dans « leur procès-verbal du 19 décembre, nous étions « menacés nous-mêmes, notre vie était en dan-« ger, tant les esprits étaient montés contre M. de « Saint-Jean, seigneur de Marcillac, qui, disait-on, « avait envoyé son fils avec la troupe du sieur « Beîlud, la nuit même qu'elle lit son entrée dans « la ville de Montcuq. »
Ainsi il est certain, et par la nature même-d *s circonstances, et par l'évidence des faits, que c'est le çassemblement des gentilshommes, qui, dans le district de Lauzerte, a été la première cause des désordres qui y ont été commis.
La cause de ces désordres est donc connue, aussi bien que celle des événements de Gourdon ; et l'on voit que, dans l'un et dans l'autre district, ce n'est point l'affranchissement des rentes qui a excité le soulèvement du peuple.
Seulement les longues vexations qu'il avait éprouvées à cet égard de la part des ci-devant seigneurs ou de leurs agents, ont pu rendre le soulèvement plus facile, et prolonger la fermentation.
Nous allons maintenant, Sire, examiner quels sont les moyens par lesquels il nous semble qu'on peut prévenir à jamais le retour d'une pareille agitation et de si affreux désordres : ce sera l'un des objets de notre rapport qui auront le plus d'intérêt pour le cœur oe Votre Majesté.
§ 3.
Moyens définitifs de raffermir la tranquillité dans le département du Lot.
Le peuple, Sire, docile à la voix de vos commissaires, a paru convaincu
que les incendies et les pillages étaient des délits dignes de toute la
sévérité des lois ; il a montré le repentir le plus sincère; il a
restitué avec empressement tout ce qu'il avait pris; et l'un des heureux
effets de ces restitutions, a été de lui prouver qu'il ne résulte aucun
profit pour lui des incendies et d s pil- me Constans, qui fut
ouverte de force, etc. »
Leur punition est d'ailleurs une suite indispensable des décrets de l'Assemblée nationale.
Par le décret du 13 décembre 1790, relatif aux troubles de Gourdon, il est dit : « Que devant les juges du tribunal de Gourdon, il sera incessamment informé, à la réquisition de celui chargé de l'accusation publique près ledit tribunal, contre tous ceux qui, par aes insinuations perfides, auraient cherché à égarer le peuple et à lui persuader que les décrets de l'Assemblée nationale des 18 juin, 13 juillet et 3 août derniers n'existaient pas ou ne devaient pas être exécutés, ainsi que contre les auteurs, fauteurs et complices des désordres qui ont eu lieu à Gourdon et lieux circonvoi-sins, pour, après l'information faite, le procès être fait et parfait aux accusés. »
Ge décret, rendu pour le district de Gourdon, est applicable à tous les lieux où des désordres ont été commis, et particulièrement au district de Lauzerte.
11 faut donc que dans celui-ci, comme dans le premier, l'information soit faite et les vrais coupables punis.
Mais cette information ne doit pas être seulement dirigée contre les paysans, que l'amour seul du pillage a fait agir; elle doit l être encore contre les ci-devant nobles, qui, par leur rassemblement armé et leur irruption dans les villages et les villes, peuvent être considérés comme les premiers instigateurs; qui d'ailleurs ont fait périr des malheureux, dont la mort doit être vengée, si l'on veut que la justice soit satisfaite; et il nous paraît nécessaire que l'Assemblée nationale le dise expressément dans le décret qui interviendra, afin de réparer les impressions funestes que la partialité répréhensible du sénéchal de Lauzerte a fait naître dans le pays. Ge n'est en effet que contre les dévastations des châteaux qu'il a permis d'iuformer et il a passé sous silence les journées de Montcuq et de Saint-Gyprien, ainsi que tout ce qui leur est accessoire.
Ge n'est pas tout; et voici une circonstance vraiment remarquable. Le samedi 29 janvier, jour auquel nous quittâmes Lauzerte, était le jour aussi où le sénéchal, qui devait être remplacé le lendemain par le tribunal de district établi à Moissac, quittait ses fonctions. Aucun décret alors n'était encore rendu; mais le 29, dernier jour de l'existence du sénéchal, 61 personnes furent décrétées ; et le commandant des troupes de ligne, qui, le 31 janvier, nous écrivit cette nouvelle, nous marqua qu'elles Tétaient prêsque toutes de prise de corps.
Tant d'activité d'une part et si peu de l'autre produisirent le plus
mauvais effet ; et nous ne craignons pas de dire que, sans le bon esprit
dont le peuple commençait à donner des iireuves, il eût été à craindre
qu'une telle conduite ne le portât à de nouveaux soulèvements. Il est
resté paisible, et s est fié entièrement au tribunal de Moissac pour
réparer les injustices dont il avait à se plaindre; celui-ci les
réparera sans doute et fera ce qui a été omis par le sénéchal de Lau-
Les informations doivent donc être suivies où elles sont commencées; et elles doivent être commencées où elles ne le sont pas encore. Mais ici nous devons dire que le tribunal de Gourdon ayant été poursuivi par le peuple, lors des troubles affreux qui ont désolé le pays, et ayant même été forcé d'interrompre pendant quelque temps ses fonctions, ne nous paraît pas propre à rester saisi de l'instruction et du jugement de l'affaire; surtout dans un moment où le district est sans aucune force militaire. Il faut considérer que ce tribunal serait regardé comme étant, pour ainsi dire, partie au procès ; et dès lors les circonstances exigent qu'un des autres tribunaux du département lui soit substitué ; celui de Cahors nous paraît le plus convenable, comme étant le plus voisin du district de Gourdon.
Ainsi, poursuite de tous les désordres quels qu'ils soient, et attribution de l'affaire de Gourdon à un autre tribunal qu'à celui de ce district : voilà un des premiers moyens que nous indiquons, ou plutôt que la justice indique, pour effrayer et contenir les coupables, pour rassurer pleinement les bons citoyens, et pour empêcher à jamais le retour des troubles.
En voici un second, non seulement propre à consolider encore la paix, mais à ramener dans le département une partie de l'aisance et du bonheur que d'anciennes vexations en éloignent depuis longtemps. C'est la suppression de ces vexations mêmes, et l'adoption de quelques mesures relatives au payement des rentes.
Le peuple se plaint à la fois de l'indivis; du taux du rachat des rentes; de l'emploi fait, par les ci-devant seigneurs, de mesures falsifiées qui surchargent les redevances; de l'emploi fait également par eux d'un crible roulant qui les surcharge encore; il se plaint enfin de l'obligation à laquelle on veut l'astreindre de payer les rentes avant l'exhibition des titres, lorsqu'il a la preuve que, par des reconnaissances postérieures à ces titres, les redevances ont été surchargées, et qu'il lui est dû des restitutions considérables. Jetons un coup d'oeil sur chacun de ces objets. L'indivis est le droit d'exiger d'un seul em-phytéote la rente due par tous, sauf le recours du premier contre les autres. Ce droit n'existe point partout, mais dans plusieurs endroits; il dérive des inféodations faites en masse, en corps, sous la condition de telle quotité de rente qui sera aussi servie en masse et sans aucune division. On sent tout d'un coup combien il serait injuste de faire perdre à un propriétaire de rente un droit aussi précieux pour lui, et qui résulte des conditions mêmes du contrat primitif; mais on sent en même temps combien ce droit est onéreux pour celui des einphytéotes que le propriétaire choisit pour son seul redevable, qu'il actionne en conséquence, et qui ensuite est obligé, pour être remboursé de ses avances, d'exercer autant d'actions isolées qu'il y a de débiteurs. Ne serait-il pas possible de concilier l'intérêt du propriétaire et celui du redevable, de manière que celui-ci fût soulagé, sans que le premier éprouvât de préjudice? On désirerait en général, dans le département du Lot, que dans les lieux où l'indivis existe, la communauté se chargeât de payer, soit en nature, soit en argent, la rente entière due au ci-devant seigneur, et qu'elle reprît ensuite sur chaque censitaire ce qui serait dû par lui et ce qu'il payerait par addition à sa cote d'imposition. Ce moyen nous paraît concilier tous les intérêts. Le propriétaire reçoit en masse ce qui lui est dû en masse; le redevable ne paye que ce qu'il doit; il ne paye pas pour les autres; tout l'odieux de l'indivis disparaît. L'Assemblée nationale pèsera ce moyen dans sa sagesse, il nous suffit de l'indiquer.
duant au rachat, on se plaint à la fois et de l'exorbitance du prix auquel il est porté, et de l'uniformité de ce prix pour toutes les rentes indistinctement. On nous a dit que, le censitaire ne pouvant racheter sa rente qu'en rachetant aussi la directe et les droits casuels, il ne pouvait se libérer qu'en payant le double, le triple, et souvent même le quadruple de ce que valaient les rentes avant l'époque du décret; et que, le prix du rachat étant de beaucoup supérieur à la valeur de la rente, la faculté de racheter devenait illusoire. On ajoutait que, de l'uniformité du prix du rachat pour toutes les rentes indistinctement, il résultait que quelques-unes ne seraient jamais rachetées : car une rente indivise et portable, assise sur de bons fonds et peu chargés, a une valeur de 50 0/0 au-dessus de la rente divise etquérable, assise sur des fonds ingrats, et dont les charges sont considérables ; l'une et l'autre cependant sont assimilées pour le prix du rachat. Or jamais on ne pourra consentir à payer la seconde autant que la première. L'Assemblée nationale (disait-on) n'a pas voulu faire des lois qui restassent sans application. Voilà les plaintes qui nous ont été répétées par un grand nombre de paysans. Il est certain que les faits sur lesquels elles sont fondées sout de la plus fgrande exactitude. Mais peut-être que le Corps législatif,suivant sa marche accoutumée, qui est de ne se laisser arrêter par aucune des considérations que font naître les intérêts particuliers d'un pays, ne voudra apporter aucune modification à son système général sur le rachat des droits féodaux; peut-être aussi re-gardera-t-il la faculté du rachat comme une assez grande concession faite aux redevables, pour être payée de quelques sacrifices de la part de ceux-ci, lorsqu'ils voudront en faire usage. D'un autre côté cependant, le rachat d'un objet quelconque doit toujours être en proportion avec la valeur même de cet objet, et il paraît injuste qu'il l'excède. Mous n'osons pas ici indiquer le parti qu'il serait convenable d'adopter, il nous suffit d'indiquer, en même temps, et les moyens qui militent pour la modification que l'on désire, et ceux qui la combattent.
Mais un parti qu'il paraît désirable de prendre sans retard, c'est d'abolir ces cribles roulants qui sont pour le département entier un monument de scandale, et pour le peuple une source de vexations.
C'est aussi de faire vérifier les mesures dont les propriétaires de
rentes font usage, de ramener ces mesures à leur capacité primitive, de
les faire approuver par les municipalités, et d'en
C'est enfin de rendre pour le département du Lot un décret particulier, impérieusement sollicité par les circonstances, sur l'exhibition des titres et le payement des rentes. On objectera peut-être que tout est déjà réglé par les décrets rendus sur cette matière; et en effet l'article 29 du titre 2 du décret, concernant les droits féodaux, dit que « lorsque les possesseurs des droits « conservés ne seront pas en état de représenter de « titre primitif, ils pourront y suppléer par deux « reconnaissances conformes, énonciatives d'une « plus ancienne... pourvu qu'elles soient soute-« nues d'une possession actuelle qui remonte « sans interruption à quarante ans, etc. »
L'article 4 du titre III dit que « lorsqu'il y « aura pour raison d'un même héritage plusieurs « titres ou reconnaissances, le moins onéreux au « tenancier sera préféré, sans avoir égard au plus « ou moins d'ancienneté de leurs dates ».
L'article 3 du décret du 18 juin 1790, sur le payement des redevances foncières non supprimées, porte que « nul ne pourra, sous prétexte « de litige, refuser le payement de la dîme ac-« coutumée d'être payée, ni de champarts, ter-« rages, agriers, comptants, ou d'autres rede-« vances de cette espèce aussi accoutumées « d'être payées et énoncées dans l'article 2 du « titre »,
Enfin, dans le décret du 13 juillet 1790, il est dit « qu'il sera informé par les tribunaux ordinaires contre les infracteurs du décret du 18 juin, sanctionné par le roi, contre le payement des dîmes, des champarts et autres droits fonciers, ci-devant seigneuriaux, et que leur procès leur sera fait et parfait, sauf l'appel ; qu'il sera même informé contre les officiers municipaux qui auraient négligé à cet égard les fonctions qui leur sont confiées ; sauf à statuer à l'égard desdits officiers municipaux ce qu'il appartiendra, réservant aux débiteurs, lorsqu'ils auront effectué les payements accoutumés, à se pourvoir, en cas de contestation, devant les tribunaux, conformément au décret du 18 juin, pour y faire juger la légitimité de leurs réclamations contre la perception ».
Il résulte de ces articles : 1° que tout débiteur de droits seigneuriaux doit, avant aucune contestation, commencer par payer ce qu'il a payé jusqu'à présent ; 2° que la loi a déterminé la nature des reconnaissances qui peuvent remplacer le titre primordial ; et dès lors toutes les difficultés paraissent résolues.
Mais quelques réflexions bien simples vont prouver la nécessité d'un décret additionnel à ceux que nous venons de citer.
Voila deux années que dans la majeure partie du département du Lot on n'a point payé de rentes ; on ne les a point payées par l'évidence qu'on a eue des surcharges, et par la difficulté même de payer après deux années de disette ; on ne les payera à l'avenir, dans plusieurs endroits, que lorsqu'on y aura été condamné parles tribunaux ; il n'y a donc aucun inconvénient pour le seigneur, qui dans tous les cas ne peut être payé qu'après un certain laps de temps, et il y a beaucoup d'avantages pour les emphytéotes, à qui l'on évitera des frais, à ne pas s'occuper du payement provisoire, et à rechercher sur-le-champ par quels moyens on pourrait accélérer le payement définitif.
L'article 29 du titre II, et l'article 4 du titre III, concernant les droits féodaux, s'appliqueraient difficilement aux difficultés qui divisent le pays, et seraient d'ailleurs d'une très longue application. Presque toutes les reconnaissances en effet portent des surcharges énormes qui sont le fruit de la vexation, et par conséquent ne peuvent point remplacer le titre primordial. D'un autre côté, le titre primitif n'existe pas dans plusieurs endroits : par quelles règles alors se diriger ? C'est à l'Assemblée nationale à les fixer ; et pour les appliquer promptement, pour déterminer les bases des reconnaissances nouvelles qui vont être passées entre les redevables et les créanciers, pour rétablir à l'instant et partout l'activité du payement des rentes, et soulager à la fois celui qui doit et celui à qui il est dû, il nous semble qu'une loi salutaire serait celle qui ordonnerait que, dans chacun des districts du département, les électeurs nommeraient quatre commissaires pour revoir les titres des ci-devant seigneurs, et régler les contestations des redevables avec eux ; que chaque communauté et chaque ci-devant seigneur pou rraient adjoindre, lorsqu'ils le j u geraient à propos, et pour l'objet particulier qui les concernerait, un commissaire aux quatre nommés par les électeurs du district ; que la décision de ces commissaires ferait loi, lorsque les ci-devant seigneurs et la communauté l'auraient approuvée ; mais que si les deux parties, ou l'une des deux contestait, la décision serait renvoyée au tribunal du district, qui jugerait en dernier ressort.
Cette marche est la plus régulière et la plus constitutionnelle que nous apercevions. L'Assemblée nationale pourra sans doute en trouver une meilleure; mais il en faut une, quelle qu'elle soit, pour détruire jusqu'aux germes d'agitation qui pourraient exister dans le département.
Voici encore une difficulté sur laquelle il est très important que l'Assemblée nationale s'exprime. Dans le département du Lot, comme nous l'avons déjà dit, la maxime nulle terre sans seigneur a régné jusqu'ici dans toute sa force; et, en vertu de cette maxime, la girouette qui était le titre du seigneur, dispensait de titres écrits et de reconnaissances. Mais cette maxime ne peut plus subsister; et cependant il serait injuste, d'un côté, que le ci-devant seigneur perdît la totalité de ce qu'il a possédé jusqu'ici de bonne foi ; de l'autre, que le redevable continuât à payer autant qu'il l'a fait jusqu'à présent, s'il est en état de prouver qu'il a été surchargé. Les reconnaissances, dans ce cas, auront-elles pour base ou le prix moyen des redevances perçues sur les héritages environnants, ou le prix le moins considérable? C'est ce que l'Assemblée nationale déterminera.
Nous n'avons plus qu'un mot à dire sur cet article relatif aux rentes; c'est que, dans l'espace de 6 mois, si l'on met quelque activité dans les opérations, tout peut être réglé, toutes les nouvelles reconnaissances passées; et que jusque-là il y aurait peut-être de la justice à accorder un sursis aux redevables. Cet acte de justice, comme nous le disions tout à l'heure, n'entraînerait aucun préjudice pour le seigneur ; puisque dans l'état actuel des choses, si le seigneur plaidait pour être payé de ses rentes, il ne parviendrait peut-être pas à l'être avant 6 mois, à cause des divers degrés de juridictions qu'il aurait à parcourir et des difficultés qu'il éprouverait de la part de ses censitaires.
Un dernier objet nous reste à discuter, c'est celui qui concerne les indemnités réclamées par tous ceux dont les propriétés ont été la proie des incendies et du pillage.
Nous plaçons cet article au nombre des moyens propres à consolider la paix ; car il est certain que moins il y aura de mécontents et de malheureux dans le département, moins il y aura de germes de discorde. Mais n'est-il pas nécessaire d'abord de faire une distinction entre ceux qui avaient des intentions pures et qu'on ne peut pas suspecter, et ceux qui par leur conduite, en apparence hostile, ont pu exciter la fureur du peuple ? N'est-ce pas, d'un autre côté, un article particulier quicoucerne exclusivement les tribunaux,par-devant lesquels les parties lésées doivent se pourvoir, ou contre les individus, ou contre les communes, contre les uns comme instigateurs, et coutre les autres comme responsables ? L'Assemblée nationale semble l'avoir ainsi formellement décidé, lorsque le 6 octobre, par son décret sur les obstacles apportés dans le département de l'Aude à la circulation des grains, elle a décidé que « l'in-« demnité des dégâts et dommages sera prise d'aboro sur les biens des coupables, subsidiaire-j ment supportée par les communes qui ne les « auraient pas empêchés lorsqu'elles l'auraient « pu et qu'elles en auraient été requises, par les « olficiers municipaux, qui sont responsables de « leur négligence à cet égard. » Mais, dans le département ou Lot, les individus coupables se-raie.it-ils assez nombreux et assez riches pour payer une partie seulement des dégâts qui ont été faits? Les communes elles-mêmes, si elles étaient criminelles, seraient-elles en état de supporter la condamnation qu'elles éprouveraient? Les propriétaires qui nous ont remis leurs mémoires, et le département lui-même, semblent considérer les indemnités qui sont dues comme une dette nationale (1). Ici, les bornes de notre ministère nous arrêtent; et nous nous bornerons seulement à observer que, quel que soit l'aspect sous lequel l'Assemblée considère les réclamations d'indemnités, et quel que soit aussi le parti qu'elle prenne à cet égard, il nous paraît nécessaire qu'elle connaisse avant tout le résultat des procédures qui vont être instruites. Lorsqu'elle connaîtra, lorsque le directoire do département lui aura fait connaître aussi le détail exact des dommages qu'ont soufferts les wvpriétaires des différents districts, elle sera plus en état de prendre le parti que son humanité et sa justice lui suggéreront. Quelques propriétaires tranquilles et honnêtes, et les administrateurs du district de Gourdon, sont dignes de son plus tendre intérêt.
Ainsi, en nous résumant sur les moyens définitifs les plus propres à affermir le calme dans le département du Lot, nous croyons qu'ils peuvent se réduire à ceux-ci :
Poursuite et punition des coupables;
Attribution de l'affaire de Gourdon à un autre tribunal, qu'à celui de ce district;
Nomination de commissaires par les électeurs de chaque district, pour revoir les titres, et régler les difficultés entre les propriétaires et les redevables;
Sursis au payement des rentes jusquau règlement de toutes les contestations; lequel surfis néanmoins ne pourra excéd-r le terme de 6 mois ;
Abolition du crible roulant;
Vérification de toutes les mesures, et destruction de celles qui seront recônnues avoir été falsifiées.
Tels sont les principaux moyens, Sire, par lesquels il paraît possible de venir efficacement au secours d'un pays que de violents désordre- oui ;-i cruellement agité depuis quelque temp>-, et qui, depuis des siècies, est accablé sous le poids des plus énormes vexations.
Ces moyens n'empêcheront pas l'Assemblée nationale de prendre, en même temps, eu considération les vues que nous avons cru devoir présenter sur l'indivis, sur le rachat des rentes, sur l'effet de la maxime, nulle terre sans seigneur, dans les lieux où il n'y a ni titres, ni reconnaissances, et où cette maxime supplée aux reconnaissances et aux titres ; enfin, sur les indemnités réclamées par les victimes de l'incendie et des pillages.
Mais, jusqu'à ce que toutes les mesures que nous venons de proposer à Votre Majesté aient reçu leur exécution, il est essentiel, malgré la confiance due au peuple, et la conviction in lime que nous avons de son penchant à l'ordre et a la paix, d'eutretenir, clans le département, uue force suffisante pour garantir ce même peuple des instigateurs qui pourraient continuer à l'obséder; et qui, pour empêcher le bien qui est encore à faire dans ce pays, renouvelleraient peut-être toutes leurs coupables manœuvres.
Cette mesure de précaution, ainsi que la plupart des autres, ont été, pour ainsi dire, conve-venues avec le directoire du département, dans la dernière conférence que nous eûmes avec lui. lt parut, à cet égard, adopter toutes nos idées.
Combien nous eussions désiré que le même accord eût régné entre nos opinions sur les causes du désordre ! Mais ici nous croyons devoir dire que nous différons presque totalement.
Depuis uotre retour, Sire, le directoire du département a adressé à Votre Majesté, ainsi qu'à l'Assemblée nationale, un mémoire dont il a bieu voulu nous envoyer une copie.
Dans ce mémoire, il commence par dire « que « la principale cause de l'insurrecliou, la seule « peut-être, se trouve dans le désir et l'espoir « auxquels s'est imprudemment livré le peuple « des campagnes, d'être affranchi à jamais des « redevances seigneuriales ». Or, nous avons combattu, de la manière la plus forte, cette opinion; nous l'avons combattue en indiquant les véritables causes de l'insurrection ; nous l'avons combattue encore, en prouvant qu'elle était en contradiction avec la conduite ou peuple qui réclame l'exhibition du titre primordial, et qui ne réclamerait rien, s'il se croyait affranchi de tout.
Le directoire dit encore « que c'est chose no-« toire daus toute l'étendue du département du « Lot, que les planteurs des mais, en y attachant « l'idée de leur décharge des droits féodaux, en-« tendaient effrayer, à la fois, et ceux qui les exi-« geaieut, et ceux qui s'y soumettaient ». Or, il est impossible de coutreuire encore plus directement notre opinion sur les mais, et sur l'idée que le peuple y attache. Mais l'assertion du directoire du département ne nous a causé aucune surprise. Dans presque toutes nos conférences avec lui, cet article a été l'objet des plus vifs débats; et nous n'avons pu, ni les uns ni les autres, être ramenés à une opiniou commune.
Une autre opinion du directoire du département, également différente de
la nôtre, « c'est que « le peuple ne s'est mis en insurrection, dans le
« district de Gourdon, que pour défendre, au lieu
Par une suite des opinions du directoire, on lit dans le mémoire qu'il a adressé à l'Assemblée nationale, le passage suivant : « Nous devons a « la vérité, nous devons à la justice, nous devons « au zèle du directoire de Gourdon, de publier « qu'en faisant abattre les mais, il n'a fait que « son devoir, il n'a fait qu'exécuter vos décrets. »> Certes, nous sommes loin d'attaquer le zèle du directoire de Gourdon, et nous nous sommes empressés de rendre à la pureté de ses intentions l'hommage qui leur est dû. Mais nous ne croyons pas qu'il se soit exactement conformé aux décrets, en faisant abattre, sans distinction, tous les mais, nous croyons, au contraire, qu'il a excédé la mission que lui donnaient à la fois et Ja loi et même les arrêtés du département; nous croyons que cette imprudence, innocente de sa part, est la principale cause de l'insurrection; et en cela, nous différons encore de l'opinion du directoire.
Enfin le directoire s'exprime ainsi : « Nous ne « pouvons compter, au nombre des causes de « l'insurrection, les passions et les haines parti-« culières, ni la sortie téméraire des ci-devant « seigneurs; mais nous ne pouvons presque p is « douter qu'à la faveur des agitations populaires, « il n'v ait eu des passions et des haines parti-« culiéres assouvies, et que la sortie des ci-devant « seigneurs, aigrissant et irritant le peuple, n'ait « produit le malheureux effet de multiplier et de « porter au comble les excès dans le district de « Lauzerte. »
Ainsi d'après l'opinion du directoire, le rassemblement armé des gentilshommes, et leurs courses dans les villes et dans les campagnes, n'ont été que les causes secondaires, non des désordres en eux-mêmes, mais de leur multiplicité seulement. Nous croyons, nous, au contraire et nous avons prouvé, que c'était la cause principale de tous les malheurs dont le district de Lauzerte a été le théâtre.
Il était impossible, comme on le voit, que nos opinions et celles du directoire du département, sur les causes de l'insurrection, fussent plus diamétralement opposées.
Cette opposition nous était connue avant que nous quittassions le département ; et, à cette occasion nous ne pûmes même nous empêcher d observer aux administrateurs, qu'après plus de six semaines de travaux et de recherches sur le même objet, ayant parcouru 5 districts, conféré avec la plupart des municipalités, entendu soit ensemble, soit partiellement, un nombre immense rie citoyens, reçu de toutes parts des mémoires instructifs, il nous était peut-être permis de croire que notre opinion était fondée sur des notions plus exactes et plus sûres que celles des administrateurs eux-mêmes, nécessairement de-tournés de leurs recherches par tous les objets d'administration générale qui, à chaque instant, appellent leurs regards et absorbent leur attention. , .
Ce que nous leur avons ditaeux-memes, nous pourrions peut-être le répéter ici.
Mais notre unique dessein, en mettant en opposition notre opinion et la leur, a été d eveiller les doutes, d'inviter les esprits au plus seneux examen, et de les mettre, pour ainsi dire, en garde contre les impressions qu'ils pourraient recevoir de la lecture de ce rapport. Nous avons cherché la vérité, de bonne foi, sans esprit de parti, avec le caractère d'impartialité qui convient à l'importance des fonctions que nous avions a remplir; mais il serait possible que, sur quelques objets, l'erreur fût le résultat de nos recherches; et il a été de notre devoir d'annoncer, entre le directoire du département et nous nne difterence d'opinions, dont le premier effet doit être de prouver que l'on peut parvenir à un autre résultat que le nôtre, et qui doit faire voir aussi que des causes différentes peuvent solliciter des remèdes différents de ceux que nous avons indiques.
Sire, le département du Lot attend, avec impatience, et le choix et l'application de ces remèdes. Vos commissaires n'ont pu agir que d une maniéré provisoire. C'est à Votre Majesté, ainsi qu a 1 Assemblée nationale, qu'il appartient de travailler définitivement; d'embrasser,dans leur bonté prévoyante, tous les individus et toutes les générations; de détruire non seulement tous les maux qui ont survécu à l'ancien régime, mais d etout-feriusqu'à leur germe; et d'accorder à un peuple repentant, bon et sensible, tous les bienfaits qui s'allient avec la justice.
Fait à Paris, le
J. GODARP (1).
PRÉS1PENCE 0E M. CHABROUD
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes : , , „
Adresse de félicitation et dévouement de l assemblée électorale du district de Châtellerault. Elle annonce qu'elle a procédé au remplacement des curés fonctionnaires publics, réfractaires a la loi du 27 novembre dernier.
Adresse de la société des amis de la Constitution séant à Sarzau, qui sollicite une loi tendant a lier d'une manière irrévocable les officiers de l'armée à l'observance des lois constitutionnelles ; ils demandent en même temps que tons les fonctionnaires publics démissionnaires par le refus de prêter le serment exigé, soient tenus de quitter, lors du remplacement, la paroisse où ils étaient en fonction, et ne puissent choisir le lieu de leur habitation à moins de 5 lieues de distance de la paroisse où ils étaient en fonction.
Adresse des administrateurs composant les directoires du département du
Calvados, du département de l'Aveyron, du département des Ardennes, du
département du Jura; des membres du directoire du district de Tonnerre et du
district de Rochefort, des officiei's municipaux d'Etampes, de Marseille,
gZZTcfc
Sri/ TJ rht n ^rde nationale de Jarnac, amis !' t ^hât ^:s^-Seine, des sociétés des amis de la Constitution séant à Aix à Vire à
tnsrtàdZilliariSr°n COmTne> àVéZlUe 'at
7*™.; n^nllac, a Lyon, à Saint-Emilion enfin des étudiants du collège deFelletin, qui expriment les plus vifs regrets sur la mort de M deMra-beau. Ils ont porté le deuil et faU célébrer un
oSre.Iennel en 1,h°nneur de cet ^o^ae extra-
La commune d'Aix annonce qu'elle a écrit la
du Nor7/u J?J0m^UTt? de Lille' département finies mi'pfip a ^ • retrace Ies io-
des grafns en 17*TIf G^Ur/achat et la vente ueb grains en 1789, et elle demande au'il snit
PTIU à 1ï?demnité qui lui est due Q
Je "ncel) °rd°nne 16 renvoi à 800 co-
Adresse des citoyens de la ville de SiUé-le-Guil-
t Ze;Âl Pr°meVoisines du département de la Sarthe; ils se plaignent d'une vente mlin"* pour objet que l'avantage du châtelu de ChaUa soir, et qui tourne au détriment de leur habité
e'^TsX?1 ** VUGS à ce sSjet,
d'&rfe6t de £32*, ^ 3U COmité A dresse de la commune de Rouen, dans laauelle 1 on rend compte des honneurs funèbres décernés à la mémoire de M. de Mirabeau. aecernés
r.ri:ïeïS\dî ?lusieVrs Moyens philanthropes oui présentent à la nation l'hommage d'un établis^
gers mal S V&TOTî » «Î&H
couchT ' et des dames gosses et en
Cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, tout objet d'utilité publique a droit
de vous intéresser. A ce titre, ùne réunion de citoyens philanthropes obtiendra sans pefne la protection de la loi. Elle veut élever à ses frais sous la direction d'un homme de l'art, un temofe à la san é, hors du fracas et de l'insalubrité dZe ville qui contient une si grande popula" on. Les Français et les étrangers que le service de là oa-tne, la santé ou les affaires appellent dans ceUe meures! °Dt' aVCC m°ins ^Wets, leurs dï
« Un riant séjour, un air pur, des soins attentifs, des secours de tous genres, des amusements vanés leur seront offert!, pour combattre^eurs
« Nous sommes, eto... »
J'ai reçu de M. l'évêaue Pans (1) la lettre suivante : ^ 6 de
« Monsieur le Président,
« Je me suis présenté chez vous, espérant que j aurais 1 honneur de vous y rencontrer, pour vdus témoigner mon désir de présenter mes hommages a 1 Assemblée nationale, en ma qualité d'évêque de Pans, et lui offrir |a lettre pastorale que j adresse aux fidèles de mon diocèse. Je vous prie en conséquence, Monsieur le Président, de vouloir bien prendre les ordres de l'Assemblée naî„0nAe,' ^our ,e J0ur et l'heure qu'il lui sera agréable de me recevoir. En attendant, je vous laisse deux exemplaires de ma lettre pastorale, et su s avec respect votre très humble, etc...
(L Assemblee arrête qu'elle recevra M. l'éVêaue de Pans lundi prochain à deux heures.)
«Jf* dftuÛs extraordinaires de la ville de Nantes sont admis à la barre.
Ils font lecture d'une adresse dans laauelle leur commune exprime d'une manière touchant et energique la situation critique où elle se trouve les dépenses extraordinaires qu'elle a été obMgèé de faire, les malheurs qu'elle a essuyés, et elle demande que la nation vienne à son secours
députation.
(L Assemblee ordonne le renvoi de la pétition de la commune de Nantes au comité des finances eî accorde a ses députés les honneurs de la séance!)
Plusieurs membres du comité d*aliénation nro SipaS ed°maineS nati0DaUX à diverses
es? rend^f "mt décrétées et le ^cret suivant
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le ran-port de son comité d'aliénation des domaines nationaux déclaré vendre aux municipalités ci-après les biens mentionnés en leurs soum ssions aux charges clauses et conditions ponées par le décret du 14 mai 1790, savoir : P°riees
Département de la Charente. A la municipalité de
Condac...............
A celle d'Empuré..
16,716 I. » s. >» d. 5,676 » »
maux. '
&7J».au milleu des ^î'S
« Ou ne tournera pas ses regards de dessus ces trop malheureuses victimes de la séductfoT on leur menagera des ressources et des consola1 tions. Les sauver du déshonneur, c'estrendre à la société des femmes qui, instruites par le malheur peuvent en devenir encore l'ornement; "est S pecter la ranquillité des familles ; c'es payer un tribut à la nature, à la raison; enfin on proté-gera l'enfance; elle a toujours des droits sacrés a la sollicitude publique.
« Tel est, Messieurs, l'établissement qui va se
Département de la Seine-Inférieure.
A la municipalitéde Rouen................ 4,300,774 1. 5 s. 4 d.
Département d'Eure-et-Loir.
A la municipalité de Châteauneuf.......... 340^3 j ,2 g f d
Département du Tarn. A la municipalité d'Alby............... 242,747 1.
17 s. 4 d.
Département du Loiret.
A la municipalité de ,
Montargis............ 268,443 1. 18 s. 4 d.
Département du Cher.
A la municipalité de Bourges.............. 416,881 1. 19 s. 11 d.
Département de la Marne.
A la municipalité de ^ , , _¦ , Vertus......-....... 106,239 1. 1 s. 6 d.
Département de Maine-et-Loire.
A la municipalité d'Huillé..............
« Le tout payable de la manière déterminée par ledit décret du 14 mai 1790. »
donne communication d'une lettre de M. Lasnier de Vaussenay, qui prie l'Assemblée d'agréer sa démission.
Un membre du comité de vérification observe à ce sujet que M. Lasnier a pour suppléant M. de Murât, qui viendra le remplacer.
Je crois qu'il serait instant de s'occuper du mode à adopter pour subvenir provisoirement aux frais des procédures criminelles. .........
(L'Assemblée décrète que le comité des finances lui fera son rapport à ce sujet dans la séance de jeudi prochain au soir.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de judicature sur la liquidation des offices d'expéditionnaires en cour de Rome.
au nom du comité de judicature. Messieurs (1), après avoir établi les bases de la liquidation des offices de judicature, vous avez prescrit des règles particulières pour celle des offices ministériels : vous avez vu qu'on ne pouvait pas adopter pour ces derniers les règles établies pour les officiers de justice, et que le remboursement sur le pied de la finance ou de l'évaluation sèche serait insuffisant et ruineux pour eux ; vous leur avez accordé une indemnité proportionnée à leur contrat d'acquisition et aux pertes qu'ils éprouvaient.
De ce principe dérive la division que vous avez faite des offices soumis à l'évaluation prescrite par l'édit de 1771 en trois classes principales : Dans la première, vous avez placé tous les offices de judicature et de municipalité, qui ne doivent recevoir, pour le remboursement, que le montant de l'évaluation.
La seconde classe est composée des procureurs qui acquéraient, avec le
titre de leurs offices, les clientèles, dont la valeur variait à
l'infini, et surpassait beaucoup celle du titre : vous leur avez accordé
premièrement une évaluation rectifiée sur la plus haute évaluation des
offices de la même nature et de la même classe; secondement, à titre
d'indemnité et en sus de l'évaluation, une partie plus ou moins forte du
prix porté par le contrat, suivant les règles que vous avez établies,
Dans la troisième classe se trouvent les autres officiers ministériels, tels que les greffiers, jurés priseurs, huissiers et autres auxquels vous avez accordé, à titre d'indemnité, le sixième du prix de leur acquisition, toujours avec la condition que l'évaluation et l'indemnité réunies n excede-ront jamais le montant du contrat.
Il ne s'agit plus que de l'application des règles que vous avez établies par vos décrets.
Pour connaître dans quelle classe les expéditionnaires en cour de Rome doivent être rangés, il est nécessaire de vous mettre sous les yeux, en peu de mots, leur établissement, leur destination et leurs fonctions.
La compagnie des banquiers expéditionnaires en cour de Rome et de la légation fut établie par l'édit de mars 1673 : elle fut instituée pour solliciter l'expédition, tant des provisions des bénéfices qu'on obtenait en cour de Rome ou à la légation d'Avignon, sur tous les genres de vacance, que des bulles d'archevêchés, d'évêchés, abbayes, prieurés simples ou conventuels, union, suppression, sécularisation, dispenses pour mariage entre parents, et en général pour toutes les grâces pour lesquelles, suivant les ordonnances, il fallait s'adresser à la cour de Rome.
Cet établissement avait deux objets : le premier, de certifier les signatures de ces rescrits et d'en empêcher la falsification; le second, d'en fixer la taxe d'une manière invariable, et d'empêcher les concussions auxquelles les Français auraient été exposés s'ils avaient été obligés de s'adresser directement aux banquiers de Rome.
On aurait tort de les regarder comme établis pour favoriser les abus de la cour de Rome; ils étaient bien plutôt institués pour en diminuer les pernicieux effets, et empêcher que cette puissance, toujours entreprenante, ne les étendît au delà des limites que l'autorité civile avait bien voulu lui accorder.
On exigea des expéditionnaires une finance, et on ne leur donna point de gages, mais seulement des droits à percevoir sur différents rescrits qu'ils sollicitaient d'après des tarifs arrêtés au conseil.
Plusieurs édits ont successivement augmenté, diminué, modifié la compagnie des banquiers expéditionnaires : elle est actuellement composée de 20 offices d'expéditionnaires de Paris, et de 36 offices dans les provinces répartis dans les principales villes du royaume.
Des 36 offices établis dans les provinces, il y en a seulement 6 qui appartiennent à des particuliers, et qui sont dans le cas d'être remboursés ; les 30 restants ont été acquis par la compagnie des expéditionnaires de Paris, qui les faisait exercer par commission : ils font partie de l'actif de cette compagnie, qui ne doit être remboursée que par compensation avec les dettes dont elle est chargée.
On vient de voir que leurs fonctions se réduisaient à solliciter des rescrits en cour de Rome, sur la demande des parties intéressées, et à ^ apposer leur signature, qui en certifiait la vérité et leur donnait une authenticité légale. Il est évident qu'ils ne participaient point aux fonctions judiciaires, et que leurs offices avaient bien moins de rapport avec ceux de juges qu'avec ceux de greffiers, jurés-priseurs, huissiers et autres officiers ministériels.
Les expéditionnaires en cour de Rome ont exposé que leur situation était
encore plus mal-
D'après ces motifs, ils demandaient une indemnité portée à une somme fixe pour chacun d'eux.
Votre comité de judicature n'a pas cru qu'on pût adopter un mode d'indemnité aussi arbitraire, et s'écarter des règles prescrites par vos décrets pour les autres offices; mais il a pensé qu'on pourrait accorder aux expéditionnaires en cour de Rome, qui ont acheté leurs offices au-dessus de l'évaluation, l'indemnité du sixième du prix du contrat, avec la condition que le remboursement de l'évaluation et de l'indemnité réunies n'excédera jamais le prix du contrat, d'après les règles que vous avez établies pour les offices de greffiers et autres de même nature.
En accordant aux expéditionnaires en cour de Rome l'indemnité que vous avez décrétée pour les offices ministériels, on doit les astreindre aux mêmes règles auxquelles ces derniers sont assujettis par l'acquittement de leurs dettes, et la nation ne doit être chargée que de celles qui ont été contractées pour des causes d'utilité publique.
Il reste à examiner à quelle époque doivent commencer à courir les intérêts du remboursement qui leur sera fait.
Les expéditionnaires en cour de Rome ont été le3 premiers qui ont été frappés par les réformes ordonnées par vos décrets : tandis que tous les tribunaux, maintenus provisoirement, conservaient encore leur exercice et leurs fonctions, ils étaient plongés déjà dans un anéantissement presque total.
Par décret du 9 novembre 1789, sanctionné le 4 décembre, l'Assemblée nationale a suspendu la nomination à tous les archevêchés, évêchés, prieurés, et généralement à tous les bénéfices à l'exception seulement des cures : dès ce moment ils n'ont plus été chargés que de l'expédition des provisions des cures, qui n'était qne la plus petite partie et la moins lucrative de leurs fonctions, et qui pouvait à peine produire un revenu suffisant pour acquitter les dettes dont cette compagnie était grevée.
Dans le mois de juillet 1790, cette dernière branche de revenu leur a été enlevée par la constitution civile du clergé, qui a supprimé les résignations et a totalement exclu la cour de Rome de toute participation à la nomination aux bénéfices; leurs fonctions ont entièrement cessé, et leur état est devenu tout à fait inutile.
Quelques-uns parmi eux ont fait venir depuis lors des dispenses pour mariage entre parents, mais ils ne s'en sont chargés que lorsque le refus rfes évêques d'accorder ces dispenses a mis ceux c[ui les sollicitaient dans la nécessité de recourir à eux, et même de les y contraindre; et ces actes peu nombreux et peu lucratifs, ne pouvaient pas, à beaucoup près, suffire pour acquitter 11,000 livres de rente que cette compagnie supportait en faveur de ses créanciers. Il n'y a pas de propriétaire d'office dont l'état ait été aussitôt et aussi complètement détruit que celui des expéditionnaires en cour de Rome; il n'en est aucun qui ait plus de droit qu'eux à demander que vous fassiez remonter les intérêts de leur finance à une époque antérieure.
Cependant votre comité a pensé qu'il suffirait de leur accorder les intérêts depuis le 1er juillet 1790, soit pour se conformer aux décrets qu-* vous avez rendus pour les autres officiers ministériels, soit parce que ce n'est qu'à cette époque du 1er juillet que leurs fonctions ont entièrement cessé.
Voici le projet de décret qu'il vous propose :
« Art. 1er. Les banquiers expéditionnaires en
cour de Rome seront remboursés sur le pied de 1 évaluation par eux faite
en exécution de l'édit de 1771 ; et il leur sera payé en outre, à titre
d'indemnité, la sixième partie du prix porté dans leurs contrats
d'acquisition ou autres actes authentiques, conformément aux articles 15
et 16 des décrets des 21 et 24 décembre 1790.
« Art. 2. Les intérêts du montant de leur liquidation seront comptés depuis le 1er juillet 1790, à la charge par eux de remettre dans un mois tous les litres nécessaires pour leur liquidation.
« Art. 3. Les dettes contractées en nom collectif par la compagnie des banquiers expéditionnaires en cour de Rome ne seront supportées par la nation qu'après vérification, et suivant les règles établies pnur les officiers ministériels par les susdits décrets des 21 et 24 décembre. »>
(L'Assemblée décrète l'impression de ce rapport et ajourne la discussion du projet de décret).
Je reçois du ministre des affaires étrangères la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« Le roi m'ayant ordonné d'écrire aux ambassadeurs et ministres des affaires de France dans les pays étrangers la lettre ci-jointe, Sa Majesté m'a prescrit d'en donner connaissance à l'Assemblée.
« J'ai donc l'honneur de vous l'envoyer et de vous prier d'en faire faire lecture à l'Assemblée.
« Je suis, etc.
« Signé : Montmorin. »
Un de MM. les secrétaires va vous faire lecture de ce document.
Un des MM. les secrétaires, lisan t :
« Lettre écrite au nom du roi par M. Montmorin, ministre des affaires étrangères, aux ambassadeurs et ministres résidant près les cours.
« Le roi me charge, Monsieur, de vous mander que son intention la plus formelle est que vous manifestiez ses sentiments sur la Révolution et sur la Constitution françaises, à la cour où vous résidez. Les ambassadeurs et ministres de France près toutes les cours de l'Europe reçoivent les mêmes ordres, afin qu'il ne puisse rester aucun doute, ni sur les intentions de Sa Majesté, ni sur l'acceptation libre qu'elle a donnée à la nouvelle forme de gouvernement, ni sur son serment irrévocable de la maintenir.
« Sa Majesté avait convoqué les états généraux du royaume, et déterminé
dans son conseil que les communes y auraient un nombre de députés égal à
celui des deux autres ordres qui existaient alors. Cet acte de
législation provisoire, que les obsta-
« Les états généraux furent assemblés, et prirent le titre crAssemblée nationale ; bientôt une Constitution, propre à faire le bonheur de la France et du monarque, remplaça l'ancien ordre de choses, où la force apparente de la royauté ne cachait que la force réelle de quelques corps aristocratiques.
« L'Assemblée nationale adopta la forme du gouvernement représentatif joint à la royauté héréditaire.Le Gorpslégislatif fut déclaré permanent; l'élection des ministres du culte, des administrateurs et des juges fut rendue au peuple; on conféra le pouvoir exécutif au roi, la formation de la loi au Corps législatif, et la sanction au monarque. La force publique, soit intérieure, soit extérieure, fut organisée sur les mêmes principes et d'après la base fondamentale de la distinction des pouvoirs : telle est la nouvelle Constitution du royaume.
« Ce que l'on appelle la Révolution n'est que l'anéantissement d'une fouie d'abus accumulés depuis des siècles, par l'erreur du peuple ou le pouvoir des ministres, qui n'a jamais été le pouvoir des rois. Ces abus n'étaient pas moins funestes à la nation qu'au monarque; ces abus, l'autorité, sous des règnes heureux, n'avait cessé de les attaquer, sans pouvoir les détruire. Ils n'existent plus ; la nation souveraine n'a plus que des citoyens égaux en droits, plus de despote que la loi, plus c?organes que des fonctionnaires publics, et le roi est le premier de ces fonctionnaires : telle est la Révolution française.
« Elle devait avoir pour ennemis tous ceux qui, dans un premier moment d'erreur, ont regretté, pour des avantages personnels, les abus de l'ancien gouvernement. De là l'apparente division nui s'est manifestée dans le royaume, et qui s'affaiblit chaque jour; delà, peut-être aussi, quelques lois sévères et de circonstances, que le temps corrigera ; mais le roi, dont la véritable force est indivisible de celle de la nation, qui n'a d'autre ambition que le bonheur du peuple, ni d'autre pouvoir réel que celui qui lui est délégué; le roi a dû adopter, sans hésiter, une heureuse Constitution qui régénérait tout à la fois son autorité, la nation et la monarchie. On lui a conservé toute sa puissance, hors le pouvoir redoutable de faire des lois; il est resté chargé des négociations avec les puissances étrangères, du soin de défendre le royaume et d'en repousser les ennemis; mais la nation française n'en aura plus désormais au dehors que ses agresseurs. Elle n'a plus d'ennemis intérieurs que ceux qui, se nourrissant encore de folles espérances, croiraient que la volonté de 24,000,000 d'hommes rentrés dans leurs droits naturels, après avoir organisé le royaume de manière qu'il u'existe plus que des souvenirs des anciennes formes et des anciens abus, n'est pas une immuable, une irrévocable Constitution.
« Les plus dangereux de ces ennemis sont ceux qui ont affecté de répandre des doutes sur les intentions du monarqu ¦ : ces hommes sont bien coupables ou bien aveuglés; ils se croient les amis du roi; ce sont les seuls ennemis de la royauté; ils auraient privé le monarque de l'amour et de la confiance d'une grande nation, sises principes et sa probité eussent été moins connus. Eh! que n'a pas fait le roi, pour montrer qu'il comptait aussi la Révolution et la Constitution françaises parmi les tiires a la gloire? Après avoir accepté et sanctionné toutes ies lois il n'a négligé aucun moyen de les faire exécuter. Dès le mois de février de l'année dernière, il avait, dans le sein de l'Assemblée nationale, promis de les mainte nir : il en a fait le serment au milieu de la fédération universelle du royaume. Honoré du titre de restaurateur de ia liberté française, il transmettra plus qu'une couronne à son fils : il lui transmettra une royauté constitutionnelle.
« Les ennemis de la Constitution ne cessent de répéter que le roi n'est pas heureux; comme s'il pouvait exister pour un roi d'autre bonheur que celui du peuple 1 Ils disent que son autorité est avilie; comme si l'autorité fondée sur la force, n'était pas moins puissante et plus incertaine que l'autorité de la loi ! Enfin, que le roi n'est pas libre : calomnie atroce......
Voix à droite. Oh! oh!
Plusieurs membres . Oui, c'est une calomnie.
Un membre. Il faut rappeler à l'ordre celui qui calomnie le roi.
Il est venu mardi vous dire le contraire.
M. le secrétaire, continuant la lecture :
« Enfin, que le roi n'est pas libre: calomnie atroce, si l'on suppose que sa volonté a pu être forcée; absurde, si l'on prend pour défaut de liberté, le consentement que Sa Majesté a exprimé plusieurs fois de rester au milieu des citoyens de Paris, consentement qu'il devait accorder à leur patriotisme, même à leurs craintes, et surtout à leur amour.
« Ces calomnies cependant ont pénétré jusque dans les cours étrangères; elles y ont été répétées par des Français qui se sont volontairement exilés de leur patrie, au lieu d'en partager la gloire et qui, s'ils n'en sont pas les ennemis, ont au moins abandonné leur poste de citoyen. Le mi vous charge, Monsieur, de déjouer leurs intrigues et leurs projets. Ces mêmes calomnies, en répandant les idées les plus fausses surlaRé-volunou française, ont fait suspecter chez plusieurs nations voisines les intentions des voyageurs français; et le roi vous recommande expressément ae les protéger et de les défendre. Donnez, Monsieur, de la Constitution française, l'idée que le Mi s'en forme lui-même; ne laissez aucun doute sur l'intention de Sa Majesté de la maintenir de tout son pouvoir. En assurant la liberté et l'égalité des citoyens, cette Constitution fonde la prospérité nationale sur les bases les plus inébranlables; elle affermit l'autorité royale par les lois; elle prévient, par une révolution glorieuse, la révolution que les abus de l'ancien gouvernement auraient bientôt fait éclater, en causant, peut-être, la dissolution de l'Empire. Enfin, elle sera le bonheur du roi. Le soin de la justifier, de la défendre et de la prendre pour règle de votre conduite, doit être voir.- premier devoir.
« Je vous ai déjà manifesté plusieurs fois les sentiments de Sa Majesté à cet égard; mais d'après ce qui lui est revenu de l'opi lion qu'on cherchait à établir dans les pays étrangers sur ce qui se passe en France, elle m'a ordonné de vous charger de notifier le contenu de cette lettre à la cour où vous êtes; et pour lui donner plus de publicité, Sa Majesté vient d'en ordonner l'impre.-sion.
« Pans, ce
« Signé : montmokin. »
(Cette lettre est fréquemment interrompue par les plus vifs applaudissements et parles acclamations répétées ae: Vive le roi')
Dans la circonstance importante, grave, solennelle, où nous nous trouvons en ce moment, lorsqu'un mouvement produit par l'esprit public a peut-être donné à quelques hommes, en leur faisant espérer l'affaiblissement de la force publique, l'idée de faire rétrograder la Révolution et de ramener plus ou moins l'ancien ordre de choses, lorsque d'autres au contraire, livrés à une exaltation dangereuse, ont pu entrevoir la possibilité de changer la direction des esprits et d'altérer la forme du gouvernement déterminée par les décrets de l'Assemblée nationale; dans une pareille situation, la lettre du roi n'est pas seulement un témoignage de son attachement à la Constitution, elle est encore un moyen puissant de favoriser l'achèvement de la Constitution, de tout maintenir dans la ligne que vos décrets ont tracée. (Applaudissements.)
Elle est un moyen d'assurer notre bonheur et notre liberté en les fondant sur un gouvernement solide et stable (Applaudissements); et comme je pense que l'Assemblée nationale regardera cette démarche du roi comme essentiellement importante, elle voudra consacrer cette déclaration de ses sentiments, non seulement aux yeux de la nation, mais de l'Europe, de l'univers entier, de la manière la plus solennelle.
Je propose donc qu'il soit envoyé au roi une députation pour lui porter l'expression des sentiments qu'a éprouvés l'Assemblée nationale en entendant la lecture de sa lettre. (Applaudissements prolongés à gauche et dans les tribunes.)
En appuyant la motion du préopinant, je crois qu'il convient d'abord qu'au lieu d'une députation, toute l'Assemblée se rende en corps chez le roi.
Voix diverses : Oui! oui! Non! non!
J'ajoute que l'Assemblée nationale doit décréter l'envoi de cette lettre aux 83 départements, avec recommandation de la faire lire au prône, de se faire assurer de l'exécution du décret, et d'en certifier l'Assemblée nationale.
Ce jour mémorable ne sortira jamais de notre mémoire. Je demande que M. le Président se retire devers le roi, pour savoir de Sa Majesté le jour et l'heure auxquels il lui plaira de recevoir l'hommage de l'Assemblée.
Plusieurs membres : Tout de suite.
En adoptant la motion de M. de Lameth, je n'adopte point l'extension qui y a été donnée par les préopinants. C'est une députation que vous devez envoyer vers le roi. L'Assemblée, composée des représentants de la nation, doit manifester au roi toute l'effusion du sentiment qu'elle éprouve en ce moment; mais elle se doit au peuple, elle se doit au roi, ensuite elle doit savoir ce qu'elle doit à cette même nation, et ne pas bouger. (Applaudissements.)
Elle remplira donc le double devoir qui lui est impérieusement commandé, celui que lui dicte son cœur et celui que lui impose la fonction dont elle est revêtue.
Je crois et j'en demande pardon à M. le Président, je crois que dans ce moment-ci il est de notre devoir, pour la première fois, de prescrire a M; le Président qui doit essentiellement être à la tête de la députation, de lui prescrire, dis-je, ce qu'il doit dire au roi en votre nom.
Le roi vient de nous dire qu'il ne pouvait avoir de bonheur que celui de voir son peuple heureux. Eh bien! dites donc au roi que vous venez lui garantir son bonheur parce que vous venez lui garantir celui du peuple, parce que vous venez l'assurer que si l'Assemblée nationale n'est pas entière auprès de lui, c'est que ce qui en reste est entièrement livré à donner à la loi toute la force possible pour que ce même peuple, ne connaissant désormais que la loi, soumis enfin entièrement à la loi, sache quel est l'hommage qu'il convient de lui rendre. (Applaudissements.)
Je vous propose de rendre au roi un autre hommage, qui soit tout à la fois plus noble et plus digne de l'Assemblée nationale et de la circonstance dans laquelle elle se trouve placée ; je trouve dans la lettre du roi même le caractère que doit prendre l'hommage que nous avons à lui rendre. Le roi reconnaît la souveraineté de la nation, il reconnaît la dignité de ses représentants ; il n'y a pas un mot de la lettre qui vous a été lue qui ne soit puisé dans ce principe et dans ce sentiment. Le roi verrait donc avec douleur que l'Assemblée nationale, se déplaçant tout entière, montrât qu'elle a oublié sa dignité. (Murmures prolongés.)
D'un autre côté je ne m'éloignerai pas de la motion de M. de Lameth. Je me bornerai seulement à y faire une modification qui la rende digne de l'Assemblée et du roi. M. de Lameth propose de remercier le roi des sentiments patriotiques qu'il manifeste dans sa lettre ; et moi, je crois que cela ne suffit pas. Ce n'est pas dans ce moment-ci seulement que l'Assemblée nationale doit croire au patriotisme du roi : elle doit croire que dès le commencement de la Révolution, comme le roi l'a dit dans sa lettre, il a été in-yiolablement attaché aux principes ch la Révolution et de la liberté, et qu'il ne veut point avoir d'autre bonheur que celui du peuple. Il ne faut point le remercier, mais le féliciter d'avoir toujours eu des sentiments si patriotiques, si dignes d'elle et de la nation française. (Murmures.)
Je demande en conséquence qu'il soit envoyé une députation au roi pour le féliciter du parfait accord de ses sentiments avec ceux de la nation française. Cette dernière idée me paraît la plus conforme à la dignité de l'Assemblée nationale, et à la circonstance qui détermine la démarche qu'elle va faire.
Je n'ai point proposé de remercier le roi, mais de lui exprimer les sentiments de l'Assemblée; On y ajoute la demande de l'impression et de l'envoi de la lettre aux départements. J'adopte également cette proposition.
Plusieurs membres : Aux voix la motion de M. de Lameth.
(L'Assemblée décrète au milieu des applaudissements de toutes les
tribunes qu'une députation de soixante membres se retirera à neuf heures
par-devers le roi pour lui porter l'expression des sentiments de
l'Assemblée, et que la lettre de M. de Montmorin sera imprimée, insérée
dans le procès-verbal, et envoyée à tous les départements
La plus grande partie du côté droit ne prend pas part à la délibération.
Je demande que ceux qui n'ont pas pris part à la délibération ne puissent pas être de la députation.
Je pense qu'il serait très à propos de faire adresser par le ministre de la guerre, à chaque régiment de l'armée, la même lettre que vous faites envoyer aux départements.
Je demande la même chose pour le ministre de la marine.
L'amendement que je propose à cette motion est fondé sur le reproche qui a été fait quelquefois que l'on ue communiquait pas aux soldats ce qui était envoyé aux chefs. Je demande qu'il soit décrété qu'il en sera fait lecture à la tête de chaque corps.
Il est inconstitutionnel de faire de l'armée un corps séparé; ce n'est point un corps délibérant. Elle connaîtra la lettre du roi comme tous les autres citoyens.
J'appuie la motion de M. d'Aremberg : l'intention du roi est bien manifeste ; il ne peut y avoir que d'exécrables citoyens qui puissent aujourd'hui douter que la Constitution française fera le bonheur du roi et celui du peuple. Messieurs, l'exemple du régiment de Beauvoisis est malheureusement trop fâcheux, et peut avoir une grande influence sur l'opinion d'un grand nombre d'officiers qui n'ont pas cru jusqu'à présent manquer à leur conscience et manquer à leur roi, en résistant aux vrais principes de la Constitution française.
Je demande donc que le ministre, non seulement fasse passer à l'armée la lettre du roi, telle qu'elle doit être envoyée dans toutes les cours étrangères ; mais elle doit encore être plus authentiqueraient manifestée àtousles corps quelconques* de la France, particulièrementaux corps armés qui feront cesser à l'instant toutes les inquiétudes du peuple, et ramèneront la paix au cœur du roi. (Applaudissements.) Je demande que tous les officiers et tous les soldats de l'armée témoignent leur adhésion complète à la Constitution, et envoient leur acte d'adhésiun. (Murmures.)
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que la lettre de M. de Montmorin sera envoyée à tous les corps d'armée de terre et de mer pour être lue à la tête de chaque corps.)
Un membre : Messieurs, voici ma proposition. C'est de faire comprendre les colonies dans le décret que vous voulez rendre.
(Cette motion est décrétée.)
En conséquence, le décret suivant est rendu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu la lecture de la lettre par laquelle le roi ordonne aux ambassadeurs dans les cours étrangères, de notifier aux puissances, près desquelles ils résident, la Constitution décrétée par les représentants de la nation française et acceptée par lui, et dans laquelle lettre le roi rappelle les sentiments qu'il n'a jamais cessé de manifester pour la Constitution qu'il a solennellement juré de maintenir, a arrêté :
« l°Qu'il serait nommé une députation pour porter au roi l'expression des sentiments de l'Assemblée ;
« 2°Que cette lettre serait insérée dans le procès-verbal, qu'elle serait imprimée et envoyée dans tous les départements du royaume ;
« 3° Que la lecture en serait faite par les curés dans toutes les églises paroissiales, à l'issue de la messe du prône;
« 4°Elle charge le ministre de la guerre de l'en* voyer à tous les corps d'armée de terre et de mer, ainsi qu'aux colonies, pour être lue et publiée à la tête de chaque corps. »
Un de MM. les secrétaires : Voici les noms des membres de l'Assemblée composant la députation qui doit se rendre auprès du roi ;
Ce sont MM.
De Rroglie.
Defrance.
Saint-Martin.
Pison du Galland.
Menou.
Mougins-Roquefort, curé de
Grasse.
D'Ambezieux.
Rlancart.
Espic.
Viellard de Saint-Ld.
Saintes.
Rarnave.
Alexandre Lameth.
Goupil.
La Saleette.
Girod de Pouzol.
Roissy.
Dumetz.
Long.
Pérès.
Dubois-Maurin.
Malouet.
Folleville.
Montlauzier.
Delavigne.
D'Elbecq.
L'abbé d'Abbecourt.
Schmit.
Le Poutre.
Populus.
Rureaux de Puzy.
Moreau, de Touçs.
L'abbé de Rruges.
Chouvet, curé.
Salicetti.
Raudreuil.
Renoist.
La Roquette.
Lapoule.
Meynier.
Liancourt,
Rouche fils.
Ménager.
Audier-Massillon.
Daude.
Chapelier.
Rabaut.
Chambon.
Jac.
Hell.
Rewbell.
Desandrouin.
Pellerin-la-Russière.
Livré
Robert.
Goupilleau.
Prieur.
De Villas.
L'abbé de Ronnefoy.
Durand, du Lyonnais.
Girord, médecin.
Dubois-Crancé.
Delley d'Agier, Monneron.
Mougins-Roquefort.
Duquesnoy.
Chateau-Regnaud.
Duplaquet.
Président, quitte le fauteuil pour accompagner la députation.
ex-président, le remplace.
(La députation quitte la salle des séances.)
L'ordre du jour est un rapport des comités féodal, des domaines et d'agriculture et de commerce, sur le cours des fleuves et rivières, les îles et alluvions, et la pêche.
au nom des comités féodal, des domaines d'agriculture et de commerce (l). Messieurs tous les anciens peuples avaient respecté la liberté de l'air et des eaux ; aucun n'avait imaginé que ce qui est nécessaire à tous pût devenir la propriété d'un seul.
11 était réservé à la féodalité de briser ce premier lien des communions
sociales : est-il éton-
On sait qu'en usurpant la puissance, publique, les grands vassaux s'emparèrent des fleuves navigables : le glaive de la justice uont ils étaient armés autorisa cette entreprise dont les suites ne sont que trop connues.
Les usurpateurs ne se contentèrent pas de s'approprier exclusivement la pêche des fleuves, ils vendirent au commerce la faculté d'employer le cours des eaux, au transport de ses effets; ils privèrent l'agriculture des avantages de l'irrigation; le lit desfleuves, les îles qu'ils renferment, les atterrissements, lesalluvions, les marais formés sur leurs bords, la glèbe même couverte par les inondations devinrent leur domaine; ils rançonnèrent les malheureux cultivateurs dépouillés par les eaux, pour leur laisser reprendre leur ancienne propriété, ou pour leur permettre de dessécher les marais qui portaient la peste dans leurs habitations et la stérilité dans leurs champs.
A l'exemple des grands vassaux, les seigneurs particuliers, comptant les petites rivières au nombre de leurs possessions, en disposèrent comme de la glèbe. Quel fut leur titre? Celui de leurs maîtres; ils tenaient d'eux le droit d'exercer héréditairement la justice et l'administration, ils en usèrent comme eux : aussi vit-on bientôt l'agriculture désolée, ramenant ses troupeaux des prairies frappées de stérilité, ou détournant ses charrues des marais qui ne tardèrent pas à couvrir les plus fertiles guérets : le ciel même n'eut plus le droit de dispenser librement ses douces influences, il fut défendu d'employer gratuitement le secours des eaux pluviales; tout fut taxé jusqu'à l'air dont l'industrie humaine n'obtint la faculté de diriger le mouvement qu'en s'assujet-tissant à d'odieuses redevances.
Une longue série d'événements apporta quelques changements à cette inconcevable barbarie, mais sans en adoucir les sinistres effets. Les grands fiefs furent successivement réunis dans la main du chef de la nation; mais la liberté publique ne gagna rien à cet échange, les mêmes droits ont continué d'exister sous le nom de do-manialité, et leur exploitation, loin de prendre un caractère plus doux était devenue plus rigoureuse encore dans la main de la finance. Quant aux droits attachés aux seigneuries particulières, ils se sont maintenus jusqu'à cette grande époque où la France, sortant tout à coup d'un sommeil de 10 siècli s, a brisé en s'éveillant les fers dont elle avait, été garrottée pendant sa longue léthargie.
Tel est, Messieurs, l'état où se trouvait cette grande partie de l'ordre public ;jU moment de la Révolution. Sans doute il était juste de rendre aux éléments la liberté que vous veniez de reprendre pour vous-mêmes. Vous nous avez confié la mission houorabie, mais difficile, de trier dans les décombres de la féodalité les propriétés qui devaient être respectées. La nécessité de purger les fleuves et les rivières des déidais de l'édifice monstrueux que vous veniez d'abattre, entrait nécessairement dan- le plan de ce grand travail. Nous avons employé tous nos efforts pour répondre à votre confiance; mais, nous osons le dire, cette portion de notre tâche n'a pas été la moins laborieuse.
En jetant un premier coup d'oeil sur la matière imposante des fleuves et des rivières, nous avons vu que partout lu propriété exclusive et privée avait pris la place de la communion générale prescrite par l'ordre immuable de la nature. Je viens de dire que les grands vassaux, confondant le cours des eaux avec la glèbe, et l'administration avec la propriété, en avaient disposé aux mêmes titres. J'ai ajouté qu'après eux les administrateurs du domaine royal n'avaient été ni moins avides, ni plus sages. Notre travail ne nous a offert que trop de preuves de ces tristes vérités.
Ce n'était pas assez d'établir, à titre d'impôt, des droits de bac, de pontonage, de halage, de long et travers,de traite dessus et dessous; d'inventer une foule de dénominations aussi barbares que funestes; d'obstruer la navigation par des constructions d'usines, pard^s barrages, par tous les genres possibles de servitudes et d'exactions; d'interdire l'irrigation des prairies; de s'opposer aux premiers besoins de l'humanité; de s'arroger le droit inconcevable d'inonder les cultures et les habitations, il fallait encore transmettre cette odieuse prérogative, et en infecter le commerce des propriétés.
Les seigneurs justiciers avaient en effet transféré ce privilège barbare par tous les moyens que les lois autorisaient alors; concessions à titre de fiefs,baux à cens, baux à rentes foncières, ventes pures et simples, dons, échanges, engagements, toutes les transitions en un mot qui, depuis l'origine des sociétés, font circuler les propriétés entre les citoyens, ont été employées par la tyrannie féodale pour consolider son usurpation; elle en avait même imaginé de nouvelles pour la propager plus rapidement.
Fallait-il anéantir d'un seul mot tant de contrats solennels? Fallait-il, en abrogeant la création d'une propriété tyrannique, priver des effets d'une longue possession ou d'un contrat alors autorisé, une foule immense de citoyens dont la fortune entière repose sur la confiance que l'institution féodale avait usurpée?
Cette première considération n'a point échappé à vos trois comités; mais se ralliant aux principes constitutionnels que vous avez posés, Messieurs, la solution de ce problème intéressant a cessé de leur paraître embarrassante.
En supprimant le régime féodal, vous ayez, dans cette antique institution, sagement distingué deux parties dont elle avait été composée : la première était l'aliénation delà puissance publique, conférée par nos rois à leurs feudataires, et devenue héréditaire dans leurs mains; la seconde était la propriété de la glèbe concédée au fonctionnaire public pour prix des services que le prince se promettait de son zèle et de sa fidélité. L'autorité nationale était inaliénable, puisqu'elle ne peut être la propriété exclusive d'aucun individu quel qu'il soit; vous l'avez révoquée, parce que la possession de la puissance publique ne peut être héréditaire, eût-elle été acquise à prix d'argent ; mais vous avez laissé aux ci-de-vant seigneurs la jouissance des biens dont le droit public autorise la possession privée, parce que leur antique aliénation n'avait pas blessé les principes de l'ordre social.
Ainsi, Messieurs, vous avez heureusement concilié le droit sacré de la propriété civile avec un autre droit non moins sacré, non moins inviolable, celui de la propriété nationale.
Ce principe est le flambeau qui nous a guidés. Dans la matière soumise à
notre examen, nous avons aussi distingué ce que les seigneurs justiciers
ne possédaient qu'à titre d'administration et de supériorité, de ce qui
pouvait être l'objet d'une propriété civile et individuelle. Nous avons
pensé que ce qui était nécessaire aux
Nous vous proposerons donc, dans l'ordre de notre travail, ae rendre à la nation ce que réclament pour elle les droits de la nature et la constitution d'un peuple libre ; mais nous vous proposerons aussi de ne pas dépouiller les ci-devant seigneurs de ce qui peut être l'objet d'une jouissance personnelle et isolée : si le principe de leur propriété n'a pas été toujours pur, une possession de plusieurs siècles a purifié le vice de son origine.
Les jurisconsultes avaient divisé la matière des eaux en deux branches principales : les fleuves navigables et les petites rivières. Nous n'avons pas cru devoir nous assujettir à cet ordre, prescrit plutôt par les règles que la féodalité avait introduites, que parla marche naturelle desidés.
Nous avons suivi le cours des eaux depuis leur source jusqu'à leur réunion à la masse de leur élément. Nous avons considéré leur destination naturelle, et l'usage que l'industrie humaine en a fait. Nous avous consulté les droits des hommes et des animaux, les besoins de l'agriculture, le service du commerce, les secours dûs aux arts, et nous avons eu soin de concilier tous ces grauds intérêts avec un intérêt plus grand, [dus impérieux, celui de la liberté.
En parcourant la surface des rivières, nous ne pouvions manquer de nous occuper des terres qu'elles entourent, de celles qu'elles détachent des rivages, de celles qu'elles reproduisent, de leurs incursions sur le continent da sol qu'elles occupent et qu'elles abandonnent tour à tour; en un mot, de celte importante partie de notre légis-laiion relative aux îles, aux aiterrissements, aux alluvions, aux mortes, aux relaissées, aux marais des fleuves. C'est là surtout que nous avons trouvé l'empire de la domanialité établi d'après les maximes de la fiscalité la plus odieuse. Nous aurons l'honneur de vous proposer à cet égard des règles plus conformes aux principes que vous avez consacrés.
La pêche a été le dernier objet de notre examen. Nous ne nous sommes pas contentés d'examiner ce point intéressant d'après les principes de la liberté naturelle, nons avous cru devoir étudier aussi le meilleur usage que l'on peut faire de ce genre ue bien. A la discussion de droit public, | oui se présentait en premier ordre, nous avons fait succéder l'examen de quelques questions agricoles et économiques dont nous avons pensé que le résultat devait vous être offert.
Notre travail a donc été divisé en trois parties, qui chacune forment un titre séparé dans le projet de décret que nous avons l'honneur de vous apporter ; le cours des fleuves et des rivières occupe le premier; le second a pour objet les iies, alluvions, aiterrissements, mortes et relaissées; la pêche forme la matière du dernier.
Je vais, Messieurs, vous présenter sommairement les raisons principales qui, sur chacun de ces objets, ont déterminé nos résolutions.
Du cours des fleuves et rivières.
Puisque le cours des fleuves et des rivières est indispeusablemeut nécessaire à tous les hommes, il e>t de la plus haute évidence que les fleuves et les rivières ne peuvent être la propriété exclusive de personne. Nous avons cru devoir consacrer cette première maxime par une déclaration solennelle. Le développement de ce priucipe devait assurer toutes les conséquences qui servent de base aux règles que nous allons vous proposer.
Vous concevez, Messieurs, que ces conséquen-ce* ue peuvent s'appliquer également et avec la même précision à tous les cours d'eaux, aux petites rivières comme aux grands fleuves; elles doivent donc se modifier sur les différents usages auxquels la nature elle-même paraît avoir destiné les eaux qu'elle a répandues sur la surface du globe.
Cette considération ne pouvait échapper à vos comités : vous trouverez dans la série de nos pro-positious, les distinctions qu'elle devait produire. Je commence par suivre les réflexions relatives au service des fleuves navigables.
De ce que le cours des fleuves appartient en commun à tous les citoyens d'un même empire, il suit nécessairement que la nation seule a le droit d'en régler le service et l'usage.
Il est donc évident aussi que personne ne peut ni s'approprier les eaux des fleuves, soit en les obstruant par des constructions, soit en les énervant par des dérivations et des barrages, soit en les occupant par des usines ou d'autres édifices.
Il est d'une égale évidence que, la navigatioa étant l'objet le plus naturel du service des fleuves, le législateur doit proscrire avec soin tout ce qui peut gêner cette grande et importante destination.
Enfin, puisque la police des fleuves appartient à la nation et ne peut appartenir qu'à elle, il est incontestable qu'à la nation seule appartient aussi le droit d'en taxer le service et l'usage, si ce genre de contribution lui paraît compatible avec l'intérêt du commerce et la liberté des citoyens.
Le désir d'assurer au cours des fleuves la plus grande activité, persuade à plusieurs citoyens que l'établissement des forges, des moulius, de toutes les usines sans exception, en doit être sévèrement écarté. En effet, disent-ils, si rien n'est plus nuisible à la navigation que la présence de ces divers obstacles, rien aussi n'est plus dangereux pour les propriétés riveraines. En accélérant le mouvement d'une grande masse d'eau, le propriétaire de l'usine a bientôt détruit le fonds contre lequel ce mouvement est dirigé. D'un autre côté, la partie du fleuve que les vaunes de l'usine tiennent en stagnation, se charge de dépôts qui en peu d'années opèrent des changements fuuestes à la navigation; rendez aux cours d'eaux leur liberté naturelle, et vous évitez ces deux inconvénients.
Vos comités n'ont pu se dissimuler la vérité de cette observation que les
lois romaines avaient érigée en principe. Mais ils ont pensé que
l'intérêt du commerce et surtout celui des subsistances locales,
pouvaient s'opposer à la proscription absolue que l'on vous demaude. Ils
vous proposent donc de ne tolérer ces constructions dangereuses que dans
les cas d'une nécessité bien demontrée, de réserver au Corps législatif
le droit de prononcer sur cette nécessité, et de près-
En vous déterminant sur cet article, vous préjugerez, Messieurs, le sort des usines actuellement existantes. Si vous vous décidez à nejjper-mettre à l'avenir cette espèce de construction que sur les motifs d'une indispensable nécessité, vous ne laisserez pas subsister les usines qui, dénuées de cet appui, réuniraient le double inconvénient de détruire les propriétés rive-raines* et de gêner le service de la navigation; vos comités vous proposeront les règles qui leur ont paru propres à corriger l'un et l'autre abus.
Mais vous ne poserez point ces règles sans vous décider sur une question assez importante, celle de savoir si les propriétaires des usines supprimées recevront quelque indemnité. La décision de cette question nous a paru dépendre de deux points, l'un de droit et l'autre de fait ; la nature de la propriété transmise au possesseur de l'usine, le caractère de son titre.
Le cours des fleuves étant indispensablement nécessaire au service de la société, toute aliénation contraire à cet important objet est essentiellement abusive et nulle : voilà le principe; le concessionnaire, quel qu'il soit, n'a pu le méconnaître, ni par conséquent acquérir légitimement ce qu'il ne pouvait posséder.
Le titre primitif de l'aliénation des fleuves ne pouvait être, et n'a jamais été qu'un simple droit de police et d'administration. Que le propriétaire féodal ait lui-même construit des usines sur les fleuves, dont il devait maintenir la liberté ; ou qu'il ait aliéné le droit d'eu établir, il a, dans l'un et l'autre cas, abusé de son titre ; car ce qu'il ne pouvait faire lui-même sans abus n'a pu, sans abus, être fait en son nom.
De là, la conséquence nécessaire que la nation ne doit aucune indemnité, ni au seigneur féodal, ni à son représentant.
A plus forte raison celui qui aurait usurpé le cours d'un fleuve à titre de simple possession allodiale, n'a-t-il rien à prétendre; on ne prescrit pas ce qui ne peut être l'objet d'une propriété exclusive.
Mais l'ancien gouvernement peut avoir fait de semblables concessions, soità titre d'engagement, soit à titre d'échange; dépouillerions-nous, sans indemnité^ ces derniers concessionnaires, d'un droit acquis, à titre onéreux, du chef de la nation, stipulant en son nom et pour elle ? Vos comités ont pensé que les règles de la justice distribu-tive, auxquelles vous vous êtes scrupuleusement asservis, ne Je permettraient pas. Ils vous proposeront de soumettre cette dernière espèce d'aliénation aux principes que vous avez déjà déterminés sur l'aliénation des domaines.
Après avoir nettoyé les cours des fleuves des encombres de la féodalité, il était nécessaire de pourvoir à leur conservation. Vos comités se sont occupés de ce soin : les règles qu'ils vous proposent, relativement à cette police intéressante, ne devaient être, et ne sont en effet, que les conséquences du principe général.
Il est d'abord de toute évidence que le maintien des propriétés communes est un devoir commun à tous les membres de la société; il n'est pas moins évident que le cours des fleuves, étant destiné à l'usage de tous, tous doivent contribuer à leur perfection comme à leur défense.
Ainsi la dépense nécessaire à l'entretien de la navigation, celle qu'exige la construction des ponts, des bacs, de tous les moyens de communication générale; celle des digues et des chaussées qui n'ont d'autre objet que celui de contenir les eaux dans le canal navigable sont incontestablement une charge de l'Etat. '
Mais les communications bornées au service d'un canton particulier, d'une ville, d'une communauté d'habitants, souvent même d'un simple particulier; les digues opposées à l'exubérance naturelle des eaux, dans un territoire particulier-les dépenses purement locales, qui n'ont aucun rapport au service commun de la société, mais dont l'objet se borne à l'utilité privée de quelques individus, doivent-elles être supportées par la nation? Vos comités ne l'ont pas cru.
Ici, Messieurs, s'offrirait une ample matière à votre discussion, si vous n'aviez déjà prononcé sur l'un des objets les plus embarrassants de notre travail : je veux dire les droits de bacs, de pontonage, de péage, et tous les impôts établis par les anciens usurpateurs des fleuves. Notre mission à cet égard s'est bornée à consacrer de nouveau le principe déterminé par votre décret du 24 mars dernier, et ce principe n'est lui-même qu'une conséquence de la maxime générale. B
En effet, puisque le cours des fleuves appartient en commun à la nation entière, c'est à la nation seule qu'appartient le droit d'imposer la navigation des fleuves.
La nation seule peut donc autoriser les taxes imposées sur le passage des bateaux, sur les bacs sur les ponts ; et c'est en son nom seul que ces taxes peuvent être perçues.
A la nation seule aussi appartient le droit de permettre les taxes que les municipalités ou même de simples particuliers perçoivent sur les communications établies à leurs dépens.
Cet ordre, que vous avez vous-mêmes consacré, confirme la pureté du principe, et remplace l'usurpation tyrannique du système féodal, par 1 autorité, sainte de la loi.
Un objet particulier, qui paraît, au premier coup-d œil, contrarier les droits de la liberté individuelle, mais qui n'est que l'accessoire de la communion des fleuves, nous a paru mériter une attention sérieuse : c'est le passage forcé sur les fonds voisins des rivières navigables.
Peut-être serait-il difficile, en thèse générale," d assujettir le propriétaire riverain d'un fleuve a supporter ce passage sans indemnité; car, dans l'ordre primitif des institutions, la propriété de a glèbe a nécessairement précédé l'exercice de la navigation. Mais vos comités ont pensé que cette considération devait céder aux circonstances des faits, et à l'ordre actuel des proprié-tés*
. 1? Il n'est aucun propriétaire qui ne soit assujetti a cette servitude, et qui n'ait acquis sous cette condition ;
2° C'est une charge imposée au sol riverain par le besoin de la société entière.
3° Presque toujours l'incommodité qui résulte du voisinage d'un fleuve est compensée par le bénéfice qu'il procure.
C'est d'après ces observations que vos comités ont prépare les règles concernant les marches des fleuves.
Ayant de passer aux cours des rivières non navigables, nous devons,
Messieurs, vous proposer une question qui nous a paru mériter une
attention particulière. Plusieurs rivières, trop îaibles pour servir à
la navigation, ont reçu cet avantage au moyen des constructions élevées
dans leur sem. L'art du génie est venu, pour elles, au secours de la
nature, et combinant avec
Vos comités n'ont pas pensé que cette question dût élever le moindre doute sur l'application générale du principe. Ce n'est pas seulement dans les rivières non navigables que le génie est venu au secours du commerce; le cours des fleuves les plus grands a souvent été perfectionné par l'art ; presque partout le commerce rencontre des écluses, des perthuis, des portes marinières que l'on prétend avoir été construits pour son utilité, et qui souvent n'ont été qu'un prétexte pour le vexer. Mais quoi qu'il en soit, puisqu'il est certain que le cours des rivières ne peut être la propriété d'un simple individu, la construction de pareils ouvrages ne sera jamais une raison suffisante de déroger à ce grand principe. Sans doute la nation ne profitera pas de la dépense faite par un citoyen sans le dédommager ; elle payera la valeur des ouvrages utiles en reprenant ses droits.
Passant à l'examen des cours d'eaux ordinaires, vos comités ont compris, sous le nom de rivières non navigables, toutes celles qui, trop faibles pour servir le commerce par la voie des transports, sont assez considérables pour communiquer aux usines la puissance qui les met en activité. Les cours d'eaux qui, quoique pérennes, ne peuvent servir à ce dernier usage, ne sont que de simples ruisseaux, et doivent former une classe particulière, puisque toutes les règles qui conviennent aux rivières ordinaires ne peuvent leur être également appliquées. Cette distinction nous a paru nécessaire pour ne pas confondre, dans le langage de la loi, trois sortes de cours d'eau , qui, dans plusieurs idiomes, n'ont pas reçu des limites bien déterminées.
Si les fleuves ont le précieux avantage de lier entre elles les diverses parties d'un grand empire, l'utilité des simples rivières est d'un bien plus grand prix. Indispensablement nécessaires à la vie des hommes et des animaux, elles entretiennent la salubrité de l'air; elles portent la fécondité dans les territoires qu'elles arrosent; elles suppléent, parleurs masses accumulées, à la faiblesse des forces humaines : l'existence de tout ce qui respire, celle de l'agriculture et la prospérité des arts sont soumises à leur empire.
Ainsi, nécessaires aux besoins de tous, les rivières, non plus que les fleuves, ne peuvent être la propriété d'un seul. Envahies par les seigneurs justiciers au même titre et de la même manière que les fleuves navigables, comme eux elles doivent rentrer dans la main de la nation; elles ne peuvent pas même appartenir à une communauté d'habitants, puisqu'elles formeraient alors une propriété particulière et spéciale. Or, toute possession exclusive est incompatible avec les vues que la nature s'est proposées en établissant l'union des sociétés sur la communion des éléments.
Après avoir satisfait aux besoins des hommes et des animaux, la destination la plus naturelle des rivières est l'irrigation du sol qu'elles parcourent. L'agriculture est le premier des arts qui ait emprunté leur secours ; elle est aussi de tous les arts celui qui fait des eaux l'usage le plus nécessaire et le plus riche.
Le droit de l'industrie mécanique ne s'est établi sur les eaux que longtemps après celui de l'agriculture. Quelque précieuses que soient les productions du manufacturier, elles le sont moins sans doute que celles du cultivateur : ainsi, dans l'ordre du temps comme dans l'ordre de l'économie sociale, l'intérêt de l'industrie ne doit être consulté qu'après celui de l'agriculture.
Ajoutons que le plus nécessaire des arts a toujours été le plus juste. L'agriculteur emploie le secours des eaux sans nuire à personne; il se contente de les conduire un moment sur son champ, et les rend ensuite à la pente qui les porte à son voisin. Le mécanicien, au contraire, les enchaîne dans leur course ; il ne se croit sûr du succès de son travail qu'en les accumulant devant ses machines; il submerge sans pitié, presque toujours sans intérêt, les champs et les maisons qui l'avoisinent; il couvre tout son canton de marais infects; il est, en un mot, l'ennemi mortel des hommes et le fléau de l'agriculture.
Que les partisans du régime féodal cessent de vanter les services que les ci-devant seigneurs ont rendus à l'humanité en établissant des moulins à blé, des foulons, des forges et d'autres usines. Tout cela eût été fait, tout cela se fera mieux qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, sans frapper nos champs de stérilité, et sans infecter nos habitations. Les moulins à bras et les pompes à feu, protégés par l'abolition des banalités, remplaceront bien avantageusement les usines que la justice et la liberté pourront détruire.
Ne croyez pourtant pas, Messieurs, qu'en réglant les eaux d'après leur destination primitive, vos comités aient négligé l'intérêt des arts et celui du commerce; nous avons eu soin de concilier cet intérêt avec la conservation de la vie humaine et le service de l'agriculture. Les décrets que nous vous proposons nous ont paru remplir cet important objet.
Il était facile, sans doute, de prévoir les conditions auxquelles il sera permis à l'avenir de construire des forges, des moulins, des usines de tout genre. Cette partie de notre travail n'exigeait qu'une connaissance exacte des inconvénients qu'il est nécessaire de prévenir; mais il fallait encore pourvoir au sort des usines existantes, sans laisser subsister les divers abus dont leur existence est accompagnée. Ici nous avons senti la nécessité de concilier encore, avec les principes de la liberté sociale, les règles de la justice distributive, et les considérations d'utilité générale; nous nous sommes donc efforcés de remplir ce devoir.
Nous n'avons pas douté que les usines qui ne nuisent ni à l'intérêt public ni à l'intérêt des particuliers, ne dussent être conservées, par la raison seule, qu'elles existent sans être nuisibles ; la même raison nous a fait penser que celles qui peuvent subsister en cessant de nuire, devaient subir les modifications que nous aurons l'honneur de vous proposer. Quant à celles qui ne peuvent exister sans être nuisibles, nous n'avons pas cru qu'il fût possible de les conserver.
En rendant à la nation la communion des cours d'eau, en accordant à tous
les citoyens le droit d'en user conformément aux règles que vous allez
prescrire, laisserez-vous subsister ces cens, ces servitudes nombreuses
imposées aux malheureux habitants des campagnes, soit pour leur
permettre d'arroser leurs héritages, soit pour souffrir qu'ils appellent
les eaux au secours de
Mais ils ont prévu le cas où Ja redevance affectée sur une usine a été tout à la fois le prix illégal d'une chose qui ne pouvait appartenir au vendeur, et le prix légitime d'une concession de bâtiments ou de toute autre propriété. Cette circonstance leur a paru mériter une disposition qui, conservant la propriété légitime du ci-devant s. igneur, écartât l'impôt injuste qui s'y trouverait réuni.
Enfin, notre mission n'eût pas été totalement remplie si nous nous fussions contentés de bannir la féodalité du cours des fleuves et du cours des rivières; elle avait usurpé les eaux des ruisseaux et les eaux pluviales, elle avait infecté l'air même; nous l'avons poursuivie jusque dans ce dernier élément, nous avons levé cet anathème abominable que la féodalité avait lancé contre le genre humain, et qu'un peuple célèbre n'employait qu'à regret contre les plus grands crimes. Nous avons assuré à tous les hommes le libre usage de l'air, des eaux et de tous les présents de la nature.
Du lit des fleuves, des îles, atterrissements et alluvions.
Si les eaux des fleuves ne peuvent être la propriété exclusive d'un individu, parce qu'elles sout nécessaires aux besoins de tous, le lit qui les contient ne pouvant être séparé d'elles, ni se prêter à l'usage exclusif de personne, est, ainsi qu'elles, la propriété de tous.
Mais si ce lit se trouve abandonné toutàcouçpar ses eaux, s'il se forme dans son sein des atternsse-ments, si, s'ouvrant une nouvelle route à travers les terres riveraines, il renferme dans ses contours quelques portions de l'ancien continent, s'il se jette sur l'uue de ses rives et s'éloigne brusquement de la rive opposée; à qui les îles, les atterris8ements, les accrues, l'ancien lit même, le rivage délaissé, les mortes et les marais produits par ces vicissitudes diverses, doivent-ils appartenir?
Cette question a dû faire une partie importante du travail de vos comités. En consultant à cet égard l'usage des anciens peuples, nous n'avons pu méconnaître l'esprit d'équité que l'on admire dans la législation romaine. Les auteurs de cette législation, presque toujours judicieuse et sage lorsqu'elle règle les intérêts civils, avaient pensé que les îles, les atterrissements, l'abandon même ou lit des fleuves, ne pouvant s'opérer qu'aux dépens des lonus riverains, la nature et la justice les offraient en indemnité aux propriétaires exposés à l'invasion des fleuves. C'est d'après ce priucipe que le droit écrit dispose en effet des lies, des atterrissemeiits et des alluvions.
Mais la cupidité féodale s'était bien gardée d'adopter une police si raisonnable ; elle ne se contenta pas de s'approprier le sol que les fleuves abandonnent pour se former de nouveaux lits; elle s'empara des îles que l'impétuosité des eaux détache du continent; elle établit en sa laveur une prescription de dix années sur les terrains submergés; elle s'appropria les dépôts formés sur lesrivages, et les atiernssemeuts élevés dans le sein des fltuves. Ce droit, que l'on appela régalien, appartint aux grand* vassaux lorsqu'ils eurent envahi la puissance publique; il a depuis été réuni au domaine de nos rois. Ces principes, connus sous le nom de jurisprudence domaniale, ont désolé jusqu'à présent la majeure partie de nos provinces.
Quelques-unes, il est vrai, s'étaient opposées avic plus ou moins de succès à cette barbarie, certains cantons avaient même conservé jusqu'à présent l'heureuse prérogative de reprendre la portion de leurs héritages, envahie par les eaux, ou de s'indemniser de leurs pertes sur le terrain qu'elles abandonnent. Mais ces légères exceptions rendant d'autant plus nécessaire la justice que réclament tous les autres habitants de l'Empire; vos comités se sont donc efforcés de la leur procurer.
La première considération à laquelle nous nous sommes arrêtés est qu'il ne s'agit pas ici d'une chose qui ne puisse être possédée privativement. Il est clair qu'il s'agit au contraire d'une espèce de bien qui serait sans utilité s'il restait abandonné à la multitude. En effet la glèbe n'est productive qu'autant qu'elle est cultivée, et toute culture suppose un possesseur privé. Ce n'est donc pas à titre de simple administration que les propriétaires actuels jouissent des fonds abandonnés par ies eaux ou formés dans leur sein ; cette glèbe faisant partie de leur domaine réel, doit, pour le passé, demeurer assujettie auxrègles qui jusqu'à présent en ont fixé la propriété. Cette résolution est la conséquence nécessaire de la distinction que vous avez adoptée en supprimant le régime féodal.
Mais nous n'avons pas hésité à abandonner pour l'aveuir les maximes cruelles du despotisme fiscal. Voudriez-vous, Messieurs, faire entrer dans votre Trésor public le fruit desusurpations et des ravages commis par les fleuves sur la glèbe de vos concitoyens? Cette idée, si nous avions osé la concevoir, aurait outragé votre jus-lice.
Nous nous sommes donc déterminés à adopter, sur cette matière, non les dispositions, mais l'esprit de la loi romaine, et nous l'avons préférée, non parce qu'elle est l'ouvrage d'un peuple célèbre, mais parce qu'elle est le résultat des méditations profondes de grands jurisconsultes, dont la sagesse a été guidée par le flambeau de la liberté.
Nous avons distingué comme eux les différents accidents qui détruisent la glèbe ou qui la reproduisent; les irruptions soudaines et les dépôts successifs, les alluvions qui reculent le rivage, et les relaissées qui le rapprochent.
Nous avons prévu les cas où le cultivateur négligent abandonne son domaine aux eaux, et méprise celui qu'elles livrent à son activité. Nous avons eu soin de concilier, dans ce cas-là même, l'intérêt de la grande famille avec celui du citoyen privé.
Nous avons considéré particulièrement cette énorme quantité de marais que les lois fiscales livraient à une éternelle inertie. Nous vous proposons les moyens de les confier à l'industrie pour les rendre à l'agriculture.
Nous n'avons négligé ni l'intérêt de la nation, ni les droits des particuliers qui ne peuvent en être séparés, ni même le désir qui vous anime de mettre des obstacles invincibles à l'inquiétude des contestations judiciaires. Nos vues ont été les vôtres, Messieurs, vous les adopterez si nous avons été assez heureux pour les remplir.
De la pêche.
Nous n'avons pu appliquer à la pêche les principes qui conviennent à la
glèbe. Né dans le sein
Ce fut en effet parce que les seigneurs de fief6 se crurent propriétaires des fleuves et des rivières qu'ils s'arrogèrent le privilège exclusif de la pêche; ce fut au même titre et dans la même supposition qu'ils disposèrent de la faculté de pêcher dans les eaux de leurs territoires ; c'est à ce titre qu'ils confondent encore aujourd'hui la propriété ilu droit de pêche avec la propriété de leur glèbe. Leur prétehtion pourrait paraître juste si la cause qu'ils attribuent à leur jouissance exclusive n'était pas une erreur.
Quel droit l'institution féodale avait-elle accordé aux feudataires sur les cours d'eau? Celui de police et d'administration. Cette vérité, attestée par l'histoire, se trouve solennellement confirmée par nos lois les plus récentes qui, confondant la propriété des rivières avec la possession héréditaire de la haute justice, prouvent que cette prétendue propriété n'a jamais été qu'une prérogative attachée à l'exercice de la puissance publique. L'usurpation de la pêche a donc eu la même cause que tous les droits nés des prohibitions féodales et n'a jamais eu le caractère d'une véritable propriété.
Mais nous n'avons pas besoin de cette preuve pour assigner, à la pêche des rivières, le seul caractère qui lui convienne : celui de propriété nationale et commune. Car, s'il est indubitable que le cours des rivières est in dispensa blement nécessaire à la communion sociale, il est indubitable aussi que personne ne peut acquérir aucun droit exclusif dans une chose qui, par sa nature et sa destination, ne peut devenir la propriété de personne : ainsi, quand parmi les possesseurs actuels il s'en trouverait plusieurs à qui le droit de pêche aurait été transmis à prix d'argent, ils n'auraient acquis qu'un droit incessible, usurpé par la violence; ou tout au plus qu'un vain titre, qu'un privilège uni à l'exercice du pouvoir public, privilège qui ne peut survivre à la cause qui l'avait produit.
En un mot, quelle qu'ait été l'origine de la pêche exclusive, il est plus clair que la lumière que ce droit ne consiste que dans une simple prohibition, dans un ban intimé à la faiblesse par la force. Or à la nation seule appartient le droit de permettre ou de défendre, et la nation vient de révoquer tous les genres de banalités.
En purgeaot les rivières de cette dernière servitude, devez-vous accorder quelque indemnité aux propriétaires actuels de Ja pêche? Cette question s'est présentée à notre examen. Sans doute la pêche est un droit utile; mais tous les genres de banalitésseigneurialesétaient utiles; mais la possession héréditaire du glaive de la loi produisait des fruits considérables; mais les corvées personnelles, les tailles, les droits de feu et d'habitation, toute cette longue nomenclature de taxes, nées de l'usurpation du pouvoir public, donnaient des profits pécuniaires. Vous avez décidé, Messieurs, que leur suppression n'exigeait aucune indemnité, parce que leur existence était le salaire d'une fonction que vous veniez d'abroger ; nous n'avons pas dû nous écarter de ce principe.
Ainsi la possession de la pêche à titre de justice héréditaire doit disparaître avec ce titre, celle à titre de fiefs s'évanouit avec la féodalité, celle à titre de redevance foncière reçoit la seule indemnité qui lui soit due par l'extinction de la redevance.
Il est pourtant une exception que vos comités ont cru devoir admettre. Quelques pêcheries ont pu être aliénées par le domaine à titre d'engagement; quelques autres à titre d'échange. Ce cas particulier suppose que les possesseurs actuels ont versé au Trésor public le prix de leur jouissance, ou qu'ils ont cru acquérir une possession réelle en cédant un bien de cette nature. Dans l'une et l'autre espèce, la fidélité due aux conventions faites de bonne foi ne permet ni de retenir l'argent de l'engagiste, ni de conserver le fonds reçu en contre-échange d'un droit qui n'existe plus.
Après avoir reconnu que les productions des rivières ne pouvaient être enlevées à vos concitoyens pour servir d'aliment à quelques êtres privilégiés, des considérations d'un autre ordre ont dû nécessairement occuper vos comités. La faculté de pêcher doit-elle être accordée indistinctement à tous les citoyens? N'appartiendra-t-elle qu'à ceux dont les propriétés sont baignées par les cours d'eau? Ce droit formera-t-il la propriété spéciale des municipalités dont le territoire est traversé par les rivières? Convient-il au bien général de l'empire de soumettre la pêche à un régime qui soit tout à la fois utile aux finances de l'Etat, et profitable aux subsistances publiques? Toutes ces questions ont été proposées, toutes exigeaient un examen sérieux, toutes ont été discutées avec soin. Nous avons eu la scrupuleuse attention de ne rien résoudre sans concilier, autant qu'il était possible, la liberté sociale avec les vues d'une sage économie, lesprincipes constitutionnels avec le vœu de l'intérêt public.
Nous n'avons pu nous dissimuler qu'en thèse générale les droits naturels étant parfaitement égaux, la faculté de chercher la subsistance dans le sein des rivières appartient également à tous; mais nou3 savions aussi que ce principe peut être modifié par Ja volonté générale, lorsque les limitations qui le restreignent ne blessent point l'essence de la liberté; nous n'avons donc pas cru qu'il fût inconstitutionnel de réserver, pour le profit de tous, un genre de production, qui, né dans le sein d'un élément commuu à tous, prospère sans culture et sans dépense, et qui bientôt serait anéanti s'il était livré à la discrétion de la multitude.
Nous avons considéré qu'en permettant la destruction du poisson des rivières, non seulement vous vous priveriez d'un aliment sain, mais encore que vous altéreriez sensiblement la masse des subsistances du royaume; nous avons considéré que, si le désir de rendre à l'agriculture cette quantité immense de lacs et d'étangs qui infectent plusieurs provinces de l'Empire, vous engageait à restreindre leur nombre, la conservation de la pêche dans les eaux courantes, devenait plus nécessaire; nous avons pensé qu'en appelant tous les habitants du royaume à ce genre d'exercice, vous déroberiez à l'agriculture, aux arts, à tous les genres d'industrie une portion considérable du travail journalier qui les enrichit. D'ailleurs les prairies, les clôtures, les usines, les édifices construits sur les rivières, seraient à chaque instant exposés à être dégradés par une multitude d'hommes sans aveu, sans consistance, et sans responsabilité.
Ceux qui désirent que l'exercice de la pêche soit permis indistinctement
à tous les citoyens invoquent en faveur de leur opinion le décret que
vous avez reudu sur la chasse. Mais ce décret, en révoquant la
prérogative usurpée par les seigneurs de fief, s'est contenté
d'autoriser
Devez-vous abandonner la pêche des rivières aux propriétaires des fonds qu'elles avoisinent? Quelques-uns regardent cette prérogative comme l'accessoire naturel de leur propriété, et la réclament à ce titre. Mais vos comités n'ont pas trouvé cette prétention légitime. Le droit du propriétaire de la glèbe ne s'étend pas au delà des limites de son champ; le cours d'eau qui en baigne les bords le confine, mais n'en fait point partie. Quand même ce propriétaire posséderait l'une et l'autre rive, sa propriété particulière se trouverait divisée par l'interposition de la propriété nationale, sur laquelle il ne peut avoir qu'un droit égal à celui de tout autre citoyen. Ecartons encore ici l'exemple de la chasse : le poisson ne sort pas du sein des eaux pour ravager les récoltes du riverain, et si le contraire arrivait, ce serait sur son champ que le riverain devrait venger son injure, il n'aurait pas le droit d'attaquer son ennemi dans le sein de sa retraite.
La prétention des municipalités sur la pêche des rivières de leur territoire n'est ni plus légitime ni plus conforme aux principes constitutionnels que la demande des propriétaires riverains. Quelques-unes à la vérité ont exercé ce droit que l'on réclame pour elles, mais leur jouissance était une émanation de la féodalité; elle doit donc cesser avec la féodalité. Comment en effet concilier la possession exclusive d'une municipalité avec la communion des rivières? Le patrimoine des corps moraux est une véritable propriété civile : ce que la nature destine à l'usage de tous, ce qui ne peut être possédé priva-tivement par un seul citoyen, ne peut donc appartenir à un corps qui s'isole de la société. Est-il permis d'élever quelque doute sur cette grande vérité après la confusion solennelle et sainte que tous les corps de l'Empire ont faite de leurs prérogatives particulières? Quelle est donc aujourd'hui la municipalité qui oserait disputer à ses voisins la communion îles eaux de son territoire?
On nous a proposé d'adopter la législation de l'ancien régime qui, en ordonnant que les rivières appartenant aux municipalités seraient affermées à leur profit, avait voulu pourvoir à la conservation de la pêche ; mais vos comités n'ont pu se prêter à ce tempérament.
1° L'ancienne législation était fondée sur un titre que vous avez détruit.
2» Les précautions qu'elle avait cru devoir prendre, pour ne pas blesser les propriétés féodales, étaient une illusion : on «ait avec combien peu de soin la pêche des rivières communes a été conservée.
3* Que deviendraient les rivières seigneuriales? Seraient-elles aussi abandonnées aux municipalités riveraines? A quel titre celles-ci obtiendraient-elles une faveur dont les municipalités éloignées des eaux seraient privées?
4° Enfin pourquoi dérogeriez-vous au principe de la communion pour favoriser les habitants d'un territoire particulier?
Ce principe, Messieurs, nous forçait à nous déterminer entre deux partis ; celui d'abandonner la pêche au premier occupant ; celui de la faire exploiter au nom de la nation, et d'en verser le produit dans le Trésor public :nous avons adopté le second d'après les considérations que j'ai eu l'honneur de vous indiquer.
En supposant la nécessité de conserver cette branche précieuse de subsistances, en supposant aussi qu'il doit entrer dans les vues d'une sage économie de l'améliorer, il n'est qu'un seul moyen d'obtenir l'un et l'autre avantage; confiez dans chaque canton l'exercice de la pêche à un petit nombre de personnes.
Vous soumettrez les fermiers de la pêche à une responsabilité sévère ; vous leur prescrirez les règlements qui conviendront au double objet que vous devez vous proposer ; vous les assujét^ tirez à la surveillance des corps administratifs, vous intéresserez tous les citoyens à la conservation d'un bien dont les fruits seront également partagés par tout le poids des contributions publiques.
Considérez, Messieurs, que l'abandon de la pêche ne procurerait aucun avantage réel à vos concitoyens; considérez que la liberté indéfinie de pêcher serait une source intarissable de désordres et même de procès ; considérez; que le produit de toutes les rivières du royaume formera dès à présent un revenu très considérable qu'une police sévère et de bonnes lois ne peuvent manquer d'améliorer ; consultez l'état de vos finances ; consultez la masse effrayante de vos impositions ; peut-être alors le plan que vos comités vous proposent méritera votre approbation.
Voici notre projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir ouï le rapport de ses comités féodal, des domaines, d'agriculture et de commerce, sur le cours des fleuves et des rivières, les îles, atterrissements, alluvions, mortes et relaissées, la pêche, a décrété et décrète ce qui suit :
Des cours d'eau.
« Art. 1er. Les cours d'eau, assez
considérables pour transporter naturellement, et sans artifice, les
barques et bateaux servant au commerce et à la navigation intérieure du
royaume, sont désignés dans le présent décret sous le nom de fleuves;
les cours d'eau qui ne sont point navigables sans artifice, mais qui
sont assez forts pour faire mouvoir des usines, sont désignés sous le
nom de rivières; les autres cours d'eau ne forment que de simples
ruisseaux.
« Art. 2. Le cours des fleuves est une propriété commune et nationale; nul ne peut s'en approprier les eaux, ni en gêner le cours; l'usage en appartient à tous les habitants de l'Empire; le droit de régler cet usage appartient au Corps législatif.
« Art. 3. La dépense nécessaire à l'entretien de la navigation est une charge publique,
« Art. 4. La dépense qu'exigent les besoins locaux des villes, des communautés d'habitants, ou des particuliers, pour se défendre contre l'invasion des eaux, est à la charge de ceux à qui elle est nécessaire.
« Art. 5. La construction et l'entretien des ponts, et de tous autres moyens établis pour les communications générales, sont une charge de l'Etat.
« Art. fi. La construction et l'entretien des ponts, et des autres moyens de communications locales et particulières, sont à la charge de ceux à qui l'établissement est nécessaire.
« Art. 7. Nul ne peut construire des usines sur les fleuves, ni en détourner les eaux pour former des écluses, des étangs ou des réservoirs, sans y être autorisé par un décret du Corps législatif, sanctionné par le roi.
« Art. 8. Il sera statué, d'après l'avis motivé des directoires de départements, sur la conservation ou la suppression des usines actuellement existantes, soit dans le lit même des fleuves, soit Sur les cours d'eau formés par la construction de digues ou barres. Dans le cas où la suppression desdites usines serait ordonnée, il ne sera dû aucune indemnité à ceux qui les possèdent, à moins qu'ils ne les tiennent à titre d'engagement ou concession faite par le domaine à prix d'argent; auquel cas les deniers par eux versés au Trésor public leur seront rendus,
« Art. 9. A la nation seule appartient le droit d'imposer la navigation des fleuves. Toute taxe mise sur le passage des bateaux, les droits de bacs et de pontonages, ceux de ports et autres, sous quelque dénomination qu'ils soient exprimés, ne peuvent être perçus qu'au nom de la nation, ni être autorisés que par elle. La valeur actuelle des bacs, bateaux, ustensiles et agrès servant à l'exploitation desdits droits supprimés, sera payée aux anciens propriétaires, qui en feront remise à la nation.
« Art. 10. Les terrains qui bordent les fleuves sont assujettis au service de la navigation pour le tirage des bateaux.
* Art. 11. Les digues, chaussées, écluses, portes marinières, pertuis et autres ouvrages d'art construits dans les fleuves aux frais des particuliers, pour le service de la navigation, sans aucun autre objet d'utilité, appartiendront à la nation; les droits perçus pour raison desdits ouvrages, demeurent définitivement supprimés ; la valeur actuelle desdits ouvrages sera remboursée à ceux qui les auront fait édifier, suivant l'estimation qui en sera faite par experts. Il en sera de même des ouvrages faits dans les rivières non navigables, pour rendre leur eours propre à la navigation.
« Art. 12. Le cours des rivières, comme celui des fleuves, est une propriété commune et nationale; mais les riverains ont droit d'user des eaux, en se conformant, pour l'exercice de cet usage, aux règles qui seront établies par le Corps législatif, et sanctionnées par le roi.
« Art. 13. Les riverains peuvent tirer du lit des rivières, par des rigoles ou des retenues, l'eau nécessaire à l'arrosement de leurs héritages, à la charge d'enlever exactement les retenues et de fermer les rigoles après l'irrigation. Ils peuvent aussi conduire l'eau dans leurs rutoirs, mais non déposer les chanvres et lins dans le lit des rivières.
« Art. 14. Pour concilier autant qu'il sera possible les besoins de l'agriculture avec le service des usines, la manière et la durée des prises d'eau seront réglées par les directoires de districts d'après la demande des municipalités,.en accordant néanmoins la préférence à l'intérêt de l'agriculture sur l'intérêt des usines.
« Art. 15. A l'avenir, nul ne pourra construire aucune usine sur le cours des rivières sans y être autorisé par le directoire du district, d'après l'avis des municipalités, et sauf le recours des parties au directoire du département, s'il y a lieu. Sont exceptés de la présente disposition les forges, fourneaux, verreries et autres établissements de ce genre qui seront soumis à des règles spéciales.
« Art. 16. Les eaux des usines actuellement existantes seront réglées, à la diligence des procureurs des municipalités, par les directoires des districts, de manière à faire cesser entièrement toute inondation des fonds et héritages riverains et à procurer le dessèchement entier de tous les marais que la trop grande élévation des eaux aurait pu occasionner. La même action pourra être exercée par les particuliers dont les fonds seraient inondés. Pour satisfaire à la présente disposition, il sera établi, s'il en est besoin, à la tête de l'écluse ou bief de chaque usine, des déversoirs capables d'obvier à toute espèce de regonflement nuisible. Ces déversoirs seront construits de manière que les propriétaires des usines ne puissent en aucun temps les tenir fermés, les exhausser ou en empêcher l'effet. Si le terrain sur lequel le cours du déversoir sera établi n'appartient pas au propriétaire de l'usine, celui-ci sera tenu d'en payer la juste valeur.
« Art. 17. Les usines qui seraient reconnues ne pouvoir rouler sans être nuisibles, en les soumettant aux règles ci-dessus, seront démolies ou modifiées de manière à faire cesser toute espèce d'inondations. La permission d'en construire de nouvelles ne sera censée accordée qu'à cette condition expresse, laquelle ne sera sujette à aucune prescription.
« Art. 18. Les redevances affectées sur les cours d eau pour prix de la concession d'iceux demeurent supprimées sans indemnité. Celles affectées tout a la fois sur les cours d'eau, les bâtiments des usines et leurs accessoires, ou sur des fonds étrangers auxdites usines, subsisteront jusqu'au rachat pour la portion étrangère au cours d'eau; a 1 effet de quoi il en sera fait ventilation entre les parties.
« Art. 19. Tous droits établis pour concession des eaux des ruisseaux, ainsi que pour concession des eaux pluviales, faites par les ci-devant seigneurs de fiefs, demeurent supprimés sans indemnité à compter de la publication du présent decret. r
« Art. 20. Toutes redevances imposées pour permettre la construction des moulins et autres usines à veut sont pareillement supprimées, sans indemnité aussi, à compter de la publication du présent décret.
Du lit des fleuves, des îles, atterrissements et alluvions.
« Art. 1er. Le lit des fleuves est une
propriété nationale : nul n'a droit de se l'approprier de le restreindre
ou de l'obstruer.
« Art. 2. Si le fleuve change de lit tout à coup et qu'il s'en forme un nouveau sur une propriété privée, le lit que le fleuve abandonne appartiendra aux propriétaires qui auront été dépossédés Dans le cas où le terrain abandonné par les eaux" ne serait reclamé par personne, la nation en disposera.
« Art. 3. Les îles, formées d'une portion de terrain séparé tout à coup du continent par l'impétuosité du fleuve, appartiennent au propriétaire de ce terrain.
« Art. 4. Si l'un des rivages du fleuve est emporté tout a coup par la
violence des eaux et que
« Art. 5. Ceux qui auront été dépossédés par les eaux des fleuves et qui réclameront, à titre d'indemnité, les portions de terrain laissées à sec ou susceptibles de dessèchement seront tenus de se pourvoir dans trois ans au directoire du département qui les autorisera à s'en mettre en possession, après avoir pris l'avis du directoire du district. S'il survient quelques contestations sur la légitimité de la demande, soit entre plusieurs parties privées, soit contre le refus qui serait fait par le directoire du département, ces contestations seront portées par-devant les juges ordinaires, et 1 intérêt national y sera défendu par le procureur général du département.
Art. 6. Les îles, îlots et atterrissements, formés insensiblement dans les lits des fleuves par des dépôts successifs, appartiennent aux propriétaires riverains les plus voisins de l'atternsse-ment.
« Art. 7. Les accroissances qui se forment insensiblement sur les rivages des fleuves appartiennent au propriétaire du sol accru sur la longueur de la rive de son héritage.
« Art. 8. Les propriétaires actuels des îles, atterrissements, crémeuts, alluvions, mortes et re-laissées,dontla possession se trouve conforme aux règles qui ont eu lieu jusqu'à présent ne pourront y être troublés.
« Art. 9. Ceux qui jouissent des fonds désignés dans l'article précédent à titre de cens, rentes ou autres droits fonciers pourront en exercer le rachat conformément au décret du 3 mai dernier.
De la pêche.
« Art. 1er. La pêche des fleuves et des rivières est une propriété commune et nationale; à la nation appartient le droit d'en régler l'exercice et 1 usage.
« Art. 2. Toute concession du droit de pêche ai te à titre de fief, censive, rente foncière, engagement, échange, ou à tout autre titre, demeure supprimée. Il sera pourvu, s'il y a lieu, à l'indemnité des engagistes et échangistes, ainsi qu'à la restitution des deniers qui auraient été versés au Trésor public par les concessionnaires.
« Art. 3. Les fruits de la pêche étant un moyen général de subsistance, la pêche des fleuves et des rivières sera exercée au nom de la nation et au profit du Trésor public.
« Art. 4. Eu conséquence, elle sera affermée dans chaque canton, par les directoires de districts à la diligence des procureurs svndics ; le prix des baux sera payé chaque année" entre les mains des receveurs de districts, qui en verseront le montant dans la caisse de l'extraordinaire; cependant les baux actuellement existants subsisteront jusqu'à leur expiration.
« Art. 5. Il sera pourvu, par un règlement général, à la police et conservation de la pêche jusque-là, les règlements actuels seront exécutés mais les baux qui seront faits à l'avenir contiendront la condition de se soumettre à tous les règlements qui seront faits ci-après.
« Art. 6. Les pêcheurs pourront user des marches des fleuves et des bords des rivières pour l'exploitation de la pêche, mais sans porter aucun préjudice soit aux fonds riverains, soit aux fruits dont ces fonds seront emplantés, et sans pouvoir pénétrer dans les terrains clos.
« Art. 7. La pêche des portions de rivières actuellement renfermées, soit dans des étangs dont leurcours fait partie, soit dans des jardins et enclos attenants aux habitations, continuera d'appar-tenir aux propriétaires desdits étangs, jardins et enclos, s'ils en sont en possession ; ce qui aura lieu tant que les étangs et les clôtures subsisteront et seront entretenus.
« Art. 8. Défenses sont faites à toutes personnes, autres que les fermiers de la pêche et leurs préposés, de pêcher soit dans les fleuves, soit dans les rivières, de quelque manière et en quelque temps que ce soit, et ce sous les peines portées nar les lois actuelles et par celles qui seront établies dans la suite.
« Art. 9. La pêche des canaux de navigation, construits par artifice, hors de3 lits des rivières, continuera d'appartenir aux propriétaires desdits canaux; il en est de même de celle des étangs; réservoirs et pièces d'eaux formant des propriétés privées.
(L'Assemblée décrète l'impression de ce rapport.)
Avant que la discussion s'engage, je demande que l'Assemblée décrète que les colonies sont exceptées du décret qui vous est proposé par vos comités.
député des colonies. Quelque judicieuse que soit cette observation, je la combats, attendu que si l'on prononce l'exception > emandée en faveur des colonies quant au décret actuel, il s'ensuivrait que tous les autres décrets antérieurement portés par l'Assemblée nationale, dans lesquels une pareille exception n'a pas été énoncée, seraient applicables aux colonies; ce qui entraînerait les plus grands inconvénients.
Je conclus de cette observation, que, conformément au décret du 8 mars 1790, il soit reconnu que les lois faites par l'Assemblée nationale, ne sont applicables aux colonies qu'autant qu'elles les désignent nominativement, ou qu'elles l'ordonnent d'une manière positive.
(L'Assemblée adopte cette dernière observation et décrète qu'il en sera fait mention dans le procès-verbal.)
Avant qu'on ouvre cette discussion, je demande à faire une motion d'ordre. Le travail qu'on vous présente renferme des vues excellentes; mais il emporte avec lui la destruction du droit d'arrosage, si précieux pour l'agriculture dans les pays méridionaux ; et je vous annonce qu'un pareil décret porterait la désolation dans nos départements. Je demande donc qu'on se borne à décréter le principe que les fleuves et les rivières navigables sont une propriété nationale.
J'appuie cette proposition; car s'il faut des règlements pour le
cours des eaux, nour la pêche, etc., ces règlements font partie des
lois civiles que vous avez renvoyées à la prochaine législature. La
seule chose que vous ayez à décréter, c'est un article qui fasse
cesser les principaux abus qui s'introduisent dans la pêche car il
est évident, et il ne faut pas un nouveau décret pour déclarer que
la féodalité est détruite sur les eaux comme dans les campagnes.
Quant
Plusieurs membres appuient ce renvoi au nom de leurs départements.
Il existe des lois particulières sur le cours des eaux, lois dictées par les convenances et les localités; il serait impolitique de les anéantir dans ce moment. Cette subversion des principes actuellement existants en cette matière pourrait faire naître desdésordre-dans bien des pays et surtout dans les provinces méridionales. La pêche, dont les ci-devant seigneurs s'étaient appropriés l'usage exclusif dans certaines provinces, a été anéantie par le décret qui abolit la féodalité; il serait dangereux de la faire revivre en attribuant la faculté de pêche exclusive à des fermiers, au nom de la nation et au préjudice des particuliers riverains.
D'après ces observations, je conclus : 1° à ce que l'Assemblée renvoie le détail des articles à la prochaine législature ; 2° à ce qu'elle charge ses comités d'agriculture, de commerce et de féodalité, de lui présenter des articles dans lesquels seront déterminées les eaux qui appartiennent à la nation, et celles qui appartiennent aux particuliers; quelles sont les eaux où la pêche appartient à la nation, et celles où elle appartient aux particuliers.
Un membre, appuyant ia motion de M. Mougins de Roquefort, propose la rédaction suivante :
« L'Assemblée nationale ajourne les détails réglementaires compris dans le projet dont le rapport a été fait par ses comités de féodalité, des domaines, du commerce et d'agriculture ; et cependant, charge les mêmes comités de lui présenter incessamment des principes généraux et constitutionnels sur la propriété des cours d'eau, sur la liberté des irrigations, et sur la conservation de la pêche. » (Cette motion est décrétée.)
La députation qui s'était rendue chez le roi rentre dans la salle des séances.
président. Messieurs, la députation que vous avez nommée s'est rendue chez le roi; voici ce que j'ai dit à Sa Majesté :
« Sire,
« L'Assemblée nationale nous a chargé d'apporter à Votre Majesté l'expression des sentiments qu'elle vient d'éprouver.
« L'instruction que vous avez ordonné d'adresser à vos ministres, dans les cours étrangères, est le fidèle abrégé de la Constitution française. Pour la première fois peut-être, les maximes sacrées qui énoncent les droits des hommes entreront dans les mystères d'une correspondance diplomatique.
« L'étranger, Sire, apprendra de vous qu'après avoir aidé le peuple français à régénérer la Constitution, vous avez voulu en être le gardien et le défenseur; et l'étranger la respectera. Assis sur le plus beau trône du monde, vous avez donné le premier exemple d'un grand roi proclamant au loin la liberté des peuples.
« Les Français ne seront pas surpris de cette nouvelle preuve que vous leur donnez de votre amour. Votre cœur, Sire, leur est connu ; ils sont accoutumés à prononcer votre nom avec ces épanchements de tendresse et de reconnaissance que commandent de grands bienfaits.
« Il est venu, le moment où le calme va succéder aux craintes et aux espérances entre lesquelles la nation flottait incertaine. Vous imposez silence aux détracteurs de nos lois nouvelles. L'hydre des factions avait 100 têtes : vous avez fait tomber la dernière.
« Sire, j'ai la présomption d'annoncer à Votre Majesté qu'elle sera heureuse; car elle vient de fixer le bonheur du peuple. » (Applaudissements répétés.)
Voici la réponse que le roi nous a faite :
« Je suis infiniment touché de la justice que me rend l'Assemblée. Si elle pouvait lire au fond de mon cœur, elle n'y verrait que des sentiments propres à justifier la confiance de la nation ; toute défiance serait bannie d'entre nous, et nous en serions tous heureux. » (Vifs applaudissements à gauche et cris répétés de : Vive le roil)
Je fais la motion que l'Assemblée décrète l'impression du discours de son Président et de la réponse du roi à la suite de la lettre écrite aux ambassadeurs et ministres de France et qu'elle en ordonne le renvoi aux différents corps énoncés dans le décret qu'elle vient de rendre.
(Cette motion est décrétée au milieu des acclamations.
Voici le résultat du scrutin pour la nomination du Président :
Sur 265 votants, M. Rewbell a obtenu 136 voix et M. MoreauSaint-Merry, 100; en conséquence M. Rewbell est nommé Président.
Le scrutin pour la nomination des secrétaires a donné à MM. Lavie et Geoffroy, 171 voix, et à M. Baillot, 158 voix; en [conséquence, MM. Lavie, Geoffroy et M. Baillot sont nommés secrétaires en remplacement de MM. de Rancourt de Villiers, Boissy-d'Anglas et de Visme.
lève la séance à dix heures.
Nota. L'Assemblée nationale ne tient pas séance ce jour-là à cause de la solennité de lu fête de Pâques.
présidence de m. rewbell.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance de samedi au matin. (Ce procès-verbal est adopté.)
secrétaire, fait ensuite lecture au procès-verbal de la séance du samedi au soir.
Un membre propose que la rédaction du décret rendu en la séance du soir du 23 de ce mois, touchant le projet de décret proposé à l'Assemblée sur les cours d'eau et la pêche, soit renvoyée aux trois comités féodal, des domaines d'agriculture et de commerce. (Ce renvoi est décrété.)
Je mets aux voix l'adoption du procès-verbal de la séance de samedi soir. (Ce procès-verbal est adopté.)
président. Messieurs, d'après les résultats des scrutins de samedi dernier M. Rewbell ayant été nommé président, je lui cède le fauteuil. (.Applaudissements.)
président, prend place an fauteuil.
Messieurs, vous avez décrété que les aspirants de a marine serviraient sur des corvettes destinées à la garde des côtes.
Ce service sera très utile à leur instruction, mais il ne faut pas que, par un double emploi, il devienne inutile à l'Etat; ce qui arriverait si l'on continuait de faire garder nos douanes par des matelots.
Je demande, en conséquence, que le comité de commerce et d'agriculture se concerte avec le comité de marine, sur le projet des lois nécessaires pour l'exécution du décret rendu à la séance de samedi, touchant le nombre et le service des marins employés à la garde des côtes pour la conservation des douanes nationales. (Cette motion est décrétée.)
Un membre du comité de vérification propose â l'Assemblée d'accorder à M. Demandre, député de Besançon, un congé d'un mois. (Ce congé est accordé.)
Messieurs, dans votre dernière séance, vous avez ordonné l'impression de l'instruction du roi à ses ministres auprès des puissances étrangères ; vous avez aussi ordonné l'impression de la réponse de votre président à la tête de la députation que vous avez envoyée au roi. L'intention de l'Assemblée, lorsqu'elle ordonne une impression de ce genre, est sans doute qu'elle soit faite fidèlement; cependant l'impression qui en a été faite, et qui est revêtue des expressions de l'imprimerie nationale, est totalement défigurée par une transposition qui altère ce discours. Je vous prie, Messieurs, de croire qu'il n'entre aucun motif d'amour-propre dans cette observation ; mais il me semble que l'Assemblée nationale n'aurait pas ordonné l'impression du discours tourné comme il le paraît dans l'impression. En conséquence je demande que l'Assemblée veuille bien déclarer qu'elle désavoue cette impression.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait une impression correcte de ce discours à la tête de laquelle sera imprimé le décret rendu dans la séance du 23 de ce mois, pour l'envoi d'une députation vers le roi.)
au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif à la circonscription des paroisses de Besançon, de Vernon, de Pacy et de Conches.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, sur le compte qui lui a été rendu par son comité ecclésiastique :
« 1° De la délibération du conseil général des administrateurs du département du Doubs, en date des 21, 23 et 25 novembre 1790, sur l'avis du directoire du districtde Besançon, concernant la circonscription des paroisses de ladite ville, de ses faubourgs et de sa banlieue, et du refus de l'évêque de concourir à cette opération, constaté par sa lettre du 14 novembre 1790;
« 2° De l'arrêtê du directoire du département de l'Eure, du 11 avril 1791, sur l'avis du directoire du district d'Evreux, du 30 mars précédent, concernant la réunion des paroisses de la Ville de Vernon;
« De l'arrêté du directoire du même département, du 18 de ce mois, sur l'avis du district d Evreux, du 11 du même mois, concernant la réunion des paroisses de la ville de Pacy ;
« De l'arrêtê du directoire du même département, dudit jour 18 du même mois, sur l'avis du directoire du district d'Evreux, du 31 mars précédent, concernant la réunion des paroisses de la ville de Conches, et de l'avis de l'évêque du département d'Eure sur lesdites réunions, en date du premier de ce mois, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
Ville de Besançon, département du Doubs.
« Il y aura 8 paroisses pour la ville de Besançon, intra mur os, et pour les campagnes environnantes ; savoir la paroisse cathédrale, celles de Saint'Pierre, de Sainte-Madeleine, de Saint-Marcellin, de Saint-Donat, de Brégille, de Saint-Fergeux et de la Vèze : les paroisses de Saint-Jean-Baptiste, de Saint-Maurice, de Notre-Dame de Jussan-Moutier et de Velotte, sont supprimées.
Art. 2.
« La paroisse épiscopale, desservie dans l'église métropolitaine, et sous
l'invocation de Saint-Jean i'Evangéliste, comprendra dans son
arrondissement le faubourg de Rivolte, les rues des Jacobins, du Moulin
de Rivolte et du Chambrier, la place aux Veaux, les rues de
Mont-Sainte-Marie, du Bondot Saint-Quentin, des Martelots, de la Lue; la
rue des Patients du côté droit, en descendant le long du jardin de la
Visitation ; la place Dauphine ; le côté gauche de la rue du Chateur, en
descendant de la rue Saint-Maurice, jusques et compris la maison qui
saillit au joignant de celle des héritiers du sieur France, vis-à-vis la
rue Saint-Paul ; les deux côtés de la grande rue en montant jusqu'à
l'église épiscopale, depuis et compris le numéro 426 à droite, et le
numéro 573 à gauche; la rue des Carmes du côté du jardin de Granvelle,
sauf les bâtiments situés au fond dudit jardin ; l'autre côté de la rue
des Carmes au joignant du jardin des Carmes, jus-qu au milieu dudit
jardin, et une ligne qui, du levant au couchant, traverserait par le
milieu le jardin des Carmes, sera la séparation entre la paroisse
épiscopale et celle de Saint-Marcellin. La paroisse épiscopale
comprendra, en outre, les rues de Saint-Maurice de Ronchaux, la place
Saint-Quentin, les rues Saint-Jean-Baptiste, du Clos, de Casenat, de la
vieille Monnaie, de Bil-lon, avec toutes les rues, ruelles, et places
composant le quartier nommé le Chapitre, et la Cita-
Art. 3.
« La paroisse de Saint-Pierre, desservie dans l'église et sous l'invocation de Saint-Pierre, comprendra les deux côtés de la grande rue, depuis l'angle de la rue Baron, à droite et à gauche, en descendant depuis et compris la maison n° 428, jusqu'au pont; les deux quais, les rues des Clarisses, de l'Arbalète, de Saint-Pierre, d'Anvers et de la Bouteille; la Place Neuve, les rues basses, du Saint-Esprit, de l'Abreuvoir, des Noyers, des Glères, grande et petite ; les rues des Ur-sules, des Chambrettes, du Collège, de Saint-Antoine, Baud, du Loup, des Béguines, des Cor-deliers, et la rue Poitune; la rue des Granges, depuis la rue Baron d'une part, et la maison de la ci-devant abbaye de Battant d'autre part, en descendant jusqu'à la place Neuve.
Art. 4.
« La paroisse de Sainte-Madeleine, desservie dans l'église de ce nom, comprendra les quartiers de Battant, Charmont et Arènes, ainsi que le Fort Griffon, au régime duquel il ne sera rien innové, quant à présent, pour l'exercice du culle. Cette paroisse aura la rivière du Doubs et le pont pour limites.
Art. 5.
« La paroisse sous l'invocation de Saint-Mar-cellin, continuera d'être desservie dans l'église du ci-devant monastère de Saint-Vincent, et comprendra les deux côtés de la rue Saint-Vincent depuis la rue du Perron d'une part, et la rue de Bonchaux, d'autre part, jusques et compris l'Arsenal et la rue de l'Orme des Chamars; elle comprendra cette dernière rue, dès la maison n° 650 inclusivement, les Chamars, les Moulins de la ville et de l'Archevêque, les Moulins et le faubourg de Terragnoz, et tout ce qui est entre les portes Notre-Dame et Malpas, la rue Neuve; celles du Porteau, de l'Intendance, des Minimes , de Sainte-Anne et du Perron, y compris la maison n° 245, et les bâtiments situés au fond du jardin de Granvelle, et la moitié du jardin des Carmes, conformément à la ligne indiquée ci-dessus.
Art. 6.
« La paroisse sous l'invocation de Saint-Donat continuera d'être desservie dans l'église de la ci-devant abbaye de Saint-Paul, et comprendra les deux côtés de la rue Saint-Paul, le côté à gauche de la rue des Granges, en descendant depuis et compris la maison desdits héritiers France, qui fait face à la rue Saint-Paul, jusqu'à la rue Baron exclusivement; la partie à droite de ladite rue des Granges, dès ladite rue Saint-Paul, jusqu'à la maison appartenant à la ci-devant abbaye de Battant, dans la rue des Granges exclusivement; le côté à gauche de la rue du Cbateur, en montant dès la rue Saint-Paul jusqu'à la rue des Patients, et tout l'enclos des Bénédictines jusqu'à la place des Casernes, les rues Henri et du Clos-Saint-Paul, le Moulin-Saint-Paul, la place des Casernes, les casernes d'infanterie, de cavalerie et de maréchaussée, et l'hôpital de Saint-Louis avec leurs adjacences et dépendances.
Art. 7.
« L'église de Saint-Maurice sera conservée comme oratoire de la paroisse épiscopale, et il n'y sera point exercé de fonctions curiales.
Art. 8.
Faubourgs et banlieue de la ville de Besançon.
« La paroisse de Brégille sera circoncrite ainsi qu'il est expliqué par l'arrêté susdaté du directoire du département. Elle aura» comme au passé, pour oratoire, la chapelle de Samt-Claude, où il ne pourra être exercé de fonctions curiales.
Art. 9.
« La paroisse de Saint-Fergeux et celle de la Vèze seront circonscrites ainsi qu'il est explique par l'arrêté susdaté du directoire du département. La paroisse de Saint-Fergeux aura pour oratoire l'église de Velotte, où il ne pourra être exercé de fonctions curiales.
Art. 10.
Ville de Vernon, département de VEure.
« Il n'y aura dans la ville de Vernon, et pour les hameaux de Gamilly et de Bizy, qu'une seule paroisse, qui sera desservie dans l'église de Notre-Dame, et circonscrite ainsi qu'il est expliqué par l'arrêté susdaté du directoire du département.
Art. 11.
« L'église ci-devant paroissiale de Sainte-Catherine, située à l'extrémité du hameau de Bizy, sera conservée comme oratoire de ta paroisse Notre-Dame, et le curé y enverra, les fêtes et dimanches, pendant les mauvais temps, un prêtre célébrer la messe et faire les instructions spirituelles sans pouvoir y exercer les fonctions curiales •
« Les paroisses réunies par l'article précédent ne formeront provisoirement qu'une seule municipalité.
Art. 12.
Ville de Paôy.
« Il n'y aura, pour la ville de Pacy et pour le territoire des ci-devant paroisses de Pacel et de Saint-Aquilin, qu'une seule paroisse qui sera desservie dans l'église de Pacy et circonscrite ainsi qu'il est expliqué par l'arrêté susdaté du directoire de département.
« Les paroisses réunies par le présent article ne formeront provisoirement qu'une seule municipalité.
Art. 13.
Ville de Conches.
« Il n'y aura, pour la ville de Conches et pour le territoire des ci-devant paroisses de Notre-Dame-Duval et des vieux Conches, qu'une seule paroisse qui sera desservie dans l'église de Sainte-Foi, et qui sera circonscrite ainsi qu il est expliqué par l'arrêté susdaté du directoire du département.
Art. 14.
« L'église ci-devant paroissiale des vieux Conches sera conservée comme oratoire de l'église de Sainte-Foi et le curé y enverra, les fêtes et dimanches, un prêtre célébrer la messe et faire les instructions spirituelles sans pouvoir y exercer les fonctions curiale3.
« Les paroisses réunies par le précédent article ne formeront provisoirement qu une seule municipalité. » (Ce décret est adopté.)
J'ai reçu du ministre de 1 intérieur la lettre suivante :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous envover un paquet à votre adresse qui m'a été remis ce soir par un courrierextraordinaire que le directoire du département des Bouches-du-Rhône m'a expédié relativement aux troubles du Comtat.
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
« Signé : de lessart. »
Voix diverses : Le renvoi aux comités! La lecture !
A la séance de demain au soir, Monsieur le Président, la lecture de ces pièces! Mais comme il y a apparence qu'il n'y aura point de seance demain au soir, je prie de fixer cette discussion à demain matin. La raison que je donne pour la fixer à une séance du matin vous paraîtra certainement décisive. S'il est une affaire ^uche à la Constitution, c'est certainement celle-là, elle est d'une importance telle que vous nen trouverez pas de pareilles; et les départements méridionaux sont très pressés que cette £ S01t entièrement décidée par oui ou non. Nous venons de recevoir en ce moment des lettres qui font frémir.
Je demande à lire une lettre très courte qui a été apportée par le même courrier. Elle est du procureur syndic du département des Bouches-du-Rhône; la voici:
« Ce que nous avons prévu, Messieurs, est arrivé. Les horreurs sont à leur comble dans le malheureux pays que l'Empire français environne de tous les côtés. Nos départements sont menacés par des hordes de brigands que l'anarchie a enfantes, et déjà le territoire de France a été violé en plusieurs endroits. Le Comtat est en proie aux horreurs delà guerre civile; elle y déploie toutes ses atrocités à la manière des sauvages de l'Amérique. Des villages entiers ont été livrés à la fureur d'une soldatesque effrénée. La flamme dévore les habitations ueceux que le fer a épargnés, et la fumée de ces incendies abominables vient infecter nos climats.
« C'est bien assez de nos peines et de nos inquiétudes, sans être exposés encore à voir augmenter nos alarmes par les atrocités qui se passent cnez nos voisins. Nous n'accusons personne, mais nous dénonçons au roi, à l'Assemblée nationale, a tous les bons citoyens de l'Empire français, des abominations qui révoltent le cœur français. Nous avons fait jusqu'ici tout ce que notre sollicitude pour la traoquillité du département, exigeait dé nous dans des circonstances difficiles. Les voies de paix et de conciliation nous avaient réussi. , "Nous assurons avec confiance que, si au lieu de blâmer nos efforts ils eussent été encouragés, les orages qui nous affligent n'existeraient pas et nous eussions épargné à notre patrie le spectacle déchirant et dangereux dont elle est forcément aujourd'hui le spectateur tranquille. Nous enverrons incessamment la dénonciation du district d Arles, et de celui d'Orange, relativement à la violation du territoire.
« Vous voyez, Messieurs, qu'il ne s'agit pas seulement du Comtat, mais qu'il s'agit des dépar-tements voisins; que ces départements sont exposes à être incendiés, à être pillés, et qu'il est par conséquent, très pressant que l'Assemblée nationale prononce. »
Plusieurs membres demandent que la discussion ait lieu demain matin.
Vous voyez combien le rapport d'Avignon devient instant; j'insiste pour qu'il soit fait demain matin; par il est trop important pour être renvoyé à une séance du soir.
(L'Assemblée décrète le renvoi des divers documents qui viennent d'être déposés aux comités compétents et arrête que le rapport de l'affaire d'Avignon et du Comtat Venaissin sera fait à la séance de demain matin.)
au nom du comité central de liquidation, fait un rapport de l'examen fait par ce comité de plusieurs vérifications effectuées par le directeur général de la liquidation et présente un projet de décret ordonnant le remboursement de plusieurs parties de la dette de Varriéré des départements ae la maison du roi, de la guerre et des finances.
Ce projet de décret est ainsi conçu : « L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui a rendu compte des vérifications faites par le directeur général de la liquidation, décrète que, en conformité de ses précédents décrets sur le remboursement de la dette de l'Etat, il sera payé aux personnes ci-après, et pour les causes qui vont être indiquées, les sommes suivantes.
Arriéré du département de la maison du roi pour les annè1777, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88 et 89.
Chambre aux deniers.
Aux sieurs Etienne-Jacques-Louis Hertelon, maître d'hôtel du roi,
pour 1789............. 7,900 1. »» s. » d.
Louis - Nicolas Cha -bouillé, contrôleur de la maison du roi, pour
1788 et 1789........... 9,080 1 3
Pierre-Nicolas Simo-
net, premier commis du commissaire général de la maison du roi, pour
178 9.................. |}000
Pierre-Etienne Cléman-
dot, commis au commissariat de la maison
du roi, pour 1789 ..... 550 » »
André-Alexandre La-fosse, commis en second au commissariat de la maison du roi, pour
1789.......................550 » »
Jean-Réné-Christophe Roth, contrôleur du gobelet, pour 1789....... 600 » »
Jacques Etable de la Brière, huissier ordinaire de la chambre de Madame Adélaïde, pour
1788 et 1789.......... 902 11 6
Jean Mars, feutier de Madame Elisabeth, pour
1789........... ..... 1,143 io 6
Vin cent-Joseph Ha-nault fils, marchand-épicier de la maison du
roi, pour 1789........ 15,061 10
LooisleRoi, fruitier de
1789..................
Jean-Baptiste Cautha-net Cléry, valet de chambre de M. le Dauphin,
pour 1789............
Charles Villette, valet de chambre de M. le
Dauphin, pour 1789____
Au sieur Joseph-Alexandre de George, huissier ordinaire de l'antichambre du roi
pour 1789.............
Pierre-Guillaume Agas-se, ofticier servant du
roi, pour 1789.........
Joseph Missilier, contrôleur de la bouche du
roi, pour 1789.........
A la dame Henriette de la Grange Missilier, femme de chambre de M. le Dauphin, pour
1789..............:...
Jean-Charles-Martin Pi-chenot, clerc de la chapelle de Madame Adélaïde, pour 1789.......
Gabriel-Moreau de Ser-vanche, ofticier ordinaire de la chambre du
roi, pour 1789.........
Gabriel-Denis Pernot, huissier du cabinet du
roi. pour 1787.........
Charles-Georges Cbate-lain, contrôleur ordinaire de la maison du
roi pour 1789..........
Jean-Baptiste Lermu-zeau, ancien garçon travailleur de la bouche du
roi, pour 1789.........
Jean de Riancourt, ordinaire de Madame Adélaïde pour 1789........
Augustin Dubois, premier valet de garde-robe du roi, pour 1786 1787,
1788 et 1789...........
Bernard Bourdet, chirurgien opérateur du roi, pour 1788 et 1789......
Jean-Armand de Ro-quelaure, premier aumônier du roi, pour 1787,
1788, et 1789..........
Jean-Louis Ricqbourg, contrôleur de la maison du roi. pour 1788, 1789.
Robert - François - An -toinedeBeauterne, porte-arquebuse du roi, pour 178 9..................
Jean - Baptiste - Fluri-
mont-Josepn de Meffrav de Gésarges, maître de l'oratoire du roi, pour 1787, 1788 et 1789.....
Jean Metivet, portefaix de la chambre de Madame Royale, pour 1789..................
96,917 1. 18 s. 6 d.
720 17 6
543 13 3
1,663 1 3
449 6 3 667
1,081 6 3
449 6 3
1,181 1
908 10
10,121 17 6
250
888 15
7,277 17 6
3,609 6 3
12,222
9,080 1 3
1,983 13 9
9,585
360
8 9
François Laulanhier, argentier des Enfants de France, pour 1789..
Jean-Claude Sauger, garçon de la garde-robe
du roi, pour 1789......
Clair - Louis - François Chappuseau de Viéfvil-lers,maître d'hôtel du roi, pour 1787,1788 et 1789.
GeoffroyBlanchet, officier de la bouche des petits appartements du
roi, pour 1789.........
Jean-Louis leJarielde Forge, écuyer du roi,
pour 1787............
Jacques-Louis Débonnaires, valet de chambre du roi, pour 1789..
François-Jacques Du-parc, valet de chambre
du roi, pour 1789.....
Claude Richard, valet de chambre de Madame
Royale, pour 1789.....
Jacques-Philippe-François Bailles, garçon des feux de la chambre du roi, pour
1789 .................
François-Louis Ségu-ret, premier commis de la seconde division de la bouche du roi, pour 1789.
Jean-Jacques Gallet de Mondragon, maître d'hôtel ordinaire du roi, pour 1789.............
23,795 1. 5 s. 9 d.
1,357 16
24,608
300 11
584
915
460
720 17
571
1,100
50,672 14 9
Bâtiments de Versailles.
Aux entrepreneurs et fournisseurs de l'hôtel des Gardes de la Porte, à Versailles, savoir :
Aux sieurs l'Agneau,
vitrier, pour 1787......
Héricourt, ébéniste,
pour 1787............
Gharuel, couvreur,
pour 1787.............
Charpillon, marbrier,
pour 1787.............
Gilbert, marchand de
toile, pour 1787........
Courtois, marchand de
bois, pour 1787........
Rabet, papetier colleur, pour 1787.......
Bayolle, serrurier du
roi, pour 1787.........
Laveau, dit Saint-Louis, peintre frotteur,
pour 1787............
Meneau, cessionnaire dusieur Wauthier, charpentier, pour 1787----
Moreau, carreleur, pour 1787.....
Creveldin, menuisier,
pour 1787............
François, ferblantier,
pour 1787.............
Dutems, peintre- do-
991 I. 4,784 4,617 213 3,488 1,740 1,009 9,363
300
807 253 2,524 614
7 s. » d. » »
6 10
18 10
19 16
reur, pour 1787........ 2,723 1. 16 s. 6 d.
Graincourt, tapissier,
pour 1787—......... 3,825
Labussière, chaudronnier, pour 1787........ 1,260
Tous lesquels ouvriers ont été employés en 1787.
Aux entrepreneurs et fournisseurs de l'hôtel des gardes de la Porte à Fontainebleau, savoir
ARCHIVES PARLEMENTAIRES.
(25 avril 1791.]
Aux sieurs Geoffroy le menuiserie, pour 1787. Rousseau,vitrier, pour
1787..................
Rousseau, contrôleur des bâtiments du roi,
pour 1787.............
Bertholini, poêlier-fu-
miste, pour 1787.......
Tavernier, marchand
de fonte, pour 1787____
Lepeinteur , paveur,
pour 1787.............
Couteau, ferblantier,
pour 1787.............
Gallery , sculpteur-marbrier, pour 1787... Caly fils, plombier ,
pour 1787.............
Bourgeois , peintre,
pour 1787.............
A la veuve Duclercq, serrurière, pour 1787..
Piron , entrepreneur de maçonnerie, pour
1787..................
Biet le jeune, couvreur, pour 1787.......
Gauthier j entrepreneur de serrurerie, pour
1787..................
Bouïllette, entrepreneur de charpente, pour 1787..................
employés en 1787.
1787..................
Malitor , ébéniste ,
pour 1787.............
Marcelin, serrurier, pour 1782, 1783, 1784,
1785, 1786 et 1787.....
A la veuve Fessard, et son fils, charpentier, pour ouvrages faits dans le cours des mê-
jeune, entrepreneur de 7,400 1. 3 s. 9 d.
816 7 o
Tardif, marchand , pour 1785, 1786, 1787
et 1788...............
A la veuve Desjardins, faïencière,pour 1787 et
1788..................
Leblanc , peintre et doreur en bâtiments ,
David, maçon, pour 1784 et 1785.......... 1,815
19
1,500 » n
210 » ' V
198 4
1,220 9 6
609 7 A
640 » »
1,373 19 »
1,619 4 »
4,407 8 9
21,661 19 10
2,863 9 9
1,988 14 11
5,863 2 5
ont pareillement été
à Fontainebleau.
, char] 33,470 )entier, . 18 s. pour 4 d.
4,049 13 4
54,051 12 4
99,700 5 1
2,586 10 11
281 11 »
38,946 9 3
« L'Assemblée nationale décrète au surplus qu'il sera pris les renseignements nécessaires pour connaître ce que sont devenus les effets et fournitures des hôtels des gardes de la Porte, tant à Versailles qu'à Fontainebleau, et quel a été l'emploi des deniers qui sont provenus de la vente qui a dû être faite de ces effets et fournitures.
Traitements, gages, récompenses.
Aux sieurs Martel de Boucher, de Fréville, du Landet, et Le Bastier de Rainvillers, écuyers du roi, pour l'année 1787. 2,150 L 1 s. » d.
Barthouilh, concierge de l'appartement de la reine, au Louvre, pour
1789.................. 2,336 1 8
Rebourceaux, inspecteur du Louvre pour
1789.................. 1,300 » »
A la dame Duques-noy, garde-malade des pages du roi, pour 1787,
1788 et 1789........... 360 1.
Abbé Madier, confes-
seur de Mme Victoire, tante du roi, pour 1788
et 1789............... 8,000
Clair-Louis-François Ghappuzeau de Viéfvil-lers, maître d'hôtel du roi, pour 1787, 1788 et
178 9.................. 109 10
Joseph - Alexandre de
Georges, huissier ordinaire de l'antichambre du roi, pour 1788 et
1789.................. 531 15
Jacques-Louis de Bon-naire, valet de chambre
du roi, pour 1789...... 521 » »
Pierre de Boucheman, valet de chambre du
roi, pour 1789......... 521 » »
A la veuve Jean-Louis Le Jariel de Forges , écuyer du roi , pour les années 1785, 1786
et 1787............... 757 12 6
Jean - Baptiste Cau-thannet Cléry, valet de chambre de M. le Dauphin, pour 1789....... 97 7 6
Charles Villette, valet de chambre de M. le
Dauphin, pour 1789____ 96 17 6
François Laulanhier, argentier des enfants de France, de Mme Elisabeth, et de Mmes Adélaïde et
Victoire, pour 1789.____ 1,378 13 4
François Bruyas de Maison-Blanche, clerc de la chapelle de Mme Adélaïde, pour 1788 et 1789. 160 4
Jacques Etable de La Brière, huissierordinaire de la chambre de Mme Adélaïde, pour 1788 et 1789................... 1,425 6 8
Jean -Baptiste - Ferdi -naod-Joseph de Messeray de Gézarges, maître de l'oratoire du roi, pour 1787, 1788 et 1789.....
Jean-Louis de Boucher, écuyer du roi, pour 1789.
Cnarles-Louis-Emma-nuel de La Fond des Es-sarts,écuyer du roi, pour
1789 ..................
Françoii-Glaude-Nico-las Defresne, écuyer du
roi, pour 1789.........
Jean -Baptiste DaUber de Seyrelonge, écuyer du
roi, pour 1789.........
Philippe - Gabriel -Joa-chim-Jacques-Gbarles de Martel, écuyer du roi,
pour 1789.............
François-Barthélemy-Pasquier de Salaigoac, écuyer du roi,pour 1789.
Jean-Armand de Ro-quelaure, premier aumônier du roi, pour 1788 et
1789..................
Pierre de La Sërvolle, médecin du roi, pour
1789...............
Pierre-Guillaume Agas-se, gentilhomme servant du roi, pour 1789......
A la dame Catherine* Henriette de La Grange, femme MiBsilier, femme de chambre de M. le Dauphin, pour 1789........
Jean - Charles - Martin Pichenot, clerc de la chapelle de Mm® Adélaïde,
pour 1787 et 1788.......
Auguste-François de Fresville, écuyer du roi, pour l'année 1789......
Gabriel-Denis Pernot, huissier du cabinet du
roi, 1789..............
Charles-Georges Châtelain, contrôleur ordinaire de la maison du
roi, 1788 et 89.........
Louis-Gharles-Théodo-re de Gaqueray du Lande!, écuyer du roi, 1789.
Jean de Riencourt du Tilloloy, écuyer ordinaire de Mme Adélaïde, 1789.
Bernard Bourdet, opérateur ordinaire du roi,
1789..................
Aubier de Monteil,gentilhomme ordinaire du
roi, 1787,88 et 89.......
Antoine-Jacques Pat-tié, gentilhomme ordinaire du roi, 1787,88 et
89....................
Gentil de Fontbel, gentilhomme ordinaire du
roi, 1787,88 et 89......
Masson de La Motte, gentilhomme ordinaire
ARCHIVES PARLEMENTAIRES. Il8 avril 1*791 .j
1,008 h » s. » d.
4,402 10 10
5,902 10 10
4,402 10 10
3,202 10 10
5,902 10 10
3,202 10 10
2,112 » » 218 3 4
252 10 10
96 17 6
160 4
4,402 10 10 437 .» »
1,885 6 8
5,092 10 10 924 fc
326 10
5,150
5,300 5,200
l> M
» »
du roi, 1787,88 et 89...
Adrien Gougenol Oes-masseaux, gentilhomme ordinaire du roi, 1787,
88 et 89................
Jean-Baptiste-Emmanuel Roéthiers, gentilhomme ordinaire du roi, 1787,88 et 89..........
Petit de Dracy, gentilhomme ordinaire au roi,
1787, 88 et 89.........
Leclerc de la Bruére, gentilhomme ordinaire
du roi, 1788 et 89......
Gabriel Moreau de Ser-vanches, gentilhomme ordinaire du roi, 1788 et
8 9....................
Faget de Quennefer, gentilhomme ordinaire du roi, 1787, 88 et 89..
Pierre-Ber nard de Saint-Julien, gentilhomme ordinaire du roi, 1788
et 89.,.................
A la dame de Donnis-sant, dame d'atours de Madame Victoire, 1789..
Larsonneur, coiffeur de Mesdames, tantes du
roi, 1789..............
Lebrun, aussi coiffeur de Mesdames, tantes du
roi...................
A la dame de Laval dame d'atours de Madame
Adélaïde, 1789.........
Favier, chirurgien du palais des Tuileries, pour
1789..................
Délavai, compositeur des ballets du roi, et maître à danser de la reine et des Enfants de France, 1788 et 89.....
» s.
7,200 5,400 » 5,400
5,400 3,600
3,600 5,400
3,600 48,000 720 1,260 46,000 1,170
16,900 »
Bâtiments du roi dans le département de Paris, pour les années 1777, 78, 79, 80, 81, 82, 83, 84, 85, 86, 87, 88, 89. - '
Aux sieurs Pécoul, maçon, pour ies années 1783,
84 et 85............... 135,168 1. 17 s. »» d.
A la veuve Roche et
son fils, serrurier, 1781,
82 et 83..;;......
Thui y, pompier, 1781,
82, 84 et 86...........
Chevalier, marchand de fer, 1777 et suivantes, jusques et compris 1782.
François Motard, serrurier, 1787...........
Louis-François Caillot,
serrurier, 1787.*......
Andoche-Alexis Rivet, couvreur, 1782,83 et 84.
Pierre Desjardins, menuisier, pour les années
1782, 83 et 84.........
Lucas et Gondouin, plombiers, 1784 et suivantes, jusques et y compris 1789.............. 238,924
35,650 731
1,827 4,502 494 6,724
2 16
10J 15 13 3
1,831 18 10
6 9
Jean-Alexandre Lau-nay, vitrier, 1781 et suivantes, jusques et y compris 1787..............
Alexandre Genson, marchand de fer, pour 1785 et 86.............
15,723 ]. 2 s. 8 d.
159
Arriéré du département de la guerre, pour les années 1788 et 89. Lits militaires.
A Louis-François Desmazures, entrepreneur de la fourniture des lits militaires dans les ci-devant provinces ou généralités d'Auch, Pau, Bordeaux, Bourgogne, Bretagne, Dauphiné, Languedoc, la Rochelle, Limoges, Poitou, Provence, Roussillon et Touraine, pour fourniture faite en 1789, 200,514 1. 18 s. 8 d.
Plus les intérêts des différentes parties dont ladite somme totale est composée, à compter des époques déterminées par les traités faits entre le ministre du département de la guerre et ledit sieur Desmazures, et jusqu'à l'époque fixée par le décret du 6 mars dernier.
Finalement la somme de 9,953 1. 3 s. 4 d. pour dépenses extraordinaires faites par ledit entrepreneur, pour le compte du roi, pendant ladite année 1789.
Somme totale liquidée 210,468 1. 2 s. » d.
Au sieur Accarier, entrepreneur des lits militaires de la ci-devant généralité de Franche-Comté, pour logement de son commis, à Versoix, dans l'année 1789...... 120 * »
Au sieur Colas d'Alin-court, pour rétrécissement de lits militaires faits en 1788 et 89, dans les places de la Fère, château de Ham, et Laon. 21,067 6 7
Au sieur Voyart, pour fourniture extraordinaire de lits d'officiers et de domestiques, faite dans les pavillons et casernes de la ville et citadelle de Metz, dans les trois premiers mois de 1789.................. 7,244 5 »
Fortifications.
Au sieur Godefroy, entrepreneur des fortifications de Bordeaux, pour travaux faits au Château Trompette en 1788, sauf la retenue des 4 deniers pour livre, treize cent vingt-huit livres un sol quatre deniers............... 1,328 1.1 s. 4 d.
Hôpitaux militaires.
Au sieur Marchand, ancien entrepreneur des hôpitaux militaires des villes de Toulon, Ollioules et Antibes, la somme de quatre-vingt-dix-neuf mille deux cent soixante et une livres sept sols neuf deniers, pour solde du montant de l'estimation des effets à lui appartenant. Pour le compte du roi.
Plus les intérêts de ladite somme, à compter du lw janvier 1789; époque de la résiliation de l'entreprise, jusqu'à l'époque fixée par le décret du 6 mars dernier.
Finalement dix-sept mille cinq cent quaranteet une livres dix sols quatre deniers, montant de l'indemnité qui lui a été accordée.
Somme totale liquidée, cent seize mille huit cent deux livres dix-huit sols un denier..................... 116,802 1. 18 s. 1 d.
Arriéré du département des finances depuis 1785.
Offices à rembourser.
Aux héritiers du sieur Tronchin, la somme de quatre-vingt-dix mille livres, pour solde de cinq cent mille livres, prix de la finance de l'office de trésorier général du marc d'or, liquidé par arrêt du conseil du 12 août 1785, ci 90,000 1. » s. »» d.
Dagier ,1a somme de soixante mille quatre cent quarante et une livres pour le montant de la délégation faite à son profit le 30 septembre 1790, par les héritiers du sieur Mouchard, sur la somme de sept cent mille livres, prix de la fi nance de son office de receveur général des finances.................... 60,441 » »
Brevets de retenue.
A Antoine-César de Choiseul-Praslin, Gi-devant lieutenant général du gouvernement de Bretagne, la somme die cent soixante mille livres, montant du brevet de retenue à lui accordé le 8 janvier 1786, sur ladite charge, avec intérêts, à compter du 19 janvier dernier, jusqu'à l'époque fixée par le décret du 6 mars, ci..... 160,000 I. » s. » d.
A Louis-François-Joseph de Bourbon-Conti, ci-devant gouverneur et lieutenant général de la province de Berrv, la somme de cent mille livres, montant du brevet de retenue à lui accordé le 19 juin 1771 sur ladite charge, avec intérêts, à compter du 18 février dernier, jusqu'à l'époque fixée par lé même décret, ci................... 100,000 » .»
A Victor-Maurice Riquet Caraman, ci-devant lieutenant général de la province de Languedoc, la somme de deux cent cinquante mille livres, montant du brevet de retenue à lui accordé le 15 février 1775, avec intérêts, à compter du 8 février dernier, jusqu'à l'époque déterminée par ledit décret du 6 mars dernier................... 250,000 > •
A Emery-Louis Roger de Rochechouart, ci-devant gouverneur et lieutenant général de l'Orléanais, la somme de dix-huit mille sept cent cinquante livres, montant du brevet de retenue à lui accordé sur ladite charge le 27 novembre 1784, avec intérêts, depuis le 21 janvier dernier, jusqu'à l'époque prescrite par le décret du 6 mars aussi dernier................... 18,750 » »
« A la charge par tous les dénommés auxdits états ci-dessus, de se conformer aux lois de l'Etat, pour l'obtention des reconnaissances de liquidation et mandats sur la caisse de l'extraordinaire.
« L'Assemblée déclare que la rente viagère de cinq mille livres, accordée par le roi au sieur Sage pour la cession de son cabinet de minéralogie et de métallurgie en 1783, lui sera continuée : en conséquence, le directeur général de la liquidation demeure autorisé à lui délivrer reconnaissance de ladite rente viagère, à la charge toutefois par lui de remettre aux Archives nationales un inventaire signé de lui, contenant la description détaillée des objets par lui cédés, et sauf audit sieur Sage la faculté de demander le rétablissement de sa pension de 1,200 livres, s'il y a lieu.
« A l'égard de la réclamation de Marguerite Rane, veuve de Benoît Soldini, premier commis du secrétaire général de l'intendance des postes, tendant à être payée d'une somme de 1,920 livres qu'elle prétend être due au feu sieur son mari par l'administration des postes, l'Assemblée déclare qu'il n'y a lieu à accorder la somme demandée, et que le payement n'en doit pas être fait, sauf à ladite veuve Soldini à se pourvoir, s'il y a lieu, ainsi et contre qui il appartiendra. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité central de liquidation, présente un -projet de décret relatif à la liquidation des états aes finances des années 1788 et 1789 et des gages des ci-devant cours souveraines.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L Assemblée nationale, ouï le rapport de son coniité central de liquidation, décrète ce qui suit :
1° Sur les fonds par elle destinés à l'acquittement de l'arriéré, l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire remettra à l'ordonnateur du Trésor public, pour achever le payement des états des finances de l'année 1788, la somme de 1,193,668 1. 19 s. 8 d., formant le montant des suppléments à fournir, au moyen des fonds qui ont été déjà faits aux receveurs généraux, et de la distraction qui a été opérée sur lesdits états de finance, par la suppression des épices, savoir :
Pour la ci-devant province de Bretagne, 157,668 1. 12 s. 1 d.
« Pour la généralité de Montpellier, 281,079 1. 5 s. 2 d.
« Pour la ci-devant province de Languedoc, 291,957 1. 5 s.
« Pour la ci-devant province de Béarn, 98,962 1. 2 s. 5 d.
« Pour la ci-devant province de Provence, 355,749 1. 6 s. 7 d.
« Et pour la ci-devant province de Boussillon, 8,252 l. 8 s. 5 d.
« Laquelle somme totale de 1,193,668 1. 19 s. 8 d. sera répartie par l'administrateur du Trésor public, conformément à l'état ci-dessus, entre les différents ci-devant receveurs généraux desdites provinces, lesquels seront tenus d'achever le payement des états de finance dans la forme ordinaire.
« 2° A l'égard de l'année 1789, les états des finances étant liquidés, savoir :
« Pour les ci-devant pays d'élection et conquis ; à 6,768,404 1. 4 d.;
« Et pour les ci-devant pays d'Etats, à 400,362 i.
° c En tout 7,168,766 1. 5 s. 11 d.
« Attendu que les fonds en sont faits en entier aux ci-devant receveurs généraux, par leur soumission pour l'exercice de 1789, lesdits receveurs généraux seront tenus d'en faire le payement dans la forme ordinaire.
« En conséquence, les états tant de 1788 que de 1789, ci-dessus énoncés, seront remis à l'ordonnateur du Trésor public, pour être par lui adressés auxdits ci-devant receveurs généraux des finances.
« 3° Les états particuliers contenant, pour l'année 1789, les gages des ci-devant cours souveraines, chancelleries et bureaux des finances, étant pareillement liquidés, savoir :
Pour les ci-devant pays d'élection et conquis, à 4,614,349 1. 9 s. 7 d. ;
Et pour les ci-devant pays d'Etats, à 1,955,518 1. 18 s. 11 d.;
« L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire se concertera avec l'ordonnateur du Trésor public, conformément au décret du 13 février 1791, pour faire payer la somme totale de 6,569,868 1. 8 s. 6 d. et la répartir aux parties prenantes, désignées auxdits états.
« 4° Les états particuliers pour les années 1786, 1787, 1788 et 1789, contenant les gages des officiers des monnaies du royaume, étant pareillement liquidés, savoir:
« Pour 1786, à 64,160 1. 16 s. 3 d.,
« Pour 1787, à 62,912 1. 4 s. 6 d.,
« Pour 1788, à 62,912 1. 4 s. 6 d.,
« Et pour 1789, à 63,002 1. 4 s. 10 d.,
« L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire se concertera pareillement, soit avec l'ordonnateur du Trésor public, soit avec les ci-devant payeurs desdits gages, pour faire répartir la somme totale de 252,987 1. 10 s. 9 d. formée de celles ci-dessus, aux différentes parties prenantes, désignées dans lesdits états.
« 5° Les états particuliers, pour les années 1788 et 1789, des gages et autres droits de la ci-devant chambre des comptes de Paris, étant liquidés, savoir :
« Pour 1788, à 252,256 I. 11 s. 9 d., distraction faite des épices;
« Et pour l'année 1789, à pareille somme, aussi distraction faite des épices ;
« L'état particulier des gages et autres droits de la ci-devant cour des aides de Paris, pour l'année 1789, étant liquidé à la somme de 156,606 1. 15 s. 2 d., même déduction faite des épices;
« L'état particulier des gages et autres droits du ci-devant Parlement de Paris, pour l'année 1789, étant de même liquidé à la somme de 294,897 1. 10 s. 1 d., aussi déduction faite des épices et autres droits relatifs aux comptes.
« L'administrateur de la caisse de l'extraordinaire se concertera avec les ci-devant payeurs des gages desdites cours pour faire payer, à chacune des parties prenantes désignées auxdits états, ce qui lui revient.
« 6° L'état particulier contenant le détail des gages et autres charges
assignées sur les fermes unies pour l'année 1789, arrêté le 20 mars
1791, étant liquidé à 156,977 1. 18 s., distraction laite de la somme de
600 livres employée audit état pourépices, l'administrateur de la caisse
de l'extraordinaire se concertera avec l'ordonnateur du Trésor public,
ou le ci devant payeur desdits gages et autres dépenses, pour acquitter
ladite
« Le tout, sauf le6 droits des oi*devant officiers qui n'auraient pas été compris dans lesdits états, ou qui n'y auraient pas été portés pour la totalité de ce qui leur est dû.
« Pour effectuer lesdits payements, les états particuliers ci-dessus désignés seront remis à l'administrateur de la caisse de l'extraordinaire après avoir été visés et paraphés par le directeur général de la liquidation. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordrg du jour est la discussion 4u projet de décret du ôQffiité Qentrql de liquidation sur l'autorité des arrêta du conseil en matière de liquidation des créance;» et d'ipdemmité jugées à Ig, charge de mat (1),
rapporteur, donne lecture du projet de décret du conbité, qui est ainsi conçu :
« L'Assppablég natiqpaje, ouï le rapport de son popajté çentrsjde liquidation, décrète que» ep fait de liquidation de créances et d'indemnités jugées à la charge de ja nation, ce cogjjtê tiendra pour titres vambies et exécutoires le? arrêts qu'il estimera ne pouyoïr être attaqués par voie de cassation ni de requête çiyile; à l'e^ceptipp péan* mpjns des arrêts ffu pqn§eU, rendus mepie contra-dictpîrement, depuis le 15 février 17^0, lesquels demeureront sujets dans tous tes ca§ à 14 révision de l'Assemblée nationale. »
je vais opposer au comité le comité lui-même- Voici, Messieurs, ce que le comité qpriv^U au giinistr§ le 16 fé^rjer; et c'est en qpriçéquence dé ce qu'il écrivait au mipistré à cette époque, que les divers arrêts du conseil," què'le comité vient aujourd'hui vous proposer de revoir, ont été rendus. C'est le Président, parlant au nom du comité :
« J'ai l*nonneur de voug prévenir que le comité de liquidation a demandé a l'Assemblée une explication de l'article 9 du décret du 22 janvier dernier portant création déee eomité. L'Assemblée, après avoir délibéré, a chargé le comité de vous mander que les créances, qui ent été sujettes à contestation, et pour lesquelles jl a été Uommé des commissaires, continueront à être rapportées au conseil du roi pour v être fait droit, l'Assemblée nationale n'ayant prétendu s'opposer, qu'aux arrêts de propre mouvement et d'évocation. Je suis chargé de vous faire part de cette position, afin de ne point arrêter les affaires de ce genre, qui sont dans Je ças d'être rapportées au cpnspil. »
Il suffit de rapprocher le comité do lui-même pour être autorisé à demander la question préalable.
Cela ne signifie rien autre chose que oe qui est dans vos décrets : que vous attribuerez l'apurement des comptes de l'arriéré aux commissions qui en avaient été chargées jusqu'alors ; mais,en vertu de vos décrets, les apurements de compte doivent être revus par votre comité; et enfin vous seuls, d'après vos propres déerets, devez connaître définitivement les créanoes.
Il s'agit d'ailleurs de plus de 100 millions pour ia nation ; cet objet mérite bien d'être examiné. Je demande, en conséquence, que la discussion commence sur-le-champ.
Je ne pense point que l'Assemblée nationale doive prononcer du tout sur ce qu'elle doit ou sur oe qu'elle ne doit pas. L'Assemblée nationale représente la nation; ainsi elle serait juge et partie. Mais l'Assemblée nationale a le droit d'examiner la conduite de ses agents dans ses affaires.
Si par l'effet de leur mauvaise conduite la nation a été condamnée à payer des sommes qu'elle ne deyait pas, alors la nation invoque le tribunal de cassation comme l'invoquerait un particulier. Si c'est là çe que nous propose le comité, je suis parfaitement de l'avis de M. Buzot, et je suis d'avis qu'il est possible qu'il y ait lieu à revision sur beaucoup de jugements du conseil; mais si l'on demande que nous prononcions des jugements immédiats, qu'il n'y ait de créances que celles que nous reconnaîtrions, comme cela contrarierait tout esprit de justice, je rejette cette disposition avec horreur. (Applaudissements.)
Par un décret formel, vous avez ordonné que le conseil continuerait à connaître les causes qui lui étaient portées : vous n'avez pas voulu une évocation nouvelle, mais vous avez voulu qu'il continuât à juger les affaires dont il était saisi. C'est, donc vous qui avez obligé les créanciers de l'État à continuer à plaider au conseil. Vous ne pouvez pas vouloir que vos lois aient un effet rétroactif et punir des hommes d'avoir suivi les usages reçus.
L'Assemblée à décrété que M. l'évêque de Paris serait admis aujourd'hui à la barre; je la prie de vouloir bien suspendre la discussion qui 1 occupe actuellement pour exécuter son décret, (Marque d1 assentiment.)
évêque métropolitain de Paris, paraît à la barre, accompagné de ses vicaires ( Vifs ppplaudissments.) ; il prononoe le discours suivant :
v Messieurs,
« L'accueil dont vous venez de m'honorer m'enhardit à vous présenter l'hommage que je dois aux pères de la Patrie. Permettez qu'avaqt de me livrer aux sentiments qui m'animent, je partage avec vous la joie et la satisfaction dont les nouvelles preuves de patriotisme de notre monarque vous pénètrent encore dans cet instant. Oui, Messieurs, la déclaration qu'il vient de faire aux cours étrangères, a mis la dernière pierre à l'édifiee de notre Constitution : désormais il sera inébranlable.
« Je me joins, Messieurs, aux citoyens de cette capitale et de ce département.... Que dis-rje? je me joins à la France eptière, pour vous en féliciter. C'est vous, ô législateurs sages et intrépides 1 qui avez élevé cet édifice dans le sein des orages, qui avez surmonté tous les obstacles, et qui, secondés par un roi dont les vertus ont triomphé des assauts de l'intrigue, avez acquis le glorieux titre de pères de la Patrie.
« Comment l'âge présent, commeqt la postérité pourront^ jamais célébrer le souvenir d'une époque aussi heureuse et mémorable? Sera-ce par des éloges? Sera-oe par l'admiration? Non s ce sera par leur reconnaissance et leurs bénédictions. Oui, Messieurs, oui, toute autre récompense que celle tirée des trésors du divin légis-teur, dont vous êtes l'organe, serait au-dessous du prix de vos travaux.
« uene seradoncqu'en conjurant l'Etre Suprême
« Mes coopérateurs et moi sommes pénétrés de soumission pour vos lois, de respect et d'amour pour les législateurs; et je n'imprimerai jamais d'autres sentiments aux peuples confiés à mes soins; ce sera dans l'exacte exécution des lois qu'ils trouveront cette paix, ce calme pi nécessaires à leur tranquillité et à leur bonheur. L'obéissance aux lois sera commandée par la charité, et celle-ci sera sans cesse l'objet de mon zèle, et le sujet de mes instructions et de mon exemple.
« La satisfaction de voir les membres de mon conseil partager mon zèle et mes principes ; la consolation que me donnent la confiance et la piété de la portion de mes ouailles, dont jusqu'ici j'ai été environné, et qui composent la paroisse de l'église métropolitaine; l'attention et le recueillement avec lesquels elles ont assisté en foule à la publication de la lettre pastorale, prérpices de mon ministère épiscopal, dont j'ai l'honneur, Messieurs, de VOUS faire hommage, sont pour moi des présages d'autant plus heureux, que des progrès dansie sentier de la religion sont à la fois des progrès dans celui qui conduit à l'observance de la loi. et à la soumission envers l'autorité temporelle.
« Comme premier pasteur de ce département, j'en dois l'exemple, ainsi que les membres de mon conseil. Recevez donc ici, Messieurs, l'assurance de notre zèle pour le maintien de la fidélité, de l'obéissance et dp. respect dus aux lois que vous nous donnez. La satisfaction que vous font goûter les nouveaux événements, qui viennent de succéder à quelques moments d'orage, m'assurent de Ja bonté avec laquelle vous voudrez bien accueillir ce respectueux hommage; et la consolation infiniment douce dont je jouis, dans les premiers moments de mon nouvel épis-copat, vous est garante de la sincérité de mes expressions ». ( Vifs applaudissements.)
répond ;
Monsieur,
Les décrets éternels de la providence, qui a voulu rétablir notre sainte religion dans tout son éclat, vous ont placé sur un des principaux sièges de la chrétienté. Si votre élection nous retrace le premier âge de l'Église, des mœurs saintes et pures, une piété douce et une charité sans bornes, nous rappelant les vertus des premiers pasteurs, désarmeront l'envie, et vous concilieront tous les cœurs; une fermeté noble et soutenue en imposera aux méchants qui voudraient vous traverser dans yos travaux apostoliques. Aidé des secours d'un clergé éclairé et infatigable, vous devez triompher de tous les obstacles ; et si, après le sentiment que le roi vient de manifester, il pouvait encore exister des résistances à la loi, insurmontables gans l'intervention de l'Assemblée nationale, j'ose vous promettre son appui, et je m'estime heureux d être l'organe de ses sentiments pour vous. » (.Applaudissements.)
Monsieur le Président, j'ai l'honneur de vous demander si vous laisserez au journal logographique l'avantage de nous com-mupiquer seul le discours de M. l'évêque.
Je demande l'impression du discours et de la réponse,
(L'Assemblée consultée ordonne l'impression du discours de l'évêque de Paris et de la réponse du Président et Jeur insertion dans le procès-verbal; e]|e accorde en outre à l'évêque de Paris et à ses vicaires les honneurs de la séance.)
annonce l'ordre du jour de la semaine et de la séance de demain.
Je viens de recevoir la lettre suivante de M. Je ministre de la marine,
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous adresser un paquet de Saint-Domingup, à l'adresse de l'Assemblée nationale, qui m'a été remis par le commandant d'une corvette, que M- de Village, pommanfjanf la station des îles sous le Vent, a expédiée pour rendre compte des événements qui ont ep lieu à l'arrivée dans la colonie, des forces de terre et de mer, parties de Lprient le 3 février derpier- J'y joins, Monsiepr le Président, la copie aps lettres qui m'ont été écrites par ce chef de diyisjon, et par M, de Gouryoyer, lieutenant-colonel du régiment du Port-au-Prince, dont il a pris le commandement après la mort de M. Maurtnit, son colonel.
« Je suis avec respeqt, etc.
« Signé : de FLEURlEU.
Plusieurs membres demandent la lecture des lettres jointes 4 la lettre de M, Fleurieu.
l'Assemjblée ordonne la lecture.)
Un de MM. le secrétaire donne lecture de ces lettres qui sont ainsi cpnçues :
1° Lettre de M. de Village.
« Monsieur,
« J'ai l'honneur 4e vous rendre compte qqe je suis arrivé à la vue du cap Français, le 1er de ce mois, J'eus des nouvelles de la ville du Gap, par les pilotes qui vinrent à ma rencontra". J'appris d'eux que M de Rlancbelande était au Port-au-Prince, Je fis route sur-lg-cljamp pour m'y rendre, selon la teneur de mes instructions. J'arrivai au Port-au-Prince lé 2 mars, a environ 2 heures. Au mopiept où j'allais paouiller, le capitaine du port arriva, et pae reprit une lettre de M. de Blan-chelapde, qui me priait de déjbarquer les troupes au môle de Saint-Nicolas.
« Dès que mon vaisseau fut amarré, je me rendis auprès 4e ce gouverneur généra}, qui me témoigna combien il aurait désiré que les troupes ne fussent pas venues au Port-au-Prince, n'ayant pas où les loger, et craignant que le repps de la colonie ne fût troublé, il me demanda si je ne pouvais pas appareiller dès le soir. Je ne lui cachai pas que je craignais que mes soldats ne s'y opposassent. JJ me proposa de leur parler, Nous partîmes ensemble. Il monta à bord du Fougueux, et parla aux. soldats 4e Normandie qu} pe lqi témoignèrent aucun mécontentement de ce départ précipité,
t il n'en fut pas 4e même à bord de YUrynie. Les soldats d'Artois
refusèrent de mettre sous voiles; il y eut même des motions pour arrêter
le général ; ils demandèrent d'envoyèr 4 homqies
« Le 3, mon équipage entra en insurrection : les matelots voulurent qu'on leur livrât les clefs de la soute aux poudres, ce qu'ils ne purent obtenir. Ils me demandèrent de faire passer des coffres d'armes sur le gaillard d'avant : je m'y opposai, parce que je sentis que les demandes se succéderaient les unes aux autres. Ils ne tinrent aucun compte de mes défenses, et s'emparèrent des coffres d'armes.
« Dans ce moment une députation de la compagnie des volontaires de Port-au-Prince arriva a mon bord. Ces messieurs me demandèrent la permission de communiquer avec mon équipage : ils exhortèrent mes gens à la tranquillité, leur lurent le décret de l'Assemblée nationale du 12 octobre, les engagèrent par toutes sortes de raisons à le prendre pour guide; et ils proposèrent aux soldats de Normandie d'en prendre chacun un nombre considérable dans leurs maisons, leur promettant de les traiter en frères.
« Je pris le moment où ils cessèrent de parler pour dire à mon équipage que, puisqu'il m'avait formellement désobéi, je ne pouvais plus me flatter de faire exécuter les ordres du roi à bord du Fougueux, et qu'en conséquence, je me démettais du commandement du vaisseau. Tout le monde cria que, si je m'en allais, ils s'en iraient aussi, qu'ils ne souffriraient jamais que je les abandonnasse ; et qu'ils me promettaient de m'o-béir jusqu'à la mort. Quel fonds puis-je faire sur votre promesse, leur répondis-je, tant que je verrai les coffres d'armes sur le gaillard d'avant. Dans l'instant,ils furent replacés dans la dunette. Alors je leur promis de ne pas les quitter.
« Je reçus dans la journée l'ordre de M. de Blanchelandepour débarquer le régiment de Normandie et celui d'Artois. Le lendemain, entre 8 et 9 heures du matin, un capitaine d'Artois vint me dire, de la part du général, que je pouvais leur donner des cartouches. A 9 heures après midi, une députation du district de Port-au-Priuce arriva. Un de ces messieurs me harangua et me montra des craintes sur le péril imminent où ils allaient se trouver pendant la nuit qui s'approchait. Je leur répondis par la lecture que je leur fis du décret du 12 octobre, en leur disant qu'il devait être notre point de ralliement et notre seule règle; que toutes les fois que nous nous en écarterious, nous tomberions dans des inconvénients incalculables; que, quant au danger qu'ils craignaient, il me semblait que rien ne pourrait y donner lieu.
« Dans ce moment, tous les soldats crièrent qu'ils voulaient descendre à terre, et défendre ces braves citoyens s'ils étaient attaqués. Il me fut impossible de les ramener à l'ordre; enfin j'obtins qu'ils m'écoutassent : Je dis, au nom de la députation, que je ne voulais pas m'opposer plus longtemps au vœu de ces braves gens, et qu'ils pouvaient descendre en tel nombre qu'ils voudraient. Je priai MM. les députés du district de veiller à ce que leur zèle malentendu ne les entraînât pas; ils me jurèrent qu'ils en répondaient. Il fut à terre environ 300 hommes de de mon bord avec leurs armes et 12cartouches; ils avaient avec eux 9 officiers. Je me rendis sur-le-champ chez le gouverneur général, et je lui rendis compte de ce qui venait de se passer. La nuit fut fort tranquille. Le 4, entre 8 et 9 heures du matin, je débarquai ce qui me restait du régiment et le drapeau du bataillon.
« Les équipages se ressentaient de ce qui se passait : nous ne pouvions pas les empêcher d'aller à terre; enfin tout était dans la plus grande confusion. A quatre heures et demie du soir, j'appris que M. Mauduit, colonel du régiment de Port-au-Prince, avait été massacré et sa tête mise au bout d'un fusil; sa maison avait été mise au pillage. M. de Blanchelande ^xait quitté la ville de Port-au-Prince dès le matrfi; et plusieurs autres officiers avaient suivi son exemple: tout était dans le plus grand désordre. J'écrivis aux commandants des bâtiments du commerce que je leur offrais tout ce qui dépendait des vaisseaux du roi dans les circonstances présentes : La nuit se passa sans tumulte, tant à terre que sur les vaisseaux.
« Le 5, j'écrivis au chef du pouvoir exécutif, pour le prier de prendre les moyens convenables pour arrêter et réprimer les désordres que les matelots commettaient à terre, étant essentiel pour le salut public d'y apporter un prompt remède. M. de Villeneuve, lieutenant-colonel d'Artois, me répondit qu'il allait se rendre à une assemblée générale de citoyens à laquelle il ferait part de ma demande. Je lui écrivis de nouveau à midi que je le priais d'arrêter et de faire conduire au corps de garde tout marin qui n'aurait pas une permission par écrit, signée du lieutenant en pied, pour aller à terre.
« Je ne sais ce qu'est devenu M. de Blanche-lande; je n'ai reçu ni ordres ni nouvelles de lui. Si je n'en reçois pas, je ferai partir ce soir la corvette la Favorite, pour porter mes paquets.
« Du 5 mars, à une heure après midi.
« Le feu a pris à bord d'un navire de Marseille. Malgré tous les soins et les secours possibles, on n'a pu sauver ce navire; mais on a empêché que le feu se communiquât à ceux dont il était entouré. J'espère que sous peu je rétablirai une espèce d'ordre.
« L'autorité n'est plus en ce moment dans les mains de la municipalité ; elle a passé entre celles du district : le général vous rendra des comptes plus certains de ce qui concerne l'intérieur de la colonie.
« Dans l'état actuel des choses, il semble que les vaisseaux que je commande sont inutiles à Saint-Domingue : je vous demande sur cela les ordres du roi. Quant à ce qui m'est particulier, je vous supplie d'engager Sa Majesté à permettre que je retourne en Europe, ma santé ne me permettant pas de rester ici, et la besogne étant au-dessus de mes forces.
« Du 6 mars.
« Je reçois dans ce moment une lettre de M. de Paroy, commandant VAglaé, et une lettre de M. de Montier, commandant ie Serin, au Gap. Ils demandent tous les deux leur retour en France, vu le peu de subordination de leurs équipages. J'attendrai ce que vous m'ordonnerez à cet égard.
« La municipalité m'a prié de retarder l'envoi de la corvette en France
pour qu'elle pût rendre
« J'ai reçu dans la journée une députation pour me remercier des secours que les vaisseaux de guerre avaient envoyés ppur arrêter l'incendie.
« La conduite de M. de La Salle, lieutenant de vaisseau sur VUranie, dans ces événements malheureux, mérite les plus grands éloges. Je ne lui ai pas laissé ignorer les témoignages flatteurs que je vous transmets, en vous priant de les faire parvenir au roi.
Du 7 mars.
« J'ai appris que les différents corps avaint fait des visites au maire et aux officiers municipaux. Je leur ai écrit pour savoir à quelle heure on pourrait nous recevoir. On m'a répondu que ce serait à cinq heures du soir : nous nous y sommes rendus; une garde d'honneur dous a accompagnés depuis la mer jusqu'à la maison commune où nous avons trouvé la municipalité rassemblée. Quand nous sommes sortis, la même garde, M. le maire et la municipalité nous ont accompagnés jusqu'à la mer. J'entre dans tous ces détails, monsieur, pour vous prouver que je n'ai rien pégligé de ce qui pouvait faire naître la confiance et procurer la tranquillité, dans ces moments de troubles. On a appris ce matin que M. de Blanchelande était au Gap. On lui a envoyé des officiers municipaux pour l'engager à revenir ici.
Du 8 mars.
« Des recrues du régiment du Port-au-Prince sont débarquées hier. J'ai fait passer celles du régiment du Gap sur l'aviso qui partira ce soir pour les y porter. Voilà, monsieur, où en sont les choses aujourd'hui à midi : la municipalité sort de eon côté pour venir nous rendre visite.
« Tout paraît plus tranquille. Je tâche de ramener l'ordre; j'espère y réussir. Soyez certain que je ne négligerai rien; mais soyez-le aussi que nous sommes de toute inutililé ici. M. de Rivière que je charge des paquets aura l'honneur de vous rendre un compte verbal de beaucoup de choses dont il a été témoin. Vous pouvez lui accorder toute confiance. « Je suis avec respect, etc.
« Signé : de village. »
2° Lettre de M. de Courvoyer.
« Monsieur.
« J'ai l'honneur de vous informer des événements arrivés dans le régiment du Port-au-Prince, dont M. Mauduit a été la victime.
« Jusqu'alors, l'ordre et la discipline y avaient été maintenus dans toute leur rigueur; mais la station, arrivée le 2 mars, a tout détruit, et cela en persuadant aux sous-officiers et soldats du régiment, et principalement à la compagnie des grenadiers, que le décret du 12 octobre avait été annulé par un autre en date du 17 décembre, par lequel le régiment, et surtout son chef, sont blâmés d'avoir opéré la dissolution de la ci-devant assemblée coloniale; qu'en conséquence la station a été envoyée à Saint-Domingue à l'effet de punir les coupables; que M. Mauduit, étant reconnu pour avoir seul induit en erreur son régiment, la station ne fraterniserait avec ledit régiment, qu'après qu'il se serait lavé par une punition exemplaire des torts de ce colonel.
« Les grenadiers prirent la résolution de s'asurer de la personne du sieur Mauduit; et, sous le prétexte honorable de veiller à ce que personne n'attentât à ses jours, ils le gardèrent dans les pavillons jusqu'au moment où il fut question de reporter au comité le drapeau du district, enlevé îudit comité dans la nuit du 29 au 30 juillet 1790. Arrivés en face de cette maison, M. Mauduit fut assassiné à coups de sabre. , « C'est ainsi que nous avons perdu ce brave chef. Ce funeste événement fut précédé et suivi d'orgies continuelles, et cela par le moyen d'un grand nombre de barriques de vin que les bourgeois firent conduire à la caserne ; les soins que j'ai apportés, ainsi que ceuxdes officiers qui m'ont secondé autant qu'il est en eux, ont fait que l'ordre commence un peu à se rétablir.
« J'ai l'honneur de vous rendre compte de 'arrivée de 250 recrues qui sont en bon état. L'officier commandant m'en a dit beaucoup de bien ce matin. « Je suis avec respect, etc...
« Signé : de courvoyer. »
Première lettre de la municipalité de Port-au-Prince.
« Monsieur,
« Le premier devoir des représentants du peuple est sans doute de vous instruire des événements dont le Port-au-Prince vient d'être le théâtre, et qui ont été occasionnés par l'arrivée de la station envoyée à Saint-Domingue, en exécution de votre décret du 12 octobre; mais, avant d'entreprendre ce récit, il est indispensable de vous apprendre quelle était avant ce moment la situation de la partie de l'ouest et du sud de la colonie.
« Depuis l'instant que l'assemblée coloniale s'était embarquée pour vous soumettre ses travaux, et surtout depuis que l'on a eu connaissance de votre décret du 12 octobre qui casse toutes ses opérations, les colons de Saint-Domingue vivaient sous un empire plus despotique que celui dont nous venions de sortir. La Révolution, qui assure à la France tant d'avantages et de bonheur, n'avait fait encore parmi eux que des sujets de deuil et de tristesse.
« Deux partis qui s'étaient voués une haine irréconciliable divisaient tous les esprits, l'un tenant à l'ancien régime et voulant le maintenir, l'autre accusé faussement de viser à une indépendance aussi coupable qu'impossible, et qui n'a jamais désiré autre chose que de voir la Révolution s'opérer à Saint-Domingue; l'un triomphant, quoi-qu'en petit nombre, parce qu'il était appuyé par les forces militaires ; l'autre écrasé, quoique nombreux, parce que l'on interprétait contre lui les dispositions de votre décret; l'un s'assemblant librement pour délibérer et concerter avec le pouvoir exécutif les moyens de réaliser ses projets ; l'autre n'ayant pas même la liberté d'épancher ses désirs dans le sein de l'amitié, espionné à chaque pas, emprisonné, décrété, condamné, flétri pour le moindre propos qu'on taxait d'incendiaire, de révolte et d'insurrection.
Quel était le but de cette persécution proscrite partout, hors en ces
lieux où régnait encore la tyrannie? C'était d'éloigner par la terreur
la majorité des colons de former l'assemblée coloniale que vous avez
ordonnée, et de les dépouiller ainsi du plus beau de leurs droits, de
celui qui leur assure à jamais que les lois qui les régiront seront
conformes à 1 urs convenances locales,
« Geplan eûtincontestablement réussi, du moins quant au projet d'écarter de l'assemblée coloniale tous les amis des réformes. Quel citoyen bien intentionné eût osé en effet accepter une pareille mission, dans un temps où il eût couru risque de perdre sa liberté personnelle en usantde la liberté de son opinion; dans un temps où les dépositaires de l'autorité venaient, à l'abri de la force militaire dont ils disposaient arbitrairement, faire en quelque sorte, des abus dont ils profitaient, une arche sacrée à laquelle on ne pouvait toucher sans être puni de mort? Ainsi l'assemblée coloniale se fût trouvée par là soumise aux partisans de l'ancien régime, qui n'eussent rien négligé pour le maintenir.
« Grâce aux sages précautions prescrites par votre décret du 12 octobre, les colons sont délivrés de toute inquiétude à cet égard. Ils commencent à voir briller l'aurore du beau jour que l'exécution de ce décret leur fait espérer.
« Mercredi dernier* 5 de ce mois, la station, depuis longtemps annoncée, est arrivée portant un bataillon du régiment de Normandie, un bataillon du régiment Artois, un détachement du corps royal d'artillerie. M. de Blanchelande, lieutenant général au gouvernement, et remplissant les fonctions de gouverneur, depuis le départ de M. de Peynier, s'est aussitôt rendu à bord pour s'opposer au débarquement des troupes, en assurant que la ville était parfaitement tranquille, et n'avait pas besoin de seoours, et que d'ailleurs il n'existait aucun logement pour eux en cemoment. Il lesinvitait à se rendre au môle Saint-Nicolas; mais une illumination générale les avait avertis et de l'empressement avec lequel ils étaient attendus, et de la joie avec laquelle ils seraient reçus.
« En conséquence, des députés des compagnies se sont rendus à terre pour connaître la situation de la ville et le vœu des citoyens sur leur débarquement. Ils n'ont pas tardé longtemps à s'apercevoir de l'état de contrainte, ou plutôt d'esclavage, dans lequel la majorité des citoyens était plongée. Ils n'ont pas tardé à s'apercevoir de la coalition que les partisans de l'ancien régime avaient faite entre eux. pour le maintenir ; et vous jugez quelle impression cette vue a produite sur des hommes vraiment libres, sur des soldats citoyens qui ont combattu pour la liberté, et qui ont remporté la victoire. Ils ont senti que la tentative faite pour les éloigner n'avait eu d'autre but que de perpétuer nos fers; et ils ont juré de les briser.
« Leurs dispositions ont été aussitôt connues ; et dès cet instant la coalition des soutiens du despotisme s'est elle-même dissoute et anéantie. La conduite de ces braves guerriers a fait sortir le régiment du Port-au-Prince de l'erreur et de l'aveuglement où il avait été plongé. Combien n'était-il pas à désirer que ce retour au patriotisme n'eût coûté ni sang ni regrets !
« Vendredi matin, 4 du mois de mars, ils se sont emparés de M. Mauduit, leur colonel, sur lequel ils rejettent tout le blâme de leur conduite, et l'ont gardé à vue devant, leur caserne. Le même jour, à 4 heures du soir, ils l'ont conduit devant le corps de garde patriotique, ayant à leur tête les drapeaux des citoyens, enlevés dans la nuit du 29 au 30 juillet. Arrivés dans ce lieu, où ils se sont rappelés sans doute d'avoir surpris des citoyens paisibles, au milieu de cette nuit fatale, de les avoir attaqués, d'avoir versé leur sang, ils ont cru ne pouvoir mieux expier leur faute qu'en sacrifiant celui qui les avait excités à la commettre. (Mouvement d'horreur.)
« Ils se sont jetés sur leur chef. Au même instant les citoyens, accourus pour assister à la cérémonie de la remise des drapeaux, oubliant tous les torts de M. Mauduit, ont crié unanimement : Grâce! Grâce ! et se sont précipités au milieu des soldats pour l'arracher de leurs mains. Inutiles efforts : il est tombé percé des coups de ses soldats. M. le gouverneur, le commandant de l'Ouest, plusieurs officiers du régiment et quelques citoyens se sont éloignés.
« A cette nouvelle la paroisse s'est assemblée ; et attendu l'abandon de la chose publique par les officiers préposés pour commander, elle a décidé de procéder sur-le-champ à la nomination d'une municipalité, mais provisoirement seulement. Elle a pensé qu'en se renfermant dans les fonctions décrétées par l'Assemblée nationale, cette municipalité pouvait d'abord être mise en activité; et que dans un temps où il n'existait aucune autorité, il était pressant de créer un corps capable de rétablir l'ordre et la paix dans la ville.
« Dans la même séance, la paroisse a arrêté une proclamation qui a été imprimée, publiée et affichée sur-le-champ, pour inviter les citoyens qui avaient été, quelques instants, divisés d'opinion avec la majorité, et que la crainte pouvait, avec raison, avoir éloignés, à se réunir de bonne foi à leurs frères, promettant, sous le sceau du patriotisme et de l'honneur, de les recevoir avec cordialité, et de leur donner la sûreté, l'appui et la protection qui est due à tous les citoyens par la loi.
« Plusieurs personnes se sont détachées à l'instant de l'assemblée pour aller chercher ceux qui pouvaient être restés, et les ont conduits à la paroisse où ils ont été reçus avec applaudissements et embrassés par tout le monde. Ceux qui se sont présentés depuis ont reçu un semblable accueil ; et successivement jusqu'aux derniers, ceux qui se présenteront seront traités de même. Des fêtes se sont succédé : des illuminations ont eu lieu pendant 7 jours de suite. On a chanté un Te Deum solennel (Murmures), en réjouissance de l'heureuse réunion.
« Signé : Les membres de la municipalité du Port-au-Prince.
« Ile de Saint-Domingue.
« Signé : Lerembourg, maire. »
4° Deuxième lettre de la municipalité de Port-avr-Prince.
« A Messieurs les membres de l'Assemblée nationale.
« Port-au-Prince, île de Saint-Domingue, le 8 mars 1791.
« Messieurs,
« Il y a trois jours qu'il existe une municipalité au Port-au-Prince, et depuis trois jours seulement, nous sommes libres, tranquilles et heureux. A l'arrivée de la station envoyée de France, pour faire exécuter le décret du 12 octobre, de grands mouvements ont eu lieu; la lettre que nous adressons, à M. le ministre de la marine, et dont nous nous empressons de vous envoyer un exemplaire, en contient les détails; nous ne vous les répéterons pas.
« La chose publique délaissée par le représentant du roi, la confusion pouvait s'établir ; dans ces moments critiques les citoyens se sont assemblés, et ils ont cru ne pouvoir ramener l'ordre et la paix, qu'en établissant un corps représentatif à l'instant même, et le 5 de ce mois, une municipalité a été établie : elle est provisoire seulement et conforme en tous points aux décrets nationaux, jusqu'à ce que la nouvelle assemblée coloniale, qui doit être formée d'après le décret du 12 octobre, ait décidé les modifications dont cet établissement est susceptible.
« Nous touchons maintenant au moment où les députés vont être nommés, quelque rapproché qu'il soit, nous nous empresserons toujours, Messieurs, de vous faire connaître notre situation et notre existence politique.
« L'ordre règne ici et nous désirons le voir affermir, tout y concourt, tout s'y porte avec joie. MM. les officiers de la station, ceux des bataillons de Normandie, ceux du bataillon d'Artois, ceux du corps royal d'artillerie, ceux du régiment du Port-au-Prince, ceux des troupes nationales, ceux de l'administration, MM. les capitaines marchands et autres corps, tous se sont réunis à la municipalité, lui ont fait des adresses et des félicitations, tous ont promis de concourir à maintenir l'ordre, et nous n'avons d'autres désirs que de le voir durer toujours.
« Les intérêts de la colonie vont être pesés et discutés par la nouvelle assemblée coloniale qui doit ouvrir sa première séance le 20 de ce mois à Léogane, comme le prescrit le décret de la nation. La colonie, n'en doutez pas, va remplir vos espérances; elle connaît les liens, les rapports politiques et dê commerce qui l'unissent à la France et ces liens seront raffermis pour toujours. Des plans seront faits par l'assemblée coloniale, ils seront soumis au Sénat de la France et décrétés par lui ; nous ne reconnaîtrons jamais d'autres lois.
« Loin de vous, Messieurs, l'idée que la colonie ait jamais visé à l'indépendance et à rompre avec ses amis, vos parents, vos frères; nos cœurs désavouent ce sentiment et s'en offensent ; nous connaissons toute l'importance des colonies, nous connaissons aussi tous les droits du commerce de France; ils seront sacrés pour nous; vos intérêts, vos propriétés, tout sera ménagé par des lois sages et mesurées, décrétées par l'Assemblée nationale, et qui régleront l'équilibre de vos intérêts et des nôtres. Voilà quels sont nos sentiments et nous n'en changerons jamais. C'est pour vous donner une assurance qui doit vous flatter autant pour vous-mêmes que pour nous, que nous nous empressons d'envoyer à toutes les chambres de commerce un exemplaire de cette lettre.
« Signé : Pour les membres du conseil général de la municipalité,
« Lerembourg, maire. »
5° Adresse de la municipalité de Saint-Domingue au roi.
« Sire.
« De tous les Français qui avaient des droits à la régénération, nous étions les seuls que des événements trop malheureux en avaient privés jusqu'à ce jour. Les premiers élans de notre patriotisme avaient été calomniés auprès de vous ; on avait voulu vous persuader qu'au delà des mers, des Français voulaient faire scission avec leur mère patrie, et se séparer à jamais de leurs amis, de leurs parents, de leurs frères, pour vivre isolés et coupables d'ingratitude envers leurs auteurs. Une aussi noire calomnie a été trop longtemps accréditée,et les suggestions denosennemis ont déterminé, contre ceux qui nous représentaient, des reproches qui auraient trop affligé nos âmes, si, moins confiants dans votre amour, nous eussions pu croire que vous pouviez nous le retirer un seul instant.
« Aujourd'hui, un nouvel ordre de choses se présente. La présence des régiments de Normandie, d'Artois et de l'artillerie, envoyés à Saint-Domingue pour y fixer la règle et la paix, nous a confirmés dans nos sentiments pour notre régénération. Leur patriotisme a raffermi le nôtre, et trompé les ennemis de la Constitution française, sur laquelle seulement nous voulons asseoir notre bonheur.
« Notre premier sentiment a été de ramener à exécution, sous la protection des militaires français, les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par vous, et de chercher dans une nouvelle assemblée formée dans notre sein, d'après le décret du 12 octobre dernier, des soutiens contre l'oppression.
« Obligés de pourvoir à l'ordre et de remplir des soins que paraissaient négliger les dépositaires de votre autorité, les citoyens du Port-au-Prince se sont assemblés; une municipalité provisoire vient d'être établie, et les membres qui la composent s'empressent de déposer dans votre sein le té-moignagne de leur amour, et de la vénération due à vos vertus.
« Le temps des persécutions est fini pour les colons de Saint-Domingue comme pour leurs frères d'Europe ; leur bonheur réciproque s'accroîtra par leur union, et notre mère patrie ne cessera de trouver, dans notre attachement pour elle et dans nos rapports de commerce toujours soutenus, une source de prospérité qui fera tout à la fois la splendeur de la France et sera le plus ferme appui de la Constitution.
« Puissiez-vous, Sire, reconnaître en nous des enfants qui vous furent toujours soumis, et dignes par leur cœur du plus tendre amour de leur père.
« Nous sommes, etc.
« Signé : Les membres de la municipalité du Port-au-Prince. « Ile de Saint-Domingue.
« Signé : Lerembourg, maire. »
Plusieurs membres demandent de renvoyer au comité colonial la lettre du ministre de la marine, et les pièces y jointes.
(L'Assemblée consultée décrète le renvoi.)
Je ne ferai aucune réflexion sur les nouvelles que l'Assemblée vient d'entendre; mais je crois qu'il est de la justice et de la loyauté de lui donner connaissance à l'instant même d'une pièce qui, depuis deux jours, est déposée dans mes mains. Les membres de la ci-devant assemblée générale de Saint-Domingue, dégagés des suggestions qui les avaient égarés, m'ont remis une adresse, par laquelle ils reconnaissent leurs erreurs, jurent obéissance aux décrets, et rétractent les écrits où ces décrets ont pu être attaqués.
Si cette pièce eût été connue plus tard, on aurait pu croire qu'elle était l'effet de l'impression des nouvelles qu'on vient de lire; il est de mon devoir d'en fixer l'époque, afin que le mouvement libre et pur, dont elle est l'effet, ne puisse pas être mis en doute. Je vais vous donner lecture de l'adresse :
« Les Américains réunis à Paris, et ci-devant composant l'assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue, à l'Assemblée nationale.
« Messieurs, « Vous avez prononcé souverainement sur nos actes et sur notre caractère politique : vous vous êtes réservé de statuer sur nos personnes : telles sont en substance les dispositions de votre décret du 12 octobre de l'année dernière. Notre soumission sans réserve à ce décret vous a déterminés à écouter notre justification individuelle, et à nous montrer tout l'intérêt dû à des hommes qui out été honorés de la confiance de leurs concitoyens, dans la plus importante des colonies françaises. Agréez, Messieurs, nos actions de grâces pour les moments que vous avez consacrés à nous entendre.
« L'instant de nous juger est venu : votre décret va nous placer au nombre des bons citoyens, ou nous confondre parmi les mauvais : si nos desseins ont été remplis par celui qui nous a servi d'interprète, nous nous flattons qu'il ne reste plus de doute sur la pureté de nos intentions. Nous croyons néanmoins devoir publier une dernière profession de foi, qui achèvera de nous faire connaître aux représentants delà nation et aux amis de la patrie.
« Nous remplissons franchement notre devoir en abdiquant comme erronés des travaux que vous avez jugés tels; mais ces erreurs n'ont jamais pris leur source dans une volonté coupable; elles n'ont été produites que par l'éloignement où nous étions de tous secours, et par les circonstances dont le torrent nous a entraînés : quiconque se fût trouvé dans une position telle que la nôtre, eût vu naître les mêmes orages, et peut-être de plus violents. Vous n'oublierez pas que nous étions placés au sein d'une Révolution où tout était nouveau, où les meilleurs esprits pouvaient s'égarer dans la recherche du bien, et où nous n'apercevions vos œuvres qu'à travers un épais nuage.
C'était pour nous une assez grande douleur de n'avoir pu, daus notre patrie, conduire nos concitoyens à la félicité qu'ils nous avaient chargés de leur procurer, et qu'ils attendaient do nos soins.
Le comble du malheur a été de voir que nos actes nous aient fait accuser de projets sinistres de scission et d'indépendance; enfin le devoir vraiment douloureux à remplir est d'avoir à justifier notre attachement à la France.
« Ne sommes-nous pas les descendants de ces insulaires qui se sont volontairement unis à elle? N'avons-nous pas prouvé, dans tous ies temps, que le oom français nous était cher? Notre sang n'a-t-il pas souvent coulé pour le conserver? Quoi! dans des jours malheureux, nous nous serions signalés par notre affection pour notre mère patrie! nous aurions patiemment partagé ses infortunes et ses chaînes! et maintenant nous ne voudrions pas nous associer à sa liberté, à son bonheur et à sa gloire!
« Quand cet attachement à la France ne serait pas inné en nous, et ne nous aurait pas été transmis par nos pères, notre intérêt personnel ne vous serait-il pas garant de notre fidélité? Il nous commande de demeurer annexés à l'Empire français; nous ne pouvons exister à part dans l'ordre social ; ainsi le veut Ja nature, qui nous a accordé des terres fertiles en denrées de luxe; ainsi le veut la saine politique, qui nous invite à rechercher la protection d'un grand peuple, car on n'est pas impunément faible et riche; ainsi le veut, et notre organisation intérieure, et le genre de notre population, et diverses autres considérations qu'il serait superflu de rapporter.
« Notre plus ardent désir est donc de voir s'évanouir sans retour ces soupçons qui nous ont précédés et suivis dans la métropole, et sur lesquels nous avons gémi trop longtemps : nous voulons que notre inviolable attachement à la France soit manifesté à tous ceux qui le partagent avec nous. Il ne nous est pas possible de supporter que l'on nous croie réfractaires à la volonté des légitimes représentants de la nation. Nous n'hésitons donc pas à reconnaître authen-tiquement que l'Assemblée nationale est investie de la puissance suprême sur tout ce qui porte le nom français ; que tous les membres de l'Empire doivent être soumis à ce qui a été décrété par elle : ainsi, attachement et soumission à la loi, telle a été, telle est et telle sera notre maxime constante et inébranlable. Si quelqu'un de nos écrits a paru contrarier cette maxime, nous le rétractons hautement, nous nous faisons gloire de protester de notre obéissance, parce que nous savons bien qu'une telle obéissance est honorable, qu'elle est le premier devoir du citoyen et l'apanage des hommes libres, et nous réitérons ici la demande que nous avons déjà faite d'en prêter le serment dans vos mains.
« Comment ne serions-nous pas touchés de reconnaissance pour les législateurs de l'Empire? Par quel inconcevable aveuglement ne cherche-rions-nous pas à faire triompher vos décrets? Vous nous offrez on gouvernement doux et modéré, et tous les bienfaits qu'a produits la Révolution : que pourrions-nous souhaiter de plus? Avant qu'il existât une Assemblée [nationale, nous n'aurions jamais espéré tant de biens, et nous ne pouvons pas être assez insensés pour ies rejeter.
« Tous nos vœuxsoDt d'être bientôt en possession des biens que vous nous
destinez : nos concitoyens, dont les intérêts nous seront toujours
sacrés, ont besoin d'en jouir pour oublier les maux auxquels ils ont été
si longtemps en proie. Les instructions que vous êtes sur le point de
décréter ne sauraient recevoir une exécution trop prompte; elles ne
l'obtiendront qu'avec le
« Quant à nous, Messieurs, par cette dernière et solennelle manifestation de nos sentiments, nous avons voulu lever tous les doutes que les événements ont pu jeter sur nous. C'est en ce moment, c'est dans cette expression libre et pure de nos pensées, que vous nous retrouverez tels que nous sommes, et tels que nous ne cesserons jamais d'être; c'est dans cette profession de foi, dictée par nos cœurs seuls, et tracée avec franchise, que vous apercevrez véritablement nos intentions, et que vous puiserez le jugement que vous allez porter sur elles. Nous attendons ce jugement avec confiance. Pères de la patrie! le bonheur de tous les Français vous est également cher. Fondateurs de la liberté, c'est en créant des dtoyens que vous avez donné une base inébranlable à la Constitution qui est votre ouvrage. Vous ne repousserez point aujourd'hui l'hommage de ceux qui jurent obéissance à vos lois, et qui, forts de leur conscience et de leurs sentiments, ne sollicitent de vous un décret qui leur permette un retour honorable à Saint-Domingue, que pour s'y consacrer entièremeut à la défense ae cette Constitution dont ils sont les premiers admirateurs, dont ils s'honoreront d'être les apôtres, et qu'ils prennent, l'engagement formel de maintenir de toutleur pouvoir. (Vifs applaudissements.)
« Signé : Daugy, vénault de charmilli, Leray de La Clartais, l'archevêque Thibaut, tant pour moi que pour M. Demaigné ; Dutrejet, Leforestier, Delmas le jeune, Beraud, Rousseau de La Gautraie, Marraud Desgrottes, Durand, Legrand, Saunois, Petit, Legout, i Daubonneau, Vigoureux, Pouquet, Avalle, Demontmain, tant pour moi que pour MM. Deca-dusch et Nectoux, Valentin de Cullion, Charrier, Amidieu Duclaux, Croisier, président du comité de l'Ouest; Chevernet, Au-bert, Boutin, Sezille, Depons, Legomeriel de Benazé, Davezac de Castera, Denix, Devase, Aubert, Martin de Castelpers, Guérin, Cotelle, laroqueturgeau ainé; de nogerée, Suire, Remoussin, Magnan fils, Debourcel. »
Plusieurs membres : L'impression ! l'impression !
Je dois ajouter après cette lecture, que, par une autre adresse également antérieure aux nouvelles qu'on vient d'entendre, ces mêmes colons demandent que les instructions annoncées par l'Assemblée nationale soient converties en décret provisoire, de sorte qu'il ne peut rester aucun nuage sur la sincérité de leurs intentions, et qu'on ne peut douter que leur désir ne soit de les voir réussir, et de coopérer eux-mêmes à leur succès, puisqu'en demandant que l'Assemblée en ordonne l'exécution provisoire, ils se montrent ennemis de tous les obstacles qui pourraient leur être opposés. (Applaudissements.)
D'après cela, je me joins aux membres qui ont demandé l'impression.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'insertion dans le procès-verbal de l'adresse des Américains composant la ci-devant assemblée générale de la partie française de Saint-Domingue.)
lève la séance à trois heures.
présidence de m. rewbell.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
donne connaissance d'une lettre des administrateurs composant le directoire du département de VEure, dont suit un extrait :
« Nous vous envoyons le tableau général des domaines nationaux vendus dans notre département jusques et y compris le 31 mars dernier. Vous verrez que le total des adjudications s'éle-vant à la somme de 10,272,521 1. 2 s. 6 d. surpasse celui des estimations de 4,591,466 l. 13 s.
6 d.
« Veuillez être nos interprètes auprès de 1 Assemblée nationale pour leur faire connaître les progrès de nos ventes et notre espoir de continuer ces opérations avec le même succès. Le zèle, l'activité des directoires de districts, et la confiance qu'ont nos concitoyens dans l'aliénation des domaines nationaux, nous sont un sûr garant que vos espérances et les nôtres ne seront point trompées.
« Pour propager de plus en plus la confiance publique et affermir le crédit national, nous faisons imprimer notre tableau de vente dans la forme de celui que nous vous envoyons, nous nous proposons d'en faire l'envoi à tous les corps administratifs, et de le faire afficher dans les chef-lieux des cantons de notre département. »
au nom des comités de féodalité, des domaines et du commerce et d'agriculture.Yoas avez renvoyé à vos comités de féodalité, des domaines, du commerce et d'agriculture la rédaction du décret rendu samedi dernier dans la séance du soir, par lequel vous avez ajourné une partie du projet de décret qui vous a été présenté sur les cours d'eau. Voici la rédaction que vos comités vous proposent.
« L'Assemblée nationale ajourne les détails complémentaires compris dans le projet dont le rapport a été fait par ses comités de féodalité, des domaines, du commerce et d'agriculture, et cependant, charge les mêmes comités de lui présenter incessamment des principes généraux et constitutionnels sur la propriété du cours d'eau, sur la liberté des irrigations, et sur la conservation de la pêche. »
(Cette rédaction est adoptée.)
est admis à la barre et fait hommage à l'Assemblée d'une carte des 83 départements.
témoigne à M. Belleyme la satisfaction de l'Assemblée sur le plan d'exécution de cet ouvrage et l'invite à assister à la séance.
au nom du comité de Constitution,
1 propose le projet de décret suivant :
L'Assemblée Dationale, après avoir entendu le rapport du comité de Constitution, décrète ce qui suit :
« La paroisse de Saint-Clair demeure unie au département de l'Isère.
« La commune d'IIheisiren fera partie de celui du Haut-Rhin.
« Les paroisses de Saint-Maurice-la-Fougereuse et de Saint-Pierre-à-Champ seront du département des Deux-Sèvres, district de Thouars.
« Lesressorts des trois juges dont l'établissement a été décrété pour les ville et canton de Brest, seront déterminés par l'administration du département du Finistère, de manière que deux juges de paix soient élus pour la ville : l'un pour la partie de Brest et son faubourg; le second pour la partie de Recouvrance, et l'autre pour les municipalités de campagne.
« L'administration du département de Maine-et-Loire est autorisée à diviser en arrondissements les ville et canton de Saumur, pour l'élection des juges de paix, dont l'établissement a été décrété, et pour la circonscription des ressorts de leurs juridictions.
« La ville de Lezat aura un juge de paix particulier.
« Les cantons de Fécamp, Criquelot, Goderville et Beauté formeront l'arrondissement du tribunal de commerce établi à FéGamp.
« Les 7 autres cantons du district formeront le ressort du tribunal du même genre, établi au Havre. »
Un membre propose d'augmenter le nombre des juges de paix de la ville et du canton de Saumur à cause de la réunion de quelques municipalités qui ont suivi l'établissement de ceux qui ont été accordés à cette ville.
(L'Assemblée renvoie cette demande au comité de Constitution et adopte le projet de décret du comité.)
au nom du comité de Constitution. J'observe que dans un des décrets qui ont établi des tribunaux de commerce dans différentes villes du royaume sur les pétitions des directoires de département, il s'est glissé l'omission de la ville de Verdun dans la nomenclature de celles qui y sont énoncées, quoiqu'il y soit fait mention de la pétition de l'administration de la Meuse, et sur laquelle l'Assemblée avait décrété cet établissement. Je demande en conséquence qu'elle autorise cette rectification sur la minute dudit décret.
(L'Assemblée décrète cette motion.)
Je crois devoir donner connaissance à l'Assemblée des dépêches adressées à M. le Président, par le directoire du département de l'Aude. Ces dépêches sont très intéressantes sous plusieurs rapports :
Il en résulte que la grande majorité des ecclésiastiques fonctionnaires publics a prêté le serment prescrit parla loi; on espère d'autre part pouvoir bientôt annoncer qu'une bonne partie des prêtres réfractaires se sont décidés à le prêter purement et simplement; le retour aux vrais principes sera d'autant plus sincère qu'il ne leur reste que la ressource d'être employés comme vicaires. Ils reconnaissent aujourd'hui l'imposture et les suggestions perfides auxquelles ils ont obéi et ils offrent de prêter leur serment sans restriction.
(L'Assemblée renvoie les dépêches du directoire du département de l'Aude au comité ecclésiastique.)
Un membre : Je demaqde. afin qu'il ne reste aucun doute dans les esprits, qu'il soit décrété que tous les ecclésiastiques qui ont été remplacés faute de serment et qui, mieux instruits aujourd'hui, offrent de le prêter, soient éligibles aux emplois publics reconnus par la constitution civile du clergé.
Je ne suis certainement pas étonné de l'effet qu'ont produit la réflexion et les excellents ouvrages qui ont paru sur cette matière-là. (Murmures à droite.) Ce qu'on vous demande, est absolument de droit. Certains ecclésiastiques ontpu ne pas prêter le serment, vous ne l'aviez pas exigé. Vous n'avez pas déclaré les ecclésiastiques qui refuseraient le serment incapables de remplir jamais aucune fonction publique ; vous avez seulement voulu qu'ils ne pussent remplir ces fonctions qu'en prenant l'engagement de maintenir les règles que la Constitution a établies dans l'administration temporelle du culte ; vous avez dit que ceux qui ne prêteraient pas le serment seraient remplacés. Ceux qui n ont pas prêté le serment ont donc été remplacés ; en refusant de le prêter, ils se sont eux-mêmes destitués par une renonciation volontaire. Mais la loi ne les exclut que conditionnellement. Ils sont certainement les maîtres de prêter le serment quand ils voudront, et du moment où ils consentent à remplir la condition que la loi ieur prescrit, ils deviennent tout naturellement admissibles à toutes les places où la confiance des électeurs voudra les porter. Je crois qu'il ne peut pas y avoir à cet égard la plus légère difficulté.
Ainsi la question qu'on vient d'élever est résolue par vos propres décrets; je demande donc que l'Assemblée déclare qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur cette motion.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion et que mention sera faite dans le procès-verbal de 1 observation de M. Treilhard.)
Je suis aussi chargé de faire part à l'Assemblée du référé que lui a adressé le directoire du département de l'Aude relativement à l'autorisation à donner à la municipalité de la Citén ville haute de Carcassonne, pour faire l'imposition des fonds employés au payement des gibernes achetées pour la garde nationale. Voici les faits :
Le régiment de Noailles était en garnison à Carcassonne. Les gibernes ayant été réformées, les officiers municipaux, crprent devoir profiter de la circonstance pour acheter 84 gibernes à très bon compte. L'acquisition en ayant été faite, les officiers municipaux autorisés par la commune, se présentèrent au district pour demander qu'en attendant l'établissement de l'impôt, il leur permît d'asseoir une imposition pour les payer. Le directoire a répondu à la pétition en ces termes ; N'ayant aucun décret qui autorisât la municipalité à acheter des gibernes ou autres choses nécessaires à la garde nationale, il ne pouvait y consentir. Le département à vu la chose tout autrement; mais il s'est élevé quelques difficultés sur sa compétence.
J'observe que les corps administratifs étant déclarés, par le décret
constitutif des municipalités, compétents pour autoriser les dépenses
locales des communes, il me semble qu'il n'y a
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
au nom des comités de liquidation et de judicature. J'ai deux rapports très courts à vous faire, au nom de vos comités de liquidation et de judicature.
Le premier ne présente aucune difficulté; mais ces comités n'ont pas cru devoir prendre sur eux de régler la cbose, sans en rendre compte à l'Assemblée. Par les décrets du 2 septembre dernier, concernant les offices de judicature, il est dit que ces offices, qui n'auront pas été soumis à l'évaluation de 1771, seront remboursés sur le pied des contrats authentiques, et à défaut de contrats authentiques, sur le pied de la finance ; mais les offices de l'amirauté d'Arles n'ont aucun contrat authentique, justificatif du prix de leur acquisition. Us ne peuvent pas justifier davantage quel était le prix originaire de la finance.
La raison est que les offices dont il s'agit ont été créés en 1555, et que les registres du contrôle ne remontent qu'à l'année 1630; il faut cependant trouver un moyen. Le lieutenant général de ce siège se présente avec deux titres différents. L'un est un titre authentique, par lequel, en l'année 1763, sa mère a laissé la gestion de l'office dont il s'agit pendant sa minorité, moyennant la somme de 1,450 livres. L'autre titre est un acte sous seing privé, par lequel celui auquel l'exercice de l'office a été cédé, s'est soumis de le payer sur le pied de 40,000 livres, au cas qu'il ne voulût pas le céder au sieur Béson, lorsqu'il serait parvenu à l'âge de majorité. Ge dernier acte ne peut être d'aucun poids.
Il faut donc recourir a l'acte authentique, par lequel celui qui a géré l'office pendant la minorité du titulaire, s'est soumis de payer annuellement la somme de 1,450 livres. En conséquence, votre comité central de liquidation, d'après le comité de judicature, a pensé qu'il y avait lieu à ordonner la liquidation, sur le pied de la somme de 28,000 livres, représentative de l'intérêt annuel de 1,450 livres. Vos comités ont donc pensé qu'il y avait lieu de liquider la charge du sieur Béson, à la somme de 30,314 1. 14 s, tant pour raison du prix principal que pour raison des autres actes remboursables aux termes de vos décrets.
En conséquence, voici le projet de décret que nous vous proposons :
« L'Assemblée nationale décrète que l'office de lieutenant général civil et criminel de l'amirauté d'Arles est fixé et liquidé à la somme de 30,314 i. 14 s., tant en principal qu'accessoires, dont brevet de liquidation lui sera délivré, en remplissant, par lui, les formalités prescrites par les décrets. »
(Ce décret est adopté.)
au nom des comités de liquidation et de judicature. Messieurs, par l'article 4 du décret du 12 septembre dernier, concernant les offices de judicature, il y est dit « que les officiers non soumis à l'évaluation prescrite par l'édit de 1771, et qui ont été simplement fixés, en vertu des édits de 1756 et 1774, seront liquidés sur le pied du dernier contrat authentique d'acquisition.
Plusieurs officiers du ci-devant parlement d'Aix se présentent, sans présenter un contrat qui leur soit personnel; mais ils demandent que la liquidation leur soit faite sur le pied des contrats de leur aïeul et de leur père qu'ils prétendent devoir tenir lieu du dernier contrat d'acquisition. Votre comité de judicature a pensé différemment, ainsi que votre comité central de liquidation ; ils ont pensé l'un et l'autre que, par vos décrets, lorsque vous aviez admis le titulaire au remboursement, sur le pied du dernier titre authentique d'acquisition, ces expressions ne pouvaient s'appliquer qu'à un contrat qui lui fût personnel, et non pas au contrat d'un père et d'un aïeul.
En conséquence, vos comités vous proposent le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que les officiers du ci-devant parlement d'Aix, qui ne pourront pas représenter un contrat authentique d'acquisition, à eux passé personnellement, seront, en conformité de l article 4 de la loi du 22 septembre dernier, liquidés sur le pied du prix moyen des offices de la même nature, et de leur compagnie, qui auront été vendus 10 ans avant et 10 ans après l'époque des provisions du titulaire. »
Je propose par amendement le projet de décret suivant ;
« L'Assemblée nationale décrète que, conformément à la loi du 18 septembre dernier, les propriétaires et titulaires d'offices de présidents et ci-devant conseillers au ci-devant parlement de Provence seront liquidés sur le dernier contrat authentique d'acquisition, et qu'en conséquence ceux des titulaires et les propriétaires qui tiennent leurs offices à titre de succession seront liquidés sur le pied du contrat authentique, de celui dont ils sont héritiers, à la charge par eux de justifier que le contrat authentique est le dernier contrat et en justifiant par pièces authentiques et probantes qu'il» sont héritiers à titres successifs et gratuits de celui dont ils présentent le contrat d'acquisition. »
Si vous adoptiez le projet de décret que vous présente M. Mougins, vous seriez dans le cas de payer les intérêts depuis l'aïeul du propriétaire actuel. Je demande donc qu'on mette aux voix le projet du comité.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voixl
(L'Assemblée décrète le projet du comité.)
Je reçois de M. de Menou la lettre suivante :
« Monsieur le Président, j'ai l'honneur de vous prier de vouloir bien présenter mes excuses à l'Assemblée nationale sur l'impossibilité de faire aujourd'hui le rapport de l'affaire d'Avignon. Depuis la séance où j'ai reçu l'ordre de le faire à jour fixe, je n'ai cessé de m'en occuper et je ne suis point sorti de chez moi afin d'être en état d'obéir à l'Assemblée nationale; mais tous mes efforts ontété inutiles, cette affaire étant tellement compliquée qu'il faut remonter jusqu'à des époques très reculées pour apercevoir la vérité et mettre l'Assemblée en état de juger avec connaissance de cause. Je demande jusqu'à jeudi.
« Je suis, etc.,
« Signé : Jacques Menou. »
(L'Assemblée consultée décrète l'ajournement
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité central die liquidation sur l'autorité des arrêts du conseil en matière de liquidation de créances et d'indemnités jugées à la charge de VEtat (1).
Messieurs, les observations que je vais avoir l'honneur de vous soumettre sont de la plus grande importance.
Tout le monde est d'accord qu'un arrêt du conseil n'est pas aux yeux de l'Assemblée nationale une autorité irréfragable; qu'elle ne doit pas ordonner le payement d'objets ainsi liquidés sans aucun examen. Toute la question est de savoir quelle sera la nature de cet examen. Une partie des membres du comité de liquidation pense que ces arrêts ne sont attaquables que par les moyens de droit; les autres croient qu'à partir de l'époque de votre décret du 11 janvier 1790, les arrêts du conseil portant liquidation doivent tous être revus, et qu'ils sont tous réformables par vous sur la proposition du comité. Je crois que ce moyen n'est pas nécessaire, et qu'il faut se contenter des voies de droit, qui portent non seulement sur la violation des formes, mais sur la violation des principes de finances, des anciennes lois du royaume. Nous vous proposerons, par exemple, incessamment de charger l'agent du Trésor public de poursuivre la cassation d'un arrêt rendu contradictoirement et dans les formes usitées, mais attaquable en ce qu'il n'est fondé sur aucune base sohde, en ce qu'il n'a pour objet qu'un mandat vaguement allégué, et dont il n'existe aucune trace. Nous ne pouvons vous proposer d'ordonner le payement de ces liquidations; car les principes de droit naturel, les principes constamment suivis dans l'ancien régime, sont qu'on ne peut payer sans connaître la qualité du demandeur.
Dans l'affaire dont je viens de parler, les demandeurs conviennent qu'ils n'ont pas de titres; ils ne présentent qu'un arrêt où se trouvent ces mots : On se rappelle qu'il y a eu une commission, etc. Quoique cet arrêt ait été rendu contradictoirement, il y a des voies de droit pour en poursuivre la cassation ; car jamais les principes n'ont été qu'on liquidât une créance, n'ayant pour base qu'un manuat verbal. Les tribunaux reverront donc cette liquidation. G'est ainsi qu'on peut faire reviser tous les arrêts qui ne seraient pas fondés sur des bases solides. Mais à quoi servirait de faire reviser généralement tous les arrêts; comme s'ils étaient tous nécessairement mauvais? Les tribunaux ordinaires ne pouvant connaître que des poursuites intentées par les voies de droit, vous vous investiriez donc du pouvoir judiciaire.
En regardant tous ces arrêts du conseil légalement rendus, pour ainsi
dire, comme non avenus, n'autoriseriez-vous pas toutes les parties qui,
par ces arrêts, ont succombé dans leurs prétentions à exercer contre la
nation les mêmes poursuites que vous exerceriez en vertu de votre
souveraineté contre les particuliers légalement liquidés? Lorsqu'en
janvier 1790 vous avez décrété que le conseil du roi continuerait de
liquider, sauf à l'Assemblée à prononcer sur les méprises que ces arrêts
pourraient contenir, vous êtes-vous réservé autre chose que de rectifier
les erreurs,
A quoi eût servi de dire aux parties : Vous allez être liquidées au conseil, nous revenons votre liquidation ; mais qu'elle soit attaquable eu non, nous liquiderons de nouveau? N'eût-ce pas été anéantir de fait l'autorité du conseil, lorsque, par le même décret, vous la mainteniez provisoirement? S'il fallait revoir tous les arrêts du conseil, jusqu'à quelle époque remonterait-on ? Les arrêts rendus depuis le 9 janvier 1790 sont-ils donc plus mauvais que les anciens ? Prendrait-on le terme ordinaire de la prescription? Mais l'on pourrait dire aussi qu'on ne prescrit point contre la nation. Vous voyez quel embarras, quel arbitraire effrayant ce serait introduire, que de ne pas se borner à la seule chose qui soit juste envers les créanciers. Je veux dire, à faire poursuivre ceux-là seulement des arrêts qui seront attaquables par les voies de droit. Ne pas suivro ce moyen, ce serait transformer l'Assemblée nationale eu chambre ardente. Je ne parle pas des arrêts qui n'ont pas été rendus contradictoirement; il est évident qu'ils sont nécessairement susceptibles de revision; mais, quant aux autres, je demande qu'au lieu d'adopter le projet de décret de votre comité, vous rendiez le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que quand il sera présenté au comité central de liquidation des arrêts rendus contradictoirement au conseil, portau t liquidation de créances, indemnités et demandes, le comité examinera d'abord si lesdits arrêts sont susceptibles ou non d'être attaqués par les voies de droit. Dans le cas où le comité estimerait qu'ils sont attaquables par les-dites voies de droit, il proposera à l'Assemblée de décréter que lesdits arrêts seront remis à l'agent du Trésor public, pour se pourvoir ainsi et contre qui il appartiendra : dans le cas, au contraire, où le comité n'apercevrait aucune voie de droit pour se pourvoir contre les arrêts qui lui seront présentés, il proposera à l'Assemblée île prononcer, par un décret, le payement des sommes portées auxdits arrêts. »
Je demande au préopinant quelles précautions il va prendre, s'il use de la méthode qu'il indique, pour les payements déjà faits et principalement pour l'affaire de MM. Al-laire et Lorrais ; car c'est payé.
Non, Monsieur, cela n'est pas payé.
(L'Assemblée, consultée, accorde la priorité au projet de décret de M. Camus, qui est ensuite mis aux voix et adopté.)
secrétaire, fait lecture d'une lettre de Mme
La Peyrouse à M. le Président, qui est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Voulez-vous bien être l'organe de mes sentiments auprès de l'Assemblée nationale sur le décret qui me concerne et qu'elle a rendu dans la séance du 22 de ce mois; je ne saurais vous exprimer combien j'ai été sensible à ce qu'il contient d'obligeant pour mon époux, et surtout à la manière noble et touchante dont il a été accueilli.
« J'aime à me flatter que tout espoir ne m'est pa3 ravi; mon esprit est
toujours dirigé sur l'ar-
« Je suis avec respect, votre très humble,
Signé: : Broudon de La Pérouse.
« Champrosay, près Paris, ce
Le rapport (1) qui était à l'ordre du jour n'a pu être fait; la matière des finances se présente nécessairement à l'ordre du jour, et parce que vous n'avez pas d'objets constitutionnels à traiter en ce moment, et parce qu'elle offre un objet infiniment important à votre discussion. Vous avez décrété une émission déterminée de petite monnaie, émission évidemment insuffisante dans mon opinion. Il devient donc très instant de prendre des moyens pour suppléer soit à la disette du numéraire, soit à l insuffisance de la petite monnaie. Je demande la parole sur cet objet.
Un grand nombre de membres : Parlez ! parlez !
Messieurs, une plainte générale se fait entendre sur la rareté du numéraire, sur son prix excessif, sur l'insuffisance des assignats, sur l'embarras des citoyens qui ne peuvent ni vendre ni acheter, faute de signes dont la circulation animée mette en activité le commerce réciproque des besoins. Le mal s'accroîtàchaqueinstaut et, depuis quelques jours, ce n'est plus l'argent seulement que l'on achète, c'est la petite monnaie même que l'on est forcé d'acheter
Le patriotisme étonnant d'uue foule de bons citoyens les porte, je l'avoue, à d'incroyables sacrifices et l'échange de leur fortune contre la liberté ne leur permet pas de se refuser à leur ruine ; mais cette ruine n'est pas nécessaire, et ce serait entendre mal la Révolution et la Constitution que de faire acheter par la misère un bienfait qui doit produire l'industrie, l'aisance, l'activité et tout ce qui peut faire fleurir un Empire. S'ils ne calculent pas leurs sacrifices, nous devons calculer pour eux, et l'on ne peut qu'être effrayé de l'amaigrissement où va tomber le corps politique, si nous n'y prenons garde. Que peuvent devenir des manufacturiers, des artisans, des entrepreneurs de toute espèce, quand ils sont obligés d'acheter l'argent à 6 et 7 0/0, et de répéter ce sacrifice au moins une fois par semaine? Il faut absolument qu'ils suspendent leurs travaux. Les manufactures doivent tomber; les artisans, les ouvriers sans travail seront, par conséquent, sans pain ; les travaux de laeampague resteront suspendus ; la balance du commerce nous sera toujours plus défavorable et notre numéraire continuant à s'écouler par ce vaste épan-choir, nous nous trouverons dans la misère. Inquiets alors, nous nous agiterons pour créer d> s ressources forcées, mats il ne sera plus temps et le corps séchera faute du sang qui ne circulera plus dans ses veines. (Murmures à gauche.) .
Ce qu'il y a de remarquable en tout ceci, c'est
Il est temps, Messieurs, de remédier à ce mal. Différer, c'est vouloir périr de gaieté de cœur et par pure inconsidération. Ce remède, c'est d'abord la petite monnaie que vous avez décrétée en trop petite quantité à mon avis et que pourtant nous n'avons pas encore. Un autre remède que tout le monde vous demande, ce sont de petits assignats. (Murmures et applaudissements.)
Je vous demande toute votre attention.
Dès le commencement, ils vous furent demandés ; et ce que tous les citoyens désiraient, ce que le peuple souhaitait, ce n'étaient pas des assignats inutiles, mais des assignats dont il pût se servit ; ce n'étaient pas des masses de 2,000, de 1 000, de 500 livres qu'il n'a jamais possédées et qu'il ne voit jamais ; mais un numéraire qui remplaçât les écus, qui concourût autant qu'il serait possible avec eux et dont ils pussent être payés et se servir pour payer.
le ne fais pas le calcul effrayant de tout ce que le peuple a perdu par l'émission des forts assignats, de tout ce qu'il aurait gagné par l'émission des petits ; je n'ai pas besoin d'émouvoir votre sensibilité, et l'aspect du présent et le calcul de l'avenir inspirent assez d'effroi pour éveiller votre sollicitude.
D'ailleurs, je n'ai point oublié tout ce que souffrit d'oppositions, tout ce qu'inspira de terreur la doctrine des assignats. D'abord, on n'y vit qu'un papier-monnaie, des billets de Law, de la charlatanerie, une banqueroute. Il fallut vaincre ce premier préjugé. Ensuite, on s'effraya sur la quantité ; il fallut transiger avec ce nouveau préjugé et se borner à une émission modérée; enfin l'on se récria sur la quantité de numéraire qui, disait-on, allait surpasser nos besoins; on s'alarma sur ce que les assignats feraient disparaître les écus, et ces deux préjuges subsistent encore (Murmures)...
Cet objet n'est pas à l'ordre du jour ; l'Assemblée ne doit pas s'en occuper.
Le salut de l'Etat est à l'ordre du jour; d'ailleurs l'ordre du jour est épuisé et, de par vos décrets, les questions de finances sont a l'ordre de tous les jours. Au reste, plus ce que j'aurai dit sera mauvais, mieux on nie répondra. (Murmures et applaudissements.)
Plusieurs membres :A l'ordre du jour!
Ce qui intéresse essentiellement la fortune de tous les citoyens e3t à l'ordre du jour.
Plusieurs membres : L'impôt I l'impôt !
Je demande à faire une motion d'ordre.
Plusieurs membres (s'adressant à M, Rabaud-baint-Ëtienne) : Parlez! parlez!
Un membre .Il faut consulter l'Assemblée.
On demande que M. Rabaud soi entendu; je mets cette motion aux voix.
(L Assemblée décide que M. Rabaud-Saint-b tien ne sera entendu.)
Je vous entretenais, Messieurs, des difficultés que vous eûtes vous-mêmes à surmonter pour faire admettre les assignats. On se récriait alors sur la quantité du numéraire qui allait être mise en circulation. On disait qu'elle excédait la proportion de nos besoins et 1 on vous annonçait que le papier n'était propre qu'à faire disparaître les écusf Ce sont ces deux préjugés qui sont la cause de notre stagnation, de cette immobilité des législateurs oui laissent au corps politique tout le temps qu'il iaut pour parvenir au marasme.
J'ai besoin pour appuyer la proposition que j'ai à vous faire, d établir trois vérités : La première que la multiplicité des affaires ne peut exister que par la multiplicité du numéraire; la seconde que la France était alors, et qu'elle est encore bien loin d avoir le numéraire dont elle a besoin la troisième, que ce ne sont ni les gros ni les pe-^ t«s assignats qui peuvent faire disparaître les écus.
La première proposition est incontestable. Dans un pays industrieux, où l'échange est établi par 1 intermédiaire des métaux et des papiers négociables, on ne peut faire beaucoup d'affaires lorsque Ion a très peu de numéraire; et, au contraire, quand le numéraire abonde, quand toutes les mains en sont garnies, quand chacun est sûr d en avoir ou de s'en procurer quand il voudra, il s établit une rapidité de circulation qui multiplie les ressources et satisfait à tous les besoins-cette rapidité est toujours en raison de la quantité' comme un grand fleuve est plus rapide qu'un ruisseau. Dans les lieux où il y a peud'écus ils s arrêtent partout ; ils séjournent dans les coffres les pauvres soupirent après ce métal et se prosternent devant lui quand ils peuvent le voir. Mais dans les cantons où le numéraire abonde l'industrie est réveillée, chacun se livre à des entreprises; les écus passent de main en main avec rapidité, la même monnaie revient entretenir 1 activité de chacun; et toujousagitée ettoujours circulante, elle ne repose jamais, elle produit 1 aisance et, si elle crée des besoins, elle fournit de quoi les satisfaire; en sorte que tout le problème proposé aux législateurs pour vivifier l'industrie dans les pays industrieux de l'Europe se résoudrait par cette réponse : Apportez-y de L argent; et au rebours, si on nous proposait le problème destructeur de les ruiner, nous répondrions : Otez-leur leur argent.
Dans les campagnes, l'abondance du numéraire fournit au cultivateur plus de facilité pour acquitter l impôt, parce que, maniant plus d'argent, il cultive mieux ses terres, il nourrit du bétail, il engraisse ses champs, il négocie sur les denrées, et que le numéraire dont il abonde ne lui permet pas de s'effrayer du moment où il faudra quil en donne une partie à l'Etat- ainsi vou ez-vous vivifier les campagnes? Apportez-v de l argent.
Dans un pays industrieux et où l'argent abonde il s établit, outre l'activité dont j'ai parlé un crédit des particuliers qui anime et vivifie tout Les citoyens prêtent aux citoyens, la terre éton-nee fournit de nouvelles et de plus abondantes productions, l'industrie s'en empare; elle les ouvre et les façonne en cent manières, et bientôt e le crée ce superflu qui attire l'argent des peuples étrangers et vient fournir les moyens ae leur en soutirer encore davantage; enfin le prix de 1 argent baisse, et c'est une nouvelle source a industrie, un nouveau moyen de lever des impôts sur les besoins des autres Etats.
Ai-je prétendu vous annoncer une vérité nouvelle en établissant cette proposition ? Non, Messieurs; mais j'avais besoin, non de la prouver, car cest une vérité de fait, mais de l'établir P?"r Ja faire servir de P^uve à cette autre vérité: Que la France est bien loin d'avoir le numéraire dont elle a besoin dans le cours habituel des choses, et surtout pour le rétablir.
C'est une objection que l'on nous a faite lors de la création des assignats. On vous disait que vous alliez lancer dans le public une quantité exagéree de numéraire; que, la France en ayant assez, ce que vous lui donniez était de trop; et que 1 équilibre entre la quantité des denrées et celle du numéraire étant détruit, les denrées monteraient a un prix excessif : l'expérience a démontre la fausseté de cette assertion. Ce n'est pas ici le lieu de combattre le préjugé très faux-Que la quantité de l'argent fait augmenter proportionnellement le prix des denrées. Je ne veux qu établir que la France n'en est pas à ce point de terreur et qu'avec la masse imposante de numéraire qu'on lui comptait, elle était loin d'avoir le nécessaire. Je la compare avec l'Angleterre.
numéraire effectif des trois royaumes à 1,200 millions de nos livres ; on a lieu de croire qu'il y a pour environ 1,840 millions de DUlets de banque en circulation. En sorte qu'on peut porter à 3 milliards le numéraire circulant de 1 Angleterre. En comparant son numéraire avec celui que nous avons aujourd'hui, et sa population avec la nôtre (1), il en résulte que, si on répartissait à chaque Anglais et à chaque français une portion égale du numéraire de son pays, chaque Français aurait 141 livres pour sa part et chaque Anglais aurait 337 livres; il suit Va AnSlais Peut faire deux fois et demie autant d affaires qu'un Français ; qu'il peut prêter deux fois et demie autant aux campagnes et aux vaisseaux ; et que cet immense numéraire bien loin d être pour l'Angleterre un sujet de terreur, est la vraie cause de sa prospérité. Voilà le secret de sa puissance ; voilà ce qui la met en état de faire de gros emprunts et de payer des v j qui nous paraissent excessifs. Où l'argent abonde, il ne coûte rien à donner, ainsi, ne nous enrayons pas de l'excès de notre numéraire, soit en argent, soit en papier; nous sommes bien loin d'être trop riches.
Mais enfin, quand ce que je viens de dire ne paraîtrait pas convaincant,
on ne pourrait s'effrayer d une émission de petits assignats en échange
des enormes assignats qui nous sont mutiles, s ils ne nous sont pas à
charge, et je ne propose pas d'en créer de nouveaux, d'accroi-tre I
émission, mais de donner la monnaie de ces lingots en papier, de ces
masses de 2,000,
Ici se présente la difficulté que l'on nous a faite dès les commencements :Que les petits assignats feraient disparaître les écus ; sur quoi s'est fondée la théorie, timide à mon gré, de l'Assemblée nationale. Chacun peut se rappeler la stupeur que procuraient ces paroles magiques. Les écus g enfuyaient; ou nous menaçait de leur disparition totale si nous venions à créer de petits assignats; et les bons citoyens alarmés gardaient le silence; ils n'osaient croire à leurs lumières et à cet instinct de douleur et de besoin qui les pressait de courir au véritable remède.
On ne nous donnait cependant qu'une raison : C'est que, les écus étant nécessaires pour les appoints, ils seraient obligés de rester; comme si les écus étaient des personnes que l'on peut enchaîner et forcer à rester dans le pays !
C'était une vraie pétition de principe; car si les écus disparaissaient avant que les assignats existassent, les assignats n'étaient point la cause de leur disparition; il y avait des causes antécédentes, majeures, et malheureusement progressives, qui les faisaient fuir du commerce. En leur associant des concurrents et des substituts, on ne les obligeait point à fuir; au contraire, on employait un moyen de les rappeler, ainsi que je le prouverai. En décrétant qu'ils resteraient en France pour faire les appoints, on ne créait pas le pouvoir de les y contraindre; et de ce qu'on jugeait qu'ils étaient nécessaires, il ne s'ensuivait pas du tout qu'ils ne sortiraient plus, qu'ils ne disparaîtraient plus.
Mais enfin, il était écrit que nous devions passer par les dures épreuves de l'expérience. Nous n'avons pas osé créer de petits assignats; nous avons cédé à la terreur panique ; et les écus ont fui, et ils ne sont pas restés pour faire les appoints, comme on l'espérait, et ils s'écoulent, et ils doivent s'écouler, si nous gardons notre système, avec une pente si nécessaire, que dans peu de temps nous n'en aurons plus, si nous ne créons de petits assignats ; seul moyen, actuellement en notre pouvoir, de rappeler notre numéraire et de le suppléer en attendant.
Il y avait donc, Messieurs, il y a donc encore des causes vraies de la disparition du numéraire. Elles sont assez connues, mais elles sont peu observées. Je me borne cependant à les exposer.
Première cause.
Les faux bruits de banqueroute, répandus avec affectation par les malveillants chez nous et chez les étrangers, engagèrent plusieurs de ceux-ci à réaliser. Nos écus passèrent en Allemagne, en Hollande, en Angleterre, à Genève; ils y passent tous les jours, ou en nature, ou en barres : rien ne les rappelle chez nous; ils restent chez les étrangers.
Seconde cause.
On avait fait, en 1788 et en 1789, d'immenses achats de grains pour suppléer à notre disette ; ils ont été payés en écus.
Troisième cause.
Les intérêts accumulés de notre dette ont été payés, et les étrangers, à qui nous devons beaucoup, qui avaient à prétendre de gros remboursements sur les effets suspendus, ont échangé notre papier, dont ils n'avaient pas l'usage, contre nos écus qui circulent chez eux; et, par parenthèses, la perte qu'ils font dans cet échange compense la sortie des écus, puisqu'elle est une espèce d'intérêt qu'ils nous payent.
Quatrième cause.
La balance du commerce a été longtemps à notre désavantage. Donc nous avons été obligés de solder nos comptes avec les étrangers, et nous ne pouvions le faire qu'avec des écus ; mal terrible, et qui, s'il allait en croissant, finirait par nous ruiner et par nous livrer à tous les chocs que les ennemis du bien public trouveraient bon de hasarder.
Cinquième cause.
On fond les écus pour les mettre en barres, parce qu'il y a un gros profit à le faire ; je vais, Messieurs, vous en présenter le tableau tel qu'il m'a été donné par un orfèvre.
Tableau de la valeur aùtuelle des écus et du profit qu'on trouve en les fondant.
9 écus de 6 livres valent.., 54 1. » s. » d.
Pour s'en procurer eu échange des assignats, on perd 6 0/0 ; ce qui en fait monter la valeur de. 3 4 9
Ces neufs écus, pesant 1 marc 4 gros 1/2, coûtent donc....... 57 4 9
L'argent en barres se vend, à Lyon, au titre de 10 d. 20 g., 551. 3 s. le marc, payables en payements courants. Si l'on fond des écus, ils doivent se trouver à 10 d. 22 g. de fin; ils ont donc par marc 2 grains de fin de plus que l'argent en barres, lesquels valent, à raison de 4 s. I d. 3/4 le grain de fie, 8 s. 3 d. par marc.
Donc les écus mis en barres se vendront 55 l. 13 s. 9 d. le marc, payables en assignats et au payement.
9 écus de 6 livres du poids ci-dessus désigné produiront à Lyon 59 I. 9 s, 6 d.
Ils auraient coûté. ..... 57 1. 4 s. 9 d.
Il restera de bénéfice. . . . . 2 l. 5 s. 3 d.
Cela donne donc environ 4 0/0 de bénéfice; il faut en déduire 1 1/2 0/0 au plus, pour le port et commissions de compte. Il reste un profit net de 2 1/2 0/0, et ce bénéfice peut être réitéré tous les 15 jours. Calculez, d'après ce tableau, si dans quelque temps il nous restera beaucoup d'é-cus (1).
Pourquoi donc s'arrêter à de fausses craintes sur une prétendue cause de
la disparition des écus, quand on en connaît de véritables, et de si
terribles? Examinons la théorie des assignats. C'est un papier, le plus
solide qui existe, destiné à remplacer le numéraire, ou à concourir avec
lui. Il n'y a nulle raison pour que la création du numéraire fictif
fasse disparaître le numéraire réel, à moins que la confiance ne soit
inégale. Mais ici, la méfiance n'existe pas ; les assignats ont du
crédit; ceux de 50 livres sont recherchés et on les achète. On recherche
avec plus de passion encore les coupons ; ils circulent rapidement, et
l'on se plaint de la nécessité qui force à les brûler. Le peuple, témoin
de cette cérémonie, gémit réellement sur leurs cendres. Donc le papier
Ce que je dis est si vrai que les gros assignats perdent les uns avec les autres en raison de la masse qu'ils représentent : celui de 2,000 livres perd le plus, ensuite celui de 1,000, puis celui de 500, et ainsi successivement jusqu'à celui de 50, qui perd le moins de tous. C'est que cet assignat est presque de la monnaie, c'est qu'il se prête le plus de tous au commerce; c'est que le public s'attache à l'assignat le plus commode et qui passe dans plus de mains. Et si vous aviez créé des assignats de 25 livres, on laisserait ceux de 50 livres pour courir après ceux-ci. Cette voix générale du public est une démonstration invincible ; il n'est aucun de vous qui n'en ait la preuve avec lui-même, et qui, comme la foule, ne se débarrasse de ses gros assignats, pour courir après les petits.
Tout cela est démontré; et cependant je crains tellement encore les restes de la frayeur qui nous paralysa au moment de créer des petits assignats, que je me crois encore obligé d'employer une supposition.
Je suppose donc qu'au lieu de ces assignats-monnaie nous eussions des lingots ou des plaques d'argent de la même valeur et couverts de l'empreinte nationale; que nous fussions obligés d'employer, pour nos affaires.de grosses plaques d'argent de la valeur de 2,000 livres, de 1,000 livres et au-dessous, jusques à 50 livres. Embarrassés, non pas seulement du poids, mais surtout de la valeur excessive de cette grosse monnaie, nous serions obligés de la changer. Je suppose ensuite qu'il n'y eût, pour petite monnaie, que du papier, de petits assignats, d'un écu, de 4 livres, en un mot, vos coupons. Forcés par nos besoins journaliers, obligés d'acheter les choses de vil prix et sans lesquelles on ne peut vivre, nous nous débarrasserions de nos lingots et de nos plaques d'argent pour les échanger contre du papier; et si le papier était rare, il deviendrait précieux; et s'il y avait des marchands de papier, nous l'achèterions ; et si le peuple avait la sottise de battre ces marchands, ie papier deviendrait plus rare, on le vendrait plus cher, mais nous l'acheterions encore. C'est qu'il faut vivre et que tout homme sacrifie le dîner en espérance de demain au dîner réel d'aujourd'hui. C'est qu'il faut commercer et que, pour une affaire de 2,000 livres, il s'en fait mille d'un écu. C'est qu'il faut payer les ouvriers et leur donner de la petite monnaie. C'est qu'il faut que la société soit abondamment fournie de cette monnaie circulante, de cet organe courant des échanges journaliers, qui alimente tout le monde, et sans lequel on mourrait de faim au milieu d'une provision immense d'aliments. Mais il résulte de ma supposition que l'argent ne perd contre les assignats que parce qu'il est monnaie et qu'on ne peut s'eu passer. Et si on les faisait changer de rôle et que l'argent fût indivisible, et le papier très subdivisé, ce serait l'argent qui perdrait contre le papier. C'est ainsi que, dans le commerce, un lingot de 2 marcs se vend plus avantageusement qu'un lingot de 5, quoique tous les deux soient de l'argent. C'est que la grosse masse, dont on a peu affaire, perd nécessairement contre la petite, dont on a plus souvent besoin. Voici donc, Messieurs, le vice des gros assignats ou le malheur de n'en pas avoir de petits.
1° Le gros assignat est indivisible; il ne peut servir aux usages de la vie, il n'entre pas dans la circulation habituelle, ni dans les trois quarts des affaires commerciales ; elles restent en stagnation et l'acheteur qui a des besoins et le vendeur qui a besoin de lui n'ont absolument rien à se dire; il leur est impossible de s'arranger.
2° Les gros assignats sont la véritable cause du renchérissement de l'argent, puisque leur avantage diminue en raison de leur grosseur et que l'assignat de 50 livres perd infiniment moins que celui de 2,000. El si vous aviez des assignats de petite valeur, la disparité diminuerait en proportion. Cela a paru, comme je l'ai dit, dans le crédit qu'ont eu les coupons.
3° Cependant, à ce jeu dangereux et terrible, le commerce se perd et l'agriculture se ruinera : car comment pourra-t-on exécuter les travaux indispensables de la campagne et ceux des ateliers, si l'on n'a pas de la monnaie ou s'il faut l'acheter 7 ou 8 0/0, et si l'on consomme en intérêt (car c'est un terrible intérêt) le profit de la manufactureet l'espérance incertainede la récolte? Il faut que, tôt ou tard, que bientôt on cesse de fabriquer; il faut céder aux étrangers les avantages de la concurrence en haussant le prix des denrées et des marchandises qui ont coûté tant d'avances; il faut leur abandonner la balance du commerce qui, haussant toujours à leur avantage, emportera le reste de notre argent et nous laissera pauvres et incapables de nous relever, car uos ouvriers passeront chez eux.
4° C'est une perte réelle pour le gouvernement qui s'est engagé à recevoir les subsides en papier, et qui est obligé de payer l'armée en argent.
Avec de petits assignats, Messieurs, vous pourvoirez à tout, au moins quant à présent. Votre théorie des assignats sera complète; car elle avait pour objet de les donner pour supplément au numéraire; et, de leur nature, ils ne le remplacent pas. Il n'y a point, en effet, de pièces d'argent de 50, delOO, d e 200 f ra n es,de 1,000 e t d e 2,000 franc s. Et, au contraire, il n'y a pas de papier de 24, de 12, de 6 et de 3 livres; le peu qui existe de ces derniers vient à l'appui de ma proposition. Pour que la rivalité soit réelle, il faut qu'ils marchent de pair et sur des lignes parallèles. Il sera même politique de donner l'avantage au papier, qui se recommande par sa solidité, qui reste parmi nous, que les étrangers ne nous enlèveront pas, au moins encore, grâce aux erreurs dont on les nourrit, et qui fournira à tous les besoins de la vie journalière. Cet avantage politique donné au papier consistera dans la création d'un papier d'une valeur inférieure à celle de l'écu de 6 livres. Alors les écus seront moins recherchés, parce qu'ils seront moins nécessaires; et je suis obligé de le redire, parce que c'est notre préjugé habituel, un préjugé formé dès l'enfance : L'écu de 6 livres nest pas recherché parce qu'il est de l'argent, mais parce qu'il est monnaie. La monnaie de cuivre se vend aussi maintenant, et cependant elle n'est pas de l'argent; mais ceux-là l'achètent, qui ne peuvent pas s'ei passer; et c'est encore la faute des gros assignats; car s'ils étaient monnaie eux-mêmes, c'est eux que l'on rechercherait.
Avec de petits assignats les écus baisseront de prix; car on pourra se passer d'eux, dans la proportion juste et précise des petits assignats que vous mettrez dans la concurrence.
Si les écus baissent de prix, on ne les vendra plus, ou on les vendra moins; leur concurrence ou leur concordance avec les gros assignats serc. plus homogène. Alors ils rentreront dans la circulation.
Alors et les petits assignats et les écus porteront la vie et ractivité dans les ateliers et dans les campagnes. Vousavez desexemples, Messieurs, de l'utilité des petits assignats. Dans plusieurs villes de manufactures, le Besoin public les y a décrétés, et la sagesse publique leur a donné sa sanction. C'est avec des petits assignats, d'un crédit assurément bien inférieur à celui qu'auraient les vôtres, que l'on y paye les ouvriers et que le commerce s'entretient encore. Et cependant ces assignats sont bornés à l'enceinte des murs; ils ne sont pas forcés, ils n'ont qu'un cours conventionnel, et le paysan ne peut y mettre sa confiance. Mais, tels qu'ils sont, ils ont sauvé le commerce dans les villes qui en ont fait usage. Je n'ose plus appeler timidité le sentiment qui nous ferait reculer devant ces exemples. Je sens bien comment les agioteurs de gros assignats chercheront encore à vous effrayer sur une fabrication qui doit leur ôter leurs profits; mais je ne comprends pas comment des législateurs s'y laisseraient encore surprendre.
Enfin, Messieurs, et surtout,les petits assignats, en redonnant la vie à l'agriculture et au commerce, nous redonneront notre avantage naturel, sur les étrangers, accrû de tout ce que doit y joindre la liberté, mère féconde et libérale de "l'industrie. C'est ainsi que la pente de notre numéraire le ramènera chez nous. Il avait coulé chez l'étranger par le canal de nos besoins; il rentrera chez nous par le canal des leurs. Il s'épuisait par le dessèchement de notre commerce ; il rentrera par son activité; et, comme le disait un célèbre administrateur, qui le premier nous a dévoilé les vrais secrets de l'administration (1) : « Il est temps de reconnaître que le gouvernement ne peut influer sur la conservation et l'accroissement du numéraire qu'en contribuant, dans toute l'étendue de son pouvoir, à l'avantage du commerce national, qui consiste à vendre aux étrangers plus qu'on n'achète d'eux. »
J'avoue, Messieurs, que plusieurs sources d'écoulement subsisteront encore pour notre numéraire. Il faudra continuer de payer notre dette à l'étranger, et nous la payerons en écus. On continuera de les fondre, tant qu'il y aura du profit ; eufin, tant que la balance du commerce nous sera défavorable, nous continuerons d'être tributaires des autres nations.
Aussi je ne pense pas que les petits assignats que je propose soient le
remède universel. Et en particulier, pour détruire la fonte des écus, il
faut remonter aux principes du système monétaire que vous vous êtes
engagés, le 11 janvier dernier, à prendre en grande considération. Vos
comités des finances et des monnaies s'occupent sans doute de cet objet.
M. de Mirabeau avait un travail prêt là-dessus, et vous le jugerez digne
de votre attention. Mais enfin cet écoulement de notre numéraire tient à
des causes absolument étrangères aux assignats; et le solde de notre
balance et le payement de notre dette sont des
Eh! que de temps encore va s'écouler avant que cette eau salutaire puisse désaltérer le pauvre! Vous aviez décrété, il y a trois mois, 15 millions de petite monnaie, et elle n'existe pas encore. Il faut beaucoup de temps pour la fabrication des petits assignats. C'est un malheur de circonstances, et il faut bien s'y soumettre. Mais je trouve, dans ces considérations, un puissant motif pour accélérer votre décision à cet égard. Il me reste à vous proposer le mode qui me paraît le plus propre à remplir enfin le but que vous vous êtes proposé en créant les assignats, celui de les faire concourir avec les écus, et même les remplacer.
Les assignats de 2,000 livres ne sont d'aucun usage dans le cours de la vie. Us ne peuvent servir qu'à de gros achats. Encore le vendeur ne les acceptera-t-il qu'avec répugnance, ou bien il haussera le prix de sa marchandise. Ainsi leur unique avantage se borne à coûter moins de frais de poste. Mais cet avantage est détruit par la perte qu'ils éprouvent. Ils doivent donc être supprimés et échangés contre les petits que je vous propose. J'en dis autant des assignats de 1,000 livres.
Je conserve tous les autres assignats et je propose enfin de créer uniquement de petits assignats de 5 livres.
Je m'attends, Messieurs, à une répugnance soudaine à cette proposition
des assignats de 5 livres, et c'est encore le préjugé qui se reproduit.
On croira voir disparaître les écus ; mais, je le demande, quelle est
donc la qualité occulte des petits assignats, qui peut faire qu'à leur
aspect les écus s'anéantissent ou s'enfuient? Ai-je besoin de rappeler
les services que rendaient au public les coupons de 4 1. 10 s. et de 3
livres? Ai-je besoin de répéter que les écus disparaissent parce qu'on
les met en lingots, parce que ces lingots passent chez les étrangers,
parce qu'ils y restent, parce que d'autres leur succèdent, parce due
nous soldons en écus la perte de la balance commerciale, et que les
assignats n'en sont la cause ni de loin ni de près ? Penserez-vous que,
si vous brûliez vos assignats demain, les écus n'oseraient plus s'enfuir
et qu'ils entrent ou sortent du royaume, selon qu'il y a ou qu'il n'y a
pas du papier? Qu'importe à la destinée des écus que les assignats
soient de 5 livres ou de 100 livres, puisque grands et petits ne sont
pourtant (pie du papier? Et comment le petit papier a-t-il une magie
particulière que n'a pas le gros assignat ? Je répète donc que c'est
tout le contraire ; que les petits assignats feront travailler les
manufactures, que les marchandises se ven-
L'on m'a fait l'objection qtië l'on ne voudrait pas rendre au citoyen pauvre la monnalë de 5 livres. Je rêpodds qu'on lui rendra bien moins celle de 50. Je réponds qu'on lui tendait bien la monnaië des coupons. Je réponds que bientôt il va paraître pottr 15 ihillions de menue monnaie, ce qui fait tomber l'objectiOh : et surtout que j'esperë que vous eb décréterez davàntage,si mes principes vous paraissent vrais; car il fàiit suppléer, par une quantité de monnaie fixe et prisonnière dans lé royaume, â toute celle (jui s'enfuit ; et cette monnaie, en redonnant l'activité au commerce, rettdra bientôt les étrangers nos tributaires. Je propose donc des assignats de 5 livres.
Ces assignats, uil peu itiférieurs ën valeur à ceux de 6 livres, rétabliroht jusqu'à tih certain point l'inégalité qui existe entte l'argent et le papier; ils se ntèttront assez nàturèllement au pair. La raison en est qu'on échange plus facilement une pièce de 100 sols qu'unë pièce de 6 livres, parce que lë Vendeiir a moins de monnaie à rendre.
On me dira peut-être que je propose une trop forte émission de petits assignats. Je réponds que je voudrais qu'elle fût trop fotte, car elle donnerait tout à coup uhe activité salutaire. QuancJ elle le serait, elle ne sera que sucCessivë, ses effets ne Seront pas bruSqueé, ils he déplacèrent ni les rapports ni les prix, et l'on peut enfin les brûler à l'instant où Cela devient nécessaire. Mais il s'en faiit de bëâucobp que eé mal soit réel, et que dans notre pàhvrëlé nous devions craindre la siirabohdan'ce du numéraire.
On m'opposera enfin la loi de l'économie, et que les frais des petits assignats seront presque aussi Considérables qùe ceUx des gros. Et moi j'oppose la loi plus puissante encore de la nécessité qui ne marchande pas avec les besoins.
Je réponds que la déperdition des petits assignats codipénseraces frais pour le Trésor public.
Je conclus donc, Messieurs, à ce qu'il soit décrété Une émission d'assignats dë 100 sols, en échange des assignàtS de 2,000 livres même si vous le jugez nécessaire, et en remplacement de ceux qui ont été brûlés en vertu de vos décrels.
N'ayons point de regret à ce changement de système, à ce mouveihent iiouveau donné à votre théorie des assignats ; c'en est, je crois, le complément, c'était leur destination primitive. Les assignats, tels qu'ils sont, ont rempli vos intentions, ils ont réveillé les espérances et l'activité du commerce : un système plus complet le vivifiera; et les peuples qui ont respecté, qui ont partagé votre prudence, applaudiront à cé nouvel acte de votre vigilance pour leurs intérêts. Je vous propose donc, Messieurs, le décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète : « 1° Qu'il sera formé des assignats de5 livres; « 2* Que ces assignats seront échangés à la volonté des porteurs, contre ceux de 2,000 livres, qui seront ën émission lors et après la publication du présent décret, lesquels seront retirés et brûlés ;
« 3° Que lés nouvelles créations d'assignats que l'Assemblée pourra décréter en remplacement des assignats brûlés, seront également formées en assignats de 5 livres;
« 4° Qu il sei-a envoyé desdits assignats dans tous les départements, où ils seront répartis dans les proportions convenables;
« 5° Que son comité des financés lui proposera incessamment ses vues sur l'entière exécution des dispositions du présent décret.
« L'Assemblée nationale charge en outre son comité des finances de lui présenter des vues claires et sûres, d'après lesquelles elle puisse juger s'il est nécessaire de fabriquer une plus grande quantité de menue monnaie, de quelle espèce et eû quelle qualité. (.Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent l'impression du discours et du projet de décret de M. Rabaud Saint-Etienne.
J'appuie la demande de l'impression et je propose l'ajournement du projet de décret à jour fixe. Vous n'avez pas encore permis qu'on traitât cette question avec toute la maturité dont elle eàt susceptible et toutes les fois qu'elle a été présëntée, on a mal à propos refusé l'entrée en discussion.
Permettez-moi de votis dire que les choses sont plus pressantes que jamais; il faut, de quelque manière que ce soit, prendre une mesure conve-nablë pour que chacun puisse avoir l'argent qui lui revient et qu'il puisse s'en servir aisément pour ses besoins de chaque jour et ses affaires. Je pense que l'on peut ajouter de très bonnes raisons à celles qui ont été données par le préo-pinant et qu'il ne faudra pas très longtemps pour se préparer sur cet objet.
Je demande donc l'impression du discours et 1 ajournement de la discussion à vendredi, séance du mâtin. (.Applaudissements.)
Il y a des orateurs qui sont prêts à parler; on pourrait, tout en ajournant la délibération à vendredi, commencer dans l'instant même la discussion.
Il est très important de ne pas commencer sur cette matière qui n'a pas encore été assez approfondie avant que l'Assemblée ait pu recueillir toutes les lumières nécessaires. (Murmures.)
Je demande que les commissaires de la trésorerie, le ministre des contributions publiques, les députés extraordinaires du commerce soient consultés.
Je demande que la discussion soit fixée à huitaine.
Plusieurs membres : Non! non!
(de Rennes). Consultez plutôt les campagnes.
Si vous vous décidez à décréter de petits assignats, il est nécessaire que vous connaissiez l'influence que cette innovation peut avoir non seulement dans la capitale, mais dans les provinces. Il est nécessaire que vous connaissiez par quelles précautions on peut préserver les petits assignats d'une altération inévitable qu'ils éprouveront dans le commerce.
Il en coûterait plus pour contrefaire des petits assignats qu'il n'en coûterait pour fabriquer des gros; ainsi, Monsieur, votre observation tombe. (Applaudissements.)
Je me borne à demander qué le
Je demande que l'on ne consulte personne. L'Assemblée ne renrerme-t-elle pas des membres qui tiennent à toutes les parties des finances, du commerce et de l'agriculture; cela suffit 11 faudrait peut-être aussi d'après la motion de M. Malouet que l'on consultât les marchands d'argent. (Applaudissements.) J'appuie la demande d'ajournement à vendredi.
Je suis aussi de l'avis de l'ajournement à vendredi, car je pense qu'il ne saurait êjre trop prochain. M. Malouet demande à la vérité que l'on diffère encore cet ajournement. Il a donné à l'appui des raisons qui n'ont pas été accueillies, et qui même ne méritent pas. ce me semble, d'être combattues, tant elles sont peu solides. Il a proposé de s'adresser, pour connaître l'utilité de cette mesure, à toutes les personnes qui ont intérêt que cette mesure ne soit pas prise. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)
Il paraît que le décret est déjà adopté.
Il n'y a qu'une réflexion à faire pour décider l'opinion de l'Assemblée, c'est que le sort des assignats gros ou petits de telle valeur qu'ils soient, étant absolument subordonné à la confiance publique, si le peuple, si la nation n'avaient pas eu confiance dans ces assignats décrétés par l'Assemblée nationale, tout bien devenait impossible, toute modification devenait également impossible et devenait même coupable. Mais comme il est bien prouvé malgré tous les efforts des ennemis du bien public (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)... comme il est bien prouvé qu'ils jouissent d'une confiance qu'aucun papier n'a jamais obtenue dans aucun pays du monde (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)...
Nous y avons autant de confiance que dans vos lumières. (Bruit.)
Parmi les personnes oui me censurent, il pourrait y en avoir plus d une fâchée de cette confiance, et fâchée de 1 émission décrétée par l'Assemblée nationale, car je les entends se plaindre tous les jours du prix où se vendent les domaines nationaux, prix auxquels ils ne fussent jamais parvenus si l'Assemblée nationale n'eût pas décrété l'émission des assignats, et par une suite nécessaire, leur vente.
Il faut d'abord établir, et je défie une personne de bonne foi de dire le contraire, que les assignats jouissent du crédit le plus absolu. (Murmures à droite ; applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Mais cette confiance n'est pas une confiance aveugle. Elle est fondée sur ce qu'il y a un gage très considérable et très précieux qui garantit le payement de ces assignats; et vous voyez, Messieurs, que Cette confiance se fortifie quand on apprend que toutes les semaines il est rentré une somme considérable d'assignats, et qu'ils sont brûlés en public. Etant une fois bien établi, que les assignats jouissent de toute la confiance qu'un papier peut obtenir, leur division, leur modification, quand vous n'augmenterez pas la masse circulante qUe vous avez décrétée, n'altéreront en rien la confiance, mais au contraire ils la fortifieront par l'usage utile que l'on en fera tous les jours.
On nous avait annoncé, quand on a décrété les assignats, le seul moyen qui restât de sauver 1 Etat et de rétablir le crédit, moyen qui, adopté 6 mois plus tôt, eût porté l'Etat au plus haut degré de prospérité, on nous avait annoncé toutes sortes de malheurs : lés souliers devaient coûter 50 écus la paire (Applaudissements à gauche dans les tribunes), et le pain 24 ou 30 sous la livre, et par un accident dont je ne saurais me rendre compte, il est arrivé que les mêmes personnes qui avaient annoncé cette cherté du pain le distribuaient au peuple à un sou la livre. (Vifs applaudissements.)
Ce ne sont pas les mêmes personnes. (Murmures.) Je demande à interrompre 1 orateur, parce qu'il a avancé des faits faux; je n'ai pas fait de distributions de pain.
Je vous observe que l'opinant na nommé personne, plusieurs membres ont avancé dans cette Assemblée ce qu'il vient de citer; il n'y a donc rien dans ses paroles qui vous soit personnel.
Il ne faut pas s'attacher aux déclamations, mais venir à l'objet direct. Dès qu'on a décrété des assignats d'une somme supérieure aux pièces d'argent, il était simple d'imaginer que l'argent deviendrait pins precieux que les assignats, parce qu'il était plus commode pour les transactions de toute espèce; et lorsque les ennemis des assignats que je ne crains pas d'appeler les ennemis du bien public (Murmures.)...
Je demande grâce à M. Lameth.
Un membre à gauche : Les ennemis ne sont pas les adversaires.
Il était clair que dès ce moment vous verriez s'établir sur les assignats un agiotage subalterne qui pèse tout entier sur la classe de la nation qui n'est pas assez riche pour se procurer de gros assignats. Il est certain que les personnes qui ont des payements à faire de 100, de 200,000 livres, Ont intérêt qu'il y ait des assignats de 2,000 livres, mais ce n'est pas l'intérêt de ces gens-là que nous devons chercher, c'est celui de la classe la plus considérable du peuple, c'est l'intérêt public, c'est la commodité du pauvre et je soutiens qUe vous ne pouvez venir à son secours qu'en établissant de petits assignats parfaitement correspondant aux pièces d'argent.
En vain prétendrait-on qu'une émission de petits assignats ferait disparaître entièrement le numéraire, je soutiens que comme les assignats jouissent d'un très grand crédit et que l'argent ne gagne sur les assignats qu'en raison de sa commodité, du moment que vous aurez rendu la valeur des assignats correspondante à celle des pièces d'argent, vous aurez détruit l'intérêt que 1 on a à vendre l'argent. (Vifs applaudissements.) Si l'on pouvait diviser les assignats et qu'on ne pût pas diviser les écus, les assignats gagneraient sur l'argent; tout nous indique qu'ils ne perdaient a 1 échange que parce qu'ils n'étaient pas assez faibles pour fournir à toutes les transactions.
Je vais même plus loin, je soutiens que lors même que l'affluence des petits assignats produirait la plus grande rareté des écus, ce ne serait nullement un mal pour la nation. Cette rareté serait bien compensée soit par la restitution des intérêts circulant, soit par le payement des capitaux arriérés de la dette arriérée qui resteraient dans le commerce. Ainsi je demande que l'on ajourne au jour le plus prochain, à vendredi au plus tard, car l'opinion publique est faite sur la proposition très salutaire et très patriotique de M. Rabaud Saint-Etienne.
(L'Assemblée ferme la discussion, ordonne l'impression du discours et du projet de décret de M. Rabaud Saint-Etienne et en remet la discussion à la séance de vendredi.)
Je viens de recevoir une lettre du département et de la municipalité de Paris; je vais en donner lecture à l'Assemblée.
Paris,
« Monsieur le Président,
« Le directoire du département et la municipalité de Paris vous prient de leur obtenir audience auprès de l'Assemblée nationale pendant la séance d'aujourd'hui. L'adresse qu'ils lui présenteront, dont l'objet est important, ne causera point de discussion; elle est de nature à être renvoyée au comité de Constitution.
« Nous sommes, etc. »
L'Assemblée veut-elle admettre cette députation à la barre? (Marques nombreuses d" assentiment.)
Le directoire et la municipalité de Paris sont introduits à lu barre.
procureur général syndic, s'exprime ainsi :
c Messieurs,
« Le premier hommage des administrateurs du département de Paris à l'Assemblée nationale a été l'engagement solennel d'employer toutes leurs forces et tout leur zèle au maintien de l'ordre public. Votre président leur a rappelé cet engagement, lorsqu'ils sont venus vous rendre compte des mesures qu'ils avaient prises pour ramener la paix dans la capitale troublée. Ils ont parlé an roi, ils ont parlé au peuple; la municipalité a employé les mêmes moyens, et le directoire vient avec elle vous annoncer aujourd'hui que le calme se rétablit; mais ils seraient coupables s'ils vous dissimulaient que leurs inquiétudes ne sont pas dissipées. Depuis longtemps les ennemis de la Constitution ont placé leur espoir dans l'anarchie; ils ont compté sur l'exagération du patriotisme et sur l'excès de cette ardeur impatiente que produit la conquête rapide de la liberté; ils ont calculé cette habitude de défiance d'un peuple toujours abusé, cette haine longtemps comprimée d'un gouvernement oppresseur, ces mouvements de crainte et de mépris qu'inspirent tous les actes de l'autorité, quand elle est usurpée : ces sentiments, qu'ils ont dû trouver partout, ils les ont employés avec la plus funeste adresse contre tous les pouvoirs légitimes conférés par un peuple libre. Le temps et les lumières dissiperont sans doute ces funestes agitations, mais peut-être trop tard, peut-être après des maux que vous devez épargner.
« Il faut que le système complet des lois nouvelles fasse enfin cesser l'impunité, résultat nécessaire de l'intervalle entre des lois qui ne sont encore abrogées que par l'opinion, et des lois qui n'existent pas encore. Hâtez, Messieurs, la puolication du Code pénal, afin de contenir ces hommes audacieux qui, par des provocations publiques, excitent à la violence, soit contre les personnes, soit contre les propriétés, et qui prêchent avec un enthousiasme factieux la désobéissance aux lois et la révolte contre les autorités constitutionnelles; ne croyez pas, Messieurs, que nous venions nous plaindre ici de la liberté illimitée dans les discours et dans les écrits : cette liberté est un feu sacré qui doit être conservé religieusement; sa flamme salutaire doit épurer toutes les idées, toutes les opinions, tous les sèn-timents; mais l'homme qui, abusant de cette liberté, conseille le crime à ses concitoyens, celui-là doit être puni, et ce grand délit si multiplié est une des causes les plus puissantes de nos maux,
« Il est une autre loi dont le besoin est urgent, celle sur le droit de pétition, droit qu'il ne faut pas confondre avec l'exercice des pouvoirs résultants des différentes représentations politiques. Vous penserez aussi peut-être, Messieurs, que les actes émanés des autorités constitutionnelles, devraient avoir dans le mode de leur publication un caractère qui les distinguât de ceux étrangers à l'ordre public. Ne faudrait-il pas que les citoyens pussent les reconnaître par la manière dont ils leurs sont présentés, et que les actes produits par des individus ou par des sociétés particulières, ne pussent plus se montrer sous la forme et avec l'appareil de la loi.
« Voilà, Messieurs, les trois objets sur lesquels le directoire et la municipalité viennent vous demander des lois promptes et précises. Ils ne les ont point sollicitées pendant l'orage; mais c'est dans les moments de calme qu'il faut prévenir le retour d'un orage nouveau.
« La ville que les législateurs habitent doit donner l'exemple de la soumission et de l'obéissance. Les citoyens de Paris sont pénétrés de ce sentiment, et si l'on avait pu le révoquer en doute, l'énergie avec laquelle la garde nationale, un moment égarée, vient de le manifester, fera connaître à tout l'Empire que ceux qui, les premiers, ont acquitté le saint devoir de l'insurrection contre le despotisme, seront aussi les plus fermes soutiens de la Constitution et de vos lois. »
C'est quand les ennemis du bien public s'agitent en tous sens et sous toutes les couleurs pour égarer le peuple et lui faire oublier ses devoirs, que les corps administratifs doivent veiller et l'éclairer sur ses véritables intérêts. Vous avez rempli, Messieurs, glorieusement ce devoir et la pétition que vous venez de faire est encore une preuve de votre zèle et de votre surveillance.
L'Assemblée nationale la prendra en très grande considération ; elle vous invite à assister à la séance.
(L'Assemblée décrète le renvoi de la pétition du directoire et de la municipalité de Paris au comité de Constitution.)
annonce l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures.
présidence de m. rewbell. Séance du
La séance est ouverte à neuf heures et demie du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une pétition présentée par le sieur Serane, député extraordinaire du commerce et de la marine de la ville de Cette. Il réclame, au nom de ses commettants, un arrondissement convenable pour le ressort du tribunal de commerce accordé a ladite ville, ainsi que la levée du sursis qui en suspend la formation.
(L'Assemblée nationale prononce le renvoi de cette demande à son comité de Constitution, pour lui en faire incessamment le rapport.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
Messieurs, je proposerai une addition au décret que vous avez rendu hier sur l'autorité des arrêts du conseil en matière de liquidation. Je demande que le comité de liquidation ne soit pas le seul à examiner les motifs de cassation contre ces arrêts, mais que chacun des autres comités soit chargé de scruter ces motifs, chacun en ce qui pput le concerner.
Je demande en outre que l'Assemblée fixe incessamment le temps de la prescription contre le recours en cassation de ces arrêts.
Je demande qu'on passe à l'ordre du jour sur cette motion; la tin de non-recevoir est déjà établie par une loi précise.
membre du comité de liquidation. Je repousse la motion de M. Buzot ; j'observerai en effet que le comité de liquidation a toujours sous les yeux, pour l'éclairer, des pièces et des considérations très étendues, bien qu'il ne fasse souvent que des rapports très courts. Les membres des divers comités, de même que tous les membres de l'Assemblée, peuvent très bien assister à ses séances, y faire part de leurs observations et donner en un mot tous les éclaircissements qu'ils jugeraient convenables. J'appuie donc la motion d'ordre du jour.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
au nom du comité d'aliénation. Messieurs, je viens vous rendre compte de l'état où se trouve la vente des biens nationaux dans plusieurs départements. Les gros capitalistes s'abstiennent de concourir en ce moment aux acquisitions, dans l'espoir d'acheter à très bon compte, lorsque les petits particuliers se seront retirés. Ces considérations ont déterminé le comité de liquidation à vous présenter le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï son comité d'aliénation, décrète que le
terme du 15 mai 1791, fixé par l'article 2 ae la loi du 17 novembre
1790, et l'article 8 de la loi du 5 janvier 1791, aux acquéreurs des
domaines nationaux, pour jouir des facultés accordées pour leur payement
par l'ar-
« Passé le 1er octobre 1791, les payements seront faits dans les termes et de la manière prescrits par l'article 9 de la loi du 5 janvier 1791. »
Il faut au moins laisser un terme de 12 mois pour donner le temps à tous les particuliers de se présenter. Je demande que la prorogation ait lieu jusqu'au 1er janvier.
Il est certain que différents particuliers n'ont pas cru devoir se présenter, parce que les ennemis du bien public ont cru que la Révolution ne devait pas avoir lieu. Voilà le motif qui les a retenus. J'appuie l'amendement.
(L'Assemblée consultée adopte l'amendement de M. de Folleville.)
rapporteur, donne lecture du projet de décret amendé; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï son comité d'aliénation, décrète que le terme du 15 mai 1791, fixé par l'article 2 de la loi du 17 novembre 1790, et l'article 8 de la loi du 5 janvier 1791, aux acquéreurs des domaines nationaux, pour jouir des facultés accordées pour leur payement par l'article 5 du titre III du décret du 14 mai 1790, sera prorogé jusqu'au 1er janvier 1792; et ce, pour les biens ruraux, bâtiments et emplacements vacants dans les villes, maisons d'habitation, et bâtiments en dépendant, quelque part qu'ils soient situés : seulement les bois et usines demeureront formellement exceptés de cette faveur.
« Passé le 1er janvier 1792, les payements
seront faits dans les termes et de la manière prescrits par l'article 9
de la loi du 5 janvier 1791. »
(Ce décret est adopté.)
onte à la tribune et commence à prononcer un discours ayant pour objet de faire connaître les abus que certains particuliers se permettent pour se soustraire au payement du droit d'enregistrement. 11 demande à faire la lecture d'un projet de décret en cinq articles dans lesquels il détermine les moyens que l'on doit prendre pour obvier à ces fautes.
Plusieurs membres interrompent M. Lucas et observent que cette question n est pas ,à l'ordre du jour.
(L'Assemblée renvoie l'examen de la motion de M. Lucas à son comité d'imposition et passe à l'ordre du jour.)
Messieurs, lorsque j'ai fait la dénonciation contre M. Huber, on a paru douter que je fusse en état de là prouver. J'ai lieu même de m'étonner que cette affaire ne soit pas encore venue à l'Assemblée depuis le moment que j'en ai parlé; en tout cas, je me devais à moi-même, je devais à l'Assemblée de ne pas la perdre de vue.
Je suis bien aise de pouvoir annoncer qu'à l'instant même je viens de
recevoir de Londres une pièce notariée, revêtue de la légalisation de
l'ambassadeur d'Anglelerre, qui donne la con-
Je prie l'Assemblée de me permettre de lui donner lecture de cette pièce.
Plusieurs membres : Non ! nott !
J'en propose tout au moins le renvoi aux commissaires chargés de cette affaire et je demande que le rapport en soit fait à la séance de samedi boh\
(L'Assemblée décrète ce renvoi et fixe le rapport à samedi soir.)
L'ordre du jour est un rapport du comité militaire sur les fonds demandés par le ministre de la guerre.
au nom du comité militaire. Messieurs, pour se conformer à votre décret du 8 mars dernier, le ministre de la guerre vous a soumis le tableau de la situation actuelle des forces du royaume ; en même temps, il vous a présenté l'état des dépenses qu'ont entraînées ou qu'exigent urgemment les dispositions extraordinaires qu'il a préparées, et dont il vous a fait part. Vous avez renvoyé le mémoire qu'il vous a adressé sur ces divers objets à Votre comité militaire, et c'est en son nom qu'aujourd'hui je viens vous en rendre compte.
1° Il a paru au comité militaire que toutes les mesures de prévoyance relatives aux approvisionnements des vivres et de leurs équipages, de l'artillerie, des fortifications, des hôpitaux, des effets de campement, de recrutement de l'infanterie et de troupes à cheVûl, et de remonte de celles-ci, avaient été bien saisies par le ministre de la guerre, et qu'il n'avait négligé aucune des précautions que la sûreté de l'Etat, les circonstances du moment, et l'exécution de vos décrets, commandaient à sa surveillance et à son exactitude.
2° Quant aux fonds qu'il demande pour compléter les préparatifs qu'il vous a annoncés, le versement de Ces fonds au département de la guerre n'est qu'une conséquence de vos décrets antérieurs, particulièrement celui du 4 février dernier. En exécution de celui-ci, le ministre vous propose une augmentation de 546 hommes, dont 18 grenadiers, pour 30 régiments d'infanterie; 23 régiments d'infanterie française, et 7 régiments d'infanterie étrangère sont destinés à recevoir cette augmentation. D'après les décrets sur les recrutements et sur les masses, la dépense d'enrôlement, d'équipement et d'armement détaillés dans les états fournis par le ministre, s'élève pour chaque régiment d'infanterie française, à 105,778 1. 16 s., ce qui pour les 23 régiments, fait une somme de 2,432*912 I. 8 s. La dépensé pour chaque régiment d'infanterie étrangère est de 118,555 I. 4 s, ce qui, pour les 7 régiments, fait 829,886 1. 8 s. Ainsi la dépense d'enrôlement, d'équipement et d'armement, pour les 16,380 hommes d'augmentation tant dans l'infanterie française que dans l'infanterie étrangère, sera de 3,262,798 1. 16 s,
Le décret du 4 février a dit encore que 20 régiments de troupes à cheval seraient portés au complet de 170 hommes par escadron. Le ministre a désigné pour cette destination 8 régiments de cavalerie, \ de dragons, 3 de hussards et 5 de chasseurs. Chacun de ces régiments de cavalerie et de dragons doit donc être augmenté de 108 hommes, et chacun des régiments de hussards et chasseurs ci-dessus, le sera de 144 hommes; ce qui fera 864 hommes de cavalerie, 432 dragons, 430 hussards et 720 chasseurs ; en tout 2,448 hommes de troupes à cheval. D'après le décret sur le recrutement et sur les masses, la dépense d'enrôlement, d'équipement, d'armement et d'achat des chevaux, sera pour chaque régiment de cavalerie de 103,863 1. 11 s. et pour les 8 régiments de cavalerie de 830,908 I. 16 s ; pour chaque régiment de dragons, la dépense sera de 95,369 1. 8 s. et pour les 4 régiments de dragons de 381.477 1. 12 s; pour chaque régiment de hussards, la dépense sera de 120,2901.8 s. et pour les 3 régiments de hussards de 360,171 1. 4 s ; pour chaque régiment de chasseurs, la dépense sera de 117,705 1. 12 s. et pour les 5 régiments de chasseurs de 585,528 livres ; ce qui pour la totalité des 20 régiments de troupes à cheval donnera 2,161,785 1. 12 s. En réunissant les deux résultats, on trouvera que la dépense de la levée de 18.828 hommes, tant d'infanterie que de troupes à cheval, décrétée le 4 février, s'élèvera à la somme de 5,424,584 1. 8 s ; ce qui se trouve détaillé avec la plus grande clarté dans l'un des tableaux fournis par le ministre.
Un second tableau offre l'état des fabrications et des réparations nécessaires pour compléter les effets de campement d'uue armée de 169,000 hommes. Cette partie de nos approvisionnements militaires est celle qui mérite le plus d'attention dans ce moment, vu le mauvais état où elle se trouve par l'effet des transports répétés, du défaut de soins de la part de différents régiments dans les mouvements continuels auxquels ils ont été exposés depuis que ces effets leur ont été remis, et surtout par la dilapidation et le pillage qui en ont été faits à l'époque du mois de juillet 1789. L'état du ministre indique le nombre et le prix par nature de chacun des effets qu'il faut renouveler. Le comité qui en a vérifié les calculs et le devis, les a jugés conformes aux règles de la plus exacte économie. La dépense totale pour ces divers objets est de 4,602,901 1. 5 s.
Un troisième tableau développe en détail la dépense de construction de
1,200 voitures pour le service des équipages des vivres. Cet article
vérifié se porte à la somme de 151,200 livres. Le ministre vous a encore
demandé 20 millions payables dans 5 ans pour restaurer ou renforcer nos
places frontières. Le comité militaire n'a pas vu les devis estimatifs
de ces projets que le ministre n'annonce que comme aperçus ; mais, en
supposant beaucoup d'erreurs ou d'exagérations dans ce premier calcul,
il est du moins hors de doute que la quotité proportionnelle de cette
dépense, destinée à être employée pendant l'année courante, est fort
au-dessous de celle qu'exigerait l'intention de mettre nos principales
forteresses en état de soutenir un siège en règle. Vous avez déjà
accordé, le 15 décembre dernier, une somme de 4 miUions pour subvenir
aux besoins les plus pressants des places de guerre ; moitié de cette
somme a été employée a l'acquisition des bois destinés au palissadement
des dehors de nos places, à la construction des plates-formes, pour 1
établissement des batteries, à celle des ponts et des communications
nécessaires à la défense des ouvrages extérieurs ; l'autre moitié
En rapprochant les divers articles que je viens de parcourir, Vous verrez que la dépense de la levee, de l'équipement et de l'armement de 18,828 hommes, tant d'infanterie que de cavalerie, y compris l'achat de 2,448 chevaux, sera de 5,424,584 1. 8 s. ; que celle des effets de campement qu'il faut réparer ou fabriquer à neuf, s'élève à la somme de 4,602,901 1. 5 s.; que celle de la construction de 1,200 voitures pour le service des équipages des vivres estdel51,2001ivres ; que celle destinée pour cette année à la perfection ou à la restauration des forteresses, est de
4 millions. Ce qui fait ensemble la somme de 14,178,680 1. 15 s., que le comité vous proposera d'accorder sans délai. A celte somme, il faut ajouter celle de la solde de 18,828 hommes dont l'armée est augmentée, ainsi que celle de l'entretien des 2,448 chevaux qu'entraîne l'augmentation des troupes à cheval. Cette dépense est l'objet d'un quatrième tableau, rédigé conformément aux décrets sur la formation, la solde et les masses des différentes armes. Il en résulte crue la dépense pour chaque régiment d'infanterie française est, par an, de 155,428 I. 5 s. ; ce qui, pour 23 régiments, fait 3,574,849 1. 15 s. par an. Pour chaque régi ment d'in fanterie étrangère par an, de 160,3421.
5 s. ; ce qui fait pour les 7 régiments, 1,122,3951. 15 s. Pour chaque régiment de cavalerie par an, de 71,788 1. 10 s. , ce qui, pour 8 régiments, fait 574,308 livres. Pour chaque régiment de dragons par an, de 70,267 1. 10 s. ; ce qui, pour 4 régiments, fait 281,070 livres. Pour chaque régiment des hussards par an, de 93,384 livres ; ce qui, pour 3 régiments, fait 281,502 livres. Pour chaque régiment de chasseurs par an, de 92,970livres ; ce qui, pour 5 régiments, fait 464,850 livres ; total pour les 50 régiments, tant d'infanterie que de cavalerie, 6,298,9751.10 s.
Ce qui donne par mois 524,914 1. 10 s. A quoi il faut ajouter pour l'entretien de 1,000 chevaux d'artillerie, avec les suppléments en route, par mois, 72,000 livres.
Total, par mois, de la solde pour les hommes, et de l'entretien pour les chevaux 596,9141.10 s. que le ministre demande qui lui soient délivrés chaque mois, et ce qui doit être en effet. D'après cet exposé, le comité vous propose le decret suivant.
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la demande du ministre de la guerre, et ouï le rapport de son comité militaire, décrète :
« Art. lor. Il sera versé au département de la guerre, par la caisse de l'extraordinaire :
« 1° Une somme de 5,424,584 1. 8 s. pour fournir à la dépense de l'enrôlement, de l'équipement et de l'armement de 18,828 hommes, tant d'infanterie que de troupes à cheval, ainsi qu'à l'achat de 2,448 chevaux, pour monter lesdites troupes à cheval ;
« 2° Une somme de 4,602,901 1. 5 s. pour payer la réparation ou la fabrication à neuf des effets de campement, destinés à compléter la fourniture nécessaire à une armée de 169,000 hommes, y compris les officiers, et déduction faite des effets en magasin, au 1er janvier 1791 ;
« 3° Une somme de 151,200 livres, à compte des frais de construction de 1,200 voitures, pour le service des équipages des vivres ;
« 4° Une somme de 4 millions destinée à restaurer ou à renforcer les principales forteresses des différentes frontières du royaume ;
« Les 4 sommes ci-dessus, pareilles à celles portées dans les tableaux fournis par le ministre de la guerre, s'élevant à la somme totale de 14,178,685 1. 13 s.
« Art. 2. Il sera fourni de plus au département de la guerre, par la caisse de l'extraordinaire, pour la solde desdits 18,828 hommes, pour l'entretien de 2,448 chevaux de troupes à cheval, et pour celui de 1,000 chevaux d'équipages, avec les suppléments en route, une somme de 596,914 1. 10 s. par chaque mois, à compter du 1OT avril 1791.
« Art. 3. Le ministre de la guerre rendra compte de l'emploi des fonds extraordinaires accordés à son département ; en conséquence, le mémoire et les tableaux adressés par lui à l'Assemblée nationale pour exposer la destination ou les motifs des sommes qu'il demande, resteront annexés à la minute du présent décret. »
(L'Assemblée décrète qu'elle discutera article par article.)
rapporteur, donne une nouvelle lecture des articles f et 2 qui sont successivement mis aux voix et adoptés, puis de l'article 3.
Dans l'année où on fournit tous les objets à neuf, il ne peut pas y avoir de dépenses d'entretien. Il faudra faire une diminution des fonds de la dépense ordinaire sur celle extraordinaire.
rapporteur. Cette réflexion est extrêmement juste; mais, dans ce moment-ci, il est impossible d'en prévoir la quotité : elle ne peut être que le résultat de la comptabilité du ministre.
Voulez-vous bien ajouter au décret que « le ministre rendra également compte de la diminution que les sommes affectées à l'acquisition d'effets neufs pourront produire sur la dépense destinée à l'entretien pendant l'année courante ».
rapporteur. J'adopte l'addition.
Si, comme vous l'expose M. Camus, vous vous proposez de décréter des sommes additionnelles à celles qui sont portées dans le budget, j'ai l'honneur de vous observer que je crois très important que vous relatiez dans votre décret quels sont les objets pour lesquels ces sommes sont nécessaires.
Je propose à l'Assemblée d'ordonner que le comité des finances vérifiera et rendra compte à l'Assemblée de quelles sommes précises les dispositions renfermées dans le présent décret augmentent l'état des dépenses prévues pour l'année 1791.
rapporteur. J'adopte
voici avec les amendements la rédaction du projet de décret que nous vous proposons :
« L'Assemblée nationale, délibérant sur la demande du ministre de la guerre, et ouï le rapport de sou comité militaire, décrète :
Art. 1er.
« 11 sera versé au département de la guerre, par la caisse de l'extraordinaire :
« 1° Une somme de 5,424,584 l. 8 s., pour fournir à la dépense de l'enrôlement, de l'équipement et de l'armement de 18,828 hommes, tant d'infanterie que de troupes à cheval, ainsi qu'à l'achat de 2,448 chevaux pour monter lesdites troupes à cheval;
« 2° Une somme de 4,602,901 1. 5 s., pour payer la réparation ou la fabrication à neuf des effets de campement, destinés à compléter la fourniture nécessaire à une armée de 169,000 hommes, y compris les officiers, et déduction faite des effets en magasin, au premier janvier 1791;
« 3° Une somme de 151,200 livres, à compte des frais de construction de 1,200 voitures, pour le service des équipages des vivres ;
c 4° Une somme de 4 millions destinée à restaurer ou à renforcer les principales forteresses des différentes frontières du royaume.
« Les 4 sommes ci-dessus, pareilles à celles portées dans les tableaux fournis par le ministre de la guerre, s'élevant à la somme totale de 14,178,685 l. 13 s. »
Art. 2.
« Il sera fourni de plus au département de la guerre, par la caisse de l'extraordinaire, pour la solde desdits 18,828 hommes, pour l'entretien de 2,448 chevaux de troupes à cheval, et pour celui de 1,000 chevaux d'équipages, avec les suppléments en route, une somme de 596,914 1. 10 s. par chaque mois, à compter du 1er avril 1791. »
Art. 3.
« Le ministre de la guerre rendra compte de l'emploi des fonds extraordinaires accordés à son département, ainsi que de la diminution que les sommes affectées a l'acquisition d'effets neufs pourront produire sur la dépense destinée à l'entretien pendant l'année courante : en conséquence, le mémoire et les tableaux adressés par lui à l'Assemblée nationale pour exposer la destination ou les motifs des sommes qu'il demande, resteront annexés à la minute du présent décret. »
Art. 4.
« Le comité des finances vérifiera, d'après le présent décret, de quelle somme précise les dispositions qu'il renferme augmentent l'état des dépenses prévues pour l'année 1791, et il en rendra compte à l'Assemblée nationale. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la lecture de Vensemble des articles composant le décret sur l'organisation du ministère.
au nom du comité de Constitution. Messieurs, lorsque vous avez décrété l'organisation du ministère, vous avez renvoyé au comité de Constitution plusieurs dispositions
Il8 avril 1*791 .j
additionnelles qui ont été proposées lors de la discussion. Je viens rendre compte, au nom du comité, de ces dispositions.
La première regardait l'action contre le Trésor public. Vous avez désiré que le comité présentât un mode de cette action ; et aujourd'hui même, à l'ordre du jour, se trouve un rapport sur cette affaire, qui doit vous être fait par M. Le Chapelier.
La deuxième disposition additionnelle consistait à demander que nul ne pût être ministre ni ambassadeur, sans avoir prêté le serment civique. La première partie de cette disposition présente toutes sortes d'avantages, et aucun inconvénient. Quant à la seconde, elle paraît au premier coup d'œil présenter quelques inconvénients, et n'offrir aucun avantage. Elle ne regarde pas proprement l'organisation du ministère; etil serait plus convenable soit de la renvoyer au comité diplomatique, soit d'attendre les décrets que vous pouvez rendre relativement à cette partie.
La raison qui détermine le comité ne vient pas de ce que cela est étranger à l'organisation du ministère, mais il y a en ce moment-ci, je crois, deux ou trois ministres de France en pays étrangers qui ne sont pas Français, et qui n'en remplissent pas avec moins de zèle les fonctions qui leur sont confiées. A Malte, par exemple, je crois que le chevalier de Malte, qui est chargé des affaires de France, n'est pas,dans ce moment-ci, un Français. Au surplus, vous examinerez cette question quand il en sera temps.
La troisième disposition, Messieurs, regarde le recours en matière de contributions directes.Lors-que vous aurez fini ce qui regarde les contributions directes, on vous la présentera et vous la discuterez.
Enfin la quatrième disposition qui consiste à proposer à l'Assemblée un décret qui oblige les législateurs à ne pas se séparer sans avoir pourvu aux dépenses imprévues qui peuvent survenir dans l'intervalle des sessions : cette disposition se trouvera beaucoup mieux placée dans le complément du Code législatif qui est imprimé, et qui est la partie la plus importante de ce qui vous reste à faire; et même lorsque nous l'aurons terminée, je présume que nous pourrons, si l'Assemblée l'ordonne, prendre des précautions pour convoquer l'autre législature.
Indépendamment des 4 dipositions dont je vieus de rendre compte à l'Assemblée, il a paru au comité qu'il était convenable d'ordonner que nul ne pourrait exercer aucune espèce de fonctions dans les bureaux des ministres, dans les régies ou administrations, ou aucune espèce de fonctions à la nomination du pouvoir exécutif, sans prêter le serment civique ou sans justifier qu'il l'a prêté. En conséquence, nous vous proposons les deux articles suivants:
« 1° Nul ne pourra exercer les fonctions de ministre, s'il ne réunit les conditious nécessaires à la qualité de citoyen actif.
« 2° Nul ne pourra entrer ou rester en exercice d'aucun emploi dans les bureaux du ministère, ou dans ceux dés régies ou administrations des revenus publics, ni, en général, d'aucun emploi à la nomination du pouvoir exécutif, sans prêter le serment civique, ou sans justifier qu'il l'a prêté.»
(Ces deux dispositions sont successivement mises aux voix et décrétées.)
rapporteur. Une autre observation du comité porte sur l'article suivant :
« Le Corps législatif pourra présenter au roi telle déclaration qu'il jugera convenable sur la conduite des ministres, et même lui déclarer qu'ils ont perdu la confiance de la nation. »
Cette rédaction est celle que vous avez adoptée dans une des précédentes séances. Votre comité vous propose de substituer au mot déclaration celui d'observation et de dire :
« Le Corps législatif pourra présenter au roi telle observation qu'il jugera convenable sur la conduite des ministres, et même lui déclarer qu'ils ont perdu la confiance de la nation.
(Cette modification est décrétée.)
rapporteur. Voici en conséquence l'ensemble du projet de décret sur l'organisation du ministère.
Organisation du ministère.
Art. 1er.
« Au roi seul appartiennent le choix et la révocation des ministres.
Art. 2.
« Il appartient au pouvoir législatif de statuer sur le nombre, la division et la démarcation des départements du ministère.
Art. 3.
Nul ne pourra exercer les fonctions de ministre, s'il ne réunit les conditions nécessaires à la qualité de citoyen actif.
Art. 4.
« Les ministres exerceront, sous les ordres du roi, les fonctions déterminées ci-après, et seront au nombre de 6 ; savoir : le ministre de la justice, le ministre de l'intérieur, le ministre des contributions et revenus publics, le ministre de la guerre, celui de la marine et celui des affaires étrangères.
Fonctions des ministres. Art. 5.
« Les fonctions du ministre de la justice seront :
« 1° De garder le sceau de l'Etat, et de sceller le3 lois, les traités, les lettres patentes de provisions d'offices, les commissions, patentes et diplômes du gouvernement;
« 2° D'exécuter les lois relatives à la sanction des décrets du Corps législatif, à la promulgation et à l'expédition des lois ;
« 3° D'entretenir une correspondance habituelle avec les tribunaux et les commissaires du roi ;
« 4° De donner aux juges des tribunaux de district, et des tribunaux criminels, ainsi qu'aux juges de paix et de commerce, tous les avertissements nécessaires, de les rappeler à la règle, et de veiller à ce que la justice soit bien admi-nistrée ;
» 5° De soumettre au Corps législatif les questions qui lui seront proposées relativement à l'ordre judiciaire, et qui exigeront une interprétation ae la loi ;
6° De transmettre au commissaire du roi près le tribunal de cassation les pièces et mémoires concernant les affaires qui lui auront été déférées, et qui seront de nature à être portées à ce
tribunal ; d'accompagner ces pièces et mémoires des éclaircissements et observations dont il les croira susceptibles ;
7° De rendre compte à la législature, au commencement de chaque session, de l'état de l'administration de la justice, et des abus qui auraient pu s'y introduire.
Art. 6.
« Il y aura près du ministre de la justice trois gardes et un officier, qui veilleront sur le sceau de l'Etat.
« Les secrétaires du roi du grand collège sont supprimés.
« Sont pareillement supprimés les officiers en chancellerie, à l'exception de 2 huissiers, lesquels serviront, près la personne du ministre, à l'audience du sceau et pourront exercer auprès du tribunal de cassation.
Art. 7.
« Le ministre de l'intérieur sera chargé : « 1° De faire parvenir toutes les lois aux corps administratifs;
« 2° De maintenir le régime constitutionnel et les lois touchant les assemblées de commune par communautés entières, ou par sections, les assemblées primaires et les assemblées électorales, les corps administratifs, les municipalités, la constitution civile du clergé et, provisoirement, l'instruction et l'éducation publique, sans que delà présente disposition on puisse jamais induire que les questions sur la régularité des assemblées et la validité des élections, ou sur l'activité ou l'éligibilité des citoyens, puissent être soumises au jugement du pouvoir exécutif;
« 3° Il aura la surveillance et l'exécution des lois relatives à la sûreté et à la tranquillité de l'intérieur de l'Etat;
« 4° Le maintien et l'exécution des lois touchant les mines, minières et carrières, les ponts et cnaussées, et autres travaux publies, la conservation de la navigation et du flottage sur les rivières, et du halage sur leurs bords;
« 5° La direction des objets relatifs aux bâtiments et édifices publics, aux hôpitaux, établissements et ateliers de charité, et à la répression de la mendicité et du vagabondage;
« 6° La surveillance et l'exécution des lois relativement à l'agriculture, au commerce de terre et de mer, aux produits des pêches sur les côtes et des grandes pêches maritimes; à l'industrie, aux arts et inventions, fabriques et manufactures, ainsi qu'aux primes et encouragements qui pourraient avoir lieu sur ces divers objets;
« 7° Il sera tenu de correspondre avec les corps administratifs, de les rappeler à leurs devoirs, de les éclairer sur les moyens de faire exécuter les lois, à la charge de s'adresser au Corps législatif, dans tous les cas où elles auront besoin d'interprétation ;
« 8° De reodre compte tous les ans, au Corps législatif, de l'état de l'administration générale et des abus qui auraient pu s'y introduire.
Art. 8.
Il soumettra à l'examen et à l'approbation du roi les procès-verbaux des conseils des départements, conformément à l'article 5 de la section 3 du décret sur les assemblées administratives.
Art. 9.
« Le ministre des contributions et revenus pu-| blics sera chargé :
« 1° Du maintien et de l'exécution des lois touchant l'assiette des contributions directes, et leur répartition ;
« Touchant le recouvrement dans le rapport des contribuables avec les percepteurs, et dans le rapport de ces derniers avec les receveurs de district;
« Touchant la nomination et le cautionnement des percepteurs et du receveur de chaque district ;
« 2° La surveillance tant de la répartition, que du recouvrement et de l'application des sommes dont la levée aura été autorisée par la législature, pour les dépenses qui sont ou seront à la charge des départements ;
« 3° Le maintien et l'exécution des lois touchant la perception des contributions indirectes, et l'inspection des percepteurs de ces contributions ;
« 4° L'exécution des lois et l'inspection relativement aux monnaies et à tous les établissements, baux, régies ou entreprises qui rendront une somme quelconque au Trésor public;
« 5° Le maintien et l'exécution des lois touchant la conservation ou administration économique des forêts nationales, domaines nationaux et autres propriétés publiques, produisant ou pouvant produire une somme quelconque au Trésor public ;
« 6° Sur la réquisition des commissaires de la trésorerie, il donnera aux corps administratifs les ordres nécessaires pour assurer l'exactitude du service des receveurs ;
« 7° Il rendra compte au Corps législatif, au commencement de chaque année, et toutes les fois qu'il sera nécessaire, des obstacles qu'aura pu éprouver la perception des contributions et revenus publics.
Art. 10.
« Le ministre de la guerre aura : « 1° La surveillance et la direction des troupes de ligne et des troupes auxiliaires qui doivent remplacer les milices ;
« 2° De l'artillerie, du génie, des fortifications, des places de guerre et des officiers qui y commanderont, ainsi que de tous ies officiers qui commanderont les troupes de ligne et les troupes auxiliaires ;
« 3° Il aura également la surveillance et la direction du mouvement et de l'emploi des troupes de ligne contre les ennemis de l'Etat, pour la sûreté du royaume, ainsi que pour la tranquillité intérieure, mais en se conformant strictement, dans ce dernier cas, aux règles posées par la Constitution;
« 4° Il aura, en outre, la surveillance et la direction de la gendarmerie nationale, mais seulement pour les commissions d'avancement, Ja tenue et la police militaires;
« 5° Il sera chargé du travail sur les grades et avancements militaires, et sur les récompenses dues, suivant les lois, à l'armée, ainsi qu'aux employés de son département ;
» 6° Il donnera les ordonnances pour la distribution des fonds de son département, et il en sera responsable;
« 7° Il présentera, chaque année, à la législature, l'état détaillé des lorces de terre et des fonds employés dans les diverses parties de son département. 11 indiquera les économies et les i améliorations dont telle partie serait susceptible.
Art. 11.
« Le ministre de la marine et des colonies aura ;
« 1° L'administration des ports, arsenaux, approvisionnements et magasins de la marine, et dépôts des condamnés aux travaux publics, employés dans les ports du royaume ;
« 2° La direction des armements, constructions, réparations et entretien des vaisseaux, navires et bâtiments de mer ;
« 3° La direction des forces navales et des opérations militaires de la marine;
« 4° La correspondance avec les consuls et agents du commerce de la nation française, au dehors ;
« 5° La surveillance de la police qui doit avoir lieu dans le cours des grandes pêches maritimes, à l'égard des pavires pt équipages qui v seront employés, ainsi que l'exécution des lois'sur cet objet ;
« 6° Il sera chargé de l'exécution des lois sur les classes, les grades, l'avancement, la police et autres objets concernant la marine et les colonies ;
« Les directoires de département correspondront avec lui en ce qui concerne les classes et la police des gens de mer ;
« 7° Il aura la surveillance et la direction des établissements et comptoirs français en Asie et en Afrique ;
« 8° Il aura en outre, conformément à ce qui sera statué sur le régime des colonies, et sauf la surveillance et l'inspection des tribunaux des colonies, qui pourront être attribuées au ministre de la justice, l'exécution des lois touchant le régime et l'administration de toutes les colonies dans les îles et sur le continent d'Amérique, à la côte d'Afrique, et au delà du cap de Bonne-Espérance, et nommément à l'égard des approvisionnements, des contributions, des concessions de terrains et de la forcé publique intérieure des colonies et établissements français ;
« 9° Il surveillera et secondera ies progrès de l'agriculture et du commerce des colonies ;
« 10° Il rendra compte, chaque année, au Corps législatif, de la situation des colonies, de l'état de leur administration, ainsi que de la conduite des administrateurs^ et en particulier de l'accroissement ou du décroissement de leurs cultures et de leur commerce ;
« 11° Il donnera les ordonnances pour la distribution des fonds assignés à son département, et il en sera responsable ;
« 12° Il sera chargé du travail sur les récompenses dues, suivant les lois, à l'armée navale et aux employés de son département ;
« 13° Chaque année, il présentera à la législature un état détaillé de la force navale et des fonds employés dans chaque partie de son département, et il indiquera les économies et améliorations dont telle partie se trouverait susceptible.
Art. 12.
« Le ministre des affaires étrangères aura : l°la correspondance avec les ministres, résidents ou agents que le roi enverra ou entretiendra auprès des puissances étrangères ;
« 2º Il suivra et réclamera l'exécution des traités;
« 3° Il surveillera et défendra au dehors les intérêts politiques et commerciaux de la nation française;
« 4° Il sera tenu de donner au Corps législatif les instructions relatives aux affaires extérieures, dans les cas et aux époques déterminés par la Constitution, et notamment.par le décret sur la paix et la guerre. . K . ,
« 5° Conformément au décret du 5 juin 179U, il rendra, chaque année, à la législature, un compte détaillé, et appuyé de pièces justificatives, de l'emploi des fonds destinés aux dépenses publiques de son département.
Art. 13.
« Tous les ministres seront membres du conseil du roi et il n'y aura point de premier ministre.
Art. 14.
« Les ministres feront arrêter au conseil les proclamations relatives à leur département respectif, savoir :
« Celles qui, sous la forme d'instructions, prescriront les détails nécessaires soit à l'exécution de la loi, soit à la bonté et à l'activité du service ;
« Celles qui ordonneront ou rappelleront l'observation des lois, en cas d'oubli ou de négligence ; . _
« Celles qui, aux termes du décret du 6 mars dernier, annuleront les actes irréguliers ou suspendront les membres des corps administratifs.
Conseil d'Etat.
Art. 15.
« Il y aura un Conseil d'Etat, composé du roi et des ministres.
Art. 16.
« Il sera traité, dans ce conseil, de l'exercice de la puissance royale donnant son consentement, ou exprimant le refus suspensif sur les décrets du Corps législatif, sans qu'à cet égard le contreseing ae l'acte entraîne aucune responsabilité.
« Seront pareillement discutés dans ce conseil,
« 1° Les invitations, au Corps législatif, de prendre en considération les objets qui pourront contribuer à l'activité du gouvernement, et à la bonté de l'administration ;
« 2° Les plans généraux des négociations politiques ;
« 3° Les dispositions générales des campagnes de guerre.
Art. 17.
« Seront aussi au nombre des fonctions du Conseil d'État :
e 1° L'examen des difficultés, et la discussion des affaires dont la connaissance appartient au pouvoir exécutif, tant à l'égard des objets dont les corps administratifs et municipaux sont chargés sous l'autorité du roi, que sur toutes les autres parties de l'administration générale;
« 2° La discussion des motifs qui peuvent nécessiter l'annulation des actes irréguliers des corps administratifs, et la suspension de leurs membres, conformément à la loi;
« 3° La discussion des proclamations royales;
« 4° La discussion des questions de compétence entre les départements du ministère, et de toutes autres qui auront pour objet les forces ou secours réclamés d'une section du ministère à l'autre.
Art. 18.
« Si, après la délibération du Conseil et l'ordre du roi, un ministre voit du danger à concourir, par les moyens de son département, à l'exécution des mesures arrêtées par le roi à l'égard d'un autre département, après avoir fait constater son opinion dans le registre, il pourra procéder à l'exécution sans en demeurer responsable, et alors la responsabilité passera sur la tête du ministre requérant.
Art. 19.
Un secrétaire nommé par le roi dressera le procès-verbal des séances, et tiendra registre des délibérations.
Art. 20.
Le recours contre les jugements rendus en dernier ressort, aux termes de l'article 2 du décret du 7 septembre 1790, par les tribunaux de district, en matière de contributions indirectes, devant être porté au tribunal de cassation, ne pourra, en aucun cas, être porté au Conseil d'Etat.
Art. 21.
Les actes de la correspondance du roi avec le Corps législatif seront contresignés par un ministre.
Art. 22.
« Chaque ministre contresignera la partie de ces actes relative à son département.
Art. 23.
« Quant aux objets qui concernent personnellement le roi et sa famille, le contreseing sera apposé par le ministre de la justice.
Responsabilité.
Art. 24.
« Aucun ordre du roi, aucune délibération du conseil ne pourront être exécutés s'ils ne sont contresignés par le ministre chargé de la division à laquelle appartiendra la nature de l'affaire.
« Dans le cas de mort ou de démission de l'un des ministres, celui qui sera chargé des affaires par intérim répondra de ses signatures et de ses ordres.
Art. 25.
« En aucun cas, l'ordre du roi, verbal ou par écrit, non plus que les délibérations du Conseil, ne pourront soustraire un ministre à la responsabilité.
Art. 26.
« Au commencement de l'année, chaque ministre sera tenu de dresser un état de distribution par mois, des fonds destinés à son département, et de communiquer cet état au comité de trésorerie, qui le présentera au Corps législatif avec ses observations. Cet état sera arrêté par le Corps législatif, et il ne pourra plus y être fait de changement qu'en vertu d'un décret.
Art. 27.
« Les ministres seront tenus de rendre compte, en ce qui concerne l'administration, tant de leur conduite que de l'état des dépenses et affaires, toutes les fois qu'ils en seront requis par le Corps législatif.
Art. 28.
« Le Corps législatif pourra présenter au roi
Art. 29.
« Les ministres sont responsables : « 1° De tous les délits par eux commis contre la sûreté nationale et la Constitution du royaume-« 2° De tout attentat à la liberté et à la propriété individuelle ;
« 3° De tout emploi de fonds publics sans un décret du Corps législatif, et de toutes dissipations des deniers publics qu'ils auraient faites ou favorisées.
Art. 30.
« Les délits des ministres, les réparations et les peines qui pourront être prononcées contre es ministres coupables, seront déterminés dans le Code pénal.
Art. 31.
« Aucun ministre en place, ou hors de place, ne pourra, pour faits de son administration, être traduit en justice, en matière criminelle, qu'après un décret du Corps législatif, prononçant qu'il y a lieu à accusation.
« Tout ministre contre lequel il sera intervenu un décret du Corps législatif, déclarant qu'il y a lieu à accusation, pourra être poursuivi en dommages et intérêts par les citoyens qui éprouveront une lésion résultante des faits qui auront donné lieu au décret du Corps législatif.
Art. 32.
* L'action en matière criminelle, ainsi que l'action accessoire en dommages et intérêts pour faits d'administration d'un ministre hors de place, sera prescrite au bout de 3 ans, à l'égard du ministre de la marine et des colonies; et au bout de 2 ans, à l'égard des autres, le tout a compter du jour où l'on supposera que le délit aura été commis : néanmoins l'action pour ordre arbitraire contre la liberté individuelle, ne sera pas sujette à prescription.
Art. 33.
« Le décret du Corps législatif, prononçant qu il y a lieu à accusation contre un ministre, suspendra celui-ci de ses fonctions.
Traitement.
Art. 34.
« Le traitement des ministres sera, savoir : «Pourcelui des affaires étrangères, 150,000livres par année ;
« Et pour chacun des autres, 100,000 livres, payées par le Trésor public.
« Les intérêts du montant du brevet de rite-nue seront déduits de cette somme, s'ils se sont trouvés compris dans le traitement qui leur a été payé pour l'année 1790.
Articles additionnels.
Art. 1er.
« Les maîtres des requêtes et les conseillers d Etat sont supprimés.
Art. 2.
« Nul ne pourra entrer ou rester en exercice d'aucun emploi dans les bureaux du ministère ou dans ceux des régies ou administrations des revenus publics, ni, en général, d'aucun emploi a la nomination du pouvoir exécutif, sans prêter
prêtérm»eat civique' ou saos Just'fier qu'il l'a
(Les divers articles de ce projet de décret sont successivement mis aux voix et adoptés.)
Le second article additionnel que M. Uemeunier a présenté avant de faire cette lecture, porte que, pour occuper les emplois à la nomination du pouvoir exécutif, il faudra avoir prêté le serment civique. Cette disposition s'étend-elle aux chapelains et aux aumôniers du roi?
rapporteur. Les articles que I Assemblee a décrétés ne sont relatifs qu'aux personnes chargées de fonctions publiques et ne concernent pas celles qui peuvent composer la maison civile du roi. Dans ce moment-ci, je crois, ou du moins on m'a dit, qu'on allait réformer la maison du roi en entier. Alors on en composera une nouvelle. Il y a à distinguer la maison domestique, et les fonctions, qui tiennent de près ou de loin a l'administration.
L'Assemblée a renvoyé à son comité de Constitution un travail particulier sur cet objet et qui est bientôt achevé. Le comité vous fera incessamment son rapport. C'est alors que, relativement aux emplois de la maison domestique, vous pourrez discuter la matière.
M. Démeunier ne nous a pas apporte d'articles additionnels sur plusieurs questions très importantes que j'ai présentées de concert avec M. Barnave au cours de la discussion et qui ont été aussi renvoyées au comité :
« 1° Si l'intervention du Corps législatif sera nécessaire pour la poursuite d'un attentat à la liberte individuelle;
« 2° Si, dans tous les cas, la poursuite des ministres, ordonnée par un décret du Corps législatif, se portera à la haute cour nationale ;
« 3° Que l'on indiquera un mode des poursuites des ministres en matière civile, et sans intervention du Corps législatif. »
Je prie M. le rapporteur de vouloir bien nous tournir des explications à cet égard.
rapporteur. Le comité de constitution n a point oublié l'ordre que lui avait donné l'Assemblée; mais après avoir mûrement réfléchi, après avoir conféré sur la question, elle ne lui a pas paru aussi simple, aussi claire qu'à ceux qui l'avaient soulevée; il a même pensé qu elle exigeait un examen des plus scrupuleux.
Nous avons donc cru qu'il serait bon de soumettre également cet objet au comité de revision dont M. Buzot est d'ailleurs membre, et nous vous demandons de vouloir bien ordonner ce renvoi.
(L'Assemblée décrète le renvoi aux comités de Constitution et de revision.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur les contestations pendantes à l ancien conseil du roi.
au nom du comité de Constitution. Messieurs, la suppression du conseil du
roi nous laisse un travail à faire pour les procès qui existaient dans
les différentes sections du conseil. Vous avez attribué au conseil
Ce sont tous ces procès qu'il faut renvoyer maintenant aux divers tribunaux, auxquels la connaissance doit en appartenir. Sans doute vous suivrez dans cette matière les principes qui vous ont guidés dans l'établissement de l'ordre judiciaire ; qui ne veulent plus souffrir ni évocations, ni commissions, ni contributions particulières, ni éloignement de justiciables de leurs juges naturels ; vous ne permettrez pas que des hommes qui ont traité avec d'autres particuliers soient, par des formes arbitraires, éloignés de leur domicile, pour plaider sur des affaires dont ils doivent trouver les juges dans leurs foyers.
Cependant il y aura une distinction à faire que je vais vous proposer. Cette distinction regarde les actions de la nation contre des particuliers, et des particuliers contre la nation, à raison des traités que peuvent avoir faits des particuliers fournisseurs pour le département de la guerre ou de la marine. Il n'est pas possible que le gouvernement ait des agents dans toutes les différentes parties du royaume; car il s'ensuivrait une perte énorme par la dépense que cela occasionnerait, et une lenteur dans les procédures et dans les jugements qui serait très funeste à la nation.
Ceux qui out contracté avec elle, une fois que la loi sera portée, doivent s'attendre que les tribunaux, qui sont près du gouvernement, et qui ne seront pas cependant des tribunaux d'exception, connaîtront des affaires qui naîtront des traités contractés entre la nation et les particuliers. Voilà la seule exception que nous vous proposons. Ce n'est pas, comme je le répète, des tribunaux d'attributions. Le projet de décret est conçu en peu d'articles.
Voici l'article premier.
Art. 1er.
« Toutes les affaires pendantes au conseil des parties, des finances, des dépêches, à la grande direction, avec commissions particulières, et généralement toutes celles qui ne sont pas de la compétence du tribunal de cassation, et qui existaient aux diverses sections du conseil, et à des commissions, soit par appel, soit par évocation, soit par attribution, seront portées dans les tribunaux à qui la connaissance doit en appartenir, ainsi qu'il va être dit ci-après. »
Plusieurs membres demandent l'impression et l'ajournement du projet.
Les articles qui vous sont proposés ne sont que la conséquence de ceux qui ont été déjà décrétés lors de l'organisation judiciaire; il serait injuste de les ajourner. Ces ajournements ne tendent qu'à faire naître des délais préjudiciables à l'achèvement des travaux de l'Assemblée. Je demande en conséquence que les articles soient immédiatement mis en discussion.
(La motion de M. Mougins est décrétée et la discussion est ouverte sur l'article premier.)
(de Saint-Jean-d'Angély). Il y a dans ce mome it-ci, au conseil, des affaires qui sont dans le cas d'être réparties aux tribunaux des colonies, et il y aurait peut-être ae grands inconvénients d'obliger des individus qui sont en France à aller rappeler dans les colonies, parce que l'origine de l'affaire avait eu lieu ou a Saint-Domingue ou à la Martinique. Je vous propose de mettre une disposition qui évite cet inconvénient.
rapporteur. Dans la formation du tribunal de cassation, les dispositions relatives aux affaires des colonies ont été ajournées et par conséquent je n'ai pas parlé des colonies.
(de Saint-Jean-d'Angêly). Vous avez ajourné les dispositions pour l'avenir, vous savez qu'il y a beaucoup d'affaires pendantes au conseil sur des discussions relativement aux colonies et dont tous les intéressés demeurent en France.
Je crois que sans préjuger ce que vous ferez pour les affaires à naître, l'Assemblée nationale peut prendre une mesure pour faire décider promptement des affaires qui sont actuellement pendantes au conseil et par exemple, au lieu de dire que les affaires seront portées au tribunal des colonies, on peut dire que les affaires seront renvoyées par-devant le tribunal de la capitale.
rapporteur. Je demande à me concerter avec le comité des colonies, et que la motion de M. Regnaud y soit renvoyée.
(L'Assemblée renvoie la motion de M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angély à ses comités colonial et de Constitution et décrète l'article premier.)
rapporteur, donne lecture des articles suivants :
Art. 2.
« Les affaires qui ont été évoquées au conseil avant d'avoir reçu un jugement dans les tribunaux qui devaient en connaître, seront reporlees au tribunal du district, qui, suivant les règles prescrites dans l'organisation de l'ordre judiciaire, doit les juger. » (Adopté.)
Art. 3.
« Les affaires qui ont été évoquées au conseil après un premier jugement rendu dans les tribunaux, seront reportées devant le tribunal du district qui remplace celui où le procès avait ete iugé, pour que, si l'une des parties veut être appelante, elle choisisse l'un des 7 tribunaux drarrondissement, conformément à ce qui est prescrit pour les appels. » (Adopté.)
Art. 4.
« Il en sera de même pour les affaires retenues au conseil après un jugement de cassation ; elles seront reportées au tribunal de district établi dans le lieu où siégeait la cour judiciaire dont le jugement a été cassé, afin que les parties choisissent un tribunal entre les 7 tribunaux d'arrondissement, comme il se pratique pour les appels; lequel tribunal jugera en dernier ressort le fond du procès. » (Adopté.)
Art. 5.
« Lés affaires dans lesquelles il est intervenu un jugement de cassation, et qui ensuite ont été évoquées pour être attribuées à une commission, seront reportées au tribunal de district qui doit en connaître, suivant la nature de l'affaire, à moins que la commission n'eût été établie du consentement et sur la demande respective de toutes les parties; auquel cas la commission continuera ses fonctions, aux termes de la convention qui l'a établie. » (Adopté.)
Art. 6.
« La même règle sera suivie pour les commissions qui pourraient avoir été créées pour connaître d'une affaire ou d'une suite d'affaires, sans que la forme de l'évocation ait été prise. Si ces commissions ont été demandées et consenties par toutes les parties, elles continueront leurs fonctions; si elles ont été créées sans le consentement de toutes les parties, ou sur la demande d'une seule, elles cesseront d'exister, et les contestations sur lesquelles elles doivent prononcer sont renvoyées aux tribunaux auxquels la connaissance en appartient.
Il y a des parties principales, il y a des parties appelées en garantie; n'est-il pas vrai que vous avez entendu qu'on ne peut appeler en garantie personne devant les tribunaux d'attribution de cette espèce ? Il faut donc l'exprimer dans l'article.
rapporteur. Si vous croyez, Messieurs, que toutes les parties ne dit pas assez, il n'y a qu'a mettre : « toutes les parties en cause principale ou appelées en garanties ».
Je crois que pour rendre l'article clair, il devrait y avoir une disposition relative aux commissions données pour union de créanciers.
rapporteur. Vous présentez votre objection pour les affaires qui sont d'une nature telle qu'on ne connaît pas bien auxquels elles doivent appartenir. Je vous dis que pour cela il existe un article ainsi conçu :
« A l'égard des commissions établies pour des affaires dont la nature mixte laisse incertaine la compétence des tribunaux qui doivent en connaître ou qui affectent une grande masse de biens situés dans plusieurs districts et quelquefois dans plusieurs départements, on se pourvoira au tribunal de cassation, qui déterminera le tribunal où les parties feront vider leurs contestations. » (L'article 6 est mis aux voix et adopté.)
rapporteur. A l'article 7 dont je viens de vous donner connaissance, j'ajoute cette disposition : « Le tribunal de cassation ne pourra choisir qu'un des tribunaux sous lesquels les parties seront domiciliées ou sous lesquels les biens seront situés. Je rédige en conséquence l'article comme suit :
Art. 7.
« A l'égard des commissions établies pour des affaires dont la Dature mixte laisse incertaine la compétence des tribunaux qui doivent en connaître, ou qui affectent une grande masse de biens situés dans plusieurs districts, et quelquefois dans plusieurs départements, on se pourvoira au tribunal de cassation, qui, parmi les tribunaux sous lesquels les parties sont domiciliées, ou sous lesquels les biens sont situés, déterminera le tribunal où les parties feront vider leurs contestations. »
Il est certain que c'est le domicile de la personne qui plaide, qui doit déterminer la juridiction qui en doit connaître ; il est certain que la situation des biens ne fait pas changer le lieu de la juridiction. (Murmures à gauche.)
Un membre : Si c'est en matière réelle.
(L'article 7 est mis aux voix et adopté.)
rapporteur. Voici l'article 8 tel que vous le propose votre comité :
« Les oppositions aux ordonnances des intendants et les appels d'icelles, ainsi que les appels et oppositions aux jugements des élus de Bourgogne et à ceux des commissaires du conseil, qui ont pu exister à différentes époques et pour diverses circonstances dans les ci-devant provinces, seront par la partie la plus diligente portées au tribunal de district du domicile des parties, lequel jugera en dernier ressort.
rapporteur. Il faut mettre, je crois, après les mots appels et oppositions ceux-ci : aux délibérations des pays d'Etats ou commissions intermédiaires. Sur cet article, je soumets mes réflexions à l'Assemblée. Vous voyez que nous avons exactement suivi la forme que vous avez établie dans l'organisation de l'ordre judiciaire. Vous irez au tribunal de district pour choisir un des 7 tribunaux d'arrondissement, et voici pourquoi : c'est que les intendants, c'est que les pays d'Etats, c'est que l'administration des élus de Bourgogne, c'est que l'administration momentanée des commissaires du conseil embrassait un grand territoire, et qu'il faudrait aller de son domicile dans un pays très éloigné, pour plaider. Ne serait-il pas plus expéditif de faire décider en dernier ressort sur cet appel par le tribunal du district du domicile des parties : Voilà ce que j'ai cru être susceptible d'un amendement.
Je demande par amendement à l'article qu'il soit dit : « Dans toutes les affaires qui appartiennent à l'ordre judiciaire, suivant les lois décrétées pour l'organisation des tribunaux.»
Je ne vois pas que l'amendement proposé par le préopinant soit nécessaire. L'article me paraît parfaitement conçu ; mais je craindrais que les parties n'éprouvassent de l'embarras de la manière trop vague et trop générale, dont se trouve conçue la dernière partie de cet article.
Par exemple, on veut que les contestations soient jugées en dernier ressort par le tribunal du domicile des parties; cela est insuffisant selon moi, parce qu'il pourrait arriver que toutes les ' parties ne fusseut pas également domiciliées sous le ressort du tribunal unique, auquel l'article les reavoie. Ainsi je crois que par amende- -ment il doit être dit : « Seront obligés de se pourvoir devant le tribunal de district du domicile du défendeur en opposition, ou du domicile de l'intimé. » A moins qu'on n'aime mieux dire : « Au tribunal du défendeur originaire. »
rapporteur. J'adopte le mot du défendeur originaire.
Si vous adoptez l'article tel qu'il est rédigé, il s'ensuivra maintenant que toutes contestations, soit qu'elles soient de l'ordre judiciaire, soit qu'elles appartiennent à l'ordre administratif, seront portées à des tribunaux. Je dis que cela n'est pas convenable.
rapporteur. Je ne me refuse pas à la justesse de ces vues-là. Je crois qu'il faut mettre une exception. Il faut bien remarquer qu'il n'ira aux tribunaux de district que les affaires purement judiciaires. Cependant il faut comprendre dans les affaires judiciaires les affaires que vous avez renvoyées aqx tribunaux de district et qui n'étaient pas jadis des matières judiciaires, comme par exemple les contestations relatives aux impôts. .
Je demande donc que vous fassiez décréter une exception qui marquera bien que toutes les affaires portées aux tribunaux seront des affaires qui n'appartiendront pas à l'administration. Aq surplus, si on décrète l'article, je le rapporterai rédigé dans ce sens-là.
Un membre propose pour l'article la rédaction suivante :
Art. 8.
« Les oppositions aux ordonnances des ipten-dants et les appels d'icelles, ainsi que les appels et oppositions aux délibérations des administrations, aux jugements des élus de ftourgogne et à ceux des commissaires du conseil, qui ont pu exister à différentes époques et pour diverses circonstances, dans les ci-devant provinces seront, parla partie la plus diligente, portées au tribunal de district du domicile du défendeur originaire, lequel jugera en dernier ressort. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 9 ainsi conçu ;
Art. 9.
« Toutes les affaires qui étaient soumises au jugement des intendants des ci-devant provinces ou des ci-devant pays d'Etats, autres que celles dont la connaissance est attribuée aux corps administratifs, seront portées devant les tribunaux de district, pour être jugées comme les autres procès, à la charge de l'appel, si l'intendant n'a pas rendu d'ordonnance, » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 10 ainsi conçu :
« Sont exceptées de la présente loi les affaires dans lesquelles la nation plaide contre des particuliers en qualité de créancière ou de débitrice. Toutes les affaires de cette nature qui étaient pendantes aux diverses sections dq conseil, ou à la ci-devant cour des aides de Pans, seront portées à l'un des 6 tribunaux de Paris, soit pour les juger à charge d'appel, s'il n'est pas déjà intervenu de jugement, soit pour phoisir un des 7 tribunaux de l'arrondissement, s'il y avait un premier jugement; lequel tribunal prononcera en dernier ressort. »
Prenez garde, Messieurs, que toutes les affaires où la nation plaide comme créancière ou comme débitrice vont donner une très grande latitude à votre disposition; car tous ceux qui sont débiteurs de cens et rentes, de lots et ventes, tant que les droits seigneuriaux ne seront pas rachetés plaident poutre la nation
comme créancière, et eux comme débiteurs. Comment! Il faudra que d'un bout à l'autre du royaume on vienne plaider à Paris pour une somme de 100 livres? Mais ici vous statuez pour le passé et pour l'avenir, en sorte que pour l'avenir il s'ensuivra que tout nomme quelconque qui devra une somme, et à quelque titre que ce soit, 6era obligé de se déplacer pour venir plaider à Paris. Je ne sais pas si c'est l'intention du comité.
Je crois qu'on pourrait décréter l'article tel qu'il est, en ajoutant : « sans préjudice des dispositions décrétées le 6 mars. » Au surplus, on peut changer ces mots, car pour le sens nous sommes d'accord.
Je conçois très bien la convenance et la justice de l'article, si on l'applique uniquement aux affaires actuellement pendantes au conseil ; mais si l'on en fait une règle générale, alors cet article a besoin d'une discussion. 11 faut savoir si cette loi est pour l'avenir ou pour le passé. Si c'est pour le passé, j'en demande l'ajournement.
Un membre : C'est pour le passé.
Un membre propose la question préalable sur l'article.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer et repousse l'ajournement.)
Je voudrais qu'il fût bien spécifié qu'il n'y a d'excepté de la disposition générale du décret que les affaires dans lesquelles la nation est partie principale et directe, et que l'on rédigeât ainsi le commencement de l'article :
« Sont exceptées de la présente loi les affaires dans lesquelles la nation plaide directement contre des particuliers, etc.... »
rapporteur. J'adopte l'amendement.
Je demande qu'on dise : « Toutes les affaires de cette nature, actuellement pendantes aux diverses sections du conseil, etc. »
J'adopte l'amendement.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
rapporteur. Voici comment je rédige l'article :
Art. 10.
« Sont exceptées de la présente loi les affaires dans lesquelles la nation plaide directement contre des particuliers en qualité de créancière ou de débitrice. Toutes les affaires de cette nature actuellement pendantes aux diverses sections du conseil, ou à la ci-devant cour des aides de Paris, seront portées à l'un des 6 tribunaux de Paris, soit pour les juger à la charge de l'appel, s'il n'est point encore intervenu de jugement, soit pour choisir un des 7 tribunaux d'arrondissement, s'il y avait eu un premier jugement; lequel tribunal prononcera en dernier ressort. » (Adopté.)
Art. 11.
« Dans les dispositions du précédent article ne peuvent être compris les
objets soumis par
rapporteur. Viennent ensuite quatre articles destinés à fixer pour l'avenir la manière dont procéderont ceux qui, à raison des marchés, des traités, des engagements quelconques, auront fait des affaires avec la nation et la manière dont les agents les poursuivront. Ces articles exigent plus de réflexion et une discussion plus étendue; si l'Assemblée y cousent, je les ferai imprimer, ainsi que les motifs qui ont déterminé le comité à vous les présenter.
Il faut prendre en considération l'état actuel des choses relativement aux administrations et aux manufactures. Je crois que, dans l'ancien ordre de choses, les administrations locales participaient à l'autorité du conseil.
Je demande que le comité nous présente ses vues sur cette administration.
(L'Assemblée décrète l'impression et l'ajourne-ment des quatre derniers articles du projet de décret.)
au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif à la circonscription des paroisses de Liancourt. Chaumont et Chartres et à la réunion de plusieurs hameaux. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité ecclésiastique, décrète :
Art. 1er.
« La paroisse de Saint-Pierre du village de Liancourt, département de l'Oise, est et demeure réunie, avec son territoire, à la paroisse de Notre-Dame dudit lieu, sous l'invocation de Notre-Dame.
Art. 2.
« Dans la ville de Chaumont, même département, les paroisses de Saint-Martin, de Laillerie et de Saint-Brice sont réunies, avec leur territoire, à celle de Saint-Jean-Baptiste de Chaumont, sous cette invocation.
Art. 3.
« Il sera conservé un oratoire dans l'église de Laillerie.
Art. 4.
« Dans la ville de Chartres, département d'Eure-et-Loire, les 7 paroisses de l'intérieur de la ville, sous les invocations de Saint-Aignant, Saint-André, Sainte-Foy, Saint-Hilaire, Saint-Martin, Saint-Michel et Saint-Saturnin, sont supprimées et réunies à la paroisse cathédrale.
Art. 5.
« Les deux paroisses extra muros de Saint-Maurice et de Saint-Brice sont également supprimées et réunies avec leur territoire, sauf les exceptions ci-après, à ladite paroisse cathédrale.
Art. 6.
« Le hameau de Serreville sera réuni à la paroisse de Maiuvilliers.
Art. 7.
« Le hameau d'Ouarville sera réuni à la paroisse de Saiut-Lazare-de-Lères.
Art. 8.
« Le hameau de Milanet sera réuni à la paroisse de Champhot.
Art. 9.
« Le hameau du Petit-Beaulieu, ci-devant de la paroisse de Saint-Brice, sera réuni à la paroisse de Saint-Chéron.
Art. 10.
« La paroisse deLucê est éteinte et supprimée, et réunie à celle de Mainvilliers, avec son territoire^ l'exception du faubourg de Nicochet, qui est réuni à la paroisse cathédrale.
Art. 11.
« La paroisse de Saint-Barthélemy est supprimée et réunie, avec son territoire, à celle de Saint-Chéron, à l'exception des maisons situées dans l'intérieur de la ville et du faubourg, qui étaient de la paroisse de Saint-Barthélemy et qui sont et demeureront réunies à la paroisse cathédrale.
Art. 12.
« Il sera établi deux oratoires : l'un dans l'église de Saint-Maurice et l'autre dans l'église des ci-devant capucins.
Art. 13.
« Tous les revenus et fonds des fabriques des paroisses supprimées par le présent décret sont réunis et attachés aux églises auxquelles chacune d'elle est réunie. » (Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation de la garde nationale (1).
rapporteur. Messieurs, dans la dernière séance où il s'est agi de
l'organisation des gardes nationales, je vous ai rappelé les principes
des décrets constitutionnels que vous avez rendus sur cette
organisation. Le projet que votre comité de,Constitution vous propose
aujourd'hui, ayant pour unique objet le développement de ces principes,
ne paraît pas susceptible d'une discussion générale dans laquelle on ne
pourrait que remettre en question ce qui est déjà décrété. Notre projet
de décret est divisé en cinq sections ; la première, intitulée : De la
composition de la liste des citoyens, a pour objet le mode d'exécution
de votre décret sur la circonscription militaire; la seconde, intitulée
: De l'organisation des citoyens pour le service de la garde nationale,
est la détermination du mode suivant lequel la garde nationale doit
faire le service quand elle en sera requise; la troisième, intitulée :
des fonctions des citoyens servant en qualité de gardes nationales, est
la nomenclature de tontes les parties du service de la garde nationale ;
la détermination des devoirs des citoyens en leur qualité de gardes
nationales. Les principes déjà établis par vos propres décrets sont
qu'elles doivent prêter main-forte à l'exécution des jugements; qu'elles
doivent repousser et réprimer toute espèce de brigandage, marcher, sur
la réquisition des corps administratifs, contre les ennemis du dedaus ou
du dehors. Elle doit être
Je demande donc que, pour ne pas remettre en question ce qui est décrété, pour ne pas nous exposer à désavouer nos propres principes, nous passions à la discussion successive des articles. Cependant, comme ces discussions de détail pourront porter principalement sur ce qui concerne les fonctions des gardes nationales, on peut mettre ce titre le premier de la discussion. Lorsque l'on saura à quelles fonctions la garde nationale est destinée, il sera plus Facile de prononcer sur le régime de son organisation. La grande question des réquisitions pourra se subdiviser. On discutera d'abord ce qui concerne la réquisition habituelle, celle qui tient essentiellement à l'institution des «ardes nationales, qui les oblige en tout temps, à toute heure, de prêter main-forte à l'exécution de la loi, de maintenir l'autorité des jugements, de réprimer le flagrant délit; on discutera ensui:e ce qui concerne la réquisition particulière qui, faite par les officiers civils, aura pour objet de réprimer les incursions extraordinaires du brigandage ou les attroupements séditieux contre la sûreté des personnes et des propriétés, de protéger la perception des contributions ou la circulation des subsistances, etc. Enfin la réquisition permanente, qui aura lieu aux époques d'alarmes et de troubles, lorsque des ennemis extérieurs ou intérieurs menaceront la sûreté ou la liberté publiques, pour que tous les citoyens se tiennent prêts à un service effectif. Dès que la patrie est hors de péril, cette réquisition, qui doit être faite, par le Corps législatif ou par le roi, cesse ; mais elle est permanente tant que dure le danger...
Ces réflexions que je jette en avant font voir que vous devez nécessairement discuter successivement les différentes dispositions de notre projet de décret, mais qu'il ne peut plus s'établir de discussion générale sur le projet en entier, puisque tous les principes généraux sont déjà constitutionnellement établis et qu'il ne s'agit que d'en faire l'application.
Les bases du plan du comité me pai.ussent, en général, sages. J'y aperçois d'excellentes vues et je crois qu'avec du changement on peut faire de ce projet une loi digne de vous et du bien auquel nous devons tendre, qui est d'assurer la tranquillité et la sûreté publique. Dans la discussion préliminaire, je me bornerai à des observations générales sur des corrections et améliorations que je proposerai avec brièveté et que je vous prierai d'écouter avec indulgence.
J'observe, sur l'ordre de la discussion, qu'il n'est aucun rapport du comité militaire qui n ait été adopté de confiance et que tous ies décrets qu'on pourrait opposer aujourd'hui à ceux qui voudraient combattre te plan du comité, ont passé presque sans discussion.
Je demande que la discussion soit faite article par article.
Le comité est bien loin de s'opposer à une discussion générale. Le préopinant s'est trompé lorsqu'il a dit que les principes décrétés sur cet objet n'ont point entraîné de discussion.
Vous avez attaché à la qualité de citoyen actif l'obligation indispensable de faire le service de la garde nationale; c'est sur cette base fondamentale que repose en entier le plan du comité. Dans votre position, que devez-vous tous désirer ? Que la garde nationale qui a fait la Révolution, sans laquelle vous n'auriez pas pu achever vos travaux, continue son service noD seulement jusqu'à la fin de la Constitution, mais toutes les fois aue la patrie o,i la liberté publique en péril demanderait qu'elle prenne les armes.
Alors qu'arrivera-t-il? Non seulement dans les temps ordinaires la garde nationale sera chargée de faire exécuter la loi, de maintenir l'ordre public ; mais dans un moment de crise, dans un moment orageux pour la liberté publique, il suffirait de frapper la terre du pied; une armée tout entière, organisée d'une manière assez exacte, paraîtrait, et vous pourriez alors déjouer tous les ennemis de la Constitution. Si, au contraire, après nos travaux achevés, le calme rétabli partout ne demande qu'un service passager, qu'un service local, l'organisation qui vous est présentée se prête encore à ces mêmes détails.
Dans l'opinion que le préopinant a proposée dans une des dernières séances, il a demandé que les gardes nationales fussent incorporées aux troupes de ligne. Je dis que c'est aller contre tous vos décrets. Peut-on espérer que des citoyens iront naturellement s'enrôler dans les troupes de ligne; ce qui les rendrait ennemis nés de leur pays. Dans les contrées despotiques d'Allemagne, au moins le despotisme s'est arrêté à ce qu'il appelle des agriculteurs et des laboureurs qu'il enrôle de force, sous le nom de milice, dans les troupes de ligne. Un pareil système ne tiendra pas contre la plus légère discussion.
J'ai vu un autre plan d'organisation de gardes nationales, où l'on demande un extrait de toutes les gardes nationales du royaume, composées de 1,450,000 hommes. On part au moins des principes que vous avez décrétés. On dit : Tout citoyen actif est garde nationale et doit en faire le service. On demande que les citoyens actifs se réunissent et que, par la voix de l'élection, ils nomment proportionnellement, dans les départements, le nombre de gardes nationales en activité qui sera nécessaire pour faire le service, et on porte le nombre à 4,500,000.
Que résulterait-il de ce plan ? Vous altéreriez complètement l'esprit fondamental de votre Constitution, qui est que celui qui jouit de la qualité de citoyen doit non seulement concourir par des contributions, mais concourir, par sa personne et par son courage, à défendre les intérêts de la patrie. Il ne s'agit pas ici d'élection et il est clair que toute espèce de mode électif en cette matière aurait les plus grands inconvénients.
Voilà deux systèmes généraux qui ont été présentés; j'en connais un ou deux autres qui ne me paraissent pas plus conformes à vos décrets ni à l'esprit de la Constitution que vous avez établie. Loin donc de m'opposer à une discussion générale, je demande qu'on examine si le plan au comité n'est pas l'application pure et simple de vi>s décrets et des principes que vous avez décrétés.
Je croirais concilier tous les esprits en demandant qu'on pose la
question en ces termes : Dis-cntera-t-on d'autres projets d'organisation
des gardes nationales, ou bien discutera-t-ou celui
Si M. Détoeunier avait bien connu mon plafl. il ne l'aurait pas calomnié. J'ai proposé de diviser la force armée eti deux parties, en garde non soldée et en garde soldée, en garde nationale et en troupes ae ligne î la première servira de ttoupeS auxiliaires propres à recruter l'armée. Ce système présente a mon sens Une grande importance pour le maintien de la liberté publique ; la garde nationale servira ainsi de contrepoids aux troupes de ligne dont la masse est effrayante.
Ce n'est point pôtir justifier le plan de M. Durand que je prends la parole, mais, reprenant la discussion au point où M. Dé-meunier l'avait mise, je dis que, S'il est vrai que l'organisation des gardes nationales paraisse à l'Assemblée une entreprise à la fois difficile et importante, d'où dépendent en dernière analyse, le succès de nos travaux, et la stabilité de la liberté, chacun de nous doit s'étonner qu'en paraissant convenir que la liberté d'une telle discussion doit être entière on parle cependant si lottg^ temps pour là circonscrire, suivant lé système que l'on s'est fait et suivant le but que l'on se propose.
Pour moi, effrayé de l'importance et des dangers de cette organisation, je le suis infiniment de voir deux orateurs du comité de Constitution, qui ont eu tout le loisir nécessaire pour méditer, pour préparer à leur gré le système qu'ils veulent faire adopter à l'Assemblée nationale, paraître à la tribune pour circonscrire à leur manière les termes de la délibération. J'ai été infiniment étonné surtout de voir M. Démeunier, tout en protégeant la liberté de la discussion, ne faire autre chose que nous assurer que le plan du comité de Constitution était si évidemment conforme aux principes adoptés par l'Assemblée nationale, qu'il n'offrait que des conséquences toutes naturelles et toutes simples ; qUe toute discussion à cet égard lui paraissait inutile et devrait entraîner Une perte de temps. (Murmû têt.)
Je n'ai pas dit cela. M. Robespierre devrait bien ne pas altérer les faits ; c'est son habitude lorsqu'il répond à quelqu'un.
Vous ne devez pas m'inter-rompre.
J'ai été étonné de le voir ensuite passer légèrement en revue tous les plans contraires à celui du comité et conclure avec la même légèreté qu'il fallait passer à la discussion de ce dernier. (Murmures.)
Un membre : Discutez, on vous laissera parler.
S'il n'egt permis de faire naître aucun préjugé contre aucun système, sous tel prétexte que ce soit, je dis que ce n'est point la peine pour nous d'éntamer une si grande et j'ose dire une si dangereuse discussion ; car chacun de nous individuellement n'a plus le droit de suffrages avec un comité (Murmures; applaudissements à gauche.)... avec un comité qui, après avoir préparé les délibérations, prépare encore les moyens nécessaires pour faire adopter presque de confiance toutes ses dispositions, toutes ses idées de règlement.
Plusieurs membres : Allez donc âu fait !
Vous allongez la discussion.
On me permettra.....
Il est temps de ressaisir la liberté des suffrages. Bien loiu de regarder le plan du comité comme Une conséquence très simple des principes déjà décrétés, je pense, au contraire, qu il faut l'examiner avec la plus scrupuleuse attention; parce que, après l'avoir examiné, il sera évident pour tout le monde qu'il ne tend à rien moins qu'à anéâùtit les gardes nationales et la liberté. Ce projet ne saurait donc être adopté dans son ensemble.
Je demande, en Conséquence, que la discussion soit ouverte sur le plan en général et que la parole soit accordée sans restriction.
Je mé plains de la calomnie de M. Robespierre; je n'ai pas dit ce qu'il suppose. J'ai demandé qu'on discutât en général ; je n'ai pas demandé qu'on ne discutât point les plans géuérattx.
Tdtttes ces luttes individuelles ne produisent d'autre effet que celui de retarder la marche de l'Assemblée. Je demande que la discussion s'ouvre immédiatement.
La parole est à M. Lanjuinais ; je demande qu'il soit entendu.
Je vais posef la question de savoir si on discutera lé.plan en général.
Personne ne s'y oppose. (La discussion générale est ouverte sur le projet de décret.)
Le Comité nous propose de décréter que tous les citoyens actifs se feront inscrire pour le Service dé la garde nationale. Il ne propose que deux: exceptions : l'une en faveur de ceux qui ont servi depuis l'époque de la Révolution ; et l'autre, en faveur des fils de citoyens actifs. Dans un moment où le despotisme a fait tant de mendiants, tant de malheureux, il semblerait dangereux d'adopter d'autres mesures.
Il ne faut pas imposer ni confier Je fardeau de la gârde publique à ceux qui n*ont rien à perdre, ou qui n'ont pas lo nécessaire ; mais il y en a quelques-uns parmi eux qui ont trouvé des ressources, qui ont servi depuis 2 ans, qui ont combattu poùr la liberté, ceUx-là ne peuvent pas être privés dé l'honneur qu'ils ont acquis par leur Courage et leur patriotisme. Leur conduite passée vous répondra de leur conduite future. La présomption qui s'élevait contre eux est effacée; ils doivent être maintenus dans leur service à moins qu'ils n'ea soient exclus par un jugement légal, et c'est ici que je m'élève contre le plan du comité.
Il n'est pas nécessaire, comme il le propose, que les citoyens subissent l'humiliation d'une épreuve, c'est-à-dire qu'ils soient jugés dignes de continuer leur service par le conseil général de Ja commune. Ge serait une ingratitude de soumettre à un scrutin épuratoire ceux contre lesquels il n'existe pas de plainte, ceux qtfon a trouvés bons pour défendre la cause publique en des temps périlleux.
Le comité n'accorde le droit de port d'armes qu'aux citoyens actifs, inscrits sur les registres de la garde nationale. Je désire ardemment voir le jour où disparaîtra la distinction des actifs et des non actifs. Mais je ne combats pas cette disposition ; je voudrais seulement une addition. Je désirerais à l'avenir que nul ne pût être admis, par la voie de l'examen, au grade d'officier dans les troupes de ligne, s'il n'avait pas fait, au moins pendant un temps déterminé, le service de la garde nationale suivaot vos décrets. (Murmures.)
Je ne voudrais pas qu'un citoyen pût se présenter pour être officier à 18 ans, s'il avait négligé de servir à 16 dans la garde nationale. En général le Français naît précoce. Un jeune Français de 16 ans est ordinairement aussi avancé, pour le corps et pour l'esprit, qu'un Suisse ou Un Allemand de 20 années; cependant ces Allemands sont presque tous soldats, et soldats dans la troupe de ligne à 16 ans.
A 20 ans.
A 16 ans; je le sais pour l'avoir entendu dire.
Et moi pour l'avoir vu.
Le comité supprime l'épau-lette, et il la supprime seulement pour l'officier de la garde nationale. Veut-on que tous les soldats de la patrie se regardent comme frères? Eh bien, Messieurs, qu'ils portent les mêmes distinctions militaires et que les mêmes marques dis-tinctives parent les gardes nationales.
On vous propose de supprimer toutes les anciennes compagnies de milice bourgeoise, sous quelque dénomination que ce soit. Je ne vois à cet égard aucune difficulté ; mais on a oublié, dans cette organisation qui vous est proposée, de vous indiquer les compagnies qui existent dans les milices nationales et qui doivent être conservées en France. Je parle des compagnies do canonniers et de cavalerie. Il faut conserver ces compagnies ou en organiser d'autres.
On défend aux officiers des gardes nationales de faire distribuer des cartouches, si ce n'est en cas de réquisition précise, à peine de demeurer responsable des événements. Permettez-moi quelques réflexions à ce sujet. A la vérité, la sentinelle qui veille à la sûreté publique aura un fusil; mais, pour qu'il lui soit distribué des cartouches, il lui faudra un ordre spécial, une réquisition précise de la municipalité. Ainsi, dans le cas d'une attaque nocturne, faite par des gens munis d'armes à teu, il faudra assembler le corps municipal, il faudra que ce corps assemblé autorise l'officier du poste à envoyer des cartouches à la garde attaquée et en péril. Bien entendu que les agresseurs auront la complaisance d'attendre la décision du conseil. J'observe, Messieurs, que chez nos voisins, en Suisse, tout citoyen, depuis l'âge de 16 ans, est obligé d'avoir à ses frais et de faire la montre, dans les revues, de 24 cartouches à balle. Voilà comme les Suisses conservent leur liberté. Je ne demande point que cela soit adopté ; mais je demande que l'article dont il s'agit soit retiré comme véritablement contraire aux vues de la Constitution et au but de la garde nationale.
Dans la disposition des récompenses et des délits il y a beaucoup à redire.
J'aime ces distinctions accordées aux vieillards, cette émulation, ces exemples aux enfants, l'espérance de la patrie. Quels avantages ne retireront-ils pas de ces jeux civiques ! J'en sais un qui est inappréciable et qui paraît avoir échappé à la sagacité et au zèle de votre Comité. Permettez-moi de l'indiquer. Les jeux civiques seront une des grandes bases de votre institution sociale. Ils doivent entrer comme une partie intégrante dans le plau de votre éducation publique, sur laquelle reposera véritablement l'édifice de vos lois et qui assurera le maintien de notre Constitution pendant la durée des siècles.
L'article 19 de la seconde section interdit aux gardes nationales, réunies pour délibérer, de porter l'habit d'uniforme. Voilà donc l'habit national devenu un habit de proscription...
Un membre : Cela est décrété.
On a souvent réveillé votre zèle contre le duel, ce reste odieux de notre ancienne barbarie. On vous a demandé des lois pénales, des lois judiciaires. Le duel échappe à toutes les lois de cette nature; elles ne peuvent avoir de prise sur les erreurs de l'esprit ni sur les maladies de l'opinion. Les lois d'institution, les lois qui forment les raœUra, peuvent seules y apporter un remède efficace ; il faudrait en porter qui attaquassent le mal dans sa racine. Dans les articles présentés sur l'organisation des gardes nationales, il devrait y en avoir un qui arrêtât la fureur des duels ; car il serait du plus grand danger qu'elle vînt à se propager parmi des troupes citoyennes.
J'oserai donc demander que l'assassin dé soû frère ne puisse jamais se voir dans la garde des citoyens ni à la défense de la patrie ; que, pendant les jeux civiques, les armes du duelliste soient solennellement flétries; qu'elles soientsuspendues à un poteau infamant; que Son nom soit inscrit sur ce poteau avec cette sentence que l'Eternel prononça contre le meurtrier de son frère : « Caïn, la terre qui a bu le sang de ton frère crie vengeance contre toi. » Il ne faut pas que sa présence souille le regard de ses concitoyens assemblés ; la couronne civique sera brisée devant lui et les débris de cette couronne dispersés sur la terre de la patrie, qu'il a si cruellement outragée. Ainsi il deviendrait en horreur à ses concitoyens et bientôt il se verrait obligé de dire : « Ma peine est si grande que je ne puis plus la supportef. » Voila, Messieurs, comment la folié du duel pourra être combattue avec succès, en y joignant des lois sevères contre les violences, contre les insultes personnelles.
Il est dit dans le projet que les vieillards distribueront des prix ; il faudrait aussi, pour animer l'ardeur et le zèle des gardes nationales, créer des jeux civiques; mais, pour qu'on n'y apportât point l'esprit de galanterie, je demande que les femmes en soient exclues. (Rires.) Eloignez de vos jeux civiques les idées galantes de notre ancienne chevalerie; elles,convenaient au despotisme, mais elles ne conviennent pas aux mœurs, sans lesquelles il n'y a point de liberté. Il faut que les exercices si précieux à la jeunesse puissent être faits volontairement une fois la semaine pendant toute l'année. C'est le vœu de nos jeunes concitoyens. Il est trop légitime pour qu'on puisse le repousser. Voilà les observations générales que j'avais à proposer.
En appréciant à leur juste valeur les réflexions du préopinant, on est
convaincu qu'il est inutile d'ouvrir une discussion
(1). Messieurs, vous êtes tous convaincus que, de toutes les institutions qui vous restent à former, l'organisation des gardes nationales est celle qui doit avoir la plus puissante influence sur le sort de la liberté et sur la stabilité de votre ouvrage. Je me bâte donc d'en rechercher les principes, sans en prouver l'importance. . ....
Vous le savez; toutes les institutions politiques ne sont que des moyens de parvenir à un but utile à la société, et, pour bien choisir et employer les moyens, il est toujours nécessaire, il suffit souvent de connaître parfaitement le but et de ne le jamais perdre de vue. Examinons doue avant tout quel est l'objet précis de l'institution des gardes nationales, quelle est la place quelles doivent tenir, quelle est la fonction qu'elles doivent remplir dans l'économie politique; et toutes les règles de leuT organisation s'offriront d'elles-mêmes à nous comme des conséquences palpables de ce principe.
Ce serait en vainque nous chercherions ici des autorités ou des exemples étrangers parfaitement analogues. L'idée de l'institution des gardes nationales, du moins telle que nous la concevons, est neuve ; elle appartient à notre Révolution ; elle fut presque également inconnue et aux peuples libres, et aux peuples subjugués par le despotisme. Chez les premiers, les citoyens, nés soldats pour défendre la patrie, s'arment dans les dangers qui la menacent, repoussent les invasions des ennemis du dehors, et rentrent dans leurs foyers où ils ne sont plus que des citoyens. Quant aux autres Qe parle des peuples modernes), ils entretiennent, ou plutôt leurs monarques entretiennent, à leurs dépens, des corps de troupes oermanents qu'ils emploient alternativement pour combattre leurs ennemis étrangers et pour enchaîner leurs sujets.
Tel est l'ordre de choses que vous avez trouve, parmi nous, en commençant votre carrière. Je ne vous rappellerai pas ce qu'il devait vous coûter si, par un enchaînement extraordinaire d événements dont l'histoire du monde n'offre pas un exemple, les soldats du despotisme n'étaient devenus tout à coup les soldats de la liberté... Les circonstances extérieures qui vous environnaient vous ont déterminé à conserver une armée nombreuse sur pied; vous l'avez laissée entre les mains du prince ; mais en même temps vous avez senti que cette force, dangereuse a la hberte, jugée par vous un mal nécessaire, exigeait un puissant remède, et vous avez appelé les gardes nationales; ou plutôt, au premier cri de la hberte naissante, tous les Français- ont pris les armes, et se sont rangés en bataille autour de son berceau; et vous, convaincus qu'il ne suffisait pas de créer la liberté, mais qu'il fallait la conserver, vous avez mis dès lors, au rang de vos premiers devoirs, le soin de consolider, par des lois sages, cette salutaire institution que les premiers efforts do patriotisme avaient fondée.
Déjà ce simple historique nous montre le
Les lois constitutionnelles tracent les règles qu'il faut observer pour être libres; mais c'est la force publique qui nous rend libres de fait, en assurant l'exécution des lois. La plus inévitable de toutes les lois, la seule qui soit toujours sûre d'être obéie, c'est la loi de la force. L'homme armé est maître de celui qui ne l'est pas; un graud corps armé, toujours subsistant au milieu d'un peuple sans armes, est nécessairement l'arbitre de sa destinée ; celui qui commande à ce corps, qui le fait mouvoir à son gré, pourra bientôt tout asservir. Plus la discipline sera sévère, plus le principe de l'obéissance passive et de la subordination absolue sera rigoureusement maintenu; plus le pouvoir de ce chef sera terrible; car la mesure de sa force sera la force de tout le grand corps dont il est l'âme; et fût-il vrai qu'il ne voulût pas en abuser actuellement, ou que des circonstances extraordinaires empêchassent qu'il pût le vouloir impunément, il n'en est pas moins certain que, partout où une semblable puissance « xiste sans contrepoids, le peuple n'est pas libre, en dépit de toutes les lois constitutionnelles du monde; car l'homme libre n'est pas celui qui n'est point actuellement opprimé; c'est celui qui est garanti de l'oppression par une force constante et suffisante.
Ainsi, toute nation qui voit dans son sein une armée nombreuse et disciplinée aux ordres d'un monarque, et qui se croit libre, est insensée, si elle ne s'est environnée d'une sauvegarde puissante. Elle ne serait pas justifiée par la prétendue nécessité d'opposer une force militaire égale à celle des nations esclaves qui l'entourent. Qu'importe à des hommes généreux à quels tyrans ils seront soumis ? Et vaut-il la peine de se donner tant de soins et de prodiguer tant de sang, pour conserver à un despote un. immense domaine où il puisse paisiblement fouler aux pieds plusieurs millions d'esclaves? Je n'ai pas besoin d'observer que le patriotisme généreux des soldats français ; que les droits qu'ils ont acquis dans cette Révolution, à la reconnaissance de la nation et de l'humanité entière, ne changent rien à la vérité de ces principes ; on ne fait point des lois ; on ne fait point une Constitution pour une circonstance et pour un moment. La pensée du législateur doit embrasser l'avenir comme le présent. Or, celte sauvegarde, ce contrepoids nécessaire, quel est-il ? Les gardes nationales.
Posons donc pour premier principe qu'elles doivent être organisées de manière qu'elles mettent le pouvoir exécutif dans l'impuissance de tourner, contre la liberté publique, les forces immenses dont il est sans cesse armé.
Mais ce ne sera point assez, il faudra encore qu'elles ne puissent jamais elles-mêmes opprimer la liberté, ni le pouvoir exécutif; puisque, tant qu'il se renferme dans les bornes que la Constitution lui prescrit, il est lui-même une portion des droits de la nation.
Tel est le double objet que doit remplir la constitution des gardes nationales ; tel est le double point de vue sous lequel nous allons la considérer.
Le premier ne nous présente que des idées infiniment simples.
S'il est vrai que cette institution soit un remède contre le pouvoir
exorbitant qu'une a^née toujours sur pied donne à celui qui en dispose,
il s'ensuit qu'elles ne doivent point être constituées
De ce principe simple, je tire les conséquences suivantes qui ne le sont pas moins :
1° Que le prince, ni aucune personne sur laquelle le prince a une influence spéciale, ne doit nommer les chefs, ni les officiers des gardes nationales ;
2* Que les chefs et les officiers des troupes de ligne ne peuvent être chefs, ni officiers des gardes nationales ;
3° Que le prince ne doit ni avancer, ni récompenser, ni punir les gardes nationales. Je rappellerai à ce sujet que ce fui, de la part du dernier ministre, un trait de politique aussi adroit dans 'le système ministériel, que repréhensible dans les principes de notre Constitution, d'avoir envoyé des croix de Saint-Louis aux gardes nationales de Metz qui assistèrent à la fatale expédition de Nancy. Ce procédé doit, au moins, avertir la vigilance et la sagesse de l'Assemblée nationale, comme il a étonné tous les citoyens éclairés. Enfin, Messieurs, évitez soigneusement tout ce qui pourrait allumer dans l'âme des citoyens soldats ce fanatisme servile et militaire, cet amour superstitieux de la faveur des cours, qui avilit les hommes au point de les porter à mettre leur
gloire dans les titres mêmes de leur servitude ; éplorables effets de nos mœurs frivoles et de nos institutions tyranniques.
L'évidente simplicité de ces idées me dispense de tous développements ; et je passe au second et au plus important des deux objets que j'ai annoncés : je veux dire à l'examen des moyens à employer pour que les gardes nationales ne puissent pas elles-mêmes opprimer la liberté des citoyens.
Tous ces moyens me semblent se rapporter à un principe général : c'est d'empêcher qu'elles forment un corps, et qu'elles adoptent aucun esprit particulier qui ressemble à l'esprit de corps.
Il est dans la nature des choses que tout corps, comme tout individu, ait une volonté propre, différente de la volonté générale, et qu'il cherche à la faire dominer. Plus il est puissant, plus il a le sentiment de ses forces; plus cette volonté est active et impérieuse. Songez combien l'esprit de despotisme et de domination est naturel aux militaires de tous les pays; avec quelle facilité ils séparent la qualité de citoyen de celle de soldat, et mettent celle-ci au-dessus de l'autre. Redoutez surtout ce funeste penchant, chez une nation dont les préjugés ont attaché longtemps une considération presque exclusive à la profession des armes; puisque les peuples les plus graves n'ont pu s'en détendre. Voyez les citoyens romains commandés par César : Si, dans un mécontentement réciproque, il cherche à les humilier, au lieu du nom de soldats, il leur donne celui de citoyens, quirites; et à ce mot ils rougissent et s'indignent.
i Un autre écueil pour le civisme des militaires, c'est l'ascendant que prennent leurs chefs. La discipline amène l'habitude d'une prompte et entière soumission à leur voltnté; les caresses, des jertus plus ou moins réelles la changent en dévouement et en fanatisme; c'est ainsi que les soldats de la République deviennent les soldats deSylla,de Pompée, de César, et ne sont plus que les aveugles instruments de la grandeur de leurs généraux et de la servitude de leurs concitoyens.
Il sera facile, parmi nous, de prévenir toutes ces espèces d'inconvénients. Rappelons-nous la distance énorme qui doit exister entre l'organisation d'un corps d'armée destiné à faire la guerre aux ennemis du dehors, et celle des citoyens armés pour être prêts à défendre leurs lois et leur liberté contre les usurpations du despotisme-rappelons-nous que la continuité d'un service rigoureux, que la loi de l'obéissance aveugle et passive, qui change des soldats en des automates terribles, est incompatible avec la nature même de leurs devoirs, avec le patriotisme généreux et éclairé qui doit être leur premier mobile Ne cherchez point a les conduire par le même esprit, ni à les mouvoir par les mêmes ressorts que nos troupes de ligne. Soit que, dans les commencements de la Révolution, il ait été nécessaire, comme on l'a dit, de leur donner beaucoup de ressemblance avec l'armée, soit que des motifs différents ou seulement l'esprit d'imitation aient multiplié ces |états-majors, ces grades, ces décorations militaires, il me parait certain que ce ne doit point être là l'état permanent des gardes nationales.
Il faut surtout s'appliquer à confondre, chez elles, la qualité de soldat dans celle du citoyen • les distinctions militaires les séparent et les font ressortir. Réduisez le nombre des officiers à la stricte mesure de la nécessité. Gardez-vous surtout de créer, dans le sein de cette famille de frères confédérés pour la même cause, des corps d'élite, des troupes privilégiées, dont l'institu-tioa est aussi inutile que contraire à l'objet des gardes nationales.
Prenez d'autres précautions contre l'influence des chefs. Que tous les officiers soient nommés pour un temps très court : je ne voudrais pas qu'il excédât la durée de 6 mois.
Que les commandements soient divisés de manière au moins qu'un seul chef ne puisse réunir plusieurs districts sous son autorité.
Ajoutez une disposition dont l'importance est peut-être plus grande
qu'elle ne paraît au premier coup d'oeil. On n'imagine pas aisément à
quel point cet esprit de despotisme militaire, que nous cherchons à
éteindre, peut être fomenté par l'usage de porter continuellement les
marques dis-tinctives du grade dont on est revêtu. En général tout
magistrat, tout fonctionnaire public, hors de l'exercice de ses
fonctions, n'est qu'un simple citoyen. Les insignes qui rappellent son
caractère ne lui sont donnés que pour le moment où il les remplit et
pour la dignité du service public, et non pour sa décoration personnelle
; habitude de les étaler dans le commerce ordinaire de la vie peut donc
être regardé, en quelque sorte, comme une espèce d'usurpation, comme une
véritable atteinte aux principes de l'égalité. Elle ne sert qu'à
l'identifier, à ses propres yeux, avec son autorité; et je ne crois pas
m'éloigner beaucoup de la vérité en disant que ces distinctions
extérieures, qui poursuivent partout les hommes en place, n'ont pas peu
contribué à faire naître dans leurs âmes cet esprit d'orgueil et de
vanité et dans celles des simples citoyens, cette timidité rampante, cet
empressement adulateur également incompatibles avec le caractère des
hommes libres. A qui cette vanité puérile convient-elle moins qu'aux
chefs des citoyens soldats? Défen-
Je n'ai pas dit que ces officiers devaient être nommés par les citoyens, parce que cette vérité me paraissait trop palpable. Aussi n'ai-je pu concevoir encore la raison qui avait pu déterminer vos comités de Constitution et militaire à vous proposer de les faire choisir moitié par les citoyens, moitié par les administrateurs du département. Ils sont sans doute partis d'un principe ; or, si ce principe exigeait le choix du peuple, pourquoi le respecter en partie et le violer en partie? Ou pourquoi décider une question unique et simple par deux principes contradictoires? N'est-il pas évident que l'exercice du droit d'élection appartient essentiellement au souverain, c'est-à-dire, au peuple, dont l'autorité est circonscrite dans les bornes des affaires administratives ; qu'il est contradictoire de faire concourir, avec le souverain lui-même, ses propres délégués, pour choix de la même espèce de fonctionnaires publics ? Quel avantage peut-on trouver à confier cette partie de sa puissance à un petit nombre d'administrateurs? Ceux qui savent, au contraire, à quel point il est exposé au malheur d'être trahi ou abandonné par ceux qui exercent son autorité, par tous ceux qui ne sont pas lui, craindront que l'intervention de ces directoires ne serve à donner aux gardes nationales des chefs ennemis de la cause populaire, propres à appesantir le joug militaire sur les citoyens faibles, et à servir les intérêts de l'aristocratie, monstre qui existe sous plus d'une forme, que les ignorants croient mort, et qui est immortel.
S'ils poussent encore plus loin leurs réflexions, ils craindront peut-être que ce système n'aille jusqu'à remettre bientôt une grande partie des forces nationales entre les mains du pouvoir exécutif, dont la destinée fut toujours de tout asservir et de tout corrompre. Ces inconvénients ont échappé sans doute aux deux comités (1). Il me paraît qu'ils se sont encore trompés en voulant étendre à deux années la durée des fonctions des officiers et que cette erreur, dangereuse surtout dans le système dont je viens de parler, est suffisamment réfutée par les principes que nous avons établis.
Au reste, quelque importantes que soient en elles-mêmes les dispositions que nous venons d'indiquer, elles n'atteignent pas encore le point capital de la grande question que nous devons résoudre; et si j'avais dû négliger quelqu'une des idées qu'elle semble offrir les premières à l'esprit, je les aurais laissées de côté pour aller droit au principe simple et fécond dont elles ne sont que des conséquences.
Quoi que vous puissiez faire, les gardes nationales ne seront jamais ce
qu'elles doivent être, si elles sont une classe de citoyens, une portion
quelconque de la nation, quelque considérable que vous la supposiez.
Les gardes nationales ne peuvent être que la nation entière armée pour défendre au besoin ses droits; il faut que tous les citoyens en âge de porter les armes y soient admis sans aucune distinction. Sans cela, loin d'être les appuis de la liberté, elles en seront les fléaux nécessaires. Il faudra leur appliquer le principe que nous avons rappelé au commencement de cette discussion, en parlant des troupes de ligne : dans tout Etat où une partie de la nation est armée et l'autre ne l'est pas, la première est maîtresse des destinées de la seconde ; tout pouvoir s'anéantit devant le sien. D'autant plus redoutable qu'elle sera plus nombreuse, cette portion privilégiée sera seule libre et souveraine; le reste sera esclave.
Etre armé pour sa défense personnelle est le droit de tout homme; être armé pour défendre la liberté et l'existence de la commune patrie est le droit de tout citoyen. Ce droit est aussi sacré que celui de la défense naturelle et individuelle dont il est la conséquence, puisque l'intérêt et l'existence de la société sont composés des intérêts et des existences individuels de ses membres. Dépouiller une portion quelconque des citoyens du droit de s'armer pour la patrie et en investir exclusivement l'autre, c'est donc violer à la fois et cette sainte égalité qui fait la base du pacte social, et les lois les plus irréfragables et les plus sacrées de la nature. (Bruit de conversation dans quelques parties de la salle.)
Ce que dit M. Robespierre vaut sans doute la peine d'être écouté; ainsi, Messieurs qui causez, silence 1 (Applaudissements.)
Mais, remarquez, je vous prie, que ce principe ne souffre aucune distinction entre ce que vous appelez citoyens actifs et les autres. Que les représentants du peuple français aient cru, pendant quelque temps (1), qu'il fallait interdire à tant de millions de Français qui ne sont pas assez riches pour payer une quantité d'impositions déterminée, le droit de paraître aux assemblées où le peuple délibère sur ses intérêts ou sur le choix de ses représentants et de ses magistrats ; je ne puis, en ce moment, que me prescrire sur ces faits un silence religieux, tout ce que je dois dire, c'est qu'il est impossible d'ajouter à la privation de ces droits la prohibition d'être armé pour sa défense personnelle, ou pour celle de sa pairie. G'est que ce droit est indépendant de tous les systèmes politiques qui classent les citoyens, parce qu'il tient essentiellement au droit inaltérable, au devoir immortel de veiller à sa propre conservation.
Si quelqu'un m'objectait qu'il faut avoir ou une telle espèce ou une
telle étendue de propriété pour exercer ce droit, je ne daignerais pas
lui répondre. Eh! que répondrais-je à uu esclave assez vil, ou à un
tyran assez corrompu pour croire que la vie, que la liberté, que tous
les biens sacrés que la nature a départis aux plus pauvres de tous les
hommes ne sont pas des objets qui vaillent la peine d'être défendus? Que
répondrais-je à un sophiste assez absurde pour ne pas comprendre que ces
sup jrbes domaines, que ces fastueuses jouissances des riches, qui seuls
lui paraissent d'un grand prix, sont moins sacrés au nom des lois et de
l'humanité, que la plus
Quelqu'un osera-t-il me dire que ces gens-là ne doivent pas être ad mis au nombre des défenseurs des lois et de la Constitution, parce qu'ils n'ont point d'intérêt au maintien de la Constitution et des lois? Je le prierai, à mon tour, de répondre â ce dilemme: si ces hommes ont intérêt au maintien des lois et de la Constitution, ils ont droit, suivant vos principes mêmes, d'être inscrits parmi les gardes nationales; s'ils n'y ont aucun intérêt, dites-moi donc ce que cela signifie si ce n'est que les lois, que la Constitution n'auraient pas été établies pour l'intérêt général, mais pour l'avantage particulier d'une certaine classe d'hommes; qu'elles ne seraient point la propriété commune de tous les membres de la société, mais le patrimoine des riches ; ce qui serait, vous en conviendrez, sans doute, une supposition trop révoltante et trop absurde. Allons plus loin. Ces mêmes hommes dont nous parlons sont-il, suivant vous, des esclaves, des étrangers? ou sont-ils citoyens? Si ce sont des esclaves, des étrangers, il faut le déclarer avec franchise et ne point chercher à déguiser cette idée sous des expressions nouvelles et assez obscures.
Mais non; ils sont en effet citoyens. Les représentants du peuple français n'ont pas dépouillé de ce titre la très grande majorité de leurs commettants ; car on sait que tous les Français, sans aucune distinction de fortune ni de cotisation, ont concouru à l'élection des députés à l'Assemblée nationale. Ceux-ci n'ont pas pu tourner contre eux le même pouvoir qu'ils en avaient reçu, leur ravir les droits qu'ils étaient chargés de maintenir et d'affermir, et par cela même anéantir leur propre autorité, qui n'est autre que celle de leurs commettants : ils ne l'ont pas pu, ils ne l'ont pas voulu, ils ne l'ont pas fait ; mais si ceux dont nous parlons sont en effet citoyens, il leur reste donc des droits de cité, à moins que cette qualité ne soit un vain titre et une dérision. Or, parmi tous les droits dont elle rappelle l'idée, trouvez-m'en, si vous le pouvez, un seul qui y soit plus essentiellement attaché, qui soit plus nécessairement fondé sur les principes inviolables de toute société humaine, que celui-ci : Si vous le leur ôtez, trouvez-moi une seule raison de leur en conserver aucun autre. II n'en est aucune. Reconnaissez dtmc, comme le principe fondamental de l'organisation des gardes nationales, que tous les citoyens domiciliés ont le droit d'être admis au nombre des gardes nationales, et décrétez qu'ils pourront se faire inscrire comme tels dans les registres de la commune où ils demeurent.
C'est en vain qu'à ces droits inviolables on voudrait imposer de prétendus inconvénients et de chimériques terreurs. Nonl non ! L'ordre social ne peut être fondé sur la violation des droits imprescriptibles de l'homme, qui en sont les bases essentielles. Après avoir annoncé d'une manière si franche et si imposante, dans cette déclaration immortelle où nous les avons retracés, qu'elle était mise à la tête de notre Gode constitutionnel, afin que les peuples fussent à portée de la comparer à chaque instant avec les principes inaltérables qu'elle renferme, nous n'affecterons pas sans cesse d'en détourner nos regards sous de nouveaux prétextes, lorsqu'il s'agit de les appliquer aux droits de nos commettants et au bonheur de notre patrie. L'humanité, la justice, la morale: voilà de Ja politique, voilà la sagesse des législateurs: tout le reste n'est que préjugés, ignorance, intrigue, mauvaise foi.
Partisans de ces funestes systèmes, cessez de calomnier le peuple et de blasphémer contre votre souverain, en le représentant sans cesse indigne de jouir de ses droits, méchant, barbare, corrompu ; c'est vous qui êtes injustes et corrompus; ce sont les castes fortunées auxquelles vous voulez transférer sa puissance. C'est le peuple qui est bon, patient, généreux ; notre Révolution, les crimes de ses ennemis l'attestent. Mille traits récents et héroïques, qui ne sont chez lui que naturels, en déposent. Le peuple ne demande que tranquillité, justice, que le droit de vivre. Les hommes puissants, les riches sont affamés de distinctions, de trésors, de voluptés.
L'intérêt le vœu du peuple est celui de la nature, de 1 humanité ; c'est l'intérêt général. L'intérêt, le voeu des riches et des hommes puissants est celui de 1 ambition, de l'orgueil, de la cupidité, des fantaisies les plus extravagantes, des passions les plus funestes au bonheur de la société. Les abus qui l'ont désolée furent toujours leur ouvrage. Ils furent toujours les fléaux du peuple. Aussi, qui a fait notre glorieuse Révolution ? Sont-ce les riches, sont-ce les hommes puissants ? Le peuple seul pouvait la désirer et la faire; le peuple seul peut la soutenir, par a même raison.... Et l'on ose nous proposer de lui ravir des droits qu'il a reconquis l On veut diviser la nation en deux classes, dont l'une ne semblerait armée que pour contenir l'autre comme un ramas d'esclaves toujours prêts à se mutiner ! Et la première renfermerait tous les tyrans, tous les oppresseurs, toutes les sangsues publiques, et l'autre, le peuple ! Vous direz, après cela, que le peuple est dangereux à la liberté. Ah 1 il en sera le plus ferme appui, si vous la lui laissez. Cruels et ambitieux sophistes, c'est vous qui, à force d injustices, voudriez le contraindre, en quelque sorte, à trahir sa propre cause par son désespoir.
Je demande quelle différence monsieur l'opinant met entre ce qu'il appelle peuple et ce qui ne l'est pas.
Qu'est-ce que monsieur entend par peuple ; moi, j'entends tous les citoyens.
Je réclame moi-même contre toute manière de parler qui prend le mot peuple dans une acception limitée. J'entends par peuple; la généralité des citoyens qui composent la société.
En ce cas, votre distinction était parfaitement mutile.
Et si je me suis un moment servi de cette expression, si je l'ai employée dans ce discours dans un sens moins étendu çest que je croyais avoir besoin de parler lé langage de ceux que j'avais à combattre, c'est que, d après nos anciennes habitudes, d'après notre langue actuelle, il est impossible de carac. tériser, par un seul mot, les personnes à qui on interdit le port d'armes, sans se servir de cette expression.
Cessez donc de vouloir accuser ceux qui ne cesseront jamais de réclamer
les droits sacrés de l'humanité! Qui êtes-vous pour dire à la raison et
â la liberté : « Vous irez jusque-là ; vous arrêterez vos progrès au
point où ils ne s'accorde-
D'un côté, il est impossible que le pouvoir exécutif et la force militaire dont il est armé puissent renverser la Constitution, puisqu'il n'est point de puissance capable de balancer celle de
Ja nation j^FUlée
D'un autre côté, il est impossible que les gardes nationales deviennent elles-mêmes dangereuses à la liberté, puisqu'il est contradictoire que la nation veuille s'opprimer elle-même. Voyez comme partout? à la place de l'esprit de domination ou de servitude, naissent les sentiments de l'égalité, de la fraternité, de la confiance et toutes les vertus douces et généreuses qu'ils doivent nécessairement enfanter.
Voyez encore combien, dans ce système, les moyens d'exécution sont simples et faciles.
On sent assez que, pour être en état d'en imposer aux ennemis du dedans, tant de millions de citoyens armés, répandus sur toute la surface de l'Empire, n'ont pas besoin d'être soumis au service assidu, à la discipline savante d'un corps d'armée destiné à porter au loin la guerre. Qu'ils aient toujours à leur disposition des provisions et des armes ; qu'ils se rassemblent et s'exercent à certains intervalles et qu'ils volent à la défense de la liberté lorsqu'elle sera menacée: voilà tout ce qu'exige l'objet de leur institution.
Les cantons libres de la Suisse nous offrent des exemples de ce genre, quoique leurs milices aient une destination plus étendue que nos gardes nationales et qu'ils n'aient point d'autre force pour combattre les ennemis du dehors. « Là, tout habitant est soldat, mais seulement quand il faut l'être, pour me servir de l'expression de Jean-Jacques Rousseau. Les jours de dimanche et de fête, on exerce ces milices selon l'ordre de leurs rôles. Tant que les hommes ne sortent point de leurs demeures, peu ou point détournés de leurs travaux,ils n'ont aucune paye ; mais, sitôt qu'ils marchent'en campagne, ils sont à la solde de l'Etat. » Quelles qu'aient été nos moeurs et nos idées avant la Révolution, il est peu de Français, même parmi les moins fortunés, qui ne pussent ou qui ne voulussent se prêter à un service de cette espèce, que l'on pourrait rendre, parmi nous, encore moins onéreux qu'en Suisse. Le maniement des armes a pour les hommes un attrait naturel qui redouble lorsque l'idée de cet exercice se lie à celle de la liberté et à l'intérêt de défendre ce qu'on a de plus cher et de plus sacré.
Il me semble que ce que j'ai dit jusqu'ici a dû prévenir une difficulté rebattue que l'on sera peut-être tenté d'opposer à mon système; elle consiste à objecter qu'un très grand nombre de citoyens n'ontpas les moyens d'acheter les armes, ni de suffire aux dépenses que le service peut exiger. Que concluez-vous de là? Que tous ceux que vous appelez citoyens non actifs, qui ne payent point une certaine quotité d'impositions, sont déchus de ce droit essentiel du citoyen? Non, en général l'obstacle particulier qui empêcherait ou qui dispenserait tels individus de l'exercer ne peut empêcher qu'il n'appartienne à tous, sans aucune distinction de fortune; et, quelle que soit sa cotisation, tout citoyen qui a pu se procurer les moyens, ou qui veut faire tous les sacrifices nécessaires pour en user, ne peut jamais être repoussé.
Cet homme n'est pas assez riche pour donner quelques jours de son temps aux assemblées publiques; je lui défendrai d'y paraître. Cet homme n'est point assez riche pour faire le service des citoyens soldats, je le lui interdis. Ce n'est pas là le langage de la raison et de la liberté. Au lieu de condamner ainsi la plus grande partie des citoyens à une espèce d'esclavage, il faudrait, au contraire, écarter les obstacles qui pourraient les éloigner des fonctions publiques. Payez ceux qui les remplissent; indemnisez ceux que l'intérêt public appelle aux assemblées ; équipez, armez les citoyens soldats. Pour établir la liberté, ce n'est pas même assez que les citoyens aient la faculté oisive de s'occuper de la chose publique, il faut encore qu'ils puissent l'exercer en effet.
Pour moi, je l'avoue, mes idées sur ce point sont bienéloignées de celles de beaucoup d'autres. Loin de regarder la disproportion énorme des fortunes, qui place la plus grande partie des richesses dans quelques mains, comme un motif de dépouiller le reste de la nation de sa souveraineté inaliénable, je ne vois là, pour le législateur et pour la société, qu'un devoir sacré de lui fournir les moyens de recouvrer l'égalité essentielle des droits, au milieu de l'inégalité inévitable des biens. Eh quoi! ce petit nombre d'hommes excessivement opulents, cette multitude infinie d'indigents, n'est-elle pas en grande partie le crime des lois tyranniques et des gouvernements corrompus I Quelle manière de l'expier que d'ajouter à la privation des avantages de la fortune l'opprobre de l'exhérédation politique, afin d'accumuler sur quelques têtes privilégiées, et sur le reste des hommes toutes les humiliations et toute la misère! Certes, il faut ou soutenir que l'humanité, la justice, les droits du peuple sont de vains noms, ou convenir que ce système n'est point si absurde.
Au reste, pour me renfermer dans l'objet de cette discussion, je conclus de ce que j'ai dit, que l'Etat doit faire les dépenses nécessaires pour mettre les citoyens en état de remplir les fonctions de gardes nationales ; qu'il doit les armer; qu'il doit, comme en Suisse, les salarier lorsqu'ils abandonnent leurs foyers pour le défendre. Eh! quelle dépense publique fut jamais plus nécessaire et plus sacrée! Quelle serait cette étrange économie qui, prodiguant tout au luxe funeste et corrupteur des cours, ou au faste des suppôts du despotisme, refuserait tout aux besoins des fonctionnaires et des défenseurs de la liberté! Que pourrait-elle annoncer si ce n'est qu'on préfère le despotisme à l'argent, et l'argent à la vertu et à la liberté !
Après avoir établi les principes constitutifs des gardes nationales, il
faut, pour compléter cette,
Plusieurs membres demandent que la suite du discours de M. Robespierre soit renvoyée a la séance de demain.
(Ce renvoi est ordonné.)
rapporteur. Je viens d'entendre avec satisfaction les idées que l'opinant vient d'exposer. J'observe que, si on en excepte l'admission des citoyens non actifs, pour laquelle j'aurais du penchant, mais contre laquelle s'élèvent desdécre's formels, nous sommes entièrement de son avis. Je pourrais citer un ancien: «Deux hommes se présentaient ; l'un dit ce qu'il fallait faire, l'autre dit: Je l'ai fait.» Je dis, moi, que tout ce qu'on demande est dans le plan du comité.
donne lecture d'une lettre du ministre de la marine, qui fait parvenir a l'Assemblée des dépêches apportées de Saint-Domingue par l'aviso le Serein, expédié du Gap Je 15 mars. ... ,
(L'Assemblée renvoie ces pièces au comité des colonies.)
qui était absent par congé, fait part de son retour à l'Assemblée.
annonce l'ordre du jour de la séance de demain.
La séance est levée à trois heures.
présidence de m. rewbell.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures dumatin.
secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
Un membre présente une adresse des entrepreneurs des hôpitaux de la marine de Provence.
(Cette adresse est renvoyée aux comités de marine et de liquidation.)
Je viens de recevoir une adresse de la municipalité de Port-au-Prince, qui a envoyé des députés extraordinaires.
Je ne'ferai part à l'Assemblée que d'une phrase. Ils disent : « Si notre voix avait pu se faire entendre avec la même liberté qu'aujourd'hui,nous eussions protesté, comme nous le faisons en ce moment, que les intérêts du commerce de France seront toujours sacrés pour nous; que l'Assemblée nationale fixera seule la condition qui doit nous lier réciproquement, etc... »
cette adresse sont jointes différentes pièces.
(L'Assemblée décrète le renvoi de l'adresse et des pièces annexées à son comité colonial.)
J'ai reçu de M. de Menou,
« Monsieur le Président, j'ai plus promis que je ne pouvais tenir et mes forces ne répondent pas à ma volonté. Mon travail sera prêt aujourd'hui, mais il y a impossibilité physique que je puisse le lire à l'Assemblée, car je suis tellement Tatiguéque je ne pourrai pas lireun quart d'heure de suite et mon rapport tiendra près de deux heures de lecture, je suis très affligé de ce contre-temps; cependant j'espère que l'Assemblée me rendra assez de justice pour croire que je sacrifierai tout pour obéir à ses ordres et remplir ses intentions. J'espère, Monsieur le Président, que vous voudrez bien être mon interprète auprès de l'Assemblée. »
« Je suis, etc.
« Signé : Jacques de Menou. »
Le zèle de M. de Menou est sans doute louable; mais je puis m'étonner du long temps qu'il demande pour faire un rapport qui, dans ma manière de voir, n'est pas d'une haleine si difficile et si longue.
Quoi qu'il en soit, Messieurs, comme les heures sont des années dans l'infortuné et intéressant pays du Comtat Venaissin, et que dans une heure on peut y occasionner des désordres, y commettre des crimes, plus que dans une année entière de guerre extérieure, comme peut-être, d'après les dernières nouvelles arrivées, il est possible que dans ce moment la ville de Carpentras n'existe plus ; comme il est possible dans ce moment que des milliers d'hommes, de femmes et d'enfants soient égcrgés; comme il est vrai que les campagnes et les granges sont brûlées, les troupeaux enlevés; comme il est vrai que tout le pays est dans la plus grande désolation et que nos départements voisins, dans ce moment, s'arment ou pour ou contre, il est instant que vous discutiez.
Nous sommes instruits, cette affaire est connue. Il n'est pas nécessaire de nous donner la lecture préalable du rapport. (Murmures.) Il vous a été fait un rapport, Messieurs; il vous a été distribué une multitude d'instructions qui ont parfaitement éclairé l'Assemblée, et il est temps, sans que vous perd ez une minute, que vous disiez oui ou non. Le comité est pour la réunion.
Je demande de deux choses l'une : ou M. de Menou prétend que son rapport est fini, il faut alors qu'il le communique à un autre pour en faire la lecture; ou bien ce rapport a été sans doute concerté dans les comités, alors on n'a besoin que de nous lire le projet de décret, tel qu'il a été adopté par le comité; la discussion sera ensuite ouverte.
Il n'y a qu'à envoyer un huissier chez M. de Menou pour lui demander son rapport afin qu'il puisse être lu par une autre personne.
Un membre demande que le rapport soit renvoyé à la séance de demain.
J'appuie la motion de M. Martineau et je ne comprends pas l'impatience que montrent plusieurs personnes de vouloir traiter l'affaire d'Avignon sans entendre le rapport.
L'affaire d'Avignon dépend de deux principes essentiels ; elle repose sur
deux bases principales: la première qui est un point de droit exige de
grands développements historiques. Elle consiste
La seconde consiste à savoir si le vœu des habitants d'Avignon et du Comtat Venaissin, pour leur réunion a la France, est suffisante pour prononcer cette réunion et ici se présente une question secondaire : le vœu de la majorité des habitants est-il pour la réunion ?
J'ai, pour ma part, donné mon opinion dans le comité diplomatique sur chacune de ces questions et je n'ai à me reprocher aucun retard; mais je^ crois indispensable que l'Assemblée, avant d'entamer la discussiou, connaisse tous les détails de cette affaire.
Aussi je conclus à ce que l'on envoie demander à M. de Menou son rapport et à ce qu'on en fasse faire la lecture par un membre de l'Assemblée.
(L'Assemblée adopte la motion de M. Marti-neau, appuyée par M. d'André et charge son Président d'écrire de suite à M. de Menou.)
au nom du comité diplomatique. Messieurs, votre comité diplomatique m'a chargé de vous rendre compte de l'affaire concernant le sieur Châlons, ci-devant aide-major à Belfort, qui s'était enfui lors du décret qui avait ordonné son arrestation, à raison des désordres auxquels il avait livré les soldats de cette garnison.
Vous vous rappelez que, en vertu de votre décret, le sieur Châlons a été arrêté et conduit en prison à Belfort.
On a prétendu, à ce moment, que cet officier avait été illégalement arrêté parce que, lorsqu'on l'a surpris, il se trouvait hors des terres de France et sur les terres de M. l'évêque de Bâle, prince de l'Empire.
Sur la prétention de l'irrégularité de l'arrestation, l'Assemblée a renvoyé l'affaire à son comité diplomatique en le chargeant d'éclaircir et de vérifier les faits.
Cette vérification a été faite ; il est constant aujourd'hui que le fuyard a été pris dans un village sous la domination "du prince évêque. Le comité diplomatique a communiqué ces renseignements aux députes d'Alsacequi, connaissant parfaitement les localités, en sont tombés d'accord.
Une violation du droit des gens a donc été commise. D'après cela le comité a pensé qu'il était de la dignité de la nation française de rendre la liberté à un homme qui, coupable sans doute envers elle, a pour lui le droit des gens, droit qui sera désormais sacré pour les Français, et nous avons pensé que l'Assemblée nationale de France ne pouvait pas tolérer cette violation.
Nous vous proposons donc de décréter que le roi sera prié d'ordonner de faire reconduire à la frontière le sieur Châlons pour y être mis en liberté. (Applaudissements.)
(Cette motion est décrétée à l'unanimité.)
au nom du comité diplomatique. Je dois maintenant vous entretenir de deux autres objets. A regard de Tun, je pr^viendrai des in- quietudes qu'on pourrait concevoir; a l'egard de i'autre, je repoodrai auxiaquietudesqu'oa a con- cues.
Le comité diplomatique a reçu le 29 du mois passé une lettre de M. de Montmorin, ministre des affaires étrangères à laquelle était jointe une dépêche de la cour d'Espagne qui annonçait qu'elle avait cru qu'il était de son intérêt de former un cordon de troupes le long des frontières de France. Votre comité a été chargé de vous en rendre compte; mais je crois que le meilleur rapport que nous puissions faire est de vous lire la pièce elle-même.
Voici d'abord la lettre de M. le comte de Fer-nan-Nunezà M. de Montmorin.
« Paris le
« Monsieur,
« J'ai l'honneur de vous adresser ci-joint une copie de la dépêche que je viens de recevoir de ma cour, au sujet des mesures que Sa Majesté catholique croit devoir prendre pour assurer la tranquillité des provinces espagnoles, limitrophes de la France. Le roi mon maître juge que le moyen qu'il prend est le plus convenable pour éviter que des gens malintentionnés et des vagabonds puis sent troubler, par des vues particulières, l'amitié et l'union qui subsistent si heureusement depuis longtemps entre les deux nations pour leur bonheur réciproque, et à laquelle Sa Majesté attache un si grand prix. Elle ne doute pas que Sa Majesté très chrétienne et son ministère, animés par les mêmes intérêts, ne prennent de leur côté toutes les mesures que les circonstances actuelles peuvent leur permettre, afin de contribuer à la nécessité d'un objet qui intéresse également les deux nations.
« La langue espagnole étant parfaitement connue de Votre Excellence, je préfère de lui envoyer une copie exacte de la dépêche à en faire une traduction qui pourrait en altérer le sens...
« J'ai l'honneur, d'être, etc.
« Signé : Fernan-Nunez. »
Voici maintenant la traduction de cette dépêche :
« Madrid, le
« Dans l'impartialité avec laquelle le roi s'est conduit jusqu'à présent par rapport aux affaires intérieures de France, en dépit des faussetés et des impostures au moyen desquelles on a voulu séduire contre nous les habitants français, par des gens malintentionnés, Sa Majesté a donné les preuves les plus positives de son amour pour la paix et de ses désirs à conserver les liens d'amitié qui l'unissent avec le souverain et les sujets français.
« Afin de ne pas donner le plus petit motif de plainte et de soupçon, après le désarmement que Sa Majesté finit de faire dans sa marine, elle a suspendu d'augmenter ses troupes, quoique l'état de son armée la nécessite et s'est abstenue de les placer dans des parages qui inquiétassent les habitants des frontières ; mais, nonobstant cette conduite prudente, on commence à éprouver que les désordres de quelques provinces immédiates à l'Espagne cherchent à se communiquer aux habitants de cette dernière, au moyen du passage d'un très grand nombre de malfaiteurs, spécialement par les frontières de Catalogne et d'Aragon, qui, réunis aux nôtres, pourront mettre en combustion beaucoup de districts, malgré leur fidélité éprouvée et leur disposition à se sacrifier pour leur roi et pour la tranquillité publique.
« En conséquence de quoi, Sa Majesté ne pouvant manquer à la protection
qu'elle doit à ses sujets, elle se voit obligée, contre ses désirs, de
former un cordon sur les frontières et d'empêcher, avec celte
précaution, le passage des Français dont on n'aurait pas une grande
connaissance et sûreté; et afin que la cour de France et son
gouvernement, loin de former le moindre soupçon contre les dispositions
pacifiques du roi,
« Votre Excellence présentera un office à cet égard en se conformant aux ordres qui lui sont donnés, et nous informera du résultat de sa démarche. »
Le comité diplomatique n'a aucune vue à vous présenter à cet égard; nous pouvons toutefois vous dire que le ministre des affaires étrangères a écrit officiellement pour demander que cette précaution de la cour d'Espagne soit exempte de tous inconvénients envers la nation française.
Il me reste à vous entretenir d'un dernier point. Un rassemblement d'hommes dans les Etats de Porentruy a donné des inquiétudes dont on vous a fait part. Le comité m'a chargé de vous annoncer que vous deviez vous tranquilliser sur les dépositions énoncées relativement à cette affaire. 11 est certifié qu'il n'y a dans ce moment, à Porentruy, que le fond de 400 hommes de troupes de ligne impériales destinés à y maintenir le calme.
Il y avait une nouvelle réquisition pour demander qu'il fût introduit de nouveau 200 hommes dans la principauté de Porentruy, d'après les nouvelles que nous avons reçues et dont Messieurs les députés ont donné connaissance. Il est certain que le commissaire impérial, qui se rend à Porentruy pour tâcher d'y pacifier les troubles, a sursis à l'ordre donné à ces 200 hommes d'y venir ; et de plus on se flatte, d'après ce qu'on écrit de Bâle, que les troubles de Porentruy seront apaisés sans qu'il soit besoin d'y envoyer davantage de troupes, et qu'on pourra retirer celles
Qui y sont. Tels sont les faits dont j'ai été chargé e vous donner connaissance.
Le département de l'Aude, sur les frontières d Espagne, a adressé le 14 de ce mois une lettre par laquelle il instruit l'Assemblée nationale qu'il se forme un rassemblement de troupes sur les frontières d'Espagne. Je ne crois pas, ajoute-t-on, qu'il soit nécessaire d'y faire passer des troupes; mais je crois qu'il est pressant d'y faire parvenir les fusils dont l'Assemblée nationale a décrété la distribution.
secrétaire, Voici une lettre adressée par les citoyens de couleur à M. le Président de l'Assemblée.
« Monsieur le Président,
« Les citoyens de couleur se sont soumis au dernier décret de l'Assemblée nationale pour remettre leurs pouvoirs au comité des colonies. Ils y ont déposé les pièces qui tendent à prouver que les hommes de couleur libres, propriétaires et contribuables, doivent jouir de tous les droits de citoyens actifs. Ils espèrent que l'Assemblée nationale voudra bien le déclarer positivement. Si le comité des colonies ne le proposait pas, ils demandent à être entendus à la barre. »
« Nous sommes, etc... »
A cette lettre est joint un mémoire imprimé, très considérable, pour les hommes de couleur.
(L'Assemblée renvoie cette lettre et ce mémoire au comité colonial.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à MM. de Bonnay, Pelanque-Bérault et de La Touche un congé de trois semaines.
(Ces congés sont accordés.)
au nom du comité des domaines, présente le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des domaines sur la pétition du sieur Jean-François-Thomas du Fossé-Bos-melet tendant à la révocation de l'échange non consom mé, passé entre son père et les commissaires du roi, le 24 mars 1768;
« Considérant qu'il résulte des lettres patentes données sur ledit échange, au mois d'août de la même année, que la partie la plus considérable des objets cédés au sieur de Bosmelet consistait en droits supprimés sans indemnité par les décrets du 4 août 1789 et du 15 mars 1790, acceptés et sanctionnés par le roi :
« Décrète que ledit échange demeure résilié ; et, en conséquence, que ledit sieur de Bosmelet sera réintégré dans la possession des fermes du Catelet et de Bellevue, cédées à l'État par son père, pour en iouir au même titre qu'avant l'échange ; et qu'il continuera de jouir, à titre d'engagement, des domaines corporels et droits non supprimés, dépendant de la ci-devant baronnied'Auffay, comme il aurait joui avant ledit échange.
« Quant aux intérêts, restitutions et indemnités prétendus par ledit sieur de Bosmelet, il se pourvoira en liquidation, s'il y a lieu, conformément aux décrets de l'Assemblée nationale. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret concernant la circonscription des paroisses dans différents départements.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par son comité ecclésiastique :
« 1° Des arrêtés du directoire du département de la Marne, du 1er et du 10 de ce mois, sur les avis du directoire du district de Chàlons, des 10, 21,28 février et 16 mars 1791, et du district de Reims du mois de mars dernier, et du 10 avril suivant, concernant la circonscription des paroisses de la ville de Chàlons et de celles de Reims, et du refus de l'Evêque de concourir à cette opération, en date du 8 décembre 1790 ;
« 2° De l'arrêté du directoire du département de la Meurthe, du 28 mars dernier, sur l'avis du directoire du district, et la délibération de la municipalité de Nancy,concernant la circonscription des paroisses de la ville de Nancy, et de la réquisition faite à l'évêque, le 10 février dernier, de concourir à ladite opération ;
« 3° De l'arrêté du directoire du département de l'Aisne, du 12 de ce mois, sur l'avis du directoire du district de Château-Thierry, du 1er février dernier, et la délibération de la municipalité de Château-Thierry du 25 octobre 1790, concernant la circonscription de3 paroisses- de ladite ville, et de l'avis de l'évêque de ce département du 3 de ce mois, décrète :
Art. 1er.
Département de la Marne, ville de Chàlons.
« Il y aura pour la ville de Chàlons 4 paroisses, savoir : celle de Saint-Etienne, dans la ci-devant église cathédrale; celles de Saint-Alpin, de Notre-Dame et de Saint-Loup.
Art. 2.
« L'église de Saint-Etienne aura pour territoire tout ce qui est compris entre le canal de Nau, la rivière de Marne et, en outre, les grands et petits faubourgs, ainsi que toutes les maisons con-tiguës, élevées sur la nouvelle route et au-dessous, appelées guinguettes, et celles qui pourraient y être bâties dans la suite.
Art. 3.
« Celle de Saint-Alpin aura tout le terrain compris entre le canal de Nau et de Mau.
Art. 4.
" Celle de Notre-Dame s'étendra depuis le canal de Mau jusqu'à la ligne qui, partant des remparts, se prolongeant par la rue des Meules, entrera dans la rue Saint-Jacques, en descendant jusqu'à la rue de Picherot; suivra cette rue, puis la première ruelle croisée ; de là, la rue du Poc-Magny, suivant la rue Basse-Saint-Jean jusqu'à celle de Ja Poterie, qu'elle ira jusque vis-à-vis l'arsenal se prolongeant sur le rempart où elle s'arrêtera Ladite paroisse suivra, en outre, les habitations appelées le Salage, à la porte Saint-Antoine, ainsi que les maisons des Jardins, situées à la porte Sainte-Croix.
Art. 5.
« Celle de Saint-Loup aura, dans l'intérieur de la ville, tout ce qui est compris entre la ligne ci-dessus décrite, avec les remparts qui ferment la ville dans celte partie, et le faubourg Saint-Jacques.
Art. 6.
« Les autres paroisses de ladite ville sont supprimées. F
Art. 7.
« L'église de Saint-Jean sera conservée comme oratoire de la paroisse Saint-Loup ; Je curé y enverra, les dimanches et fêtes, un vicaire célébrer Ja messe et faire les instructions spirituelles sans pouvoir y exercer les fonctions curiales.
Art. 8.
Département de la Marne, ville de Reims.
« Il n'y aura, pour la ville et les faubourgs de Reims, que six paroisses, savoir : la paroisse cathédrale, sous 1 invocation de Notre-Dame, celles de Saint-André, de Saint-Pierre, de Saint-Maurice et de Saint-Rem y, dans l'Eglise ci-devant abba-
leîne °e n0m' enflD, la paroisse de la Made'
Art. 8.
« L'église de Saint-André conservera son ancien territoire; les 5 autres paroisses seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué par l'arrêté susdaté du directoire du département de la Marne à 1 exception qu'une ligne traversant par le milieu les rues de la Couture et des Capucins, à commencer a la Porte-Neuve et finir à la porte du couvent des Capucins, servira de démarcation respective entre les paroisses de Saint-Pierre et de Notre-Dame, d'un côté, et celle delà Madeleine de 1 autre.
Art. 10.
« L'église de Saint-Jacques sera conservée comme oratoire de la paroisse cathédrale- l'évêque y enverra, les fêtes et dimanches, célébrer la messe et faire les instructions spirituelles «an* y exercer les fonctions curiales. piruueues> sans
Art. 11.
Département de la Meurthe, ville et faubourqs de Nancy.
« Il n'y aura pour Ja ville de Nancy, les fau-Dourgs et campagnes environnantes, que 6 paroisses, savoir : la paroisse cathédrale, celles de Saint-Sébastien, de Saint-Nicolas, de Saint-Epvre, de Saint-Pierre et de Saint-Vincent; elles seront desservies, dans les églises indiquées, par l'arrêté susdaté «lu directoire du département de la Meur-the et circonscrites ainsi qu'il est expliqué audit
ul 1 ulc*
Art. 12.
« Les églises de Bon-Secours et de Maxéville seront conservées comme oratoires; la première, de la paroisse de Saint-Pierre, et la seconde, de celle ae baint-Vin cent; les curés de ces paroisses y enverront respectivement un vicaire, les dimanches et têtes, célebrer la messe et faire les instructions spirituelles, sans pouvoir y exercer les fonctions curiales.
Art. 13.
Département de l'Aisne, ville de Château-Thierry.
« Les 3 paroisses de Saint-Crépin, du Château et de Saint-Martin de la ville de Château-Thierry ne formeront plus qu'une seule paroisse, qui sera desservie dans l'église de Saint-Crépin et qui comprendra tout le territoire des paroisses réu-
Art. 14.
« L'église ci-devant paroissiale de Saint-Martin sera conservée comme oratoire ; le curé y enverra, les dimanches et fêtes, un vicaire célébrer la messe et faire les instructions spirituelles, sans pouvoir y exercer les fonctions curiales. »> (Ce décret est adopté.)
annonce que M. Le Blanc fait hommage a l'Assemblée de deux ouvrages sur la fabrication des armes.
(L'Assemblée décrète qu'il sera fait mention honorable de cet hommage dans leprocès-verbal et renvoie les deux ouvrages de M. Le Blanc au comité militaire.)
au nom des comités militaire et des pensions. Messieurs, vos comités militaire et des pensions m'ont chargé de vous présenter un projet de décret relatif à la formule des brevets de pension. Le voici :
Premier décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions et du comité militaire réunis, a prononcé les décrets suivants :
« La formule des brevets à accorder aux personnes auxquelles il a été ou sera accordé des pensions sur le Trésor public sera concue dans les termes et de la manière suivante:
( Ici se trouvera un \
RÉCOMPENSE \ cartouche, J NATIONALE
1 dans lequel seront ( \ ces mots : f (Les noms de bap-en faveur de I là nation, la loi 1 lime et de famille.)
\ et le soi. j
« Louis, par la grâce de Dieu et la loi constitutionnelle de l'Etat, roi des Français, à tous présents et à venir, salut : « Vu par nous le décret de l'Assemblée nationale,
en date du.....sanctionné par nous le.....par
lequel il est accordé à (ici Von mettra le nom de baptême, celui de famille, le jour de la naissance, celui du baptême, le lieu, la paroisse, le canton, le district et le département) une pension annuelle
et viagère de.....payable sur le Trésor public,
pour récompense (ici on mettra les motifs portés dans le décret de l'Assemblée nationale, tels que les années de service, les blessures, les sacrifices faits à la patrie, etc.) afin de faire jouir ledit.....du bénéfice de la loi du.....(on mettra la date du décret sanctionné qui aura accordé la pension) sa vie durant. Nous lui avons fait délivrer le présent brevet et mandons, en conséquence, aux commissaires de la trésorerie nationale de payer annuellement audit.....la somme de.....en deux termes égaux de 6 en 6 mois, dont le premier terme, à compter du.....écherra au premier... prochain, pour la portion de temps qui en aura couru jusqu'alors, le second au..... prochain, et ainsi de 6 en 6 mois, sur quittance, par-devant notaire et à la présentation du présent brevet, dont un double sera déposé au Trésor public.
« Fait à Paris, le.....de notre règne, le.....
« Le brevet sera signé de la main du roi et du ministre du département dans lequel les derniers services du pensionnaire auront été remis. »
(Ce décret est adopté.)
rapporteur. L'Assemblée nous a demandé, depuis quelques jours, des rapports sur différentes pétitions. La première est celle des officiers de la ci-devant Cour des comptes, aides et finances de Provence qui demande la conservation des pensions qui leur avaient été accordées par l'article 7 de l'édit du mois de juin 1775 et par l'article 12 de l'édit du mois d'avril 1780.
Cette prétention nous a paru n'être fondée sur aucun titre légitime. En effet le comité a pensé que les pensions accordées à chacun des membres de cette compagnie, par l'ancien gouvernement, étaient dans le nombre des pensions supprimées par votre décret du 4 août dernier.
En conséquence votre comité vous propose de décréter que sur la demande, aux fins de continuations de pensions, formée par la Cour des comptes de Provence, il n'y a lieu à délibérer. Voici d'ailleurs notre projet de décret :
« Les pensions accordées aux divers officiers de la ci-devant Cour des comptes, aides et finances de Provence, par l'article 7 de l'édit du mois de juin 1775 et par l'article 12 de l'édit du mois d'avril 1780, demeurent définitivement rayées de tous états où elles étaient employées, à compter du 1er janvier dernier, et l'Assemblée déclare n'y avoir lieu de procéder à leur rétablissement. »
(Ce décret est adopté.)
rapporteur. Vous avez renvoyé à votre comité la pétition de la dame
Mallard, nourrice du roi. Votre comité pense que ia maison du roi étant
comprise dans la liste civile et Mme Mallard
faisant partie de la maison du roi, elle devait être renvoyée à la liste
civile. Il est bon d'observer à l'Assemblée que cette dame s'est
plainte à tort. Elle a reçu des sommes très considérables soit directement, soit indirectement. Elle a obtenu d'abord une pension de 10,000 livres; le gouvernement a ensuite accordé 152,000 livres à sa fille lors de son mariage avec M. Alboui, dit de Monestrol; et depuis, vu le mauvais état des affaires de Mmo Mallard, il n'y a pas eu d'année où elle n'ait reçu des concessions de grâces. Tout dernièrement encore, le 11 mars 1791, dans le moment même où cette dame formait sa plainte, la liste civile lui a payé la somme de 3,000 livres.
Nous concluons donc à ce que les pensions accordées à Mme Mallard, à sa fille et à son gendre
soient rayées de l'état du Trésor public et nous vous proposons le
décret suivant :
« Les pensions accordées à Marie-Barbe Guil-lot, veuve Mallard, Françoise-Geneviève Mallard, femme Alboui, et au sieur Alboui, dit de Monestrol, demeurent définitivement rayées de l'état des pensions sur le Trésor public. »
(de Saint-Jean-d'Angély). D'après les éclaircissements que M. Camus vient de donner, je crois qu'il faut ajouter qu'au surplus il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition de la dame Mallard.
J'adopte cette motion et je rédige comme suit le projet de décret.
« Les pensions accordées à Marie-Barbe Guillot, veuve Mallard, Françoise-Geneviève Mallard, femme Alboui, et au sieur Alboui, dit de Monestrol, demeurent définitivement rayées de l'état des pensions sur le Trésor public ; l'Assemblée déclare n'y avoir lieu, au surplus, à délibérer sur les pétitions à elle adressées par lesdits Mallard et Alboui. »
(Ce décret est adopté.)
rapporteur. Les enfants de M. le maréchal de Lowendal vous ont présenté plusieurs mémoires pour obtenir les pensions que les services de ce général ont méritées. Il a laissé en mourant un fils et des filles. Le premier est actuellement employé au service ; et a trois enfants ; les filles sont pareillement mariées.
M. Lowendal,après avoir quitté le service de Bussie pour venir en France,
après avoir rendu les services les plus signalés à l'Etat, n'a obtenu
qu'une pension de 24,000 livres; il est mort sans rien laisser ; les
enfants doivent trouver des ressources dans la reconnaissance et la
justice de la nation. Mme Lowendal a obtenu,
en se mariant, une dot de 200,000 livres, et 25,000 livres pour frais de
noces. Votre décret sur les pensions n'accorde aucune pensionîaux
petits-fils d'un homme, quelque célèbre qu'il fût ; il accorde seulement
une éducation, aux frais de l'Etat, aux enfants d'un homme mort au
service de l'Etat : par exemple, aux enfants en bas âge d'un officier
tué dans une bataille.
D'après ce décret, les pensions modiques dont jouissent les enfants de M. Lowendal, sont supprimées. Cependant vos comités vous proposent d'accorder, pour les trois branches de cette famille, une somme de 300,000 livres, qui pourra être regardée comme une indemnité de la propriété du régiment qu'avait levé à ses frais le maréchal de Lowendal.
Je demande qu'on en donne autant aux soldats qui ont servi sous lui et à leurs descendants.
rapporteur. Voici le décret que vos deux comités vous proposent.
« L'Assemblée, prenant eu considération les importants services rendus à l'Etat par feu Wol-demar de Lowendal, maréchal de France, la perte que ses enfants ont faite, à sa mort,du régiment d'infanterie allemand de son nom, dont il était propriétaire, la situation actuelle de ses descendants Woldemar de Lowendal, Marie-Louise de Lowendal, femme Brancas ; les enfants nés desdits de Lowendal, et d'Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal femme de Lancelot-Turpin-Crissé, décrète qu'il sera remis par la caisse de l'extraordinaire, à Woldemar de Lowendal, aux enfants d'Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, et à Marie-Louise de Lowendal, la somme de 300,000 livres, faisant pour chacun desdits Woldemar de Lowendal, Marie-Louise de Lowendal, et pour tous les enfantsd'Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, la somme de 100,000 livres, pour servir à leur subsistance, et à celle des enfants nés desdits Woldemar et Marie-Louise de Lowendal ; à l'effet de quoi, la somme de 100,000 livres ne sera délivrée par le trésorier de l'extraordinaire à chacun des susnommés, qu'après que, par avis du tribunal de la famille, l'emploi desdites sommes en constitution de rente, dont l'usufruit seulement, soiten tout, soit en partie, suivant l'avis dudit tribunal, appartiendra auxdits Woldemar et Marie-Louise de Lowendal, aura été déterminé, et sera remise alors à la personne désignée par le tribunal de famille, pour la recevoir et en faire le placement; au moyen desquelles indemnités et récompenses les pensions accordées à Marie-Louise de Lowendal, et aux enfants d'Elisabeth-Marie-Constance de Lowendal, demeurent définitivement rayées, comme annulées par le décret du 3 août 1790. »
Avant de prendre une décision aussi importante, avant de disposer ainsi d'une portion précieuse de la fortune publique, il faut entrer dans un plus grand examen. Il faut savoir si la famille de M. Lowendal n'a pas reçu en faveur,de lac,our,dequoi l'indemniser d'avance de l'objet de ses réclamations. Le comité a-t-il tout compté, les 200,000 écus que M. de Lowendal a reçus ainsi que ses descendants ?
(de Saint-Jean-d'Angély). J'appuie le projet de décret du comité et je trouve que l'indemnité proposée n'est pas trop forte.
Au lieu de s'élever contre la réclamation de la famille de Lowendal, il faudrait s'étonner de la modicité de la somme qu'on propose de lui accorder. Les droits de cette famille sollicitent votre justice; les services de M. Lowendal appellent votre reconnaissance.
Ce n'est point à nous à oublier que pour se consacrer au service de la France, il a renoncé à deux régiments en Russie ; il a sacrifié commandements, décorations, gouvernements, pensions; il a fermé les yeux sur la carrière qui s'ouvrait devant lui et dans laquelle il devait obtenir les faveurs de la gloire et de la fortune. Il méprisa tous ces avantages pour servir notre patrie. Je ne retracerai pas ici tout ce que fit pour notre pays cet homme qui n'est pas seulement célèbre mais illustre, cet nomme à qui le maréchal de Saxe a dû ses plus grands succès et la plus grande partie de sa gloire.
C'est le maréchal de Lowendal qui a épargné à la France plus d'un milliard de numéraire ;
c'est au maréchal de ùowendal que vous devez la conservation de 5 à 600,000 Français, et ces hommes, ce sont peut-être vos pères, vos aïeux, vos bisaïeux. (Applaudissements.) Enfin, Messieurs, c'est au maréchal de Lowendal que vous devez le traité d'Aix-la-Chapelle, ce fameux traité qui rétablit la paix dans le royaume, qui confirma tous nos droits chez l'étranger et qui assura à la France de si grands avantages dans la balance politique de l'Europe.
Les représentants de la nation française ne peuvent oublier de si grands services quand il s'agit de consacrer la reconnaissance de la nation. Vous avez donné au général Luckner 36,000 livres de pension et pourquoi, Messieurs, pour vous avoir battu. (Applaudissements.) Et vous refuseriez une juste indemnité aux enfants d'un homme qui a vaincu pour vous, quia servi la patrie avec tant de gloire.
Avec l'énergie que je vous connais, avec la Constitution que vous venez de décréter, vous payeriez Je général Luckner pour se mettre à la tête de vos ennemis et avoir l'avantage de le vaincre et de lui apprendre que vous êtes Français. (Murmures.)
Le général Lowendal a été l'homme le plus sobre à demander ; les 200,000 livres que l'on vous met en liste, c'est une somme qu'il faut certainement rayer; c'est une dette que Louis XV devait pour une fille de son nom. La somme proposée par le comité n'est donc qu'une indemnité de la propriété du régiment ; cette propriété payée, vous lui devez encore une autre indemnité, et je demande que celle-ci soit fixée à pareille somme.
Plusieurs membres. Aux voix! aux voix le décret !
(L'Assemblée adopte le décret du comilé.)
rapporteur. Vous avez décrété qu'on ne pourrait jouir à la fois d'une pension et d'un traitement. On nous demande une exception pour les pensions de l'ordre de Saint-Louis, et surtout pour celles des officiers de la marine. Votre comité ne croit pas devoir vous proposer de déroger à la loi par laquelle vous avez établi qu'on ne pourrait avoir de pensions pendant l'activité de service ; il vous propose cependant d'entendre M. de Vaudreuil, officier de marine, qui fera valoir ses raisons.
Voici notre projet de décret :
« Les pensions accordées sur l'ordre de Saint-Louis ne pourront être payées, ainsi que les pensions sur le Trésor public, qu'autant que ceux qui jouissent desdites pensions, n'auront aucun traitement d'activité.»
Je dirai à l'Assemblée, premièrement, que le traitement attaché à la croix de l'ordre de Saint-Louis était donné à titre de récompense des services rendus à l'Etat, et non à titre de retraite ; que la plupart des officiers généraux de la marine qui sont grand-croix, n'ont pu parvenir à ce grade qu'en passant par tous les autres, et après avoir atteint un âge avancé ; qu'ils sont tous assez mal partagés de la fortune, qu'ils ont tous rendu des services distingués. Je demande donc que ces pensions soient conservées.
Vous n'avez accordé pour les pensions qu'un fonds déterminé, vous ne
pouvez donc donner de pension à ceux qui ont déjà
J'observe en effet que toutes les fois que vous accorderez une pension à un citoyen qui a un traitement, vous ôterez effectivement une pension à un citoyen qui n'a pas de traitement.
Je conclus de cette simple réflexion que vous devez maintenir l'exécution de votre décret du 3 août, en adoptant celui-ci.
Je supplie l'Assemblée de ne pas perdre de vue que les fonds pour l'ordre de Saint-Louis sont totalement distincts du fonds des pensions décrété par l'Assemblée nationale. (Murmures.)
Je demande qu'il soit accordé des gratifications progressives aux officiers, en proportion de leurs années de service.
proposent d'autres amendements au projet du comité.
(Ces divers amendements sont rejetés par la question préalable.)
Il est injuste de priver de braves officiers des récompenses qu'ils ont obtenues au prix de leur sang, et je demande que du moins on accorde une indemnité annuelle égale à la pension supprimée, aux militaires dont les services sont tels que leurs droits ne peuvent être contestés.
Est-il nécessaire de rappeler ici M. de Lamo-the-Piquet qui a reçu le cordon rouge pour avoir appareillé avec deux vaisseaux au Port-Louis, avoir couru sur 18 vaisseaux anglais et sauvé 24 vaisseaux de commerce? M. d'Eymar, qui a également obtenu le cordon rouge dans la guerre dernière où il perdit un bras ?
Est-il juste de priver ces officiers du traitement qu'ils ont obtenu pour de si grands services ?
Je propose, par amendement, que le comité des pensions examine les titres de ceux qui ont obtenu des pensions et que l'on conserve celles des officiers qui auront été estropiés.
Un membre demande la question préalable sur cet amendement.
Je consulte l'Assemblée sur la demande de question préalable.
(L'épreuve a lieu et est déclarée douteuse.)
Je demande si on peut faire une pareille exception, quand on n'a pas voulu en faire en faveur desmanicrots invalides. (Applaudissements.)
rapporteur. Il ne s'agit pas de savoir s'il y a ou s'il n'y a pas à délibérer sur l'amendement de M. Gualbert; et il suffit de passer à l'ordre du jour, parce que le comité des pensions fait précisément dans ce moment ce qu'il propose.
L Assemblée a décrété que fous les pensionnaires dont les pensions seront supprimées, pourront recevoir des gratifications annuelles a raison de leurs services. Les titulaires actuels seront donc tous indemnisés de la suppression de leurs pensions, et ne seront pas, comme on le suppose, dépouillés des récompenses que leurs services ont méritées ; mais vous devez maintenir le principe qu'on ne peut jouir d'une pension eu même temps que d'un traitement.
(L'Assemblée, consultée, adopte le projet de décret proposé par M. Camus.)
Je viens de recevoir une let-trede M. de Menou. Il me marque, et il me paraît, par son écriture qui est presque indéchiffrable, que sa santé est infiniment altérée, qu'il n'a pu achever son rapport. (Murmures.)
Lisez la lettre.
Jene puis pas la lire : la lettre est à moi et non à l'Assemblée nationale. (Murmures.)
Je m'élève contre M. le Président qui dit qu'une lettre adressée à M. le Président l'est à M. Rewbell. Elle est adressée à l'Assemblée nationale.
G'est une lettre de confiance qui m'est écrite : certainement je ne puis la lire.
Vous avez été instruits, Messieurs, par le département des Bou-ches-du-Rhône et les départements voisins du Comtat, de l'excès des troubles qui régnent dans ce malheureux pays en ce moment, et de l'état affreux dans lequel il est réduit. Il parait que M. de Menou, qui vous avait déjà promis son rapport pour avant-hier et qui le remet de jour en jour, ne calcule pas assez combien en 24 heures il peut être répandu de sang.
Je sais que la question de droit public, pour laquelle il a été obligé d'aller faire des recherches dans la bibliothèque du roi, exige des développements étendus; mais quoi! faut-il tant de recherches, tant d'études, pour porter à des hommes qui s'entr'égorgent un secours qu'ils réclament? Pour leur opposer une autorité quelconque, pour les contenir au nom des lois? (Murmures.)... Oui, Messieurs, au nom des lois générales d'humanité.
Mais tout en attendant le travail considérable de M. le rapporteur, tout en attendant le rapport qui vous est promis, il s'agit dès ce moment de porter un secours quelconque dans ce pays. Quelle que soit votre décision définitive, il importe d'en prendre une provisoire qui rétablisse la tranquillité dans ce malheureux pays. Il s'agit d'envoyer un homme qui commande au nom du roi et de la nation française, qui prenne ce pays sous sa protection, il s'agit d'y envoyer un nombre suffisant de troupes chargées d'y rétablir l'ordre, jusqu'à ce que vous ayez examiné, au nom de la justice et de l'humanité, qui appartiennent à tous les peuples (.Applaudissements.), si les droits du Saint-Siège sont certains, si le vœu des peuples de ces pays vous est clairement manifesté.
Si votre décision est en faveur du Saint-Siège, il ne pourra que vous avoir obligation de votre office protecteur et des soins que vous aurez pris pour le rétablissement du calme.
Si, au contraire, votre décision est en faveur de la nation, c'est sa chose, c'est son bien que vous aurez conservé.
Les députés des déparlements voisins vous ont dit que le territoire
français avait été violé, que les habitants de ce département brûlaient
de voler au secours de leurs parents, de leurs amis. Je demande donc
que, sans avoir égard au nouveau délai que demande M. de Menou, vous
décidiez dans le moment même que le roi sera prié d'en-| vover à Avignon
sous la direction d'un chef qui
Je suis convaincu comme le préopinant qu'il ne serait pas même besoin des notions qui vous sont promises pour prendre sur-le-champ un parti; mais je vous prie de considérer combien il serait dangereux de prendre une décision provisoirej précisément en sens inverse de celle que sollicitent le peuple avignonais et l'intérêt de ia nation française. Que vous pro-pose-t-on ? De méconnaître le droit qui appartient essentiellement à tous les peuples de s'associer avec un peuple voisin, droit en vertu duquel les Avignonais vous offrent le seul moyen de protéger la Révolution dans cette partie de la France contre les attaques de ses ennemis. Cette proposition a pour but de vous empêcher et de reconnaître la souveraineté du peuple avignonais, et de les protéger comme partie del'Empire français. On veut que vous envoyiez provisoirement des troupes pour faire la loi à ce pays, pour vous en emparer, pour le maîtriser, tandis que vous devriez reconnaître sa souveraineté. La première fois que cette grande question a été discutée, que vous disaient ceux qui s'opposaient à la réunion? Que vous ne pouviez vous emparer d'Avignon sans commettre une injustice, sans porter atteinte aux droits d'une puissance étrangère, sans violer l'engagement que vous avez pris de ne plus faire de conquêtes. Et ce sont les mêmes personnes qui vous proposent aujourd'hui d'envoyer des troupes ; sans doute pour que ces troupes, aux ordres du pouvoir exécutif, y remettent ce qu'on appelle la paixi (Il s élève des murmures dans la partie droite.) Et pourquoi vous propose-t-on ce parti ? Parce que les Avignonais, obligés de repousser, les armes à la main, les attaques du parti opposé, ont su résister à nos ennemis communs. On veut envoyer des troupes pour réprimer ces citoyens qui, par leur courage, ont fait triompher la justice et la liberté?
Attendez le rapport pour être intruits des faits, et du vœu des Avignonais.
Ne serait-il pas à craindre que, loin de soutenir le parti victorieux pour la liberté......
Un membre à droite : Dites le parti des brigands.
on ne lui envoyât des secours funestes pour protéger les ennemis de la France? Je demande que vous décidiez avec promptitude, mais avec sagesse, que vous ne compromettiez pas, par une décision provisoire, les intérêts des Avignonais et les vôtres; et puisque le préopinant n'est pas d'accord avec moi sur les faits, c'est une raison de plus pour que vous examiniez cette affaire avec la plus grande attention. Je demande donc que sur sa motion vous passiez à l'ordre du jour. — Quant à ce qui concerne la conduite de M. de Menou, je ne crois pas que vous deviez accorder un délai illimité; mais au contraire, puisque plusieurs membres de cette Assemblée connaissent cette affaire, et sous le rapport des faits, et sous le rapport du droit public, puisqu'elle a déjà été discutée plusieurs fois, puisqu'elle a été éclaircie par des écrits très lumineux, je demande que la discussion s'ouvre dès ce moment, sauf à entendre la lecture du rapport avant votre décision.
J'appuie la motion de M. Cler-mont-Lodève. Il n'y a pas un seul instant à perdre pour sauver Avignon et le Comtat. L'envoi des troupesn'est pointuu attentat aux droits des gens, mais unemesure provisoire commandée par l'honnêteté, et qui ne change absolument rien aux droits politiques des Avignonais et des Comtadins, qui, jusqu'à la détermination ultérieure à prendre sur le projet du comité, ne cesseront pas d'être étrangers.
Il n'est personne qui ne partage la sollicitude de l'antépréopinant pour la cessation des troubles qui existent dans ces malheureuses contrées; il faut que vous prononciez prompte-ment sur le vœu des habitants. Mais devez-vous adopter la mesure provisoire qui vient de vous être proposée? Vous devez vous rappeler quelles ont été déjà les conséquences de cette même démarche. Vous aviez envoyé des troupes, et peu après vous avez cru qu'il était de votre prudence de les rappeler. Prendre aujourd'hui ce même parti, envoyer un général et des troupes parmi des citoyens qui sont en guerre ouverte, ce n'est pas là le moyen sans doute d'y ramener la paix; car ce eénéral et ces soldats prendront un parti, quand ils arriveront dans ce pays ; et au lieu d'y mettre la paix, ils l'embraseront encore davantage et y feront une guerre déclarée et ouverte.
Cette affaire pourrait être très bien décidée sur-le-champ. Nous nous rappelons des faits historiques qui ont été très bien établis par M. Bouche, par M. Tronchet, par M. Pétion. Nous savons qu'il ne s'est jamais rien dit dans cette discussion qui pût les démentir; qu'il est toujours constant que le pape avait abusé de la jeunesse, et peut-être du crime d'une princesse infortunée pour s'emparer d'Avignon; qu'il a été démontré que le Comtat Venaissin fut le prix d'un acte de tyrannie.
Il n'y a qu'un moyen d'établir la paix : c'est de vous rendre enfin au vœu d'un peuple qui appelle à grands cris la liberté et votre protection; c'est de recevoir enfin dans votre sein des peuples qui ont été vendus autrefois par leurs tyrans, et qui n'ont jamais perdu l'espérance de redevenir Français, surtout à l'instant où les Français ont conquis leur liberté. (Murmures.)
Je sais aussi qu'en considérant cette affaire sous un autre point, ce n'est point à la bibliothèque du roi qu'il faut aller chercher des matériaux pour rétablir cette partie de l'histoire, parce qu'on n'y trouve que les témoignages d'écrivains esclaves qui travaillaient sous la verge du despotisme, qui étaient de vils esclaves auxquels on ne peut ajouter foi. Mon livre à moi, c'est le grand livre de la raison et de la nature.
Plusieurs membres à droite : Ah I ah !
Un membre à droite: Vous ne le connaissez pas.
C'est dans le grand livre de la raison, de la justice, du droit des
nations qu'il faut aller chercher la décision de cette cause. Les
recherches historiques sont inutiles. Vous y lisez, dans ce grand livre,
que les peuples sont les maîtres de changer leur gouvernement quand il
leur plaît. C'est lui qui nous fournira ces maximes
D'après cela, comme ces maximes ne peuvent être contestées ; comme elles décident la question, je demande que la discussion s'ouvre sur-le-champ.
le jeune. Ce que M. Robespierre vous a présenté comme une décision provisoire, n'est qu'une précaution qu'il me paraît que la prudence et l'bumanité prescrivent. Des hommes s'entr'égorgent ; ils demandent votre médiation. Il s'agit, non pas d'envoyer des troupes pour agir, comme les premières, à la réquisition ae la municipalité, c'est-à-dire pour les soumettre à un parti, mais il faut envoyer des commissaires civils, qui, seuls, auront le droit de requérir, et leur donner un nombre de troupes suffisant, non pas pour dominer le pays, mais pour empêcher Tes habitants de s'égorger. G'est pour que le retard de votre décision ne fasse pas couler le sang des citoyens; c'est comme protecteur de l'humanité, que je demande que vous envoyiez des commissaires civils avec des troupes, comme l'a demandé M. de Glermont-Lodève.
Je crois que cet envoi de troupes est inutile dans les circonstances, en même temps que dangereux en politique. Si vous commencez par occuper le pays par des troupes, par vous emparer des postes, et que vous incorporiez ensuite Avignon à la France, ne pourra-t-on pas dire que le vœu des habitants a été violenté, que vous vous êtes emparés de ce pays par la force? La justice, la politique exigent donc que vous laissiez les choses in statu quo, jusqu'au moment de votre décision. La mesure proposée me paraît ensuite inutile, puisque vous pouvez, presque sur-le-champ, prononcer.
Personne n'est plus convaincu que moi de la nécessité de prononcer sans délai sur la pétition du peuple avi-gnonais et comtadin ; mais le rapporteur ne peut faire son rapport que samedi. Il s'agit de savoir si, lorsque vous pouvez prononcer d'une manière définitive dans 48 heures, vous devez prendre des mesures provisoires inutiles ou dangereuses. Je crois que vous ne devez envoyer ni troupes, ni commissaires civils ; la première fois que vous avez envoyé des troupes dans ce pays, elles ne devaient que protéger nos établissements publics, et vous avez été obligé de les rappeler. Cependant combien il est différent d'envoyer des troupes seulement pour protéger des établissements nationaux, ou de les envoyer sous le prétexe d'apaiser les troubles? Vous ne devez, vous ne pouvez envoyer des troupes chez une nation étrangère qui n'a pas requis votre puissance. Les Avigno-nais demandent leur réunion à la France ; ils ne demandent pas votre médiation; et la France ne peut, sans une extrême injustice, envoyer des troupes chez ses voisins, parce qu'ils se battent. Supposez que chez une autre nation quelconque il se passât des scènes aussi désastreuses, pour-riez-vo js y envoyer des troupes, et les nations étrangères pourraient-elles en envoyer chez vous ? Ne pourrait-il pas arriver que les troupes avigno-naises et comtadines se tournassent contre les vôtres qu'elles n'auraient pas demandées.
Le seul moyen que vous ayez de pacifier ce pays, est donc de le réunir à la France, et c'est le seul qui vous donne le droit d'y envoyer des troupes. Croyez-vous d'ailleurs que ces troupes pussent être rassemblées, qu'elles pussent se porter à Avignon avant que vous ayez pris les mesures définitives qu'on attend de vous? Jedemande donc que, sur la motion qui a été faite, l'on passe à l'ordre du jour, et que cependant les pièces sur cette affaire soient lues samedi sans délai.
M. le rapporteur ayant écrit qu'il serait prêt samedi, c'est un ajournement pur et simple qu'il s'agit de prononcer.
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète que le rapport de l'affaire d'Avignon sera fait samedi matin sans autre délai, et que dans le cas où la santé du rapporteur actuel ne lui permettrait pas de présenter son travail au jour indiqué, il serait invité, par une lettre du Président, à remettre les pièces au comité diplomatique.)
Je demande que le décret qui vient d'être rendu soit notifié à 1 instant à M. de Menou, afin qu'il puisse donner une réponse avant la fin de la séance et que nous sachions enfin s'il veut rendre ce rapport; car, à la fin, cela scandalise.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur l'organisation des gardes nationales (1).
J'ai établi hier les principes fondamentaux de l'organisation de la garde nationale. J'ai prouvé que tous les citoyens devaient y être admis, si l'on ne voulait diviser la nation en 2 classes dont l'une serait à la discrétion de l'autre. J'ai prouvé qu'il fallait soustraire la garde nationale à l'influence du pouvoir exécutif, puisqu'elle doit servir au besoin pour nous défendre contre la force militaire dont ce pouvoir exécutif est armé. Maintenant il faut déterminer les fonctions des gardes nationales d'une manière plus précise. Cette théorie peut se réduire à deux ou trois questions importantes :
1° Les gardes nationales doivent-elles être employées à combattre les ennemis étrangers? Dans quel cas et comment peuvent-elles l'être?
2° Les gardes nationales sont-elles destinées à prêter main-forte à la justice et à la police? Ou dans quelles circonstances et de quelle manière doivent-elles remplir ces fonctions?
3° Dans tous les cas où elle doivent agir, peu-vent-elles le faire de leur propre mouvement? Ou quelle est l'autorité qui doit les mettre en activité?
Pour résoudre la première de ces questions, il suffit de l'éclairer. Toutes les fois qu'il s'agit d'un système militaire, nous ne devons jamais perdre de vue, ce me semble, la situation où nous nous sommes placés, et où nous devons rester, à l'égard des autres nations.
Après la déclaration solennelle que nous leur avons faite des principes
de justice que nous voulons suivre dans nos relations avec elles ; après
avoir renoncé à l'ambition des conquêtes, et réduit nos traités
d'alliance à des termes purement défensifs, nous devons d'abord compter
que les occasions de guerre seront pour nous infiniment plus rares, à
moins que nous u'ayons la faiblesse de nous laisser entraîner hors des
règles de cette vertueuse politique par les perfides suggestions des
éternels ennemis de notre liberté. Mais, soit qu'il faille fournir à nos
alliés
Or, une espèce de danger si rare, d'une part, de Pautre des moyens de défense si faciles et si solidement établis par la nature même des choses, par la seule existence des gardes nationales, doit éloigner de nous toute idée de les plier à un système militaire qui dénaturerait leur esprit et leur institution, en les incorporant, en quelque manière que ce soit, avec les troupes de ligne. C'est à ce point que je voulais venir. C'est une observation dont on sentira toute l'importance, quand je l'appliquerai au système du comité de Constitution, dont je ferai bientôt connaître tout le danger, dans un examen rapide.
Je passe maintenant à la seconde des questions que j'ai posées, qui concerne l'action des gardes nationales dans les troubles intérieurs, et qui tient à des observations également simples.
Je ne parle point ici de ces grandes conspirations tramées contre la liberté du peuple par ceux à qui il a confié son autorité. Les gardes nationales sont, à la vérité, le moyen le plus puissant et le plus doux de les étouffer et de les prévenir : ce sera même là, sans contredit, le plus grand de leurs services et le plus saint de leurs devoirs : mais c'est à l'explosion de la volonté générale, c'est à l'empire de la nécessité, et non à une marche méthodique, à des règles exactes, qu'est soumis l'exercice du droit sacré de l'insurrection.
Ne parlons que des mouvements séditieux, ou des actes contraires aux lois qui peuvent troubler l'ordre public. Il faut une force publique qui les réprime; cette force ne peut pas être celle des troupes de ligne, 1° parce qu'elles sont entretenues pour combattre les ennemis étrangers; 2° parce qu'entre les mains du prince qui la dirige, elle serait un instrument trop dangereux à la liberté.
D'ailleurs, dans les troubles civils, il n'y a qu'une forcemue parla volontégénérale qui puisse être légitime et efficace; et les ordres du prince ne représentent pas et ne supposent point cette volonté, puisque sa volonté particulière est trop naturellement en opposition avec elle. De là vient que c'est aujourd'hui une maxime généralement reconnue, que, dans un État libre, les troupes ne doivent jamais être employées contre les citoyens. Il ne reste donc que les gardes nationales qui doivent, dans ces occasions, rétablir la tranquillité publique. Cette conséquence est du moins évidente et avouée de tout le monde, pour les cas de sédition, c'est-à-dire des insurrections d'une multitude de citoyens contre les lois.
Mais les gardes nationales doivent-elles être employées pour le maintien de la police ordinaire ? Faut-il leur confier le soin, par exemple, de remettre entre les mains de la justice les citoyens suspects dont elle veut s'assurer ; ou de forcer les résistances que les particuliers peuvent apporter à l'exécution de ses jugements; ou faut-il créer un corps particulier pour remplir ces fonctions?
C'est ici que les opinions semblent se partager; c'est par ce point que la question de la conservation de la maréchaussée est liée à celle de l'organisation des gardes nationales; question vraiment importante et compliquée qui mérite toute votre attention. Quelque sérieuses que soient les difficultés qui l'environnent, il me semble que toutes les raisons pour ou contre aboutissent à un point de décision assez facile.
Il faut, dit-on, pour remplir les fonctions attribuées jusqu'ici à la maréchaussée, des hommes actifs, spécialement voués et exercés à ce ministère. La maréchaussée seule remplit ces conditions.
Le nom seul de la maréchaussée est en possession d'en imposer aux malfaiteurs.
Des citoyens soldats sauront-ils, comme elle, les épier, les découvrir, les poursuivre? Consentiraient-ils à exercer un métier auquel est attachée une espèce de défaveur?
Quand j'ai exposé ces raisons, j'ai épuisé, ce me semble, tout ce qu'on a dit et peut-être tout ce qu'on peut dire en faveur de l'institution de la maréchaussée.
Voici les raisons du système contraire, qui paraissent à plusieurs et plus solides et plus importantes. Ils désireraient d'abord qu'en parlant des services qu'elle rendait, par l'exercice d'un ministère indispensable, on ne dissimulât pas les vexations et les abus qui étaient inséparables d'une telle institution; ils voudraient que l'on se souvînt que si, comme on l'a dit, elle était excessivement redoutée des malfaiteurs, c'était, en partie, parce qu'elle était formidable à l'innocence même.
Que pouvait-on attendre de mieux, en confiant les fonctions de la police à un corps constitué militairement, soumis, comme tel, aux ordres du prince, qui, par cela seul qu'il était exclusivement voué à l'exercice de ces actes rigoureux, devait être peu capable d'en concilier les devoirs avec le respect pour les droits de l'humanité et pour les règles protectrices de la liberté des citoyens?
Or, les citoyens soldats peuvent seuls remplir ce double objet. Il ne
faut pas craindre que chez eux l'esprit de justice nuise à la sûreté
publique. D'abord, qui serait plus propre qu'eux à prêter main-forte à
l'exécution des ordonnances de l'autorité publique? Quant à
l'arrestation des coupables, pourquoi ne pourraient-ils pas rendre aussi
ce service à la société ? Comme il y aurait des gardes nationales dans
toutes les communes, il est évident que, sans espionnage et sansinqui-
N'avez-vous pas vu toutes le3 gardes nationales du royaume, surtout celle de Paris, suppléer avec autant de succès que de zèle, aux anciens agents de la police, et maintenir l'ordre et la tranquillité au milieu de tant de causes de troubles et de désordres? Se sont-elles déshonorées en mettant entre les mains des lois, en gardant, en leur nom, les infracteurs des lois? Le commandant de la garde parisienne a-t-il cru se déshonorer lui-même, en arrêtant de sa main un citoyen, je ne sais dans quel mouvement populaire? Tous ces exemples ne prouvent-ils pas que le préjugé que vous nous objectez n'est plus qu'une cnimère? Que sous le despotisme, où la loi, ouvrage du despote, est tyrannique et partiale comme lui, l'opinion avilisse le métier de ses satellites ; cette manière de voir se conçoit; mais comment attacherait-elle cette défaveur aux devoirs des citoyens prêtant l'appui de la force nationale à la loi qui est à la fois leur ouvrage et leur patrimoine.
Ce système, qui les attache à la loi par de nouveaux liens et par l'habitude de la faire respecter, qui laisse à la force publique toute son énergie, et lui ôte tout ce qu'elle peut avoir de dangereux et d'arbitraire, n'est-il pas plus analogue aux principes d'un peuple libre que l'es prit violent et despotique d'un corps tel que la maréchaussée? Pourquoi donc conserver ce corps qui ne sert qu'à augmenter la puissance redoutable du monarque aux dépens de la liberté civile ? C'est un grand malheur, lorsque le législateur d'un peuple qui passe de la servitude à la liberté empreint dans ses institutions les traces des préjuges et des habitudes vicieuses que le despotisme avait fait nahre; et nous tomberions dans cette erreur si nous conservions la maré-chaussée
Cependant on nous parle non seulement de la conserver, mais de l'augmenter, c'est-à-dire d'en multiplier les inconvénients? Projet d'autant plus incompréhensible, qu'il semble supposer que, sous le règne des lois, les crimes doivent être naturellement plus fréquents que sous celui du despotisme; ce qui est à la fois une insulte à la vérité et à la raison, et un blasphème contre la liberté.
Tels sont les raisonnements de ceux qui veulent laisser aux gardes nationales les fonctions attribuées ci-devant à la maréchaussée.
Pour moi, quoique ces raisons me paraissent convaincantes, je ne puis me dissimuler cependant que ce système, considéré dans toute sa rigueur, offre des inconvénients réels, et entraînerait de grandes difficultés dans l'exécution et je ne puis l'adopter qu'en partie. D'un côté, je vois que si tous les citoyens soldats indistinctement étaient destinés au service dont je parle, il y a beaucoup d'occasions où il serait pour la plupart d'entre eux infiniment incommode et onéreux; de l'autre, j'adopte le principe qu'il faut nécessairement trouver un système qui allie la force publique au respect dù au droit et à la liberté des citoyens.
Je ne vois rien à répondre aux objections faites contre l'institution de la maréchaussée; je ne voudrais pas que des fonctions si importantes fussent abandonnées à un corps militaire absolument indépendant et séparé des gardes nationales, faisant partie de l'armée de ligne, placé dans la dépendance immédiate du roi, commandé par des chefs nommés par le roi, assimilés aux autres officiers de l'armée. Je voudrais, enfin, une institution qui renfermât les avantages attachés au service des gardes nationales, et qui fût exempt des inconvénients que j'y ai remarqués. Or, il me semble que cette double condition serait remplie par le moyen que je vais indiquer, et qui n'a peut-être contre lui que son extrême simplicité. Il consiste à former dans chaque chef-lieu de district une compagnie soldée, consacrée aux fonctions qu'a exercée la maréchaussée, mais soumise aux mêmes chefs et à la même autorité que les gardes nationales.
Oq pourrait ajouter à l'utilité évidente de cette institution un avantage particulier relatif aux circonstances actuelles. Rien n'empêcherait de composer ces compagnies des mêmes individus qui forment actuellement la maréchaussée, et d'épargner à la nation le regret de les dépouiller de leur état.
Il reste la troisième et dernière question. Les gardes nationales peuvent-elles agir d'elles-mêmes; ou faut-il qu'elles soient mises en mouvement par quelque autorité? Elle se réduit à un seul mot. Les gardes nationales ne sont que des citoyens qui, par eux-mêmes, ne sont revêtus d'aucun pouvoir public, et qui ne peuvent agir qu'au nom des lois; il faut donc que leur action soit provoquée par les magistrats, par les organes naturels de la loi et du vœu public. Aussi les gardes nationales doivent être subordonnées au pouvoir civil; elles ne peuvent marcher ni déployer la force dont elles sont armées que par les ordres du corps législatif ou des magistrats.
Ce que j'ai dit jusqu'ici me paraît renfermer toutes les règles essentielles de l'organisation des gardes nationales.
Je crois devoir observer qu'une partie du plan que je viens de soumettre à l'Assemblée nationale est déterminée par l'existence du système des troupes de ligne qu'elle a conservé. Utile, nécessaire, autant que ce système subsistera, il doit subir de grands changements, dès que ce système aura disparu. Or, j'ose croire qu'il disparaîtra; j'ose même prédire que les gardes nationales ne seront pas plutôt organisées, laCons titution solidement affermie, que tout le monde sentira combien il est absurde qu'une nation qui veut être juste, qui s'interdit toute agression et toute conquête, et qui peut à chaque instant armer 5 millions de bras pour repousser de criminelles attaques, croie à la nécessité d'entretenir perpétuellement une autre armée, dont le moindre inconvénient serait d'être inutile et dispendieuse.
Le spectacle d'un vaste empire couvert de citoyens libres et armés inspire de grandes idées et de hautes espérances. Il me semble qu'il donne à toutes les nations le signal de la liberté; il les invite à rougir de cette honteuse stupidité avec laquelle, livrant toutes les forces de l'Etat entre les mains de quelques despotes, elles leur ont remis le droit de les enchaîner et de les outrager impunément; il leur apprendra à faire disparaître ces corps menaçants que l'on entretient avec leurs dépouilles, pour les dépouiller encore, et à se lever elles-mêmes, toutes armées, pour porter dans le cœur des tyrans la terreur que ceux-ci leur ont inspirée jusqu'ici.
Puisse le génie de l'humanité répandre bientôt dans l'univers cette
sainte contagion de la justice et de la raison, et affranchir le genre
humain
Dans le plan des comités, la garde nationale est en quelque sorte divisée en 2 classes, l'une destinée à s armer pour le maintien de l'ordre et la tranquillité publique, lorsqu'elle en sera requise, et jusqu'à cette réquisition devant rester dans une inaction absolue; l'autre, consacrée spécialement au métier des armes, recevant une solde, toujours prête à renforcer l'armée de ligne toutes les fois que le pouvoir exécutif l'appellera. Cette armée, composée de 2 hommes pris dans chaque compagnie, s'élèverait à 100,000 hommes.
Je n'ai pas besoin de vous dire qu'il ne sera pas difficile de faire tomber le choix de ces 2 hommes par compagnie sur des partisans du despotisme et de l'aristocratie; il suffit d'observer que, malgré le nom qu'on leur donne, ces 100,000 hommes sont évidemment des troupes de ligne, et non des gardes nationales qui, par leur destination particulière, seront les créatures et les soldats du prince. Ils tourneront nécessairement leurs regards vers les faveurs de la cour ; la gloire des armes, les grades militaires deviendront l'objet unique de leur ambition : bientôt cet exemple contagieux pervertira le véritable caractère de toutes les gardes nationales; il excitera chez elles et le dédain des fonctions civiques, et le désir d'obtenir les avantages et les distinctions dont ils verront décorer leurs camarades. A la place de ces grandes idées de la liberté, de ce profond sentiment de la dignité de l'homme et le droit du citoyen, qu'il faut graver dans les âmes des Français, vous verrez naître partout ce puéril enthousiasme, cet esprit à la fois tyrannique et servile, à la fois vil et superbe, que l'extravagance féodale décora du nom d'honneur; vous verrez les gardes nationales dégénérer en une aristocratie militaire, aussi docile à opprimer les citoyens que prompte à se prosterner devant la volonté du monarque.
Les deux comités ont tellement pris le change sur le véritable objet des gardes nationales, qu'ils semblent regarder comme le principal avantage de cette institution celui d'opposer, en tout temps, des forces militaires immenses aux ennemis du dehors.
Il faut lire dans leur rapport avec quelle complaisance ils étalent sous les yeux du lecteur ces armées qu'ils mettent en campagne à la première invasion; comme, à la : suite de leur armée auxiliaire, ils détachent, au besoin, du reste des gardes nationales des armées nouvelles qui.se pressent les unes les autres; comme ils félicitent la patrie de sa grandeur et de sa puissance!.... En! il est bien question de tout cela.... il est bien question de nous constituer ici comme si nous voulions conquérir l'Europe! C'est de nos ennemis domestiques, sans lesquels les autres ne peuvent rien contre nous; c'est des conspirateurs qui méditent notre ruine et notre servitude, qu'il faut nous occuper. Or, quelles précautions prenez-vous contre eux.
Etes-vous donc convaincus que la liberté n'a plus que des amis et des adorateurs? Avez-vous la parole de tous les princes, de tous les ministres, de tous les courtisans passés, présents et futurs, que tout artifice, que toute ambition est à jamais bannie de leurs cœurs? Ignorez-vous que le premier devoir, l'œuvre la plus difficile des législateurs, est de fortifier pour toujours la liberté contre leurs attaques? Que faites-vous*ici pour elles? Quand le pouvoir exécutif peut à chaque instant requérir les 100,000 auxiliaires que vous lui donnez, le reste des gardes nationales reste nul; ce ne sont que des citoyens qui, sous le rapport des gardes nationales, sout comme s'ils n'étaient pas, à moins qu'ils ne reçoivent l'existence et le mouvement par la réquisition.
Que dis-je? Les deux comités poussent la précaution jusqu'à leur ôter leurs armes, jusqu'à leur défendre de les avoir cbez eux ; ils veulent qu'elles restent dans un dépôt public, jusqu'au moment où les gardes nationales seront requises; or, à qui appartiendra cette réquisition? Vous la laisseriez aux corps administratifs que je ne serais point rassuré; puisque, tandis que le pouvoir exécutif, d'un acte de sa volonté, peut rassembler toutes ses forces, les gardes nationales, divisées par cantons, par districts, par municipalités, ne pourraient être remuées que partiellement, suivant les volontés particulières et diverses des différentes administrations : et d'ailleurs, il est tellement dans l'ordre#des choses possibles que les ennemis hypocrites de la liberté s'emparent d'un grand nombre de ces corps ; les hommes en place assez éclairés, assez vertueux pour être inacessibles aux artifices ou aux séductions des rois, sont encore des phénomènes si rares ; la cour et ses partisans sont si habiles àdiviser, à tromper, à endormir l'opinion publique sur les faits les plus notoires et sur les plus pressants intérêts; cette nation est si bonne, si confiante, si crédule, que, par degrés et toujours sous le prétexte de la paix et de l'ordre public, tout en parlant de lois et de liberté, ils nous auraient environnés des plus grands périls, avant que nous eussions pu nous mettre en garde coûtre la monstrueuse puissance dont on les investit.
Mais que dis-je? Croit-on que les comités veuillent au moins nous laisser cette faible ressource de la réquisition des corps administratifs? Que diriez-vous, s'ils voulaient la livrer au roi? Oui, c'est au roi qu'ils la livrent en effet ; c'est-à-dire, à la cour, aux ministres. Pour leur donner impunément cette fatale influence, il n'en coûtera à vos deux comités que de la déguiser sous une forme illusoire; en proposant que le roi requière, et que l'agrément des directoires ou de la municipalité intervienne : car, sans doute, quiconque connaîtra l'ascendant de l'initiative, celui surtout de l'initiative royale; quiconque soupçonnera le degré de complaisance, de faiblesse, de crédulité, que les ordres, que la volonté du prince peut obtenir de quelques officiers municipaux ou administratifs, saura bien calculer les véritables effets d'une telle disposition.
Ainsi les gardes nationales n'existeront que quand il plaira à la cour;
elles ne pourront défendre la liberté contre les entreprises du pouvoir
exécutif, si le pouvoir exécutif ne l'ordonne lui-même; elles
seconderont par leur action les entreprises du pouvoir exécutif si le
pouvoir exécutif l'ordonne; et ne pensez pas que la Constitution
proposée leur laisse quelques moyens de s'en dispenser; apprenez quelle
ne leur laisse pas même le droit d'examen ; qu'elle ne tend à
Je croyais du moins qu'il était impossible de rien ajouter à ces funestes mesures : mais les comités vont jusqu'à assurer au prince, dans le plus grand détail, Ja facilité d'en tirer parti : ils veulent, par exemple, qu'il ne soit pas astreint à employer les gardes nationales en masse; mais que celles-ci puissent être prises ou en masses, ou par compagnies, ou tirées seulement trois à trois, deux à deux, un à un.
Si vous n'apercevez pas d'abord toute la profondeur de cette idée, rappelez-vous que dans un Etat divisé par tant de partis, qui renferme dans son sein une multitude innombrable de mécontents de toutes les classes, qui voit même ceux-ci dominer insolemment dans plusieurs contrées, une partie des gardes nationales sera composée d'ennemis de la Révolution; qu'ils s'y précipiteront surtout en foule, aujourd'hui qu'un décret proposé par le comité déclare déchus de la qualité de citoyens actifs ceux qui ne prendront pas cet engagement; tandis qu'un autre décret, en excluant les citoyens dits inactifs, écartera une foule d'amis naturels de la cause populaire.
Cependant, si le pouvoir exécutif n'avait pu appeler les gardes nationales que suivant l'ordre de leurs divisions, par exemple, par bataillons, par compagnies, telles qu'elles étaient formées, malgré tous les vices essentiels de l'organisation proposée, il serait resté sinon une ressource à la liberté, du moins une espèce d'inquiétude au despotisme: mais que non-seulement il puisse choisir dans toute l'étendue de la France les masses les plus infectées de l'esprit servile et anticivique ; qu'il lui soit permis d'extraire encore, pour ainsi dire, des différentes divisions les individus qui conviennent le mieux à ses desseins, l'élite des mauvais citoyens; alors voilà tout à coup les conspirateurs environnés d'une armée immense qu'ils pourront contempler avec satisfaction, en disant, comme Catilina parmi ses complices; nous sommes à notre aise; il n'y a pas ici un homme de bien.
Quel obstacle pourra les arrêter, lorsque la seule force qui existera de fait dans l'Etat sera réunie dans leurs mains, et qu'ils pourront la diriger à leur gré au nom même des lois et de la Constitution? Soit qu'il arrive une occasion favorable de tenter quelque grande entreprise; soit qu'il s'agisse seulement de miner insensiblement les fondements de la liberté et d'opprimer en détail le parti patriotique, ce système sera également utile. Faut-il provoquer par de longs outrages et par des complots sinistres, quoique adroitement colorés, une fermentation naturelle, une résistance devenue nécessaire à l'oppression, traiter ensuite en rebelles ceux qu'on y aura réduits, et effrayer, par un exemple terrible, tous les amis de l'humanité et de la patrie?
Vous sentez combien l'espèce de milice qu'on veut nous donner serait propre à de telles expéditions. Faut-il par des actes moins éclatants, mais non moins utiles, accabler des patriotes isolés, redoutables par leur énergie et par leurs lumières, attenter à la liberté des écrivains qui auront le courage de dévoiler les dangers publics et de lever le masque du civisme qui cache nos plus redoutables ennemis? Détachez seulement trois à trois, deux à deux, un à un, quelques-uns de vos défenseurs automates de la Constitution : et si l'on pouvait redouter encore l'opinion publique, n'a-t-on pas à sa solde une autre armée d'intrigants et de libellistes; avec des récits infidèles répandus partout et payés du Trésor de l'Etat, avec les mots d'incendiaires, de factieux, de subordination, d'anarchie, de licence, on pourra se mettre en état de ne plus craindre que le mépris des citoyens éclairés; on pourra ériger en héros de la liberté ceux qui n'aspirent qu'à élever leur fortune particulière sur la ruine de la liberté publique.
Cette seule analyse du plan proposé suffit sans doute pour effrayer les amis de la patrie; cependant je n'ai point parlé de cette multitude de dispositions de détail qui en renforcent les vices essentiels, et dont cnacune est une atteinte à la liberté. Je n'ai parlé ni de la foule des grades, des officiers, dont ils surchargent cette institution, et que l'on veut faire nommer pendant deux ans, avec la faculté d'être réélus : ni des dispositions combinées pour les faire marcher sous les ordres des généraux des troupes de ligne, ni de tant d'autres vices dont je puis supprimer le détail; ni de ces insultes faites aux citoyens, en présentant la qualité de citoyens actifs, qui appartient essentiellement à tous, comme le prix d'un long temps de service dans la garde nationale. Je n'ai point parlé surtout de leur projet sur l'organisation de la maréchaussée, dont l'augmentation, telle qu'elle est proposée, serait le complément du funeste système que nous venons de développer.
Si j'avais voulu, sous le nom de police et d'ordre public, livrer la
liberté des citoyens à toutes les vexations du despotisme (en supposant
que je fusse le génie le plus inventif en ce genre) voici comment je m'y
serais pris. J'aurais confié ces fonctions civiles à un corps militaire
et, en donnant le choix de l'appeler maréchaussée ou gendarmerie
nationale, j'aurais formellement statué qu'il continuerait de faire
partie de l'armée, qu'il serait soumis au même régime ; j'aurais statué
que, pour être admis parmi les cavaliers il faudrait avoir fait au moins
un congé dans un régiment. Pour être assuré des dispositions de ces
cavaliers, je les aurais fait choisir par un officier à la nomination du
roi, entre plusieurs sujets présentés par le directoire du département.
Je me serais, en effet, fort peu mis en peine, dans ce cas, de violer le
principe populaire qui ne veut pas que des officiers administratifs
soient immiscés en aucune manière dans les fonctions électives et, d'un
autre côté, en leur attribuant cette fonction, j'aurais avili le peuple
lui-même dans la personne des administrateurs qu'il s'est donnés, en
subordonnant leur choix à celui d'un officier militaire. On devine
aisément que j'aurais donné surtout une attention particulière aux
officiers. J'en aurais multiplié le nombre à l'infini; j'aurais créé,
dans chaque division : colonel, lieutenant-colonel, lieutenants,
capitaines, maré-
2 officiers; chaque compagnie aurait compté
3 lieutenants.
Avec ces éléments, combien il m'est désormais facile d'inspirer à tout ce corps un seul esprit, qui sera le dévouement le plus absolu à la cour et à l'aristocratie; il me suffira de combiner tellement les modes d'avancement, que chaque cavalier et officier dépendent, à cet égard, de son supérieur immédiat et que tous dépendent de la cour. En conséquence, je fais nommer par le roi les colonels ; je les faisnommer entre lesdeux plus anciens lieutenants-colonels ; au grade de lieute-tenant-colonel arrivent à tour d'ancienneté les capitaines; au grade de capitaine, les lieutenants; ceux-ci sont choisis, pour les trois quarts, par le colonel et pourvus par le roi ; l'autre quart est pris, à tour d'ancienneté, parmi les maréchaux des logis ; mais les maréchaux des logis ne parviennent que par Je choix du colonel sur la présentation du capitaine, et cette cascade se prolonge jusqu'au dernier officier, de manière que le premier prix de l'ambition est entre les mains du roi et que l'on ne peut parcourir les degrés qui y conduisent que par la faveur des chefs ; de manière que si je parais donner aux directoires, dans quelques cas seulement, un droit de présentation illusoire, ce n'est qu'un moyen de plus d'établir entre eux et des hommes voués à la cour une espèce de liaison à laquelle on sent que la cause populaire ne gagnera pas beaucoup.
Mais si vous croyez qu'il est impossible d'ajouter quelque chose à la justesse de ces mesures, vous ne connaissez point encore toute la grandeur de nos ressources. Apprenez que, par une seule disposition qui paraît très simple, on assure toutes les places importantes à des hommes qui ne seront certainement pas les plus zélés partisans de la Révolution ; qu'on les livre exclusivement à ces castes ci-devant privilégiées qui, comme vous le prévoyez, ne seront encore de longtemps, par tous les points, au niveau des citoyens. On veut que les trois quarts des places de lieutenant ne Boient données qu'à des officiers de troupes de ligne.
Après avoir ainsi constitué ce corps, que reste-t-il a faire pour réaliser la grande conception que je vous ai annoncée? De lui donner, en matière de police, une autorité étendue et arbitraire. Eh bien 1 chaque cavalier pourra, de son propre mouvement, arrêter, poursuivre qui il voudra, pourvu qu'il lui paraisse suspect ou prévenu. Ils sont chargés des fonctions si délicates de l'inquisition de police par ces termes si énergiques : de recueillir et prendre tous les renseignements possibles, de dresser des procès-verbaux qui feront foi en justice.
Mais ce que vous n'auriez pas deviné sans doute, c'est qu'ils sont autorisés à dissiper, de leur autorité, les attroupements séditieux; et un article exprès statue prudemment : qu'ils n'auront besoin, pour cela, d'aucune réquisition. Ainsi, voilà ces hommes maîtres dejuger si un attroupement est séditieux ou non, si des citoyens rassemblés «ont ou non des rebelles; les voilà maîtres de déployer la force des armes contre le peuple ; voilà la loi martiale supprimée, non comme violente et barbare, mais parce qu'elle entraine au moins des formes; mais parce que des soldats et des coups de fusils d'abord sont tous les égards que l'on doit aux citoyens français... Voilà le système que l'ou nous propose.
Et comme si ce n'était point assez de tant d'infractions de tous les principes, ne voilà-t-il pas encore les comités de judicature et de Constitution qui viennent vous présenter un plan de police combiné avec celui-là? Ne voilà-t-il pas qu'ils associent aux fonctions des juges de paix toute cette armée d'officiers; qu'ils érigent en magistrats de police ces colonels, ces lieutenants-colonels, ces lieutenants; qu'ils leur donnent le pouvoir de rendre arbitrairement des ordonnances pour faire arrêter les citoyens, pour les faire arracher même du sein de leur propre maison, de les mander, de les interroger, d'entendre des témoins, de les condamner à la prison !...
Voilà donc par quelles routes vos comités nous conduisent à la liberté! Mais arrêtons-nous un moment, il en est temps sans doute, pour réfléchir sur une circonstance importante de leur conduite et de notre situation politique. Leur système, si on les croit, est excellent, soit qu'il faille ou non ajouter foi à ces bruits de guerre dont on nous menace. Personne, en effet, ne s'est donné la peine encore d'approfondir ces événements; et tout le zèle de ceux qui étaient faits ppur nous en occuper s'est borné à un silence discret, ou à des communications mystérieuses et vagues, dont le but était de nous entretenir dans une profonde sécurité.
Mais c'est bien ici, je pense, le moment de demander aux comités pourquoi, au lieu de nous proposer des projets d'organisation de cette espèce, ils ne se sont pas plus hâtés de faire donner des armes aux gardes nationales actuellement existantes ; c'est bien le moment de demander pourquoi les innombrables adresses qu'elles envoient depuis un an, de toutes les parties de la France, y sont restées ensevelies ; pourquoi, pendant si longtemps, toutes les fois que cette proposition a été faite à l'Assemblée, on a trouvé le moyen de la faire ajourner ; pourquoi un membre du comité diplomatique ayant représenté, il y a quelque temps, la nécessité de les armer, au moins sur nos frontières, un autre membre du même comité fit échouer cette proposition, si urgente dès lors, en la faisant renvoyer après le rapport sur l'organisation des gardes nationales ; pourquoi, au moment où nous sommes, il n'a pas encore été question sérieusement de la réaliser ?
Ah 1 si vous pensiez que cette question de la paix ou de la guerre valût la peine d'être examinée, il serait facile peut-être de la résoudre par des raisons plus vraisemblables que celles des habiles politiques qui nous rassurent. Peut-être le caractère pacifique et les principes révolutionnaires d'un prince qui, après avoir établi dans le petit Etat où il régnait le despotisme le plusabsolu,a prouvé ensuite, par ses manifestes, qu'un autre peuple lui appartenait de droit et qui l'a décidé par ses armes; peut-être cette étrange garantie ne vous paraîtrait-elle pas tout à fait suffisante ; et puisque l'on juge des intentions d'un ennemi qui est à nos portes par son caractère, par la manière dont on prétend qu'il calcule ses jouissances et ses intérêts, vous pourriez croire vous-mêmes que le caractère des despotes peut bien aussi les porter à chérir, à soutenir le despotisme, surtout lorsqu'ils espèrent que leurs efforts pourront être secondés par des trahisons domestiques et par des troubles intestins; vous pourriez croire que les hommes qui les entourent et qui les font mouvoir, sont, par ieurs habitudes et par leur intérêt personnel, les amis, les alliés naturels des ennemis de la cause populaire.
D'après ces seules notions du bon sens, vous pourriez donner quelque attention à ces rassemblements de troupes extraordinaires qui ne peuvent être suffisamment expliqués par le prétexte qu'on leur donne; vous pourriez remarquer que tout annonce une intelligence parfaite de ce despote dont je vous parle avec un autre despote, naguère son ennemi, qui, lui-même, pour la querelle de sa sœur, se lit, il y a peu d'années, un jeu de soumettre un peuple libre au joug de son beau-frère; vous pourriez observer que l'un et l'autre viennent de manifester leurs véritables inclinations, l'un en abandonnant, en trahissant, l'autre en remettant, dans les fers d'un prêtre détesté, le peuple du monde le plus intéressant par son courage et par sa magnanimité.
Enfin, s'il faut tout dire,'cet amour profond de la justice et de l'humanité, qui nous portent à désirer que tous les peuples soient libres et heureux, m avertit que la première passion des rois en général, de leurs conseils, de leurs courtisans est de conserver leur puissance absolue et celle de leurs pareils; et je sais de plus que les hommes, que ces hommes-là surtout, obéissent à leurs passions, à leur orgueil, à l'intrigue qui les obsède, bien plus facilement qu'à leur véritable intérêt qu'ils ne connurent jamais.
Je sais, enfin, et j atteste toute l'histoire, que leur grand art est de dissimuler, de préparer, de faciliter les succès de la force par l'adresse avec laquelle ils endorment la crédulité des peuples; je sais qu'ils ne sont jamais plus redoutables que lorsqu'ils étalent avec le plus de pompe ces sentiments de justice et d'humanité qu'ils ont coutume de prodiguer dans leurs déclarations et dans leurs manifestes.
Si vous me dites après cela que ce3 dangers ne vous effrayent pas, je vous dirai que ce n'est pas là non plus ce qui m'effraye davantage; que ce ne sont pas même nos divisions intérieures ; que ce ne sont pas les trésors immenses accumulés entre les mains des ennemis de noire liberté, que ce ne sont pas même ceux à qui on a confié la garde de nos frontières, de nos places fortes, ceux qui sont destinés à diriger notre défense et à disposer de l'Etat...
C'est cette fatale sécurité où nous demeurons plongés par de perfides insinuations, ou par l'ordre exprès du Ciel irrité ; c'est cette légèreté avec laquelle nous semblons juger et les hommes et les événements, et nous jouer, pour ainsi dire, des destinées de l'humanité; c'est ce retour insensible et funeste vers nos antiques préjugés et vers nos frivoles habitudes, qui commencent à remplacer l'enthousiasme passager que nous avons fait éclater pour la liberté ; ce sont ces petites factious dont les chefs, voulant tout diriger par de petits moyens et par des vues personnelles, s'appliquent sans cesse à étouffer l'esprit public et les élans du patriotisme en les calomniant; gens dont le système parait être d'échapper à tous les principes par des exceptions, par des circonstances, par des sophismes politiques; d'attaquer tous les sentiments droits et généreux par le reproche d'excès et d'exagération; de rendre ridicules, s'il était possible, les saintes maximes de l'égalité et de la morale publique; contents si, par "quelques déclamations contre les débats impuissants des aristocrates les plus outrés, ils peuvent cacher leur profonde indifférence pour la liberté publique et pour le bonheur des hommes, et leur dévouement secret à tous les abus qui favorisent leur ambition particulière.
Ce sont ces misérables prétentions de la vanité, substituées à la seule ambition permise à des hommes libres, celle de tarir la source des misères humaines en détruisant l'injustice et la tyrannie ; ce sont enfin ces projets de loi qui nous sont offerts en même temps par des commissaires éternels avec une effrayante précipitation et qui, si nous n'y prenons garde, auront rétabli le despotisme et l'aristocratie sous des formes et sous des noms différents, avant que l'opinion publique ait pu les apprécier ni les connaître.
Gardons-nous surtout d'adopter le plus funeste, peut-être de tous, en donnant à la force publique une constitution qui la rendrait passive et nulle pour défendre la nation contre le despotisme ; active, redoutable, irrésistible pour servir le despotisme contre la nation. Ah I restons invio-lablement attachés aux mêmes principes qui nous conviennent ; régénérons les mœurs publiques sans lesquelles il n'est point de liberté ; respectons dans tous les Français indistinctement, les droits et la dignité du citoyen et rendons tous les hommes égaux, sous des lois impartiales, dictées par la justice et par l'humanité. Brisons ces vaines idoles que le charlatanisme et l'intrigue élèvent tour à tour et qui ne laisseront toutes à leurs adorateurs que la honte de les avoir encensées. N'adorons que la patrie et la vertu.
Ne sommes-nous pas ces représentants du peuple français qui lui avons juré solennellement, au Jeu de paume, de nous dévouer pour sa cause ces hérauts du législateur éternel, qui, en affranchissant une nation, par la seule force de la raison, devaient appeler toutes les autres àla libertéI serions-nous descendus à cet excès de faiblesse que l'on pût, en se jouant, nous proposer des fers? Non, nous serons libres; du moins, à quelque prix que ce soit. Je le suis encore ; je jure de l'être toujours; et si les persécutions des tyrans, si les sourdes menées des faux amis de la liberté doivent être le prix d'un attachement immortel à l'objet sacré de notre commune mission, je pourrai attester l'humanité et la patrie que je les ai méritées. (Applaudissements.)
Je propose le décret suivant :
« L'Assemblée nationale reconnaît :
« 1° Que tout homme a le droit d'être armé pour sa défense personnelle et pour celle de ses semblables;
« 2° Que tout citoyen a un droit égal et une égale obligation de défendre sa patrie.
« Elle déclare donc que les gardes nationales qu'elle va organiser ne peuvent être que la nation armée pour défendre, au besoin, ses droits sa liberté et sa sûreté.
« En conséquence elle décrète ce qui suit
« Art. 1er. Tout citoyen, âgé de 18 ans,
pourra se faire inscrire en cette qualité dans le registre de la commune
où il est domicilié. . « Art. 2. Aussi longtemps que la nation
entretiendra des troupes de ligne, aucune partie des gardes nationales
ne pourra être commandée par les chefs ni par les officiers de ces
troupes.
« Art. 3. Les troupes de ligne resteront destinées à combattre les ennemis du dehors; elles ne pourront jamais être employées contre les citoyens.
« Art. 4. Le3 gardes nationales seules seront employées soit pour défendre la liberté attaquée soit pour rétablir la tranquillité publique troublée au dedans.
« Art. 5. Elles ne pourront agir qu'à la réquisition du Corps législatif ou des officiers civils nommés par le peuple..
« Art. 6. Les officiers des gardes nationales
« Art. 7. La durée de leurs fonctions n'excédera pas 6 mois.
c Art. 8. Ils ne pourront être réélus qu'après un intervalle de 6 mois.
« Art. 9. 11 n'y aura point de commandant général de district; mais les commandants des sections qui formeront le district en exerceront les fonctions à tour de rôle.
« Art. 10. Il en sera de même pour les réunions de département dans le cas où elles auraient lieu; ceux qui feront les fonctions de commandant de district commanderont le département à tour de rôle.
« Art. 11. Les officiers des gardes nationales ne porteront aucune marque instinctive hors de l'exercice de leurs fonctions.
« Art. 12. Les gardes nationales seront armées aux dépens de l'Etat.
« Art. 13. Les gardes nationales qui s'éloigneront de 3 lieues de leurs foyers, ou qui emploieront plusieurs journées au service de l'Etat, seront indemnisées par le Trésor national.
« Art. 14. Les gardes nationales s'exerceront à certains jours de dimanche et de fêtes qui seront indiqués par chaque commune.
« Art. 15. Elles se rassembleront tous les ans le 14 juillet dans chaque district pour célébrer, par des fêtes patriotiques, l'heureuse époque de la Révolution.
« Art. 16. Elles porteront sur leur poitrine ces mots gravés : Le peuple français; au-dessous : Liberté, Egalité, Fraternité! Les mêmes mots seront inscrits sur leurs drapeaux, qui porteront les trois couleurs de la nation.
« Art. 17. La maréchaussée sera suppprimée. Il sera établi, dans chaque chef-lieu de district, une compagnie de garde3 nationales soldée qui en remplira les fonctions, suivant les lois qui seront faites sur la police et dans laquelle les cavaliers de la maréchaussée actuellement existants seront incorporés. »
Telles sont les principales dispositions d'une organisation de gardes nationales adaptée à une Constitution libre.
Mais, dans le moment actuel, le salut de l'Etat exige que vous preniez sur-le-champ des mesures provisoires; je vais proposer celles qui me paraissent indispensables.
Elles se rapportent, en partie, aux obstacles que nous avons déjà éprouvés à cet égard et que nous devons toujours prévoir, car il y aurait trop de stupidité à se reposer de la défense de la liberté sur le même parti qui la met en péril et qui l'a attaquée plusieurs fois ouvertement;il n'y en aurait pas moins à croire que l'esprit des cours change si facilement. Une confiance si puérile, loin de convenir à des législateurs environnés de tant de pièges et dépositaires des destinées delà nation, ne serait pas même pardonnable dans un particulier qui n'aurait à défendre que des intérêts privés. Ces mesures seront de deux espèces.
La première consistera à prendre les seuls moyens qui nous restent d'obtenir afin que les gardes nationales soient pourvues d'armes et de munitions, et l'Empire français mis en état de défense 4
La seconde, que je regarde comme la plus prompte, comme celle qui est le plus en notre pouvoir et propre à suppléer, en grande partie, a la première, est d'avertir la nation du danger qui la menace ; car si le grand art des conspirateurs est de plonger les peuples dans une trompeuse sécurité, le premier devoir de ceux qui sont chargés de veiller sur leur salut est de réveiller leur prudence et leur courage.
L'homme le plus courageux est vaincu dès qu'il est surpris; mais celui qui veut être libre, à quelque prix que ce soit, trouve des ressources inconnues, dès qu'il a pu prévoir les attaques de la tyrannie.
C est dans cet esprit que je propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète :
« Art. 1er. Que, aussitôt après la
publication du présent décret, les municipalités des lieux où se
trouvent les arsenaux de la nation s'y transporteront pour constater la
véritable quantité d'armes qu'ils renferment.
« Art. 2. Que toutes ces armes seront distribuées aussitôt aux gardes nationales qui en manquent, à commencer par celles des départements des frontières.
« Art. 3. Il leur sera distribué de même la quantité de poudre et de balles dont elles auront besoin.
« Art. 4. Pour assurer l'exécution des précédents articles, le ministre de la guerre sera tenu de justifier incessamment à l'Assemblée nationale de la distribution et de l'emploi qu'il en aura faits.
« Art. 5. Il sera tenu pareillement de rendre compte dans 3 jours, à compter du présent décret, des mesures qui ont été prises jusqu'ici pour l'exécution du décret de l'Assemblée, qui ordonne la distribution de 150,000 fusils.
« Art. 6. Indépendamment de cette distribution, on continuera de fabriquer de nouvelles armes avec la plus grande activité, dans toutes les fabriques de la France, lesquelles seront aussi distribuées.
« Art. 7. Le ministre de la guerre sera tenu de rendre compte, de huitaine en huitaine, à l'Assemblée nationale de l'état de ces travaux et de ces distributions.
« Art. 8. Les gardes nationales sont invitées à adresser à l'Assemblée toutes les réclamations qu'elles pourraient avoir à former relativement à l'exécution de ces mesures.
« Art. 9. L'Assemblée nationale nommera un comité de 4 personnes spécialement chargé de surveiller cette exécution, et de lui faire le rapport de toutes les réclamations.
« Art. 10. L'Assemblée nationale invite tous les citoyens à lui dénoncer tous les transports frauduleux d'armes qui auraient pu être diverties des arsenaux publics.
« Art. 11. Elle défend toute exportation d'armes de France dans les pays étrangers, sous peine, par les contrevenants, d'être poursuivis comme criminels de lèse-nation (1).
« Art. 12. Elle décrète que les gardes nationales qui ont été dissoutes
en tout ou en partie (2), no-
« Art. 13. Elle ordonne que son comité diplomatique lui rendra compte enfin, dans 3 jours, de ce qu'il a fait pour remplir la mission dont elle l'a chargé et qu'il lui communiquera toutes les connaissances qu'il a dû acquérir sur les dispositions et la situation des puissances étrangères à notre ésard.
« Art. 14. Elle ordonne que le ministre des affaires étrangères lui rendra, dans le même délai, le même compte, pour ce qui le concerne, et remettra sous ses yeux sa correspondance avec les cours étrangères et avec nos ministres dans ces cours.
« Art. 15. Que le rapport soit du comité diplomatique, soit du ministre, sera livré aussitôt à l'impression pour être soumis à l'examen des membres de l'Assemblée et à l'opinion publique, et qu'il sera discuté, trois jours après, dans l'Assemblée.
« Art. 16. Que les ambassadeurs et envoyés de France dans les cours étrangères seront rappelés, pour être remplacés s'il y a lieu, par de nouveaux agents du choix de la nation.
« Art. 17. Les régiments allemands que l'on a rassemblés sur nos frontières seront retirés et remplacés par des régiments français, notamment par ceux qui, dans la Révolution, ont eu occasion de signaler par des faits particuliers le patriotisme qui a distingué tous les soldats français.
« Art. 18. Tous les soldats qui, depuis le 14 juillet, ont été congédiés avec des cartouches jaunes, ou par des ordres arbitraires, seront rassemblés et il en sera formé de nouveaux régiments, afin qu'ils jouissent de l'honneur de défendre la pa-tri e pour laquelle ils ont été dignes de souffrir.
« L'Assemblée nationale avertit toutes les municipalités, tous les corps administratifs, tous les citoyens, de veiller au salut de la patrie et de se préparer à s'unir pour défendre au besoin la liberté qu'ils ont conquise. »
Pour le moment je résume ce que j'ai dit aux principes fondamentaux que j'ai posés. Je ne veux point tirer les conséquences particulières qui sortent d'elles-mêmes de ces principes et qui pourront être déduites dans la discussion de l'organisation des gardes nationales; mais ie propose d'abord à l'Assemblée de délibérer sur le point capital et essentiel.
Ce principe est celui-ci que je propose de mettre en discussion ou même de décider sur-le-cbamp : c'est que tout citoyen domicilié a le droit d'être inscrit dans la garde nationale en vertu du principe qui assure à tous les hommes, à tous les citoyens le droit d'être armés pour leur défense personnelle. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Il est temps de détruire enfin un préjugé trop longtemps prôné par des orateurs qui adoptent des principes très purs sans doute, mais peut-être très dangereux par l'application qu'on leur donne.
Le comité propose d'exclure de la garde nationale les citoyens inactifs, et le comité sait fort bien, ainsi que l'Assemblée, ce que le peuple ne sait pas : c'est qu'il n'existe pas d'autres citoyens non actifs dans le royaume que les mendiants, que les vagabonds, que les hommes sur lesquels la société est sans cesse obligée de veiller. Car tout citoyen, ayant un genre quelconque d'industrie ou un endroit pour se mettre à couvert, acquitte toujours 30 ou 40 francs d'imposition. Il n'est pas un homme, si on excepte cette classe, qui ne paye la valeur de trois journées de travail, surtout à présent que la destruction des impôts indirects a fait monter à 300 millions l'imposition directe, dont chaque citoyen payera sa portion, excepté ceux que vous devez surveiller sans cesse.
Ce ne sont donc pas ceux-là que vous devez armer contre les citoyens. Il faut les protéger, il faut les ramener aux principes, il faut corriger leurs mœurs en les engageant à devenir citoyens actifs. Il faut leur inspirer l'amour du travail, mais certainement il ne faut pas leur donner le moyen de détrousser les passants ni même de fouiller dans les poches des gardes nationales. (Applaudisse-ment s.)
Vous avez décidé que tous les citoyens actifs seraient tenus de s'inscrire sur les registres des gardes nationales. Cette obligation n'est pas un titre d'exclusion pour les citoyens non actifs. Votre intention n'est pas d'établir une ligne de démarcation qui serait on nepeut plus funeste. Vous n'avez pas décidé que les citoyens que vous avez qualifiés d'inactifs ne pourraient pas, s'ils le voulaieut, se faire inscrire sur les registres, ce qui est bien différent.
En effet ce service personnel que l'on payera pour se faire représenter, ce service est un honneur; mais, en même temps, on ne peut se dissimuler qu'il est aussi! une charge; alors il a été de votre justice de ne pas imposer une charge onéreuse aux citoyens qui n'étaient pas assez fortunés pour la supporter; et voilà pourquoi vous ne leur avez imposé aucune obligation pour se faire inscrire.
Mais si le citoyen à qui vous n'avez pas imposé cette charge veut, par patriotisme, porter les armes, s'il veut s'assujettir au service, vous n'avez plus le droit de déclarer s'il peut ou non supporter la charge, aussitôt qu'il vous déclare qu'il veut la supporter.
La défense n'est pas seulement un droit constitutionnel ; la défense est un droit naturel, un droit imprescriptible dont vous ne pouvez priver aucune espèce de citoyens. Chacune tient de la nature le droit de veiller à sa défense; et si vous ajoutez une force artificielle à celle que vous avez reçue de la nature, vous ne pouvez jamais en priver une portion de citoyens.
Je vais plus loin, Messieurs. Ces citoyens que l'on vous représente comme dangereux sont ceux qui ont le plus contribué à la Révolution. S'il est une manière de les conserver dans cet ordre désirable, c'est au contraire de les faire inscrire : car vous ne pouvez jamais enlever à ces citoyens le port d'armes.
Je demande donc. Messieurs, que cette grande question soit approfondie et ne soit pas décidée avec légèreté; et je conclus, comme M. de Robespierre, à ce que tous les citoyens domiciliés aient le droit de se faire enregistrer s'ils le jugent à propos.
rapporteur. Je vais répondre aux objections qui ont été faites et
justifier le comité; mais sans combattre ce qui vous a été dit, sans
entrer dans les détails où l'on a amené la discussion, je demande
maintenant à développer les vues générales qui ont déterminé les comités
militaire et de Constitution à vous présenter le plan d'organisation qui
vous a été soumis; cela pourra ramener à la discussion générale qui
avait d'abord été ouverte, et dans la-
Je prétends que la discussion est ouverte sur laquestion qu'onttraitée lespréopiDants.
rapporteur. Je crois qu'il est très important d'entendre maintenant les vues générales de vos comités.
Plusieurs membres : Parlez! parlez!
rapporteur. J'ai demandé la parole pour exposer des vues énérales qui pourront éclairer la discussion, os comités s'acquittent avec plaisir du devoir de justifier le plan de décret qu'ils vous ont présenté pour l'organisation des gardes nationales. Les principes qui les ont guidés étaient déjà consignés dans un rapport général qui vous avait été fait sur l'organisation de la force publique; ils étaient dictés par vos décrets constitutionnels dont leurs articles ne sont que le développement, et des yeux exercés ont dû les découvrir dans ces articles mêmes et dans la liaison de toutes les parties du décret : car, pour des législateurs habitués depuis deux ans à saisir dans le simple énoncé de la loi le principe qui l'a dictée, la lecture du projet de décret a dû offrir dans ses résultats les motifs qui nous avaient inspirés. Cependant il a été attaqué, et ce qu'il est important de remarquer, c'est qu'on lui a reproché deux défauts absolument contraires; qu'il était trop militaire et qu'il ne l'était pas assez.
Un des opinants, ce fut le premier qui parla hier, effrayé de cette puissante armée de ligne que vous avez mise dans la main du pouvoir exécutif, et prévoyant avec raison, je le dis avec lui, que cette force pourrait être un jour dangereuse à la liberté, n'a pas trouvé d'autre moyen que de lui opposer la force même de la nation, de mettre en équilibre, armée contre armée, de donner l'armée nationale à mouvoir au Corps législatif, ce qui nous présenterait le spectacle effrayant des deux pouvoirs rivaux se mesurant toujours l'un l'autre et toujours prêts à se livrer le eombat.
Aux yeux de l'opinant, les comités avaient sacrifié la nation, ils la désarmaient, et la livraient pieds et poings liés à l'armée du pouvoir exécutif. Il n'avait pas observé que l'armée de 150,000 hommes, que vous avez décrétée, et les 100, 000 auxiliaires que vous y avez joints, ne sont pas une disposition constitutionnelle, mais une mesure que les circonstances vous ont dictée ; que chaque législature a le pouvoir d'augmenter ou de dimineur le nombre des défenseurs de l'Etat, et d'en régler la solde, que surtout il n'est jamais permis de sacrifier les principes; que c'est un principe constitutionnel que la nation considérée sous le nom de garde nationale, n'est pas un corps militaire, et qu'il y a d'autres remèdes au nombre ou au pouvoir de l'armée de ligue, que celui de créer la nation en corps d'armée, pour tenir les soldats en échec. Cet opinant trouvait donc que notre garde nationale n'était pas assez militaire.
Elle l'était trop au gré d'un autre opinant, dont tout le système se réduit en dernière analyse à donner des armes à tous ies citoyens, mais à ne pas les organiser, ce qui n'est pas un système, mais la simple énouciation de cette proposition : -que tous les citoyens aient des armes pour en faire usage quand ils en seront requis. Ce n'est pas là l'organisation que vous nous avez demandée. Il paraît que l'opinant n'a pas prévu le cas où l'Etat serait exposé à des incursions étrangères, et où des citoyens sans organisation seraient absolument hors d'état de le défendre, surtout, si comme il le souhaite avec raison, et comme je le pense avec lui, l'armée de ligne était diminuée.
Qu'il soit permis à vos comités de voua faire ici observer leur situation, et par conséquent la vôtre, entre deux écueils qu'ils devaient éviter soigneusement. Gréer la nation en corps d'armée, était la plus dangereuse monstruosité qu'il fût possible d'imaginer.
Vos comités justement alarmés des idées guer rièresqui tout à coup semblaient s'être emparées de la nation; du goût pour ces décorations militaires, reste de notre ancienne servitude, de cet espoir d'avancement qui animait tant d'esprits, de la jalousie des grades et des distinctions, de cette rivalité qui s'établissait entre ce qu'on appelait l'armée nationale et l'armée de ligne, entretenue par les préjugés de celle-ci : vos comités n'épargnèrent rien pour détruire ces dangereuses semences de dissensions desquelles devait naître la destruction de notre liberté naissante. Leur rapporteur s'exprima avec force à ce sujet, il y a plus de cinq mois, il posa les souverains principes à cet égard, et c'est sur la proposition de votre comité de Constitution que vous avez décrété au mois de décembre dernier, que la nation armée pour sa défense ne formait point un corps militaire. Il espéra que les progrès même de la liberté dissiperaient ces préjugés d'une nation de tout temps belliqueuse, et qu'enfin ce moment viendrait où nos citoyens ne se croiraient pas avilis, parce que vous n'en feriez pas des soldats. Dans cet espoir, il s'est refusé longtemps à l'empressement de ceux qui le pressaient de vous rapporter ce travail. Il pensait, et il pense encore, que ce devait être le dernier de vos travaux.
L'autre écueil qu'il devait éviter, c'étaitde ne pas décourager cette multitude de braves citoyens, ces conquérants de la liberté qui savaient qu'elle avait besoin encore de défenseurs, qui la voyaient toujours menacée, et qui, revêtus d'un uniforme guerrier, semblaient redouter les mépris de votre armée de ligne.
Ne nions pas cette faiblesse. Ne craignons pas de dire la vérité; cette
susceptibilité n'était pas sans fondement. L'esprit militaire est, de sa
nature, méprisant; l'orgueil des titres, supériorité chère aux âmes
faibles et qui n'en ont pas d'autre, ajouta ce penchant au dédain. Les
gardes nationales étaient les instruments de la Révolution; une foule
d'officiers de ligne s'en déclarèrent hautement les ennemis; 1 ur mépris
aurait été d'autant plus dur pour les citoyens, qu'il aurait été
fortifié de la haine, et fondé sur des opinions que la nation entière
réprouvait. Ces dispositions changeront sans doute ; sans doute les
officiers de l'armée se soumettront à la toute-puissance de la nation,
leur souverain; ils retourneront à Ja patrie qui leur tend les bras, ou
bien votre lente, mais juste sévérité se déploiera contre eux. Mais
enfin, dans ces moments dont le terme n'est pas encore venu, il y avait
quelque danger à laisser craindre aux citoyens qui servaient la patrie
en qualité de gardts nationales, qu'ils ne fussent sacrifiés à l'armée
de ligne, comme on vous l'a dit dans celte tribune ; qu'ils ne se
crussent désarmés, dégradés; et que jugeant, ainsi qu'on n'a cessé de
nous en accuser pendant 6 mois, que nous voulions les livrer aux instru-
Je vous ai déjà démontré que nous n'avions fait que développer ces principes mêmes, décrétés par vous. Mais puisque mon discours a pour objet aussi de répondre aux inculpations qui ont été faites à vos comités de n'avoir pas même soupçonné les bases sur lesquelles devait être fondée l'organisation que vous leur avez demandée, je vais prouver, en peu de mots, que les principes posés par l'opinant, que je réfute, font précisément les bases de notre projet de décret; en sorte que s'il les y a vues, il a pu les en tirer; s'il ne 1 js a pas vues, nous allons les lui montrer. Je parcours rapidement les principes que le préopinant vous a présentés.
« Le prince, ni aucune personne sur laquelle le firince a une influence spéciale, ne doit nommer es chefs ni les officiers des gardes nationales. » Tel est le principe posé par M. Robespierre. Dans notre projet, ils sont nommés par leurs concitoyens ; nous avons donc connu ce principe.
« Les chefs et les officiers des troupes de ligne ne peuvent être chefs ni officiers des gardes nationales. » Ce principe fait Je 25e article de notre seconde section.
« Le prince ne doit ni avancer, ni récompenser, ni punir les gardes nationales. » Nous ne proposons pas la moindre disposition qui choque le moins du monde ce principe.
II faut empêcher, dit M. Robespierre, que les gardes nationales ne forment un corps et qu'elles n'adoptent un esprit particulier. » Ce principe se trouve dans le texte de nos décrets : « que les chefs ne portent pas habituellement des marques distinctives ». Nous le proposons actuellement. Il est vrai que nous laissons aux gardes nationales le soin de se fournir d'armes, parce que cette munificence est actuellement impossible; il n'y a dans les arsenaux que 195,000 fusils; les fabriques n'en donnent que 38,000 au plus par an. Pour armer 2 millions de citoyens, il faudrait plusieurs années et 30 millions d'avance.
Telles sont les principales bases que le préopinant a accusé les comités de n'avoir pas soupçonnées, et que cependant ils ont posées presque dans les mêmes termes. Je suis loin de me plaindre de cette lutte. Elle entretient le mouvement, premier élément d'une assemblée d'hommes libres. On a donc fait aux comités deux reproches contraires : 1° qu'il humiliait les citoyens en les soumettant à l'armée; 2° qu'il donnait un orgueil dangereux aux citoyens en en faisant une armée. Il est facile de prouver qu'il n'a fait ni l'un ni l'autre. Entre ces deux ecueils qu'il fallait éviter, le comité devait s'arrêter à résoudre ce problème : « organiser les gardes nationales, de manière qu'elles ne pussent pas faire un corps militaire, et que cependant elles pussent en faire le service au moment où l'Etat en aura besoin. »
Nous vous avons parlé hier, Messieurs, de la réquisition permanente prononcée par le Corps législatif, et qui ne peut être levée que par lui. Cette réquisition permanente subsiste encore, vous seuls pouvez la lever. Vous la lèverez quand l'appareil des armes ne sera plus nécessaire; mais en attendant nous vous proposerons, quand il sera temps, un décret provisoire, d'après lequel les citoyens, faisant actuellement le service de gardes nationales, se considéreront comme étant dans le royaume en état de réquisition permanente jusqu'à ce que la Constitution étant établie et le nouvel ordre de choses s'exécutant sans obstacle, le Corps législatif indique l'époque où cet état de réquisition permanente doit cesser.
Il nous paraît nécessaire que vous acceptiez ce décret : car, Messieurs, le péril pour la liberté existe encore; la Constitution n'est pas achevée; l'ordre nouveau n'est pas établi. Je vous invite donc à adopter ce décret. Vos travaux prochains en seront plus tranquilles; et les citoyens seront avertis qu ils ne doivent pas cesser de fournir le service actif qu'ils font aujourd'hui.
D'après ces réflexions, Messieurs, je ne vois point de difficulté à vider d'abord la question de l'activité ou de la non-activité des citoyens, sur laquelle je vous ai déjà présenté nos idées.
Je demande à répondre au préopinant, et j'avoue que si je ne l'ai pas interrompu, c'est par mon respect pour les opinions individuelles. Il n'est rien de plus dangereux que le principe qu'il vient d'avancer. Il a dit qu'il fallait que la nation entière tint l'armée en échec. (Murmures prolongés.).
rapporteur. Je n'ai point dit cela; j'ai combattu au contraire cette proposition qui faisait la base du système de ceux qui voulaient donner à la garde nationale une organisation toute militaire.
Plusieurs membres : C'est vrai ! c'est vrai !
On m'avertit que j'ai erré et que la proposition que je viens d'élever a été réfutée. Je passe outre.
Je pense avec MM. Robespierre et Pétion que toutcitoyen domiciliés doit faire le service degarde nationale afin de ne pas faire deux classes dans L'Etat, et je prie l'Assemblée entière de remarquer que, si on privait les citoyens domiciliés de faire le service dans la garde nationale, il en résulterait les plus grands dangers. Qm'on veuille bien se rappeler que les révolutions, qui se sont opérées en Hollande en faveur du despotisme, ne sont survenues que parce que les despotes ont su s'emparer de cette classe que l'on avait impo-litiquement rejetée du sein de la nation. (Applaudissements.).
Il n'est pas étonnant que quand on propose à l'Assemblée de délibérer sur 100 articles sans avoir posé un principe, elle soit extrêmement embarrassée. Chacun réclame la priorité pour un principe : tout le monde en sent la nécessité, et je demande la permission d'observer qu'il faut d'abord le poser.
MM. Robespierre et Pétion, et plusieurs autres membres de l'Assemblée nationale ont pensé avec raison qu'avant de délibérer sur l'organisation des gardes nationales, il fallait définir ce qu'on entendait par garde nationale; car, dans le projet du comité que je suis loin d'attaquer, ce que les préopinants ont attaqué avec raison, dans ce projet où il y a beaucoup de bonnes I choses,c'est qu'on n'y a pas mis assez de méthode.
En effet, on a d'abord commencé par confondre la formation et
l'organisation même. Ces deux mots sont très distincts * l'un appartient
à toute
Il est donc très clair, Messieurs, qu'il faut discuter avec beaucoup de sagesse, avec beaucoup de temps la question de l'organisation des gardes nationales, sans s'embarrasser de la formation qui doit être extrêmement simple.
Il est très certain que l'article 3 de votre comité semble consacrer un gouvernement aristocratique ; il est ainsi conçu : « Ceux qui, sans être citoyens actifs, ont servi depuis l'époque de la Révolution, et qui sont actuellement en état de service habituel, pourront, s'ils en sont jugés dignes, être honorablement maintenus par délibération des conseils généraux des communes dans le droit de continuer leur service. »
Vous avez été embarrassés entre la proposition de n'admettre dans la garde nationale que des citoyens actifs, et le besoin que vous avez d'être justes et de rendre aux hommes, qui ont bien mérité de la patrie, la justice qui leur est due dans ce moment-ci, et que certes vous n'avez point le droit de leur ôter; et, pour vous tirer de cette position, on vous propose de donner aux conseils de communes le droit de prononcer arbitrairement sur les citoyens, de leur attribuer une des fonctions les plus dangereuses de l'ordre judiciaire.
Il suivra de là qu'il y aura aulant de cabales, autant de factions qu'il y aura de conseils de commune. Permettez-moi d'observer que dans une révolution il faut que les lois soient générales et claires, et très certainement je ne connais pas une loi plus arbitraire qu'une loi qui dit : « Ceux qui en seront jugés dignes par les conseils généraux des communes. » Ainsi des conseils généraux de communes, organisés sous une mauvaise influence, sous l'influence des aristocrates, ne jugeront dignes d'être dans la garde nationale que les aristocrates. (Rires à droite.)
Vous voulez ramener la tranquillité publique : Eh bien! Messieurs, cet article-là suffit pour la troubler dans toutes les parties du royaume. Il faut que la tranquillité soit établie par la loi, il faut que la loi soit générale. Si vous établissez qu'il n'y a que les citoyens actifs qui seront dans la garde nationale, il faut que vous en chassiez tous les citoyens courageux qui ont exposé leur vie pour la patrie sous les murs de la Bastille, et partout où le danger existait; il faut que vous les y mainteniez, et il faut que la loi le veuille, non par la protection et non par une décision arbitraire de tous les conseils généraux de toutes les villes du royaume.
Dans les réflexions qui ont été faites par tous ceux qui ont parlé sur la matière qui nous occupe, matière extrêmement abstraite et extrêmement simple, ou a avancé d'étranges propositions. Je citerai l'opinion de M. Lanjuinais.
M. Lanjuinais a partout comparé les gardes nationales avec les troupes de ligne, revendiquant toujours entre elles une espèee d'égalité et d'équilibre. Mais maintenant que, pour le bonheur des hommes, la profe sion militaire n'est plus comme autrefois la plus honorable profession,le premier des états; maintenant que l'état civil est au-dessus de l'état militaire, M. Lanjuinais, lorsqu'il réclamait cette égalité, ne réfléchissait pas que les troupes de ligne sont à la solde des gardes nationales (Murmures à droite.) ; que ces derniers sont la souveraineté nationale. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes; Rires à droite.)
Il ne peut y avoir rien de commun entre une garde nationale et un soldat des troupes de ligne ; que ce qu'a dit Montesquieu...
Plusieurs membres à droite : Ah ! ah !
« Dans les gouvernements libres, a-t-il dit, les citoyens doivent être égaux. » Prenez garde dans l'organisation de la garde nationale, de perdre de vue ce principe. Si votre organisation des gardes nationales met un individu dans la position qu'il puisse se faire craindre par un autre individu, votre organisation des gardes nationales tuera votre Constitution.
Il y a une chose que le comité a oublié dans son rapport, c'est que l'officier de la garde nationale ne sera le supérieur de ses soldats que dans le temps du service. Autrement un homme, à la faveur d'une épaulette ou d'un hausse-col, détruirait l'égalité politique, et serait au-dessus des autres citoyens.
Il faut, Messieurs, que le service de la garde nationale soit très distinct du service des troupes de ligne ; il faut que, quand une municipalité requiert un détachement, ce détachement soit subordonné à son capitaine; hors du service, la marque extérieure de supériorité se met dans la poche, et l'égalité renaît. (Applaudissements.)
Permettez-moi de parler au nom de cette égalité politique qui est la base de votre Constitution et de citer encore Montesquieu : « Dans un gouvernement despotique, dit-il, tous les hommes sont égaux parce qu'ils ne sont rien. Dans un gouvernement libre, tous les hommes sont égaux, parce qu'ils sont tout. » Et c'est parce que cette égalité politique est nécessaire au maintien du gouvernement que les despotes même l'ont consacrée. Les tyrans de la Turquie ne finissent par envoyer des muets à ceux qu'ils ont le plus comblé de leurs faveurs, qu'afin de ramener le peuple à cette égalité nécessaire ; etc'estcomme cela que les despotes maintiennent l'égalité politique (Applaudissements) ; mais, chez un peuple libre, cette égalité doit avoir la loi pour unique base. L'égalité est donc la consolation des esclaves et la force des hommes libres. Si l'Assemblée contrevenait à ces principes, elle détruirait la liberté.
(La discussion générale est fermée.)
rapporteur. Voici le premier article de notre projet de décret :
Art. 1er.
« Les citoyens actifs s'inscriront, pour le service de la garde nationale, sur des registres qui seront ouverts à cet effet dans les municipalités de leur domicile, ou de leur résidence continuée depuis un an; ils seront ensuite distribués par compagnies, comme il sera dit au titre suivant. »
Je ne sais pas pourquoi M. le rapporteur n'adopte pas l'article présenté
par les préopinants. Ne faites pas entre le citoyen actif et le citoyen
passif de distinction dangereuse. Si par de bonnes raisons vous avez
voulu que cette dernière classe ne participât point à la souveraineté,
vous devez aujourdnui les rattacher à l'or-
Je dis même que, si vous ne leur donnez pas cette faculté, ces hommes-là peuvent être à la disposition de ceux qui voudront prendre le soin de les tromper ou de les séduire. On ne tient à la chose publique qu'autant qu'on y concourt par soi-même ou par ses représentants. Vous avez distingué les droits politiques; je ne prétends pas attaquer ce décret, mais il s'agit ici d'examiner si vous devez donner un intérêt à maintenir le bon ordre à ceux qui n'ont pas ces droits politiques, et ce n'est qu'en leur laissant la faculté d'être garde nationale que vous pouvez les attacher, et les lier, pour ainsi dire, à l'action du gouvernement. Ce n'est qu'en les incorporant à l'intérêt public que vous pouvez les contenir. Je demande qu'on mette aux voix cette rédaction.
« Les citoyens domiciliés depuis un an, pourront, pour le service de la garde nationale, se faire inscrire sur les registres qui seront ouverts à cet effet dans la municipalité de leur résidence. »
La question bien sentie n'en serait plus une, puisque M. Dubois-Crancé vous a prouvé qu'il n'était pointde citoyen domicilié qui nepayât 30 à 40 sous d'imposition. Je demande donc que l'Assemblée nationale décrète que les citoyens domiciliés et leurs fils âgés de 18 ans pourront être inscrits sur la liste des gardes nationales.
L'ajournement à demain...
Plusieurs membres : Non I non !
Aimez-vous mieux la question préalable?
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Je vais l'établir.
Si vous voulez que la législature suivante ne change pas votre Constitution, il ne faut pas que vous commenciez par l'altérer vous-mêmes. Vous avez décrété que, pour être citoyen actif, il faudrait payer une contribution. On a beaucoup facilité les moyens de devenir citoyen actif ; et même ce qu'a dit M. Dubois-Grance prouve combien l'article proposé par M. Robespierre serait dangereux, puisque, s'il est vrai que, par l'état futur des choses, presque tous les citoyens domiciliés seront citoyens actifs, il est très vrai que vous n'admettriez, dans l'hypothèse de M. Robespierre, parmi les gardes nationales, que ceux qui n'auraient absolument rien.
Je prétends que le domicile seul n'est pas une qualité suffisante quand on ne paye pas une contribution quelconque; et pourquoi? Par deux raisons très simples : la première c'est que les mendiants sont domiciliés ; car il faut bien distinguer les vagabonds des mendiants; il faudrait donc l'aire une enquête sur tous les domiciliés pour savoir s'ils sont ou ne sont pas mendiants.
Mais il y a une autre raison. Je suppose que tous les citoyens soient admis également à exercer les fonctions de gardes nationales. Lorsqu'ils prévariqueront, comment punirez-vous les fautes, les délits du citoyen non actif? En le mettant en prison ? Mais s'il est citoyen actif, vous n'avez prise sur lui que par des peines corporelles; or cela estabsolumentimpossible.il fautque touthomme exerçant les droits de citoyen puisse partager les charges de la société. C'est ce qui me fait demander la question préalable sur la proposition de M. Robespierre. Rappelez-vous vos décrets du 12 juin et du 6 décembre, et vous verrez que vous avez très implicitement déclaré qu'il n'y avait que les citoyens actifs qui puissent être inscrits sur la liste des "gardes nationales, qui puissent être membres du corps politique.
On a dit que ce serait faire deux classes de la nation, que ce serait introduire des distinctions. Mais n'en serait-ce pas une bien plus injurieuse, qui existerait dans le cas proposé par les partisans du système que je combats, de voir un garde national se retirer dans la section pour délibérer, et l'autre à qui l'entrée en serait interdite? Si vous voulez détruire la qualité de citoyen actif, dites-le franchement.
Voix diverses : Non! non! Aux voix! aux voix!
On me dit que c'est sous le rapport politique seulement. Mais les gardes nationales ne sont-elles pas politiquement instituées? Vous devez suivre les bases que vous avez posées, et ne pas détruire en un instant ce que vous avez eu tant de peine à élever. Conservez donc vos décrets constitutionnels et décrétez-en aujourd'hui les conséquences. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix ! fermez la discussion !
Je demande à relever une erreur i nconstitutionnelle.
Je demande que la discussion soit fermée.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Mon principe...
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
G'est une motion incidente. La question de savoir...
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
Messieurs, j'ai l'honneur de vous prévenir que je ne me laisserai faire la loi par aucun individu et que l'Assemblée seule me fera la loi. (Applaudissements.) « Je vous répète que la motion est faite de fermer la discussion et je la mets aux voix.
(L'Assemblée ferme Ja discussion et écarte, par la question préalable, la proposition d'admettre sur la liste des gardes nationales tous les citoyens domiciliés.)
Je propose un amendement à l'article 1er. Dès les premières idées développées par M. d'André, il semblait penser que la question pouvait être présentée sous d'autres points de vue et j'ai vu le moment où il se bornait à demander l'ajournement. Lorsque vous allez prononcer sur une question aussi importante...
Plusieurs membres : Votre amendement!
Monsieur, vous avez la parole pour un amendement nouveau. Je vous rappelle à l'ordre et à l'amendement.
La proposition que je vais
Plusieurs membres : Votre amendement!
Je vous rappelle à l'ordre, Monsieur Robespierre, et je vous prie de vous retrancher dans l'amendement.
Je me retranche dans l'amendement; mais il faudrait un décret de l'Assemblée pour m'interdire les moyens de le justifier, je veux proposer une mesure et non pas entrer dans le fond de la question.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Toutes violences qui tendraient à étouffer ma voix seraient évidemment destructives de toute liberté. (Murmures dans l'Assemblée; applaudissements dans les tribunes.)
Silence aux tribunes!
Je veux proposer une mesure qui prévienne le danger. Lorsqu'une question a été présentée sous un rapport...
Un membre : Ce n'est pas là un amendement.
Je demande une mesure qui empêche que de telles questions soient décidées sous des formes dangereuses et par le jeu de l'intrigue. (Murmures.)
Un membre : Il n'y a de l'intrigue que chez vous; l'Assemblée entière n'intrigue pas.
M. Robespierre se moque-t-il?
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix!
(L'Assemblée, consultée, décrète l'article 1er des comités de Constitution et militaire.)
lève la séance à trois heures trois quarts.
présidence de m. chabroud.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes :
Adresse du directoire du département de la Charente, qui dénonce à l'Assemblée des manœuvres coupables et des écrits incendiaires de M.Pierre-Louis La Rochefoucauld, ci-devant évêque de Saintes, et membre de l'Assemblée nationale,
(Cette adresse est renvoyée aux comités des recherches, ecclésiastique et des rapports.)
Adresse de la société des amis de la Constitution
Adresse de la société des amis de la Constitution de Beauvais, qui dénonce à l'Assemblée un imprimé qui porte pour titre : ordonnance de M. l'é-vèque de Beauvais, au sujet de Vélection faite de M. Massieu, curé de Cergy, par MM. les électeurs du département de l'Oise, en qualité d'évêque du département.
(Gel écrit est renvoyé aux comités des recherches, ecclésiastique et des rapports.)
Adresse de M. Thalet, professeur de mathématiques des élèves de la marine militaire, et directeur des études de l'école de Vannes, département du Morbihan, qui, ayant déjà fait hommage à l'Assemblée nationale d'un plan d'éducation, lui adresse un supplément à cet ouvrage.
(L'Assemblée ordonne le dépôt de ce travail dans ses archives.)
Lettre des maire et officiers municipaux de Saint-Flour, département du Cantal, annonçant l'envoi de plusieurs procès-ver baux relatifs à l'élection de l'évêque du département et d'un membre du tribunal de cassation, et au refus, fait par 5 électeurs, de voter pour le choixde l'évêque ; ils supplient l'Assemblée de prononcer une peine contre ceux qui, sans cause d'une absence légitime, et au mépris du mandat de leurs commettants, négligent de voter dans l'assemblée électorale.
Adresse du directoire du département de la Côte-d'Or, qui annonce que les gardes nationales de ce département, alarmés des bruits qui couraient que des armées ennemies menaçaient notre patrie, se sont empressés de venir au directoire pour offrir leurs services, et renouveler leur serment de verser jusqu'à la dernière goutte de leur sang, pour la défense de la Constitution.
Adresse du département de la Loire-Inférieure. relative à l'inauguration du pavillon national dans la ville de Nantes.
Adresse du juge de paix du canton de Quimper, qui annonce que, depuis le premier décembre qu'il est en activité, il a terminé plus de 200 affaires, et que le bureau de conciliation n'a encore donné qu'un certilicatde non-comparution, et un de non-conciliation.
Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Carcassonne, qui demande la formation d'un camp civique auprès de Paris, composé de 40,000 gardes nationaux fournis par chaque département, et libremeut choisis par leurs frères d'armes.
Adresse de la municipalité de Marseille, qui supplie instamment l'Assemblée de vouloir bien rappeler les commissaires civils, ou de circonscrire leurs pouvoirs.
Adresse des prêtres habitués du ci-devant chapitre Saint-Victor de Marseille. Ils supplient l'Assemblée nationale, dont les intentions ne sont point de livrer aux tourments des besoins les prêtres et serviteurs du chapitre, de vouloir bien s'intéresser à leur sort.
Adresse de la municipalité de Bouconville, ainsi que de la garde nationale. Ils expriment leurs regrete sur la mort de M. de Mirabeau; ils ont fait célébrer en son honneur un service solennel, et, le jour de cette cérémonie, ils ont renouvelé leur serment civique.
Adresse de M. Luce^ curé de Villiers-le-Bel, pour le même objet.
Adresse du directoire du département de l'Indre,
Adresse de la société des amis de la Constitution, formant la seconde section du club de la ville de Bergerac, département de la Dordogne, qui partage le zèle et le patriotisme de ses frères, formant la première section du club de Bergerac. Elle se félicite de voir régner les mêmes sentiments parmi tous ses concitoyens, et assure que les habitants ne doivent la grande tranquillité dont ils ont toujours joui, qu'au bon choix des magistrats destinés à maintenir le bon ordre, à l'activité de la garde nationale, et à l'union des deux sections qui forment le club.
Elle se plaint des expressions peu ménagées sur la plupart des représentants du département de la Dordogne, que la première section du club a employées dans une adresse présentée à l'Assemblée nationale. Elle peint la douleur que lui a fait éprouver la mort de M. de Mirabeau; elle proteste qu'elle a résolu de vivre et de mourir pour la patrie, et de défendre, jusqu'à la dernière goutte de son sang, et la Constitution, et les législateurs qui l'ont donnée à la France.
Un membre demande qu'il soit fait une mention honorable de cette dernière adresse dans le procès-verbal.
(Cette motion est décrétée.)
M. Guillot, huissier ad honores de l'Assemblée nationale, lui fait hommage d'une médaille ; il vous supplie d'autoriser votre président à la présenter au roi, au nom de la patrie.
Voici la description de cette médaille.
Elle est d'or fin, de forme ovale; elle représente d'un côté la France qui reçoit la Constitution des mains de la Sagesse, sous la figure de Minerve armée d'une lance surmontée du bonnet de la liberté.
La France, tenant un flambeau allumé, consume à ses pieds les abus, tels que les lettres de cachet et arrêts bursaux.
Le soleil, dans son levant, annonce la liberté naissante, qui vivifie l'agriculture et le commerce représentés par une charrue et un vaisseau marchand.
Au bas sont gravés ces mots : La France régénérée.
L'autre côté de cette médaille représente l'autel de la Patrie au Champ-de-Mars, sur lequel reposent les Tables de la loi, où sont gravés ces mots : La Loi et le Roi, et deux vases servant à brûler des parfums.
Au bas ces mots : Pacte fédératif le 14 juillet 1790, et au pourtour : du règne de Louis XVI, premier roi citoyen.
(L'Assemblée, consultée, accepte l'hommage et décrète que son Président présentera la médaille au roi.)
secrétaire, donne lecture d'une lettre du procureur général syndic du département de Seine et-Oise à M. le Président de l'Assemblée.
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Le directoire, du département de Seine-et-Oise me charge de vous informer que le départ du régiment d'infanterie, qui était en garnison à Versailles depuis deux ans, y a occasionné une fermentation qui aurait pu avoir des suites fâcheuses sans la fermeté que les corps administratifs et municipaux ont apportée pour maintenir l'obéissance due à la loi, et le courage que la garde nationale, les chasseurs de Lorraine et les invalides ont mis à son exécution. Les corps administratifs et municipaux se sont portés à la tête des compagnies pour en faciliter le départ pt engager la multitude à l'obéissance que la loi lui impose. Plusieurs d'entre eux ont été blessés, ainsi que quelques gardes nationales et chasseurs. Quelques coups de fusil, dirigés sur les corps civils et les troupes, ont provoqué la garde; et quelques coups lâchés par ceux qui se sont sentis attaqués ont blessé quelques-uns des malintentionnés.
« Cependant le départ s'est effectué et, ensuite le même régiment a été reconduit par le corps administratif et la garde nationale jusqu'au delà des limites de la ville de Versailles, et la séparation s'est faite avec les témoignages non équivoques de fraternité. Dans ce moment, les précautions que la municipalité a prises font espérer que le calme ne tardera pas à ^naître. Le directoire adressera incessamment à l'Assemblée nationale le détail de ces événements; et en attendant il m'a expressément chargé de vous présenter les détails pour calmer les inquiétudes de l'Assemblée.
« Nous sommes, etc...
Signé : Le Procureur général syndic. »
secrétaire. Voici maintenant une adresse des ouvriers des travaux publics du district de Saint-Eustache.
« Messieurs, les ouvriers des travaux publics du district de Saint-Eustache viennent se plaindre à l'Assemblée nationale de ce qu'ils sont dénoncés dans différents papiers publics comme des brigands ; ils nous qualifient ainsi sans jamais en motiver les preuves. Elles existent dans leur seule imagination. Pourquoi nous prêtent-ils de nouvelles idées? Est-ce parce que nous sommes pauvres? Est-ce parce que nous sommes couverts de haillons?... »>
Plusieurs membres : Non ! non!
C'est la voix du pauvre, il la faut entendre. (Applaudissements.)
secrétaire continuant la lecture :
«.....L'Assemblée nationale doit être instruite
que, lorsqu'il ee trouve dans nos ateliers quelques mauvais sujets, ils sont aussitôt congédiés. Messieurs les administrateurs des travaux publics nous en savent bon gré. Ainsi, Messieurs, veuillez nous regarder comme les vrais amis de la paix et de Pordre. Tels ont été, Messieurs, et tels sont les sentiments des ouvriers de la section de Saint-Eustache qui nous ont chargés de vous les manifester par l'organe de votre Président, afin que l'on ne se méprenne plus sur leur conduite; daignez également, Messieurs, accueillir les nôtres.
« Nous sommes, etc.
secrétaire. Voici maintenant une lettre qui nous annonce que l'Assemblée
nationale vient de perdre un de ses membres dans la personne de M.
Lecesve, nouvel évêque du dépar-
Un membre, député du département de la Sar-the, annonce qu'il a été vendu dans ce département, en moins de (rois mois, pour 12 millions de biens nationaux.
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret portant vente de biens nationaux à diverses municipalités dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
Département de Saône-et-Loire.
A la municipalité de Mâcon, pour la somme de..................... 538,074 1. 9 s. » d.
Département de la Nièvre.
A la municipalité de Tracy, pour la somme de..................... 1,650
Département de la Côte-d'Or.
A la municipalité de Beaune-la-Roche, pour la somme de........... 16,091 1. 18 s. » d.
A celle de Volnay, même département, pour la somme de.............. 142,130 » »
Département de la Nièvre.
A la municipalité de Gosne-et-Mienue, pour la sommede.............. 26,057 » »
Département des Basses-Pyrénées.
A la municipalité de Pau, pour la somme de..................... 21,120
A celle de Mombert, même département, pour la somme de .......... 67,538 1. 8 s. 2 d.
Département des Vosges.
A la municipalité de Greux, pour la somme de..................... 21,035 1. 6 s. » d.
A celle de Morel-Mai-son, même département, pour la somme de...... 13,201 1. 9 s. 4 d.
Département du Calvados.
A la municipalité de Neuilly-l'Evêque, pour la sommede.............. 785,775 I. 2 s, » d,
A celle de Saint-Désir-de-Lisieux, pour la somme de.................. 352,013 1. 8 s. 9 d.
Département de la Manche.
A la municipalité de Gondé-sur-Vire, pour la somme de.............. 36,102 » >
Département du Calvados.
A la municipalité de Benières-le-Patry, pour la sommede..........— 5,603 1. 7 s. » d.
Département de la Manche.
A la municipalité de Dragey, pour la somme, de..................... 56,419 » »
Département du Calvados.
A la municipalité de Chesne-Dollé, pour la sommede.............. 1,958 » »
Département de la Manche.
A la municiaplité de Gondé-sur-Vire, pour la sommede.............. 40,062 » »
A celle de Saint-Rom-phair, même département, pour la somme de..................... 7,500
Département du Calvados.
A la municipalité du Grand-Trutemer, pour la somme de........... 20,343 1. 11 s. 8 d.
Département de la Manche.
A la municipalité de la Croix-en-Avranchin, pour la somme de...... 7,330 1. 12 s. 6 d.
Département de l'Eure.
A la municipalité de Vesly, pour la somme de.................... 148,557 1. » s. 4 d.
Déparlement du Calvados.
A la municipalité d'Etry, pour la somme de..................... 4,425 1. » s. 6 d.
A celle de Presles, pour lasommede............ 1,762 1. 4 s. » d.
Département de l'Aisne.
A la municipalité de Saint-Baudry, pour la somme de............. 227,568 1. 10 s. 2 d.
A celle de Saconin, même département, pour la somme de........... 107,297 2 »
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
(Ge décret est adopté.)
Une députation du tribunal de cassation est admise à la barre.
orateur de la députation, s'exprime ainsi :
« Messieurs, des fonctions importantes nous sont confiées : nous avons contracté devant vos commissaires l'engagement solennel de les rem-plir*avec exactitude et intégrité. Nous serons religieusement fidèles à notre serment.
« Mais, avant d'entrer dans cette carrière, nous venons vous offrir le tribut de respect et de reconnaissance que toute la nation s^empresse de payer à vos immortels travaux.
« Qui pourrait eu mesurer la vaste étendue? Qui pourrait en calculer les heureux effets? Dans toutes les parties de l'Empire, il s'est élevé un concert de bénédictions, qui b retenti jusque dans cette auguste enceinte.
« Nous, Messieurs, nous nous bornerons à rap-
Eeler ici ce nouvel ordre judiciaire, dont le tri-unal de cassation est le complément, cette institution des juges, des bureaux de paix, le salut du peuple et le désespoir de ses oppresseurs; cet établissement des tribunaux de district, qui remplace avec tant d'avantages les corps redoutables de l'ancienne magistrature; cette sublime organisation des jurés, si propre à épouvanter l'audace du crime, et à rassurer la timidité de l'innocence.
« Vous nous avez investis, Messieurs, du pouvoir de repousser, par une salutaire rigueur, les attaques qu'on tenterait de livrer aux jugements même les plus réguliers, et de réprimer, par la cassation, les violations de la loi, dont notre premier devoir est de conserver l'inaltérable pureté.
« C'est en nous concentrant, Messieurs, dans ces fonctions ; c'est en nous constituant dans l'indépendance de toute considération étrangère aux obligations sacrées que vous nous avez imposées ; c'est en vous présentant chaque année l'état et les motifs de nos jugements, que nous
Pourrons nous flatter d'obtenir l'approbation du orps législatif, et que, rendus au repos de la vie privée dans le terme sagement prescrit à notre ministère, nous nous tiendrons heureux si ceux qui nous ont élus peuvent dire de nous : ils ont fait le bien qu'ils pouvaient faire. » (Applaudissements.)
répond :
« Messieurs, les tribunaux répandus sur la surface de l'Empire français auraient pu paraître isolés et se croire indépendants ; les habitants des divers territoires de ces juridictions auraient pu s'envisager comme étrangers les uns aux autres, si la Constitution n'avait assuré leurs relations et resserré leurs liens réciproques. La faculté accordée de convenir de tribunal entre ceux de tout le royaume, l'obligation imposée aux plaideurs qui ne pourraient s'accorder sur le choix d'un tribunal d'appel, d'en choisir un entre plusieurs de différents départements, étaient déjà de grands points de réunion. Mais, en plaçant tous les tribunaux sous la même égide du tribunal de cassation, la Constitution a posé la clef de la voûte, et a fait de l'ordre judiciaire un tout inébranlable, qui durera aussi longtemps que la liberté et la justice seront chères aux Français.
« Vous pensez avec raison, Messieurs, que c'est en respectant les jugements conformes à la loi, et en marquant du sceau de la réprobation ceux contraires à la loi, que vous ferez respecter la loi, que vous ferez aimer la justice, et que vous ferez disparaître ce funeste préjugé qui range parmi les maux nécessaires de l'homme en société, le recours aux juges, quand le juge peut étouffer impunément le cri de sa conscience. Honorés du choix de vos concitoyens, placés près du Corps législatif, la nation attend beaucoup de votre zèle et de votre fermeté, et vous surpasserez sans doute son attente. C'est avec la plus vive satisfaction que l'Assemblée nationale reçoit votre hommage. Elle y voit le commencement de vos travaux, si importants pour la prospérité publique, et j'exprime son vœu en vous invitant a sa séance. » (Applaudissements.)
Je demande que le discours que nous venons d'entendre et la réponse de M. le Président soient insérés dans le procès-verbal.
(Cette insertion est décrétée.)
Messieurs, vous avez décrété dans le mois de février dernier, un assez grand nombre d'articles relatifs à l'ordre judiciaire. Parmi ces articles, il en est deux qui ont été adoptés sur ma motion les 27 et 28 février : l'un d'eux concerne la forme de procéder dans les tribunaux établis dans les villes où l'ordonnance de 1667 n'a jamais été publiée ni exécutée ; l'autre concerne 1a manière de se pourvoir en revision contre les arrêts rendus au ci-devant parlement de Douai l
Une chose inconcevable, Messieurs, c'est que ni l'un ni l'autre de ces articles ne vous a été relu lors de l'arrêté définitif du nouveau décret sur l'ordre judiciaire en date du 16 mars dernier; il en est résulté que le nouveau décret sur l'ordre judiciaire a été sanctionné et envoyé dans les tribunaux sans que ces deux articles s'y trouvent.
D'après cela, je propose de décréter que ce3 deux articles seront présentés incessamment à la sanction du roi ; en voici la teneur :
Art. 1er.
« Dans les tribunaux établis dans des villes où l'ordonnance de 1667 n'a été publiée ni exécutée, les juges et les avoués se conformeront, pour la procédure, aux règlements qui y sont usités, en ce qui n'est pas contraire aux modifications faites à cette ordonnance par l'article 34 du décret du 6 mars dernier; et néanmoins aucune cause n'y pourra être instruite ni jugée comme procès par écrit, soit en première instance, soit en cas d'appel, si elle n'a été préalablement portée à l'audience, et si les juges n'ont cru devoir l'appointer, après avoir entendu les plaidoiries respectives des parties.
Art. 2.
c La règle établie par l'article 3 du décret du 11 février dernier, pour déterminer à quels tribunaux doivent être portées le3 requêtes civiles, sera observée pour les revisions intentées ou à intenter contre les arrêts du ci-devant parlement de Douai. »
(La motion de M. Merlin est décrétée.)
Je propose également d'ajouter à la suite de ces deux articles un troisième article ainsi conçu :
« Le roi sera prié de sanctionner et de faire incessamment publier le présent décret dans les départements qui composaient ci-devant les ressorts des parlements de Pau, Douai et Nancy. »
Je crois que la mesure proposée par M. Merlin est insuffisante; je vous demande ce qui arriverait dans le cas, par exemple, où des habitants de Douai iraient se faire juger au tribunal d'Aix.
Je demande donc la question préalable sur l'article additionnel proposé par M. Merlin.
Je retire l'article.
L'ordre du jour est la lecture de l'ensemble des articles décrétés sur l'organisation de la marine.
au nom du comité de la marine. Messieurs, je viens vous donner lecture de
tous
Le comité m'a également chargé de vous présenter un article additionnel ainsi conçu :
« Tous les enseignes parvenus à l'âge de 40 ans ne pourront être appelés au service de l'Etat que d'après un décret du Corps législatif qui fixera leurs traitements et leurs grades. »
L'article que le comité vous propose donnerait à croire que l'on pourrait contraindre les enseignes non entretenus, qui auraient l'âge de 40 ans, à servir sur les vaisseaux de l'Etat sans leur donner l'espoir de récompense ou d'avancement.
Un membre propose, par amendement, de dire que « le3 enseignes non entretenus ne pourront être appelés au service public après 40 ans.
Un membre observe que, dès que les enseignes non entretenus ne peuvent, après l'âge de 40 ans, acquérir, par leur service, le grade de lieutenant, il est évident qu'ils ne peuvent, après cet âge, être coutraints au service public. Ainsi l'amendement ne comprend que des dispositions réglementaires; il n'y a donc pas lieu de l'adopter.
(Ces différentes propositions sont rejetées.
Plusieurs membres proposent quelques modifications de rédaction sur divers articles, qui sont adoptées.
rapporteur, donne lecture de l'ensemble des articles amendés; ils sont ainsi conçus :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de marine, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La marine française sera composée de tous les citoyens soumis à la circonscription maritime.
Art. 2.
Mousses.
« Nul ne pourra être embarqué comme mousse, sur les bâtiments de l'Etat, que de 10 à 16 ans.
Art. 3.
Novices.
« Tous ceux qui commenceront à naviguer après 16 ans et n'auront pas satisfait à l'examen exigé par l'article 15 seront novices.
Art. 4.
Matelots.
« Ceux qui auront commencé à naviguer en qualité de novices, pourront, après 12 mois de navigation, être admis à l'état de matelot.
Art. 5.
« Les matelots obtiendront, suivant le temps et la nature de leurs services, des augmentations de paye ; et, à cet effet, la paye des matelots sera graduée en plusieurs classes.
Art. 6.
« Aucun matelot ne pourra être porté à la haute paye sans avoir passé par les payes intermédiaires.
Art. 7.
Officiers mariniers.
« Il y aura des officiers mariniers ayant autorité sur les matelots ; ils seront divisés en plusieurs classes. Ce grade ne sera accordé qu ciux matelots ou ouvriers matelots parvenus à la plus haute paye, et seulement lorsqu'ils auront les qualités nécessaires pour en bien remplir les fonctions.
Art. 8.
«On ne pourra êire fait officier marinier de manœuvre sans avoir été employé pendant une année de navigation en qualité de gabier.
Art. 9.
« Toutes les augmentations de solde et tous avancements en grade pour les gens de l'équipage seront faitst pour chaque vaisseau, par son commandant, qui se conformera aux règles établies à cet égard.
Art. 10.
Pilotes côtiers.
« Nul ne pourra commander au petit cabotage, qu'il n'ait le temps de navigation, et qu'il n'ait satisfait à l'examen qui sera prescrit. Ces maîtres seront employés au moins comme timoniers.
Art. 11.
« Nul ne sera embarqué comme pilote côtier, s'il n'a commandé au moins 3 ans en qualité de maître au petit cabotage et qu'il n'ait satisfait à l'examen qui sera prescrit.
Art. 12.
Maîtres entretenus.
« Les officiers mariniers, parvenus par leurs services au premier grade de leur classe, pourront être constamment entretenus et le nombre des entretenus sera déterminé d'après les besoins des ports. Les deux tiers des places des maîtres entretenus vacantes dans chaque département, seront données à l'ancienneté et l'autre tiers au choix du roi. L'ancienneté de3 maîtres ne sera évaluée que par le temps de navigation fait sur les vaisseaux et autres bâtiments de l'Etat, avec le grade et en remplissant les fonctions de premier maître.
Art. 13.
t Les maîtres entretenus de manœuvre et de canonnage deviendront officiers, conformément aux règles ci-après énoncées, encore qu'ils eussent passé l'âge auquel l'admission aux différents grades d'officiers pourrait avoir lieu.
Art. 14.
Écoles publiques.
« Il y aura des écoles gratuites d'hydrographie et de mathématiques dans les principaux ports du royaume.
Art. 15.
Aspirants.
« Il sera, chaque année, ouvert un concours dans les principales villes maritimes, auquel concours pourroiit se présenter tous les jeunes gens de 15 à 20 ans, se destinant à la marine; ils y seront examinés sur les connaissances théoriques.
Art. 16.
« Ceux qui auront le mieux satisfait à l'examen seront admis à servir pendant 3 ans sur les vaisseaux de l'État, sous le titre d'aspirants. On fixera le nombre d aspirants à recevoir chaque année dans chaque lieu où le concours sera établi, à raison de sa population maritime.
Art. 17.
« Les aspirants seront payés pendant, leurs 3 années de service; il n'y aura pas, dans les départements de la marine, d'écoles de théorie qui leur soient particulières.
Art. 18.
« Les aspirants qui auront fait 3 années de service se retireront, et seront remplacés par un nombre égal de jeunes gens reçus au concours.
Art. 19.
« Les concours établis pour parvenir au grade d'officier seront ouverts à tous les navigateurs qui auront au moins 4 années de navigation, soit sur les vaisseaux de l'État, soit sur les bâtiments du commerce, sans aucune distinction de ceux qui auront été ou qui n'auront pas été aspirants.
Art. 20.
« Chaque armateur sera obligé de recevoir à bord des bâtiments de 150 tonneaux et au-dessus, qu'il armera pour les voyages de long cours ou de grand cabotage, un aspirant, du nombre de ceux qui, après 3 ans d'entretien, n'auront pas complété leurs 4 ans de navigation pour être admissibles au concours.
Art. 21.
« Lorsque les aspirants de la marine qui n'auront pas obtenu le grade d'officier, seront, après leur temps d'entretien, appelés au service de l'État, ils prendront rang avec les aspirants, suivant leur ancienneté, à compter du moment qu'ils auront été reçus aspirants.
Art. 22.
Officiers de la marine.
« Les grades d'officiers de la marine seront ceux d'enseignes de vaisseaux, lieutenants de vaisseaux et capitaines de vaisseaux, et les grades d'officiers généraux.
« On ne pourra être fait officier avant l'âge de 18 ans accomplis.
Art. 23.
« Le grade d'enseigne sera le dernier grade d'officier de la marine.
Art. 24.
« Le grade d'enseigne entretenu sera donné au concours ; celui d'enseigne non entretenu sera donné à tous les navigateurs, qui, après 6 années de navigation, dont une au moins sur les vaisseaux de l'État, ou en qualité d'officier sur un bâtiment uniquement armé en course, auront satisfait à un examen public sur la théorie et la pratique de l'art maritime.
Art. 25.
« Tous les enseignes seront habiles à commander des bâtiments de commerce, pourvu qu'ils aient 24 ans; et ils pourront seuls commander au long cours et au grand cabotage.
Art. 26.
« Tout navigateur non reçu enseigne ni aspirant, mais qui aura 18 mois de navigation en qualité de second sur des bâtiments de commerce, de 20 hommes au moins d'équipage, appelé â servir dans l'armée navale, sera employé en qualité d'aspirant de la première classe.
Art. 27.
« Les enseignes non entretenus n'auront d'appointements, et n'exerceront l'autorité de ce grade, que lorsqu'ils seront en activité de service militaire. Ils ne pourront en porter l'uniforme que lorsqu'ils auront été appelés à servir en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
« Les bâtiments de commerce commandés par des officiers militaire", ne pourront arborer les marques distinctives réservées exclusivement aux vaisseaux de l'Etat, sauf la flamme de police et de commandement entre bâtiments marchands, usitée dans les port8 des colonies et dans quelques ports étrangers.
Art. 28.
« Le dixième des places d'enseignes entretenus sera donné aux maîtres entretenus, moitié à l'ancienneté d'entretien, moitié au choix du roi, sans égard à l'âge.
Art. 29.
« Les autres places vacantes d'enseignes entretenus seront données au concours par un examen sur toutes les branches de mathématiques applicables à la marine, et sur toutes les parties de l'art maritime.
Art. 30.
« Seront admis à cet examen tous ceux ayant rempli les conditions prescrites pour le concours, et n ayant pas passé l'âge de 30 ans ; cet examen aura lieu dans chaque département ae la marine, pour remplir les places d'enseignes entretenus qui se trouveraient vacantes dans ce département.
Art. 31.
« Les enseignes entretenus cesseront de l'être, et seront remplacés, soit qu'ils quittent le service public, soit qu'ils préfèrent de servir sur les bâtiments du commerce.
Art. 32.
« Tous les enseignes entretenus ou non entretenus, de service sur le même vaisseau ou dans le même port, jouiront des mêmes prérogatives, et exerceront la même autorité ; ils prendront rang entre eux suivant le temps de navigation faite en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 33.
Lieutenants.
«Le grade de lieutenant sera immédiatement au-dessus de celui d'enseigne; tous les enseignes entretenus ou non entretenus pourront égalemeut y prétendre, pourvu qu'ils n'aient pas plus de 40 ans ; les cinq sixièmes des places vacantes seront accordés a ceux d'entre eux qui auront le plus de temps de navigation faite en qualité d'enseignes sur les vaisseaux de l'Etat, l'autre sixième des places vacantes sera laissé au choix du roi, qui pourra le faire, sans distinction d'âge, entre tous les enseignes qui auront fait 24 mois de navigation sur les vaisseaux de l'Etat.
Art. 34.
« Les lieutenants seront entretenus et entièrement et perpétuellement voués au service de l'Etat, et prendront rang entre eux suivant leur ancienneté d'admission.
Art. 35.
Capitaines de vaisseau.
« Les capitaines de vaisseau seront pris parmi tous les lieutenants, de la manière suivante : une moitié de ce remplacement se fera en suivant le raog d'ancienneté, et l'autre moitié au choix du roi, sans égard à l'âge.
Art. 36.
« Ce choix ne pourra porter que sur ceux qui auront au moins 3 ans de navigation dans ce grade.
Art. 37.
« Le grade de capitaine de vaisseau pourra aussi être donné aux enseignes non entretenus,
âui, ayant passé l'âge de 40 ans, auront 8 ans e navigation, dont 2 sur les vaisseaux de l'Etat et le reste en commandant les bâtiments de commerce, et qui se seront distingués par leurs talents ou par leur conduite.
Art. 38.
« Les capitaines de vaisseau prendront rang entre eux de la date de leur brevet. Les officiers faits capitaines de vaisseau dans la même promotion, conserveront entre eux le rang qu'ils avaient lorsqu'ils étaient lieutenants.
Art. 39.
Officiers généraux.
« Les officiers généraux seront divisés en 3 grades: les amiraux, les vice-amiraux et les contre-amiraux.
Art. 40.
« Les contre-amiraux seront pris parmi les capitaines, un tiers par ancienneté, deux tiers au choix du roi, ce choix ne pourra porter que sur ceux des capitaines de vaisseau qui auront au moins 24 mois de navigation dans ce grade.
Art. 41.
« Les contre-amiraux parviendront au grade de vice-amiral par rang d'ancienneté.
Art. 42.
« Les amiraux pourront être pris parmi les vice-amiraux et les contre-amiraux, et toujours au choix du roi.
Art. 43.
« Les officiers commandant en temps de guerre les escadres dans les mers de l'Amérique ou des Iudes, seront autorisés par le roi à récompenser par des avancements conformes aux règles précédentes, et en nombre déterminé, les officiers qui l'auront mérité. Les officiers ainsi avancés jouiront provisoirement du grade qu'ils auront obtenu, et de ses appointements, mais ils ne pourront le conserver qu'autant qu'ils auront été confirmés par le roi. Ces avancements seront comptés parmi ceux laissés au choix du roi.
Art. 44.
« Les remplacements par ordre d'ancienneté dans les différents grades marcheront avant ceux par choix, et n'auront lieu qu'à mesure que les places viendront à vaquer, et, au plus tard, deux mois après la connaissance de la vacance.
Art. 45.
Nominations aux commandements.
«. Le commandement des armées navales et escadres, composées au moins de 9 vaisseaux de ligne, ne pourra être confié qu'à des amiraux, vice-amiraux ou contre-amiraux,mais indistinctement entre eux.
Art. 46.
a Le commandement des divisions sera confié aux contre-amiraux et capitaines indistinctement; et celui des vaisseaux de ligne armés en guerre, à des capitaines.
Art. 47.
« Les commandants des frégates seront pris indistinctement, soit parmi les capitaines, soit parmi les lieutenants.
Art. 48.
« Les commandants pour les autres bâtiments, comme corvettes, avisos, flûtes, gabares, lougres et autres bâtiments appartenant à l'Etat, seront pris indistinctement, soit parmi les enseignes entretenus ou non entretenus, pourvu que ces enseignes aient fait une campagne en cette qualité sur les vaisseaux de l'Etat, soit parmi les lieutenants.
Art. 49.
« Le roi nommera aux commandements et il pourra les ôter par un ordre simple, quoiqu'il n'y ait pas d'accusation.
Art. 50.
« Les commandants des armées navales et escadres, pendant le cours de leurs campagnes, exerceront le droit donné au roi par l'article précédent.
Art. 51.
Retraites et décorations.
« Tous les hommes de profession maritime auront droit aux retraites et récompenses militaires, en raison de leurs services, ainsi qu'il sera déterminé par un règlement particulier.
Art. 52.
« L'Assemblée nationale se réserve de statuer par un décret particulier sur la manière d'appliquer le présent décret à l'état actuel de la marine. »
(Ge décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport du comité de la marine sur les Invalides de la marine (1).
rapporteur, se présente à la tribune.
Un membre : Le rapport de votre comité est impriméetdistribuédepuislongtemps;jedemande que, pour ne pas perdre de temps à une lecture inutile, M. le rapporteur passe de suite à la lecture du projet de décret et que la discussion s'établisse sur chacun des articles qui le composent.
Je demande que le rapport soit lu ; car il est très important que tous les membres de l'Assemblée puissent connaître les motifs qui ont déterminé votre comité à former une caisse particulière des invalides de la marine, entretenue par différentes retenues sur la solde ou autres émoluments des divers individus composant le corps de la marine.
Le système du comité me paraît un double emploi ; cette caisse compliquera la comptabilité, établira une bureaucratie et absorbera une partie des revenus des invalides par des frais inutiles. Il aurait été bien plus simple et surtout plus économique de donner moins que de donner plus pour reprendre.
Rien n'est plus important que d'assurer aux matelots les retraites que leurs travaux auront méritées. La nation ne pourrait pas leur faire un sort aussi avantageux que celui qu'ils obtiendront par des retenues sur leurs appointements qui se payent insensiblement. On sait que les marins sont, plus que les troupes de terre, par la nature de leur service, dissipateurs; la plupart sont pères de famille; il faut leur assurer une retraite avantageuse par le moyen d'une caisse de retenues qui ne soit pa3 à la charge de la nation. J'ajoute que, s'il s'agissait de savoir s'il peut exister une administration plus économique pour cette caisse, il suffirait de $ire qu'elle ne coûte pas 2 0/0.
La question me paraît parfaitement bien posée par M. Charles de Lameth.
Il vous a dit qu'il fallait éviter les doubles emplois en matière de
comptabilité ; or, la question réduite à ces termes par M. de Lameth
fait beaucoup plus d'honneur à son patriotisme qu'à ses lumières; car le
système que le comité vous présente n'a été adopté en France qu'après
avoir été profondément discuté ; l'expérience en a justifié la sagesse ;
et l'Angleterre l'a adopté d'après votre exemple. Il s'agit de faire
participer tous les marins de la marine militaire et de la marine
marchande aux avantages que leur assure une caisse de secours parce que
tous contribueront à en faire les fonds par une retenue modique sur leur
solde. Ce n'est pas non plus un système barbare que celui qui dote en
partie cette caisse
Cependant il s'est introduit des abus dans la distribution de ces pensions; on en a donné à des officiers généraux, à des chefs d'escadre qui ne peuvent pas être confondus dans la classe des invalides et qui n'ont pas besoin de ces secours. Je demande que ce ne soit qu'aux invalides que ces secours soient répartis.
On vous a dit que ces pensions devaient être payées par le Trésor public pour éviter le double emploi. Mais, ne perdez pas de vue ce qui est déjà arrivé pour les invalides de terre. Dans un moment de détresse du Trésor public, ces pensions ne seront pas payées, les plaintes isolées de ces malheureux iront se perdre dans la poussière des bureaux du ministre. Au contraire, par une caisse permanente et bien dotée, par une caisse dont les fonds augmenteront pendant la guerre dans la proportion de l'augmentation des dépenses du département de la marine, leur sort sera invariablement fixé. J'appuie donc le projet de décret du comité et je demande que, sans faire la lecture du rapport, il soit procédé de suite au vole sur chacun des articles.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le rapport ne sera pas lu et que le projet de décret sera mis aux voix, article par article.)
rapporteur, donne lecture des articles suivants :
TITRE Ier.
De la conservation de la caisse des Invalides et des revenus qui lui sont affectés.
Art. 1er.
« La caisse des invalides de la marine sera conservée ; elle demeurera distincte et séparée de celle des pensions accordées par l'Etat, et sur laquelle les droits des marins et de tous les employés du département de la marine sont réservés. » (Adopté.)
Art. 2.
« Les revenus fixes provenant des économies ci-devant faites des fonds de cette caisse, continueront à y être versés. » (Adopté.)
Art. 3.
« La rente viagère de 120,000 livres sur la tête du roi est déclarée perpétuelle et sera versée tous les ans par le Trésor public à la caisse des invalides. »
Voulez-vous bien nous donner l'explication de cet article?
rapporteur. Vers la fin de la dernière guerre le clergé donna un million à l'Etat pour être distribué aux marins. Le roi a jugé à propos et a cru qu'il était plus convenable, plus utile pour les marins de faire verser cette somme d'un million dans la caisse de l'Etat et de la constituer en rente viagère à 12 0/0 Cette somme de 120,000 livres a été distribuée à 2,400 veuves de marins et ces veuves en seraient privées tout à coup si par un malheur affreux la nation était plongée dans le deuil.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(L'article 3 est mis aux voix et adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 4 ainsi conçu :
« Cette caisse conservera pour revenus casuels :
« 1° 4 deniers pour livre sur toutes les dépenses du département de la marine et des colonies.
« 2° 6 deniers pour livre sur les gages des marins employés par le commerce et sur les bénéfices de ceux qui naviguent à la part.
« 3° 6 deniers pour livre du produit net de toutes les prises faites sur les ennemis de l'Etat par les corsaires français.
« 4° 6 deniers pour livre de la totalité et le tiers du produit net de toutes les prises quelconques faites sur les ennemis par les bâtiments de PEtat.
« 5° La totalité du produit non réclamé des bris et naufrages.
« 6° Le montant de la solde des marins déserteurs à bord des vaisseaux de l'Etat.
« 7° La moitié de la solde des déserteurs à bord des navires du commerce ; l'autre moitié déclarée appartenir aux armateurs en indemnité de leurs frais de remplacement.
« 8° Le produit des successions des marins et autres personnes mortes en mer, les sommes de parts de prises, gratifications, salaires et journées d'ouvriers et autres objets de pareille nature concernant le service de la marine, lorsqu'ils ne seront pas réclamés. »
M. l'abbé Maury. Le paragraphe 3 de cet article attribue à la caisse des Invalides, comme revenu casuel, 6 deniers pour livre du produit net de toutes les prises faites sur les deniers de l'Etat par les corsaires français. Je propose, par amendement, de mettre un sol pour livre, au lieu de 6 deniers.
Je demande que l'on adopte l'amendement de M. l'abbé Maury.
Il est essentiel d'encourager les citoyens qui veulent armer en course pour faire des prises sur mer; et si vous leur ôtiez ce vingtième, ce serait peut-être atténuer le désir d'armer en course sur mer. 11 faut remarquer que les bénéfices sur les courses est le seul appât qui puisse engager à armer en course; car ils ne participent point du tout aux honneurs militaires ; ils en partagent seulement tous les dangers. Je demande donc la question préalable sur la motion de M. l'abbé Maury.
Je combats la question préalable proposée par M. Prieur, parce que je crois que les armateurs ne feront pas un sacrifice considérable en consentant à payer le vingtième.
rapporteur. J'adopte l'amendement de M. l'abbé Maury et ie donne une nouvelle lecture de l'article avec l'amendement.
Art. 4.
« Cette caisse conservera pour revenus casuels :
« 1º 4 deniers pour livre sur toutes les dépenses du département de la marine et des colonies.
« 2° 6 deniers pour livre sur les gages des marins employés par le commerce et sur les bénéfices de ceux qui naviguent à la part.
« 3° Un sol pour livre du produit net de toutes les prises faites sur les ennemis de l'Etat par les corsaires français.
« 4° 6 deniers pour livre de la totalité et le tiers du produit net de toutes les prises quelconques faites sur les ennemis par les bâtiments de l'Etat.
« 5° La totalité du produit non réclamé des bris et naufrages.
« 6° Le montant de la solde des marins déserteurs à bord des vaisseaux de l'Etat.
« 7° La moitié de la solde des déserteurs à bord des navires du commerce; l'autre moitié déclarée appartenir aux armateurs, en indemnité de leurs frais de remplacement.
« 8° Le produit des successions des marins et autres personnes mortes en mer, les sommes de parts de prises, gratifications, salaires et journées d'ouvriers, et autres objets de pareille nature concernant le service de la marine, lorsqu'ils ne seront pas réclamés. » (Adopté.)
lève la séance à dix heures un quart.
a la séance de l'assemblée nationale du
Rapport sur les invalides de la marine (1), fait au nom du comité de la marine,par M. Begouen, député de la Seine-Inférieure.
Messieurs,
L'établissement des invalides de la marine, l'organisation et l'administration de sa caisse, fixeront d'autant plus particulièrement votre attention, qu'il est impossible de séparer les idées que présente un pareil établissement, de celles qui rappellent la fidélité, le dévouement, le courage et l'intrépidité de ces braves marins, dont la vie entière est consacrée au service de l'Etat, qui en temps de paix montent ses flottes marchandes, arment et manœuvrent ses escadres en temps de guerre, tour à tour enrichissent l'Etat ou le défendent, et, portant au dernier degré le mépris de la vie et de la mort, bravent avec le même sang-froid le fer de l'ennemi et les dangers du plus terrible élément.
Quelles obligations l'Etat n'a-t-il pas contractées envers de pareils hommes? Pourrait-il les écouter avec indifférence, lorsqu'ils se présentent affaiblis par les infirmités ou mutilés par le fer et le feu, et qu'ils viennent demander à la patrie, non le prix du sang qu'ils ont versé pour elle, ce sang ne se paye pas, mais le moyen de soutenir au moins une existence qu'ils ne seraient pas dans l'impossibilité de maintenir par le travail de leurs bras, s'ils les eussent employés à des travaux sédentaires et moins périlleux.
Et ce n'est pas, Messieurs, d un petit nombre d'individus qu'il s'agit ici,
c'est de la subsistance de plus de 15,000 chefs de famille, veuves ou
enfants de marins, dont j'ai à vous entretenir au nom de votre comité. G'est
l'intérêt de tous les hommes de mer pauvres et hors d'état de service, qui
m'anime ; ils seraient, ils auraient du moins été probablement jusqu'ici
plongés dans une misère qui eût fait la honte et le déshonneur
Cet établissement, comme tant d'autres, a autrefois été souillé par de grands abus : à quoi servirait de les rappeler? leur.retour est désormais impossible, et il m'est plus agréable de vous dire que l'administration actuelle nous a paru offrir, depuis quelques années, des efforts constants vers le retour à l'ordre et à la régularité.
Cet ordre et cette régularité seront désormais invariables ; ils seront le résultat, nous le croyons, du projet de décret que nous vous présentons.
Avant de vous en développer les motifs, je vous dois. Messieurs, un historique succinct de cet établissement, dont je vous rends compte.
C'est en 1674 que Louis XIV fonda l'hôtel royal des Invalides. Ce monument de grandeur et d'humanité eq faveur des troupes de terre, ne put frapper les regards de la nation, ni exercer la sensibilité du monarque, sans leur rappeler les marins, cette précieuse classe d'hommes qui avaient également versé leur sang pour la gloire et la défense de l'Etat. Mais on sentit qu?il ne convenait pas de les rassembler comme les invalides de terre, non seulement parce que la présence des marins a toujours quelque objet d'utilité sur les côtes et dans les ports de mer, tant que l'âge et les infirmités ne les ont pas totalement mis hors d'état de se livrer à quelque industrie ou travail quelconque, mais encore parce que ces hommes sont, pour la plupart, chargés d'une nombreuse famille, à qui ils sont encore utiles, en partageant avec elle leurs modiques demi-soldes.
On pensa donc, avec raison, que des récompenses pécuniaires dont les fonds seraient faits dans les divers lieux de leur résidence, étaient le seul mode convenable pour subvenir à leurs besoins, et qu'elles auraient l'heureux effet d'augmenter le nombre des gens de mer, en soutenant leurs espérances et en excitant leur émulation.
Louis XIV décida en conséquence, par son ordonnance de 1689, qu'à l'avenir il serait accordé aux gens de mer blessés sur les vaisseaux du roi, des demi-soldes qui seraient réglées sur la dernière paye qu'ils auraient à la mer.
Ces grâces ne s'étendaient point encore sur les marins qui faisaient la course, ou qui naviguaient pour le commerce. Ce ne fut que pendant la guerre, terminée en 1697, que l'on établit un droit de 3 deniers pour livre sur le produit des prises qui seraient amenées dans les ports de la Bretagne et dans celui de Grau ville.
Le produit de ce droit, qui fut perçu jusqu'en 1703, était destiné à racheter les gens de mer du commerce, qui avaient été pris par les corsaires des puissances barbaresques ; mais la guerre pour la succession d'Espagne ne permit pas d'en traiter. Ce fut à cette époque, et sur les représentations des marins, que Louis XIV ordonna que le droit de 3 deniers pour livre serait perçu sur toutes les prises qui seraient amenées dans tous les ports du royaume, et que le produit en serait appliqué à secourir les marins qui seraient blessés par les corsaires, et leurs veuves et enfants, s'ils étaient tués.
Ces dispositions d'humanité ne regardaient point encore les gens de mer employés sur les bâtiments du commerce, qui réclamaient également des secours et qui les méritaient. Ën effet, n'était-il pas juste de leur assurer des moyens de subsister, lorsqu'ils ne pouvaient plus naviguer ? Et n'était-il pas d'une saine politique, quand même la morale n'en eût pas fait un devoir, d'encourager, par cette perspective, les enfants à embrasser l'utile et périlleuse profession de leurs pères? — L'édit de 1709 y pourvut; il porta à 4 deniers pour livre la retenue ordonnée sur les prises en 1703, assujettit à la même retenue les appointements, pensions, gages, gratifications et soldes de tous les officiers et gens de mer employés dans le département de Ja marine, soit sur les vaisseaux de l'Etat, soit sur ceux du commerce, et affecta le montant total de ces retenues au soutien de tous les marins Invalides indistinctement.
Louis XIV, par son édit du mois de décembre 1712, accorda encore aux invalides de la marine les deniers et effets, et la solde des officiers, matelots et autres personnes décédées en mer, qui ne seraient pas réclamés. —Mais le tiers du produit des successions sur les corsaires et sur les navires du commerce, fut réservé à M. l'amiral, conformément à l'article 13 du titre XI de l'ordonnance de 1681.
Par le même édit, la moitié du produit des bris et naufrages non réclamés fut aussi accordée aux Invalides et l'autre moitié fut également réservée à M. l'amiral.
Dans les dispositions que vous présente votre comité, vous verrez, Messieurs, qu'il vous propose de décréter que ces portions des droits de M. l'amiral soient dorénavant accordées à la caisse des Invalides, — Vous n'en pouvez certainement faire un meilleur usage, et ces deux objets réunis ne forment qu'un objet d'environ 16,000 francs par an dans les produits de l'amirauté.
Par édit du mois de mars 1713, la retenue sur les biens et sur les salaires des équipages employés par le commerce fut définitivement augmentée de 2 deniers ; ce qui l'a portée à 6 deniers pour livre, comme elle existe actuellement.
Mais pendant que, d'une part, l'on s'occupait ainsi des moyens d'assurer aux marins des ressources dans leur vieillesse, ou contre les accidents et les infirmités auxquels ils sont exposés, d'autre part des édits bursaux ne tendaient à rien moins qu'à les rendre illusoires. Depuis 1705 jusqu'en 1713, on créa des charges de trésoriers, de contrôleurs généraux et particuliers, de commissaires-dépositaires des bâtiments pris en mer et de ceux éch rnés, d'un commissaire général et de 10 commissaires provinciaux, dont les gages et honoraires absorbèrent une grande partie des revenus des invalides, jusqu'en 1716 que tous ces officiers furent supprimés par un édit qui ordonna que les recettes et les dépenses seront faites à l'avenir par des agents commis particulièrement pour ce service.
Ces variations durèrent jusqu'en 1720 que l'administration des Invalides fut réglée sur un plan plus simple et plus sage. L'édit qui fut rendu à cette époque sert encore de base à toutes les opérations. 11 établit la forme qui est suivie à l'égard des recettes et des dépenses. Il ordonne la retenue de 4 deniers pour livre sur toutes les dépenses de la marine et des colonies, ainsi que le dépôt de tous les objets non réclamés. Entin le feu roi y coufirme tous les dons faits par son prédécesseur, et ces concessions diverses ont formé depuis ce temps le revenu casuel de la caisse des Invalides.
C'est en 1713 qu'elle commença à se faire quelques revenus fixes par la
conversion d'une partie de ses capitaux en rentes sur les aides et ga-
Cette opération, très malheureuse pour les marins de ce temps-là qui ne reçurent pas les secours auxquels ils avaient droit, fut utile à la caisse en lui assurant un fonds permanent et augmentant, conséquemment, les moyens de secours pour l'avenir. Malheureusement on en abusa ; on v puisa pour payer l'intérêt d'un emprunt de 3 millions qui servit à la construction des casernes de Courbevoie, objet totalement étranger aux Invalides de la marine.
Les intérêts de cet emprunt restèrent cependant à leur charge jusqu'en 1766, qu'ils en furent encore remboursés en effets sur l'Etat, produisant 5 0/0. Tels sont les premiers événements qui ont contribué à procurer des rentes fixes aux invalides de la marine; mais, en 1764 et 1770, ils éprouvèrent, avec le public, une grande perte par la réduction de la majeure partie de ces rentes à 2 1/2 0/0.
En 1772, M. de Boyane, alors ministre de la marine, se fit rendre compte de cette partie intéressante du service. Il fut sans doute frappé, il dut l'être au moins de la criminelle facilité avec laquelle ou avait disposé jusqu'alors des fonds de cet établissement, qui appartiennent aux gens de mer et aux employés du département de la marine, puisqu'ils contribuent tous à la formation de cette caisse pendant toute la durée de leurs services.
Il sentit que tant de braves gens ne devaient pas réclamer en vain, je ne dis pas seulement la récompense qu'ils ont méritée, mais leur part au dépôt qu'ils avaient en quelque sorte confié au gouvernement sous la garde de toutes les lois de l'honneur et de la justice. Il reconnut que des pensions beaucoup trop considérables absorbaient les fonds et, pour diminuer au moins les abus, il proposa au feu roi de réduire à 1,000 livres au plus les plus fortes pension s sur cette caisse, et de renvoyer le surplus sur le Trésor public. Ce mii fut décidé par l'arrêt du conseil du 21 février 1772.
Cependant, depuis cette époque, les ressorts de l'administration des Invalides se relâchèrent encore. Les soldes et parts de prises, le produit des successions se ressentirent du défaut d'ordre; la rentrée des droits sur les prises en faveur de la caisse des Invalides éprouvait de grandes lenteurs, lorsqu'en 1784 on réunit à cette administration la comptabilité des prises et celle des gens de mer, objets également distincts et séparés des détails de la marine.
Alors de nouveaux règlements furent faits et l'on s'occupa des recouvrements avec quelque succès, puisque les rentes constituées au profit des Invalides de la marine, qui n'étaient au 1er janvier 1784, que de 73,407 1. 19 s. sont aujourd'hui de 1,266,522 1. 19 s, non compris 120,000 livres de rentes viagères sur la tête du du roi.
Tel est, Messieurs, l'état actuel des choses ; je viens d'en parcourir avec vous les variations et les progrès. Il me reste à vous présenter les motifs des principales dispositions que vous propose votre comité ; et d'abord, Messieurs, je viens de vous citer une rente viagère de 120,000 livres sur la tête du roi, comme faisant partie des revenus fixes des Invalides; en voici l'origine.
En 1782, le ci-devant clergé de France donna un million pour les veuves et les orphelins des marins morts au service pendant la dernière guerre. Cette somme répartie à 7 ou 8,000 individus ne leur eût porté qu'un faible secours passager, qui eût été employé peu utilement, et depuis longtemps ne laisserait aucune trace. Le roi jugea plus à propos de la faire verser dans le Trésor public et de la constituer en rente viagère sur la tête, à raison de 12 0/0. Ces 120,000 livres que le Trésor public verse chaque année dans la caisse des Invalides sont divisées en 2,400 pensions de 50 livres chaque, dont jouissent autant de veuves de marins.
Votre comité croit devoir ici, Messieurs, vous propoiser une décision digue de votre sensibilité, de votre estime pour les marins et de votre bienveillance pour les veuves infortunées qu'ils laissent si souvent dénuées de toute ressource, en mourant pour la patrie. «
Cette décision est de rendre perpétuelle cette rente viagère de 120,000 livres qui, posant sur la tête du roi, peut manquer à toute heure par un événement qui plongerait dans le deuil la France entière. Vous De voudriez pas, Messieurs, que ces 2,400 veuves de marins trouvassent, dans une catastrophe générale pour tous les Français, un sujet plus particulier de douleur et de désespoir. Votre comité n'a donc pas douté que vous accueilleriez généreusement, et même avec empressement, une telle proposition.
Les huit objets qui, dans le titre premier du projet de décret que nous vous soumettons, doivent former, à l'avenir, les revenus de la caisse des Invalides, existent dans l'état actuel des choses, à quelques légères différences près dont.nous allons vous rendre compte.
Le changement le plus important porte sur le quatrième objet.
Les lois actuelles n'accordent à la caisse des Invalides de la marine que 6 deniers pour livre et le tiers du produit des navires marchands ennemis pris par les vaisseaux de l'Etat, et 6 deniers pour livre seulement du produit net des bâtiments de guerre qui seront pris sur les ennemis et l'ordonnance des prises de 1778, a même ajouté, à ces concessions, des stipulations si onéreuses, que de grands succès dans une guerre maritime, la prise d'un grand nombre de vaisseaux de guerre sur l'ennemi, ruineraient infailliblement et détruiraient de fond en comble la caisse des Invalides, ce qui est le renversement de tous les principes.
Eu effet, l'article 3 de cette ordonnance porte : « Lorsque Sa Majesté jugera à propos de retenir les vaisseaux et frégates de guerre, y compris celles de 20 canons enlevés sur ses ennemis, qui seront jugés pouvoir être employés utilement pour son service, le prix en sera payé aux officiers et équipages des vaisseaux preneurs, des deniers de la caisse des Invalides, dans 2 mois au nlus tard, sur le pied de 5,000 livres, 4,000 livres, 3,500 et 3,000 livres par canon, suivant la force des vaisseaux. »
Ainsi voilà la caisse des Invalides chargée de payer d'une main la valeur
entière de ces vaisseaux d'un grand prix, tandis que de l'autre elle ne doit
recevoir que 6 deniers pour livre de cette même valeur. Vous jugerez
peut-être à propos, Messieurs, de charger votre comité de la marine de vous
présenter les changements et modifications qu'exige cette ordonnance ; mais,
en atten-
Le montant de la solde des marins déserteurs, c'est-à-dire de la solde qui leur revient au moment de leur désertion, est confisquée au profit des Invalides de la marine. Cette disposition est juste et nécessaire. La destination en faveur des Invalides n'a sans doute pas besoin d'apologie; et pour ceux qui connaissent les affaires de mer et les marins, qui savent combien ils sont enclins à la désertion et combien elle est nuisible à la marine et à la navigation marchande, il nest pas nécessaire non plus d'employer beaucoup de raisonnements pour maintenir cette dispositmn, puisque personne n'ignore qu'elle est même insuffisante, et qu'il serait à souhaiter qu on put y joindre quelque autre mesure plus coercitive, mais en même temps conciliable avec les principes d'humanité et de liberté que nous professons tous. ,,
Votre comité, frappé du dommage qu éprouvent par la désertion le commerce et la navigation marchande, surtout dans les colonies où les remplacements de ces hommes qui manquent à leurs engagements sont très dispendieux et sont une des causes de la cherté de la navigation française, votre comité, dis-je, a cru devoir vous
proposer, relativement aux déserteurs sur les navires marchands, une mesure qui ne lui parait que juste et éloignée encore d'être, pour les armateurs, l'indemnité du tort qu'ils éprouvent par les désertions des hommes d^équipages de leurs navires. . , .
Un des grands vices de l'ancien régime et de l'administration de la caisse des Invalides était le défaut de formes régulières établies pour constater quels sont les individus qui ont des droits réels à des pensions ou demi-soldes sur la caisse des Invalides. Votre comité vous propose, Mes: sieurs, dans le titre second, les mesures qui ui ont paru les plus propres à y remédier. Toutes les demandes des marins dans les quartiers des classes, si vous adoptez les vues de votre comité, seront adressées d'abord aux syndics des gens de mer, élus par eux-mêmes ; et pour plus de sûreté, pour avoir une plus entière garantie des faits, la municipalité du lieu devra certifier ceux relatifs à l'Etat et au besoin des familles, au nombre et à l'âge des enfants, tous les faits enfin, qui sont ou doivent être à sa connaissance. Les commissaires aux classes joindront leurs observations qui devront porter principalement sur l'état des services, parce que c'est la partie la plus relative à leurs fonctions, la plus à portée de leurs connaissances.
Les officiers militaires et d'administration devront s'adresser en première ligne à leurs supérieurs respectifs et toutes ces demandes, appuyees de pièces justificatives adressées ensuite aux ordonnateurs en chef dans les divers départements de la marine, devront y subir un premier examen et parvenir enfin au ministre de la marine dans un ordre préparatoire du travail déhnitit et accompagné de toutes les observations qu'elles auront reçues dans leur marche et qui doivent éclairer la justice du ministre et la sévère application de la loi.
Les officiers, sous-officiers et soldats des troupes delà marine et régiments des colonies sont seuls hors cette ligne progressive; ils ne doivent s'adresser qu'à leurs inspecteurs, qui enverront directement au ministre de la marine les demandes qui leur seront faites, avec les pièces au soutien et leurs observations. Cette exception a paru indispensable, parce que les troupes de la marine n'ont rien de commun, n'ont aucun point de contact avec les syndics des gens de mer, les commissaires des classes, ni avec, les ordonnateurs civils des départements de la marine.
Telles sont, Messieurs, les dispositions qui nous ont paru les plus efficaces pour faire constater les besoins des marins, pour assurer la vérité, l'authenticité des motifs de leurs demandes et écarter par là, autant qu'il est au pouvoir des institutions humaines, l'arbitraire, les refus injustes, les odieuses préférences.
Ces mêmes précautions sont prises pour les simples gratifications, à l'exception d'un fonds modique de 6,000 livres, laissé à la disponibilité du ministre pour des besoins minutieux, instantanés et qui, chacune, ne pourra s'élever au-dessus de 50 livres. Vous ne repousserez pas, Messieurs, cette mesure en réfléchissant à l'urgence de ces besoins du moment où un malheureux marin qui a bien mérité de la patrie réclame un léger secours sans lequel il va peut-être périr, et vous la repousserez encore moins si j'ajoute que le compte de ces gratifications particulières sera public, sera imprimé à la fin de l'année, comme celui des gratifications régulières et des pensions et demi-soldes. {
Votre comité adistingué, dans les titres 3 et 4, les pensions et demi-soldes actuellement existantes sur la caisse des Invalides de la marine, et celles qui seront accordées à l'avenir. Ilacher-ché à suivre, dans les dispositions de ces deux titres, l'esprit de vos décrets, en les conciliant avec les justes modifications que lui a paru exiger la différence de la caisse des Invalides et de celle du Trésor public. La caisse des Invalides est une vraie caisse de famille. Tous les employés du département de la marine, ainsi que tous les marins y concourent, toute leur vie, par une retenue sur leurs traitements, appointements, gages et salaires. C'est une espèce de tontine à laquelle il est juste que tous ceux-là aient droit qui y ont contribué, et dont il est convenable, toutefois, que ceux-là seuls recueillent les fruits qui en auront besoin et qui y auront des titres réels, soit par des blessures, soit par la caducité de l'âge, soit par de longs services. Gomme cette caisse est bornée dan3 ses revenus, comme elle n'est qu'une caisse de secours ; comme la nation s'est chargée de récompenser sur les fonds du Trésor pliblic les services rendus à l'Etat ; comme les marins ont de justes droits à ces récompenses et y sont expressément réservés, tout nous a prescrit l'obligation de resserrer encore, dans de plus étroites limites que par le passé, le maximum des pensions sur la caisse des Invalides de la marine, et de le restreindre à 600 livres, au lieu de 1,000 livres, à quoi il s'étendait. L'intérêt du plus grand nombre, l'intérêt des plus nécessiteux a donc dû nous dicter et nous a dicté cette disposition qui n'est rigoureuse que pour les officiers et employés supérieurs.
Quoique nous ayons restreint pour l'avenir aux seuls pères et mères, veuves et enfants des marins le droit de participer aux secours de la caisse par des pensions, demi-soldes ou gratifications, nous n'avons pas cru devoir vous proposer d'a-néantirdedroit celles dont jouissent actuellement des frères et sœurs de marins; parce que, s'il en est quelques-unes qui peuvent être abusives, elles seront détruites par l'exécution de votre décret, notamment par l'application des principes des articles 2 et 3 au titre IV, et que plusieurs de ces pensions et demi-soldes, non seulement semblent demander grâce par leur modicité, mais encore paraissent, au premier aperçu, nécessaires à la subsistance de ceux ou de celles qui les ont obtenues parla mort d'un frère, leur unique soutien, et qu'un retranchement pourrait réduire au désespoir plus d'un pensionnaire ou demi-sol-dier de cette classe.
Quelques hommes, en très petit nombre, pour des inventions réellementutilesàla marine,quelques autres pour des services rendus au même département, ont obtenu des pensions sur la caisse des Invalides. A cetégard, deux choses ont paru évidentes à votre comité. La première, c'est que ces hommes, en supposant la preuve faite de la réalité de leurs services et du mérite de leurs découvertes, ont des droits incontestables à des récompenses de l'Etat. La seconde est que ce n'est pas la caisse des Invalides de la marine qui en doit faire les frais. C'est pourquoi nous proposons de renvoyer les uns et les autres à présenter leurs mémoires et faire valoir leurs droits auprès du comité des pensions.
Vous adopterez sans peine, Messieurs, les dispositions de l'article 7 du même titre IV, puisque la dernière partie, c'est-à-dire l'admission des hommes de mer à l'hôtel royal des Invalides, dans .es cas portés par cet article, a déjà été prononcé, par votre décret, sur les Invalides de terre et que, quant à l'admission dans tous les hospices nationaux, elle est sûrement une conséquence de vos principes et ne peut que concourir au désir que vous avez d'améliorer, par tous les moyens possibles, le sort des hommes qui ont dévoué leur vie au service de la patrie.
Pour assurer et consolider l'établissement de la caisse des Invalides, pour que son utilité soit la plus durable et la plus grande possible, il est nécessaire d'en régler la comptabilité, car tout établissement périt quand le désordre s'introduitdans ses finances; nous ayons donc, comme l'achèvement et le couronnement nécessaire du projet de décret que nous vous soumettons, le titre cinquième qui en règle la comptabilité. Cette comptabilité est tout à la fois étendue et minutieuse. 14 ou 15,000 individus, répandus sur la surface du royaume, reçoivent actuellement des pensions ou demi-soldes; près de 3,000 autres en sollicitent depuis plus de deux ans. Et ce qui ajoute infiniment à l'immensité des détails de cette comptabilité, c'est la réunion convenable et utile de celles des gens de mer, dont les mouvements continuels et multipliés doivent être régulièrement suivis dans tous les départements et tous les quartiers des classes, pour être à portée de leur faire toucher partout ce qui leur revient soit comme gages ou salaires, soit comme gratifications, soit comme parts de prises gagnées par eux, soit à bord des vaisseaux de l'Etat, soit à bord des corsaires ou des navires marchands. Cette partie des gens de mer offre une multiplicité incroyable d'objets de la plus grande ténuité et est celle qui exige 75 caissiers que nous appelons caissiers des gens de mer, qui doivent résider dans chaque quartier pour la régularité la promptitude du service.
37 de ces caissiers des gens de mer résident dans les ports, et ceux-là sont ceux que votre comité vous propose de faire en même temps trésoriers des Invalides dans lesdits ports. Cette réunion n'offre que des avantages et nulle complication. Les deux parties se prêtent un secours mutuel, elles viennent aboutir l'une et l'autre au même centre, le département de la marine, et même dans ce département elles sont confiées au même agent, au même chef de bureau. D'ailleurs cette réunion de service est un moyen d'économie, et nul moyen d'économie ne vous paraît à mépriser.
Enfin, Messieurs, les anciens marins, les anciens employés du département de la marine, les Invalides de mer, ne sont astreints à aucune résidence dans les quartiers des classes, ils ont la liberté de fixer leur domicile dans toutes les parties du royaume, et ils en usent. Cette raison, jointe à la partie très importante des revenus de la caisse, qui se perçoivent à Paris, exige un trésorier des invalides dans cette capitale ; l'importance des rapports de cette caisse, tant en recettes qu'en dépenses, et la position du trésorier, journellement à la portée des ordres du ministre, la destinent même nécessairement à être le point central de communication entre toutes les caisses des ports : mais aucun mouvement ne doit avoir lieu que par l'ordre du ministre, c'est l'objet de l'article 4 de ce titre. Par les articles 6, 7 et 8, votre comité a multiplié les précautions de surveillance. Tous les mois, les registres des trésoriers et des caissiers des gens de mer seront arrêtés et visés par les commissaires des classes et les contrôleurs de la marine : tous les mois, l'état des caisses sera visé et certifié. Enfin, tous les ans, le compte de la caisse des Invalides sera formé d'abord séparément dans les ports, puis le compte général dressé par le ministre de la marine, livré à l'impression, et rendu public, ainsi que les listes des pensions demandées et accordées pour chaque département. Le plus grand jour éclairera donc toutes les opérations : nulle dépense ne sera voilée; nulle demande juste ne sera étouffée impunément, nulle grâce, nulle faveur sans titre ne sera enveloppée des ombres du mystère.
11 est dû à la caisse des Invalides des sommes assez considérables, et dont la rentrée est bien importante pour subvenir aux besoins des invalides actuels et de ceux qui réclament pour la première fois des secours, en présentant leurs corps mutilés ou leurs membres affaiblis par l'âge ou les infirmités. Nous vous proposons de charger spécialement, toujours néanmoins sous les ordres du ministre, les commissaires des classes, et les contrôleurs de la marine dans les ports et à Paris, le chef du bureau des Invalides, des poursuites à faire pour procurer le plus prompt recouvrement possible des sommes dues à la caisse des Invalides, et de celles qu'elle aura, par la suite, droit de réclamer.
Enfin, Messieurs, il me reste à vous dire un mot du règlement que votre comité a cru devoir joindre à son projet de décret. Ce règlement présente le vrai mode d'exécution du décret, tel que l'a conçu votre comité»
Sa première base est celle des payes obtenues au service. Cette base est
juste, dès que les payes ne sont point arbitraires, dès lors qu'elles sont
graduées en raison des taleots, du mérite,
Cette première base est modifiée ensuite par des motifs accessoires. La première et la plus importante modification résulte des blessures graves ou des infirmités qui mettent habituellement un invalide hors d'état de travailler. Une augmentation de solde de 6 livres, par mois, pour tous ceux dontla paye de serviceétaitde81 livres, ou au-dessous; de 9 livres pour tous ceux dont les appointements ou la paye de service excède 81 livres par mois, a paru un secours nécessaire, modique sans doute, mais suffisant du moins (étant réuni au fonds de la pension ou demi-solde), pour mettre au-dessus des besoins physiques.
Nous vous proposons un autre supplément de 2 ou de 3 livres par mois, suivant les payes pour chaque enfant au-dessous de l'âge de 10 ans. Nous nous assurons que cette disposition aura aussi votre approbation, puisqu'elle mesure les secours aux charges, et quelle charge est plus respectable, et mérite plus les égards de la patrie, que celle de ces pères de famille ! Leurs enfants ne sont-ils pas les enfants de l'Etat, et sa plus chère espérance ? Ils ne s'élèvent que pour se lancer incessamment dans la carrière pénible et glorieuse que viennent de parcourir leurs pères.
Les articles 7, 8 et 9, vous présentent, Messieurs, les dispositions que nous avons crues convenables pour les veuves, les père et mère, les orphelins de père et mère : nous proposons, pour la veuve, moitié ; pour le père ou la mère, séparément comme pour chaque orphelin de père et mère jusqu'à l'âge de 14 ans, le tiers de ce que le mari, le fils ou le père avait obtenu ou méritait d'obtenir par sa paye et ses services à l'époque de sa mort. Les motifs de ces dispositions n'exigent aucun développement, ils nous paraissent adoptés à la justice et aux convenances.
A l'égard des officiers, sous-officiers et soldats des troupes de la marine et des régiments des colonies, nous croyons ne pouvoir mieux faire que de vous proposer de suivre, à leur égard, le tarif réglé pour l'armée de ligne, et de les faire jouir, comme il est juste, de tous les avantages que vous avez accordés ou que vous accorderez pour les retraites et pour les invalides de terre ; leur service dans les diverses colonies et à bord des vaisseaux est assurément plus dur même que celui des troupes de terre. Et nous vous proposerions par cette raison de les traiter plus favorablement, si les dispositions du décret n'y pourvoyaient convenablement, en déclarant qu'on aura égard dans leur traitement à leurs campagnes de mer, et aux séjours qu'ils auront faits dans les colonies.
Enfin, Messieurs, nous finissons en consacrant de nouveau par le dernier article du règlement, cette règle, déjà posée dans le projet de décret, qui fixe la somme de 600 livres pour maximum de toute pension sur la caisse des Invalides de mer. Cette règle est nécessaire pour en étendre j les bienfaits sur un plus grand nombre d'individus; elle est nécessaire pour la maintenir dans sa vraie destination, celle d'être une caisse de secours, de bienfaisance et de famille.
Voici le projet de décret que votre comité m'a chargé de vous proposer :
TITRE Ier.
Delà conservation de la caisse des Invalides et des revenus qui lui sont affectés.
» Art. 1er. La caisse des Invalides de la
marine sera conservée ; elle demeurera distincte et séparée de celle des
pensions accordées par l'Etat, et sur laquelle les droits des marins et
de tous les employés du département de la marine sont réservés.
«Art. 2. Les revenus fixes provenant des économies ci-devant faites des fonds de cette caisse continueront à y être versés.
« Art. 3. La rente viagère de 120,000 livres sur la tête du roi est déclarée perpétuelle, et sera versée tous les ans par le Trésor public à la caisse des Invalides.
« Art. 4. Cette caisse conservera pour revenus casuels :
« 1° 4 deniers pour livre sur toutes les dépenses du département de la marine et des colonies ;
« 2° 6 deniers pour livre sur les gages des marins employés par le commerce, et sur les bénéfices de ceux qui naviguent à la part ;
« 3° 6 deniers pour livre du produit net de toutes les prises faites sur les ennemis de l'Etat par les corsaires français ;
« 4° 6 deniers pour livre de la totalité, et le tiers du produit net de toutes les prises quelconques faites sur les ennemis par les bâtiments de l'Etat ;
« 5° La totalité du produit non réclamé des bris et naufrages ;
« 6° Le montant de la solde des marins déserteurs à bord des vaisseaux de l'Etat ;
« 7° La moitié de la solde des déserteurs à bord des navires du commerce, l'autre moitié déclarée appartenir aux armateurs en indemnité de leurs frais de remplacement ;
« 8° Le produit des successions des marins et autres personnes mortes en mer, les sommes de parts de prises, gratifications, salaires et journées d'ouvriers et autres objets de pareille nature concernant le service de la marine, lorsqu'ils ne seront pas réclamés.
Des formes à observer pour constater ceux qui ont des droits à des pensions ou demi-soldes sur la caisse des Invalides.
« Art. 1er. Les syndics élus par les citoyens
de profession maritime dresseront, au commencement de chaque année, une
liste des invalides et pensionnaires de leur syndicat, morts dans
l'année ; ils recevront les demandes de demi-soldes qui leur seront
faites par les marins, veuves et enfants, pères et mères des marins de
leur territoire; ils en donneront l'état contenant les motifs de chaque
demande, et feront certifier les faits par la municipalité du chef-lieu
du syndicat, et adresseront un double de l'état, et les pièces au
soutien au commissaire de leur quartier.
« Art. 2. Les commissaires établis dans les quartiers vérifieront les
faits contenus aux états et pièces à eux envoyés par les syndics; ils
joindront leurs observations à chaque demande, feront certifier le tout
par les administrateurs du district de leur résidence, et en feront
ensuite
« Quant aux marins, leurs veuves, enfants,père ou mère, résidant dans les lieux non compris dans un syndicat des classes, ils présenteront leurs demandes motivées à la municipalité du lieu de leur résidence, laquelle certifiera les faits qui seront à sa connaissance, et adressera lesdites demandes et les pié es au soutien au ministre du département de la marine.
« Art. 4. Les commissaires des classes feront aussi, au commencement de chaque année, une liste des officiers militaires et administrateurs pensionnaires de leur département, morts dans l'année.
« Quant aux nouvelles demandes de pensions qui pourraient être formées par des officiers militaires, ceux d'administration et autres, elles seront par eux adressées à leurs supérieurs respectifs, qui en remettront les états et pièces à l'appui, à l'ordonnateur en chef du département. Leurs pères, mères, veuves et enfants, qui formeront des demandes, y joindront les certificats de la municipalité de leur résidence sur les faits par eux énoncés, et qui seront à sa connaissance.
« Art. 4. Les inspecteurs des troupes de la marine et des régiments des colonies recevront les demandes de pensions qui pourront être formées par les officiers, sous-ofliciers et soldats desdites troupes et régiments; ils en dresseront l'état avec les motifs de chaque demande, et les pièces au soutien, et adresseront le tout avec leurs observations, au ministre de la marine.
« Art. 5. Les ordonnateurs en chef dans les divers départements de la marine feront examiner tous les états de demandes de pensions et pièces au soutien qui leur auront été adressées ; ils en feront dresser le procès-verbal par le commissaire aux revues ou par le contrôleur de la marine. le viseront, y joindront leurs observations, et adresseront le tout, dans le plus bref délai, au ministre de la marine.
« Art. 6. Le ministre fera faire un nouvel examen et dresser la liste générale de toutes les demandes et de leurs principaux motifs, dans l'ordre où il aura jugé devoir les placer.
« Art. 7. Les pensions et demi-soldes de la marine seront déterminées par un règlement particulier, en raison des fonctions qu'exerçaient les individus, de leurs payes au service, de leurs blessures ou infirmités, de leurs besoins et du nombre de leurs enfants en bas âge. Le minimum desdites pensions et demi-soldes est fixé à 96 livres, et leur maximum à 600 livres par an.
Art. 8. Tous ceux qui, à raisondeleurs services e t de leurs besoins, mériteront d'être placés sur la liste, obtiendront la pension, solde ou demi-solde, autant qu^ la caisse aura des fonds à y suffire ; et en cas d'insuffisance, on suivra l'ordre de la liste qui doit accorder la préférence aux plus anciens d'âge et de service, et aux plus nécessiteux.
« Art. 9. Les gratifications et secours urgents momentanés, seront demandés, comme les demi-soldes, au syndic qui fera certifier les faits par la municipalité du cnef-lieu, en enverra également l'état au commissaire du quartier qui y joindra ses observations, fera certifier le tout par les administrateurs du district de sa résidence, et en fera l'envoi à l'ordonnateur du département.
« Art. 10. Les officiers militaires, ceux d'administration ainsi que les officiers, sous-officiers et soldats des troupes de la marine et des régiments des colonies, adresseront à leurs supérieurs respectifs leurs demandes de gratifications, de secours urgents, et rempliront pour cet objet les mêmes formalités prescrites par les articles précédents pour les demandes de pensions.
De la destination des fonds de la caisse des Invalides.
« Art. 1er. Les fonds de la caisse des
Invalides sont destinés au soulagement des officiers militaires et
d'administration, officiers mariniers, matelots, novices, mousses,
sous-officiers, soldats et autres employés du département de la marine,
et à celui de leurs veuves et enfants, même de leurs pères et mères; ils
ne pourront, sous aucun prétexte, être détournés de cette
destination.
« Art. 2. Il ne sera accordé aucune pension sur la caisse des Invalides qu'à titre de besoin réel et bien constaté, et cette pension ne pourra jamais excéder 600 livres, même lorsqu'elle sera accordée à une veuve et ses enfants réunis.
« Art. 3. Nul ne pourra obtenir de pension sur la caisse des Invalides, s'il a quelque traitement ou salaire public, ou pension sur l'Etat, à moins qu'il n'ait été blessé grièvement, ou qu'il ne soit devenu infirme au service public, ou qu'il ne soit âgé de plus de 56 ans et ayant au moins 30 ans de service.
« Art. 4. Il ne pourra être accordé de pension sur la caisse des Invalides avec clause de réversibilité.
« Art. 5. La pension de 50 livres accordée à perpétuité au plus proche parent du sieur Penandreff Keranstrelt est exceptée de l'article précédent, en mémoire de la mort glorieuse de cet officier tué, le 10 août 1780, sur la frégate anglaise, la Flore, à bord de laquelle il avait sauté seul, et continuera d'être payée pendant cent ans.
« Art. 6. Il sera mis chaque année, sur les fonds de la caisse des Invalides, une somme à la disposition du ministre de la marine pour être par lui distribuéeen modiques gratifications dans les cas de besoins urgents. Cette somme sera fixée à 60,000 livres par an, et divisée en deux portions: l'une, de 54,000 livres, sera appliquée aux demandes faites dans les formes prescrites par le titre précédent, et aucune de ces gratifications ne pourra excéder la somme de 200 livres.
« L'autre portion de 6,000 livres sera disponible par le ministre pour les cas extraordinaires qui ne permettraient aucun retard, et dont les demandes ne peuvent être formées à l'avance; et aucune des gratifications sur ce fonds de 6,000 livres ne pourra excéder la somme de 50 livres.
« Art. 7. Toutes les demandes des marins et autres personnes attachées au département de la marine, sollicitant des pensions ou demi-soldes, à raison de leurs services, blessures, âge, infirmités, et qui n'ont encore obtenu aucune pension, ni demi-solde, seront examinées, le plus tôt possible, par le ministre du département; et toutes celles qui sont fondées seront incessamment accordées suivant les principes du présent décret et conformément au règlement et tarif ci-annexés, à courir du Ier janvier 1791.
Des pensions, soldes et demi-soldes qui existent sur la caisse des Invalides de la marine.
« Art. 1er. A compter du premier janvier
1791,
« Art. 2. Toutes autres pensions sur la caisse des Invalides continueront d'être payées pour les 6 premiers mois de l'année 1791, et ne pourront l'être ultérieurement que d'après vérification de leurs motifs.
« Art. 3. Les pensions accordées pour raison de blessures ou d'infirmités graves et bien constatées, ou à titre de retraite, après 30 ans effectifs de service, ou aux veuves, enfants, père, mère, frères et sœurs de marins, officiers et employés dans le département, en considération de Fa mort ou des services rendus par leurs maris, leurs pères, fils ou frères, sont conservées; mais celles qui excèdent 600 livres seront réduites à ce taux. ...
« Art. 4. Ne sont pas comprises aux dispositions de l'article 2 les soldes et demi-soldes, et les pensions de 50 livres aux veuves, qui continueront d'être payées sans interruption.
« Art. 5. Le ministre de la marine remettra au bureau du commissaire du roi, liquidateur, les titres ou décisions avec les motifs et informations prises dans les ports respectifs sur les pensions suspendues par l'article 2 du présent titre. Le commissaire liquidateur en fera l'examen et vérification, et remettra le tout au comité de marine pour en faire le rapport à l'Assemblée nationale.
« Art. 6. Tous inventeurs de découvertes utiles à la marine et autre* étrangers à ce département auxquels il avait été accordé des pensions sur la caisse des Invalides, ou qui auront des droits à des récompenses, fourniront leurs mémoires au comité des pensions, pour être portés sur la liste des pensionnaires de l'Etat, s'il y a lieu.
« Art. 7. Les pensionnaires de toutes les classes sur la caisse des Invalides de la marine seront admis dès qu'ils le requerront dans les hospices nationaux, en abandonnant auxdits hospices leur pension ou solde, sous la réserve de 24 livres par an pour les besoins particuliers desdits pensionnaires ; mais ils seront tenus d'y travailler, s'ils sont encore en état de le faire, et le produit de leur travail appartiendra à l'hospice.
« Ceux qui auront été estropiés, ou qui auront atteint l'âge de caducité, et qui n'auraient d'ailleurs aucun moven de subsister, pourront être reçus à l'hôtel des Invalides, conformément au décret du 24 mars 1791 ; alors ils cesseront de recevoir aucune demi-solde.
« Art. 8. Les soldes et demi-soldes, dont jouissent actuellement les invalides de la marine, seront provisoirement, et à compter du 1er janvier 1791, augmentées de douze deniers par jour, en attendant un travail général qui devra être fait par le département de la marine, dans le courant de cette année, pour mettre tous les invalides de la marine, au 1er janvier 1792, sur le pied du règlement et tarif annexés au présent décret.
« Art. 9. Les hôpitaux, hospices et autres établissements de bienfaisance, destinés privative-ment aux invalides de la marine, seront provisoirement maintenus. L'Assemblée nationale charge ses comités de marine et de mendicite de lui en présenter incessamment le tableau et de lui proposer les dispositions à faire pour l'avantage public.
De la comptabilité de la caisse des Invalides et frais de son administration.
« Art. 1er. La caisse des Invalides de la
marine est un dépôt confié, sous les ordres du roi, au ministre du
département de la marine, qui ne pourra, sous peine d'en être
responsable, en intervertir la destination.
« Art. 2. Tous les agents nécessaires au service de la caisse des Invalides seront sous les ordres du ministre de ce département.
« Art. 3. Il y aura un trésorier des Invalides de la marine à Paris et dans chacun des ports où un tribunal de commerce maritime remplacera une amirauté et les trésoriers des ports seront en même temps caissiers des gens de mer.
« Il y aura en outre des caissiers des gens de mer dans les autres quartiers, et ces caissiers seront subordonnés au trésorier de leur arrondissement.
« Art. 4. Au ministre appartiendra d'ordonner les remises et versements de fonds de la caisse de Paris dans celles des ports, et vice versâ, suivant les besoins du service.
« Art. 5. Les recettes et dépenses concernant les invalides et les gens de mer, seront confiées auxdits trésoriers et caissiers dont la comptabilité sera suivie par les commissaires des classes, sous les ordres des ordonnateurs, et inspectée dans les ports par les contrôleurs de la marine.
« Art. 6. Chaque trésorier et caissier tiendra un registre particulier en recette et en dépense, tant pour le service de la caisse des Invalides, que pour celle des gens de mer.
« Art. 7. Le premier jour de chaque mois les trésoriers arrêteront leur registre et le feront viser par les commissaires aux classes et les contrôleurs de la marine du port où ils seront établis.
« Les caissiers des gens de mer arrêteront aussi leur registre le premier jour de chaque mois et cet arrêté sera visé par le commissaire des classes du quartier.
«. Les commissaires aux classes et les contrôleurs seront tenus de vérifier et certifier l'état de la caisse et l'existence des effets et espèces. Ils seront responsables de la vérité de leur certificat.
« Art. 8. Us remettront à la même époque, à l'ordonnateur en chef de leur département qui le fera passer au ministre, l'extrait du service du mois, certifié et visé comme il est prescrit pour le registre. Le trésorier des Invalides, à Paris remettra un semblable extrait au ministre.
« Art. 9. Tous les ans, au premier jour de janvier, chaque trésorier des Invalides formera son compte de l'année précédente, lequel sera visé et certifié par le commissaire aux classes ou le contrôleur de la marine, arrêté par l'ordonnateur du département et adressé au ministre de la marine.
« A Paris le trésorier établira, dans la même forme, son compte de l'année précédente qu'il fournira au ministre.
« D'après tous ces comptes, le ministre de la marine fera dresser le compte général de la caisse des Invalides de la marine, qui sera livré à l'impression et envoyé dans les quartiers à chaque syndic des gens de mer.
« Art. 10. Aufcune dépense ou gratification ne pourra être allouée que sur ordonnance signée du roi en commandement et contresignée par le ministre du département de la marine.
« Art. 11. Les commissaires des classes et les contrôleurs de la marine dans les ports et à Paris, le chef du bureau des Invalides seront spécialement chargés des poursuites à faire pour la rentrée des sommes dues à la caisse des Invalides, tant pour le passé que pour l'avenir, chacun dans leur département.
« Art. 12. La caisse des Invalides ne supportera aucuns frais ordinaires, que ceux qui seront réglés pour le traitement des agents auxquels seront confiés l'administration et la comptabilité des objets qui les concernent.
« Art. 13. Ladite caisse ne supportera d'autres frais extraordinaires que ceux nécessaires pour assurer le recouvrement des sommes qui lui seront dues et l'impression de ses comptes.
Règlement pour la fixation et disbribution des pensions, soldes et demi-soldes, sur la caisse [des Invalides de la marine.
« L'Assemblée nationale, considérant que la situation des m'arins exige plus ou moins de secours en raison de leurs infirmités, de leurs blessures, de la quantité et de l'âge de leurs enfants, et qu'il est juste aussi d'avoir égard à leurs àppointements qui indiquent la durée, l'importance et le mérite de leurs services, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. 11 sera fait cinq classes des personnes ayant droit à des demi-soldes, en qualité d'invalides de la marine.
« Art. 2. Tous les marins qui, aux termes du décret de ce jour, auront droit à une demi-solde sur la caisse des Invalides, et dont la paye au service est de 66 à 81 livres par mois, recevront pour demi-solde 18 livres par mois.
« Tous ceux dont la paye est de 51 à 63 livres recevront pour demi-solde 15 livres par mois.
« Tous ceux dont la paye est de 39 à 48 livres recevront pour demi-solde 121. 10 s. par mois.
« Tous ceux dont la paye est de 27 à 36 livres auront pour demi-solde 10 livrés par mois.
« Enfin pour tous ceux dont la paye est au-dessous de 27 livres, la demi-solde sera de 8 livres par mois.
« Art. 3. Il sera en outre accordé à chaque invalide qui, par des blessures graves ou des infirmités, serait habituellement hors d'état de travailler, un supplément de 6 livres par mois.
« Art. 4, Il sera aussi accordé à chaque invalide en supplément la somme de2 livres par mois pour chaque enfant au-dessous de l'âge de 10 ans, jusqu'à ce qu'ils aient atteint cet âge.
« Art. 5. A l'égard des sous-officiers et soldats des troupes de la marine et des régiments descolonies, on suivra le tarif réglé pour l'armée de ligne, en ayant égard au séjour dans les colonies, et aux campagnes de mer desdits sous-officiers et soldats.
« Art. 6. Tous ceux dont les appointements ou la solde excède 81 livres par mois, auront droit, dans les cas exprimés par le décret, à une pension du quart de leur dit traitement ou solde.
« Si par des blessures ou infirmités, ils se trouvent hors d'état de travailler, ils recevront un supplément de 9 livres par mois, et en outre 3 livres par chacun de leurs enfants au-dessous de l'âge de 10 ans, et seulement jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à cet âge.
« Art. 7. Les veuves des pensionnaires invalides et celles des hommes morts après 30 ans de services auront droit à la moitié de ce que leurs maris avaient obtenu ou auraient pu obtenir
Celles des hommes tués à la guerre auront droit à la moitié de la pension ou demi-solde, qui aurait été due à leurs maris, à raison de sa paye ou de ses appointements, quelque fût son âge ou le temps de service, et en outre à la moitié du supplément accordé pour les blessures graves ; il leur sera aussi accordé un supplément de 3 livres nar mois. ¦
« Art. 8. Les pères et mères pourront obtenir chacun le tiers de la pension ou demi-solde, qui aurait pu être accordé à leurs fils dans les cas ci-dessus.
Art. 9. Les orphelins de père et de mère, dans les cas énoncés ci-dessus, pourront obtenir chacun le tiers de la pension ou demi-solde, que leur père avait obtenue ou à laquelle il aurait eu droit et cette nension ou demi-solde leur sera payée jusqu'à Pâge de 14 ans accomplis.
« Art. 10. Lesdites pensions ou demi-soldes et accessoires réunis ne pourront jamais excéder la somme de 600 livres fixée pour le maximum des pensions sur la caisse des Invalides »
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
au nom du comité chargé de surveiller Venvoi et la publicité des décrets.
Je déclare à l'Assemblée que, surpris de ne point voir paraître le décret du 18 août 1790 concernant l'organisation de l'armée, j'ai écrit au ministre de la guerre pour lui demander les motifs de ce retard. En réponse, le ministre m'a envoyé le décret avec des observations en marge, qui avaient pour objet d'en concilier les dispositions avec les décrets ultérieurs. En conséquence, je demande que ces observations et le décret soient renvoyés à l'examen du comité militaire, avec charge d'en rendre compte incessamment.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Bouche.)
secrétaire, fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
Un membre propose d'ordonner la suspension du décret rendu hier qui accorde une indemnité à la famille du maréchal de Lowendal.
Plusieurs membres réclament l'ordre du jour sur cette motion.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
L'ordre du jour est la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Etienne sur la création de petits assignats, discussion que vous avez ajournée mardi dernier à la séance d'aujourd'hui (2).
Monsieur le Président, avant d'en-
La parole est à M. Prugnon, rapporteur du comité d'emplacement.
au nom du comité d'emplacement. Messieurs, votre comité d'emplacement m'a chargé de vous présenter plusieurs projets de décret relatifs à l'établissement de différents directoires de district ou de département. Avant de vous donner lecture de ces différents projets, permettez-moi de vous offrir quelques considérations relativement à la demanae du directoire du département de la Haute-Vienne. L'intendance de Limoges suffisait à peine à un seul homme : trois corps lui succèdent et se trouvent décemment logés.Le directoire du département oberve même qu'une acquisition fatiguerait trop les administrés que plus d'une calamité afflige ; et il réduit sa demande à être autorisé à louer, en plaçant à côté de cette pétition les inconvénients attachés à un établissement provisoire. En général, il est si permis et surtout si doux d'acccor-der à la modestie ultra petita que votre comité aurait eu l'honneur de vous proposer d'autoriser des administrateurs si sages et si raisonnables à acquérir ; parce que dans leur pétition même on entrevoit qu'ils en ont le désir secret. Mais deux considérations l'ont arrêté ; la première, c'est qu'il serait comme indispensable d'autoriser en même temps le district à acquérir la portion qu'il occupe, et cette mesure ne paraît pas convenable, attendu que l'on sera conduit probablement à supprimer les districts placés dans les chefs-lieux de départements. C'est un échelon inutile qui ne fait que compliquer et arrêter la marche des affaires. Un directoire du département peut faire fonctions de district dans son chef-lieu : Paris en est un exemple vivant.
La seconde, c'est qu'il n'est pas peu intéressant de donner un grand exemple à tous les districts qui sont ou inquiets, ou blessés de ce que l'on ne les autorise pas à acquérir. Quand on leur opposera un directoire de département qui ne fait que louer, et encore une simple portion d'édifice, cet argument-là en vaudra bien un autre; et il ne sera probablement pas désagréable aux administrateurs de la Haute-Vienne d'être offerts comme modèles aux autres corps administratifs. Nous vous proposons donc d'autoriser la location.
Voici les différents projets de décret que votre comité m'a chargé de vous soumettre :
Premier décret.
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département de la Manche à acquérir, aux frais des administrés, et dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la maison conventuelle des dominicains de Coutances, qu'il occupe actuellement, et telle qu'elle est désignée au plan qui sera joint à la minute du présent décret, pour y placer les corps administratifs du département et du district; excepte de la présente permission d'acquérir les autres bâtiments, l'enclos, les jardins et potagers, pépinières et autres terrains, lesquels seront vendus séparément et dans les formes ci-dessus prescrites. » (Adopté.)
Deuxième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département de la Haute-Vienne, ainsi que celui du district de Limoges, à louer, à dire d'experts, chacun séparément, aux frais des administrés, le local que chacun de ces corps administratifs occupe actuellement à l'hôtel de laci-dévant intendance, désigné par les lettres A, E, B, au plan qui sera joint à la minute du présent décret, à la charge de verser annuellement à la caisse du district le prix dudit loyer ; les autorise également à faire procéder aux réparations et arrangements intérieurs nécessaires, d'après les devis estimatifs et l'adjudication au rabais en sera faite, pour être le montant supporté par les administrés. » (Adopté.)
Troisième décret.
« L'Assemblée nationale autorise le directoire du district de Poitiers, département de la Vienne, à faire faire, aux frais des administrés, les réparations et arrangements intérieurs nécessaires a la partie du palais de justice et emplacements occupés par les officiers de la maîtrise des eaux et forêts, ainsi que par les avocats et procureurs, pour y placer le tribunal du district, à la charge de faire procéder à l'adjudicatiou au rabais desdites réparations et ouvrages, sur le devis estimatif qui en a été dressé le 6 de ce mois et approuve par le directoire du département le 13 du même mois, b (Adopté.)
Quatrième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du département du Puy-de-Dôme à acquérir, aux frais des administrés et dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la maison des cordeliers de Clermont, pour y placer le corps administratif du département.
« L'autorise également à faire faire les réparations et arrangements intérieurs qui seront jugés nécessaires, d'après l'adjudication au rabais qui en sera faite en la manière accoutumée, sur le devis estimatif qui en a été dressé le 14 de ce mois; le montant de laquelle adjudication au rabais sera supporté par les administrés. » (Adopté. )
Cinquième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district du Pont-Saint-Esprit, département du Gard, à louer, à dire d'experts, aux frais des administrés, la partie de la maison des bénédictins-clunistes de Saint-Pierre, désignée au plan qui sera joint à la minute du présent décret, pour y placer le corps administratif du district et le tribunal, et être le prix du loyer versé annuellement à la caisse au district; l'autorise pareillement à faire procéder à l'adjudication au rabais des réparations et arrangements intérieurs qui seront jugés nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Bousquet, le 4 du présent mois ; le montant de laquelle adjudication sera supporté par les administrés. » (Adopté.)
Sixième décret.
« L'Assemblée nationale, ou! le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Janville, département d'Eure-et-Loir, à louer, aux frais des administrés, au prix de 600 livres par an, la maison située rue du Barde, habitée par le sieur Thomas, boulanger, pour y placer le corps administratif du district ; rau-tonse pareillement à faire faire, aux frais desdits administrés, tous les arrangements intérieurs nécessaires, dont la dépense ne pourra néanmoins excéder la somme de 1,200 livres. » {Adopté.)
Septième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Tarascon, département des Bouches-du-Rhône, à louer, à dire d'experis et aux frais des administrés, la partie de la maison du doyenné de la collégiale appelée le grand-auartier, pour y placer le corps administratif du district. Excepte, de la présente permission de louer, le jardin, ainsi que la portion de ladite maison appelée le petit-quartier, séparée du grand par un petit escalier y attenant, et Je bâtiment qui était occupé par le fermier de la dime affectée au doyen, pour être, lesdits objets réservés, vendus séparément dans les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux. » (Adopté.)
Huitième décret.
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Rieux à louer, à dire d'experts et aux frais des administrés, la maison du séminaire de cette ville pour y placer le corps administratif du district et le tribunal; excepte, de Ja présente permission de louer, les jardins et toutes autres dépendances dudit séminaire pour être donnés à loyer séparément et le prix versé, ainsi que celui de l'emplacement du directoire,
dans la caisse du district. » (Adopté.)
Messieurs, l'Assemblée a soumis ceux de ses membres qui veulent s'absenter à l'obligation de prendre un congé; cette règle a été enfreinte par M. Dubois, curé de Sainte-Madeleine de Troyes.
M. Dubois, en effet, a déjà passé huit mois dans son pays et il vient d'y retourner incognito, sans congé. Je suis informé qu'il est très nécessaire qu'il soit rappelé à son poste ; et si quelqu'un exigeait que j'expliquasse les motifs de cette nécessité, on trouverait au comité des rapports des preuves qu'il ne va pas à Troyes pour y prêcher en faveur de Ja Constitution.
Je demande donc que l'Assemblée charge M. le Président d'écrire à M. Dubois pour le rappeler à son poste.
J'appuie l'observation de M. Parisot. Je crois toutefois qu'une lettre de M. le Président est insuffisante et qu'il faut un décret formel. Je demande donc que l'Assemblée veuille bien rendre le décret suivant :
« L'Assemblée nationale enjoint au sieur Dubois, curé de la Madeleine de la ville de Troyes, de venir reprendre sa place de député. » (Ce décret est adopté.)
au nom du comité ecclésiastique, présente un projet de décret relatif à la formation et à la circonscription des paroisses de la ville et des faubourgs (TAngoulême.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité ecclésiastique sur la délibération prise le 8 avril 1791 par le direc-oire du département de la Charente, de concert avec l'évêque diocésain, relativement à la formation et circonscription des naroisses de la ville et des faubourgs d'Angoulême, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il n'y aura que 2 paroisses dans la ville d Angoulême, et une dans le faubourg Lhoumeau, savoir: dans la ville, la paroisse cathédrale et ce e de Samt-Martial, et au faubourg Lhoumeau celle de Saint-Jacques.
Art. 2.
« La cathédrale sera desservie dans l'église de Saint-Pierre; elle comprendra les paroisses de Notre-Dame, de la Peyne et de Beaulieu, Samt-Cibard, Saint-Jean, Saint-André, partie de Samt-Antoine et de Saint-Paul ; et hors la ville, les paroisses de Saint-Martin et de Saint Ozonne Elle sera circonscrite dans la ville, par une ligne partant de la porte Saint-Pierre, suivant le rempart à droite jusqu'au mur de clôture du château ; tournant à gauche, suivant ledit mur, jusqu'au marché qui est au devant des halles; suivant ledit marché jusqu'au premier tournant, à gauche, par lequel on se rend à la petite place Saint-Paul, et d'icelle prenant une petite rue en face jusqu'aux murs de la ville au-dessus des magasins à poudre, laissant à droite la maison de force; les prisons et ledit magasin, suivant ledit mur à gauche passant sur la porte du Palais, prenant les deux maisons qui y sont construites et continuant ledit mur ou rempart jusqu'à ladite porte Saint-Pierre.
Art. 3.
« La paroissse de Saint-Martial comprendra le surplus de Ja ville, laisse par les confrontations de celle de Saint-Pierre, avec son arrondissement ancien, hors de la ville, et le territoire de celle de Saint-Antonin hors les murs.
Art. 4.
« La paroisse du faubourg de Lhoumeau sera desservie dans l'église de Saint-Jacques; elle comprendra tout son ancien territoire et celui de la paroisse de Saint-Yrieix.
» Il pourra, par la suite, être distrait desdites paroisses, les hameaux et villages qui, par des convenances locales et pour le bien du service, devront être réunis à des paroisses de la campagne.
Art. 5.
« L'église de Saint-André, de Ja ville, sera conservée comme oratoire. Deux messes y seront célébrées, les fêtes et dimanches, par les vicaires de l'église cathédrale, lesquels y feront les instructions spirituelles, sans y exercer aucune fonction curiale.
Art. 6.
« L'église de Saint-Yrieix sera conservée pour oratoire dans la paroisse
de Saint-Jacques de Lhoumeau. Le curé demeure chargé d'y faire cé-
Art. 7.
« L'Eglise de Notre-Dame-des-Bouzines, dans la paroisse de Saint-Martial, sera conservée comme oratoire seulement.» (Ce décret est adopté.)
La parole est à M. Camus pour donner lecture du rapport des commissaires de la caisse de l'extraordinaire sur la vérification et le brûlement des effets entrés dans l'emprunt national de 80 millions.
au nom des commissaires de la. caisse de l'extraordinaire (1). Messieurs, le27 août 1789, l'Assemblée nationale décréta un emprunt, qui fut sanctionné par le roi, le lendemain 28. Une des conditions de l'emprunt, écrite dans le troisième article des lettres patentes données par le roi, sur ce décret était « que l'on payerait au « Trésor royal, en argent comptant, la moitié de3 « capitaux pour lesquels on voudrait s'inléresser « dans l'emprunt et que l'on fournirait, pour « l'autre moitié, les effets royaux au porteur, de « toute nature, et les contrats échus en rembour-« se ment.»
L'emprunt national n'a pas été rempli en son entier, mais ayant été fermé par le décret du 8 octobre 1790, il y a lieu de procéder à l'exécution de l'article 9 des lettres patentes données sur le décret de création de l'emprunt, portant que les effets au porteur, entrés dans l'emprunt, seraient incendiés et procès-verbal du brûlement dressé par deux commissairesdelaGhambredescomptes, que le roi nommerait.
Alors un nouveau décret de l'Assemblée nationale, en date du 24 décembre 1790, sanctionné le 5 janvier suivant, a ordonné que « par les com-« missaires chargés de la surveillance de la caisse « de l'extraordinaire, de concert avec les com-« missaires nommés par le roi, MM. de Prisye et « Osmont, maîtres des comptes, il serait procédé « publiquement au brûlement de3 effets rentrés « au Trésor public par la voie de l'emprunt na-« tional ou de tous autres, dont il serait dressé « procès-verbal signé desdits commissaires, aui « serait imprimé, et un exemplaire d'icelui « adressé à chacun des départements.»
Les commissaires de l'extraordinaire ont exécuté la mission que l'Assemblée leur avait donnée ils en doivent maintenant le compte, qui consistera d'abord dans le récit des faits dont ils ont été les témoins ou qu'ils ont constatés ; ensuite dans les observations auxquelles ces faits donnent lieu. Ils termineront leur rapport par la proposition de quelques articles sur lesquels il est nécessaire que l'Assemblée fasse connaître ses intentions.
Récit des faits.
L'Assemblée nationale, en décrétant l'emprunt de 80 millions, avait
déclaré eu laisser le mode au pouvoir exécutif; en conséquence et
indépendamment de la disposition écrite dans l'article 3 des lettres
patentes que nous avons déjà citées, qui admettait dans 1 emprunt des
effets royaux en payement de la moitié des valeurs pour lesquelles on
s'y intéressait, le premier ministre des
L'instruction comprend des effets de 12 natures différentes : il est expliqué à l'égard de chacune de ces natures de quelle époque et comment on doit calculer les intérêts. Voici l'instruction elle-même. Effets qui seront admis dans l'emprunt national de 80 millions.
« 1° L'action de l'ancienne Compagnie des Indes, échue en remboursement, sera reçue sur le pied de 2,500 livres ; celle qui n'est point échue en remboursement, ne sera admise que pour 2,250 livres, attendu que les intérêts sont soumis à la retenue du dixième. On rapportera les coupons d'intérêts.
« 2° Les billets de la loterie des hôpitaux, qui ne sont aujourd'hui que des lots, seront reçus pour la somme de ces mêmes lots, à la déduction du dixième; mais les intérêts à 5 O/Oseront alloués à compter du 1er décembre 1788, pour le net des lots.
« 3° Les contrats de l'emprunt de 30 millions, ouvert par la ville en septembre 1786, et sortis en remboursement au tirage de 1788, pour la somme de 600,000 livres, seront reçus pour leur capital, et les intérêts seront comptés du l8r janvier 1789. ¦
« 4° Les portions des billets et lots de la loterie d'octobre 1780 seront admis. On tiendra compte des intérêts à 50/0, du jour de l'ouverture du remboursement, en janvier de chaque année.
« 5° Les quittances de finance au porteur, de l'édit de décembre 1782, sorties ou non sorties en remboursement, seront admises dans l'emprunt pour leur capital. Les quittances de finance en nom et les contrats, ne seront reçus qu'autant qu'ils seront sortis. Oa tiendra compte des intérêts jusqu'au 1er juillet 1789. Les propriétaires des quittances de finance au porteur seront tenus de rapporter les coupons dont elles doivent être accompagnées. . ,
« 6° Les billets et lots de la loterie d'avril 1783, sortis en remboursement, seront reçus dans l'emprunt. Les intérêts serontalloués à 5 0/0. Les billets non sortis en remboursement, seront également reçus; leur capital ne sera évalué qu'à raison de 4 0/0 qu'ils produisent. On fera rapporter pour les uns et pour les autres, les coupons dont ils sont garnis.
« 7° Les lots de la loterie d'octobre 1783, et les billets non sortis de cette même loterie, seront reçus dans l'emprunt. On tiendra compte de l'intérêt à 5 0/0 des lots, à compter du jour de l'ouverture de leur remboursement jusqu'au 1er juillet, et des intérêts des billets non sortis, à compter du 1er octobre 1783, aussi sur le pied de 5 0/0, attendu que ce3 billets, qui ont été créés de 400 livres, accroissaient chaque année de 20 livres, indépendamment des lots.
« 8° Tous les billets de l'emprunt de 125 millions, sortis ou non sortis en remboursement, pourront entrer dans l'emprunt. On tiendra compte des intérêts des capitaux desdits billets et des accroissements attribués à ceux sortis. Les porteurs rapporteront les coupons dont les billets doivent être garnis. .
« Les contrats provenaut de la conversion de quelques-uns desdits billets, et sortis en remboursement, seront également admis, et il sera tenu compte des intérêts, comme de ceux des billets sortis.
« 9° On recevra, dans l'emprunt, les quittances
« On admettra egalement dans l'emprunt, les bulletins auxquels les lots sont 6chus. On tien- dra compte des interets de ces lots a compter an premier jour d'avril de l'annee dans laquelle lis seront sortis.
« 10° Les billets a 5 0/0 de l'emprunt de 120 mil- lions, ouvert par edit de novembre 1787, seront recus pour leur capital: et ceux à 4 0/0 seront calcules h raison du denier 20 de cet intérêt.
« On rapportera les coupons, mais on ne sera pas tenu de rendre les bulletins de change, x)u les bordereaux de remplaoement qui ont ele expedies pour unegrande partiede ces bulletins. On recevra aussi les lots echus aux bulletins de change, ou les bordereaux de remplacement.
« 11° Les rentes de I'ordre da Saint-fisprit. dont le remboursement a et6 indique, en tenant compte des interns a 5 0/0.
« 12° Les assignations sur les domaines et les billets des administrates des domaines, sus- pendus, seront regus dans Temprunt.
« Le Tresor royal tiendra compte des intents de ces effets qui n'auraient pas ete renouveles. « Et les porteurs de ces effets restitueront les interns dont il leur aura ete tenu compte au deli da 1er juillet 1789, lors du renouvellement qu'lis en ont demande. »
Après avoir pris lecture de cette instruction, les commissaires ont demande la representation des registres origicaux qui avaient du consiater, jour par jour, le versement des sommes four- nies sojt en deniers comptants, soit en effets de la nature de ceux que ^instruction autorisait a admettre. II a ete produit, par le commis du grand comptant, deux cahiers de papier, du genre ae ce quon appelle dans les maisons de com- merce, main courante, portant jour par jour, quel- queiois avec le nom de ceux qui lournissaient les tonds, quelquefois sous cette indication, une simple note des deniers ou des effets verses dans 1 emprunt. II resulte des totaux qui sont arretes a la fin de chaque cahier, que, quand l'emprunt a ete ferme en execution du decret du 8 octo- S^A&I^J av.ai] éte vers* ja somnje de Vt I. !LS-, 8aV01r: en deniers comp- 1 o1? s* 5 d' et eQ ^fets divers, cD,503,256 1. 13 s. 2 d.
On a mis ensuite, sous les yeux des commis- sures, le tableau ou bordereau des effets qui ont ete regus dans l'emprunt. Le voici tel qu'il a 6t6 represente, avec la seule difference qu'on y a ajoute une sixiSme colonne pour etablir le net des effets regus, apres l'addition et la deduction des interets sur les masses. Chaque effet vaut d abord son capital, aux termes de 1'instructign: plus U vaut les interets qui lui sont attaches et que le porteur n'a pas touches et, par conse- quent, ces interfile sont a ajouter. Si, au con- traire, le porteur s'est fait payer, avant de remettre son capital, d'une partie d'interets a avance, ll faut de Juire ces interets sur le ca- pital. Il est facile, apres cette explication, de sai- sir l ohjet de chacune des 6 colonnes du tableau ou bordereau.
ÉTAT de la totalité de chaque nature d'effets reçus dans Vemprunt national
de 80 millions.
NOMBRE des effets. NATURE BES EFFETS. CAPITAUX. INTÉRÊTS à AJOUTER. INTÉRÊTS à DÉDUIRE. RESTE NET.
2,396 10,155 488 1,399 3,922 1,265 978 393 3,329 17 2,634 19 78 101 124 1 l 27,3G0 Actions des Indes. (Anciennes)................ Primes de 1780 ......... Emprunt de 100 millions, décembre 1882.. Loterie d'avril 1783, à 600 livres, le billet. Loterie d'octobre 1783, à 400 livres le billet..., Emprunt de 125 millions, 1784....... Emprunt de 80 millions, décembre 1785.... Bulletins dudit emprunt... ... .Loterie des hôpitaux........ Emprunt de 30 millions. (Bomaines de la ville) ¦ Bordereaux de nombre 1787..... Effets convertis............. Assignations suspendues......... Billets des domaines.......... Quittances d'honoraires des notaires... Bordereaux de mai 1787_____ Promesse de M. Le Couteulx....... Effets. Totaux................ liv. 4,754,602 2,141,600 1,855,492 1,074,360 2,299,500 1,520,050 1,192,000 313,800 1,831,343 143,000 2,632,000 21,495 1.877,955 409,000 2,628,444 200 700,000 liv. 4,762 41,099 10,375 22,447 49,878 41,003 7,712 6,520 54,300 1,475 67,150 5 1,965 s » liv. 54,417 10,408 35,231 10,272 2,056 35,440 22,400 682 » 250 9 363 21,793 10,507 9 liv. 4,704,947 2,172,291 1,830,636 1,086,535 2,347,322 1,525,610 1,177,312 319,638 1,885,643 144,223 2,699,150 21,137 1,858,127 398,493 2,628,444^ 20Q 700,00(1
25,394,841 308,691 203,819 25,499,713!
L'examen de ce tableau donne lieu à plusieurs observation:
1º La somme nette qui en est le résultat, n'est exactement pas la mème que
celle qui résulte des
Celle-ci est de......... 25,503,2561. 13s.2d.
Le résultat du bordereau est de............. 25,499,713 » »
Partant, il y a une différence de.......................3,5431. 13s.2d.
2° Il paraît qu'il n'a pas été présenté, pour les faire admettre dans l'emprunt national, de rentes sur l'ordre du Saint-Esprit, qui formaient le onzième article de l'instruction.
3° Mais on voit dans le bordereau quelques natures d'effets dont l'instruction ne parlait pas. Les 3 derniers du bordereau doivent particulièrement fixer l'attention : quittances d'honoraires des notaires ; bordereau de mai 1787 ; promesse de M. Le Couteulx de la Noraie. Les commissaires ont demandé qu'on les éclairât sur la nature de ces actes, et sur les motifs de leur admission dans l'emprunt. Voici les notes qui leur ont été remises par écrit sur chacun des objets.
Bordereau de mai 1787.
Lorsqu'après la constitution d'un emprunt, il en restait dans le public de petites coupures, qui, par leur modicité, ne pouvaient être constituées (le moindre capital en viager ne pouvant être au-dessous de 500 livres), on était dans l'usage de les rembourser. Le porteur de celle de 200 livres, de mai 1787, s'était présenté à cet effet; mais au lieu de le rembourser, on à préféré accepter ladite coupure, comme un effet suspendu, pour lui compléter une somme de 1,000 livres dans l'emprunt national.
Honoraires des notaires : 2,628,444 livres.
Au mois de décembre 1789, M. Necker approuva que les honoraires qui étaient dus aux notaires pour les constitutions faites dans différents emprunts, depuis le mois d'août 1786, leur fussent payés en contrats de l'emprunt national de 80 millions. Comme le Trésor public manquait dès lors de numéraire, M. Necker leur imposa la condition de doubler leur placement dans cet emprunt, par une somme en espèces, égale à celle de leurs honoraires.
La condition a été remplie, et l'opération a été consommée.
Billets de M.Le Couteulx de la Noraie : 700,000 livres.
M. Necker a autorisé, le 15 octobre 1789, le caissier du grand comptant à recevoir de M. Le Couteulx de la Noraie, en échange d'un bordereau dans l'emprunt national de 1,400,000 livres :
1° En bons effets payables en décembre, sans intérêts....................... 700,000 liv.
2° En une reconnaissance de M. de la Noraie portant promesse de rapporter des effets à 5 0/0 d'intérêt, conformément à la déclaration dudit emprunt, desquels intérêts il sera tenu compte au Trésor public, du 1er octobre 1789. 700,000
1,400,000 liv.
Somme pareille au bordereau délivré à M. Ga-rat : 1,400,000 livres.
La reconnaissance de M. de la Noraie est entre les mains du caissier du grand comptant; elle porte promesse de fournir 7i)0,000 livres en effets royaux, 8 jours après que M. le premier ministre des finances aura prononcé sur le rapport qui lui sera fait par le contrôleur des bons d'Etat, d'une réclamation formée sur le roi, conjointement avec M. Haller, pour raison des avances faites dans l'affaire des actions des Indes.
Cette affaire n'est pas terminée. Postérieurement à la réception de la note ci-dessus, le comité a demandé à voir les pièces originales relatives à cette dernière opération; elles lui ont été communiquées, et il lui en a été remis les copies qui vont être transcrites.
Emprunt de 80 millions ouvert au mois d'août 1789.
« M. Garat voudra bien consommer avec M. Le Couteulx de la Noraie, l'arrangement ci-après, qui vient d'être expressément ordonné par le premier ministre des finances.
« M. de la Noraie fournira à M. Garat :
« 1° En bons effets de banque payables en décembre prochain, sans intérêt... 700,000 liv.
« 2° En une reconnaissance de M. delà Noraie,portant promesse de rapporter des effets à 5 0/0 d'intérêt, conformément à la déclaration dudit emprunt, desquels intérêts il sera tenu compte au Trésor royal, du 1er octobre 1789...................... 700,000 »
1,400,000 liv.
« M. Garat est prié de fournir à M. de la Noraie un bordereau dudit emprunt de 80 millions^ avec la jouissance du 1er du présent mois d'octobre, conformément à la décision verbale du premier ministre des finances.
« A Paris, le
« Signé : ûufresne. »
« Je fournirai au premier commis du grand comptant du Trésor royal, la somme de 700,000 livres, en effet royaux, portant 5 0/0 d'intérêt net, et ce, 8 jours après que le premier ministre des finances aura prononcé sur le rapport qui lui sera fait par le contrôleur dès bons d'Etat, de la réclamation que j'ai formée sur le roi, conjointement avec M. Haller, pour raison des avances que nous avons faites dans l'affaire des actions des Indes dont nous avions été chargés par le gouvernement.
« Paris, le
« Signé : Le couteulx de la noraie.
« Les intérêts des 700,000 livres d'effets courront au profit du Trésor royal, à partir du 1er octobre 1789.
« Signé ; Le couteulx de la noraie. »
Après avoir constaté les effets entrés dans l'emprunt, les commissaires ont procédé à la vérification des calculs, tant des capitaux des effets de différente nature, que des intérêts ajoutés ou retranchés. Les commissaires du roi se sont livrés à ce travail avec une patience infatigable, et les erreurs suivantes ont été reconnues.
Dans le nombre des billets de la loterie du
Parmi les billets de la loterie des hôpitaux, il en est 2 qu'on n'a compté que pour un quart, et par conséquent sur le pied de 125 livres, quoi-qu ils fussent entiers et qu'ils dussent être portés pour la somme de 500 livres. On a attribué au Trésor public une somme moins forte que celle qu'il a reçue. La différence est, pour les deux articles réunis, de 750 livres.
Autre erreur semblable sur un billet du même genre, employé dans le bordereau pour 3,750 livres, quoi qu'il fût sorti pour 7,500 livres. Erreur de 3,750 livres.
Troisième erreur du même genre, et sur les mêmes effets. Un billet sorti pour 15,000 livres n'a été employé que pour 3,750 livres. Différence, 11,250 livres. Toutes ces erreurs sont au profit du Trésor public, et elles composent une masse de 15,750 livres ; mais il y a deux déductions à faire : la première de 250 livres, pour des lots qu'on a portés au-dessus de leur valeur réelle ; la seconde, du dixième à retenir sur les capitaux. Enfin on doit ajouter 813 livres pour sept mois d'intérêts dus aux propriétaires des lots ; de manière qu'en définitif, la somme de l'erreur faite au profit du Trésor public est de 14,763 livres.
Ces premières erreurs sont des erreurs de calcul : il en est d'un autre genre, que les commissaires ont remarquées relativement aux intérêts des capitaux admis dans l'emprunt.
Pour entendre en quoi consistent ces erreurs, il faut se rappeler que les capitaux admissibles dans l'emprunt portaient intérêt. En les admettant dans l'emprunt, on devait ajouter, ainsi que nous avoDs déjà eu l'occasion de le dire, aux capitaux, les intérêts écbus ou à échoir dans les termes marqués par l'instruction, et non touchés ; on devait au contraire déduire sur le capital, les intérêts qui auraient dû s'y trouver joints, et qui, par une cause quelconque, avaient été prématurément touchés. Une exactitude scrupuleuse était d'autant plus recommandable à cet égard, que, comme les lettres patentes, sur le décret de l'Assemblée accordaient les intérêts, à compter du premier jour du quartier dans lequel les fonds étaient fournis, trop de facilité a l'égard des prêteurs pouvait leur attribuer, pour le même capital, un double intérêt à la charge de l'Etat : savoir l'intérêt propre attaché à l'effet qu'ils apportaient, et dont on les laissait profiter, et l'intérêt commun à toutes les mises faites sur l'emprunt.
C'est là néanmoins ce qui est arrivé. On n'a pas fait exactement la déduction des intérêts qui n'étaient plus attachés aux effets apportés dans l'emprunt ; on a laissé les porteurs jouir d'intérêts auxquels ils n'avaient aucun droit; et ils ont reçu de deux côtés les intérêts du même capital. D'une autre part, il y a aussi quelques intérêts à ajouter, sur le calcul desquels on s'est trompé, en ne le portant pas à la somme à laquelle ils s'élevaient réellement. Voici le relevé des différences qui ont été remarquées dans toutes les parties admises.
Actions de la Compagnie des Indes. Les intérêts ajoutés montent à 4.762 livres; ils se portaient à 4,792 livres : différence 30 livres. Les intérêts à déduire ont été fixées à 54,417 livres ; ils auraient dû l'être à 55,524 livres : différence, 1,107 livres.
Loterie du 29 octobre 1790. Il y a seulement, dans celte partie, une erreur de calcul, de 8 livres sur les intérêts ; elle est au préjudice du Trésor public, que l'on a supposé avoir reçu cette somme au delà de ce qu'il a réellement touché.
Emprunt de décembre 1782. Il manque dans cette partie quelques coupons de plus qu'il n'en a été déduit; mais il s'en trouve aussi quelques autres de plus qu'on n'a pas compté ; et le résultat est une erreur au préjudice du Trésor public de la somme de 198 1. 16 s. 9 deniers.
Loterie royale du 5 avril 1783. Les intérêts à déduire montaient à 9,432 livres; ils ont été portés à 10,272; on a passé au Trésor public 840 livres de moins qu'il n'a reçu.
Loterie du 4 octobre 1783. Il y a erreur dans cette partie, tant sur les
intérêts ajoutés que sur les intérêts déduits. Les premiers n'étaient que de
48,519 livres; on les a portés à 49,878 livres. Les seconds devaient être de
16,035 1. 10 s., et n'ont été portés qu'à 2,056 livres. La somme de ces deux
différences réunies opère, pour le Trésor public, une perte de 15,338 1. 10
s. Leur cause dérive principalement de ce qu'en recevant des billets qui
n'étaient remboursables qu'au 1er octobre 1789,
et en leur accordant la jouissance des intérêts de l'emprunt du l*r juillet
même année, on n'a pas fait la déduction de 3 mois d'intérêt sur les
capitaux qui ne pouvaient être réalisés qu'au 1er octobre.
Emprunt de 125 millions. Le calcul des effets de cet emprunt ne présente point d'erreur.
Emprunt de décembre 1783. Les erreurs de cette partie sont en bénéfice pour le Trésor public. Les intérêts à ajouter aux capitaux sont de 200 livres au dessus de la somme à laquelle on les a portés; parce qu'on a omis de compter trois coupons de 50 livres chacun, et qu'il y a une autre erreur de calcul de 50 livres.
Lots échus aux bulletins du même emprunt. On a tenu compte des intérêts de lots qui ne sont sortis qu'au tirage 1789, comme s'ils étaient sortis au tirage de 1788 ; et l'on n'a déduit que 3 mois d'intérêt sur des billets qui n'étaient sortis qu'au mois de mars 1790, et n'obtenant la jouissance des intérêts de l'emprunt du mois d'octobre 1789, auraient dû souffrir une déduction de 6 mois d'intérêt. La différence est de 1,447 1. 10 s. au préjudice du Trésor public.
Loterie des Hôpitaux. Les erreurs dans cette partie portaient sur les capitaux ; elles ont été remarquées précédemment.
Rentes à 4 0/0 sur le domaine de la ville. — Cet article ne donne lieu à aucune observation.
Edit de novembre 1787.— Cette partie ne donne lieu à aucune observation.
Effets convertis en exécution de la proclamation du 11 novembre 1789. — Cette nature d'effets n'était pas nommée dans l'instruction sur les effets à admettre dans l'emprunt. On ne doit pas en être surpris, puisqu'ils ^existaient pas ; ce qui doit étonner, c'est qu'on ait admis quelques-uns de ces effets avec jouissance et intérêt du 1er juillet 1789, tandis que leur existence est postérieure au mois de novembre. Il y a d'ailleurs une erreur sur les intérêts qui ont été déduits. La déduction est fixée dans le bordereau à 363 livresque aurait dû l'être à 561 livres ; différence, 198 livres au préjudice du Trésor public.
Assignations sur les domaines. —1° On a reçu des assignations qui échéaient
en juillet 1790, et on leur a donné la jouissance du 1er juillet 1789 :
C'était donc le cas de faire la déduction de 12 mois d'intérêt. On n'a fait
la déduction que de 10 mois- er janvier 1790, et on leur a
accordé la jouissance du 1er octobre 1789. Cette concession aurait dù
entraîner une déduction de 3 mois d'intérêt; elle n'a pas été faite; seconde
différence de 3,3871.10 s. au préjudice du Trésor public ; 3° On a reçu des
assignations échéant en septembre, octobre, novembre, décembre 1789, avec la
jouissance de juillet 1789. La déduction des intérêts aurait produit une
somme au Trésor public de 17,360 1. 10 s., qu'il a perdue faute de cette
déduction.
11 est vrai que d'un autre côté le Trésor public aurait dû bonifier les intérêts d'une assignation échue au mois de mars 1789, reçue pour la jouissance du l,r juillet suivant : c'est une différence de 250 livres à l'avantage du Trésor public.
Billets des domaines.—Ils n'ont donné lieu à aucune observation.
Coupure de 200 livres d'un bordereau de Vem-prunt viager de mai 1787.— La seule observation à laquelle l'admission de cet effet donnait lieu a été faite ci-devant, page 415.
Le résultat de ces détails est que les bordereaux présentent en erreurs de calculs une somme de 3,843 1. 13 s. 2 d. au préjudice du Trésor public, et une somme de 15,763 livres à sou bénéfice, de manière que les erreurs de calcul laissent au Trésor public un excédent de recette réelle de 11,919 1. 6 s. 10 d.
Mais le défaut de déduction des intérêts qui n'étaient pas dus constitue le Trésor public en perte de 40,486 1. 6 s. 9 d.; et si l'on déduit sur cette somme le bénéfice résultant des erreurs de calcul, il en résultera que le Trésor public est définitivement en perte de 28,565 1.19 s. 11 d.
Après toutes les vérifications faites sur les bordereaux et sur les effets représentés en nature, il a été procédé les 26 janvier, 14 et 23 février, en présence des commissaires de l'Assemblée nationale, des commissaires du roi et du public, au brûlement des imprimés, en conformité du décret de l'Assemblée nationale, et joints à ce rapport (1). Passons maintenant aux observations que les détails dont nous venons de rendre compte doivent faire naître.
Observations résultant des faits relatifs à l'admission des effets publics dans l'emprunt national.
Ces observations vont porter sur quatre objets: les erreurs de calcul; les non-déductions ou allocations d'intérêts; les effets non mentionnés dans l'instruction et néanmoins admis dans l'emprunt ; la forme des feuilles ou cahiers qui constatent les objets admis.
Les erreurs de calcul qui se trouvent dans le compte des effets admis dans l'emprunt national ne sont pas de nature à nous arrêter longtemps. Il est difficile de prendre une idée juste du travail pénible, fastidieux par la minutie des détails, important par la masse des sommes, auquel est livré le premieç-commis du grand comptant, lorsqu'il s'ouvre un emprunt tel que celui d'août 1789.
Une multitude de personnes apportent concurremment 15 natures d'effets
différentes, qu'il faut
Il n'est donc pas besoin de réclamer ici l'indulgence de l'Assemblée pour le premier commis du grand comptant. On a même dû remarquer que ce n'est pas au préjudice du Trésor pu blic que tombent définitivement les erreurs decalcul du compte de l'emprunt national : les erreurs qui sont à ce préjudice étant compensées, et amplement, parcelles qui sont à l'avantage du Trésor, lequel a reçu réellement la somme de 11,9191.6 sous 10 deniers au delà de ce qui est porté dans le compte mis sous les yeux des commissaires.
Le second objet, le calcul relatif aux intérêts, est beaucoup plus important. Ce n'est pas tant à raison de sa somme qui ne s'élève qu'à environ 40,000 livres, et quiestréduite à environ 28,000 livres après la correction de3 erreurs de calcul, qu'à raison des opérations que le résultat du calcul des intérêts fait connaître. Si la totalité des intérêts qui étaient à déduire, n'a pas été déduite : si l'on a accordé la jouissance à une époque plus éloignée que celle à laquelle elle aurait dû être fixée, ce n'est pas l'effet de méprises ou d'erreurs ; c'est l'effet d'un plan combiné du Trésor public, non pas de la part des commis et agents, mais de la part des ordonnateurs, et dont on usait suivant que l'emprunt se remplissait avec plus ou moins d'activité.
On a voulu donner effectivement, dans certains cas, des intérêts qui n'étaient pas rigoureusement dus. Le fait n'est pas seulement établi par les pièces; il est avoué comme une opération d'usage et dont on a même usé plus sobrement dans l'emprunt de 1789 que dans beaucoup d'autres circonstances. On a appris aux commissaires, que c'était là ce qu'on appelait facilités dans les emprunts, et il faut qu'ils rendent compte de ce que c'était que les facilités.
Pour tout capitaliste, à plus forte raison pour tout agioteur, l'argent et les signes qui le représentent ont, indépendamment de leur valeur propre et absolue, une valeur graduelle qui augmente ou décroît chaque jour, à raison de ce que les payements s'effectuent ou plus tôt ou plus tard. Une somme quelconque vaut pour le capitaliste ses cinq, six, sept par an, son demipour cent, ou toute autre portion, par mois, par semaine, même par jour. Cette base établie, c'est réellement donner de l'argent à un capitaliste que de recevoir de lui, comme comptant, un erfet qui n'est payable qu'à une époque quelconque, et qui vaut toujours pour lui un intérêt outre le capital. C'est une faveur du même geure de recevoir pour comptant, sans intérêts ou sans escompte, un effet qui n'est pas encore arrivé à son échéance, et qui ne vaut entre les capitalistes son principal que moins l'intérêt des jours qui ont à courir jusqu'à l'échéance.
C'est encore une faveur d'accorder au prêteur les intérêts, à partir
d'une époque antérieure à celle à laquelle il livre son argent ou ses
effets. Lorsque l'époque à laquelle les intérêts seront comptés est
écrite dans la loi constitutive del'em-
Accorder des grâces de ce genre, c'était, dans la langue du Trésor public, accorder des facilités. Leur obiet était d'engager à des placements par l'appât d'avoir, au-dessus de ce qui était rigoureusement prononcé par la loi, l'intérêt ou de quelques mois, ou de quelques jours. Cette faveur était peu considérable pour les particuliers qui plaçaient dans l'emprunt le montant d'une ou de deux actions. Elle était, pour cette raison, peu recherchée et même peu connue d'eux; mais elle était très considérable pour ceux qui faisaient de gros placements et pour ceux qui s'intéressaient à un emprunt dans la vue de négocier les titres qu'ils y acquéraient. Souvent ils les avaient accaparés pour en faire monter le prix. Mais si cette opération ne leur réussissait pas, s'ils étaient forcés de céder les effets au pair, alors même ils y gagnaient au moyen des facilités qu'ils avaient obtenues et dont le particulier avec lequel ils traitaient, ignorait l'existence.
Dans ces arrangements, c'était toujours le Trésor public qui était lésé, parce qu'il est bien certain que, quand deux parties traitent l'une avec l'autre, quand des prêteurs font des affaires avec un emprunteur et que les prêteurs s'enrichissent, c'est toujours aux frais de l'emprunteur, qui s'appauvrit nécessairement, d'autant que les prêteurs gagnent, quelque soin que ceux-ci prennent de compliquer leur marche pour faire croire à l'emprunteur que ce n'est pas à ses dépens qu'ils gagnent, mais aux dépens de tierces personnes, dont on suppose que les affaires lui sont étrangères.
Nous avons déjà dit que les agents du Trésor public, avec lesquels les commissaires de l'Assemblée nationale avaient conféré sur cet objet, avaient avoué Je fait des facilités accordées aux prêteurs dans l'emprunt de 1789. Ils ont excusé ce fait sur l'usage et sur la peine que l'on avait à obtenir des versements dans l'emprunt, tellement que, dans le cours de plus d'une année, il n'a pas été rempli seulement aux deux tiers.
Les commissaires ne peuvent pas douter de Ja réalité de l'usage qui leur a été allégué. Ils n'élèvent pas de doute sur la pureté des motifs qui ont déterminé à accorder des facilités dans Fera--prunt de 1789. Ils sont convaincus que les facilités ont été moindres dans cet emprunt quedans beaucoup d'autres ; mais, chargés d'une commission rigoureuse et sévère, celle de s'assurer comment la loi a été exécutée et d'en rendre compte à l'Assemblée, ils ne peuvent se dispenser de lui dire que la loi a été violée ; qu'on s'est écarté de ses dispositions ; d'avertir l'Assemblée que si, sous ses yeux mêmes, et pendant la tenue de la première Assemblée nationale, on a accordé aux prê- { teurs, dans l'emprunt national, des jouissances et des intérêts que la loi ne leur accordait pas, son devoir, la mission dont le peuple l'a honorée l'obligent donc à prendre, pour l'avenir, des précautions qui préviennent désormais un pareil abus. La loi faite, elle doit être exécutée littéralement et il ne saurait dépendre d'aucun des agents du pouvoir exécutif de donner plus ou moins de latitude à ses dispositions, soit favorables, soit pénales.
Par rapport aux objets admis dans l'emprunt, et qui n'étaient pas compris dans l'instruction, savoir : les quittances d'honoraires de notaires, et la promesse de M. Le Couteulx de la Noraie, il faut faire une distinction.
Le premier objet n'aurait pas dû être admis dans l'emprunt, par cela seul qu'il n'était pas du nombre de ceux que les lettres patentes et l'instruction avaient désignés. Cependant, si l'on suppose que la créanee des notaires était vérifiée, constante et liquide, ce n'est pas une mauvaise opération, en soi, d'avoir reçu leurs quittances. Il aurait fallu les payer avec une partie des deniers de l'emprunt. Le numéraire reçu dans cet emprunt aurait donc été diminué de 2,600,000 livres ; au lieu que, par l'opération du ministre qui n'a reçu les quittances des notaires comme effets qu'en leur imposant l'obligation de doubler ce placement d'effets par une somme égale du numéraire, le Trésor public a reçu 2,600,000 livres au delà de ce qui lui aurait été apporté.
Il n'en est pas de même de l'acceptation de la promesse de M. Le Couteulx de la Noraie. On lui a remis pour 1,400,000 livres de bordereaux de l'emprunt. Le prix de cette acquisition aurait dû être 700,000 livres d'effets royaux et 700,000 livres de deniers comptants. Or, M. Le Couteulx n'a donné ni l'un ni l'autre. 11 n'a pas donné de deniers comptants, mais on a seulement exigé de lui, au lieu de ces deniers comptants, des effets payables en décembre 1789. La décision est du 15 octobre ; et elle lui a procuré deux avantages, l'un de gagner trois mois d'intérêts de la somme de 700,000 livres qui lui étaient payés à compter du lor octobre, quoiqu'il n'en fournît le prix qu'en décembre, l'autre de donner des effets au lieu d'argent. Le premier avantage est facile à calculer. C'est une somme nette de 8,750 livres qu'on a donnée à M. de la Noraie. Par rapport au second avantage, il ne peut être bien apprécié que par les personnes habituées à spéculer sur les effets et sur les opérations de la Bourse.
Au lieu des effets royaux que M. de la Noraie aurait dû fournir à l'instant même, pour la seconde partie de son placement, on s'est contenté d'une promesse d'en fournir à une époque déterminée. Ainsi l'Etat a été chargé de 35,000 livres de rente dont il aurait dû être couvert par la rente d'un capital de 700,000 livres en effets, mais dont il n'a pas été couvert, puisque le capital n'a pas été fourni. Le Trésor publie a été gratuitement chargé de 35,000 livres de rente, soit envers M. Le Couteulx, soit envers les personnes auxquelles il a cédé ses bordereaux. Nous ne saurions nous dispenser de le répéter encore. Si l'on s'est permis d'opérer de cette manière à la naissance de l'ordre, sous les yeux de l'Assemblée nationale et dans le premier emprunt qu'elle décrétait, que devait-ce être par le passé? Que ferait-on dans l'intervalle des sessions du Corps législatif?
Le dernier sujet d'observation est la tenue des registres qui constatent
l'entrée des fonds versés, soit en argent, soit en effets, dans
l'emprunt de 1789. Il est inconcevable que des opérations de cette
nature soient livrées à de simples feuilles dont rien ne constate
l'ordre et le nombre, dont rien n'assure la conservation, et qui ne
contien* nent que des notes et des mentions incomplètes. On s'est excusé
sur la multitude et la rapidité des opérations à faire au moment de
l'ouverture d'un emprunt ; sur l'affluenoe du public et sur son
impatience d'être satisfait. Mais peut-il exister des raisons de ne pas
constater, d'une manière authentique, tout ce qui compose la fortune
publique ? Est-il plus long d'écrire sur un registre coté et paraphé,
que sur des feuilles ? Un mot ne peut-il pas servir d'indication pour
renseigner
Résultats des faits et des observations. Projet de décret.
Les faits dont on a rendu compte sont des preuves à ajouter à la certitude d'une vérité dont personne ne doute, que l'administration du Trésor public laissait beaucoup à l'arbitraire des ordonnateurs et des chefs ; qu'il y avait des portes ouvertes à beaucoup d'abus ; que l'économie dans l'administration de la fortune publique, l'exactitude et la pureté des opérations, dépendaient uniquement de la probité, des principes, de la sévérité des personnes entre les mains desquelles elles étaient remises; mais que cette exactitude, cette économie ne résultaient nullement de la disposition des choses, ni d'une organisation fixe et invariable.
Or, c'est un vice essentiel dans l'administration des finances, que ceux qui en sont chargés ne soient pas dans une impossibilitéabsolue de confondre des intérêts particuliers, leurs intérêts personnels, ceux de leurs amis, ceux de leurs proches, avec l'intérêt de la chose publique. Non seulement il ne faut pas les abandonner à une tendance trop habituelle vers l'intérêt personnel plutôt que vers l'intérêt public; il faut les armer d'une grande force contre toutes les sollicitations extérieures, contre toutes les demandes de personnes qui peuvent faire une impression quelconque sur eux. Un administrateur public doit souvent refuser; il faut lui donner la facilité de le faire, en étayant sa volonté de celle de la loi, et, s'il est des moments où son cœur cède, il faut que l'impossibilité de couvrir la contravention à la loi, qu'il serait 6ur le point de commettre, arrête sa main et devienne une barrière insurmontable à toute infraction de ses devoirs.
Les commissaires ont déjà annoncé qu'ils avaient vu, avec satisfaction, que l'exactitude personnelle du premier commis du grand comptant, avait suppléé, dans Ja circonstance particulière, au défaut de plusieurs règles qui devraient déterminer toutes les parties de fonctions aussi délicates; mais les erreurs auxquelles il n'a pas été possible d'échapper, et dont on peut dire qu'il est heureux qu'elles ne soient pas plus considérables, sont un avertissement de se prémunir, pour la suite, contre de plus grandes erreurs.
Il est à espérer que, lorsqu'il s'agira de régler le détail des opérations du Trésor public, les commissaires de la Trésorerie prendront en considération l'exemple des abus passés pour les prévenir désormais; qu'ils feront attention surtout aux suites que peut avoir l'usage de recevoir et de faire au Trésor public des payements en papier ou effets commerçables, qui donnent lieu à des calculs d'intérêts ou d'escompte, qui laissent toujours du vague dans la réalité des sommes effectivement reçues ou payées, et qui ont dû exposer quelquefois le Trésor public à des pertes même de capitaux.
Les commissaires de l'extraordinaire ne sauraient prendre sur eux de proposer à l'Assemblée nationale d'allouer comme bonne dépense les intérêts qui ont été comptés aux prêteurs au delà des termes stricts de la loi, non plus que les jouissances qui ont été accordées contre la rigueur de ces termes. Mais il leur paraît trop dur aussi de demander la radiation de cette dépense. Elle ne saurait leur paraître légitime dès qu'elle n'est pas appuyée par la loi ; mais elle est excusable, eu égard aux circonstances dans lesquelles elle a eu lieu.
Ils ne resteront pas dans cette indécision par rapport à l'admission de la reconnaissance de M. de la Noraie dans l'emprunt. Ici la contravention à la loi est trop formelle pour pouvoir être dissimulée 3 ou plutôt les contraventions sont trop multiples pour ne pas les punir. Il n'était dû de rentes de l'emprunt national, qu'à ceux qui remettraient argent et effets; M. delà Noraie n'a remis ni l'un ni l'autre. Le report des intérêts au premier jour dutrimestre étaitla récompense d'un payement effectif et actuel ; on a accordé cette faveur à un payement qu'on permettait en même temps de n'exécuter qu'à la fin du trimestre. Les intérêts annuels ne pouvaient être que le prix de fonds effectivement fournis ; on les a accordés sous la condition d'une remise de fonds différée à une époque incertaine, et ces intérêts ont ainsi eu leur cours aux dépens du Trésor public. La promesse d'un particulier a pris, dans un emprunt national, la place d'effets publics ; il a été payé, sur cette reconnaissance privée, des intérêts qui ne devaient être sacrifiés que pour l'allégement de la dette publique. Une contravention aussi formelle à la loi exige que l'Assemblée prenne les mesures nécessaires pour la punir et pour faire cesser le tort qu'elle cause au Trésor public. Les commissaires proposeront une disposition formelle à cet égard.
Il restera un troisième point sur lequel l'Assemblée aura à prononcer. Le décret du 24 décembre 1790, en exécution duquel les commissaires viennent de faire leur rapport, porte qu'il sera procédé par eux au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres. Rien n'a fait connaître aux commissaires ces autres effets au brûlement desquels ils devaient faire procéder. Il semble que c'est aux commissaires de la Trésorerie à faire dresser d'abord l'inventaire des effets : les commissaires de l'extraordinaire rempliront ensuite la mission qui leur a été donnée, en procédant à leur vérification et à leur brûlement.
Voici donc le projet de décret que les commissaires proposent. Le premier article est rédigé sur 2 colonnes et dans deux sens différents, afin que l'Assemblée ait sous les yeux les deux dispositions entre lesquelles son choix peut être partagé.
Art. 1er.
« Seconde rédaction.
« L'Assemblée nationale a fixé la recette et la dépense du montant des effets, admis dans l'emprunt national de 1789, à la somme de 25,499,713 livres. »
a Première rédaction.
« L'Assemblée nationale a fixé la recette du montant des effets, admis dans l'emprunt national de 1789, à la somme de 25,528,278 1. 49 s. 11 d.; la dépense à la somme de 25,499,713 livres. L'administration du Trésor public rendra compte de la somme de 28,565 1. 19 s. 11 d., dont la recette excède la dépense, sauf son recours contre qui il avisera. »
« Art. 2. Les originaux des acles qui ont or- er octobre 1789, qu'ils ont eu cours
jusqu'au jour de la remise effective des capitaux qui sera faite au
Trésor public : sans entendre, au surplus, par cette disposition, rien
préjuger sur les prétentions formées par les sieurs Le Couteulx et
Haller, dont il est fait mention dans la reconnaissance dudit sieur Le
Couteulx.
« Art. 3. Les commissaires de la Trésorerie, en faisant procéder à l'inventaire des effets du Trésor public, feront dresser inventaire, dans un chapitre à part, des effets qui y sont rentrés par diverses voies, pour être annulés, et il sera procédé à la vérification et au brûlement desdits effets, par les commissaires de la caisse de l'extraordinaire, aux termes du décret du24 décembre dernier. »
L'homme véritablement responsable dans cette affaire a quitté la France; il serait donc injuste de faire porter actuellement la responsabilité sur les subalternes. Vous devez d'ailleurs croire que c'est dans un motif louable, pour remplir l'emprunt, pour soutenir le crédit public, qu'on a accordé de grandes facilités. Après avoir laissé partir le vrai responsable, vous ne devez plus poursuivre cette affaire. Je demande que vous fassiez ce léger sacrilice.
Je demande la priorité pour le projet de décret le plus doux. Les facilités qu'on a données pour remplir cet emprunt ont été données pour le bien de la nation ; elles n'ont pas pu tourner au profit de ceux gui les ont accordées, et qui d'ailleurs n'ont fait que suivre les usages anciens. Je crois donc qu'il serait injuste de vouloir répéter, contre l'ordonnateur du Trésor public, les intérêts du bordereau dont on vous a parlé, et je demande la priorité pour le projet de décret le moins sévère.
appuie cette demande de priorité.
(L'Assemblée, consultée, décrète la priorité demandée par M. Gaultier-Ëiauzat.)
rapporteur. Voici, en conséquence, le projet de décret que nous vous proposons :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport des commissaires de la caisse de l'extraordinaire, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La recette et la dépense du montant des effets admis dans l'emprunt national de 1789 sont fixées à la somme de 25,499,713 livres.
Art. 2.
« Les originaux des actes qui ont ordonné l'admission delà reconnaissance du sieur Le Couteulx de la Noraie, pour la somme de 1,400,000 livres dans l'emprunt de 1789, et ladite reconnaissance seront remis à l'agent chargé de la poursuite des recouvrements du Trésor public, à l'effet par lui de se pourvoir contre telles personnes qu'il appartiendra, ordonnateurs et auires, pour faire rétablir audit Trésor soit les bordereaux délivrés audit sieur Le Couteulx, jusqu'à la concurrence de 700,000 livres, soit des effets de la nature de ceux qui devaient être admis dans l'emprunt de 1789, jusqu'à la concurrence de la même somme de 700,000 livres, et les intérêts indûment payés audit sieur Le Couteulx ou ses ayants cause, à compter du 1er octobre 1789 qu'ils ont eu cours, jusqu'au jour de la remise effective des capitaux, qui sera faite au Trésor public; sans entendre, au surplus, par cette disposition, rien préjuger sur les prétentions formées par les sieurs Le Couteulx et Haller, dont est mention dans la reconnaissance dudit sieur Le Couteulx.
Art. 3.
« Les commissaires de la Trésorerie, en faisant procéder à l'inventaire des effets du Trésor public, feront dresser inventaire, dans un chapitre à part, des effets qui y sont rentrés par diverses voies, pour être annulés; et il sera procédé à la vérification et au brûlement desdits effets, par les commissaires de la caisse de l'extraordinaire, aux termes du décret du 24 décembre dernier. »
(Ce décret est adopté.)
La parole est à M. Alexandre de Beauharnais, pour faire un rapport au nom des comités de Constitution, militaire, des rapports et des recherches, sur l'affaire de Wissembourg.
au nom des comités de Constitution, militaire, des recherches et des rapports. Les événements malheureux survenus dans la ville de Wissembourg ont donné lieu au ministre de la guerre et à M. Kellermaan, officier général employé, de réclamer un décret de l'Assemblée nationale qui explique d'une manière précise ses intentions, sur la question de savoir si les soldats peuvent aller aux sociétés des amis de la Constitution. Les lettres qui s'accordent sur l'utilité d'une décision, et sur la nécessité de lever promptement tous les doutes à cet égard, ont été renvoyées par vous à quatre de vos comités réunis.
Les comités rassemblés par vos ordres ont, dans l'objet de leur réunion, distingué les malheurs arrivés à Wissembourg, dont la connaissance appartient au pouvoir exécutif et aux magistrats chargés du maintien des lois, et les doutes qui se sont élevés sur une disposition générale de votre décret interprétée différemment dans plusieurs corps militaires : doutes qu'il est important de détruire promptement, puisqu'ils entretiennent une division funeste entre les officiers et les soldats.
Le décret qui interviendra à cet égard, réglant l'autorité des uns,
et l'usage que les autres peuvent faire des moments de liberté que
leur laisse leur service militaire, concourra au maintien de l'ordre
par les mesures qui ont le plus d'effet : par l'accord indispensable
à établir entre toutes les parties de la force publique. Vos comités
ont donc cherché les principes qui devaient servir de base à cette
décision ; et a cet effet ils ont considéré avec attention quelles
étaient les fonc-
L'armée est une partie de la force publique destinée à l'exécution des lois. Son emploi exige dans la hiérarchie des grades une subordination qui garantisse que les ordres émanés d'une autorité supérieure parviendront jusqu'aux soldats par tous Tes chaînons intermédiaires que la constitution militaire a établis.
Mais dans un Etat libre les éléments dont se compose cette armée sont des citoyens; ils aliènent une partie de leur liberté pour l'avantage de cette subordination; mais ce sacrifice quils ont fait volontairement n'empêche pas qu'ils aient eu, avant leur engagement, des droits comme citoyens, qu'ils n'en reprennent l'exercice à l'époque "de leur congé, n'empêche pas enhn que, comme soldats, ils aient encore des droits a exercer.
En effet, les décrets de l'Assemblée nationale ont tracé la limite de l'autorité des chefs, des lois nouvelles ont fixé la compétence des tribunaux militaires et réglé la discipline des troupes. Il est important que cette partie des travaux de l'Assemblée nationale soit connue des soldats ; ils ne doivent pas ignorer les mesures qui leur sont indiquées pour porter leurs plaintes, pour obtenir justice. Car c'est alors qu'on connaît tous ses devoirs, qu'on connaît les peines attachées aux délits, et que l'on est assuré de ne pas réclamer en vain contre une injustice; c'est alors que le caractère le plus fier se soumet à la règle, se plie à tous les ordres et donne le premier l'exemple de la plus entière soumission.
Dans un Etat libre, où l'armée ne se compose pas d'automates, les soldats doivent donc connaître les lois militaires, et peuvent, sans danger, s'instruire de tout ce qui tait partie d'une Constitution dans laquelle ils occupent une place importante, puisque c'est la force publique qui peut, ou faire régner le calme et respecter les propriétés, ou anéantir par ses désordres la liberté publique. Vos comités ont trouvé que, bien loin de craindre que la présence des soldats aux sociétés des amis de la Constitution dût nuire à la subordination, elle ne pouvait que l'assurer davantage; ils ont cru qu'il était précieux d'éclairer tous les hommes sur les devoirs qu'ils ont à remplir.
Le temps n'est plus où un gouvernement d'usurpation ne pouvait proiongerson existence et obtenir la paix qu'au prix de l'ignorance des gouvernés ; aujourd'hui chacun doit connaître ses droits pour être plus attaché à ses devoirs; et les sociétés patriotiques qui, sur les uns et sur les autres, éclairent les citoyens, concourent à former utilement cet esprit public, sans lequel, même après que la Constitution serait achevée, il ne serait pas encore permis de compter sur sa durée et sur ses succès. .
A présent qu'il n'existe plus de distinctions que celles que la loi a établies entre les divers fonctionnaires publics pour l'utilité commune ; à présent que tout, jusqu'à ces distinctions mêmes, prend sa source dans l'égalité des droits, les soldats peuvent s'éclairer sans danger-et quand on sait l'emploi que le plus grand nombre fait de ses moments de loisir, comment pourrait-on s'empêcher de leur faciliter des mesures qui, en leur rendant le service de les détourner des lieux de corruption, leur procurent le double avantage d'éclairer leur esprit, et de nourrir leur patriotisme. (Applaudissements.) ..
Le bien du service attache aux fonctions de soldat des conditions assujettissantes. Elles doivent être toutes remplies avec la plus scrupuleuse exactitude; elles sont commandées par 1 intérêt général qui lie d'une manière inséparable la discipline et le service militaire. Mais quand un soldat a rempli toutes ses fonctions, quand il a été exact aux appels, aux exercices; quand il a montré une obéissance entière à tous le3 ordres donnés par ses chefs, en vertu de l'autorité qui leur est déléguée par la loi, ne doit-il pas pouvoir disposer comme il lui plaît et, par consé -quent, pouvoir consacrer à son instruction les moments dont ses fonctions le laissent maître, dès que, pendant l'emploi de ce temps, il ne trouble pas l'ordre public maintenu par les lois de police?
Vos comités ont trouvé, dans les considérations qu'ils vous ont présentées, la réponse à cette question; ils ont donc reconnu cette liberté quils vous invitent de consacrer dans un décret. Ils ont pensé, avec M. Kellermann, que le decret du 19 septembre, qui défend aux corporations d entretenir des correspondances avec les régiments, n'était pas applicable à la question sur laquelle vous avez à décider.
« Le décret, dit ce général dans une de ses lettres, ne paraît pas devoir s'appliquer aux lectures publiques qui n'ont pas ce caractère de secret qui constitue lacorrespondance. » Il ajoute : « Les soldats sont avides de tout ce qui est relatif à la Constitution. Dans 20 villes du royaume, et surtout à Strasbourg, on leur lit les décrets sans que la discipline en souffre. »
Vos comités ont cru, Messieurs, que deux précautions devaient utilement modifier la liberte accordée aux soldats d'aller aux sociétés des amis de la Constitution. L'une, que cette facilité ne serait jamais nuisible au service, ne leur ferait jamais manquer les heures des appels, des exercices et ne les en lèverait à aucune de leurs fonctions militaires; l'autre que, dans le3 lieux où ils sont en garnison, ils pourront bien assister aux lectures publiques et séances des sociétés des amis de la Constitution, mais ne pourront en être membres actifs. Soumis à ces règlements particuliers, vos comités ont trouvé juste encore que les principes qu'ils vous proposaient et les modifications qu'ils mettaient à leur exécution fussent communes à tous les grades de l'armée. L'usage de cette liberté et les restrictions apportées à son exercice seront donc pour les officiers comme pour les soldats et auront lieu pour toutes les
Ces mesures qui ne sauraient nuire au maintien (ie l'autorité établiront, au contraire, entre les officiers et les soldats, cette fraternité qui doit unir des concitoyens et que l'expérience, dans plusieurs parties du royaume, a prouvé n'être pas incompatible avec la hiérarchie des grades et la subordination indispensable au service militaire.
En conséquence de ces principes, voici le projet de décret que je suis chargé de vous soumettre :
« L'Assemblée nationale, considérant que les devoirs de tous les individus qui font partie de la force publique ne sauraient être incompatibles avec les droits qu'ils ont comme citoyens, quand l'exercice de ces droits ne trouble point l'ordre indispensable au maintien de la discipline et ne porte aucune atteinte à la subordination;
« Déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les
armes peuvent être reçus dans
ripSRInn^fUXAtlfare8 qu.i ne 80,111 P»8 destinées à des appels, à des exercices ou à d'autres oarties du service militaire, enfin dans tous les moments dont les fonctions de leur état leur laissent le libre exercice. » {Applaudissements.)
Plusieurs membres î Aux voix ! aux voix !
Je demande à faire Une motion BJ'e consiste à ce que le rapport et le projet de décret qui viennent de vous être lus manSbempriméS' distribués et ajournés à dimanche.
Plusieurs membres à gauche : Aux voix ! aux
Je demande à répondre à la motion sonnarfitée d André- Je m'interdirai toute personnalité.
Je conjure l'Assemblée de vouloir bien se dépouiller de tout esprit de parti et de m'ecouter jusqu'à la fin.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix!
Je remarquerai tout d'abord qu'il est hors de propos de crier : aux voix I quand on commence à discuter une question. J'observerai ensuite que ce qu'on avait mis à l'ordre «lu jour était le rapport de l'événement arrivé à Wissem-nourg et non pas la question qui vient de vous être présentée par vos comités
Le décret qui vous est proposé renferme un principe très extraordinaire; il nous dit que les oPfifJVUes.80JIda,s Pourront aller dans les îïSfîïS? am'-8 de la Constitution. Or, Messieurs, cette question est une question constitutionnelle1 car... {Murmures prolongés à Vextrême gauche.) h9S«ieaurJ? Président, si nous avons à combattre les amis de la Constitution ou de la société, U faut compter les voix. (Murmures.)
Un grand nombre de membres se lèvent et interrompent l'opinant.
Monsieur le Président, imposez silence à ces Messieurs, et je ne dirai rien.
Je disais que le décret qui vous est présenté contient un principe extraordinaire, car il dit que les officiers les sous-officiers et les soldats pour-mSLailerudfÛ! Ies 80Ciétés des amis de la dons-sociétés? q caractère reconnaît-on ces
Un membre .* Venez-y, vous le saurez.
A Paris, par exemple, faudra-t-il rechercher et examiner, parmi tous les clubs qui existent, quels sont ceux qui sont ou ne sont pas amis de la Constitution ?...
Un membre à gauche : Ils sont connus.
ou bien le titre seul d'amis de
la Constitution qu'ils auront pris sera-t-il suffi-sant.
On me dit : les sociétés des amis de la Constitution sont connues. — Sans doote, mais n'y a-t-il pas d autres sociétés ; le club des Cordeliers nar
fXe0mp-le;, ,8e djt aussi ami de la Constitution* la Société fraternelle, les Amis de la liberté se disent aussi amis de la Constitution (Murmure*)-toutes les sociétés particulières, tous les clubs qui s établissent peuvent prendre le titre d'amis ae la Constitution et n'en avoir cependant nas le caractère ; car vous avez déjà des exemples de sociétés qui n'ont pas pris l'esprit du titre qu'elles 8étaient donné. Ainsi l'exposé du décret du comité ne saurait être adopté tel qu'il vous est présenté; il faut que ce décret soit ajourné pour être mûrement examiné.
Et qu'on ne croie pas que cette question ne soit pas constitutionnelle. N'y aurait-iï pas du danger pour la Constitution à faire entrer les troupes dans ces sociétés particulières qui ne sont pas publiques et dans lesquelles on n'admet pas tout le monde? Si tous les citoyens étaient indifféremment admis dans les sociétés dont on vous parie la question serait toute différente et il n'y aurait pas de difficulté; mais on fait des scru-?P\L wTi' on en exclut des membres h? ,9nnie..é.8ul.tat.de ces scrutins ; et. dans ces con-Ï2i Ï!' admission des troupes devient une chose très dangereuse. (Murmures.)
i m! m Croyez pas' Messie»rs, qu'il faille tout a lait être sans courage pour attaquer une opinion comme celle-ci. (Murmures â gauche; applaudissements au centre.)
Soyons bien en garde, Messieurs, contre tout ce qui vous est proposé sur les sociétés. Craignez de leur accorder la moindre force légale ; craignez que les clubs ne deviennent trop puissants. (Murmures et applaudissements.)
Je dis, Monsieur le Président, que si l'on avait été prévenu que la question qui vous est soumise dût être aujourd'hui à l'ordre du jour, nous aurions apporté à la discussion une préparation plus pure et un plus grand développement des idées qui ne peuvent que se présenter rapidement à une imagination qui les conçoit pour la première fois; il serait très Possible, en adoptant le système propose par vos comités de faire passer toute 1 autorité du royaume, toute la Constitution qui se forme, sous un titre ou sous un autre. (Murmures.)
Il ne faut pas dire : Cela est possible ; cela est, cela est déjà fait.
D'après les considérations importantes que je viens de présenter, il me semble impossible que l'on veuille ouvrir sur-le-chamD a discussion. Il faut du temps pour se recueillir* le comité lui-même en a eu pour sa rédaction, ii taut que les personnes qui croient voir dans le projet de décret quelque germe qui pourrait être nuisible à la Constitution ait la faculté de s'en assurer et je ne vois aucune espèce de motif oui puisse faire rejeter ma proposition.
Je supplie donc tous les membres de cette Assemblée d'écarter de cette question tout esprit de parti, de faire cesser tout acharnement i je demande qu on nous laisse le temps d'examiner et cest pour cela que je propose l'impression du
dimanche1 pF°jet de décret et l'ajournement à
Plusieurs membreé: Aux voix l'ajournement !
rapporteur. Les observations de M. d'André se divisent naturellement
en deux parties. Les unes sur le
Il y a environ 8 jours que l'Assemblée a reçu deux lettres: l'une de M. Duportail, et L'autre de M. Kellermann. Toutes deux avaient pour objet d'inviter l'Assemblée à dissiper les doutes qui s'étaient élevés parmi les officiers et les soldats sur la quesliou de savoir si les soldats pouvaient assister aux séances des sociétés des amis de la Constitution. C'est là ce qui a été renvoyé à vos comités, c'est là ce qui devait faire l'objet de mon rapport ; c'est de cela que je vous ai occupé. J'ai donc eu raison de demander pour cela la parole à M. le Président. Les 4 comités dont je suis l'organe ne présentent donc pas seulement leur opinion individuelle dans le décret dont je viens de vous donner lecture, mais aussi le vœu du ministre de la guerre et celui de M. Kellermann, commandant en Alsace.
M. d'André nous a demandé d'écarter de la discussion tout esprit de parti. Je remarquerai tout d'abord que cette observation ne saurait me regarder personnellement ; car jamais pareil esprit n'est entré dans mon cœur et je prouverai peut-être que lui-même n'a pas suivi le conseil qu'il nous donne. Il a cherché à vous engager dans la question de savoir s'il peut y avoir des sociétés des amis de la Constitution. (Murmures.) 11 vous a dit positivement que ces sociétés contenaient comme des germes de corporations qui pourraient porter atteinte à la Constitution.
Je réponds à M. d'André que l'objet des sociétés des amis de la Constitution est au contraire de la maintenir dans toute l'étendue du royaume ; (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)...
Un membre à droite : Cela n'est pas vrai.
je réponds que leurs fonctions principales...
Qu'est-ce que des fonctions?
que les principales des fonctions qu'elles se sont imposées éont d'éclairer le peuple français sut* ses vrais intérêts, de fortifier les agents de la Constitution pour réprimer les- factieux qhi s'opposent à son établissement et cherchent à la renverser. (Applaudissements.)
Je dis que les hommes, les sociétés qui ne seraient pas pénétrés du plus profond respect pour la Constitution, pour la loi, pour toutes les autorités constitutionnelles auraient seuls le caractère d'ennemis de la Constitution.
Un autre objet non moins intéressant de ces sociétés, c'est de surveiller tous ceux qui, sous le masque du patriotisme, voudraient mmer sourdement la Constitution ; c'est de dénoncer (Applaudissements.)... c'est de dénoncer tous ceux qui intriguent contre elle et qui veulent lui porter atteinte; et si M. d'André a pu vous dire qu'il y avait du courage à défendre l'opinion qu'il a soutenue, je dis, moi, qu'il n'y en a pas moins à se déclarer hautement membre des sociétés des amis de la Constitution, depuis qu'on cherche à tourner contre elles l'opinion publique, à les faire passer pour des corporations de factieux alors qu'elles ne sont composées que des hommes les plus dévoués au salut de la Constitution, des partisans les plus zélés de la Révolution, d'hommes qui sont les esclaves de la loi, les ennemis de tous les tyrans de quelque genre qu'ils soient, à quelque rang qu'ils appartiennent. Oui, Messieurs, voilà ce que sont les amis de la Constitution; et, si la loi n'a pas le droit d'interdire à des citoyens la faculté de se rassembler, sous l'autorisation de la municipalité, je dis qu'elle n'a pas le droit de leur interdire la faculté de veiller sur leurs intérêts et de traiter entre eux de leurs affaires.
Quant à la seconde partie de l'opinion du préopinant, de quoi s'agit-il ? Elle se rapporte à la garnison de Wissembourg ; elle consiste à savoir si des soldats amis de la liberté peuvent aller avec la plus grande subordination dans des sociétés particulières oû ils n'entendent autre chose que la lecture des lois et les conseils de la soumission à ces mêmes lois. (Murmures adroite.)
On dit que ccs sociétés sont fermées ; mais elles sont publiques au contraire.
Un membre à droite : Cela n'est pas vrai.
Tout le monde sait que les séances sont publiques, et je demande quel danger il peut y avoir à laisser aller des soldats dans des séances publiques. Quelle différence y a-t-il, en effet, Messieurs, entre ces sociétés et celles qui se tiendraient en plein champ et où les citoyens iraient discuter leurs intérêtscommuns? Aucune, sans doute. Si elles se tenaient en plein air, pour-riez-vous empêcher les soldat3 d'y aller et d y entendre la lecture des lois. Non? Eh bien, les autres sont de même.
Il ne peut donc y avoir lieu à ajournement lorsqu'il ne s'agit que de déclarer un principe incontestable, qui ne saurait être un problème dans l'esprit d'aucun des membres de cette Assemblée, et de ne pas perdre le précieux fruit du rapport qui vient d'être fait.
Je demande en conséquence la question préalable sur la proposition d'ajournement et l'admission du projet de décret qui vous est proposé par vos comités.
Il serait vraiment regrettable, Messieurs, que nous perdions notre temps en déclamations et en attaques scandaleuses les uns contre les autres-(Murmures.)
Je n'ai attaqué personne.
Je ne vous attaque point, Messieurs, je veux dire seulement une chose qui ne sera contestée par personne : Les amis de la Constitution sont tous ceux qui aiment la Constitution telle qu'elle existe, qui veulent qu'elle soit fermement établie et maintenue; ceux-là, au contraire, qui veulent y ajouter ou en retrancher quelque chose en sont les seuls ennemis. Ce sont des factieux.
J'entre maintenant dans la question, la motion d'ajournement.
Cette question n'est pas si simpleqUe l'on pense. Vous pouvez rendre selon les circonstances un dé* cret quelconque, mais il n'en est pas moins vrai que votre décision peut compromettre la discipline de l'armée entière. (Murmures.)
Au contraire.
Je dis, Messieurs, que votre décision peut compro-
Vous voulez le bien, Messieurs, ajournez donc à dimanche prochain une mesure qui a besoin d'être réfléchie et combinée.
Je demande la parole sur la motion d'ordre proposée par M. d'André.
M. d'André vous a présenté deux ordres de considérations sur la question qui vous est soumise : 1° il vous a fait sentir ou il a voulu vous faire sentir la nécessité de l'ajournement ; 2° il a traité, peut-être imparfaitement, au moins l'a-t-il avoué ainsi, le fond même de la question sous quelque rapport.
En ce qui concerne la première partie de cette motion, nous ne craignons pas que l'Assemblée s éclairé et qu'elle examine la question avec la plusgrandeexactitudeetle plus grand intérêt; car, plus on mettra de scrupules à cet examen, et plus on reconnaîtra la sagesse des dispositions de vos comités, plus on se convaincra que ces dispositions sont propres à établir la discipline, la subordination des soldats envers leurs officiers et la subordination des officiers envers la loi.
Certes, Messieurs, j'aime autant la discipliné que qui que ce soit (Mumures à droite; vifs applaudissements à gauche)..... Oui, Messieurs, et
je défie quiconque connaît ma conduite militaire de me contredire sur ce point. La preuve de ce que j'avance m'est acquise par la discipline constante qui a été maintenue dans le corps que j'ai l'honneur de commander. Il est soumis à la loi, il lui a toujours été soumis et pourquoi, Messieurs, parce que je lui commande au nom de la loi et jamais qu'au nom de la loi; je l'abandonnerais de 6Uite s'il pouvait s'en écarter dans une seule circonstance et je n'imaginerais pas pouvoir le commander un seul instant, si je n'étais pas décidé a le défendre contre tous les ennemis du dehors et du dedans qui voudraient l'attaquer. (Applatir-dissements.) Il conviendrait en effet, Messieurs que tous les officiers qui ne respectent pas la Constitution, je dis plus qui n'aiment pas la Constitution, qui ne sont pas décidés à inspirer ces sentiments à tous les hommes qu'ils commandent, renonçassent au service militaire... (Vifs applaudissements.)
Bravo !
Oui, car, sans cela, s'ils ne professent pas hautement ces principes, ils répandront des inquiétudes dans le peuple. Ces inquiétudes gagneront les soldats, et c'est là le germe de toutes les insurrections de l'armée.
Messieurs, si vous voulez établir la discipline dans l'armée, je dis plus, si vous voulez éviter les mouvements qu'excitent les craintes, les inquiétudes des opinions diverses des officiers sur les soldats et des soldats sur les officiers, ouvrez-leur les sociétés ; je ne dis pas seulement celles qui portent le titre d'amis de la Constitution, mais toutes les sociétés indistinctement. (Vifs applaudissements.) Ouvrez-leur la porte de toutes les sociétés possibles et soyez bien certains du choix éclairé qu'ils feront. Partout où Ion professera des sentiments de liberté et de patriotisme, partout où l'on inspirera la subordination, le respect pour les lois et pour la discipline, les soldats s'y rendront en foule. Partout, au contraire, où l'on professera d'autres principes, où l'on manifestera de l'irrévérence pour les lois, pour l'Assemblée nationale, pour les corps administratifs, pour le pouvoir exécutif et pour ses agents, ces mêmes soldats n'y verrontque des ennemis de la Constitution et on ne les y trouvera pas.
Je dis en outre qu'il y aurait le plus grand danger pour la discipline de fermer aux soldats les portes des sociétés patriotiques, car cette mesure ranimerait toutes les inquiétudes du peuple et surtout celles qui se sont manifestées sur les frontières où déjà les esprits sont assez agités par les circonstances. On dira aux soldats qu'on ne veut pas les éclairer sur leurs devoirs, qu on ne veut pas les fixer sur leurs droits constitutionnels. fit bientôt ils méconnaîtront une loi qu'on leur dérobera sans cesse; ils finiraient par aller dans des sociétés particulières et sécrétés où l'on ne professerait pas toujours la morale publique que l'on trouve dans les grandes sociétés. J'avoue que je ne connais pas de moyen plus propre à exposer les soldats aux instigations particulières et à la séduction que de les éloigner des instructions qu'ils trouveront dans les sociétés publiques.
Je demande si, dans le temps qui reste entre les exercices et les appels on a l'intention de donner Ja lecture des décrets de l'Assemblée nationale, on a l'intention de dire aux soldats qui désirent les entendre, que les décrets leur sont profitables; que l'Assemblée nationale a amélioré leur sort; qu'elle a décrété l'égalité entre tous les individus; qu'il est intéressant qu'ils soient tous liés à la nation entière; qu'ils soient prêts à la défendre; qu'ils n'écoutent pas les suggestions particulières. Je demande de quels moyens on se servira pour empêcher les soldats de s'y rendre. Pour moi, je i/en connais point.
Cependant, Messieurs, il est important de décider promptement cette question, parce qu'il n'y a pas en ce moment une seule ville de l'ancienne Alsace, et M. le Président doit le savoir, puisqu'il est de cette province, où les soldats ne soient admis dans les sociétés des amis de la Constitution, et où ils n'y reçoivent des instructions utiles ; et cependant aucune plainte n'est encore parvenue contre eux. Si vous n'adoptez pas le projet de décret qui vous est proposé, si vous vous opposez à ce qui est demandé pour les militaires par vos comités, on les en fera sortir; ils croiront que ce sont leurs officiers qui ont voulu leur imposer leur volonté et les priver de cet avantage. Cette croyance excitera les animosités les plus dangereuses et vous verrez des insurrections continuelles entre les chefs et leurs subordonnés. Le seul moyen de faire obéir les soldats, c'est de leur faire voir clairement, par la connaissance de la loi, les raisons pour lesquelles on exige d'eux cette obéissance.
Il est donc instant que vous décidiez la question qui vous est soumise; c'est pourquoi je demande la question préalable sur l'ajournement. (Applaudissements.)
Je demande la parole.
Je fais la motion qu'on aille aux voix sur l'amendement qui consiste à retrancher de l'article ces mots : « dans les sociétés des amis de la Constitution » et d'y substituer ceux-ci :
« dans les sociétés dont les séances sont publiques. » (Applaudissements à gauche.)
J'insiste pour avoir la parole; Je demande à poser la question parce que M. de Noailles l'a totalement dénaturée.
rappelle l'état de la délibération.
Le premier objet à décider c'est l'ajournement. Je demande la question préalable sur la demande d'ajournement.
L'ajournement proposé me parait d'autant plus nécessaire que le projet de vos comités contient deux grandes questions que vous ne pouvez pas trancner aussi rapidement. La première est de savoir quels sont les droits politiques des soldats engagés; or vous avez déjà, par un décret, décidé que dans les assemblées primaires les soldats en garnison ne pourraient pas voter. (Murmures.)
Monsieur le Président, mettez aux voix l'ajournement, ou bien permettez-moi de parler sur le fond et de poser la question.
La seconde question que vous avez à décider est de la plus grande importance. Il s'agit desavoir si, outre les corps organisés par la loi, la loi consacrera l'existence d'autres corps qui ne seraient pas organisés par elle. (Murmures.)
Je demande donc l'ajournement de la question à dimanche.
et plusieurs membres : La question préalable l
Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée sur la motion d'ordre.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement!
rapporteur... (Murmures.)
M. de Lachèze. La discussion est fermée.
Plusieurs membres : Laissez parler !
Je demande que M. le rapporteur soit entendu ; il veut vous éclairer.
Voix diverses : Non ! non ! — Aux voix ! aux voix! — Il faut entendre M. le rapporteur;
Je vais consulter l'Assemblée.
(L'Assemblée décide que M. le rapporteur sera entendu.)
rapporteur. La demande d'ajournement qui a été faite est sans doute fondée sur des motifs très louables, puisqu'elle a pour objet d'éclairer l'Assemblée et de former son opinion sur une matière qui est, en effet, très importante; mais je représente que les motifs sur lesquels M. de Toulongeon a appuyé sa demande ne sont nullemeut raisonnables, car il a dit qu'il s'agissait de déterminer quel est l'exercice des droits politiques des| soldats.
Or il ne s'agit pas ici de savoir quels sont les droits politiques des soldats, mais de déterminer quel usage ils peuvent faire des moments de liberté que leur laisse l'exercice de leurs fonctions militaires. Il ne s'agit que de cela et absolument que de cela. Evidemment si un soldat a le droit de pouvoir s'arrêter sur une place publique, d'y entendre les propos qui sont tenus par un nomme qui est monté sur des tréteaux ; si un soldat a le droit d'entrer dans un cabaret, dans un café, de lire les papiers publics, s'il ne manque pas aux appels, aux exercices, s'il est servilement soumis à tous les ordres qui lui sont donnés par les chefs, il doit pouvoir employer ses moments à s'instruire et même à apprendre les lois militaires Duisque c'est par elles qu'il peut connaître, qu'il peat obtenir justice. (Applaudissements.)
J'ajoute un mot sur l'ajournement, c'est que M.Kellermann et M. Duportail, dans leurs lettres, représentent qu'il est infiniment urgent de lever tous les doutes à cet égard, et pensent que les soldats peuvent assister à toutes les réunions publiques. (Applaudissements.) Le ministre de la guerre, dont je viens de parler, annonce qu'il existe malheureusement beaucoup de fermenta-lion dans un grand nombre de garnisons et que cette fermentation a pour principe l'avidité avec laquelle les soldats se portent dans tous les lieux où on peut les instruire sur vos travaux, et l'opposition que leurs officiers mettent à ce désir.
11 est doue pressant de statuer sur cet objet; ainsi l'ajournement n'est pas admissible. Il me semble d'ailleurs que si l'on se sert, dans le décret, d'une expression générale qui comprenne toutes les sociétés, il ne présentera plus de difficultés et ne sera plus susceptible d'ajournement. J'admets donc l'amendement tendant à substituer aux mots : ¦ dans toutes les sociétés des amis de la Constitution » ceux-ci : «• dans toutes les sociétés publiques » et je propose la rédaction suivante :
« L'Assemblée nationale, considérant que tous les devoirs de tous les individus qui font partie de la force publique ne sauraient être incompatibles avec les droits qu'ils ont comme citoyens, quand l'exercice de ces droits ne trouble point l'ordre indispensable au maintien de la discipline et ne porte aucune atteinte à la subordination ;
« Déclare que les officiers, sous-officiers et so.-dats de toutes les armes peuvent être reçus dans toutes les sociétés publiques; qu'ils ne pourront être membres de celles établies dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier, mais qu'il leur est accordé la liberté d'y assister aux heures qui ne sont pas destinées à des appels, à des exercices ou à d'autres parties du service militaire; enfin dans tous les moments dont les fonctions de leur état leur laisse le libre exercice. »
Je demande à parler sur la rédaction.
Plusieurs membres : Aux voix la question préalable sur l'ajournement!
Je consulte l'Assemblée sur la question préalable proposée sur la demande d'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajouruement.)
Le vœu de tout boo citoyen
Le jour même où ia loi est portée, tout citoyen doit lui obéir sans réserve et s'interdire toute discussion. (Murmures.) Vous avez décrété que les sociétés particulières ne pourraient entretenir aucune correspondance avec les régiments. Or quel est l'objet d'une correspondance? C'est de prendre
I élixir d'une délibération et de le transmettre à un particulier ou à un corps ; dans ce sens l'assistance est une correspondance. Votre décret vous interdit donc d'ouvrir la porte des sociétés aux soldats de l'armée.
Pour lever, dans ce moment, tout obstacle au décret qui vous est proposé, on a substitué aux mots d amis de la Constitution ceux de toutes les sociétés publiques. Mais, Messieurs, ne perdons pas de vue que dans tout le royaume comme dans les capitales, toutes sociétés publiques qui ne sont pas celles des amis de la Constitution ne sont pas véritablement autorisées ou éprouvent journellement des obstacles.
Il n'y a pas de mal à cela. (Rires.)
J'entends dire à M. Gaultier-Biauzat qu'il n'y a pas de mal à cela. (Rires.)
II lui serait difficile de le prouver. (Rires.) Mais de ce que M. Biauzat n'a pas répondu, je conclus de là qu'il y a du mal à cela. (Rires.) Si vous voulez permettre aux soldats d'assister à ces assemblées, je ne sais pas pourquoi vous ne prescririez pas qu'ils y seraient conduits en ordre par leurs ofhciers, comme cela se pratique dans plusieurs autres circonstances (Rires.) et je crois que, quand les soldats verront leurs officiers v aller avec eux, ils seront pénétrés de la fausseté dune idée qui ne s'est que trop propagée:que les officiers n'étaient pas les amis de la Constitution. (Murmures.)
Je demande que, en adoptant le projet que le comité vous propose, l'Assemblée veuille bien inviter toutes les sociétés publiques à se renfermer purement et simplement dans la lecture des décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi. (Rires.) Je demande que les sociétés publiques soient invitées, quant aux décrets rendus, à de simples lectures sans réflexions. (Rires.)
Une voix à gauche : Est-ce que l'on peut supporter des inepties de cette foroe-là?
Kous demandons le résumé de lopinant.
L'ajournement qui vous était proposé n'avait été demandé que parce que la rédaction de M. le rapporteur paraissait imparfaite; la seconde rédaction qu'il vous propose ne me paraît pas meilleure que la première. Il faut pour décider cette question Be reporter à vos principes. Certes les soldats, les sous-officiers et les officiers, quand ils ont rempli tous les devoirs de leur état, quand ils sont hors de leur service, ont absolument la même liberté, les mêmes droits que tous les autres citoyens. Ils peuvent comme eux, non seulement assister aux réunions des différentes sociétés qui se réunissent paisiblement dans la ville où ils sont en garnison; mais encore ils peuvent être membres de ces sociétés; us sont strictement dans les termes de la loi. Le projet de décret leur refuse ce dernier droit.
Je propose une rédaction beaucoup plus simple et qui me paraît devoir tout concilier. La voici :
« L'Assemblée nationale déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes, hors le temps de leur service militaire, des appels, des exercices et de toutes les fonctions de leur état, peuvent, jusqu'à l'heure de la retraite, assister, comme tous les autres citoyens, aux séances des sociétés qui s'assemblent paisiblement et sans armes, dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier. » (Applaudissements.)
Plusieurs membres demandent la priorité pour cette rédaction.
De toutes les rédactions celle de M. Le Chapelier me paraît la meilleure. Elle n'est susceptible d'aucune objection dans des circonstances paisibles et normales ; elle ne présente alors aucun inconvénient. Mais daus les circonstances orageuses où nous nous trouvons (Murmures.),..
Plusieurs membres : Aux voixl aux voix! fermez la discussion!
(L'Assemblée ferme la discussion.)
rapporteur. Voici la rédaction de M. Le Chapelier que j'adopte :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités de Constitution, militaire, des recherches et des rapports, déclare que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes, hors le temps de leur service militaire, des appels, des exercices et de toutes les fonctions de leur état, peuvent, jusqu'à l'heure de la retraite, assister, comme tous les autres citoyens, aux séances des sociétés qui s'assemblent paisiblement et sans armes, dans les lieux où ils sont en garnison ou en quartier. »
Plusieurs membres : Sans armes?
Un grand nombre dé membresOui! oui!
(L'Assemblée adopte la rédaction de M. Le Chapelier.) (Applaudissements.)
L'ordre du jour est la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Etienne sur la création de petits assignats (1).
Avant de commencer la discussion je demande la permission à
l'Assemblée de lui donner lecture d'une pétition d'un grand nombre
de citoyens, marchands-fabricants et manufacturiers de la ville et
des faubourgs de Paris, qui réclament la création de petits
assignats comme un bienfait. Ce mémoire
Voici cette pétition :
« Les citoyens marchands-fabricants de la ville de Paris ont l'honneur d'exposer à l'Assemblée nationale que,, ainsi qu'on l'avait prévu, les besoins de la circulation sont loin d'être remplis par la coupe actuelle des assignats, attendu que les fractions, depuis 100 jusqu'à 50 livres, où ces divisions s'arrêtent,apportent bien peu de facilité dans les affaires de détail, c'est-à-dire dans celles qui, saris comparaison, sont les plus nombreuses, les plus nécessaires, les plusimportantes. Cela devait arriver ainsi, quoique, par l'échange des assignats entre eux, on puisse parvenir à faire des assignats de 10 livres; car, pour faire ce payement, il faut avoir des assortiments d'assignats; il faut avoir un fond de caisse. Or, ce rond, Messieurs, n'est communément convenable et possible qu'à de riches marchands, soit en gros, soit en détail, ou à de riches capitalistes.
« L'expérience n'a cessé de prouver qu'on ne peut attribuer Je renchérissement du numéraire à un prétendu discrédit des assignats; car d'un côté la valeur du numéraire ne s'est pas élevée en raison de l'émission d'une grande quantité d'assignats, comme l'annonçaient ceux qui s'opposaient à cette opération ; et de l'autre, on voit que les assignats de petites sommes, quoique trop fortes encore, jouissent d'une faveur dont ne jouissent pas ceux de 1,000 et de 2,000 livres, faveur qui a été jusqu'à 3 0/0 de bénéfice. On a même observé que l'usage comme monnaie des petits coupons représentatifs de l'intérêt, originairement attribué aux petits assignats, avait influé sur le prix de l'argent; qu'il l'avait fait retomber à un taux modéré; et que cet effet salutaire a cessé depuis que le Trésor public a pris soin de retirer de la circulation ces coupons dont on ne lui demandait pas le remboursement.
« Enfin on n'aura plus de doute sur la nécessité de combattre renchérissement du numéraire par de petits assignats, si l'on fait attention à la manière dont le numéraire métallique se trouve lui-même divisé. Les pièces sont plus nombreuses à mesure qu'elles diminuent de valeur; il y a plus de pièces de 6 livres que de 24 livres; plus de pièces de 24 sols et de 12 sols, que de pièces de 3 livres; plus de pièces de cuivre que de pièces d'argent, tandis que la coupe des assignats est faite dans le sens inverse des besoins, en sorte que les petits renchérissent à cause de leur rareté. Cependant cette sorte d'augmentation dans le prix du numéraire, lorsqu'elle résulte évidemment d'un vice dans le mécanisme de l'organisation, impose un tribut sur l'industrie et les premiers besoins, et le mal s'accroît jusqu'à ce qu'on ait trouvé le remède.
« Le besoin d'arrêter le mauvais effet du défaut de petits assignats a été si bien senti dans les villes du commerce, qu'on a vu se former, dans plusieurs de ces villes, des compagnies qui, pour éviter l'échange onéreux des assignats ont mis en circulation de petits billets de 12 et de 6 livres; et leur utilité s'est trouvée telle qu'avec la liberté de les refuser, ils y gagnent contre les assignats et sont admis par les ouvriers, par les journaliers et, en général, par la classe des citoyens la plus formée à la défiance; mais ces billets et ceux du même genre seront toujours insuffisants, tant qu'ils seront circonscrits dans les limites d'une ville; et ne pouvant mériter ailleurs la même confiance, ils ne peuvent produire qu'un effet partiel et gênant pour la circulation d'une ville à l'autre. Leur bigarrure favorise la fraude. Le moindre accident peut les discréditer. Cet accident peut venir de la seule réflexion que ce papier n'étant point reçu en payement de biens nationaux, on entrevoit un moment où il en restera dans plusieurs mains, sans possibilité d'échange, puisque l'établissement qui en fait l'émission ne s'oblige qu'à les payer en papier.
« Dira-t-on que la représentation des petits billets doit se trouver en assignats dans les caisses? Mais peut-on compter que partout l'espoir du gain ne dirigera pas ces établissements? Et s'il les dirige, quel garant aura-t-on que des billets qui représentent des assignats trouveront toujours des assignats? Enfin dès que ces billets ne représentent que des assignats, n'est-il pas plus simple et plus conforme à l'ordre que la nation fasse elle-même de petits assignats qui, sans intermédiaire, s'éteindront comme les gros, dans l'acquisition des biens nationaux?
« Il est d'autant plus nécessaire de se résoudre à une division qui complète le système monétaire des assignats, qu'on se flatterait inutilement du prompt retour de l'abondance du numéraire effectif. Nous ne pouvons rembourser aux étrangers la partie de la dette publique qui leur appartient, qu'avec du numéraire. La balance du commerce ne se rétablira que lentement en notre faveur; et, en attendant, le Trésor public, qui achète l'argent chez l'étranger à 16 0/0, fait une opération tellement ruineuse que, en ne le renouvelant que quatre fois par an, il lui encoûte,41 millions pour en acquitter 25, sans compter les frais extraordinaires et les pertes indirectes qui en résultent.
« Doutera-t-on après cela qu'il ne soit temps de faire cesser cet ordre de choses? Et comment y parviendrait-on, si ce n'est en rendant les écus moins nécessaires? Or, on ne peut obtenir ce résultat sans détruire l'intervalle qu'il y a entre les assignats de 50 livres de cette monnaie d'argent, c'est-à-dire en créant une quantité de petits assignats qui descendront jusqu'à 15, 12 et 5 livres.
« Il est démontré que les billets que mettraient dans la circulation les établissements particuliers ne peuvent circuler avec le même avantage ni avec la même confiance que les assignats. Il est démontré que le peuple ne repoussera pas les petits assignats, puisque dans plusieurs villes les ouvriers reçoivent les petits assignats qui en tiennent lieu. Il est démontré que les opérations du Trésor public ne font qu'empirer le mal et sont ruineuses sous tous les rapports. Rien ne doit donc arrêter l'émission des petits assignats.
« L'Assemblée nationale n'a qu'à décréter que les assignats brûlés seront remplacés, somme pour somme, par des petits assignats, jusqu'à ce qu'on s'aperçoive d'une émission suffisante dans tout le royaume. Bien entendu que l'Assemblée fixerait un maximum auquel on ne serait pas obligé d'atteindre, mais qui préviendrait toute inquiétude sur une émission totale supérieure à la valeur des biens nationaux. C'est à quoi nous concluons dans cette respectueuse adresse. »
Cette pétition est signée de près de 400 citoyens.
Messieurs, je vais d'abord vous présenter les raisons qui s'élèvent
contre l'émis-
On peut dire d'abord que l'assignat est le représentant du numéraire; et le résultat nécessaire de la présence du représentant est de faire disparaître progressivement le représenté.
L'assignat fait les fonctions du numéraire, mais il en est qu'il ne peut remplir; il ne peut faire tout ce qui fait l'argent. Ce n'est pas seulement parce qu'il n'est pas de convention universelle, c'est parce qu il ne peut être divisé tellement qu'avec lui on soit en état d'acheter et de mesurer les plus petites valeurs. L'assignat va donc nécessairement chercher l'argent; et par cela seul, l'argent doit le rançonner. Les gros assignats sont d'une négociation plus difficile que les petits; et par une juste conséquence, les petits doivent rançonner les gros. Voilà la marche éternelle des choses.
Chaque fois que le petit assignat, fût-il de 5 livres, comme on le propose, ne pourra faire ce que fait l'argent, l'argent gagnera sur lui. Ainsi donc, proposer de faire des assignats de 5 livres, c'est proposer, en d'autres termes, de faire subir au pauvre la perte que subit aujourd'hui l'homme aisé. C'est là vraiment la précision de la thèse.
Je demande la parole pour rectifier un fait.
Vous n'avez pas la parole.
Si M. Rabaud m'avait écoulé, il saurait que j'ai d'abord annoncé les raisons qu'on peut apporter contre l'émission; et celle-ci est certainement une des plus spécieuses.
Avant la création des assignats de 50 livres, toutes les caisses étaient réduites à payer en écus toutes les sommes au-dessous de 200 livres. L'homme aisé payait aussi en espèces, sinon tous les fournisseurs, au moins tous les ouvriers. Du moment où les assignats de 50 livres ont paru, la perle qu'il subissait seul a commencé à peser en partie sur les ouvriers; et il a attendu, pour les payer, qu'il fût leur débiteur de 50 livres et au delà. Que vous fassiez maintenant descendre l'échelle jusqu'à cent sous, ce sera non seulement l'ouvrier, mais le journalier, l'homme de peine qui supporteront la peine qu'essuiera l'assignat.
Celui qui achetait des écus pour payer ces trois classes n'aura plus à en acheter ; et ce seront elles qui se trouveront réduites à le faire. Les coupons, va-t-on s'écrier, ne perdaient pas, pourquoi les petits assignats perdraient-ils? 1° Les coupons étaient conversibles en écus à la volonté du porteur, à la caisse de l'extraordinaire, et les petits assignats ne le seront pas. La différence est immen-e. Un papier ne peut approcher du niveau de l'argent, ou s'y mettre, que lorsqu'il est réalisable en écus à la volonté du porteur et sans perte; 2° Il y avait pour 1,500,000 livres de coupons ou à peu près, et ils ne sont guère sortis des murs de Paris, ou au moins les exceptions sont rares, et il s'agit ici d'un papier que l'oo prétend faire circuler dans les campagnes et dans la classe indigente, puisque le fabricant et l'homme qui fait travailler le journalier quelconque le payera avec cela.
On oppose encore qu il y a eu des assignats conventionnels à Lyon, et qu'ils y ont réussi.
Je réponds d'abord, qu'il n'y a nulle comparaison à établir entre des assignats payables par des particuliers, entre de bonnes lettres de change et des billets sur l'Etat. Ces effets conventionnels ne sont pas seulement réalisables en écus à volonté; mais ils sont libres et de pure confiance. Enfin, cela peut réussir dans une ville de manufacture, et qui renferme tous ses ouvriers dans son sein ; mais cela le serait-il dans une autre, dans une ville de manufactures dispersées, dont les ouvriers sont répandus dans la campagne, à Rouen, par exemple? Mais l'inflexible nécessité renverse, ou au moins ébranle ces considérations. L'argent s'élève et s'élèvera ; nul moyen direct de le faire baisser. Dès que vous frappez l'agiotage, il se retire, mais il emporte l'argent avec lui. C'est une idée beaucoup trop hardie que d'essayer de se passer d'argent; il faut seulement tâcher d'en avoir moins besoin : et les assignats sont le moyen unique; car nous n'avons pas le choix des moyens.
Un remède nous est indispensable, et melius est anceps remedium experiri, quàrn nullum. Ce n'est point une émission nouvelle, c'est seulement une division différente.
Mais, je ne descendrai pas aussi bas qu'on vous propose de le faire. Law lui-même ne passa pas 10 livres, et on trouva qu'il avait été trop loin. Cen'e-t pas que je veuille établir une comparaison entre le système de Law et le vôtre. Il y a autant de différence qu'entre le vin du clos Vougeot et celui de Suresne; mais il faut se tenir toujours à une juste distance des écus; il ne faut pas que l'on puisse s'en passer; car on n'en verrait plus. Les assignats de 5 livres auraient d'ailleurs un inconvénient doublement à craindre pour la nation; ou leur fabrication serait très soignée, et alors elle coûterait énormément; ou elle ne le serait pas, et alors il y aurait une grande faculté de les contrefaire. Nul danger égal à celui-là. Quel temps n'emporterait pas une fabrication de ces petits écus de papier; et quand la circulation pourrait-elle en jouir?
Arrêtons-nous donc à 10 livres, non pas seulement pour ne pas faire disparaître entièrement le numéraire, mais pour diminuer et les frais et le danger de la contrefaçon; et enfin pour qu'on ne spécule pas sur les assignats de 5 livres, comme on le fait sur les écus. Si vous franchissez cette ligne, le pauvre et le journalier seront sous l'oppression au papier. Il nous faut du papier nouveau; sacrifions à la nécessité, mais ne faisons que les sacrifices qu'elle commande impérieusement, et sachons nous arrêter aux limites. Décréter des assignats de 5 livres, c'est bannir tous les écus de la circulation, et c'est un genre d'ostracisme qu'un Etat ne se permet pas impunément.
Je conclus à ce que la nouvelle émission soit faite en assignats de 20, 15 et 10 livres.
Messieurs, dans le plan que je vais vous proposer, je ne chercherai pas à vous démontrer que l'émission de petits assignats doit être fixée à telle où telle quantité ; mon but est de vous découvrir comment l'agiotage a fait disparaître les écus. Ainsi je vous prie de ne pas vous impatienter. (Rires.)
On ne peut détruire l'agiotage si l'on n'en connaît la véritable cause. La différence de valeur entre l'écu-papier et l'écu-monnaie l'a fait naître, et cette cause se représente sous autant de formes qu'il y a d'assignats de différentes valeurs.
Le gros assignat est une richesse réelle; il augmente le numéraire
même en perdant. Le petit assignat, quand il perd, et il a toujours
perdu
Le seul moyen de rétablir la circulation du numéraire est de trouver une mesure qui mette au pair avec l'argent, ou au moins le plus près -possible du pair, l'assignat, et c'est dans cette vue que j'ai présenté à l'Assemblée un projet de décret sur l'établissement d'une caisse de remboursement et échange d'assignats à bureau ouvert, tellement organisée, que sans autre inconvénient que celui d'attendre son tour, on puisse recevoir en écus le remboursement d'un assignat de 50 livres, ou échanger un autre assignat contre un plus petit assignat, avec l'appoint en espèces, ou contre deux autres assignats seulement.
Avant d'indiquer la forme de cet établissement, j'ai dû suivre les assignats dans leur marche successive depuis leur émission, et j'ai dit : Les assignats occasionnent aujourd'hui une véritable révolution, un nouvel ordre de choses, et ce n'est qu'en adoptant par la suite une marche contraire à celle qu on a suivie, que le numéraire peut reparaître.
J'ai dit encore : Il n'est pas vrai que nous manquions véritablement de numéraire; mais, par la manière dont il se renouvelle aujourd'hui, il est certain qu'il s'en faut de beaucoup que nous en ayons assez, et dans ce cas, c'est pour nous la même chose que s'il n'existait pas. Nous devons donc chercher le moyen de Je rappeler à sa circulation naturelle. Pour cela connaissons d'abord le mal et nous appliquerons le remède.
Avant l'émission des billets de la caisse d'escompte, deux à trois milliards circulaient.
Dans ces premiers temps, les billets de la caisse ont facilité le commerce, mais il n'y avait alors que de gros billets, et dans ce temps le billet ne perdait rien.
L'établissement était, il est vrai, dans toute sa pureté; les marchands d'argent n'avaient point calculé sur d'autre bénéfice que celui résultant de l'intérêt légitime que la compagnie devait retirer jusqu'à l'époque du billet ou lettre de change qu'elle avait escompté, et dans ces heureux temps, sous ce rapport seulement, le gouvernement n'avait rien de commun avec les actionnaires de la caisse d'escompte; mais depuis les choses ont bien changé de face.
A l'époque de l'ouverture de l'Assemblée nationale, on voyait encore des écus, parce qu'à cette époque il n'y avait que peu de billets de caisse ae 2 ou 300 livres ; depuis on les a multipliés, et les écus ont disparu, et la cause de cette disparition était naturelle.
Les porteurs d'assignats ou billets de caisse se multipliaient. Ils avaient des dépenses à faire au-dessous de 2 et 300 livres ; ils ne pouvaient le faire qu'en escomptant les billets et les assignats, et alors il est arrivé qu'il s'est établi deux prix très distincts entre les écus-papier et les ecus-monnaie.
Le papier perdant a toujours circulé ; les écus-monnaie gagnant n'ont circulé que dans cette circonstance; or, dans toutes les autres, l'éeu-monnaie est resté dans le coffre.
En effet, avant qu'il y eut une différence se lisible entre l'écu-papier et l'écu-monnaie, l'un et l'autre avaient cours indifféremment, et nos 2 à 3 milliards en espèces, qui circulaient sans cesse, servaient de change dans toutes les parties de l'industrie et du commerce.
Depuis que le papier vaut moins, c'est toujours le papier qui circule. Or il n'y avait, avant la dernière émission d'assignats, que 400 millions d'écus-papier; donc, à cette époque, les 2 à 3 milliards d'écus-monnaie, ne circulant que pour le change de 400 millions d'assignats, les cinq sixièmes des écus sont restés dans le coffre-fort, où ils reposent encore. Tout cela me paraît évident.
On a cru remédier à cet inconvénient, dans la dernière émission, en faisant des assignats depuis 50 livres jusqu'à 100 livres, mais le contraire est arrivé, et l'on devait s'y attendre; car en diminuant la valeur de l'assignat, ou a fait enfermer uu plus grand nombre d'ecus; on a fait plus ; on a fait enfermer les petits assignats eux-mêmes, et cela par une suite de leur rapprochement avec les écus, et parce qu'ils ont en effet une valeur supérieure aux gros assignats. S'il est vrai que les petits assignats ont produit des effets si funestes, à quoi ne devons-nous pas nous attendre, si, sans aucune précaution, nous décrétons une émission considérable de petits assignats, soit de 5 livres, soit de 10 livres? car il arrivera certainement, commeil est arrivé dans les deux premières émissions d'assignats, que le numéraire diminuera encore, et que sa rareté sera telle, qu'on ne verra plus d'écus, qu'on accaparera jusqu'à la monnaie, pour la vendre aux porteurs d'assignats de 5 livres, c'est-à-dire aux pauvres, et par conséquent au plus grand nombre.
Mais en prenant des précautions, car je pense qu'il nous faut de petits assignats, ce malheur n'arrivera pas. Ces précautions ne sont autre chose que rétablissement que j'ai proposé; j'y reviens,mais avant, l'Assemblée doit se convaincre de cette vérité constante, c'est que le gros assignat, qui ne peut être qu'entre les mains du riche, augmente, par cela seul, la circulation du numéraire, et que les petits assignats le font renfermer, et que par conséquent elle doit, par une disposition particulière, déclarer que, quand on sera parvenu à remettre le papier au pair de l'argent, on brûlera de préférence les petits assignats pour conserver les gros. Sans cette précaution, l'agioteur, qui veille sans cesse, ne tardera pas, par d'autres combinaisons que l'on ne peut prévoir, à faire renaître de nouveaux abus ; mais, qu'on adopte cette mesure, le combat cesse alors faute de combattants ; car, plus de petits assignats, plus d'assignats au-dessous de 1,000 livres, plus d'agioteurs; ces derniers n'existent et ne peuvent exister que par de petits assignats.
Il est inutile je pense d'en dire davantage; aussi, je me résume, en
répétant qu'on ne peut remettre véritablement le papier au pair avec
l'argent, qu'en adoptant cette caisse de remboursement (1) à bureau
ouvert, dont j'ai fait distri-
Mais à cela je réponds, et c'est précisément la raison pour laquelle j'insiste davantage sur l'adoption de l'établissement, en ce que s'il arrive qu'on n'apporte pas d'écus à la caisse, ce dont il m'est pourtant permis de douter, car le bénéfice est trop réel pour qu'il n'y ait pas toujours quelqu'un qui veuille gagner la prime; dans ce cas, dis-je, tous les jours, on pourra y distribuer les petits assignats proposés par M. Rabaut-Saint-Etienne, et par là on reconnaît que mon plan s'accorde parfaitement avec celui d'une nouvelle émission de petits assignats, soit de S li-vres, soit de 10 livres.
Le grand avantage de mon plan, c'est qu'avant huit jours il peut être mis en activité, moyennant une dépense journalière d'environ 12,000 livres, tandis qu'avant deux ou trois mois nous n'aurons pas de petits assignats (1) ; et que, jusqu'à ce temps, l'intérêt de l'argent pour nos besoins ordinaires du Trésor public augmentera si sensiblement, qu'il en coûtera beaucoup davantage. Cette nouvelle considération mérite toute l'attention de l'Assemblée.
Voici le projet de décret que je vous propose.
« Art. 1er. Il sera établi un bureau de remboursement des assignats.
« Art. 2. Il sera remboursé, chaque jour, en écus, les dimanches et fêtes exceptés, depuis neuf heures du matin jusqu'à deux heures de l'après-midi, cinq mille assignats de 50 livres.
« Art. 3. On ne pourra échanger qu'un assignat à la fois.
« Art. 4. Ceux qui voudront échanger un assignat de plus grosse somme, ne recevront que l'appoint en écus, de manière que, pour un assignat de 60 livres, ils recevront un assignat de 50 livres et 10 livres en écus.
« Il en sera de même pour toutes espèces d'assignats, en suivant les
mêmes proportions, et l'on ne pourra en échanger que jusqu'à
pareille somme de 250,000 livres, dont un sixième en assignats,
depuis 60 jusqu'à 100 livres, un sixième en assignats de 200 livres,
un sixième en assignats de 300 livres, un sixième en assignats de
500 livres, un sixième en assignats de 1,000 livres, et un sixième
en assignats de 2,000 livres.
« Art. 5 La même personne ne pourra également échanger qu'un 6eul assignat à la fois.
« Art. 6. Le bureau de remboursement sera placé à la distance la plus éloignée possible de l'entrée qui doit conduire à ce bureau, et cette entrée sera disposée de façon que ceux qui voudront échanger un assignat ne puissent entrer que par la même porte, et n'arriver qu'un très petit nombre de front, dans un passage construit a cet effet.
« Art. 7. Ce passage devra être divisé en plusieurs parties, pour empêcher qu'il n'y ait foule, et les barrières ne s'ouvriront qu'à mesure qu'une enceinte se videra.
« Art. 8. On ne pourra retenir son tour, ceux qui sortiront de l'enceinte le perdront.
« Art. 9. Le bureau de remboursement est autorisé à délivrer ou échanger des assignats de 2,000 livres, contre une somme de 1,880 livres en écus par assignat;
« Des assignats de 1,000 livres contre une somme de 950 livres en écus;
« Des assignats de 500 livres contre une somme de 480 livres en écus;
« Des assignats de 300 livres contre une somme de 291 livres en écus ;
« Et enfin des assignats de 200 livres contre une somme de 196 livres en écus.
« Art. 10. Chaque jour le bureau de remboursement ne pourra délivrer d'assignats, comme il est dit en l'article précédent, que jusqu'à concurrence d'une somme de 300,000 livres dont un cinquième de chaque espèce d'assignats.
« Art. 11. Le bureau de remboursement rendra public chaque jour, par la voie de l'impression, combien il aura remboursé d'assignats de 50 livres en écus; combien en autres assignats et écus; et combien il aura délivré d'assignats contre des écus, conformément aux dispositions de I'article9.
» Art. 12. Le comité des finances présentera incessamment à l'Assemblée un projet de règlement pour l'organisation de ce bureau de remboursement, qui sera sous l'inspection immédiate du ministre de la caisse de l'extraordinaire. »
On vous propose de créer des assignats de 100 sols et de les échanger contre ceux de 2,000 livres ; mais est-il bien vrai que l'assignat de 100 sols soit utile au pauvre?Si, cette somme-là était la plus petite des sommes payables, on aurait raison; mais si, au contraire, le besoin journalier du pauvre ne l'expose presque jamais à dépenser 5 livres à la fois, la difficulté subsiste dans tout son entier.
Voyons ce que le pauvre fera de son assignat de 5 livres : il entrera chez un marchand de vin, y prendra une mesure et présentera son assignat en payement. Le marchand lui rendra son reste, mais sa monnaie sera bientôt épuisée; et la demande du change 6e renouvelant sans cesse, il sera obligé d'acheter de la monnaie, de payer 10 ou 12 sols celle de son assignat. C'est donc sur le pauvre que tombera la perte et le riche sera toujours délivré.
D'un autre côté, je maintiens que les assignats de 5 livres feront absolument disparaître les écus de 6 livres, parce que quand on peut payer avec du papier on ne paye pas avec de l'argent. Par toutes ces considérations, je demande la prolongation indéfinie de l'ajournement que vous avez déjà prononcé.
Messieurs, ce n'est pas d'aujourd'hui que j'ai pensé que notre salut
était
La chose est arrivée comme je l'avais prédite.
Un honorable membre a senti cette nécessité, il y a deux mois; mais cette proposition si sage fut repoussée par cette observation, que l'Assemblée nationale était liée par un décret qui proscrivait toute émission d'assignats au-dessous de 50 livres. Pour empêcher une pareille objection de se reproduire, il faut faire attention :
i° Que le prétendu décret n'existe pas;
2° Que s'il existait il ne serait que réglementaire ;
3° Que l'intérêt public est au-dessus de tout, et qu'en matière de finance, il ne saurait y avoir de décret constitutionnel, parce que la nécessité ne connaît point de loi.
Il s'ensuit que la proposition de M. Rabaud est entière, et que son importance réclame toute votre attention.
On ne peut trop se dissimuler que la masse beaucoup trop considérable des assignats de 2,000 livres, n ait été la première cause au trafic qui s'est établi entre les gros assignats et les petits. Jusque-là on ne vendait que l'argent, alors on a commencé à trafiquer les petits assignats, et aussitôt l'argent a haussé de valeur. Le numéraire disparaît tous les jours, et bientôt il manquera absolument, si l'on n'y remédie par une disposition sage et urgente; il n'en existe aucune dont la bonté soit aussi bien démontrée que celle-ci.
1° Fabriquer un grand nombre de petits assignats;
2° Diminuer une partie des gros ;
3° Remplacer une partie des assignats brûlés par une même valeur de petits assignats ;
4° Et ceci est le plus essentiel, adopter un nouveau mode de fabrication, absolument différent des deux autres émissions qui ont été faites précédemment, et qui soit tel que, malgré l'immensité de la multiplication que vous allez faire, la nation puisse jouir bientôt d'un bienfait si désirable ;
5° Il est instant de fabriquer de petits assignats. En effet, si les assignats n'eussent été employés qu'à acheter des biens nationaux, ou à payer des dettes particulières très considérables, la division actuelle eût été bien vue; mais, lors de leur émission, le besoin de numéraire était tel qu'ils devaient entrer de toutes parts dans la circulation.
Au moment de transmettre à nos successeurs la place législative, nous voudrons rendre compte aux nouveaux délégués du peuple cette partie du corps politique dans un état de santé parfaite. Pour établir une proportion, il faut mesurer la valeur des signes monétaires sur celle des besoins. Vous ne serez plus intimidés par ces menaces de subversion totale. Vous avez décrété les assignats, et le pain qui devait se vendre 20 sous la livre ne se vend que 2 sous et même qu'un dans certains départements.
Pour être juste envers les créanciers de l'Etat, puisqu'on ne les payait pas avec le numéraire effectif, il fallait au moins que le papier qui le représentait, en eût toutes les propriétés. Si donc on veut que les assignats aient tous les caractères des espèces, il faut, par une conséquence immédiate de ce principe, solliciter leur division, jusqu'à un tel degré, qu'ils puissent s'approprier à la plus grande partie des besoins de la circulation. L'expérience vient formellement appuyer cette réclamation équitable.
Les assignats-monnaie ont été décrétés; les plus petits sont de 50 livres. Il en coûte aujourd'hui 4 livres pour changer contre écus ces petits assignats ; et on conclut tout de suite que les assignats perdent 8 0/0. Je soutiens au contraire que les assignats ne perdent rien. (Murmures.) Lorsqu'on énonce un semblable paradoxe, il est naturel qu'on contracte l'engagement de le prouver rigoureusement. Je ne demande qu'un instant d'attention. (Rires à droite.) Je le répète les assignats ne perdent rien; c'est l'argent seul qui gagne. (Murmures à droite.)
Il est singulier que l'on murmure contre une proposition qui est vraie dans toute la force du terme.
Je m'explique : sans contredit l'argent gagne, si l'on peut 9e procurer un assignat de 50 livres avec 46 livres, et c'est l'état actuel des choses; mais l'assignat ne perd rien, si une marchandise quelconque se donne au même prix contre l'assignat que contre les écus. (Murmures.)
Ce n'est pas vrai.
C'est une vérité : le fait est arrivé et il n'est aucun de nous qui ne le sache par expérience.
M. de Lachèze a raison, mais je n'ai pas tort, et je pourrai lui demander à lui-même s'il a fait deux prix avec son locataire pour le logement qu'il occupe, l'un en assignats et l'autre en écus. (Applaudissements.)
L'assignat ne perd rien, si une marchandise quelconque se vend au même prix, en assignats qu'en écus. Or nous voyons que les marchands sont très empressés de vendre. Je vais donc répéter cette fâcheuse vérité pour certaines personnes, c'est que les assignats ne perdent rien. Pour qu'ils perdent, il faudrait que tous les acheteurs fussent interpellés par les vendeurs de déclarer, avant de faire un marché, s'ils payeront en papiers ou en espèces. A la vérité, lorsqu'une denrée a été d'une valeur inférieure à celle de l'assignat, sans contredit, le marchand a pu et a dû demander: c Me payerez-vous en assignats ou en écus ; car si je suis payé en assignats, je serai obligé moi-même de faire une perte lorsque je voudrai l'échanger. » (Applaudissements à gauche; murmures à droite.)
Mais cependant les louis qui ne sont pas divisibles, gagnent beaucoup : ce fait incontestable ne contredit pas ce que j'avance. Les monnaies d'or gagnent dan3 ce moment, à cause de la facilité qu elles présentent pour l'exportation, parce que nous avons malheureusemenl beaucoup d'émi-grants : voilà la seule raison du taux élevé auquel le louis d'or se trouve. Ainsi, sans s'arrêter à cette objection spécieuse, soyons dociles aux grandes leçons de l'expérience, consentons à diviser aujourd'hui avec intelligence la monnaie salutaire que nous avons créée.
La fabrication des assignats a été trop lente, il faut employer pour
cela un moyen purement mécanique. Il existe une machine
singulièrement
« 2° Lors de l'émission des assignats nouvellement décrétés, on retirera de la circulation 200,000,000 de livres d'assignats de 2,000 livres ;
« 3° La totalité des assignats fournis à la Caisse de l'extraordinaire, et qui le seront d'ici au 1er juillet prochain, seront remplacés par une émission égale d'assignats de 5 livres et de 2 livres, de manière qu'a cette époque il se trouve pour 100,000,000 de livres d'assignats en émission réelle ;
« 4° L'Assemblée nationale nommera dans son sein 6 commissaires à joindre à ceux qui ont surveillé la dernière fabrication de la dernière émission d'assignats; et ces commissaires, après avoir examiné les modes de fabrication qui leur seront présentés, en rendront compte à l'Assemblée ;
« 5° Le présent décret sera porté dans le jour à la sanction du roi. »
En raison de l'heure avancée, je propose à l'Assemblée d'interrompre cette discussion. (Marques d'assentiment.)
Nous pourrions, avant de lever la séance, entendre un rapport du comité ecclésiastique. (Marques d'assentiment.)
au nom du comité ecclésiastique présente un projet de décret relatif à la réunion des paroisses ae la ville de Meaux.
Ce projet de décret est ainsi conçu : « L'Assemblée nationale, sur 'le compte rendu par son comité ecclésiastique : 1° de (a délibération du conseil général de la commune de Meaux, du 6 avril présent mois : 2° de la délibération du directoire du district de Meaux, du lendemain 7, prise en présence et avec le concours de l'évêque du département de Seine-et-Marne; 3° de l'arrêté du directoire du département de Seine-et-Marne, du 15 du même mois, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Toutes les paroisses de la ville de Meaux sont supprimées et réunies à l'église cathédrale de Saint-Etienne.
Art. 2.
« Sont néanmoins conservées à titre de succursales :
« L'église de Saint-Nicolas pour la desserte du faubourg du même nom, limitée par le brasset de Saint-Faron, passant devant les tanneries et bordant les remparts de la porte Saint-Nicolas jusqu'à 1a rivière de Marne ;
« 2° L'église Saint-Martin pour la desserte du faubourg de Cornillon et du marché, jusqu'à la rivière de Marne, compris les moulins établis sur cette rivière. » (Ce décret est adopté.)
indique l'ordre du jour de la séance de demain eflève la séance à trois heures.
a la séance de l'assemblée nationale du
PROCÈS-VERBAUX DE BRULEMENT
des effets entrés dans l'emprunt national de 1789 (1),
Pour joindre au rapport des commissaires de l'extraordinaire du
compagnie des indes.
Procès-verbal de brûlement des actions de la Compagnie des Indes, créées
en exécution des lettres patentes du
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses: article premier, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt natioual de 80 millions, et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays, qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats à la volonté des prêteurs ; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt, et que l'on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur, de toute nature, et les contrats échus en remboursement, et que les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient attachées ; article 5, que les reconnaissances fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions comme argent comptant ; article 8, que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en payement seraient alloués comme comptant, jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir, et qu'à l'égard des effets dont l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts, depuis le jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit, jusqu'à l'échéance desdits effets; enfin, article 9, que les effets et contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de la chambre des comptes que Sa Majesté nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le procès-verbal qu'ils en dresseraient serait rapporté par ledit sieur Duruey, avec les contrats, éteints dans la forme ordinaire, pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Durueyque MM. Camus, Laborde et Charles de Croix, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, 2,396 actions de la compagnie des Indes, faisant partie de celles créées en exécution des lettres patentes du 22 avril 1770, lesquels montent à la somme de 4,754,602 livres, savoir :
2,180 actions et portions d'actions dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789, et qui montent à la
somme de................. 4,392,165 1. 15 s.
46 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'octobre de la même année, qui montent à la somme de... 68,402 10
63 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance de janvier 1790 et qui montent
à la somme de............ 62,873 15
91 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'avril de la même année, et qui montent à la somme de. 201,660 »
Et enfin 16 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance de juillet 1790, et qui montent à..................... 29,500
4,762 »
Total....... 4,754,602 1. »
A ce capital nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs de celles desdites actions échues en remboursement ; et ce, à raison des époques où ces remboursements auraient dû être faits ; lesquels intérêts montent à la somme de....
Ces deux sommes forment ensemble celle de......... 4,759,364 1.
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de celles desdites actions qui n'étaient payables qu'à la fin de l'année 1790 ; et ce, conformément aux époques portées par la liste du tirage des remboursements. Ces intérêts montent à la somme de........... 54,417»
Au moyen de cette déduction, la valeur desdites actions reçues dans l'emprunt de 80 millions, est définitivement fixée à la somme de. 4,704,947 1.
Ainsi que le tout est plus amplement détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par luf certifié véritable, et coté, paraphé et signé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus, Laborde-Mé-révilleet Charles de Croix, commissaires de l'Assemblée nationale, pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. de Prisye et Osmont, conseil-lers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommes par le roi par la proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789 sur le décret de l'Assemblée nationale, du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et des actions représentées; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus. Nous avons ensuite fait jeter lesdites actions dans le feu ; elles y ont été totalement incendiées, et nous en avons dressé le présent pro-cès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier en recette, de l'admission dans l'emprunt national, de la somme de 4,704,947 livres ; et en dépense, de pareille somme, soit en intérêts, soit en capitaux, à la décharge de la nation.
Il est néanmoins observé que la recette totale est de 4,754,602 livres, ainsi qu'il est énoncé au présent bordereau; mais que les intérêts à y ajouter montent à 4,792 livres, au lieu de 4,762 livres ; et que les intérêts à en déduire montent à 55,524 livres, au lieu de celle de 54,417 livres; ce qui fait une différence de 1,077 livres. Desquelles observations il sera rendu compte, tant à l'Assemblée nationale qu'au roi, pour être décrété et prononcé ce qu'il appartiendra. Fait à l'hôtel du Trésor public, le 4 février 1791.
Signé : CâMUS, charles de croix, Laborde-Méréville, Prisye, Osmont.
Vu : Dufresne.
Loterie établie par arrêt du conseil, du
Procès-verbal de brûlement des billets de remboursement, et primes faisant partie de ceux résultant de la loterie établie par arrêt du conseil,, du 9 octobre 1780, et admis dans Vemprunt national de 80 millions, décrété le 27 août 1789 et sanctionné par le roi le 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le
décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28
dudit mois par laquelle il est dit, entre autres choses :* article 1er
qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions,
et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette des caisses,
était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de
tous les pays qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des
quittances de finances au porteur avec promesse de les convertir en
contrats à la volonté des prêteurs; article 3, que l'on payerait au
Trésor royal, en argent comptant, la moitié des capitaux pour lesquels
on voudrait s'intéresser dans l'emprunt et que l'on fournirait pour
l'autre moitié les effets royaux au porteur, de toute nature, et les
contrats échus en remboursement ; et que les capitaux seraient reçus en
compte à
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur ûuruey, que MM. Camus, Laborde-Méréville et Charles de Croix, commissaires de l'Assemblée nationale, pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence devant lesdits sieurs commissaires 65 liasses contenant 10,155 billets et primes faisant partie de ceux résultant de la loterie établie par arrêt du conseil du 29 octobre 1780, lesquels monteut ensemble à la somme de 2,141,600 livres, savoir :
9,319 billets et primes dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789, et qui montent à la somme de................... 1,970,100 liv.
778 autres dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'octobre 1789, montant à.............................. 159,900
Et enfin, 58 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance de juillet 1790 et qui montent à.......... 11,600
Total.............. 2,141,600 liv.
A ce capital, nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs de ceux desdits billets et primes échus en remboursement dans les années 1782, 1783, 1784, 1785, 1786, 1787, 1788 et 1789, lesquels intérêts montent à la somme de................... 41,099
Ces deux sommes forment ensemble celle de................. 2,182,699 liv.
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de ceux desdits billets et primes qui n'étaient payables qu'à la fin de l'année
A reporter..... 2,182,699 liv.
Report..........2,182,699 liv.
1790, et ce conformément à la liste des tirages de remboursement. Ces intérêts montent à.... 10,408,
Au moyen de celte déduction, la valeur desdits billets et primes, reçus dans l'emprunt de 80 millions, est définitivement fixée à la somme de..................... 2,172,291 liv.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé au bordereau que le sieur Duruey a fait dresser desdits billets, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, et coté, paraphé et signé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus, Laborde-Méréville et Charles de Croix, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. de Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la. Chambre des comptés de Paris, commissaires nommés par le roi par sa proclamation du 1er janvier 1791, en confor-mitéde l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789 sur le décret de l'Assemblée nationale du 27 du même mois, pris communication desdits bordereaux et desdits billets et primes représentés et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus. Nous avons ensuite fait jeter lesdits billets et primes dans le feu, le tout y a été entièrement incendié, et nous avons dressé le présent procès-verbal qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir : en recette de l'admission dans l'emprunt national, delà somme de 2,172,291 livres et, en dépense de pareille somme de 2,172,291 livres, payée, soit en capitaux, soit en intérêts à la décharge de la nation.
Observent MM. les commissaires que le total qui monte à 2,172,291 livres ne doit monter qu'à 2,171,980:1° à cause d'une prime numérotée 23,562, portée pour 500 livres et qui n'est sortie que pour 200 livres, et 2° à cause de 8 livres de différence dans les intérêts à ajouter, portés pour 8 livres de trop; ce qui en fait une sur le total de 308 livres, de laquelle observation ils rendront compte à l'Assemblée nationale et au roi pour être décrété ce qu'il appartiendra. Fait à l'hôtel du Trésor pub lie,le 14 févrierl791. Signé : Camus, Charles de Croix, Labordr-Méréville, Osmont, Prisye.
Vu : Dufresne.
Emprunt créé par édit de décembre 1782.
Procès-verbal de brûlement des quittances de finances au porteur, faisant partie de celles expédiées dans l'emprunt créé par édit de décembre 1782, et admises dans l'emprunt national de 80 millions, décrété le 27 août 1789 et sanctionné par le roi le 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'État, directeur général du Trésor public, le
décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28
du- er,qu'il serait ouvert au Trésor
royal un emprunt national de 80 millions, et que le sieur ûuruey,
administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à
recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays, qui
voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de
finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats à la
volonté des prêteurs; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en
argent comptant, la moitié desdits capitaux, pour lesquels on voudrait
s'intéresser dans l'emprunt, et que l'on fournirait, pour l'autre
moitié, les effets royaux, au porteur, de toute nature, et les contrats
échus en remboursement, et que les capitaux seraient reçus en compte à
raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient
attachées; article 5,que les reconnaissances fournies par le Trésor
public à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 millions,
décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions
comme argent comptant; article 8, que les intérêts qui pourraient être
dus sur les effets qu'on donnerait en payement seraient alloués comme
comptant jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir
et que, à l'égard des effets dont l'intérêt aurait été payé d'avance,
les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts, depuis le
jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit,
jusqu'à l'échéance desdits effets; enfin article 9, que les effets et
contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt seraient
constatés par un procès-verbal, qui serait dressé par 2 commissaires de
la Chambre des comptes que Sa Majesté nommerait, et que les effets au
porteur seraient par eux incendiés,et le procès-verbal qu'ils en
dresseraient serait rapporté par ledit sieur Duruey, avec les contrats
éteints dans la forme ordinaire, pour justifier des recettes et des
dépenses dudit emprunt.
Et voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur reçus, pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey, que MM. Camus, Laborde-Mé-réville et Charles de Croix, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont, commis-aires nommés parle roi, y procéderaient aujourd'hui; ledit sieur Duruey est comparu, et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, 472 quittances de finances, faisant partie de celles expédiées au porteur dans l'emprunt créé par édit de décembre 1782, lesquelles montent à la somme de 1,672,737 livres, savoir :
448 quittances de finances, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789, et qui montent à........................ 1,601,062 liv.
16 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'octobre 1789, et qui montent à la somme de........... 47,675
2 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'avril 1790, et qui montent à la somme de............... 11,000
6 autres enfin dont la valeur 472
A reporter..... 1,659,737 liv.
Report.... est entrée dans les borde--reaux de la jouissance de juillet 1790, et qui montent a la somme de...........
435
1,659,737 liv.
13,000 Total... 1,672,737 liv.
A ce capital, nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs de celles desdites quittances de finances échues en remboursement; et ce, à raison des époques où ces remboursements auraient dû être faits ; lesquels intérêts montent à dix mille trois cent soixante-quinze livres, ci......................
10,375
Ces deux sommes font ensemble celle d'un million six cent quatre-vingt-trois mille cent douze livres, ci................ 1,683,112 liv.
Sur cette dernière somme, nous avons fait déduire les intérêts retenus au porteur desdites quittances de finances, qui n'étaient payables qu'à la fin de 1790, et ce, conformément aux époques portées par la liste des tirages des remboursements. Ces intérêts montent à trente-cinq mille deux cent trente et une livres, ci......... 35 231
Au moyen de cette déduction, la valeur desdites quittances de finances, reçues dans l'emprunt de80 millions, est définitivement fixée à lasomme d'un million six cent quarante-sept millehuit cent quatre-vingt-une livres, ci..... 1,647,$81 liv.
Ainsi que le tout est plus amplement détaillé au bordereau que ledit sieur ûuruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, après avoir été coté paraphé et signé desdits sieurs commissaires '
Sur quoi, nous soussignés, Camus, Laborde-Meréville et Charles de Croix,
commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse
de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier,
sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec
les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au
Trésor public parla voie de l'emprunt national, ou de tous autres,
avons, de concertavec MM. Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la
Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi par sa
proclamation du premier janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la
déclaration du 28auût 1789, sur le décret de l'Assemblée nationale du 27
du même mois, pris communication dudit borlereau et desdites quittances
de finance représentées* et après vérification faite, nous avons reconnu
àue ledit bordereau était exact, etque. le tout était conforme à
l'énoncé ci-dessus ; nous avons ensuite fait jeter lesdites quittances
de finance dans le feu; elles y ont été totalement incendiées, et nous
en avons dressé le présent procès-verbal qui servira audit sieur ûuruey
pour justifier, savoir : en recette, de l'admission dans 1 emprunt
national, de la somme de 1,647,881 livres, et en
Observent lesdits sieurs commissaires que, dans la somme delO,375 livres d'intérêts à ajouter, se trouve comprise celle de 7,332 livres, montant des intérêts des effets constitués, dont l'état est annexé au présent procès-verbal, après avoir été desdits sieurs commissaires coté, signé et paraphé.
Observent en outreque, compensationfaited un coupon manquant, et de ceux qui se sont trouvés comprisdans les calculs, il résulte une différence au préjudice du Trésor public, de 198 1. 16 s. 9d.
Desquelles observations lesdits sieurs commissaires rendront compte à l'Assemblée nationale et au roi, pour être décrété ce qu'il appartiendra.
Fait à Paris, à l'hôtel du Trésor public, le
Signé : Camus, Laborde-Méréville, Charles de Croix, Prisye et Osmont.
Et ensuite est écrit :
Vu, signé : Dufresne.
Bordereau des billets de la loterie royale, établie par arrêt du
Procès-verbal de brûlement des billets de la loterie établie par arrêt du conseil, du 5 avril 1783, qui ont étéadmis dans l'emprunt de 80 millions, ouvert par le décret de T Assemblée nationale, du
27 août 1789, et de la déclaration du roi du
28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses : article 1er, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt de 80 millious, et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays, qui voudraient s'y intéresser et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats à la volonté des prêteurs; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt,et que l'on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur de toute nature et les contrats échus en remboursement, et aue 'les capitaux seraient reçus en compte, à raison du deuier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances, fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 millions décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions comme ar-eeut comptant; article 8, que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en payement seraient alloués comme comptant jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir et que, à l'égard des effets dont l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts, depuis le jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit, jusqu'à l'échéance desdits effets ; enfin, article 9, que les effets et contrats qui seraient louruis pour la moitié dudit emprunt seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de la Chambre des comptes, que Sa Majesté nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le procès-verbal qu'ils en dresseraient serait rapporté par ledit sieur Duruey, avec les contrats éteinis dans la forme ordinaire, pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et, voulant faire procéder à la vérification et brûlement des effets au porteur reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey, que MM. Camus, Laborde-Méréville et Charles de Croix, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui; ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, 4 liasses, contenant 1,399 billets de la loterieétabliepar arrêtdu conseil du 5 avril 1783, qui ont été reçus dans ledit emprunt, montant ensemble à la somme de 1,074,360 livres savoir : 1,197 billets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789, qui montent à la
somme de.................... 882,300 liv.
75 autres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'octobre de la même année, qui montent à la sommede. 50,800
108 autres dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'avril 1790, montant
à la somme de................ 129,120
Et enfin 19 dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance de juillet 1790, qui montent à................... 12,140
Total...... 1,074,360 liv.
A ce capital nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs de ceux des billets échus en remboursement; et ce, àraisondes époques où ces remboursements auraient dû être faits, lesquels intérêts montent à. 22,447 liv.
Ces deux sommes forment ensemble celle de............... 1,096,807 liv.
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de ceux desdits billets qui n'étaient payables qu'à la tin de l'année 1790; et ce, conformément aux époques portées par la liste des tirages des remboursements. Ces intérêts montent à.................... 10,272
Au moyen de cette déduction, la valeur des billets de la loterie établie par arrêt du conseil, du 5 avril 1783, reçus dans l'emprunt de 80 millions, est définitivement fixée à la somme de.... 1,086,535 liv.
Ainsi que le tout est plus amplement détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable et coté, paraphé et signé desdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus, Laborde-Méréville et Charles de Croix,
commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de
Observent néanmoins MM. les commissaires aue les intérêts à déduire, qui montent a livres ne doivent monter qu'à 9,432 livres; ce qui fait une différence en bénéfice pour leTresor public, de la somme de 840 livres de laquelle somme ils rendront compte à l'Assemblée nationale et au roi, pour être décrété ce qu'il appartiendra.
Fait a l'hôtel du Trésor public, à Paris, le 14 février 1791.
Siqné : Camos, Laborde-Méréville, Charles de Croix, Prisye, Osmont,
Et ensuite est écrit: Vu, signé: Dufresne.
Loterie établie par arrêt du conseil du
Procès-verbal de brûlement des billets faisant partie de ceux de la loterie établie par arrêt du conseil du 4 octobre 1783, admis dans l'emprunt de 80 millions ouvert par le décret de l Assemblée nationale du 27 août 1789, et de la déclaration du roi du 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller du roi, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelle il est dit,entre autres choses: article 1er, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions et que e sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays, oui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur avec promesse de les convertir en contrats à la volonté des prêteurs; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour lesquels on voudrait s'interesser dans l'emprunt et que l'on fournirait, pour 1 autre moitié, les effets royaux au porteur, de toute nature, et les contrats échus en remboursement, et aue les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans 1 emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions, comme argent comptant; article 8, que les intérêts qui pourraient être dis sur les effets qu'on donnerai en payement seraient alloués comme comptant jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprun commen-ierait à courir à leur profit, Jusqu'à déchéance desdits effets; enfin, article 9, que les effets et contrats qui seraient fournis parla momé dudit emprunt seraient constatés par un procès-ve. bal qui serait dressé par deux commissaires de la Chambre des comptes, que Sa Majeste nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés et le procès-verbal qu'ils en dresseraien serait rapporté par ledit sieur Duruey,avec les contrats éteints dans la forme ordinaire poiir justifier des recettes et dépenses fudit emprun .
Et voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fai[avertir-ledit sieur Duruey que MM. Camus, Laborde-Méréville et Charles de Croix, commissaires de Assemblée nationale pour a surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont commissaires nommés par le roi, y procéderaient
Tedit si^eur Duruey est comparu, et a remis ep notre présence, devant lesdits sieurscommissa^ res 3 922 billets et primes, faisant partie de ceux résultant de la loterie établie par arrêt du Couseï du 4 octobre 1783, lesquels ont été reçus dans ledit emnrunt, et montent ensemble à la somme de 2,299,500 livres, savoir : .
3,615 desdits billets et primes, dont la valeiur est entrée dans les bordereaux délivres avec a jouissance de juillet 1789, et qui m nt à la somme de..................... 2,116,441 liv.
276 autres billets et primes, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'octobre 1789, et qui montent à la somme de..........163,800
^ Et "enfin 31 autres billets et primes dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance de juillet 1790, lesquels montent à.....................19,280
Total..... 2,299,500 liv.
A ce capital, nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs de ceux desdits billets et primes échus en remboursement, et ce, à raison des époques où ces remboursements auraient dû être faits, lesquels intérêts montent à.............49,878
Ces deux sommes font ensem-ble celle de................... 2,349,378 liv.
Sur cette dernière|somme, nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de ceux desdits billets et primes qui n étaient payables qu'à la fin de 1 année 1790; et ce conformément aux époques portées par la liste des tirages des remboursements. Les intérêts montent à............. 2,056
Au moyen de cette déduction, la valeur des billets de la loterie établie par arrêt du conseil, du 4 octobre 1783, reçus dans 1 eni-prunt de 80 millions, est défini-vement fixée à la somme de.... 2,347,322 liv.
Ainsi que le tout est plus amplement détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir
Sïnîï lUî c-rlifié véritabte' coté, paraphé et signé desdits sieurs commissaires.
M'SAr-,?uoiV^us, soussignés, Camus, Laborde-Meréville et Charles de Croix, commissaires de 1 Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de 1 extraordinaire, chargés par le décret du24 décembre dernier, sanctionné parle roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentres au Trésor public par la voie de 1 emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. de Prisve et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Pans, commissaires nommas par le roi, par sa proclamation du ^'janvier 1791, en conformitéde 1 article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret dv lAssemblée nationale du27du même mois pris communication dudit bordereau et des billets et primes représentés; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact et que le tout était conforme à l'énoncé ci-dessus. Nous avons fait ensuite jeter lesdits billets et primes dans le feu; ils y ont été totale-mentincendiéset nous en avons dressé le présent proces-verbal qui servira audit sieur Duruey nour justifier, savoir : en recette, de l'admission, Sans 1 emprunt national, de la somme de2 347 322 livres ; et en dépense, de pareille somme 'pavée soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Observent néanmoins, MM. les commissaires, que les intérêts a ajouter ne sont oue dp la somme de 48,519 livres, au lieu de 49,878 livres ce qui fait une différence de 1,359 livres provenant de six mois d'intérêt accordés sur des billets remboursables au 1« octobre 1789, et annuels on accordait la jouissance du même jour 1" octobre 1789. Observent, en outre, que les intérêts à déduire montent a la somme de 16,035 1. 10 s.,
Si i^Q^'m6 llvres; ce fait une différence de 113,9591.10 s., provenant: 1° d'une non-déduc-tion de trois mois d'intérêts sur des billets remboursables au 1- octobre 1789, et auxquels on a «Soi J°ul83a.nce de juillet 1789, montant à 12,259 I. 10 s. ; et 2- d'une non-déduction de six mois d intérêts sur des billets remboursables au 1-octobre 1790, montant à 1,720 livres. Desquels observations ils rendront compte à l'As-semblee nationale et au roi pour être décrété et prononcé ce qu'il appartiendra.
14Fâvritrl79iel dU TréSOr pul)lic' à Pari8> le
Signé: Camus, Charles de Croix, Osmont Laborde-Méréville, Prisye. '
Vu : Dufresne,
Edit de décembre 1784.
(emprunt de 125 millions.)
Procès-verbal de brûlement des effets faisant partie de ceux de Vemprunt de 125 millions, ouvert par édit de décembre 1784 et admis dans Vemprunt de 80 millions, créé par décret de l'Assemblée nationale, du 27 août 1789 et par la aectaration du roi du 28 dudit mois.
Vu par nous,conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789 sanctionne par le roi, et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses : article 1er, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays, qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats à la volonté des prêteurs; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié des capitaux pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt et que l'on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur, de toute nature, et les contrats échus en remboursement ; et que les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient attachées ; article 5, que les reconnaissances fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions comme argent comptant; article 8, que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en payement, seraient alloués cçmme comptant, jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir et qu'à l'égard îdes effets dont l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de restituer les intérêts depuis le iour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit, jusqu'à l'échéance desdits effets; enfin,article9, que les effets et contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt, seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de la Chambre des comptes, que Sa Majesté nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le procès-verbal qu'ils en dresseraient serait rapporté par ledit sieur Duruey, avec les contrats éteints dans la forme ordinaire, pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir le sieur Duruey, que MM. Rewbell et Camus, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, 1264 effets au porteur, faisant partie de ceux de 1 emprunt de 125 millions, créé par édit dedécem-bre 1784, qui ont été reçu dans ledit emprunt national et lesquels montent ensemble à la somme de 1,514,050 livres, savoir :
1,227 desdits effets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789, qui montent à la somme de un million quatre cent soixante-neuf mille six cents
cinquante livres, ci............ 1,469,650 liv.
Et 37 des mêmes effets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux de la jouissance d'otobre 1789, lesquel8montentàlasomme de quarante-quatre mille quatre cents livres, ci................ 44,400
Total... 1,514,050 liv. A ce capital nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus
A reporter..... 1,514,050 liv.
Report...,. 1,514,050 liv. aux porteurs de ceux desdits effets échus en remboursements, et ce, à raison des époques où ces remboursements auraient dû être faits, lesquels montent à —... 41,003
Ces deux sommes font ensemble celle de.................:. 1,555,053 liv.
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de ceux desdits effets qui n'étaient payables qu'à la tin de l'année 1790, et ce, conformément aux époques portées par la liste des tirages des remboursements. Ces intérêts montant à.................... 35,450 liv.
Au moyen de cette déduction, la valeur des effets de l'emprunt de 125 millions se trouve défini-tivement fixée à la sommede.. 1,519,603 liv.
Ainsi que le tout est plus amplement détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-an nexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté et paraphé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés Rewbell et Camus, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance delà caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. de Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés-par le roi, par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret de l'Assemblée nationale du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et des effets représentés ; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact, et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus : nous avons ensuite fait jeter les effets dans le feu; ils y ont été totalement incendiés, et nous en avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir : en recette, de l'admission dans l'emprunt national, de la somme de 1,613 livres ; et en dépense, de pareille somme payée, soit en capitaux, soit en intérêts à la décharge de la nation.
Il est à observer que, dans les 41,003 livres d intérêts ajoutés aux capitaux, est comprise la somme de 150 livres, pour 6 mois d intérêts d'une partie constituée et remboursée, par nous, vérifiée, sur le contrat échu en remboursement, mentionné en l'état particulier qui en a été dressé, et qui y est annexé, après avoir été de nous coté, signé et paraphé.
Fait en l'hôtel du Trésor public, à Paris, le 23 février 1791.
Signé : Prisye, Rewbell, Camus, Osmont.
Vu; Dufresne.
Emprunt créé par édit de décembre 1785.
Procès-verbal de brûlement des quittances de finances au porteur, faisant partie de celles expédiées dans Vemprunt créé par édit de décembre 1785, et admises dans Vemprunt national ouvert par décret du 27 août 1789, et déclaration du roi, du 28 du même mois.
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28 du même mois, par laquelle il est dit entre autres choses : article premier, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions, et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes, de tout état et de tout pays, qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats a la volonté des prêteurs; article 3, que 1 on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour lesquels on voudrait s intéresser dans l'emprunt, et que 1 on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur, de toute nature, et les contrats échus en remboursement, et que les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues, qui y étaient attachés; article 5, que les reconnaissances fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions, comme argent comptant; article 8, que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu on donnerait eu payement, seraient alloués comme comptant, jusqu'au jour où l'intérêt dudit em-Drunt commencerait à courir ; et qu à 1 égard des effets dont l'intérêt aurait été payé d avance, les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts, depuis le jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit, jusqu à l e-chéance desdits effets ; enfin article 9, que les effets et contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt, seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de la chambre des comptes, que Sa Ma;esté nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le procès-verbal ou ils en dresseraient serait rapporté par ledit sieur Duruey, avec les contrats éteints dans la forme ordinaire, pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey que MM. Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont, commissaires nommés par' le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires 969 quittances de finances au porteur, faisant partie de celles expédiées dans 1 emprunt créé par édit de décembre 1785. Le*que les quittances de finances ont été reçues dans 1 emprunt national et montent ensemble a la somme de 1 178,000 livres, savoir :
936 desdites quittance de finances dont la valeur
jouissance de juillet 1789, lesquelles-montent à................... 1,145,000 liv.
Et 33 des mêmes quittances de finances, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance d'octobre 1789 ; lesquelles montent à.............. 33,000
Total........... 1,178,000 liv.
A ce capital nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dusaux porteurs de celles desditesquitlan-ces de finances échues enrembour-boursements; et ce à raison des époques où ces remboursements auraient dû être faits ; lesquels intérêts montent à..............7,712
Ces deux sommes font ensemble-celle de........................ 1,185,712 liv.
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de celles desdites quittances'de finances qui n'étaient remboursables qu'à la fin de l'année 1790, et ce, conformément aux époques portées par la liste des tirages de remboursement. Ces intérêts montent à.... 22,400
Au moyen de cette déduction, la valeur des quittances de finances au porteur, expédiées dans l'emprunt de décembre 1785 etadmises dans l'emprunt national, se trouve définitivement fixée à la somme de.. 1,163,312 liv.
Ainsi que le tout est plus au long énoncé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté, paraphé et signé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caissede l'extraordinaire,chargés par le décret du 24 décembre 1790, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM.de Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi, par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret de l'Assemblée nationale du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et des quittances de finances représentées ; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus. Nous avons ensuite fait jeter lesdites quittances dans le feu; elles y ont été totalement incendiées et nous en avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir : en recette, de l'admission, dans l'emprunt national, de ladite somme de 1,163,312 livres ; et en dépense, de pareille somme payée soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Il est néanmoins à observer qu'il y a lieu d'augmenter le montant de ce bordereau d'une somme de 200 livres provenant, savoir : 50 livres dont les intérêts à ajouter se trouvent plus forts que la somme portée sur le bordereau, ou elle est fixée seulement pour 7,712 livres, ou bien que les intérêts moutent à la somme effective de 7,762 livres; et à l'égard des autres 150 livres d'erreur, elle provient de trois coupons d'intérêts de 50 livres chacun, que nous avons trouvés et qui ont été omis dans le compte des intérêts déduits.
Il est également à observer que, dans les 7,762 livres d'intérêts à ajouter, est comprise la somme de 900 livres, montant des intérêts des effets constitués, fet que nous avons liquidée sur les contrats remboursés, mentionnés dans l'état d'iceux, montant à 140,000 livres, et que nous avons fait annexer au présent procès-verbal, après avoir été de nous coté, signé et paraphé. Desquelles observations il sera rendu compte à l'Assemblée nationale et au roi pour être décrété ce qu'il appartiendra. Fait à l'hôtel du Trésor public, à Paris, le 23 février 1791.
Signé : Osmont, Prisye, Rewbell, Camus .
Vu : Dufresne.
édit de décembre 1785.
(lots échus.)
Procès-verbal de brûlement des billets, dits bulletins,, faisant partie de ceux relatifs aux quittances de finances expédiées dans l'emprunt de 80 millions, créé par édit de décembre 1785, auxquels bulletins il est échu des lots par les différents tirages énoncés au bordereau desdits bulletins, et lesquels ont été admis dans Vemprunt national de 80 millions, arrêté par décret du 27 août 1789, et déclaration du roi, du 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'État, directeur général du Trésor public, le
décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28
dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses : article 1er,
qu'il sera ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions et
que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses,
était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de
tous les pays, qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des
quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en
contrats à la volonté des prêteurs ; article 3, que l'on payerait au
Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour
lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt, et que l'on
fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur de toute
nature, et les contrats échus en remboursement; et que les capitaux
seraient reçus en compte, à raison du denier 20 dés intérêts, exempts
des retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances
fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans
l'emprunt de 30 millions décrété le 9 août 1789, seraient reçus dans
l'emprunt de 80 millions, comme argent comptant ; article 8, que les
intérêts qui pourraient être dûs sur les effets qu'on donnerait en
payement seraient alloués comme comptant jusqu'au jour où l'intérêt
dudit emprunt commencerait à courir et que, à l'égard des effets dont
l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de
restituer le3 intérêts de-
Et, voulant.faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey que MM. Camus et Rewbell, commissaires à l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. de Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaire?, 393 bulletins portant lots, faisant partie de ceux relatifs aux quittances de finance, expédiées dans l'emprunt ouvert paréditde décembre 1785, lesquels bulletins ont été admis dans l'emprunt nationale et montent à la somme de 313,800 livres, savoir :
327 desdits bulletins, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789 , lesquels montent à la somme de deux cent soixante-dix mille livres, ci.............................. 270,000 liv.
Et 66 desdits bulletins, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance d'octobre 1789, lesquels montent à la somme de quarante-trois mille huit cents livres, ci.............. 43,800
Total:.... 313,800 liv.
A ce capital,nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs de ceux des bulletins sortis par différents tirages, et ceux à raison des époques où ils auraient dû être payés ; lesquels intérêts montent à...................... 6,520
Ces deux sommus font ensemble celle de........................ 320,320
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de ceux desdits bulletins dont les lots n'étaient payables qu'à la fin de l'année 1790, et ce, conformément aux époques portées par les listes des tirages desdits bulletins. Ces intérêts montent à.......................... 682
Au moyen de cette déduction la valeur desdits bulletins, relatifs aux quittances de l'édit de décembre 1785 et qui ont été reçus dans l'emprunt national, est définitivement fixée à la somme de trois cent dix-neuf mille six cent trente -huit livres, ci................... 319,638 liv.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé dans le bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté, paraphé et signé desdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi, le 5 janvier 1791, de procéder,de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. Prisyeet Osmont,conseillers-maîtres de la Chambre des comptes, commissaires nommés par le roi, par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789,sur le décret de l'Assemblée nationale, du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et des billets représentés ; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact, et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus : nous en avons ensuite fait jeter lesdits bulletins dans le feu; ils y ont été totalement incendiés; et nous avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier savoir : en recette, de l'admission dans l'emprunt national, de ladite somme de 319,638 livres ; et en dépense, de pareille somme payée, soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Il est à observer que nous avons trouvé une erreur sur les intérêts compris au bordereau ci-joint, de 1,447 1. 10 s., au préjudice du Trésor public, savoir: 1,260 livres sur les intérêts ajoutés, qui ne sont que de 5,260 livres,au lieu de 6,520 livres portées sur ledit bordereau, à cause d'un an d'intérêts de trop, dont il a été tenu compte à des porteurs de lots montant à 25,200 livres, qui ne sont sortis qu'au tirage de 1789 et dont les intérêts leur ont été bonifiés comme à des lots sortis au tirage de 1788 ;et les 187 1.10 s.restants proviennent d'intérêts déduits pour 187 1.10 s. seulement, à raison de 3 mois à des porteurs de bulletins sortis au tirage de mars 1790, et qui ont obtenu la jouissance d'octobre 1789, tandis qu'ils devaient supporter une déduction de 6 mois d'intérêts; desquelles observations il sera rendu compte, tant à l'Assemblée nationale qu'au roi, pour être décrété et prononcé ce qu'il appartiendra.
Fait à l'hôtel du Trésor public à Paris, le 14 février 1791.
Signé : Camus, Rewbell, Osmont, de Prisye
Vu : Dufresne.
Loterie des Hôpitaux.
Procès-verbal de brûlement des billets et portions de billets, faisant partie de ceux de la loterie de la Ville, établie en faveur des hôpitaux, par arrêt du conseil du 13 octobre 1787 ; lesquels billets et portions de billets ont été admis dans Vemprunt de 80 millions, ouvert par le décret de VAssemblée nationale du 27 août 1789 et la déclaration du 28 dudit mois.
Vu par nous conseiller d'Elat, directeur général du Trésor public, le
décret de l'Assemblée nationale du 17 août 1789, sanctionné par le roi,
et la déclaration du 18 dudit mois, par laquelle il est dit entre autres
choses : article 1er, qu'il serait ouvert au
Trésor royal un emprunt national de 80 millions, et que le sieur Duruey,
administrateur chargé de ia recette et des caisses, était autorisé à
recevoir les fonds des personnes de
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey, que MM. Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruev est comparu et a remis devant nous 4 liasses composant 3,329 billets de la loterie établie en faveur des hôpitaux, par arrêt du conseil du 13 octobre 1789, lesquels montent à 2,034,825 livres, et ont été reçus dans l'emprunt national. Savoir :
3,195 desdits billets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux expédiés avec la jouissance de juillet 1789, lesquels montent à. 1,982,300 liv.
108 desdits billets dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance d'octobre 1789, lesquels montent à.......41,150
20 desdits billets dont la valeur est entrée dan s les bordereaux délivrés avec lajouissance d'avril 1790, lesquels montent à............. 8,575
Et enfin 6 desdits billets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance dejuiliet 1790, lesquels montent à.............................2,800
Total........ 2,034,825 liv.
Sur laquelle somme nous avons fait déduire le dixième auquel les lots étaientassujettis,en exécution
A reporter..... 2,034,825 liv.
Report.....2,034,825 liv.
dudit arrêt du conseil, du 13 octobre 1787; lequel dixième est de..203,482
Au moyen dè cette réduction le montant desdits billets se trouve réduit à.......................1,831,343 liv.
A laquelle dernière somme nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus aux porteurs desdits billets sortis par le tirage fait en août et septembre 1788; et ce, conformément aux époques auxquelles lesdits billets étaient payables; lesquels intérêts montent à......54,300
Ces 2 sommes font ensemble, celle de l,885,6'i3 livres à laquelle demeure définitivement fixée celle du montant des billets de la loterie du 13 octobre 1787, établie en faveur des hôpitaux, qui ont été réunis dans l'emprunt national de 80 millions, ci................. 1,885,643 liv.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, et coté, paraphé et signé desdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Rewbell et Camus, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi, par sa proclamation du 1" janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret de l'Assemblée nationale, du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau, et des billets et portions de billets représentés, et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact, et que le tout était conforme à l'énoncé ci-dessus : nous avons ensuité fait jeter lesdits billets et portion de billets dans le feu ; ils y ont été totalement incendiés; et nous en avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir : en recette, de l'admission dans l'emprunt national, de la somme de 1,885,643 livres : et en dépense, de pareille somme payée, soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Mais il est à observer que, sur le bordereau ci-annexé, et les lots
attribués aux numéros suivants, et employés pour un quart seulement des
billets, il y a erreur, savoir . sur le n° 25.370, employé sur l'état ou
bordereau pour 125 livres, au lieu de 500 livres a lui attribuées par la
liste; numéro 25,575, idem; ce qui fait pour les deux objets 750 livres
: sur le numéro 25,713, employé sur le bordereau pour 3,750 livres, au
lieu de 7,500 livres a lui attribuées sur la liste; ce qui fait 3,750
livres de différe nce : et sur le numéro 27,987, au lieu de 2,750 livres
employé sur le bordereau, 15,000 livres a lui attribuées par la liste;
ce qui fait 11,250 livres de différence, et au total pour les quatre
objets, 15,750 livres ; sur
Fait à l'hôtel du Trésor public à Paris, le 14 février 1791.
Signé : Rewbell, Camus, Pïusye, Osmont.
Vu : Dufresne.
Rentes sur le domaine de la ville.
Etat des remboursements des rentes constituées par le domaine de la
ville, sur le pied de 4 0/0, faisant partie de celles créées par iédit
de septembre 1786, et dont le montant a été admis dans Vemprunt national
de 80 millions, arrêté par décret du
Au sieur Descotes, médecin à Argenton, la somme de 2,000 livres, pour le remboursement de 80 livres de rente constituée à son profit par contratdu 13 septembre 1787, devant M®Fourcault de Pavant, notaire à Paris, ci..... 2,000
Au a\euTEtienne Lucas, bourgeois de Paris, la somme de 7,000 livres, pour le remboursement de 280 livres de rente perpétuelle, constituée à son profit par contrat devant M® Lefebvre, notaire à Paris, le 20 septembre 1787, et sortie en remboursement par le tirage du 29 décembre 1788, sous le n° 1,345,
ci.............................. 7,000
Au sieur Jean-Baptiste Pasquier, avocat en Parlement, la somme de 6,000 livres, pour le remboursement de 240 livres de rente constituée à son profit par contrat, devant M° Maigret, notaire à Paris, le 20 sep embre 1787, sortie idem sous
le n° 1,359, ci................... 6,000
Au sieur Balthazar Elias Abbema, banquier à Paris, comme fondé de procuration de M. Jean de Witt, ancien commissaire de la ville d'Amsterdam, la somme de 8,000 livres, pour le remboursement de 320 livres de rente constituée au profit de ce dernier, par contrat devant Me Mony, notaire à Paris, le 18 oc-
Report..... 15,000 liv.
Report..... 15,000 liv.
tobre 1787, sortie idem sous le numéro 1,939, ci................... 8,000
Au sieur Guillaume Mallet, banquier à Paris, comme fondé de procuration
du sieur François Calan-drini, ancien lieutenant du droit et sommaire
justice de Genève, la somme de 13,000 livres pour le remboursement de
520 livres de rente, constituée au profit de ce dernier, par deux
contrats devant Me Mon-not, notaire à Paris,
un même jour 18 octobre 1787, ci.............. 13,000
Au même, comme fondé de procuration des sieurs Bonaventure Lafon, Isaac
ûiodati, et Pierre Tor-ras, banquier à Genève, la somme de 17,000 livres
pour le remboursement de 680 livres de rente constituée au profit des
sus-nommés par 5 contrats, dont 1 passé devant M® Mony, notaire, le 13
novembre 1787, et les 4 autres devant Me
Moreau, le 27 du même mois, ci..... 17,000
Au sieur Charles-Marc-Maurice Charpentier, bourgeois de Paris, étant aux
droits du sieur Gharles-Jean-Marc Lullin dePeissy, citoyen de Genève, la
somme de 4,000 livres, pour le remboursement de 160 livres de rente
constituée au profit de ce dernier, par contrat devant Me Moreau, notaire, le 27 novembre 1787,
ci................. 4,000
Au sieur Mallet, la somme de 12,000 livres, pour remboursement de 480
livres de rente constituée à son profit, par 4 contrats devant ledit
Me Moreau, un même jour, 30 novembre
1787, ci............ 12,000
Au même, comme fondé de procuration de Guillaume-FrançoisCa-landrini, citoyen de Genève, la somme de 1,000 livres pour remboursement de 40 livres de rente constituée au profit de ce dernier, par contrat devant M® Gittard, notaire, ledit jour 30 novembre 1787, ci.............................. 1,000
A M. Frédéric Melchior, baron de Grimin et du Saint-Empire romain, la somme de 3,000 livres, pour remboursement de 120 livres de rente constituée à son profit, par contrat devant M® Boulard, notaire, le 25 octobre 1787, ci...... 3,000
A M. Frécot de Lanty, chevalier, doyen du grand conseil, la somme de 6,000 livres, pour remboursement de 240 livres de rente, constituée à son profit par contrat devant M® Duclos Dufresnoy, notaire, le 11 novembre 1787, ci.......... 6,000
A M. Jean Girardot de Marigny, négociant à Paris, la somme de 15,000 livres, pour remboursement de 600 livres de rente, con-tituée à son profit par 3 contrats devant M® Mony, un même jour 21 novembre 1787, ci.................... 15,000
Au même, la somme de 10,000 liv.
A reporter..... 94,000 liv.
Report..... 94,000 liv.
vres, pour remboursement de 400 livres de rente, constituée idem, par 2 cou Irais devant idem; l'un, ledit jour 21 novembre 1787; et le second le 8 avril 1788, ci........... 10,000
Au sieur Jean-François Lambert, chevalier-baronnet de la Grande-Bretagne,
la somme de 10,000 livres pour remboursement de 400 livres de
rente,constituée à son profit par contrat devant Me ûehérain, notaire, du 23 novembre 1787, ci.. 10,000
Au sieur Jean Girardot de Mari-gny, négociant à Paris, la somme de 5,000
livres, pour remboursement de 200 livres de rentn, constituée à son
profil par contrat devant Me Mony, notaire,
le 27 dudit mois de novembre, ci............ 5,000
Au sieur Jean-François-Paul Grand, banquier à Paris, fondé de procuration de M. Jacob Martin, ci-toven de Genève, la somme de 3,000 livres, pour remboursement de 120 livres de rente constituée au profit de ce dernier par contrat devant Me Moreau, notaire, le 30 dudit mois de novembre, ci...... 3,000
Au même, comme fondé de procuration du sieur Johan Canisius, la somme de 3,000 livres, pour remboursement de 120 livres de rente, constituée au profit de ce dernier, devant M® Brelut de La Grange, ledit jour 30 novembre, ci............ 3,000
Au même, idem de demoiselle Maria Gornelia Kappeyne, épouse de Rasmus de Frescarode, la somme de 2,000 livres, pour remboursement de 80 livres de rente constituée au profit de ladite dame, par contrat devant le notaire susdit, le même jour, ci................... 2,000
A M. Guillaume Sabathier, secrétaire du roi, la somme de 8,000 livres, pour remboursement de 320 livres de rente, constituée à son profit, par 8 contrats devant M® Duclos Dufresnoy, notaire, le même jour 20 décem bre 1787, Ci............. 8,000
A M. Octave Giambone, secrétaire du roi, comme fondé de procuration de
messire François Sabatini, lieutenant général des armées du roi, la
somme de 8,000 livres, pour remboursement de 320 livres de rente,
constituée au profit de ce dernier par contrat devant Me ûos-faut, notaire, le 20 septembre 1787,
ci.............................. 8,000
Total........... 143,000 liv.
Intérêts à ajouter........ 1,475
144,475 liv.
Intérêts à déduire....... 250
Reste............... 144,225 liv.
Certifié véritable par moi, administrateur du Trésor public, conformément
aux pièces étant dans mes mains. A Paris, le
Signé : DURUEY.
Le présent état a été vérifié et certifié véritable, quant à la liquidation des intérêts à ajouter et à déduire seulement par nous, commissaires de l'Assemblée nationale et commissaires du roi, soussignés.
Fait en l'hôtel du Trésor public à Paris, le 23 février 1791.
Signé : Prisye, Camus, Rewbell, Osmont.
Vu : dufresne.
Édit de novembre 1787.
Procès-verbal de brûlement des reconnaissances portant intérêt à 4 et 5 0/0 faisant partie de celles délivrées en vertu de Varrêt du conseil du 3 août 1788, en échange des bordereaux expédiés dans Vemprunt créé par édit de novembre 1787, non constitués à Vépoque dudit arrêt et auxquels il était échu des rentes à 4 ou 5 0/0 par le tirage fait le 30 juin 1788, lesdites reconnaissances admises dans Vemprunt de 80 millions arrêté par décret du 27 août 1789 et déclaration du roi du 28 dudit mois.
Vu par pous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses : article 1er, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions et que le sieur ûuruey, administrateur chargé de la recette et des caisses était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays,
3ui voudraient s'y intéresser et leur en délivrerait es quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrat à la volonté des prêteurs ; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux, pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt ; et que l'on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur, de toute nature, et les contrats échus en remboursements, et que les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues, dans l'emprunt de 80 millions, comme argent comptant; article 8, que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en payement seraient alloués comme comptants, jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir, et que, à l'égard des effets dont l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts depuis le jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit jusqu'à l'échéance desdits effets. En fin, article 9, que les effets et contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de la Chambre des comptes, que Sa Majesté nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le pro-cès-verbal qu'ils en dresseraient serait rapporté par ledit sieur ûuruey, avec les contrats éteints dans la forme ordinaire pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au
porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir
ledit sieur ûuruey que MM. Camus et Rewbell, com-
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis, en notre présence, de vaut lesdits sieurs commissaires, 2634 reconnaissances portant intérêt à 4 et 5 0/0 faisant partie de celles délivrées en vertu de l'arrêt du conseil du 3 août 1798, en échange des bordereaux expédiés dans l'emprunt créé par édit de novembre 1787, non constitués à l'époque dudit arrêt, et auxquels il était échu des rentes à 4 et 5 0/0 par le tirage fait te 30 juin 1788; lesdites reconnaissances admises dans l'emprunt national arrêté par décret du 27 août 1789 et déclaration du 23 du même mois, et montant ensemble à la somme de 2,632,000 livres, savoir :
202 desdites reconnaissances, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1789, pour la somme de 200,000 livres seulement, attendu que 192 de ces reconnaissances ont été admises à raison de 1,000 livres chacune, et que les 10 autres n'ont été reçues que sur le pied de 800 livres chacune, ces dernières représentant les bordereaux sortis à 4 0/0 ci..................... 200,000 liv.
2,064 desdites reconnaissances dont 1a valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de janvier 1790, lesquelles à raison de 1,000 livres chacune, montent à........... 2,064,000
348 desdites reconnaissances dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec 1a jouissance d'avril 1790, lesquelles à raison idem, montent à....... 348,000
Et enfin 20 desdites reconnaissances dont la valeur est entrée dans les bordereaux avec la jouissance de juillet 1790, lesquelles, à raison idem, montent à....... 20,000
Total...... 2,632,000 liv.
A ce capital nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus au porteur de celles desdites reconnaissances, à raison de la jouissance qui leur a été accordée dans l'emprunt national. Ces intérêts montent à............... 67,150
Ces 2 sommes font ensemble celle de2,699,150 livres, à laquelle demeure fixé le montaut desdites reconnaissances reçues dans l'emprunt de 80 millions, ci........ 2,699,150 liv.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey en a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté, signé et paraphé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous, soussignés, Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée
nationale, pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire,
chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5
janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par
le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de
l'emprunt national ou autrement, avons, de concert avec MM. de Prisye et
Osmont, conseillers-maîtres de la chambre des comptes de Paris,
commissaires nommés parle roi par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article
9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret de l'Assemblée
nationale du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et
desdites reconnaissances représentées; et, après vérification faite,
nous avons reconnu que ledit bordereau était exact et que tout était
conforme à l'énoncé ci-dessus; nous avons ensuite fait jeter lesdites
reconnaissances dans le feu ; elles y ont été entièrement incendiées, et
nous en avons dressé le présent procès-verbal qui servira audit sieur
Duruey pour justifier, savoir: en recette, de l'admission, il ans
l'emprunt national, de la somme de 2,699,150 livres; et en dépense, de
pareille somme payée, soit eu capitaux, soit en intérêts à la décharge
de la nation.
Il estneanmoins a observer que les interets de- duits sur les caoitaux de ceite nature d'effets, r gus dans l'emprunt Dational, raontent a 564 li- vres, au lieu de 363 livres portees sur le preseut etat; ce qui fait une difference de 108 livres, provenant de deux effets au po teur, sur lesquels ll n'a ete retenu que 6 mois d'interSt au lieu de y mois : de laquelle observation ll sera rendu compte, tant a l'Assemblee nationale qu'au roi, pour etre d^crete et prononce ce qu'ii appar- tiendra.
Fait à l'hôtel du Trésor public, le
« Signé : Camus, Rewbell, Osmont, Prisye.
Vu : dufresne.
Effets convertis en éxecution de la proclamation du 11 novembre 1789.
Procès-verbal de brûlement des effets au porteur, délivrés en exécution de la proclamation du 11 novembre 1789, et admis dans l'emprunt de 80 millions, ouvertpar décret de l'Assemblée nationale, du 27 août 1789, et déclaration du rot du 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'État, directeur général du Trésor public, le
décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28
dudit mois par laquelle il est dit entre autres choses : article 1",
qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions,
et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des
caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état
et de tous les pays, qui voudraient s'y iutéresser, et leur en
délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les
convertir en contrats à la volonté des prêteurs ; article 3, que l'on
payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux
pour lesquels on voudrait s'intéresser dansj'emprunt, et que l'on
fournirait pour l'autre moitié les effets royaux au porteur, de toute
nature, et les contrats échus en remboursement; et que les capitaux
seraient reçus en compte à raison du denier 20 des intérêts, exempts des
retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances
fournies par le Trésor royal a ceux qui s'étaient intéressés dans
l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraieut reçues dans
l'emprunt de 80 millions comme argent comptant; article 8, que les
intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en
payement, seraient alloués comme
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avenir ledit sieur Duruey, que MM. Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu, et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, 19 reconnaissances, signées Savalette et Lange, délivrées en exécution de la proclamation du 11 novembre 1789, en échange et pour valeur de divers effets dont le remboursement avait été suspendu ; lesquelles 19 reconnaissances montent ensemble à la somme de 21,495 livres. Savoir :
3 desdites reconnaissances, dont la valeur est èntrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1-789, lesquelles montent à la
somme de......................... 1,075 1.
11 desdites reconnaissances, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance d'octobre 1789, lesquelles montent à Ja
somme de......................... 14,540
Une autre montant à 2,000 livres, dont la valeur est entrée dans des bordereaux délivrés avec la jouissance de
janvier 1790, ci.................... 2,000
Enfin, 4 desdites reconnaissances, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de juillet 1790, lesquelles montent à....3,880
Total............ 21,495 1.
A ce capital nous avons fait ajouter les intérêts qui étaient dus au porteur de celles desdites reconnaissances garnies d'un coupon d'intérêts, dont l'époque s'est trouvée antérieure à la jouissance accordée dans l'emprunt national. Ces intérêts montent à........ 5
Ces deux sommes fout ensemble.. 21,500 1.
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de celles desdites reconnaissances rapportées sans coupons, et dont les intérêts avaient été touchés par les porteurs ; lesquels intérêts montent à..................... 363
Au moyen de cette déduction, la valeur des reconnaissances délivrées en exécution de la proclamation du 11 novembre, reçues dans l'emprunt national de 80 millions, se trouve définitivement fixée à la somme de......... 21,137 1.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté, paraphé et signé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus et Rewbell, commissaires de l Assemblée nationale pour la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionué par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons de concert avec MM de Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi, par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret de l'Assemblée nationale, du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et desdites reconnaissances représentées; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact, et que tout était conforme a l'énoncé ci-dessus : nous avons ensuite fait jeter lesdites reconnaissances dans le feu ; elles Y ont été totalement incendiées ; et nous en avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir : en recette, de l'admission de la somme de 21,137 livres; et en dépense, de pareille somme, soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Il est néanmoins à observer que les intérêts déduits sur les capitaux de ce Lté nature d'effets, reçus dans l'emprunt national, montent à 564 livres, au lieu de 363 livres portées sur le présent état; ce qui fait une différence de 108 livres, provenant de deux effets au porteur, sur lesquels il n'a été retenu que 6 mois d'intérêt au lieu de 9 mois ; de laquelle observation il sera rendu compte, tant à l'Assemblée nationale qu'au roi, pour être décrété et prononcé ce qu'il appartiendra.
Fait à l'hôtel du Trésor public à Paris, le 23 février 1791.
Signé : Camus, Rewbell, Prisye, Osmont.
Vu : Dufresne.
assignations sur les domaines.
Procès-verbal de brûlement des assignations délivrées par le commis du grand comptant du Trésor public, sur les revenus des domaines, et admises dans Vemprunt national de 80 millions, . ouvert par décret du 27 août 1789, et déclaration du roi, du 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le
décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28
dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses : article
premier, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80
millions, et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et
des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout
état et de tous les pays, qui voudraient s'y intéresser, et leur en
délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les
convertir en contrats à la volonté des prêteurs ; article 3, que l'on
payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié des capitaux
pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt, et que l'on
fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur de toute
nature, et les contrats échus en remboursement, et que les capitaux
seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts
des retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances
fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans
l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans
l'emprunt de 80 millions, comme argent comptant; article 8, que les
intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en
payement seraient alloués comme
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey que MM. Camus et Rewbell, commissures de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu, et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, pour 1,877,950 1. 19 s. 6 d. d'assignations délivrées par le commis du grand comptant du Trésor publie, sur les revenus du domaine, lesquelles ont été admises dans l'emprunt de 80 millions. Savoir :
Jusqu'à concurrence de 1,163,400 livres, dont la valeur est entrée dans les borderaux délivrés avec la jouissance de
juillet 1789, ci....... 1,163,400 1. » s. » d.
De 102,554 1. 19 s. 6 d., dont la valeur est entrée dansles bordereaux délivrés avec la jouissance de janvier 1790, ci......... 102,554 19 6
Et de 612,000 livres, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance d'octobre 1790, ci............. 612,000 »
Total..... 1,877,954 1. 19 s. 6 d.
A ce capital nous avons fait ajouter- les intérêts dus aux porteurs de colles desdites assignations antérieurement échues et non renouvelées à l'époque où elles ont été admises dans l'emprunt national ; lesquels intérêts
montent à........... 1,965 1. » s. » d.
Ces deux sommes font
ensemble celle de..... 1,879,919 1. 19 s. 6 d
Sur cette dernière somme nous avons fait déduire les intérêts retenus aux porteurs de celles desdites assignations non échues lors de leur admission dans
Report..... 1,879,919 1. 19 s. 6 d.
l'emprunt national, et
ces intérêts montent à. 21,793 » »
Au moyen de cette déduction, la valeur des assignations sur les domaines, admises dans l'emprunt de 80 millions, se trouve définitivement fixée à.... 1,858,126 1. 19 s. 6 d.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé au bordereau desdites assignations, que ledit sieur Duruey a fait dresser, et qui est demeuré ci-annexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté, paraphé et signé desdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale pour la snrveillance .de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commis-aires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national, ou de tous autres, avons, de concert avec MM. Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi par sa proclamation au premier janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret dé l'Assemblée nationale du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et des assignations représentées; et, après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact; et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus : nous avons ensuite fait jeter lesdites assignations daus le feu; elles y ont été entièrement incendiées, et nous en avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir : en recette, de l'admission dans l'emprunt national de la somme de 1,858,126 1. 19 s. 6 d.; et en dépense de pareille somme payée, soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Il est néanmoins à observer que, vérification faite des intérêts à déduire aux porteurs de ces effets, d'après leurs échéances et les jouissances qui leur ont été accordées dans l'emprunt national, elles n'ont été portées sur le bordereau ci~ annexé, que pour la somme de 21,796 livres, et que nous avons reconnu les différences suivantes au préjudice du Trésor public.
1° Il n'a été déduit que 4,720 livres pour 10 mois d'intérêts dus aux porteurs de 103,000 livres d'assignations, échéant en juillet 1790, et qui, ayant obtenu la jouissance de juillet 1789, devaient supporter la réduction d'une année d'intérêts ; ce qui fait deux mois de plus, montant à 4,130 livres.
2° L'administration du Trésor public a pris pour comptant 4 assignations montantà 271,000livres, dont l'échéance n'était que pour janvier 1790, auxquelles on a accordé la jouissance d'octobre 1789. Les porteurs ont dû supporter une déduction de 3 mois d'intérêts, montant à 3,387 1. 10 s., et elle ne leur a pas été faite.
3° Il a été en outre admis dans l'emprunt nain al » nmip 816.000 livres
d'assignations, dont tional* pour 816,000 livres d'assignations, dont
l'échéance était pour les mois d'août, septembre, octobre et décembre
1789; elles ont été prises il reporter..... 1,879,919 l. 19 8, 6 d, J
pour comptant avec les jouissances de juil-
Fait à l'hôtel du Trésor public, à Paris, le 23 fé vrier 1789.
Signé : Camus, Rewbell, Prisye, Osmont.
Ët ensuite est écrit :
Vu, signé : Dufresne.
Billets des domaines.
Procès-verbal de brûlement des billets souscrits par les administrateurs des domaines et admis dans l'emprunt de 80 millions, ouvert par le décret de iAssemblée nationale, du 27 août 1789, et la déclaration du roi du 28 dudit mois.
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelleil est dit entre au très choses: article 1er, qu'il serait ouvert au Trésor royal un emprunt national de 80 millions, et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tous les états et de tous les pays, qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats à la volonté des prêteurs; article 3, que l'on payerait au Trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt, et que l'on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur de toute nature, et les contratséchus en remboursement, et que les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues, qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances fournies par le Trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés dans l'emprunt de 30 raillions décrété le 9 août 1789, seraient reçus, dans l'emprunt de 80 millions, comme argent comptant; article 8,que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en payement seraient alloués comme comptant jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir; et que, à l'égard des effets' dont l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts, depuis le jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir à leur profit, jusqu'à l'échéance desdits effets; enfin, article 9, que les eifets et contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de laCbambre des comptes, que Sa Majesté nommerait, et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le procès-verbal qu'ils en donneraientsevait rapporté par ledit sieur Duruey, avec les contrats éteints dans la forme ordinaire pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey, que MM. Camus, de Croix et Laborde-Méré\ille, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveilla ce de la caisse de l'extraordinaire, et MM. Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, 101 billets, faisant partie de ceux souscrits pour le compte de la nation, par les administrateurs des domaines, et admis dans l'emprunt de 80 millions. Lesquels montent ensemble à la somme de 409,000 livres, savoir :
94 desdits billets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance dejuilletl789,et lesquels montent à. 381,000 liv.
Et 7 desdits billets, dont la valeur est entrée dans les bordereaux délivrés avec la jouissance de janvier 1790; lesquels montent à..... 28,000
Total.... 409,000 liv.
Sur quoi nous avons fait déduire les intérêts qui ont été retenus aux porteurs de ceux desditsbilletsqui, à l'époque de leur admission dans l'emprunt national, n'étaient pas encore échus ; lesquels intérêts montent à....................... 10,507
Au moyen de cette déduction, la valeur des billets souscrits par les administrateurs des domaines, et admis dans l'emprunt national, est définitivement fixée à la somme de. 398,493 liv.
Ainsi que le tout est plus au long détaillé au bordereau que ledit sieur Duruey a fait dresser desdits billets, et qui est demeuré ci-annexé après avoir été par lui certifié véritable, et coté et paraphé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus, de Croix et Laborde-Méréville, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder, de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public, par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons, de concert avec MM. Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789, sur le décret de l'Assemblée nationale, du 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et des billets représentés, et après vérification faite, nous avons reconnu que ledit bordereau était exact, et que tout était conforme à l'énoncé ci-dessus. Nous avons ensuite fait jeter lesdits billets dans le feu; ils y ont été entièrement incendiés, et nous en avons dressé le présent procès-verbal qui servira audit sieur Duruey pour justifier, savoir: en recette, de la somme de 398,493 /ivres; et en dépense de pareille somme payée, soit en capitaux, soit en intérêts, à la décharge de la nation.
Fait à l'hôtel du Trésor public à Paris, le 26 janvier 1791, et pour
continuer les opérations près-
Signé : Camus, Charles de Croix, Laborde-Méréville, Prisye, Osmont.
Vu, signé : dufresne.
bordereau de l'édit de 1787.
Procès-verbal de brûlement d'une coupure d'un boriereau délivré au ci-devant trésor royal, dans l'emprunt viager créé par édit de mai 1787, laquelle coupure a été admise dans l'emprunt de èO millions, arrêté par décret du 27 août 1789, et déclaration du roi du 28 du même mois.
Vu par nous, conseiller d'Etat, directeur général du Trésor public, le décret du 27 août 1789, sanctionné par le roi, et la déclaration du 28 dudit mois, par laquelle il est dit, entre autres choses : article 1er, qu'il serait ouvert au trésor royal un I emprunt national de 80 millions, et que le sieur Duruey, administrateur chargé de la recette et des caisses, était autorisé à recevoir les fonds des personnes de tout état et de tous les pays qui voudraient s'y intéresser, et leur en délivrerait des quittances de finances au porteur, avec promesse de les convertir en contrats à la volonté des prêteurs : article 3, que l'on payerait au trésor royal, en argent comptant, la moitié desdits capitaux pour lesquels on voudrait s'intéresser dans l'emprunt, et que l'on fournirait, pour l'autre moitié, les effets royaux au porteur de toute nature, et les contrats échus en remboursement, et que les capitaux seraient reçus en compte, à raison du denier 20 des intérêts, exempts des retenues qui y étaient attachées; article 5, que les reconnaissances fournies par le trésor royal à ceux qui s'étaient intéressés, dans l'emprunt de 30 millions, décrété le 9 août 1789, seraient reçues dans l'emprunt de 80 millions comme argent comptant ; article 8, que les intérêts qui pourraient être dus sur les effets qu'on donnerait en payement seraient alloués comme argent comptant jusqu'au jour où l'intérêt dudit emprunt commencerait à courir; et qu'à l'égard des effets dont l'intérêt aurait été payé d'avance, les prêteurs seraient obligés de restituer lesdits intérêts depuis le jour où l'intérêt dudit empruntcommencerait à courir à leur profit; jusqu'à l'échéance desdits effets; enfin article 9, que les effets et contrats qui seraient fournis pour la moitié dudit emprunt seraient constatés par un procès-verbal qui serait dressé par deux commissaires de la Chambre des comptes que Sa Majesté nommerait et que les effets au porteur seraient par eux incendiés, et le procès-verbal qu'ils en dresseraient serait rapporté par ledit sieur Duruey avec les contrats éteints dans la forme ordinaire, pour justifier des recettes et dépenses dudit emprunt.
Et, voulant faire procéder à la vérification et au brûlement des effets au porteur, reçus pour la moitié dudit emprunt, nous avons fait avertir ledit sieur Duruey que MM. Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, et MM. Prisye et Osmont, commissaires nommés par le roi, y procéderaient aujourd'hui.
Ledit sieur Duruey est comparu, et a remis en notre présence, devant lesdits sieurs commissaires, une coupure d'un bordereau délivré au ci-devant trésor royal dans l'emprunt viager créé par édit de mai 1787, numérotée 4702 ; laquelle coupure, dont le montant est de 200 livres, a été , reçue dans l'emprunt national de 80 millions, et est énoncée dans le bordereau qui en a été dressé par ledit sieur Duruey, et qui est demeuré ci-an-nexé, après avoir été par lui certifié véritable, coté, signé et paraphé par lesdits sieurs commissaires.
Sur quoi, nous soussignés, Camus et Rewbell, commissaires de l'Assemblée nationale, pour la surveillance de la caisse de l'extraordinaire, chargés par le décret du 24 décembre dernier, sanctionné par le roi le 5 janvier 1791, de procéder de concert avec les commissaires nommés par le roi, au brûlement des effets rentrés au Trésor public par la voie de l'emprunt national ou de tous autres, avons de concert avec MM. Prisye et Osmont, conseillers-maîtres de la Chambre des comptes de Paris, commissaires nommés par le roi par sa proclamation du 1er janvier 1791, en conformité de l'article 9 de la déclaration du 28 août 1789,sur le décret de l'Assemblée nationale, 27 du même mois, pris communication dudit bordereau et de la coupure de bordereau y énoncée; et après vérification faite nous avons reconnu que le tout était exact, nous avons ensuite fait jeter ladite coupure dans le feu, elle y a été entièrement incendiée, et nous en avons dressé le présent procès-verbal, qui servira audit sieur Duruey, pour justifier, savoir : en recette, de l'admission dans l'emprunt national, de la somme de 200 livres ; et en dépense, de pareille somme à la décharge de la nation.
Fait à l'hôtel du Trésor public, à Paris, le
Signé : Camus, Rewbell, Prisye, Osmont.
Vu : Dufresne.
présidence de m. rewbell.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
Je demande à l'Assemblée la permission de revenir sur le décret qu'elle a rendu hier et qui permet aux officiers, sous-officiers et soldats d assister aux séances des différentes sociétés établies dans les villes de garnison, sous la condition de ne s'y montrer jamais en armes. Il est à craindre que l'on ne donne une fausse interprétation à cette disposition. Je ferai remarquer qu'un officier ou un soldat en uniforme ne se considère pas armé lorsqu'il n'a que son sabre ou sonépée. Il n'est réputé tel que quand il a son fusil et sa baïonnette. Aussi je crois que l'intention de l'Assemblée n'a pas été d'empêcher les militaires d'aller aux assemblées avec ces sortes d'armes.
Je demande en conséquence qu'ils ne soient pas obligés de se dépouiller,
en entrant dans ces sociétés, d'une arme qui selon l'usage français doit
être plutôt envisagée Comme une parure et une espèce d'habillement que
comme une arme
Ce serait faire injure aux soldats des troupes de ligne que de ne pas leur permettre de porter, comme le font les gardes nationaux, leur épée dans les sociétés où ils ont le droit de se rendre sans aucune distinction qui puisse les humilier.
Je conclus en demandant que les comités de Constitution et militaire soient consultés sur l'interprétation à donner au décret rendu à cet égard par l'Assemblée.
Je suis convaincu qu'il ne doit exister aucune distinction entre les troupes de ligne et les gardes nationales, et il me semble extrêmement important de faire disparaître toute espèce de motif pouvant entretenir ou faire naître l'esprit de division entre les citoyens de l'Empire armés ou non armés. Si les gardes nationales peuvent aller avec leurs armes dans les séances des différentes sociétés, il serait humiliant pour les troupes de ligne que vous les forciez à quitter les leurs. 11 faut, autant que nous le pourrons, rappeler aux uns et aux autres qu'ils sont frères et éviter bien au contraire de nourrir cette division qu'on a semblé indiquer entre les gardes nationales et les troupes de ligne. J'appuie donc le renvoi proposé par M. de Noailles.
J'ajouterai une autre observation; puisque vous avez déclaré que tous les militaires peuvent assister aux séances des sociétés, vous ne devez établir légalement aucune distinction entre les membres composant ces sociétés. Que devez-vous donc faire? Vous devez soumettre à l'inspection de la police tous les lieux où il se fait de grands rassemblements de citoyens parce que, outre mille autres inconvénients qui peuvent naître de ces rassemblements, il est possible qu'il s'y forme des partis dangereux non seulement à l'ordre public, mais à la Constitution même.
Votre comité doit vous présenter incessamment ses vues sur le droit de pétition, sur les réclamations à faire tant par les individus particulièrement que par les sections du corps politique, sous quelque forme qu'elles puissent se présenter; mon avis serait que personne ne doit, ne peut venir armé dans les sociétés dont il s'agit, qu'il soit citoyen délibérant ou citoyen militaire.
Mais il me semble qu'Userait prématuré de s'expliquer actuellement à ce sujet; il faut attendre le rapport que le comité de Constitution est chargé de vous faire sur le droit de pétition, et dans lequel cet objet trouvera naturellement sa place.
Je me contente, pour le moment, de demander le renvoi de l'observation de M. de Noailles au comité de Constitution pour en faire le rapport au moment où il présentera son avis sur le droit de pétition.
Je me rends aux sages réflexions de M. d'André et je consens au renvoi qu'il demande.
Un membre demande que l'Assemblée interdise aux différentes sociétés de s'occuper des affaires intérieures des régiments.
Je m'oppose à tout espèce de rapport; l'Assemblée ne doit considérer la motion de M. de Noailles que comme une simple pétition.
(L'Assemblée, consultée, renvoie les diverses motions au comité de Constitution pour lui en rendre compte lundi prochain, époque à laquelle ce même comité lui présentera son avis sur le droit de pétition.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. d'Aremberg de La Marck, député du département du Nord, un congé d'un mois, pour rétablir sa santé ; et à M. de Clermont-Mont-Saint-Jean, député du département de l'Ain, un congé de deux mois pour vaquer à des affaires pressantes dans le Bugey et la Savoie où il a des propriétés.
(Ces congés sont accordés.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance du jeudi 28 avril, au soir, qui est adopté.
donne communication à l'Assemblée d'une lettre et d'une pétition de Benjamin Dubois, citoyen français, qui offre de remettre en propriété à la nation, en lui remboursant la valeur estimée des ouvrages existants, un port avantageux dont il a commencé la construction dans la Manche, et dont ses facultés, épuisées par les injustices de l'ancien gouvernement, ne lui permettent pas de continuer les travaux.
Suit un extrait de celte pétition :
« J'ai toujours tourné mon industrie vers les objets qui pouvaient être profitables à l'Etat. En temps de paix, j'ai fait le commerce; en temps de guerre, j'ai armé des corsaires, et les Anglais savent quel préjudice leur ont porté mes expéditions maritimes dans ce dernier genre. J'ai acquis la terre de Mont-Marin il y a quelques années : elle est à la distance d'une demi-lieue de Saint-Malo et de Saint-Servan; elle est au milieu de 11 paroisses qui peuvent fournir 10 à 12,000 ouvriers pour la marine. Une anse bordant la maison principale me parut propre à former un port très vaste et très sûr, et offrir toutes les ressources nécessaires pour les constructions et armements. J'entrepris l'exécution de ce projet immense pour un particulier.
« On peut trouver dans l'encyclopédie le détail de la situation de ce port et des travaux que j'ai faits pour le créer. En sapant des rochers, en enlevant beaucoup de vase et de terre, en construisant une digue solide avec une porte busquée, j'ai obtenu un bassin dans lequel on peut construire 15 vaisseaux ou frégates. 13 à 14 pieds d'eau montent dans ce bassin. Le fond étant de vase, il est facile et très peu dispendieux de le creuser davantage.
« Tous les ateliers nécessaires, tous les magasins dont on a besoin pour
la construction et la conservation des effets, des ustensiles et des
bois, sont autour de ce bassin. Une machine à mâture, des voileries, des
manufactures à cordages, des forges, une tonnellerie, une grue pour
enlever les bois de dessus les gabarres, un gril pour caréner les
vaisseaux, tout est établi. A côté du bassin est une fontaine abondante,
où, sans aucun frais de charge, on peut en 5 heures remplir 200
barriques. Deux rades à l'abri de tous les vents peuvent contenir 20
vaisseaux dans les plus grandes marées; à basse mer, il y a de 30 a 35
pieds d'eau. Jamais, dans ces rades, il n'y a de grosse mer. La sortie
et l'entrée en sont très faciles: depuis 7 ans, j'ai fait sortir et
entrer au moins 400 navires, depuis 100 jusqu'à 800 tonneaux; jamais il
n'est arrivé aucun accident, ni
Un membre demande le renvoi de la pétition de M. Benjamin Dubois aux comités de la manne et du commerce.
(Ce renvoi est décrété.)
M. Campet, ancien chirurgien-major des hôpitaux de l'Etat, à Cayenne, et correspondant de l'Académie de chirurgie, fait hommage à l'Assemblée d'un traité manuscrit des convulsions — toniques permanentes — vulgairement connues à Cayenne sous le nom de tétanos.
(L'Assemblée accepte cet hommage et ordonne le renvoi de l'examen de ce travail à se3 comités de salubrité et des colonies.)
au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, la suppression des droits d entrée a donné lieu à diverses pétitions renvoyées à votre comité des contributions publiques; je suis chargé de vous les soumettre. Elles viennent de la part des marchands de vin, de bois et de charbon, pour l'approvisionnement de Paris, et des marchands de vin pour l'approvisionnement de Rouen.
Les marchands de vin réclament le remboursement en tout ou en partie des droits perçus sur les vins qu'ils justifieront, par des inventaires exacts, avoir dans leurs caves à l'époque du 1er mai, date de la mise à exécution de votre décret. Votre comité a pensé que cette demande ne pouvait être accueillie, sans accorder aussi une indemnité à tous les particuliers qui la réclameront, et à tous les marchands qui la solliciteront pour les marchandises invendues et soumises à des droits d'entrée ; ce serait donc avancer le terme fixé par la loi pour la suppression de ces droits. D'ailleurs, il ne s'est point dissimulé que depuis deux ans la contrebande a introduit en France une grande partie des marchandises sujettes aux droits d'entrée; ainsi la restitution tomberait sur des marchandises qui n'ont réellement point acquitté de droits. Il estime, en conséquence, que la pétition de ces marchands de vin n'est pas admissible.
Les pétitions des marchands de bois et de charbon tendent également à des restitutions plus ou moins considérables. Les droits sur les bois n'étaient généralement acquittés qu'à l'enlèvement des chantiers; et des préposés de la régie surveillaient ces enlèvements. II en était de même des matériaux et d'autres marchandises qui, déposées sur les ports et dans les halles, soumises à inspection de la régie, devaient les droits au moment de la vente. Votre comité a pensé que la justice ne permettait pas d'exiger ces droits sur les parties qui seraient invendues au 1er mai. Il vous propose donc d'annuler les soumissions résultant des registres de charge, ainsi que vous lavez ordonné pour le département du Nord. Cependant il ne vous propose cette disposition que relativement aux marchandises invendues et qui seront dans les délais des crédits autorisés par l usage ou par la loi.
Votre comité, Messieurs, a examiné avec soin les raisons et les motifs des pétitionnaires; il a tâché de concilier l'intérêt public avec l'intérêt général; et, en déclarant qu'appelé à établir la plus stricte équité entre la nation et les réclamants, les représentants du peuple français ne doivent jamais s'écarter de cette fermeté inflexible qui accueille toutes les demandes fondées sur la justice et repousse avec courage toutes les prétentions injustes et déraisonnables, il vous propose le décret suivant:
Art. 1er.
« Les marchands de boissons, bois à brûler bois quarrés et à ouvrager,
charbon, matériaux a natir et autres marchandises, qui jouissaient du
crédit des droits d'entrée en demeurant sous la surveillance des
fermiers ou régisseurs jusau'au moment de la vente et de l'enlèvement
des balles et ports d entrepôts, seront affranchis des droits d entrée
des vil es sur les quantités invendues a » époque du 1er mai, et leurs soummissions annulées,
pourvu que les délais Prescrits pour le crédit desdits droits, ne soient
point expirés sans néanmoins que la présente disposition puisse donner
heu à la restitution des droits acquittés, soit aux entrées, soit aux
bureaux établis sur les routes, ni empêcher le recouvrement des droits
dus et exigibles à l'époque du 1er mai.
Art. 2.
Les Propriétaires desdites marchandises auront la faculté d en disposer à
leur gré, à la charge néanmoins d'acquitter préalablement les droits dus
sur les parties dont les termes de crédit seront expirés avant l'époque
du 1er mai.
Art. 3.
« Les soumissions faites parles brasseurs,depuis l'époque du 1er avril dernier, seeront pareillement
annulees, à la charge par eux d'acquitter les droits acquis par
soumissions antérieures au 1er avril.
«La discussion, ouverte sur ce projet de décret, est fermée après quelques légers débats.)
Un membre: Je propose par amendement de retrancher du premier article ces mots : pourvu que les délais prescrits pour le crédit desdits droits ne soient point expirés. La sûreté de l'annrovi-sionnement de Paris exigeant que les marchands fassent des envois continuels, ils se trouveraient dupes d'une prévoyance qui avait pour but l'utilité publique.
rapporteur. Le projet de décret ne fera aucun tort aux marchands: je demande la question préalable sur l'amendement. cuiduue
l'amendement) dëCrète la questiori Pliable sur
Un membre: Je propose à l'Assemblée d'ordonner que le comité des contributions publiques lui présentera incessamment les moyens les plus sûrs pour constater l'identité des marchandises existantes dans les lieux d'entrepôts avec celles arnvees par eau.
Un membre du comité des contributions publi-ques. Ces réflexions n'ont point échappé au comité ¦ le décret porte uniquement sur les marchandises restees sous la main des régisseurs.
rapporteur, rajouterai que les différentes espèces de bois et pièces de vin portent la marque des régisseurs et sout prises en charge; il n'y a par conséquent aucune surprise à craindre.
Je metg auxvoix le , t
de décret du comité.
(Ce projet de décret est adopté sans aucune modification.)
au nom du comité des finances. Il s'est glissé une erreur dans la loi
relative au bail passé avec Colandrio, adjudicataire du bail général des
fermes: Il y est dit que ce bail est résilié à compter du 1er janvier 1789. Or, c'est à compter du 1er
janvier 1791 que l'Assemblée entendait annuler ce bail.
Je demande la rectification de cette erreur.
(Cette rectification est décrétée.)
L'ordre du jour est un rapport des comités diplomatique et d Avignon sur la réunion à la France d'Avignon et du Comtat Venaissin.
au nom des comités diplomatique et d'Avignon (1). Messieurs, je viens, au nom des comités diplomatique et d'Avignon, soumettre de nouveau à votre délibération une question sur laquelle il est temps enfin de prononcer définitivement, si vous voulez prévenir la destruction de 150,000 individus livrés à toutes les horreurs d'une guerre civile alimentée par les passions les plus violentes. . .
L'état d'Avignon et le Comtat Venaissin seront-ils réunis à la France? Telle est la question sur laquelle vous avez à délibérer.
Cette question se subdivise en plusieurs parties.
Première question.
De qui dépendaient Avignon et le Comtat Venaissin avant d'être sous la domination des papes?
Deuxième question.
Ces deux pays ont-il3 pu être aliénés ou cédés aux papes?
Troisième question.
Ces deux pays ne devaient-ils pas être réunis à la France, en vertu du testament de Charles IV, dernier comte de Provence?
Quatrième question.
La possession des papes a-t-elle été paisible ? Est-elle, quant à la France, à titre irrévocable ou, à titre d'engagement, révocable à volonté?
Cinquième question.
En supposant que le droit d'hérédité ou de haute propriété n'eût pas existé en faveur de la France, et que les papes eussent joui, jusqu'à présent, parla volonté des Avignonais et des Comtadins, ces deux peuples ont-ils aujourd'hui le droit de se déclarer libres et indépendants?
Sixième question.
Si ces deux peuples sont libres et indépendants, n'ont-ils pas le droit de demander leur réunion à la France?
Septième question.
La France, en vertu du droit d'hérédité ou de haute propriété, n'a-t-elle pas celui de rentrer, quand il lui plaît, dans les domaines d'Avignon et du Gomtat Venaissin?
Huitième question.
Si la France, en vertu du droit d'hérédité ou de haute propriété, peut prononcer la réunion, n'a-t-elle pas, à plus forte raison, le droit d'accepter l'offre des Avignonais et des Comtadins, libres et indépendants?
Neuvième question.
Est-il de l'intérêt de la France d'ordonner la réunion en vertu de son propre droit, ou de l'accepter en vertu de l'indépendance des Avignonais et des Comtadins?
Dixième question.
Cette réunion devra-t-elle causer de l'ombrage aux nations et aux princes étrangers?
Onzième question.
Par cette réunion, l'Assemblée contreviendra-t-elle à ses décrets ?
Douzième question.
Si la réunion est ordonnée ou acceptée, sera-t-il dû quelque indemnité au pape ?
Treizième question.
La justice du droit de la France ayant été préalablement établie, est-il de son intérêt politique d'ordonner la réunion ? Le contraire serait-il dangereux ?
Quatorzième question.
Avignon et le Gomtat ont-ils fait et font-ils encore deux états séparés ?
Quinzième question.
Le vœu des Avignonais et des Comtadins est-il suffisamment exprimé ?
Première question.
De qui dépendaient Avignon et le Comtat Venaissin avant d'être sous la domination des papes ?
Avignon.
Avignon, après avoir été successivement la proie des Bourguignons, des
Visigoths, des Français et des rois de Bourgogne, tomba sous la
domination de la première race des comtes de Provence, qui en jouirent
jusqu'en 992, qu'Emme, fille deRotbold, épousa Guillaume Taillefer,
comte de Toulouse, et lui porta en dot une partie d'Avignon et du Comtat
Venaissin. L'autre partie, avec le surplus de la Provence, resta aux
descendants de Rotbold, qui en jouirent jusqu'à 1100 ou environ ;
Gerberge, héritière de Geoffroy 1er, porta
ces biens en mariage à Gilbert, vicomte de.Gévau-dan.
D'autres rejetons de la môme maison eurent en partage le comté de Forcalquier, avec quelques droits dans Avignon. Mais, en 1208, Forcalquier rentra dans le domaine des comtes de Provence, par le mariage de Garsende de Sabran avec Alphonse lor, comte de Provence. '
Gilbert, vicomte de Gévaudau et comte de Provence par sa femme Gerberge, n'eut qu'une fille, nommée Donce, qui, en 1112, porta la Provence, une partie d'Avignon et du Comtat dans la maison de Barcelone, par son mariage avec Raymond Bérenger, ce qui forma la seconde race des comtes de Provence. .,, .
Il s'éleva une guerre entre ce prince et Alphonse Jourdain, comte de Toulouse, qui, par son aïeule Emme, femme de Guillaume Taillefer, était possesseur d'une partie d'Avignon et du Comtat Ve-naissin. Cette guerre se termina par un traité passé entre les deux princes, en 1125. Ils se partagèrent la Provence de manière que le Comtat et moitié de la ville d'Avignon demeurèrent à Alphonse Jourdain, sous le nom de marquisat de Provence. Ce traité renferme, en outre, la clause très remarquable de substitution réciproque et de défense d'aliénation. . .
A cette époque, Avignon profita des divisions qui continuèrent entre ces princes et acquit une sorte d'indépendance qu'elle conserva jusqu'en 1251, que Charles d'Anjou et Alphonse de Poitiers, tous deux frères de Saint-Louis, roi de France, qui avaient épousé, l'un Béatrix, héritière de Provence, et l'autre, Jeanne, héritière de Toulouse, s'emparèrent de cette ville, en reprirent possession, et cependant confirmèrent plusieurs de ses privilèges.
Il est à remarquer que, malgré cette espèce d'indépendance des Avignonais, les comtes de Toulouse et ceux de Provence avaient souvent fait, depuis 1125jusqu'en 1251, des actes qui prouvaient leur supériorité territoriale.
En 1270, Jeanne, comtesse de Toulouse, fit son testament par lequel elle légua à Charles d'Anjou, roi de Naples et comte de Provence, son beau-frère, tout ce qu'elle possédait au delà du Rhône, c'est-à-dire la moitié d'Avignon et du Comtat Ve-naissin. Mais Philippe le Hardi, roi de France, crut devoir garder Avignon, qui ne lui appartenait pas, puisque Jeanne en avait disposé, et ce ne fut qu'en 1290 que Philippe le Bel le rendit à Charles II, roi de Naples et comte de Provence, qui devint par là possesseur de la tota-lité do cette ville»
En 1308, Charles II fit un testament, par lequel il appelle à lui succéder, à Naples et en Provence, Robert; et, à leur défaut, ses autres enfants, substituant ses biens à perpétuité et défendant de les aliéner.
En 1343, Robert fait un testament, par lequel il appelle à lui succéder Jeanne, sa petite-fille, et à son défaut, Marie, sa sœur, leur substitue ses Etats, leur fait défense d'aliéner et donne à Jeanne, l'aînée, un conseil composé de cina personnes, sans lequel elle ne pourra rien décider jusqu'à ce qu'elle soit majeure.
En 1348, Jeanne, mineure, âgée de 22 ans, vendit à Clément VI l'état d'Avignon où résidaient les papes, depuis qu'en 1309, sous le pontificat de Clément V, le Saint-Siège y avait été transféré.
Tout ce que je viens d'avoir l'honneur de vous dire, Messieurs, étant
appuyé sur les pièces les plus authentiques, il est évident que les
comtes de Toulouse et ceux de Provence ontpossédé'lavilled A-vignon,
tantôt par indivis, tantôt séparément, jus-qtfen 1290, que Charles 1er roi de Naples et comte de Provence,
devint possesseur de la totalité de cette ville.
Il est également prouvé qu'il a été fait, dans l'espace ae 218 ans, trois substitutions de cet état, avec défense expresse d'aliéner ; l'une en 1125, entre Raymond Bérenger 1er, comte de Provence, et Alphonse Jourdain, comte de Toulouse ; l'autre en 1308, par Charles II, roi de Naples et comte de Provence ; et l'autre par Robert en 1343.
Comtat Venaissin.
J'ai prouvé, dans l'article précédent, que le Comtat Venaissin était devenu une propriété substituée et non aliénable des comtes de Toulouse, par le mariage d'Emme avec Guillaume Taillefer en 992.
En 1194, Raymond VI, comte de Toulouse, devint, par la mort de son père, propriétaire du Comtat Venaissin, et c'est sous ce prince que commencèrent les malheurs, trop fameux dans l'histoire, des comtes de Toulouse, et la conduite scandaleuse des papes à leur égard.
L'hérésie des Albigeois avait fait à cette époque de grands progrès. Raymond VI fut accusé de la favoriser. Innocent III fit publier une croisade contre lui; et Simon de Montfort, général de l'armée orthodoxe, fut autorisé, sous le prétexte de la religion, à s'emparer des Etats de Raymond VI.
En 1209, ce prince, cité par Milon, légat et ministre des passions d'Innocent III, comparut au concile de Valence, où il obtint l'absolution en se soumettant aux conditions les plus durés. Pour sûreté de sa promesse, il fut obligé de remettre au légat plusieurs terres et châteaux, situés de l'autre côté du Rhône, dans le Comtat Venaissin ; et, sous prétexte que ce prince n'était pas fidèle à ses engagements, le pape les garda.
En 1215, se tint le fameux concile de Latran, où Raymond VI fut condamné à perdre le comté de Toulouse, qui fut adjugé à Simon de Montfort. Mais, par une grâce spéciale, le Comtat Venaissin et quelques autres domaines furent laissés à Raymond VII, son fils, qui en prit possession en 1216.
En 1222, ce prince hérita, par la mort de Raymond VI, son père, de tous les Etats des comtes de Toulouse. Mais, ayant voulu reconquérir tout ce qui avait été donné à Simon de Montfort, il fut excommunié par le pape; et après une succession non interrompue de malheurs et de succès, il conclut à Paris, en 1229, un traité de paix, par lequel il céda à la France la plus grande partie de ses Etats, situés de ce côté-ci du Rhône; maria Jeanne, sa fille, à Alphonse, comte de Poitiers, frère de saint Louis, et abandonna à l'Eglise ce qu'il possédait de l'autre côté du Rhône, c'est-à-dire le Comtat Venaissin. A ce prix on lui accorda la faveur de faire amende honorable, la corde au cou et nu en chemise, dans l'église de Notre-Dame de Paris.
En 1234, le pape Grégoire IX, honteux de s'être prévalu de la situation de Raymond VII, vaincu par les remontrances de saint Louis, et effrayé des menaces de l'empereur Frédéric II, qui se prétendait suzerain du Comtat Venaissin, rendit à Raymond VII ce qui avait été cédé à l'Eglise par le traité de Paris. Ce prince en jouit jusqu'en 1249, qu'il mourût, après avoir institué pour son héritière universelle Jeanne, sa fille, mariée à Alphonse de France, comte de Poitiers.
Celui-ci fit son testament en 1270, et légua le marquisat de Provence,
c'est-à-dire la moitié
Il résulte des faits précédents, qu'en 1209, Innocent III s'empara de quelques châteaux du Comtat Venaissin, que Grégoire IX se fit céder ce pays en 1229, par le traité de Paris, mais le rendit en 1234, et que, malgré un testament dans les dispositions étaient formelles, Grégoire X se le fit donner en 1274 par Philippe le Hardi, auquel il n'appartenait pas. Il est vrai qu'il appuya sa demande sur la clause du traité de 1229, qui cédait ce pays à Grégoire IX, pour prix des excommunications que ce pape avait lancées contre le malheureux Raymond VII.
Il est nécessaire de se rappeler ici que Charles, roi de Naples et comte de Provence, était le seul héritier légitime du Comtat, non seulement par le testament de Jeanne de Toulouse, mais encore par la substitution faite en 1125, entre Raymond Bérenger et Alphonse Jourdain, ainsi que je l'ai déjà rapporté ; car il avait épousé Béatrix, seule héritière du comté de Provence et de la substitution de 1125, puisque, par la mort de Jeanne, il n existait plus de représentants de la maison de Toulouse. Je laisse à penser si la possession des papes était légitimement acquise.
Ces deux pays ont-ils pu être cédés au pape ?
J'ai prouvé, quant à Avignon, que jusqu'à la vente de cette ville, faite en 1348 par Jeanne de JNaples, il y avait eu trois substitutions qui mettaient cette princesse dans l'impossibilité d'aliéner :
La première, en 1125, faite par Raymond Bérenger et Alphonse Jourdain;
La seconde, en 1308, par Charles VIII, bisaïeul de Jeanne;
Et la troisième, en 1343, par Robert, aïeul de cette princesse.
Charles II, par son testament, institua pour héritier de ses Etats de Naples et de Provence, Robert, son second fils, aïeul de Jeanne, lui substituant, en cas de mort sans enfants, celui des enfants mâles du testateur, que le roi appellerait à la succession de la couronne de Naples. Mais, prévoyant le cas où Robert ne laisserait que des filles, qui, d'après les lois, étaient habiles à succéder au royaume de Naples, il réduisit le fidéi-çommis masculin au comté de Provence, terres dépendantes et adjacentes.
Robert, son fils, changea ces dispositions, qui étaient contraires à la
coutume de Provence, où les filles pouvaient hériter; et, par des
lettres patentes de 1331, déclara Jeanne, sa fille aînée, héritière de
Naples, Provence, Forcalquier, terres dépendantes et adjacentes ; et, en
cas de mort sans enfants, substitua ces domaines à Marie, sa seconde
fille. La même année, les Provençaux et Avignonais firent hommage et
serment de fidélité a Jeanne et Marie (1); ainsi, le consentement des
En 1334 (1), Robert déclara par un acte solennel, le comté de Provence inaliénable.
En 1343, Robert fit son testament, qui n'était le développement de ses lettres patentes de 1331. Il substitue ses Etats à Jeanne et à ses enfants ; et en cas de décès d'elle sans enfants, à Marie, sa seconde fille et à ses enfants. Il renouvelle ses défenses d'aliéner ; déclare que si, malgré ses défenses, il se fait quelques aliénations, elles seront nulles ; et défend à ses sujets d'y avoir égard. Il donne à sa fille un conseil d'administration, composé de 5 personnes, sans lequel elle ne pourra, jusqu'à ce qu'elle soit ma-JA?reJ exercer aucun acte d'administration. A la tête de ce conseil, il place la reine Jeanne, sa temme ; il recommande ses enfants et ses dispositions testamentaires à Clément VI et aux cardinaux, et fait jurer à ses deux filles qui étaient présentes, l'observation de toutes les clauses de son testament.
En janvier 1348, Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence, déclare solennellement que ses domaines sont inaliénables : elle le jure et promet en présence d'une grande quantité de Provençaux dénommés dans l'acte et rassemblés à Aix.
Cependant, le 19 juin de la même année, elle vend Avignon au pape Clément VI, par acte passé „anlIâfl vl.Ue même d'Avignon, pour le prix de 80,000 florins d'or. L'acte porte qu'elle renonce à tout privilège de minorité, qu'elle fait présent au pape de la plus-value, en considération, dit-elle, que, selon Vapôtre, il vaut mieux donner que recevoir. (Rires.) Elle déclare qu'elle emploie cette somme de 80,000 florins à ses pressants besoins ; elle défend que personne ne mette opposition à l'exécution de cette vente, et fait intervenir dans l'acte, Louis de Tarente, son second mari, qui, malgré qu'il n'eût aucun droit sur Naples, ni sur la Provence, en promet et jnre lexécution.
Pour prouver la nullité de cet acte, il faut se rappeler : l«Les substitutions de 1125, de 1308 et de 1343; l'acte de 1334, qui prohibe toute aliénation ; l'acte de 1348, du mois de janvier, par lequel Jeanne elle-même jure aux Provençaux de ne rien aliéner.
2º Il ne faut pas perdre de vue que Jeanne était mineure quant à la coutume de Provence, car elle était née en 1326, et n'avait par conséquent que vingt-deux ans lorsqu'elle vendit Avignon. Les meilleurs historiens conviennent de ce fait Les bulles mêmes de Clément VI le prouvent évidemment, et, pour bien sentir la force de cette preuve, il faut savoir qu'en 1265, lors de l'investiture du royaume de Naples, accordée à Charles de France, duc d'Anjou et comte de Provence, il fut stipulé que les successeurs de Charles ne pourraientadministrer ce royaume qu'après avoir atteint leur dix-huitième année, et que, pendant leur minorité, la garde en serait confiée au Saint-Siège. Robert, par son testament de 1343, avait établi un conseil de régence pour gouverner ses Etats, jusqu'à ce que Jeanne, sa petite-fille, eût atteint sa majorité.
Cette disposition déplut à Clément VI, parce qu'elle était contraire à
celle de 1265, qui mettait le royaume de Naples sous la garde du
Saint-Siège. jusqu'à la majorité des rois, et non sous celle d'ua
conseil de régence. En conséquence,
Jeanne n'avait donc pas encore dix-huit ans au mois de novembre 1343; elle ne les avait même pas en février, en juillet et en novembre 1344; car nous avons des nulles de Clément VI, en date des 2 février, 2 juillet et 18 novembre 1344, par lesquelles ce pape renouvelle la Commission du cardinal Aimeric, et enjoint à Jeanne de lui obéir.
Cette princesse n'avait donc pas 22 ans au mois de juin 1343, époque de la vente d'Avignon; et la majorité des princes, en Provence, était fixée à 25 ans;
3° Je dois encore observer que Jeanne avait été mariée en 1333 (elle n'avait alors que 7 ans) avec André, fils de Charobert, roi de Hongrie, qui lui-même n'avait que 6 ans. Les historiens disent que Jeanne, douée de tous les dons de l'esprit et de la figure, était très adonnée à ses plaisirs. André, au contraire, était d'une figure désagréable, d'un caractère dur et sauvage. Ce prince fut étranglé en 1345, dans la ville d'A-versa, où il se trouvait avec la reine Jeanne sa femme. Cette princesse fut accusée d'avoir trempé dans le meurtre d'André; et Louis, roi de Hongrie, son beau-frère, après avoir porté ses plaintes au pape Clément VI, se prépara à entrer à main armée dans le royaume de Naples. Lepapenepouvant se refuser aux justes plaintes du roi de Hongrie, ordonna qu'on procédât à l'information contre les meurtriers d'André. Il nomma, à cet effet, Bertrand de Baux grand justicier du royaume, et lui adjoignit deux notables choisis parmi les Napolitains ; mais il lui ordonna de tenir les informations secrètes, en cas que la reine ou les princes se trouvassent impliqués dans l'affaire.
Plusieurs personnes furent suppliciées; mais Louis, roi de Hongrie, n'étant pas encore satisfait, poursuivit sa marche vers le royaume de Naples. Jeanne alors se remaria le 20 août 1346, avec Louis de Tarente, son cousin, qui était aussi suspecté d'avoir trempé dans le meurtre d'André. Sur ces entrefaites, Jeanne, effrayée des progrès
Sue le roi de Hongrie faisait dans le royaume de aples, se détermina à se retirer en Provence, où elle aborda le 20 janvier 1348. Son mari l'y suivit de près; elle y donna aux Provençaux cette déclaration dont j'ai déjà parlé, et ensuite elle se rendit à Avignon, où, en plein consistoire, elle plaida elle-même sa cause devant le pape et les cardinaux. Son mariage avec Louis de Tarente y fut validé, et peu de jours après, elle vendit Avignon au pape pour 80,000 florins d'or, somme bien modique pour une si belle acquisition.
Trois ans après, en 1351, celte princesse fut définitivement absoute par le pape.
Il résulte de tout ceci que, pour les gens qui jugent avec impartialité, la vente faite à Clément VI est de toute nullité, et ne peut être regardée, tout au plus, que comme un engagement.
Premièrement, il y avait trois substitutions de 1125, de 1308 et 1343;
2° Charles II et Robert avaient défendu d'aliéner sous quelque prétexte que ce fut;
3° Les Provençaux et les Avignonais avaient confirmé par leur consentement les dispositions de Robert ;
4° Jeanne elle-même s'était engagée à ne rien aliéner ;
5° Elle était mineure lorsqu'elle vendit Avignon; .- if,
6° Elle ne pouvait faire aucun acte sans le consentement et l'intervention de son conseil;
7° Son mari, Louis de Tarente, n'avait aucun droit sur Naples ni sur la Provence, et était mineur lorsqu'il consentit à la vente;
8° Clément VI était son juge ;
9° Ce pape n'ignorait pas les dispositions de Robert, puisque ce prince lui avait recommandé ses filles, et avait mis, pour ainsi dire, ses volontés sous sa sauvegarde ;
10° La somme était évidemment trop modique pour une acquisition de cette importance;
11° Clément VI avait lui-même senti l'irrégularité de l'acte, puisqu'il avait voulu, pour réparer autant que possible le défaut de pouvoir de la part de Jeanne, faire insérer dans l'acte qu'elle renonçait au bénéfice de la minorité, et qu'elle faisait don de la plus-value.
Peut-on croire au xvui0 siècle qu'un des chefs de l'Eglise ait employé de semblables manœuvres pour satisfaire à son intérêt personnel?
Il est donc évident que la vente d'Avignon ne peut être considérée que comme un simple engagement ; encore faut-il pour cela s'écarter de la sévérité des principes ; car, dans aucun cas, un mineur ne peut contracter, à plus forte raison quand il est grevé de substitution.
On a cherché à valider la vente d'Avignon, par le diplôme que Charles IV, roi des Romains, accorda à Clément IV en novembre 1348. Ce diplôme est daté de Gorlitz en Lusace. Mais Charles IV n'était pas à cette époque légitime empereur; car il ne fut sacré et reconnu à Aix-la-Chapelle, en cette qualité, par l'unanimité des électeurs qu'en 1349; il n'avait donc aucun pouvoir, ni qualité pour donner un diplôme en 1348.
L'Empire était alors disputé par plusieurs compétiteurs, Frédéric, marquis de Misnie, Gonthier de Schwazbourg, et Louis, margrave de Brandebourg. Charles IV ne devint réellement empereur qu'après avoir acheté les droits de tous ses compétiteurs.
Mais, en supposant même qu'il eût été légitime empereur en novembre 1348, le diplôme n'aurait pa3 plus d'efficacité; l'empereur ne peut aliéner la suzeraineté sans le consentement de l'Empire et des électeurs ; et le diplôme de 1348 renferme formellement l'abandon de suzeraineté sur Avignon, sous prétexte qu'il est indécent nue les papes, chefs de l'Eglise, habitent dans un lieu qui ne leur est pas soumis.
Ce diplôme n'est donc d'aucune utilité pour va lider la vente d'Avignon ;
2° Le Comtat Venaissin a-t-il pu être aliéné au pape ?
J'ai déjà eu l'honneur de vous dire, Messieurs, qu'en 1209, Raymond VI, excommunié, fut forcé, pour obtenir l'absolution, de subir les traitements les plus durs, et de remettre pour sûreté de sa parole, à Milon, légat du pape Innocent III, plusieurs châteaux et domaines situés de l'autre côté du Rhône dans le Comtat Venaissin ; châteaux que ce pape garda, sous prétexte que Raymond n'avait pas tenu sa parole.
C'est ainsi que les papes commencèrent à envahir ce beau pays. Dans les
années suivantes, nouvelles excommunications contre Raymond VI, concile
de Latran en 1215, qui le dépouille, donne le comté de Toulouse à Simon
de Montfort; mais
Nouvelles foudres de l'Eglise, nouvelles excommunications.
Honoré III succède à Innocent III en 1216, et hérite de la baine de ce pape pour la famille des comtes de Toulouse.
Raymond était rentré dans sa capitale ; Simon de Montfort avait été tué; Honoré III fit publier une nouvelle croisade et confirma en 1221 la sentence du concile de Latran, qui avait dépouillé Raymond du marquisat de Provence.
Raymond VI étant mort en 1222, son fils Raymond VII devint encore suspect d'hérésie au pape qui ambitionnait ses dépouilles : il fut de nouveau excommunié.
Louis VIII, roi des Français, à l'instigation du pape, se mit à la tôte de l'armée des croisés, et vint assiéger et prendre Avignon en 1226. Enfin, accablé sous le poids des foudres et de la baine des papes, Raymond VII conclut en 1229, à Paris, ce fameux traité qui semble n'avoir été dicté que par la haine et la cupidité.
Par ce traité, Raymond VII céda au pape Grégoire IX et à l'Eglise toutes les terres qu'il avait au delà du Rhône, c'est-à-dire, le Comtat Venaissin ; à ce prix, ainsi que j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, il fut admis à faire amende honorable en chemise. L'indignation d'un homme libre, d'un Français, a peine à se retenir au récit d'indignités semblables.
C'est ce même traité de 1229, que tous ceux qui ont défendu le prétendu droit des papes nous présentent comme le titre de la cour de Rome sur le Comtat Venaissin.
Cependant Grégoire IX lui-même, ce pape si avide et si haineux, eut honte de ce traité : il n'osa conserver dans ses mains le Comtat Venaissin : mais il en confia la garde à saint Louis, roi de France, en le prévenant que ce n'était que pour le bien de Raymond VII qu'il s'était provisoirement fait céder le marquisat de Provence, pour y maintenir la foi, et purger cette terre d'hérétiques ; qu'ensuite il verrait ce qu'il y aurait à faire.
Le légat du pape, dans une lettre qu'il adresse à celui que saint Louis avait envoyé dans ce pays, pour le gouverner, dit positivement, que, lorsque le roi de France ne voudra plus le garder, il en avertira le pape deux mois à l'avance; et qu'alors le pape ou lui verront à qui ils pourraient rendre ou assigner ces terres.
En 1230 (1), Grégoire IX écrivit à FrédéricII, empereur; en 1232, à saint Louis, à la reine Blanche, mère de saint Louis, et au comte de Toulouse, pour s'excuser de n'avoir pas encore rendu le Comtat, sous prétexte que ces terres étaient encore infectées d'hérésie et que Raymond n'était pas suffisamment affermi dans la foi.
Autrelettredu même pape au comte deToulouse en 1234, renfermant les mêmes prétextes.
Enfin, saint Louis ne pouvant pas supporter plus longtemps l'idée de paraître ae connivence avec le pape, pour la détention du Comtat Venaissin, lui écrivit dans le mois de mars 1234 une lettre fort laconique et fort sèche, par laquelle il lui annonce qu'il ne veut plus être chargé de la garde du Comtat Venaissin.
Cette lettre est datée de Loris en Gàtinais.
Par une autre lettre de même année, saint Louis écrit encore au pape pour l'engager à rendre le Comtat Venaissin a Raymond.
Enfin, en 1234, Frédéric II donna l'investiture du Comtat Venaissin à Raymond VII, et le rétablit dans la dignité de marquis de Provence.
En 1235, Grégoire IX écrivit deux lettres le même jour à saint Louis; l'une, pour s'excuser de n'avoir pas encore rendu le Comtat à Raymond; assurant cependant que ce n'est ni pour lui, ni pour l'Eglise qu'il le garde, mais pour le triom-phe de la religion et T'avantage de Raymond.
L'autre lettre, pour prier saint Louis de garder encore le Comtat; mais en même temps pour lui désigner celui à qui il le prie de remettre ce pays, en supposant qu'il soit absolument décidé à ne plus le garder.
Il paraît cependant qu'à cette époque. Grégoire IX, n'ayant plus d'excuses valables, laissa reprendre le Comtat Venaissin à Raymond, qui obtint en 1235 de nouvelles lettres d'investitures de l'empereur Frédéric II.
Plusieurs actes prouvent que, depuis cette époque, Raymond et Jeanne, sa fille, jouirent paisiblement du marquisat de Provence jusqu'en 1271, que Jeanne, femme d'Alphonse de France, comte de Poitiers, mourut après avoir fait un testament, par lequel elle lègue à Charles Ier, son beau-frère, la moitié d'Avignon et le Comtat Venaissin; testament à l'exécution duquel Philippe le Hardi, roi de France, s'opposa injustement, en cédant en 1274, le Comté Venaissin au pape Grégoire X, dans une entrevue qu'il eut avec lui à Lyon.
Cette cession fut précédée d'une lettre au roi, dans laquelle le pape assure, que c'est après avoir bien examiné sa conscience qu'il fait cette répétition. Certes les consciences des papes à cette époque n'étaient pas extrêmement timorées. (Rires.)
Il résulte de tout ce que je viens avoir l'honneur de vous dire, que rien n'est plus illégal que la possession des papes à l'égard du Comtat Venaissin.
1° La substitution de 1125 s'y opposait;
2° Les foudres de l'Eglise et les excommunications étant purement spirituelles, ne donnent aucun droit sur le temporel;
3° Les papes qui, dans cette grande affaire des comtes de Toulouse, n'ont agi qu'en qualité de chefs de l'Eglise, n'avaient aucun droit à se faire adjuger en 1209, des châteaux et domaines dans le Comtat Venaissin ;
5° Ils n'avaient pas plus de droits en 1215, au concile de Latran, de priver le comte de Toulouse de ses Etats ;
6° Honoré III n'avait pas acquis plus de droits en 1221, lorsqu'il confirme la sentence qui dépouille le comte de Toulouse ;
7° Pour les hommes qui jugent avec impartialité, le traité de Paris de 1229, qui cède au pape les terres au delà du Rhône, ne peut être regardé que comme le résultat de la haine et de la passion ; il est l'ouvrage de la force ; c'est en accablant Raymond VII de toutes les foudres de l'Eglise, en armant contre lui une foule aveugle qui, croyant être l'instrument de Dieu, n'était que celui de l'intérêt et de la cupidité des papes; c'est en le menaçant de la misère la plus affreuse, que l'on parvient à lui faire signer les conditions honteuses qui attirent les larmes de la pitié sur son sort, mais qui excitent l'indignation, je dirai presque la haine, contre ceux qui ont aussi audacieusement abusé de sa situation.
Ce traité jetterait même des nuages sur la conduite de saint Louis et sur
sa réputation, si l'on ne se rappelait que, né en 1215, ce prince avait
à peine 14 ans à l'époque du traité de Paris; d'ail-
8* Grégoire IX lui-même prouve, par ses lettres à 6aint Louis, à Blanche, reine de France, à l empereur Frédéric II et au comte de Toulouse, qu'il n'osait pas avouer publiquement quil se fût emparé, pour lui et pour l'Eglise, du Gomtat Venaissin : il assure, au contraire, que ce n est qu'un dépôt qu'il garde pour extirper l'hérésie, et affermir Raymond dans sa foi ;
9*Saint Louis, l'un des rois qui ait leplus honoré le trône de France, ne pouvant résister au cri de sa conscience, rend au pape eu 1234 la garde qu'il lui avait confiée du Comtat Venaissin. Sa lettre, extrêmement laconique, prouve assez son opinion; et, s'il ne témoigna pas à GrégoireIX son mécontentement d'une manière plus prononcée, on ne doit l'attribuer qu'à la crainte profonde et superstitieuse qu'inspiraient même au roi les chefs de l'Eglise.
10º Raymond VII rentra eu possession du Comtat Venaissin en 1235; il en reçut même deux fois l'investiture de l'empereur Frédéric II;
11º Plusieurs actes prouvent la jouissance paisible de Raymond et de Jeanne sa fille ;
12º Jeanne, respectant la substitution de 1125, disposa par testament, en 1270, de la moitié d'Avignon et du Comtat Venaissin, en faveur de Charles Ier, son beau-frère, qui, ayant épousé Béatrix, héritière de Provence, réunissait tous les droits et la substitution de 1125;
13° Ces terres n'appartenaient donc pas à Philippe le Hardi, qui n'a pas eu le droit d'en disposer en 1274, en faveur de Grégoire X;
14° Ce pape n'a pu appuyer sa prétention sur le traité de 1229, que j'ai démontré par les faits, et de l'aveu même de Grégoire [IX, n'avoir pas produit une aliénation réelle, mais un dépôt momentané, d'où je conclus que la possession des papes, à l'égard du Comtat Venaissin, est nulle et illégale.
Ces deux pays, en vertu du droit d'hérédité, ne devaient-ils pas être réunis à l'Empire français?
Vous me permettez, Messieurs, de ne pas entrer ici dans les détails arides et très ennuyeux de la généalogie des princes qui ont transmis aux rois de France tous leurs droits sur la Provence, Forcalquier, Avignon, Comtat Venaissin, terres adjacentes et dépendantes.
Tous ceux qui se sont donnés la peine d etu-dier l'histoire, savent fort bien que les droits légitimes des différents princes de la maison d'Anjou, à partir de Charles 1er, frère de saint Louis qui épousa Béatrix, héritière de Provence, se sont réunis en 1480, en la personne de Charles IV, roi de Naples, comte du Maine, de Provence et qui mourut en décembre 1480, ayant par son testament institué pour son héritier universel, en tous ses royaume et duchés, comtés et seigneuries, Louis XI, roi de France.
Ainsi, par ce testament, Louis XI, roi de France, réunit sur la Provence, Forcalquier, Avignon, Comtat Venaissin, terres adjacentes et dépendantes, tous les droits résultant des substitutions de 1125, 1308 et 1343, et du testament de Jeanne de Toulouse, de 1270.
Il est donc évident, Messieurs, d'après tous les détails que vous venez d'entendre, que le Comtat Venaissin et l'Etat d'Avignon n'ont jamais du être séparés des domaines des comtes de Provence; qu'en vertu du droit d'hérédité ils appartenaient à Charles IV, dernier comte titulaire, et que par lui ils ont été transmis, par un droit qu'aucun de 6es prédécesseurs n'a pu perdre, aux rois de France qui représentent les comtes de Provence.
La possession des papes a-t-elle été paisible, et est-elle, quant à la France, à titre irrévocable ou à titre d'engagement révocable à volonté?
Depuis la cession faite par Philippe le Hardi, en 1274, du Comtat Venaissin, et l'acquisition de l'Etat d'Avignon en 1348,1a possession des papes a souvent été troublée, soit par des actes révoca-toires, soit par des actes conservatoires, soit de la part des rois de France, par des prises de possession résultant du droit positif.
Les papes jouirent assez tranquillement du Comtat Venaissin depuis 1274 jusqu'en 1308, que Charles II, par son testament, substitua à ses enfants les comtés de Provence et Forcalquier avec tous leurs droits et dépendances.
Or, il est évident qu'Avignon et le Comtat étaient une dépendance inaliénable et substituée du comté de Provence.
En 1334, Robert, par plus ample précaution, déclara tous ses domaines inaliénables, et ordonna de faire rentrer et racheter tous ceux qui pouvaient avoir été aliénés.
Mais les papes avaient imprimé dans tout le monde chrétien une telle crainte qu'on n'osait pas combattre d'intérêt avec eux, ni faire valoir les justes prétentions qu'on pouvait avoir sur quelques-uns de leurs domaines.
En 1343, Robert substitua ses Etats de Provence, Forcalquier, terres adjaceutes et dépendantes, et renouvela la défense d'aliéner, ainsi que l'ordre de faire rentrer ce qui pouvait avoir été aliéné.
Il est évident que ces dispositions sont conservatoires et révocatoires, et qu'il n'excepte aucune des aliénations qui ont pu avoir lieu.
En 1348, même acte fait par Jeanne, reine de Naples et comtesse de Provence.
En 1348, le 24 juillet, un mois après la vente d'Avignon, Jeanne accorda des lettres de notariat au greffier des appellations de sa ville d'Avignon... Et elle dit positivement : « Nous constituons notaire et tabellion dans toute l'étendue de notre comté, notre fidèle Jean d'Osculo, notaire de notre cour d'Avignon. »
En 1350, la même Jeanne accorde des lettres de châtelain au concierge du palais royal d'Avignon. Dans ces lettres elle se sert de ces termes : « Aux officiers de notre ville d'Avignon etc... » Mais chose bien remarquable, en 1350, ldbbet 1368, la même reine Jeanne révoque, par cinq édits, toutes les aliénations qu'elle a pu faire ou qui ont été faites dans ses diverses possessions.
Elle rappelle, dans le premier, les dispositions par lesquelles son aïeul Robert avait expressément défendu toute espèce d'aliénation.
Ensuite elle dit, qu'après la mort de son aïeul, entratnée soit parle
malheur des temps, soit par l'importunité des hommes puissants, soit par
la faiblesse de son âge et de son sexe, et entourée de toutes espèces de
pièges et d'astuces, elle a, au grand dommage de ses peuples et de la
chose publique, aliéné plusieurs de ses domaines; en conséquence elle
déclare que, en raison de ce qu'elle était encore mineure lors de ces
aliéna-
Dans un autre édit de l'année 1365, elle déclare qu'un prince qui doit veiller à la conduite des autres, ne peut concevoir ancune honte de se corriger lui-même.
Elle y rappelle encore les dispositions de Robert, et déclare nulle toute espèce de vente qui a pu être faite des domaines appartenant à elle ou à ses ancêtres. Elle en ordonne la rentrée.
Dans un troisième, de 1365, elle ordonne la rentrée de ces aliénations, dans quelques mains qu'elles soient. Elle veut qu'on n'ait aucun égard aux clauses que pourraient contenir ces actes d aliénations. Elle ordonne même à son sénéchal de procéder à main armée à cette rentrée si cela est nécessaire; elle ajoute cependant que ceux qui ont déboursé de l'argent pourront rester en possession jusqu'à ce qu'ils aient été remboursés. Voilà l'engagement bien marqué; mais qui est-ce qui aurait osé proposer Je remboursement au pape? 11 aurait fallu commencer par lui en demander la permission. On juge s'il l'aurait accordée.
Le quatrième et le cinquième édit de Jeanne sont conçus à peu près dans les mêmes termes.
Une autre circonstance est peut-être encore plus remarquable, c'est que Clément VI, lui-même, en 1349, déclara nulles, par un acte solennel, toutes les aliénations de Jeanne: mais comme, par sa suprême élévation, il était au-dessus de toutes les lois, il ne se crut pas apparemment obligé de donner l'exemple.
Les Avignonais refusèrent de lui faire hommage et prêter serment de fidélité ; il n'osa les contraindre; et ce ne fut que 10 ans après, en 1358, que, n'ayant plus d'esperance de rentrer sou3 la domination de leurs anciens monarques, ils consentirent à prêter ce serment à Innocent VI.
En 1387, Louis II, comte de Provence, révoque toutes les aliénations et ordonne qu'elles rentrent à son domaine, de quelque manière qu'elles aient ete faites.
En 1462, René, roi de Naples et comte de Provence, donne une déclaration contre les aliénations ; ensuite les rois de France, Charles VIII François Ier, Henri II, François II, Charles IX et suivants, ont rendu une grande quantité de déclarations sur les aliénations de leurs domaines de Provence. Plusieurs d'entre eux ont accordé des lettres de naturalité à des Avignonais.
Ces lettres portent expréssement : Sans préjudice de nos droits par nous prétendus, et qui nous appartiennent en ladite ville et cité d'Avignon.
D'autres portent ces mots : « Toutefois causant que ladite ville d'Avignon et Comtat Venaissin sont à présent tenus et possédés par notre Saint-Père le pape, par engagement de nos prédécesseurs, duquel nous avons le droit » ; et ensuite la clause conservatoire.
Eu 1612 les états et, en 1668, la noblesse de Provence firent des représentations sur les révocations d'aliénations; mais ils exprimèrent positivement qu'ils ne demandaient que la conservation des inféodatioos faites avec réserve de souveraineté et de majeure seigneurie et quils n'entendaient parler en aucune manière de ce qui pouvait avoir été aliéné à des étrangers ou a des princes.
En 1622 et 1660, Louis XIII et Louis XIV firent leur entrée solennelle à Avignon. Les clefs de la ville et 200 médailles d'or leur furent présentées; les prisons furent visitées par leurs officiers ; ils délivrèrent des prisonniers et donnèrent des lettres de grâce.
En 1662, après l'attentat commis à Rome sur la personne de notre ambassadeur, Louis XIV écrivit au Parlement d'Aix : « Qu'ayant résolu « de rentrer dans ses domaines et considérant « que la ville d'Avignon et le Comtat Venaissin « ont été aliénés du comté de Provence, il lui « mande et enjoint de tenir la main à ce que le vi-« ce légat soit obligé d'exhiber à son Parlement « les tures en vertu desquels notre Saint-Père le « pape jouit de la ville d'Avignon et du Comtat Venaissin. »
Le vice-légat fut assigné et n'ayant pas comparu, le Parlement prononça la réunion « à la « Couronne de la ville d'Avignon et du Gomtat « Venaissin, comme étant dépendants de l'an-« cien domaine de Provence, duquel ils n'avaient « pu être aliénés ni séparés, sauf au roid'ordon-« ner pour la finance qui a été effectivement « payée lors de l'aliénation de ladite ville d'Avi-« gnon, ainsi qu'il appartiendra. »>
Il est à remarquer que cet arrêt n'est que l'exé-cutg» des édits de révocation donnés par la reine Jeanne, 300 ans auparavant.
^e,Ka,ltér de Pise ayant été sigué le 12 fé-vrie 1664, Louis XIV voulut bien rendre Avignon et le Gomtat au pape.
. L® Parlement de Provence fit réserve des droits inaliénables et imprescriptibles de la Couronne.
En lb88, sur de nouveaux sujets de mécontentement, le roi ordonna simplement l'exécution de 1 arrêt du Parlement de 1663. L'arrêt fut exécuté.
En 1689, Louis XIV ordonne de nouveau de remettre le pape Alexandre VIII en possession d Avignon et du Gomtat,pour en jouir comme par
16 pdSS6,
Le Parlement enregistra avec la clause : Sans préjudice de la propriété déclarée inaliénable et imprescriptible.
» ir Louis xv> mécontent du pape Clé-menHIJ» 8 en\Para d'Avignon et du Comtat; mais en 1774, après une assez longue négociation, il en ordonna la restitution qui fut effectuée le . avril sauf la clause conservatoire des droits inaliénables delà propriété.
11 est utile d'observer qu'Avignon a toujours été soumis a la gabelle de France. On peut s'en convaincre par la lecture d'un mémoire tiré des archives des affaires étrangères.
Un bail passé par François I", en date du ^b mars 1532, porte expressément que les contestations qui naîtront à ce sujet, seront portées devant Sa Majesté en son conseil.
La France a possédé jusqu'à présent plusieurs autres établissements dans la ville d'Avignon. L est un fait connu de tout le monde.
Il est évident que tout ce que je viens d'avoir 1 honneur de vous dire, Messieurs, étant appuyé eur les pièces les plus authentiques, prouve invinciblement :
1º Que la possession des Papes n'a pas été paisible;
2° Que ceux qui avaient aliéné ont eux-mêmes révoqué ces aliénations; que tous ceux qui ont eu droit à la chose ont fait des actes ou révocatoi-res ou conservatoires; que quelques-uns même, tels que nos rois, se sont mis en possession de ces domaines, comme étant leur propriété ; qu'ils ne les ont rendus que par condescendance pour les papes et pour le Saint-Siège, mais qu'ils les ont toujours considérés comme des engagements.
3º Il résulte de ce qui vient'd'être dit, que les pape3 ne possèdent pas, quant à la France, à titre irrévocable, mais bien a titre révocable à volonté de la part des hauts souverains.
En supposant que le droit d'hérédité ou de haute propriété n'existât pas en faveur de la France, et que les papes eussent joui, jusqu'à présent,par la seule volonté des Avignonais et des Comtadms, ces deux peuples ont-Us aujourd'hui le droit de se déclarer libres et indépendants ?
Je présume, Messieurs, que cette question ne souffrira aucune difficulté, surtout si l'on veut la considérer sous son vrai point de vue.
Un peuple qui existe sans aucune agrégation avec un autre peuple, qui ne fait partie d'aucune autre société que de la sienne propre, qui n'a formé aucun lien, qui n'a passé aucun contrat avec d'autres individus que ceux dont il est lui-même composé, est par cela même libre et indépendant; il peut, quand il lui plaît, adopter telle ou telle forme de gouvernement, république', monarchie, démocratie, aristocratie, despotisme même; il peut choisir ce que bon lui semble; il peut combiner toutes ces formes de la manière qui lui paraîtra la plus avantageuse, et nul n'a droit de l'en empêcher; car les gouvernements ne sont faits que pour les gourvernés et ne doivent être faits que par eux.
Ces vérités ont été longtemps méconnues des peuples; et si le despotisme eût mieux calculé se3 intérêts, s'il eût moins appesanti son joug, peut-être serions-nous à cet égard dans les ténèbres de l'ignorance. C'est ainsi que de l'excès du mal naît le bien. La lumière vient de briller; espérons que ces progrès seront rapides.
Qu'on applique les réflexions précédentes aux Avignonais et aux Comtadins ; qu'on oublie que leurs pays ont été aliénés ou cédés ; qu'on suppose qu'ils n'ont été soumis aux papes que par leur pleine et seule volonté, ils étaient donc alors libres et indépendants; ils le sont donc encore aujourd'hui. S'ils le sont aujourd'hui, ils peuvent donc changer leur forme de gouvernement.
On nous parle quelquefois des contrats passés entre les peuples et les gouvernements, et ces contrats, dit-on, sont obligatoires par le peuple.
Si, par contrat, on entend la promesse que font les administrateurs des nations, quelque nom qu'on leur donne, de gouverner à telle ou telle autre condition; promesse qui, de leur part, est entièrement libre, car ils peuvent refuser ou accepter, je conviens alors qu'il existe un contrat; mais il n'est pas de la même nature pour les peuples et pour les administrateurs. Les peuples n'ont nul besoin du consentement de leurs administrateurs, pour changer leur gouvernement. Il ne faut pour cela que leur volonté. Les administrateurs au contraire, ne peuvent faire aucun changement, sans le consentement formel des peuples; mais ils conservent toujours le droit d'examiner mûrement tel ou tel changement que le peuple propose, afin de prendre pour eux-mêmes telle détermination qui leur conviendra; car, dans aucune circonstance, ils ne peuvent être forcés à conserver les places auxquelles le choix des nations les a éleves.
Je crois que ces vérités sont de principe, et qu'elles ne choqueront que les ennemis de la liberté. (Applaudissements à gauche.)
Mais, dira-t-on, si l'on admet ces principes, il s'ensuivra, car il faut aborder la question, que telle ou telle province de France pourra se séparer de la monarchie? Non; car telle ou telle province des Français ne forme pas aujourd'hui un peuple indépendant. Sansdoute, avantlaRévolution, avant le pacte constitutionnel qui vient de réunir toutes les parties de la Frauce, chacune de ces parties aurait pu se séparer; elle en avait le droit, car elle n'avait avec les autres aucun pacte social consenti par elle et par tous. (Murmures à droite.) Mais aujourd'hui les 24,000,000 de Français sont liés entre eux, à l'exception peut-être de quelques ennemis du bonheur public. (Rires à droite.) Sont liés entre eux par un pacte social qui oblige chacun envers tou3, et tous envers chacun ; et nul ne peut rompre ce pacte que par la volonté des autres associés. Sans cela la société pourrait se dissoudre à chaque instant. Mais supposons, j'y consens, que le lien mutuel n'existe pas entre les différentes sections de l'Empire ; où ira, que fera, pour être mieux, celle qui voudra se séparer? (.Murmures à droite.) Remplacez les Avignonais et les Comtadins.
J'avoue que j'ai le plus profond respect pour le gouvernement du chef spirituel de l'Eglise ; mais je n'ai pas la même opinion de son gouvernement temporel. Et certes, ce n'est pas une diatribe que je veux faire contre lui ; car je suis profondément convaincu que, quelque mérite qu'ait un pape, il ne peut que très imparfaitement réparer les vices essentiellement attachés à la forme de ce gouvernement. Je répète que je ne parle ici que du gouvernement purement temporel.
Pour en revenir à la question, je dis: 1° qu'en supposant que les Avignonais et les Comtadins obéissaient aux papes de leur pleine et entière volonté, ils étaient donc libres et indépendants; ils le sont donc encore aujourd'hui, et ils peuvent conséquemment changer la forme de leur gouvernement.
2° Que ce principe ne peut s'appliquer à aucune section du peuple français, dont tous les individus sont aujourd'hui réunis par le pacte social qu'ils ont librement consenti; que c'est la totalité de la nation qui est indépendante, et non une section de l'Empire. (Bruit.)
3° Que, quand même ce pacte social n'existerait pas, aucune section ne se séparerait, car que pourrait-elle faire, où pourrait-elle aller pour être mieux ?
Si les Avignonais et les Comtadins sont libres et indépendants, n'ont-ils pas le droit de demander leur réunion à la France ?
Il est évident qu'un peuple libre et indépendant, ayant le droit de faire tout ce qu'il croit le plus avantageux, peut continuer de former une société particulière, en adoptant telle forme de gouvernement qu'il lui plaît, ou se réunir à une autre société dont le gouvernement lui convient, en jurant son pacte fédératif. Or, j'ai supposé que les Avignonais,et les Comtadins [étaient libres et indépendants j donc ils ont le droit de demander leur réunion a l'Empire français.
D'ailleurs ne pourraient-ils pas faire ce dilemme? Ou nous étions libres
et indépendants lorsque les papts ont commencé à nous gouverner ; or
nous n'avons pas pu perdre ce caractère ineffaçable de liberté et
d'indépendance, et nous en
La France, en vertu du droit d'hérédité ou de haute propriété, n'a-t-elle pas celui de rentrer, quand il lui plaît, dans les domaines d1 Avignon et du Comtat Venaissin?
Je crois avoir suffisamment prouvé, Messieurs, qu'Avignon et le Comtat Venaissin n'avaient jamais pu être aliénés légitimement; qu'ils faisaient partie intégrante du comté de Provence, et aujourd'hui ae la monarchie française, depuis la réunion de ce comté à la Couronne ; que la possession des papes ne pouvait être considérée que comme un engagement. Il est donc incontestable que la France peut, quand il lui plaît, rentrer dans les domaines d'Avignon et du Comtat Venaissin.
Je sais qu'on m'objectera la prescription en faveur des papes; quon dira qu'il n'y a rien de certain, puisqu'une possession de 517 ans du Comtat Venaissin, et ae 443 ans de la ville d'Avignon, ne suffit pas pour assurer la propriété.
Sans doute la prescription doit être admise en certains cas ; mais c'est lorsque la possession est immémoriale, lorsque le principe n'en est pas connu, lorsqu'elle est chargée d'une telle obscurité, que celui qui revendique et celui qui possède n'ont que des titres imparfaits et défectueux, auquel cas le possesseur doit être à l'abri des recherches ; lorsqu'elle n'est pas fondée sur un titre vicieux, lorsqu'elle a été paisible et sans réclamation, lorsqu'on n'a pas de titres à lui opposer.
Or, la possession n'est pas immémoriale, puisque tout le monde sait que c'est ou en 1229, si 1 on veut dater du traité de Paris, ou en 1274, si l'on veut dater de la cession faite par Philippe le Hardi, que les papes sont entrés en possession du Comtat Venaissin, et que c'est en 1348 qu'ils ont acquis la ville d'Avignon.
Le principe en est connu, puisque nous savons que, quant au Comtat Venaissin, ce sont, ou Grégoire IX, en 1229, ou Grégoire X en 1274 ; et quant a Avignon, Clément VI en 1348, qui ont commencé à jouir.
Le commencement et la suite de la possession ne soDt pas chargés d'obscurité, puisque les vendeurs et acquéreurs sont parfaitement connus; que l'existence des titres, soit des acquéreurs, soit des vendeurs, n'est pas incertaine, puisqu'ils sont entre les mains de tout le monde; et que, d'après l'examen qui tant de fois en a été fait, et qu'on peut renouveler chaque jour, il n'y a pas lieu à l'application de la règle de droit civil et de droit des gens, qui porte que, dans l'obscurité et dans le doute, le possesseur et surtout le très ancien possesseur, doit être à l'abri des recherches.
Il n'y a pas d'obscurité dans la suite de la possession, car on en connaît toutes les périodes.
Elle est fondée sur un titre vicieux ; car, quant au Comtat Venaissin, j'ai prouvé :
1° Que le traité de 1229, par lequel Raymond céda ce pays au pape, fut le résultat de la haine, de l'intérêt, de la crainte, de la fourberie et surtout de l'abus du pouvoir religieux dont, à cette époque, abusaient étrangement les papes;
2° Que la cession, faite en 1274 par Philippe le Hardi au pape Gregoire X, était d'une injustice manifeste et de toute nullité, puisque le Comtat n'appartenait pas à ce prince, ayant été légué en 1270, par Jeanne de Toulouse, à Charles d'Anjou, comte de Provence.
Quant à la vil le d'Avignon, j'ai également prouvé que la vente en était vicieuse, puisqu'elle fut faite, par une mineure, grevée de substitutions, qui conséquemment n'avait pas qualité pour Vendre, et d'ailleurs l'objet vendu était, de sa nature, inaliénable.
La possession n'a pas été paisible; car j'ai prouvé que depuis l'époque, soit de la session, soit de la vente, jusqu'à nos jours, tous ceux qui avaient droit à la chose, n*ont cessé de faire des réclamations; quelques-uns même ont fait valoir leurs droits dans toute leur étendue.
On a des titres légitimes à opposer à la possession; car on peut représenter les actes répétés, qui.grèvent de substitutions les objets vendus ou cédés; ceux en grand nombre qui les déclarent inaliénables, et plusieurs testaments faits par ceux qui avaient droit ou qualité pour en disposer.
La prescription ne peut donc pas être alléguée en faveur des papes. Mais, dira-t-on, il n'y a rien de certain entre les nations, puisqu'une possession de plus de cinq cents ans ne suffit pas pour assurer la propriété.
Je réponds à cette question par une autre question.
En droit politique, un roi mineur peut-il, a-t-il j'amais pu, dans quelque pays que ce soit, aliéner une partie du domaine national, sans le consentement de son conseil de régence, et même de la nation? J'irai plus loin, François I®r était majeur en 1526, lors du traité de Madrid, où il était prisonnier ; il céda la Bourgogne à Charles-Quint. De retour en France, un cri général s'éleva contre ce traité; partout on répéta qu'on ne consentirait jamais à la cession des provinces désignées dans le traité de Madrid. Les Bourguignons notamment dirent qu'ils ne le souffriraient pas.
Eh bienl Quant à Avignon, Jeanne était mineure ; elle ne pouvait aliéner sans le consentement de son conseil de régence et de la nation provençale.
Quant au Comtat Venaissin, Raymond était à Paris en 1229. à peu près dans la même position que François l8r, a Madrid, en 1526.
Mais le droit de conquête? Quelque barbare, quelque atroce qu'il soit, je suis forcé de convenir qu'il existe; et que les traités qui suivent les guerres sont obligatoires, jusqu'à ce qu'il s'élève une nouvelle guerre; car les parties lésées cherchent toujours à prendre leur revanche.
Mais, en tout état de cause, je ne crois pas que le père commun des fidèles voulût alléguer en sa faveur le droit de conquête, surtout quand, comme Grégoire IX. on abuse du pouvoir religieux, et qu'on emploie, pour combattre, les excommunications et les foudres de l'Eglise.
J'ai encore, Messieurs, une observation qui me paraît importante à faire.
Jusqu'à présent, quelques-uns de nos rois ont pris ou rendu Avignon et
le Comtat, selon qu'ils étaient contents ou mécontents des papes.
J'avoue que cette mesure me paraît peu digne et de nos rois et des
papes; c'est mettre, pour ainsi dire, à l'enchère les grâ-
Si la France, en vertu du droit d'hérédité, ou de haute propriété, veut prononcer la réunion, n'a-t-elle pas, à plus forte raison, le droit d'accepter l'offre des Avignonais et des Gomtadins, supposés libres et indépendants?
J'ai déjà prouvé plusieurs fois que la France avant un droit positif sur Avignon et le Goœrtat Venaissin, pouvait en vertu de ce droit, ordonner la réunion de ces deux paya à l'Empire français. ,
Il est tout aussi évident que, en supposant les Avignonais et les Comtadins libres et indépendants, elle peut, sans blesser le droit politique des nations, accepter l'offre que ces peuples lui font de se réunir à la France. Elle n'a pour cela d'autres motifs à consulter que celui de son intérêt, dès que son droit et celui des deux peuples sont bien reconnus et constatés.
Est-il de l'intérêt de la France d'ordonner la réunion en vertu de son propre droit, ou de l'accepter en vertu de l'indépendance supposée des Avignonais et Comtadins?
Cette question est très facile à résoudre ; car, soit que la France ordonne la réunion en vertu de son droit, soit qu'elle l'accepte en vertu de celui des Avignonais et Comtadins, le résultat sera le même pour son intérêt et pour celui des deux peuples réunis; car je ne présume pas que l'un ou l'autre mode de réunion puisse apporter quelque changement dans les conditions à stipuler.
La Constitution, décrétée par l'Assemblée nationale et acceptée par le roi, deviendra, dans le cas de réunion, celle des Avignonais. Nos lois leur seront communes, à l'exception peut-être de celles relatives à nos dettes; car il ne serait pas juste qu'ils contribuassent à l'acquittement des sommes qui, en aucune manière, n'ont tourné à leur avantage; ils ne devront être soumis qu'aux subsides nécessaires pour l'entretien annuel du gouvernement et de l'administration religieuse, civile, politique et militaire, à moins que, ayant eux-mêmes des dettes nationales à acquitter, ils ne préfèrent les confondre avec les nôtres pour être acquittées par la partie de nos subsides destinée à cet emploi. Dans ce cas, ils supporteraient tous les impôts que payent actuellement les autres Français.
Mais ceci doit être renvoyé aux moyens d exécution, si l'on effectue la réunion.
Cette réunion devkra-t-elle causer de l'ombrage aux nattons ou aux princes de l'Europe.
Les nations étrangères et les princes pourraient concevoir de l'ombrage de la réunion d'Avignon et du Comtat à la France, si nos droits sur ces deux pays n'étaient pas aussi légitimes. Personne en Europe ne les ignore. La prise de possession de ces deux pays par Louis XIV en 1662 et 1668, et par Louis XV en 1768, ont fait connaître, à tous ceux qui veulent s'instruire.la légitimité de nos prétentions sur ces deux pays. Les cabinets des différents princes renferment certainement les traités, conventions et négociations qui ont eu lieu dans ces temps, notamment le traité de Pise sous Louis XIV. Toutes les bibliothèques contiennent les preuves incontestables de nos droits. La situation d'Avignon et du Comtat au milieu de nos provinces est connue de tout le monde.
Quelles seraient donc les causes raisonnables des jalousies et inquiétudes des princes de l'Europe?
C'est une conquête, dira-t-on, mais une conquête est le résultat, ou d'une guerre faite franchement entre deux ou plusieurs peuples, ou d'une agression hostile et imprévue [Murmures à droite.) -, et le mot conquête ne s'applique qu'à un territoire qu'on n'a jamais possédé, ou qu'on ne possède plus, en vertu d'un traité solennellement fait entre deux parties qui avaient qualité pour traiter.
Aucun de ces caractères ne se trouve dans la réunion proposée.
Ge n'est point une conquête ; car la réunion ne sera le résultat d'aucune guerre, ni d'aucune agression hostile de la part de la France.
Ce n'est point une conquête, car ce territoire ne formera pas pour nous une nouvelle possession. De tout temps, il a été reconnu pour être une partie inaliénable du comté de Provence. La France en a toujours conservé la haute propriété. Seulement elle a bien voulu, par certaines considérations pour la cour de Rome, en laisser la jouissance aux papes. C'est donc dans cette jouissance que nous rentrerons, en indemnisant le pape, s'il y a lieu, des sommes que ses prédécesseurs ont pu débourser pour l'acquérir.
Ce ne sera donc pas la loi du plus fort contre le plus faible. La loi du plus fort entraîne toujours avec elle l'idée d'une injustice. Elle ne peut s'appliquer qu'à un objet dont on s'empare sans y avoir aucun droit...
Hé bien! Soyez les plus faibles et venez-y.
Plusieurs membres : A l'ordre 1 à l'ordre!
Ce caractère se retrouve-t-il dans la réunion d'Avignon et du Comtat? Le plus fort ne commet donc aucune injustice, lorsqu'il reprend ce qui lui appartient : il ne fait qu'user de son droit.
Pour mieux faire sentir cette vérité, je demande la permission
d'appliquer le principe à un fait. Il existe, dans l'intérieur de la
France, deux pays qui nous sont entièrement étrangers, quant à la
souveraineté; la principauté de Montbéliard, enclavée entre les
terres de l'ancienne Franche-
Nous n'avons aucune espèce de droits sur ces deux pays : si nous voulions nous en emparer, ce serait là la loi du plus fort,^t par conséquent une extrême injustice; et certes l'Assemblée nationale n'ordonnera jamais une telle mesure. Mais, en supposant que cela pût être, ce serait alors que les nations et les princes auraient le droit de s'élever contre nous ; car il est évident que nous serions gouvernés par l'esprit de rapine et de conquête. Je demande actuellement s'il y a aucune espèce de parité entre les deux pays dont je viens de parler, et les domaines d'Avignon et du Comtat Venaissin.
Il me semble encore avoir entendu faire, coDtre la réunion, une objection relative aux princes très puissants.
Mais, a-t-on dit, si au lieu du pape un des princes les plus puissants de l'Europe possédait Avignon et le Comtat, ordonneriez-vous la réunion ou l'accepteriez-vous d'après le vœu des Avignonais et Comtadins ?
Voix diverses : Non 1 non ! Oui ! oui !
Cet argument est bien futile; car la force de mon adversaire m'ôterait elle mon droit? Elle ne fait tout au plus qu'en suspendre J'exercice.
Je dois, en cette occasion, consulter mon intérêt, et je raisonne ainsi : J'ai un droit certain à telle chose; mais, dans ce moment-ci elle est injustement retenue par quelqu'un qui est plus fort que moi, et qui ne consent pas à me la rendre. Mon intérêt alors me prescrit de l'abandonner; car avec elle je pourrais perdre ce que je possède ailleurs. Si celui qui la retient est d'une force égale à la mienne; je ferai encore sagement d'attendre une occasion plus favorable, pour faire valoir mon droit, car le combat pourrait être douteux. (Rires et applaudissements.)
Mais celui qui la retient, quoique plus faible que moi, est cependant en état de résister longtemps. Je dois alors calculer si les dépenses que je ferais, pour rentrer dans mes droits, n'absorberaient ou même n'excéderaient pas le profit qui me reviendrait de la jouissance de ma propriété.
Et cependant mon droit n'en existe pas moins. Je fais donc sagement de rentrer dans la chose qui m'appartient réellement, lorsque j'en trouve 1 occasion; et, par cette conduite, je ne blesse ni la morale, ni la justice, ni la raison, ni le droit des nations. (Murmures à droite.) L'objection est donc absolument oisive.
Mais, dit-on encore, si d'autres neuples, voulant se déclarer libres et indépendants, demandaient à se réunir à la France, vous accepteriez donc leur vœu? Quelle conséquence! Les principes de justice et de raison, principes que nous avons solennellement consacrés par un décret, ne nous prescrivent autre chose envers les peuples qui voudraient se rendre indépendants, que de ne pas nous opposer à ce qu'ils soient libres; mais ils ne nous prescrivent nullement de les adjoindre ou incorporer à l'Empire français.
Les autres peuples peuvent exercer leurs droits indépendamment de nous, comme nous avons exercé les nôtres indépendamment d'eux. La conséquence qu'on a prétendu tirer de la réunion d'Avignon, relativement aux autres peuples, est donc évidemment fausse. Les nations et les princes de l'Europe n'ont donc aucun motif raisonnable de concevoir de l'ombrage de cette réunion; au total, s'il s'en trouve d'assez déraisonnables pour nous désapprouver, qu'ils viennent nous attaquer.....
Plusieurs membres à droite : Ah ! ah !
rapporteur. Nous leur ferons sent r la différence qu'il y a entre les bras armés par le despotisme, et ceux armés par la liberté...
Voix diverses : Ah ! ah ! Oui ! oui !
rapporteur. Et je leur promets que les combats que nous leur livrerons ne seront pas des jeux d'enfants. (Rires et applaudissements à droite.)
Nous ne provoquons personne, et je suis étonné que M. le rapporteur provoqué les pays étrangers.
rapporteur, mais, pour me servir de 1 expression de Trivulce à la bataille de Marignan : « Ce seront des combats de géants. »
Un membre à droite: Surtout si vou3 commandez Farinée.
rapporteur.
Par cette réunion l'Assemblée nationale contrevien-dra-t-elle à ses décrets?
L'esprit et la lettre des décrets de l'Assemblée nationale, relativement à la guerre, sont de n'en jamais faire d'injustes, de n'être jamais les agresseurs, de ne pas faire de conquêtes, de ne pas envahir la propriété des autres nations.
Or, j'ai démontré que, pour réunir Avignon nous n entreprendrions pas de guerre, mais qu'en supposant même que nous fussions obligés de la faire pour cet objet, la justice serait entièrement de notre côté : car la guerre serait défensive.
J'ai démontré que la réunion d'Avignon n'était pa3 une conquête : j'ai prouvé que ces deux pays etaient notre propriété : Donc, en ordonnant on acceptant 1 ur réunion, l'Assemblée nationale ne contreviendra en aucune manière à ses décrets.
Si la réunion est ordonnée ou acceptée, sera-t-U dû quelque indemnité au pape ?
Plusieurs membres : Eh ! eh !
Quant au Comtat Venaissin, on ne retrouve nulle part de trace certaine qu'aucun pape en ait acheté la jouissance. En 1209, Innocent III se fit remettre en dépôt plusieurs places du Comtat, pour s'assurer, disait-il, de la parole du comte de Toulouse. Il les garda.
En 1229, Grégoire IX se fit céder tout le Comtat, et il assura lui-même qu'il ne le gardait qu'en dépôt.
En 1274, Grégoire X se le fit donner par Philippe le Hardi, auquel il
n'appartenait pas; mais on ne retrouve, à cet égard, aucune
stipulation d'argent. Il est donc très probable que jamais
Quant à Avignon, le contrat de vente de 1348 porte formellement que Jeanne vendit cette ville au pape Clément VI, pour le prix et la somme de 80,000 florins d'or que, dans le paragraphe second dudit testament, elle confesse avoir reçu des mains d'Etienne, évêque de Saint-Pons.
Mais, chose très remarquable, dans le paragraphe 8 de ce testament elle renonce à la faculté de se plaindre de n'avoir pas touché les sommes qu'elle confessait avoir reçues. Quelle précaution de la part du chef de l'Eglise I
En effet, plusieurs historiens du temps prétendent qu'elle ne toucha rien des 80,000 florins stipulés dans le contrat de vente, mais seulement une quittance de 40,000 florins, montant des arrérages pour deux ans du tribut annuel de 20,000 florins, ou 8,000 écus d'or que payaient les rois de Naples, en vertu de la convention faite entre Charles Ier et Clément VI.
D'un autre côté, un nouvel historien de Provence, Papon, père de l'oratoire, assure qu'on a retrouvé une quittance de cette somme passée à la décharge de Nicolas Arciaioli, dans le compte rendu par lui de l'emploi qu'il en avait fait pour le besoin de l'Etat.
Quoi qu'il en soit, il ne serait pas de la dignité de la nation française de faire des recherches sur cet objet; puisque cette somme de 80,000 florins est portée dans le contrat, elle est censée avoir été payée et elle doit être remboursée, eu évaluant largement ce que le florin d'or de ce temp3-là pourrait valoir aujourd'hui. Le Parlement de Provence a eu la même opinion en 1663.
Si même la cour de Rome prouve avoir déboursé d'autres sommes, si elle a des répétitions légitimes à faire, elles devront lui être remboursées avec cette générosité qui caractérise la nation française.
Le roi sera prié de donner des ordres à cet égard, si la réunion est prononcée.
La justice du droit de la France ayant été préalablement établie, est-il de son intérêt politique d'ordonner la réunion ? Serait-il dangereux de ne le pas faire ?
La position d'Avignon et du Comtat Venaissin prouve évidemment qu'il est de l'intérêt politique de la France de consommer la réunion. Ces deux pays, situés entre le Rhône, les départements de la Drôme, des Basse-Alpes et des Bouches-du-Rhône, offrent une surface de 45 lieues carrées, dont le sol est en général très fertile.
La ville d'Avignon, bâtie au confluent du Rhône et de la Durance, au pied d'un rocher d'une assez grande élévation, présente à la France, surtout à cause de son voisinage des montagnes, une place d'une très grande importance.
En supposant nos frontières attaquées du côté de l'Italie, et les armées ennemies victorieuses, elle pourrait, entre nos mains, offrir une barrière très difficile à franchir. Relativement au commerce, la ville d'Avignon et le Comtat sont encore d'une plus haute importance pour la France. Si ces pays restent sous la domination du pape, ou qu'ils forment un Etat indépendant, les relations commerciales de tous les départements environnants éprouveront les gênes les plus désastreuses. Il faudra se résoudre à envelopper ce pays de barrières pour empêcher la contrebande et le versement de ses manufactures, qui fourniront à meilleur marché que les nôtres. Nous serons, pour ainsi dire, dans un état de guerre continuelle avec des peuples qui ne demandent qu'à être Français et à vivre sous nos lois.
En outre il faudra nécessairement leur acccor-der un droit de transit pour communiquer avec l'étranger. Quel surcroît de dépenses pour nous 1 Car ce droit de transit nécessitera l'entretien d'une armée entière de commis; si, comme on l'a proposé, au lieu de les environner de barrières, on les assujettit à nos douanes et à toutes ces prohibitions, ou lève annuellement sur eux, une somme équivalente, calculée d'après les registres des fermes depuis dix ans, il s'ensuivra que les Avignonais et les Comtadins seront fiscalement français, mais ne participeront en rien au bénéfice de notre Constitution.
Car dans cet état de choses, ou ils resteront sous la domination des papes et alors ils seront soumis à notre fiscalité, et celle de la cour de Rome, sans jouir du bénéfice de la liberté ; ou ils formeront un Etat indépendant, et alors soumis, ainsi que dans l'autre hypothèse, à notre fiscalité, ils seront, en outre, obligés de lever des subsides pour leur propre administration. La liberté sera donc pour eux une charge, au lieu d'être un bienfait, et nous ne leur aurons donné de notre Constitution que l'obligation de nous payer des impositions.
Et de quel droit ferions-nous de tels arrangements? Parce que nous y trouverions notre avantage ? Parce que notre commerce en serait moins gêné? Pouvons-nous disposer ainsi d'un peuple qui ne serait pas français? Et par quel motif, l'auteur de cette opinion propose-t-il un si bel ordre de choses ? Pour conserver au pape la possession de domaines qui ne lui appartiennent pas? Il aime donc mieux faire 150,000 malheureux que déplaire à un seul individu?
Je crois avoir prouvé que notre intérêt politique et commercial, ainsi que celui des Avignonais et Comtadins exigeaient ta réunion.
Examinons actuellement s'il serait dangereux pour nous de ne pas la consommer.
Dans la première hypothèse, c'est-à-dire que les Avignonais et les Comtadins continueront à être soumis au pape, leur pays deviendra le réceptacle de tous les ennemis de notre liberté et de notre Constitution. Le fanatisme religieux y exercera ses ravages ; il s'y formera un foyer ae désordres qui, s'étendant dans les départements voisins et surtout dans la partie méridionale de la France, y portera sans cesse le germe de la guerre civile, y établira l'anarchie, et y renouvellera ces scènes d'horreurs dont le récit, fait au milieu de cette Assemblée, nous a tous fait frémir.
Les partisans de l'ancien régime, toute cette classe d'hommes pervers,
qui ne vivaient que d'abus, qui comptaient pour tout l'argent et pour
rieu les hommes, se retireront dans ce pays, d'où ils saisiront toutes
les occasions de répandre dans l'Empire français leur criminelle
influence. D'un autre côté toute cette fouie d'hommes, d'étrangers qui,
n'ayant rien à perdre et tout à gagner dans le désordre, errent sans
cesse, d'un bout
Et, Messieurs, croyez que ce' tableau n'est pas chargé. Tout ce que je viens de vous dire a existé et existe aujourd'hui. C'est principalement d'Avignon que, dans le temps de nos malheureuses guerres de religion, le fanatisme lançait ses torches sur tout le reste de la France. Peut-être que
sans Avignon, la Saint-Barthélémy..... mais je
viens de prononcer un nom qui déshonore la Francel Tâchons de l'oublier; et si nous nous en rappelons quelquefois, que ce ne soit que pour nous féliciter d'avoir établi la liberté religieuse, qui laisse à chacun le droit de rendre à l'Eternel le culte qu'il croit le meilleur.
Les inconvénients dont je vous ai parlé existent aujourd'hui dans le comtat et à Avignon; j'en appelle à témoin tous les départements voisins : j'en appelle à témoin cette foule de lettres, d'adresses, de pétitions qui nous sont arrivées d'Orange, d'Aix, de Valence, de Toulon, de Marseille, de Nîmes, de Château-Renard, de Cour-teson, de Mânes, d'Apt, de Nyons, d'Arles, de Cette, et de plusieurs autres villes; j'en appelle à témoin ces demandes réitérées des directoires des départements de la Drôme, des Basses-Alpes, du Var, des Bouches-du-Rhône, du Gard, des municipalités des départements des Bouches-du-Rhône, des Basses-Alpes et du Var réunies à Brignoles le 17 mai 1790, des gardes nationales de ces départements, des sociétés des amis de la Constitution (Applaudissements à gauche)...
Plusieurs membres à droite : Ah ! ah !
rapporteur..... qui tous vous
conjurent au nom de la paix, de la tranquillité publique et de l'humanité, de prononcer définitivement sur la pétition des Avignonais et Com-tadins; qui tous vous pressent de décider du sort de 150,000 individus, livrés, dans ce moment, à toutes les horreurs de la guerre civile, et qui s'entre-détruisent mutuellement, quoique tous tendent au même but, la réunion avec la France; mais trompés parles fanatiques, ils sont devenus sans s'en douter, les instruments des fureurs de leurs ennemis et des nôtres ; et si vous ne vous déterminez pas promptement à cette réunion, bientôt ce beau pays ne sera qu'un désert, dont la vue vous' rappellera sans cesse qu'un mot prononcé par vous pouvait conserver l'existence a 150,000 individus qui vous demandent la vie et une constitution.
Je viens de vous prouver, Messieurs, qu'il était de votre intérêt politique, de celui des Avignonais et Comtadins, de prononcer la réunion. Je crois vous avoir également prouvé que l'avis contraire devait vous exposer aux plus grands dangers. Je passe à une autre question.
Avignon et le comtat Venaissin ont-ils fait et
font-ils encore un Etat séparé entre eux ?
11 est inutile de chercher à prouver que le Comtat Venaissin et Avignon n'ont rien de commun, quant au gouvernement, avec les Etats de l'Eglise en Italie. Personne n'ignore qu'il existe entre ces deux pays et les Etats de l'Eglise, la même séparation qu'entre l'Angleterre et le Hanovre, l'Angleterre et l'Irlande, et une multitude d'autres pays très différents entre eux, quoique gouvernes par le même prince.
Ce qui a pu tromper quelques personnes, c'est qu'on appelait à Rome du tribunal de la Rotte établi à Avignon ; mais les causes étaient jugées à Rome selon la jurisprudence avignonaise. Il en était de même du Comtat.
Ainsi nulle agrégation entre ces deux pays et les Etats de l'Eglise en Italie.
Quant à Avignon et au Comtat Venaissin, comparés entre eux avant qu'ils fussent sous la domination des papes, ils envoyaient séparément leurs députés aux Etats ou assemblées nationales de Provence. Cependant, à raison des querelles et des guerres qui n'ont presque jamais cessé entre les différents possesseurs des sections du comité de Provence, ces assemblées ne se tenaient pas très régulièrement. Avignon a même existé pendant quelque temps presque sous la forme d'une république, ainsi que plusieurs autres villes de Provence.
Le Comtat, ayant été cédé au pape en 1274, prit une forme de gouvernement particulière; il fut établi des assemblées, sous le nom d'Etats, qui ont subsisté jusqu'à présent.
Avignon prit aussi une forme de gouvernement, et eut des assemblées nommées parlements généraux, qui ont subsisté jusqu'à nos jours.
Avignon ne députe pas aux Etats du Gomtat Venaissin et réciproquement le Comtat ne députe pas au parlement d'Avignon. Dans ces deux assemblées, on y traite les affaires politiques et économiques, généralement enfin tout ce qui regarde l'administration.
Avignon est gouverné par un légat qui n'y réside jamais : il habite la ville de Rome. À sa place est un vice-légat qui est commandant général des armées des deux pays.
Le Gomtat est gouverné par un recteur, nommé immédiatement par le pape, et qui réside à Car-pentras. Quelques affaires du Gomtat vont par appel au vice-légat, qui, en sa qualité de premier représentant du pape, commet le tribunal de la Rotte pour les juger. Chacun des deux pays a ses impôts et son trésor séparés, fait ses dépenses particulières, est chargé de l'entretien des chemins et autres travaux publics. D'ailleurs, Messieurs, les habitants du Comtat vous ont eux-mêmes attesté cette séparation dans une des adresses qu'ils vous ont présentées.
Il est donc évident 1° que le Gomtat et Avignon n'on rien de commun avec Avignon et les autres Etats du pape eu Italie ;
2° Qu'ils sont séparés entre eux, et forment deux pays et deux Etats très distincts.
Cependant, dans le moment actuel, une partie des .communautés du Comtat s'est réunie avec les Avignonais, et forme ce qu'on appelle l'assemblée électorale de Vaucluse, qui tient ses séances à Avignon.
La majorité de ces communes demande la réunion, mais quelques-unes la veulent sans avoir rien de commun avec Avignon. De là la guerre civile qui, comme j'ai déjà eu l'honneur de vous le dire, est l'ouvrage des fanatiques et des séditieux.
Le voeu des Avignonais et des Comtadins est-il suffisamment exprimé ?
Plusieurs actes des plus authentiques, passés
L'un en date du 14 juin'1790 est la délibération des 9 districts d'Avignon et dépendances, votant formellement la réunion à la France.
Un autre du même mois exprime l'adhésion des citoyens qui n'avaient pu se trouver à l'assemblée des districts.
Un autre du même mois exprime l'adhésion des communes réunies.
D'autres de ces actes expriment le vœu de se réunir aux Bouches-du-Rhône.
Un autre contient les signatures des gardes nationales de cette ville demandant la réunion.
Un autre contient le serment prêté par les Avignonais à la Constitution française.
Un autre est le procès-verbal de la séance de l'assemblée électorale des Avignonais et d'une grande partie des communes du Comtat dans lequel est exprimé formellement le vœ 1 de se réunir à la France; ce procès-verbal est du 7 février 1791.
A la suite du procès-Yerbal de cette séance, est une adresse à l'Assemblée nationale, pour lui présenter le vœu de l'assemblée électorale.
Je sais qu'on a prétendu que les premières délibérations d'Avignon avaient été l'ouvrage de la force ou de la séduction. Je déplore, avec tous les bons citoyens, les malheurs qu'a éprouvés cette ville. Je déplore le sort de ceux qui ont si malheureusement péri, et de ceux qui ont été obligés de s'enfuir; mais, en dernière analyse, je vois dans les délibérations d'Avignon la preuve de la majorité la plus complète.
Mais ils ont été séduitsI Sans doute, ils l'ont été; mais c'est par l'appât de la liberté, par le désir de secouer le joug et de se réunir à une nation qui vient de donner un si grand exemple au monde. Est-il défendu de désirer le bonheur? Est-il défendu de prendre les moyens de se le procurer?
Et pourquoi quelques citoyens d'Avignon n'ont-ils pas été séduits par le même désir? C'est que, comme enFrance, ceux-là vivaient d'abus,étaient associés aux brigandages du gouvernement, et détestaient une nouvelle Constitution qui rend tous les hommes égaux en droits et ne laisse subsister entre eux de différence que celle qui naît nécessairement de l'inégalité des talents et des vertus. .
Il est donc évident que la grande majorité constatée des Avignonais demande la réunion.
Quant âu Comtat, 59 communautés parmi lesquelles on compte les 3 villes épiscopales de Vaison, Cavaillon et Carpentras, ont pris des délibérations formelles pour se réunir à la France; ce qui donne la majorité des communes et la majorité de la population ; car le Comtat est composé de 98 communes, 59 pour la réunion, 39 dont nous n'avons pas de délibérations, par conséquent 20 de majorité : la population totale est de 152,000 individus.
Celle des 59 communautés votant la réunion, est de 104,000, celle des 39 autres est de 48,000; majorité pour la réunion, 56,000; et ce calcul de population et de communes ne peut pas être suspect, car il est pris dans un acte même des dissidents assemblés à Sainte-Cécile.
Les 59 délibérations dont je viens d'avoir l'honneur de vous parler, Messieurs, ont été prises depuis le mois de juin 1790, jusqu'à la un de février 1791 ; je dois même vous observèr qu'il existe des preuves formelles, dont plusieurs fournies par la ville même de Carpentras, que toutes les communautés du Comtat, à l'exception d'une seule, Valréas, avaient arboré les armes de France, et manifesté leur désir pour la réunion ; mais il est arrivé, dans ce pays-là, ce qui a eu lieu dans quelques sections de l'Empire français ; les ennemis de la chose publique et de la libej té ont intrigué.
Quelques prêtres fanatiques, quelques hommes attachés à l'ancien régime, voyant que la liberté allait triompher, ont abusé, les uns delà religion, les autres de leur reste de crédit, pour tromper le peuple et pour retarder son bonheur ; je dis retarder, car ils ne l'empêcheront pas. Le voile esttombé, et, à moins qu'il n'arrive un autre déluge qui bouleverse l'univers, les ténèbres achèveront de se dissiper ; il n'existera plus alors que des hommes libres et des lois.
Les ennemis, dis-je, de la chose publique sont venus a bout de tromper quelques habitants du Comtat : aux uns, ils ont dit qu'on allait détruire la religion ; aux autres qu'on voulait le3 sacri-her a l'ambition des Avignonais, qui seuls profiteraient de la Révolution par les établissements publics qu'on y formerait.
Ils sont venus à bout, ces hommes pervers, d inspirer la jalousie, la haine, la défiance contre les Avignonais ; de là la différence de conduite et d opinions entre les communautés du Comtat. Les unes continuent de vouloir se réunir à la France, mais ne veulent avoir rien de commun avec Avignon ; d'autres, au contraire, se sont réunies à 1 assemblée électorale de Yaucluse, séant à Avignon; d'autres attendent le dénouement de l'affaire.
Enfin, une partie des habitants de quelques autres communautés, totalement entraînés par des conseils perfides, ont formé, dans le mois de mars, l'assemblée de Sainte-Cécile, qui, depuis, transformée en une espèce de camp, a commencé les hostilités, en massacrant à Vaison quelques membres de l'assemblée électorale de Vaucluse.
Je dis commencer les hostilités, caries dissensions qui avaient occasionné, dans le mois de janvier, la marche des Avignonais à Carpentras etaient apaisées. Il y avait eu réunion de cette ville avec Avignon, par les soins de la société des amis de la Constitution de Valence, qui avait député à cet effet à Carpentras, M. Corbeau, capitaine d'artillerie, son président, et M. l'abbé Trié, un de ses membres. (Bruit.)
Après cette réunion de Carpentras avec Avignon, cette dernière ville proposa, dans le mois de février, de former un pacte fédératif, et y invita, par une lettre circulaire, toutes les communautés du Comtat. C'est à cette époque que lea fanatiques et les ennemis de la liberté, convaincus que, si ce pacte fédératif avait lieu entre toutes les communes, la Révolution était consommée; c'est à cette époque, dis-je, qu'ils firent agir tous les ressorts de l'intrigue, pour dissuader les communes d'y envoyer. De là, la formation de l'assemblée, ou plutôt du camp de Sainte-Cécile, dont j ai déjà eu l'honneur de vous parler.
A ces dissidents se sont joints les mauvais sujets chassés de nos régiments, quelques échappés du camp de Jalès, et cette horde de gens qui, n'ayant rien à perdre, placent toutes leurs espérances dans le désordre et l'anarchie. C'est ce camp qui a voulu se décorer du nom imposant d'assemblée des communes fédérées du Comtat, tandis qu'il n'a été composé que d'individus rassemblés sans pouvoir et sans délégation.
Il résulte de tout ce que je viens d'avoir l'hon-
2° Que, depuis le 14 janvier jusqu'au 20 du même mois, toutes les communes du Comtat, excepté Valréas, ont, à l'exemple de Carpentras, arboré les armes de France, et manifesté leur vœu pour la réunion ;
3° Que, dans le mois de février, Avignon ayant invité toutes les communes du Comtat à se rassembler pour former un pacte fédératif, les ennemis du b:eu public cherchèrent à dissuader les communes d'y envoyer des députés, et parvinrent à former le camp de Saint-Cécile, d'où sont sortis ceux qui ont commis à Vaison les horreurs dont on a déjà rendu compte;
4° Qu'il n'existe aucun acie portant révocation des délibérations des 59 communes citées ci-dessus, ou émanant des 39 autres, pour manifester uu vœu contraire à la réunion; d'où je conclus avec tous les départements environnants, que le vœu de la majorité des habitants du Comtat est en faveur de la réunion.
J'ai prouvé qu'avant les années 1229, 1274 et 1348, Avignon et le Comtat Venaissin avaient toujours fait, quoique séparés entre eux, partie inlgérante du Comté de Provence;
Qu'en 1229, de l'aveu même du pape Grégoire IX, le Comtat ne lui avait été cédé qu'à titre de dépôt;
Qu'en 1235, ce comté avait été restitué au comte de Toulouse;
Qu'en 1274, Philippe le Hardi, auquel il n'appartenait pas, n'avait pu le céder légitimement au pape Grégoire X;
Qu'en 1125,1308 et 1343, ces deux états avaient été grevés de substitutions, avec défense expresse d'aliéner ;
Que, d'après ces substitutions et ces défenses d'aliéner, et à défaut de majorité, Jeanne n'avait pu vendre Avignon en 1348 ;
Que, en conséquence, la venteou cession absolue de ces deux Etats était de toute nullité et ne pouvait tout au plus être considérée que comme un simple engagement ;
Que, en vertu du droit d'hérédité, les rois de Naples, comtes de Provence, ont continué d'être les vrais propriétaires de ces deux états;
Qu'en vertu du testament de Charles IV, dernier comte de Provence, Louis XI, roi de France, ses successeurs et aujourd'hui la nation française sont devenus les légitimes propriétaires d'Avignon et du Comtat Venaissin, domaines inaliénables dépendant de la Proveuce;
Que la possession des papes n'a jamais été paisible et que tous ceux qui ont eu droit à la chose ont fait des actes soit conservatoires, soit révo-catoires ;
Que même quelques-uns d'entre eux ont joui de toute la plénitude de leurs droits en prenant possession de ces deux pays.
J'ai également prouvé que, en supposant que les Avignonais et les Comtadinsétaieniautrefoisdeux peuples libres et indépendants, ils ont nécessairement conservé ce caractère de liberté et d'indépendance ;
Que si, de leur pleine et entière volonté, ils se sont autrefois soumis au gouvernement du pape, ils ont le droit d'eu changer aujourd'hui et, conséquemment, celui de se réunir à la nation fran çaise, s'ils y trouvent leur avantage ;
Qu'il est "de l'intérêt de la France, soit d'ordonner cette réunion, en vertu de son droit, soit de l'accepter en vertu de celui des Avignonais et Comtadins ;
Qu'il serait également désavantageux pour la France et pour les Comtadins et Avignonais, que cette réunion n'eût pas lieu; que cette mesure ne peut raisonnablement causer ni inquiétude, ni jalousie, aux peuples et princes étrangers.
J'ai également prouvé que, en ordonnant cette réunion, la France ne contrevenait à aucun de ses décrets ;
Que le vœu des Comtadins et Avignonais était suffisamment exprimé.
Je conclus, en conséquence, à la réunion d'Avignon et du Comtat Venaissin à l'Empire français. (.Applaudissements à gauche.)
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d'Avignon, décrète ce qui suit :
« 1° Le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font parties intégrantes de l'Empire français.
« 2° Le roi sera prié de nommer, le plus promptement possible, 3 commissaires chargés ae se rendre à Avignon et dans le Comtat Venaissin, avec pleins pouvoirs pour consommerla réunion, faire cesser toutes voies de fait et hostilités, requérir, s'il est besoin, les troupes de ligne et gardes nationales des départements environnants, afin d'y rétablir le bon ordre et la tranquillité.
« Le roi est prié de faire négocier avec la cour de Rome sur les indemnités et remboursements qui pourront lui être légitimement dus.
« 3° Le Président présentera dans le jour le présent désret à l'acceptation et sanction du roi.
« L'Assemblée nationale charge ses comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon, de lui présenter incessamment et d'après le compte qui sera rendu par les commissaires du roi, un projet de décret sur les moyens ultérieurs d'exécution pour effectuer l'incorporation de la ville d'Avignon et duComtat Venaissin à l'Empire français. »
Avant d'entamer la discussion, je demande à faire une question à M. le rapporteur. J'ai l'honneur de lui demander si, parmi les traités existants et dont le comité diplomatique doit avoir et a certainement connaissance, il en est dans lesquels la possession de la cour de Rome ait été garantie par les puissances de l'Europe.
rapporteur. Si l'Assemblée me l'ordonne, Monsieur, je m'en vais lui faire la lecture d'un mémoire qui répondra positivement à cette question-là, et qui m'a été remis par le ministre des affaires étrangères.
Plusieurs membres : Lisez ! lisez !
rapporteur, lisant :
« Pièce sortant du dépôt des affaires étrangères, pour être remise au comité de VAssemblée nationale.
« Sur la demande faite par l'Assemblée natio-
La réponse de M. le rapporteur est incomplète, ne résout qu'en partie la difficulté. 11 a répondu à une question que je n'avais pas faite et j'en ai fait une à laquelle il ne répond pas. Je demandais en effet si la possession du pape ne lui avait pas été garantie non pas par la France, mais par quelques puissances de l'Europe.
Cette question est motivée par une réflexion de M. le rapporteur : il s'est demandé au cas où Av ignon appartiendrait à quelque grande puissance, s'il serait de la politique de prononcer cette réunion et il a pensé que non. Le cas doit rester le même si la possession du pape a été garantie par quelque grande puissance; cette objection nulle en justice n'est point sans fondement en politique.
rapporteur. Il n'existe que deux traités entre les rois de France et les papes relativement à Avignon et au Comtat Venaissin.
Plusieurs membres : Ce n'est pas cela.
rapporteur. II faut au moins me donner le temps d'achever ma phrase.
Dans ces deux traités, on ne trouve aucune trace qu'un prince étranger, qu'un monarque de l'Europe soit intervenu pour garantir au pape la possession d'Avignon et du Comtat. ( Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Dans les traités du roi de France avec les autres puissances, il n'en est nullement fait mention ; et s'il y avait eu des actes de garantie, lorsque Louis XIV et Louis XV s'emparèrent de ce pays, les puissances garantes n'auraient pas manqué de faire des réclamations; or, il n'en a été fait aucune. (.Applaudissements à gauche.)
Tout ce qu'on trouve, ce sont deux conventions et même plusieurs conventions entre les cours d'Espagne, de France et de Rome relativement au passage des troupes dans les Etats d'Avignon et du Gomtat Venaissin. Si l'Assemblée l'ordonne, je vais lui en faire lecture; mais cela n'a aucun rapport avec la garantie.
Plusieurs membres : Non ! non !
rapporteur. Je terminerai, en observant que, s'il existe des traités entre le pape et les princes étrangers pour la garantie de ses possessions, ces traités sont extrêmement secrets. La France n'en a eu nulle connaissance.
Je demande à M. le rapporteur si le Gomtat Venaissin et Avignon n'ont pas été traités anciennement comme faisant partie du corps germanique. C'est un doute que j'ai dans la tête et sur lequel je voudrais bien qu'on m'éclai-rat.
rapporteur. J'observe à l'Assemblée que le préopinant vient de proposer une des questions les plus difficiles à résoudre et sur lesquelles les historiens ne sont nullement d'accord. Il est certain qu'il a existé autrefois une espèce de suprématie de la part des empereurs, sur une partie de la Provence et de toutes les provinces environnantes (Murmures.) tantôt à cause du royaume d'Arles, tantôt en qualité de suzerain de la Bourgogne; mais ce royaume d'Arles est une espèce de problème dans l'histoire.... (Rires à droite.)
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui !
rapporteur.... car les historiens contemporains ne sont nullement d'accord; ce qu'il y a de certain, c'est que de temps en temps les empereurs ont accordé des diplômes, des investitures. Enfin, Charles IV, empereur, est le dernier qui soit venu en Provence prendre possession du royaume d'Arles, qui semble avoir fini au commencement duxiv0 siècle. A cette époque cessent toutes les traces de son royaume et la province devient, à cet égard, comme les états composant le cercle de Bourgogne.
Je n'avais point besoin de l'aveu précieux que vient de faire M. le rapporteur pour m'apercevoir qu'il n'avait étudié que très superliciellemeni l'histoire du royaume d'Arles; il n'y a rien de plus connu dans l'histoire et Leibnitz ne laisse rien à désirer sur son existence. Mais pour ne pas entamer, par une épisode, une question que vous devez embrasser tout entière, je vous proposerai deux parties.
Après que M. le rapporteur vous a demandé plusieurs délais pour faire son rapport, pense-riez-vous qu'il y eût de l'indiscrétion à vous demander que le rapport fût ajourné? (Murmures à gauche.) Penseriez-vous, Messieurs, qu'il y eût de l'indiscrétion à vous demander, indépendamment des mesures provisoires que je vais vous proposer dans un instant, que ce rapport fût imprimé et distribué?
Voix diverses : Oui! oui! Non! non!
Si vous voulez accorder aux défenseurs des droits du pape le délai nécessaire, vous pouvez déclarer provisoirement que vous prenez Avignon et le Comtat Venaissin sous votre protection spéciale, que vous y défendez tout acte d'hostilité. Quelle que doive être votre délibération, quand le décret de réunion devrait être prononcé dans cette séance, il n'y aurait toujours rien de plus urgent que de faire cesser les hostilités, et le décret que j'ose attendre de votre humanité aurait toujours d'heureux effets.
Ne vous y trompez pas, Messieurs : ces habi-
4 ou 5 jours d'intervalle ne pourront que donner à la discussion la maturité nécessaire dans une cause où l'on est juge et partie. Que verrez-vous alors, Messieurs, dans la soumission apparente du Comtat qui arbore, vous dit-on, les armes de France? Vous y verrez, Messieurs, la conduite d'un sage du dernier siècle : C'était ainsi que Grotius demandait ou sou turban ou sa pelisse, selon que les Russes ou les Turcs étaient vainqueurs autour de lui.
Que voulez-vous que fassent les habitants du Comtat vis-à-vis de ceux d'Avignon qui traînent 18 canons à leur suite? Les Comtadins ont pris les armes de France comme un bouclier, comme une protection ; ce n'est pas là un acte propre à énoncer le vœu libre des citoyens ; et puisque vous comptez pour quelque chose le vœu des citoyens, voulez-vous le connaître, Messieurs? il est consigné dans un acte libre de toutes les paroisses du Comtat, au moment où la motion de réunion a été laite pour la première fois dans cette tribune.
« Messieurs.
« Informés de ladite motion pour le réclamer, le Comtat Venaissin, croyant édifier cette respectable assemblée, et donner un témoignage authentique envers leur auguste souverain ; considérant. que le seul fondement légitime de toute acquisition et revendication de la souveraineté est le consentement libre du peuple, et que sa volonté duit être manifestée avant qu'il passe sous aucune autre domination; considérant encore qu'un peuple, cédé par un acte où il ne serait pas intervenu, se regarderait comme abandonné, et ensuite maître de disposer de lui-même, des hommes ne pouvant être trafiqués comme de simples propriétés mobilières et territoriales; enfin, persuadés qu'une réclamation serait d'un exemple funeste, puisqu'au mépris des traités les plus solennels, elle n'établirait pour toute règle que celle de la force et de la violence, et exposerait la nation qui l'aurait témérairement adoptée, à se voir dépouillée, par la même voie, des meilleures portions de son empire; ils regardent la motion de M. Bouche comme attentatoire au droit des gens et contraire aux principes de l'Assemblée dont il est membre : ils déclarent, en présence de l'Etre suprême, que rien ne saurait les délier jamais du serment de fidélité à l'égard de leur légitime souverain, Gdé* lité d'autant plus inaltérable, qu'elle repose sur des bases assurées, la modération et la générosité avec lesquelles ils sont gouvernés depuis plus de cinq siècles, et sur le maintien de leurs privilèges et immunités. Ils protestent, à la face de l'univers, contre tous traités faits à leur insu et sans leur intervention directe et notoire, et où l'on disposerait d'eux sans un consentement préalable, et sans une ratification subséquente.
« Au surplus, les citoyens assemblés ne pouvant en ce moment réunir le vœu général [Applaudissements à gauche), et ne voulaut pas se contenter d'un vœu partiel dans une affaire d'une ausi grande importance, ont arrêté que la présente délibération sera imprimée et adressée à toutes les communautés de cette province, en les invitant à le faire ratifier par le Corps législatif, et à faire parvenir au plus tôt un extrait conforme de leurs délibérations. »
Cette délibération fut envoyée, et toutes les communes du Comtat, je dis toutes sans exception, ne répondirent à cette délibération qu'en s'assemblant en corps de commune, pour prêter sans aucun commissaire, sans aucune intervention étrangère, un nouveau serment de fidélité au pape. Voilà comment se sontcouduits les Comtadins quand ils ont été libres.
Cette délibération est du 16 novembre 1789. Vous savez ce qui s'est passé depuis. (Murmures à gauche.) On n'a révoqué en doute la fidélité de ces habitants, que lorsqu'Avignon est venu attaquer le Comtat, que Cavaillon a été saccagé et souillé par les plus grands crimes. La terreur a achevé ce que la séduction avait commencé. C'est lorsque des brigands, car je ne crains pas de les appeler ainsi, ont fait pendre quatre citoyens irréprochables dans Avigoon, et ont fait fuir la plupart des habitants de cette malheureuse ville, qu'on a arraché ces actes qu'on cherche à faire valoir aujourd'hui. Il ne faut pas avoir une grande connaissance des hommes pour être bien persuadé que ceux qui ne doivent rien, qui ne payent rien, pas même les frais de la souveraineté, ne désirent pas légèrement de changer de souveraineté. . . ,
Lorsque M. Bouche fit pour la première fois la motion de la réunion, vous ne lui avez répondu que par un sourire moqueur.
En ordonnant l'impression de ma motion.
La même motion vous a été représentée deux fois, deux fois vous avez prononcé l'ajournement, et deux ajournements valent à peu près un décret.(Rires.) Je persiste à demander l'impression du rapport, parce qu'il n'y a pas un seul homme qui puisse répondre à cent objets accumulés les uns sur le3 autres. 11 nous faut ce guide de la discussion ou bien décréter le projet sans le discuter. Je sens le tort que je ferai à une bonne cause en la défendant et j'insiste sur un délai qu'on ne refuserait pas dans un tribunal pour une contestation d'un écu. Cependant s'il faut traiter la question à fond, je suis prêt; mais j'observe qu'on a produit des titres et des pièces nouvelles dont la communication est de droit naturel, s'il en existe encore dans le monde.
Je demande donc que le rapport soit imprimé et distribué, et que la
discussion soit entamée trois jours après la distribution. Après ces
trois
Je demande de plus que l'Assemblée, instruite des troubles qui intéressent d'autant plus sa sollicitude, qu'elle a appris que c'était au nom de la France qu'on tentait de faire des conquête?, déclare qu'elle prend sous sa protection spéciale la ville d'Avignon et ioutes les communes du Comtat, et qu'elle défend provisoirement toute espèce d'hostilité.
Un membre à gauche : Et de quel droit?
En vertu du droit sacré que lui donnent les pétitions de la ville d Avignon et du Comtat, qui ont réclamé son intervention et
8Ynlin6?e °dëmande qu'elle déclare qu'elle traitera comme ennemi du bien public tous ceux qui troubleront la paix dans le Comtat?
Voici le décret sur lequel je fais la motion nue l'Assemblée s'explique sur-le-champ.
« L'Assemblée nationale décrète que le rapport Qu'elle vient d'entendre sur l'affaire d'Avignon et du Comtat Venaissin, sera imprimé et distribué, et que la question sera traitée au fond trois jours après la distribution.
En attendant, l'Assemblée nationale déclaré au'elte prend sous sa protection spéciale la ville d'Avignon et toutes les communautés du comtat, au'elle défend toutes les hostilités et toutes voies de fait aux habitants d'Avignon et du Comtat, en vertu du droit que lui donnent leurs pétitions, et qu'elle regardera comme ennernis publics tous les perturbateurs de l'ordre et de la tranquillité des citoyens dans cette province. »
Le préopinant vient de faire deux propositions, l'une de l'ajournement, l'autre d'un décret provisoire. De ces deux mesures, l'une est cruelle, l'autre impossible pour l'Assemblée, puisqu'elle est injuste.
11 s'est opéré une révolution a Avignon; elle a amené des crimes, elle en amènera encore. Elle a amené des barbaries, parce que le parti qui s'oppose à la Révolution est plus puissant qu en France. C'est une guerre de partis et, en politique comme en religion, il n'y a rien de plus cruel En proposant un ajournement, M. 1 abne Maurv n'a pas réfléchi que l'armée victorieuse des patriotes du Comtat est à 5 lieues de l'armée des aristocrates. (Applaudissements.) Par calcul d'intérêt pour eux, il aurait du demander que le décret fût rendu dans celte seance et nue les commissaires partissent cette nuit pour prévenir, s'il est possible, le saccage de la ville de Carpentras. M. l'abbé Maury a oublie que, par sa proposition d'ajournement, il voulait égarer l'Assemblée, car, si, comme il le prétend, deux ajournements valent un décret, en suivant la même conséquence, le troisième ajournement vaudra un jugement. (Applaudissements.)
M. l'abbé Maury est encore en contradiction avec lui-même, car plusieurs fois il nous a dit nu'il était prêt à traiter le fond de la question, et aujourd'hui il demande des délais. L Assemblée a ajourné cette question lorsque le vœu du Comtat Venaissin n'était pas bien connu encore; elle a craint de passer pour usurpatrice. Mais aujourd'hui que ce vœu est bien avéré, elle ne peut différer de prononcer la réunion sans exposer ce pays aux plus affreux combats; ce serait un acte de barbarie que de retarder une mesure qui rendra au Comtat la liberté et la tranquillité et oui v fera cesser le crime. Quand ce pays sera sous Pheureux génie de la France, alors les aristocrates s'en iront ou se tairont. (Applaudissements.) L'ajournement au contraire favorise, je dS plus, commande les crimes et les horreurs dont se plaint le préopinant. KK.
Ouant au décret provisoire qu'a propose M. 1 abba Maury il est inutile de le combattre. L'Assemblée n'a pas le droit de donner des ordres dans un pavs, quand elle n'en a pas prononce la reu-
(Murmures et applaudissements.) Je ùemwte
comnent l'Assemblée recevrait l'intervention d un? puissance qui, dans ce moment viendrait lui dire : « Je vous prie defaire cesser la marcue de votre Révolution et d'imposer silence au parti patriote et à votre petit parti anstocratique; ]e veux nue les choses restent où elles en son iiiqnu'S ce aue i'aie examiné qu est-ce qui a tort ouraison ? {Applaudissement?.) L'Assemblée,sans doute recevrait cette proposition avec mépris.
Devons-nous arrêter la marche de larévohition avignonnaise? Dans le sanctuaire de la H évolution française pouvons-nous décréter une mesure contre-révolutionnaire ? Non 1 cette mesure déshonorerai l'Assemblée et serait en pure perte ; car vous ne seriez même pas obéis ; car les dé-nartements qui environneut le Comtat et qui ai mentTaliberté, regarderaient cette, cause comme la leur et continueraient de proteger la uoerte
C'est donc pour l'intérêt aristocratique du Comtataue ie demande que cet ajournement n'ait pas ieu L'Assemblée ne sera d'ailleurs amais plus instruite^ levœu du peuple est manifesté haute-ment* el 'vous différez votre décision, vous aurez f vous reprocher tous les malheurs qui arnveron inévitablement dans ce pays. (Applaudissements.)
Je partage l'intérêt que le préopioant témoigne pour les aristocrates du Comtat. (Murmum aux tribunes.) Mais
mes sentiments su J ceux qu'ils WfXlTïst tes ne sont pas es mêmes; et ce sentiment est encore fM chez moi par le.journal, MRreux journal de cette armée, que je n appellerai pas patriote car elle traîne à sa suite 5 bourreaux. Elle a déjà fait plusieurs exécutions, demande de Pareent et offre la paix à Carpentras moyennant I rmllions et 30 têtes à son choix. (Applaudisse-ments à droite.)
Un membre à gauche : Cela est faux!
On veut que je donne le nom de patriotes à ces gens-là! Je ne le îeur donnerai jamais. De pareils patriotes me
f°JenerréepUorndrai pas à tout ce que le préopinant a dit de personnel à M. l'abbé Maury.
J'observe qu'il y a 15 questions sur lesquelles M le rapporteur 1 présenté son opinion et qu'il existe entre ses mains une foule d'actes et de titres a u'il est nécessaire d'examiner, parce que, s'il est des actes et des délibérations envoyees lu milieu des horreurs qui remplissent le Comtat certainement ils ne peuvent être honorés du nom d'actes libres. Je certifie que.je serai des à présent
en état d'en discuter la majeure partie. Mais il a présenté un calcul des délibérations des commu-nes du Comtat, et je soutiens que 1 on ne peut se servir de ces pièces, tant qu'elles n'auront pas été communiquées et méditées.
M le rapporteur a parlé du vœu des Comtadins. il a fait un calcul-, il a présente 51 communautés.
Ce calcul est absolument conforme à celui oui a été imprimé hier par une des parties; je soutiens que, pour contredire ou approuver ces calculs, il laut connaître les dates de ces différents acte?...
rapporteur. Les voici.
Car s'il en est quelques-uns datés du lendemain d'un massacre ou ne peut trop y apercevoir l'emblème de la liberté. M. labbé Maury propose d'apporter le re-mè le Je plus prompt à tant d'atrocités. M. Charles Lametli prétend que vous n'avez pas ce droit et vous propose froidement de déclarer crue ce pays vous appartient. Les adversaires de cette opinion auront droit de se plaindre de n'avoir nas eu connaissance du rapport et des actes qui l'ac-pagnent, et je soutiens qu'il faut que ces nièces soient communiquées.
Alors nous vous démontrerons que c'est à la première motioo faite ici, que c'est aux premières relationsdequelques députés avec lesAvienonais que s attache, par une chaîne non interrompue le système d horreur, de proscription, d'assassinats qui ont amene ce que l'on appelle aujourd'hui un vœu libre. Je ne puis concevoir qu'on appelle révolution les crimes de certaines têtes qui veulent en faire taire quelques autres. C'est depuis que la Révolution se présente de la sorte que les honnêtes gens s'en éloignent, et c'est ainsi que vous reduirez, avec le temps, le parti de la Révolution à un peut nombre de factieux qui ne sauront pas même la défendre.
Monsieur de Clertatent vous vous faites tort, vous prostituez votre
J'appuie donc l'ajournement jusqu'au délai demandé par M. l'abbé Maury; et je demande, en outre, que M. de La Tour-Maubourg, qui connaît mieux quenousl'état des choses, puisqu'il a fait le voyage d'Avignon en qualité de colonel du régiment de SoissouSais veuille bien nous indiquer les moyens qui lui paraissent les plus propres à rétablir le calme dans Avignon, et tout particulièrement les moyens de retirer du Comiat les déserteurs français qui font toute la force de cette armée prétendue patriotique a laquelle ils se sont joints.
Les horreurs qui ont désolé le Comtat sont un pressant motif de hâter notre délibération et non de l'entraver et de la retarder par des discussions inutiles ou des tableaux exagérés de la situation des Comtadins Je déclare que, si M. de Clermont a voulu exciter notre commisération pour les victimes malheureuses des deux partis, elle ne peut leur être refusée Oui nous les devons, oui nous les donnons ces sentiments de commisération, à tous les partis Ils sont dans notre cœur et nous les donnons non seulement a ceux qui ont péri par trahison sous Je poignard du fanatisme mais encore à ceux qui ont été à leur tour victime de la vengeance excitée par leur propres crimes. (Applaudissements.)
Dans un état de révolution, au milieu de la cnaleur des partis, il est peut-être pardonnable de soutenir, avec quelque énergie, les abus mêmes qu on croyait la source de son bonheur et de dé-Kwr® des.1Préiugés, même les plus déraisonnables au milieu desquels on a vieilli et dont on n'a pas encore su se débarrasser pour s'élever aux hauteurs sublimes delà philosophie. (Applaudissenebts.)
Mais c'est cette commisération qui nous fait un devoir de délibérer et de prendre enfinunparti qui puisse terminer ces rivalités qui ont déjàfait couler des ruisseaux de sang et rétablir ce repos Heureux réclamé par l'humanité.
. Ne nous faisons pas illusion. Des hommes excité?, des hommes victimes se sont vengés Ils n ont pu prendre des mesures modérées. Il y a eu une révolution dans le Comtat. Il y a eu, suivant le cours ordinaire des choses, deux partis, l'un qui désirait secouer un joug oppresseur, et l'autre qui vou ait le conserver peut-être parce qu'il en pro-htait. Ce dernier parti a été vaincu jusqu'aujour-d nui. Qu on le plaigne si l'on veut, mais qu'on vienne au secours de tous. Et ne nous habituons à considérer comme des factieuxqueceuxqui,ayant été provoqués d'une manière cruelle et perfide se portent à des excès contre leurs oppresseurs.'
Cependant point de mesures provisoires vou3 ne pouvez que prononcer la réunion. Toute mesure provisoire est impraticable, àmoins que vous ne considériez le Comtat comme une province dont les affaires vous regardent, à moins que vous n ayez des droits sur ce pays. S'il vous est étran-ESc'Jr18 ??V6Z p,?s plusle droit de donner des lois au Comtat que d'y al 1er porter vos armes ; vous n avez pas plus de droits sur lui que vous n'en auriez eu a imposer votre autorité dans le Bradant. L envoi d une force quelconque dans le Comiat, sans la déclaration de réunion à la France serait une violation manifeste du territoire étranger. bi nous n'avons aucun droit sur ce pays, nous ne pouvons y envoyer d'armée sans être des oppresseurs. Si nous avons des droits, il faut le déclarer et agir sans délai. D'ailleurs les mesures provisoires ne pourraient avoir que de funestes etfets. Ne pourrait-on pas croire que vos troupes ne seraient venues que pour en imposer aux partis victorieux ; et si le chef de ces troupes avait adopte des principes contraires à ce parti, ne pourrai t-on pas soupçonner que le chef et l'armée seraient venus pour protéger ce qu'on appelle le parti aristocratique, qui est le parti vaincu.
Je demande, en conséquence, que l'ajournement pon rejeté et que la discussion commence sur le fond du projet de décret.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur l'ajournement.
Je serai très court; il me parait généralement convenu qu'il est instant de porier un remède aux malheurs qui affligent en ce moment Avignon et le Comtat. Il n'y a donc plus d autre question à discuter dans ce moment que celle de savoir si une mesure provisoire serait dangereuse et si vous avez le droit de i ordonner.
Le préopinant, en combattant la proposition de M. 1 abbe Maury a
établi qu'il serait possible que le chef des troupes que vous
enverriez eût une conduite contraire à vos intentions. Je suis peu
surpris d'entendre cette objection sortir de la bouche de ce
preopinant ; elle m'étonnerait davantage de la part de M. de Lameth
qui est dans 1 armee depuis son enfance. Les opinions politiques des
chef de troupes sont libres ; mais, quand ils vont exécuter les
ordres qui leur sont donnés par le souverain, ils n'ont plus
d'opinions ; ils doivent remplir ponctuellement la mission qui leur
est contiee ou, s'ils éprouvent quelqueréou-gnance a le faire,
donner leur démission. L'Assemblée juge trop bien l'armée française
et ceux qui
On a prétendu que l'Assemblée n'avait pas le droit de prendre des mesure.? provisoires ayant d'avoir prononcé sur le fond même de la question ; on a pretendu que la France n'avait pas le dro't d'envoyer des troupes pour rétablir le calme dans Avignon et le Gomtat avant que cette province lui appartint. Cette objection me parait bien futile, car il est impossible de se dissimuler que nous avons le soin naturel de notre défense, que nous avons tous les droits que nous imposent notre intérêt particulier et notre conservation. Donc s'il est intéressant pour la France de calmer les troubles d'Avignon, elle en a incontestablement le droit. (Murmures à gauche.) Je n'aperçois pas la cause de ces murmures; car j'ai incontestablement le droit d'éteindre le feu qui est à la maison de mon voisin lorsqu'il peut se communiquer à la mienne et la mettre en danger.
Je crois donc que la mesure provisoire qui vous est proposée par M. l'abbé Maury est de toute justice et que vous avez le droit de 1 ordonner.
Il reste alors la question de savoir si vous jugerez une question aussi importante que celle qui vous est soumise sans donner aux membres de l'Assemblée le temps de l'examiner, sans donner aux adversaires de l'opinion de M. le rapporteur le temps et les moyens de lui répondre. Puisque M. le rapporteur ne s'est pas contenté d'examiner l'intérêt de la France dans la conquête qu'il vous propose, puisqu'il a encore voulu colorer l'injustice diplomatique, l'injustice ma-chiavéliste en prouvant que la nation française avait des droits sur le Comtat, soit par le droit positif soit par l'expression du vœu du peuple avignonais et comtadin, il est absolument nécessaire de discuter quels sont ces prétendus droits positifs que nous avons sur Avignon, ces droits positifs qu'on peut repousser par une seule phrase au pape Ganganelli à l'ambassadeur de Louis XV qui cherchait à l'embarrasser dans toutes les arguties de la chicane et du droit des gens : « Si 500 ans de possession ne sont pas un titre, dites-moi quel est le souverain de l'Èurope qui puisse . être tranquille sur son trône et dont on ne puisse pas contester le droit? »
Il faut donc examiner les droits et les faits, il faut savoir si le vœu du peuple est vraiment celui de la majorité, s'il est exprimé librement. Rien n'est si essentiel pour constater le véritable vœu du peuple que de l'assujettir à des formes; il n'existe aucun peuple sur la terre qui ait le droit d'exprimer son vœu sans se soumettre aux formes qu'il s'est lui-même prescrites.
J'appuie donc les dispositions provisoires qui vous ont été proposées par M. l'abbé Maury et je demande, de plus, que dès ce soir même on fasse partir des commissaires civils chargés de faciliter la réussite des mesures provisoires que vous avez décrétées.
Quant à la question essentielle de la réunion, je demande qu'elle soit discutée avec une solennité qui ne laisse aucun doute sur la justice du décret que vous rendrez.
Sous prétexte d'ajournement on n'a cessé jusqu'à présent de discuter le fond même de l'affaire; mais il ne s'agit pas de se livrer sur-le-champ à celte discussion extrêmement sérieuse.
On a dit que vous aviez le droit d'envoyer des troupes pour éteindre l'incendie, afin qu'il ne s'étendit pas jusqu'à vous. Ge serait une véritable violation du droit des gens. (On applaudit.) La conséquence de ce principe serait sans contredit, que l'empereur pourrait envoyer des troupes en France. J'observe d'ailleurs qu un décret de jeudi a formellement prescrit cette mesure provisoire; vous ne pouvez aller contre ce décret. Je réponds maintenant à la demande de l'ajournement. On sollicite un délai quand on voit Avignon en feu; on sollicite un délai quand on sait qu'il peut causer la ruine de Carpenlras. L'affaire sur laquelle vous avez à prononcer est connue, elle a été discutée longtemps; elle a été envisagée sous les deux roints de vue de droit positif et de droit naturel. Rien n'empêche que vou3 vous livriez à une discussion dont vous ne devez pas cesser de vous occuper qu'elle ne soit terminée.
Plusieurs membres : La question préalable à l'ajournement.
Les commissaires peuvent être envoyés sans inconvénient.
Je pose en principe que la France n'a pas le droit d'envoyer des troupes ou des commissaires pour mettre fin aux troubles qui régnent dans le Comtat sans déclarer que celui-ci fait partie de l'Empire français, et je conclus simplement à ce que l'Assemblée passe à l'ordre du jour sur la motion d'ajournement et à ce que la discussion commence sur le fond de la question.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
J'ai un fait à rappeler.
J'ai demandé la parole, Monsieur le Président, ou donnez-la moi, ou qu'on ferme la discussion.
Je vais répondre à l'objection faite par M. Pétion.
Une réponse à une objection n'est point un fait.
On vous a présenté, comme formant la majorité du Comtat, les délibérations de 51 communes. Il y a 8 jours que le rapporteur vous a dit n'en avoir encore que 28. Celles qu'il a reçues depuis n'ont pu être connues que de lui. Je déclare qu'hier, à 9 heures, le comité n'en avait encore examiné aucune.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Monsieur le Président, j'ai amendé la motion de M. l'abbé Maury en demandant l'envoi de commissaires civils.
Je demande la division.
Je réclame la parole.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
L'ajournement d'une question est toujours à l'ordre du jour.
L'ordre du jour et la que?-tion préalable ont été demandés sur le projet de décret de M. l'abbé Maury; la motion de l'ordre du jour ayant de droit la priorité, c'est cette motion que je vais mettre aux voix.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'elle passe à l'ordre du jour sur le projet de décret de M. l'abbé Maury.)
Je demande qu'avant de passer à l'ordre du jour, M. de La Tour-Maubourg qui seul peut avoir une connaissance exacte des faits soit entendu à la tribune.
Je demande pardon de la liberté avec laquelle je vais parler. Vous ne me soupçonnerez ni de vouloir vous offenser, ni de vouloir vous menacer, car je ne suis pas fou. Nous n'avons connaissance ni du rapport, ni des pièces qui y sont jointes; nous déclarons, en conséquence, que nous ne prendrons aucune part à la délibération. (Rires à gauche ; applaudissements à droite.)
rapporteur. Personne ne s'oppose à la communication des pièces justificatives; je vais les remettre toutes au comité diplomatique où chacun aura la liberté d'en prendre connaissance.
Et votre rapport? Nous en voulons aussi communication.
rapporteur. Vous le trouverez également au comité.
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
annonce l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures et demie.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
donne lecture d'une adresse des maîtres perruquiers de la ville de Cambrai, département du Nord, qui demandent la conservation de leurs charges.
(L'Assemblée en ordonne le renvoi au comité de la liquidation.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pétitions et adresses suivantes :
Pétition des employés aux barrières incendiées ; ils sollicitent l'Assemblée de réaliser la promesse qui leur avait été faite par la Ferme générale et le ministre d'une indemnité.
(Cette pétition est renvoyée au comité des pensions.)
Adresse du sieur Dubiez, fermier à Arcquanières, dans le Hainaut autrichien;il supplie l'Assemblée d'ordonner qu'une somme de 4,608 livres saisie sur le sieur Gamine, conducteur de moutons, par les employés du bureau de Bercu, lui sera restituée.
(Cette adresse est renvoyée, avec les pièces y annexées, au pouvoir exécutif.)
Adresse des administrateurs du directoire dudé-
(Cette adresse est renvoyée aux comités ecclésiastiques et des recherches, chargés de présenter leur avis incessamment à cet égard.)
Lettre et pétition des huissiers des ci-devant cours et juridictions de Paris, lesquels ont l'honneur de soumettre à l'Assemblée un projet de règlement relatif à l'exercice de leurs fonctions dans les nouveaux tribunaux.
(Celte pétition est renvoyée aux comités de Constitution et de judicature.)
Procès-verbal de la municipalité de la ville du Mur-de-Barrés, au département de l Aveyron, contenant, avec le détail des honneurs rendus à la mémoire de M. de Mirabeau, une adhésion à tous les décrets et l'annonce de la prestation de serment de la presque totalité des fonctionnaires publics ecclésiastiques du district.
Messieurs, je suis chargé par lettre du district de Lauzun, département de Lot-et-Garonne, de prendre l'avis de l'Assemblée nationale pour dénoncer un membre de l'Assemblée qui est absent ou qui a abandonné son poste depuis le mois d'octobre 1789; il s'agit de M. Malateste deBeaufort, curé de Montastruc, district de Lauzun. Le fait est que la municipalité l'a dénoncé au tribunal, le tribunal à l'accusateur public sous l'inculpation de prédications séditieuses. L'accusateur public a obtenu la permission d'informer; il y a déjà 2 témoins ouïs; la procédure s'instruit. Mais, comme M. de Beaufort est censé être membre de l'Assemblée nationale, l'accusateur public se propose d'envoyer... (Murmures.)
Plusieurs membres : Puisque M. de Beaufort n'est pas réclamé par l'Assemblée, l'accusateur public peut le poursuivre. (Murmures et marques d1 approbation.)
Un de MM. les secrétaires: Voici une adresse de M. Loisel qui demande que Loisel, jurisconsulte, son aïeul, soit mis au rang des grands hommes. (Rires.)
Plusieurs membres : Qu'a-t-il fait?
Ce Loisel est un ancien jurisconsulte qui a traduit les lois romaines et qui, le premier, a proclamé cette maxime : « Si veut le roi, si veut la loi. ».
Est-on bien sûr que ce soit le même?
Oui, Monsieur; c'est Antoine Loisel, de Beauvais, auteur des Instituts du droit civil, ouvrage dans lequel il a consacré la maxime que j'ai déjà éooncée.
En ce cas, il faut renvoyer Ja pétition à l'ancien régime. (Rires et vifs applaudissements.)
citoyen de Bordeaux, est admis à la barre et dit : « Messieurs,
l'importance de vos travaux et votre zèle pour la chose publique m'ont
persuadé que je servais votre zèle si, abrégeant l'une de vos
opérations, la plus longue et la plus délicate, je parvenais à ménager
vos précieux moments. Sous ce rapport, je vous présente
Trois assemblages de tubes reçoivent, l'un les voix positives, l'autre les voix négatives, le troisième celles des absents. Ces voix sont marquées par des boules aux trois couleurs de la nation, qui, en s'élevant dans les tubes par leur nombre et par leur volume, donnent très rapidement la somme des voix, à cause des divisions qu'on a pratiquées en dehors des tubes. Quand l'opération est faite, en ôtant une tablette, les boules viennent se réunir dans trois réservoirs séparés, et mettent à même de renouveler aussitôt l'opération, si la première ne donnait aucun résultat.
« Telle est, Messieurs, la machine dont j'ai l'honneur de vous faire hommage. Vos commissaires l'ont approuvée. Ils ont arrêté qu'il vous en serait fait un rapport. Je demande d'en faire l'essai en grand et a mes frais, pour servir aux travaux de l'Assemblée nationale. »
répond : « Un moyen qui pourrait simplifier et assurer le résultat des scrutins et ménager un temps qui est si précieux pour la prospérité publique mériterait l'attention de l'Assemblée nationale. Elle ne dédaignera pas, sans doute, de faire vérifier les avantages que peut renfermer l'invention que vous proposez. Elle rend justice au zèle et au patriotisme qui vous a porté à leur en faire hommage, et vous accorde les honneurs de la séance. »
commissaire de la salle. Vos commissaires ont examiné la machine qui vient de vous être présentée. Il résulte, de cet examen, que la machine inventée par le sieur Guirault, en mettant le public, comme l'Assemblée nationale, dans la possibilité de voir d'un seul coup d'œil le recensement des voix, donne toujours un résultat précis et certain; la simplicité et l'utilité de cette machine sont évidentes.
D'après ces considérations, Messieurs, vos commissaires ont approuvé le tableau offert par M. Guirault. Us vous proposent de faire exécuter en grand la machine inventée par M. Guirault, pour que l'Assemblée s'en serve toutes les fois qu'elle aura à faire l'appel nominal.
Avant d'adopt°r la machine de M. Guirault, je demande que le comité de Constitution soit chargé de donner son avis.
J'observe que l'on ne peut décider que l'on emploiera un tel moyen pour faire l'appel nominal, avant de savoir si la machine en grand n'aura pas des inconvénients que des expériences nombreuses sur un petit appareil n'auraient pas fait voir.
Je me suis trouvé dans un bureau où cette machine était déposée avant la séance...
Appelle-t-on ?
Oui !
Je demande alors où est l'économie du temps.
Voici comment se fait l'opération.
Il y a trois colonnes, ainsi que vous l'a dit l'auteur. Trois secrétaires sont dépositaires, l'un des boules rouges, l'autre des boules blanches, le troisième des boules bleues. Les boules rouges représentent l'opinion négative. On appelle un membre; sou opinion est négative; le secrétaire dépositaire des boules rouges en prend une et la met dans le tube négatif.
Eh bien, je m'oppose à ce que cette machine soit adoptée. Vous mettriez ainsi entre les mains d'un seul le résultat des délibérations les plus importantes de l'Assemblée.
(Après quelques débats, l'Assemblée décrète que, avant de se prononcer sur l'invention de M. Guirault, le comité de Constitution lui donnera son avis.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de la marine sur les Invalides de la marine (1).
rapporteur. Messieurs, dans la séance du 28 avril courant, vous avez
décrété le titre Ier du projet de décret de votre comité de la marine
sur les Invalides de la marine; je vais vous soumettre la suite des
articles de ce projet. Voici l'article 1er
du titre II :
Des formes à observer pour constater ceux qui ont
des droits à des pensions ou demi-soldes sur la
caisse des Invalides.
Art. 1er.
« Les syndics élu3 par les citoyens de profession maritime dresseront, au commencement de chaque année, une liste des invalides et pensionnaires de leur syndicat morts dans l'année; ils recevront les demandes de demi-soldes qui leur seront faites par ies marins, veuves et enfants, pères et mères des marins de leur territoire ; ils en donneront l'état, contenant les motifs de chaque demande, et feront certifier les faits par la municipalité du chef-lieu du syndicat, et adresseront un double de l'état, et le3 pièces au soutien, au commissaire de leur quartier.» (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 2 aimi conçu :
« Les commissaires établis dans les quartiers vérifieront les faits contenus aux états et pièces à eux envoyés par les syndics ; ils joindront leurs observations à chaque demande, feront certifier le tout par les administrateurs du district de leur résidence et en feront ensuite l'envoi à l'ordonnateur en chef de leur département.
« Quant aux marins, leurs veuves, enfants, père 011 mère, résidant dans les lieux non compris dans uu syndicat des classes, ils présenteront leur demandes motivées à la municipalité du lieu de leur résidence, laquelle certifiera les faits qui seront à sa connaissance et adressera lesdites demandes et les pièces au soutien, au ministre du département de la marine. »
Un membre propose, par amendement à cet article, de décréter que les
commissaires des
rapporteur, donne lecture de l'article avec l'amendement, dans les termes suivants :
Art. 2.
« Les commissaires établis dans les quartiers vérifieront les faits contenus aux états et pièces à eux envoyés par les syndics; ils joindront leurs observations à chaque demande, feront certifier le tout par les administrateurs du district de leur résidence, en feront ensuite l'envoi à l'ordonnateur en chef de leur département.
« Quant aux marins, leurs veuves, enfants, père ou mère, résidant dans les lieux non compris dans un syndicat des classes, ils présenteront leurs demandes motivées à la municipalité du lieu de leur résidence, laquelle certifiera le3 laits qui seront à sa connaissance, fera passer le tout avec son avis au commissaire aux classes du quarlicr le plus prochain, qui adressera les-diies demandes et les pièces au soutien, au ministre du département de la marine, avec ses obseïvalions. » (Adopté.)
Art. 3.
« Les commissaires des classes feront aussi, au commencement de chaque année, une liste des officiers militaires et administrateurs pensionnaires de leur département, morts dans l'année.
« Quant aux nouvelles demandes de pensions qui pourraient être formées par des officiers militaires, ceux d'administration et autres, elles seront par eux adressées à leurs supérieurs respectifs, qui en remettront les étals et pièces à l'appui à l'ordonnateur en chef du département. Leurs père, mère, veuves et enfants qui formeront des demandes, y joindront les certificats de la municipalité de leur résidence sur les faits par" eux énoncés, et qui seront à sa connaissance. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 4 ainsi conçu :
« Les inspecteurs des troupes de la marine et des régiments des colonies recevront les demandes de pensions qui pourront être formées par les officiers, sous-officiers et soldats desdites troupes et régiments : ils en dresseront l'état avec les motifs de chaque demande, et les pièces au soutien, et adresseront le tout avec leurs observations au ministre de la marine. »
Un membre demande, par amendement, le retranchement dans cet article des mots : des régiments des colonies, comme préjugeant une question encore indécise, celle de savoir si les troupes coloniales seront du département de la marine ou de celui de la guerre. (Cet amendement est adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article ainsi amendé :
Art. 4.
« Les inspecteurs des troupes de la marine recevront les demandes de pensions qui pourront être formées par les officiers, sous-officiers et soldats desdites troupes ; ils en dresseront l'état avec les motifs de chaque demande, et les pièces au soutien, et adresseront le tout, avec leurs observations, au ministre de la marine. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les ordonnateurs en chef dans les divers départements de la marine feront examiner tous les états de demandes de pensions et pièces au soutien qui leur auront été adressés; ils en feront dresser le procès-verbal par le commissaire aux revues ou par le contrôleur de la marine, le viseront, y joindront leurs observations, et adresseront le tout, dans le plus bref délai possible, au ministre de la marine. » (Adopté.)
Art. 6.
« Le ministre fera faire un nouvel examen et dresser la liste générale de toutes les demandes et de leurs principaux motifs, dans l'ordre où il aura jugé devoir les placer. » (Adopté.)
Art. 7.
« Les pensions et demi-soldes de la marine seront déterminées par un règlement particulier, en raison des fonctions qu'exerçaient les individus, de'leurs payes au service, de leurs blessures ou infirmités, de leurs besoins et du nombre de leurs enfants en bas âge. Le minimum desdites pensions et ^lemi-soldes est fixé à 96 livres, et leur maximum à 600 livres par an. » (Adopté.)
Art. 8.
« Tous ceux qui, à raison de leurs services et de leurs besoins, mériteront d'être placés sur la liste, obtiendront la pension, solde ou derçji-solde, autant que la caisse aura des fonds à y suffire ; et, en cas d'insuffisance, on suivra l'ordre de la liste qui doit accorder la préférence aux plus anciens d'âge et de service, et aux plus nécessiteux. » (Adopté.)
Art. 9.
« Les gratifications et secours urgents et momentanés seront demandés, comme les demi-foldes, au syndic qui fera certifier les faits par la municipalité du chef-lieu, en enverra également l'état au commissaire du quartier, qui y joindra ses observations, fera certifier le tout par les administrateurs du district de sa résidence, et en fera l'envoi à l'ordonnateur du département. » (Adopté.)
Art. 10.
« Les officiers militaires, ceux d'administration ainsi que les officiers, sous-officiers et soldats des troupes de la marine, adresseront à leurs supérieurs respectifs leurs demandes de gratifications, de secours urgents, et rempliront pour cet objet les mêmes formalités prescrites par les articles précédents pour les demandes de pensions. » (Adopté.)
De la destination des fonds de la caisse des Invalides.
Article 1er.
« Les fonds de la caisse des Invalides sont destinés au soulagement des
officiers militaires et d'administration, officiers mariniers, matelots,
novices, mousses, sous-officiers, soldats, et autres employés du
département de la marine, et à
Art. 2.
« Il ne sera accordé aucune pension sur la caisse des Invalides, qu'à titre de besoin réel et bien constaté ; et cette pension ne pourra jamais excéder 600 livres, même lorsqu'elle sera accordée à une veuve et ses enfants réunis. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 3 ainsi conçu :
« Nul ne pourra obtenir de pension sur la caisse des Invalides, s'il a quelque traitement ou salaire public ou pension sur l'Etat, à moins qu'il n'ait été blessé grièvement, ou qu'il ne soit devenu infirme au service public, ou qu'il ne soit âgé de plus de 56 ans, et avant au moins 30 ans de service. »
Un membre : Cet article, s'il était adopté dans son intégrité, porterait atteinte aux dispositions constitutionnelles du décret sur les pensions. Je demande, en conséquence, la suppression de la deuxième partie de l'article, depuis et y compris ces mots : « à moins qu'il n'ait été blessé, etc. »
Plusieurs membres sont entendus sur cet amendement.
(L'Assemblée ferme la discussion et adopte l'amendement.)
rapporteur. L'article se réduit en conséquence à ceci :
Art. 8.
« Nul ne pourra obtenir de pension sur la caisse des Invalides, s'il a quelque traitement ou salaire public, ou pension sur l'Etat. » (Adopté.)
Je demande la parole pour une question d'ordre.
Vous nous avez autorisés ce matin à aller au comité diplomatique, pour y prendre connaissance des pièces sur lesquelles M. de Menou a fait son rapport. Comme ce décret était la suite d'un autre infiniment sévère, qui a renvoyé la discussion à demain matin, nous nous sommes rendus au comité, à six heures; nous avons attendu jusqu'à sept heures et demie, et non seulement nous n'avons trouvé aucun commis pour nous répondre, mais le comité n'était pas même ouvert.
Je demande qu'afin que le décret de ce matin ne soit pas illusoire, l'As9emblée veuille dans ce moment même, par le message de ses huissiers, s'informer si ce que je viens de dire est vrai.
M. l'abbé Maury est allé après six heures au comité pour n'y trouver personne.
Monsieur, j'y suis resté jusqu'à sept heures et demie.
Un membre. Sûrement le comité est ouvert maintenant.
M. de Clermont-Tonnerre arrive en ce moment et il n'y a personne. Si vous voulez envoyer un huissier. (Murmures à l'extrême gauche)...
Un grand nombre de membres : Oui! oui!
L'huissier reviendra vous rendre compte et je fais la motion conditionnelle que, dans le cas où il vous rapporterait (Murmures et interruptions.)...
Je demande en termes très modestes qu'il me serait très facile de rendre plus énergiques, je demande que dans le cas où l'huissier vous rapporterait que le comité n'est pas ouvert, si votre intention est bien que votre décret s'exécute (Murmures et interruptions)...
Plusieurs membres : Il n'y a point de décret.
Je demande pour que VOU3 soyez conséquents.....
Un membre : Le seul moyen de terminer toute discussion, c'est de faire apporter le procès-verbal.
Je demande que la discussion soit renvoyée à lundi.
Dans une circonstance aussi importante, il ne faut pas qu'aucun sentiment puisse vous porter à faire tort à une bonne cause; il faut peser au contraire ce qu'il y a de plus juste et de plus sage à faire. Il n'y a point eu de décret rendu ce matin, mais il y a une considération de justice qui ne doit pas être vaine, c'est celle qui repose sur la parole de votre rapporteur. J'ai entendu moi-même dire à M. de Menou précisément qu'ilseferaitun plaisir et un devoir de communiquer toutes les pièces et son rapport à tous ceux qui voudraient en prendre connaissance.
Il parait avéré que la communication a été impossible jusqu'à ce moment, et il ne faut point s'étonner si M. le rapporteur qui travaille depuis quelques jours a voulu prendre quelque repos; mais sa promesse doit être effectuée.
Eh quoi ! c'est à la veille du jugement d'une affaire qui intéresse un peuple entier et qui doit procurer la justice que vous mettez dans vos actions : c'est dans ce moment que vous refuseriez de communiquer des pièces eu que vous en rendriez la communication illusoire? Non, Messieurs, vous ne le voulez pas; il faut que la communication ait lieu; il faut que vous ordonniez que le comité sera ouvert ce soir, si cela est possible, ou bien demain matin avant la séance, ou qu'enfin la discussion sera renvoyée à lundi.
Dans une cause où toute l'Europe a les yeux attachés sur la décision et la conduite de l'Assemblée nationale de France, il est nécessaire de prouver un scrupuleux attachement aux formes de la défense publique de celte grande question qui peut compromettre la paix du royaume. Dans tous les tribunaux, la communication des pièces est une forme essentielle et un droit de la défense naturelle. J'insiste pour que l'affaire soit renvoyée à lundi et que demain les pièces soient communiquées dans le comité diplomatique sans déplacer.
Comment, Messieurs, voudriez-vous que l'on pût dire que vous n'avez pas voulu communiquer les pièces d'un rapport aussi important? Il s'agit de savoir si la France fera ou ne fera pas un acte de justice. L'Europe vous atteud.
Un membre de l'extrême gauche : Eh bien ! ce soir!
Voulez-vous que nous passions la nuit à ce travail?
Je demande à rétablir les faits, car on a fait jusqu'à ce moment beaucoup de bruit sans s'entendre. Personne ici ne songe à refuser ni à M. l'abbé Maury, ni à qui que ce soit, la communication des pièces du rapport de M. de Menou: mais on a cru qu'il était très facile que d'ici a une heure le comité pût être ouvert et que la communication pût avoir lieu.
Un membre : Cela ne se peut pas... (Murmures.)
Je dis que l'Assemblée doit prendre des mesures pour que le comitésoit ouvert d'ici à une heure ; et si M. l'abbé Maury n'est pas prêt demain, il est probable que la question ne sera pas jugée, mais on pourra toujours ouvrir la discussion et l'Assemblée n'aura pas perdu un jour.
J'observe que ce matin l'Asserhblée a refusé l'impression du rapport. Un rapport fait pour incendier l'Europe. (Murmures.)
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée et qu'elle soit renvoyée à lundi matin.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement de la discussion à lundi et ordonne que le rapporteur déposera son rapport et les pièces justificatives au comité diplomatique où il en sera pris communication sans déplacer.)
La suite de la discussion du projet de décret sur les Invalides de la marine est reprise.
rapporteur. Nous nous sommes arrêtés à l'article 4 du titre III. Voici cet article :
Art. 4.
« Il ne pourra être accordé de pension sur la caisse des Invalides, avec clause de réversibilité. » (Adopté.)
Art. 5.
« La pension de 50 livres accordée à perpétuité au plus proche parent du sieur Penandreff Ke-ranstrelt est exceptée de l'article précédent en mémoire de la mort glorieuse de cet officier tué, le 10 août 1780, sur la frégate anglaise la Flore, à bord de laquelle il avait sauté seul, et continuera d'être payée pendant 100 ans. » (Adopté.)
Art. 6.
« Il sera mis chaque année, sur les fonds de la caisse des Invalides, une somme à la disposition du ministre de la marine, pour être par lui distribuée en modiques gratifications dans les cas de besoins urgents. Cette somme sera fixée à 60,000 livres par an et divisée en deux portions. L'une, de 54,000, sera appliquée aux demandes faites dans les formes prescrites par le litre précédent; et aucune de ses "ratifications ne pourra excéder la somme de 200 livres.
« L'autre portion de 6,000 livres sera disponible par le ministre pour les cas extraordinaires qui ne permettent aucun retard, et dont les demandes ne peuvent être formées à l'avance. Et aucune des gratifications sur ce fonds de 6,000 livres ne pourra excéder la somme de 50 livres. » (Adopté.)
Art. 7.
« Toutes les demandes des marins et autres personnes attachées au
département delà marine, sollicitant des pensions ou demi-soldes, à
raison de leurs services, blessures, âge, infirmités, et qui n'ont
encore obtenu ancune pension ni demi-solde, seront examinées, le
plus tôt possible, par le ministre du département; et toutes celles
qui sont fondées, seront incessamment accordées suivant les
principes du présent décret et conformément au règlement ci-annexé,
à courir du er
janvier 1791. » (Adopté.)
Des pensions, soldes et demi-soldes qui existent sur la caisse des Invalides de la marine.
Art. 1er.
« A compter du 1er janvier 1791, les pensions
accordées, sur la caisse des Invalides de la marine, à des personnes
étrangères au département de la marine et des colonies, et qui n'en
jouissent pas en qualité de veuves et enfants, frères et sœurs, père et
mère de marins, ou employés au service de ce département, sont
supprimées sans pouvoir être remplacées; et il ne leur sera payé que les
arrérages échus à cette époque. » (Adopté.) ,
Art. 2.
« Toutes autres pensions sur la caisse des Invalides continueront d'être payées jusques et compris les six premiers mois de l'année 1791, et ne pourront l'être ultérieurement que d'après vérification de leurs motifs. » (Adopté.)
Messieurs, je dois informer l'Assemblée que M. le rapporteur de l'affaire d'Avignon est au comité diplomatique et qu'il invite ceux des membres de l'Assemblée qui veulent prendre communication des pièces à s'y rendre.
rapporteur, donne lecture de l'article 3 du titre IV du projet de décret sur les Invalides de la marine, ainsi conçu :
« Les pensions accordées pour raison de blessures ou d'infirmités graves et bien constatées, ou à titre de retraite, après 30 ans effectifs de services, ou aux veuves, enfants, père, mère, frères et sœurs de marins, officiers et employés dans le département, en considération de la mort ou des services rendus par leurs maris, leurs pères, fils ou frères sont conservées; mais celles qui excèdent 600 livres, seront réduites à ce taux. »
Un membre : Le changement fait à l'article 3 du titre III en exige un dans l'article qui vous est actuellement soumis; je demande qu'on ajoute à l'article ces mots : «pourvu qu'il riaient pas d'autre traitement ».
rapporteur. J'adopte l'amendement et je rédige comme suit l'article :
Art. 3.
« Les pensions accordées pour raison de blessures ou d'infirmités
graves et bien constatées, ou à titre de retraite, après 30 ans
effectifs de services, ou aux veuves, enfants, père, mère,
Art. 4.
« Ne sont comprises aux dispositions de l'article 2 les soldes et demi-soldes, et les pensions de 50 livres aux veuves, qui continueront d'être payées sans interruption. » (Adopté.)
Art. 5.
« Le ministre de la marine remettra au bureau du commissaire du roi, liquidateur, les titres ou décisious avec les motifs et informations prises dans les ports respectifs sur les pensions suspendues par l'article 2 du présent titre. Le commissaire-liquidateur en fera l'examen et vérification et remettra le tout au comité de marine, pour en faire le rapport à l'Assemblée nationale. » (Adopté.)
Art. 6.
« Tous inventeurs de découvertes utiles à la marine, et autres étrangers à c'ê département, auxquels il avait été accordé des pensions sur la caisse des Invalides, ou qui auront des droits à des récompenses, fourniront leurs mémoires au comité des pensions, pour être portés sur la liste des pensionnaires de l'Etat, s'il y a lieu. » (Adopté.)
Art. 7.
« Les pensionnaires de toutes les classes sur la caisse des Invalides de la marine, seront admis, dès qu'ils le requerront, dans les hospices nationaux, en abandonnant auxdits hospices leur pension ou solde, sous la réserve de 24 livres par an pour les besoins particuliers desdits pensionnaires ; mais ils seront tenus d'y travailler, s'ils sont encore en état de le faire, et le produit de leur travail appartiendra à l'hospice.
« Ceux qui auront été estropiés, ou qui auront atteint l'âge de caducité, et qui n'auraient d'ailleurs aucun moyen de subsister, pourront être reçus à l'hôtel des Invalides, conformément au décret du 24 mars 1791 ; alors ils cesseront de recevoir aucune demi-solde, sauf la réserve des 24 livres. » (Adopté.)
Art. 8.
« Les soldes et demi-soldes dont jouissent actuellement les invalides de la marine, seront provisoirement, et à compter du 1er janvier 1791, augmentées de 12 deniers par jour, en attendant un travail général qui devra être fait par le département de la marine, dans le courant de cette année, pour mettre tous les invalides de la marine au premier janvier 1792, sur le pied du règlement annexé au présent décret. » (Adopté.)
Art. 9.
« Les hôpitaux, hospices et autres établissements de bienfaisance, destinés privativement aux invalides de la marine, seront provisoirement maintenus. L'Assemblée nationale charge ses comités de marine et de mendicité de lui en présenter incessamment le tableau, et de lui proposer les dispositions a faire pour l'avantage public. » (Adopté.)
De la comptabilité de la caisse des Invalides et frais de son administration
Art. 1er.
« La caisse des Invalides de la marine est un dépôt confié, sous les ordres du roi, au ministre du département de la marine, qui ne pourra, sous peine d'en être responsable, en intervertir la destination. » (Adopté.)
Art. 2.
« Tous les agents nécessaires au service de la caisse des Invalides seront sous les ordres du ministre de ce département. » (Adopté.)
Art. 3.
Il y aura un trésorier des Invalides de la marine à Paris, et dans chacun des ports, où un tribunal de commerce maritime remplacera une amirauté; et les trésoriers des ports seront en même temps caissiers des gens de mer.
« Il y aura, en outre, des caissiers des gens de mer dans les autres quartiers, et ces caissiers seront subordonnés au trésorier de leur arrondissement. » (Adopté.)
Art. 4.
« Au ministre appartiendra d'ordonner les remises et versements de fonds de la caisse de Paris dans celles des ports, et vice versâ, suivant les besoins du service. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les recettes et dépenses concernant les invalides et les gens de mer seront confiées auxdits trésoriers et caissiers, dont la comptabilité sera suivie par les commissaires des classes, sous les ordres des ordonnateurs, et inspectée dans les ports par les contrôleurs delà marine. » (Adopté.)
Art. 6.
« Chaque trésorier et caissier tiendra un registre particulier en recette et en dépense, tant pour le service de la caisse des Invalides, que pour celle des gens de mer. » (Adopté.)
Art. 7.
« Le premier jour de chaque mois, les trésoriers arrêteront leur registre, et le feront viser par les commissaires aux classes et les contrôleurs de la marine du port où ils seront établis.
« Les caissiers des gens de mer arrêteront aussi leur registre le premier jour de chaque mois, et cet arrêté sera visé par le commissaire des classes du quartier.
« Les commissaires aux classes et les contrôleurs seront tenus de vérifier et certifier l'état de la caisse et l'existence des effets et espèces, et ils seront responsables de la vérité de leur certificat. » (Adopté.)
Art. 8.
¦ Us remettront, à la même époque, à l'ordonnateur en chef de leur département, qui le fera passer au ministre, l'extrait du service du mois, certifié et visé comme il est prescrit pour le registre. Le trésorier des Invalides, à Paris, remettra un semblable extrait au ministre.(Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 9 ainsi conçu :
« Tous les ans, au premier jour de janvier, chaque trésorier des Invalides formera son compte de 1 année précédente, lequel sera visé et certifié par le commissaire aux classes ou le contrôleur de la marine, arrété par l'ordonnateur du département et adressé au ministre de la marine.
« A Paris, le trésorier établira, dans la même forme, son comple de l'année précédente, qu'il fournira au ministre.
« D'après tous ces comptes, le ministre de la marine fera dresser le compte général de la caisse des Invalides de la marine qui sera livré à l'impression et envoyé dans les quartiers à chaque syndic des gens de mer.
« A ce compte général seront jointes les listes des pensions demandées et de celles accordées pour chaque département. »
Un membre demande que, comme complément des mesures d'ordre contenues dans cet article, on y ajoute la disposition suivante : « Le double de ce compte sera envoyé au Corps législatif. » (Cette addition est décrétée.)
rapporteur. L'article serait, en conséquence, rédigé comme suit :
Art. 9.
« Tous les ans, au premier jour de janvier, chaque trésorier des Invalides formera son compte de l'année précédente, lequel sera visé et certifié par le commissaire aux classes ou le contrôleur de la marine, arrêté par l'ordonnateur du département et adressé au ministre de la marine.
« A Paris, le trésorier établira, dans la même forme, son compte de l'année précédente, qu'il fournira au ministre.
« D après tous ces comptes, le ministre de la marine fera dresser le compte général de la caisse des Invalides de la marine, qui sera livré à l'impression et envoyé dans les quartiers à chaque syndic des gens de mer.
« A ce compte général seront jointes les listes des pensions et gratifications demandées et de celles accordées pour chaque département : le double de ce compte sera envoyé au Corps législatif. » (Adopté).
Art. 10.
« Aucune dépense ou gratification ne pourra être allouée que sur l'ordonnance signée du roi en commandement et contresignée par le ministre du département de la marine. » (Adopté.)
Art. 11.
« Les commissaires des classes et les contrôleurs de la marine dans les ports et, à Paris le chef du bureau des Invalides seront spécialement chargés des poursuites à faire pour la rentrée des sommes dues à la caisse des Invalides tant pour le passé que pour l'avenir, chacun dans leur département. » (Adopté.)
Art. 12.
« La caisse des Invalides ne supportera aucuns frais ordinaires, que ceux qui seront réglés pour le traitement des agents auxquels seront confiées l'administration et la comptabilité des objets qui les concernent. » (Adopté.)
Art. 13.
« Ladite caisse ne supportera d'autres frais extraordinaires, que ceux nécessaires pour assurer Je recouvrement des sommes qui lui seront dues et 1 impression de ces comptes. » (Adopté.)
rapporteur. Je proposerai un arlicle additionnel; le voici :
« Les registres et rôles de remises pour les gens de mer et les Invalides de la marine, ainsi que les mandats pour leur faire toucher ce qui leur revient et les quittances qu'ils en donneront, sont exempts des droits d'enregistrement et de timbre. »
Un membre demande le renvoi de cette disposition au comité d'imposition.
Un membre soutient que cette disposition établit un privilège et une exception dangereuse et de.nande la question préalable.
Je consulte l'Assemblée sur la demande de question préalable.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'article additionnel).
rapporteur. Nous passons maintenant, Messieurs, à la discussion des dispositions du règlement relatif aux articles que vous venez de décréter ; les voici :
Règlement pour la fixation et distribution des pensions, soldes et demi-soldes sur la caisse des invalides de la marine.
« L'Assemblée nationale, considérant que la situation des marins exige plus ou moins de secours en raison de leurs infirmités, de leurs blessures, de la quantité et de l'âge de leurs enfants, et qu'il est juste aussi d'avoir égard à leurs appointements qui indique la durée, l'importance et le mérite de leurs services, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Il sera fait cinq classes des personnes ayant droit à des demi-soldes, en qualité d'invalides de la marine. » (Adopté.)
Art. 2.
« Tous les marins qui, aux termes du décret de ce jour, auront droit à une demi-solde sur la caisse des Invalides, et dont la paye au service est de 66 à 81 livres par mois, recevront pour demi-solde 18 livres par mois.
« Tous ceux dont la paye est de 51 à 63 livres recevront pour demi-solde 15 livres par mois.
» Tous ceux dont la pave est de 39 à 48 livres recevront pour demi-solde 12 1. 10 s. par mois
« Tous ceux dont la paye est de 27 à 36 livres auront pour demi-solde 10 livres par mois.
« Enfin pour tous ceux dont la pave est au-dessous de 27 livres, la demi-solde sera de 8 livres par mois. » (Adopté.)
Art. 3.
«Il sera en outre accordé à chaque invalide qui par mutilation, par des blessures graves ou des infirmités, serait habituellement hors d'état de travailler, un supplément de 6 livres par mois. » (Adopté.)
Art. 4.
« Il sera aussi accordé à chaque invalide en supplément la somme de 2
livres par mois pour
Art. 5.
« A l'égard des sous-officiers et soldats des troupes de la marine, on suivra les règles établies ou à établir pour l'armée de ligne, en ayant égard au séjour dans les colonies, et aux campagnes de mer desdits sous-officiers et soldats. » (Adopté.)
Art. 6.
« Tous ceux dont les appointements ou la solde excèdent 81 livres par mois, auront droit, dans les cas exprimés par le décret, à une pension du quart de leurdit traitement ou solde.
« Si, par des blessures ou infirmités, ils se trouvent hors d'état de travailler, ils recevront un supplément de 9 livres par mois, et en outre 3 livres par chacun de leurs enfants au-dessous de l'âge de 10 ans, et seulement jusqu'à ce qu'ils soient parvenus à cet âge. » (Adopté.)
Art. 7.
« Les veuves des pensionnaires invalides, et celles des hommes morts après 30 ans de service, aurcmt droit à la moitié de ce que leurs maris avaient obtenus ou auraient pu obtenir.
« Celles des hommes tués à la guerre auront droit à la moitié de la pension ou demi-solde qui aurait été due à leurs maris, à raison de sa paye ou de ses appointements, quel que fût son âge ou le temps de service, et en outre à la moitié du supplément accordé pour ies blessures graves; il leur sera aussi accordé un supplément de 3 livres par mois, pour chaque enfant au-des-eous de l'âge de 10 ans. » (Adopté.)
Art. 8.
« Les pères et mère3 pourront obtenir chacun le tiers de la pension ou demi-solde qui aurait pu être accordée à leurs fils dans les cas ci-dessus. » (Adopté.)
Art. 9.
« Les orphelins de père et de mère, dans les cas énoncés ci-dessus, pourront obtenir chacun le tiers de la pension ou demi-solde que leur père avait obtenue, ou à laquelle il aurait eu droit ; et cette pension ou demi-solde leur sera payée jusqu'à I âge de 14 ans accomplis. » (Adopté.)
Art. 10.
« Lesdites pensions ou demi-soldes et accessoires réunis ne pourront jamais excéder la somme de 600 livres fixée pour le maximum des pensions sur la caisse des Invalides. » (Adopté.)
indique l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à neuf heures et demie.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du er mai
1791 (1).
La séance est ouverte à onze heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne lecture du pro-cès-verbal de la séance d'hier au matiu.
Dans un décret rendu hier sur mon rapport au nom du comité des finances, vous avez fait la réformation d'une date qui doit assurément subsister; cela vient de ce que j'ai été induit en erreur sur l'existence druu décret antérieurement rendu par l'Assemblée.
Il s'agit de la rectification de l'époque depuis laquelle l'adjudicataire du bail général des fermes et ses cautions doivent compter de clerc à maître de leurs recettes et dépenses.
Plusieurs membres présentent différentes observations à ce sujet.
(L'Assemblée, consultée, décrète que la partie du projet de décret rendu hier, relative à la rectification de l'époque depuis laquelle l'adjudicataire du bail général des fermes et ses cautions doivent compter de clerc à maître de leurs recettes et dépenses, demeure supprimée du procès-verbal de ladite séance, et charge ses comités des finances et d'imposition d'examiner quelle est la véritable époque, depuis laquelle ledit compte doit être rendu, pouren faire incessamment leur rapport à l'Assemblée nationale.)
On m'a adressé comme président de l'Assemblée nationale un paquet chargé; ce paquet était ouvert. En me représentant, on m'a remis une lettre de la poste me priant d'accepter le paquet malgré l'état dans lequel il se trouvait. Je n'ai pas cru devoir le recevoir, en raison même de ce que, pour dernier exercice aux barrières, et apparemment dans le but de les faire regretter, ou s'était permis de le déchirer, de l'ouvrir et de le fouiller, bien quil fût adressé au Président de l'Assemblée nationale.
Un membre : Ils ne le feront plus.
(de Saint-Jean-d'Angély). Tout ceci se réduit à un tort très grave de la part des commis, qui ne devaient pas ouvrir ce paquet. Vous n'avez actuellement que des mesures à prendre pour que celui qui s'est permis cette violation du secret soit puni.
Plusieurs membres : Ne nous occupons plus des morts !
commissaire de la caisse de l'extraordinaire. J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que vendredi prochain on brûlera pour 10 raillions d'assignats, formant le complément de 100 millions.
au nom du comité militaire. Messieurs, à Ja suite de diverses
observations qui vous ont été faites à la séance d'hier matin, vous
Voici la rédaction que votre comité m'a chargé de vous soumettre :
« L'Assemblée nationale décrète que les officiers, sous-officiers et soldats sont libres, hors te temps de leur service militaire... »
Il faut mettre : de toutes les armes.
rapporteur. J'adopte et je reprends la lecture :
« L'Assemblée nationale décrète que les officiers, sous-officiers et soldats de toutes les armes, sont libres, hors le temps de leur service militaire, des appels, des exercices, et avant la retraite, d'assister sans armes, et comme les autres citoyens, aux séances des sociétés qui s'assemblent paisiblement, dans les villes où ils sont en garnison ou en quartier.
« Décrète, en outre, que conformément à l'article 8 du décret du 6 août 1790, aux articles 15 et 16 du décret du 15 septembre, et autres décrets rendus depuis cette époque, qui fixent la forme des réclamations qui doivent être adressées au Corps législatif, et au pouvoir exécutif, par les individus des troupes de ligne, il est interdit auxdites sociétés, et aux membres qui les composent, de s'initier dans les affaires qui intéressent la police iniérieure des corps, la discipline militaire, et l'ordre du service. »
(Ce décret est adopté.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au soir qui est adopté.
secrétaire, fait l'annonce d'une adresse de la société des amis de la Constitution de Salies-en-Cominges, qui consacre les premiers moments de son existence à offrir ses respectueux hommages à l'Assemblée nationale et au roi ; elle réunira tous ses efforts pour déjouer les intrigues des ennemis du bien public, pour éclairer le peuple et lui expliquer les décrets constitutionnels.
donne lecture d'une lettre de M. Sarot, ancien avocat, qui prie l'Assemblée nationale d'agréer 50 exemplaires d'un ouvrage de sa composition.
au nom du comité de la marine. Messieurs, votre comité de marine m'a chargé de vous proposer un article additionnel au décret d'application que vous avez rendu relativement à l'organisation de la marine; le voici :
« Les officiers de la marine continueront de remplir leurs fonctions et de recevoir leurs appointements actuels, jusqu'à l'époque de la formation nouvelle du corps de la marine. »
(Cet article est décrété.)
au nom des comités des domaines, des finances et de liquidation. Messieurs, vos trois comités des domaines, des finances et de liquidation m'ont chargé de vous rendre compte d'une pétition du sieur de Villemotte, écuyer du roi, qui sollicite une indemnité en raison de constructions par lui faites au manège et des pertes qu'il a subies parla cessation subite de son cours d'équitalion, par suite de l'occupation par l'Assemblée nationale du local qui lui avait été prêté.
Voici le projet de décret que je suis chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités des domaines, des finances et de liquidation, décrète qu'il sera payé au sieur de-villemotteune somme de 50,000 livres par forme d'indemnité, tant pour la valeur des bâtiments construits par lui ou ses prédécesseurs pour leur habitation, et le service de l'Ecole d'équitation, etdont l'Assemblée nationale a disposé, pour raison du préjudice causé au sieur de Villemotte par la cessation subite de son établissement, au moyen de quoi il ne pourra plus rien prétendre à la propriété desdits bâtiments, et néanmoins il continuera de jouir gratuitement des portions de ces mêmes bâtiments dont l'Assemblée ne s'est pas mise en possession (Murmures), mais seulement jusqu'à ce qu'il en soit ordonné autrement, et sans qu'il en puisse résulter aucune indemnité.
Plusieurs membres ; La question préalable !
Je demande sur quoi cette indemnité est fondée; le sieur de Villemotte n'était pas propriétaire de la salle du manège, qui appartient à la nation; il n'en était pas davantage locataire, cas où il lui aurait été dû une indemnité de six mois de loyer. Bien loin d'en être locataire, il recevait tous les ans de la nation une somme de 26,000 livres. (Applaudissements.)^ ce qui concerne les constructions adjacentes, on ne nous donne aucune preuve qu'elles aient été payées par M. de Villemotte ni par aucun de ses prédécesseurs. Cette pétition a d'ailleurs été rejetée une première fois l'année dernière par le comité des finances.
Je~dis donc que nous ne devons rien ; l'argent qu'on veut donner n'est pas à nous, il est à la nation (Applaudissements), et il n'est pas permis de le prodiguer. Je demande donc la question préalable sur cette proposition.
appuie l'opinion de M. Martineau.
L'indemnité réclamée par le sieur de Villemotte n'est pas fondée sur son éviction du manège, mais sur la valeur des bâtiments qui ont été construits par lui ou par ses prédécesseurs à qui il les a payés.
Le comité des finances a rejeté cette demande.
Il n'y a pas de justice rigoureuse à invoquer contre M. de Villemotte; si l'Assemblée veut lui donner une gratification, elle est libre de la prononcer.
Il faut éclaircir les faits. J'ai chez moi le titre passé entre M. de Villemotte et M. Dugard son prédécesseur. M. Dugard a vendu à M. de Villemotte la salle et tout ce qui était dans le manège moyennant une somme de 80,000 livres que ce dernier s'était engagé à lui payer, ou bien une rente viagère de 10,000 livres qui a été effectivement payée pendant deux ou trois ans; mais passé ce temps. M. de Villemotte a trouvé le moyen de faire reporter sur le Trésor royal et de lui faire supporter, à l'insu de M. Dugard, le payement de cette rente. (Rires ironiques à gauche.)
Plusieurs membres demandent la question préalable.
(L'Assemblée consultée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret présenté par M. de Vismes.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Etienne sur la création de petits assignats (1).
Messieurs (2), les assignats ontsauvé la France; mais ils ne l'ont pas garantie de tout embarras, de toute souffrance attachée à sa situation. Il n'eût été permis qu'à des ignorants de l'espérer, à des empiriques de le promettre.
Nous souffrons aujourd'hui de la rareté du numéraire. Bile est grande, elle est incommode. Qu'on nous cite une révolution où cette détresse n'ait point eu lieu! Plusieurs honorables membres (M. Pétion en particulier) en ont judicieusement exposé les causes. On pourrait en ajouter de nouvelles à celles qui ont été citées ; mais qu'importe! Comme il n'est en notre pouvoir de faire cesser subitement aucune de ces causes, leur recherche exacte serait plus curieuse qu'utile. Je pense qu'en général il n'y a pas une assez forte masse d'assignats répandue dans la circulation; mais les moyens de l'augmenter ne sont pas non plus à l'ordre du jour. Il s'agit de la valeur jusqu'à laquelle il convient de faire descendre les sous-divisions d'assignats; il s'agit de savoir si, oui ou non, il est utile de créer des assignats de la valeur de 5 livres; c'est la motion proposée; c'est à elle que doit s'attacher la discussion.
Lorsqu'on éprouve journellement le besoin d'échanger des assignats contre des écus, et la difficulté de se procurer ceux-ci; lors même qu'on ne se les procure qu'à perte et à grands frais, je conçois facilement qu'il se présente à la pensée des personnes qui ont peu réfléchi sur les matières de finance et de circulation, qu'il serait facile de remédier à cet inconvénient, par le moyen tout simple de fabriquer des assignats de la valeur ou environ d'un écu. Mais ce remède si simple en apparence est très dangereux en réalité, et l'homme exercé, comme celui qui ne l'est pas, aux calculs de finance, ne peuvent pas différer longtemps sur ce point dès qu'ils en auront raisonné méthodiquement.
Toutes les fois que vous associez une monnaie de papier à la monnaie de métal dans la circulation d'un pays, en supposant la monnaie de papier d'une solidité parfaite et d'une valeur indubitable, ainsi que je considère les assignats, il est presque impossible que l'argent n'obtienne pas toujours quelque préférence sur le papier ; il la devra nécessairement à deux causes : 1° d'être le signe conventionnel de toutes les nations; 2° d'être divisé en plus petites pièces, et consé-quemment de s'appliquer plus juste à la valeur de chacun de nos besoins.
Car je suppose que l'on reconnaît impossible de faire descendre l'assignat jusqu'aux dernières Eous-divisions des valeurs mooétaires et d'en faire de 2 sols, de 6 liards, ni même de 6 et de 12 sols.
Gela supposé, il faut donc convenir du point de section où la monnaie de papier doit s'arrêter et céder la place aux pièces de monnaie métallique.
Il faut s'attendre que là il y aura une perte,
Ko supposant donc, ce qui m'est tout à fait démontré, qu'une perte quelconque existera quelque part, je dis qu'il faut la placer de telle manière qu'elle soit supportée par les gens aisés, par ceux qui ont le moyen de perdre, qui peuvent en supporter l'incommodité, qui, retirant de la société le plus d'avantages, doivent y porter le plus de charges, quand elles se présentent.
Or le seul moyen qu'une perte quelconque, tant qu'elle existera, soit subie par le riche et jamais par le pauvre, c'est que l'assignat soit toujours d'une plus grosse somme que ne le sont les recettes ordinaires du pauvre (Murmures.) afia que le pauvre ne participe jamais au petit inconvénient d'être payé en assignats et soit toujours payé de la manière la plus commode pour lui, c'est-à-dire en argent monnayé.
Car comme c'est celui qui doit, qui est obligé de chercher de la monnaie pour s'acquitter, et de la chercher à ses dépens, tout l'avantage est pour l'ouvrier qui reçoit son salaire et le prix de son travail, quand il le reçoit en espèces sonnantes. Tout le désavantage a été pour celui qui a eu la peine de se procurer des espèces pour les donner à l'ouvrier. Mais puisqu'il y a un désavantage, il vaux mieux qu'il soit supporté par le riche que par le pauvre, par le consommateur que par celui qui lui livre sa marchandise et son travail, par le maître que par l'ouvrier.
Remarquez bien que de petits assignats ne font que déplacer la difficulté sans la résoudre-, que transporter la perte d'où elle est, c'est-à-aire chez les gens aisés, là où elle n'est pas, et où elle ne devrait jamais être : chez les pauvres.
Je voudrais que l'on me donnât une bonne raison pour m'expliquer comment, lorsque les assignats de 50 livres perdent 8 0/0, les assignats de 100 sous ne perdraient pas aussi 8 0/0, serait-ce parce qu'il y aurait en France, au moment actuel, plus de petite monnaie, proportionnellement, qu'il n'y a d écus. Eh bien, je nie ce fait et je dis au contraire qu'il y a actuellement en France, dans notre état présent de pénurie d'écus, plus d'écus à proportion que de monnaie, et de ce fait je n'en veux qu'une preuve, et elle est sans réplique, c'est qu'un écu de 6 livres paye fréquem-meut 1 et 2 0/0, pour s'échanger contre de la moo-i aie... (Bruit de conversation.)
Monsieur le Président, je vous prie de présider un petit moment, s'il vous plaît.
Mais, m'objecte-t-on, on va faire de la monnaie. On va en faire, soit;
depuis longtemps on la promet, on en parle; je ne vois point qu'on y
travaille. Quel produit peui-on nous montrer d'une nouvelle fabrication
? Ou en fera, insiste-t-on; on fera toute celle décrétée déjà par
l'Assemblée nationale, et de plus, on convertira économiquement et
utilement, en sols, toute cette mine aérienne de cloches, qui va enfin
commencer à devenir utile; et par ce moyen, ajoute-t-on, nous
parviendrons à un tel point d'abondance de petite monnaie que dans
chaque district il y aura un bureau ouvert j>our échanger à volonté les
petits assignats de 5 livres contre de gros sous. Messieurs, yadopte en
entier ce projet ; je demande qu'on en presse l'exécution, et quand je
le verrai réalisé, je oe diraiplus que les assignats de 5 livres soient
mauvais; je dirai
Lorsque je vois de bons citoyens se proposer, comme un but désirable, de faire en sorte que les assignats parviennent jusqu'à la circulation la plus inférieure, de les faire si petits qu'ils tombent entre les mains du pauvre, du journalier, de l'ouvrier ; je suis tenté de croire qu'égarés par leurs méditations patriotiques, ils se sont figuré que l'assignat de 5 livres allait tomber, comme du ciel, dans la main de celui qui aujourd'hui n'a rien du tout. Certes, s'il était un moyeu de faire que la pauvreté reçût tout à coup ce soulagement; si nous pouvions, ne consultant que nos vœux, répandre tout à coup dans le sein des malheureux cette rosée salutaire, ah ! je conçois qu'un si beau projet aurait des charmes pour les cœurs les moins sensibles. Je n'aurais pas, Messieurs, la barbarie d'y trouver des objections.
Mais, puisqu'il faut refuser à notre imagination jusqu'à la douceur d'une semblable espérance je ne conçois plus ce qu'on prétend trouver de favorable au pauvre dans la proposition des petits assignats ; et loin delà je n'y vois plus, contre l'intention des auteurs de la motion, qu'un moyen très assuré de débarrasser l'homme riche et l'homme aisé de la gêne qu'ils éprouvent, en la reversant tout entière sur la classe des pauvres, des ouvriers, de tous ceux qui n'ont pas le moyen de perdre, et à qui l'intérêt même de la société veut qu'on accorde toujours faveur et protection. (Applaudissements au centre.) Suivons, en effet, la marche connue de la circulation.
Je suppose les assignats de 5 livres, fabriqués. A qui les délivrera-t-on?Les donnera-t-on gratis aux passants à la porte du Trésor public? Non, sans doute. On les emploiera dans les payements du Trésor public ; on les donnera en échange à ceux qui en rapporteront de gros. Mais, je demande, qui est-ce qui a des payements à recevoir au Trésor public, ou de gros assignats à rapporter. Sont-ce les pauvres? Sont-ce les ouvriers? Sont-ce tous les gens qui vivent jour par jour, Ou de semaine en semaine, du travail de leurs mains ? Non, sans doute. Comment donc leur parviendra un assignat de 5 livres, lorsqu'ils l'auront gàgné à la sueur de leur front, et de la même manière et pour la même quantité de travail avec laquelle ils gagnent aujourd'hui 100 sous, en un petit écu et 40 sous de monnaie? Que l'on veuille donc m'expliquer quel avantage il y aura, pour cet ouvrier qui gagne aujourd'hui, en un certain espace de temps, un petit écu et 40 sous, d'obtenir à la place ue cet argent monnoyé, un assignat de la même valeur. Je conçois bien que, pour celui qui paye, il y a avantage à payer ainsi; mais pour celui qui reçoit, certes il n'y a que du désavantage, et si ce n'est pas là la guerre des riches contre les pauvres, je ne sais où il faut en chercher des exemples.
Quand on fit les premiers assignats, les hommes opulents de Paris, les grands possesseurs de capitaux sentirent que, si ou ne faisait que des assignats de 1,000 livres, tout l'embarras serait pour eux. Ils voulurent en faire supporter une partie à toute la classe des riches, et ils demandèrent des assignats de 300 et de 200 livres. Les riches à leur tour voulurent appeler à supporter le fardeau toute la classe des gens aisés, et les assignats furent descendus jusqu'à 50 livres; ceux-ci, sans le vouloir, mais par ce sentiment personnel qui tend à se décharger, invoquent aujourd'hui une mesure qui fera tout retomber sur le pauvre. Ici, Messieurs, votre vigilance et votre humanité doivent intervenir. Les autres étaient tous appelés à s'entr'aider, dans la détresse passagère et commune ; écartez-la du moins de celui dont l'infortune n'a point d'accroissements à supporter.
Mais j'entends que l'ou m'objecte : L'inaction des manufactures est aussi un mal pour le pauvre, et les manufactures éprouvent une soif extrême d'un plus petit numéraire, d'un signe plus rapproché des distributions continuelles qu'elles ont à faire. Sans examiner si c'est là la plus grande cause de la station de nos manufactures; si elles ne manquent pas encore plus de commandes que d'espèces; si toutes les suites d'une révolution et d un grand déplacement de richesses ne sont pas la vraie raison de leur langueur, je conviens qu'elles doivent manquer de numéraire monnayé. Mais ce n'est pas par un seul côté favorable que doit se juger une question de cette étendue, qui tient à tant de rapports généraux de justice et d'ordre public.
Est-il bien vrai que le salut des manufactures exige impérieusement des assignats de 5 livres? Est-ce parce que les achats de numéraire haussent nécessairement le prix des factures, de la répartition de ce sacrifice sur chaque objet qui en est le produit? Mais si c'est l'ouvrier qui doit souffrir la perte, il n'y aura nulle économie; car ce sera l'ouvrier qui haussera sa journée de tout ce qui doit lui en coûter pour acheter de la monnaie, et les factures ne seront pas diminuées.
Heureusement il est, pour le commerce, des ressources plus simples et en même temps plus sûres. Etudions-les chez nos industrieux voisins. Fidèles aux principes, ils ont interdit à leur banque toute émission de billet3 au-dessous de 5 guinées. Mais une foule de monnaies de confiance remplace, dans les manufactures, le numéraire métallique, habituellement rare dans ce pays où le gouvernement est pauvre et les individus riches. Chaque entrepreneur a ses jetons et ses marques. Des fournisseurs les acceptent de la main des ouvriers; et cette circulation très courte, créée par l'industrie, soutenue par la confiance, surveillée par l'intérêt, n'a pas un des défauts d'une petite monnaie forcée de papier, et suffit à tous les besoins des manufactures.
Tout ce qui est libre en ce genre est sans inconvénients; car celui qui, ayant droit à un payement, ne veut pas d'un billet libre qu'on lui offre, peut l'écarter et exiger de l'argent. C'est toujours son choix qui le détermine.
Mais pourquoi chercher des exemples chez nos voisins? Déjà le patriotisme et l'industrie française ont imité avec succès ces circulations libres et volontaires. Bordeaux en a donné le premier exemple; et, si quelques pertes ont suivi ce premier essai, c'est que peut-être le zèle avait-il pris uu essort trop élevé, en voulant soutenir l'échange, à bureau ouvert, des assignats contre les écus.
Marseille, Lyon, Tours, Orléans offrent plusieurs exemples très heureux d'établissements volontaires, et je m'étonne que la capitale ait reçu ces exemples au lieu de les donner et les ait reçus si longtemps sans les imiter. Aucuns établissements ne sont plus dignes de l'émulation et du patriotisme des bons citoyens. Aucuns ne méritent plus de protection et d'encouragement.
Aucun emploi de fonds ne me paraît plus louable et plus avantageux ; car,
s'il se présentait quelque perte, pourrait-on s'accuser d'imprudence
pour avoir été bienfaisant? Et s'il en
Sevai^ixt UD vrai siSnal de prospérité publique?
Voilà, Messieurs, les ressources qui conviennent aux manufactures, et non pas l'empirisme d un remède dont on n'aurait pas osé vous proposer l'excès quand vous avez rendu vos premiers décrets sur les assignats.
Cçnsidérez, Messieurs, qu'une perte de 8 0/0 est insupportable à celui pour qui 5 livres composent le revenu d'une semaine et le prix de b journées d'un pénible labeur ; considérez que si nous avons peine à nous défendre nous-mêmes d un mouvement d'humeur contre le marchand cl argent qui nous force à subir dans ses mains la loi de la nécessité, cette humeur causera beaucoup de rixes de la part de ceux pour qui cette perte sera plus dure, et qui d'ailleurs ont moins de lumières sur la liberté du commerce des métaux monnayés ; on peut craindre que ces rixesne deviennent fréquentes, et qu'elles ne prennent même souvent un caractère pl us général.
Je pourrais ajouter d'autres considérations : il est sensible que la contrefaçon des assignats sera bien plus facile et bien plus commune, lorsque l'on n'aura à tromper que des yeux qui ne sont point exercés à soupçonner et à découvrir les Iraudes. Vous sentez qu'un faux assignat, qui s'anéantira dans la main d'un malheureux ouvrier, dont il devait nourrir la femme et les enfants, réduira au désespoir cette famille qui n'avait pas d'autre moyen de subsistance.
Enfin, je pourrais opposer à ceux qui regardent cette ressource comme devenue indispensable dans la crise actuelle, qu'il faudra plus de 4 mois pour fabriquer ce remède du moment; et que dans 4 mois, si nous accélérons nos travaux, si la Constitution est finie, si nous sommes remplacés par nos successeurs, nos malheurs actuels seront guéris bien mieux que par le palliatif des petits assignats, s'il est vrai qu'on puisse nommer palliatif un remède dont tout l'effet serait de soulager du sentiment de nos malheurs actuels la partie aisée de la nation, quia des moyens et des forces pour les soutenir, et d'accabler de ce surcroît de fardeau la partie pauvre et calamiteuse pour qui il serait insuppor-
Je conclus au rejet absolu de la motion de M. Rabaud. (Applaudissements dans une partie de la salle.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Briois-Beaumetz.)
(1). Lorsque nous traitions l'année dernière la grande question des
assignats, ceux qui soutenaient l'opinion que l'Assemblée nationale a
adoptée, n'osaient exprimer leur pensée tout entière. Leurs adversaires
les arrêtaient à chaque pas, ou par des principes abstraits faussement
appliqués, ou par des pronostics fondés sur des exemples funestes dont
on se gardait bien de développer la véritable cause. Trop de passions
alors étaient en activité, trop de préjugés étaient enracinés dans les
esprits que la passion n'égarait pas; d'ailleurs, quelques hommes,
connus par l'amour du bien et par de profondes études politiques,
professaient la doctrine opposée aux assignats, et leur autorité
retenait ceux à qui les seules lumières de la raison faisaient
apercevoir la vérité dans l'opinion contraire. Enfin l'expé-
On vous propose d'adopter un nouveau moyen de secourir tous ies genres d'industrie et de fournir aux besoins multipliés qui nous environnent. Rien n'est exagéré dans le tableau qu'on vous a fait du mal auquel il faut apporter remède ;
I argent resserré par la crainte, ou envahi par la cupidité, est devenu beaucoup trop rare dans la circulation. La multitude des échanges qui ne peuvent s'opérer sans son secours, ne diminuera jamais; et, sur cette inévitable nécessité, de hardis spéculateurs ont pu fonder des béné-hces immenses. Ce qu'ils font n'est pas illicite; mais s'il est un moyen possible d'empêcher un petit nombre d'hommes avides de mettre à contribution la plus grande partie de la société, il ne nous est pas permis de nous refuser à ce devoir.
II faut seulement réfléchir beaucoup sur le choix des moyens, considérer les résultats avant d'embrasser un parti et ne pas oublier surtout que les pas faits jusqu'ici dans cette carrière n'ont été fort heureux que parce qu'ils ont été sages, que 1 opinion éclairée par la discussion ou par l'expérience les a toujours précédés et que crest encore elle qui doit nous préparer de nouveaux succès.
Nous n'avons plus à disputer sur la solidité des assignats, sur la certitude de leur anéantissement successif et sur le besoin que Ja nation avait d'un moyen extraordinaire de payer ses dettes. II ne s'agit aujourd'hui que d'ajouter une mesure nouvelle à celles qui jusqu'à présent nous ont réussi. La proposition qui nous est faite se présente avec un grand avantage, celui d'un vœu généralement exprimé et peut-être peut-on lenvisager encore comme un moyen de priver de leurs dernières ressources les ennemis de la Révolution. (Murmures à droite; applaudissements a gauche.)
Il est urgent de rétablir la circulation, dont la langueur est une maladie grave pour tout le corps politique : la circulation languira, tant qu il n existera pas une suffisante abondance de signes intermédiaires entre les derniers assignats et les plus petites valeurs du commerce. L'argent, à qui ce rôle intermédiaire appartient essentiellement, vend-il trop cher ses services? Il faut parvenir à s'en passer : tel est le problème que vous deviez résoudre.
On parle toujours avec une sorte d'indignation de ce que nous appelons
l'agiotage de l'argent, et je crois qu'on ne s'en fait pas une idée
juste. La propriété du numéraire, ainsi que toutes les autres
propriétés, a ses droits inviolables; le3 possesseurs de l'argent
pourraient le garder ; ainsi ils peuvent ne le donner qu'à une certaine
condition : cette condition est le prix de la vente qu'ils consentent à
en faire, et qu'ils seraient
Les assignats n'ont plus de crédit, vous dit-on; ils perdent tant contre l'argent. On dit une absurdité. Si l'assignat était sans crédit, c'est-à-dire sans valeur reconnue, on ne donnerait pas telle somme pour l'acquérir, car personne n'est jamais obligé de se prêter à cet échange. Si on le croyait désavantageux, on se garderait bien de le faire, à quelque prix que ce fût; et puisque des usuriers s'en chargent, c'est qu'ils estiment l'assignat plus que l'argent qu'ils en donnent. (Rires à droite; applaudissements à gauche.) Je ne prétends pas cependant persuader à l'homme qui n'a pu obtenir que 920 livres en échange de son assignat de 1,000 livres, qu'il n'a pas perdu 8 0/0; mais je prétends qu'il les a perdus, parce que celui qui possède l'argent, qui voit le besoin que l'on en a, et qui s'aperçoit que la concurrence est grande pour l'acheter, et petite pour le vendre, fait tourner la circonstance à son profit, élève le prix de sa marchandise; et alors il serait plus exact de dire que l'argent est plus cher de tant, et non que l'assignat perd tant. Lorsqu'une denrée de première nécessité devient rare, on la paye plus cher : avec 6 livres on n'obtient que fa même quantité que l'on obtenait précédemment pour 5 livres; on ne dit pas alors que les écus ae 6 livres ne valent plus que 5 livres. Il en est de même des assignats comparés à l'argent; la valeur de l'assignat reste la même ; car il est nécessairement, ou tout bon, ou tout mauvais. La valeur de l'argent-marchandise a seule varié suivant l'abondance ou la rareté, suivant telle ou telle circonstance, qui en augmente ou en diminue le besoin, et sans doute encore en raison de l'habileté de ceux qui en font le commerce.
Ces observations paraissent peu importantes, mais elles nous conduisent à des conséquences qui le 6ont beaucoup. La première, c'est que toute denrée que tout le moude veut avoir et que tout le monde n'a pas doit se vendre et ne peut s é-changer gratuitement; vouloir le contraire, c'est vouloir l'impossible; les assignats eux-mêmes en ont fourni la preuve. Dès qu'une division plus commode a été établie, chacun a voulu se procurer les moindres assignats; aussitôt on les a vendus : les petits assignats, devenus plus communs, ont diminué de prix; mais ils sont toujours demeurés un objet de commerce : ce devait être ainsi et cela par la seule raison que tout le monde en voulait, et que tout le monde n en avait pas. C'est à cette vérité presque niaise, à force d'être simple, que se réduit toute la science économique en ce genre. Il résulte de là que si tous les écus de 6 livres et de 3 livres étaient changés tout à coup en écus de papier, et qu'il circulât en même temps la masse considérable de moonaie du même genre qui existe en grosses sommes, il en serait des écus de papier comme de ceux de métal ; les échanges des petites pièces contre les grosses demeureraient à peu près tels qu'ils sont, c'est-à-dire que les mêmes causes donneraient les mêmes résultats.
Avant u'arriver aux moyens curatifs, il était nécessaire d'avoir bien étudié la cause de la maladie.
Ceux qui exercent le commerce de l argent ont, jusqu'à présent, eu l'art de faire tourner à leur profit les moyens que nous avions employés pour déconcerter leurs manœuvres. Il faut à notre tour profiter des leçons qu'ils nous ont donnees.
Tant qu'il n'avait existé que de gros assignats, l'argent s'était soutenu à un prix modéré. Lorsque les petits assignats sont devenus un nouvel objetde spéculation, les spéculations ont eu à la fois deux marchés à entretenir : celui des gros assignats contre les petits, et celui des petits contre l argent. Ces derniers ont pris une place intermédiaire, qui a changé l'ancienue proportion entre les gros assignaU et l'argent, cette proposition s'est accrue de la différence que les monopoleurs sont parvenus à établir entre les gros assignats et les petits. Personne n'avait prévu ce résultat.
Ce n'est pas par des moyens coercitifs, mais par des mesures sages que nous devons chercher a rendre le peuple indépendant de ceux qui, parvenus à se rendre nécessaires, lui enlèvent journellement une partie de sa subsistance. La première cause du mal est dans la rareté du numéraire et dans le besoin que l'on en a; il faut le rendre commun ou le rendre inutile; pour cela, il faut ou des écus, ou un équivalent. Une seconde cause est dans les nombreuses séries des hommes différentes entre lesquelles les assignats sont divisés depuis 2,000 livres jusqu'à 50 livres. Il faut profiter de notre expérience, et changer ces divisions pour diminuer la variété des échanges, et rapprocher les extrêmes. Enfin, après avoir établi la concurrence dans les marchés, en y introduisant de nouveaux signes à peu près égaux en valeur à nos écus, il faut empêcher que 1 usure ne vienne encore s'emparer de l'échange des derniers assignats contre la petite monnaie, sans quoi nous nous serions donné beaucoup de peine pour déplacer le mal, en le faisant tomber sur des victimes beaucoup plus intéressantes : et, pour parer à ce danger, il n'est pas de meilleur moyen qu'une immense quantité de monnaie de cuivre. Cette mesure est vivement, mais en vain sollicitée depuis un an. On nous a donné des dissertations fort savantes, qui, sans doute, nous ont beaucoup appris; 40 millions de petite monnaie nous eussent laissés dans notre ignorance, et rendus bien plus heureux. (Applaudissements.)
A cette occasion de la petite monnaie, je dois dire à l'Assemblée que j'ai vu ce matin un des artistes employés aux empreintes, et que j ai su de lui qu'on en est encore au concours. Quand le concours sera fini, il faudra déterminer précisément le dessin; il faudra ensuite faire les modèles; ensuite il faudra faire les machines. Enfin, Messieurs, vous voyez qu'il y aura encore un an d'écoulé avant que nous puissions jouir de nos sous.
Il y a un moyen d'abréger, c'est de se servir des anciens coins et de ne pas vouloir toujours faire du neuf. (Murmures.) J en fais la motion expresse ; elle est appuyée, et je vous prie, Monsieur le Président, de la mettre aux voix.
L'Assemblée apprendra sans doute avec satisfaction que l'article dont parle M. Montesquiou l'a absolument trompé.
Ayaut décrété une nouvelle empreinte, vous avez statué que les artistes
seraient admis au i concours ; votre comité les a pressés d'accélérer
cette occasion je ferai une proposition incidente. On a dit qu'il était possible de faire de la monnaie avec le métal des cloches. J'y vois personnellement de grandes difficultés, mais il faut oue ce point soit bien éclairci. Je fais la motion nue les comités des finances et des monnaies soient tenus de faire faire devant eux les expériences des moyens que plusieurs artistes entendent posséder pour rendre le métal des cloches malléables et d'éclaircir promptement la question de savoir si on peut faire de la monnaie avec ce métal.
J'ai moi-même mené au comité monétaire les artistes dont vient de parler M. Balzais-Courmenil ; on leur a ouvert l'atelier du Comité; ils ont joint au métal qu'on leur a donné un ingrédient sur la nature duquel ils gardent le secret; au sortir du creuset, ces lames ont été soumises au marteau et m'ont paru assez malléables.
Je demande que vous chargiez votre comité de faire répéter cette expérience, de donner aux artistes le métal et tous les instruments dont ils ont besoin, et que directement après l'expérience les flancs soient portés à la monnaie pour être éprouvés sous le balancier. On peut renvoyer à un autre temps l'examen d'un moyen mécanique qu'ils proposent comme plus facile que celui du balancier ordinaire.
Je fais, en conséquence, la motion suivante :
« Sur la proposition des sieurs Sauer et Briatte, de faire des expériences pour rendre le métal des cloches malléable et le mettre en monnaie,2 membres du comité des finances et 4 membres de l'Académie des sciences se joindront au comité des monnaies pour faire lesdites expériences, et en rendre compte à l'Assemblée, ainsi que du bénéfice qu'il reviendra à la nation, soit de cette offre, soit des autres offres qui ont été faites relativement à l'emploi des cloches qui sont restees inutiles. »
J'ai fait, il y a déjà longtemps, un rapport au nom du comité des finances sur l'emploi des cloches. Le résultat
de ce rapport était qu'il serait plus convenable au Trésor public de les vendre en adjudication et à l'enchère; qu'il était très probable que si l'on faisait de la monnaie, du métal des cloches, on ne pourrait mettre cette monnaie en circulation que pour une valeur courante trop au-dessus de sa valeur intrinsèque,parce qu'il faudrait naturellement faire entrer dans la valeur courante d'une li-vrede ce métal le prix auquel elleaurait été vendue, les frais de foute, celui du secret des artistes pour le rendre malléable, et le bénéfice ordinaire sur la petite monnaie;qu'il ne fallait pas iguorerque la livre de cuivre qui est mise en circulation pour une valeur courante de 42 sous, ne vaut intrinsèquement que de 18 à 20 sous; qu'il est très à craindre que la livre du métal des cloches, dans le cas où elle serait mise en circulation pour une valeur courante de 42 sous la livre, sans obtenir le même bénéfice de monnayage que celui que donne la monnaie de cuivre, n'aurait de valeur intrinsèque, si on voulait en employer le métal a tout autre usage que de la monnaie, que 8 à 10 sous la livre. Je conclus à la vente des cloches par adjudication et à l'enchère.
Depuis longtemps l'Assemblée aurait dû prendre le parti extrêmement simple de vendre les cloches pour des sous ; il existe une compagnie qui lui offre 35 sous de ce qui ne rapporterait que 11 sous par le moyen de la fusion et de la fabrication en espèces.
se présente à la tribune.
Un grand nombre de membres demandent que la discussion soit fermée.
Monsieur le Président, vous m'avez donné la parole. J'avoue que je gUis étonné que lorsqu'une motion a été faite, qui, dans tous ses détails, a pour objet l'intérêt public, on veuille si précipitamment fermer la discussion. M. Briois-Beaumetz propose de vendre les cloches payables en sous, et il dit qu'une compagnie solide se présente pour les acheter et quelle y gagnera beaucoup et fera gagner beaucoup à 1 titat. Je n'ai pas connaissance...
Il ne s'agit pas de cela.
C'est une question d'une très grande importance et je demande à être entendu.
Elle ne sera pas décidée aujourd'hui.
Vous vendrez à bon marché pour racheter trè3 cher. Il m'a été remis différents mémoires qui établissent que ce qu on vous dit ne pouvoir rapporter par la fonte que 40 sous en rapporterait 44.
J'appuie en conséquence la motion de M. Rabaut.
(L'Assemblée, consultée, décrète la motion incidente de M. Rabaut-Saint-Etienne relative à la fonte du métal des cloches.
Je reprends mon opinion. Je disais, Messieurs, que l'abondance de la petite monnaie, telle qu'il ne soit pas commode de l'accaparer, ni utile de l'expatrier, fait tomber entièrement l'objection du préopinant et disparaître le risque de voir tomber sur l'indigent la perte des assignats de 5 livres. L'existence de cette petite monnaie que je voudrais porter jusqu'à la surcharge, ne rend pas inutiles, ainsi que le pense M. de Beaumetz. les petits assignats. La facilité des échanges n'empêche pas que les pièces qui épargnent le détail immense des menus comptes et fincommodité des masses de monnaie ne soient très utiles. Un commerçant ne peut pas avoir toujours un chariot chargé de sous à sa suite.
Mes conclusions diffèrent peu de celles qui vous ont été présentées par
l'estimable auteur de la motion que nous discutons. Je suis également
d'accord avec lui sur la fixation du dernier terme de la monnaie, qu'il
s'agit de créer. Je la crois déterminée par le prix des salaires communs
; il me semble à désirer que les assignats puissent y servir, mais qu'un
assignat ne suffise pas sans
Si la mesure de 5 livres pour les petits assignats est bonne, je regarde comme une inutile complication d'ajouter d'autres divisions intermédiaires entre cette somme et celle de 50 livres ; ce serait tomber dans l'un des inconvénients graves que je vous ai présentés, sans en retirer le moindre avantage.
Si nous passons aux moyens d'exécution, la fabrication de la petite monnaie ne présente aucune difficulté ; je n'en vois de même aucune à multiplier, dans les séries d'assignats existantes, les divisions de 500 livres, de 100 livres et de 50 livres. Les planches en sont faites. Il ne s'agit que d'ordonner une plus grande fabrication et de favoriser ensuite un échange que tout le monde désire. Mais l'exécution des assignats de 5 livres pourrait présenter quelque difficulté et mérite, je crois, quelques observations.
Si vous vous chargez de cette exécution, ce ne sera pas, sans doute, sans toutes les précautions imaginables que vous ferez fabriquer le gage de la foi publique, destiné plus particulièrement qu un autre à passer dans les mains d'hommes simples et incapables de soupçonner ou de reconnaître la fraude ; l'expérience nous a appris que les ouvrages de ce genre, lorsqu'ils sont faits avec grand soin, ne le sont jamais avec une grande rapidité.
Or, pour une somme de 5 millions, il faudra 1 million de billets de 5 livres et, par conséquent 20 millions de,billets pour une somme de 100 millions. Il faudrait un atelier immense pour en fabriquer 25,000 par jour et, au bout d'un an, l'on n aurait tiré de cet atelier qu'une quantité de 9 millions de billets, représentant la somme de 45 millions. M. de Gouy nous a bien dit qu'il avait des moyens de fabriquer des millions de pièces en un jour. J'ignore son secret, mais je suppose que c'est celui du politypage, déjà présenté plusieurs fois, plusieurs fois rejeté, non qu'il ne soit très ingénieux, mais parce qu'il est trop imitable, et, parcette raison, je pense que vous ne l'adopterez pas.
La lenteur d'une fabrication d'assignats, divisés en aussi petites sommes, est donc inévitable et c'est un inconvénient réel, car il est infiniment pressé de tirer le royaume entier de la dépendance des marchands d'argent et de rendre lavie au commerce.
Un atelier de 25,000 billets par jour, ne donnant qu'une somme de 45 millions dans 1 an, ne pourrait suffire à l'urgence et à l'étendue des besoins. Il faudrait donc établir plusieurs manufactures et alors d'autres inconvénients se présentent.
Les différentes fabriques auront-elles la plus parfaite identité? Si cette monnaie était libre, on pourrait laisser à ceux qui la recevraient le soin de 6'assurer de sa bonté ; mais la monnaie de l'Etat, étant nécessairement forcée, doit être à l'abri du doute. On ne tarderait pas à sentir un autre inconvénient; les billets de 5 livres promptement usés, auront pour la plupart besoin d'être bientôt renouvelés. II faudra donc que l'état entretienne des bureaux d'échange dans tout le royaume, qu'il coure le hasard de 500 ou 600 dépôts, des erreurs ou de la friponnerie de tous ces dépositaires. On conçoit les frais et les risques d'une semblable manutention.
La nécessité d'une part et le patriotisme ingénieux de l'autre avaient déjà surmonté ces diverses difficultés dans quelques endroits d'une manière très heureuse, et d'autant plus avantageusement qu'une liberté entière accompagnait ce secours offert à tous les besoins. Lyon et quelques autres villes, mais Lyon remarquable surtout par ses nombreux ateliers, ont formé une société d'actionnaires qui, sous.la sauvegarde municipale, a reçu des dépôts d'assignats et'distribué des billets de confiance semblables à ceux qu'on vous propose de créer.
Il n'a point été nécessaire d'ordonner l'usage de cette monnaie. Chacun s'en sert dans le lieu qu'il habite et dans les environs, parce qu'il lui est commode de s'en servir. Là, on est sans inquiétude sur la contrefaçon, parce que l'on a le modèle sous les yeux, parce que l'on connaît les signatures et surtout parce qu'on est libre de refuser si l'on a le moindre doute. S'éloigne-t-on de son domicile? On va reprendre au dépôt public la monnaie de l'Etat, celle qui est connue dans tout le royaume; et si le même établissement existait dans toutes les villes principales, on retrouverait partout le même avantage de sûreté et de commodité.
Il me semble qu'il y aurait d'excellentes raisons pour adopter cette manière d'arriver au but que nous cherchons et pour la préférer à celle d'employer un balancier unique. Une simple invitation de l'Assemblée nationale aux assemblées de département mettrait bientôt en activité l'industrie et le zèle. Partout des maisons de banque, ou de simples associations de citoyens, formeraient des établissements semblables à ce-, lui de Lyon ; et ces moyens mutipliés vous don-neraientdans 3 mois plus quevousn'auriezobtenu dans trois ans du moyen que l'on vous propose.
Le3 coupons d'assignats ont eu un grand succès à Paris, parce qu'ils étaient commodes aux petits payements. Libre de les refuser, chacun les recevait avec plaisir; et ce n'est pas, comme on le dit, parce qu'on les payait à volonté. Sans les marchands d'argent qui les ont accaparés, ils seraient encore tous dans le commerce.
Je voudrais donc que l'Assemblée nationale se contentât, dans ce moment, d'essayer l'usage des secours libres qui s'offrent aux besoins de la circulation, qu'elle n'y parût que pour les perfectionner et les étendre, et qu'elle ajournât la partie du plan qui lui est présenté pour la fabrication au compte de la nation, des petits assignats de 5 livres. L'Assemblée sera toujours à temps de prendre le parti de cette création, si les autres moyens qu'on ne peut trop favoriser et multiplier demeuraient sans succès. Mais s'ils réussissent, elle s'applaudira, sans doute, d'avoir évité de porter une nouvelle restriction à la liberté, et surtout d'avoir centuplé les moyens de faire jouir la nation d'un bien-être qu'elle attend avec la plus vive impatience.
Par là, Messieurs, vous serez sûrs d'atteindre toujours les besoins de la circulation et de ne les excéder jamais. C'est encore un avantage que vous ne seriez jamais certains d'obtenir avec votre fabrique nationale.
Pour me résumer, je propose : 1* une forte et prompte émission de monnaie de cuivre;
2° La réduction des divisions d'assignats aux séries de 500 livres, de 100 livres et de 50 livres.
3° L'invitation à tous les départements de favoriser l'établissement des billets libres de 5 livres chacun, pour être distribués en échange d'assignats déposés en lieu sûr et sous la garde des municipalités.
Dans le cas où l'Assemblée croirait devoir ordonner dans !a suite une nouvelle émission d'assignats, je n'adopte point le projet de ne les faire fabriquer que de 5 livres. Indépendamment de la longueur extrême d'une semblable fabrication qui compromettrait à coup sûr le service public, la suppression des assignats de plus forte somme ralentirait toutes les grandes affaires que la monnaie de papier a du moins l'avantage d'abréger; et si l'on était réduit aux billets de 5 livres, pour les échanges, on ne peut imaginer à quel point ce seul mode de payement paralyserait Je commerce.
Voici le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter :
« L'Assemblée nationale voulant favoriser la circulation par une division d'assignats plus propres aux différents besoins du commerce, cependant ne prétendant rien ajouter pour le moment aux émissions des assignats précédemment créés, décrété ce qui suit :
« Art. 1er. La fabrication de petite monnaie
d'argent, décrétée le 11 janvier 1791 sera faite sans délai, et celle
des monnaies de cuivre sera portée à la somme de 40 millions. La
répartition en sera faite entre tous les départements du royaume.
« Art. 2. Il sera fabriqué des assignats de 500 livres pour une somme équivalente à celle des assignats de 2,000 et de 1,000givres existant dans le commerce.
« Art. 3. Il sera fabriqué des assignats de 100 livres pour une somme équivalente à celle des assignats existants de 300 livres.
« Art. 4. Il sera fabriqué des assignats de 50 livres pour une somme équivalente à celle des assignats existants de 200 livres.
« Art. 5. A mesure que chacune de ces fabrications sera terminée, l'échange d'assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres se fera à bureau ouvert contre ceux de 500 livres ; celui des assignats de 300 livres contre ceux de 100 livres; et celui des assignats de 200 livres contre ceux de 50 livres.
« Art. 6. Les assignats de2,000 livres, de 1,000 livres, de 300 livres et de 200 livres, seront brûlés à mesure des échanges ci-dessus ordonnés, en présence des commissaires de la caisse de l'extraordinaire, qui en dresseront procès-verbal.
« Art 7. L'Assemblée nationale invite toutes les assemblées de département à prendre les mesures convenables pour favoriser l'établissement d'associations patriotiques semblables à celle qui s'est formée à Lyon, pour distribuer, sur des dépôts d'assignats, des billets libres de la somme de 5 livres, propres au commerce, et à payer des salaires.
« Art. 8. L'Assemblée ajourne la proposition d'une création d'assignat-monnaie de 5 livres.
Il a été dit par les préopinants, et surtout dans les opinions d'avant-hier, que le seul danger qu'il y eût à créer des assignats de 5 livres était que la perte retomberait en dernière analyse sur le pauvre. Il est donc question de s'opposer, autant qu'il est possible, à ce malheur. Le moyen de s'y opposer, c'est de rapprocher, le plus possible, la valeur de l'assignat des moindres besoins ; et je crois que si vous n'établissez pas des assignats d'un écu, si vous ne faites pas l'opération complète, c'est alors que véritablement votre disposition n'attaquera plus que les pauvres.
La Révolution nécessite la circulation d'un numéraire nouveau. Si le système des assignats n'est pris dans son entier, vous donnez lieu à tous les genres d'agiotage les plus subalternes et les plus honteux, mais toujours très lucratifs. On agiotera sur le3 assignats tant qu'ils ne tiendront pas lieu de la monnaie. Je dis donc que votre opération n'est pas complète, si vous ne faites pas des assignats d'un écu. On dit que les inconvénients attachés au papier retomberont alors sur le pauvre.
Quel est l'ouvrier, quelquepauvre qu'il soit,qui ne trouvera pas avec un assignat de 3 livres, s'il ne peut pas le changer, assez de crédit pour se procurer sa subsistance? Les personnes qui lui vendent les choses nécessaires a la vie n'ont-elles pas intérêt à vendre, ne feraient-elles pas crédit à leur consommateur jusqu'à la concurrence de 3 livres, ou n'auraient-elles pas de quoi changer un billet d'une aussi modique valeur, comme on change aujourd'hui les écus? Si l'Assemblée rejette le moyen que je lui propose, celui de faire des assignats de 3 livres, elle sacrifiera le pauvre, et sera tôt ou tard forcée d'y revenir. Tant que nous n'aurons pas changé notre système monétaire, il faut des billets qui correspondent, qui fraternisent avec nos écus. Loin de faire disparaître le numéraire effectif, cette mesure le fera revenir ; car il n'est caché aujourd'hui que parce que l'on veut en tirer parti... Je demande ensuite que l'Assemblée ordonne au comité des finances de lui présenter un projet de décret pour mettre de l'ordre dans les payements du Trésor public, pour empêcher qu'un seul payement, un payement de 2,000 livres par exemple, soit fait en un seul assignat de 2,000 livres, car les créanciers de l'Etat ont, comme les autres citoyens, droit au bienfait des petits assignats.
Quant à la proposition de M. Montesquiou, ie crois que cette invitation aux départements de faire des billets de 5 livres serait impolitique, inconstitutionnelle et dangereuse; impolitique, en ce que le Corps législatif n'invite pas et ne doit pas mettre ces formes en usage; inconstitutionnelle, en ce que vous habitueriez les départements à faire des monnaies de département, en ce que vous leur attribueriez le droit de la souveraineté; dangereuse, en ce que cette diversité de monnaies, décrétées par les départements, tendrait à une scission entre eux, à la destruction de l'unité de l'empire. (Applaudissements.) Mon amendement est donc que les divisions des assignats soient le plus rapprochées qu'il sera possible des besoins du pauvre, qu'elles soient correspondantes à un écu. (.Applaudissements.)
Quant aux difficultés et aux lenteurs de la fabrication, j'observe qu'il
se présente des artistes qui offrent de faire constater par le comité
des finances, par des commissaires de l'Académie des sciences, qu'ils
possèdent des moyens beaucoup plus simples et plus sûrs que ceux qui ont
été employés jusqu'ici. M. Montesquiou les avait rejetés en s'appuyant
sur la perfection des talents de l'artiste que le comité voulait
employer, et cependant il est forcé de convenir que rien n'est plus
imparfait que nos assignats de 50 livres. Les artistes offrent de faire
en 4 fois moins de temps le même ouvrage. Je crois que l'Assemblée
J'atteste que ce fait est faux.
tandis qu'on pourrait payer les troupes avec des assignats de 3 livres. Je répète que personne ne peut remplacer le crédit de l'Etat, que nous ne devons donner à aucun directoire, aaucunecompagnie particulière le bénéfice du crédit que les opérations à l'Assemblée nationale ont donné à la France, et je demande qu'on aille aux voix sur ma proposition.
se présente à la tribune.
Plusieurs membres demandent le renvoi de la suite de la discussion.
(Ce renvoi est ordonné.)
annonce l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séance à trois heures.
présidence de m. rewbell.
Séance du
Le séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier, qui est adopté.
secrétaire. Voici une lettre des députés des Etats d'Avignon et du Comtat réunis, que M. le Président me charge de vous lire :
« Monsieur le Président, on nous fit remarquer, à la séance de samedi matin, une grande quantité d'étrangers qui s'étaient placés parmi messieurs les députés, au côté droit de la salle, et nous en vîmes plusieurs qui osèrent se lever en même temps que les députés, comme s'ils eussent fait partie de l'Assemblée. Parmi les étrangers, nous reconnûmes quelques Avignonais et Com-tadins, justement suspectés pour leur antipatriotisme.
« C'est la faveur que l'Assemblée nationale a bien voulu nous accorder
d'être admis dans la salle de ses séances, en qualité de députés
d'Avignon et du Comtat réunis, qui a servi de prétexte a plusieurs
étrangers, et même à des Avignonais et Comtadins anti patriotes, pour
s'y introduire. Nous préférons de renoncer à la grâce qui nous a été
accordée, plutôt que d'être exposés à voir les ennemis de notre patrie
et de la Révolution se joindre aux membres de l'Assemblée, qui font un
crime aux Avignonais et Comtadins, de vouloir être libres et Français.
Nous vous supplions doue, Monsieur le Président, de vouloir bien donner
les ordres les plus précis, pour que nul
Signé : Tissot, Pallin, députés d'Avignon et du Comtat réunis. »
Vous venez d'entendre, Messieurs, la lettre dont il vient de vous être fait lecture; je crois que la meilleure mesure à prendre est que les huissiers veillent à ce qu'aucun étranger ne s'introduise dans la salle. (Marques d'assentiment.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture d'une lettre du sieur Aupenot, jardinier fleuriste, qui demande quelques secours pécuniaires pour perfectionner un jardin qui représente la France florissante, en 83 départements, suivant sa nouvelle division, par ordre géographique. (L'Assemblée décrète l'ordre du jour.)
Un membre du comité de vérification propose à l'Assemblée d'accorder un congé à MM. de Burignot de Varennes et Picquet.
(Ces congés sont accordés).
expose à l'Assemblée qu'il a fait quelque difficulté pour signer le passeport | de M. Ciermont-Mont-Saint-Jean, député, qui a obtenu un congé pour aller dans ses possessions situées dans le Bugey et dans la Savoie.
(L'Assemblée autorise son président à signer ce passeport.)
au nom du comité d'emplacement, fait part à l'Assemblée des inconvénients graves qui résultent des alternats établis dans plusieurs départements entre quelques villes.
Je propose, en conséquence, de décréter que, sous huitaine, le comité de Constitution, à lui joints les membres qui lui ont été unis, sera tenu de présenter à l'Assemblée un projet de décret sur la suppression des alternais. (Cette motion est décrétée.)
Un membre du comité d'aliénation propose un projet de décret portant vente de biens nationaux à diverses municipalités. Ce projet de décret est ainsi conçu : « L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des- domaines nationaux, des soumissions faites dans les formes prescrites par les municipalités ci-après dénommées, déclare leur vendre les biens nationaux compris dansles étals annexés à la minute du procès-verbal de ce jour, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, pour les sommes ci-après et payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
Département de la Manche.
A la municipalité de Mesnil-Raoult, pour la somme de........... 2,780 1. » s. » d.
Département du Calvados.
A la municipalité des Vaux, pour la somme de....................................3,610 1. 7 s. 6 d.
A celle de Livarot pour la somme de... 111,313 3 »
A celle de Pierres.. 5,550 12 »
A celle de Lisieux. 24,200 18 4
A celle de Predange 2,937 » »
Département de l'Aube.
A la municipalité de Saint-Léger-sous-Brienne, pour la somme de... 13,824 1. 1 s. » d.
A celle de Sens.... 39,803 4 6
Département de l'Aisne.
A la municipalité d'Huiselle, pour la somme de.................. 70,841 1. 6 s. 10 d.
A celle de Mons-en-Laonnois............ 36,065 7 4
A celle de Soissons. 3,173,828 14 3
Département de la Somme.
A la municipalité de Guiencourt et Saulcourt, pour la somme de... 3,483 1. 6 s. » d.
A celle de Saint Sul-pice................ 84,894 9 5
Département de VEure.
A la municipalité de Criquebeuf-la-Campagne, pour la somme de... 41,128 i. 15 s. 8 d.
A celle de Fontaine-Bellenger........... 65,550 » »
A celle de Crêtot.. 45,799 13 5
« Le tout ainsi qu'il est plus au long porté aux décrets et états crestimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité d'agriculture et de commerce, propose un projet de décret relatif à l'exportation des bois situés sur les rives de la rivière de la Meuse et dans le district de Gex.
demande, par amendement, que les prix des droits proposés par le comité pour les bois du district de Gex soient doublés.
(Cet amendement est adopté.)
rapporteur, donne en conséquence lecture du décret amendé, dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, considérant que le3 coupes annuelles des bois situés sur les rives de la Meuse, depuis Revin jusqu'à Givet, produisent momentanément une surabondance de bois dont la consommation ne peut être faite dans l'intérieur du royaume, excepte de la loi portée par le tarif général des droits de traite?, décrété le 31 janvier dernier, les espèces de bois ci-après désignés, dont l'exportation, par le cours de la Meuse seulement, pourra avoir lieu jusqu'au 1er mai 1793, à la charge de payer pour droits de sortie, savoir : la banne de charbon de bois contenant 10 queues ou 20 poinçons de Bourgogne, la somme de........................ 5 liv.
« Le millier en nombre de perches à houblon............................. 30 »
« Le millier eu nombre de perches nommées vraires..................... 20 »
« Le millier en nombre de perches-nommées wairettes................... 10 »
« L'Assemblée nationale excepte également de la prohibition portée par ledit tarif, les bois à brûler du district de Gex, département de l'Ain, qui seront exportés du Royaume moyennant un droit de sortie de 12 sols par chaque char à 4 roues et de 6 sols pour chaque charrette à 2 roues. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre observe que, dans le décret du 9 avril dernier concernant l'emplacement de l'intendance de Bourges, accordé au département du Cher, on a inséré par inadvertance le mot distinct; il demande le retranchement de ce mot.
(Cette rectification est ordonnée.)
député de la Haùte-Garonne, qui était absent par congé, annonce son retour à l'Assemblée.
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités diplomatique et d'Avignon sur l'affaire dAvignon et du comtat Venaissin (1).
(2). Messieurs, je ne prétendrai pas me livrer ici à de longues discussions sur le fond de l'affaire d'Avignon; mais j'ose croire que les courtes réflexions que j'ai a vous soumettre peuvent être de quelque poids dans votre délibératioo. Il ne peut y avoir qu'une opinion sur la nécessité, sur le devoir d'apporter tous vos moyens pour faire promptement cesser les désordres barbares qui désolent le Comtat Venaissin, pour faire cesser les scènes d'horreur et de sang qui dévastent et déshonorent cette contrée. Mais le moyen que vous propose le comité de déclarer le Comtat possession française, et de vous en emparer à ce titre, ne peut, je pense, être accueilli par vous, au moins sans la plus profonde réflexion ; cette mesure n'est ni juste, ni généreuse, ni politique.
Je n'entrerai dans aucun des détails sur lesquels se fonde le comité et qu'il vous assure être des titres incontestables de votre propriété. Je dirai seulement que cette assertion quelquefois présentée, aussi souvent repoussée, a lait le sujet d'une grande et profonde discussion politique dans laquelle chacun a vu ce que son intérêt lui faisait désirer de voir; et que, malgré l'extrême convenance de cette province au royaume de France, malgré la politique souvent avide et les vues immorales de vos cabinets, la cour de Rome en est restée en possession sans que les protestations du parlement de Provence l'aient troublée daDS sa jouissance, mais, écartons cette question de droit fondée sur les titres et sur l'ancienne possession, et qui, sous ce rapport, est un procès à examiner.
Je reviens à la proposition qui vous est faite de déclarer Avignon et le Comtat possession française, et je dis qu'elle me semble injuste et que, si elle ne pouvait pas être injuste, elle serait et peu généreuse et impolitique et dangereuse.
Elle est injuste, puisqu'en admettant même dans toute son étendue et dans
toutes ses conséquences un principe certainement susceptible de
modifications, et qui fait le motif principal de la détermination que
vous propose votre comité, il est au moins incertain de quel côté est
cette prétendue majorité; le comité vous a dit que 51 communautés sur 95
ont manifesté le vœu de se réunir à la France; des députés d'Avignon
assurent que 28 seulement ont émis ce vœu. Il vous dit qu'un grand
nombre a arboré les armes de France ;
Dans la tranquillité, dans le calme qui assure la liberté nécessaire à une aussi importante délibération sur laquelle tant d'intérêts divers, tant de considérations puissantes doivent être soigneusement écoutées et pesées avec une profonde réflexion, cette puissante considération semblerait devoir faire rejeter par l'Assemblée nationale la proposition de déclarer le Comtat partie de l'Empire français, quand bien même l'unanimité des communautésseraitaujourd'huien faveur de ce u x qui veulent la réunion, puisqu'aucun de vous n'oserait assurer ici que le vœu est libre, qu'il est l'effet de la volonté libre des communautés qui l'émettent. Mais encore une fois cette majorité est incertaine, un très grand nombre de personnes qui tiennent à Avignon, soit au dedans, soit au dehors de l'Assemblée, déclarent que le peuple comtadin ne veut point devenir province française; et quoiqu'on veuille composer cette majorité des individus plutôt que des communautés, quoiqu'on vous assure que les pièces qui vous sont fournies par les députés d'Avignon ne sont pas vraies, toujours est-il certain qu'il reste au moins un grand doute à tous ceux qui ne mettent à cette affaire aucune prévention particulière, prévention sans doute bien excusable à ceux qui voient le moyen proposé, comme le moyen unique de préserver leur patrie et leur famille des horreurs de la guerre civile; mais prévention qu'il iaut écarter, parce que l'Assemblée nationale veut rendre un décret juste, et que les horreurs de la guerre civile peuvent heureusement être arrêtées par d'autres mesures.
Il vous a bien été dit, dans le rapport qui conclut à la prise d'Avignon, que si cette province appartenait à quelque puissance formidable, vous devriez tarder de vous en déclarer possesseurs, et modifier les moyens de vous en rendre maîtres. Mais cette petite et lâche politique qui, ramenée à la générosité, à la loyauté dans ses résolutions, par les sentiments mêmes qui l'ont rappelée à la liberté, professe sans cesse que, juste dans ses desseins, et ferme dans ses résolutions, elle ne peut traiter qu'à découvert avec toutes les puissances, et ne conserver dans ses délibérations aucune arrière-pensée? Sans doute, Messieurs, vous abjurerez toute cette morale faite pour les cabinets les plus corrompus; et vous trouverez plus vrai, plus conforme à vos principes, celle qui vous présenterait comme un motif de retarder votre prise de possession d'Avignon, et l'exercice des droits que vous prétendez avoir sur le pape, l'état de trouble et de désunion dans lequel il est, et l'impuissance de la part de ceux qui le gouvernent, de la défendre personnellement.
Je demanderai encore à ceux qui sont les plus ardents pour l'adoption du plan du comité, s'il n'est point vrai qu'une meilleure conduite du pape dans nos affaires ecclésiastiques eût modifié leurs dispositions.
Plusieurs membres ; Il ne s'agit pas de cela !
Enfin cette mesure est impolitique et dangereuse.
Celui de vos décrets qui a pénétré le plus l'Europe entière d'eslime et d'admiration pour vos délibérations, est celui qui déclare à toutes les nations de la terre, que vous renoncez à tous projets de conquête, que vous prétendez vous renfermer dans vos possessions actuelles ; par lequel professant hautement le respect pour les possessions de tout autre, vous vous êtes montrés grands, généreux et sages. Vous avez ôté à tous les princes qui, jaloux et inquiets de la Révolution que vous opérez, auraient intérieurement brûlé de vous traverser dans vos desseins, tout prétexte pour apporter la guerre dans vos foyers; vous leur en avez ôté tout moyen. Cette belle et sublime déclaration, tant vantée dans le parlement d'Angleterre, pouvait peut-être seule y détruire ce préjugé, que la conduite de vos anciens ministres a si souvent justifié.
L'envahissement d'Avignon détruirait, ou servirait de prétexte pour détruire dans l'Europe cette grande et salutaire impression. Il ne serait pas seulement un prétexte, mais un moyen d'armer contre vous toute l'Europe. Votre déclaration du mois de mai servira contre vous encore : on calomniera vos vues et vos moyens ; on dira que, voulant conquérir Avignon, vous en avez fait soulever le peuple; qu'à l'aide deces troubles et des scènes de sang qu'ils ont entraînées, vous avez profité de la division des esprits, de la terreur des habitants, de la faiblesse du pape, pour faire revivre des droits, des prétentions que même l'ancienne politique de France n'avait pas voulu, n'avait pas cru possible de maintenir; on dira que vous n'avez consulté ni le droit des gens ni le peuple avignonais ni même leurs vœux qui vous parvenaient.
Pensez-vous que s'il existe, comme on le dit, parmi les puissances voisines, l'intention de vous faire la guerre, pensez-vous qu'un plus dangereux manifeste et plus contraire à nos principes puisse être répandu dans toute l'Europe? Sans doute, Messieurs, je le répète. J'ai l'heureuse conviction qu'une ligue de l'Europe entière ne serait d'aucun danger, si nous réunissions et nos forces, et nos esprits, et nos volontés communes; mais si une guerre étrangère, quelle qu'elle soit, pouvait introduire la guerre civile dans nos foyers, ce serait le plus grand de tous les malheurs; si une démarche inconsidérée de notre part la provoquait, nous serions responsables à tout le peuple français des maux dans lesquels nous l'entraînerions. Attendons-la sans la craindre; mais au nom de la patrie, de la Constitution, de nos plus sacrés devoirs, gardons-nous de la provoquer.
Après cet horrible malheur, il est permis de compter encore celui d'être obligés de convenir avec nous-mêmes que nous manquerions de fidélité et de conséquence à nos principes. Oui, Messieurs, si vos droits étaient démontrés incontestables ; si la majorité du peuple avignonais, auquel il faut promptement donner la paix, nous appelait pour se réunir à nous, le moment actuel n'est pas celui oû vous devriez le déclarer réuni à la France. Dans l'état de fermentation et de trouble où est ce malheureux pays, il est impossible de connaître son véritable vœu.
On vous a dit, l'autre jour, que, si vous n'avez pas le droit de vous
déclarer possesseurs des terres du Comtat et d'Avignon, vous n'avez pas
celui d'y porter des forces, pour faire cesser les désastres qui
dévastent ce pays; on nous a dit que, si vous employiez cette voie,
c'était reconnaître le droit qu'aurait une puissance étrangère d'entrer
chez nous à main armée, sous le pretexte de ramener parmi nous l'ordre
et la paix. Vains raisonnements qui ne peuvent résister à la plus légère
ré-
On vous a dit, comme un grand moyen, que vous aviez décrété que vous ne prendriez aucune mesure provisoire; on en a fait un argument puissant pour écarter toute proposition qui tendrait à vous faire mettre provisoirement en possession d'Avignon et du Comtat pour y établir la paix et faire cesser les meurtres et la désolation. Ce décret que vous avez pris lorsque, sur le nouveau délai demandé par le rapporteur, il vous fut proposé d'envoyer sur-le-champ et avant tout examen des commissaires, peut-il vous lier sur le parti que vous avez à prendre avec entière connaissance de l'affaire? C'est comme si l'on prétendait qu'avant d'entendre le rapport, qu'avant d'être instruits de la situation des choses, des besoins, des malheurs et des vœux du pays, de vos droits et de ceux du pape, vous avez décrété que vo us déclareriez Avignon possession française ; car il ne peut entrer dans la pensée d'aucun homme, portant en lui quelque sentiment d'humanité, de laisser une malheureuse province, enclavée dans les possessions françaises, et de la tranquillité de laquelle dépend celle de nos départements méridionaux, en proie aux horreurs de la guerre civile la plus barbare, sans y porter les secours et l'appui qu'elle vous demande.
C'est dans ces principes que j'ai rédigé le projet de décret que j'ai l'honneur de vous proposer; il n'a aucun des inconvénients de celui du comité; il me semble en avoir tous les avantages.
« L'Assemblée nationale décrète :
« Art. ler. Le roi sera prié d'envoyer des
commissaires munis de pleins pouvoirs, et appuyés d'une quantité
suffisante de gardes nationales et de troupes de ligne, pour rétablir et
maintenir la tranquillité publique dans les pays d'Avignon et du Comtat,
et de faire connaître au pape les motifs et l'intention de la mesure
prise dans la circonstance actuelle par la nation française.
« Art. 2. En attendant, les pays d'Avignon et du Comtat continueront d'être régis par les lois qui jusqu'ici les ont gouvernés.
« Art. 3. Le roi sera prié de faire déclarer au pape les titres en vertu desquels la nation française fonde ses droits sur Avignon et de l'engager à faire connaître ceux par lesquels il entend combattre les droits que prétend avoir le peuple français sur les terres d'Avignon et du Comtat.
« Art. 4. Les pièces à l'appui de cette déclaration et instruction seront mises sous les yeux de l'Assemblée pour, par elle, et sur le vœu alors connu du peuple avignonais et comtadin, prendre un parti définitif; et, jusqu'à ce qu'elle ait prononcé, les commissaires français et les troupes continueront de maintenir l'ordre. »
(i). Il n'est pas possible qu'on ail oublié la déclaration qui fut faite
à haute voix à votre séance d'avant-hier au soir, du désir exécrable
d'incendier contre nous toute l'Europe; pour dissiper l'inquiétude
qu'une pareille déclaration est propre à faire naître, j'ai l'avantage
et la satisfaction d'avoir à mettre sous
Un membre à droite : Aux voix le moyen!
Il s'agit d'un ouvrage de Monclar, imprimé en 1769, par lequel ce célèbre magistrat établit la légitimité des droits de la France sur Avignon. Cet ouvrage fut, à la sollicitation du pape, et par les ordres de M. Choiseul, saisi entre les mains de l'imprimeur et brûlé. Je vous prie de considérer l'opinion que doit donner des droits du pape l'importance qu'il mit à l'anéantissement de ce monument. C'est en puisant dans ce riche trésor, que je prouverai que vous avez le droit et le devoir de réunir Avignon et le Comtat au royaume.
Ceci, Messieurs, exige que j'aie l'honneur de vous donner lecture d'une lettre très courte, et dans laquelle vous verrez une anecdote intéressante, un exemple très frappant de la manière dont les princes ont été de tous les temps trompés par leurs ministres.
Voici la notice qui est à la tête de l'ouvrage qui m'a été remis : elle est signée du sieur De-lormel, qui en avait fait l'impression par ordre du gouvernement:; c'est lui qui m'a remis son exemplaire :
« Cet ouvrage a été imprimé en 1769, sous les yeux de M. de Monclar, procureur général du parlement d'Aix, auteur dudit ouvrage au temps où la France avait pris possession de la ville d'Avignon. Au moment où l'ouvrage allait paraître, je reçus l'ordre de M. de Choiseul, ministre de la guerre, de porter et de remettre à l'hôtel de la guerre, à Versailles, ès mains de M. Berthier gouverneur dudit hôtel, la totalité de l'édition, bien comptée et cachetée, dont M. Berthier donna son reçu comme dépositaire. Trois mois après, j'ai reçu un nouvel ordre de les aller retirer et rapporter à Paris, pour être brûlés : la France avant rendu cette ville au pape, ce qui a été exécuté dans la cour des Mathurins, en présence du commissaire et du syndic de la librairie, d'un inspecteur de police et de moi, chargé de l'ordre, comme imprimeur dudit ouvrage. Cet exemplaire m'est resté comme il est d'usage, mais il n'est jamais sorti de mes mains, et je ne crois pas qu'il en soit resté trois dans tout le royaume par le soin qu'on a pris de les brûler tous.
« Signé : Delormel, imprimeur, rue du Foin-Saint-Jacques. *
,Vous voyez, Messieurs, comme les intérêts de l'État et de la nation furent en cette occasion trahis par le ministère, et le soin que prit la cour de Rome de marquer sa perfidie; et sans doute l'argent qu'on employa pour faire disparaître cette édition,que l'on peut sans beaucoup de malignité, de conjecture, croire qu'elle avait été achetée, vous doit donner une juste idée de cet ouvrage.
Je ne vous répéterai rien, Messieurs, de ce qui vous a été exposé avec
beaucoup d'étendue sur le vice des titres anciens. Vous n'avez pas
oublié qu'aussitôt après le rapport, on prit l'occasion de faire une
interpellation à M. le rapporteur, pour rappeler une phrase du pape
Ganga-nelli, qui, dit-on, à l'occasion de la prise de possession faite
par la France en 1668, avait dit : Si un souverain n'est pas assuré de
sa possession par une possession de 500 ans, quel est le sou-
Je commence par examiner les prétendus droits du pape. Quoique le plus grand nombre des jurisconsultes soutiennent que la prescription est inadmissible, de souverain à souverain, de nation à nation, je veux bien admettre le système contraire, je veux bien admettre que la prescription est juste. Toujours sera-t-il vrai que la prescription ne s'opère et ne peut s'opérer que par une possession dûment qualifiée et non interrompue. Pour prescrire, il faut avoir possédé, il faut avoir possédé avec bonne foi, avoir possédé pour soi ; il ne faut pas avoir possédé précairement. La prescription ne peut avoir lieu lorsque la possession a été interrompue ; lorsque l'engagiste lui-même, en consentant à ce que sa possession soit modifiée, a reconnu 1 insuffisance de ses titres ; lorsque le légitime propriétaire a exercé de tout temps des actes de souveraineté.
C'est là le principe établi par tous les jurisconsultes. et je ne parle pas ici du droit privé, je parle au droit public, au droit de nature. Or, lès papes ne sont-ils pas dans ce dernier cas ; j'ai recours ici au savant de Monclar.
Voici comment il s'explique :
« Les comtés de Provence, ne pouvant enlever au pape sa jouissance, se sont contentés de montrer, pour complaire au pape, une fausse couleur de vente, qui lui donnât une apparente souveraineté. Il a tallu, en compensation, que le propriétaire fît de son côté des actes possessoires, en exerçant de temps à autre les droits de la souveraineté; que l'engagiste fermât les yeux, et consenitt que sa possession fût modifiée. De là, il arriva que la possession du pape, continuée par condescendance, a eu la propriété du domaine, et que la propriété effective de nos rois n'a point été destituée de possession. »
Il poursuit : « Il n'y a point, dit ce savant magistrat, il n'y a point d'idée chez les hommes, d'une souveraineté mélangée, et d'une possession mi-partie, telle qu'on l'a vue dans l'Etat d'Avignon, par les égards des rois pour les chefs de l'Eglise, et par les égards du pape pour ia propriété des rois. »
Que l'on parcoure toute l'encyclopédie diplomatique, si l'on peut employer cette expression, et que l'on me cite un seul exemple d'un Etat indépendant qui ait laissé ainsi des marques constantes de souveraineté et de supériorité. (Applaudissements.) Et je demanderai à l'un des plus zélés défenseurs des droits chimériques du pape sur cette souveraineté, je lui demanderai à lui né dans le territoire, pourquoi, sans avoir obtenu des lettres, naturalisé Français, il est devenu député en France, et par suite, membre de l'Assemoiée nationale, où on a si souvent remarqué dans cette tribune sa facondieuse abondance. (Rires et applaudissements.) C'est que les gradués à l'université d'Avignon étaient reçus au Parlement de Paris ; les Avignonais pouvaient, sans lettres de naturalisation, exercer des emplois publics en France.
« Aiusi, quoique possédé par le pape, Avignon était toujours regardé comme partie de l'Empire français. Avignon et le Comtat ont été réunis à la France par le testament de Charles IV, comte de Provence, qui iustitua Louis II, son héritier; c'est de cette époque que datent les droits imprescriptibles de la France. Argumentera-t-on des aliénations qui en ont été faites ? Elles n'ont jamais porté que le caractère d'engagement ; elles n'ont pas empêché nos ruis d'exercer publiquement aes actes de souveraineté. Lorsqu'elles ont été confirmées, elles ne l'ont été que provisoirement et jusqu au rachat, toujours par pure condescendance pour les papes.
« En 1536, François lar s'empara d'Avignon. Dans une multitude d'actes, François Ier se réserve de prendre la propriété, lors'que les considérations particulières qui le déterminaient à maintenir pour le momeut l'engagement auraient cessé. Ces considérations-là se font assez sentir, quand on considère que le fameux concordat est de l'année 1515, et que les actes sont postérieurs. Lorsque l'occasiou se présente, François Ier rentre en possession d'Avignon. Les Avignonais et Comtadins, quoique naturalisés, craignaient d'être inquiétés par le fisc pour les terres qu'ils possédaient en France ; pour prévenir ces mauvaises difficultés, ils demandèrent des lettres de naturalisation ; elles leur furent accordées comme simple déclaration de leur droit dont ils n'avaient pas besoin.
Plusieurs lettres patentes des papes, principalement celles de 1543 et années suivantes, portent ces mots :
La cité d'Avignon étant quant à présent soumise à notre obéissance.
« Dans les lettres accordées à Paul de Saxe en 1540, il expose qu'il est né à Avignon et dépendant du comté de Provence, incorporé à la couronne de France, parce que l'incorporation de la Provence à la couronne de France avait été faite par des lettres patentes données par Charles VIII, sur la demande dés Etats du pays. Il existe une multitude de lettres semblables, pour éviter la répétition infinie de toutes ces lettres-là, pour en faire cesser le besoin pour l'avenir, Charles IX donna des lettres patentes au mois de novembre 1567, dans lesquelles il déclare que les Avignonais et Comtadins seraient vrais sujets et regnicoles. »
Je vous supplie, Messieurs, de bien peser cette clause. Que Ion n'aille pas la confondre avec certains privilèges accordés à des nations étrangères. On a jugé à propos d'en accorder aux Suisses, mais on ne leur a pas donné le régnicole, en sorte qu'ils puissent concéder tous offices. Ehl Messieurs, un exemple que nous avons eu jusque dans les derniers temps sous les yeux, un exemple frappant de la manière dont on n'a pas cessé de regarder Avignon comme français, c'est qu'au parlement de Paris on recevait au serment sur des licences en droit obtenues dans la ville d'Avignon.
«. Sous le règne de Henri IV, le 14 avril 1606, il s'est passé un fait
important. Le parlement de Provence ordonna une information sur un
attentat commis à Avignon, où l'on avait insolemment coupé les armes du
roi, imprimées au-dessus d'une thèse de l'université d'Aix qui y était
affichée. Avignon en prend connaissance; le parlement d'Aix ordonne
qu'il en sera informé. N'était-ce pas exercer sur Avignon des actes
publics de souveraineté? Mais on me dira peut-être que les officiers du
roi de France faisaient de leur côté tout ce qu'ils voulaient, que le
pape ne prenait pas connaissance de cela? Point du tout. Le vice-légat
envoya au Parlement le désaveu de ce délit, preuve incontestable qu'il
reconnaissait que le haut domaine, ia haute supériorité appartenait à
Je demande si c'est l'opinion de M. Goupil que nous devons entendre ou bien si c'est l'ouvrage de M. de Monclar, qu'il compte nous lire en entier.
Je demanderai à cet ingénieux opinant (Applaudissements.) s'il prétend que je traite cette affaire superficiellement, que j en fasse un roman, et que j'aille vous débiter des anecdotes fabuleuses, comme celles que vous entendiez l'autre jour de Grotius.
veut parler.
Plusieurs membres à gauche : A l'ordre! à l'ordre!
M. Goupil demande que je ne parle jamais les après-midi, et moi, je demande qu'il ne parle jamais le matin.
Vous concevez, Messieurs, que pour traiter judicieusement une contestation, il faut en éclaircir et en assurer les faits : or, ces faits, l'imagination ne les crée pas, ou bien ne doit pas les créer.
Mais l'imagination les commande.
« En 1622, Louis XIII s'étant rendu à Avignon, les consuls allèrent au-devant de lui pour lui présenter les clefs de la ville; ils lui présentèrent, le genou en terre, les hommages de ses très obéissants et très fidèles sujets. Les prisons furent visitées par les ofh-ciers du roi, et il donna des lettres de grâce à ceux qui s'y trouvèrent pendant son séjour. Qu'on me cite aucune plainte du pape contre ces actes éclatants de souveraineté.
« Le 19 mars 1660, la ville d'Avignon reçut Louis XIV. Les clefs lui furent présentées commte elles l'avaient été au roi son père, avec les 200 médailles d'or. En 1662, y ayant été commis sur la personne d'un ambassadeur du roi un attentat dont le pape refusait de rendre justice, Louis XIV manda à son procureur général au parlement d'Aix, qu'ayant résolu de rentrer dan s ses domaines, pour subvenir plus facilement' aux besoins de l'Etat, et considérant qu'Avignon avait été aliéné du comté de Provence, il lui enjoignait de tenir la main à ce que le vice-légat fut oblige d exhiber les titres de la possession du pape. Le vice-légat fut assigné, et le parlement d'Aix rendit un arrêt par lequel il ordonne la réunion d'Avignon et du Comtat à la Provence.
« Quelque temps après, en 1664, le toi ordonna qu'Avignon et le Comtat seraient remis au pape pour en jouir au même titre qu'auparavant, et que les droits qu'il y excercerait seraient toujours subordonnés à la haute souveraineté de la France. En 1673, les lettres patentes furent enregistrées au parlement d'Aix, de très exprès commandement avec la clause formelle : sans que cette possession puisse porter préjudice aux droits de la souveraineté inaliénables et imprescriptibles» Voilà le titre en vertu duquel le pape a repris Avignon en 1664; et si le pape avait osé prétendre ouvertement à une possession indépendante, est-il possible qu'il n'aurait pas réclamé contre ces clauses restrictives. On peut appliquer aux droits prétendus du pape sur Avignon et le Comtat, la sentence : precarium ad libitum revocari potest.
« Le pape ayant donné de nouveaux sujets de mécontentement au roi, le parlement d'Aix ordonna l'exécution de son précédent arrêt; mais le pape fut remis en possession le 3 décembre 1689. Les lettres patentes furent encore enregistrées avec la même clause, sans préjudice de la propriété déclarée inaliénable. »
Concluons de tout ceci que la France est autorisée, eu vertu du droit de haute propriété, à ordonner la réunion du territoire d'Avignon et du Comtat; elle le peut d'après le vœu prononce des habitants. Dira-t-on que les nations étrangères prendront ombrage de vos décisons? On vit s'élever contre l'ambition de Louis XIV toutes les nations de l'Europe, et aucune ne se plaignit jamais de la prise d'Avignon, parce qu'on savait que ce pays était un domaine de nos rois.
Laisserons-nous lacourdeRomeiouirpaisible-meut d'une possession usurpée? Je crois que, d'après la conduite actuelle du pape envers la France, il devient plus important qu'on ne pense de rentrer dans l'exercice de nos droits. Il circule en ce moment un bref du pape. Je ne sais ce que l'on doit penser d'un prétendu bref qui se distribue, tant en original, que dans une traduction française; mais je sais bien que si ce bref n est pas une production de la fraude, s'il est véritablement émané du saint-siège, le sentiment qu il doit inspirer à quiconque croit à cet égard à un patriotisme sincère, à une piété solide est d adresser des prières ferventes au ciel, pour qu il P'aise à la divine bonté, d'éclairer le chef visible de l'Eglise, et de le ramener à des sentiments plus équitables et plus chrétiens. (Applaudissements.)
Vous ne vous laisserez pas faire illusion dans ce qui vous a été présente; vous ne pouvez pas, pour l'honneur de la nation que vous représentez, vous déterminer à la réunion par la considération du mécontentement que peut vous don; ner en ce moment le chef de l'Eglise. Ceux qui vous font celte objection croient-ils donc que Louis XIV ne savait pas procéder avec dignité? Eh bien, Louis XIV ne l'a pas caché, ni en 1663, ni en 1688; le feu roi Louis XV ne l'a pas caché davantage en 1768. C'était toutes les fois que ces princes croyaient avoir, et avaient, en effet, de justes sujets de mécontentement de la cour de Rome, qu'ils exerçaient un droit, que dans d'autres temps, ils avaient la facile et trop facile complaisance de vouloir bien négliger. Et au surplus, quelle est donc la valeur de cette idée chimérique de dignité que l'on vient vous alléguer ; comme s'il y avait de la dignité à négliger l'exercice de son droit; comme si ce n'était pas la nature avouée et connu de toute possession précaire, d'être révoquée à la volonté du véritable et légitime possesseur.
Enfin M. de Monclar dit encore : « Le démembrement d'Avignon et du Comtat a formé, pour la France, un voisinage dangereux d'une partie d'elle-même, dont l'union lui serait infiniment utile. Cette cession ecclésiastique laisse à sa portée une retraite aux banqueroutiers frauduleux, une école de maximes ultramontaines » et il aurait dû ajouter: « et despotiques ».
Quoi! Messieurs, tout le Comtat est en feu; on s'égorge, 2 partis se sont
formés; cet Etat est enclavé de toutes parts au milieu de la monarchie
française ; son territoire a été violé; il est impossible que Pincendie
ne s'y communique pas. Le parti qui succombera produira une multitude de
fuyards, qui, épars, sans moyens de subsistance,
« L'Assemblée nationale décrète que l'arrêt rendu au Parlement d'Aix, le 16 juillet 1663, portant réunion à la couronne de France de la ville d'Avignon et du Comtat Venaissin, sera mis incessamment en exécution. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)
« Qu'à cet effet le roi sera prié de donner des ordres pour faire occuper incessamment par des troupes françaises la ville d'Avignon et le Comtat Venaissin, en faire prendre possession comme de lieux qui font partie intégrante de l'Empire français, y faire cesser tout exercice d'autorité au nom du pape, et faire entièrement disparaître de toute l'étendue de ces territoires toutes marques ou symboles de l'autorité du pape :
« Que le roi sera aussi prié d'ordonner au ministre des affaires étrangères de recevoir tous mémoires que le pape voudrait faire remettre, à l'effet du remboursement de la finance qu'il prétendrait avoir été effectivement payée, lors de l'aliénation de la ville d'Avignon ; de discuter lesdits mémoires, et de les remettre, avec la discussion qu'il en aura faite, sous les yeux du Corps législatif.
« L'Assemblée nationale ordonne que son comité de Constitution lui proposera incessamment ses vues sur les moyens les plus convenables d'introduire dans la ville d'Avignon et le Comtat Venaissin l'exécution des lois constitutionnelles de l'Empire français; décrète que le mémoire pour le procureur général au parlement de Provence, servant à établir la souveraineté de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin, composé par le sieur Ripert de Monclar, imprimé en 1 année 1769, sera réimprimé au nombre de 10,000 exemplaires, et que le roi sera prié d'ordonoer qu'il en sera envoyé des exemplaires à tous les ministres auprès des personnes étrangères, avec ordre à chacun desdits ministres d'en donner connaissance aux puissances auprès desquelles ils sont accréditée.
« Sera cette réimpression faite par Delormel, imprimeur. »
Je crois que le sieur Delormel doit avoir la préférence.
Un membre à gauche : C'est juste.
(1). Je n'examinerai pas si Jeanne de Naples eut, en 1348, le droit de
céder ou d'engager au pape Clément VI, Avignon et le Comtat Venaissin
pour 80,000 florins et une absolution ; si elle fut fondée à vendre ses
sujets après avoir égorgé son époux, et quelle étrange expiation c'est
d'outrager la raison après avoir
Il est permis sans doute de suspecter la validité de3 délibérations que l'on vous présente, lorsque la majorité ou la minorité peut avoir été expulsée par la force des armes. Quant à moi, je l'avoue, les délibérations des communautés du Comtat, que l'on dit avoir été unanimes, lorsqu'a-vant leurs troubles elles émirent leurs vœux sur la réunion proposée dans cette tribune, me paraissent d'un tout autre poids que celles qui ont pu parvenir depuis que les armes ont fait taire les lois et la voix des hommes faibles. Demandons-nous ensuite si, en la supposant consentie par une majorité évidente, cette adjonction ne contredira pas formellement la déclaration que vous avez faite au monde enlier, dans votre décret sur le droit de paix et de guerre, de renoncer à toute espèce de conquête. (Murmures.)
Je prévois que l'on me répondra qu'il n'est point ici question de conquête, mais d'une simple acquisition...
Un membre à gauche : Ce n'en est pas une.
ou d'une reprise, comme on voudra la nommer. (Murmures.) Je réplique que s'il est facile de se servir dé subtilités pour la défense de ses intérêts, il ne l'est pas également d'endormir par ce moyen la surveillance, et de tromper la raison des peuples que leur intérêt éclaire; et que, si nous qualifions d'acquisition la réunion du Comtat Venaissin et d'Avignon, le reste de l'Europe la qualifiera certainement de conquête.
Tant que nous n'aurons pas changé les opinions de tout ce qui nous
environne, le pape sera regardé comme monarque légitime de cette
contrée. Mais je suppose, pour un moment, que nos droits sur le
territoire, que la volonté du peuple avignonais et comtadin soient
clairement manifestés, serait-il encore de notre prudence d'alarmer, par
une pareille acceptation, la politique de tous les princes de l'Europe?
Nous leur inspirons déjà d'assez grandes inquiétudes. Que serait-ce,
lorsqu'ils s'imagineraient voir leurs provinces, qui nous sont
limitrophes, nous demander leur agrégation au nom de nos lois si
évidemment favorables au bien-être de l'humanité, et se réfu-
Quel dangereux exemple ne donnerions-nous pas à nos provinces frontières, que des malveillants pourraient solliciter à se donner à d'autres princes ou à s'associer à d'autres peuples 1 Je les crois si éloignées de ces idées, que je m'en permets hardiment la supposition : Ne pourraient-elles pas uu jour se croire permis de joindre l'Alsace, par exemple, avec les Autrichiens et les Suisses, le Roussillou avec l'Espagne?
Ou nous a déjà répondu que le cas n'est pas le même ; que toutes les provinces du royaume ont prêté le serment d'obéir à la Constitution du royaume; que l'Alsace et le Roussillon ne doivent être regardés que comme une très petite partie] de l'association française, et ne peuvent prendre une détermination sans l'assentiment de la majorité. Que ne pourrait-on pas alléguer? Je n'en redouterais pas moins l'éloquence ou la subtilité de quelque publiciste malintentionné qui aurait entrepris d'établir que la séparation est de droit naturel et politique; et vraisemblablement il serait cru.
Il serait d'une haute imprudence pour un objet si peu important d'établir sur ces deux mots possession et concession, un procès sanglant qui nous coûterait des trésors, des armées, et compromettrait cette Constitution qui fait l'objet de notre sollicitude. Car enfin, il faut le demander, quel est le funeste génie qui nous fait mettre au hasard notre repos et notre existence ? N'avons-nous pas assez de nos divisions intestines? Quelle est cette manie de vouloir tout faire dans le môme instant? Je crois, moi, qu'il n'est pas indifférent de laisser échapper l'occasion de donner à l'Europe un grand exemple de la modération que nous lui avons promise, et à une nation que nous voulons instruire aux vertus, celui d'un saint respect pour les droits du faible, pour la présomption même de ces droits.
Je me suis aperçu, dans les discussions qui ont précédé celle-ci, que pour vous engager à vous emparer du Comtat on cherchait à égarer votre humanité, en vous disant que vous ne pouviez sous aucun prétexte envoyer des troupes, s'il n'était pas décidé que ce pays vous appartiendrait. Le piège est facile à apercevoir. On ne peut révoquer en doute le droit que nous avons de secourir, de défendre de ses propres excès un peuple faible. (Murmures à gauche.) Nous avons dans Avignon de nombreux établissements, des loteries, des postes; il nous importe de les garantir des dilapidations où ils sont exposés par les désordres. Avignon et le Comtat étant situés au milieu de nos provinces, nous avons le droit et le devoir d'empêcher que l'incendie qui les dévaste ne puisse se propager dans notre pays. Le pape ni personne ne se plaindra de cet emploi de la force. Un roi de Sicile imposa à des peuples vaincus l'obligation de ne plus immoler leurs enfants à leurs dieux, et l'on a dit depuis qu'il avait stipulé pour l'humanité. Nous aurons, nous, la satisfaction d'arracher les poignards des mains des Avignonais qui s'en sont servis pour immoler leurs frères; et pour ce signalé bienfait, il ne leur en coûtera ni la bonté, ni les remords, ni à nous les douleurs inséparables des victoires.
Une seule réflexion doit, ce me semble, déterminer invinciblement l'Assemblée nationale : Certes il est impossible de dissimuler que si Avignon avait reconnu pour souverain Frédéric ou tout autre souverain de l'Europe, malgré l'évidence des principes qui placent la souveraineté dans les nations, nous n'eussions pas choisi les circonstances présentes et l'agitation où nous sommes pour accepter la réunion que nous offre ce peuple et pour donner cette leçon de droit public aux potentats. Eh bien! ce que nous ne nous fussions pas permis avec Frédéric, nous ne nous le permettrons pas avec la cour de Rome.
Je vous conjure, Messieurs, de vous rappeler que ce fut sur la proposition de M. de Mirabeau que vous décrétâtes naguère, à une immense majorité, que le roi serait prié d'envoyer à Avignon des troupes suffisantes, ajournant au surplus la question de la réunion. Rien n'a changé depuis dans l'état dea choses. N'avez-vous pas assez, répondait alors à ceux qui voulaient la réunion le grand politique dont nous regrettons chaque jour la perte, n'avez-vous pas assez de la guerre religieuse dont vous menacent les prêtres? (Murmures à gauche.) Voulez-vous augmenter leur force en dépouillant le pape, en provoquant vos voisins? Cette mesure inconsidérée fut alors repoussée presque unanimement.
Cela n'est pas vrai.
Je vous prie de rappeler M. Bouche à l'ordre, Monsieur Je Président.
Veuillez bien, monsieur Bouche, ne point interrompre, surtout par des phrases de cette espèce.
Si vous craignez que ces contrées ne deviennent un foyer d'aristocratie, si vous trouvez quelque partie de leur constitution dangereuse, de mauvais exemple pour la vôtre, il est facile de vous démontrer que, sans courir aucuu des hasards de l'injustice ou du ressentiment des puissances de l'Europe, vous pouvez vous rendre Avignon et le Comtat aussi complètement utiles que s'ils faisaient partie de la domination française. Vous êtes en droit de ceindre ces provinces d'une ceinture de douanes; vous pouvez les amener, eu relâchant quelques droits d'entrée et de sortie, à vous donner à cet égard toutes les satisfactions possibles. Il est infiniment probable qu'elles se lasseront plus tôt que vous de ce régime, et qu'elles s'empresseront de payer, pour s'en affranchir, une rétribution annuelle au Trésor national. (Murmures.) Je suis surpris de l'étonnement que témoigne l'Assemblée; car dans l'Europe il y a un exemple subsistant d'un pareil régime.
La ville de Dantzig, depuis le célèbre traité de partage, est enclavée dans le territoire prussien : tout ce qui y entre, tout ce qui en sort, paye à la Prusse des droits très considérables, et aucun roi n'a pensé jusqu'ici que cette conduite, nécessitée par la nature des choses, fût une violation du droit des gens.
De même les provinces du Comtat seront toujours obligées d'acheter vos
grains, de tirer de Marseille leurs sucres, leurs cafés. Elles ne
peuvent vendre qu'à vous leurs vins, leur garance, leurs étoffes de
soie. N'est-il donc pas évident que des mesures pareilles, fondées sur
de telles idées de justice, solliciteraient puissamment, soit la
totalité du peuple dont il s'agit, soit le Saint-Siège même, à entrer
avec la France eu accommo-
« 1º Le roi sera prié d'envoyer, à Avignon et dans le Comtat Venaissin, des commissaires avec une force suffisante pour y faire cesser la guerre civile, et procurer aux habitants la sûreté nécessaire pour s'occuper librement de la discussion de leurs différents intérêts politiques.
« 2° Cette force ne pourra être employée que sur la réquisition des commissaires.
« 3° L'Assemblée ajourne indéfiniment la question concernant les droits de la France sur ces provinces, et elle ajourne pareillement la discussion du vœu qu'une partie des habitants a manifesté touchant la réunion à l'Empire français.
« 4º Afin d'établir l'équilibre nécessaire entre les manufactures et les fabriques de ces provinces et celles de la France, l'Assemblée nationale charge son comité d'imposition de lui présenter un projet pour la formation d'un cordon de douanes propres à remplir cet objet, sauf aux Avignonais et habitants du Comtat à traiter de la somme annuelle qu'ils devraient payer au Trésor national pour l'affranchir de ce cordon. »
(1). Le genre de discussion auquel je vais me livrer, me dispense de répondre aux arguments de détail; c'est en masse et en principe
?[ue j'attaque le système du comité et de ses dé-enseurs. Je répondrai seulement à une première objection très marquante de M. Goupil. La lettre quil vous a lue de l'imprimeur, l'ouvrage de M. de Monclar et la conclusion qu'il en a tirée, vous laissent croire que c'est par une insinuation de la cour de Rome, et par conséquent par une perfidie du ministère français, que cet ouvrage a été supprimé. J'avais pensé, Messieurs, que personne n'ignorait que la suppression de cet ouvrage est due à une cause plus importante. Lorsque le gouvernement français, en 1768, mécontent de la cour de Rome voulut faire saisir le Comtat, M. deChoiseul s'adressa à M. de Monclar, pour constater des droits de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin; et M. de Monclar écrivit l'ouvrage très célèbre dont on vous a parlé. Les Anglais annoncèrent alors qu'ils prendraient la défense du pape. (Murmures à gauche ) C'est un fait vrai. Ce fait là n'est pas secret : il doit être à la connaissance de celte Assemblée; il a été notoire dans le temps.
montrant le côté droit. Ces messieurs le savent.
Si M. de Sillery n'avait pas tant exercé de chevaux en Angleterre, il serait plus au fait de la diplomatie.
Je ne hasarde ce fait dans cette Assemblée que parce que j'en ai la certitude, elle m'a été donnée.
Plusieurs membres : Ah ! ah ! on vous l'a dit. Sont-ce là vos certitudes?
Tout le système du comité, les moyens, les raisonnements, les conclusions
du rapport portent cumulativement sur des principes entre lesquels il
faut opter; car ils se détruisent
Le second principe auxiliaire du comité et de M. le rapporteur est le droit qu'a chaque peuple de se déclarer libre, indépendant de la domination du prince auquel il a obéi jusqu'au moment où il lui plaît de changer la forme de son gouvernement. Je ne m'attache qu'à ces deux divi-fions principales dont les 15 articles en question sont des subdivisions.
Avant de passer outre, je demande à M. le rapporteur : dans quel système raisonnez-vous? Est-ce celui qui suppose le prince propriétaire de la souveraineté transmettant ses droits par des transactions libres, mariages, testaments, ventes ou échanges?
Alors puisons ensemble dans la bibliothèque du roi, dans les monuments historiques; nous y trouverous un arsenal commun et nous trouverons surtout dans les monuments historiques, nous trouverons dans le droit public de l'Europe que 5 siècles de possession, que le consentement libre et solennel des peuples aux premières transactions des princes, en couvrent tous ies vices. Or, il est avéré que le pape possède depuis 5 siècles, et qu'avant la prise de possession par Clément VI, de la ville d'Avignon, les Avignonais ne se soumirent à son gouvernement, qu'après une capitulation qui leur assurait la conservation de leurs privilèges et de leur régime municipal.
Voilà ce que M. le rapporteur n'a pas dit, mais ce qu'il ne contestera pas.
Les Comtadins firent les mêmes réserves et se soumirent aux mêmes conditions par délibération de toutes les communes (1). M. le rapporteur a oublié ce fait. Ainsi l'argumentation sur la minorité, la faiblesse, la superstition de Jeanne, sur les malheurs du comte de Toulouse, sur les intrigues des papes à cette époque, n'a pas plus de valeur que n'en aurait le manifeste d'un prince qui prétendrait dépouiller le roi d'Espagne du Mexique, à raison des crimes horribles par lesquels les Espagnols s'en sont assuré la conquête.
Ma seconde observation sur la première partie du rapport, abrège encore plus la discussion.
En supposant le roi légitime propriétaire, et le
Dans cette hypothèse, le sens littéral de la transmission rendrait cette affaire personnelle au roi et a son conseil; car il serait en droit de jouir et de reprendre l'héritage engagé aux mômes titres que ses auteurs, comtes de Provence. Vous n'auriez point à délibérer au nom de la nation sur un droit qui ne lui a été ni cédé, ni transmis, mais seulement à ses princes.
A quel titre?
Est-ce au contraire suivant les principes de la Constitution et les droits qu'elle a consacrés pour le peuple et pour le prince, que vous voulez juger cette affaire? Tout le système de la propriété et de la transmission de souveraineté s'écroule; toute l'érudition du rapport des publicistes devient inutile, nous pouvons dire d eux ce qu'Omar disait de la bibliothèque d'Alexandrie, en la brûlant : « Si ces livres ne contiennent que ce qui est dans l'Alcoran, ils sont inutiles; s'ils contiennent autre chose, ils sont dangereux. » Et ie remarque ici combien il serait injuste, inconséquent, dangereux d'appeler à votre secours les publicistes, les historiens,lors-qu ils peuvent nous aider à dépouiller un prince et de Tes récuser lorsqu'ils se présentent pour le défendre. Or, voilà exactement la jurisprudence nouvelle, le nouveau droit des gens qu'on essaye d accréditer dans cette Assemblée : s'agit-il de défendre quelques-unes des anciennes maximes de la monarchie, tous les titres historiques, nos lois et nos coutumes ne sont nue des monuments d'esclavage et d'absurdité. S'agit-il de dépouiller le pape, on ressuscite alors le système féodal ; on reproduit les chartes, les édits, les actes conservatoires, s'ils sont favorables à cette prétention; et c'est après avoir dépouillé le roi lui-même de ses domaines qu'on lui rend transitoirement un titre de propriété et de souveraineté sur Avignon, au profit de la nation.
Mais, Messieurs, les droits d'un prince, considérés comme titres de famille, ne sont pas plus applicables à une nation considérée comme corps politique, qu'ils ne sont applicables à une autre tamille de princes.
Une nation qui se ressaisit de la souveraineté de son territoire n'a pas besoin de chartes et de monuments historiques; sa volonté et sa force, voilà la mesure de ses pouvoirs; celle de ses droits ne peut être que la justice et l'intérêt de tous. Il n'en est pas de même d'un prince qui exerce la souveraineté; il lui faut ou une délégation spéciale du peuple qui lui obéit, ou un titre successif reconnu par ses sujets et par les autres souverains. Voilà ses droits à une existence tranquille et leur condition essentielle est d'être incommunicable à aucun antre prince, à aucune société politique, autrement que par les mêmes principes qui les constituent.
Brûlons donc les publicistes qui pourraient défendre le pape et non le système du comité et arrivons aux droits de l'homme, aux droits des peuples qui forment le secoud moyen de M. le rapporteur.
L abandon que je fais ici du droit public de 1 Europe n'est que provisoire ; car je démontrerai tout à l'heure combien il nous importe de ne pas l'offenser. Il n'y a rien de nouveau, Messieurs dans la doctrine qui assure à une nation, prisé collectivement, la souveraineté primitive sur ses membres et sur son territoire. Toutes les sociétés politiques ont commencé par là, aucune par le despotisme. Car le gouvernement théocratique, qui lui a donné naissance, fut le produit des idées sociales et religieuses d'un peuple déjà constitué.
Il y a dune eu dans tous les temps et dans toutes les parties du monde, des orateurs qui ont dit aux peuples : Vous êtes libres et souverains. Mais lorsqu'on a voulu assurer la liberté et déterminer l'exercice de la souveraineté entre les mains de plusieurs ou d'un seul, on a adopté des formes inviolables pour conserver le gouvernement convenu, et l'on a supposé qu'il ne pouvait étreebangé ou détruit que par des formes non moins solennelles qui manifestent une volonté générale, légale et libre (1).
Tout changement qui n'est pas opéré par cette manifestation authentique et régulière du vœu commun ne peut être que le résultat d'une conquête de l'étranger ou d'une insurrection des citoyens.
La conquête ne légitime rien, c'est la force qui commande à la faiblesse qui obéit.
L'insurrection ne peut être légitimée que par la tyrannie, car elle supplée d'une manière violente à l'émission légale des volontés de tous.
L'insurrection partielle d'une section du peuple lorsque les autres sections restent paisiblement attachées au gouvernement subsistant, est un attentat manifeste contre la souveraineté, contre la paix publique.
Si cette insurrection partielle prend subitement un caractère de domination et d'entraînement par la terreur et par la force, le nombre de ceux qui la partagent ou qui la souffrent, sans s'y opposer, peut s'accroître journellement sans présenter aucun des signes de la volonté générale, qui ne se fait connaître qu'au milieu de la sécurité et de la liberté parfaite de tous les citoyens.
C'est à ces conditions seulement, sûreté de personnes, liberté des opinions qu'un peuple, assemblé par section ou par ses représentants dûment autori-és, peut charger son gouvernement.
S'il y procède par insurrection, sans qu'il y ait oppression, tyrannie
qui provoque une résistance commune et des réclamations unanimes, si
l'insurrection est partielle, et qu'à côté des novateurs il y ait une
majorité paisible, et dans cette majorité des réclamants pour le
gouvernement actuel, cetie insurrection partielle n'occasionne pas
Il me semble qu'il est impossible de contester ces principes. Quels que soient les passions, les intérêts, les dominations qui leur résistent, ils survivront à toutes les tempêtes de ce temps-ci. — Ils y survivront, car la conservation de toutes les sociétés en dépend; s'ils étaient jamais méconnus, tous les corps politiques se dissoudraient par des déchirements successifs ; il n'y aurait plus de puissance sociale; les factions, les mouvements populaires conserveraient seuls le simulacre d'une force publique, non pour protéger, mais pour détruire ; les nations policées se diviseraient en hordes de sauvages, et l'Europe reproduirait dans son sein les vastes déserts de l'Afrique.
Je dirai donc comme vous : tout peuple rassemblé a le droit de se déclarer libre, indépendant, et de changer son gouvernement avec cette condition préalable que la volonté de tous sera librement manifestée par des formes légales et solennelles. Est-ce là le caractère du vœu des Avignonais et Comtadins, demandant leur réunion à la France ?
Au lieu de la voix majestueuse d'un peuple délibérant, je ne distingue que celle des brigands et des bourreaux, les cris des assassins, les gémissements des victimes, les plaintes des fugitifs; voilà ce que j'entends depuis la première époque de l'insurrection. Avant cette époque, vous avez pu connaître la volonté générale; elle s'est librement et unanimement manifestée. Les habitants d'Avignon et du Comtat savaient alors qu'un parti puissant en France protégerait leur réunion, que des membres de cette Assemblée la sollicitaient ; mais aucune force armée, aucune faction ne les menaçait encore ; ils pouvaient donc librement s'expliquer.
Ce n'est pas la puissance de leur prince qui en imposait. Ses représentants, ses officiers n'avaient aucun moyen d'oppression. Ce petit Etat n'avait rien à craindre et a espérer que de la France, et c'est dans de telles circonstances que les habitants, que les communes ont voté unanimement le renouvellement de leur serment de fidélité au pape et à son gouvernement.
Un membre ; C'est faux.
Un membre : Qui est-ce qui dit que c'est faux ?
Voici un procès-verbal de la commune qui constate le fait ; je le dépose sur le bureau, et j'en demande acte à l'Assemblée.
Il est important de constater ce fait.
Ce titre est bien fait pour constater cette vérité; le voilà, il est original.
Monsieur le Président, empêchez donc monsieur de parler.
Toutes les communes assemblées librement.....
Plusieurs membres à gauche : A l'ordre ! à l'ordre !
Ce fait-là est très important, son authenticité ne saurait être trop constatée. M. Maury vient de remettre le procès-verbal, j'en avais déjà connaissance. Un double envoi a été remis par des députés du Comtat et d'Avignon ; je déclare donc, pour moi personnellement, que je regarde le fait comme prouvé; si quelque membre en doute, je le prie de s'en assurer.
Un membre ; La date ? la date ?
rapporteur. Je conviens de cette pièce-là existant en 1789.
Je le sais; les anciennes municipalités de toutes les communes étaient nommées comme les nouvelles par le peuple. (Murmures à gauche.)
Un membre à gauche : Non pas, non pas.
Je dis que l'époque de cette délibération est la seule époque de la liberté pour le Comtat, pour la ville d'Avignon ; dans ce temps-là, les officiers municipaux étaient nommés au scrutin, dans ce temps-là, toutes les idées nouvelles, toutes les circonstances environnantes favorisaient la plus libre émission du vœu des Comtadins et des Avignonais; dans cet état ils avaient jugé de leur intérêt, de la convenance même de renoncer à leur prince; ils avaient la certitude d'être fortement protégés; dans ce temps-là ils ne l'ont pas fait, et depuis ce temps-là ils n'ont
Eas eu une seule époque, un seul instant de li-
erté d'opinion, de sécurité dans leurs personnes et dan3 leurs propriétés.
Voilà l'état légal, les signes certains et solennels de la volonté générale de ce peuple. Tout ce qui a suivi est hors de la loi, de la liberté, du droit commun, du droit des gens, du droit des hommes. Tout ce qui a suivi est un tissu de crimes, d'atrocités qui font frémir la nature; massacres, incendies des maisons, des villages entiers, pillage des églises, voilà les hauts faits des soi-disant patriotes d'Avignon, et des brigands qu'ils se sont adjoints avec la permission tacite de M. Duportail, qui s'est pressé d'improuver les secours donnés aux opprimés, par le département de la ûrôme, mais qui n'a pas jugé à propos de faire retirer du Comtat les déserteurs du régiment de Soissonnais. (Murmures.)
Où est donc ce peuple libre, indépendant, qui veut se donner à vous, dont vous avez reçu les envoyés, encore teints du sang de leurs concitoyens? Est-ce l'armée qui vient de faire le siège de Carpentras, et qui a massacré son général, le sieur Patris, parce qu'il avait sauvé la vie à un prisonnier? Et si cette armée, repoussée deux fois aevantCarpentras, malgré sa nombreuse artillerie, malgré ses auxiliaires aventuriers et déserteurs, se trouve à peu près en force égale à ceux qui lui sont opposés dans le Comtat, comment ose-t-on vous parler d'un vœu de réunion prononcé par la majorité des habitants du Comtat?
Comment ose-t-on compter dans cette majorité, les communes même de Carpentras et de Sarian, dont l'une est assiégée, et l'autre brûlée par ces soi-disant patriotes? Que peut-on répondre à la fédération de Sainte-Cécile, composée de cin-quante-deux communautés, sur quatre-vingt-quinze qui persistent dans leur opposition aux projets et aux brigandages du parti avignonnais? Est-ce donc au milieu des troubles les plus actifs, des haines les plus atroces qui aient jamais divisé un pays, qu'on peut appeler la volonté générale du parti dominant?
Il n'y a donc pas lieu d'appliquer à l'état actuel du territoire d'Avignon et du Comtat les conséquences à tirer du principe établi, qu'il est libre a un peuple de changer la forme de son gouvernement, et de se choisir un autre prince.
Il est encore moins convenable de lier à de telles circonstances celles qui nous sont propres, et après avoir épuisé tous les sophismes diplomatiques, de considérer la révolution d'Avignon comme un accessoire nécessaire de la nôtre (1).
C'est ici que se présente la dernière question examinée par M. le rapporteur; savoir, si les puissances étrangères auraient à se plaindre de la réunion d'Avignon, et si cette opération ne serait pas impolitique et dangereuse pour nous. La décision négative de M. le rapporteur et les motifs ne m'ont point convaincu. Voici ceux d'après lesquels je jpense autrement :
On ne vous a jamais parlé de la politique intérieure dans ses vrais rapports avec la Révolution, les mouvements imputés aux émigrants, l'influence qu'on leur suppose près des puissances étrangères. Les démarches insignifiantes de quelques particuliers ont été signalées comme des causes possibles ou probables des plus grands événements; et l'agitation générale de l'Europe, dans ce moment-ci, nous est dissimulée ou nous échappe comme un événement insignifiant. Pour moi, Messieurs, je n'attache aucune importance à toutes les découvertes de votre comité de recherches, aux complots, aux négociations dont on a voulu plus d'une fois nous effrayer; mais j'en attache beaucoup à l'impression inévitable que fait dans cet instant sur toutes les puissances ae l'Europe notre position dans le continent et dans les colonies (2) ; autant il me paraît impossible qu'elles s'ébranlent par pitié, par intérêt pour les mécontents, autant je suis convaincu qu'elles nous observent avec inquiétude...
Cela dépend des goûts.
que ce désordre général dans nos immenses possessions intéresse toutes les sociétés politiques ; et qu'un plan général de coalition contre vous serait le résultat de l'infraction des droits, de la violation des principes avoués et consacrés par tous les gouvernements.
Il y a eu dans cette Révolution un caractère qui n'appartient à aucune autre, c'est d'en généraliser les principes, de les rendre applicables à tous les peuples, à tous les pays, à tous les gouvernements ; c'est un véritable esprit de conquête, ou plutôt d'apostolat, qui a saisi les esprits les plus ardents, et qui cherche à se répandre au dehors.
Cette intempérance de révolution ne pourrait-elle pas être considérée comme une véritable agression contre les puissances étrangères, qui doit les tenir en garde et les armer contre vous, si à cette théorie redoutable on peut vous empêcher de joindre une pratique plus redoutable encore, en favorisant tes insurrections, et par conséquent l'indépendance des peuples qui vous sont étrangers.
Messieurs, vous ne pouvez pas vous le dissimuler, les troubles d'Avignon ont été suscités, provoqués, favorisés dès leur origine. Dès le commencement, on a appelé patriotes ceux qui se sont dits mécontents du gouvernement papal, et contre-révolutionnaires ceux qui y restaient attachés. Dès le commencement, l'aristocratie des sujets du pape vous a été dénoncée, comme si ce devait être à vos yeux un crime de lèse-nation que de rester fidèle aux lois, aux mœurs, aux habitudes de son pays.
Ainsi on a voulu vous accoutumer à voir avec malveillance tous les habitants d'Avignon et du Comtat, qui ne voulaient d'autre révolution dans leur pays que la réforme de quelques abus et l'amélioration de leur ancien régime.
C'est de ces préventions quxin est parti pour vous faire considérer comme le vœu du peuple, le vœu de la grande majorité, celui de quelques aventuriers qui ont séduit, intimidé leurs concitoyens, et exercé les violences les plus odieuses contre ceux qu'ils n'ont pu séduire; car il est bien notoire que la très grande majorité des propriétaires n'a pris aucune part aux mouvements actuels, ou s y est opposé ou a abandonné ses foyers (1).
Si donc il est démontré à toute l'Europe que d'une part les titres héréditaires ou successifs sur le gouvernement d'Avignon ne peuvent vous appartenir comme droit national, qu'ils seraient tout au plus un droit patrimonial de nos princes que vous ne pouvez pas exercer dans les principes de votre Constitution;
S'il est bien démontré que la volonté générale des Avignonais et
Comtadins, lorsqu'elle a pu se manifester librement, a été de rester
fidèles au pape ; que la presque totalité des propriétaires y
persiste,n'ayant plus d'autre droit, d'autres titres, pour prononcer la
réunion, que celui d'éteindre, dans un pays étranger, un foyer prétendu
de
Je l'avoue, Messieurs, je ne trouve dans les mesures qu'on vous propose ni raison, ni justice, ni politique ; la raison vous ordonne de ne point multiplier vos embarras ; la justice vous commande de respecter les droits d'autrui ; la politique vous conseille de ne point vous susciter des ennemis. Je conclus donc a ce qu'il n'y a lieu à délibérer sur le projet de réunion, et j'adopte les mesures provisoires proposées par M. l'abbé Maury.
Je fais la motion de l'impression de la première partie du discours de M. Malouet ; c'est véritablement un chef-d'œuvre (Rires à gauche.) de diplomatie, de politique par sa construction, et qui honorerait l'Assemblée qui en décréterait l'impression.
Je demande si M. de Folleville n'a pas surtout remarqué la théorie des insurrections qui est sublime dans le discours de M. Malouet.
Il est vrai que nous la connaissons moins bien que vous.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la motion d'impression du discours de M. Malouet.)
(1). En nous parlant du procès-verbal qui constate le vœu des Avignonais, M. l'abbé Maury aurait dû ajouter que c'éiait le résultat d'une délibération des anciennes communautés du Comtat, qui, loin d'être l'expression du peuple, n'était que celle des anciens officiers municipaux maîtrisés par l'influence du pape. Là, comme en France, il y avait un parti contre le vœu du peuple; la noblesse et le clergé se sont armés, on en est venu aux mains; le parti populaire a vaincu la ligue des aristocrates, a été victime de son opposition, et on appelle cela du brigandage. Cette cause est la même que la nôtre, les mêmes intérêts et les mêmes passions sont en mouvement. C'est peut-être à cela qu'est dû ce grand acharnement qu'on met à cette cause.
J'entre en peu de mots dans l'examen des principes. S'il est prouvé que, sous le rapport des droits des nations, Avignon n'a jamais pu être valablement aliéné, qu'il n'a jamais été possédé par les papes qu'à titre précaire, et d'engagement, la nation française a toujours été et est encore souveraine. Les Avignonais, les Comtadins ont toujours été et sont encore français. Pour qu'ils soient français, pour qu'ils soient réunis à la France, il suffit de ne point les repousser, il suffit de ne pas les retrancher de l'Empire français. Il suffit, non pas de décréter un droit nouveau, mais de déclarer celui qui existe; c'est-à-dire que les Avignonais, les Comtadins font partie de la nation française, et vous voyez, Messieurs, que si vous adoptez ce principe, toutes les objections par lesquelles on semble vouloir obscurcir cette grande affaire, tombent d'elles-mêmes.
Dès qu'une fois les Avignonais et les Comta-
Mais, Messieurs, quand même on pourrait me contester le principe fondé sur notre histoire, et développé d'une manière sans réplique par M. de Monclar et par M. Goupil qui vous a présenté son opinion; quand bien même on voudrait prétendre encore, en dépit des faits et de l'évidence, que les Avignonais et les Comtadins ne sont pas français, il en résulterait qu'ils seraient un oeuple séparé de la France, et sous ce nouveau titre ils pourraient encore demander à être réunis à la nation française, et dans les circonstances vous ne pourriez point rejeter une pareille pétition.
Ici, certes, il n'est pas possible d'adopter les principes du préopinant sur les droits des peuples et des rois, ni sur les moyens par lesquels les peuples peuvent ressaisir leurs droits ; car si les peuples ne sont pas des troupeaux, si les rois n'en sont pas les propriétaires, certes on ne pourra contester qu'un peuple, quand il le veut, au moment où il le veut, puisse changer la forme de son gouvernement, et à plus forte raison, changer l'individu à qui il confie ses droits, de tenir lui-même les rênes de ce gouvernement; et si le pape pouvait ici réclamer des droits, s'il pouvait dire aux Avignonais, aux Comtadins : « Vous ne vous réunirez point à la France; vous ne changerez point la forme de votre gouvernement ; vous ne vous déroberez point à ma domination. » Alors le gouvernement des Avignonais et des Comtadins serait fait pour le pape; les Avignonais et les Comtadins seraient la propriété du pape ; certes il n'est pas possible de réfuter sérieusement un pareille système.
Or si les Comtadins, si les Avignonais vous ont réellement adressé ce vœu; s'ils nous ont réellement renouvelé cette pétition avec une ardeur qui ne s'est jamais démentie, qui pourra leur contester le droit de nous la présenter? Qui pourra contester qu'ils n'ont pas le droit de se soustraire à la domination du pape pour se réunir à la France? Or, peut-on le contester, ce vœu? Je parle d'abord d'Avignon qui est un Etat séparé du Comtat, et je remarque que, sous ce premier point de vue, il n'est pas un homme, si disposé qu'il soit à s'opposer à la réunion et à favoriser la cause des ennemis des Avignonais, qui ose dire que le vœu de ce peuple est douteux.
Il n'y a pas de difficulté d'abord sur ce vœu, où il est prouvé que, par les faits historiques qui vous ont été développés, le peuple avignonais formait un Etat séparé de l'Etat Venaissin. Il est donc évident qu'il a eu le droit de demander seul la réunion à la France.
Passons au Comtat. Nous avons encore la majorité du Comtat, majorité incontestable, si on veut écouter la vérité, et ne point poursuivre le système d'embarrasser l'Assemblée nationale par des doutes que les faits ont démentis. M. le rapporteur vous a attesté qu'il était porteur des déclarations de 51 communautés du Comtat qui demandent formellement leur réunion à la France. Ces 51 communautés forment évidemment la majorité sur 95 : aucun de nous ne peut douter du vœu des Comtadins. Si vous réunissez le Comtat avec Avignon, pouvez-vous désirer une majorité plus complète.
On a voulu encore opposer des présomptions ;
Ne croiriez-vous pas que le désir de se soustraire à tous ses malheurs ne soit point gravé dans le cœur de tous les peuples. Oui, les Avignonais, en dépit de la modicité de l'impôt, et les Comtadins ont voulu se soustraire à la domination du pape, parce que, chez eux comme chez nous, il y avait des tyrans subalternes qui opprimaient leurs concitoyens; parce que la justice y était vénale et arbitraire; parce que des ordres arbitraires attentaient aux libertés individuelles; parce que tous les fléaux qui sont la suite inséparable du gouvernement absolu, désolaient la majorité des citoyens. Et certes ce serait un phénomène bien étrange dans le monde qu'il y eut une contrée ou le despotisme régnât, et où cependant le peuple fût heureux. C'est par la force, vous a-t-on dit, qu'on a subjugue le vœu du peuple avignonais et du peuple com-tadin ; c'est au milieu des troubles et des insurrections que le vœu du peuple d'Avignon s'est fait entendre, c'est dans cette guerre civile que la majorité du Comtat a fait entendre le sien.
C'est ici que reviennent les principes du préopinant sur la théorie des insurrections. 11 vous a dit qu'aucun vœu n'était légitime qu'autant qu'il était émis paisiblement, que lorsqu'il était la suite d'une insurrection, il était illégitime ou coupable. Que le préopinant apprenne donc aux peuples les moyens de ressaisir leurs droits sans insurrection;, ou bien qu'il apprenne aux despostes à se dépouiller eux-mêmes du pouvoir absolu, à rendre aux peuples leur liberté et leurs droits, alors je conviendrai facilement que l'insurrection est un crime, puisqu'elle sera une violence inutile. (.Applaudissements.)
Ainei, tant que ceux qui sont investis du pouvoir, le croiront toujours légitime, et croiront qu'il ne peut jamais être trop étendu pour le bonheur du peuple et pour leur satisfaction, je dis qu'il ne restera jamais au peuple d'autre moyen de recouvrer la liberté qu'en secouant le joug du despotisme, et qu'ils ne secoueront jamais le joug du despotisme sans insurrection : c'est une vérité incontestable.
Est-il bien convenable de se montrer difficile, quand il estévident que la majorité a dû nécessairement exister par la nature des choses? Le vœu de tous les peuples n'est-il pas de reconquérir la liberté? N'est-ce pas parce qu'ils sont toujours retenus par la crainte sous le joug de la tyrannie. Le peuple avignonais, le peuple comtadin devaient vouloir la liberté. Ils vous disent qu'ils l'ont voulue; les faits l'attestent,comment en douteriez-vous?
Je dis qu'on ne peut pas en douter avec quelque bonne foi; qu'on ne peut feindre d'en douter que pour prolonger la crise funeste qui désole le pays, que pour y faire triompher la cause des ennemis de la Révolution. Je dis que la cause de tant d'intérêts, de tant de combats, ne peut être que l'extrême importance du décret que vous allez rendre: que l'influence infinimentétendue qu'il doit avoir sur la tranquillité de nos pays méridionaux, sur le sort de la Révolution française, doit être de quelque valeur en faveur de la réunion. Sans la réunion, vous avez au milieu de vos départements une province qui sera sans cesse un foyer d'anarchie et de guerre civile. Je demande en conséquence que le projet du comité soit adopté.
Messieurs, si je n'avais été interpellé dans la dernière séance, je me serais sans doute gardé de prendre la parole dans celte affaire; je ne sais trop pourquoi on a imaginé que, pour avoir séjourné trente-six heures à Avignon, je doive être mieux instruit qu'aucun autre des affaires de cette ville.
On sait quel motif m'y a conduit et on doit présumer que, le peu de temps que j'y ai passé, je ne l'ai pas employé à faire des recherches historiques aussi approfondies quecelles que M. le rapporteur vous a dévelopi ées.
Puisque je suis provoqué à énoncer ici mon opinion, je dirai, d après ce que j'ai entendu dire sur les a roi 18 positifs de la nation française et du pape, qu'il ne me reste aucun doute que nous avons plus de droit que le pape à la souveraineté d'Avignon. (Applaudissements.)
Il me reste à parler de la seconde question : le vœu du peuple avignonais et du peuple com-taiin est-il bien constaté et suffisamment exprimé? Je m'exprimerai à cet égard avec la même franchise.
Depuis que je suis revenu d'Avignon, je n'en ai reçu que des lettres anonymes que j'ai eu soin de remettre au comité diplomatique, et auxquelles il n'a sans doute pas eu plus d'égar J que de raison.
Mais, quand j'étais à Avignon, il est certain que le vœu de quelques communes du Comtat a été forcé; j'ai vu que ceux qui voulaient la réunion arrachaient les vœux de ceux qui ne la voulaient pas, en y employant la force et les armes : on s'est servi pour cela des déserteurs des régiments de Soissonnais et de quelques dragons de Penthièvre. De tels suffrages ne sont certainement ni libres ni valides.
Je ne sais si, depuis mon départ, on a pris des voies plus légales.
D'après cela, ce que je croirais qu'il y aurait à faire, ce serait d'abord d'y envoyer des troupes suffisantes pour rétablir l'ordre et ensuite de mettre le peuple à même de pouvoir manifester son vœu, quelqu'il soit, d'une façon plus libre et plus légale que la première fois. (Murmures.)
Pour prendre enfin une résolution définitive sur la proposition de réunir à la France Avignon et le Comtat Venaissin, il suffit de se réduire à 2 points.
La France a-t-elle un droit positif sur Avignon et le Comtat Venaissin?
Avignon et le Comtat Venaissin ont-ils librement et formellement émis le vœu de se réunir à la France?
Je ne m'appesantirai pas sur la première de ces 2 questions;...
Un membre : Appesantissez-vous!
Nous nous appesantirons demain, si vous avez la justice de nous entendre.
L'Assemblée nationale sent trop de quelle in-i convenance il serait pour
elle de faire à un prince e siècle, et d'appuyer la conquête d'une
province sur que ques-uns de ces droits oblitérés que tous les princes
ont en réserve, et sur lesquels, lorsque leurs passions les y invitent,
il leur est si facile de commander des mémoires à des ouvriers
diplomatiques. Je ne m'enfoncerai donc pas dans les discussions
profondes que fait naître la vente d'Avignon par la reine Jeanne de
Naples; j'observerai seulement qu'il n'a point été prouvé en points de
faits, qu'Avignon et le Comtat Venaissin qui sont respectivement des
Etats séparés, aient depuis 1125 été un seul et même état avec le comté
de Provence; j'ajouterai que, dans tous les actes antérieurs a la vente
de 1348, le titre de seigneur d'Avignon a toujours été pris par ses
possesseurs; que, dans l'acte de vente même, Jeanne s'intitule domina
civitatis Avionensis; et je remarque que dans les actes subséquents, et
notamment dans les révocations dont on prétend arguer contre la vente,
elle n'a pas une seule fois repris ce titre. Le premier acte de
révocation est de 1350; les 2e, 3° et 4e
sont de 1365; le 5e est de 1368. Dans aucun,
elle ne reprend le titre de dame d'Avignon; dans tous,elle déclare que
les révocations portent uniquement sur les comtés de Provence et de
For-calquier. Charles d'Anjou, dernier comte de Provence, ne prend pas
non plus dans son testament le titre de seigneur d'Avignon.
Depuis cette époque, après que le comté de Provence eut été transmis à Louis XI par Charles d'Anjou, translation qui fut faite le 10 décembre 1481, veille de sa mort, et pour l'exécution de laquelle Palamède de ForBin, envoyé de Louis XI, qui avait notoirement influencé le mourant, reçut, dès le 19 du même mois, tous les pleins pouvoirs et documents nécessaires; depuis cette époque, dis-je, je conviendrai que Charles VIII, dans plusieurs lettres de naturalisation données à des Avignonais, a dit que cet Etat avait été éclipsé de son comté de Provence; mais à ce dire, qui n'est qu'une assertion, j'opposerai le serment de fidélité prêté librement par les Avignonais au pape Innocent, serment dont ils ne se sont pas départis. J'observerai qu'il existe un traité rie limite pour le comtat d'Avignon, conclu en 1623 entre le roi et le pape Grégoire XV, traité fait le 30 avril, et ratifié par le pape le 22 mai. Ce traité est une reconnaissance de la possession légitime du pape; quant aux saisies faites par Louis XIV et par Louis XV, je me borne à 2 observations, la première tombe sur leurs motifè, la seconde sur la restitution qui les suivit. Les motifs furent toujours étrangers au prétendu droit de la France. Sous Louis XIV, l'insulte faite à son ambassadeur à Rome par la garde corse fut la seule cause de l'usurpation. Satisfait sur ce point, il révoqua tous les jugements, arrêts et autres actes qu'il avait commandés pour la circonstance, 11 révoqua la prise de possession comme nulle et non avenue.
En 1768, Louis XV se conduisit encore par des motifs étrangers à ses droits ; et, lors de la restitution en 1774, il déclare ne les avoir fait valoir que d'après les sujets de mécontentement que lui avait donnés la cour de Rome, par ses entreprises sur la souveraineté des Etats de son petit-fils le sérénissime infant, et l'inexécution d'un article du traité de Pise, concernant ledit infant; mais qu'ayant plu à Dieu de donner depuis à son église un chef dont la justice dirige toutes les intentions, qui a réparé les entreprises faites, etc., il a bien voulu dégager les Avignonais, comme il le fait, du serment de fidélité qu'ils lui ont prêté, les remettant au même état qu'ils étaient avant le mois de juin 1768, en sorte qu'il n'y ait plus rien qni empêche désormais qu'ils ne rendent à Sa Sainteté toute l'obéissance qu'ils lui doivent.
La même année, Louis XV motive ainsi un privilège accordé à des Avignonais «. par rapport à la considération et aux égards particuliers que nous avons pour le Saint-Siège, dont ils sont sujets. » Je demande à tout homme de bonne foi s'il aperçoit dans tous ces actes des réserves du prétendu droit du roi ; si chacun de ces actes ne justifie pas la possession tranquille du pape. Mais, dit-on, 11 y a eu une réserve dans l'enregistrement fait au parlement d'Aix; j'avoue le fait, mais je crois l'atténuer par des réflexions bien simples.
Je demande d'abord si ce n'est pas atténuer la foi due à tous les traités, que de les regarder comme pouvant être détruits par le fait de quelqu'un qui n'y est pas partie contractante, par le fait d'un parlement sujet de l'une des deux parties, et dont les actes ne sont ni communs aux deux parties contractantes, ni connus même de celui qui traite avec le roi. Je rappelle, en second lieu, le principe du parlement de Provence ; le voici : Sans préjudice des droits du roi et de la couronne, comme étant imprescriptibles et inaliénables. (.Applaudissements à gauche.)
Certainement si un tel principe était sérieux, il aurait d'étranges
conséquences ; c'est parce que les puissances de l'Europe ont toujours
su que de semblables réserves, de semblables droits n'ajoutent rien à la
force de celui qui les revendique, qu'elles se sont mutuellement passé
cette forme, plus que bizarre, moyennant laquelle le roi d'Angleterre
prend le titre de roi de France, le roi de France, celui de Navarre;
plusieurs, celui de rois de Chypre et de Jérusalem, etc., etc...;
nomenclature qui n'est que vaine, et que tout le monde apprécie ^ mais,
Messieurs, si, au milieu des principes politiques que vous professez, il
était encore permis d'invoquer celui dont je parle, vous auriez fait la
plus illusoire des déclarations quand vous vous êtes interdit les
conquêtes ; une rentrée de domaine n'étant pas une conquête, et toute
aliénation de domaine étant imprescriptible, vous auriez la possibilité
toujours en deçà de votre déclaration, mais fort au delà de vos
frontières actuelles, de levendiquer successivement les domaines qui ont
incontestablement appartenu à Charlemagne, et le tout sans autre
intention que celle indiquée par M. le rapporteur, de consulter pour
l'époque des reprises, le plus ou moins de force, des puissances qui en
seraient en possession. On sent l'absurdité de la conséquence; cependant
j'ai raisonné juste ; c'était donc dans le principe que se trouvait
l'absurdité. C'est ce principe qui peut seul servir d'appui aux droits
plus qu'équivoques que nous pourrions prétendre sur Avignon. Il faut
donc renoncer à ce droit, il faut renoncer à Ces arguties diploma1
tiques, il faut renoncer à la réunion d'Avignon, si le vœu du peuple
bien librement, bien clairement exprimé, ne nous donne pas un meilleur
droit. M. le rapporteur nous a succinctement rendu compte au vœu des
communes comtadi-nes ; il nous a dit que sur 95 communes, nous avions le
vœu de réunion de 51 : la majorité est de 7, ce résultat esl mot à mot
celui qu'ont présenté MM. Tissotet Pallln, députés d'Avignon. Ce
Avant d'entrer dans les détails, je me borne à définir ce que j'appelle un véritable vœu. Ce vœu doit avoir trois caractères : Il doit être libre; il doit être clairement énoncé ; il doit être légalement constaté. Ces trois clauses sont rigoureusement nécessaires. Un vœu non libre est nul ; un vœu conçu en termes ambigus est inadmissible ; un vœu non constaté n'est pas un vœu. C'est à cette triple épreuve que je vais soumettre ce qu'on appelle le vœu de la majorité des communes du Comtat Venaissin.
Je commencerai par les trois communes dont le vœu m'a paru être le moins attaquable.
Communes.
Sorgues. Population, 1,215. Votants, 197.
Elle s'est réunie à Avignon le 14 juin 1790.
L'assemblée a eu lieu à quatre heures du matin, à la réquisition de M. Béret, colonel. — La pièce est certifiée par Benoît Nourri, secrétaire.
chateauneuf-du-Pape. Population, 1,240. Votants...
Elle s'est réunie le 24 juin 1790, confirmée en juillet. Le maire qui a provoqué cette réunion, assura que les députés d'Avignon siégeaient déjà parmi les représentants de l'Empire français.
Védènes. Population, 1,023. Votants, 143.
Réunie le 17 juillet 1790.
Telles sont, Messieurs, les délibérations auxquelles je n'oppose aucun reproche.
Passons à celles dont le contenu ne permet pas de les regarder comme des vœux de réunion.
Cairanne. Il n'existe pas de réunion; mais une délibération du 18 janvier portant que sur le fait constaté que dans la majeure ¦partie du pays on a arboré les armes de France; elle demande la bienveillance de la France, que cette nation généreuse et pacifique éloigne (Telle la guerre civile. De plus elle demande au district d'Orange un certificat comme il les a reçus pour alliés et fédérés, afin de la garantir des incursions des ennemis de ce pays. Ce n'est point là une véritable réunion; ce n'en est même pas le vœu; il faut retrancher Cairane delà liste.
Uchaud. 11 n'existe point de réunion, mais un acte où se sont trouvés presque tous les chefs de famille, par lequel, vu les circonstances présentes, elle a demandé la protection de l'Assemblée nationale et du roi. Elle ajoute que, dans le cas où il plairait à l'Assemblée et au roi d'accueillir le vœu de Carpentras pour la réunion, elle demande d'être du district d'Orange. Il n'y a certainement point de réuuion.
Bollène. Population, 4,016. Il n'existe point de réunion, mais un acte de
fédération du
Sérignan. Il n'existe point de réunion ni de vœu pour la réunion, mais une simple fédération avec Orange. Voici le dispositif : Considérant la dissolution de l'assemblée représentative et l'anarchie ,qu'il fallait chercher un appui, avoir recours et s'affilier à une ville assez puissante pour la défendre, et dans le sein de laquelle elle trouve des tribunaux, une police, une administration; qu'il fallait commencer par arborer les armes de Francé; elle a choisi la ville d? Orange, a serré avec elle des nœuds que la seule volonté de l'Assemblée nationale pourra rompre. On s'est promis secours et assistance. C'est une fédération qui n'est ni réunion véritable, ni le vœu d'une réunion.
Vagueras. Pour prouver qu'il n'est pas réuni, il suffit de lire attentivement la pièce que l'on appelle son vœu de réunion.
Voici ce que j'y trouve : four procurer une tranquillité qui a été malheureusement troublée par les révolutions désastreuses qui nous fatiguent de toutes parts, et sous lesquelles nous avons été près de succomber, nous ne pouvions que nous mettre sous la protection et sauvegarde de l'Assemblée nationale, et attendre paisiblement notre sort de l'Assemblée nationale. Cependant, pour arrêter tout brigandage et toute incursion qui pourraient être faits sur notre territoire à main armée, il serait prudent d'arborer les armes de France, pour prouver notre entier dévouement à cette nation généreuse et à sa sublime Constitution, et demander à la ville d'Orange de nous recevoir sous sa protection, et nous honorer de l'affiliation.
Le maire a dit qu'ils manifesteraient leur vœu pour la couronne de France ou pour celle de N. S. Père, en passant dans l'autre côté de l'église où se tenait l'assemblée ; personne n'a bougé; l'assemblée a manifesté, par l'unanimité absolue, le vœu d'arborer les armes de France, pour se mettre sous la protection et sauvegarde immédiate de l'Assemblée nationale et d'Orange et attendre le décret sur ce qui nous concerne. Il est impossible de présenter, comme un vœu de réunion, une semblable délibération.
Séguret. On trouve un acte du 2 février, par lequel le conseil militaire rappelle que les armes de France sont arborées, que le peuple désire la réunion ; ce conseil délibère de s affilier à la ville d'Orange, mais il n'y a point d'acte de réunion de la commune.
Un conseil militaire n'est certainement pas compétent pour émettre le vœu d'une ville.
Mornas. Cette ville ne forme pas le vœu de la réunion ; mais, gémissant de l'anarchie et de l'é-loignement du souverain, elle demande la protection de la France, se met sous sa sauvegarde et arbore ses armes.
Ces 7 communes doivent être retranchées du nombre de celles dont on prétend avoir le vœu pour la réunion.
Discutons maintenant les autres délibérations. Je sens combien cette discussion est aride, mais l'importance de l'objet doit vous commander l'attention la plus patiente.
Vaison.— Population 2,284.— Votants 300.
La pièce disait que le nombre était la moitié des citoyens actifs; une surcharge d'écriture, faite avec une encre différente, et que j'ai montrée à M. le rapporteur, a changé les mots la moitié en ceux-ci les deux tiers: le faux-est visible. La première assemblée a eu lieu le 10 janvier 1791, (j°ur °ù une influence semblable opérait le massacre de Cavaillon). Cette assemblée n'émit qu'un vœu, d'arborer les armes de France; le procureur de la commune en contesta la légalité; les armes ne furent pas arborées. Le 17 janvier, les alarmes redoublèrent, la ville écrivit au département de la Drôme, pour lui demander protection, et le prier de prévenir la municipalité d'Avignon que cette protection lui était accordée* Le lendemain, 18, la frayeur augmentait encore, il y eut une adhésion à la délibération du 10.
aJg 7 février, Vaison s'est réunie à la fédération avignonaise; ces diverses adhésions avaient été ™ iwï«en pa[,lie puarJa fra?eur et en partie v^=Infl,Uence ? un M- de la Allasse, maire de ni I raJl ? mêine temPs J'u^e de Saint-Léger ; ne a Carpentras, des circonstances l'avaient ran-proché des Avignonais: il fit plusieurs vovaees dans cette ville; ce fut lui qui provoqua la délibération du 10, et l'adhésion du 18; il retira a cette époque, de Carpentras où il était né sa femme et ses enfants qui y étaient encore! il les envoya à Avignon. Le surlendemain, il marcha au siège de Carpentras. On assureque depuis cette époque, il portait habituellement une cou-n0«'îfa,^Ufler; avant même cette expédition, LirP Hp va?°DneTr, Une £arde militaire comme maire de Vaison. II voulut bientôt étendre plus °'nJon mfluence ; il forma le projet de détourne? es eaux des moulins à blé et arrosages du vil-lage de Seguret, situé à une demi-lieuede Vaison.
Cette entreprise, et les bruits répandus qu'il allait préparer l'invasion d'une nouvelle troupe îiôffi?1.peWlm!ière,n,t ,es cultivateurs dont^ï Pt fip nnV-lnf,ailet ,e reP°S: ils 8'attroupèrent a ,à Va!soa» en armes, dans la nuit, dp ffiSïïLÎ "ue soixantaine. Le maire, prévenu de leur a taque, donna aux habitants de Vaison de 9 98a nopaVenu' Gnette vi,Ie a une population 28\ Personnes. Cependant très peu se présentèrent pour le secourir; il fut tué, ainsi que Le TpenHp^SelDfe; ?8 Joueurs ^ retirèrent? Le lendemain, la ville de Vaison fut calme, plusieurs ém,grat v rentrèrent; on émit le'vœu d y rappeler l'évêque, ce même évêque, qu'un honorable membre (M. Bouche), vous peignait Jr L J*Uelqi^ J?,urs' un crucifîx d'une main timï ŒPd de 1 autr.e' «xcitant encore le fana-tisme des bourreaux contre les cadavres des sieurs hrnï Kiff m Anselme. 11 ne manquait à cet horrible tableau que d'être vrai. Cet évêque n est pas même revenu dans Vaison, après l'événement malheureux qui a précédé son rappll Mpccfi'au c,ontraire. retiré à Montélimar. Tel est, àlavinï'rJvr- eT?act de ce MUi est relatif â la ville de Vaison. Il me paraît démontré qu'elle RPlin nnïïil000^11! t0?t à fait contradictoire, T^Zlï a^ét1 dominée Par deux hommes il JSîiîï de leur Joug- « me Paraît juste; il vous paraîtra certainement juste d'attendre de nouveaux renseignements sur le vœu d'une ville ?hîL„ maire avait des gardes et occupait un ga5i ®f ^ui, lorsque ce maire a été attaqué, la laissé massacrer par 60hommes et n'a témoigné aucun regret de sa mort.
Lille, le
Je trouve encore une lettre du 26 janvier, qui annonce qu'elle a formé le vœu de sa réunfon îar J hJr; - .mais J'observe que, le 10, le massacre de Cavaillon avait eu lieu ; — que l'effet de la première terreur sur le rétablissement des armes de France, fut qu'il y eut une forte émigration quune partie de la garde nationale se* retira a Larpentras, que les émigrants vous ont adressé des réclamations contre la violence exercée dans niJS qU enhD.-une Sarilis0D avignonaise, com-SSl p5tie des déserteurs de Soissonnais y est à discrétion, et contient le vœu des habitants. Je vous demande si les circonstances permettent de parler ici d'un vœu libre.
Le Thor. Je trouve, à la date du
Pernes, le
Montbux, le 18 janvier. Même réflexion sur la date. De plus, la population est, selon les Avignonais, de 3,438. - Les votants pour la réunion sont au nombre de 37.
Entraygues. Le vœu est formel, mais il est Cavailîo DV1Gr' tr°1S ^°UrS après le massacre de
Caderousse. Son vœu est du 15 janvier il a été émis en présence du sieur de Vaulx commandant la garde nationale française de Bagnoles II a même signé le certificat qui nous apprend cette reunion. - Cette circonstance et la date me fournissent bien quelques reproches.
Cavaillon.- ses ruiaes Peuvent être comptées pour quelque chose; quant à son vœu, il y aurait de 1 impudeur à s'en prévaloir. La poou-lation est, selon les Avignonais, de 6,433 tfest le 26 décembre 790 que pour la première fois 500 personnes délibèrent sur l'abandon où le Saint-Siège semble laisser le Comtat. Le 10 janvier, il s y fait ce qu'on appelle une révolution. Je ne vous retracerai pas les détails ; ils vous ont assez affligés. Malgré l'influence de cet événement atroce, ce n'est que Je 19 janvier qu'une assemblée demande la réunion. Cette assemblée
riCTP°,séLdne 76 signataires, 193 autres membres, total : 269 personnes; encore y trouve-t-on 18 fois e nom deChabas, et 45 fois celui de Veran Une ville saccagée qui, avec une population de 6,433 personnes dont 269 votants, dont 43 sont de la même famille, ne présente pas ces symptômes auxquels peut se reconnaître un vœu libre et national.
Le Thor. Je trouve, à la date du 19 janvier
thouson. Son vœu est du 15 janvier, cinq jours après le massacre de Cavaillon. Ses votants sont au nombre de 20.
Son motif est que d'autres communes avant voté la réunion, il est de son intérêt de ne vas s'en séparer. F
pernes, 15 janvier. Ses motifs sont l'éloigne-mentdu souverain la dissolution de toutes les parties organisées, à'est l'anarchie qui nous oro-
nous en pfévabîr ? * * ^ ^ ^on^oTs h,abitra.ntS P0ur ,e ^M»
ï1 « tient par?le- L assemblée a lieu mal-id '^offic'ers municipaux; elle est composée de 158 votants, la population est de 1,960. Un sieur Pont ofbçier dans la garde nation'ale, présente huit articles dont un est la réunion; ils sont très unanimement adoptés, et sans aucune discus-v- def votants, la date, l'influence mi litaire, 1 adoption textuelle de huit propositions sans discussion, tout rend ce vœu plus que suspect.
LAGNES, le 16 janvier, date suspecte. L'acte est très informe; on y lit,
entre autres choses, que I assemblee était composée de la majoritée de
citoyens dont le nom a été omis par abréviation Le u est pas ainsi que
se connaît le vœu du peuple
Camàret, 18 janvier. Population, 2,258. — 300 votants. Motif de l'éloignement du pape. — La date, le motif et les votants.
Sarrjan, 45 janvier 1791. Même réflexion sur la date, j'observe de plus que la délibération est ainsi motivée. « Voyant le peuple alarmé des dé-« sordres causés par la di-solution d'un gouver-« nement dont tous les ressorts sont rompus, la « situation critique où se trouve la province, le « tout joint au peu d'espérance qu'il y a d'être « secouru par un monarque qui semble l'avoir « abandonné; considérant que la Constitution t française peut seule, dans ce moment de crise, « assurer son bonheur et la tirer de l'état d'anar-chie. »
Ces motifs sont impérieux sans doute, mais ce n'est pas dans une situation critique hors de Vespoir de secours, que l'on émet un vœu libre, et ce n'est pas pour un moment de crise que l'on doit vouloir notre Constitution.
Avant de quitter l'article de cette ville, je dois vous rappeler que ce vœu dont on se prévaut ne lui a sauvé aucune des horreurs qu'elle craignait. Le curé a été massacré, quoiqu il eût voulu se faire un rempart de ce que la religion a de plus sacré (il a été renversé en portant le saint ciboire). Un vieillard a péri après avoir donné l'argent qu'on lui demandait pour lui laisser la vie; des filles ont été violées et mutilées cruellement, des enfants ont été égorgés sur le sein même de leur mère.
Voilà le genre de guerre que fait la horde de brigands que l'on né rougit pas d'appeler des patriotes, c'est ainsi qu'ils poursuivent ce que Von appelle le cours de leur révolution.
Oppède, 16 janvier; Mazan, 16 janvier. Ces deux communes ont allégué les mêmes motifs : c'est l'anarchie, c'est le salut des individus exposés, c'est l'éloignement du souverain qui leur arrache ce que l'on appelle un vœu libre pour la réunion.
Jonquerettes, 16 janvier. Population, 98. Votants, 24. Voici les motifs :
« Il est de notre intérêt de chercher un asile « où nous puissions respirer libres et tranquilles.
« De ce que nous avons adopté la Constitution « française que la ville d'Avignon professe, il ¦ s'ensuit que nous avons délibéré de nous unir « à ses habitants pour vivre sous les lois de « l'Empire français, et exécuter les décrets de « l'auguste Assemblée de France, sous le gou-« vernement du prince juste, bienfaisant et ma-« gnanimeàqui cette auguste Assemblée a confié « les rênes de l'Empire. »
Cette délibération est d'une date rapprochée du massacre de Cavaillon. D'ailleurs, une réunion, un changement de prince, vaut bien la peine d'être expressément délibéré, et ne se tire pas par conclusions, surtout lorsque le raisonnement est aussi mauvais que celui des habitants de Jonquerettes ; il est évident que cette commune suppose avoir fait implicitement ce qu'elle n'a point fait du tout.
Sainte-Cécile; le Rateau. Ces deux communes ont pris deux délibérations textuellement semblables; elles considèrent leur position critique, l'anarchie, Vétat horrible où elles sont, que la France offre le seul port qui puisse la recueillir dans ce triste naufrage; elles arborent les armes de France et s'affilient au district d'Orange. La date de ces actes est encore de ce même mois de janvier, marqué par le massacre de Cavaillon et par l'émission de ces vœux que l'on ose appeler volontaires.
Sablet. Son motif est l'abandon du pape ; cette commune est vivement affligée du silence de sou monarque, se croit déliée du serment de fidélité et vote la réunion.
Cet acte est du 20 janvier. Je parlerai ci-après du prétendu abandon de son monarque.
Saint-Didier. Son acte de réunion est du 19 janvier 1791.
Taillade. Son acte de réunion est du 24 janvier 1791.
Sa population estde 312; il n'y a que 37 votants.
Maubec. Le 18 janvier, elle a commencé par arborer les armes de France; le 19, elle a voté la réunion, sa population est de 591, elle a eu 64 votants. Je trouve dans les signatures quinze fois le nom de Chabert et sept fois celui de Rey.
Malaucène. Sa réunion est du 20 janvier.
Ville. Sa réunion est du 19 janvier, sa population de 1,464 ; l'acte porte 35 signatures.
Robions. Sa réunion est du 18 janvier, sa population est de 950, il y avait 200 votants.
Cheval-Blanc. Sa réunion est du 17 janvier, elle a été faite en présence d'un commissaire d'Avignon.
Saumane. Sa réunion est du 18 janvier, sa population de 590 personnes; l'acte est signé de 22; il est motivé sur le malheur de Cavaillon et l'exemple des villes voisines.
Vaucluse. Sa réunion est du 18 janvier; son motif est le malheur survenu à Cavaillon, le désir d'en prévenir un semblable, et de se prêter aux circonstances.
Velleron. Sa réunion est du 17 janvier ; sa population de 812 personnes; 108 votants, dont une femme.
Bonnied. Sa réunion est du 17 janvier; son motif, le malheur et la nécessité impérieuse; son vœu, celui de la réunion; ses témoins, le commissaire avignonais qui assure que ce vœu a fait renaître un doux sentiment de fraternité.
Piglène. L'acte portant le vœu de sa réunion est daté du 14 janvier ; 5
jours après le massacre de Cavaillon ; il ne sera pas inutile de vous en
retracer quelques expressions : « Sur les dé-« sordres, les terreurs et
les excès de tous genres « qui affligent la province et dont l'humanité
« gémit, considérant le peu de moyens que nous « avons de nous opposer à
la force qui a été déjà « déployée si malheureusement, ne voulant pas «
exposer le peuple confié à nos soins paternels, « aux malheurs qu'une
résistance vaine entraine-« rait, et qui ne serait utile ni au
souverain, « ni au peuple; que notre Saint-Père pour lequel « nous
conservons toujours le plus tendre res-« pect, n'a dans les contrées
éloignées de son « siège, aucun moyen de nous protéger contre « des
forces supérieures; que le salut du peuple est la suprême loi,
protestant toutefois de notre « vénération pour le Saint-Siège, envers
lequel « notre fidélité ne s'est jamais démentie jusqu'à « ce jour ;
forcés par la violence et les circonstances « impérieuses, nous ne
pouvons nous dispen-« ser.....» Voilà, Messieurs, une véritable
capitulation ; c'est le langage d'une ville assiégée,
Gadagne. Le vœu de cette commune est encore du 13 janvier; cette pièce est remarquable, en ce que deux lignes et demie y sont effacées et surchargées de manière à être illisibles. Cette surcharge est d'une encre différente de la pièce, elle tombe sur un passage qui paraît être favorable aux Comtadins; j'ai fait remarquer cette circonstance à M. le rapporteur. Le dispositif de l'acte mérite que vous m'en permettiez l'extrait. « Considérant les horreurs de la guerre « civile, les obligations réciproques que nous « avons aux deux partis, nous espérons que la « municipalité d'Avignon, ne trouvant parmi nous que des agriculteurs pacifiques par état et par « caractère, nous regardera comme tels, ou que le « zèle pour la paix publique qui nous anime, « sera un titre auprès d'elle pour nous laisser « tranquillement cultiver nos champs qui sont « sa nourriture comme la nôtre. Nous n'avons « pris aucune part aux querelles de nos voisins ; « sans milice nationale formée, nous n'en avons « eu qu'une d'apparat pour les cérémonies publi-« ques; à la majorité des serments que nous « avons prêtés à la nation, à la loi et aux princes, « nos cœurs étaient d'accord avec nos démarches; « dans celle sur laquelle nous allons délibérer, « nous ne nous écartons pas des mêmes principes, o Puisse le ciel nous inspirer le parti qui plaît à « ses yeux, et apaiser sa colère qu'il nous fait « éprouver »
Ceci, Messieurs, n'est plus une capitulation, c'est une prière noble et touchante, c'est le vœu d'hommes simples,et vertueux; ils craignent le ravage de leurs moissons, ils demandent la paix, et la seule grâce qu'ils demandent à cette municipalité, c'est la plus humble des prières que l'esclave puisse adresser à son tyran; c'est celle de le laisser tranquillement cultiver le champ qui fait sa nourriture et la sienne. Je doute que sur de pareils motifs, d'après une telle rédaction, on puisse se prévaloir au vœu de la commune de Gadagne.
Carpentras a formellement demandé la réunion, mais la terreur a évidemment arraché cette mesure; cette mesure même ne l'a pas sauvée d'un second siège, elle est peut-être détruite par ceux qui font des conquêtes à la Constitution, comme Mahomet faisait des prosélytes à sa doctrine, au moment où les députés de ces mêmes conquérants vous parlent ici du vœu de la ville même qu'ils assiègent.
J'ai parcouru, Messieurs, toutes les pièces qui pouvaient vous éclairer sur le vœu des communes du Comtat Venaissin; trois m'ont paru en avoir émis un que je ne veux pas contester.
7 n'en ont évidemment émis aucun.
35 m'ont fourni des objections qui me paraissent attaquer fortement la légalité de leur vœu.
En effet, les caractères de la terreur ne peuvent pas se méconnaître. C'est le 10 janvier que Ca-vaillon est dévasté par les Avignonais ; c'est du 10 au 30, c'est dans les 20 jours suivants que les 35 délibérations sont prises ; elles sont fondées sur la nécessité, le salut du peuple, et l'empire des circonstances. On y allègue l'abandon du pape, et cet abandon même n'est pas exact. Le pape a, par une lettre du 6 octobre 1790, réclamé les bons offices et la protection de la France pour rétablir la paix et l'ordre dans ce malheureux pays. Je sais qu'une demande de secours n'est pas un secours effectif; mais peut-être est-il permis de dire ici qu'un prince faible, qui met ses sujets sous la protection du roi des Français, peut croire ne les avoir pas abandonnés.
Il y a loin, Messieurs, du résultat de l'examen que je vous ai soumis à celui que vous présentait M. le rapporteur. Il vous annonçait 51 communes ayant formé un vœu formel de réunion ; et, en compulsant les pièces, je n'en trouve que 44 dont il existe des délibérations quelconques (1). Sur ce nombre, j'en retranche 7 par des raisons qu'il est impossible d'attaquer; et sur les 37 restantes, il n'en est que 3 qui présentent l'apparence d'un consentement, les autres sont viciés de toute part; aucune n'est en même temps libre, positive et constatée. Ici le nombre des votants est omis, là c'est un simple certificat sans forme légale ; dans quelques pièces, ce sont des ratures coupables qui altèrent leur sens ; souvent, ce sont de simples copies envoyées par les Avignonais qui disent avoir les minutes, circonstance qui les annule toutes; car une pièce qui n'est fournie et certifiée que par la partie adverse ne fut jamais une pièce probante.
Je vous prie de peser cette observation péremp-toire. Quel est le procès civil que l'on jugerait sur de telles pièces? 11 n'est pas un tribunal en Europe qui admit ces informes documents dans une contestation où il s'agirait d'un arpent de terre; et l'on vous propose sérieusement de délibérer sur tout un peuple, de le juger sur cette production, et dans le jugement qu'on vous demande vous êtes essentiellement intéressés. — Ces réflexions me paraissent si fortes, que je ne conçois pas possible que l'Assemblée nationale ne daigne pas s'y arrêter.
J'ai détruit le moyen le plus puissant que pussent m'opposer les adversaires de mon opinion, le fantôme du vœu de la majorité du Comtat pour la réunion. Ce vœu n'existe pas; le vœu connu de trois communes, l'expression ambiguë et contrainte de 34 autres, la présence des députés de 5 autres à une assemblée entourée de soldats, ne pouvait l'emporter dans cette question sur le silence des 53 communes, dont les pièces, qui m'ontété communiquées, ne présentent pas le vœu. La majorité est évidente contre le système du comité; la majorité seule eût pu lui présenter un avantage.
Et sur quelle base en effet pouvait s'appUyer le vœu prétendu? Quelle était donc la somme de maux qui pesait sur le Comtat? Avait-il à gémir du despotisme du pape, payait-il des impôts accablants, l'aristocratie pesait-elle sur les citoyens de ce pays?
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui !
Non, sans doute, le gouvernement était doux, les Comtadins jouissaient en
France du privilège de regnicoles;
Sans doute il y avait quelques abus, mais aucun d'eux n'était tellement inhérent au gouvernement, qu'il ne pût être réformé sans passer sous une domination étrangère. Il ne fallait ni secousses, ni sang; il ne fallait que patience, suite et fermeté. Mais il est difficile d'avoir fermeté, suite et patience. Ne nous faisons pas d'illusion, Messieurs. Toutes les fois qu'un peuple qui n'est pas malheureux et très malheureux se livre à de très grands mouvements, se condamne aux plus affreuses calamités, rompt les liens les plus chers, et fait ce qu'on appelle une révolution, il faut convenir que des caqses étrangères l'y ont poussé. Ici la cause est évidente; c'est la terreur des Avignonais. Mais pourquoi ces Avignonais se sont-ils rendus si redoutables plus encore par leur férocité que par leur force?C'est parce qu'ils se sont livrés eux-mêmes à des scélérats qui les égarent.
Il ne serait pas difficile de vous prouver que ce qu'on appelle la révolution avignonaise est une grande iniquité produite par de petits moyens et ae misérables intérêts; il ne faudrait que suivre l'histoire de la municipalité actuelle, de cette municipalité composée d'hommes dont deux membres sont étrangers, dont à peine un seul est propriétaire; suivre ces hommes depuis leur installation en avril 1790, installation marquée par un serment de fidélité a leur monarque, serment que le parjure a bientôt suivi; les voir en juin 1790 consommer les plus horribles assassinats, refuser en octobre une amnistie, parce que leurs consciences ne pouvaient pas leur permettre d'y croire; s'emparer de l'argenterie des églises, se diviser scandaleusement, étouffer bientôt leurs dissensions pour marcher en commun à de nouveaux crimes, se partager les dépouilles d'un de leurs complices, ce malheureux Patris, d'abord contrebandier, puis général des Avignonais; ce Patris, dont la mort tragique est une leçon terrible pour ceux qui, acceptant ou usurpant la confiance d'un peuple égaré, se mettent dans une position telle, que le repentir leur est interdit, et qu'une seule action vertueuse devient leur arrêt de mort. (Murmures à gauche; applaudissements à droite.)
Il suffira, dis-je, de suivre la vie publique de ces officiers municipaux, qui, cédant enfin aux demandes réitérées du peuple avignonais, ont cru lui rendre un compte sérieux, en portant 68,000 francs en dépense pour la journée du 10 juin, qui n'a dû leur coûter que des cordes et le salaire de deux bourreaux. Cet examen suffit pour juger la révolution qu'ils ont faite.
C'est un peuple livré à de tels hommes, dirigé par leurs conseils, tourmenté par leur influence, que l'on vous propose d'incorporer à l'Empire français; c'est ce peuple qui, depuis plusieurs mois, prêche la Constitution française, dont tous les principes le condamnent, et fait des conquêtes pour la Constitution française, qui a proscrit les conquêtes.
Et remarquez, Messieurs, combien cet argument acquerrait de force, s'il était possible de démontrer que les Français ont eu avec la révolution d'Avignon des rapports multipliés, qu'ils ont provoqué leur entreprise, encouragé leurs efforts, applaudi à leurs succès et que des individus de notre nation ont participé à leurs crimes.
Eh bien, tous ces faits sont incontestables ; ceux-mêmes que j'accuserais s'en honorent ; ce n'est plus un secret pour personne que la correspondance existant entre les révolutionnaires avignonais et des membres mêmes de cette Assemblée. On sait que, à la première émeute, les nouvelles furent envoyées ici, qu'elles y causèrent une grande satisfaction, que l'on annonça que la municipalité d'Avignon ferait une chose agréable, très agréable à Assemblée nationale de France, de lui faire connaître le détail de ses opérations.
On sait que ces opérations furent, peu de mois après, l'assassinat de M. Rochegud et de plusieurs autres victimes ; que ce fut le lendemain que fut articulé le vœu de se donner à la France ; qu'alors ce fut encore à des membres de cette Assemblée que les officiers municipaux écrivirent : « Vous avez été informés, dans le temps, par M. Raphël, l'un de nous, des événements qui se sont rapidement succédé ; il nous a communiqué vos réponses et les offres obligeantes de service que vous lui avez faites pour Avignon ; le moment est venu de tes accepter. »
On se rappelle les motions qui furent alors renouvelées dans cette Assemblée ; je m'interdis les réflexions et je passe à des faits d'une autre nature.
Monsieur le Président, je demanderai la parole quand Monsieur aura fini. Il vient de se servir de certaines expressions dont l'application peut se faire aisément à certains membres de cette Assemblée. (Rires à droite.)
Un membre de Vextrême gauche : Cela vous fait honneur !
Je le prierai de vouloir bien s'expliquer et déclarer ceux dont il peut connaître les intentions...
Un membre à droite : Vous !
Et surtout la correspondance.
Ce que j'ai dit ne regarde point les personnes pour qui le préopinant s'intéresse. Cela n'a trait qu'à deux lettres insérées dans un papier public et imprimées par ordre même de la municipalité d'Avignon. J'apporterai demain ces papiers et je nommerai ceux qui me les ont remis et qui les garantissent. La correspondance peut bien tenir à un crime; mais ce n'est pas un crime, elle-même; on ne doit pas m'en demander davantage. Je continue.
Depuis le commencement des troubles, les départements voisins du Comtat et d'Avignon ne cessent d'avoir, avec les divers partis, des relations plus ou moins étroites ; tantôt pacificateurs, quelquefois auxiliaires, on voit des Français dans les deux camps. On a vu un officier municipal, le maire d'Arles, le sieur Antouelle, oublier assez ses devoirs et sou caractère pour fournir aux Avignonais des bombes et des boulets qui étaient dans le parc d'artillerie et aller ensuite a Avignoa, se mêler aux factieux et y recevoir des couronnes.
Une circonstance qui mérite également toute votre attention, c'est le soupçon de partialité qu'il sera difficile d'écarter lorsque l'on saura que, tandis que l'on savait que le maire d'Arles fournissait gratuitement des munitions aux Avignonais, on arrêtait à Orange, à Nyons et au bureau de Sep-temes des armes achetées et payées par les Comtadins. Lorsque l'on saura que tandis que, conformément à vos décrets et à la justice, le ministre de la guerre défendait à des Français de secourir les Comtadins, ce même ministre négligeait de redemander, comme il en avait le droit et le devoir, le grand nombre de déserteurs français que les Avignonais avaient séduits, et qui font aujourd'hui la force de leur armée.
Aucun de ces faits ne peut être inconnu aux nations étrangères; ces faits sont tous de nature à rendre justement odieuse l'acceptation d'une conquête que vous serez justement accusés d'avoir préparée, d'avoir provoquée, d'avoir faite par une coupable connivence avec ceux qui se disent vos allies et qui paraîtront vos instruments.
Il ne me resterait plus qu'une question à examiner, c'est l'utilité et la convenance dont peut être pour nous la réunion d'Avignon et du Comtat. Sur ce point, non seulement je serai de l'avis de M. le rapporteur, mais j'adopterai tous les calculs, loutes les manières de voir qui peuvent rendre cette utilité plus frappante; et malgré cela, Messieurs, et à cause de cela, Messieurs, je ne cesserai de vous dire que plus vous êtes intéressés dans la cause qui vous est soumise, plus vous devez examiner les raisons qui luttent contre votre intérêt.
11 serait trop affligeant que nos ennemis pussent dire : « Ce pays convenait à la France, et la France se l'est approprié; elle a elle-même jugé ses prétentions ; elle a porté etentretei.u le trouble dans le pays qu'elle voulait s'approprier; les hommes armés qui tourmentaient celte contrée n'ont cessé d'avoir avec elle des relations, ont conseillé des actes de réunion et de soumission à cette puissance; ils ont porté le fer et le feu partout où on n'a pas suivi leurs conseils; et du moment où cet étrange apostolat a extorqué à quelques communes des délibérations ambiguës, illégales, incomplètes, non seulement la France les a reçues, mais elle s'est approprié tout le pays et a consommé la plus coupable des usurpations. Vous ne voudrez pas avoir mérité de tels reproches, et vous les mériteriez sans douie, si vous prononciez aujourd'hui la réunion que l'on propose.
Je ne vous parlerai pas des guerres qui pourraient en être la suite, je ne vous dirai pas que ces guerres seront des guerres de géants; je consens et je demande à mourir en simple homme; mais je veux savoir si j'ai raison. (Rires à gauche; applaudissements à droite.)
J'ai suivi les objections faites contre les droits du pape, antérieurement à Louis XIV; je crois que vous apprécierez le système diplomatique que l'on vous présentait avec tant de confiance.
J'ai examiné la prise de possession par Louis XIV et par Louis XV, et j'ai trouvé dans les événements de ces règnes deux nouvelles preuves de la légitimité du droit du pape.
Passant à la question du droit naturel, j'ai examiné le prétendu vœu du Comtat Venaissin; j'ai démontré qu'il n'existait pas et ne pouvait pas être invoqué; j'ai jeté ensuite un coup d'œil rapide sur ce qu'on appelle le cours de la révolution avignonaise; enfin, vous rappelant l'influence que l'on pourrait nous reprocher d'avoir eue sur cette révolution et l'utilité évidente dont cette réunion est pour nous, j'en ai tiré de nouveaux motifs de peser avec une rigoureuse circonspection la résolution que vous allez prononcer.
Je conclus à ce que la réunion ne soit pas décrétée; mais, frappé comme tous les membres de cette Assemblée, des dangers affreux auxquels sont exposés les citoyens de cette contrée si heureuse il y a deux ans, je désire que vous y portiez la paix; je soutiens que vous le pouvez dans tons les systèmes et dans toutes les hypothèses.
En droit positif, vous êtes requis par le prince, sa réquisition est du mois d'octobre dernier ; en droit naturel, vo is l'êtes par les malheureux Comtadins, dont tous les prétendus vœux de réunion se réduisent à ce seul cri : Sauvez-nous, car on nous égorge. Je crois que les Avignonais eux-mêmes vous sauront gré de leur épargner des crimes; je ne croirai pas qu'ils prétendent vous résister, quoiqu'un honorable membre nous ait annoncé dans la séance d'avant-hier et leur résistance future, et même la désobéissance des départements qu'il croit attachés à leur cause.
Je n'adopterai jamais, je ne vous présenterai jamais de pareils pronostics. Dans tous les cas, il suffit que ce qu'on vous propose soit juste, que ce qu'on vous propose soit nécessaire; dès lors c'est à vous à le décréter, et tout calcul ultérieur serait une coupable faiblesse.
Je crois que les commissaires qu'il faut envoyer dans le Comtat et à Avignon doivent être provisoirement revêtu de grands pouvoirs; il faut que les forces soient assez considérables pour que 1 impossibilité de la résistance ramène sûrement le calme; il faut que toutes les autorités usurpatrices disparaissent devant les commissaires que vous enverrez; il faut que,après ces prélimina res, le vœu du peuple puisse être émis avec tranquillité, et c'est alors que vous jugerez si ce vœu peut devenir pour vous l'objet d'une délibération.
(La suite de la discussion est renvoyée à demain.)
indique l'ordre du travail de la semaine et l'ordre du jour de demain et lève la séance à quatre heures.
a la. séance de l'assemblée nationale du
Sur l'interpellation de M. Bouche, par M. Stanislas de Clermont-Tonnerre.
J'ai dit dans la séance d'hier (1) ce que je vais copier ici :
« Eh bien I tous ces faits sont incontestables, « ceux-mêmes que j'accuserais
s'en honorent ; ce n'est plus un secret pour personne que la «
correspondance existe entre les révolution-« naires avignonais et des
membres mêmes de « celte Assemblée. On sait qu'à la première « émeute les
nouvelles furent envoyées ici, « qu'elles y causèrent une grande
satisfaction, « que Von annonça que la municipalité d Avignon
f On sait que ces opérations furent, peu de « mois après, l'assassinat de M. de Rocnegude « et de plusieurs autn s victimes; que ce fut le « lendemain que fut articulé le vœu de se don-« ner à la Frauce, qu'alors ce fut encore à des « membres de cette Assemblée que les officiers « municipaux écrivirent : Vous avez été infor-« més dans le temps par M. Raphè'l, l'un de nous, « des événements qui se sont rapidement suc-« cédé ; il nous a communiqué vos réponses et les « offres obligeantes de service que vous lui avez « faites pour Avignon; le moment est venu de les « accepter. On se rappelle les motions qui fu-« rent alors renouvelées dans cette assemblée ; « je m'interdis les réflexions, et je passe à des « faits d'une autre nature. »
M. Bouche a désiré que je m'explique sur certaines expressions qui, disait-il, tendaient à le compromettre.
Voici mon explication ; les membres que je désignais sont M. Bouche et M. Camus.
Voici ce qui a été imprimé par Baudoin, imprimeur de l'Assemblée nationale, en juin 1790 : « Lettre écrite par Messieurs les officiers municipaux d'Avignon, envoyée par un courriel' extraordinaire à MM. Camus et Bouche, députés à l'Assemblée nationale, et arrivée le jeudi 17 juin, à 8 heures du soir.
« Messieurs, vous avez été informés dans le temps par M. Raphël, l'un de nous, des événements qui se sont succédé rapidement dans notre ville; il nous a communiqué vos réponses, et les offres obligeantes de service que vous lui avez faites pour la ville d'Avignon. Le moment est venu, Messieurs, de les accepter, etc...
« Signé : Raphël, Coules, Peytier, Blanc, Richard, officiers municipaux.
« Avignon, le
Il est évident qu'il y a une correspondance relative à Avignon entre le sieur Raphël et les deux députés susdits, puisqu'il a communiqué leurs réponses aux officiers municipaux.
Il est évident qu'ils lui ont fait des offres obligeantes de service pour la ville d'Avignon.
Il est évident qu'elles étaient de nature à ce que le moment de les accepter fût venu le 12 juin, surlendemain des assassinats commis dans Avignon.
Une lettre manuscrite qui m'a été remise par MM. les députés du Comtat, et dont je nommerai l'auteur lorsque, par des mesures quelconques, on aura assez rétabli la tranquillité dans Avignon où il est, pour ne pas exposer sa personne, contient le passage suivant :
« M. Camus répondit au sieur Raphël, le
« Monsieur et cher confrère, « Les nouvelles contenues dans la lettre que « vous m'avez fait l'honneur de m'écrire, m'ont « causé une grande satisfaction... Votre munici-« palité fera une chose très agréable à l'Assemblée « nationale de lui faire connaître le détail de ses opérations. Je serai heureux d'être votre inter-« prête auprès de l'Assemblée; vous pouvez compter que je suis entièrement à votre disposition. « Je vous remercie de l'occasion que vous m'avez donnée de vous renouveler l'assurance des sen-« timents avec lesquels je ne cesserai dêtre, Mon-« sieur et cher confrère, votre très obéissant servi- « teur, Camus. Al'enveloppe est écrit : A M. Raphël, • avocat et officier municipal, contresigné : 4s-« semblée nationale, à Avignon. Cette lettre fut « insérée dans les annales soi-disant patriotiques « de Capon, gazetier en sous-ordre de la muni-« cipalité, et imprimée chez Guichard, libraire à « Avignon, le 10 juin 1790. »
Il est évident que, dès le mois de février, un dépuié écrivait qu'iZ serait très agréable à l'Assemblée nationale détre informée (ies opérations des Avignonnais ; opérations dont on connaît la suite et le succès.
Ces 2 pièces justilient pleinement le passage de mon opinion, dans lequel je disais qu'il y avait des relations entre Avignon et des membres de l'Assemblée nationale.
Mon but était de conclure de ce fait et de ceux que j'y ajoutais que l'Europe entière ne verrait, dans la réunion d^Avignon, que la consommation d'une œuvre d'iniquité préparée par nous-mêmes.
Je prie l'Assemblée nationale de jeter un coup d'œil sur les pièces suivantes qui confirment cette assertion.
Copie de la lettre du club patriotique d'Aix, à l'assemblée représentative au
Comtat, du er décembre
1790
« Messieurs, les amis de la Constitution fran-« çaise sont aussi les amis et les vengeurs de « l'humanité outragée. Juste comme les lois qu'il « vient de se donner, le Françaisasolennellement « juré protection et secours, sans distinction de « secte ni de contrée, à tout homme opprimé par « son semblable.
« Il paraît, Messieurs, que vous avez méconnu •> ou voulu méconnaître ces grandes vérités par « l'abus sacrilège et non interrompu du caractère « auguste dont vous vous dites revêtus.
« Nous n'entreprendrons pas ici le détail révol-« tant des horreurs qui nous ont été dénoncées « par ce même peuple que vous vous obstinez si « impudemment à représenter; nous vous obser-« verons seulement qu'après les démarches sages « et infructueuses de 3 départements, si vous ne « mettez un terme à tant d'excèsj si vous ne fai-« tes tomber les fers des victimes du patriotisme, « si vous ne révoquez pas vos infâmes proscrip-« tions, si vous ne jurez, foi de Français, sûreté « et secours au vertueux maire de Vaison et au «- respectable M. Anselme, son compatriote, le « tocsin des amis ardents de l'humanité va son-« ner; une sainte coalition va faire disparaître « de la surface du globe les monstres qui la « souillent.
c Voilà, Messieurs, les dernières intentions « d'une société de vrais amis de la liberté et de « l'humanité.
« Signé : emerie, président ; glgnoux, Nau-Ro-chefort, Chansaud,Raspaud, secrétaires.
Le club a depuis envoyé des députés à Carpen-tras, et s'est convaincu de la précipitation qu'il avait mise dans sa déclaration de guerre.
Extrait d'une lettre du club des Jacobins, adressée à M. Antonelle, maire d'Arles.
Paris, ce
» Il n'est pas un bon citoyen, Monsieur, à qui « l'insurrection des
Avignonais n'ait inspiré un « grand intérêt. Le courage avec lequel ils ont
« Vous voyez, monsieur, que notre lettre n'a « pas été bien jugée ; jamais, dans notre société, « la cause d'Avignon n'a été discutée, sans que « tous les bras n'eussent voulu s'armer pour u elle; mais le décret n'est point assez prononcé. « D'abord, monsieur, il faudrait connaître l'en-« semble de nos circonstances, comme l'Assem-« blée nationale est seule à même de le faire, « pour discuter équitablement la décision; en-« suite, si vous pouviez, comme nous, voir les « choses dans leur véritable jour, vous sauriez « que, sans le talent et l'habileté de nos plus « ardents patriotes, on n'eût pas même obtenu « ce décret; vous sauriez que c'est au milieu du « choc des opinions les plus extrêmes, qu'il a « fallu prendre ce poste : ce poste a été pris ; il « sera défendu, soyez-en sûrs.
« Signé : Les Membres du comité de correspondance : M. S. Vessieur, Rocham-baud, secrétaires ; Villard,président; d'Aiguillon , Victor de Broglie , Théodore Lameth, G. Bonne, Carère, Mastieu, curé de Sergy; charles de Lameth.
Cette pièce est imprimée. J'ai demandé à M. Victor de Broglie s'il l'avait signée, il n'a voulu ni l'avouer ni la dénier. Si l'Assemblée nationale daignait descendre aux archives des Jacobins, elle pourrait vérifier le fait,
« J'ai eu entre les mains une lettre du 3 avril, « écrite par M. Tissot, député d'Avignon, à la mu-« nicipalité actuelle, l'exemplaire que j'ai eu est « imprimé à Avignon sous les yeux de cette mu-« nicipalité. M. Tissot y parle de l'appui qu'il « trouvera dans l'Assemblee nationale ; il annonce « qu'il attendra la fin de la présidence d'alors, « pour faire présenter le travail du comité qui « est prêt. »
Cette dernière lettre, imprimée et répandue dans Avignon par la municipalité même, est remarquable; j observe que la présidence dont on attendait la fin, était celle de M. Tronchet, dont l'Assemblée nationale connaît la probité, et que son plus grand ennemi pourrait accepter pour juge.
La discussion est fermée ; les législateurs français vont prononcer, La question est éclaircie. Il est démontré que les vœux des communes du Comtat, qui en ont émis, sont tous datés des 20 jours qui ont suivi le massacre de Cavaillon; que des déserteurs français renforcent l'armée avignonaise; que le maire d'Arles leur a fourni des boulets. Si j'acceptais, au nom de la nation, l'hommage ensanglanté qu'on lui présente, si j'osais l'inviter à recueillir le fruit d'une insurrection préparée, encouragée par des individus français, je me croirais coupable d'un crime, et responsable de tous les maux que cette résolution peut lui attirer.
On a dit que si la guerre était résolue contre nous, on trouverait bien un autre prétexte ; cette raison est bonne pour ceux à qui il est indifférent que leurs ennemis aient des prétextes ou des raisons; mais je ne suis pas de ces gens-là. J'ai tiré des crimes qui environnent les Comtadins, et des violences que l'on exerce contre eux, un argument irrésistible contre la liberté de leur vœu ; on a cru me confondre en me demandant si les révolutions se faisaient sans insurrections. J'aurais répondu (s'il n'était pas quelques opinants auxquels il est souvent difficile de répondre), i'aurais répondu, dis-je, que le vœu d'être libre s émet dans une insurrection ; mais que le vœu d'adopter telle forme de gouvernement ou telle domination demande à être réfléchi, à n'être dicté par aucune force; que les gens qui font des lois au milieu des assassinats, qui choisissent une existence politique au milieu des soldats qui leur en imposent, sont des lâches ou des insensés, et que plus l'aveu de leur prétendue liberté est exprimé fortement, plus ils parviennent à persuader, non pas leur liberté prétendue, mais leur résignation à l'esclavage.
P. S. — M. Bouche m'a apporté une lettre qui n'est point celle que je cite; il m'a assuré n'avoir point reçu celle-là ; je me fais un devoir de copier ce qu'il m'a dit : il a ajouté que celle-là était peut-être venue dans la même enveloppe, dont le dessus lui était commun avec M. Camus. — Tout comme on voudra; mais M. Baudoin a imprimé celle que je cite; je l'ai prise chez lui. où il y en a encore beaucoup d'exemplaires; il est imprimeur de l'Assemblée nationale, c'est à lui à dire qui lui a donné la minute.
N. B. — C'est pour cette opinion que j'ai été assailli sur la terrasse des Feuillants, et poursuivi chez moi, que ma porte a été brisée et mes murs escaladés.
Il est temps que l'on ouvre les yeux sur les infâmes menées qui produisent de tels effets.
Il importe à la liberté et la Constitution française a voulu que l'opinion d'un député fut inattaquable aux yeux de la loi : que deviendront cette liberté et cette Constitution, si des hommes séduits ou égarés s'arrogent sur nos opinions un droit que la loi même n'a point.
Signé : Stanislas de Clermont-tonnerre.
présidence de m. rewbell.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires donne connaissance à l'Assemblée :
1° D'une lettre adressée 4 M. le Président par M. de Fleurieu, ministre de la marine, qui contient l'envoi d'un mémoire que ce ministre a rédigé sur l'établissement des élèves entretenus, aux frais de l'Etat, au collège de Louis-le-Graud, pour servir d'interprètes aux langues orientales dans les pays musulmans,
(La lettre et le mémoire sont renvoyés au comité de Constitution.)
2° D'une adresse des administrateurs composant le directoire du département
de Lot-et-Ga-> ronne, dans laquelle ils exposent que le receveur particulier
de la ci-devant élection d'Agen er
janvier 1791, sans y être autorisé par un décret de l'Assemblée nationale.
Ils ajoutent que la suspension de ces payements pourrait produire un effet
dangereux a la cause publique, et ils demandent que l'Assemblée prenne les
mesures les plus promptes pour la faire cesser.
(Cette pétition est renvoyée aux comités des rapports et de Constitution, pour en rendre incessamment compte à l'Assemblée.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
qui avait obtenu un congé d'un mois, fait part de son retour.
M. Callet, directeur etpro-fesseur de mathématiques au collège royal de Vannes, présente à l'Assemblée une adresse contenant l'hommage d'un manuscrit in-folio, servant de supplément à un travail sur l'éducation publique, à la suite duquel se trouve un Traité de natation.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
La parole est à M. Gossin pour faire un rapport au nom du comité de judicature sur la liquidation des offices des agents de change de Paris.
au nom du comité de judicature. Messieurs, les lois des 2 mars et 14 avril derniers ont supprimé les divers offices d'agents de change et ont renvoyé au comité de judicature le travail sur les bases de leur liquidation.
Les titulaires de ces offices à Paris ayant remis leurs titres au commissaire du roi, directeur général de la liquidation, deux motifs pressants sollicitent en ce moment le remboursement de leurs finances.
Le premier est celui de l'intérêt national. En effet, depuis la remise complète des titres, la nation paye les intérêts de ces finances, montant à 6 millions pour les seuls agents de change de Paris.
Le second est fondé sur l'intérêt des officiers supprimés et leur besoin pressant, pour la plupart, de rentrer dans leurs capitaux.
Une déclaration du 19 mars 1786 a fixé l'état des agents de change de Paris ; elle supprime les règlements antérieurs, et par une exception dont elle donne les raisons, elle établit un nouvel ordre à cet égard dans le but de faire cesser les négociations illicites et abusives dont le public se plaignait ; cette déclaration veut, dans ses motifs, que la finance des nouvelles charges, telle qu'elle sera réglée par un rôle arrêté au conseil, soit le gage de leurs opérations et qu'elle assure la confiance du public.
Cette finance a été fixée par le rôle à 100,000 livres, qui ont été, en 1786, effectivement versées au Trésor public. Les successeurs de ceux qui ont levé ces charges les ont achetées bien au delà de la finance ; mais l'Etat ne leur doit pas indemnité de ces acquisitions exagérées puisque non seulemeut la finance est connue, et qu'en outre la fixation ne date que de 5 ans.
La base du remboursement des ci-devant agents de change de Paris, est donc aussi facile que légale; elle est celle de la finance primitive: c'est cette finance que l'Etat a reçue, c'est elle que l'Etat a établie pour gage de leur opération, c'est elle dont la nation doit le rétablissement.
Les agents de change ont exposé à votre comité des réclamations relatives aux gages qui leur avaient été attribués par leur titre de création et qui ne leur ont point été acquittés depuis 1788 ; mais cet objet est étranger aux bases de liquidation. Il a paru juste à votre comité de vous en entretenir dans un rapport particulier, où il vous développera le3 motifs de la demande des agents de change et ceux qui doivent déterminer notre justice.En conséquence il se borne aujourd'hui à vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport du comité de judicature, décrète que les offices des agents de change de Paris seront liquidés sur le pied des finances par eux versées au Trésor public, en conformité du rôle arrêté au conseil du mois de mars 1786. »
(Ce projet de décret est adopté.)
Un membre du comité central de liquidation observe que l'on a commis une erreur de rédaction dans l'article 2 du décret du 14 novembre 1790, relatif au collège anglais de Saint-Omer ; il propose en conséquence le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport du comité central de la liquidation sur la vérification faite par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, concernant la demande des arrérages du secours annuel accordé sur le Trésor public au collège anglais de Saint-Omer, pour les années 1786, 1787, 1788 et 1789,
« Décrète que l'article 2 du décret du 14 novembre 1790, concernant ledit collège, sera rétabli en ces termes, ainsi qu'il fut adopté ledit jour par l'Assemblée nationale :
« 2° Le terme de 1790 sera acquitté en janvier 1791, sans qu'on puisse répéter les échus antérieurs : en conséquence, 1 Assemblée nationale déclare qu'il n'y a pas lieu à payer les arrérages demandés par les administrateurs du collège de Saint-Omer. »
Un membre propose un amendement tendant à ce que l'examen, tant de la minute du susdit décret, que de la réclamation des arrérages des 4 années du secours annuel de 6,000 livres accordé audit collège sur le Trésor royal, soit renvoyé au comité central de liquidation pour en être rendu compte incessamment.
(Cet amendement est repoussé par la question préalable.
Je mets aux voix le projet de décret du comité central de liquidation.
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité des pensions. Mes» sieurs, le comité des pensions vous propose d'ordonner que le ministre de l'intérieur prendra les voies les plus promptes pour faire payer les 50 livres qui sont attribuées aux ci-devant employés des fermes supprimés par l'effet de la Révolution ; si l'Assemblée l'ordonne ainsi, on remettra au ministre de l'intérieur un extrait du procès-verbal.
Voici le projet de décret que votre comité vous propose ;
« Sur le rapport fait par le comité des pensions,
(Ce décret est adopté.)
(de Nemours), au nom du comité des contributions publiques, propose un projet de décret relatif à Vabolition de l'abonnement accordé à la ville de Toulouse pour ses impositions ordinaires.
Ce projet de décret est ainsi conçu : « Sur ce qui a été représenté à l'Assemblée nationale, que par arrêt du conseil et lettres patentes du 28 février 1789, la ville de Toulouse avait obtenu l'abonnement de la taille et autres impositions pour 20 années, à compter du 1er octobre 1790, a la charge de payer annuellement la somme de 5,000 livres, et en don gratuit une somme de 4,000 livres, dont 2,000 le 1er juin 1789, et les 200,000 autres le 1er janvier 1790, duquel don gratuit le premier payement a été effectué ; l'Assemblée nationale, considérant que tous les abonnements d'impositions sont contraires aux principes de la Constitution, et ont été abolis par ses décrets des 4 et 10 août 1789, et par celui du mois de novembre de la même année, et ouï le le rapport de son comité des contributions publiques, décrète ce qui suit :
« Art. 1**. L'abonnement accordé à la ville de Toulouse pour ses impositions ordinaires par lesdites lettres patentes du 28 février 1789, est aboli conformément aux décrets des 4 et 10 août et novembre 1789.
« Art. 2. Les 200,000 livres versées par la ville de Toulouse au Trésor public le 7 juillet 1789, à raison dudit abonnement, seront restituées à ladite ville par la caisse de l'extraordinaire.
« Art. 3. La ville de Toulouse se conformera, dans le plus court délai possible, aux dispositions du décret du 19 février dernier, concernant les besoins des villes. »
Un membre : L'emploi de la somme restituée à la ville de Toulouse en vertu de l'article 2 du projet de décret doit être spécifiée.
Je fais l'amendement qu'il soit dit que les 200,000 livres serviront à acquitter les dettes de la ville de Toulouse et, avant tout, à rembourser ce qui peut être dû aux prêteurs de la somme que la ville avait fournie pour cet abonnement. (Cet amendement est mis aux voix et adopté.)
(de Nemours), rapporteur. Je rédige en conséquence comme suit le projet
de décret : « Sur ce qui a été représenté à l'Assemblée nationale, que
par arrêt du conseil et lettres patentes du 28 février 1789, la ville de
Toulouse avait obtenu l'abonnement de la taille et autres impositions
pour 20 années, à compter du 1er octobre
1790, à la charge de payer annuellement la somme de 5,000 livres, et en
don gratuit une somme de 400,000 livres dont 200,000 le 1er juin 1789, et les 200,000 autres le 1er janvier 1790, duquel don gratuit le
premier payemeut a été effectué; l'Assemblée nationale, considérant que
tous les abonnements d'impositions sonteontraires aux principes de la
Constitution, et ont été abolis par ses décrets des 4 et 10 août 1789,
et par celui du mois de novembre de la même année; 6t ouï le rapport de
son comité des contributions publiques, décrété ce qui suit :
Art. 1er.
« L'abonnement accordé à la ville de Toulouse pour ses impositions ordinaires, par lesdites lettres patentes du 28 février 1789, est aboli conformément aux décrets des 4 et 10 août et novembre 1789.
Art. 2.
« Les 200,000 livres versées par la ville de Toulouse au Trésor public le 7 juillet 1789, à raison dudit abonnement, seront restituées à ladite ville par la caisse de l'extraordinaire, à la charge d'employer ladite somme à l'acquittement des dettes de la ville, et avant tout, à rembourser ce qui peut être dû aux prêteurs de la somme payée par la ville pour cet abonnement.
Art. 3.
« La ville de Toulouse se conformera, dans le lus court délai possible, aux dispositions du écret du 19 février dernier, concernant les besoins des villes. » (Ce décret est adopté.)
(de Nemours), au nom du comité des contributions publiques, propose un projet de décret portant remboursement provisoire d'une somme de 400,000 livres à la ville de Strasbourg et renvoi de sa pétition au bureau de la liquidation. >>
Ce projet de décret est ainsi conçu : « Sur le compte rendu par la ville de Strasbourg, de la situation des revenus, des dettes et des dépenses de ladite ville, auquel sont jointes plusieurs pétitions en indemnités, que ladite ville estime à 4,221,500 livres, dont 887,500 livres pour remboursement de 35,500 livres de rente en dîmes inféodées, lesdites pétitions vues et adressées à l'Assemblée nationale par les administrateurs faisant provisoirement les fonctions du directoire du département du Bas-Rhin; ouï le rapport de son comité des contributions publiques, l'Assemblée nationale décrète qu'il sera, par la caisse de l'extraordinaire, remboursé provisoirement à la ville de Strasbourg la somme de 400,000 livres à imputer sur le remboursement des dîmes inféodées dont elle jouissait, et que les pétitions de la ville de Strasbourg seront renvoyées au bureau de la liquidation générale, pour en être fait rapport à r Assemblée nationale dans le plus court délai possible. »
Vous avez prescrit des formes particulières pour la liquidation de ces sortes de créances. 11 semble que la créance dont il s'agit n'a pas suivi les formes, puisqu'elle n'a pas été présentée au liquidateur général.
Il est étonnant qu'on vienne présenter, au commencement de la séance, des décrets aussi importants que celui sur la ville de Strasbourg, sans nous donner le temps de les examiner. Je demande que tous les décrets soient renvoyés au comité de liquidation, sauf à la caisse de l'extraordinaire à fournir à la ville de Strasbourg un secours ordinaire si elle en a besoin.
(de Nemours), rapporteur. Le comité ne vous propose non plus qu un secours provisoire.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(L'Assemblée nationale adopte le projet de décret du comité.)
Sur le décret rendu sur la ville de Toulouse, je demande que, si la ville de Toulouse a emprunté pour payer les 200,000 livres au Trésor, la somme que lui versera la caisse de l'extraordinaire ne soit employée qu'à rembourser les emprunts.
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! c'est juste.
La parole est à M. Voidel pour faire un rapport au nom du comité des recherches sur une fabrication de faux assignats.
au nom du comité des rechei'ches. Messieurs, la nouvelle d'une fabrication de faux assignats a pu causer quelques inquiétudes au public : le devoir de votre comité des recherches est de les dissiper; et c'est l'objet principal de ce rapport.
Votre comité. Messieurs, au mois de décembre dernier, fut prévenu par M. de Lessart, que des particuliers se disposaient à partir pour Londres, dans le dessein d'y fabriquer de faux assignats. A l'instant même il concerta avec ce ministre les mesures les plus actives et les plus sûres pour que ces scélérats fussent suivis, surveillés, découverts et arrêtés, non en Angleterre, mais sur le territoire de France, s'il était possible de les y attirer avec la preuve de leur crime. Les instructions furent suivies avec tant d'intelligence, et les ordres exécutés avec une telle précision, qu'en débarquant à Calais, où ils avaient été engagés à se rendre, les nommés Phelipponeau et Simoneau furent arrêtés avec des planches pour une fabrication d'assignats de 300 livres et des essais informes de ces planches sur du papier commun.
Ces particuliers furent arrêtés le 15 avril.
Le 7 du même mois, on découvrit et l'on arrêta à Limoges, par les soins et par les ordres de la municipalité, un nommé Bordier, qui travaillait à la fabrication de faux assignats de 200 et de 300 livres. Il s'occupait, au moment de son arrestation, à préparer dans un tamis du papier de la qualité requise pour cette fabrication, après en avoir décomposé d'une qualité approximative, par une opération chimique, à défaut de moulins. On trouva^chez lui dans le même moment une partie des outils et matières qui pouvaient aider à la fabrication. Il avoua son projet, et lui donna pour motif, qu'il était bien aise de savoir si l'on pouvait faire de faux assignats. (Rires.)
Eufin, Messieurs, le 11 avril, votre comité fut instruit qu'il se préparait à Paris une fabrication d'assignats de 2,000 livres : il en fut instruit par les ouvriers mêmes qu'on voulait employer à cette criminelle opération. Aidé des conseils de M. Camus, des soins vigilants du département de police, et du patriotisme des artistes qui, par nos conseils, se prêtèrent aux desseins des fabri-cateurs, le 24 avril, les nommés Lamievette, Du-nand et Vidaud furent arrêtés au moment où l'on allait faire sur deux de ces faux assignats la première épreuve du timbre sec. On trouva chez Lamievette, l'un d'eux, ce timbre, tes presses, poinçons, caractères, et tout ce qui pouvait servir à l'entière fabrication. Il avoua son crime, et qu'il avait été séduit par les promesses de Du-nand et Vidaud.
Ainsi, Messieurs, sur ces trois opérations, on a la preuve matérielle du crime, et l'aveu des fabricateurs. Aucune de ces opérations n'a été conduite à sa perfection : elles ont toutes été arrêtées au point où elles pouvaient commencer à devenir dangereuses. Nous avons la certitude que, de toutes ces fabrications, il n'a été mis aucun assignat en circulation.
Plusieurs membres : Tant mieux!
rapporteur. Et qu'il me soit permis, Messieurs, d'ajouter, à ces motifs de sécurité pour la nation, le zèle actif et infatigable de votre comité, sur tout ce qui pourrait altérer le crédit public, et retarder l'affermissement de la Constitution. (Applaudissements.)
Le crime est découvert; ses auteurs sont connus ; il faut qu'ils soient jugés et punis. De là naît cette question : Par quel tribunal seront-ils jugés? Nous avons pensé, Messieurs, que ce délit n'était pas du genre de ceux qu'on peut mettre au nombre des crimes de lèse-nation; que l'instruction et le jugement devaient en appartenir aux tribunaux ordinaires. Mais le délit commis en Angleterre contre les intérêts de la France, ne peut être jugé à Londres. D'un autre côté, le nommé Vidaud, l'un de ceux qui ont été arrêtés à Paris, a déclaré qu'il était de Limoges, et qu'il devait partir pour cette ville le 25 avril. Vous avez vu que, presque dans le même temps, on travaillait à Limoges à une fabrication de faux assignats. Il est possible que ces deux opérations aient été concertées, et qu'il existe une correspondance entre leurs agrtits respectifs. Votre comité a donc cru qu'il était sage de faire instruire le procès de tous à Paris, où il est probable qu'aboutissent toutes les filières de ces abominables projets, et où il est plus facile de les découvrir. En conséquence, il vous proposera de charger, de l'instruction et de la suite de ces affaires, l'un des 6 tribunaux du département de Paris.
Enfin, Messieurs, il nous reste une dernière mesure à vous présenter.
Il est impossible de se dissimuler que ceux qui ont découvert, ou qui ont facilité la découverte de ces crimes, ont rendu un service important à la chose publique. Vous croirez sans doute qu'ils ont des droits à la reconnaissance de la patrie. Ainsi, d'une part, la terreur des supplices; de l'autre, la certitude d'une récompense ; le zèle de votre comité, le patriotisme des bons citoyens, et l'intérêt de tous, seront pour la nation autant de garants que, s'il se présente encore de ces scélérats, aucun d'eux ne nous échappera.
Voici le projet de décret que nous vous proposons :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité des recherches, décrète :
« Que, par le tribunal du troisième arrondissement de Paris, le procès pour crime de fabrication de faux assignats sera fait aux nommés Lamievette, Dunand, Vidaud, Bordier, Phelipponeau et Simoneau, leurs fauteurs et complices; qu'à cet effet, les papiers, faux assignats, planches, poinçons, timbre, caractères, ensemble toutes pièces saisies et pouvant servir à conviction, seront remises au greffe du tribunal, et les nommés Bordier, Phelipponeau et Simoneau transférés, sous bonne et sûre garde, des prisons de Limoges et de Calais, dans celle du même tribunal.
« Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour l'exécution du présent décret.
« L'Assemblée nationale charge son comité des pensions de lui présenter incessamment ses vues sur la récompense à accorder aux bons citoyens qui ont servi leur patrie, en découvrant les crimes de fabrication de faux assignats. »
J'espère qu'on ne dira plus maintenant que le comité des recherches est inutile, et d'après le rapport excellent que M. Voidel vient de faire, j'en demande l'impression.
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Voidel.)
L'Assemblée nationale ne veut pas certainement autoriser, par son exemple ou ses décrets, les attributions purement arbitraires. Pourquoi le troisième tribunal plutôt qu'un autre? Suivant les principes de la Constitution, les accusés doivent être renvoyés au tribunal dans l'arrondissement duquel ils ont été arrêtés. Je demande que ce principe soit appliqué aux accusés dont le comité des recherches vient de nous entretenir.
rapporteur. Je conviens de la justesse de l'observation de l'opinant. C'est dans le ressort du lor arrondissement que les accusés ont été arrêtés : c'est donc au tribunal dulorarrondissement qu'ils doivent comparaître. J'adopte la motion de M. Moreau et je rédige comme suit le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de son comité des recherches, décrète :
« Que par le tribunal du 1er arrondissement du département de Paris, le procès pour crime de fabrication de faux asignats sera fait aux nommés Lamievette, Dunand, Vidaud, Bordier, Phelippo-neau et Si mon eau, leurs fauteurs et complices ; qu'à cet effet, les papiers, faux assignats, planches, poinçons, timbre, caractères, ensemble toutes pièces saisies et pouvant servir à conviction, seront remises au greffe du tribunal, et les nommés Bordier, Phelipponeau et Simoneau, transférés, sous bonne et sûre garde, des prisons de Limoges et de Calais, dans celles du même tribunal.
« Le roi sera prié de donner les ordres les plus prompts pour l'exécution du présent décret.
« L'Assemblée nationale charge son comité des pensions de lui présenter incessamment ses vues sur la récompense à accorder aux bons citoyens qui ont servi leur patrie en découvrant les crimes de fabrication de faux assignats. » (Ce décret est adopté.)
Un membre du comité central de liquidation présente un projet de décret portant remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée du département de la maison et de la bibliothèque du roi.
Ce projet de décret est ainsi conçu : L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, qui a rendu compte des vérifications faites par le directeur général de la liquidation, décrète qu'en conformité de ses précédents décrets sur le remboursement de la dette de l'Etat, il sera payé pour les causes qui vont être déterminées, aux personnes qui seront pareillement dénommées., les sommes suivantes, savoir :
l'Arriéré du département de la maison du roi.
Art. 1er.
Au sieur Pierre-René Vallée, paveur à Paris, pour acompte d'ouvrages faits aux écuries d'Artois, de 1786 à 1788, la somme de 7,500 livres, montant de deux ordonnances à lui délivrées les 17 décembre 1789 et 1er novembre 1790, ci......... 7,500 1. »> s. » d.
Art. 2.
Au sieur Bouillon, menuisier, pour les mêmes causes, et pour les années 1785 à 1787, la somme de 1,693 1. 2 s. 10 d., montant d'une ordonnance à lui délivrée, en date du 23 janvier 1790, ci....... 1,693 » »
Art. 3.
Aux sieurs Questier et LeNoble, garçons du château de Versailles, pour nourriture et petite oye, pendant les 6 derniers mois 1788 et 6 premiers mois 1789, la somme de 2,760 livres, montant de deux ordonnances à eux délivrées les 30 juin 1789 et 17 juillet 1790, ci..... 2,760
Art. 4.
A la demoiselle José-phineRousseau, lectricede Madame, fille du roi, pour ses appointements pendant les 6 derniers mois 1789, à raison de 2,000 livres par an, la somme de 900 livres, déduction faite du dixième, à la retenue duquel lesdits appointements étaient soumis, montant de l'ordonnance à elle délivrée le 1er juillet 1790, ci......................900 » »
Art. 5.
Au sieur Dubois, chirurgien-dentiste du roi, et de la famille royale, savoir : 1° Pour indemnité de ses dépenses à la suite de Sa Majesté, et voyages depuis le 12 octobre 1789, jusqu'à la fin de la même année, la somme de 768 1. b. 1 d.
ci........ » » » 768 1
2° Pour indemnité de ses frais de voyages pour le service du roi et de la famille royale, pendant ledittemps, la somme de 438 1.17s.9d.,ci. » » 438 17
3° Pour remboursement des dépenses et opérations, en qualité de dentiste de la reine, pendant ledit temps, la somme de 2191.8 s.
10 d., ci.. 2191. 8s. 10 d,
4° Pour indemnité de ses absences de Paris comme dentiste de la reine, pendant ledit temps , la somme de 438 1. 17 s.
9 d., ci... 438 17 9 » 5° Pour
rembourse-mentdeses dépenseset opérations en qualité de dentiste de Madame Elisabeth, pendant ledit temps, la somme de2191.8s.
10d.,ci... 219 8 10 » »
Ce qui fait eo total la somme de 2,084 L, 14 s. 3 d., montant de 5 ordonnances à lui délivrées le 16 décembre 1790, ci..... 2,084 14
Art. 6.
Au sieur Lagarde, maître de musique des enfants de France et de la reine, pour ses gages et nourriture pendant l'année révolue en avril 1789, gages extraordinairespendantla-dite année, pour gratifications extraordinaires pour apprendre à la reine à pincer de la harpe pendant la même année, etautres causes, la somme de 3,917 1.
10 s., montant de 4 ordonnances à lui délivrées les 1er avril, 3 décembre 1789
et 24 août 1790, ci....... 3,917 10
Art. 7.
Au sieur Guelle de Re-ty, pour la nourriture des chevaux pendant les années 1788 et 1789, la somme de 169,2501.6 s. 8 d., pour laquelle il est compris dans l'état général de l'arriéré de l'écurie du roi, ci........169,2501. 6s. 8 d,
Art. 8.
Au sieur Brocham, pour livrées, selles et housses, et autres fournitures pendant les années!788 et 1789, la somme de 436,1361. 9 s. pour laquelle il est porté dans l'état général de l'arriéré de l'écurie du roi, ci. 436,136 » 9
Art. 9.
Au sieur Desmoulins, palefrenier surnuméraire , pour subsistance pendant les 9 derniers mois 1789, la somme de 343 1. 15 s. portée dans l'état général ci-dessus, ci............343 15
Art. 10.
Au sieur Laroque, palefrenier surnuméraire,pour subsistance pendant les neuf derniers mois 1789, la somme de 343 1. 15 s. portée dans l'état général ci-dessus, ci........343 15
Art. 11.
Au sieur Levasseur, portier, pour subsistance pendant les neuf derniers mois 1780, la somme de 112 1. 10 s. portée dans l'état général ci-dessus, ci.......112 10
Art. 12.
Au sieur Lavigne l'aîné, portier, pour sa subsistance pendant les 9 derniers mois 1789, la somme de 112 1.10 s. portée dans l'état général ci-dessus, ci..112 10
Art. 13.
Au sieur de Romainville, gouverneur des pages, pour gages et attributions pendant l'année 1789, déduction faite des retenues auxquelles cet objet est assujetti, la somme de 11,159 livres portée en l'état général ci-dessus............... 11,159
Art. 14.
Au sieur Duteil, sous-gouverneur des pages,pour traitement pendant les
années 1788 et 1789, la somme de 7,048 livres portée dans l'état général
ci-dessus, et celle de 124 livres pour bois et lumières pendant les
années 1788 et 1789, aussi portée dans l'état générai de
l'arriéré,déduction faite des retenues dont le premier objet est
susceptible,
Art. 15.
Au sieur Daty, plumas-sier, pour ses fournitures pendant les années 1788 et 1789, la somme de2,8281. portée en l'état général de l'arriéré, ci............. 2.828
Art. 16.
Au sieur abbé Lecomte, aumônier des pages, pour reste de ses gages et pour attributions pendant l'année 1789, la somme de 1,3281.6 s. portée en l'état général de l'arriéré,déduction faite des retenues auxquelles ces objets sont soumis, ci.............. 1,328
Art. 17.
Au sieur de Croismare, ancien écuyer, commandant en chef de la petite écurie, pour indemnité de chevaux et valets pendant l'année 1789, lasommede 5,000 livres portée en l'état général de l'arriéré, ci... 5,000
Art. 18.
Au sieur de Saint-Angel, écuyer retiré, pour les mêmes causes pendant les années 1788 et 1789, la somme de 3,750 livres, portée en l'état général de l'arriéré, ci.............3,750
Art. 19.
A Mme de Luynes, pour ses appointements en
qualité ae dame du palais de la reine, pour l'année 1787 échue au 1er avril 1788, pour l'année 1788, échue le
1er avril 1789, et pour les 9 derniers
mois de ladite année 1789 , déduction faite des retenues dont lesdits
appointements sont susceptibles, la somme de 14,850 livres, suivant les
états ordonnancés, et visés par le ministre, ci—
Art. 20.
A Mme de Tarente, dame du palais de la reine,
pour les mêmes causes pendant lesdites années, la somme de 14,850 livres
justifiée comme ci-dessus........ 14,850
Art. 21.
A Mme d'Esclignac, dame de compagnie ae
Madame Adélaïde, pour ses appointements pendant les années échues au 31
mars 1788, 31 mars 1789, et 9 derniers mois 1789, la somme de 9,900
livres, toutes déductions faites et justifiées comme ci-dessus........
9,900 1. » s. » d
Art. 22.
A Mme de Béon, dame pour accompagner Madame
Adélaïde, pour ses appointements d'uneannée échue au dernier mars 1788,
d'une autre échue le dernier mars 1789, et pour les 9 derniers mois
1789» la somme de 9,500 livres, toute-* déductions faites, et justifiée
comme ci-dessus, ci...................... 9,500
Art. 23.
A Mme de la Rochelam-bert, dame de compagnie
de Madame Adélaïde, pour ses appointements pendant les années échues le
1er avril 1788, 1789, et 9 derniers mois
1789, la la somme de 9,900 livres, toutes déductions faites, et
justifiée comme ci-dessus, ci......................9,900
Art. 24.
A Mme de Lostanges, dame de compagnie de
Madame Adélaïde, pour les mêmes causes et les mêmes années ci-dessus, la
somme de 8,700 livres, justifiée aussi comme ci-dessusi et toutes
déductions faites, ci...........8,700
Art 25.
A Mme d'Osmont, dame de compagnie de Madame
Adélaïde, pour les mêmes causes, et pendant les mêmes années, la somme
de 9,900 livres, justifiée com me ci -dessus, et toutes déductions
faites, ci.....9,900
Art. 26.
A Mme de Blangy, dame de compagnie de Madame
Elisabeth, pour ses appointements pendant les années 1787 et 1788, échus
les 14 mai 1788 et 1789, et les 9 derniers mois de ladite année 1789, la
somme de 9,460 livres, toutes déductions faites, et justifiée par états
ordonnancés, et visés par le ministre, ci..9,460
Art. 27.
A Mme de Marguerie, dame de compagnie de
Madame Elisabeth pour ses appointements pendant les années échues les 15
mai 1788 et 15 mai 1789, et les
Art. 28.
A Mme de Fournaize, dame de compagnie de
MadameElisabeth, pourses appointements depuis le 15 mai 1788, jusques et
compris le 31 décembre 1789,1a somme de 5,860 livres, toutes déductions
faites, et justifiée comme ci-dessus, ci............... 5,860 »
Art. 29.
A Mme d'Imécourt, dame de compagnie de Madame
Elisabeth, pour ses appointements depuis le 15 mai 1788, jusques et
compris le 31 décembre 1789, la somme de 3,585 livres, justifiée par
états ordonnancés et visés, ci.... 3,585 »
Art. 30.
A Mme de La Bourdon-naye, dame de compagnie
de Madame Elisabeth, pour ses appointements depuis le 15 mai 1788.
jusques et compris le 3l décembre 1789. toutes déductions faites, la
somme de 4,085 livres, justifiée comme ci-dessus, ci...............
4,085 »
Art. 31.
A Mme de Juigné, dame du palais de la reine
pour ses appointements depuis le 1er avril
1787, jusques et compris le 31 décembre 1789, toutes déductions faites,
la somme de 14,850 livres justifiée comme ci-dessus, ci...............
44,850 »
Art. 32.
A Mme de Sommièvre, dame de compagnie de
Madame Adélaïde, pour ses appointements, depuis le 1er avril 1787, jusques et compris le 31
décembre 1789, toutes déductions faites, la somme de 9,900 livres,
justifiée comme il a été dit, ci.............. 9,900 »
Art. 33.
A Mme de Talaru, dame de compagnie de Madame
Adélaïde, pour ses appointements depuis le 1er avril, 1787, jusques et compris le 31 décembre 1789, toutes
déductions faites, la somme de 8,566 1. 13 s. 4 d., justifiée comme
ci-dessus, ci. 8,566 13
Art. 34. A Mme d e Bo mbelles, d ame de
compagnie de Madame Elisabeth, pour ses appoin: tements dei uis le 15
mai 1787, jusques et compris le 31 décembre 1789, toutes déductions
faites, la somme de 9,460 livres, justifiée comme ci-dessus,
JCj...................... 9,460 1. » s.
Art. 35.
Au sieur Le Monnier, ci-devant médecin consultant duroi, pour appointements en qualité de médecin ordinaire de Madame Elisabeth depuis le 16 mai 1787, jusques et compris le 31 décembre 1789, la somme de 14,175 livres, déductions faites des retenues dont ces objets sont susceptibles, et montant d'ordonnances, à lui délivrées les 16 mai 1788 et 16 mai 1789, et 4 décembre 1790, ci..... 14,175
Art. 36.
Au sieur Pernot, huissier du cabinet du roi, pour gratification, service extraordinaire, et en considération des soins par lui pris de l'écritoire du roi pendant l'année 1789, toutes déductions faites, la sommede2,190livres montant de deux ordonnances à lui délivrées le 31 décembre 1789, ci......... 2,190
Art. 37.
Au sieur Bonnefoi, garde-meuble ordinaire de la reine, pour son iraitement, sans retenue, pendant l'année 1789, la somme de 6,000livres, montant d'une ordonnance à lui délivrée le 31 décembre 1789, ci..6,000
Art. 38.
Au séminaire des Irlandais de Bordeaux, pour subsistance pendant les années 1788 et 1789, la sommede 1,000 livres, montant de deux ordonnances à lui délivrées les 31 décembre 1788et 1789, ci...1,000
Art. 39.
Au sieur Ract, marchand papetier, pour fournitures par lui faites, pendant l'année 1789 pour le service desbureauxdeM.de Saint-Priest, la sommede2,688 livres, montant d'une ordonnance à lui expédiée le 14 décembre 1789, ci.....2,688
Art. 40.
An sieur Laforest, chirurgien pédicure du roi, pour restant net de son traitement pendant l'année 1789, et déduction faite du payement du premier tiers de sa contribution patriotique, la somme de 225 livres, suivant l'ordonnance à lui délivrée, le 22 juillet 1789 ci........225.1 s. d.
Art. 41.
Au sieur Ghauvelin, maître de la garde-robe du roi, pour le payement des robes de chambre et toilettes qui ont été fournies au roi en 1788, la somme de 12,519 livres, montant d'une ordonnance à lui expédiée le 15 septembre 1789, ci....12,519
Art. 42.
Au sieur Boisgelin, maître de la garde-robe du roi, pour le payement des robes de chambre et toilettes qui ont été fournies pour le roi en 1787, la somme de 12,519 livres montant d'une ordonnance à lui délivrée le 15 septembre 1789, ci.......... 12,519
Art. 43.
Au sieur Leroux, bibliothécaire de Madame Elisabeth, pour son traitement pendant l'année 1789, déduction faite du premier tiers de sa contribution patriotique, la somme'de 866 1. 13 s. 4 d., suivant l'ordonnance à lui délivrée, le 3 décembre 1789, ci...866 4.
Art. 44.
Aux nouvelles catholiques de Noyon, pour aider à la subsistance des dames religieuses pendant les années 1788 et 1789,1asomme de 1,200 livres, montant de deux ordonnances à elles expédiées les 15 décembre 1781 et 1er janvier 1789, ci...1,200
Art. 45.
Aux sieurs Lannoy, Laf-filé, Pépin et Huet, tous quatre garçons delà chambre de Madame Adélaïde, pour supplément de nourriture pendant les 9 derniers mois de 1789, à raison de 600 livres chacun par an, la somme de 1,800 livres montant d'une, ordonnance à eux expédiéé le 14 octobre 1790, ci...... l,800
Art. 46.
A la veuve du sieur Desforges, écuyer de main du roi, autorisée, par sentence des requêtes du palais, à faire le recouvrement de toutes les dettes actives de la succession de son mari, pour récompense des services de celui-ci près de Sa Majesté pendant les quartiers d'avril 1786 et d'avril 1787, la somme de 1,900 livres pour sa part dans le montant de 2 ordonnances délivrées, les 9 juillet 1786 et 9 juillet 1787, aux 5 écuyers du roi, ci..................1,900 l. s. d.
Art. 47.
Au sieur Lemouton de Boisdeffre, sous-gouverneur des pages de la chambre du roi, pour supplément de traitement sang retenue pendant les 6 derniers mois 1789, la somme de 1,050 livres, montant d'une ordonnance à lui délivrée le 3 décembre 1789, ci......................1,050
Art. 48.
Au sieur Fouchet d'Alvi-nart, gouverneur des pages de la chambre du roi, pour supplément de traitement sans retenue, pendant les 6 derniers mois 1789, la somme de 2,300 livres,' montant d'une ordonnance à lui délivrée le 3 décembre 1789, ci............. 2,300
Art. 49.
A la demoiselle Pauline Bienvenu, pour raccommodage des dentelles de la chapelle de Madame Adélaïde pendant 1789, la somme de 120 livres, montant d'une ordonnance à elle délivrée le 31 décembre 1789, ci..............120
Art. 50.
Au sieur Gibert, notaire à Paris, comme cession-naire, par acte passé devant M® Lefèvre de Saint-Maur, notaire, le 21 mai 1790, dûment signifié, du sieur Brassac, premier écuyer de Madame Victoire, pour supplément de livrées et entretène-ment audit sieur Brassac pendant l'année 1789, la somme de 9,000 livres, montant d'une ordonnancé expédiée le 31 décembre de ladite année 1789, ci...,.9.000
Bibliothèque du roi.
Art. 51.
A différents créanciers de la bibliothèque du roi, employés dans un état général et d.ans 2 états particuliers des années 1788 et 1789, tous certifiés véritables par M. d'Ormesson, bibliothécaire du roi, et visés par M. Guignard, alors ministre de la maison du roi, et vérifiés par le commissaire du roi, directeur général de la liquidation, dans un état particulier en 6 chapitres, en date du 30 avril dernier, la somme de 73,475 1. 16 s. 7 d., ci.... 73,475 1. 16 s.
Académie des sciences.
Art. 52.
Au sieur Tillet, trésorier de l'Académie des sciences, pour frais d'expériences de ladite Académie pendant les années 1787,1788,1789, la somme de 36,000 livres, montant de 3 ordonnances expédiées les 1er janvier 1787, 31 décembre 1788et 1er janvier 1789, ci. 36,000
Art. 53.
A ceux des membres de ladite Académie, pour les pensions que le roi leur a accordées pendant l'année 1789, toute déduction faite de la retenue du dixième dont lesdites pensions sont susceptibles, savoir :
Au même sieur Tillet, 2,700 livres, ci...........2,700 «
Pensionnaires pour la Géométrie.
Au sieur Borda, 2,700 livres, ci................. 2,700 »
Au sieur Jaurat 1,620 livres, ci................. 1,620 »
Au sieur Vandermonde, la somme de 1,080 livres, ci...................... 1,080 .
Pour l'Astronomie.
Au sieur Lemonnier,
2,700 livres, ci.......... 2,700 »
Au sieur Delalaude,
1,620 livres, ci........... 1,620
Au sieur Legentil,l ,080 livres, ci................. 1,080 »
Pour la Mécanique.
Au sieur abbé Bossut, 2,700 livres, ci........... .2,700 »
Au sieur abbé Rochon, 1,620 livres, ci.......1,620 l. s. d.
Au sieur Delaplace , 1,080 livres, ci.......... 1,080
Pour la Physique générale.
Au sieur Leroy, 2,700 livres, ci..............2,700
Au sieur Brisson ,1,620 li- vres c.....1,620
Au sieur Bailly, 1,080 livres, ci..............1,080
Pour VAnatomie.
Au sieur Daubenton, 2,700livres,ci...........2,700
Au sieur Tenon, 1,620 li-vres ci.................1,620
7 d i Aii sieur Portai,1,080 livres, ci...............1,080
Pour la Chimie et la Métallurgie.
Au sieur Cadet, 2,700 livres, ci.................2,700
Au sieur Lavoisier , 1,620 livres, ci..........1,620
Au sieur Baumé.l ,080 livres, ci.................1,080
Pour la Botanique et l1 Agriculture.
AuxhéritiersFougeroux, 2,700 livres, ci..........2,700
Au sieur Adamson, 1,620 livres, ci...............1,620
Au sieur de J ussieu, 1,080 livres, ci................1,080
Pour l'Histoire naturelle et.. la Minéralogie.
Au sieur Desmaretz , 2,700 livres, ci...........2,700
Au sieur Sage, 1,620 li-vr68 ci...1,620
Au sieur Darcet, 1,080 livres, ci................1,080
Au sieur de Condorcet, secrétaire perpétuel de l'Académie, 2,700 livres, ci..2,700
Toutes les sommes susdites formant celle de 48,600 livres déduction faite du dixième.
Chambre aux deniers.
Art. 54.
Au sieur Jean-Baptiste Fauquet, garçon de la chambre de Maaame Royale, pour nourriture pendant l'année 1789, toutes déductions faites, la somme de 720 1.17 s. 6 d., justifiée par l'état général de l'arriéré, ci.................720 17 6
Art. 55.
Au sieur Pierre-Antoine Grégoire, garçon servant pour la bouche du roi, pour appointements pendant le quartier d'octobre 1789, la somme de 250 livres, justifiée comme ci-dessus, ci. 250 1. » s.
Art. 56.
Au sieur Jean Chrétien, garçon servant pour la bouche du roi, pour ses appointements du quartier d'octobre 1789, la somme de 250 livres, justifiée comme ci-dessus, ci..... 250 »
Art. 57.
Au sieur Martin Gras, garçon servant pour la Bouche du roi, pour les mêmes causes, la somme de 250 livres, ci......... 250 »
Art. 58.
Au sieur Pierre-Jacques Nivet, garde-vaisselle général de la maison du roi, pour ses appointements du quartier d'octobre 1789, la somme de 450 livres, pareillement justifiée, ci.... 450 »
Art. 59.
Au sieur Nicolas-Pierre Prule, huissier avertisseur de la bouche du roi, pour ses appointements du quartier d'octobre 1789, la somme de 200 livres pareillement justifiée, et déduction faite de sa contribution patriotique, ci....... 200 »
Art. 60.
Au sieur François Cottin, aide de la cuisine-bouche du roi, pour ses appointements du quartiei d'octobre 1789, la somme de 250 livres pareillement justifiée, et déduction faite de sa contribution patriotique, ci................. 250
Art. 61.
Au sieur Georges Peret, aussi aide de la cuisine-bouche du roi, pour les mêmes causes, la somme de 300 livres, justifiée de même par l'état général de l'arriéré, et déduction faite de sa contribution patriotique, ci............. 300 ,
Art. 62.
Au sieur Jean-Sébastien Chavet, contrôleur de pan-neterie et échansonnerie-bouche du service intérieur, et chef du gobelet pour le service extérieur du roi, pour ses appointements du quartier d'octobre 1789, pour ces deux places, la somme de 1,700 livres, pareillement justifiée, et déduction faite de sa contribution patriotique, ci....................... 1,7001. s.
Art. 63.
Au sieur Jean-Baptiste Déhaye, portefaix de la chambre de M. le Dauphin, pour nourriture de l'année 1789, toute déduction faite, la somme de 360 1. 8 s. 9 d., ci.............360 8 9
Art. 64.
A la demoiselle Marie-Elisabeth Schlick, femme de chambre de Madame Royale, pour nourriture pendant les 9 derniers mois 1789, toutes déductions faites, la somme de 810 1.1 s. 6 d., ci.....810 1 6
Art. 65.
Au sieur Denis-Philippe Touchard, aide de la bouche du roi, pour ses appointements pendant le quartier d'octobre 1787, déduction faite de sa contribution patriotique, la somme de 300 livres, ci..300
Art. 66.
Au sieur Antoine-Victor Domier, garçon de la bouche au commissariat général de la maison du roi, pour ses appointements pendant le quartier d'octobre 1789, la somme de 250 livres, ci.................250
Art. 67.
Au sieur François-Hyacinthe de Lalau, contrôleur de la maison du roi, pour nourriture, traitement et autres attributions, à cause de ses services chez les princes et princesses pendant lequartierd'avril 1788 et le quartier d'avril 1789, déduction faite des droits de taxation et de sa contribution patriotique, la somme de 8,5761.8 s. 9 d., ci.8,576 8 9
Art. 68.
Au sieur François Brajas de Maison-Blanche, clerc de chapelle de M adame Adélaïde pour nourriture pendant le quartier de juillet 1789, toute déduction faite, la somme de 454 1. 5 s., ci..................454 5
Art. 69.
Au sieur Nicolas Garpen-tier, valet de chambre, barbier de M. le Dauphin, pour nourriture pendant l'année 1789, toutes déductions faites, la somme de 1,0811. 6s. 3 d., ci...1,081 l. 6 s. 3 d.
Art. 70.
Au sieur Charles Delye, garçon servant des petits appartements du roi, pour ses appointements pendant le quartier d'octobre 1789, la somme de 250 livres, ci.250
Art. 71.
Au sieur Louis-Jean-Baptiste Dupuis,feutierde Madame Adélaïde, pour nourriture et fourniture de balais, habits et logement pendant les 9 derniers mois 1789, la somme de 1,143 1. 10 s. 6 d., toute déduction faite des droits de taxation auxquels ces objets étaient soumis, ci..1,143 10 6
Art. 72.
Au sieur Jean-François Lombard, feutier de Madame Adélaïde, pour les mêmes causes et pour le même temps, pareille somme de 1,143 1.10 s. 6 d., ci......1,143 10 6
Art. 73.
Au sieur Jacques-Joseph Moutonnet, feutier du roi, pour nourriture et fourniture de balais, habits et logement pendant les 9 derniers mois 1789, toute déduction faite, la somme de 382 1.16s. 9 d., ci....382,16,9
Art. 74.
Au sieur Jean-Gabriel Le-cerf, feutier de Madame Victoire, pour nourriture et fourniture de balais, habits et logement pendant les 9 derniers mois 1789, toute déduction faite, la somme de 1,143 1. 10 s. 6[d., ci................. 1,143 10
Art. 75.
Au sieur Louis-Jean Beauregard, laveur de la cuisine-bouche du roi, pour ses appointements du quartier d'octobre 1789, déduction faite du payement de sa contribution patriotique, la somme de 1211. 1Q s., ci........... 121 10
Art. 76.
Au sieur Bernard La Marque, tant comme chirurgien ordinaire, que comme chirurgien de quartier du roi, pour nourriture et grande livrée pendant les quartiers d'avril 1787 et 1788, et l'année 1789, déduction faite du dixième, taxation et payement de sa contribution patriotique, la somme de 2,249 1. 15 s. 3 d., ci................. 2,240 1. 15 s. 3 d.
Art. 77.
Au sieur Benoit Grenet, chapelain du roi, pour nourriture à cause de son service chez le roi, cbez M. de Normandie et chez Madame Elisabeth, pendant les quartiers d'avril, juillet et octobre 1789, déductions faites, la somme de 1,3571. 16 s. 3 d., ci............. 1,357 16 3
Art. 78.
Au sieur Pierre-Charles-Louis d'Août, maître d'hôtel du roi, pour traitement et nourriture pendant les quartiers de juillet 1787, 1788 et 1789, toute déduction faite, la somme de 24,608 1. 10 s., ci........ 24,608 10
Art. 79.
Au sieur Jacques Laurent, chapelain ordinaire de Madame Victoire, pour nourriture pendant les années 1787, 1788 et 1789, toute déduction faite, la somme de 1,082 1.6 s., ci. 1,082 6
Art. 80.
Au sieur Nicolas d'Anti-gny, garçon servant des petits cabinets du roi, pour ses appointements pendant le quartier d'octobre 1789, la somme de 250 livres, ci........... 250 » »
Art. 81.
Au sieur Louis-Augustin Couvrechel, ancien garçon servant de la bouche du roi, pour les mêmes causes, pareille somme de 250 livres, ci........... 250 » »
Art. 82.
Au sieur Charles Posta-lar, dit Déjardin, garçon servant de la bouche du roi, pour les mêmes causes, pareille somme de 250 livres, ci............ 250
Art. 83.
Au sieur Pierre Pinot, garçon servant de la bouche du roi, pour les mêmes causes, pareille somme de 250 livres, ci............ 250 »
Au sieur Nicolas-Martin Marchand, garçon servant de la bouche du roi, pour les mêmes causes, pareille somme de 250 livres, ci..250 l. s. d.
Art. 85.
Au sieur François Si-mou, porte-table du roi, pour tes mêmes causes, pareille somme de 250 livres, ci.................250
Art. 86.
Au sieur Jeau Guillot, laveur du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 182 1. 10 s., ci......................182 10
Art. 87.
Au sieur Alexandre d'Artois, élève du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 125 livres, ci.................125
Art. 88.
Au sieur Nicolas Moreau, garçon laveur du gobelet au roi, pour les mêmes. causes, la somme de 182 1. 10 s., ci.................182 10
Art. 89.
Au sieur François-Hyacinthe Parisy, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, déduction faite du payement de sa contribution patriotique, la somme de 400 livres, ci.400
Art. 90.
Au sieur Pierre Pellier, aide des offices du roi, pour semblables causes et sous la même déduction, la somme de 400 livres, ci.400
Art. 91.
Au sieur Joseph Petrel, aide des offices des petits appartements du roi, pour les mêmes causes, la somme de 500 livres, ci..500
Art. 92.
Au sieur Antonio Car-chy, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes et sous la déduction du payement de sa contribution patriotique, la somme de 400 livres, ci......... 400
Art. 93.
Au sieur André de Grelle, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, et sous semblable déduction, la somme de 200 livres, ci. 200
Art. 94.
Au sieur Jean-Baptiste Jérôme, chef travailleur du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 750 livres, ci.........750 l.s. » d.
Art. 95.
Au sieur André Marion, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, ia somme de 375 livres, ci......................375
Art. 96.
Au sieur Jean-Baptiste Police, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 300 livres, ci.................
Art. 97.
Au sieur François Ver-non, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 375 livres, ci.................300
Art. 98.
Au sieur Jacques-Phi-lippe Bietre, dit Gervais, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 375 livres, ci......................375
Art. 99.
Au sieur Michel Jous-selin, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, pareille somme de 375 livres, ci............375
Art. 100.
Au sieur Gervai8 Reve-natz, officier du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 375 livres, ci.................375
Art. 101.
Au sieur Jacques Mahe-lin, aide du gobelet du roi, pour les mêmes causes, pareille somme de 375 livres, ci.................375
Art. 102.
Au sieur Hugues Gousset, aide des offices du roi, pour les mêmes causes, la somme de 500 livres, ci..500
Art. 103.
Au sieur Jean-Julien Bigot, aide des offices du roi, pour les mêmes causes, la somme de 350 livres, ci...............350
Art. 104.
Au sieur Nicolas Gosse-lin, aide de cuisine de la
Art. 105.
Au sieur Pierre-Louis Vigneaux, laveur du gobelet du roi, pour les mêmes causes, la somme de 1821. 10 s., ci.................182 10
Art. 106.
Au sieur du Rollepot, ancien laveur de la cuisine-bouche des petits appartements du roi, pour les mêmes causes, la somme de 262 1. 10 s., ci.262 10
Art. 107.
Au sieur Louis Thomas, huissier de la salle du roi,
Sour nourriture et attri-
utions pendant le semestre de juillet 1789, toute déduction faite, la somme de 1,106 livres, ci. 1,106 » »
Art. 108.
A Mme Anne-Thérèse Ma-gault, veuve du sieur
Mé-ricourt, femme de chambre de Madame Adélaïde, pour la nourriture des
années 1788 et 1789, toute déduction faite, la somme de 3,243 1. 18 s. 9
d., ci.. 3,243 » 18 » 9
Art. 109.
Au sieur Alexis Henri, gardien des effets du gobelet du roi, pour ses appointements pendant le quartier d'octobre 1789, la somme de 250 livres, cï..250
Art. 110.
Au sieur Georges de La Bastide, gentilhomme ordinaire du roi, pour nourriture pendant le quartier deiuilletl789, la somme de 454 livres, toute déduction faite, ci.................454
Art. 111.
Au sieur Antoine-Thadée de Basseville-la-Coudraye, médecin du roi par quartier, pour ses nourritures pendant les quartiers de juillet 1787,1788 et 1789, toute déduction faite, la somme de 817 1.13 s., ci.....817 13
Art. 112.
Au sieur Jean-Marie Quentin de Champlost, premier valet de chambre du roi, pour ses nourritures pendant les quartiers de juillet 1788 et 1789, toute déduction faite, la somme de 3,456 1.5 s », ci........3,456 5 »
Art. 113.
Au sieur Théodore Pe-not, élève de la bouche du roi, pour ses appointements pendant ie quartier d'octohre, la somme de 125 livres, ci............125 l. » s. » d.
Art. 114.
Au sieur Nicolas Poin-sot, tournebroche de la bouche du roi, pour les mêmes causes, la somme de 136 1.17 s. 6 d., ci....136 » 17 » 6
Art. 115.
Au sieur Didier Viard, valet de chambre de Madame Elisabeth, pour nourriture pendant les 9 derniers mois 1789, toute déduction faite, la somme de 814 1. 13 s. 9 d., ci...814 13 9
Art. 116.
Au sieur Sébastien Thir-gardner, dit Duparc, garçon de la chambre de Madame Elisabeth, pour nourriture pendant les 9 derniers mois 1789, toute déduction faite, la somme de 814 1. 13 s. 9 d., ci..,.814 13 9
Art. 117.
Au sieur Pierre Dufour, doyen des gentilshommes ordinaires du roi, pour nourriture et logement pendant le quartier d'avril 1789, la somme de 5841.2 s., toute déduction faite, ci.................584 2
Art. 118.
Au sieur Nicolas Druit, feutier de Madame Victoire, pour nourriture et fourniture de balais, habits et logement pendant les 9 derniers mois 1789, toute déduction faite, la somme de 1,143 1. 10 s. 6d., ci...............1,143 10 6
Toutes les créances susdites justifiées et comprises dans l'état général de l'arriéré de la maison du roi.
Vénerie du roi.
Art. 119.
Au sieur Le Duc, fournissant la vénerie du roi, pour ses fournitures de livrées et d'habillement pendant les années 1788 et 1789, la somme de 59,4031.
19 s. 9 d., ci............ 59,403 19 9
Art. 120.
Au sieur Lucien-Joseph Roux, facteur d'instru-
Art. 121.
Au sieur Pierre-Joseph Laboisssière, éperonnier ordinaire du roi, pour les fournitures par lui faites pour le service de la vénerie du roi pendant le quartier d'octobre 1788, et Tannée entière 1789, la somme de 5,3071,14 s., ci. 5,307 14 »
Art. 122.
Au sieur Alexandre Bar-rois, marchaud de chevaux, reste de sa fourniture de chevaux pour le service de la vénerie du roi pour l'année 1789, la somme de 16,220 livres, ci.16,220 » »
Art. 123.
Au sieur Antoine Isaac, marchand de chevaux, pour le reste de la fourniture qu'il a faite pour la remonte des chevaux de la vénerie du roi pendant l'année 1789, la somme de 6,760, ci................ 6,760 » »
Art. 124.
Au sieur François Pe-chet, serrurier pour ouvrages de serrurerie par lui faits pour le service de la vénerie du roi pendant les années 1787 et 1789, lasom-me de 5,089 1. 8 s., ci...5,089 8 »
Art. 125.
Au sieur Bizot, sellier, pour loyers de remises et ouvrages pour le service de la vénerie du roi^pendant l'année 1789, la somme de 268 livres, ci............268 » »
Gages de la maison du roi.
Art. 126.
Au sieur Jean-Baptiste Fauquet,garçon de la chambre de Madame, fil le du roi, pour ses gages en ladite qualité, pendant les 9 derniers mois 1789, toutes déductions faites, la somme de 63 1. 5 s. 7 d., ci....63 5 7
Art. 127.
A la demoiselle Marie-Elisabeth Schlick, femme de chambre de Madame, fille du roi, pour ses gages en sadite qualité pendant les 9 derniers mois 1789, toutes déductions faites, la somme de 97 1. 7 s. 6 d., ci...........
Art. 128.
Au sieur André-Guillaume Le Bastier de Bain-villers,écuyer du roi, pour ses gages et récompenses pendant l'année 1789 , toutes déductions faites, la somme de 4,4021.10 s. 10 d., ci..-............. 4,402 10
Art. 129.
Au sieur François-Hya-cinthe de Lalau, contrôleur de la maison du roi, servant par quartier, pour ses gages pendant les quartiers d'avril 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 577 livres, ci................. 577 »
Art. 130.
Au sieur Nicolas Car-pentier, valet de chambre barbier, coiffeur de M. le Dauphin, pour ses gages pendant les 9 derniers mois 1789, toutes déductions faites, la somme de 690 1. 15 s. ci.......... 690 15 »
Art. 131.
Au sieur Bernard La Marque, chirurgien ordinaire du roi et aussi servant par quartier, pour ses gages pendant les quartiers d'avril 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 1,974 1. 13 s. 4d., ci................. 1,974 13
Art. 132.
Au sieur Jacques Laurent, chapelain ordinaire de Madame Victoire, pour ses gages, pendant l'année 1789, toutes déductions faites, la somme de 72 1. 10 s., ci................72 10 »
Art. 133.
Au sieur Louis Thomas, huissier de la salle du roi, servant par quartier, pour ses gages pendant le semestre de juillet 1789, toutes déductions faites, la somme de 243 1. 15 1., ci......................243 15 »
Art. 134.
A la dame Anne-Thérèse Magault, veuve du sieur Méricourt, femme de chambre de Madame Adélaïde, pour ses gages pendant les années 1788 et 1789 , toutes déductions faites, la somme de 101 1. 3 s. 4 d., ci.............101 3 4
Art. 135.
A Pierre Mounier, clerc de chapelle de Madame Adélaïde, servant par quartier, pour ses gages et blanchissage, pendant les quartiers de janvier 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 160 1. 4 s., ci .................160 4 »
Art. 136.
Au sieur Antoine-Thadée de Basseville-la-Coudraye, médecin du roi, servant par quartier, pour ses gages pendant les années 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 1,752 livres, ci........... 1,752
Art. 137.
Au sieur Jean - Marie Quentin de Ghamplost, premier valet de chambre du roi, servant par quartier, pour ses gages pendant les quartiers de juillet 1788 et 1789. toutes déductions faites, la somme de 1,232 1. 13 s. 4 d., ci.......................1,232 13 4
Art. 138.
Au sieur Antoine-Louis Brongnat, l'un des quatre apothicaires du roi, servant par quartier, pour ses gages pendant les quartiers de juillet 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 1,303 1. 13 s. 4 d., ci....1,303 13 4
Art. 139.
Au sieur Didier Viard, valet de chambre de Madame Elisabeth,pour ses gages pendant les années 1788 et 1789, toutes déductions faites, la somme de 282 1. 6 s. 8 d., ci.....282 6 8
Art. 140.
Au sieur Sébastien Thir-gardner, dit Duparc, garçon de la chambre de Madame Elisabeth, pour ses gages pendant les années 1788 et 1789, la somme de 103 1. 3 s. 4 d., ci.103 3 4
A la charge par les unes et par les autres des parties ci-dessus nommées, de remplir les formes prescrites par les décrets, pour obtenir leur reconnaissance de liquidation définitive.
2° Charges et offices.
Art. 141.
A M. d'Harcourt, pour montant d'un brevet de retenue du 12 novembre 1775, sur la charge de gouverneur et lieutenant pour le roi en Normandie, la somme de 150,000 livres. dont les intérêts, à 5 0/0, courront à compter du 8 février 1791, ci..... 150,000 1. » s. » d.
Art. 142.
A l'égard de la demande formée par M. Gallois de La Tour, pour le remboursement ae deux brevets de retenue à lui accordés sur la charge de premier président au parlement de Provence, le premier, en date du Ier février 1753, de 50,000 livres, le second en date du 7 mai 1775, de pareille somme de 50,000 livres, l'Assemblée nationale déclare, conformément à l'article 5 du décret du 24 novembre 1790, sanctionné le 1er décembre suivant, que les deux brevets représentés aujourd'hui par M. Gallois de La Tour, ne sont susceptibles d'aucune indem-nit
Les provisions sont du 1er avril 1747.
3° Arriéré du département des finances.
Art. 143.
Au sieur Anisson Du-perron, directeur de l'imprimerie royale, pour le prix des impressions par lui fournies pour le service de la marine pendant l'année 1789, la somme de 11,245 1. 16 s., montant d'une ordonnance à lui délivrée sur le Trésor public le 7 avril dernier, ci..... 11,245 16 »
4° DOMAINES ET FÉODALITÉ.
Remboursement des droits d"échange décrétés le 3 mai 1790.
Art. 144.
L'Assemblée nationale décrète qu'il sera payé par la caisse de
l'extraordinaire, au sieur Rolland, la somme de 150 livres pour la
finance principale de l'acquisition des droits d'échange dans la
ci-devant
Art. 145.
Au sieur fiéthomas, la somme de 600 livres avec les intérêts, à compter du 18 avril dernier, jour de . t la remise des titres pour la finance principale de l'acquisition des droits d'écnangedans le ci-devant marquisat de Béthomas et dépendances, situé ci-devant généralité de Rouen, élection du Pont-de-l'Ar-che, ci.................. 600 »
Art. 146.
Au sieur Boula-Mareuil, la somme de 250 livres avec les intérêts, à compter du 26 août 1790, jour de la remise des titres au comité de liquidation pour la finance principale de l'acquisition des droits d'échange dans la ci-devant seigneurie de Louvres, située ci-devant généralité et élection de Paris, à la charge par ledit sieur Boula-Mareuil, de justifier de sa propriété, ci.......... 250 » »
Art. 147.
Aux représentants ou ayants cause du sieur Maxi-milien d'Habotz, la somme de 575 livres, pour les finances principales des droits d'échangé acquis une partie de la ci-devant seigneurie et paroisse de Boniville, en la ci-devant élection de Mantes, généralité de Paris dans les ci-devant fiefs et seigneuries d'Arnouville, de Binan-ville, de le Breuil, de l'es-plains, Lardieo, Saint-Julien, de Fouville, le Bois-Robert, de Brassaix et de Gbevanners, situés en la ci-devant élection de Mantes, généralité de Paris ; et entin dans les ci-devant fiefs de la Brosse, paroisse deGuerville, de Lin an ville, paroisse d'Arnouville, de le Breuil, paroisse de Man-tes-la-Ville, de Bois-Robert, paroisse de Guerville, de Basseuil-la-Ville et de Gha-varmes, paroisse de Vil-lette et de Verre, situés ès dites élections et généralités, de laquelle somme de 575 livres les intérêts courront, à compter du 26 janvier dernier, à la charge par eux de justifier de leur propriété, ci..... 575 1. » s. » d.
Art. 148.
» d. Au sieur Chevalier, la somme de 150 livres pour la finance principale de l'aliénation des droits d'échange, dee paroisses d'Ampoix et Bourban-douin, situées dans la ci-devant élection et généralité de Rouen, de laquelle somme de 150 livres les intérêts courront, à compter du 16 mars dernier, en justifiant par le dit sieur Chevalier de sa propriété, ci...................... 150
Art. 149.
Au sieur Dupleix, la somme de 14,775 livres pour la finance de
l'enga-gementen date du 1er mars 1719, fait
par les commissaires du roi, députés par arrêt du 18 septembre 1717, au
sieur Jacques Durand, seigneur de Mézy, du droit de clerc d'eau de la
ville de Mantes, avec les droits de courtage, de pied-fourchu, le droit
sur le poisson de mer, le droit de champart, d'avergue, le tout
dépendant du domaine de Meulan, ensemble le droit de boëte en travers
par terres de la ville de Mantes, avec les intérêts de la susdite somme,
à compter du 28 mars 1790, date de la loi de suppression desdits droits,
en justifiant, par ledit sieur Dupleix, de sa propriété et d'un
certificat des officiers municipaux de Meulan, qui atteste que depuis
ledit jour 28 mars 1790, date de la suppression, il n'a perçu aucun des
droits engagés, tant du droit de clerc d'eau, droit de courtage,
pied-fourchu, droit sur le poisson de mer, que des droits de champart,
d'avergue, ci............ 14,775 » »
Art. 150.
Au sieur Belbœuf, la somme de 700 livres avec les intérêts à compter du
16 mars dernier, pour la finance principale de l'acquisition par lui
faite dans l'étendue du ci-devant marquisat de Belbœuf
Art. 151.
Au sieur Delaverdy, tant en son nom, que comme représentant le sieur de Nière et la dame Frémont, la somme de 750 livres pour la finance principale des droits d'échange acquis par lesdits sieur et aame Frémont, et ledit sieur Delaverdy, dans l'étendue des ci-devant seigneuries et fiefs ci-après savoir :
1° La somme de 300 livres pour les droits d'échange du ckievant marquisat de Gam-nais, de Condé et de la Haute-Ville, en la ci-devant élection de Mont-fort, acquis par ledit sieur de Nière, ci........... 300 l.
2° La somme de 350 livres pour les droits d'échange des ci-devant fiefs de Mauluy, dit Clerc-Brières, et Mercadé, si tués paroisses de Bagno-let, Poutromeille, dit Belleville, et à la Courtille, faubourg du Temple, acquis par ladite dame Frémont, ci 350
3° Et la somme de 100 livres pour ceux des ci-aevant fiefs de Neuville, Olvert, Perdreauville et Bacoins, situés paroisse de Gambais, ci-devant élection de Montfort et généralité de Pans, acquis par le sieur Delaverdy, ci... 100
Somme pareille à celle ci-dessus de 750 livres, dont les intérêts courront à compter du 16 mars dernier, en justifiant, par ledit sieur Laverdy, tant en son nom, que comme repré- sentant le sieur de Nière et la dame Frémont, de ses droits de propriété, ci.... 750 1. » s.
Art. 152.
Au sieur Louis-Hercule Timoléon de Cossé-Brissac, propriétaire actuel de la ci-devant baronnie de Saint-André de la Marche, la somme de 100 livres portée en la quittance de finance délivrée par le sieurGruin, garde du Trésor royal, au sieur Martin de Beauiort, le 23 juillet 1699, pour la fioance principale ae l'acquisition des droits seigneuriaux dus aux mutations par échangedesbiens et héritages dans l'étendue de la baronnie de Saint-André, située près la ville d'Evreux, avec les intérêts à compter du 11 mars dernier, jour de la production des titres à la direction générale de liquidation, en justifiant, par ledit sieur de Cossé-Brissac, de la ci-de-vant baronnie de Saint-An-dré, dans l'acquisition de laquelle les droits d'échange auront été compris, et en faisant décharger l'original, ou du moins un duplicata en forme de quittance de finance des registres du contrôle, ci...... 100 »
Art. 153.
Au sieur André-Charles Bonnaire, en qualité de fils et héritier du sieur de Bonnaire, la somme de 450 livres, pour la finance principale de l'acquisition des droits d'échange dans les ci-devant fiefs et paroisses de Forges et de Saint-Jean-Courbeton, situés en la ci-devant généralité de Paris, élection de Montereau-Fault-Yonne, avec les intérêts à compter du 4 avril 1791, jour de la remise des pièces, en remettant l'original de la quittance de finance dûment déchargée du registre du contrôle des finances, en justifiant de sa propriété, ci...................... 450 »
Art. 154.
Au sieur Sainte-Gathe-rine, la somme de 3,600 livres pour la finance
principale du droit de poids le roi dans la ville de Meaux, portée en la
quittance délivrée par le sieur Turme-nies de Nointel, garde du Trésor
royal, le 30 décembre 1718, avec les intérêts
Art. 155.
Aux ayants cause de Henri de Poudens, la somme de 39,765 livres pour la finance principale de l'engagement du droit de péage dans la ville de Dax, dont le sieur Henri Subourg s'est rendu adjudicataire le21 février 1722, et dont le sieur Henri de Poudens est devenu propriétaire par l'arrêt par lui obtenu au Conseil d'Etatdu roi, le 26 janvier 1723, avec les intérêts de ladite somme à 5 0/0. à compter du 25 février dernier, jour de la remise des titres, et en justifiant, par lesdits ayants cause, ae leur propriété, ci...................... 39,765
Art. 156.
Aufsieur Caudy-Joly, la somme de 2,000 livres, pour la finance principale de l'acquisition des justices, domaines, cens, rentes et autresdroits dans la ville de Boulon, avec les intérêts à compter du 26 mars dernier, jour de la remise des titres, en rapportant, par ledit sieur Caudy-Joly, la grosse de l'arrêt du conseil du 22 janvier 1765, émargée de la décharge de la quittance de financejdes registres du contrôle général, de la représentation de laquelle il a été dispensé, et justifiant du payement de la rente annuelle de 150 livres, ci. 2,000 » »
A la charge, en outre, par les unes et les autres parties ci-devant dénommées, de se conformer aux lois de l'Etat pour obtenir leurs reconnaissances de liquidation, et le payement des sommes auxquelles leurs créances ont été liquidées.
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret des comités diplomatique et d'Avignon sur l'affaire d'Avignon et du Comtat Venaissin (1).
Je n'ai demandé la parole que pour manifester l'opinion que j'avais
cherché a établir au comité diplomatique. J'avais pensé
Je n'examinerai pas, Messieurs, quels sont les droits de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin et s'ils sont d'une nature imprescriptible ; tout ce qui a déjà été dit m'en dispense. Mais, quant à la question de fait, elle ne peut être l'objet d'un doute et je pense qu'une possession de cinq cents années qui n'a été interrompue que par l'empire de la force, semble nécessiter au moins une discussion contradictoire avec le possesseur actuel. Plus les convenances sont démontrées, plus la justice doiyêtre exacte et sévère; dans ce moment où la justice semble le commander à la générosité, l'intérêt politique le conseille à la prudence.
Quant au vœu du peuple avignonais, je ne l'ai jamais regardé ni comme assez généralement, ni surtout comme assez librement prononcé, et il m'a paru que cette vérité vous avait été démontrée dans tous ses détails hier jusqu'à l'évidence.
Que votre humanité donc, que votre intérêt même rétablisse promptement l'ordre et le calme dans le Comtat ; éteignez-y les flambeaux de la discorde; qu'il n'y ait plus dans ce malheureux pays ni cruautés, ni victimes; que les peuples du Comtat et d'Avignon se rassemblent ensuite librement, paisiblement, légalement sous votre protection tutélaire et vous obtiendrez certainement par la reconnaissance ce qu'il serait indigne de vous de devoir à la crainte ou à l'abus de la puissance.
Je conclus donc — mon avis n'est pas long — à ce qu'il soit décrété que le roi sera prié d'envoyer dans le plus court délai possible des commissaires pacificateurs dans le Comtat, avec les pouvoirs les plus étendus pour y ramener la paix et en mettant à leur disposition les forces sutfisantes pour faire cesser immédiatement toutes voies de fait, et qu'ils soient autorisés à promettre à ces peuples, sous la protection immédiate de la nation française, le redressement de leurs griefs, ou l'accomplissement d'un vœu qui serait librement et paisiblement prononcé de leur réunion à la France.
C'est alors que la générosité de la nation, confondant ses droits avec le vœu d'un peuple libre et reconnaissant, pourra charger le chef suprême de l'Empire de faire négocier, avec la cour de Rome, les indemnités légitimes qui pourront lus être dues et parvenir au même but par des formes également dignes de sa générosité et de sa justice.
(1). On peut considérer la question actuelle sous le rapport du droit positif, et la considérer ensuite sous le rapport des droits naturels et imprescriptibles des peuples. On peut ensuite examiner les considérations particulières qui vous ont été proposées, et j'espère, Messieurs, qu'il sera possible de prouver à l'Assemblée que, sous tous ces rapports, il est juste et nécessaire de réunir Avignon et le Comtat à la France.
Il ne s'agit pas ici, Messieurs, d'user comme on
On a cherche à écarter la question du droit positif, pour se renfermer dans celle du droit naturel des peuples, parce que, remarquez bien ce genre d'attaque, l'on a supposé que le voeu des Avignonais et des Comtadins n'était pas constaté. Mais quoi qu'on ait cherché à éluder cette question, toujours est-il vrai que les droits du pape sont les plus vicieux et les plus illégitimes. Les substitutions, la minorité de Jeaune de Naples, à l'époque de la vente d'Avignon, l'illégalité de l'aliénation du Comtat et de sa restitution au pape par un prince à qui il n'appartenait pas, sont des faits constants. En partant de ce point, il est évident que le pape n'a eu que la possession. Or, la possession ne peut jamais légitimer une injustice ; elle ne peut conférer la souveraineté, lorsque surtout elle a été fréquemment interrompue.
Je viens à un point fort important : je viens au consentement qui a été donné tant par les Avignonais que par les Comtadins; car enfin, Messieurs, dans celte grande question, il faut pourtant se décider, soit par le droit positif, soit par le droit naturel et imprescriptible des peuples, soit par les deux droits réunis. On a cru, Messieurs, qu'il était facile d'aflaiblir le vœu, tant des Avignonais que des Comtadins ; qu'il était facile d'attaquer les délibérations que ces peuples avaient prises ; et voilà pourquoi aujourd hui on veut renfermer toute la question dans les délibérations qui ont été prises, voilà pourquoi on vous propose de déclarer qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur un vœu qui n'est pas suffisamment exprimé, ou on vous propose des mesures provisoires, lesquelles tendent évidemment aux mêmes fins.
Je dis, Messieurs, que les délibérations qui ont été invoquées sont celles qui ne peuvent pas être admises, et que ces délibérations dont votre comité vous a parlé, renferment un vœu libre, un vœu volontaire, un vœu parfaitement exprimé, et j'espère vous le démontrer. (Rires à droite.)
Je dis qu'il n'y a pas une commune dans le Comtat qui ne désire la réunion avec la France ; il n'est pas une commune, Messieurs, qui n'ait arboré les armes de la France. Quelle est la difficulté qui survient aujourd'hui entre les Comtadins et les Avignonais? Croyez-vous que ce soit pour la réunion à la France? Non; les troubles viennent principalement d'une jalousie entre Avignon et Carpentras, suscitée par les ennemis du bien public précisément pour empêcher la réunion.
Rappelez-vous, Messieurs, que les Avignonais, voulant faire cesser les troubles et l'anarchie qui régnaient dans Avignon et le Comtat, proposèrent un pacte fédératif; qu'Avienon sentit la nécessité qu'il y avait que les villes communes du Comtat se réunissent, et que l'on formât un département provisoire sous le nom de département de Vaucluse. C'est à cette époque qu'il s'est élevé de véritables divisions entre les communes du Comtat et Avignon, et ce, par jalousie entre Carpentras et Avignon. Elles ont été fomentées par les eunemis du bien public qui sont réunis en très grand nombre dans la ville de Carpentras.
On a insinué que les Avignonais s'écartaient évidemment des décrets rendus par l'Assemblée; qu'ils voulaient s'organiser provisoirement lorsqu'ils n'avaient pas le droit de former cette organisation provisoire, lorsque l'Assemblée n'avait pas encore décidé comment on diviserait le territoire, ou si ce territoire se réunirait pour ne former qu'un seul département. Ensuite on a fait sentir, et cela n'était pas difficile, qu'Avignon aurait le chef-lieu du département; que Carpentras désirait également avoir le chef-lieu. L'assemblée de Carpentras, voyant avec jalousie une assemblée électorale se former à Avignon, n'a cessé d'apporter tous les obstacles possibles à sa réunion. Elle a envoyé dans toutes les communes pour les détourner ae concourir à la fédération, et de députer à l'assemblée électorale, mais non pas pour empêcher la réunion à la France. De là l'opposition de Carpentras; de là la scission entre les communes qui adhéraient au vœu de Carpentras, et les communes qui adhéraient au sentiment d'Avignon. (Murmures.) L'Assemblée électorale s'est cependant formée soutenue par le vœu d'une grande paitie des communes du Comtat.
Vous avez entendu les critiques qui ont été faites sur ces adhésions. Lorsque je dis sur ces adhésions, on a choisi quatre ou cinq de ces délibérations sur lesquelles, j'ose le dire, on a fait de vraies chicanes de procureur.
On s'est attaché à vous parler de ratures qui avaient été faites ; on s'est attaché à vous dire que tous les citoyens actifs n'avaient pas paru dans cette assemblée : comme s'il était extraordinaire que dans une assemblée, même dans le temps le plus calme, tous les citoyens actifs ne s'y rendissent pas. C'est avec de pareils raisonne ments qu'on a cru jeter une grande défaveur sur les délibérations qui ont été prises. On a voulu vous faire valoir les délibérations qui avaient été prises au mois d'octobre 1789, et on vous a dit : Voilà des délibérations qui outété prises dans un temps calme, dans un temps de tranquillité.
Voilà le vœu libre et solennel des Comtadins. Eh bien! Messieurs, je dis que ce vœu, au contraire, était le vœu forcé non pas des Comtadins, était le vœu non pas du peuple, était le vœu de quelques conseils de municipalités. Avez-vous fait attention, vous-a-t-on dit, à l'époque à laquelle ce vœu a été émis? Avez-vous fait attention aux restrictions que portent les premières délibérations? C'est en 1789, au mois d'octobre, et pour mieux dire, c'était sous l'ancien régime, sous l'ancien despotisme de la cour de Rome; c'était dans un moment où à Avignon il y avait des proscrits, où à Avignon il y avait des décrets de prise de corps contre ceux qui manifestaient des intentions en faveur de la Révolution française; c'est à cette époque que ces délibérations ont été prises. Encore n'exprimaient-elles pas le vœu des commune?, mais de quelques conseils de municipalités. Sont-ce bien ces actes qu'on opposerait au vœu postérieur des habitants.
Mais voici un raisonnement qui est sans réplique pour justifier toutes
ces délibérations, c'est que, dans le pacte fédératif qui a été donné à
Avignon, toutes les communes qui vous ont envoyé leur adhésion avaient
des députés. Et à ce pacte fédératif qu'a-t-oo juré? On a juré de la
manière la plus positive, la plus solennelle, la réunion à la France. Il
y a un article du pacte fédératif qui s'explique de la manière la plus
claire sur la
Je défie que l'on cite une seule circonstance où les Avignonais soient sortis de chez eux que pour réparer les excès les plus criminels de la part de cette assemblée. Enfin, quand les Avignonais sont-ils sortis de leurs foyers? Lors de l'affaire de Cavaillon. Pourquoi les Avignonais sont-ils sortis de leurs foyers? Parce que 4,000 brigands envoyés par l'assemblée représentative de Garpentras allaient saccager, piller Cavaillon, y avaient abattu les armes de France qui y avaient été arborées, séjournaient chez les citoyens malgré eux, et enfin faisaient de leurs pays un pays absolument ennemi. 1,200 habitants sont venus implorer le secours des Avignonais. Voilà pourquoi les Avignonais sont allés à Cavaillon ; c'était pour faire rentrer ces citoyens dans leurs foyers. Le vœu des habitants de Cavaillon était de se réunir à la France ; ils avaient manifesté ce vœu avant qu'il y eût ni violences ni excès. Qui a voulu les forcer dans leur vœu? C'est l'assemblée de CarpeDtras.
Dans quelle autre circonstance les Avignonais sont-ils sortis de leurs murs? C'est pour se faire rendre les prisonniers qui avaient été faits avec brigandage de la part de l'armée des Comtadins. Quand 6ont-ils sortis de leurs foyers enfin ? Lors de la cruelle affaire de Vaison, lorsque les Comtadins avaient commis des assassinats. Voilà quand ils sont sortis. Qu'on ne vienne donc plus accuser les Avignonais; qu'on ne vienne donc plus les traiter de factieux; qu'au lieu de se livrer à de vaines déclamations, on nous dise dans quelle circonstance ils ont forcé le vœu d'une commune d'aucune ville du Comtat. Non, Messieurs, il n'y pas eu besoin de forcer ce vœu ; ce vœu est absolument libre, et la seule division qui existe dans ce pays est une division entre Carpentras et Avignon, et toutes les communes même veulent la réunion à la France.
Enfin il est du plus grand intérêt des Avignonais et de la France, que la réunion soit effectuée. On vous a dit : ce pays est heureux ; les impôts y sont très modérés : alors comment concevez-vous que des hommes qui ne sont gênés ni par le régime féodal, ni par le despotisme sacerdotal, puissent désirer de former alliance avec une nation qui a beaucoup d'impôts à supporter? Messieurs, je réponds par un seul mot et je dis : Voulez-vous une preuve sans réplique que ce pays est mal administré, que ce pays est malheureux? 11 n'y a pas, Messieurs, de pays où le nombre des pauvres soit aussi immense que dans le Comtat; il n'y a pas de pays plus mal cultivé. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)
Vous murmurez, mais vous confondez les idées. C'est sans doute un des plus beaux sols delà nature; mais il est mal cultivé : les récoltes ne suffisent pas aux consommations; l'industrie y est gênée de toutes les manières. Ce pays a le malheur de dépendre du territoire environnant, pour son commerce et pour tous ses besoins. S'il reste séparé de l'Empire français, entouré de douanes oppressives, u sera réduit à la plus affreuse misère. A ces malheurs, ajoutez le joug d'un gouvernement sacerdotal, et jugez si ce peuple ne devait pas être porté à désirer son association à un peuple devenu libre, à un peuple dont il avait antérieurement fait partie, et dont il a toutes les habitudes. Aussi le seul vœu qu'on ait cherché à forcer est celui qui est contraire à la réunion.
On vous a dit : Ne craignez-vous pas d'éveiller la défiance, la jalousie des puissances étrangères? Eh 1 Messieurs, si les nations étrangères étaient dans l'intention de faire une irruption sur notre territoire, ne croyez pas que ce serait cette réunion ou la non-reunion qui les déterminerait.
Maintenant on vous propose des mesures provisoires : on vous dit que votre humanité doit vous porter à rétablir le calme et la paix. Mais, Messieurs, avec ces raisons d'humanité et de pacification, ce serait bien là le plus sûr moyen d'avoir la guerre. Quel droit avons-nous, sous prétexte que nos voisins sont en armes, d'aller chez eux pour les pacifier? Et si on ne décide pas qu'Avignon et le Gomtat appartiennent à la France, sont un territoire qui en a toujours été inséparable, on n'a pas le droit d'aller sur le territoire du Gomtat.
On vous a dit. l'incendie peut se communiqner et vous avez le droit d'aller l'éteindre : quelle est donc la seule manière de l'éteindre, et quel est votre droit à cet égard? C'est de mettre un cordon sur les frontières, mais non pas d'entrer dans le territoire. Avec de semblables maximes, l'empereur aurait le droit d'entrer dès demain en France pour se mêler de nos différents.
On nous dit : comme le vœu d'Avignon et du Comtat a pu ne pas être libre, alors les communes d'Avignon et du Comtat s'assembleront pour émettre un vœu libre et volontaire : N'est-ce pas là une vraie dérision? Gomment, lorsque vos troupes se trouveront dans ce pays, lorsque vos troupes en auront pris possession, vous exigerez ensuite qu'on émette un vœu, et on regarderait ce vœu comme plus libre, comme plus volontaire, comme plus solennel I Mais à quelle puissance de l'Europe pourrait-on ainsi en imposer? Qui pourrait donc s'aveugler sur ce vœu? Messieurs, cette mesure n'a élé nullement méditée, ou c'est une mesure extrêmement perfide que l'on vous propose.
Nous mettons toujours la justice de notre côté, mais, d'abord que vous avez le droit, examinez votre intérêt. Votre intérêt est que, si vous ne prenez pas possession de ces pays qui vous ont toujours appartenu, vous pouvez être sûrs que les malheureux habitants vont s'égorger les uns les autres; que le sang va couler de toutes parts; que tout ce qui se prépare à Avignon et dans le Comtat refluera malgré ce qu'on a dit dans nos provinces méridionales : c'est un incendie, Messieurs, qui se communiquera. Il y a des partis, comme il y en a en France, et les partis de France se rallieront à ces mêmes partis. Ce sera le foyer de la guerre civile qui désolera la France si vous n'avez pas la prudence de prononcer le décret qui vous est proposé par votre comité. C'est à quoi je conclus. (Vifs applaudissements à gauche.)
un des secrétaires. Messieurs, M. le Président m'ordonne de vous donner communication d'une lettre à lui adressée par M. l'évêque de Vaison; la voici :
« Monsieur le Président, je ne puis passer sous silence les infilmes
calomnies que M. Bouche s'est permises contre moi. L'honneur de l'église
est compromisj puisqu'en cette qualité je serais plus coupable, si les
horreurs dont m'accuse M. Bouche étaient aussi prouvées qu'elles sont
fausses. Je réclame, Monsieur le Président, la justice de l'au-
« Je n'ai point paru à Vaison depuis le 11 de janvier de cette année, j'étais depuis trois semaines à Valréas, ville de mon diocèse, distante de 4 lieues de Vaison, MM. de la Villasse et Anselme ont péri, il est vrai; mais il est absolument faux qu'on ait chanté un Te Deum à cette occasion ; et je défie M. Bouche de prouver aucune des calomnies dont il veut me noircir, offrant de me soumettre à toute la sévérité des lois, si la moindre partie de mon avance se trouve fausse.
« Je déclare que, respectant dans M. Bouche le caractère de représentant de la nation, il se soustrait pour le moment aux actions que je pourrais intenter contre lui. Je me réserve, après cette législature, de le poursuivre devant les tribunaux pour obtenir vengeance du calomniateur et pour le faire condamner aux réparations que mon honneur et celui des ministres de l'église m'obligent d'exiger de lui.
« Je suis avec respect, etc. »
« Signé : l'Evêque de Vaison. »
« Ce
Le fait dont vous venez d'entendre lecture est certainement grave; et je serais un homme bien vil si j'avais été coupable de cette calomnie.
Voici en peu de mots de quoi il s'agit ; Il s'était formé à Avignon une assemblée composée d >s députés de cinquante ou soixante communautés du Comtat qui accédaient au vœu d'Avignon pour la réunion. Pendant quelques iours d'intervalle des travaux decette assemblée, MM. Anselmeet de la Villasse crurent pouvoir s'absenter de l'assemblée dont ils étaient électeurs, et se retirèrent à Yaison. Ce fut pendant leur séjour qu'ils y furent égorgés par une populace enflammée par une instruction ou un mandement de M. l'évêque de Vaison, dont les fragments ont paru... (Murmures à droite.)
Ne vous pressez pas, Messieurs. (L'opinant se tourne vers la droite.) Cette populace courut à Vaison, et ces deux messieurs furent égorgés comme on l'assure. Les Avignonais, justement indignés du massacre de plus de 20 patriotes et des 2 membres de leur assemblée électorale, se mirent alors en campagne pour venger ce crime; c'est l'époque du premier mouvemeut de l'armée avi-gnonaise.
Vous pouvez vous souvenir, Messieurs, que, lorsque je dénonçai le fait dont il s'agit à l'Assemblée nationale, je lui dis que je parlais d'après des lettres que je venais de recevoir.
Un membre à droite : Vous ne les avez pas lues.
Ce que je n'ai pas fait alors, je m'en vai9 'le faire, ainsi tenez-vous tranquilles. (Applaudissements à gauche.) Ces lettres étaient entre les mains de M. le rapporteur. En voici une que je viens de me procurer; elle est bien et dûment signée par le président de l'assemblée électorale; elle est du i5 avril.
« Nous apprenons à l'instant que plus de 20 patriotes ont été massacrés, que l'évêque de Vaison et son chapitre ont contribué à ce massacre et chanté un Te Deum en actions de grâce; que M. Anselme a été haché par morceaux et qu'on a dansé une farandole autour du cadavre de M. de la Villasse. »
Voilà, Messieurs, le récit que j'ai l'honneur de vous faire.
Plusieurs membres : L'ordre du jour!
Je demande que le désaveu de M. l'évêque de Vaison soit inséré dans le pro-cès-verbal.
Je demande que l'ordre du jour soit repris sur-le-champ et je fais la motion expresse que l'affaire d'Avignon soit terminée aujourd'hui. (.Murmures à droite.)
Je demande que l'on consigne dans le procès-verbal que M. Bouche est convenu qu'il avait été trompé. (Murmures.) C'est pour l'honneur d'un citoyen calomnié que je le réclame.
Noo, certes! je ne l'avoue pas.
Plusieurs membres : L'ordre du jourl
Je demande à lire une autre lettre...
Voix diverses : Non! non! cela n'est pas nécessaire! A l'ordre du jourl
C'est un artifice qu'on emploie pour empêcher la délibération, je fais la motion expresse que l'on décide l'affaire d'Avignon sans désemparer. (Vifs applaudissements à gauche.)
se plaint de ce que le public des tribunes rit du petit nombre des opposants.
intime aux tribunes l'ordre de garder le plus profond silence.
(L'Assemblée consultée passe à l'ordre du jour et décrète que l'affaire d'Avignon sera décidée sans désemparer.)
Je demande qu'elle ne soit pas décidée avant que j'aie été entendu.
Tous les membres de l'Assemblée ont un droit égal à la parole, et il est étrange qu'un homme affecte tant d'importance à sj faire entendre. M. l'abbé Maury prendra la parole à son tour si l'Assemblée le veut. Mon vœu individuel est qu'il soit entendu, mais il n'a pas le droit d'exiger que l'Assemblée s'engage envers lui.
Je demande que lorsque mon tour sera venu on ne ferme pas la discussion.
Il y a mille exemples de décrets semblables rendus en faveur de M. de Mirabeau.
L'exemple de ce qui s'est passé pour M. de Mirabeau ne conclut nullement pour M. Maury.
Si l'Assemblée veut entendre en ce moment M. l'abbé Maury, je lui céderai mon tour de parole.
Voix diverses : Oui! oui!
Nous ne demandons point cela, je suis inscrit et je demande que l'ordre de parole et du jour soit suivi.
(L'Assemblée consultée consent à ce que M. d'Es-tourmel cède la parole à M. l'abbé Maury.)
(1). Dans une discussion qui se renouvelle pour la troisième fois dans cette Assemblée, alors qu'il s'agit de prononcer sur les plus grands intérêts, toute prétention d'éloquence serait bien futile et bien déplacée. M. le rapporteur a divisé cette question en 15 parties, et je me trouve, pour lui répondre, obligé de le suivre dans la distribution qu'il a faite lui-même de cette cause. Je vais donc, Messieurs, suivre pas à pas M. le rapporteur et me conformer à l'ordre qu'il a tracé lui-même.
La première question qu'il s'est proposée est celle-ci : De qui dépendaient Avignon et le Comtat avant d'être possédés par le pape?
Le Comtat et Avignon sont séparés du royaume de France depuis le neuvième siècle, c'est-à-dire qu'il y a 900 ans qu'ils ne font plus partie intégrante de l'Empire; et certes la gloire de la France est indépendante de ce petit pays dont on semble convoiter la réunion avec tant d'ardeur. Le Comtat appartenait à Raymond VII, comte de Toulouse, qui en lit la cession au pape : si l'on voulait remonter plus haut, il serait aisé de prouver qu'il appartenait à Frédéric; car il y aurait de grands détails historiques à faire sur Raymond, prince qui, au reste, intéresse assez par ses malheurs... Avignon faisait au contraire partie du comté de Provence. L'aliénation du Comtat, faite par Raymond, fut confirmée par Philippe le Hardi. Avignon fut vendu au pape par Jeanne de Naples, fe 12 juin 1348. Voilà les premiers titres du pape sur ces deux Etats. A cet égard, je dois observer que le pape lui-même pourrait former des prétentions, puisqu'au moment où Philippe le Hardi a reconnu la souveraineté du pape sur le Comtat, il lui en enleva la moitié, savoir : le comté de Diois et Valentinois, la ville de Montélimar; enfin tout le pays compris depuis la montagne d'Evre jusqu'à la rivière de l'Isère, pays qui dépendait du Comtat et formait la possession de Raymond VII, comte de Toulouse, lorsqu'il en fit la cession au Saint-Siège par le même traité qui réunit le Languedoc à la France en 1229.
La seconde question de M. le rapporteur est celle-ci : « Avignon et le Comtat ont-ils pu être aliénés ? »
Sur cette question, Messieurs, il faut tout d'abord poser deux principes : le premier est que la déclaration d'inaliénabilité du domaine est infiniment postérieure aux époques historiques qui iious occupent actuellement, puisque ce n'est que par l'ordonnance de Moulins que cette déclaration a été faite; or il est impossible d'appliquer à un acte quelconque une loi postérieure à cet acte, et par conséquent les règles de l'ina-liénabilité sont inapplicables par leur postériorité à la vente d'Avignou.
Le second principe est que les lois domaniales ne s'appliquent jamais aux traités. Ainsi s'il existe des traités solennels qui aient assuré au pape la légitime souveraineté d'Avignon et du Comtat, il est inutile d'entrer dans des digressions d'érudition qui sont étrangèrts à la France et la cause que vous traitez ne peut être jugée comme une cause domaniale; je suis obligé d'entrer daus ces détails puisque tous mes adversaires ont prétendu tirer un moyen des lois de la domanialité.
Mais, puisqu'au moment où vous allez pronon-
Plusieurs membres : Ce n'est pas là la question.
Le pape en qualité de propriétaire d'Avignon et du Comtat est donc le quatrième souverain de l'Europe.
Maintenant il faut examiner la légalité des contrats, puisque cette question a été agitée. Ce fut Jeanne de Naples, comtesse de Provence, remarquable par sa beauté, par son esprit et par son cœur, qui aliéna Avignon au pape en 1348. Dans ce contrat, qui existe dans la bibliothèque du Vatican, d'où on en a tiré plusieurs copies, Jeanne de Naples dit qu'elle cède ce domaine de plein gré, sans y être nullement contrainte ; elle le vend pour 80,000 florins d'or, et non pas, comme on vous l'a dit, pour prix de l'absolution d'un crime qu'elle n'avait pas commis ; car c'est trois ans après la vente d'Avisnon, que, plaidant elle-même sa cause, en présence du pape, au milieu du Saint-Collège, elle confondit ses calomniateurs par une discussion contradictoire avec les ambassadeurs hongrois, ses implacables dénonciateurs, et qu'après avoir fermé la bouche à la calomnie, elle obtint l'absolution du pape. On a nié pendant longtemps, et M. de Monclar est tombé lui-même daus cette erreur, on a nié le payement des 80,000 florins. La quittance libellée de ce payement existe encore à la bibliothèque du Vatican. Elle est imprimée dans la dernière histoire de Provence par Papon : l'emploi de la somme reçue y est détaillee jusqu'au dernier écu. Voilà donc une seconde calomnie qu'il ne sera plus possible de reproduire.
On a dit que la reine Jeanne était mineure à l'époque de l'aliénation ; c'est un argument auquel M. de Monclar a donné un grand crédit et qui a été répété ici par plusieurs opinants. Je me souviens de l'avoir discuté de vive voix avec M. de Monclar, lui-même, et j'ai été témoin des regrets qu'il avait d'avoir composé l'histoire d'Avignon à Paris, où il était impossible de trouver les originaux des monuments historiques. Il me dit lui-même plusieurs fois qu'il aurait écrit son ouvrage d'une autre manière s'il avait pu l'écrire à Naples; mais enfin il a accrédité la calomnie de la minorité de Jeanoe: cette calomnie a encore été répétée par M. le rapporteur ; il faut aujourd'hui, Messieurs, vous dire quelles sont les réponses qui doivent rassurer votre conscience. (Rires à droite.)
Il y a un fait historique fort extraordinaire, mais pourtant généralement
reconnu : c'est que ni vous, ni moi, ni personne au monde, ne sait avec
exactitude la naissance de la reine Jeanne
Le premier est celui-ci : le pape Clément VI est cité par tous les historiens comme l'un des plus habiles politiques de l'histoire moderne. Tous ceux qui ont écrit sur Avignon ont exalté la dextérité avec laquelle il est parvenu à enlever, selon eux, à la reine Jeanne la ville d'Avignon. Or je vous demande s'il est vraisemblable qu'un politique aussi habile ait traité avec une mineure, qu'il ait employé toutes les intrigues qu'on lui suppose pour faire un contrat évidemment nul, alors qu'il pouvait traiter avec le conseil de régence ? (Rires ironiques à gauche.)
Je dis, Messieurs, que, dans une discussion où nous sommes tous réduits à des conjectures, il ne me parait pas probable qu'un homme habile qui traite avec une souveraine dans ses propres Etats ; avec une souveraine dont il ne pouvait douter de la minorité, si elle eût été mineure ; avec une mineure à laquelle son père avait donné un conseil de minorité qui n'existait plus, et dont il aurait été si facile au pape d'obtenir le consentement, ait négligé cette précaution si elle avait été nécessaire et ait agi comme un enfant.
Le second argument, qui doit vous rassurer, est celui-ci : au moment où le pape acquit la propriété d'Avignon, les habitants refusèrent de reconnaître ce transport de souveraineté; ils le refusèrent pendant plus de neuf années. Quels motifsallégua-t-il?Consultons l'histoire. Disaient-ils que la reine Jeanne était mineure? Non. Jamais dans toutes leurs protestations ils ne se sout servis de ce moyen de résistance qui eût été péremp-toire et cependant ils connaissaient bien l'âge de leur souveraine puisqu'elle vivait au milieu d'eux. Le seul argument qu'ils employèrent fut la crainte que le pape ne leur conservât point par un acte authentique leurs privilèges et ils déclarent qu'ils ne l'accepteront pour souverain qu'après qu'il aura formellement déclaré reconnaître leurs droits. Le pape mit en œuvre toute l'astuce de sa politique pour triompher de leur refus. Les Avignonais ne voulurent entendre aucune proposition ; ils ne lui prêtèrent serment de fidélité, en 1357, que lorsque lui-même eut prêté celui de maintenir leurs privilèges. Je crois, Messieurs, que pour tout bomme de bonne foi ce silence de la part des Avignonais, relativement à la prétendue minorité de la reine Jeanne vaut une démonstration et enlève à vos comités toute raison de se servir aujourd'hui de cet argument.
Voici mon troisième moyeu contre la minorité. Ce fut le 13 juin 1348 que Jeanne, vendit Avignon. Il est prouvé par le témoignage de tous les historiens et par les actes originaux déposés à la Chambre des comptes d'Aix que Jeanne de Naples épousa André de Hongrie le 5 mars 1333; il y avait donc 15 ans qu'elle était mariée lorsqu'elle vendit Avignon, donc elle était majeure.
Un membre : Ne confondez pas les fiançailles avec le mariage.
On dit que le 5 mars 1333 Jeanne n'a été que fiancée. Si je démontre que ce jour même la cérémonie du mariage, et non pas seulement des fiançailles, a été faite, pourrai-je enfin espérer détruire complètement cette calomnie ? Eh bien ! l'acte de mariage existe à la Chambre des comptes du parlement d'Aix. Je l'ai opposé à M. de Mooclar, et il en est convenu. (Murmures.)
rapporteur. Le contrat de mariage de sa mère est du 22 janvier 1324.
Je parle devant des adversaires très instruits et l'on ne peut me supposer la maladresse de supposer des faits faux.
L'acte de mariage existe. Ce fut Jérôme de La Garde, archevêque d'Arles, qui donna la bénédiction nuptiale, le 5 mars 1333, et ce fut le même jour que le conseil de tutelle fut établi. Comment croire que la reine n'eût alors que 7 ans, comme on vous l'a soutenu?
rapporteur. J'en conviens, voici le contrat de mariage.
D'après cet aveu, voici comme je raisonne. Il était défendu par toutes les lois de l'Ealise et de l'Etat de donner la bénédiction nuptiale avant l'âge de 12 ans.
C'est ici le moment de lire (Murmures).....
Plusieurs membres à droite. Nonl non!
demandent à parler.
Messieurs, vous me réfuterez. Je sais que les faits que je vous rapporte ne sont guère connus, et qu'on peut sans doute les ignorer; mais c'est l'histoire de mon pays et je l'ai étudiée. Je disais donc que toutes les lois de l'Eglise et de l'Etat défendaient de donner la bénédiction nuptiale avant l'âge de 12 ans. On ne voit nulle part que Jeanne ait obtenu une dispense à cet égard, qu'elle eût été l'objet d'une exception spéciale. (Murmures.) Je certifie que personne ne peut contredire Pépoque de ce mariage-là.
rapporteur. Ce n'est pas de celui-là que je veux vous parler.
Je vais maintenant appuyer mon raisonnement d'une autorité qui ne sera pas suspecte dans cette Assemblée; c'est de Bayle qu'il s'agit. (Murmures à gauche.) Bayle, Nostra-damus, Honoré Bouche, tous les historiens reconnaissent la date de ce mariage comme certaine.
Je me suis fait à moi-même toutes les objections ; je me suis demandé si
Jeanne n'avait pas été mariée avant sa douzième année. Ici, Messieurs,
j'ai trouvé la preuve du contraire, et où l'ai-je trouvée? Dans le
plaidoyer que les ambassadeurs hongrois ont fait en plein consistoire
contre Jeanne de Naples qu'ils accusaient d'avoir assassiné son mari,
André de Hongrie. Ils disent
Je vous demande à présent, Messieurs, si ces manèges-là ne supposent pas qu'elle avait au moins 11 ou 12 ans. Il y a plus, Messieurs, il y a une foule de dispenses qui ont été données; et nous ne trouvons ici aucune dispense d'âge. Cette objection n'a d'autre source que la haine pour la cour de Rome et ne peut plus être opposée a I acquisition d'Avignon. J'ajoute, Messieurs, que uayle, qui sait toutes ces choses en détail mieux que moi, dit que Jeanne mourut en 1382, âgée ae 5b ans; il la suppose donc née en 1324, c est-a-dire qu'elle avait selon loi 9 ans quand elle se maria et 24 ans et quelques mois lors de la vente d'Avigoon; elle entrait donc même d après cet histo. ien dans sa vingt-cinquième annee; elle a donc pu aliéner.
On nous objecte ensuite que Jeanne était liée par deux substitutions dont elle était grevée 1 une faite en 1309 par Charles II, comte de Provence, l'autre en 1343 par le comte Robert son aïeul. Mais ces deux substitutions que nous connaissons parfaitement n'ont aucun point dans cette cause. La première substitution a été limitée, nous en avons l'original; elle n'existait plus en 1348 et s arrêtait à ce même comte Robert. La preuve qu'elle était limitée, c'est qu'on l'a renouvelée en la rappelant dans la seconde substitution comme étant hnie.
La seconde substitution ne défend nullement à la reine Jeanne d'aliéner; au contraire elle le lui permet formellement lorsqu'elle sera majeure-elle I y autorise même durant sa minorité avec le concours du conseil que le comte Charles lui avait nommé par son testament. Ainsi le pape n avait nul intérêt à cacher cette minorité, puisque le testament autorisait Jeanne à vendre même mineure pourvu qu'elle fût assistée de son conseil. Quel obstacle aurait empêché le pape Clément VI de se prévaloir de ce conseil de minorité au'il n a jamais invoqué?
Je me borne à ces moyens de fait et je passe a la discussion de la cause qui offrira des moyens de droit du plus grand poids.
En effet, si nous voulons examiner ici le droit dans toute sa rigueur, savez-vous ce que l'on prouvera jusqu'à l'évidence ? A l'égard des substitutions on ne prouvera pas que la reine Jeanne de JNaples fut liée à ne pas pouvoir aliéner, mais on prouvera évidemment que Charles du Maine a donné par testament à Louis II le comté de Provence qui était donné à la maison de Lorraine. Cette substitution est plus évidente que la lumière du soleil. (Murmures.) Vous ne pouvez donc argumenter des substitutions sur Avignon "ans attaquer vos propres droits sur la Provence.
Voici un raisonnement que je recommande tout spécialement à MM. les jurisconsultes de l Assemblee. Je commence par déclarer que je connais la légitimité des préteutions de la France sur le comté de Provence et que mon intention n est nullement de croire que les Provençaux sont aujourd hui les sujets de la maison de Lorraine je crois qu'ils sont Français. Ce n'est pas par complaisance que je dis cela, c'est parce que je crois quen matière de souveraineté comme en toute autre matière de propriété, la possession couvre tout. (Murmures.) Je dis que la possession est le plus légitime de tous les titres et par conséquent la France est la légitime souveraine de la Provence.
, Mais si, comme je vais vous le prouver, vous n avez pas d'autre titre sur la Provence, — car le droit est contre vous ; il est reconnu évidemment contre vous, et M. de Monclar le reconnaît lui-même — si, dis-je, vous n'avez pas d'autre t argument sur la propriété de la Provence, d'autre titre de souveraineté que la possession, comment pouvez-vous réclamer Avignon que vous n'avez jamais possédé ? Il est bien manifeste que votre droit possessionnel ne s'étend que sur ce que vous avez possédé ; et vous n'avez jamais joui du Comtat ni d Avignon depuis la réunion de la Provence en 1483. Or, Messieurs, le duc du Maine était 1 oncle de Yolande d'Anjou, qui avait épousé e duc de Lorraine. La substitution existait réellement en faveur de cet enfant, de ce mineur qu on dépouilla;et vous savez comment LouisXI se conduisait avec ses voisins, et la terreur au'il leur inspirait.
Le duc de Lorraine se tut tant qne Louis XI vécut, parce qu'il craignait de perdre ses propres Etats en réclamant la succession qui lui appartenait en Provence. Mais du moment que Louis XI fut mort, il revendiqua la Provence comme son héritage et il porta sa réclamation aux états généraux du royaume de France assemblés àTours. Oue lui repondirent les états généraux quand il leur présenta l'acte de substitution ? Ces états généraux si justement célèbres s'attachèrent à é uder constamment la question : ils firent combler de caresses le duc de Lorraine; ils lui offrirent de lui procurer des forces pour conquérir le royaume de Naples qui lui appartenait aussi en vertu d une substitution ; ils lui firent même une pension de 36,000 livres, et je doute que les assemblées nationales donnent de l'argent pour rien; ils lui permirent enfin d'emmener avec lui pour la conquête du royaume de Naples tous les gentilshommes de Provence qui voudraient aller faire la guerre à ses côtés, et les gentilshommes provençaux se rassemblèrent autour du duc de Lorraine comme autour de leur légitime souverain.
Le duc de Lorraine ne réussit pas dans le royaume de Naples et ses malheurs personnels ont fait totalement oublier les droits de sa maison sur la Provence, droits que je reconnais bien légitimement anéantis.
Mais, Messieurs, s'il est vrai que de l'aveu des étals généraux de Tours vous ne pouvez soutenir votre droit de souveraineté sur la Provence autrement que par la possession, puisque vous avez contre vous le titre invincible d'une substitutioa au préjudice de laquelle on n'a pas pu faire un testament, je vous demande comment vous pouvez conteslerla souveraineté du pape sur Avignon et prétendreencore avoir des droits sur cette ville, lors jue vous n'avez à opposer que ce qu'on pourrait vous opposer à vous-mêmes. Vous ne possédez pas lecomté de Provence à titre universel mais à titre singulier.Un testament vous adonné un pays auquel vous n'aviez antérieurement aucun droit; vos droits ne descendent pas des comtes de Provence ; ils n'en sont pas les héritiers, ils n en sont que les légataires.
Que faites-vous à présent? Vous dites — c'est à mes adversaires que je
parle; j'interpelle leur bonne foi — vous dites-il ne nous suffit pas d
avoir acquis cette Provence sur laquelle nous n'avions
Eh bien ! je vous demande, Messieurs, si c'est là une marche vraie et une conduite loyale? Vous qui n'êtes que légataires, avez-vous donc le droit d'aller évoquer les mânes des premiers propriétaires, pour leur faire rendre compte des aliénations qu'ils ont faites 100 ans, $00 ans, avant qu'ils vous aient mis en possession? Les états généraux de Tours vous ont appris, Messieurs, ce que vous devez faire ; ils ont gardé la Provence, mais ils ont laissé leurs voisins tranquilles ; ils n'ont rien demandé au pape, ils l'ont laissé jouir paisiblement de ses Etats.
Mais, vous dit-on, Messieurs, les aliénations faites par les comtes de Provence que nou9 voulons représenter sont contraires aux lois; en entrant dans les droits du premier propriétaire, nous acquérons le droit qu'il avait de les annuler. Pourquoi ne revendiquerions-nous pas les biens aliénés, pourquoi ne reprendrions-nous pas Avignon?
Pourquoi ? Parce que Jeanne de Naples, qui avait vendu la ville d'Avignon, a réclamé 5 fois par 5 édits différents contre les aliénations qu'elle avait faites, prétendant qu'elle avait été lésée, et que jamais elle n'a repris Avignon. Et cependant elle ne craignait pas le pape : celui-ci était à Avignon et elle à Naples. Clément VI était mort et les papes qui lui avaient succédé étaient extrêmement faibles. Tous nos rois dans leurs déclarations ont formellement accepté les aliénations de la nature de celle-ci; il ne vous reste donc aucun droit à réclamer sur Avignon comme aliénation.
On a soulevé une autre objection : on a dit qu'Avignpn et le Gomtat devaient être réunis à la France en vertu du droit de haute propriété. D'abord les mots de haute propriété me paraissent tout nojveaux en diplomatie. Nous n'avons exercé ni la souveraineté, ni la suzeraineté sur Avignon; et, à cet égard, les objections que M. Goupil a présentées hier, sur la foi de M. de Monclar, sont infiniment faciles à résoudre. Il vous a dit que les gradués de l'université d'Avi-guon étaient reçus dans le parlement de Paris; mais cela ne prouve pas que l'université d'Avignon soit française, cela prouve simplement que nos rois ont donné des lettres patentes enregistrées au parlement d'Aix par lesquelles ils ont déclaré qu'ils reconnaîtraient les grades qu'on recevrait à Avignon; c'est une concession particulière des rois de France.
Quant à la présentation des clefs à Louis XIV, lors de son voyage à Avignon, elle n'implique aucune idée de souveraineté. On a fait pour Louis XIV ce qu'on fit en 1701 au duc d'Anjou lorsqu'il passa a Avignon pour aller prendre possession du trône d'Espagne; on lui présenta les clefs : c'est uu hommage de respect; ce n'est point la reconnaissance d'un droit. Est-ce en vertu de pareils droits que vous croyez pouvoir vous emparer d'Avignon? Je vous répondrai qu'il n'y a pas un souverain qui n'ait dans son cabinet des manifestes tout prêts pour envahir des provinces voisines sur ae semblables prétextes. Les réclamations que l'on peut faire en vertu des titres oubliés doivent être infiniment suspectes à des hommes d'Etat. Rien n'est plus facile que les mensonges politiques; et si vous vouliez argumenter de vos anciens titres d'après l'ancien état des choses, rien ne serait assuré dans l'Europe, vous pourriez remonter à la succession entière de Gharlemagne et réunir à la France une partie de l'Allemagne, puisqu'il résidait à Aix-la-Chapelle.
Si vous voulez d'ailleurs vous servir des arguments de M. le rapporteur, si vous voulez vous trouver dans une possession plus heureuse que vous ne l'êtes dans la cause d'Avignon, vous avez à vos portes, Messieurs, une bien plus belle perspective ; vous avez possédé 1 Angleterre; l'un de vos rois en a été couronné roi. (Rires.) Vous apercevez, Messieurs, le grand abus d'argumenter de titres écrits contre des propriétés existantes. Il y aurait ici une parodie excellente à faire du projet de décret ae votre comité diplomatique; il n'y aurait que les noms à changer et nous dirions : Philippe-Augusie a été roi d'Angleterre et comme il n'a pas donné sa démission, il n'y a qu'à prendre l'Angleterre. — Il est vrai qu'il y aurait un inconvénient grave, car, réciproquement, le roi d'Angleterre vous dirait : « Nous avons possédé la Normandie, la Touraine, l'Anjou, l'Aquitaine, j'ai des droits sur ces provinces; Eléonore d'Aquitaine, répudiée par Louis VII a épousé Henri VII, l'uu de mes prédécesseurs, j'ai donc des droits à sa succession. — Et vous n'auriez rien à répondre à cela. (Murmures.)
Ce sont là, Messieurs, les principes qu'on vous a présentés; je prends acte au mépris qu'ils vous inspirent à vous-mêmes pour vous prier de ne point les opposer au pape relativement à la propriété d'Avignon, alors que vous n'auriez pas d'autre titre à opposer que celui de la possession 6i on voulait vous disputer l'intégrité de l'Empire français.
Examinons maintenant les titres de la possession du pape. On nous a dit qu'Avignon n'est entre ces mains qu'un engagement révocable à volonté. Je demande ce que signifie un engagement révocable à volonté quand il s'agit d'une vente. Je n'insisterai pas, Messieurs, sur les édits de Charles VIII en 1489, de Louis XII, en 1503, de François 1er en 1532, de Louis XIII en 1615, de Louis XIV en 1668, qui ont déclaré ne vouloir comprendre dans la révocation des domaines aliénés en Provence que les aliénations qui étaient antérieures à la souveraineté de la France sur la Provence. Mais, puisque Louis XIV a été cité, puisque M. le rapporteur vous a présenté comme de grands exemples les trois prises de possession du Comtat faites par Louis XIV en 1662 et 1688 et par Louis XV en 1768, discutons, si vous le voulez bien, ces trois prises de possession.
Eh bien, Messieurs, je prétends que ce sont les trois titres de souveraineté les plus incontestables que le pape puisse vous présenter et que sa souveraineté est d'autant plus puissamment établie qu'elle a été trois fois attaquée.
Il est bien evident que nos rois ont pris Avignon; non pas pour exercer
nos droits, mais parce qu'ils étaient en querelle avec les papes; ils
l'ont pris par la force des armes, et l'on ne peut pas dire que cela ait
été une conquête; c'était une simple prise de possession. La France ne
réclamait pas Avignon, elle se vengeait. Je
C'est précisément parce qu'Avignon a été trois fois rendu sans nécessité, sans que nous y ayons été forcés autrement que par la seule justice, qu'il est évident qu'on n'a jamais pensé que la France eût des droits certains pour s'en emparer. Il vaudrait mieux qu'il eût été pris dix fois, que de n'avoir jamais été enlevé...
Le rapporteur vous a dit : Si les Avignonais ont le droit de se déclarer libres et indépendants, ils ont celui de se réunir à la France. Je n'examinerai pas en ce moment la grande question des droits des peuples. Je me borne à observer qu'Avignon n'a pas été arraché par la force, qu'il a été vendu comme Dunkerque l'a été en 1684, moyennant 4 millions, par Charles II, roi d'Angleterre; et quoiqu'on ne vende pas les peuples comme des troupeaux, ie crois que le pape est légitime souverain. La ville d'Avignon lui a prêté librement le serment de fidélité, à condition qu'il maintiendrait les privilèges; le pape a été fidèle à sa parole ; il faut qu'Avignon maintienne ses engagements.
Les Comtadins ont prêté le serment de fidélité au pape, il y a 400 ans, et ils l'ont renouvelé au moment où, pour la première fois, la motion de la réunion du Comtat a été faite dans cette assemblée.
Si ces sentiments sont quelque chose sur la terro, le serment des Avignonais doit être respecté; et il ne serait pas digne de la moralité d une grande nation d'étendre ses possessions en autorisant, en consacrant des parjures ; car les Avignonais ne peuvent pas se séparer de la légitime obéissance qu'ils doivent au pape, au pape auquel ils ne payent pas d'impôts, au pape qui n'a pas abusé de son autorité, au pape auquel on ne peut faire aucun reproche, au pape qui n'a jamais publié aucune loi nouvelle, au pape qui n'a jamais attenté à la liberté de ses sujets, au pape qui n'a jamais connu ni vexations, ni lettres de cachet.
A Dieu ne plaise que j'aille jamais adopter le funeste principe que M. le rapporteur a avancé dans cette tribune, quand il a prétendu qu'avant la fédération du mois de juillet dernier, toutes les parties de l'Empire français auraient eu le droit de se dissoudre et de se séparer de la mère patrie; ce principe n'est nullement exact; je renonce, par respect pour cette Assemblée, par respect pour le peuple, devant lequel il ne faut pas même traiter de pareilles questions, aux avantages que j'en pourrais tirer. (Murmures à gauche.)
Un membre : Pourquoi donc cela?
A côté de ce principe dangereux qui donne le droit de choisir tous les jours, toutes les heures même un nouveau souverain, on a mis une autre théorie que je ne ferai que vous indiquer en passant. Il a existé, dans ce siècle, un homme qui a parfaitement exécuté dans sa conduite la théorie de l'usage de la force que M. le rapporteur a développé et dans cette tribune; il avait une grande ambition, une valeur brillante et d'étonnantes ressources, il voulut s'approprier de grandes richesses; la confiance qu'inspiraient son adresse et ses talents lui firent des partisans nombreux; cet homme, Messieurs, avait pour première règle de conduite de ne jamais attaquer ses adversaires quand ils étaient plus forts que lui. Il avait un autre principe, c'est celui que M. le rapporteur a développé; il pensait qu'à égalité de force il était très imprudent d'attaquer, parce que très souvent on succombait. Mais il croyait, il prouvait tous les jours que toutes les fois qu'il trouvait un adversaire plus faible que lui, il pouvait le dépouiller, l'exterminer. Cet homme, Messieurs, qui avait cette théorie de la force, qu'on nous a indiquée comme la juste politique des Etats, cet homme s'appelait Pierre Mandrin. (Rires ;prolongés.)
M. le rapporteur n'a cependant pas tout donné à la force, car il vous a proposé d'accorder une indemnité au pape et d'inviter le roi dans le cas où vous vous empareriez d'Avignon à entrer en négociations avec lui. Ce nouveau principe du droit des gens n'est pas encore admis entre les nations; d'ailleurs nous nous ferions illusion si nous croyions que le pape pût accepter une indemnité : il a solennellement juré de n'aliéner jamais aucun des domaines du Saint-Siège et le chef suprême de l'Eglise ne donnera sûrement pas à 1 univers l'exemple du parjure. Le pape est d'ailleurs un souverain électif ; et un souverain électif n a pas le droit de consentir à l'aliénation d'une partie de la souveraineté dont il est le dépositaire; ce serait saper tous les fondements de la société que de s'emparer ainsi du bien d'autrui.
Mais, en supposant même que le pape acceptât une indemnité, quelle serait la base de son appréciation ? Vous ne voudriez pas sans doute que ce fut l'ancien prix de la vente : ce serait envahir le Comtat de vive force, et, d'après les évaluations faites dans le ix0 siècle, la ville d'Avignon que les papes ont habitée pendant 62 ans, depuis 1315 jusqu'en 1377, a reçu de leur munificence des dons qui en ont centuplé la valeur. La ville d'Avignon est d'un prix impossible à evaluer pour le Saint-Siège; c'est une souveraineté et le tarif des souverainetés u'a pas encore été fixé dans le monde. Ne vous offensez pas de la vérité que vous allez entendre, honorez-vous au contraire de l'hommage que je vais rendre à votre puissance en annonçant qu'aucun trésor, qu'aucune nation ne pourrait indemniser le siège apostolique de la souveraineté d'Avignon. C'est une ville enclavée dans les provinces françaises, et garantie par elles : calculez le prix de la souveraineté d'une ville dont jouit le pape sans avoir besoin d'y entretenir un seul soldat ; par sa seule position géographique elle est à l'abri de toute attaque. C'est l'asile assuré des souverains pontifes ; comment pourraient-ils oublier que, dans le ive siècle, leurs prédécesseurs n'ont trouvé que cet honorable refuge et que la souveraineté d'Avignon est peut-être encore aujourd'hui pour eux le garaut le plus assuré de la souveraineté de Rome.
Les moyens que M. le rapporteur vous présente pour rassurer votre justice sont donc manifestement illusoires.
M. le rapporteur a examiné ensuite si cette réunion pouvait porter
ombrage aux nations et aux princes étrangers ; je n'entrerai pas ici
dans les profondeurs de la politique de l'Europe, les principes qu'on a
développés à cette tribune sur cet objet ont dû suffisamment avertir
votre prudence et votre patriotisme. Tout ce que je; pourrais y ajouter
fournirait peut-être à mes adversaires des opinions qui porteraient
l'apparence d'une menace* et c'est assez pour que je m'impose silence.
Je me contenterai de vous dire : Jugez vous-mêmes, Messieurs, de la
position dans laquelle se trouverait l'Europe, si tes 6 grandes
e, du 3e, 4° et 5e
ordre. Il est bien manifeste que rieu ne pourrait résister à une
semblable coalition ; mais pour le bonheur du genre humain cette
coalition n'est pas faite, et vous ne pouvez pas, Messieurs, porter
atteinte à la souveraineté du plus petit souverain de l'Europe, sans que
les droits de tous les souverains soient compromis.
On vous a dit, et c'est M. Pétion, que la réunion ou la non-réunion du Comtat n'influerait en rien sur la détermination des puissances étrangères. De quel poids, vous a-t-il dit, pourrait être cette réunion dans la balance politique? M. Pétion est à côté du principe; il ne s'agit pas seulement de savoir si en réunissant le Comtat à la France vous augmentez votre puissance, et je pense comme M. Pétion que cette augmentation de pouvoir n'est pas digne d'être présentée à cette auguste Assemblée et que d'ailleurs un pareil motif d'intérêt serait indigne du Corps législatif de la nation française. Mais, Messieurs, ce n'est pas là qu'est la difficulté. Le véritable intérêt que toutes les puissances de l'Europe doivent prendre à cette question est fondé sur le danger qui les menace. Ce dont il s'agit, c'est de savoir si en vertu de vieux parchemins poudreux on peut s'emparer de la souveraineté d'autrui, s'il peut appartenir à une assemblée législative d'être conquérante. Le parlement d'Angleterre s'y est toujours refusé; souvent pour l'y engager on est venu flatter l'orgueil de ses membies. Nous sommes préposés pour faire des lois ont-ils toujours répondu, pour faire parler le peuple, et les peuples ne font pas de conquêtes ; ce sont les rois.
Vous avez préjugé que ce seraient là vos maximes. Par votre décret sur le droit de paix et >ie guerre, qui, en cette matière, accorde l'initiative au roi, vous êtes donc en contradiction avec vous-mêmes, en vous donnant l'initiative d'une invasion; car le mot de guerre n'y fait rien : le roi ne vous a point avertis; la motion de la réunion est partie de cette Assemblée ou du sein d'une ville rebelle; il faut donc rejeter par la question préalable cette motion de M. Bouche, parce qu'elle est inconstitutionnelle, parce que vous avez déclaré que vous ne délibéreriez que sur l'initiative du roi.
On s'est beaucoup agité pour savoir si le Comtat était garanti par des traités avec les puissances étrangères. La plus sûre de toutes les garanties, c'est l'intérêt. Les souverains sont intéressés à ne pas souffrir qu'après avoir peut-être fomenté les troubles de la ville d'Avignon et du Comtat vous obteniez ensuite son acte d'indépendance. Voulez-vous d'autres garanties? Je vous dirai que Charles-Quint, en qualité de premier avoué du Saint-Siège, a juré de maintpnir toutes ses possessions. L'empereur Charles VI a pris le même engagement; Charles VIII, roi de France, a formellement garanti à Clément VI la possession d'Avignon. Lorsque Louis XIV restitua celte ville, on y voulut méconnaître l'autorité du saint-siège, Louis XIV y envoya le premier président du parlement d'Aix qui déclara que le roi y allait envoyer des troupes pour forcer à l'obéissance, si les consuls ne rendaient pas les canons qu'ils avaient à l'hôtel de ville.
On vous a parlé, dans cette tribune, des inquiétudes qu'avaient témoignées l'Angleterre en 1768, lorsque Louis XV s'empara du Comtat. Ce fait est constant : milord Harcourt, ambassadeur d'Angleterre en France, eut plusieurs conférences avec M. de Monclar, et empêcha la publication de l'ouvrage qui a été caché dans un petit nombre de cabinets jusqu'à ce jour. M. de Cnoiseul écrivit à milord Harcourt, une lettre ministérielle, par laquelle il marquait que le projet du roi, qui faisait alors la guerre en Corse, n'était nullement d'envahir Avignon, qu'il prenait Avignon en dépôt seulement, pour le rendre lorsque les différends entre la cour de France et la cour de Rome seraient terminés. Voilà, Messieurs, sons quel rapport l'Angleterre prit connaissance des intérêts du pape; et son intérêt est bien manifesté. L'intérêt de la cour d'Angleterre était de faire commerce exclusif de la morue salée dans l'état ecclésiastique où l'on en fait une grande consommation.
Voici les intérêts politiques de l'Europe; le plus grand pour vous est d'être justes.
On a parlé, clans la discussion, du royaume d'Arles, et on a demandé à M. le rapporteur s'il savait quelles étaient les conditions de l'extinction de ce royaume; il ne s'en est pas souvenu, et il a même paru douter de son existence. Il a cependant existé; comme cet objet est absolument étranger à la question, je ne vous dirai que 3 phrases pour nous rappeler ce que nous devons en savoir.
Ce royaume, Messieurs, n'a été éteint que de nos jours. L'empereur Charles IV avait été couronné roi d'Arles en 1374, lorsque l'empire passa successivement à Sigismond, à Georges, à la maison Palatine ; Louis XI qui était très éveillé sur ce qui pouvait l'intéresser, se souvint que notre roi Charles VI, étant encore dauphin, avait obtenu des lettres de vicaire général d'Arles. Alors voyant qu'Albert d'Autriche voulait s'emparer du trône impérial, il lui écrivit : « Je suis successeur de Charles VI qui était votre grand vicajre, et je gouvernerai comme votre grand vicaire général, sans que vous vous en mêliez désormais. G'est Louis XI, Messieurs, qui a anéanti le royaume d'Arles; ainsi nous n'avons pas besoin de remonter à de3 époques bien éloignées pour savoir ce que le royaume d'Arles est devenu.
Le royaume d Arles étant un démembrement du royaume de Bourgogne fondé par Bozon. Je dirai seulement pour répondre à un argument de M. de Monclar, adopté par M. Goupil, que, quand Louis XIII a accordé des lettres de grâce à Avignon et fait élargir des prisonniers, cet hommage de respect et d'honneur ne prouve rien pour établir une souveraineté ; car Charles-Quint s'est fait couronner roi d'Arles en Provence ; il n'était pourtant pas, à ce que nous prétendons, comte de Provence. Il a fait plus, il a siégé au Parlement de Paris comme empereur, et il n'était pourtant pas roi de France. Il a fait plus encore, Messieurs, il a créé un noble dans le Parlement de Paris. Tous ces faits, toutes ces politesses chevaleresque?...
Il y eut une protestation faite. (Murmures à droite.)
J'ajoute à cette réponse, une réponse générale à tous les faits allégués dans cette tribune par M. Goupil, et je prends M. Goupil lui-même pour juge de ma réponse. Je dis, Messieurs, que tous ces faits, toutes ces politesses chevaleresques qui présentent quelques exceptions plus ou moins embarrassantes à. expliquer ne sont rien dans une pareille question, parce que lorsqu'il s'agit d'une souveraineté, il ne faut pas argumeuter par des subtilités.
Je passe maintenant au grand argument du vœu des Avignonais.
Plusieurs membres : Gela a été discuté.
Messieurs, la question relative aux droits des peuples et au vœu émis par les Avignonais a été traitée d'une manière si lumineuse par M. de Clermont-Tonnerre et par M. Malouet, que je ne peux plus me pèrmettre aucun détail particulier sur les pièces dont vous avez entendu l'analyse. Je me contenterai d'y ajouter un petit nombre de réflexions particulières.
On a voulu traiter à part la question du Gomtat et celle d'Avignon, parce que la ville d'Avignon avait appartenu au pape 150 ans plus tard. Que voulez-vous en conclure? Parce que l'Alsace a appartenu à la France en 1648, et Strasbourg en 1681, croyez-vous pour cela que Strasbourg ait le droit de se déclarer indépendant sans l'Alsace? Quoique l'administration d'Avignon et celle du Comtat ne soient point la même dans un pays où il n'y a ni impôt, ni privilège, il n'en est pas moins vrai qu'il y a unité, identité de gouvernement la plus absolue entre la ville d'Avignon et Je Gomtat. La prétendue distinction que l'on veut établir entre Avignon et le Comtat n'est point fondée.
Les Comtadins réclament les Avignonais comme leurs frères. Vous mettez, leur disent-ils, un contrepoids irop considérable dans la balance politique pour que nous vous permettions de vous détacher de nous. Le serment qui nous lie vous lie aussi; nous sommes cosujets depuis 400 ans; nous reconnaissons le même souverain, nous vivons sous les mêmes lois depuis 400 ans; nous devons par conséquent toujours connaître le même régime de gouvernement et partager le même sort; vous n'avez pas le droit de vous détacher de nous, et si vous vous en détachez, il est de votre devoir de réclamer contre votre parjure, parce qu'un acte synallagmatique ne peut être dissous que par le consentement de toutes les parties contractantes.
Ici, Messieurs, ce n'est pas aux défenseurs du pape que l'Assemblée nationale doit le plus puissant argument que l'un puisse apporter à la liberté du vœu des habitants du Comtat.
M. de La Tour-Maubourg est monté dans cette tribune; M. de La Tour-Maubourg n'est suspectà personne. Il a déclaré, en loyal chevalier, que les pétitions des communes du Comtat n'avaient pas été libres. On sait que la plupart des pétitions ont été dictées par des rebelles armés, et commandées par des assassinats.
Si l'Assemblée nationale pouvait être séduite par des pièces qu'on n'a pas même osé lui communiquer, j'en demanderais l'impression, afin que l'Europe entière pût les apprécier. — Elles portent le style et la forme d'une capitulation souscrite par des communes pour se soustraire aux brigandages ; elles ne renferment aucune plainte d'oppression, mais des plaintes d'être sans lois et sans force publique, abandonnées par un souverain dont on a chassé le représentant.
Je ne conçois pas, Messieurs, d'après cela, que l'illégalité, la violence du vœu prétendu des communes du Comtat puisse être une question pour aucun homme raisonnable.
Mais, Messieurs, oublions tous les serments de fidélité que les Comtadins ont prêtés au pape, de leur propre consentement, dès qu'ils furent instruits de la motion qui tendait à réunir leur pays à la France. Je pourrais observer que sur 95 communes, que l'on a travaillées depuis 2 ans par tous les moyens de la séduction et de la terreur, la moitié seulement a émis son vœu. Il y a dans Avignon une population de 30,000 ames, et le nombre des votants n'est que de 1,400. Quant à Carpentras et à Cavaillon, ils étaient assiégés lorsqu'ils émirent leur vœu; ce qui indique assez le degré de confiance qu'on doit y avoir. Quoique forcées par la violence et les circonstances, plusieurs communes n'ont demandé qu'une simple fédération avec Orange. Je demande si à de pareils traits on reconnaît un vœu librement émis.
C'est sans doute ainsi que l'on livre la bourse sur les grands chemins, mais ce n'est pas ainsi que se manifeste le vœu du peuple, pour solliciter un nouveau gouvernement. Il est évident, Messieurs, que ce n'est pas à la domination du pape, mais à la domination des Avignonais et à la domination des brigands, que les Comtadins veulent se soustraire. Aucune loi politique n'oblige un peuple entierde manifester sa fidélité en se dévouant au martyr; et il n'a plus aucune volonté légale, quand il est dominé par une force majeure. La conquête n'est jamais un droit : c'est le titre de ia force contre la faiblesse. Les Comtadins ont fui à l'approche des déserteurs français que la municipalité d'Avignon tient à sa solde, que le ministre de la guerre n'a pas voulu réclamer ; et par cette prévarication que je vous dénonce, Messieurs, mais à regret, M. Duportail a causé la mort de 2,000 hommes. C'est par la main de ses déserteurs que le sang des Comtadins a coulé ; la municipalité d'Avigoon les tient à sa solde pour les lancer successivement comme des bêtes féroces, sur les communautés du Comtat qu'elle veut asservir.
La réponse que vous auriez faiteà Victor-Amédée, après la conquête de la Provence, s'il vous avait dit qu'elle ne lui appartenait pas seulement par droit de conquête, mais par la volonté des habitants, faites-la aujourd'hui à la municipalité d'Avignon, à cette municipalité si coupable, qui a tenu son premier conseil public entre 4 potences et qui a signé avec le sang de 4 citoyens irréprochables l'acte d'indépendance en vertu duquel elle vient aujourd'hui vous demander sa réunion à la France.
Qu'ont fait les habitants du Comtat? Ce qu'avaient , fait avant eux les Provençaux, lorsque les Pié-moniais passèrent le Var, ils cédèrent au parti du plus fort; et la différence, Messieurs, serait ici tout entière en faveur des Comtadins, si vous vouliez comparer leur situation à celle des Provençaux. Les Avignonais ont une armée, une artillerie; ils se vantent de jouir de la plus haute faveur; ils se vantent d'en jouir dans l'Assemblée nationale elle-même, qui, je l'espère, leur donnera aujourd'hui uu démenti formel. C'est au milieu des massacres et des incendies, c'est à la lueur des flammes que les malheureux habitants du Comtat ont souscrit tous ces actes forcés ou insignifiants par lesquels ils demandent leur réunion au royaume de France et dont ou ose se prévaloir aujourd'hui. C'est au milieu de toutes ces violences qu'Avignon tyrannisé par sa municipalité s'est déclaré le quatre-vingt-quatrième département de France, sous le titre de département de Vaucluse.
C'est cette ville qui fait maintenant des déclarations de guerre, qui écrit aux commuues dans le style d'un sultan, et qui les menace de les punir de toutes les forces qui sont en son pouvoir.
C'est cette ville qui a traîné mes malheureux concitoyens dans cette Assemblée pour y émettre un vœu forcé. Rapprochez, Messieurs, les 59 délibérations des communes du Comtat; rapprochez-en les dates: elles sont toutes ou du mois de juin 1790 ou du mois de janvier 1791; et dans le mois de juin, la liberté du Comtat était menacée par les assassinats solennels qui avaient été commi9 à Avignon, et dans le mois de janvier tous les actes ont suivi à deux, trois ou quatre jours de distance, le massacre de Cavaillon. Telles sont les époques d'où datent les actes qui expriment la volonté du peuple.
J'ai entendu crier sur les ennemis de la Révolution, sur ies aristocrates. Que signifient dans cette cause les mots d'aristocrates, de contre-révolution, de Constitution française dont on a fait tant ae bruit? C'est peut-être le seul pays d'Europe où l'aristocratie n'ait jamais existé ; car, Messieurs, il n'y a pas d'impôt, par conséquent point de privilèges; la noblesse du Comtat n'y jouit u'aucune exception ; elle n'a ni le privilège exclusif de la chasse, ni celui de la pêche; le port des armes y est permis; on n'y connaît pas le droit de franc-fief ; les servitudes féodales y sont absolument ignorées; la province estgou* vernée par les Etats, et ces Etats, composés de 30 membres, comptent 27 députés des communes et 3 évêques du Comtat; les nobles n'y sont point admis de droit; les officiers municipaux sont élus par le peuple. Ainsi, Messieurs, nous avons eu le bonheur d'adopter quatre cents ans avant vous la Constitution que vous venez de décréter. Les nobles n'y obtiennent aucune pension, ni avancement; ils sont forcés de respecter dans leurs semblables la dignité a'homme et celle de la nature humaine, et on appelle cela la cause de l'aristocratie.
Je demande que l'on me fasse connaître un seul privilège établi dans le Comtat pour une place de citoyen, ou que l'on renonce à prononcer à jamais le mot d'aristocratie que l'on a aussi fait circuler dans mon pays et qui y épouvantent d'autant plus les laboureurs qu'ils ne le comprennent pas. (Rires.) C'est donc, Messieurs, se méprendre que d'appliquer au Comtat et les principes et les faits et les abus du gouvernement féodal du royaume de France et les expressions même dans lesquelles on a donné parmi nous tant de valeur.
Mais, Messieurs, si ce pays n'éprouve aucune oppression, je demande à présent, et je le demande à votre justice, de quel droit y distinguerait-on les patriotes et les mauvais citoyens? Pourquoi appelle-t-on mauvais citoyens les hommes qui veulent vivre sous un gouvernement qui fait le bonheur de tout le monde, un gouvernement dont personne ne se plaint, un gouvernement qui n'est pas oppressif, un gouvernement que nous regardons comme un gouvernement tout paternel. Car il faut l'avouer, Messieurs, ce n'est pas la cause du pape que nous plaidons devant vous, c'est la nôtre, c'est la cause de notre pays. Nous savons qu'il est heureux sous cette domination papale (Rires à gauche.) qu'on a tant calomniée. (Rires et murmures à gauche).
Je conclus en sollicitant un décret conforme aux règles de la justice. Il suffira sans doute pour affaiblir la puissance des brigands dans celte malheureuse province où ils ont commis tant de ravages, je demande que l'Assemblée natiouale décrété qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur les demandes des Avignonais et des communes du Comtat, que le'roi sera prié d'envoyer des troupes dans le Comtat. (Murmures à gauche.)
Un moment! Messieurs, relativement à l'envoi des troupes dans le Comtat; je vous supplie de considérer que cette demande n'est pas nouvelle. Vous avez déjà envoyé un régiment d'infanterie et une compagnie de dragons à Avignon. (Murmures à gauche.)
Un membre à gauche : C'est une faute.
Le pape a requis la protection de la France; tous les Avignonnais et les Comtadins ont réclamé cette protection...
Un membre à l'extrême gauche : Cela n'est pas vrai.
Je renonce à l'envoi des troupes; et je vous propose d'y suppléer par deux moyens qui, ie crois, ne peuvent pas être rejetés : le premier cest d'ordonner au ministre de la guerre de revendiquer dans l'instant tous les déserteurs français qui sont dans Avignon. (Murmures).
Et tous les émigrants.
Le pape n'a pas le droit de donner asile à vos déserteurs ; il y a renoncé par le traité de 1734. Je demande qu'indistinctement tous ies déserteurs soient obligés de sortir du Comtat. Je demande ensuite que l'Assemblée nationale, de concert avec le roi, envoie trois com nissaires à Avignon qui seront autorisés, si cela leur parait nécessaire, à requérir la protection et l'intervention des gardes nationales, ou des régiments qui peuvent être employés dans les environs ; et que là, de concert avec le gouverneur, on fasse exécuter le3 lettres patentes d'amnistie, accordées par le pape, et que tout rentre dans l'ordre. (Applaudissements.)
Je demande que la discussion soit fermée, parce que cette discussion est scandaleuse; elle fait tort à la justice et à la moralité de cette Assemblée et il est impossible que l'Assemblée ne soit pas suffisamment éclairée pour rendre un décret sur une question que les notions les plus simples suffisaient pour décider. (Murmures.)
Plusieurs membres : Vous n'avez pas la parole.
Oui, Messieurs, je le répète, cette scandaleuse discussion n'a que trop duré, et il n'y a pas dans cette Assemblée un seul individu qui n'ait reconnu dans le vœu du peuple avignonais tous les caractères de la contrainte et ae l'esclavage. (Murmures.)
Plusieurs membres : C'est faux! c'est faux!
Je demande que 'ma motion de fermer la discussion soit mise aux voix sur-le-champ.
Je demande qu'oQ passe à l'ordre du jour sur cette motion.
Je consulte l'Assemblée sur la demande de fermer la discussion.
(L'Assemblée décrète que la discussion est fermée.)
Monsieur le Président, j'ai réclamé l'ordre du jour; il devait être mis aux voix.
On avait fait deux motions, celle de passer à l'ordre du jour et celle de fermer la discussion. Je n'ai pas mis la première aux voix, parce que j'ai cru que la seconde, une fois décidée, produirait le même effet. Puisqu'on réclame, je vais mettre aux voix la question de priorité sur ces deux motions.
(L'Assemblée, consultée, accorde à une grande majorité la priorité à la motion de fermer la discussion.)
Je consens que la discussion soit fermée, puisque l'on veut interdire la parole à ceux qui l'avaient; mais il serait bien étrange qu'on empêchât un rapporteur de répondre aux objections. (Applaudissements).
Je demande que M. le rapporteur, qui a des pièces nouvelles, soit entendu. (Applaudissements.)
Un grand nombre de membres : Oui ! oui !
Je demande la parole pour combattre cette réclamation contre un décret de l'Assemblée.
On voit assez les motifs qui déterminent à mettre des entraves à votre délibération ; l'intention évidente est d'établir dans le Comtat an foyer de contre-révolution... (Les tribunes applaudissent.)
Je m'étonne qu'on refuse de se conformer à la volonté de l'Assemblée. La discussion a certainement été fermée. On a formé de3 réclamations; on a voulu sans doute que l'Assemblée exprimât sa volonté une seconde fois, pourquoi veut-on empêcher qu'elle l'exprime?
Je suis d'avis, comme M. Prieur, que le rapporteur soit entendu, quoiqu'il soit aussi évident pour moi que pour le préopinant que la discussion est fermée. Je demande seulement en amendement que l'homme que M. Bouche a interpellé hier de répondre sur un fait avancé à la tribune, soit entendu, et cet homme, c'est moi. Comme M. Bouche ne me somme plus aujourd'hui...
Je vous somme.
Je demande donc à répondre à cette interpellation. Je désire d'autant plus être entendu, que j'ai à citer 2 faits qui prouveront que les Français ont eu un tel rapport avec ce qui s'est passé à Avignon, que vous ne recueilleriez que les fruits de ce quils ont fait.
Je vais consulter l'Assemblée.
La question doit être posée en ces termes : fermera-t-on la discussion, sauf à entendre le rapporteur: oui ou non? S'il n'a rien à dire, il (St inutile de l'entendre; s'il a quelque chose de nouveau, il serait injuste de ne pas l'écouter. (Applaudissements.)
J'appuie cette proposition. Si le rapporteur n'a rien de nouveau à nous dire, nous connaissons son rapport. S'il a de nouveaux arguments, je demande à lui répondre.
(L'Assemblée, consultée, décide à l'unanimité que le rapporteur sera entendu.)
rapporteur (1). J'observe d'abord à l'Assemblée que je ne serai ni aussi long ni ausri éloquent que le préopinant. Je vais lâcher de relever quelques inexactitudes de faits. Quant à la minorité de Jeanne, je vous demande la permission de lire, sinon la totalité, au moins l'énoncé de quelques pièces qui servent à prouver évidemment que Jeanne était mineure lorsqu'elle vendit, en 1348, la ville d'Avignon au pape Clément VI. w '
1° Le contrat de mariage de Marie de Valois, mère de la reine Jeanne, a été signé le 22 janvier 1324; une clause de ce contrat rappelle que dans le mois d'octobre précédent Marie de Valois avait été épousée par procuration par 2 délégués de la cour de Naples. Le titre porte : « Contrat de mariage de Charles de Calabre avec Marie de Valois. » Cette pièce est en latin et tirée du trésor des archives du roi, dans son comté de Provence et de Forcalquier.
Plusieurs membres à droite : La date! la date !
rapporteur. 22 janvier 1324. C'est donc en 1323 que Marie de Valois a été épousée. Je prie M. l'abbé Maury de me reprendre si je me trompe.
Je vais lire le contrat.
Un membre à droite : Où est-il imprimé?
rapporteur. Il est imprimé dans le répertoire des recherches des droits du roi sur Avignon. Il est ainsi conçu : « Robertus, rex Jérusalem et Sicilice..... »
La contexture de l'acte ne signifie rien.
rapporteur. Je lirai seulement la clause par laquelle est rappelé le mariage par procuration. (Il lit cette clause.)
2° Lorsque Charles 1er reçut du pape l'investiture du royaume de Naples, il passa un acte avec le pape par lequel il était dit que les rois de Naples ne seraient majeurs qu'à 18 ans et que pendant leur minorité leurs états seraient régis par les papes. Ce fut en conséquence de ce compromis qu'en 1343 le pape donna une bulle par laquelle il défendait à Jeanne de s'immiscer dans le gouvernement du royaume de Naples parce qu'elle n'avait pas encore atteint sa majorité, et déléguait le cardinal Eramerie pour gouverner sous son autorité le royaume de Naples jusqu'à l'époque de cette majorité. Il est donc certain qu'en 1343 Jeanne de Naples n'avait pas 18 ans, qu'elle n'était pas majeure.
Messieurs... (Murmures à gauche.)
Un membre: La discussion n'est pas ouverte, le rapporteur seul doit être entendu.
C'est le rapporteur qui l'interpelle.
Je vais répondre brièvement aux 2 observations du rapporteur relativement au contrat de mariage de la mère de la reine Jeaune en 1324. Il rappelle une promesse de mariage faite au mois d'octobre précédent. Il faut que vous ayez la bonté de vous souvenir des formes diplomatiques de la cour romaine, qui sont les mêmes que celles de Naples. Le même acte était passé plusieurs fois, selon que les dispositions qu'il portait étaient relatives à des pays situés dans diverses coutumes. [Murmures.)- J'ai vu 100 exemples d'actes de cette nature, et je puis citer à l'appui de ce que j'avance, 2 savants très distingués, MM. Bréquigny et l'abbé Garnier. L'original du contrat de mariage de Robert est à Rome, et il en existe plusieurs copies qui varient dans les dates. M. Peirefecq en a fait imprimer deux, dontles dates diffèrent de 14 mois. Je vous demande d'ailleurs s'il est possible de juger de la naissance d'un enfant par un contrat de mariage. (Murmures.)
M. Monclar dit que prouver la date d'un acte par un autre, c'est ne rien prouver légalement. Combien la force de cette règle de critique s'ac-croll-elledans ta position où nous nous trouvons? Je crois, moi, que le mariage s'est fait en 1322 ; je prouverai que le roi Robert n'était à Naples ni en 1323, ni en 1324, puisqu'on voit plusieurs orT donnancesdecetemps rendues par Acciacioli qui gouvernait. Or, nul. autre que le souverain ne fait des ordonnances dans ses Etats quaud il y réside. Je n'ai pas voulu me faire avantage de la majorité fixée à 18 ans dans le royaume de Naples. Parmi ceux qui ont défendu la cause du pape, beaucoup de maladroits... (Murmures.) beaucoup de maladroits ont dit, non pas dans cette Assemblée, que la couronne de Naples émancipait la reine. J'ai bien prévu que l'on me répondrait que les fiefs suivent les coutumes locales. Je n'ai pas voulu me faire un moyen de ce titre de procureur.
Quant à la bulle il est certain qu'elle ne fait aucune preuve, et je vais l'établir. (Murmures.)
Plusieurs membres : Vous ne pouvez être entendu.
Je n'ai qu'un mot à dire sur cette bulle. Le pape argumentant de celte majorité disait à Jeanne : « Vous seriez majeure 6i voua étiez un prince, vous êtes une fille, vous êtes encore mineure. »
Voilà. Messieurs, comment on trouve l'antidote à côté du poison, c'est la bulle même qui établit une distinction entre les mâles et les femelles (Rires), et l'argument qu'on en tire ne prouve rien, car c'est une préteution du pape dans laquelle il succomba, puisque Jeanne gagna son procès, selon l'historien Galéas, et gouverna malgré lui.
rapporteur. M. l'abbé Maury a eu raison de dire que Robert n'était pas à Naples; mais il a eu tort de tirer de cette absence une fin de non-recevoir; car l'acte est daté d'Avignon. (Applaudissements.) De plus il est certain que la bulle du pape ne comprenait pas la Provence. Donc j'ai raison de dire que Jeanne n'était pas majeure.
Quant au testament, M. 1 abbé Maury a raison de dire que le duc de Lorraine réclama après la mort de Louis XI; mais le testament de Charles IV fut confirmé par la Provence même qui se donna et transmit à la France tous les droits dont Louis XI
avait été en possession par ce testament. Or, Louis XI était entré dans tous les droitsdescomtes de Provence sur Avignon.
J'arrive maintenant à la question relative au vœu des Avignonais et des Comtadins. Hier M. l'abbé Maury et plusieurs autres opinants ont dit qu'en 1789 les Avignonais et Comtadins avaient exprimé un vœu très solennel et très formel de rester sous la domination du pape : cela est vrai. Mais j'ai l'honneur d'observer qu'à cette époque les Avignonais et les Comtadins, chez qui il y avait déjà eu quelques mouvements, attendaient le résultat des travaux de l'Assemblée nationale et doutaient si la Constitution, que l'Assemblée nationale a depuis si glorieusement établie, aurait lieu.
M. l'abbé Maury et M. de Clermont-Tonnerre ont dit que les communes n'avaient pas été assemblées d'une manière légale en 1790 : je réponds que cela était impossible; car le changement de gouvernement ne se fait jamais, ce me semble, que par les insurrections. (Murmures à droite.) J'espère que je n'étonue pas par ce mot; car l'Assemblée nationale à elle-même consacré le mot insurrection. J'observe à cet égard que notre Révolution qui date du 14 juillet a été faite par un mouvement spontané du peuple et par une insurrection ; et je demande à M. l'abbé Maury et aux autres opinants si le peuple de Paris, au 14 juillet, avait été convoqué légalement par M. le prévôt de Paris.
Les Avignonais, ayant vu que les travaux de l'Assemblée nationale s'avançaient et que notre Constitution s'achèverait, émirent les premiers le vœu d'adopter la Constitution française et de se réunir à la France. Les Comtadins émirent aussi leur vœu, par uue assemblée formée légalement, d'adopter la Constitution française, en restant cependant sous la domination du pape; et, en conséquence, les Comtadins, après avoir arrangé leur organisation d'après les décrets de l'Assemblée uationale qu'ils avaient suivis dans tous leurs points, prirent le parti d'envoyer deux députés à Rome demander au pape la sanction et l'acceptation de leurs décrets. Le pape ne voulut pas même écouter les Comtadins.
Gela n'est pas. Ils ne sont pas allés à Rome.
rapporteur. Je puis citer M. le nonce lui-même et M. le vice-légat d'Avignon. Ils me fournissent les preuves dont j'ai besoin. (Ap-plaudissements.)
J'ai lu la pièce et je conviens du fait.
rapporteur. Voici le mémoire remis par M. le nonce à M. de Montmorin, lequel M. de Montmorin l'a remis au comité diplomatique.
« Le peuple de Carpentras et de tout le Comtat Venaissi i, agité, troublé
par l'esprit de fanatisme et d'iudépendancequ'excitent et fomentent
encore l'exemple et les menaces des Avignonais révoltés, vient enfin de
déployer l'étendard de la révolte qu'il méditait et préparait depuis
plusieurs mois. Ce téméraire dessein n'échappait pas à la pénétration de
Sa Sainteté. Elle le prévit dès le moment où la ville de Garpentras
demanda, sous de faux prétextes, la convocation extraordinaire des étais
généraux. Lorsque ni les refus réitérés du souverain pontife, qui
offrait de réformer les
« Cette assemblée s'empara bientôt avec audace des droits du souverain ; elle se livra à tous les excès que peuvent inspirer l'insubordination et le plus scandaleux despotisme ; elle envoya deux députés à Rome pour faire approuver, non seulement tous les décrets absurdes qui étaient déjà portés, mais même ceux qui le seraient par la suite. Le secrétaire d'Etat fit ce qu'il devait pour leur interdire tout accès auprès du souverain pontife et pour rendre inutile cette indécente démarche. Aussi ne furent-ils point admis. (Murmures à gauche.)
« Sa Sainteté ne peut s'empêcher d'informer Sa Majesté Très Chrétienne de tous ces faits, mettant sa confiance dans sa justice et persuadée que le dévouement qu'elle conserve pour Sa Sainteté et pour le Saint-Siège, et l'attachement de Sa Sainteté pour son auguste personne ne lui permettent pas d'accorder ou de laisser accorder aucune protection, aucun secours à Avignon ou au Comtat. Ce qui ôtera à ces peuples rebelles toute espérance d'être unisà la France, ou de pouvoir vivre indépendants. »
D'après ce mémoire, Messieurs, il est évident qu'en 1790 tout le Comtat, sans excepter aucune communauté, adopta la Constitution française, et cependant pour rester sous la domination du pape. Ce ne fut qu'après le refus, qui fut fait à Rome, d'admettre ses députés et, par conséquent de sanctionner ou d'accepier les décrets de leur assemblée représentativi*, que plusieurs des communautés du Comtat résolurent, sans y être forcées, de demander la réunion à la France.
Les mouvements dont vous avez été instruits arrivèrent alors. On répandit le bruit qu'Avignon voulait former un quatre-vingt-quatrième département, qu'il voulait en être le chef-lieu et en avoir tous les établissements; que Carpentras n'aurait plus son évêchélet qu'il perdrait tous les avantages dont il jouit depuis longtemps. De là les divisions qui ont produit les malheurs de Cavaillon, de Lille, de Carpentras. Ce n'est qu'après le siège de «cette ville, ce n'est qu'après que les départements voisins eurent rétabli le calme, que furent prises les délibérations de la commune.
Hier, M. de Clermont-Tonnerre, qui s'est occupé plus particulièiement d'examiner les délibérations des communautés, vous a dit que plusieurs de ces délibérations, que j'ai d'ailleurs mises sous vos yeux, n'étaient que des copies collationnées et envoyées par la municipalité d'Avignon, partie adverse des Comtadins. Je réponds à M. de Clermont-Tonnerre qu'un mois après le siège, 25 des communautés signataires de ce vœu se sont réunies au pacte fédératif d'Avignon, et qùe leurs députés sont aujourd'hui dans l'assemblée électorale d'Avignon. (.Applaudissements à gauche.)
Les députés du Comtat en se réunissant ont formellement adhéré au vœu de la réunion à la France.
rapporteur. Voici 3 procès-verbaux de l'assemblée électorale qui devait siéger à Vaucluse et qui se tient mainteoant à Avignon â cause deB troubles du Comtat...
Cette assemblée est illégale. (Murmures.)
Plusieurs membres : A l'ordreI A l'ordre!
Qui l'a établie ?
rapporteur. La même autorité qui a établi l'Assemblée nationale de France.
G'est le roi qui vous a convoqués.
Les députés qui composent l'assemblée électorale d'Avignon ont été librement et légalement élus par le peuple. Je mets au défi les adversaires d'Avignon de prouver que les Carpentras-siens n'ont pas toujours été les agresseurs dans l'affaire même d'Avignon. Ces Avignonais dont on parle tant ne sont coupables qu'aux yeux des ennemis de la liberté. (Applaudissements.) Ainsi, Monsieur le rapporteur, vou-? qui êtes dépositaire des pièces, rétablissez les faits.
De qui sont ces preuves?
rapporteur. Les Carpentrassiens coururent à Cavaillon arracher les armes de France; alors les Avignonais marchèrent contre eux. Cette faction de la ville de Carpentras chassa une partie des habitants.
Je demande la parole.
rapporteur. Ces émigrants demandent des indemnités : 20 lettres qui sont en ce moment sur le bureau sollicitent pour eux votre protection.
C'était contre la teneur des arrêtés de la commune de Cavaillon que les armes de France avaient été arborées. Les habitants de Cavaillon ont chassé ceux que les avaient placées et qui n'étaient que des émissaires d'Avignon.
Il n'en est pas de la révolution d'Avignon comme de la nôtre. Lors de l'insurrection de Paris, il existait une Assemblée nationale qui recevait et exprimait le vœu de la nation. Chez nous la Révolution s'est faite spontanément. Il ne pouvait pas en être de même à Avignon; la révolution s'y est opérée progressivement; il a fallu presque autant d'insurrections qu'il y avait de villes principales, et ce n'est qu'après que toutes ces insurrections particulières furent arrivées à leur période dans chaque ville que la liberté a régné. Je dirai même, bien qu'une portion des habitants de Carpentras s'opposât à l'établissement de la liberté, la majorité des citoyens recevait des coups de canon avec reconnaissance.
On demande un vœu légal I J'atteste ici tous mes collègues. Quand l'Assemblée de la nation s'est constituée Assemblée nationale au milieu des troubles, je le demande au parti contraire, la croyaient-ils légale? N'a-t-il pas continué jusqu'au ridicule à dire qu'elle n'était pas légale. (Murmures à droite.) M. de Clermont-Tonnerre a été obligé d'avouer qu'il avait pris dans les papiers publics ses raisous d'hier. Eh bien, dix papiers public disent chaque jour que l'Assemblée nationale est illégale et rebelle.
On vous propose une chose inconcevable et extraordinaire ; on vous
propose, sans reconnaîtra toutefois vos droits politiques sur Avignon et
Monsieur le Président, rappelez M. de Lameth à l'ordre.
La discussion est fermée, Monsieur le Président.
Laissez-moi achever ma phrase: Je m'exprime clairement; je dis que non seulement vous ne décréterez pas, mais que vous n'écouterez même point la proposition d'envoyer des troupes dans un pays où il y a deux partis. Savez-vous si, en vertu de votre exemple et de votre décret, les puissances de l'Europe ne croiraient pas pouvoir envoyer en France des armées nombreuses, sous prétexte d'y mettre la paix ? (Applaudissements à gauche.)
Je demande la parole.
Je soutiens que le moyeu avancé par M. de Clermont-Tonnerre pour prouver que le vœu du peuple avignonais et comtadin n'est pas libre est absolument sans fondement ; car c'est au moment même où l'insurrection a été faite que ce peuple a véritablement commencé à être libre; leur vœu ne pouvait pas être émis autrement et je suis persuadé, Messieurs, que vous vous empresserez de l'accueillir. Votre propre sûreté l'exige et m'en répond. (Murmures à droite.)
Je demanderai une explication sur un fait que M. de Clermont-Tonnerre a avancé dans l'opinion qu'il a prononcée hier à cette tribune et qu'il a fait imprimer. Voici ee dont il s'agit. Au lieu de trouver dans les pièces du rapport 49 délibérations, M. de Clermont-Tonnerre ôciare n'en avoir trouvé que 44.
Attendez. — Entre mon opinion imprimée et celle que j'ai prononcée, il y a une différence que je n'ai pu faire rectifier. Je n'ai trouvé en effet dans les pièces que 44 délibérations; mais M. le rapporteur à qui j en ai causé m'a montré à PAssemblée même que les 5 délibérations qui manquaient avaient été envoyées à l'assemblée électorale séant à Vaucluse; mon opinion était écrite; j'ai fait en la prononçant le cbangementquecenouveau renseignement nécessitait ; mais pressé de donner mes feuilles à l'impression on ne m'a pas laissé le temps de faire la correction.
Je demande à présenter une autre observation. (Murmures.)
Je prie M. le rapporteur de nous dire si depuis le commencement ae la révolution d'Avignon il y a eu un seul instant où les différentes communautés aient pu s'assembler légalement et émettre librement leur vœu.
rapporteur. On me demande si les communes ont pu émettre librement leur vœu. Je réponds que oui et je le prouve d'abord par le pacte fédératif d'Avignon, ensuite par l'émission a'un vœu de Carpentras, après que les Avignonais se furent retirés de devant cette ville. Voici à cet égard une lettre de l'assemblée de Carpentras du 23 janvier dernier écrite à M. le Président de l'Assemblée nationale. J'en lirai ensuite une autre des habitants et municipalité de Carpentras écrites à toutes les communes du Comtat.
« Monsieur le Président,
« Le 14 janvier sera un jour aussi mémorable pour nous que le 14 juillet le fut pour les Français. Ce jour-là le vœu unanime des habitants de ce pays, gêné jusqu'ici par un concours de circonstances assez connues, s'est enfin manifesté sans aucune réclamation; et une assemblée de tous les citoyens actifs de cette ville notamment a demandé la réunion à l'Empire français. Les lys ont été aussitôt arborés sur nos murs. Nous nous livrions à la joie la plus douce. Nous étions loin de penser que nous aliio >8 être attaqués par des ennemis qui ne respecteraient ni la justice, ni notre faiblesse. Nous étions prêts d'être ensevelis sous nos murs, lorsqu'un détachement des gardes nationales du département de la Drôme est entré dans notre ville et nous a sauvés.
« Nous avons l'honneur de vous envoyer, Monsieur le Président, l'extrait de la délibération qui exprime le vœu des habitants dont l'exemple a été bientôt suivi par toutes les communautés du Comtat. »
« Nous sommes, etc.,
Voici maintenant la lettre du conseil général de Carpentras, aux communes du Comtat, en date du 31 janvier 1791.
« Carpentras, le
« Messieurs,
« Nous avons l'honneur de vous faire parvenir une délibération de l'assemblée générale des citoyens de cette ville, portant émission du vœu de faire partie de la nation française, d'après les grands principes de sa Constitution. Nous vous rappelons que toute association, qui ne serait point autorisée par l'Assemblée nationale, jetterait au doute sur le désir passionné et commua à tous les Comtadins, de faire partie de la nation française.
« Que nos ennemis rougissent des nuages qu'ils ont voulu jeter sur la sincérité de notre vœu : il est trop bien calqué sur la connaissance des grands principes de la société, pour qu'on puisse le suspecter. Parents, amis des Français, propriétaires sur leur sol, pourrions-nous vivre autrement que par eux, que pour eux? Non, Messieurs, nous avons tous suivi l'impulsion de notre vœu. »
Plusieurs membres : Aux voix I aux voix !
rapporteur. Vous serez sans doute étonnés d'apprendre qu'après cela le Comtat et Avignon soient encore dans les horreurs de la guerre civile ; mais ces mouvements funestes, cette haine entre Carpentras et Avignon ont été fomentés par des gens qui ne veulent pas la Révolution. On m'écrit qu'en ce moment des canons de 42 livres de balles sont dirigés contre la ville de Carpentras. Il est certain que toutes les communes du Comtat veulent se réunir à la France; mais les unes veulent faire cette réunion par Avignon, les autres par les départements voisins. L objet véritable des divisions est la crainte qu'Avignon ne réunisse tous les avantages et que Carpentras ne soit dépouillé.
Je conclus, Messieurs, si vous adoptiez encore la mesure provisoire
d'envojer des troupes, ce
Plusieurs membres demandent que la discussion
(L'Assemblge ferine la discussion.)
Je demande la question préalable sure le projet du comité.
Un membre : Les électeurs d'Avignon et du Comtat Venaissin ont consigné l'expression de leur voeu pour se réunir à la France dans une délibération ou adresse présentée à l'Assemblée national; il est essentiel de rappeler le contenu de cette piéce à l'Assemblée et je demande que la lecture en soit faite.
(L'Assemblée décrète cette lecture.)
rapporteur. J'oubliais en effet de vous faire poart d'une délibération prise le 7 avril par l'assemblée électorale d'Avignon et portant le voeu formel d'une réunion. Elle est signée ainsi; Les électenrs de l'Etat d'Avignon et du Comtat Venaissin réunis, formant le departement de Vauciuse. La Voici.
« Battus par la temple, au milieu des foueils, a travers ks orages eufin nous amvous au port Nos premiers regards, Messieurs, se tournent vers mnrhl'a sub'lmeS ^rets nous out irace notre marche dans la route 6pineuse que nous avons paramrue. Notre premier devoir, c'esl de vouspS senler notre bouiu.age. Legislators francos, leJs- iauorl1lU°1Vt'rS {Rires a droi*)> avons adopts los lois; nous avons comb.ttu, nous soiu- mes au moment de combattre encore, pour cons- truire I eaibce que vos mains elevent au bonheur des peuples. .Noire hommuge dull vous iut6res- Ja^rand^ famille des Fraugais, utnguc des despotes uous en avail separes de- puis plusieui s siécles.
Vous avez porté la lumiere dansune inalheu- reuse contiee que son gouvernemc-nt vouait a I iguoranee et a la superstition. Nous souses nancais; nous 1 avons toujours ete. Nous sommes devenus libres comme nos IrSres; nous avons cats (Jle,1"ou, ir plut)t 1ue de d'etre Fracais et libres.
Notre premier elan vers la liberie a de joue les complois tie nus emends. Fiers de noire civisme, nous sommes glorieux d'6ire l'objet de la haine ei ae la rage des couspiraleurs contre la liberie!
«Aujourd liui, Messieurs, nous vous presentons un peuple en tier, uu nouveau departeweni au milieu ue la trance ; et les iois de i e-alite, qui sont votie sublime ouvra-e, vont tleurir sur les debris au desputk-me des pieties ultramomains qui 6tenda t sun sceptre de fer, a la lioate de la raison. (Hires ironiques a droite.)
« Jusqu'ici, Messieurs, vous n'avez vu que des vo3ux isoles de vivre sous vos iois: nous vous onions uu voeu unique et unaniroe;et nous avons luus jure de poursuivre sans reléciie noire reinte- gration a 1 Empire frangais dont nous avons tou- jours fait partie. »
Un de MM. les secretaires fait lecture des diffe- rent projeis de uecrei presentes par les divers opinams *ur la question.
propose le projet de decret suivaul:
« L Assemble nationale, delibfrant sur I'etat de guerre intestine qui divise les peuples d'Avignon y du Lomtat Venaissin, la demande de secours tormee par ces peuples aupr£s de la nation fran- Qaise desirant faire cesser des troubles funesles uont les effets menacent la tranquillity et la sil- rete des departements du territoire francais dans esquels le pays est enclave et connaltre le vceu libre de ses habitants, decrele:
1° Que le roi sera pri6 de nommer, le pins promptement possible, 3 comraissaires charges de se rendre k Avignon et dans le Comtat Venais- sin, avec pleins pouvoirs pour faire cesser toutes sortes de voies de fait et hostilites, requerir, s'il est besoin, les troupes de ligne et gardes rationales des departements voisins, afin de retablir le bon ordre et la paix.
2º Que la question de reunion est aiournee ius- qu apres I emission du vceu expr6s des communes d Avignon et du Gomtat Venaissin, assembles pa siblement et sans armes, sauf à negocier en- suite avec a cour de Rome, s'il y a lieu, ainsi qu it appartiendra. »
II faut delib§rer s§par6ment sur deux questions tres distinctes. La premiere consiste k savoir si vous reunirez le Gomtat ou si vous ajournerez la deliberation. Mais, si vous declanez qu'il n y a pas lieu a delib^rer sur la proposition de la reunion, il resterait une se- conde question a determiner, c'estcelle de savoir quelle inesure vous prendrez pour apaiser les troubles. Dans le premier cas, vous agissez comme souveraius, dans le second, vous n £tes que conciliateurs.
Je demande la priority pour le projet de uecret du comite et je demande h appuyer ma motiou en peu de mots.
II est inutile de discuter ce qui n est pas couteste.
Nous demandons aussi la pourite pour le projet du comite; nous S sommes pas partisans, mais c'est pour le rejeter.
(Quelques minutes s'écoulent au milieu du bruit.)
Non I non ! Messieurs, vous ne me forcerez pas la main. (Murmures).
Un membre d droite ; 0n ne vous la force point
Je ne Prétends pas dissimuler que la positin où se trouve l'Assemblée national J! vert tablemen t critique; et quant a moi 1 rei?eDtla deliberation ac- tuelle ptit etre retardee de plusieurs ann£es; qu Avignon eut pu quelques temps encore con- seryer ia Iranquillile et l etat dans lequel elle se 1UHaIa,nt,q^'les v6ritables, que bsincoutes- id o ls de I* nation frauCaise puissent répondre à leur activité
Est-ce là la question de priorité foncière.
Plusieurs membres à gauche : A l'ordre! à l'ordre!
Mais je crois que nous sommes
Plusieurs membres à droite: Aux voix I aux voix I la priorité.
Je vais dévoiler bientôt le véritable point de la difficulté et montrer où est le véritable piège que l'on vous tend. Je vais dévoiler le droit national, mais aussi la véritable politique, l'indispensable précaution de notre tranquillité intérieure et extérieure. (Applaudissements à gauche.)
La discussion est fermée ; renfermez-vous dans la discussion de priorité.
Je demande que M. de Cazalès laisse parler M. Barnave.
Je demande à l'Assemblée nationale.....
Un grand nombre de membres à qauche : A 1ordreI à l'ordre!
Tous les membres de l'Assemblée ont le droitde demander la parole sur l'ordre de la délibération ; or je demande si le développement du préopinant.....
Un grand nombre de membres à gauche : A 1 ordre I à l'ordre !
Je demande que vous commenciez par vous taire.
Tout le monde consent à ce que l'on mette aux voix la priorité pour le projet du comité.
Tout le côté droit se lève pour appuyer l'opinion de M. de Montlosier et demande à aller aux voix sur la priorité. (Bruit prolongé.)
Je demande que l'on mette aux voix si M. de Cazalès a le droit de troubler l'Assemblée.
Monsieur le Président, vous devez tenir 1 Assemblée en silence et non pas rester ies bras croisés.
Tout le côté gauche se lève. (Bruit prolongé.)
Monsieur le Président, mettez aux voix.
Je demande que M. Barnave soit rappelé à la question de priorité; c'est la seule qui doive être discutée.
La motion de M. de Cazalès se réduit à..... «
Plusieurs membres à gauche : Point de motion de M. de Cazalès.
M. de Cazalès demande à être entendu pour prouver que M. Barnave ne se renferme pas dans la question de priorité.
Il n'a rien dit encore.
Monteur le Président, rappe-lffond ave que ,a di8CUS8i0Q est fermée sur le fond.
J'observe à M. Barnave qu'il doit se renfermer dans l'ordre de priorité.
(1). Je n'abuserai pas de la pa-fP1® pul été accordée pour appuyer ma motion de prfCnté. J'ai déjà déclaré que je pensais qu il eût été à désirer que la réunion d'Avignon à la France n'eut pas été effectuée dans le moment actuel; mats tout vous démontre qu'il faut prendre un parti quelconque; et dans cette Assemblée personne n'a nié jusqu'à présent qu'il stœmpioyer des mesures pour arrêter les désordres.
Le décret pur et simple qui consisterait à dire quil ny a pas heu à délibérer sur le projet du comité, et qui ne le remplacerait par aucune me sure, un tel décret ne peut être voté par aucun ami de la raison et de l'humanité. Il est parfaitement clair qu'on ne nous propose, par là aue de laisser en proie à Ja guerre civile la plus active une portion de citoyens:qui nous est chère Or il importe de ramener à la paix une portion de territoire enclavee dans nos départements, et dont la tranquillité importe à celle de no3 propres possessions. Si donc il est indispensable de prendre uu parti, examinons très impartialement quel est celui que nous indiquent et notre droit, et notre vigilance, et notre politique; car vous conviendrez que c'est à la prudence, à la politique, à decider la question actuelle A» ^*appe^lle rien de ce qui a été'dit pour établir le droit de la France sur la réunion De tout temps il a été reconnu, avoué par ceux qui ont parle et agi au nom de la nation. Si les caprices de nos rois si leurs intérêts changeant sans cesie les ont déterminés tantôt à reprendre à droite )aband0QIler cette Possession (Murmures
Cela est le fond.
Jedêmande que M. Barnave sacrifie le fond à la forme, afin de ne s'occupe? que de la question de priorité. ytjr
Plusieurs membres à droite: La priorité pour le projet du comité.
Dans aucun des actes, la réserve de la propriété n'a été omise; et encore fant il ajouter que lorsque nos rois l'ont ïffiSnnée les Parlements alors gardiens de nos droits n'ont cessé de réclamer. xuus'
Mettre Avignon et le Comtat Venaissin sous la protection de la France, tout en y envoyantes roupes pour en assurer la tranquillité; âjourner la question de réunion soit indéfiniment, soit jusqu après renonciation plus claire du vœu du peuple avignonais et comtadin : tels sont les deux projets qu'on oppose à celui de vos comités Or je dis que dans ces deux résolutions les dangers sont les mêmes. aaa
Plusieurs membres à droite : Aux voix la nté pour l'avis du comité !
Allons donc, Monsieur le Président, aux voix la priorité.
M. Barnave n'a besoin de persuader personne; nous sommes tous de son avis.
Mettez donc aux voix que la discussion soit formée ; c'est M. Barnave lui-même qui en fournit les motifs.
Pourquoi M. Barnave s'acharne-t-il à enfoncer une porte ouverte?
Quand l'Assemblée est instruite, on doit donner des raisons et non des déclamations.
Quand cesseront ces ridicules interruptions? Nous voulons que M. Barnave soit entendu.
Je réclame la parole pour M. Barnave; Monsieur le Président, medonneriez-vous la permission de dire un mot.
La partie droite se lève et demande à grands cris à aller aux voix sur la question de priorité.
Mais, Monsieur le Président, demandez tout simplement que ceux qui veulent que M. Barnave soit entendu se lèvent.
On fait la motion d'accorder la priorité que demande M. Barnave et de l'empêcher ainsi de continuer son opinion. Je vais consulter l'Assemblée. Que ceux qui veulent interrompre l'opinion de M. Barnave se lèvent.
(L'Assemblée décide que M. Barnave continuera à développer son opinion.)
Je disais, Messieurs, que les différents projets qu'on oppose à celui du comité ne renferment que la mesure d'envoyer des troupes pour apaiser les troubles et d'ajourner la question de réunion. Eh bien, ces projets sont plus dangereux que celui du comité. Ils laissent subsister les dangers dans leur entier, les aggravent même et ne nous laissent pas les moyens de défense que nous trouvons au moins dans le plan du comité; ils ne sont dictés que par la crainte et la faiblesse.
On croit que les puissances étrangères, si vous adoptez les mesures provisoires qui vous sont proposées, ne seront nullement effrayées de votre démarche ; mais ne vous y trompez pas, Messieurs, les nations étrangères trouveront bien, dans ces diverses mesures, un prétexte pour couvrir leurs intentions. Elles y trouveront nien, et peut-êter d'une manière plus spécieuse encore, le motif de quelques phrases à placer dans un manifeste. Elles ne manqueront pas de dire que les Français ont pris sous leur protection un peuple qui ne leur appartenait pas ; qu'ils ont favorisé l'insurrection de ce peuple contre son prince; que, sans avoir osé prononcer sur leurs droits, ils ont commencé par s'emparer du Comtat ; et que, sous prétexte d'y rétablir l'ordre et la tranquillité et de leur demander un vœu libre, ils y ont envoyé des troupes. Singulière liberté que celle qui s'exercerait au milieu de vos armées; elles vous accuseront d'injustice et même d'une sorte de perfidie en provoquant des troubles pour en profiter ; c'est ainsi, diront-elles, que, pour faire des conquêtes, ils ont éludé leurs décrets.
Dansle projet du comité, au contraire, la France dit : « Ce pays est à moi; je le reprends »; les puissancesde l'Europe verront,dans lesautres projets, si on les adopte, un nouveau genre de conquêtes menacer leur sûreté.
Je veux bien supposer que dans tous les sys tèmes les causes d'attaque contre la France seront toujours les mêmes et que, si les nations étrangères ont l'intention de s'armer contre nous, elles trouveront le même prétexte, soit que vous preniez Avignon, conformément au projet du comité, soit que vous en prépariez seulement la conquête conformément aux autres projets proposés; mais du moins restera-t-ilque le projet au comité vous fournit une mesure et plus assurée et moins dangereuse : vous aurez agi avec franchise, vous aurez déclaré ouvertement votre droit, vous ne ferez plus qu'un seul tout, vous serez un ; vous n'aurez point au dedans de vous-mêmes, tandis qu'on attaquera vos fontières, un point intérieur ae mal, un charbon politique pour ainsi dire, prêt à embraser et à dévorer tout ce qui l'entoure. (Vifs applaudissements à gauche.)
Vainement dira-t-on, Messieurs, que vous prévenez ce danger, cette source intérieure d'anarchie en envoyant des troupes dans le Comtat ; vainement prétendra-t-on que vous y rétablirez l'ordre. Non, vous ne le rétablirez pas tant qu'il y existera un germe d'intrigues qu'il est impossible d'étouffer. Vous savez déjà, par des expériences multipliées, que, si, par des décisions légales, on ne ramène pas tous les esprits à un avis commun, c'est en vain qu'on emploie la force. Vous avez envoyé dans le Comtat le régiment de Soissonnais pour y rétablir la tranquillité, et il y est devenu lui-même un des premiers instruments du désordre. Loin d'y rétablir le calme, les troupes que vous enverrez dans le Comtat ne serviront qu'à donner un nouvel aliment aux intrigues. Chacun des deux partis s'efforcera de les gagner, et ces secours destinés à assurer la tranquillité du pays ne feront qu'y exciter de nouveaux tr u-bles. Vos troupes s'armeront pour faire délibérer les communautés; celles qui seront placées dans les communautés contraires s'armeront de leur côté pour les faire délibérer en faveur de la réunion. Ce résultat est fondé sur la nature même des choses, sur la situation actuelle de l'armée; et, alors même que ce danger ne serait pas certain, il serait trop grand pour que vous osassiez le tenter.
Et comment défendrez-vous vos fontières ? Avec quel espoir du succès combattrez-vous vos ennemis extérieurs, si vous avez au milieu de vous un principe de guerre civile, si vous avez dans votre sein un ver qui vous ronge, si vous êtes obligés de diviser vos forces pour tenir tête aux troubles intérieurs? Il faut au moins que vous soyez tranquilles chez vous si vous voulez vous porter à l'extérieur avec quelque assurance de succès. Avignon, si on ne le réunit pas à la France, sera toujours le chef-lieu du désordre le plus grand. (Applaudissements.) Déjà les héros antirévolution n aires du camp de Jalês s'y sont réfugiés. Déjà vos ennemis les plus implacables y sèment des principes de haine barbare; déjà on y prêche avec acharnement des principes religieux opposés à vos principes politiques; déjà les factieux com-r mencent à y forger un nouveau moyen de résistance.
Eh bien, lorsque les puissances étrangères connaîtront un décret, qu
elles ne regarderont, n'en doutez pas, que comme l'effet d'une ridicule
terreur excitée par un prince dont la puissance séculière n'a jamais
épouvanté personne, elles n'y verront qu'un mouvement rétrograde.
Reculer ne
Ne prenons donc pas, Messieurs, une fausse marche dans cette affaire; n'éloignons pas de nous l'opinion des habitants de l'Empire ; n'éloignons pas de nous cette considération que les princes étrangers ne verront pas dans notre conduite de la modération, mais de la crainte. Pour résister nous avons besoin de toutes nos forces. Si les princes étrangers nous menacent, si les puissances étrangères préparent contre nous quelque entreprise, eh bien, soyons au moins unis; que pour leur résister toutes les parties de l'Empire s'ebranlent d'un même mouvement. Si nous sommes obligés de sortir au dehors, au moins que toutes les tribus intérieures soient réduites au silence; qu'elles soient forcées de garder au fond de leur cœur leur désespoir et leurs projets funestes; et que, nous ralliant tous sous le même drapeau, nous volions tous au combat. La totalité de nos forces ne formant qu'un seul faisceau nous rendra encore victorieux comme nous 1 avons été jusqu'à ce jour. (Murmures à droite; vifs applaudissements à gauche.)
Un grand nombre de membres à gauche se lèvent et demandent à aller aux voix.
Je demande la parole.
Un grand nombre de membres à gauche : Aux voixl aux voix!
paraît à la tribune.
Un grand nombre de membres ; Non ! non ' aux voix!
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée sur la question de priorité.
Si c'est pour ne pas m'en-tendre que l'Assemblée veut qu'on ferme la discussion, je demande que la parole soit donnée à M. Démeunier.
Un grand nombre de membres à gauche : Aux voix! aux voix!
Un membre : Je m'oppose à ce que la discussion soit fermée sur la question de priorité. Vous venez d entendre l'opinion de M. Barnave en faveur du projet du comité : je soutiens que, avant de fermer la discussion, l'Assemblée doit accorder la parole à un membre qui la demande pour faire accorder la priorité à un autre projet de décret.
(L'Assemblée décrète que la discussion sur la priorité n'est pas fermée et que M. ûémeunier sera entendu.)
En partant des principes de M. Barnave, en convenant avec lui que la prudence et la politique doivent décider aujourd'hui la question qui nous occupe, je ne puis arriver au même résultat et je demande que la priorité soit accordée à la proposition de M. Barrère. Sans doute, vous pouvez craindre que ce petit pays, enclavédans votre territoire, ne recèleune pépinière de mécontents qui incommoderaient les départements voisins, mais, Messieurs, il ne faut pas se dissimuler, d'un autre côté, que vous avez besoin de deux ou trois mois de tranquillité pour achever vos travaux (Murmures.)] que si ces travaux sont achevés, non seulement la France est sauvée, mais la France est à l'abri des attaques étrangères et des sourdes menées qu'on pourrait préparer dans l'intérieur du royaume.
Si, au contraire, nous nous occupions du sort des malheureux Avignonais et Comtadins, il me semble que nous reculerions le terme si désiré de nos travaux, que nous trahirions l'un de nos devoirs les plus sacrés à la vérité pour en remplir un autre non moins sacré, car il faut être imparti il. D'un autre côté il faut convenir que l'humanité nous appelle au secours de ces malheureux habitants. Il s'agit donc d'adopter une mesure qui, donnant aux habitants d'Avignon et du Comtat tous les secours qui dépendent de nous, ne compromette point notre sécurité intérieure, et de nous borner à cet objet pour le moment.
Or, je crois que le projet de M. Barrère atteint ce but, puisqu'il propose à l'Assemblée de donner une déclaration par laquelle elle avertit les citoyens d'Avignon et du Comtat qn'elie ne délibérera sur leur demande en réunion qu'après la cessation de la guerre civile et, pour avancer celle époque si désirée par eux, que le roi serait prié d'envoyer des commissaires pour agir par voie de conciliation.
Il me paraît démontré que, d'après Je vœu des habitants d'Avignon et du Comlat de se réunir à nous et de quitter la cour de Rome, on peut, sans se compromettre, prendre un terme moyen qui puisse pacifier les troubles. Il me paraît démontré également que, lorsque les citoyens du Comtat et d'Avignon auront émis leur vœu dans un moment de tranquillité, ce sera alors que l'Assemblée nationale pourra examiner leurs droits et leurs pétitions. La prudence ordonne cette mesure.
M. Barrère ne demande pas que vous décrétiez qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la pétition, mais que vous ajourniez, en prenant des précautions, jusqu'au moment où les citoyens, as-semblésd'une manière tranquille, pourront émettre leur vœu. Je conclus à ce qu'on donne la priorité au projet de M. Barrère.
Je demande la parole. (Murmures prolongés.)
La partie droite demande à aller aux voix.
Je n'ai que deux mots à dire pour motiver la priorité en faveur de l'avis du comité. (Murmures à droite.)
Un grand nombre de membres à droite : NottJ non! aux voix! aux voix !
Il y a une affectation coupable à écarter de la tribune les défenseurs du comité.
(Quelques minutes se passent au milieu du bruit.)
Je vais consulter l'Assemblée sur la question de savoir si elle veut entendre M. Camus.
(L'Assemblée décrète que M. Camus sera entendu.)
Le projet de décret présenté par M. Barrére ne me paraît pas du tout admissible. D'abord, parce que ses dispositions sont contradictoires les unes avec les autres; en second lieu, parce qu'il ne présente que des mesures provisoires très dangereuses ici ; enlin, parce qu'il n'y a rien de plus utile dans l'état actuel, rien de plus conforme aux principes, rien déplus propre à empêcher que nos travaux ne soient à tout moment interrompus; que de prendre aujourd'hui une détermination définitive. (Applaudissements à gauche.)
M. Barrère demande que la France exerce sur Avignon un droit qu'elle a souvent exercé; donc il faut reprendre Avignon, car ce qui a été fait plusieurs fois par la France, on peut le faire encore aujourd'hui. Il veut ensuite que l'on consulte le vœu des habitants;or si l'on consulte le rœu des Comtadins, on ne reconnaît donc pas le droit de souveraineté de la France; et si on ne reconnaît pas ce droit de souveraineté, on ne peut pas y envoyer des troupes.
Si cest d'après le vœu des habitants, indépendamment de tous les actes antérieurs, de tous les faits qui se sont passés et de la validité ou de la non-validité des titres, que l'on reprend Avignon et le Comtat; alors pourquoi traiter, comme le propose M. Barrère, avec le pape, sur une indemnité qui ne lui est pas due, puisque c': st le vœu des habitants qui seul doit faire la loi ? (Applaudissements à gauche.)
Ensuite j'attaque ce plan en lui-même, comme ne contenant que des mesures provisoires ; et je dis que, dans le moment actuel, les mesures provisoires sont extrêmement dangereuse--. Je ne conçois pas comment on peut encore s'occuper de mesures provisoires, lorsqu'on voit le mauvais effet qu'ont eu celles qui ont été prises depuis un an. Certainement si vous eussiez décidé la question, dès les premiers moments où elle vous a été présentée, la guerre ne serait pas aujourd'hui dans le Comtat, et vous n'auriez pas été obligé de perdre encore quatre jours à discuter une question qui était déjà éclaircie dès la première discussion.
Rappelez-vous ce qui s'est passé dans les différents Etats. Pourquoi la Pologne a-t-elle été divisée? Parce que les puissances étrangères ont pris part à ses discussions; parce qu'elles ont soutenu une partie du peuple contre l'autre. La guerre civile s'est établie, et l'on n'a pas eu la paix dans le pays, parce que la paix ne sera jamais que la suite d'une décision franche et définitive. (Applaudissements.)
Ces réflexions lendent donc à ce que l'on prenne dès ce moment un parti définitif. On dit que cela retarderait vos travaux ; moi, je ne vois pas d'autres moyens de les accélérer; car, quand vous aurezpris ues mesures provisoires, il faudra ensuite vous rendre compte de ce qu'auront produit ces mesures. Vous aurez des difficultés qui se succéderont sans cesse. Je crois que le seul moyen de, nous livrer en liberté à tous nos travaux, c'est de prendre aujourd hui la détermination qui vous est proposée par le comité. (Applaudissements à gauche.)
Un grand nombre de membres : Aux voix ! aux voix!
(1). Je dois aux sentiments
J'ai vu des peuples se déchirant dans le Comtat et dans Avignon, des peuples qui réclament votre protection et vos secours; j'ai pensé que vous ne pourriez sans barbarie les leur refuser.
J'ai vu toutes les horreurs de la guerre civile près de se communiquer à nos départements, limitrophes de ces contrées malheureuses, et j'ai pensé que vous deviez à la nation le soin de sa sûreté et de la paix.
On nous a parlé des puissances étrangères et de leurs desseins politiques, et j'ai cru que vous deviez adopter une forme de décret qui conservât tons les droits, ou du moins qui n'en préjugeât aucun formellement.
On nous parle des droits que la France avait sur Avignon et sur le Comtat; et sans me prononcer j'ai cru que la France pouvait, pour sa sûreté, user des mêmes droits qu'avaient exercés Louis XIV et Louis XV pour des intérêts moins grands, pour quelque vengeance diplomatique.
Vous avez consacré les droits de souveraineté des peuples; vous avez déclaré qu'ils ne sont pas une propriété; et dès lors, avant la réunion, vous vous êtes imposé l'obligation de connaître leur vœu exprès et libre, surtout quand on a fait naître des doutes sur la vérité, l'authenticité, la légalité des délibérations présentées à l'Assemblée nationale.
Dans ces circonstances, qu'ai-je dû faire? J'ai dû ne blesser aucun droit, ne méconnaître aucun principe, exposer les mesures les plus promptes pour s'emparer du pays, et y porter la paix par des commissaires et la force publique, et surtout éteindre l'incendie de la guerre civile menaçant nos foyers.
Mais, quant à la réunion comme partie intégrante de l'empire, des doutes s'élevaient sur le vœu des puples, des besoins de négociation avec la cour de Bome se faisaient sentir aux esprits politiques. Cest d'après ces idées que j'ai proposé le projet de décret qui excite aujourd'hui des discussions si orageuses. J'avais en vue trois grands motifs : le premier, de ne pas engager la France vis-à-vis des autres puissances ; le second, de respecter tous les droits; le troisième, de faire énoncer un vœu libre, un vœu qui fût à l'abri de toute critique.
Mais je viens d'apercevoir, dans les débats qui ont eu lieu, qu'il ne suffisait pas dans les circonstances présentes d'être juste, il faut être à la fois juste et politique.
L'opinion de M. Barnave m'a présenté des dangers imminents dans
l'ajournement de la réunion ; il m'a montré le Comtat comme le foyer de
l'aristocratie ou des ennemis de notre liberté, pouvant se liguer avec
nos ennemis extérieurs ou intérieurs pour troubler l'achèvement de notre
Constitution. Il m'a prouvé que la lenteur et la faiblesse des mesures
pouvaient les rendre douteuses ou inutiles, et que peut-être nos
troupes, placées sur un sol étranger à la France, n'y auraient ni la
force nécessaire, ni la confiance si utile dans ce genre d'opération.
Alors, Messieurs, à la vue de tant de dangers, je me suis dit : La
guerre civile va se communiquer à la France ;
Un membre : Votre motion n'est plus à vous, mais à l'Assemblée.
J'ai cependant contenu ce premier mouvement de mon cœur, il pouvait me tromper. J'ai voulu entendre M. Démeunier qui défendait mon projet de décret, et j'avoue qu'en défendant les motifs qui se présentent naturellement pour appuyer les mesures que j'ai proposées, il ne m'a pas rassuré sur les mesures de politique, sur les moyens fermes et énergiques sans lesquels nos mesures pourraient être sans succès.
M. Camus s'est attaché à une critique injuste de ma rédaction. Il ne me serait pas difficile de lui prouver que mon décret est conservateur de tous les droits et de tous les principes, sans être contradictoire dans ses dispositions. J'ai dit en peu de mots que ce serait violer l'humanité que ae ne pa* secourir un peuple déchiré par la guerre civile et qui vous tendait les bras. On nous menace de complot- formés dans le Comtat contre la liberté française ; on nous parle de dangers ; mais je déclare que je ne suis d'aucun parti, je ne connais aucun complot, je ne me mêle d'aucun secret politique, je suis du parti de ceux qui veulent la Constitution et l'ordre public. Je déclare que je n'ai vu l'affaire d'Avignon que sous des rapports de prudence, de justice et d'humanité.
Cependant, j'avoue que quand j'ai entendu parler M. Barnave, j'ai été convaincu des dangers politiques qu'entraîneraient de3 mesures provisoires. Je vois maintenant cette grande affaire sous des rapports de sûreté intérieure, et peut-être encore sous des rapports fermes, sous lesquels nous laissons à nos ennemis de dangeu-reuses ressources et de grandes espérances. Je persiste donc, Me-sieurs, à retirer ma motion, en me réduisant a demander la réunion pure et simple du Comtat Venaissin et de la ville d'Avi-non à la France. L'idée de la guerre civile pro-uite et propagée par mon projet de décret empoisonnerait ma vie entière.
(Vifs applaudissements à Vextrême gauche et dans les tribunes ; murmures à droite.)
Un membre au centre : Votre projet de décret n'est plus à vous, nous le gardons.
Voix diverses au centre: Elle n'est plus à vous. Nous la gardons.
M. Barrère peut avoir été converti par MM. Camus et Barnave; moi je l'ai été par M. DémeUnier. (Rires.) La motion de M. Barrère appartient à l'Assemblée, et je demande la priorité pour elle.
Je mets aux voix la question de savoir si on accordera la priorité au projet du comité ou si on la lui refusera. Les membres qui voteront contre le projet du comité voteraient ainsi en faveur de la motion de M. Bar rère.
(L'épreuve a lieu.)
L'avis du comité me paraît avoir réuni la majorité; cependant je crois qu'il y a du doute.
Plusieurs membres : Il faut renouveler l'épreuve.
Je vais consulter à nouveau l'Assemblée, et si cette fois il n'y a pas une majorité évidente, je demanderai l'appel nominal. Je recommence l'épreuve.
(La seconde épreuve a lieu.)
Le burea'i n'est pas unanime, mais il est d'avis que la motion de M. Barrère a obtenu la priorité; moi, je pense qu'elle a été accordée à celui du comité. (Murmures prolongés. )
Un grand nombres de membres des différentes parties de la salle protestent contre la déclaration de M. le Président.
Un membre s'élève contre la manière dont M. le Président a prononcé le résultat de la délibération; en annonçant que l'avis du bureau n'est pas unanime et en prononçant, malgré l'avis du bureau, que la priorité est accordée au projet du comité, cest déclarer en somme que le Président seul a le droit de prononcer. (Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : L'appel nominal.
(Un quart d'heure se passe dans une assez grande agitation.)
On réclame contre ma déclaration, je ne connais pas d'autre moyen que l'appel nominal.
Votre vue vous a trompé, Monsieur le Président ; il n'y a point de doute ; la priorité est refusée à l'avis du comité, mettez aux voix la question de savoir s'il y a du doute, et personne ne se lèvera.
Un grand nombres de membres L'appel nominal.
Je vais procéder à l'appel nominal; je pose la question en ces termes: « Donnera-t-on la priorité au projet du comité, oui ou non?
Je crois qu'il est important que l'Assemblée se souvienne qu'elle ne doit pas désemparer sans décider la question: en conséquence, au lieu d'aller à l'appel nominal sur une question de priorité, je demande que la délibération porte sur le fond de la question en proposant l'alternative entre l'avis du comité et celui de M. Barrère.
(L'Assemblée décrète à l'unanimité que l'appel nominal aura lieu sur le fond de la question.)
L'appel nominal doit porter sur cette question-ci : « Réunira-t-on dès à présent la ville d'Avignou et le Comtat Venaissin au royaume de Frauce, oui ou non? » (Murmures et bruits.)
Je propose cette nouvelle manière de poser la question : « Statuera-t-on
Plusieurs membres : Non! non 1 ce n'est pas cela.
Je soutiens qu'on ne peut aller aux voix sur cette question; il faudrait d^abord vider les amendements. (Bruit prolongé.) Si vous ne commencez pas par vider tous les amendements, il m'est impossible de donner ma voix.
(de Nemours). Le moyen le plus simple et le plus prudent pour sortir de cet embarras est celui qu'a proposé M. de Tracy. Toutefois je propose de substituer aux mots dès à présent, qu'il a employés, les mots : quant à présent, et d aller aux voix sur la question ainsi posée : « Réunira-t-on quant à présent la ville d'Avi-non et le Comtat Venaissin au royaume de rance? » De cette façon, les droits de la France sont réservés.
combat la motion de M. Dupont (de Nemours).
appuie cette même motion.
Cette manière de poser la question est inadmissible. Vous n'avez rien à réunir, mais vous avez à déclarer un fait que vous croyez vrai : « Avignon et le Comtat sont-ils partie intégrante de l'Empire français? » En conséquence je crois qu'il faut poser ainsi la question : « Admettra-t-on en entier oui ou non le projet du Comité? » Je le crois parce que ce projet contient l'énonciation du fait. (Murmures et applaudissements.)
Le préopinant parle comme si la priorité avait été accordée au comité.
Elle lui a été accordée.
Voix diverses : Cela n'est pas vrai. — Cela est vrai.
Je demandela priorité pour la motion de M. Barrère.
Avant de délibérer sur la réunion, il faut que vous décidiez si Avignon et le Comtat font ou non partie de l'Empire français.
M. le Président. L'Assemblée a écarté tout à 1 heure toute difficulté sur la question de priorité et a décrété qu'on ferait l'appel nominal sur le premier article du comité. (Murmures et bruit.)
Plusieurs membres : Non I non I à demain ' à demain I
Un membre : La séance est beaucoup trop avancée il vaudrait mieux renvoyer la délibération a demain.
(L'Assemblée consultée décrète le renvoi à demain.)
lève la séance à neuf heures et demie du soir.
présidence de m. rewbell.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Messieurs, la loi constitutionnelle sur l'institution de la haute cour nationale contient des dispositions qui, décrétées à deux epoques différentes, les 31 mars et 8 février dernier, sans qu'on se soit donné la peine de rapprocher les premières des secondes, sont deve nues impraticables par l'opposition de principes qui se trouve entre les unes et les autres. Cependant ce décret est à la sanction et il est impossible que la nation puisse recevoir une loi que l'inattention des législateurs a rendue contradictoire et inexécutable.
Je demande donc que ce décret soit renvoyé au comité de Constitution pour nous être incessamment représenté. (Ce renvoi est décrété.)
Messieurs, les avocats et procureurs aux anciens tribunaux de Paris ont été assujettis par vous à l'obligation d'opter pour exercer près du tribunal de cassation et dans les tribunaux dedistrict; et, d'un autre côté, l'article5 de votre décret du 14 avril laisse aux ci-devant avocats au conseil la faculté d'opter. Ces dispositions sont inconciliables; elles n'ont jamais été dans l'intention de l'Assemblée.
Je demande que l'Assemblée renvoie au comité de Constitution la partie de l'article 5 du décret du 14 avril concernant la faculté laissée aux avocats au conseil d'opter pour exercer au tribunal de cassation et dans les tribunaux de district, et de plus, que M. le Président soit chargé de laire part de cette disposition au ministre de la. justice, afin qu'il s'abstienne de présenter le décret du 14 avril à la sanction du roi, jusqu'à ce que l'Assemblée, sur le rapport du comité de Constitution, ait statué si, oui ou non, les ci-ievant avocats au conseil resteront dispensés de la nécessité d'opter, obligation imposée à tous les hommes de loi. (Cette motion est décrétée.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture : 1° D'une lettre de M. Laborie, qui se plaint d avoir été injustement destitué de son emploi par M. de Castries,alors ministrede la marine; il présente à ce sujet un mémoire (2) à l'Assemblée et la prie de vouloir bien charger un de ses comités du rapport de cette affaire.
(L'Assemblée décrète le renvoi de ces pièces au comité militaire.)
2° D'une lettre de M. de Lessart, ministrede t intérieur, qui fait part à
l'Assemblée des mesures qu'il a prises, en conformité de ses désirs et
en exécution des décrets, pour acquitter avec exactitude, aux époques
déterminées, les traitements des fonctionnaires publics ecclésiastiques
et qui présente quelques considérations importantes sur les dépenses des
corps administratifs et les tribunaux de district. Cette lettre est
ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président,
« L'Assemblée nationale a déterminé, par ses différents décrets, la fixation de toutes les dépenses qu'elle a jugées nécessaires pour la dignité, la décence et les fonctions du culte. Elle a de même réglé les traitements à procurer aux ecclésiastiques qui faisaient partie de l'ancienne composition du clergé, sous des distinctions et des titres réformés par la nouvelle Constitution.
« Enfin, l'intention de l'Assemblée a été que les traitements des fonctionnaires du culte, comme les traitements de réforme, fussent payés chaque trimestre et par avance avec une égale exactitude, et elle a mis l'acquittement de l'une et l'autre dépense au rang des engagements les plus solennels contractés par la nation.
« Je n'ai rien négligé pour l'exécution des lois qui renferment toutes ces dispositions. Le premier pas, pour ce nouvel ordre de choses, devait nécessairement rencontrer beaucoup de difficultés; mais qugique le second trimestre ne soit encore que commencé, je me suis vu à portée d'annoncer au roi que cette partie d'administration était aujourd'hui en pleine activité, que les payements du trimestre d'avril s'opéraient partout dans ce moment et qu'enfin ceux du trimestre de juillet s'effectueraient tous dans les premiers jours du trimestre, au moyen des fonds que le Trésor public ferait parvenir dans le cours du mois de juin aux différents départements.
« Sa Majesté, satisfaite d'un état de choses aussi conforme aux iutentions et aux désirs de l'Assemblée nationale, m'a ordonné de lui faire connaître, et je m'empresse, en exécutant les ordres de Sa Majesté, d'offrir à l'Assemblée nationale cette nouvelle preuve de mon zèle et de mes efforts pour tout ce qui peut concourir au succès des dispositions qu'elle a si sagement décrétées et à l'affermissement de la Constitution.
« Je puis donc, Monsieur le Président, assurer l'Assemblée que tous les fonds demandés par les directoires de département, pour compléter les traitements de 1790, et pour satisfaire à l'acquittement de ceux du trimestre de janvier 1791, leur ont été accordés. Les divers états de distribution dont j'ai successivement donné connaissance au comité ecclésiastique s'élèvent dans ce moment à la somme de 50,517,500 livres.
Il pourrait se faire cependant que tous les traitements de 1790 et les payements à faire pour le premier trimestre de 1791, ne fussent pas encore tous acquittés; mais les fonds en sont faits; ainsi les payements ne peuvent être suspendus que par les vérifications préalables que quelques liquidations exigent de la part des départements. Ces liquidations sont soumises à des formalités prescrites par les décrets et dont les directoires ne peuvent et ne doivent point s'écarter. Quelques-unes ont présenté des difficultés; enfin ces liquidations, plus nombreuses dans certains arrondissements, n'ont éprouvé d'autres retards que ceux que la mesure du temps apporte nécessairement à des opérations isolées, qui exigent toutes un examen t une discussion particulière.
« Les décrets antérieurs laissaient encore quelques points à régler sur la manière de pourvoir au payement des créanciers des maisons et autres établissements religieux; mais par son décret du 8 avril, l'Assemblée nationale a déterminé les formes de la liquidation de cescréancès, etcomme les articles 14 et 16 du titre 1er, et l'article 6 du titre II autorisent les directoires de département à faire acquitter les intérêts reconnus des créances exigibles, ainsi que la moitié de ces créances, et les arrérages de rentes échus pour 1790 et pour 1791, je ferai les dispositions les plus actives, à fur et à mesure que les directoires m'adresseront, en exécution de l'article 7, leurs états de quinzaine des créances ou des rentes perpétuelles ou viagères à acquitter, pour leur procurer sans délai tous les tonds nécessaires.
« Quant au trimestre d'avril 1791, je m'étais occupé à l'avance de réunir toutes les notions qui pourraient conduire à une évaluation très approximative des besoins de chaque département et, dès le 2 avril, il a été fait une première distribution entre les différents départements du royaume, d'une somme de 30,270,000 livres. Une secondedistribution supplémentaire qui vient d'être arrêtée a porté les fonds déjà faits pour ce trimestre à 31,744,600 livres.
« Enfin, je suis dans la ferme confiance que, en faisant dès les premiers jours de juin les dispositions convenables pour que les fonds du trimestre de juillet puissent être expédiés sur-le-champ aux départements les plus éloignés, le service de la dépense du culte sera complètement organisé, sauf à en perfectionner la comptabilité.
« Avant de terminer cette lettre, je crois devoir fixer l'attention de l'Assemblée nationale sur deux autres natures de dépenses à l'égard desquelles il est indispensable qu'elle veuille?bien aussi prendre le plus promptement possible les mesures que lui suggérera sa sagesse. Je veux parler de la dépense des tribunaux et de celle des corps administratifs pour les premiers trimestres de la présente année. J'ai fait provisoirement les dispositions nécessaires pour que les départements lussent à portée de faire acquitter tout ce qu'ils pourraient devoir pour l'un et l'autre objet, jusques et y compris le dernier décembre 1790.
« Les frais d'administration et des tribunaux sont du nombre des dépenses mises à la charge des départements et des districts; mais les directoires n'ont encore aucuns fonds pour subvenir à leurs charges de 1791.
« L'Assemblée nationale jugera sans doute instant de renvoyer à l'examen de son comité des finances le mémoire d'observations que j'ai l'honneur de joindre à ma lettre, et par lequel j'indi* que, comme le moyen le plus expéditif et Je plus facile peut-être," une avance à faire par le Trésor public aux administrations de département pour les deux premiers trimestres de 1791 seulement, d'une somme équivalente aux fonds qu'exige l'acquittement des dépenses diverses, relatives aux tribunaux et aux corps administratifs. Les administrations seraient chargées de remplacer ces sommes au Trésor public, à une époque fixe et déterminée, et elles y pourvoiraient au moyen du produit des sous pour livre additionnels à répartir au marc la livre des contributions de 1791.
« L'Assemblée nationale considérera sans doute cet objet important comme
véritablement digne d'une attention particulière, et mes vœux seront
pleinement satisfaits si les calculs et autres développements qui
accompagnent le mémoire que j'ai l'honneur de lui soumettre peuvent
contribuer
« Je suis, etc...
« Signt: de Lessart. »
Le desir le plus vif de 1'Assem- blee a toujours ete que les
e-clesiastiques fonc- tionnaires publics et autres fussent payes exac-
tement de leurs traitements et pensions- le comite fcccléiastique s'est
occupe trfcs serieuse- ment decetobjet important. La lettre du ministre
annonce qu il a ete pris k ce sujet des mesures Ires justes et
etficares; il est important que le public en soit instruit, alin de
tarir la source deces inculpations calomnieu.-es que les ennemis de la
Constitution ne cessent de publier, aliu de dissiper les inquietudes des
ecclesiastiques- il quon ?a?he Partout q"e,si quelques ecclesiastiques
ont eprouve des retards dans leur payement, ces retards ne sont provenus
que de la nature meme deschoseset du temps qu'il a fallu pour regler les
traitements qui devaient 6tre fixes d apres les revenus ecclesiastiques
dont jouis- saient les titulaires an 1er
janvier 1790.
Je demanae, en consequence, que la letlre du minis tre de J'interieur dont il vieni de vous 6tre tait lecture soitimprimee et renvoyee aux comites de Constitution, des finances et ecclesiastique, cnacun pour ce qui le concerne.
(Cette motion estdGcreiee.)
(de Saint-Jean-d'Angily). Les d^penses des bureaux des directoires de depar- nJiiaa % de district ne sont pa~ fixees, non plusque relies des tnbunaux; cependant ces d^penses se determinent au hasard; il est temps d'^tablir hL ^P°'nl-de8.r^Ies i,iva>i;ibles avec le secours des etats qui ont dft 6tre adresses a l'Assemblee Pn rnJf .d,Viers dePartements ; en consequence je propose le projet de decret suivant:
« L Assemblee nationale decide que son comite 5aeLhAanCeS,,Ul era- dans le Plus court delat e rapport sur les frais d'administration et de bureaux des départements et des districts, et sur ceux des tribunaux de district, d'aprés les états qui ont dû être envoyés par les directoires de département.
(Ce decret est adopts.)
au nom des comitis des finances dimposition. Messieurs, vous avez renvove dimanche à vos comités des finances et d'impsition la partie du projet de décret rendu dans la séance de samedi, relative à la rectification de l'époque depuis laquelle l'adjudicataire du bail général des fermes et ses caustions doivent compter de clerc à maître de leurs reettes et dépenses.
C'est par suite d'une erreur qu'il a été décrété samedi que le bail du
sieur Calandrin étatitrésilié àdater du 1er
janvier 1791; c'est bien en effet à dater du 1er juillet 1789 qu'a lieu
cette résiliation, ainsi qu'il est facile de s'en souvenir.
Vos comités vous proposent donc, Messieurs, d'ordonner que ces mots :
1er juillet 1789, seront substitués à
ceux-ci : 1er janvier 1791, dans le décret
dont il s'agit et dans toutes les piéces y relatives.
(Cette rectification est décrétée.)
Secrétaire, donne lecture du procés-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
au nom du comité de liquidation, annonce que les travaux de la direction deliaui- daiion sont en pleine activity il rend comnte de 1 organisation des bureaux du directeur general du progr^s de ses operations, des obstacles nui les arretent et des considerations purticulieres qm doivent determiner son traitement et celui de ses commis, et propose le projet de decret suivant:
« l'Assemblee nationale, oui le rapport de son comite central de liquidation, d6cr6te ce qui suit:
Art. 1er.
Il sera pay£ par le Tréor public la somme f 'ivres rour les appointements des em- ployes dans les bureaux de la direction generate ae la liquidation pendant le mois de mars 1791: et la somme de 6,2501ivres pour le traitement du commissaire du roi, directeur g£n6ral de la li- quidatiorypendant les moisde janvier, fevrier et mars de la presente annee.
Art. 2.
« A compter du 1er avril dernier, la denense
des bureaux de la direction gensra'e de liquida- tion est fixee a la
somme de 41,6661. 13 s 4d par mois, sur laquelle somme celle de 2,083 I
b s. 8 d. appartiendra au directeur general de la liquidation pour son
traitement; celle de 2 500 ii- vres sera prelevee pour les frais de
bureau, et le surplus sera distribue entre les differents employes dans
les bureuux de la liquidation, suivant la repartition qui en sera faite
par le di- rector general de la liquidation; a la charge quil ne
pourraetre paye a aucun deadits em- ployes au dela de la somme de 500
livres par mois, et i la charge aussi par ledit directeur general de la
liquidation de faire imprimer k la tin de I annee 1 etat de la depense
de ses bureaux mois par mois.
Art. 3.
« Le loyer des emplacements destines aux bu- reaux de la liquidation pourraStre porte iusau'k la somme de 17,000 livres pour le courant de la presente annee. »
Nous ne sommes point prepares pour ce projet; j'eridemande I'ajournement a demain.
attaque le projet du comity.
Plusieurs membres : L'ajournement !
On se plaint detoutes paitsde la lenteur des operations de la liquidation, quoiqu'il y ait a Paris un grand nom- bre de personnes envoy£es pour presser ce travail.
Plusieurs membres : La question pr£alable sur rajournement!
Jemetsaux voix la question prealable de mandee sur Tajournement.
(Deux epreuves successives sont declarees douteuses.)
rapporteur, fournit quelques ex- plications sur le projet de decret du comite.
(La discussion est fermee.)
Je consulte a nouveau l'Assemblee sur la demande de question preamble opposee à l'ajournement.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement et adopte le décret du comité.)
au nom du comité ecclésiastique, propose un projet de décret relatif à la circonscription des paroisses de la ville de Dijon. Ce projet de décret est ainsi conçu : L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
.« Les 7 paroisses de la ville et faubourgs de Dijon, avec tout leur territoire, sont et demeurent réduites à 4.
Art. 2.
« Les paroisses conservées sont : « 1° La paroisse cathédrale, qui sera établie dans l'église de Saint-Etienne;
* 2° La seconde paroisse sera établie dans l'église de Saint-Bénigne;
« 3° La troisième paroisse sera établie dans 1 église de Saint-Michel.
« 4° La quatrième paroisse sera établie dans léglise de Notre-Dame.
Art. 3.
« Il sera conservé deux oratoires pour le soulagement des paroissiens desdites paroisses : l'un dans l'église de Saint-Nicolas; le second dans la chapelle des ci-devant religieuses bernardinei, lesquelles seront desservies par les vicaires de l'évêque.
Art. 4.
« Le territoire de chacune desdites paroisses sera circonscrit et terminé conformément au procès-verbal du directoire du département de la Côte-d'Or, et le plan qui y est annexé. » (Ce décret est adopté.)
président, quitte le fauteuil.
ex-président, le remplace.
au nom du comité central de liquidation. Messieurs, je suis chargé de vous présenter deux projets de décret et deux articles additionnels à l'un de vos précédents décrets.
Le premier projet de décret est relatif à la liquidation des receveurs particuliers des finances et des receveurs des décimes; le voici :
« L'Assemblée nationale, voulant prévenir toute difficulté sur le sens et l'exécution de son décret du 17 février damier, relatif aux receveurs des finances et impositions, et fixer en même temps les bases de liquidation de plusieurs offices de même nature, qui ne se trouvent pas nominativement compris dans içs dispositions de ses décrets précédents, décrète :
« Art 1er. Les receveurs particuliers des
finances et impositions en titre d'office, qui ont rendu compte aux
receveurs géDéraux dans la forme prescrite par leur édit de création de
l'année 1782, cesseront d'être réputés comptables. En conséquence, ils
seront liquidés définitivement dans l'ordre de leur enregistrement; et
ils pourront, en attendant, obtenir des reconnaissances provisoires pour
moitié de leurs finances et cautionnements, en rapportant le compte
final de leur dernier exercice, arrêté quitte par le receveur général du
même exercice, et visé par l'ordonnateur du Trésor public.
« Art 2. Ceux desdits receveurs qui réunissent les deux offices dans la même élection pourront faire liquider séparément la finance de l'office créé pour l'un des deux exercices, en rapportant le compte final arrêté comme ci-dessus, pour la dernière année de l'exercice dont ils voudront être déchargés, sans qu'ils soient tenus d'attendre la fin de l'autre exercice.
« Art 3. A l'égard de ceux desdits officiers qui, créés pour les exercices pairs, sont chargés, par les précédents décrets, de continuer celui de 1790, l'article 12 du décret du 7 novembre dernier sera exécuté. En conséquence ils ne pourront obtenir de reconnaissance provisoire, ni l'employer en acquisition de domaines nationaux, que pour moitié, à la charge que l'autre moitié du prix sera payée comptant, et que la totalité des immeubles acquis restera spécialement affectée à la sûreté de leur manutention, jusqu'après l'apurement de leur compte.
¦ Art. 4. Quant aux divers receveurs des impositions, receveurs des décimes et droits accessoires, dans les pays où ils existaient en titre d'office, et tous autres percepteurs publics qui ne comptaient pas aux receveurs généraux des finances, ils ne pourront être liquidés définitivement qu'en rapportant la quittance ou décharge légale de leur exercice dans les formes établies pour leur comptabilité respective.
« Art 5. Et néanmoins ceux desdits officiers qui, avant d'avoir présenté leurs états au vrai, voudront acquérir des domaines nationaux, pourront, aux termes de l'article 12 du décret du 7 novembre dernier, obtenir une reconnaissance provisoire en remplissant toutes les conditions prescrites par ledit article 12 du décret susdaté. t « Art. 6. Lesdits receveurs des décimes en titre d'office, les receveurs des fouages et tous autres officiers de finances comptables, non dispensés de l'évaluation prescrite par l'édit de 1771, seront, aux termes de l'article 1er du décret du 14 novembre 1790, liquidés comme les receveurs généraux et particuliers des finances, suivant les règles établies pour les offices de judicature. »
Un membre propose par amendement d'ajouter à la fin de l'article 5 ces mots : « et suivant les dispositions de Varticle 3 du présent décret. »
(Cet amendement est adopté.)
rapporteur. Le projet de décret serait donc ainsi conçu :
L'Assemblée nationale, voulant prévenir toute difficulté sur le sens et l'exécution de son décret du 17 février dernier, relatif aux receveurs des finances et impositions, et fixer en même temps les bases de liquidation de plusieurs offices de même nature, qui ne se trouvent pas nominativement compris dans les dispositions de ses décrets précédents, décrète :
Art. 1er.
« Les receveurs particuliers des finances et impositionsen titre d office, qui ont rendu compte aux receveurs généraux dans la forme prescrite par leur édit de création de l'année 1782, cesseront d'être réputés comptables. En conséquence, ils seront liquidés définitivement dans l'ordre de leur enregistrement ; et ils pourront, en attendant, obtenir des reconnaissances provisoires pour moitié de leurs finances ou cautionnements, en rapportant le compte final de leur dernier exercice, arrêté quitte par le receveur général du même exercice, et visé par l'ordonnateur du Trésor public.
Art. 2.
« Ceux desdits receveurs qui réunissent les deux offices dans la même électioo, pourront faire liquider séparément la finance de l'office créé pour l'un des deux exercices, en rapportant le compte final arrêté comme ci-dessus, pour la dernière année de l'exercice dont ils voudront être déchargés, sans qu'ils soient tenus d'attendre la fin de l'autre exercice.
Art. 3.
« A l'égard de ceux desdits officiers qui, créés pour les exercices pairs, sont chargés, par les précédents décrets, de continuer celui de 1790, l'article 12 du décret du 7 novembre dernier sera exécuté. En conséquence, ils ne pourront obtenir de reconnaissance provisoire, ni l'employer en acquisition de domaines nationaux, que pour moitié, à la charge que l'autre moitié du prix sera payée comptant, et que la totalité des immeubles acquis restera spécialement affectée à la sûreté de leur manutention jusqu'après l'apurement de leur compte.
Art. 4.
« Quant aux divers receveurs des impositions, receveurs des décimes et droits accessoires, dans les pays où ils existaient en titre d'office, et tous autres percepteurs publics qui ne comptaient pas aux receveurs généraux des finances, ils ne pourront être liquidés définitivement qu'en rapportant la quittance ou décharge légale de leur exercice dans les formes établies par leur comptabilité respective.
Art. 5.
« Et néanmoins ceux desdits officiers qui, avant d'avoir présenté leurs états au vrai, voudront acquérir des domaines nationaux, pourront, aux termes de l'article 12 du décret du 7 novembre dernier, obtenir une reconnaissance provisoire en remplissant toutes les conditions prescrites par ledit article 12 du décret susdaté, et suivant les dispositions de l'article 3 du présent décret.
Art. 6.
« Lesdits receveurs des décimes en titre d'office, les receveurs des fouages.et tous autres officiers de finance comptables, non dispensés de l'évaluation prescrite par l'édit de 1771, seront, aux termes de l'article premier du décret du 14 novembre 1790, liquidés comme les receveurs généraux et particuliers des finances, suivant les règles établies pour les offices de judicature.
(Ce projet de décret est adopté.)
rapporteur. Le second projet de décret que je suis chargé de vous présenter est relatif aux personnes qui ont acquis de quelques officiers de la maison du roi des commissions étrangères au service du roi et de sa maison; le voici :
L'Assemblée nationale, désirant fixer toute incertitude sur les réclamations des particuliers qui,ayant acquis de quelques officiers delà maison du roi des commissonsi dont le prix n'a pas été versé au Trésor publie, se présentent néanmoins pour en obtenir le remboursement au bureau général des liquidations, décrète que les sommes payées à des officiers de la maison du roi, tels que les premiers médecin et chirurgien de Sa Majesté, pour brevets de commissions étrangères au service du roi et de sa maison, et qui s'exerçaient dans les diverses parties du royaume, ne donneront ouverture à aucune demande à la charge de l'Etat. »
Plusieurs membres s'élèvent contre le projet de décret, qui ne leur paraît pas complet :
Les uns, craignant qu'en se contentant d'énoncer les premiers médecin et chirurgien du roi, la disposition qui interdit toute répétition sur le Trésor national de la. part des porteurs de leurs brevets, ne fût envisagée comme limitation et n'écartant qu'eux, demandent qu'après ces mots : premiers médecin et chirurgien de Sa Majesté, on ajoute ceux-ci : et autres.
D'autres, absolument contraires à ce système, demandent la question préalable sur le projet de décret.
D'autres, enfin, posent la question suivante : « Accordera-t-on un recours contre les premiers médecin et chirurgien du roi, à ceux qui ont acheté d'eux des commissions? »
(Cette dernière motion est renvoyée au comité central de liquidation.)
Je mets aux voix la question préalable sur le projet du comité.
(L'Assemblée décrète qu'il y a lieu à délibérer sur le projet de décret.)
rapporteur. J'adopte l'amendement consistant à ajouter après les mots : premiers médecin et chirurgien de Sa Majesté, ceux-ci : et autres; et je propose en conséquence la rédaction suivante : .
« L'Assemblée nationale, désirant fixer toute incertitude sur les réclamations des particuliers qui, ayant acquis de quelques officiers de la maison du roi des commissions dont le prix n'a pas été versé au Trésor public, se présentent néanmoins pour en obtenir le remboursement au bureau général des liquidations, décrète que les sommes payées à des officiers de la maison' du roi, tels que les premiers médecin et chirurgien de Sa- Majesté, et autres, pour brevets de commissions étrangères au service du roi et de sa maison, et qui s'exerçaient dans les diverses parties du royaume, ne donneront ouverture à aucune demande à la charge de l'Etat. »
(Ce décret est adopté.)
rapporteur. Votre comité m'a enfin chargé, Messieurs, de vous présenter deux articles additionnels au décret du 25 avril 1791 concernant la liquidation des états de gages arriérés de 1788 et 1789.
Ces articles prendraient place après l'article 6 de ce décret ; ils sent conçus en ces termes :
Art. 7.
« 11 ne sera payé aucun desdits gages arriérés pour tout le temps pendant lequel les places possédées sans finances auront été vacantes.
Art. 8.
« Quant aux gages des offices possédés en finances; il n'en sera payé aucun pour le temps pendant lequel lesdits offices auront été vacants avant le 1er juillet 1789; et depuis cette époque jusqu'au 31 décembre 1790, les gages desditg offices seront payés aux héritiers ou ayants cause des décédés, sans aucune déduction pour le temps de la vacance. »
(Ces articles additionnels sont décrétés.)
rapporteur. Avant de quitter cette tribune, je dois produire à l'Assemblée un certificat de M. Dufresne, qui atteste que M. de Montaran a touché les intérêts de son office d intendant du commerce, supprimé en 1777, jusques et compris le dernier décembre 1790. ,
Je demande qu'après cet éclaircissement, desire par l'Assemblée, elle veuille bien approuver sa liquidation, et lever l'ajournement.
(Cette motion est décrétée.)
président, reprend le fauteuil.
Un membre du comité ecclésiastique propose un projet de décret relatif à la circonscription des paroisses de Saint-Omer, Arras, Cambrai, Lille et Coutances.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport qui lui a été fait par sou comité ecclésiastique;
« 1® De l'arrêté du directoire du département du Pas-de-Calais, du 29 avril dernier, sur les délibérations du directoire du district, et du conseil général de la commune de Saint-Omer, des 19 du même mois, et 1er février précédent, concernant la circonscription des paroisses de cette ville, et de l'avis donné par l'évêque de ce département ;
• « 2° De l'arrêté du directoire du même département, du 19 avril dernier, sur les délibérations du directoire du district, et de la municipalité d'Arras, des 25 et 27 du même mois, concernant la circonscription des paroisses de cette ville, et de l'avis d'Honoré Spitalier, prêtre-vicaire de l'évêque de ce département, spécialement fondé de ses pouvoirs ;
« 3° De l'arrêté du directoire du département du Nord, du 28 avril dernier, sur les délibérations du directoire du district, et de la municipalité de Cambrai, des 17 avril 1791, et 17 décembre 1790, concernant la circonscription des paroisses de ladite ville, et de l'avis donné par l'évêque de ce département le 22 du mois dernier;
« 4° De l'arrêté du directoire du même département, du 11 avril dernier, sur les délibérations du directoire du district, et de la municipalité de Lille, concernant la circonscription des paroisses de cette ville, et de l'avis donné par l'évêque de ce département le 23 du même mois ;
« 5° De l'arrêté du directoire du département de la Manche, du 23 du mois dernier, sur les délibérations du directoire du district, et de la municipalité de Coutances, concernant la circonscription des paroisses de cette ville, et de l'avis donné le même jour par l'évêque de ce département, décrète:
Art. 1er.
Département du Pas-de-Calais, ville et faubourgs de Saint-Omer.
« Il y aura, pour la ville et les faubourgs de Saint-Omer, 4 paroisses, savoir : la paroisse cathédrale, qui sera desservie dans l'église et sous l'invocation de saint Omer; celle de Saint-Bertin, qui sera desservie dans l'église ci-devant abbatiale de ce nom ; enfin celle de Saint-Denis et du Saint-Sépulcre, dans les églises ainsi nommées. Elles 6eront circonscrites ainsi qu'il est expliqué par la délibération du conseil général de la commune, et suivant les lignes de démarcation tracées au plan annexé. Les paroisses de Sainte-Aldegonde, Saint-Jean, Saint-Martin et Sainte-Mar-guerite,«ont supprimées. La chapelle du faubourg du Haut-Pont sera conservée comme succursale de la paroisse de Saint-Bertiu, pour les habitants des faubourgs deLiselet du Haut-Pont.
Art. 2.
Ville d'Arras.
« Il n'y aura pour la ville et les faubourgs d'Arras que 4 paroisses, savoir : celle de Notre-Dame, qui sera desservie dans l'église ci-devant cathédrale ; celle de Saint-Vaast, qui sera desservie dans l'église ci-devant abbatiale, actuellement en reconstruction, et provisoirement dans l'église de la Madeleine ; celle de Saint-Géry, qui sera transférée dans l'église de Saint-Nicolas ; et celle de Sainte-Croix, qui sera desservie dans l'église de ce nom. Elles seront circonscrites ainsi qu'il est expliqué dans l'arrêté susdaté du directoire du district d'Arras.
Art. 3.
« Les églises de Saint-Sauveur, de Saint-Nicolas et de Sainte-Catherine, seront conservées comme succursales des paroisses dont elles dépendent; et leurs arrondissements seront tels qu'ils se trouvent indiqués par la délibération susdatée du directoire du district d'Arras.
Art. 4.
Département du Nord, ville et faubourgs de Cambrai.
« Il y aura, pour la ville de Cambrai et ses faubourgs, 3 paroisses; savoir : la paroisse cathédrale ou de Notre-Da ne, qui sera desservie dans l'église ci-devant métropolitaine ; celle du Saint-Sépulcre, dans l'église ci-devant abbatiale de ce nom; et celle de Saint-Géry dans l'église ainsi nommée. Elles seront circonscrites suivant les lignes de démarcation indiquées par la délibération susdatée du directoire du district, et tracées sur le plan annexé. Les autres paroisses de Cambrai sont supprimées: la chapelle de Saint-Druon, dans le faubourg du Saint-Sépulcre, est conservée comme oratoire de la paroisse du Saint-Sépulcre..
Art. 5. Ville de Lille.
« Il y aura dans la ville de Lille, intra muros, 6 paroisses sous les noms et dans les églises de Saint-Sauveur, Saint-Maurice , Saint-Etienne, Sainte-Catherine, Saint-André et la Madeleine. Elles seront circonscrites suivant les lignes de démarcation indiquées par la délibération susdatée du directoire du district de Lille, et tracées sur le plan annexé. La paroisse de Saint-Pierre est supprimée.
Art. 6.
Département de la Manche, ville de Coutances.
« Il n'y aura pour la ville de Coutances que la paroisse cathédrale, qui
sera desservie dans l'église cathédrale sous l'invocation de Notre-Dame,
et qui sera circonscrite ainsi qu'il est expliqué dans l'arrêté susdaté
du directoire du département de la Manche. Les églises ci-devant parois-
Art. 7.
« Les curés des paroisses auxquelles sont attachés les oratoires dénommés au présent décret enverront respectivemeni, les dimanches et fêtes, un vicaire y célébrer la messe, et faire les instructions spirituelles, sans pouvoir y exercer les fonctions curiales. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité diplomatique et d'Avignon sur V affaire d Avignon et du Comtat Venaissin (1).
paraît à la tribune.
Je prie Monsieur le Président de rappeler l'état de la délibération.
C'est précisément ce que je vais faire.
Hier, après que la discussion sur la question de priorité a été fermée, on a demandé l'appel nominal sur la question de savoir à quel projet de décret serait accordée la priorité. L'Assemblée a ensuite décrété que l'appel nominal se ferait, non pas sur cette question de priorité, mais sur le fond même du projet de décret du comité.
Une longue discussion s'est ensuite engagée sur la manière de poser la question ; mais, en raison de l'heure et conformément au vœu de l'Assemblée, j'ai dû lever la séance, sans qu'une décision ait été prise.
Je donne maintenant la parole à M. Merlin sur la manière de poser la question.
(2). Il est temps enfin que l'Assemblée nationale sorte de la situation pénible dans laquelle l'a entraînée la discussion d'une affaire qui aurait dû être différée de plusieurs années. C'est pour y parvenir que je vaisdemander qu'en exécution du décret d hier, par lequel l'Assemblée nationale a décrété qu'elle irait par appel nominal sur le fond du projet du comité diplomatique, que le premier article de ce projet soit mis aux voix, et que M. le Président soit autorisé à poser ainsi la question : « Ceux qui seront de l'avis du premier article du comité répondront : Oui ; ceux qui ne seront point de cetavis répondront : Non. »
La délibération ne peut rouler que sur cette alternative et tout parti mitoyen offrirait les plus grands dangers, soit en préjugeant une question qu'on ne veut pas décider, soit, par une conséquence nécessaire, en violantun territoireétranger qu'on se refuserait à déclarer être partie intégrante de l'Empire français. Et je vous demanderai à cette occasion si la France a à se repentir de la conduite loyale qu'elle a suivie à l'égard des Brabançons qui voulaient aussi nous faire partager leur querelle et nous entraîner dans une mesure dangereuse et peut-être funeste pour notre repos.
Il résulte de la discussion qui a eu lieu à la dernière séance et dans
les précédentes, que les opinions sont partagées dans cette Assemblée
tant sur la question de droit positif, à savoir si
En effet, ou bien l'Assemblée décidera pour l'affirmative et déclarera qu'Avignon et le Comtat sont partie intégrante de l'Empire français. Etalors la réunion de l'un et ï'autreà la France devient unesuite nécessaire de cette déclaration, car nous ne pouvons dans cette supposition laisser un inKtantnos frèt es dans le troublede l'anarchie,dans les horreurs de la guerre civile ; alors le peuple avignonais et comtadin adroit à tous les avantages de notre association politique et tout ce que nous ferons pour eux aura tous les caractères de la légalité et de la justice.
Si au contraire l'Assemblée se décide pour la négative, si elle déclare qu'Avignon et le Comtat ne sont pas partie intégrante de l'Empire français, par cela même il sera jugé que les Comtadins et les Avignonais sont étrangers pour nous; par cela même il sera jugé que nous ne devons pas nous mêler de leurs discussions intestines (Murmures à droite; vifs applaudissements à gauche.)-,par cela même il sera jugé que leurs droits sont indépendants de la France, qu'ils forment une corporation dont les intérêts sont séparés de nos intérêts, et toute démarche que nous nous permettri ns à leur égard serait une violation manifeste du droit des peuples ; par cela même encore il sera ju^é que nous devons aujourd'hui renouveler aux yeux de toute l'Europe le grand exemple d'impartialité que nous avons donné l'année dernière au sujet des Brabançons, par cela même il sera jugé que nous devons prier le roi de faire incessamment exécuter sur les frontières du Comtat et d'Avignon la loi sur le reculement des barrières et rétablissement des douanes, de rappeler ou se faire délivrer sans délai les Français déserteurs et prévenus de crime qui se sont réfugiés soit dans le Comtat soit dans Avignon; par cela même enfin il sera jugé, et nous devons le déclarer nettement, que les Avignonais et les Comtadins sont et ont toujours été étrangers à la France et qu'ils doivent être traités comme tels, nonobstant tous privilèges et usages existants 1 jusqu'à présent.
Comment, en effet, Messieurs, souffririons-nous que des étrangers conservassent des privilèges au milieu de nous, quand nous n'avons voulu, ni pu vouloir en conserver aucun à des Français ?
Ainsi, point de milieu : les Avignonais et les Comtadins sont ou Français
ou étrangers ; il faut que nous le déclarions loyalement. Français,
c'est l'adoption du premier article du comité; étrangers, c'est le
rejet. Et si cet article est rejeté, nous ne devons plus, fidèles à nos
maximes et à nos principes, nous mêler de leurs différends. Nous ne
ferons pas comme ces trois puissances qui, en intervenant dans les
querelles de la Pologne, ont
Je conclus donc qu'il faut franchement adopter ou rejeter le premier article du projet du comité, et je demande qu'on aille aux voix par oui et par non sur cet article. (Vifs applaudissements à gauche.)
Je demande la parole.
Je demande la parole pour combattre la proposition de M. Merlin. (Murmures.)
Les membres de l'extrême gauche se lèvent et demandent à aller aux voix.
La parole est à M. de La Rochefoucauld-Liancourt.
(1). J'ai demandé la parole pour m'opposer à la manière dont le préopinant propose de poser la question ; voici ma raison. Je demande à l'Assemblée de lui rappeler ce qui s'est passé hier.
Dans la séance d'hier, il y a eu des incertitudes sur la priorité; on a proposé d'aller aux voix par appel nominal sur cette question, et enfin, pour abréger, on a décidé d'aller aux voix par appel nominal sur le fond même de la proposition du comité. Or de quoi est-il question? Il s'agit de la réunion actuelle ou de la réunion éventuelle d'Avignon.
Plusieurs membres à gauche : Ce n'est pas cela.
Il n'est personne dans cette Assemblée qui ne sache que cette question est très délicate; qu'elle est très importante; que quelque parti que vous preniez, vous ne pourrez guère en pre idre un bon. Il est donc question d'apporter à cette affaire importante tout le froid de la délibération, et je demande qu'on m'écoute avec attention.
Je dis que la manière dont le préopinant vous propose de poser la question la dénature entièrement; car en somme il vous propose d'aller aux voix article par article et de dire : « L'Assemblée nationale déclare que les terres du Comtat et d'Avignon font partie intégrante de l'Empire français. »
Il y a peut-être dans l'Assemblée beaucoup de per-onnes à qui il reste de l'incertitude sur les droits de la France et sur le vœu des Avignonais et que cette manière de délibérer empêcherait d'émettre leur vœu. (Murmures à gauche.) Quant à moi, quoiqu'il y ait des intolérants qui ne veulent pas qu'on ait son opinion à soi, je déclare que j'ai du doute et que si je n'en avais pas je voterais avec beaucoup de plaisir pour la réunion.
Plusieurs membres à gauche : Vous direz non.
Je dis, Messieurs, que ceux qui, la question ainsi posée, diraient non, déclareraient dès à présent qu'ils ne reconnaissent à la nation française aucun droit sur les terres d'Avignon, et qu'ils ne croient pas qu'Avignon puisse jamais être réuni à la France. Or ce n'est pas cela dont il est question ici ; il s'agit de savoir si l'Assemblée déclarera ou non aujourd'hui que le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon font partie intégrante de l'Empire français. Telle est à mon sens, Messieurs, la manière dont la question doit être posée.
On vous dit que vous laissez alors Avignon dans la guerre civile et que vous prouverez aux puissances étrangères que vous n'avez pas fait comme les nations qui ont partagé la Pologne et qui ont envahi la Crimée. Or, Messieurs, beaucoup de personnes qui ne croient pas que vos droits ne sont pas incontestables et qui sont persuadées surtout que le vœu des Avignonais n'est ni libre, ni véritablement le vœu de la majorité, s'opposent à la réunion actuelle, mais non pas à la réunion qui, en vertu de droits mieux prouvés, pourrait avoir lieu par la suite. Vous voyez donc que le mode de délibération qui vous est proposé serait d'un très grand danger. Quant à moi, je déclare avoir rencontré plusieurs Avignonais étrangers à cette Assemblée, excellents patriotes, partisans de la réunion, qui m'ont assuré que le vœu du Comtat était plutôt contraire que favorable à la réunion.
Plusieurs membres à gauche : Ce n'est pas vrai.
Cela peut être ou n'être pas vrai ; toujours est-il certain que des gens parfaitement honnêtes me l'ont ait, et je suis fait pour le croire.
D'après cela, Messieurs, je continue et je crois que la nation française donnerait un grand exemple de modération en ne se mêlant pas des affaires d'un pays étranger, et qu'elle donnerait, au contraire, un grand exemple d'immoralité, de lésion du droit des gens, des nations et des peuples en entrant dans un pays où il est extrêmement douteux qu'elle soit appelée.
Je voudrais donc que nou9 nous tenions littéralement au décret rendu hier, et au lieu du premier article du comité tel qu'on le propose de mettre aux voix, je demande que la question soit ainsi posée : « L'Assemblée prononcera-t-elle aujourd'hui qu'elle déclare le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon parties intégrantes de l'Empire français. » (Murmures à l'extrême gauche.)
paraît à la tribune. (Mur-mures.)
Un grand nombre de membres : Aux voix! aux voix ! la motion de M. Merlin.
Plusieurs membres : Parlez ! parlez !
Un membre : On ne peut aller aux voix sans fermer la discussion.
Messieurs, on fait de toute part la motion expresse d'aller aux voix sur le point de savoir si la question sera posée comme le propose M. Merlin ; d'autres disent qu'on ne peut aller aux voix sur cette motion sans décider auparavant que la discussion est fermée; on demande enfin que M. Robespierre soit entendu. Je vais consulter l'Assemblée.
Je demande la parole sur cela.
Un grand nombre de membres : A l'ordre ! à l'ordre !
Vous ne pouvez pas aller ainsi aux voix.
Monsieur le Président, je demande la parole sur la manière dont vous devez remplir vos fonctions.
Je n'ai que quatre phrases à dire. {Murmures.)
(de Saint-Jean d'Angély). Je crois que la manière dont M. Merlin a posé la question a ce grand inconvénient de mettre une partie de l'Assemblée dans l'impossibilité d'émettre son vœu. (Murmures à gauche.)
Un membre à gauche : Pourquoi prenez-vous la parole?
Un membre au centre : Laissez donc parler !
C'est traiter la question au fond.
Consultez l'Assemblée.
Je prie l'Assemblée de nous tirer d'embarras et de suivre l'idée de M. Merlin.
Plusieurs membres : La discussion fermée.
Un grand nombre de membres : Non ! non !
Si la discussion continue, M. Robespierre a la parole.
Nous proposons de déclarer qu'Avignon et le Comtat font partie intégrante de 1 Empire fiançais : c'est de cette manière que doit être posée la question, par la nature même des choses, puisque la question de la réunion actuelle ou future, et toutes les questions secondaires qui vous ont été proposées, dépendent de cette première question : Avons-nous des droits sur Avignon?
Il est évident que vous ne pouvez prendre à l'égard des Avignonais que deux partis et qu'il n'y a pour eux que deux manières d'exister vis-à-vis ae nous : il faut que vous les considériez ou comme sujets de l'Empire français ou comme indépendants. S'ils sont sujets de la France, vous ne pouvez vous dispenser de déclarer leur réunion à l'Empire; s'ils sont indépendants, c'est un abus de vouloir se mêler de régler leur sort et nous ne pouvons y envoyer ni troupes, ni commissaires pour trancher leurs querelles domestiques et faire pencher la balance du côté des ennemis de la liberté. (Murmures.)
Plusieurs membres. Ce n'est pas là la question.
Il faut ou aller aux voix ou me donner du silence. (Murmures à droite.)
Il est évident que vous ne pouvez pas prendre d'autre parti que celui que vous propose M. Merlin ; je demande, en conséquence, que M. le Président mette aux voix la question de savoir si le peuple avignonais et comtadin fait ou ne fait pas partie du peuple français. (Bruit prolongé.)
Puisque M. Robespierre ne nous dit rien qui puisse nous éclairer, je demande que la discussion soit fermée ; c'est le seul moyen d'en sortir.
Plusieurs membres : Oui! oui!
(de Saint Jean-d'Angély) paraissent à la tribune.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(de Saint-Jean-d'Angély). D'après la proposition de M. Merlin, un quart de l'Assemblée ne peut pas délibérer.....
Vous n'avez pas la paro'e.
(de Saint-Jean-d'Angély)..... il est impossible qu'une portion de l'Assemblée (Murmures.).....
agite violemment la sonnette.
(de Saint- Jean-d Angély). La puissance de votre sonnette ne m'empêchera pas de dire la vérité; le bruit de la sonnette n'avance pas la délibération.
(Quelques instants se passent dans le tumulte et au milieu d'altercations particulières.)
rappelle l'état de la délibération et se dispose à mettre aux voix la motion de M. Merlin. (Interruptions.)
Je demande la parole contre pour une minute.
Plusieurs membres : A votre tour.
Messieurs, il me paraît impossible de délibérer sur la question posée par M. Merlin, parce que, dans mon opinion, par exemple, je pense que uous avons infiniment plus de droits que le pape sur le Comtat Venaissin, mais que nous n'en avons pas autant que le peuple. Je pense que nous pouvons, que nous devons même nous mettre en possession d'Avignon et du Comtat; mais nous devons aussi reconnaître les droits du peuple et lui donner les moyens d'émettre un vœu libre, légal et constitutionnel. (Murmures à gauche ; applaudissements au centre.)
Nous avons des droits incontestables à protéger ce pays; nous le devons même, parce que la tranquillité des départements voisins est intéressée à ce que nous maintenions l'ordre. Voilà donc vos droits et vos devoirs suffisamment exprimés; mais si vous avez plus de droits sur Avignon que le pape, vous n'en avez pas autant que le peuple.
Pour prononcer la réunion, vous devez consulter le vœu des habitants, ce ne sont pas les pièces que vous avez, ici qui vous expriment ce vœu ; le rapporteur lui-même ne vous les a pas garanties; et j'ajoute qu'elles ne peuvent pas être des preuves pour moi qui ai été sur les lieux et qui ai vu, avec certitude, qu'elles avaient été arrachées. Je dis donc d'après cela, Messieurs, qu'après avoir rétabli l'ordre dans ce pays, en vertu des droits de souveraineté que nous avons sur lui. (Murmures à gauche.).....
Un membre : Quelle contradiction !
il est de votre
générosité de consulter le peuple. Je demande qu'on prenne des mesures et qu'on ajourne le décret sur la réunion jusqu'à ce que le vœu du peuple ait été librement exprimé.
Rien ne prouve mieux la nécessité de délibérer d'abord sur le premier article du comité, que ce que vient de aire le préopinant. Puisque c'est en vertu de votre droit de souveraineté qu'on vous propose de prendre des mesures pour rétablir la paix à Avignon, il faut commencer par déclarer vos droits; c'est là ce que vous avez décrété.
Il me semble que ce qui doit régler votre délibération, c'est le procès-verbal ; or, le procès-verbal, lu ce matin, a prouvé à l'Assemblée que tout tenait précisément à la question que vous a proposée M. Merlin. Il est dit qu'après avoir été longtemps en débats pour savoir si l'on irait à l'appel nominal sur la priorité demandée pour le projet de décret du comité, un membre de ce côté (il désigne la droite) a proposé d'aller aux voix par l'appel nominal sur le fond du projet du comité et que cette mention a été décrétée par l'Assemblée; or, le fond du projet du comité se trouve dans le premier article ; si ce premier article ne passe pas, vous pouvez proposer d'autres projets ; mais vous devez vous en tenir à ce que vous avez délibéré vous-mêmes ; voilà donc Pétat de la question : il n'est pas d'autre moyen de sortir de l'embarras où vous êtes.
Permettez-moi une dernière réflexion : c est qu'il est véritablement douloureux de voir que, pour conserver peut-être quelques comtés, quelques marquisats, quelques évêchés, dans le Comtat Venaissin (Applaudissements), on ne veuille pas enfin déclarer un fait qui est véritablement incontestable, et sur lequel personne ne pourra dire non. (Applaudissements à gauche.)
Une partie du côté gauche demande que la discussion soit fermée.
(de Saint-Jean-d'Angély). Je demande la parole sur la proposition de fermer la discussion.
Les membres de Vextrême gauche demandent à aller aux voix.
Je demande la parole pour une motion d'ordre.
J'ai la parole; je la prends si on ne ferme pas la discussion.
Si l'on veut m'écouter un instant, nous en sortirons.
Je demande à prouver que la discussion doit être fermée.
Plusieurs membres : Aux voix, aux voix. (Bruit).
Je vais consulter l'Assemblée sur la motion de fermer la discussion. (L'épreuve est commencée.)
Voilà un décret comme celui d'hier que l'on n'a pas entendu.
On a fait la motion expresse de mettre aux voix de fermer la discussion, elle a été fortement prononcée, je ne pouvais pas me dispenser de la mettre aux voix. (Murmures.)
J exige, au nom de l'Assemblée même, qu'on m'entende jusqu'à la fin.
M. Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély) m'a demandé a'un autre côté la parole sur la question de savoir s'il serait entendu avant de fermer la discussion; il s'est depuis réuni et a consenti qu'on mette aux voix si la discussion serait fermée.
Enfin M. Emmery a demandé la parole pour une motion d'ordre sans s'expliquer sur la question de savoir si la discussion gérait fermée ou non. (Murmures.) Je dois consulter l'Assemblée.
Vous ne pouvez pas refuser la parole pour une motion d ordre, M. Emmery doit etre entendu.
Une partie du côté gauche se lève pour appuyer la motion de M. d'André. (Bruit prolongé.)
Je demande la parole pour moi-même, car le tumulte des discussions empêche même votre président de se faire entendre. La motion a été faite de fermer la discussion sur la proposition de M. Merlin; je ne puis me dispenser de mettre cette proposition aux voix.
C'est une motion d'ordre que je veux faire.
Je suis loin de vouloir refuser la parole à M. Emmery ; mais on m'observe de toutes parts qu'à la faveur des demandes pour motion d'ordre on prolonge la discussion. (Murmures.)
M. le Président opine...
Je ne puis d'ailleurs accorder la parole snr une motion d'ordre sans consulter le vœu de l'Assemblée.
Plusieurs membres : Aux voix, aux voix. (L'Assemblée, consultée, décrète que M. Emmery sera entendu.)
J'ai demandé la parole pour une motion d'ordre, parce que je crois que c'est effectivement l'ordre qu'il s'agit de rétablir dans l'Assemblée où l'on ne sait véritablement plus, ce me semble, quel est l'état de la délibération. (Murmures.)
Voix diverses : Gela est vrai! — Quelle sottise !
Je pense que pour mettre de l'ordre dans la délibération il n'y a pas
d'autre mesure à prendre que ceile d'aller aux voix sur la motion de M.
Merlin. Je m'explique : Que dit M. Merlin? M. Merlin dit : Je fais la
motion que l'on aille aux voix par appel nominal sur le premier article
du comité. — Il s'agit de savoir si l'on mettra aux voix ce premier
article ; beaucoup de membres sont très embarrassés d'émettre un vœu sur
le fond de cet article, mais, quelle que soit leur opinion, il faut
savoir d'abord s'il sera mis aux voix. Or, Messieurs, remarquez bien que
M. Merlin n'engage pas vos opinions sur la question : ceux qui sont
d'avis que l'on peut aller aux voix d'une manière nette, précise, en
délibérant sur le projet du comité, adopte-
Plusieurs membres à gauche : Ce n'est pas cela.
ceux qui pensent que cet article les gêne, dans leur vœu, rejetteront la proposition de M. Merlin.
N est-il pas vrai que notre embarras actuel naît de ce que les uns veulent, par un motif ou par un autre, que l'appel nominal porte sur le premier article du comité, de ce que les autres ne le veulent pas. La motion de M. Merlin tend à ce qu'on délibère sur le premier article du comité. Mais, certes, M. Merlin laisse, — quand il ne la laisserait pas, c'est la même chose, — il laisse, dis-je, la liberté de dire oui ou non. S'il est dit oui sur la motion de M. Merlin, nous sommes tous d'accord; la loi est faite; on votera sur le premier article du comité, on s'en retirera comme on pourra. (Murmures.) Est-il possible que vous ne distinguiez pas une principale motion et une seconde motion? La motion première est celle-ci : « L'Assemblée nationale décrète que le Comtat Venaissin et Avignon font partie intégrante de l'Empire français. »
Plusieurs membres : Et le décret d'hier?
On m'objecte qu'il y a un décret; cela n'empêche pas que M. Merlin n'ait fa t une motion, qui est vraiment une motion d'ordre sur la motion principale. Quant à moi, je professe que j'admets la première et rejette la seconde.
M. Emmery a dénaturé ma motion; tout ce que j'ai demandé, c'est qu'en exécution du décret que vous avez rendu hier d'aller aux voix sur le fond de la question, les voix soient actuellement prises par appel nominal sur le point de savoir si vous admettrez ou si vous rejetterez l'article premier du projet du comité. (Applaudissements.)
Je ne l'entends pas autrement.
La question préalable. (Bruit.)
(L'Assemblée, consultée, ferme la discussion.)
Je mets aux voix la motion de M. Merlin.
(L'épreuve a lieu au milieu du bruit.)
L'Assemblée décrète que la délibération sera établie suivant la motion de M. Merlin.
Un grand nombre de membres à gauche : On n'a pas entendu. (Bruit.)
Je demande à dénoncer à l'Assemblée la mauvaise foi de M. le Président.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Je demande la parole pour vous défendre.
Recommencez l'épreuve, Monsieur le Président.
Plusieurs membres au centre : Oui I oui ! recommencez !
Je vous avoue, Messieurs
(Murmures)....... On fait à chaque instant le
reproche à votre président de ne pas faire avancer la délibération (Bruit); et cependant quand une motion e;t mise aux voix, ou crie, on interrompt, ensuite on dit qu'on n'a pas entendu. Il ne doit pas y avoir ici de délibération par surprise ; il faut "donc renouveler l'épreuve.
Je pose ainsi la question : Que ceux qui veulent adopter la proposition de M. Merlin se lèvent. (L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée a décrété qu'elle adoptait la motion de M. Merlin.
(Quelques minutes se passent au milieu du bruit.)
Avant qu'on aille à l'appel nominal, je dois annoncer à l'Assemblée qu'elle n'aura rien fait encore, parce que la Provence, dont le Comtat est partie intégrante, ne veut pas la réunion.
Le premier article du comité, sur lequel l'Assemblée a décrété qu'elle irait à l'appel nominal, est conçu en ces termes :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d'Avignon, déclare :
« Que le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font parties i ntégrantes de l'Empire français. »
Ceux qui sont d'avis d'adopter cet article diront oui; les autres, non.
Je demande la parole.
M. Bouttevillè-Dumetz. Il y a un décret qui ordonne l'appel nominal, j'en demande l'exécution.
Plusieurs membres à droite : L'exécution du décret.
Jamais on n'a mis aux voix, sans avoir entendu les amendements. C'est une nouvelle jurisprudence que l'on veut introduire dans l'Assemblée. Je demande la parole.
Je demande la parole contre M. le Président. (Bruit prolongé.)
monte à la tribune. (Applaudissements répétés au centre ; vives protestations de l'extrême gauche.)
Mettez aux voix si M. Tronchet sera entendu : pour moi, je suis d'avis qu'on ne l'entende pas.
Si l'on entend M. Tronchet, je demande à être entendu.
M. de Liancourt a demandé la parole je ne sais pas sur quoi.
C'est pour un amendement.
D'un autre côté M. de Tracy
Non, monsieur le Président.
C'est pour une motion d'ordre.
Plusieurs membres à droite : A l'ordre !
Je n'ai pu prendre sur moi de la leur accorder, la question étant posée par un décret. Je vais consulter l'Assemblée pour savoir si elle veut accorder la parole.
Que ceux qui veulent accorder la parole veuillent bien se lever. (Lecentre se lève.)
Que ceux qui veulent refuser la parole veuillent bien se lever. (Les deux extrémités droite et gauche de la Chambre se lèvent).
L'Assemblée décrète qu'il ne sera plus entendu personne. (Applaudissements dans les tribunes.)
Au nom de l'Assemblée je déclare aux tribunes et aux galeries que je ferai sortir le côté qui le premier donnera le moindre signe d'applauctisse-ment.
il va être procédé à l'appel nominal.
secrétaire. Je commence l'appel nominal :... M. d'André?
Plusieurs membres : Il vient de sortir.
secrétaire.....M. Pochet?
Un membre à droite : On n'entend pas, monsieur le Président, faites faire l'appel nominal par un secrétaire qui prononce mieux.
C'est parce qu'on ne dit pas M. le comte, M. Je marquis, qu'on feint de ne pas entendre.
secrétaire. Je vais contiauer l'appel nominal, j'irai lentement... M.Le François, curé?
M. Le François est absent de l'Assemblée pendant un an.
secrétaire... M. Rewbell,président?
Oui !
secrétaire... M. Duval-d'Epre-mesnil?
Je ne suis point député d'un département. Je dis non.
(L'appel nominal est continué; la clôture en est ensuite prononcée et il est procédé au recensement des suffrages.)
donne lecture d'une lettre de M. Becherel, évêque du département de la Manche, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Je me propose d'envoyer à l'Assemblée nationale le procès-verbal de mon installation dans l'évêché du département de la Manche, dès qu'il sera imprimé. En attendant, je m'empresse de lui annoncer qu'on ne peut rien ajouter à l'effusion de cœur avec laquelle j'ai été reçu, et au patriotisme qui anime mes concitoyens.
« Malgré les papiers incendiaires répandus avec profusion, le nombre des réfractaires à la loi diminue tous les jours, Je crois ma présance nécessaire dans ce département pour encore quinze jours ou trois semaines; en conséquence, je vous prie, monsieur le Président, de m'obtenir une prolongation de congé pour ce temps.
Je suis, etc.
« Signé : BECHEREL. »
donne lecture d'une lettre du ministre de la marine, ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« J'ai l'honneur de vous eavoyer le compte général sommaire des recettes et des dépenses de la régie des vivres de la marine pour les six années de 1784 inclusivement à 1790 compris; il est accompagné d'une récapitulation générale qui comprend les quinze années dernières, à partir de 1776.
« Je dois vous observer, monsieur le Président, que cette dernière pièce, en complétant celle qui a été jointe à une lettre du 22 mars, la rend parfaitement inutile. Je vous supplie de faire connaître à l'Assemblée qu'au moyen de la production de ces nouveaux comptes, ses décrets des 10 mars et 18 octobre derniers se trouvent, en cette partie, entièrement exécutés.
« Je suis, etc.
« Signé : de Fleurieu. »
donne lecture d'une lettre du ministre de la justice, ainsi conçue :
Monsieur le Président,
« La loi du 27 février dernier, en ordonnant l'envoi dans le département du Gard et les départements voisins de trois commissaires civils, les a autorisés à se réunir aux corps administratifs de ces départements, pour aviser aux moyens d'assurer l'exécution de la loi, d'arrêter les désordres, d'en faire poursuivre les auteurs devant le3 tribunaux. En exécution de cette loi, les commissaires envoyés par le roi, après s'être concertés avec les départements du Gard et de l'Ardèche, ont arrêté que les procureurs généraux syndics de ces deux départements dénonceraient aux accusateurs publics près les tribunaux des districts d'Uzès, d'Alais, du Pont-Saint-Esprit, de Tanargue et de Coïron : 1° les auteurs des troubles qui ont éclaté dans la ville d'Uzès le 24 février ; 2° ceux qui ont provoqué la délibération prise à Périas, le 17 du même mois; 3° les auteurs du nouveau rassemblement du camp de Salés, les auteurs des incursions faites dans les départements du Gard et de l'Ardèche, les auteurs de l'évasion du sieur Malbosse, maire de Périas, pour être, par chacun des tribunaux ci-dessus désignés, informé et décrété.
« Messieurs les commissaires civils y ont vu un complot contre la Constitution de l'Etat et, par conséquent, un crime de la compétence de la haute cour nationale. Je vous prie donc, monsieur le Président, d'ordonner le renvoi de ma lettre, et du précis historique des événements, qui y est joint, aux trois comités chargés de présenter l'état des prévenus du crime de lèse-nation.
« Si ces délits ne sont pas, aux yeux de l'Assemblée nationale, des
crimes de lè3e-nation, j'aurai l'honneur de vous observer, monsieur le
Président, qu'il est indispensable qu'elle attribue la poursuite
ultérieure et le jugement de l'affaire
« La crainte que le dépérissement des preuves n'amenât l'impunité des coupables, le désir que l'appareil d'une prompte instruction criminelle étayât et contînt ceux qui seraient tentés de les imiter, ont déterminé MM. les commissaires civils à faire informer par les cinq tribunaux sur le territoire desquels ont été commis les délits; mais il est facile de sentir que si les preuves de ces délits, qui ont entre eux une si étroite connexité qu'ils tiennent évidemment à un seul et même projet, restaient éparseset disséminées dans cinq tribunaux différents, la conviction des coupables serait impossible. Aussi MM. les commissaires civils ont-ils borné aux informations et aux décrets seulement la réquisition qu'ils ont faite aux cinq tribunaux.
« C'est sur ces raisons que je m'appuie, monsieur le Président, pour vous engager à proposer à l'Assemblée, dans le cas où elle n'estimerait pas pouvoir soumettre à la haute cour nationale la connaissance de cette affaire, d'en attribuer la poursuite et le jugement à l'un des cinq tribunaux réunis sous les yeux d'un tribunal unique; les preuves conserveront toute leur force, et mettront les juges dans le cas de prononcer en pleine connaissance de cause.
Je suis avec respect, etc.
« Signé : DUPORT. »
( L'Assemblée ordonne le renvoi de cette lettre, avec le précis historique imprimé qui y est joint (1), au comité des rapports pour en rendre compte dans le plus court délai.)
Voici le résultat de l'appel nominal sur le premier article du projet de décret du comité portant réunion d'Avignon et duGom-tat Venaissin à la France.
Le nombre des votants a été de 870;
316 ont voté oui.
487 ont voté non.
67 n'ont pas donné de voix.
En conséquence, l'Assemblée nationale a rejeté le premier article du comité (2).
Plusieurs membres de l'extrême gauche demandent la question préalable sur le surplus des articles du projet de décret.
L'Assemblée vient de décider une question très importante, je demande que la séance soit levée. (Applaudissements )
La question préalable.
Plusieurs membres demandent l'ajournement indéfini.
On demande la question préalable sur le surplus du projet de décret du comité.
Plusieurs membres : Non 1 non !
(de Saint-Jean-d'Angèly). Mon-
Je demande à parler contre la question préalable.
Plusieurs membres : La levée de la séance.
Je mets aux voix la levée de la séance.
A droite: Non! non !
( L'Assemblée, consultée, décrète la levée de la séance. )
indique l'ordre du jour de la séance de demain, qui comprend la continuation de Ja discussion de l'affaire d'Avignon.
La séance est levée à quatre heures.
a la séance de l'assemblée nationale ou
Plainte adressée a l'Assemblée nationale contre MM. le maréchal de Castries et de La Luzerne, ministre de la marine, par M. La-borie, lieutenant-colonel.
Messieurs, parmi les plans que l'auguste Assemblée nationale ne cesse de
former pour le bonheur de ious,on remarque particulièrement son extrême
attention à débarrasser les Français des pesantes chaînes sous lesquelles
ilsgémissaientdepuis des siècles entiers ; et nous voyons, avec une
respectueuse reconnaissance, le progrès de ses utiles travaux à cet égard,
se marquer chaque jour par de nouveaux bienfaits et à mesure qu il se
découvre quelques restes des fers que, dans leur multiplicité, il a été
possible de dérober à sa sagacité. C'est donc avec la plus juste confiance
qu'on peut exposer aux représentants de la nation tout ce qui menace encore
notre liberté : et j'ajoute que cette confiance doit redoubler pour moi dans
l'affaire que j'ose lui soumettre, si je ne me suis déterminé à recourir à
sa suprême autorité qu'après avoir éprouvé l'insuffisance des ressources et
des moyens connus et donnés pour nous soustraire à la tyrannie
ministériellesigénéralement abhorrée. Et en effet, Messieurs, vous
apprendrez sans doute avec étonnem nt et indignation par l'extrait du
mémoire que jeme trouve for. é de vous adresser que le minisire de la marine
n'a pas craint de se rendre coupable de désobéissance envers le roi son
maître (1), ni se railler de l'avis du comilé des
Il paraît même, par sa conduite condamnable, qu'il a formé le dangereux et coupable projet de se réserver le droit de nous opprimer en dépit de nos cris, de nos plaintes, de nos réclamations, en tournant en dérision les deux graves autorités que justement nous regardons tous comme les sauvegardes de notre liberté et dont on ne peut cependant se railler sans alarmer tous les Français. Ne jugerez-vous pas, Messieurs, dans votre sagesse, que le succès du ministre et môme son impunité, dans cette circonstance essentielle, auraient les conséquences les plus alarmantes pour la nation entière, et en effet, que deviendrions-nous, quel sort serait le nôtre, enfin, de quelle liberté oserions-nous nous vanter si un de ces êtres malfaisants par leur état n'avait pour frein que son arrogance, pour guide que ses intérêts, pour supérieur que sajactance; si ses décisions indiscrètes devenaient des lois, ses caprices des arrêts et ses volontés des ordres? Alors, sans doute, alors nous verrionsl'honneur, la probité, le désintéressement, la loyauté, la franchise, toutes les vertus enfin, périr avec notre liberté, leur compagne inséparable. Mais non, un tableau si effrayant ne se réalisera jamais sous les yeux des représentants d'une nation d'honneur; non, jamais ils ne permettront que la perfidie, à l'aide de l'astuce, s'enveloppe de ces anciennes et vicieuses formes de gouvernement pour transmettre l'autorité suprême et légitime dans des mains subalterneset gangrenées dont elles ne manqueraient pas dans la suite de s'armer pour anéantir la liberté publique; non, jamais elle ne laissera un pareil projet germer et se développer daus une de ces têtes accoutumées à tourner l'oppression en principe.....
Je pense que l'Assemblée nationale remarquera encore que dans l'objet dont je me plains il est bien moins question de s'occuper d'une injustice particulière que de réprimer l'audacieux projet
de trouver le moyen d'en faire impunément.....
Il est de fait aussi que cet essai tyrannique du ministre ne s'est manifesté
qu'en bravant les ordres du roi et l'avis du comité; que dans ce cas la
majesté royale se trouve gravement outragée par le rôle très sulbalterne,
pour ne pas dire presque nul, qu'elle vient de jouer; d'où il suit que cette
dissonance révoltante estnécessairement due à quelque vice du gouvernement
qui mérite les soins de l'Assemblée nationale, afin qu'il n'arrive plus que,
sous ses yeux même, on puisse remarquer une inversion dangereuse dans des
autorités que le bon ordre exige qu'on tienne sous une rigoureuse dépendance
qui seule peut assurer le bonheur public. Au reste, je me plais d'autant
plus dans ces idées, qu'elles sont parfaitement conformes aux leçons de la
liberté aussi judicieusement qu'énergiquement énoncées dans les droits de
l'homme et du citoyen. Tout nous autorise donc à croire que les
représentants de la nation ne permettront pas qu'on les viole sur nos
personnes, tandis qu'ils vieilliraient sur un
J'ai l'honneur d'être, avec un extrême respect. Messieurs, votre très humble, etc.
Laborie.
Je vais transcrire, ici, littéralement la première plainte que j'ai portée à M. le Président de l'Assemblée nationale, qu'il renvoya au comité des rapports, où elle fut enregistrée le 5 janvier 1790. Je dois observer que cette plainte n'est qu'un extrait très succinct du mémoire sur lequel cette affaire a été examinée au comité des rapports que j'y remis.
Lettre adressée à M. le Président de VAssemblée
nationale, en date du
Monsieur le Président, j'ose vous supplier de vouloir bien porter à l'Assemblée nationale la plainte d'un officier qui, après avoir blanchi au dur métier de la guerre, n'a reçu pour prix de ses longs services que misère et déshonneur, par des injustices de MM. le maréchal de Castries et de la Luzerne, ministre de la marine.
Voici, Monsieur le Président, un extrait succinct du mémoire qui contient le détail de ces injustices où vous verrez néanmoins qu'elles sont de nature à blesser à la fois l'honneur, la probité et la bienséance, et qui, par cette raison, paraîtraient impossible dans tout pays où l'on ne mesurerait pas l'élévation des rangs par la bassesse de l'âme.
Dans ce mémoire se trouve d'abord une plainte de M. Laborie, maréchal de camp
et gouverneur de Sainte-Lucie, adressée à M. le maréchal de Castries, contre
plusieurs officiers des régiments de la Martinique et de la Guadeloupe qui,
après avoir formé le projet de m'assassiner, ont en effet, quelque temps
après, tenté d'effectuer cet exécrable dessein. Vous trouverez, sans doute,
cet attentat d'autant plus abominable qu'il avait pour objet de s'exempter
de bien servir; les brigands qui égorgent les passants ont des motifs moius
condamnables. Voici ce fait : M. de Bouillé, gouverneur général des îles du
Vent, témoin de mon attachement à mes devoirs, me fit promettre d'accepter
la place de colonel du régiment de la Guadeloupe lorsqu'elle vaquerait,
afin, me dit-il obligeamment, qu'après avoir formé ce régiment
Mais, afin d'avoir un prétexte plausible pour exécuter cette résolution, ils chargèrent une espèce de maître d'armes, leur camarade, de tacher de s'attirer par une conduite peu mesurée et des propos grossiers, une réponse désobligeante, qu'ils auraient soin de tourner ensuite en insulte, de plus précaution.
Bientôt le3 circonstances leur en offrirent une occasion facile, car, n'ayant pas trouvé à Sainte-Lucie, dans l'air frais qu'on respire au morne fortuné, le soulagement que les médecins m'en avaient fait espérer, contre une maladie tenace, je fus forcé, deux mois après un démêlé qui vint naturellement à la suite de ce complot, de venir me faire traiter en France. Alors, trois officiers du régiment de la Martinique, pour se défaire de moi, ainsi qu'ils en étaient convenus dans le comité tenu à Sainte-Lucie, s'évadèrent travestis, deux du Fort-Royal, et un de Sainte-Lucie, pour me suivre furtivement à Saint-Pierre de la Martinique, où je fus m'embarquer pour la France, et m'attaquèrent tous les trois hors de la ville, quoique seul et très malade. La conduite de ces officiers étonnera moins si on fait attention que ces régiments ne sont guère que des sortes d'é-gouts où vont se déposer toutes les immondices de France ou des asiles pour les valets du roi recommandés par les commis des bureaux de la marine : on sait que M. de Repentini, voulant épurer le régiment dont il était colonel, en chassa nombre d'ofliciers, plusieur.» desquels ne quittèrent l'uniforme de ce régiment que pour venir à Versailles endosser l'habit de palefrenier. Je ne dois pas taire qu'il y a des exceptions honorables à faire dans ces régiments, qu'il s'y trouve beaucoup d'officiers pleins d'honneur et de loyauté.
Lorsque je fus arrivé en France, et après mon rétablissement, je me rendis à Versailles pour demander à M. le maréchal de Castries le régiment de la Guadeloupe, qui vaquait par la mort de son colonel.
Ce ministre me répondit qu'il ne me donnerait pas ce régiment, parce que j'avais eu une affaire d'honneur avec un capitaine du régiment de la Martinique. On sent, par ce que j'ai déjà dit, combien j'étais autorisé à rejeter cette dénonciation, et combien il me fut facile de prouver au ministre, par des raisons qui portent conviction, que ce prétendu duel est un assassinat manifeste, et de lui montrer clairement qu'il était impossible de justifier la conduite de ces trois officiers par des motifs qui émanent du point d'honneur. J'ai depuis joint les observations que je lui fis à la plainte de M. Laborie dans mon mémoire, par lesquelles je montre bien évidemment que la décision de ce maréchal de France ne prouve rien, sinon qu'on peut fait e profession d'honneur, qu'on peut être juge d'honneur en France, saus en connaître les premières lois. Le ministre, voyant que j'étais loin de me contenter de cette défaite, que je la combattais avec force et par des raisons auxquelles il n'avait rien à objecter, ajouta : et aussi parce que vous n'avez pas été assez longtemps lieutenant-colonel. Frappé de ce qu'il rne trouvait trop nouveau après 35 ans de service, et après avoir vieilli dans les différents grades qui sont la véritable école du colonel, je lui dis que son fils avait obtenu ce grade après avoir servi 8 ans, et que, cependant je serais encore longtemps son maître en fait de science militaire; que je ne comprenais pas d'après cela, sur quoi pouvaient porter les motifs de cette préférence.
On ne saurait trop admirer, en effet, combien il faut qu'un homme de la cour soit dépourvu de sens pour donner une pareille excuse à un de ceux sur qui des privilèges extorqués par ceux de son ordre pèsent le plus directement. Ne sem-ble-t-il pas, au contraire, qu'ils devraient, en pareil cas, user de la plus grande circonspection, afin de ne pas révolter par le droit quils ont acquis de tout faire sans rien savoir, de tout obtenir sans rien mériter, et de s'élever du sein de la crapule, de l'ineptie et des frivolités, aux plus hautes dignités et aux plus hauts emplois. La ma' che établie particulièrement dans l'ordre militaire pour leur avancement, est assez curieuse pour mériter d'être suivie. D'abord on fait enregistrer un enfant pendant 5 ans sur le contrôle d'un régiment comme lieutenant; après quoi il estcapitaine, à trois ans de là ilestcolonel, ensuite brigadier, maréchal de camp, etc. Il lait tout ce chemin sans talents, sans connaissances, sans aptitudes et même sans servir; le peu de temps qu'il passe à son régiment, il peut le donner aux femmes, au vin, au jeu; n'importe qu'il soit lâche, fripon, fourbe, menteur, il arrive également, rien ne peut arrêter un homme de ce rang, tout est bon pour faire un général français. La suprême dignité de cet ordre ne fait même nullement preuve de mérite et de talents, et ne sert guère qu'à déguiser un homme très puissanttout comme un habit à la romaine nous fait sur les planches un Cé-ar d'un histrion. Enfin, il est certain qu'ils ont eu l'adresse d'obtenir le privilège de devenir exclusivement les chefs de l'ordre militaire, quoique, dans le fait et selon la plus juste appréciation de leurs qualités, ils n'en soientque le rebut. Ils devraient donc éviter avec soin tout ce qui peut autoriser ce juste reproche; et c'est, selon moi, une bien étourdie défaite, de la part de M. de Castries de me trouver trop jeune pour être fait colonel, après 35 ans de services.
Ensuite, pour le ramener par un exemple sur un de ceux de ma classe, je lui
rappelai qu'il venait de donner le régiment de la Martinique à un jeune
homme qui n était connu en France par aucun service marqué ou du moins, par
des services qu'il osât avouer, mais seulement pour avoir accompagné et
servi d'interprète à M. de
Au reste, on ne sait que trop qu'il est d'usage chez nous qu'un protégé de deux jours l'emporte sur un concurrent recommandé par 40 ans de services. Au reste, ce n'est pas là le premier exemple de l'infâme commerce que les gens en place font des récompenses militaires qu'ils ont soin de convertir en une sorte de monnaie pour la distribuer invariablement à leur profit ; on sait que c'est avec cette monnaie qu'ils assoupissent le crédit et la puissance qui peuvent leur nuire, qu'ils s'affermissent dans leurs places, qu'ils payent les talents qui couvrent leur ineptie, qu'ils obtiennent les faveurs d'une jeune solliciteuse, etc. On sait enfin que, mêlant de honteuses vues au mobile destiné a donner de l'énergie à l'ordre militaire, ils finissent par en faire, aux dépens de leur honneur, l'instrument de sa dégradation. J'ai autrefois cité, dans un mémoire, plus de 200 exemples de récompenses accordées à des soins purement serviles, et en général il s'en distribue peu à la classe subalterne qui ne coûte quelque humiliation à celui qui l'obtient, ou qu'il ne la doive à la souplesse, à l'intrigue, à la tromperie, en sorte que le premier effet des récompenses est d'apprendre à cette classe maltraitée à couvrir une vraie bassesse par un faux honneur, et à se former des âmes serviles sous un habit recommandable.
J'observai enfin au ministre que M. de Bouillé ne m'avait fait cette promesse que parce qu'il avait été témoin de mon empressement à saisir toutes les occasions qui se présentaient à mon zèle, et particulièrement des soins que je pris pour rétablir l'ordre à Saint-Pierre, où j'étais lieutenant du roi ; qu'il avait vu avec satisfaction que j'y dissipai plusieurs associations de fripons qui volaient les capitaines de navire par de fausses lettres de change; que j'en chassai plus de deux cents vauriens sans occupation, sans industrie, et qui subsistaient en dévorant le commerce,
3ue je fis acquitter nombre d'anciennes dettes ont on éludait le payement sous des prétextes de mauvaise foi, que j'y terminai nombre de procès considérables qui tendaient à la ruine des deux partis; que j'y détruisis des assemblées de jeu ou des fripons exercés tâchaient d'attirer des gens honnêtes pour les dépouiller ; il vit enfin que je fis rentrer plus de 500 nègres marrons qui étaient errants dans les bois voisins de ce lieu, et qui, chaque nuit, ravageaient quelque habitation.
Pour prouver encore davantage au ministre la confiance que mon zèle avait inspirée à ce général, je lui rappelai qu'à l'époque où la Grenade était menacée, il m'y avait envoyé avec ordre de prendre 700 hommes sur les 1,100 qui formaient la totalité de la garde de la colonie, pour défendre les forts Richemont et Sartine, qui font toute la sûreté de cette île. Enfin, je lui répétai que M. de Bouillé ne m'eût pas fait cette promesse, si je n'eusse servi avec distinction, et qu'il était affreux pour moi de penser que le premier prix de mon attachement à mes devoirs et de ma constante application fût un refus déshonorant, et qu'il était même révoltant de songer qu'en redoublant de zèle pour le service du roi j'eusse travaillé à mon déshonneur et en même temps à la perte de mon état. Et en effet, on sent que si j'eusse servi avec tiédeur, on ne m'eût pas fait une pareille promesse, et que j'aurais pu alors reparaître sans honte, avec mon grade de lieutenant-colonel, dans un pays d'où m'excluait cette promesse éludée. A cela le ministre me répondit : M. de Bouillé ne pouvait pas vous faire cette promesse; s il vous eût promis l'Empire turc, serait-on obligé de vous le donner ? A cette réponse extraordinaire, je lui dis que l'Empire turc n'était pour rien dans ce que je demandais; mais que M. de Bouillé pouvait, non seulement me faire la promesse du régiment de la Guadeloupe, mais même cette promesse devait être un titre pour moi, puisqu'elle émanait du bien du service du roi. Et en effet, si le ministre, qui est à 1,800 lieues des colonies, veut régler l'avancement des officiers sur des services rendus plus que sur des recommandations, n'est-il pas forcé de s'en rapporter au gouverneur général qui est à portée de juger de l'activité des officiers, et de démêler leur aptitude aux diverses places qui viennent à vaquer. Il est donc évident que le bien du service exige que le choix du ministre tombe sur ceux que désigne le gouverneur général, et même qu'il ne peut s'écarter de cette règle, à moins qu'il ne veuille préférer le protégé au bon officier. Or, si cette promesse émane du bien du service du roi, elle devait être un titre pour moi, et ne devait pas être étourdi-ment comparée à la promesse ridicule de l'Empire Turc. C'est même en considération de ce motif qu'on donne aux gouverneurs généraux le pouvoir de nommer provisoirement aux emplois qui viennent à vaquer aux colonies, et que leur choix est constamment confirmé par la cour. J'ai même vu, à Saint-Dominique, M. Dennery accorder la croix à deux capitaines d'infanterie et les autoriser à s'en décorer à l'instant même.
J'observai enfin à M. de Castries que la promesse de M. de Bouillé m'avait été faite si publiquement, qu'après la mort du colonel du régiment de la Guadeloupe, tous les créoles que je rencontrais me fé icitaient sur mon avancement prochain, en ajoutant qu'ils n'avaient plus à en douter, d'après la promesse publique du général. Que, d'un autre côté, on connaissait en Amérique l'affaire qui m'était arrivée; qu'on y savait combien ceux qui l'avaient fomentée étaient criminels, et que jamais on ne pourrait penser qu'il m'eût refusé ce régiment par rapport a une affaire de cette nature. Qu'on penserait, au contraire, que sans doute, j'avais démérité par quelque action honteuse ou par une mauvaise conduite; que ce refus enfin laissait un soupçon injurieux sur mon compte, d'autaut plus apparent que c'était la première fois qu'on voyait, en Amérique, le ministre refuser une grâce annoncée à un officier par son gouverneur général. Je demandai en conséquence à ce ministre, plusieurs foi-; et avec instance, qu'il ordonnât de nouvelles informations, afin d'être autorisé, après lui avoir montré qu'on l'avait jeté dans l'erreur, à réclamer mon rang et mes droits.
Je le prévins aussi que les personnes qui m'avaient desservi auprès de lui n'étaient mes ennemis que pour m'être refusé à voler le roi de concert avec elles; que, dan> les nouvelles informations, je me chargeais de dévoiler un grand nombre d'infamies, qu'il lui était important de connaître, soit envers moi ou envers les colons qui sont continuellement victimes des malhonnêtes gens qu'on leur donne pour chefs. Mais rien ne peut l'ébranler, et on sait, en effet, que rien n'a jamais pu chan ger sa première opinion, quelle qu'elle soit.
Sentant alors que je ne pouvais reparaître dans nos colonies avec mon grade de lieutenant-colonel, qu'avec honte, je priai M. de Bouillé de lui présenter la proposition de retraite suivante, qui n'offre qu'un motif de délicatesse, et qui est très modérée.
mémoire.
J'ai l'honneur de prier M. le maréchal de Castries de m'obtenir à la guerre l'emploi que j'avais lorsque je passai au département de la marine et dans le cas qu'il n'y en ait pas de vacant au moment de ma demande, je le prie de me conserver des appointements jusqu'à ce que je sois placé. J ai l'honneur de lui observer que j'offre de rejoindre le régiment de la Guadeloupe, en qualité de lieutenant-colonel, si ces conditions offrent quelque difficulté, etc... Il est évident que je n ai demandé à repasser à la guerre que jus-qu à ce que j'aie fait informer de ce prétendu duel, et que je réclamerai mon rang à ce département, sitôt que j'aurai montré que c'est un assassinat.
Je ne pouvais faire une demande plus modérée puisque j'acquiesçais par là à perdre le fruit de trois campagnes que je venais de faireà mes dépens et mon ambition se bornait à retrouver l'emploi que je n'avais redemandé que pour n'avoir pas voulu rester inutile en France..... J'avais quitté ma majorité des régiments provinciaux pour aller en Amérique faire la guerre sur une simple expectative du ministre de la marine... - Ici, il serait impossible de suivre la marche du ministre à l'égard de ma proposition de retraite. Les promesses qu'il me fit faire par l'inspecteur général des colonies, par M. de Bouillé, et les demandes réitérées du traitement que je voulais, jous ces objets opposés à sa dernière détermina--tidn, et surtout à sa dernière lettre qui vient ci-après, offrent une carrière d'inconséquences, de contradictions, une espèce de chaos, dans lequel -U est impossible à un nomme raisonnable de rien comprendre.
Je ne citerai de tout ce tripotage incohérent et sahs suite que la dernière lettre du ministre qui me fut écrite de cette manière-ci : Assez longtemps après avoir fait ma proposition ue retraite, je me reudis chez M. de Bouillé, pour savoir la dernière résolution de M. de Castries à cet égard. Ce général me dit que le ministre lui avait promis de me conserver un traitement jus-qu-à ce que je fusse placé à la guerre. Sur cela, je lui écrivis cette lettre de remerciement :
« Paris, le 16 mai 1785. ¦ Monsieur le Maréchal, j'ai l'honneur de vous remercier de ce que vous avez bien voulu promettre à M. de Bouillé de me conserver des appointements jusqu'à ce que sois placé au département dfe la guerre. Je joins ici, Monseigneur, un nouveau plan pour donner la liberté aux nègres.J'ai l'honneur, etc.
« Chevalier Laborie. »
Réponse.
« Versailles, le
J'ai reçu, Monsieur, avec votre lettre du 16, un plan contenant une nouvelle manière de don-,uer la liberté aux nègres d'Amérique, dont je voUs remercie. Je vous ai laissé tout le temps de réfléchir sur le parti que vous avez pris de quitter votre emploi de lieutenant-colonel du régiment de la Guadeloupe; vous ne tenez plus au département de8 colonies, et je n'ai aucun titre pour venir à votre secours.
« Le maréchal de Castries. »
Il est certain que le ton impérieux et dominant de cette lettre ressemble bien plus à l'expression d une divinité malfaisante qu à celle de l'organe respectueux des volontés d'un maître juste et bon; puisque ce ton tranchant ferait croire que nous n'avons de règle que le caprice des ministres, tandis que cependant l'ordonnance prononce dans ces cas sur le sort des officiers; mais indépendamment de cette dissonnance orgueilleuse et de fatuité, on trouve encore que cette réponse n'a aucun rapport à la lettre qui me l'a attirée, puis-que.le est simplement une lettre de remerciement, et que je n'y fais aucune demande importante; tout décèle enfin, dans cette lettre, que le ministre y déraisonne, y dépasse ses droits et y abuse de son autorité. Que signifie, par exemple, je vous ai laissé tout le temps de réfléchir sur le parti que vous avez pris de quitter votre emploi de lieutenant-colonel? A quoi cela se rapporte-l-il i n"1"11 trouvé j ai abandonné mon emploi? Dans ma proposition de retraite, je redemande la majorité que j'avais autrefois à la guerre, et un traitement jusqu'à ce que je sois place, en offrant en même temps de rejoindre mon regiment, si ces conditions ne pouvaient être remplies. Je n'ai donc pas pris le parti d'abandonner mon emploi; et même, selon toute justice, il ne pouvait y nommer sans remplir les conditions que j'y mettais, ou du moins, sans me faire prévenir qu'il ne pouvait accepter ma démission, et alors j'aurais rejoint. Il devait se rappeler aussi que je ne donnais ma démission que parce qu'il s'était orgueilleusement et mal à propos cru capable de décider d'une affaire d'honneur..... Je prouve bien clairement dans mon memoire que son jugement outrage nos lois, est deraenti par l'honneur et choque le bon sens, en sorte qu on ne peut guère comparer l'autorité d ou il émane qu'à une arme meurtrière dans les mains d'un aveugle, dont il frappe au hasard. f ous ne tenez plus au département des colonies. Il fallait ajouter ici :... Pour avoir mérité dV tenir par le régiment de la Guadeloupe... Et alors on aurait plus facilement compris combien c'est affreux d'avoir affaire à un homme incapable et injuste.
Et je n'ai aucun titre pour venir à votre secours ¦D'abord, pourquoi cette
expression avilissante dont on se servirait à peine envers un valet
importun, puisque je n'ai fait aucune demande dans ma lettre? Mais je laisse
la grossièfeté de 1 expression, pour me renfermer au sens. Ce ministre n'a
donc aucun titre pour venir à mon secours, par la raison que je ne tiens
plus aux colonies. Mais si je ne tiens plus aux colonies, c'est par la
raison qu'il a injustement et illégalement nommé à mon emploi, et je ne sais
pas pourquoi il tirerait d'une première injustice le droit de m'en faire une
seconde. D'ailleurs on trouve que c'est une bien chétive et futile défaite,
si on prend garde que l'injustice d'avoir nommé à mon emploi, n'efface pas
mon service-et il est bien clair que, quoique je ne tienne plus aux
colonies, je n'en ai pas moins 35 ans de service; or, comme on trouve
ensuite que l'ordonnance des récompenses militaires marque quel est le prix
de 35 ans de services, on n'entend plus alors pourquoi ce ministre n'a aucun
titre pour
Après ce refus injuste, je fus faire quelques tentatives au département de la guerre, où l'on me répondit de même que, ne tenant plus depuis longtemps à ce département, je ne pouvais y obtenir de pension. De cette sorte, je me suis trouvé, après avoir servi toute ma vie, sans emploi et sans traitement d'aucune espèce, et cela, pour avoir été faire la guerre en Amérique de bonne volonté, et pour y avoir montré assez de zèle pour être élevé à un grade supérieur. C'est ainsi qu'on apprend aux gens de guerre comment se paye la bonne volonté, et que ce n'est pas en servant bien l'Etat, qu'on mérite le plus.
On voit donc enfin que c'est une lettre qui me dégrade et me réduit à la misère, qui a été jusqu'à présent la récompense des travaux et des fatigues de toute ma vie. Je m'arrête, je ne saurais revenir sur cette lettre sans frémir, et j'espère que, dans un temps où l'honneur, la probité, la vertu reprennent hautement l'empire, il n'arrivera pas qu'un officier qui a passé sa vie à servir avec honneur et zèle, finisse dans l'opprobre et la misère, faute d'un acte de justice.
Je dois observer que cet abandon inusité fait naturellement croire que je me suis déshonoré par quelque action honteuse et que cette seule considération doit redoubler ma vigilance et faire pardonner mes imporiunités pour me relever de cet état accablant.
Observations relatives a M. de Gastries.
On sait que ce maréchal de France possède une fortune immense, et que dans cet état d'opulence il ne craint pas de blesser sa délicatesse, en faisant payer à l'Etat des services qu'il n'a jamais su lui rendre, 5 à 600,000 livres par an, dont il jouit à titre de bienfaits du roi. Cependant, on ne peut nier que celui qui jouit d'une récompense qui n'est due ni à ses talents, ni mesurée sur des services rendus, peut justement être taxé de fripon public; et il est bien étonnant qu'un homme à qui on peut faire ce juste reproche, ose refuser, sans motif, une modique pension pour subsister à un officier sans fortune, surtout quand l'ordonnance la lui attribue.
Si l'on trouvait que je parle légèrement des talents de ce ministre, en ce cas, pour me justifier, je rappellerais les imbéciles opérations faites à la marine, et les déprédations commises aux Antilles durant la dernière guerre, qui ne témoignent que trop qu'il était au moins incapable de remplir sa place de ministre de la marine s'il n'en était indigne.
Il a cru, sans doute, lorsqu'il m'a traité aussi durement, que j'avais oublié qu'il ne devait son élévation, à la dignité de maréchal de France, qu'à la basse adresse qu'il eut de se faire honneur du gain de la bataille de Clostercamp, auquel il ne contribua, cependant, en rien, et du soin qu'il eut de cacher que le salut de ce corps d'armée fut uniquement dû aux officiers de chasseurs du régiment d'Auvergne dont je faisais partie, qu'il eut l'indignité de laisser sans récompense aucune de cette action de valeur, afin que toute la gloire de cette journée mémorable rejaillît plus particulièrement sur lui. J'avoue que j'étais loin de penser alors qu'en courant volontairement à un danger imminent, je travaillais à l'élévation de celui qui, dans la suite, devait m'accabler de cette même grandeur, acquise durant un paisible sommeil.
Enfin, lorsque M. de La Luzerne parvint au ministère, c'est-à-dire plus de 3 ans après qu'on eut nommé à mon emploi, je me rendis à une de ses audiences, pour lui demander l'examen de mon affaire, afin que je fusse autorisé ensuite à réclamer un emploi à son département et un dédommagement pour les 3 années pendant lesquelles on m'avait laissé sans emploi et sans récompense aucune. Il me dit alors qu'il ne pouvait rien changer à ce que son prédécesseur avait décidé à mon égard. Je lui observai à cela que la décision de M. de Gastries ne pouvait annuler des droits fondés sur l'ordonnance du roi, et qu'il ne pouvait nier que cette décision ne fût une injustice puisque je prouvais qu'elle était en opposition à cette grave autorité; d'où il suivait que j'avais tout lieu d'espérer qu'il ne réglerait pas le traitement et l'état d'un officier qui avait bien servi, d'après cette décision aussi absurde qu'injuste, que je le priai, au contraire, d'examiner mes services, et de les rapporter ensuite, aux dispositions de l'ordonnance, afin qu'il pût tirer de là une règle plU3 conforme à la raison et à l'équité. Il me répéta qu'il se référait entièrement à ce que M. le maréchal avait décidé pour tout ce qui me concernait. A cette seconde réponse, je citai quelques articles de l'ordonnance, particulièrement celui qui fixe à chaque grade des sommes proportionnées aux années de services que l'on constate, et je lui dis : Vous voyez, Monsieur, que la décision de M. le maréchal qui me laisse sans traitement après 35 ans de services, est opposée aux intentions du roi, bien clairement manifestées dans cet article de son ordonnance, qui m'attribue la moitié des appointements de mon grade. J'ai donc tout lieu de croire, qu'après avoir comparé ces deux autorités, et dans l'alternative du choix, que vous vnus référerez de préférence à celle du roi qui m'attribue un traitement qu'à celle de M. le maréchal qui n'est appuyée que sur une injustice. . . . .
Je vous observerai encore, ajoutai-je, qu il est honteux qu'on refuse sans motif, à un officier qui a blanchi au service de son pays,une modique pension pour subsister, tan lis que tous les jours on en prodigue à des filles de débauche, à un tas d'intrigants et de vile canaille qui font honte à l'humanité; sans compter ces énormes traitements faits à la classe supérieure, que pas un ne pourrait justifier par ses talents et sa capacité : que pour indisposer le moins possible contre ces actes de prodigalité, scandaleux et révoltants, on ne devrait pas du moins faire disputer ce qu'il y a de fixé pour ceux qui les ont mérités par de bons services. Tout fut inutile et j'ai continué pendant plu3 d'un an à réclamer mes droits par lettres, sans pouvoir rien obtenir : il m'a constamment répondu qu'il se référait à la décision de M. le maréchal.
Enfin, ne pouvant vaincre cette obstination affectée, par aucune bonne
raison, je m'adressai au roi, pour le supplier qu'il voulût bien ordonner
l'examen d'un mémoire qui contenait le détail des injustices que m'avaient
faites MM. le maréchal de Castries et de La Luzerne. A ma supplication, Sa
Majesté eut la bonté d'ordonner l'examen de mon mémoire. Les personnes qui
en furent chargées jugèrent que les injustices dont je me
La demande du gouvernement de Sainte-Lucie fut ensuite faite, par ordre du roi, au ministre de la marine qui, malgré cela, s'est refusé à me nommer à cette place.
11 est bon de dire ici que M. de La Luzerne, informé de ma démarche, et sachant que les gens du roi avaient décidé qu'ou demanderait le gouvernement de Sainte-Lucie pour moi, se pressa de donner cette place à ce même officier à qui M. le maréchal de Castries avait donné le régiment de la Martinique pour avoir accompagné M. de La Fayette en Amérique. Il est bon d'ajouter que l'élévation de cet officier a fait plusieurs mécontents aux Antilles; d'abord parce qu'il a très peu servi, et ensuite, parce qu'on lui reproche d'avoir été renvoyé du régiment où il servait en France, avant ses voyages d'Amérique.
Ici finit la lettre que j'écrivis à M. le Président de l'Assemblée nationale, du 27 décembre 1789 et enregistrée le 5 janvier 1790, au comité des rapperets.
Ne pouvant tirer aucune réponse du ministre de la marine, relativement au gouvernement de Sainte-Lucie..... le silence fut le moyen qu'il trouva pour résister à l'ordre du roi ; jamais il ne m'a été possible d'en avoir, même une réponse négative.....alors je pris le parti d'adresser à M. le Président de l'Assemblée nationale la lettre précédente et le mémoire qui déjà avait été examiné par les gens du roi. M. le Président renvoya ces deux objets au comité des rapports après l'examen de mon mémoire, le comité fut d avis que son président se retirerait par-devant M. de La Luzerne, afin de solliciter pour moi le gouvernement de Sainte-Lucie, en réparation des injustices qu'on m'avait faites.
Il y a cette circonstance à ajouter à tous les motifs qui doivent donner un grand poids à la décision du comité des rapports qui est que lorsqu'on eut désigné M. de Praslin pour mon rapporteur, je le priai de demander à M. de La Luzerne toutes les pièces qui pouvaient être contre moi, au département de la marine, afin qu'il ne restât rien de louche dans cette affaire, et qu'elle fût jugée avec une pleine connaissance de toutes les particularités qui la distinguaient, de manière qu'on n'eût plus rien à opposer à un jugement qui émanerait des rapports de tous les objets qui lui étaient relatifs.
Ces pièces furent envoyées et c'est sur elle et sur mon mémoire comparés ensemble, que le comité a donné son avis.
Voici la raison qui me détermina à faire demander ces diverses pièces à M. de La Luzerne. Dans la première lettre que je lui écrivis, je demandai, comme j'avais déjà fait à son audience, un traitement jusqu'à ce que je fusse placé, et une revision de mon affaire, afin que je pusse ensuite réclamer mon rang et mes droits à la marine. M. de La Luzerne me fit cette réponse-ci qui est du 7 février 1788... « J'ai reçu, Monsieur, le mémoire par lequel vous me demandez un traitement, en attendant votre remplacement. D'après l'examen que j'ai fait de votre affaire, il ne m'est pas possible de proposer au roi de vous remettre en activité, au service des colonies, etc... de La Luzerne. » A la réception de cette lettre, je lui demandai qu'il me fût permis de voir dans ses bureaux les comptes qui avaient été rendus de cette affaire, afin qu'il me fût possible de détruire les faussetés qui la montraient de nature à me rendre iodigne de servir le roi... La réponse à cette demande est du 17 avril 1788... « J'ai reçu, Monsieur, etc., etc. Je ne puis au surplus consentir à ce que vous preniez connaissance dans mes bureaux des rapports qui ont été faits sur votre affaire par M. le vicomte de Damas, ni ordonner de nouvelles informations, ainsi que vous le demandez... La Luzerne. »
Je ])riai donc M. de Praslin de demander tout ce qui était contre moi à la marine, afin de connaître ce qui avait donné lieu à l'article déshonorant de la lettre du ministre, et j'ai été fort étonné, après l'examen de ces pièces, de ne rien trouver qui fût à ma charge et même qui justifiât nos agresseurs. On y tâche seulement de les excuser en couvrant leur conduite criminelle par le prétexte d'une affaire d'honneur, et d'une manière si maladroite et par des mensonges si évidents, qu ils ne témoignent absolument rien que de la bêtise de ceux qui les ont crus bons à quelque chose. Cette justification est particulièrement du colonel du régiment de la Martinique, qui affirme, du fort royal de la Martinique, ce qui s'est passé à Sainte-Lucie où il n'a jamais été peut-être, que pour prendre possession du gouverne-mentde cette île que M. de La Luzerne lui a donné si précipitamment à la mort de mon frère. Au reste toutes les pièces n'ont pas été envoyées et il est inutile de dire qu'on a eu soin d'en soustraire particulièrement celles qui étaient trop en ma faveur. Mais, malgré cette tricherie, il n'en est pas moins évident, après les avoir lues que la tournure déshonorante de la lettre de ce ministre n'a d'autre source que dans la souillure de 1 imagination qui l'a dictée : et on ne cherche plus la raison pourquoi, après m'avoir écrit cette infâme lettre il s'est refusé à me laisser prendre connaissance, dans ses bureaux, des comptes qu'on avait rendus de mon affaire.
Lorsque M. l'évêque de Chàlons, président du comité des rapports, fut signifier à M. de La Luzerne que l'avis du comité portait qu'il devait me donner le gouvernement de Sainte-Lucie en réparation des injustices que j'avais éprouvées, il lui fit une réponse à peu près semblable à celle dont je viens de parler et qui certainement fut de même dictée par la mauvaise foi. Voici cette réponse... « Que le chevalier de Laborie, ayant eu des raisons majeures pour ne pas retourner à son régiment, où il aurait été mai accueilli, demanda sa retraite qui lui fut accordée. »
Pour s'assurer que cette réponse est de pure invention et un vil mensonge
fait uniquement dans l'intention de refroidir l'intérêt que le comité des
rapports devait naturellement prendre à un ancien officier aussi indignement
qu'injustement traité, on n'a qu'à se rappeler que j'ai fait d mander à M.
de La Luzerne toutes les pièces qui étaient contre moi à son département ;
et on juge bien que s'il eût pu montrer que des raisons majeures m avaient
empêché de retourner à mon régiment, il se serait empressé de les faire
connaître. D'ailleurs, il est prouvé, dans mon mémoire, que je n'ai demandé,
à repasser à la guerre que parce qu'on m'a refusé le régiment de la
Guadeloupe; preuve évidente que je n'avais pas des raisons majeures pour ne
pas retourner au régiment de la Guadeloupe. Enfin on sent encore que s'il y
eût eu des raisons majeures, il eût dit quelles étaient ces raisons et qu'il
ne se serait pas servi de
Cependant, c'est de ces pièces qu'il part pour me dire que, d'après l'examen qu'il en a fait, il a jugé que j'étais indigne de servir le roi On sent bien qu'il ne m'a mandé cela que parce qu'il a esperé que jamais je ne viendrais à bout de voir dans ses bureaux ce qui concernait cette affaire et qu'il a cru qu'à l'aide des prérogatives de sa place, il pourrait m'aviliret me déshonorer à son1 are, chaque fois que je demanderais justice. Il a jugé de même qu'en disant à M. l'évêque de Châlons que j'avais des raisons majeures pour ne pas retourner à mon régiment et en se refusant de donner ensuite l'explication de ces termes vagues, il laisserait par là un soupçon injurieux sur mon compte que je ne pourrais détruire. Et cet infâme calcul s'est en effet réalisé, puisque, en refusant de me donner le gouvernement de Sainte-Lucie, il a trouvé en même temps le moyen de verser le déshonneur sur ma conduite, en disant que des raisons majeures m'avaient empêché de retourner à mon régiment. En sorte qu au résultat, et après avoir prouvé d'une manière assez claire aux gens du roi et au comité des rapports que j'étais réduit à la misère et au deshonneur par des injustices, pour en avoir une décision en ma faveur, il arrive cependant que, non seulement je n'ai pas obtenu la grâce demandée pour moi, mais même que je me trouve avec une tache de déshonneur de plus et, cela, par un vil mensonge et de basses inculpations sans fondement. Je dirais donc de M. de La Luzerne s il n était pas ministre, qu'il n'y a qu'un malhonnête homme et un misérable qui puisse se jouer ainsi de l'honneur français et qu'un pareil homme devrait être voué, chez cette nation délicate, à I iufâmie et à l'opprobre pour jamais, chez cette nation que la franchise et la loyauté doivent particulièrement distinguer.
Au surplus, il est évident que j'ai épuisé toutes les ressources qui s'offrent auprès du pouvoir exécutif et auprès de l'Assemblée nationale, par le moyen de son comité des rapports, pour avoir raison des injustices dont j'ai à me plaindre- et que néanmoins je reste opprimé. J'ose donc m'a-dresser à l'Assemblée nationale pour la supplier d'ordonner au minière de la marine de me nommer du gouvernement de Sainte-Lucie et de me donner le dédommagement demandé pour le temps où l'on m'a abandonné sans motif; c'est-à-dire qu'elle ordonne à ce ministre d'obéir au roi et de se conformer à l'avis de son comité des rapports. Je finis par cette observation que, pour oser parler de liberté, il faut trouver plus de facilité pour se faire rendre justice et de plus honnêtes gens pour nous gouverner. . Voyant que je n'avais rien à espérer de la manne, je m adressai au ministre de la guerre à qui, après plusieurs refus, je fis enfin ce mémoire de demande, en y joiguant mes services.
Mémoire du chevalier Laborie pour demander à continuer de servir, ou une pension de retraite pour les 30 années qu'il a servi au département de la guerre.
J'ai commencé à servir en 1750, en qualité de lieutenant au bataillon de milice de Vernoux.
Passé au régiment d'Auvergne avec le même grade en 1755. Fait capitaine au même régiment en 1760. Nommé à la majorité d'un régiment provincial en 1778, lieutenant-colonel du régiment de la Guadeloupe en 1782.
J'ai fait la guerre d'Allemagne aux chasseurs..... Je me suis trouvé à deux
batailles par pure vo.....Je me rendis à celle de Crefeld, quoique tenu dans
mon lit par la fièvre, depuis plusieurs jours ; je m'y fis transporter du
village où j'avais été me faire traiter.....A Souest, sur deux bataillons de
grenadier, nous fûmes détachés 6 compagnies pour protéger les travailleurs
chargés d ouvrir des marches à l'armée de B oglie. Notre mission finie, M.
le comte d'Estainville, aux ordres de qui nous étions, nous dit de rentrer à
nos régiments. Jugeant que ce général s'était trompé, sur ce que nos
régiments ne devaient arriver que le lendemain, je fus rejoindre nos
grenadiers et chasseurs, qui en ce moment formaient l'attaque de quelques
redoutes qui couvraient la gauche de l'armée ennemie, que nous enlevâmes et
dans lesquelles nous primes poste. Un instant avant la nuit, les troupes qui
étaient a notre droit», sur une fausse alarme, se retirèrent jusqu'au
village qui était derrière nous nos grenadiers, pensant que nous étions
tournés' suivirent ce mouvement. Je restai seul et je conservai le poste,
malgré l'effort des ennemis, qui voyant qu'on se repliait, s'y portèrent en
foule. Dans celte occasion, j'eus 32 hommes de tués sur 100 que je
commandais. J'avais forcé le capitaine avec lequel j'étais particulièrement
détaché de venir avec moi ; mais en arrivant au lieu de l'attaque, il
abandonna lâchement sa troupe, qui vint se mettre à mes ordres. Je fus, par
ce moyen, le seul des capitaines détachés qui revint au combat et assez
heureux pour conserver un poste essentiel et indispensable pour former
l'attaque générale projetée pour le lendemain.....Au surplus toutes les
personnes avec lesquelles j'ai servi attesteront que, dans la durée de cette
guerre, je me suis exposé aux risques des coups de fusil par pur zèle, bien
plus souvent que par devoir.....' Au siège de Brunswick, j'ai repris une
pièced'ar-tillerie, au moment où les ennemis la rentraient dans la ville
sous une escorte nombreuse.....A la bataille deGrebestein, j'en ramenai 4
qu'on avait
A la paix, j'ai fourni 63 mémoires au département de la guerre, qui pour la plupart ont produit des changements avantageux.....11 à la marine, dont un seul a économisé à l'Etat au moins 15 millions durant la dernière guerre, de l'aveu des personnes employées à ce département.....
En 1775, notre 4e bataillon ayant été détaché pour passer à Saint-Domingue,
je changeai de compagnie avec un de mes camarades, pour le suivre. Dans
cette occasion, je relusai, pour aller en Amérique, une majorité que
m'offrait M. le comte de Muy, ministre de la guerre ; c'est-à-dire crue je
eacriiiai mon avancement à un service plus actif..... M. le prince de
Montbarrei m'ayant nommé à une majorité quelque temps après, je ne laissai
pas què de continuer à servir en Amérique jusqu'à rassemblement de l'armée
de Bretagne destinée à l expédition d'Angleterre. Alors, seulement, je
repassai en Frauce, et ie fus employé à cette armée comme major de division
au corps de grenadiers et chasseurs qui en formait
l'avant-garde.....Lorsqu'il n'y eut plus apparence de guerre en Europe, je
demandai à repasser en Amérique, ce que j'obtins en 1782 ; et j'y fus sur
une simple expectative du ministre de la marine, c'est-a-dire sans emploi et
sans appointements. Permettez, Monsieur le maréchal, que je vous rappelle
que dans cette occasion, et au moment de mon départ, je vous priai de me
conserver mon emploi jusqu'à ce que je fusse placé à la marine, ou, si vous
le préfériez, me donner une pension sur l'ordre de Saint-Louis, et que vous
me refusâtes inexorablement l'une et l'autre de ces demandes..... Alors,
pour vous disposer en ma faveur, je vous rappelai que M. de Liabé, pour qui
j'avais passé à Saint-Domingue en 1775, ayant quitté le régiment lorsque
notre premier bataillon reçut l'ordre de venir nous y joindre, obtint 800
livres de pension, quoique cet officier eût alors 3 années de service, 2
actes de volonté et un grade de moins que moi. Vous me répondîtes à cela que
les temps étaient changés (1). J'eus l'honneur de vous observer que
l'ordonnance des récompenses militaires était la même ; vous me dites une
seconde fois que les temps étaient changés, et il fallut aller en Amérique
faire la guerre à mes dépens. Je vous observerai encore que, malgré que les
temps fussent changés, mon frère avec qui je passais aux Antilles et à qui
on avait donné, à la marine, le gouvernement de la Grenade, qui jouissait
déjà de 18,000 livres de pension, en obtint encore de vous une de 1,000
écus..... Je dois vous observer aussi qu'à la sollicitation de M. Gerbier,
avocat, vous avez donné ma majorité à un capitaine du même régiment où j'ai
servi, quoique cet officier ait reiusé de passer en Amérique dans les deux
occasions où j'y ai été de bonne volonté et que particulièrement, dans cette
dernière occasion, le protégé (2) que vous avez nommé à ma majorité
Demande.
En rapprochant ces diverses circonstances, j'espère, Monsieur le maréchal, qu'elles vous détermineront à me rendre mon emploi ou à me donner la récompense de mes services.
Chevalier Laborie.
Cette demande n'eut aucun succè3, et je restai définitivement sans emploi et sans aucune sorte de récompense.
Je range, parmi mes services, le bulletin de l'acte de volonté des chasseurs du régiment d'Auvergne, dont je faisais partie et qui sauva, à Glostercamp, un corps de 25,000 hommes, dont j'ai fait autrefois honneur à d'Assas seul, connu depuis, sous le nom honorable de Curtius François ; et en même temps, pour former la demande de la récompense de cet acte de valeur qu'on a laissé dans l'oubli.
M. le maréchal de Broglie détacha, en octobre 1760, de l'armée qui était en Hesse, un corps de 25,000 hommes pour secourir Vesel, qui était assiégé par M. le prince héréditaire de Brunswick.
Le régiment d'Auvergne faisait partie de ce corps qui arriva le 15 à Rheinberg où il campa; la droite appuyée à cette ville, la gauche au village de Campenbruck et son front couvert par le canal de Cleves.
Dès que le camp fut établi, nous fûmes, les 8 officiers de chasseurs du régiment d'Auvergne, en parcourir le front et nous jugeâmes, à la distribution des postes avancés, que nous serions surpris, si les ennemis marchaient sur nous, ainsi que tout l'annonçait.
En effet, nous venions de faire le long trajet de Cassel à Rheinberg par des marches forcées qui se prolongeaient fort avant dans la nuit, à travers un pays où nous avions manqué de tout, par une pluie continuelle, dans des chemins mal faits, chargés de boue, et partout dégradés par des torrents qui ajoutaient à la fatigue le danger de les passer.
Plusieurs régiments d'infanterie, presque toute la cavalerie et l'artillerie eu entier nous manquaient et ne pouvaient arriver que le lendemain. Il manquait aussi, aux régiments campés, beaucoup de soldats, que l'excessive fatigue avait forcés d'être en retard.
Nous jugeâmes donc que les ennemis qui campaient en avant de Burick profiteraient de ce moment de désordre pour nous attaquer, et que dans l'espoir de nous surprendre, ils marcheraient à nous dans la nuit.
Pleins de cette idée, nous cherchâmes un poste sur le chemin de Campenbruck à Clostercamp, où nous jugeâmes que les ennemis seraient forcés de passer s'ils venaient à nous, et que nous résolûmes d'aller occuper au premier indice de leur marche. ,
Ce poste reconnu, nous rentrâmes au camp et formâmes le projet de nous reposer jusqu'à 11 heures, de souper jusqu'à minuit et de prolonger notre repas jusqu'à l'apparition des ennemis.
Ce fut à 4 heures du 16 au matin que nous entendîmes, dans un grand éloignement, un seul cri d'alarme... A l'instant nous courûmes à n s troupes *et les rassemblâmes à la gauche du régiment. Notre marche donna l'éveil au camp, et dans l'instant tout fut en armes.
A peine fûmes-nous réunis qu'il vint du village de Compenbruck, où logeaient nos officiers généraux et officiers supérieurs, l'ordre de faire rentrer tout le monde, en ajoutant que l'alarme était fausse. A coup sûr on pouvait dire aux soldats de se reposer sans inquiétude. A cet ordre, tout le monde rentra donc, hors nous qui nous mimes en marche pour aller occuper notre poste. M. de Langa, commandant de bataillon aux ordres de qui était le régiment, en l'absence de nos chefs, nous dit que, l'ordre étant général, il fallait aussi rentrèr. Nous répondîmes à cet officier que si nous voulions en croire nos généraux, on nous couperait les oreilles dans nos lits; que, malgré leur ordre, nous allions occuper un poste que, nous avions reconnu la veille en avant du village, où nous espérions devancer les ennemis. Cet officier pensait sur cela comme nous et n'insista pas. Nos grenadiers surent bientôt le parti que nous avions pris, et nous suivirent de très près.
L'instant après que nous fûmes rendus à notre poste, nous entendîmes le bruit sourd, et très sensible durant le silence de la nuit, d'une troupe en marche. A cet indice, nous tirâmes quelques coups de fusil dirigés vers cette troupe suspecte, qui riposta. En même temps s'éleva, du côté des ennemis, une voix qui dit avec beaucoup de véhémence: « Il faut être bien lâches pour se détruire ainsi entre amis, et ne vous avons-nous pas déjà dit que nous étions Français ».....Sur cette plainte, et dans la crainte de nous être mépris, nous fîmes cesser le feu.
Dans l'incertitude où nous restions, j'approchai de mon frère pour lui observer combien il était imprudent de laisser venir cette troupe sur nous, qu il fallait, au moment même, la sommer d'arrêter où elle était. Dans ce même instant, j'aperçus, malgré l'extrême obscurité, le brillant des plaques de cuivre dont étaient recouverts les bonnets des grenadiers anglais qui formaient la tête de la colonne. J'en fis l'observation à mon frère, qui dit : « Il n'y a plus à en douter, ce sont les ennemis. Vite à nos postes! » El s'adressant à sa troupe, il dit : « Chasseurs, ce sont les ennemis; tenons ferme.
Ce fut donc alors que d'Assas, qui s'était porté, ainsi que nous, à huit ou dix pas en avant de sa troupe fut saisi par les Ecossais, qui le sommèrent de se rendre, en lui signifiant que sa vie dépendait d'un seul mot prononcé. A cette terrible menace, d'Assas se retourne vers sa troupe et crie : « Chasseurs, ce sont les ennemis! » et tombe mort.
Le commandant de la troupe ennemie avança aussitôt vers nous et dit : Grenadiers d'Auvergne, rendez-vous; on ne vous fera pas de mal. » Cette sommation fut le signal du combat; à l'instant nous chargeâmes à la baïonnette.
Alors commença donc un combat de 12,000 Contre 400, et la valeur suppléa si bien le nombre, que, dans un poste qui n'avait rien d'avantageux nous arrêtâmes les ennemis pendant une heure et demie. Enfin, nous fûmes secondés par les troupes campées, et le lieu de la première rencontre devint ainsi le champ de bataille.
L'action du courageux d'Assas fut ignorée même du régiment d'Auvergne jusqu'en 1766.Il n'était resté, après la bataille de Clostercamp, que deux chasseurs de sa compagnie et moi qui eussions entendu le cri de leur capitaine, et ces deux chasseurs périrent pendant la guerre; je fus donc le seul nui en conservait le souvenir par le bulletin que j'ai transcrit. .. Les garants de ce bulletin sont, et le cri de d'Assas que j'avais entendu, et la narration d'un Ecossais, prisonnier, que je rencontrai à l'hôpital de Dus^eldorf, qui était du nombre de ceux qui avaient sommé d'Assas de se rendre.
Ce ne fut donc qu'en 1766, et lorsque M. de Roussel nous demanda des notes pour servir à l'histoire du régiment, qu'il avait entreprise, que je fournis ce trait.
Quelque temps après, je mandai à M. de Voltaire à peu près ce qu'on vient de lire, en le priant de faire connaître l'action de valeur de d'Assas. Cet humme célèbre l'a en effet éternisé depuis, en le modifiant à sa façon; sur cela, les Parisiens ont fait une gravure, avec l'inscription duGurtius français, quoique, même selon M. de Voltaire, ce trait n'ait aucun rapport au dévouement fanatique et ridicule de ce Romain. Il en avait un plus immédiat au dévouement patriotique et éclairé de Décius, qui ranima le courage de l'armée romaine, qui commençait à fuir, et changea, par sa mort honorable, une défaite en victoire. Quoi qu'il en soit, tout cela a concouru à remplir mon objet qui était de faire éclater cette affaire.
Voici quel fut l'événement de ce combat mémorable : sur les 8 officiers de chasseurs, 3 restèrent sur le champ de bataille, et les 5 autres furent gravement blessés; je fus le plus épargné de tous, et je reçus 3 coups de feu, plus de la moitié de nos chasseurs furent jetés raides, et il n'y en eut presque pas qui ne fussent blessés; en général, notre perte rut évaluée à plus des 9 dixièmes.
Cette intrépide résistance fut particulièrement due à la précaution que nous eûmes en arrivant à notre poste, de jurer et faire jurer à nos chasseurs que pas un de nous ne le céderait aux ennemis, tant qu'il lui resterait uu souffle de vie.
Bieutôt ce rude combat fut connu de l'armée entière; partout on y énumérait
avec enthousiasme les particularités qui le distinguaient, on y répétait
unanimement que c'était une des plus vigoureuses actions connues dans l
histoire, et fait pour honorer même la nation française : On admirait à la
fois cette sage prévoyance de cher cher un poste en avant de Gampenbruck, et
cette louable résolution de passer encore une nuit, quoique exténués de
fatigue, et ce serment terrible, si bien justifié par cette inébranlable
fermeté à conserver notre poste; et surtout enfin à la détermination de
cette audacieuse charge d'un petit nombre qui força cette redoutable colonne
de s'éloigner, et à laquelle fut certainement dû le salut de l'armée et le
gain de la bataille, puis-qu'en même temps que nous arrêtâmes le3 ennemis,
nous conservâmes le village de Gampenbruck dont tout dépendait... Mais il
n'en fut pas de même à Versailles; là, l'intérêt particulier enveloppa notre
conduite avec celle de toutes les troupes qui donnèrent, pour en conclure
que c'était à ceux qui les commandaient qu'appartenait la gloire de cette
journée, quoique cependant il soit bien certain qu'il n'y eut ni
dispositions faites, ni positions prises, ni manœuvres ordonnées, et qu'elle
fut uniquement due à la très grande valeur des troupes, mais qui cependant
combattirent en même temps dans un grand dé-
Ici je fais la supplication à Monseigneur le président de l'Assemblée nationale, de se faire autoriser par nos seigneurs les représentants de cette nation aussi généreuse qu'amie de la gloire, à apostiller avantageusement la demande que je prie le ministre de la guerre de faire au roi, qui est: d'autoriser les femmes des 4 officiers ci-dessus nommés qui sont et qui pourraient être mariés, de se décorer d'une croix de Saint-Louis.
Ces officiers sont :
Le chevalier de Spens,maréchal de camp ;
Le chevalier de Laborie,lieutenant-colonel, non marié et hors d'âge;
De Bazignan, lieutenant de roi de Ham, marié;
De Bordenave, capitaine retiré, non marié.
J'offre de faire constater le contenu de ce bulletin par des témoins irrécusables...
Quant à ce que cette demande parait tardive, on doit penser combien il eût été inutile et même imprudent, à des subalternes, accoutumés à tout tenir de la bonté des grands, de former, avant cette époque-ci, une demande qui eut clairement démenti ces traits de vaillance, exagérés ou chimériques auxquels cependant plusieurs de nos hauts personnages durent leur avancement. En effet, notre général fut fait prisonnier avant le combat, et quoique sa captivité fut ignorée et personne n'eût donné des ordres en son absence, elle ne fit pas moins, dans la suite que naître l'idée à tous ces hauts personnages ae s'attribuer la plus grande part possible au succès de cette journée; et il arriva même de cette concurrence d'artificieuses prétentions débattues par la seule jactance, que les plus menteurs furent les mieux récompensés. On voit donc que, forcés, par l'exposé de notre demande, de découvrir tout ce tripotage avilissant, nous nous serions attirés de très mauvaises affaires, sans aucun espoir de succès. Il faut connaître le ton des bureaux pour bien juger cela; il faut connaître quelle forme est établie pour la distribution des récompenses de la classe subalterne ; il faut savoir que rien ne lui parvient sans la protection des gens remarquables; il faut savoir que cette protection ne s'accorde jamais à ceux qui servent bien l'Etat, mais bien à ceux qui s'avilissent à leur gré ; et qu'on ne peut mesurer le droit qu'on veut y avoir, que par le degré de bassesses que l'on montre, etc., etc.
Quoique dans la demande que je fais, il ne soit question que des officiers de chasseurs, j'espère que l'Assemblée nationale voudra bien ordonner que le petit nombre qui reste des 400 qui partagèrent les dangers, soient également récompensés par quelque distinction honorable, car il est certain que le plus grand mérite de cet événement consiste dans l'intrépidité des combattants et ce mérite fut commun. Voici les motifs qui m'ont déterminé à mettre dans cette plainte le détail des injustices de M. le maréchal ae Castries, quoique étrangers à ma supplication à l'Assemblée nationale.
1° Afin de montrer par quel événement je me trouve sans emploi et sans traitement après avoir passé ma vie à servir, ce qui laisse un soupçon injurieux sur mon compte ; 2° pour apprendre aux officiers d'infanterie qu'on a laissé parmi eux 3 personnes indignes d'être leurs camarades... J'enverrai pour cela un exemplaire de cette plainte à chaque régiment. résumé des objets de cette plainte sur lesquels il m'a paru que l'Assemblée nationale seule a droit de prononcer.
Je la supplie, en conséquence, de vouloir bien ordonner :
1º Que le dédommagement de 2,000 écus demandé par les gens du roi sur le Trésor public en raisoa de l'injustice de M. de Castries, me soit donné sur le compte de ce maréchal de France, puisqu'il est évident qu'il me fait un vol manifeste en me laissant sans emploi et sans traitement, c'est-à-dire en me réduisant à n'avoir plus rien dans le monde, pour subsister, alors même qu'il jouissait de 5 à 600,000 livres de bienfaits du roi ;
2° Que M. de La Luzerne soit exactement recherché sur ses basses inculpations à mon égard, afin qu'il soit puni comme fourbe et calomniateur, s'il ne peut les justifier;
3° Que l'Assemblée nationale ordonne des informations relatives au protégé de M. de La Fayette, à qui M. de La Luzerne a donné le gouvernement de Sainte-Lucie, afin qu'il soit déplacé, s'il est prouvé qu'il n'a pas droit à cette place par ses services, ou qu'on découvre qu'il a été renvoyé du régiment où il servait en France. Il est bon que les ministres apprennent que, sous les yeux de l'Assemblée nationale, les récompenses seront réparties à ceux qui les auront méritées ;
4° Enfin qu'elle veuille bien faire faire des recherches sur le dévouement des 400 de Closter-camp, afin que l'on tire de l'oubli cette ferme résolution de tous périr dans une occasion, où tout annonçait qu'elle serait suivie de l'événement qui a éternisé les 300 des Thermopyles. Il est certain que la conformité de ces 2 traits les doit faire marcher ensemble dans l'histoire, si l'Assemblée daigne s'occuper de ma demande.
Il est évident que si les grandes occupations de l'Assemblée nationale ne lui permettent pas de s'occuper des objets que je la supplie de prendre en considération, alors, je resterai la victime de M. de La Luzerne.
Cependant, cet état d'oppression ne pouvant se concilier avec celui de liberté, que nous cherchons, alors l'Assemblée nationale se trouverait forcée de porter un décret par lequel elle nous autoriserait à nous rendre nous-mêmes la justice que la loi nous refuse.
Mais non : j'oublie que j'ai pour garant de sa protection la désobéissance du ministre aux ordres du roi, et sa résistance à l'avis du comité des rapports. Certainement elle ne permettra pas que ces deux graves autorités deviennent nulles pour moi.
Il est certain que celui qui est opprimé par un minisire, ne peut avoir
raison de l'abus de son autorité que par l'Assemblée nationale. Voici, du
moins, selon moi, comment il paraît impossible de créer un tribunal pour
juger les ministres, et comment ce droit paraît appartenir directement à la
nation ou à ses représentants. Il est constant que le gouvernement ne forme
qu'un individu, un seul être moral qui n'a de supérieur que la nation. Or,
si vous créez un tribunal pour juger les ministres, ce tribunal aura une
autorité supé-
Enfin, à mesure qu'on approfondit cette question, on est toujours plus convaincu que le seul juge du gouvernement est la nation... C'est ainsi que cela se pratiquait chez les Germains... L'amour de la liberté et l'énergie de ce peuple nous assurent que nous ne nous conduirons pas indiscrètement en l'imitant.
a la séance de l'assemblée nationale du
Précis historique sur les désordres arrivés à Nîmes (présenté à l'Assemblée nationale par le ministre de la justice).
Il y a près d'un an que quelques boute-feux établis à Nîmes n'épargnent rien pour y semer la division et pour arrêter le cours de la Révolution; la religion leur en a fourni le prétexte et le moyen. Nîmes renferme 54,000 âmes et les protestants y font le quart de cette députation, selon le calcul même des chanoines, dans leur mémoire en faveur de la religion.
On a répandu dans cette ville des écrits incendiaires et qui invitaient au massacre. On a fuit des processions et des visites à une croix, célèbre par ses miracles, placée à deux lieux de la ville. Dès le mois d'août dernier, après que les citoyens des deux religions eurent formé des compagnies où ils étaient indistinctement confondus, quelques séditieux formèrent des compagnies toutes catholiques et forcèrent le comité permanent de les accepter. Ce fut le levain de la division et l'on en a excité la fermentation dangereuse.
Ces compagnies, dirigées par des prêtres et des ex-jésuites, avaient d'abord arboré la croix à leurs chapeaux. On vit que c'était trop se démasquer, on la leur fit ôter. Mais les conventicules, les conférences nocturnes, la correspondance des boute-feux avec d'autres personnes, d'autres villes du Languedoc entretenaient l'animosité que l'on se proposait de conduire jusqu'à une rupture ouverte.
Quand le temps de former la municipalité fut venu, les boute-feux n'épargnèrent rien pour empêcher les protestants d'y entrer. Ils feignirent de redouter la supériorité de ceux-ci, qu'ils conviennent n'être que le quart des habitants ; ils formèrent des assemblées chez des prêtres. Les pénitents et les congrégations, dont cette ville est remplie, s'engagèrent par serment de ne donner leur voix à aucun protestant.
Ces moyens ne suffisaient pas, parce que les protestants ne sont pas seuls patriotes dans cette ville, et qu'il fallait remplir la municipalité d'antipatriotes. On réunit à la communauté de Nîmes cinq villages qui en font la banlieue et qui auraient dû faire des commuuautés séparées. On prépara des listes; on inonda les sections d'habitauts de la campagne; on pratiqua des moyens d'adresse et de violence pour former la municipalité comme on le désirait; elle le fut selon les listes.
Des intérêts particuliers et de vieilles haines avaient dirigé les choix. M. de Marguerittes, député à l'Assemblée nationale, fut élu maire. C'était ce même M. de Margu^riltes qui avait été mal vu dans son pays, parce que, ayant le mandat de voter par tête, il n'avait point passé à l'Assemblée nationale avec la minorité de la noblesse. Il demanda congé à l'Assemblée nationale pour aller passersix semaines dans sa ville, prendre sa place et jouir de son triomphe : c'était le 6 mars. Il aurait dû être de retour le 18 avril ; mais il écrivit à l'Assemblée nationale pour demander une prolongation de trois semaines; elle ne l'accorda pas : c'était un refus, et M. le maire y est encore.
Le jour où le maire et les officiers municipaux devaient prêter serment, on le fit avec pompe non pas dans l'hôtel-de-ville, mais dans une place hors de la ville, toutes les compagnies de la légion étant sous les armes. Plusieurs, et c'étaient des catholiques, s'étaient armés de fourches fabriquées exprès, dont on devait armer les catholiques de Nimes, d'Uzès et d'Alais. Le commandant, qui les avait défendues, voulut les faire poser, il fut insulté; il voulut donner sa démission. Ce fait devint la cause d'un tumulte dont la religion fut le prétexte.
En effet, le lendemain, à l'ordre, le3 sergents ayant fait des reproches à un de ces sergents à fourche, de ce qu'il avait désobéi en la portant, il répondit que M. le maire le lui avait permis. On lui dit que cela n'était pas vrai. Un des sergents, tonnelier de son métier, malheureusement protestant et, comme les séd tieux les appellent, Gorge-noire, le prit au collet et lui dit : Allons chez M. le maire pour savoir si cela est vrai. Oa l'y mena. M. le maire dit qu'il ne lui avait pas permis et il le condamna, pour punition, à une.....demi-heure de prison.
Cet homme sorti, il se forma un attroupement composé de ses amis. Ils se rendirent, sur les Il heures du soir, chez le tonnelier avec une potence. Celui-ci se sauva par les derrières de sa maison. Les femmes donnèrent l'alarme dans le q iartier, l'attroupement se dissipa pour aller se réunir sur une place voisine. Là il attendit les personnes qui se retiraient. Il laissait passer les catholiques; il battait les protestants. Deux hommes furent grièvement battus et deux autres blessés dangereusement, un d'entre eux d'un coup de couteau. La municipalité n'en tint aucun compte et ne fit ni recherches ni proclamation.
C'est de ces assassinats qu'a sans doute voulu parler l'auteur du Nouveau
Complot découvert. Ils sont antérieurs et non postérieurs à la nomination I
de M. Rabaut-Saint-Etiem.e à la présidence. Il a été mal instruit en cela,
mais les assassinats n'en sont pas moins vrais; ce n'en est pas moins la
religion qui en a été le prétexte, puisque les assassins laissaient passer
les catholiques et mal-
Cependant la municipalité les a déniés, fondée sans doute sur l'anachronisme de l'auteur de la brochure, et elle avance hardiment que les citoyens de iV tmes ne se sont point souillés des crimes atroces qu'on ose leur imputer, tandis qu'ils s'en sont souillés; qu'ils n'ont pas cessé de vivre en frères, tandis qu'elle est le témoin journalier d'une scission marquée. Elle dèsavaue hautement les atrocités imputées aux citoyens de Nimes et atteste à toute l'Europe qu'il est faux que les catholiques de cette ville se soient portés contre les protestants à aucun excès, tandis que le procureur du roi informe publiquement contre ces excès. Elle désavoue les placards contre l'Assemblée nationale et son Président, tandis que cent témoins lui soutiendraient que ces placards ont été aflichés, arrachés et aftichés de nouveau. M. l'évêque de Nîmes qui a fait réimprimer la délibération du conseil général de la commune de Nîmes, qui l'a distribuée à MM. les députés à l'Assemblée nationale, n'a pas été bien instruit des faits.
Les 30 et 31 mars, les légions d'Orange et de Saint-Hippoly te invitèrent celle de Nîmes à envoyer une aéputation à chacun des deux camps fédératifs qu'elles formaient. La légion de Nimes délibéra et, vu les dispositions des esprits, elle n'envova point de députation, mais une adhésion à la fédération et au serment civique. La municipalité loua beaucoup le zèle aes légions de Saint-Hippoly te et d'Orange et blâma la légion nlmoise d'avoir délibéré sous la municipalité. Les Nîmois n'envoyèrent point de soldats nationaux à ces deux camps fédératifs.
Le 6 avril, 4 hommes arrêtèrent un protestant et, le traitant de gorge-noire, ils lui portèrent l'un un coup de pierre à la tête, un autre un coup de sabre sur le col; il fut meurtri et mutilé : le procureur du roi y fît une descente le 7 ; le 22, la municipalité n'en savait rien encore, à ce qu'il paraît par sa délibération.
Le 8 avril, le maire reçut, dit-il, l'avis (qui était faux) que les habitants d'un canton voisin, appelé la Vaunage, dont la plus grande partie est protestante, devaient venir tuer les catholiques de Nîmes; il n'en douta point, il alla faire patrouille sur le chemin, et il ne vit rien. Cependant on a mis, depuis lors, des troupes en garnison dans celle contrée, où l'on n'enavait pas vu depuis longtemps : les uns disent que c'est pour empêcher les habitants de la Vaunage de tuer les catholiques de Nîmes ; d'autres, que c'est pour les empêcher de venir au secours des patriotes
Le 9 avril, M le maire proposa à la municipalité de demander au roi et à l'Assemblée nationale la conservation de i'évêché et du chapitre cathédrale de Nîmes; fondé sur ce qu'un grand nombrede citoyens d'Alais l'avaient déjà fait pour leur ville; il faisait allusion à l'adresse intitulée : Des catholiques d'Alais. Deux notables souhaitaieat qu'on demandât aussi la conservation des religieux des deux sexes. M. le maire observa qu'il fallait se borner aux deux premiers objets, parce-que l'Assemblée nationale; dont il était membre, avait décrété le sort des religieux ; qu'il avait signé lui-même ces décrets.
Le 13 avril, on répandit dans la ville un libelle incendiaire contre les bons patriotes, contre la fédération armée, contre son chef, contre M. de la Fayette, où la religion était toujours pour quelque chose, où l'on se moquait de la fédération nationale, où l'on annonçait que les villes et les villages du bord du Rhône feraient de leur côté une confédération toute catholique, qu'on imposerait aux habitants de la Vaunage, de la Gardon-nenque et des Cévennes.
Dans ce temps-là paraissait le mémoire du chapitre de l'église cathédrale de Nîmes, pour demander d'être conservé. Il dit que « cette contrée « est dans le calme; que ce calme tient à ne pas « dépouiller les uns en même temps qu'on inves-« tit les autres; à ne pas diminuer les ressources « du vrai croyant, tandis qu'on croit de la jus-« tice d'augmenter celles du partisan de l'erreur; « en un mot à ne pas détruire tout ce qui tient à t la catholicité, tandis que l'incrédulité et l'a-« théisme cherchent à s'établir sur ses ruines ». Cependant, ce chapitre s'assure qu'il sera conservé : « Il attend tout d'une nation qui ne doit « sa véritable grandeur qu'à la religion cathoii-« que ; d'une nation dont le trône est si dévoué « à la foi depuis Clovis, que le droit de la proté-« ger est devenu, de tous nos litres, le plus hono-« rable et le plus auguste.
La municipalité aspirait à dominer la légion nîmoise, et tendait à la désarmer. Pendant que les gens de la croix, les contre-révolutionnaires faisait faire des fourches de fer et des haches, la municipalité prétendait que, par la destruction des comités permanents, elle leur était substituée, et que le comité ci-devant devant diriger la légion, la municipalité devait la diriger aujourd'hui. En conséquence, ce même jour 13 avril, elle fit un règlement provisoire, dont l'objet était de diviser lis compagnies entre elles, et qui donnait la prépondérance à la minorité sur la majorité. Il défendait aux officiers de faire aucune adresse sans la participation de la municipalité. Il était combiné de manière que la municipalité aurait armé et désarmé qui elle aurait voulu. Enfin, il enjoignait à la légion, de prêter à la municipalité, outre le serment porté par les décrets de l'Assemblée nationale, un serment particulier au conseil général de la commune, ordonnant que ceux qui s'y refuseraient, seraient remerciés par la municipalité.
Les légionnaires patriotes frémirent. S'ils prêtaient le serment, ils connivaient à un abus d'autorité; s'ils ne le prêtaieut pa3, ils étaient remerciés et désarmés, et leurs armes étaient remises aux antipatriotes. Le club des amis de la Constitution s'assembla; il fit une pétition à la municipalité; il envoya une adresse à l'Assemblée nationale. Les légionnaires en firent autant et cette affaire est au comité des recherches. Mais elle pouvait traîoer en longueur; le serment, délibéré le 13, devait être prêté entre le 15 et le 22, sinon ils allaient être désarmés. Les légions antipatriotes l'avaient prêté sans examen au moment de l'affiche; les légions patriotes se décidèrent, pour garder leurs armes et n'être pas désorganisées, à prêter ce serment provisoirement. La municipalité perdit le fruit de son règlement.
C'est à cette époque ignominieuse que les rues retentissaient des cris des ennemis de la Constitution : Vive le roil à bas la nation f au bout de mon sabre, les gorges-noires! *
Le 15 avril, le journal de Nimes rendit compte d'un fragment incendiaire de
sermon, faussement attribué au père Bouchon, jacobin, qui avait prêché à
Marseille. Le journal affirmait que le fragment n'était point incendiaire,
qu'il était
Le bruit des vexations de la municipalité contre les patriotes s'était répandu dans les Cé-vennes, on y avait été piqué de ce qu'elles avaient empêché la légion nîmoise d'envoyer une députation au camp fédératif de Saint-Hippolyte. Cette fédération envoya un dragon d'ordonnance avec une lettre qui témoignait le mécontentement des Cévenols, contre la municipalité. 11 dit qu'ils étaient disposés à donner du secours aux opprimés, quels qu'ils fussent; qu'ils étaient 30,000 hommes endurcis à la fatigue, qui ne craignaient ni la faim ni la soif, et qu'il était dangereux de mécontenter. Il leur fut répondu, par la municipalité, que le bon ordre et la fraternité régnaient dans la ville ; que, s'ils étaient troublés, la municipalité savait qu'elle pouvait compter sur leurs bons offices, ainsi que sur ceux de leurs voisins des bords du Rhône, et surtout de la ville d'Arles, leur ancienne amie. Gela signifiait que les villes d'Arles et celles du Rhône étant toutes catholiques, on les opposerait aux Cévenols, qui sont la plupart protestants et, pour dire ie mot, qu'on aurait une guerre de religion. Mais les villes du Rhône sont patriotes zélés et elles se sont expliquées formellement sur leurs intentions très opposées à celles de la municipalité.
Le 19 avril, on lâcha, dans la place aux Herbes, un homme en habit de dominicain qui demandait l'aumône et qui disait que, l'Assemblée nationale les ayant tous dépouillés, il fallait bien qu'ils demandassent leur pain. Le peuple criait à l'injustice. On recueillit ce pauvre homme à l'évêché et on lui donna à dîner.
Un Parisien, établi à Nîmes, bon patriote, et de ceux qui ne prêtaient à la
municipalité qu'un serment provisoire, étant allé remplir à regret cette
formalité, fut insulté, au retour, par un des ennemis de la Constitution,
homme du plus bas peuple. La querelle s'était engagée; ils étaient tous deux
armés; et au moment que la femme du Parisien et ses amis le retenaient et
l'entouraient, l'autre misérable le blessa au bras. Les insultes étaient
journalières contre les patriotes qu'on affectait de dire protestants ou
vendus aux
La municipalité a ignoré tous ces faits.
Le 20 avril parut la délibération des citoyens soi-disant catholiques de Nîmes, qui a été vendue aux portes de l'Assemblée nationale et envoyée à la plus grande partie des municipalités du royaume, monument d'extravagance, d'hypocrisie et d'insolence envers l'Assemblée nationale et envers le roi. On y dit que les ennemis du bien public, de la paix et de l'ordre font tout leur possible pour égarer l'Assemblée nationale; qu'ils semblent vouloir renverser le trône et l'autel pour s'élever sur leurs ruines ; que l'autorité royale est absolument nulle depuis le séjour du roi à Paris; que ce séjour imprime quelque défaveur sur les opérations de l'Assemblée nationale. On y demande que la religion catholique, apostolique et. romaine soit déclarée la religion de l'Etat; qu'il ne soit fait aucun changement ni aucune suppression dans la hiérarchie ecclésiastique; que ces changements ne puissent être faits que parles conciles; que l'Assemblée nationale soit suppliée de rendre au roi le pouvoir exécutif; que le roi discute de nouveau les décrets qu'il a sanctionnés depuis le 19 septembre et qu'il les sanctionne de nouveau, s'il le juge nécessaire.
Plusieurs municipalités du royaume qui ont reçu des exemplaires de cette adresse, avec invitation d'y adhérer, l'ont dénoncée à l'Assemblée nationale. La municipalité de Nîmes a gardé le I silence.
Le 21 avril, les légions patriotes prêtèrent le serment provisoire; 20 compagnies, formant 1,400 hommes, remplirent celte anticonstitutionnelle formalité. Elles criaient au retour : Vive la nation! Vive la loi! Vive le roi! Des spectateurs attroupés leur répondaient : A bas la nation! Vive le roi ! La nation n'est plus rien! Les légions se rendirent aux casernes, où elles donnèrent une chamade au régiment de Guyenne. Les officiers de la légion, mêlés aux soldats du régiment, dansèrent un branle du pays; tous se confondirent; la joie fut générale et la fête finit par un souper.
Le 22 avril, la municipalité se mit fort en colère contre une brochure imprimée à Paris, qui parlait des placards et des assassinats de Mîmes; mais l'auteur de la brochure intervertissait l'ordre des dates et mettait les assassinats après les placards, tandis qu'ils les avaient précédés. La municipalité dénia les uns et les autres, quoiqu'ils fussent très avérés. Elle dit que les citoyens n'avaie it pas cessé de vivre en frères, tandis que le sang avait coulé sous prétexte de religion. Elle racontait que le consul Yillars avait prévenu le massacre de la Saint-Barthélemv à Nîmes, et l'on se demandait où était le consul Yillars. Elle vouait l'auteur de la brochure et ses complices à l'exécration publique, et il n'avait dit que la vérité.
C'était dans ce temps-là même que, quand dix hommes rencontraient un des patriotes, ils le menaçaient de l'éventrer,de le pendre, en l'appelant gorge-noire. Ils parlaient journellement d'un pro hain massacre général,la municipalité seule ignorait tout.
Le 23 ou le 24 p;irut un libelle incendiaire, intitulé : Avis important à
l'armée française. Cet écrit fut lancé au milieu du régiment de Guyenne pour
le detacher de la cause du peuple, pour laquelle il avait témoigné tant
d'attache-
Le 27 avril, 162 citoyens actifs dénoncèrent à la municipalité cet écrit incendiaire adressé à l'armée française et plusieurs autres libelles dont le pays était inondé. Ils la suppliaient, dans cette pétition, d'éclairer le peuple et de lui faire connaître, les bienfaits de la nouvelle Constitution. Ils disaient au maire : « Vous qui, coopérateur des travaux de l'Assemblée nationale et témoin de son union intime avec un monarque adoré, avez entendu les plus belles paroles qui soient jamais sorties de la bouche d'un roi; vous qui nous avez retracé d'une manière si touchante ce discours à jamais mémorable qui garantit la Constitution et scelle notre bonheur, ne permettez pas qu'on publie autour de vous que le restaurateur de la liberté française n'est pas libre; démentez les assertions injurieuses aux représentants delà nation ». Ils disaient au corps municipal en lui demandant une demande authentique : « Nous la demandons avec celte instance respectueuse que nécessite l'intérêt dont nous nous occupons, et le caractère dont vous êtes revêtus. Qu'une ordonnance, émanée de votre autorité, désapprouve ces écrits, marqués au coin de la discorde et de l'imposture, que nous vous faisons connaître. Que les auteurs des querelles funestes, dont nous gémissons, soient recherchés et poursuivis. Que ces dénonciations injurieuses, qui séparent et outragent les citoyens, soient interdites et punies ». La municipalité délibéra qu'il n'y avait pas lieu à délibérer.
Le 26, le 27, le 28, quelques légionnaires antipatriotes arborèrent la cocarde blanche; le silence de la municipalité les enhardissant, leur nombre s'accrut de quelques-uns de ceux qui avaient signé la délibération prise chez les pénitents. On commença à crier dans les rues : A bas la nation! Vive le roi! Vive la croix! On annonça publiquement que la cocarde blanche serait arborée le dimanche suivant.
La municipalité continua de ne rien voir.
Le samedi, 1er mai, quelques légionnaires allèrent planter un mai devant la porte de M. le maire, ils portaient des cocardes blanches; M. le maire les accueillit fort bien. Les cocardes blanches furent portées ce jour-là par beaucoup de personnes; la municipalité ne s'en formalisa point et ne songea pas à en prévenir les suites inévitables.
Le lendemain matin, 2, M. le maire donna à déjeuner à trente des légionnaires à cocarde blanche, le maire ne leur fit point quitter la cocarde. Les soldats du régiment de Guyenne furent plus patriotes, car dans le même temps quelques légionnaires de l'espèce antinationale allèrent au quartier pour y emprunter des tambours et des baudriers; ils portaient des cocardes blanches. Le sergent leur dit qu'il ne les connaissait pas, qu'ils ne portaient pas le signe de la nation. Il leur signifia de quitter la cocarde; qu'autrement il les ferait arrêter. Ils répondirent que c'était la cocarde royale, qu'ils n'en connaissaient et n'en porteraient point d'autres. Le sergent leur répliqua qu'on ne connaissait en France qu'une cocarde, celle que le roi avait envoyé à ses troupes, qu'il portait lui-même ainsi que tous les bons sujets. Les légionnaires antinationaux se retirèrent. La municipalité fut instruite de ces faits; elle ne donna aucun ordre contre la cocarde blanche, qui fut portée tout le jour. Il faut maintenant détailler les faits de cette journée.
C'était un dimanche, jour où tout le peuple se rend dans les allées d'une promenade appelée le Cours. Sur les cinq ou six heures du soir, quelques soldats s'y promenaient aussi; l'un d'eux ren« contre un légionnaire à cocarde blanche, il lui dit de la quitter; le légionnaire répond qu'il est aristocrate ; le soldat indigné lui arrache la cocarde et la foule aux pieds. Le légionnaire appelle des camarades, le peuple poursuit à coups de pierre tous les soldats qu'il trouve ; ceux-ci se rallient, fondent à coups de sabre sur les assaillants; on s'attaque avec chaleur, les légionnaires des deux partis se battent entre eux. Ce combat dura deux heures à diverses reprises; il y eut plusieurs blessés de part et d'autre.
Pendant ce temps-là, les municipaux avertis s'assemblent et délibèrent : ils se décident enfin à signer une délibération contre la cocarde antinationale; ils annoncent même qu'elle sera proclamée ; ils se rendent enfin sur le lieu du combat, et se donnent beaucoup de soins pour apaiser avec peine un tumulte que depuis longtemps ils avaient été invités à prévenir. M. le maire harangua le peuple, on l'applaudit; la nuit survint, et chacun se retira.
M. le maire fit faire une patrouille par la ville; il consacra à la délicate fonction de veiller à la tranquillité des citoyens une de ces compagnies de la Croix, une compagnie à cocarde blanche, qui avait été cause du désordre. La nuit cependant lut tranquille.
Le lendemain 3, les municipaux informèrent sur la rixe de la veille ; ils firent porter des soldats de la Croix, blessés, sur des brancards à l'hôtel de ville, ce qui ranima la chaleur du peuple; ils reçurent les dépositions des journaliers agresseurs; ils firent proclamer une défense de s'attrouper.
Sur le soir il y eut de nouveaux attroupements de la part des compagnies de la croix; plusieurs hommes, tous journaliers, se rassemblèrent devant le collège où les officiers de la légion avaient voulu se réunir; ce qui obligea les patriotes, qui étaient les plus faibles, de se retirer; plusieurs même furent insultés.
Un autre attroupement de malintentionnés se forma sur la place des Récollets. Ceux-ci étaient armés de fusils et de sabres, car les soldats de la Croix ont leurs armes, et les armes des légionnaires patriotes sont en dépôt chez les capitaines. Ils arrêtaient les patriotes, les battaient, les maltraitaient; ils blessèrent plusieurs personnes : un chasseur de Guyenne eut le poignet coupé.
La même scène se passait dans un autre quartier tout habité par du peuple; les patriotes, les soldats de Guyenne étaient assaillis et blessés à coups de fusil ou autres armes.
On court aux officiers municipaux : leur devoir était de publier la loi
martiale; on leur demande de permettre aux compagnies de s'armer et de
sortir, ils s'y refusent; mais le maire se porte partout avec beaucoup de
célérité, il voit
La nuit survint, le tumulte finit, mais on entendait crier dans les rues : Vive le roi! Vive la croix! A bas la nation! Vive l'aristocratie !
Le lendemain matin 4 devait nécessairement être une scène de carnage. M. de fionne de Les-diguières, lieutenant-colonel du régiment de Guyenne, voyant qu'il ne pourrait plus être maître desessoldats, que les officiers avaient jusque-là contenus, et voulant prévenir les maux qu'il prévoyait, se rendit, dès les six heures du matin, à l'hôtel de ville. Il signifia au maire que s'il ne faisait proclamer incessamment la loi martiale, il ne répondait ni de son régiment ni des suites. Il exigea même que le maire se fit accompagner de deux compagnies, des bonnes, et non pas de celles de la Croix. Cet acte de rigueur et de patriotisme de la part de M. de Bonne décida le retour de l'ordre. La loi martiale tut proclamée à dix heures du matin; le maire fut escorté de deux compagnies patriotes. Le temps de la douceur est passé, dit éloquemment le maire, celui de la rigueur est venue, la loi martiale est proclamée. Le drapeau rouge fut promené; le peuple obéit; M. le maire fit des harangues partout; le soir, tout fut calmé. M. de Bonne promit à ses soldats que les coupables seraient punis. On s'embrassa dans les rues, et l'on n'entendit plus que ces cris : Vive le roi! Vive la loi! Vive la nation!
La rigueur de M. de Bonne, la bravoure des soldats de Guyenne ont sauvé la ville. Les officiers municipaux ont écrit à M. le Président de l'Assemblée nationnale, qu'on devait cette réunion auxsoins infatigables de M. le maire, que toutes les corporations ont prié de retarder son départ pour l'Assemblée nationale^ Ils racontent que ce qui avait occasionné les rixes du 4, c'était la sortie du quartier de quelques bas officiers ou soldats du régiment de Guyenne. Ce qui a causé toutes les rixes, c'est le fanatisme hypocrite de la Croix, la double aristocratie du pays, et la connivence de la municipalité.
a la séance de l'assemblée nationale du
Liste très EXACTE des membres de VAssemblée nationale qui ont répondu à l'appel nominal le 4 mai sur le premier article proposé par les comités réunis diplomatique et d'Avignon (1), conçu ainsi : « La ville d'Avignon, le Comtat Venaissin et leurs territoires font partie intégrante de l'Empire français. *
Le Président posa ainsi la question : Ceux qui seront de l'avis de l'article proposé par le comité diront : oui; ceux qui ne seront pas d'avis, diront : non.
BOUCHES-DU-RHONE (Marseille). Non. Oui.
De Clapier. Cousin, curé. Davin, curé.
Dulau, archevêque d'Arles. Marquis de Clermont-Lo-
dève.
Pochet. L'abbé Poulle. Fondchateau, (Provençal,
marquis de). L'abbé Roter. L'abbé de Villeneuve-Bar-
gemont.
Bonnemant, juge. Bouche, avocat. Boolouvart, négociant. Bouvier. Castellankt. Dumas.
Durand-Maillane.
CALVADOS (Caen).
Non.
De Launat. Dufresne, curé. Flaust.
L'abbé de Grieux. Lamy (l'aîné), négociant. Baron de Wimpfen.
Oui.
De Cussy.
CANTAL (Saint-Flour).
Non.
Bertrand, avocat.
Bigot de Vernière, curé.
Baron d'AuRiLLAC.
Lescurier.
Lollier, curé.
Baron de Rochebrune.
Oui.
Armand, avocat. Daude. De villas. Hébrard, avocat.
CHARENTE (Angoulême). Non. Oui.
pougeard du llmbert, OVO-
cat.
Augier, négociant. Comte de Culant. Marchais, juge. Rot, avocat.
Leborlhe de Grandpré, curé.
CHARENTE-INFÉRIEURE (Saintes). Non. Oui.
Alquier.
Augier, négociant.
De Bonnegens.
Le comte de Brémond-d'Ars.
Garesché.
Griffon de Romagné. Labrousse de Beauregard,
prieur-curé. Landreau.
De La Rochefoucauld-Baters, évêque de Saintes. Lemercier.
Vicomte de Malartic. plnelière, Curé.
Point de voix. Regnaud (de Saint-Jean-dCA ngély).
CHER (Bourges).
Non.
Marquis de Bouthillier. Chastenet de Putségur, archevêque de Bourges. Vicomte de La Meryille. S allé de Choux, avocat. Thoret, médecin. De Villebannois, curé. Yvernault, curé.
Oui.
Non.
Delort de Puym alie, avocat. L'abbé de Lacombe. Ludière, avocat. Thomas, curé.
Oui.
Chavoix.
Malès.
Melon.
CORSE (Bastia).
Non.
Comte de Buttafnoco. L'abbé Peretti della Rocca
Oui.
Le comte de Colonna-GébAri
de Rocca. Salicetti, avocat.
COTE-D'OR (Dijon).
Non.
Arnoult, avocat. Couturier, curé. Desmontiers de Merinville,
évêque de Dijon. Le marquis d'Argenteuil. Le comte de Lévis. Merceret, curé.
Oui.
Benoist fils, notaire. Bouillotte, curé. Gantheret, curé, Guiot de Saint-Florent. Volfins, avocat.
Point de voix.
Le comte de Gbastenat de Lanty. Frochot fils, avocat.
COTES-DU-NORD (Saint-Brieuc). Non. Oui.
Baudoin de Maisonblanche . De Launay, recteur. Hingant, recteur. Ratier, recteur.
Coupart. Deneu ville. Gagon-Duchenat. Palasne de Champeaux. Poulain de Corbion.
CREUSE (Guéret).
Non.
Banassat, curé. Bandy de Lachaux. Le marquis de Biancourt. Goubert, curé. Grellet de Beauregard. Laboreys de Chateau-
Favier. Tourntol-Duclos.
[Oui.
Bourdon, prieur-curé.
DORDOGNE (Pèrigueux). Non. Oui.
Delfadt, curé. Marquis de Foucault-Lar-
dimalie.
Gontier de Biran. Laporte, curé. Le comte de Laroque-
Mons. Lots, avocat.
Fournier de la Charmie. Paulhiag de la Sauvetat.
DOUBS (Besançon).
Non.
Bdrnequets, curé. Guilloz, curé.
Oui.
La Pouls. De Clerget.
DROME (Valence). Non. Oui.
Bertrand de Montfort. Marquis de Blacons. Le comte de MarsAnne-Fontjuliannb.
Barnave.
Bérenger.
Guy-Blancard.
L'abbé Colaud de la Sal-
gette. Delley-d'Agier. Delacour - d'Ambézieux,
juge. Riguard, juge.
Point de voix. Cheynet, juge.
EURE (Evreux).
Non.
Lereffait.
De La Lande, curé.
Oui.
Buschey-Desnoès.
Buzot.
Decretot.
EURE-ET-LOIR (Chartres). Non. Oui.
Auvry.
Bouvet, négociant. Claye, laboureur. Le comte de CaSteLlane. De Lubersag, évêque de
Chat très. L'abbé Texier. De Phélines.
Pétion de Villeneuve,
avocat-juge. De La Forge. Périer, notaire.
FINISTÈRE (Quimper).
Non.
Guino, recteur. Leissègues de Losaven,
recteur. Loedos de Kéromen, recteur.
Mazurier dé Pennanech.
Oui.
Billette, négociant. Lédéan.
Le Goazre de Kervélégan. Legolias, avocat. Legoen deKérangal. Lelay-Gr ant ugen . Prudhomme de KéraugoN. Trehot de Clermont. Dom Verguet, prieur.
GARD (Nîmes).
Non.
Benoît, curé.
De Bethisy de Mézières, évêque d'Uzès.
Le baron de Brueys d'Ai-galliers.
Cortois de Balore, évêque de Nîmes.
Marquis de Fournès.
Quatrefages de la Roquette.
Ricard.
Baron de MaRGUERItTeS.
Valérian-Duclos .
Oui.
Chambon de Latour. Meynier de Salinelles. Rabaud-Saint-Etienne. Voulland, avocat et juge.
GARONNE (Toulouse).
Non.
De Chabanettes. Cornus se.
De Fontanges, archevêque
de Toulouse. Guyon, curé. Hébrard.
Lasmartres, curé. Long.
Pègot, négociant.
Oui.
De Lartiggk, Roger.
Point de voix.
Pérez de Lagesse. Roussillon.
GERS (Auch).
Non.
Marquis d'Angosse. D'Anteroche, évéque de
Condom. Guiraudez de Saint-Mé-
zard, curé. Baron de Lupé. Marquis de Lusignan, Raymond Ducastaing, curé. Sentetz.
Oui.
De La Terrade.
Point de voix.
La Clavemb de la Chapelle. Perez.
GIRONDE (Bordeaux).
Non.
Delage, curé. De Puch de Montbreton. Desèze, médecin. Le chevalier de Ghalon. Lafargue. Malartie, curé. Pisson, curé. Saige, avocat. Toozet, curé. Le chevalier de Vertha-mont.
Oui.
Boissonnot, notaire. Fisson-Jaubert, médecin. Lavenuey avocat. Nau de Belleisle. Bernard-Valentin .
Point de voix.
Dumas-Gonthier. Mestre. Paul Nairag.
HÉRAULT (Montpellier).
Non.
Jac, propriétaire. DeMalide, évéque de Montpellier. Le baron de Jessé. Martin, curé. Rey, avocat.
Marquis de Saint-Maurice. Sales de Costebelle, avocat.
Oui.
ILLE-ET-V1LAINE (Rennes).
Non.
Garnier, recteur. Glezen, avocat. Hardy-de la Largère. Le Chapelier. Simon, recteur. Van eau, recteur.
Oui.
Defermond des Chapél-
lières.
Gérard, laboureur. Lanjuinais, professeur en
droit canon. Lancelot, recteur. Lebreton, prieur. Lemoine de la Giraddais. Quéru de la Coste, curé. Varin, avocat.
INDRE (Chdteauroux).
Non.
Boéry.
Legrand, avocat.
Oui.
Baucheton. POYA de l'Herbaï.
INDRE-ET-LOIRE (Tours). Non. Oui.
Duc de Lutnes. Beaulieu, propriétaire. Cartier, curé. Chesnon de Baigneux. Gauthier, avocat. Guépin, curé. Marquis de Lancosne. Moreau, avocat. Valette, négociant.
Dom Estin, bénédictin. Baron de Menou. Nioche, avocat. Payen-Boisneuf.
ISERE (Grenoble).
Non.
Allard-Duplantier. Comte de Lablache. Le chevalier cI'Aiibergeon
de Murinais. Révol, avocat. L'abbé Corbeau de Saint-
Albin. Le comte de Virieu.
Oui.
Chabroud, avocat.
Point de voix. Pison du Gallaxd fils, avocat.
JURA (Dôle).
Non.
Le comte de Dortan. Vicomte de Toulongeon.
Oui.
Babey, avocat. Bidault. Grenot, avocat. De Mailly de Chateau-
Renaud. Vernier, avocat.
Point de voix. Regnault d'Epercy.
LANDES (Mont-de-Marsan).
Oui.
Non.
Goze, curé. La Porterie, curé. Marquis de La Salle de Roquefort.
Castaignède, notaire. Dufau.
Mauriet de Flory, avocat.
Point de voix.
Lamarque. Larreyre.
LOIR-ET-CHER (Blois). Non. Oui.
Marquis d'Avaray. Bodineau, curé. Chabaut, curé. Crenière.
De la Rochenegly, prieur. Comte de Sarrazin. Turpin.
Vicomte de Beauharnais. Dinochau, avocat. Druillon.
Point de voix. Pothée.
HAUTE-LOIRE (Le Puy).
Non.
Privât, prieur.
Oui.
Branche, avocat. Grenier, avocat.
Point de voix.
Marquis de La Tour-Maubourg. Richond, avocat.
LOIRE-INFÉRIEURE (Nantes).
Non.
Blin, médecin. Méchin, curé.
Oui.
Baco de la Chapelle. Chaillon, avocat. Cottin, propriétaire. Francheteau de la Glaus-
tière.
Giraud-Duplessis. Guinebaud de Saint-Mesme. Jarrt. Maupassant.
LOIRET (Orléans).
Non.
Blandin, curé,
L'abbé de Chapt de Ras-
tignac.
Henri de Longuève, avocat. Girard, curé. Lefort, négociant. De Césargues. Seurrat de La Boullate.
Oui.
Bazin, avocat. Defay, propriétaire. Delahaye-Delaunay. De Rancourt de Villiers. Le Bois-Desguays. Pèlerin de la Buxière.
LOT (Cahors).
Non.
Ayrolles, curé. Dorand, avocat. De Laghèze. Leymarie, curé. Comte de Plas de Tane.
Oui.
Duc de Biron. Boutaric.
Gouges-Cartou, négociant. Poncet-d'Elpech.
LOT-ET-GARONNE (Agen).
Non.
Dcsson de Bonnac, évêque
d'Agen. Le marquis de Bouran. Brunet de Latuque, juge. Fournetz, curé. Renaud, avocat.
Oui.
Boussion, médecin. Brostaret, avocat. DUC d'AlGUILLON. François. Meyniel, avocat. Terme, cultivateur.
Point de voix. Daubert, juge.
LOZÈRE (Mende).
Non.
Bonnet.
L'abbé de Bruges. Charrier, notaire.
Oui.
Marquis de Chateauneuf-Randon.
MAINE-ET-LOIRE (Angers).
Non.
Bertereau, curé, Cigongne, négociant. Desmazière. Jacquemart, curé. La Planche , comte de
Ruilué. Rangeard, curé.
Oui.
Bizard, avocat. Brevet de Beaujour, avocat.
De la Réveillère - Lé-
peaux. Leclerc. Le Maignan. Pilastre. Riche, négociant.
MANCHE (Coutances ou Avranches). Non. fo».
Achard de Bonvouloir. Ango.
Le comte de La Villar-
mois d'Avranches. Beaudrap de Sotteville. Burdelot.
Le Rouvillois, curé. Pouret-Roquerie. Talaru de Chalmazel, évêque de Coutances.
Dumesnil des Planques. Pain.
Perée- Duhamel.
Point de voix,
Besnard-Duchesne. Vieillard fils, avocat.
MARNE (Châlons).
Oui.
Brouillet, curé. Marquis de Sillery. Moutier.
Prieur, avocat et juge.
Non.
De Ballidart. Barbie, juge. Baron, avocat. De Clermont-Tonnerre,
évêque de Châlons. Comte de Failly. L'abbé de La Goille de
Lochefontaine. Vieillard (fils), avocat. Le baron de Cernon. Le marquis de Pleurre. Pruche, notaire. De Talleyrand-Périgord, archevêque-duc de Reims.
Point de voix.
Labeste.
HAUTE-MARNE (Chaumont-en-Bassigny). Non. Oui.
Comte de Choiseul d'Ail-
lecourt. Drévon. De Froment. Pellegrin, curé. Thévenot de Maroise.
Gombert.
Guyardin.
Huot de Goncourt.
Laloy, médecin.
Monnel, curé.
Mougeottede Vignes, juge.
MAYENNE (Laval).
Non.
Allard, médecin. Marquis de Fresnay. De La Lande. Dumans.
Enjubault de La Roche. Gournay, avocat. Grandin, curé. Chevalier de Hercé. Le comte de Murât, Martinet, prieur-curé. Maupetit.
Oui.
Chassebceuf de Volney.
MEURTHE (Nancy).
Non.
Le chevalier de Boufflers. Chat ri an, curé. Colson, curé. Comte dE Custine. Gérard, avocat. Comte de Ludres. Maillot.
Prugnon (fils), avocat.
Oui.
Regnault. Régnier, avocat. Salle, médecin. Schmits, avocat. VlARD.
MEUSE (Bar-le-Duc).
Non.
L'abbé Coster.
Comte de Clermont d'Es-
claibes.
Gonin, juge. Simon, curé.
Oui.
Bazoche, avocat. Loison.
Marquis, avocat. Ulry, avocat.
MORBIHAN (Vannes).
Non.
Allai*, recteur. Gabriel, recteur. Guégan, recteur. Tuaut de la Bouverie, avocat.
Oui.
Boullé.
corentin le FLOC.
Coroller do Moostoir. La Ville-Leroux. Dusers.
Lucas de Bourgerel. Perret de Trégadoret.
MOSELLE (Metz).
Non.
Brousse, (uré. Claude, avocat. Vicomte du Hautoy. Duquesnoy, avocat. Emmery, avocat. Génot, curé. Jerfé.
Verdet, curé. "wolter de Neurbourg.
Oui.
Anthoine. Dumaire.
Mathieu de Rondeville. Boederer, juge. Voidel, juge.
NIÈVRE (Nevers).
Non.
Baron d'Allarde. Dom Abel de Lespinasse, curé.
Vyau. de Baudreuille. Fougères, curé. Delarenne, prieur. Gounot, avocat. Marandat d'Oliveau. Le comte de Sérent. Parent de Chassy, avocat.
Oni.
Picard de la Pointe.
NORD (Douai).
Non.
Barbotin, curé. Breuvart, curé. Le baron de Carondelet. Le comte de Lanoy de Wa-
xignies» Marquis d'EsTOURMEL. Gossuin. Hennet.
Baron de Nedonchelle. De Kyspoter. Roussel, curé. Liévin-Palmaert, curé.
Oui.
Renaut, curé. Poncin, avocat. Marquis d'Aoust. Merlin, avocat. Le baron d'Elbecq. scheppers.
Mortier, cultivateur. Besse, curé. Bouchette, avocat. Chombart. Nicodème. Perdry, avocat.
Point de voix.
Herwin. Le Poutre.
OISE (Beauvais).
Non.
Adam de Verdonne. Comte de Crillon. David, curé. Farochon, curé. Gibert, curé. De La Rochefoucauld, évê-
que de Beauvais. Duc de Lévis. Macquerel de Quémy.
Oui.
Bordeaux. Dauchy. Langlier. Meurinne.
Millon de Montherlant. Duc d'Orléans.
Point de voix. Baillt.
Duc de Liancourt. Le Blanc.
ORNE (Alençon).
Non.
Bailleul, avocat. Belzais de Courménil. Bigot de Beauregard. Leclerc, curé. Le François, curé.
Oui.
Beauperrey.
colombel de boisaulard.
Goupil- Préfeln. Poulain de Beauchêne.
PARIS.
Non.
Marquis de Beauharnais.
L'abbé Bérardier.
Berthereau, procureur.
Cayla de La Garde, supérieur des Lazaristes.
L'abbé Chevreuil.
Dom Chevreux, général des Bénédictins.
Comte de Clermont-Tonnerre.
Le Pelletier de Saint-Fargeau.
Dionis du Séjour, conseiller au Parlement.
Germain, négociant.
Le comte de Luzignan.
Gros, curé.
Hutteau, avocat.
Duc de La Rochefoucauld.
Lemoine, négociant.
Martineau, avocat.
Comte -de Lévis de Mire-poix.
Marquis de Montesquiou-Fezensac.
L'abbé de Montesquiou.
Delavigne.
Oui.
Anson.
Bévière, notaire. Camus, avocat. Debourge, négociant. Dosfand, notaire. Garnier, conseiller au Châ~ lelet.
Treilhard, avocat et juge. Vignon, négociant.
Point de voix.
Tronchet, avocat et juge.
Démeunier.
Guillotin.
PAS-DE-CALAIS (Arras).
Non.
Bucaille, curé. Diot, curé. Dublaisel-du-Rieu. Francoville, avocat. Gros, juge.
Le Sergeaxt d'Isbergues. L'abbé Méric de Montgazin. Petit.
Rollin, curé.
Oni.
Vicomte de Sandrouin. Comte Charles de Lameth. Michault, curé. Riquier.
Robespierre, avocat et juge.
Point de voix.
Briois-Beaumetz. Latteux.
poultier.
PUY-DE-DOME (Clermont),
Non.
Andrieu.
De Bonnal, évêque de Clermont. L'abbé de Bonnefoy. L'abbé Brignon. De Chabrol (fils). Ddfraisse-Dtjchet. Huguet, avocat. Malouet. Comte de Mascon. Mathias, curé. Comte de Montboissier. De Montlosier. Taillhardat de Maison-neuve.
Oui.
Gaultier de Biauzat. Dom Gerle, chartreux. Girot-Pouzols. Vimal-Plouvat.
HAUTES-PYRÉNÉES (Tarbes).
Non.
D'Abbadie. Dupont.
Baron de'Gonnès. Rivière, curé.
Oui.
Rarrère de Vieozac.
BASSES-PYRÉNÉES (Pau).
Non.
D'Arraing. Darnaudat. Garât (Cdîné), avocat. Le marquis Duhart. Villoutreix de Fate, évêque d'Oloron.
Oui.
Julien, curé. Pémartin, avocat.
Point de voix.
Garât (le jeune). Noussitou.
PYRÉNÉES-ORIENTALES (Perpignan).
Non.
Letris d'Esponchez, évêque
de Perpignan. L'abbé de la Boissière. Terrats.
Oui.
Graffan. Roca.
BAS-RHIN (Strasbourg). Point de voix.
schwendt.
BAS-RHIN (Colmar).
Non.
Méter, médecin.
Oui.
Prince Victor de Broglie.
Guittard.
Lavie, cultivateur.
Pfliéger.
Rewbell.
RHONE-ET-LOIBE (Lyon). Non. Qui.
L'abbé de Castellas. Couderc. Desvernay, curé. Gagnières, curé. Goulard, curé. Marquis de Loras. Mayet, curé.
De Nompère de Champagny.
Chasset, avocat. Girerd, médecin. Goudard. Jamier. Millanois.
Périsse-Duluc, libraire.
Richard.
Trouillet.
Point de voix. Durand.
Marquis de Rostaing.
HAUTE-SAONE (Vesoul).
Non.
Durget.
Pernel, notaire. Barou de Racle de Merccey.
Oui.
Cochard, avocat. Gourdan.
Muguet de Nanthou. Point de voix. Longpré, chanoine.
SAONE-ET-LOIRE (Châlons). Non. OtiL
Bernigaud de Grange. Ducret, curé. Gennetet, curé. Paccard. Pétiot.
Sanct père, avocat. Comte de Montrevel de la Beauke.
Fricaud, avocat. La Métherie. Merle. Oudot, curé. Verchère de Reffye.
Point de voix.
Geoffroy, avocat. Marquis de Lacoste. Pocheron, curé.
SARTHE (Le Mans).
Non.
ComteDELAGALISSONNIÈRE. Chenon de Reaumont. De Choiseul, duc de Pras-
lin.
Le marquis de Ferrières.
jouffroy de goussans, évê-
que du Mans. Le Pelletier de Feuhus-
son, prieur-curé. Mesnard, curé.
Oui.
Livré.
Ménard de la Groye.
SEINE-ET-OISE (Versailles). Non. oui.
Bêchant.
L'abbé de CoùLMiERS,j»oïné. Le bailli de Crussol. Dccellier.
Duval d'Eprémesnil, conseiller au Parlement. Gandolphe, curé. Lebrun.
Le président d'Ormesson. De Boislandry, négociant. De Maulette de Montfort. Melon de Pradoux, curé. Meunier du Breuil. Millet, curé.
Le comte Mathieu de Montmorency. Perrier, curé. Marquis de Saint-Mars.
Chevalier.
Duvivier, cultivateur.
Germiot.
Gidoin.
Guillaume, avocat. Lenoir de La Roché. Papin, curé. Target, avocat et juge.
Point de voix,
Afforty. Laignier.
SEINE-INFÉRIEURE (Rouen).
Non.
Bégouen, négociant. De Rooville. Marquis de Cairon. Cher f ils. De Fontenay. Le cardinal de La Rochefoucauld. . Le président Lambert de
Frondeyille. Lecouteolx de Canteleu. L'abbé de Pradt. Roze, curé, Comte de Trie.
Oui.
Fleurye.
Lasnon.
Lefort.
Simon.
Bourdon.
SEINE-ET-MARNE (Meaux).
Non.
Bordier. Houdet.
L'abbé de La Rochefoucauld. Rousselet, avocat, Thomas, curé.
Oui.
Davost.
Vicomte de Noailles. Tellier.
DEUX-SÈVRES (Niort).
Non.
Oui. Agier, juge.
Briault, avocat et juge. Jallet, cure.
SOMME (Amiens.)
Non.
Delaplace, curé. Delattre (Vaîrié), négociant. Dupuis, curé. Marquis de Folleville. Le Febyre, curé. L'abbé Maury. .
Oui.
Boutteville-Dumetz, Douchet.
Le chevalier Alexandre de
Lameth. Le Roux.
Point de voix.
Laurenceau, Leclerq. Liénart. Prévôt.
TARN (Alby).
Non.
De Bernis , archevêque de
Damas. Cayailhez de Saint-Pierre. Devoisins, avocat. Fos de Laborde. Pezous, avocat. Ricard, de Castres. Comte de Rochegudb, Pous, curé.
Oni.
Point de voix.
Campmas.
VAR (Toulon).
Non.
Féraud, avocat. Jaume, négociant. Lombard de Taradeau. Millet de Mureau. Montjallard. Mougins de Roquefort , curé.
Mougins de Roquefort ?
avocat. Marquis de Broves de Raf-
félis. Sieyès de La Beaume. De Vialis.
Oni.
Gardiol , curé. Meyfrund. Ricard de Sëalt. Rigouard, curé.
VENDÉE (Fontenay-le-Comte).
Non.
Marquis de Juigné. De Loynes de la Coudraye. De Mercy, évêque de Luçon. Peryinquière, avocat.
Oni.
Ballard, curé. Biaille de Germon. Bouron, avocat. Cochon de l'Apparent. Gallot, médecin-Goupilleau, notaire. Lofficial, juge.
Point de voix. Biroteau de Burendières.
VIENNE (Poitiers).
Non.
Marquis de Ternay-Darsac. Beaupoil de Saint-Aulaiiie,
évêque de Poitiers. Dubois, juge. Irland de Bazoges. Comte de Joussard d'Iver-say.
Comte de Lambertye. Vicomte de Lachatre.
Oui.
Bion, avocat, juge. De Surade, prieur-puré. Dumoustier de La Fond juge.
Dutrou de Bornier, juge Thibaudeau.
Point de voix.
Faulcon.
HAUTE-VIENNE (Limoges).
Non.
Le comte des Roye. Duplessis d'Argentré, évé-
que de Limoges. Comte de Laipaud. Boyer, médecin.
Oui.
Lesterpt, avocat-juge. Lesterpt de Beauvais, avo cat.
Montaudon, avocat.
VOSGES (Epinal).
Non.
Chantaire. Fricot, procureur. GodefroY, curé. De Menonville de Villiers. Comte de Toustain de Vi-
Oni.
Cherrier.
Point de voix. Petit-Mangin.
YONNE (Auxerre).
Non.
Oui.
Jeannet.
Paultre des Epinettes.
Gillet de la Jacquemi-
nière.
Le comte de Moncorps-Du-
chesnot. Marquis Planelli de Mao-bec.
Point de voix. Menu de Chomorceau.
LA GUADELOUPE. Non. | Oui.
de Gualbert. I Chabert de la C barrière.
ILE DE FRANCE.
Non.
Non.
Oui.
Monneron.
SAINT-DOMINGUE.
Oui.
Le comte de Villeblanche. Marquis de Périgny. Gérard.
Point de voix. Marquis de Gotjy d'Arsy.
AIN (Bourg-en-Bresse). Non. Oui.
Bottez, curé. Bouveyron. Brillat-Sayarin. Baron de Sandran. Gueidan, curé. Lousmeau-Dupont, curé. Comte de Faucigny - Le -
cinge.
Rouph de Varicodrt. Vincent de Panette.
Arriyedr. Liliaz de Croze. Gautier des Orcières. Jourdan, avocat. Populus.
de Prez de Crassier.
AISNE (Laon).
Non.
Brocheton, avocat. De Vismes, avocat, L'abbé Duplaquet. Le comte de Mazancourt. Chevalier de Novyon. Le comte Félix de Pardieu. De Sabran, évêque de Laon. Thirial, curé.
Oui.
Aubry-du-Bochet. Fouquier d'Hérouel.
HARMAND.
Le Carlier.
Point de voix. Pinterel de Louvernt.
ALLIER (Moulins).
Non. Atjry, curé.
Berthomier de La Vilette.
Lomet, avocat.
Michelon.
Regnard.
Comte de Tract.
Tridon, curé.
Vernin.
Oui.
Go yard, avocat. Lucas.
Point de voix. Lebrun.
HAUTES-ALPES (Gap). Non. Oni.
Le Grand de Chavprouet.
BASSES-ALPES.
Non.
De Burle. Latil, avocat. Rolland, curé.
Oui.
Bouche (fils), avocat. Méyolhon.
Point de voix. D'Eymar.
ARDÈGHE ( Villeneuve-de-Berg). Non. Oui.
Chouvet, curé. Madier de Montjau,
Point de voix
De France.
De Boissy-d'Anglas. De Saint-Martin, avocat.
ARDENNES (Charleville). Non. Oui.
Comte d'EsTAGNioL. Dumont, curé. Fleury, curé.
CoCHELET. darche. Dubois-Crancé. Mangin.
Poulain de Boutàncourt.
ARIÈGE.
Non.
Vicomte de Chahbors. Font, chanoine. De Lastic, évêque de Coûterons.
Oui.
Vadier.
AUBE (Troyes).
Non.
Bluget, curé. Marquis de Crillon. Jeannet, négociant. Marquis de Mesgrigny.
Oui.
Baillot, avocat. Camusat de Bélombre. Pari sot, avocat.
AUDE (Carcassonnej.
Non.
Bénazet. Cauneille, curé. De Guilhermy. Martin d'Auch. Marquis de Montcalm-Go-
zon. Sam art, curé. Marquis de Vaudreuil.
Point de voix.
Morin, avocat. Dupré, négociant.
AVEYRON (Rodez).
Oni.
Bonnet, avocat. Larade, avocat. Ramel-Nogaret.
Non. Andurand.
Comte de Bournazel. Manhiayal. Malrieu, prieur-curé. De Colbert - Saignelay , éoeque de Rodez.
Oui.
Rodât d'Olemps.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier.
demande qu'on ne laisse pas subsister dans le procès-verbal la notice portant mention du nombre des votants pour et contre le projet du comité concernant l'affaire d'Avignon.
appuient cette observation.
(L'Assemblée décrète la motion de M. Marti-neau.)
L'article rejeté hier par l'Assemblée, dans la délibération sur 1 affaire d'Avignon n'est point conforme à celui inséré dans le procès-verbal. Je vois en effet dans ce procès-verbal que l'Assemblée a décrété qu'Avignon et le Comtat Venaissin ne font pas partie de l'Empire français. Or l'article du comité sur l'adoption ou le rejet duquel l'Assemblée était appelée à délibérer portait explicitement : l'Assemblée nationale déclare que le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon avec leurs territoires et dépendances font partie intégrante de l'Empire français. L'Assemblée, en rejetant cet article, s'est donc contentée de dire qu'elle ne déclarait pas Avignon et le Comtat partie intégrante de l'Empire français; mais elle n'a pas décrété le principe contraire. J'observerai d'ailleurs que la plupart des membres qui ont concouru par leur vote au rejet de l'article n'ont pas nié pour cela les droits que nous avons sur le Comtat Venaissin ; ils ont cru seulement que le vœu du peuple n était pas suffisamment exprimé. (Murmures.)
J'invite l'Assemblée à s'expliquer dans ce sens, en décidant que l'article premier du projet du comité rejeté à la séance d'hier sera rapporté textuellement dans le procès-verbal afin de ne laisser aucun doute sur ses intentions.
Le jour où le comité vous proposa son décret, il s'agissait de déclarer qu'Avignon et le Comtat font partie de l'Empire français ; depuis on a mal à propos converti cette question et je ne sais vraiment d'où est provenu un changement qui la réduit en décret absolu, tandis qu'auparavant c'était une simple déclaration. Or une déclara- , tion peut être retardée ou avancée, mais une chose positive est vraie dans tous les moments.
Dans la proposition absolue de savoir si Avignon et le Comtat font partie
de l'Empire français, j'ai dit hier qu'une partie des membres de
l'Assemblée trouvait les droits de la France sur Avignon incontestables,
qued'autres n'avaient pas la môme certitude; que par là beaucoup de gens
seraient embarrassés d'émettre leur vœu sur la question telle qu'elle
était posée. Il en est résulté en effet que plusieurs membres n'ont pas
pu donner leur voix, parce que la proposition sou-
Quoique plusieurs personnes m'aient fait un crime de ne pas avoir donné mon opinion, il est bien certain que j'ai donné l'opinion de ma conscience; je ne pouvais déclarer positivement que l'Assemblée a des droits incontestables sur Avignon et le Comtat, quand moi je les croyais contestables. Dans cet état de choses, Messieurs, je demandai à faire un amendement, et, contre l'usage constant de l'Assemblée, de juger les amendements avant la question principale, on n'a rien voulu entendre : on m'a refusé la parole; on l'a refusée à M. Tronchet.
L'amendement que je voulais vous proposer était que, dans le cas où le non prévalût, cela ne préjugeât pas les droits que la nation française avait sur le territoire d'Avignon : voilà ce que jecomptais demander, voilà ce queje demande encore. 11 faut donc dire dans le procès-verbal, que l'article 1er du projet du comité diplomatique n'a pas été adopté; mais il ne faut pas laisser supposerque l'Assemblée a déclaré que nous n'avons jamais eu aucun droit sur Avignon et que nous ne pourrons jamais en exercer.
Je ne préjuge pas la réunion; mais, en me joignant à M. de la Tour-Maubourg, je juge comme bon Français que vous ne devez pas en rejetant, par un peu de chaleur peut-être, un projet d'article contenant une proposition positive, compromettre les droits de la nation française; car en vérité, tumultueusement ou non tumultueusement, l'Assemblée ne peut le faire.
Je demande la parole.
Nous allons perdre la matinée pour rien : l'As3emblée a rejeté l'article, il faut le dire tout simplement.
Hier, avant que l'on commençât l'appel nominal, j'ai lu Je premier article du projet de décret des comités diplomatique et d'Avignon, en ces termes : « L'Assemblée nationale déclare que le Comtat Venaissin et Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font partie intégrante de l'Empire français. » Cet article portait le mot déclare, quoiqu'il ait été imprimé dans le Journal des débats avec le mot décrète. Après l'appel nominal, j'ai prononcé purement et simplement : l'Assemblée nationale a rejeté l'article.
Il y a ici plusieurs membres des comités diplomatique et d'Avignon : ils se rappelleront tous comme moi que nous décidâmes le mot déclare, et non pas le mot décrète. Le fait certain c'est que nous n avons pas voulu décréter, mais seulement déclarer ou ne pas déclarer. Tout le monde sait bien qu'Avignon et le Comtat ne font pas actuellement partie intégrante de l'Empire français ; mais tout le monde sait bien aussi qu'ils doivent en faire partie et qu'ils en feront partie un jour. Ainsi, Messieurs, il doit y avoir déclare.
Cela est si vrai.....
Il n'y a pas d'opposition à cela ; il faut mettre déclare.
On ne décrète pas des faits ; on déclare des faits.
Si dans ce moment, Messieurs, vous devez consulter quelqu'un, ce sont sans doute les membres de nos comités. Eh bien I ils vous disent qu'ils n'ont mis que le mot déclare. Vous sentez bien vous-mêmes, Messieurs, qu'il serait de la plus grande absurdité de décréter un fait; il serait étrange, par exemple, que Vous ne décrétassiez qu'il fait jour, il serait très raisonnable, au contraire, que vous le déclarassiez. (.Applaudissements.)
Ce que l'Assemblée a donc décidé hier, c'est qu'elle ne déclarait pas qu'Avignon et le Gomtat Venaissin font partie de l'Empire français.
(de Tours). Il est certain que le comité n'a proposé autre chose que de déclarer. Le préopinant vous a dit qu'il était clair comme le jour qu'Avignon ne fait pas partie actuelle de l'Empire français. C'est précisément parce qu'on exigeait une déclaration expresse soit en négative, soit en affirmative sur cette proposition que quelques membres ont déclaré qu'ils n'avaient point de voix parce qu'ils ne voulaient pas nuire aux droits éventuels de la France. C'est précisément parce qu'on n'a pas voulu admettre l'amendement proposé par M. de Liancourt, que les choses ont tourné ainsi. Ceux qui ont insisté pour nous jeter dans ce défilé ont donc écarté 67 voix qui auraient été pour la négative de la réunion actuelle ; si le décret qui a été porté eût été favorable à leur opinion, ils ne proposeraient pas à l'Assemblée de reveuir sur ses pas.
Il est donc bien certain que par cétte délibération, ceux qui ont été pour l'affirmative ont bien entendu déclarèr les droits actuels sur Avignon et le Gomtat; ceux qui ont été pour la négative ont bien entendu, au contraire, déclarer qu'Avignon ne faisait pas partie de l'Empire français. Ceux qui étaient dans l'incertitude, qui ne voulaient pas faire une telle déclaration, soit affirmative, soit négative, ont déclaré qu'ils n'avaient pas de voix. Voilà le seul sens de la délibération, il est impossible de revenir sur le décret.
Je suis bien d'accord avec le préopinant qu'il ne faut ni changer, ni interpréter votre décret d'hier ; mais il faut au moins le maintenir tel qu'il a été rendu. La seule question est donc de savoir comment il a été rendu.
Or, Messieurs, voici deux faits que je mets en avant, dont le préopinant est convenu et que personne n'osera contester.
Le premier est que ce qui a été mis aux voix hier a été le rejet ou l'adoption du premier article du projet du comité : certainement nous sommes tous d'accord sur ce point.
Le second, c'est que le premier article du projet de décret du comité portait explicitement : l'Assemblée nationale déclare que le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon, avec leurs territoires et dépendances, font partie intégrante de l'Empire français.
Voilà donc l'article qui a été mis aux voix : qu'est-ce que nous demandons aujourd'hui ? Nous demandons que l'on rappelle dans le procès-verbal l'article tel qu'il a été proposé avec le mot déclare, qui est essentiel.
Comme on ne peut nier aucun de ces deux faits, j'en tire la conséquence que la réformation du procès-verbal est ae toute nécessité : moi, Messieurs, qui ai dit non, je n'aurais pas eu de voix, je n'aurais rien dit s'il n'y avait pas eu ce mot déclare ; je n'ai point voulu déclarer, en effet, j'ai voulu seulement ne pas déclarer. (Murmures et applaudissements.) Dans les premières règles de la logique, rejeter une proposition déclaratoire d'un fait, n'est pas admettre la contradictoire de ce fait : voilà ce que savent ceux qui ont réfléchi sur les éléments de la logique. Ici il y a un milieu, c'est de ne rien déclarer. Je n'ai donc pas, je le répète, entendu déclarer qu'Avignon et le Comtat Venaissin ne font pas ou ne doivent pas faire partie de la France ; j'ai dit seulement non je ne veux pas déclarer. Je ne dis pas que je ne voudrais jamais déclarer, mais je dis que je ne veux pas déclarer actuellement. (Applaudissements.) Je dis donc qu'en disant non, je n'ai pas entendu, et personne n'a pu entendre dire oui pour l'avenir; je déclare le contraire.
Moi, Monsieur, je l'ai entendu ainsi.
Vous avez été tout seul de votre avis.
A droite: Mais nous l'avons sous-entendu.
En tout cas,Messieurs, pour abréger et terminer en un mot cette discussion, il ne s'agit pas desavoir quelle a été l'intention de tous les opinants, parce que cela n'est pas possible. La seule chose dont il s'agit en ce moment est de savoir comment le procès-verbal doit être rédigé. Or, je soutiens que le procès-verbal doit porter déclare : chacun entendra le décret comme il voudra; et lorsqu'il sera question de connaître le vœu de la majorité des membres, on ira aux voix s'il y a lieu. (Murmures.) Mais je demande, et personne ne peut me contester cela, je demande le rétablissement du mot déclare. ( Applaudissements.)
Un grand nombre de membres : Aux voix I aux voixl (Bruits prolongés.)
Mettez donc aux voix, Monsieur le Président, et ne nous faites pas perdre de temps.
Je demande la parole. (R prononce quelques paroles au milieu des murmures.)
Je demande que la discussion soit fermée.
Un grand nombre de membres : Aux voix I aux voix !
(L'Assemblée consultée ferme la discussion.)
Un membre. Les membres qui ont concouru hier à la décision de l'Assemblée ne sont pas tous présents à la séance. Il faudrait attendre avant de délibérer.
Un grand nombre de membres. Aux voix le rétablissement du mot déclare.
(L'Assemblée consultée décrète que le mot déclare sera rétabli dans le procès-verbal.) (Applaudissements dans les tribunes.)
et plusieurs autres membres de la droite protestent violemment contre la décision de l'Assemblée.
Etes-vous les députés du pape et les représentants de Sa Sainteté ?
Je vous dénoncerai à deux heures, Monsieur le Président, et je vous sommerai de rendre compte dé votre conduite à l'Assemblée, lorsqu'elle sera plus complète. (Bruit prolongé.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Dumouchel, évêque du département du Gard, un congé, illimité, pour se rendre dans son diocèse; à MM. Roys et de fiallidart, un congé d'un mois pour vaquer à leurs affaires. (Ces congés sont accordés.)
député du département du Pas-de-Calais, et M. Bousselet, député du département de Seine-et-Marne, absents par congé, annoncent leur retour à leurs fonctions.
Messieurs, je ne puis pas m'empêcber de ren Ire justice à une classe de citoyens, dans la circonstance actuelle trop infortunée, pour ne vous rappeler que, la semaine dernière, il a été présenté un paquet au bureau, adressé au Président de l'Assemblée nationale dans un très mauvais état, sur lequel était écrit : «Fouillé par les commis, 30 avril 1791.
« Signé : Vallongue. »
Cette annonce que j'ai été obligée de faire, parce que le paquet était chargé, et que la poste voulait que je l'acceptasse, a fait une sensation t ès grande contre ces malheureux commis des barrières. Us ontété aux informations; il est justifié aulhentiquement, parle certificat de M. Val-longue, qu'il avait été trompé par un commis des postes, que le paquet n'avait pas été fouillé. Le courrier a déclaré qu'il était dans sa malle intérieure, et que jamais les commis des barrières ne la fouillaient. Et en conséquence, M. Vallongue a lui-même déclaré par une lettre que voici, et chez moi, qu'il était au désespoir d'avoir donné lieu à cette inculpation contre les commis des barrières actuellement supprimés. J'ai cru qu'il était de mon devoir de dire à l'AssembJée nationale ce qui en était.
(L'Assemblée ordonne qu'il sera fait mention au procès-verbal de la communication de M. le Président.)
au nom du comité diplomatique. Messieurs, le ministre des affaires étrangères a renvoyé à votre comité diplomatique deux pièces dont je m'empresse de faire pari à l'Assemblée. La première est un décret de commission impériale à la diète de Ratisbonne en date du 26 avr i 11791, concernant les réclamations des Etats d'Empire possession nés en Alsace et en Lorraine, lésés, contre la teneur des traités de paix, parles décrets de l'Assemblée nationale de France, émanés depuis le mois d'août 1789. Voici ce document.
« Charles-Anselme, prince de La Tour-Taxis, etc., etc., principal commissaire de Sa Majesté Impériale Léopold II, donne à connaître aux conseillers, ambassadeurs et ministres des électeurs, princes et Etats du Saint-Empire romain, assemblés en diète, que Sa Majesté Impériale a été requise instamment, dès son avènement à son trône impérial, par tout le collège électoral, de faire intervenir son autorité, comme chef de l'Empire, tant en faveur du bien général de l'Empire, que pour la protection particulière des Etats pos-sessionnés en Lorraine et en Alsace, à l'effet de procurer un redressement entier des griefs résultant des décrets de l'Assemblée nationale, émanés depuis le mois d'avril 1789, contraires aux traités de paix ; et si, contre toute attente, sa médiation était inutile, de délibérer avec les Etats de l'Empire sur les mesures à prendre pour parvenir à ce but.
« Qu'en vertu de la susdite réquisition constitutionnelle, Sa Majesté Impériale avait écrit une lettre à Sa Majesté Très Chrétienne, le 4 décembre de l'année dernière, conformément à son devoir comme chef de l'empire, de veiller à l'observation des traités, aux obligations contractées par l'article 4, paragraphe 2, de sa capitulation, et au désir de maintenir la paix et l'amitié avec ses voisins.
« Que la réponse de Sa Majesté Très Chrétienne lui avait été remise le 19 mars, par son chargé d'affaires à Vienne.
« Qu'en attendant, la nation française ayant continué d'exercer indistinctement ses décrets en Lorraine et eu Alsace, les Etats particulièrement intéressés au maintien des traités n'avaient pas négligé de réclamer instamment la protection de Sa Majesté Impériale.
« Qu'après ce que dessus, les choses en étant venues à la nécessité la plus urgente de prendre une résolution ferme et décidée, Sa Majesté Impériale avait résolu, immédiatement après la réponse de Sa Majesté Très Chrétienne, de faire part aux électeurs, priaces et Etats des procédures susdites; de même que de leur faire communiquer tous les mémoires présentés à cette occasion, afin qu'il soit mûrement délibéré sur le parti à prendre à l'égard de ces événements, et sur les mesures les plus constitutionnelles et les plus conformes au bien général de l'empire, et à la conservation des droits respectifs des Etats lésés.
« Qu'en conséquence Sa Majesté Impériale attend incessamment un avis de l'Empire, qui la mette eu état de prendre une résolution, et d'employer, suivant les conjonctures présentes, toutes les mesures qui dépendent d'Elle comme chef de l'Empire.
« Son Altesse, le principal commissaire de Sa Majesté Impériale, est, avec des sentiments d'estime et d'affection, de messieurs les conseillers, ambassadeurs et ministres des électeurs, princes et Etats du Saint-Empire romain, etc...
« Ratisbonne, le 26 avril 1791.
« Signé : Charles Anselme, prince de La Tour-Taxis. »
au nom du comité diplomatique. J'observerai à l'Assemblée que j'ai cru devoir lui lire la copie de cette lettre pour empêcher qu'elle ne soit falsifiée dans les papiers publics et interprétée d'une manière alarmante.
La deuxième pièce transmise au comité diplomatique est une lettre écrite au pape par le ministre au département des affaires étrangères, en conséquence des ordres du roi. Elle est ainsi conçue.
« Monsieur,
« J'ai mis sous les yeux de Sa Majesté la réponse de Sa Sainteté à" la lettre par laquelle le roi l'avait prévenue qu'il rappelait M. le cardinal de Bernis.
« Sa Majesté a vu avec étonnement dans cette réponse, Monsieur, que le pape semblait annoncer qu'il ne recevrait pas d'ambassadeur de France, qui eût prêté, sans restriction, le serment exigé de tous les fonctionnaires publics (Rires) par les décrets de l'Assemblée nationale, sanctionnés par le roi.
« Le roi se plaît encore à penser que ce n'a pas été le véritable sentiment de Sa Sainteté : ce serait nécessairement vouloir rompre toute communication entre le Saint-Siège et la mooarcbie française ; et Sa Majesté se refusera, aussi longtemps qu'elle le pourra, à croire à une pareille intention de la part de Sa Sainteté. Le serment sans restriction, étant prescrit à tous les fonctionnaires publics, est devenu un devoir indispensable pour tous les ambassadeurs de France près les cours étrangères. Le roi ne pourrait les envoyer auprès de Sa Sainteté, si ce serment était regardé par elle comme un motif d'exclusion ; et dès lors la dignité de la nation et celle de Sa Majesté ne lui permettraient plus de conserver un nonce du pape à Paris. Le Saint-Père pèsera sûrement dans sa sagesse les conséquences qui résulteraient de cet ordre de choses dans les circonstances actuelles (.Applaudissements.), et il ne pourrait se dissimuler qu'il les aurait provoquées. Je ne saurais me dispenser d'observer qu'il serait aussi assez extraordinaire que le pape, croyant pouvoir conserver auprès de lui un chargé des affaires de France qui n'a pas prêté le serment prescrit, crût devoir refuser un ambassadeur qui l'aurait prêté : le roi a pensé que le sens de la réponse du pape n'était pas tel qu'il se présente au premier aspect; et il se plait à persister dans cette façon de penser, à moi; s que Son Excellence ne soit autorisée à lui donner sur cela des éclaircissements propres à l'en faire changer. Sa Majesté cependant, par égard pour Sa Sainteté, a, par une attention particulière pour Votre Excellence, suspendu le départ de M. de Ségur, et attendra votre réponse pour prendre le parti que le soin de sa dignité rendrait indispensable. (.Applaudissements.)
« J'ai l'honneur d'être, etc.
« Signé : MONTMORIN.
« Paris,
Je demande l'impression de cette lettre ; elle contient deux principes très intéressants à publier. Elle attestera d'un côté l'erreur du pape sur le véritable état de la France et sur les principes qui doivent régler les droits des nations; elle attestera d'un autre côté l'attachement inviolable du roi à la Constitution française. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète la motion de M. Treilhard.)
Un membre du comité ecclésiastique propose un projet de décret relatif à la circonscription des paroisses des districts de Nîmes, Beaucaire, Som-mières, Pont-Saint-Esprit, le Vigan, Saint-Hippo-lyte et Alais. Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité ecclésiastique, autorise et décrète la circonscription nouvelle des paroisses du département du Gard, conformément aux délibérations prises par le directoire de ce département les 11 mars, 1, 5 et 7 avril 1791, sur l'avis des directoires des districts dans l'étendue desquels elles sont situées, circonscription approuvée par l'évêque du département, et dont le détail suit :
Ville de Nimes, district de Ni mes.
La ville de Nîmes aura 3 paroisses; la première dans l'église épiscopale, sous l'invocation de saint Castor.
Elle aura pour succursale l'église de Saiut-Charles, qui sera desservie par 2 vicaires, et où l'office sera célébré pour les habitants du quartier de la Bourgade.
La deuxième paroisse sera établie dans l'église des Récollets, sous l'invocation de saint Paul, et sera desservie par un curé et 3 vicaires. Elle aura pour succursale l'église de Saint-Césaire, desservie par un vicaire, pour les habitants de Saint-Césaire.
La troisième paroisse sera établie dans l'église des Capucins, sous l'invocation de saint Denis, et aura un curé et 2 vicaires.
Elle aura pour succursale l'église des Carmes, qui sera desservie par 2 vicaires, et où l'office sera célébré pour les habitants d'une partie de l'ancienne annexe de Saint-Baudile, et l'église de Courbessac, desservie par un vicaire, pour les habitants de Courbessac.
Les limites des 3 paroisses seront, au surplus, conformes à l'arrêté du directoire du département du Gard.
Fouillargues formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire, et aura pour succursales Caissargues, Garons et Rodilhan, qui auront chacune un vicaire.
Marguerites formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Bezousse formera une paroisse desservie par un curé, et aura pour succursales Saiot-Gervais, Pouls etCabrières, avec chacune un vicaire.
Manduel formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursale Redessan, avec un vicaire.
Milhaud formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursales Langlade et Caveirac, avec chacune un vicaire.
Bernis formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursales Uchaud, Ves-treict et Aubord, avec chacune un vicaire.
Vauvert formera une paroisse desservie par un curé et 2 vicaires.
Generac formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursale Beauvoisin. avec un vicaire.
Saint-Gilles formera une paroisse desservie par un curé et 4 vicaires : l'un des 4 vicaires ira, les dimanches et fêtes, dire la messe à Estagel.
Aimargues formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursales Saint-Laurent d'Aigouse, le Cailar, avec chacune un vicaire.
Aiguesmortes formera une paroisse desservie par un curé et 2 vicaires.
District de Beaucaire.
Villeneuve. La paroisse de ce lieu sera transférée dans l'église ci-devant collégiale, et sera desservie par un curé et 3 vicaires : elle aura pour succursales l'île de la Bartbalasse, et les Angles, avec chacune un vicaire.
Pujault aura une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Tavel tormera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Rochefort formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Saze formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Azamon formera une paroisse desservie par un curé et 2 vicaires; elle aura pour succursale Theziers, avec un vicaire.
Comps formera une paroisse desservie par un curé.
Domanzan formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursale Estesargues, avec un vicaire.
L'Ile de Vallabrègues formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Montfrin formera une paroisse desservie par un curé et 2 vicaires; elle aura pour succursale Meynes, avec un vicaire.
Sernhac formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursales Ledenon et Saint-Bonnet, avec chacune un vicaire.
Fourques formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Bellegarde formera une paroisse desservie par un cure et un vicaire.
Jonquiéres et Saint-Vincent formeront une seule paroisse, qui sera desservie, savoir : Jonquiéres par un curé, et Saint-Vincent par un vicaire.
Beaucaire formera 2 paroisses : la première sera établie dans l'église de Notre-Dame de Pomiers, et desservie par un curé et 3 vicaires, dont l'un sera chargé de dire la messe, les dimanches et fêtes, à la chapelle de Saint-Paul, pour les maisons et les fermes d'une partie de la campagne.
La seconde paroisse sera établie dans l'église des Cordeliers ; elle sera desservie par un curé et 3 vicaires, dont l'un résideia à Saujan, pour cette partie du territoire de Beaucaire.
Les limites de ces 2 paroisses seront conformes à l'arrêté du directoire du département du Gard.
District de Sommières.
La ville de Sommières n'aura qu'une seule paroisse, àlaquelle sera réunie celle de Saint-Aman i, située dans le faubourg de ladite ville. La paroisse de Sommières sera desservie par un curé et 3 vicaires ; elle aura pour succursales Villevielle et Pondres, avec un vicaire résidant à Villevielle.
Aujargues formera, avec Junas et Gavernes, une paroisse desservie par un curé et un vicaire qui dira la messe à Junas. Elle aura pour succursales Fontanès avec un vicaire, et Souvignargues et Sainte Etienne-Descate, avec un vicaire qui résidera à Souvignargues.
Salinelles formera, avec Montredon, une paroisse desservie par un curé ; elle aura pour succursales Aspères avec un vicaire, et Lèques et Saint-Clément avec un vicaire qui résidera à Lèques.
Aiguesvives formera, avec Mus, une paroisse desservie par un curé et un vicaire qui dira la messe à Mus.
Aubaix formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Grandgallargues formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Vergeze formera, avec Godognan, une paroisse desservie par un curé et par un vicaire, lequel résidera à Godognan.
Galvisson formera, avec Gin sens et Bizac, une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Gongenies continuera de former une paroisse desservie par un curé.
Sainl-Gôme formera, avec Marnejols et Glaren-sac, une paroisse desservie par un curé résidant à Saint-Côme, et aura pour succursale Glarensac, où résidera un vicaire.
Nages et Solorgues, Boissières et Saint-Dionisi formeront une paroisse desservie par un curé, qui résidera à Nages.
Quissac formera, avec Saint-Jean-de-Roques, une paroisse desservie par un curé résidant à Quissac.
Gorconne formera, avec Brouzet et Liouc, une paroisse desservie par un cuié résidant à Gorconne, et un vicaire qui résidera à Brouzet.
Cannes, Glairan, Bragassargues et Saint-Théo-dorit formeront une seule paroisse desservie par un curé résidant à Cannes, et un vicaire à Saint-Théodorit.
Ortoux formera avec Sérignac, Rauzet, Quillan et Vic-le-Fesq, une paroisse desservie par un curé résidant a Ortoux, et un vicaire pour Vic-le-Fesq et Quillan.
Crespian formera, avec Montmirat, une paroisse desservie par un curé qui résidera à Crespian.
Moulezan formera, avec Montagnac, une paroisse desservie par un curé résidant à Moulezan.
Sainte-Mamet formera, avec Parignargues, une paroisse desservie par un curé, et par un vicaire, lequel résidera à Parignargues.
Fons formera, avec Gajan et Saint-Bauzely, une seule paroisse desservie par un curé et un vicaire qui résidera à Gajan.
District du Pont-Saint-Esprit.
La ville du Pont-Saint-Esprit formera une paroisse desservie par un curé et 3 vicaires ; elle aura pour succursales Venejanet Saint-Alexandre avec chacun un vicaire.
Saint-Paulet formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursales Garsan, Saint-Julien de Peyrolas et Aiguese, avec chacune un vicaire.
Cornillon formera une paroisse desservie par un curé ; elle aura pour succursales Goudargues, Saint-André de Roquepertuis et Montclus, avec chacune un vicaire.
Issirac formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursales Saint-Christol-de-Rodières, Salazac, Laval et le Garn, avec chacune un vicaire.
Saint-Michel-d'Euzet formera une paroisse desservie par un curé ; elle aura 2 succursales, La-roque et Saint-Laurent-de-Carnols, avec chacune un vicaire.
Barjac formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursales Saint-Privat-de-Champcloset Avejan, avec chacune un vicaire.
Chusclan formera une paroisse desservie par un curé ; elle aura pour succursale Saint-Etienne-de-Sors, avec un vicaire.
Bagnols formera une paroisse desservie par un curé et 3 vicaires; elle aura 5 succursales, Saint-Gervais, Sabran et Carme, Colombier, Saint-Julien-de Pistrens et Saint-Nazaire, avec chacune un vicaire.
Roquemaure formera une paroisse desservie par un curé et 3 vicaires, dont un dira la messe à Truel ; elle aura pour succursale Sauveterre, avec un vicaire.
Laudun formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura 2 succursales, Orson et Godolet, avec chacune un vicaire.
Saint-Laurent-des-Arbres formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura 3 succursales qui auront chacune un vicaire ; savoir : Lirac, Saint-Geniès et Montfaucon.
District de Vigan.
Le Vigan formera une paroisse desservie par
Dourbie formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursales Trêves et Saint-Pierre-de-Reven, avec chacune un vicaire.
Lannejoul formera une paroisse desservie par un curé ; elle aura pour succursale Saint-Sauveur-des-Pourcils, avec un vicaire.
Sumène formera une paroisse desservie par un curé et 2 vicaires ; elle aura 2 succursales, Roque-dur et Saint-Martial, avec chacune un vicaire.
Aulas formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire, et aura 4 succursales, Breau, Arre, Bête et Mollières, avec chacune un vicaire.
Valleraugue formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursale Ardalliers avec un vicaire.
Notre-Dame-de-Bonheur formera une paroisse desservie par un curé.
Saint-André-de-Majencoules formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; elle aura pour succursale Notre-Dame de Rouvière, avec un vicaire.
Alzon formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura 5 succursales, savoir, Arrigas, Aumessas, Blandas, Luc et Campes tre, à Campestre et Vissée, avec chacune un vicaire.
Saint-Laurent formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursales Mouidardier, Pommiers, Rogues et Saint-Brisson, avec chacune un vicaire.
District de Saint-Hippolyte.
Sauve formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Ganaule formera une paroisse, dont Saint-Nazaire, Logrian, Saint-Jean de Grieulon, Pueche-dron, Savignargues, Largentières, Gauniac de Florian, Massillargues et Atuech feront partie ; elle sera desservie par un curé et 2 vicaires, dont un fera sa résidence à Logrian.
Saint-Hippolyte formera une paroisse desservie par un curé et 2 vicaires ; elle aura pour succursales Conquierac, Seyrac, Aguzan, avec un vicaire pour "ces trois endroits ; Gros et La-cadière, avec chacune un vicaire, et Cesas et Gambo, qui n'auront, à eux deux, qu'un seul vicaire.
Pompignan formera une paroisse dessérvie par un curé et un vicaire.
Saint-Roman formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
La Salle formera, avec Saint-Bonnet, une seule paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursales Golognac, Sainte-Croix de Gaderle, Soudorgues et Thoiras, lesquelles auront chacune un vicaire.
Saint-Mari in de Corconac formera, avec Peyro-les, une seule paroisse desservie par un curé ; elle aura pour succursale, Saumane, avec un vicaire.
Monoblet formera, avec Fressac, une paroisse qui sera desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursales Saint-Felix et Yabres, avec un vicaire qui résidera à Saint-Félix.
Dur fort formera, avec Saint-Martin de Gassenac, une paroisse qui sera desservie par un curé.
Sain t-Àndré-dé-Yalborgne formera une paroisse qui sera desservie par un curé ; elle aura pour succursale Saint-Marcel de Fontfouillouse, avec un vicaire.
District d'Alais.
A lais formera une paroisse à laquelle seront unies celles de Saint-Etienne d'Alensac, Saint-Martin d'Arènes et Saint-Jean-Dupiu ; elle sera desservie par un curé et 5 vicaires, et aura pour succursale Saiut-Gbristol, avec un vicaire.
Vézenobres formera une paroisse à laquelle sera réunie celle de Deaux : elle sera desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursa-» les, savoir : Saint-Hippolyte de Gaton, Marti-gnargues, Sain i-E tien ne-de-Lo n s, qui auront, pour elles trois, un seul vicaire ; Me j anes-lès-Alais, Monleils, Monts, qui auront également un vicaire pour elles trois, et Saint-Hilaire de Bretinas, qui aura un vicaire.
Saint-Martin de Valgalgue, Saint-Albanet Saint-Julien de Valgalgue, formeront une seule paroisse qui sera desservie par un curé résidant à Saint-Martin, et un vicaire qui résidera à Saint-Julien; elle aura pour succursales Cendras-le-Puech, avec un vicaire.
Salindres, Servas, Saint-Privat-le-Vieux formeront une paroisse desservie par un curé.
Rousson formera une paroisse desservie par un curé.
Notre-Dame de Laval, Saint-Andéol de Troullias et le Mas-Dieu, formeront une paroisse qui sera desservie par un curé résidant à Laval : cette paroisse aura pour succursales Saint-Vincent-de-Salles et la Melouze, qui auront chacune un vicaire.
Saint-Paul-de-la-Côte formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursale Soustelle avec un vicaire.
Sainte-Cécile-Dandorge formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursale Blannaves, avec un vicaire.
Anduze, avec Boissot et partie de la cure de Gaujac, formera une seule paroisse, qui sera desservie par un curé et deux vicaires; elle aura pour succursale Saint-Baudile-de-Tornac avec un vicaire, Génerargues et Saint-Sébastien, avec un vicaire qui résidera à Génerargues, et Bagards avec un vicaire.
Ribaute, avec partie de la paroisse de Gaujac et de Vermeille, formera une paroisse desservie par un curé.
Ledignan formera une paroisse dont Saint-Benoît de Gheiran fera partie ; elle sera desservie par un curé, et aura pour succursale Aigremont, avt c un vicaire.
Lezan formera une paroisse desservie par un curé, à laquelle sera unie celle de Car d et; elle aura pour succursale, Saint-Jean-de-Serres, avec un vicaire.
Cassagnoles, avec les villages de Massanes et Marvejols, formeront une paroisse desservie par un curé.
Genouilhac formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire ; elle aura pour succursale Goncoules, avec un vicaire.
Ghamborigaud, avec le hameau de La Rybe-rette, et tout ce qui est en deçà, formera une paroisse desservie par un curé.
Sénéchas formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursale le Ghambon, avec un vicaire.
Aujeac formera une paroisse desservie par un curé; elle aura deux succursales, Bonnevaux et Bordezac, avec chacune un vicaire.
Malons formera une paroisse desservie par un curé; elle aura pour succursale Pouteils, avec un vicaire.
Saint-Ambroix formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire; Saint-Brès eu fera partie; elle aura pour succursales Courry et Meyrannes, avec chacune un vicaire.
Portes formera une paroisse desservie par un curé ; elle aura pour succursale Pierremale, avec un vicaire.
Saint-Jean-de-Valerisole formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Saint-Florent formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Robiac formera une paroisse desservie par un curé.
Saint-Jean-du-Gard formera une paroisse desservie par un curé et un vicaire.
Mialet formera une paroisse desservie par un curé ; Gorbès fera partie de cette paroisse, et aura un vicaire. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité central de liquidation. Messieurs, le comité central de liquidation, m'a chargé de vous présenter un projet de décret relatif au remboursement de diverses augmentations de gages et taxations. Il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité central de liquidation, décrète :
Art. 1er.
« Les propriétaires : 1° Des augmentations de gages attribués aux officiers de la Chambre des comptes de Paris, et aux secrétaires du roi, créées au denier 10 et au denier 12 par les édits de juillet 1586 et 1622, et qui, subsistant encore, soit aux deniers primitifs, soit à raison de 3 quartiers, dans l'état des charges des fermes et gabelles, ont été exceptées de la réduction au denier 50, ordonnée par l'arrêt du conseil du 25 août 1720;
« 2° Des taxations attribuées aux officiers des élections et greniers à sel, par édit de février 1745, rendues fixes et héréditaires au denier 18 par la déclaration du 7 avril 1747, et employées ci-devant dans les états des tailles des domaines et bois, des fermes et gabelles;
« 3° Et de toutes autres augmentations de gages, rentes et charges annuelles dont le produit est au-dessus du denier 20, et qui étaient ci-devant employées dans tel état que ce soit;
« Seront, en conformité des décrets de l'Assemblée nationale, des 15 octobre 1790 et 2 avril dernier, remboursés dans la présente année sur le pied de leurs capitaux originaires, et des fonds de la caisse de l'extraordinaire.
Art. 2.
« Lesdits propriétaires seront tenus de justifier, pour obtenir ledit remboursement, qu'ils possédaient lesdites taxations, ou augmentations de gages, séparément des offices auxquels elles avaient été originairement affectées, ou qu'elles ne sont pas entrées dans l'évaluation de leurs offices.
Art. 3.
Celles desdites rentes, augmentations de gages, et taxations qui appartenaient collectivement aux compagnies, corps de judicature, greniers à sel et autres, comme faisant partie de l'actif desdites compagnies, qui a été déclaré appartenir à la nation en compensation de ce qu'elle s'est chargée de leurs dettes par l'article 3 du titre II des décrets des 2 et 6 septembre dernier, sont exceptées du remboursement ordonné par le premier article, mais elles seront éteintes à compter de l'époque à laquelle le dernier payement des arrérages en a été fait.
Art. 4.
« Les arrérages desdités augmentations de gages, taxations, réntes et charges annuelles dont le produit est au-dessus du denier 20, et dont les remboursement et extinction sont décrétés par les articles précédents, seront définitivement rejetés, à compter du 1er janvier dernier, de tous états par les trésoriers et payeurs qui les acquittaient ci-devant, à la diligence de l'administration du Trésor public qui, dans un mois de ce jour, sera tenu d'adresser l'état desdites radiations au comité central de liquidation, pour en être rendu compte à l'Assemblée nationale.
Art. 5.
« Les propriétaires des objets ci-dessus déclarés susceptibles d'être remboursés, donneront, devant notaires de Paris, quittance de remboursement du capital originaire, ensemble de la portion d'arrérages échus pendant la présente année, à compter du 1er janvier dernier jusqu'au jour et date de la quittance de remboursement, à la déduction des impositions auxquelles lesdites rentes peuvent être assujetties, entre les mains du commissaire du roi, directeur général de la liquidation, qui leur délivrera en échange une reconnaissance définitive de liquidation remboursable à la caisse de l'extraordinaire sur le mandat de l'administrateur provisoire de ladite caisse ; ils joindront à ladite quittance le certificat du rejet des arrérages à compter du 1er janvier dernier, les quittances de finances et titres nouveaux relatifs à leur propriété, un certificat du conservateur des finances, et, pour constater leurs qualités et propriétés individuelles, un simple extrait de l'immatricule dans les registres des trésoriers ou payeurs qui acquittaient lesdits objets.
Art. 6.
« A l'égard desdites augmentations de gages, taxations et rentes au-dessus du dernier 20, dont il avait été signé quittance de remboursement en vertu de l'arrêt du conseil dudit jour 31 octobre 1787, dont les arrérages avaient été rejetés parles payeurs avant la suspension de 1788, et dont le remboursement n'a pas été effectué, elles seront remboursées aux propriétaires de la manière ci-dessus expliquée, sur lesdites anciennes quittances de remboursement ; et il leur sera tenu compte des intérêts, à raison du denier 20 du capital, et déduction faite des impositions auxquelles lesdites rentes peuvent être assujetties, depuis l'époque dudit rejet jusqu'à leur remboursement effectif, sans qu'ils soient assujettis à d'autres formalités nouvelles, que de rapporter un certificat du payeur que le rétablissement n'a pas eu lieu. »
(Ce décret est adopté-)
Un membre du comité des domaines rend compte à l'Assemblée de la concession faite par le sieur Colonne au sieur Raulin de différentes partiés de bois situées dans l'étendue de la maîtrise de Sedan; après avoir établi que cette concession onéreuse, affectée à l'exploitation delà manufacture d'Aigny, qui ne subsiste plus, n'est pas même revêtue des formalités prescrites en pareil cas, il propose le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a élé fait par son comité des domaines, décrète :
« L'affectation faite au profit du sieur Jean-Antoine Raulin de Flize, par arrêt du conseil du 26 juillet 1785 et 28 mai 1786, de différentes parties de bois situées dans l'étendue de la maîtrise particulière des eaux et forêts de Sedan, est et demeure révoquée pour les années pendant lesquelles elle devait encore avoir lieu ; en conséquence les bois compris dans ladite affectation seront à l'avenir administrés et vendus ainsi que les autres bois nationaux, et pour le compte de la nation. >
(Ce décret est adopté.)
secrétaire. M. le Président me charge de vous donner lecture de la pièce suivante adressée par un citoyen de Versailles :
« L'an 1791.....»
Plusieurs membres : Aux séances du soir!
Il faut travailler à la Constitution ; nous avons perdu notre temps avec toutes ces lectures-là. (Nombreuses marques d'assentiments.)
président, quitte le fauteuil.
ex-président le remplace.
L'ordre du jour est la suite de la discussion sur le projet de décret des comités diplomatique et d'Avignon sur l'affaire d'Avignon et du Comtat Venaissin (1).
La discussion qui s'est élevée au commencement de cette séance sur le procès-verbal vous a donné le véritable esprit du décret que vous avez rendu hier dans l'affaire d'Avignon. Vous avez, ainsi, Messieurs, expliqué ce décret et vous avez dit que le projet du comité portait déclare et non pas décrète.
Je demande la lecture du procès-verbal; car, en vérité, cela deviendra une rédaction à laquelle on n'entendra plus rien.
secrétaire, lisant : « l'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d'Avignon déclare.....»
rapporteur. Je demande la permission de lire l'original.
Non! non! c'est la rédaction de ce matin.
rapporteur, lisant: « L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de ses comités diplomatique et d'Avignon déclare que le Comtat Venaissin et la ville d'Avignon avec leurs territoires et dépendances, font partie intégrante de l'Empire français. «
M. le rapporteur lui-même vient de lire le préambule du projet de décret
et le premier article tel qu'il a été posé, car c'est sur le premier
article de ce décret qu'on est allé hier aux voix par oui et par non; et
L'Assemblée n'a pas fait et elle n'aurait pas pu faire cette déclaration. En effet, trois opinions partageaient hier l'Assemblée. Les uns ne voulaient pas de réunion; les autres voulaient la réunion dans le moment présent et les autres enfin voulaient la réunion, mais dans un temps plus reculé. Or, Messieurs, il existait donc deux partis qui désiraient la réunion, mais dont l'un encore une fois voulait la réunion présente et l'autre désirait la réunion dans un moment plus reculé ; et on peut d'autant moins nier ce fait que ceux-mèmes qui dans la question ont déclaré ou qu'ils n'avaient pas de voix, ou qu'ils étaient nour la négative, s'étaient expliqués de la manière la plus claire, la plus précise dans cette tribune.
Ils avaient dit : Le vœu des Avignonais et des Comtadins ne nous paraît pas un vœu suffisamment, librement et volontairement exprimé (Murmures â droite.), et voilà pourquoi nous ne demandons pas la réunion actuelle; mais ces membres qui ne voulaient pas la réunion présente, bien loin de dire qu'ils ne voulaient pas la réunion, pensaient au contraire et le disaient clairement que, si le vœu paraissait libre, paraissait volontaire, fait dans des moments de calme, loin de s'opposer à la réunion, ils la demanderaient eux-mêmes. (Applaudissements.) Lorsqu'on a mis aux voix la question absolue, positive, lorsque les opinants ont été obligés de s'expliquer, lorsque vous les avez mis dans cette alternative de dire : Avignon et le Comtat font-ils partie intégrante de l'Empire français ? Alors vous avez mis une partie des opinants dans 1 impossibilité de voter.
Rappelez l'opinant à l'ordre, Monsieur le Président.
Plusieurs membres : A l'ordre I à l'ordre vous-même!
Monsieur le Président, l'opinant n'est pas dans la question ; vous avez vous-même manqué à l'ordre. On ne sait sur quoi on discute. (Murmures.)
Vous n'avez pas la parole, Monsieur.
Vous auriez dû commencer par faire lire le deuxième article du projet du comité sur lequel seul devait s'ouvrir *la discussion, car il n'est pas possible de revenir sur un décret. (Murmures.)
La question préalable sur la motion de M. de Folleville.
Je suis honteux de faire la la motion de suivre l'ordre prescrit par un décret, mais j'y suis forcé puisqu'on sien écarte, et j'en fais la motion expresse ; ette est appuyée. Je vous prie de la mettre aux voix et je suis étonné de votre inertie, Monsieur le Président.
Plusieurs membres : A l'ordre !
Les membres de la droite appuient tumultueusement la motion de M. de Folleville.
Pour que ces messieurs se taisent, je demande, Monsieur le Président, que tous mettiez aux voix si M. Pétion sera entendu.
Ma motion est appuyée...
La question préalable l'est aussi.
elle est fondée sur un décret.
Ou propose une motion incidente...
On ne peut faire une motion incidente quand un orateur parle.
Non, Monsieur le Président, ce n'est pas une motion incidente, le préopinant veut remettre en question un article rejeté; vous avez décrété au contraire qu'on passerait à la discussion article par article. Il faut donc actuellement discuter l'article second et non pas l'article premier.
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre.
C'est vous qui devez être rappelé à l'ordre.
Il n'a jamais été mis à l'ordre qu'on lirait le deuxième article du projet du comité, parce qu'il est possible que u'autres dispositions soient proposées avant qu'il ne vienne en discussion. M. Pétion a la parole, il faut le laisser achever. M. de Folleville n'a pas le droit de l'interrompre; je le rappelle à l'ordre. (Bruit.)
Ces messieurs qui veulent la fin de la Constitution nous font perdre sans cesse notre temps.
Les faits que j'avance sont si vrais qu'ils ne peuvent être contestés sous aucun rapport. M. Tronchet lui-même qui m'en parlait avant que je montasse à la tribune, me disait : je n'ai jamais entendu que nous n'avions pas de droits sur Avignon, que nous ne pouvions pas le réunir à la France. J'ai simplement déclare que je ne voulais pas du premier article tel qu'il était proposé; mais je n'ai pas dit que je rejetterais un projet de décret qui pût tendre à l'émission d'un vœu libre et volontaire; et lorsque j'ai demandé la parole, mon intention était que l'on proposât un autre projet de décret.
Dans le moment actuel qu'avez-vous à décider? Vous devez de nouveau décider la question et voir quel parti vou3 avez à prendre. Vous êtes donc dans la même situation qu'avant votre décret ; seulement le premier article du comité a été écarté de la délibération. Et quand on vient vous dire qu'il s'agit de passer aux articles subséquents. Je soutiens qu'il est au contraire impossible d'y passer sur-le-champ. Un raisonnement bien simple va le prouver. Que sont les articles subséquents? Que renferment-ils? Des mesures qui supposent un parti pris. Mais l'Assemblée n'a pris ai cun parti. Ces articles sont des conséquences d'un principe ; mais vous n'avez posé aucun principe; et vous le savez, Messieurs, il faut toujours établir un principe avant de tirer les conséquences. (Applaudissements.)
Il s'agit donc, Messieurs, de savoir quel est le principe que vous établirez, quel est le parti que vous prendrez; il s'agit de savoir si vous déférerez ou non à la réunion qui vous est proposée. Voilà ce que vous avez à examiner. (Murmures à droite.) Quant au parti que vous avez à prendre, il peut s'en présenter plusieurs.
Ce qui parait avoir jeté le plus de division dans les esprits, c'est la question de la liberté du vœu des Avignonnais et des Comtadins. Il est prouvé que tous n'en sont pas également convaincus. Je ne parle pas de moi, parce que dans mon opinion j ai toujours regardé leur vœu comme suffisamment exprimé. (Murmures.) Mais mon opi-nion n'est pas celle des différents membres de cette Assemblée ; beaucoup n'ont pas regardé le vœu comme assez libre, assez volontaire, assez sulhsamment exprimé : voilà ce qui a empêché de voter pour la réunion actuelle.
Que doit faire l'Assemblée en pareille position? Elle doit chercher à se procurer un vœu bien constaté qui ce laisse aucun nuage dans les esprits, et alors je maintiens qu'il n y aura plus de difficultés dans l'Assemblée. Je maintiens que la très grande majorité votera pour la réunion. (Applaud issemen ts. )
Il est donc question d'avoir ce vœu général libre et volontaire; mais pour cela plusieurs moyens se présentent et il faut avouer que peut-être dans la séance actuelle nous aurions de la peine à lever des difficultés à cet égard.
Pour moi, mon avis serait de renvoyer l'affaire à un nouvel examen des comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon réunis qui nous feraient le rapport demain ou après-demain au plus tard sur les mesures à prendre dans les circonstances actuelles. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Nous sommes ici les représentants du peuple français et voilà huit jours que nous faisons la Constitution d'Avignon, je demande qu'on passe à la Constitution du royaume de France.
La question préalable.
L'Assemblée nationale a pris hier, après l'appel nominal, une délibération précise dans laquelle elle a déclaré formellement qu'Avignon et le Comtat Venaissin ne font nas partie de l'Empire français (Murmures.) ; elle 1 a déclaré d'une manière solennelle. Et si je vous prouve que l'Assemblée ne peut pas délibérer de nouveau, en ce moment, sur cette affaire, j'aurai suffisamment prouvé qu'elle doit être ajournée. Hier on a délibéré. Plusieurs orateurs avaient été entendus et un de ceux qui ont motivé leur avis avec le plus d'éloquence et de succès dans cette tribune a déterminé l'opinion de l'Assemblée. Eh bien, Messieurs, que lui est-il arrivé? Eu sortant par les Tuileries, le peuple l'a attaqué, l'a insulté. (Murmures)...
Plusieurs membres : A la question !
Celte voie de fait, dans cette circonstance, est précisément un
Je dis, Messieurs, que M. de Clermont-Tonneire a été attaqué, insulté, non seulement dans les Tuileries et dans les rues, mais ncore dans sa maison. (Murmures.) Je dis qu'après ce l'ait, il e^t prouvé à 1 Europe entière, il est prouvé a mut le peuple français que nous ne pontons pas délibérer dans celte Assemblée en toute liberté tt donner sans crainte nos suffrages. (Murmures.)
Un membre : .C'est une calomnie atroce !
Un grand nombre de membres : L'ordre du jour.
Reufermez-vous dans la question, Monsieur l'opinant.
La question est de savoir si nous aurons la vie sauve.
A droite : Oui, Messieurs. (Bruit.)
interpelle vivement M. Malouet. (Vives protestations à gauche.)
président, rentre dans la salle.
Un membre du côté droit (s'adressant à lui) : A bas, Monsieur le Président!.
(s'adressant à ce membre) : Je vous invite à prendre la parole et à rép ter à la tribune ce que vous venez de dire... (Ce membre ne répond pas.) ..... le vous rappelle à l'ordre.
Les opinants qui montent à celte tribune peuvent prendre les moyens qui leur paraisse t les plus propre s. Les uns font valoir leurs opinions par leur éloquence, d'autres par des tournures O'at ires, d'auties par des sophismes ; moi, je veux faire valoir la mienne par des faits.
Un membre à gauche : Et par des bêtises.
Tout sera-t-il donc permis à quelques factieux qui excitent le peuple (Murmures.)... Monsieur n'a-t-il donc pas le droit de parler? (Bruit.}
Je dis que vous ne pouvez délibérer ?ur cette affaire; îl faut donc la renvoyer ou 'l'ajourner à un autre temps. (Murmures.)
Jaimais les délibérations de l'Assemblée ne peuvent -être troublées par ce qui se passe au dehors (Murmures.) On a demandé le renvoi, je demande qu'il soit mis aux voix.
On a fait la motion du renvoi de l'affaire d'Avignon aux cornues de Constitution, diplomatique et d'Avignon ; je mets aux vorx eetie motion.
(Ce reuvoi est décrété.)
Je demande la parole pour une moiion d'ordre.
Un grand nombre demembres : L'ordre du jour !
C'est une chose vraiment scandaleuse que l'usage qui s'introduit de deman-! der à tout propros fa parole pour faire une motion d'ordie; on ne cherche, par là, la plupart du temps, qu'à renouveler une discussion qui a été fermée on qu'à dénaturer un projet de décret qui vient d'être rejeté. Je demande que l'on passe à l'o'dre du jour. (Vives approbations à gauche.)
(L'Atsemblée décrète l'ordre du jour.)
Je dénonce à l'Assemblée un crime public et l'Assemblée doit m'entende (Bruit.)... Le caractère de membre de l'Assemb'Iéè natio taie a été volé. On a enfoncé les I portes de M. de Clermont-Tonnerre... Je demande que l'Assemblée ordonne aux tribunaux de poursuivre...
A gauche : L'Assemblée a décidé l'ordre du jour !
La punition des crimes est à l'ordre de tous les jours.
A gauche: Mais, Monsieur le Président, rappelez uonc à l'ordre monsieur.
Monsieur de Murinais, vous n'avez pas la parole.
insiste au milieu du bruit.
Plusieurs membres : A l'abbaye !
(Quelques instants se passent au milieu du bruit.)
président, reprend sa place au fauteuil.
L'ord' e do jour est la suite de la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Étienne sur la création des petits assignats (!).
(2). J'ai proposé une émission de petits assignats en échange de ceux de 2,000 livres; je les ai fixés à la fraction d ¦ 5 livres, laquelle se prête à tous les càleuls par d zaine ; tt j'ai proposé en même temps rémis.-iou d'une certaine quantité de menue monnaie. Pour ne point surcharger la discussion, j'ai proi osé encore que tout ce qui regarde 1'exécuùun lût renvoyé au comité des finances. Us devaient, ainsi que la monnaie de cuivre, être distribués concurremment, et à la fois dans iouh les dé[ artements, afin qu'ils ne pussent être accaj ar. s et vernius à la classe des citoyens qui en a be oin, atin que leur influence étant uniforme et simultanée, ils ne se prêtassent point à ces calculs qui ont fait devenir les assignats une iiiaTchand.se sur laquelle les hommes utiles ont I emu, et les hommes inutiles et pernicieux ont gagné.
Cependant la discussion s'engagea sur le mode même de l'exécution : on m'a fait deux genres d'ohj ctions ; les unes ont pour objet les inconvénients et ! danger des petits assignats; les autres la di ficuité et la lenteur de l'exécution : je comme ice par tépondre aux premières.
On a opposé que ma proi osition séduisante pour les gens aisés, les
débarrasserait sans doute de l'inconvénient qu'ils éprouvent à perdre
sur l'échange des assignats, mais que je ne les défais de cet ertfbanas,
que pour le rejeter sur le pau-
Je n'hésite pas à dire, comme les préopinants qui ont parlé, que s'il y a des pertes, passagères à essuyer c'est, aux riches à les endurer. Il n'y a nul mérite à penser ainsi ; mais je vous prie d'observer que l'on n'a pas été assez instruit •quand on a cru que partout et dans tous les ateliers Pouvrier recevait son salaire en argent; car -dans quelques ateliers on est obligé de payer les ouvriers en assignats, qu'ils se répartissent entre eux : par conséquent dans ces ateliers les ouvriers perdent sur le papier. Messieurs, on ne doit pas tâcher, pour détourner votre attention de dessus la question qui vous est soumise, de vous induire en erreur. (Murmures.) Ce n'est pas un moyen pour affaiblir l'émission des petits assignats, que de dire, en le combattant, que l'on parle pour le pauvre, que c'est la querelle du pauvre contre le niche. Avec de telles phrases, j'avoue qu'on est sur d'obtenir des applaudissements; mais avec une doctrine aussi superficielle, on expose l'Etat qu'on laisse se miner et se détruire, et par conséquent on ruine le pauvre dont ou s'est vanté de prendre la défense.
En effet, Messieurs, c'est se contenter d'une observation bien superficielle, que regarder comme un mal passager la maladie qui nous consume : ce qu'il faut considérer pour le pauvre, c'est si les choses peuvent durer longtemps ainsi. Votre vigilance ne doit pas se borner à l'objection rapide du moment ; elle doit s'étendre à la considération de l'avenir. 11 faut envisager ce qui arrivera dans quelques mois, lorsque les petits manufacturiers se seront épuisés en sacrifices, lorsqu'ils seront forcés de se réduire à la moitié, au tiers, au quart de leurs entreprises. Les ouvriers sentent déjà la perte des entrepreneurs, et s'attendent à ce moment désastreux où ils seront privés d'ouvrage et de pain. Ils désirent les petits assignats, témoin les adresses que je dépose sur le bureau. Il est aisé de comprendre que, quel que soit le zèle des manufacturiers, tous ne peuvent pas faire le sacrilice de 7 ou 8 0/0 par semaine; que ceux qui l'ont fait pendant 3 mois ne peuvent pas le continuer pendant 6 mois. 11 est de fait que dans plusieurs manufactures on a renvoye des ouvriers, faute de moyens pour les payer. Les courses pour aller chercher de l'argent ont aussi leurs difficultés ; encore avec la meilleure intention est-il possible que souvent le manufacturier ne puisse pas s'en procurer ; il faut alors payer les ouvriers en papier, ou les priver de leurs salaires. Je vous prie d'observer ensuite que quand il n'y aurait que les manufacturiers qui perdraient sur les assignats, ce sacrifice constant et réitéré devient une calamité publique; car si les manufacturiers perdent, le commerce perdra ; la balance avec l'étranger tournera à notre désavantage ; notre argent sera employé à solder l'étranger., et lout notre numéraire sortira du royaume. En prenant la plume, on peut calculer combien de temps encore peuvent tenir des fabricants obligés d'échanger à p. rte les assignats de 3,000 livres conire des assignats de 1,000 livres et ainsi successivement jusqu'à l'assignat de moindre valeur, qui perd à son tour contre l'argent; cal* cul déplorable qui nous annoncerait Ja perte inévitable de nos manufacturiers.
Messieurs, depuis que j'ai fait ma motion, je n'ai pu recevoir de lettres que des départements l s plus voisins, toutes m'annoncent que les petitsassignats y sont désirés. Dans plusieurs endroits, à Rouen, les g*ossous, cette chéiive monnaie, se vendent 4 0/0; les écus de 6 à 7. Plusieurs membres de cette Assemblée ont reçu de pareils avis et surtout de l'embarras où sont plusieurs agriculteurs pour payer le salaire journalier des ouvriers de la campagne. 11 suit de ces observations que la fabrication de petits assignats contribueraeflicacementà l'entretien desouvriers; car, entre le choix dans le malheur de n'être payé qu'en assignats de 5 livres ou de 3 livres, toujours écha ngeables contre de la monnaie et le choix d'être sans travail et sans pain, il n'y a pas à balancer.
Je dis en troisième lieu que, quand les assignats perdraient, cette perte endernier lieu, et si l'on calcule bi n, ne retomberait pas sur lu pauvre. Qu'on y fasse atte tion et qu'on ne s'arrête pas à des observations superficielles.
La subdivision, en petits assignats multipliés, anime la circulation; si un assignat de 50 livres fait une affaire, et passe iar deux mains, 10 assignats de 5 livres, qui font la mène somme, passent par 30; celui qui a un assignat de 50 livres le garde 2 et 3 jours, et davantage, avant que d'aoh- ter ; 10 personnes qui ont des assignats de 5 livres ou u'un écu, les livrent le matin, et le soir les assignats ont couru tout Paris. Ainsi, avec un assignat de 50 livres on ne fait travail 1er qu'avec peine quelques personnes : 10 assignats de 5 livres en mettent en mouvement un grand nombre, et ils ne sont d'aucune perte pour aucun. C'est donc en gran i q i'il faut considérer l'émission des petits assignats,, et non dans la main des individus qui les reçoivent. C'est à l'imagination de les suivre dans la rapidité de leur mari lie, et l'on verra que les gros assignats ne circulent guère, et q .e les petits circuleront b auci.up. Au lieu que les hommes courent aujourd'hui après l'argent, les petits assignats courront api ès les hommes. Créez de l'ouvrage et de la monnaie, et le salaire delà journée s'établira de lui-même. Anim»z la circulation par une grande quantité de monnaie, et vous vivifierez l'Etat et les petits assignats feront la fortune du pauvre. .
Je dois ajouter qu'il y a un grand nombre de citoyens, dont les moyens et l'industrie sont bornés, qui vivent d'un petit négoce, et que cependant 1 on paye en assignats. La perte du ces hommes-ci est vraiment douloureuse, car elle tombe sur leur nécessaire. Une monnaie d'assignat leur serait donc infiniment utile,et vraiment on ne peut exiger d'eux des sacrifices. Pensez qu'il est une mulriti deide citoyens qui n'ont que 800, 1,000, t,20O livres de rentes; que s'ils perdent un dixième de leurs revenus, ils seront forcés de réduire d'un dixième leurs dépenses, et qu'en dernière a vaiyse, cette perte retombera sur le pauvre, qui aura un dixième moins de travail.
Mais je reviens à cette partie tirée d'une objection qu'on a faite, que
l'ouvrier ainsi muni d'un petit assignat auia dé la peine à l'échanger
et qu'il y perdra. Je réponds qu'il en résulterait seulement que j'ai
été trop timide en proposant
M. Beaumetz se trompe quand il juge que les petits assignats seront inutiles, car on peut aisément s'apercevoir que la distance est immense entre les gros sous, dont M. de Montesquiou et moi proposons d'inonder la France et l'assignat de 50 livres, le dernier et leplus petit des assignats, lequel renferme 1,000sous; il faut absolument un intermédiaireentre un sou et 1,000 sous. Et puisque le petit assignat n'a rien de dangereux quand il est échangeable contre de la monnaie, il faut établir un intermédiaire si favorable aux échanges et plus portatif qu'un poids énorme de cuivre, l'affirme que lorsque vous aurez décrété une quantité considérable de petite monnaie, chacun la trouvera si embarrassante qu'on vous demandera ces petits assignats dont je vous parle.
(entrant dans la salle très agité). Monsieur le Président, je vous demande la parole.
Vous n'interromprez pas l'opinant.
Je viens d'apprendre que ce malin...
On ne peut pas prévoir où peut aller l'impudence de M. l'abbé Maury qui vient pour interrompre un opinant ; depuis le commencement delà Révolution il nous interrompt.
placé au milieu de la salle, gesticule et parle avec violence au milieu des murmures.
le rappelle à l'ordre.
M. de Beaumetz a appelé les petits assignats de la charlata-nerie et de l'empirisme ; maison le disait au commencement de tous les assignats et ils ont sauvé la France (Murmures à droite,)... Je le répète : ils ont sauvé la France. (.Applaudissements répétés.) . . .
Mais M. Beaumetz vous propose lui-même ce remède, puisqu'il propose des petits assignats créés par les compagnies ; il en reconnaît donc au moins l'utilité ; et toute la différence qu'il y a entre lui et moi, c'est qu'il veut des petits assignats libres; et que j'ai demandé des petits assignats forcés ; qu'il les veut avec le crédit des compagnies, et que je les veux avec le crédit de la nation.
M. Beaumetz voudrait qu'on lui donnât une bonne raison, pour lui expliquer comment les assignats de 5 livres ne perdront pas 8 0/0 comme ceux de 50 livres. Cette question m'étonne, car elle annoncerait des observations faites avec beaucoup de légèreté. Ge n'est pas l'assignat de 50 livres qui perd 8 0/0, c'est celui de 2,000 livres; celui de 50 livres ne perdait hier que 3 1/2 : c'était le taux.
Mais pourquoi l'assignat de 100 sous perdra-t-il nécessairement moins que ceux de 50 livres. Cette raison, je l'ai indiquée; c'est que les assignats perdent en raison de leur masse, en raison de ce qu'ils sont plus ou moins monnayés.
Il est temps de nous rapprocher. M. Beaumetz veut aussi de petits assignats, mais il les veut libres. M. de Montesquiou veut aussi des assignats libres, et il demande avec moi, et je demande avec lui, une forte émission de gros sous et de petite monnaie; donc nous avons deux propositions à faire :
La première est celle qui ne souffrira pas de difficulté. Que vous décrétiez sur-le-champ une fabrication de gros sou3 dans tous les hôtels des monnaies du royaume, il ne faudrait pas qu'elle fût moindre que 50 millions; qu'ils soient distribués dans tous les départements selon le mode qui sera déterminé.
La deuxième proposition c'est qu'il soit émis de petits assignats en rappelant toujours la condition qui était en commençant, c'est que ce n'est pas une émission en sus des 1,200 millions que vous avez décrétés, mais en échange des gros assignats qui sont un embarras.
Maintenant les assignats seront-ils libres ou forcés? C'est la question principale. S'ils sont libres, seront-ils mis aux mains des municipalités, ou laissés à des compagnies, ou aux unes et aux autres ; c'est une question secondaire.
Les avantages du papier libre sur le papier forcé sont : 1° qu'il sera peut-être plutôt fabriqué, et nous sommes infiniment pressés ; 2° qu'il sera vraiment l'enfant de la confiance, s'il est accepté, mais seulement faut que durera la confiance ; 3° parce qu'il sera mieux fabriqué, parce que les compagnies seront plus intéressées ; 4° parce que, par la même raison, ils seront mieux surveillés pour la contrefaçon; car chacun surveille la chose à laquelle il a intérêt ; 5° parce que la perte, s'il y en a, ne tombera que sur des particuliers, et ne causera pas de grands ébranlements.
Les inconvénients de ces papiers libres sont : 1° qu'ils ne circuleront
que dans les villes où ils aurout été créés, et qu'ils ne parviendront
que difficilement et même point au tout dans les campagnes ; 2° qu'ils
n'auront pas cette confiance nationale accordée à tous les autres
assignats ; 3° qu'ils n'auront pas la grande circulation uniforme et
homogène; car les fabricants qui ont des correspondances en 100 villes,
souhaitent une monnaie uniforme qu'ils puissent recevoir avec confiance,
qu'ils puissent faire circuler partout; 4° que cette bigarrure sera
gênante pour le voyageur, qui sera obligé de changer tous les jours de
monnaie; 5° qu'ils peuvent aisément être décrédités, et occasionner en
divers lieux des mouvements populaires dans ces instants où la méfiance
s'établit, où tout le monde veut être remboursé, ainsi qu'il est arrivé
quelquefois en Angleterre qu'on vous a citée, à
Il me parait qu'il résulte de ce que je viens d'exposer, que la monnaie nationale, que le petit assignat est infiniment préférable; il n'y a pas dans un royaume deux hémisphères, deux circulations, il n'y a qu'un signe reconnaissable à tous ; et sûrement ce qu'on nous propose pour les petits assignats, on ne nous le proposerait pas pour les petits écus ; personne n'oserait vous proposer de faire des petits écus municipaux, cha-marés de mille différentes écritures, renfermés dans les murs de chaque ville ; c'est qu'on ne sent pas encore que l'assignat est de la monnaie. Or, l'Assemblée les a décrétés comme tels; les assignats sont forcés, et ils sont bons : l'utilité du cours forcé existerait-elle pour tous les assignats moins un ?
Voici une objection, et c'est la plus forte de toutes celles qui ont été présentées : l'émission de petits assignats ne sera pas prompte pour nos besoins. C'est la seule et la vraie difficulté raisonnable que l'on ait faite à ma proposition ; mais il ne s'ensuit pas de là que nous n'en devons pas fabriquer du tout, et qu'il faille renoncer à cette opération ; il s'ensuit uniquement, que nous avons eu tort de ne pas la faire plus tôt, et j'avoue que je ne conçois pas comment, de ce qu'ils ne seront prêts que dans plusieurs mois, il pourrait en résulter qu'ils ne seront plus nécessaires ; ils le seront toujours.
On m'a objecté encore les frais de fabrication, le dépérissement des billets, la facilité de les contrefaire. Eh bien, il y a un remède à ces inconvénients ; c'est de fabriquer des assignats métalliques. Je m'explique : l'Angleterre nous avait enlevé un artiste, M. Jacques Dross, qui était établi parmi nous, dont le talent pour l'exécution métallique est reconnu supérieur,dont les machines atteignent à la plus haute perfection, tant pour la beauté que pour la promptitude de l'exécution, ce qui fait que le sou d'Angleterre est un chef d'oeuvre, et comme une médaille à garder dans les cabinets.
Il résulte de ce talent, appliqué à la monnaie, qu'une pièce de cuivre, purgée d'ailleurs par les procédés qui entrent dans la perfection des combinaisons de l'artiste, acquiert une valeur idéale supérieure de beaucoup à sa valeur intrinsèque; c'est réaliser cette idéalité, que de donner à des pièces ainsi fabriquées la valeur réelle de l'hypothèque des biens nationaux. Si cette petite pièce de 2 sous, usée par l'usage, conserve néanmoins une valeur numérique quatre fois supérieure à sa valeur réelle, quelle valeur ne doit pas donner la perfection de l'art et l'impossibilité de l'imitation 1
La perfection des machines de M. Dross l'ont conduit à rendre cette monnaie si parfaitement conforme en diamètre et dans toute l'exécution, qu'il est impossible que la centième, que la millième pièce qu'il fabrique ne soit pas parfaitement conforme à la première. Il est impossible qu'un autre artiste, eût-il son talent et son génie, pût les contrefaire, parce qu'il n'aurait pas ses machines et ses procédés : il est même impossible que lui-même, avec d'autres outils, pût contrefaire son propre ouvrage ; d'où il résulte au'une seule de ces monnaies peut servir de mo-èle et de pièce de comparaison à toutes les autres. Si quelqu'un essayait de les contrefaire, l'œil, la main exercés reconnaîtraient tout de suite la différence.
Je vais m'expliquer d'une manière plus claire, parce que ce qui se dit dans cette tribune est bientôt lu par toutes les classes de citoyens.
Ces monnaies, empilées l'une sur l'autre, sont si parfaitement égales entre elles, qu'elles ne font qu'un tout, sans déborder, sans se dépasser l'une l'autre, et comme ne faisant qu'un corps; les pièces de monnaie du sieur Dross sont telles, que si dans la pile, on en passait une seule qui ne fût pas de lui, elle choquerait sur-le-champ par son inégalité. J'ai donc eu raison de dire que l'une de ces pièces, quelle qu'elle soit, sert de modèle de comparaison aux millions qu'il aurait fait depuis, et par conséquent à toutes celles qu'on pourrait faire pour l'imiter. Voilà le talent qu'il nous faut et que je vous présente. .
Qui peut entendre dire de sang-froid qu a peine les écus sont battus, que le fondeur les rejette au creuset pour nous les vendre en barre, avec une nouvelle perte de 16 0/0; que le fondeur est invité par nos propres demandes à mettre encore au creuset ces écus nouveaux, et que l'argent passe de la monnaie au creuset, ou du creuset à la monnaie, sans que nous ayons le temps de nous en servir? Le tonneau des Danaïdes est encore une image imparfaite de ces creusets dévorants. Ainsi l'argent fondu, baltu, refondu pour être rebattu encore, coûte 64 0/0 par année. Si l'on est obligé de frapper les mêmes écus 14 fois par an, qui ne sera tenté de s'écrier : Je ne veux plus d'argent, il nous ruine; je ne veux que du cuivre et des assignats? (Applaudissements.)
Je ne sais pas à quoi peuvent servir les mystères politiques dans les grandes crises de l'Etat. Il faut tout dire ; il faut que les citoyens connaissent le péril, afin qu'ils adoptent les moyens de salut qu'on leur présente pour le réparer. Vous voyez que quand je vous ai donné l'éveil sur les petits assignats, j'avais de bons avis et que je ne me suis pas décidé à la légère.
Oui, il existe une grande conspiration pour nous soustraire tout notre argent, et le succès de ce complot est d'autant plus sûr, qu'au rebours de tous les autres projets de nos ennemis qui les minaient, celui-ci les enrichit, ou du moins ne leur coûte rien. L'ennemi de la Révolution échange ses assignats contre de l'argent; il y perd 7 ou 8 0/0, mais il a le plaisir de l'enfermer et de contribuer pour sa part à la disette générale. Nos fugitifs réalisent dans les pays étrangers ; ils font échanger en France leur papier contre de l'argent qu'on leur envoie, et ils nous épuisent d'autant. On enlève les petits écus, les pièces de 24 sols qui sont de poids. De grandes associations se sont formées au dehors pour acheter l'argent de France, et ces spéculations ont leur avantage, parce que ce n'est pas seulement en France que l'argent a haussé de prix. Cette grande Révolution préparée à l'univers, porte au loin ses incertitudes et ses alarmes. Le signe commun des fortunes devient plus cher à ceux qui sont inquiets pour leur fortune.
Les rois de l'Europe amassent en silence, parce qu'ils savent qu'avec l'argent on chasse la liberté, que sans argent on ne peut soutenir le despotisme. Les guerres qui existent, les guerres qu'on prépare, les spéculations et même les incertitudes sur l'Inde, les mouvements sourds de l'Europe et ses vastes inquiétudes, tout contribue à donner un grand mouvement à l'argent et à lui donner partout un prix supérieur à sa valeur : et s'il augmente encore de prix, c'est que chaque individu, s'occupant de soi, se fait, dans sa terreur, un projet de prudence, qu'il s'occupe à réaliser.
Ne calculons donc pas la disparition de notre
Ne parviendrons-nous jamais à faire comprendre à tout le monde que les assignats sont la vraie monnaie nationale, la monnaie par excellence. (Les murmures de la droite sont couverts par les applaudissements de la gauche.) Les assignats sont à nous; ils sont la représentation de nos domaines, ils sont le signe de nos propriétés, ils sont fixes et invariables, ce sont des contrats hypothéqués su ries terres, et dont l'issue est in fail I fble, puisqu'ils sont, en dernière analyse, le prix ou le moyen d'échange des domaines nationaux.
Le pauvre, qui le demande, n'y perdra rien à manier cette monnaie, puisqu'il pourra toujours l'échanger contre la monnaie qui abondera.
Telles sont, Messieurs, les raisons que j'ai l'honneur de vous présenter pour appuyer le projet de décret que je vous ai proposé. Je rédigerai mes conclusions; mais elles sont en principe : 1° une émission de forte monnaie ; je souhaiie d'être amendé d'une émission de petite monnaie et je la demande au moins de 50 millions; 2° la création de petits assignats ; quant à la proportion de 5livres que j'ai demandé, j'y tiens.
Enfin je demande qu'il soit renvoyé au comité des finances pour présenter à l'Assemblée nationale des vues sur ce qui a été présenté par M. de Montesquiou, savoir : la suppression de tous les assignats de 100 livres.
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. Rabaud Saint-Etienne.)
(1). Messieurs, je ne me suis point dissimulé que l'opinion tendant à
contrarier ou à retarder l'émission d'assignats plus petits que ceux
actuellement décrétés, pourrai t éprouver de la défaveur ; car on, a dit
assez haut, on a même imprimé que cette opinion ne pourrait être
soutenue que par des agioteurs. Il faut donc du courage pour ne pas
redouter cette qualification, surtout quand on est dans le commerce.
Mais peut-on la craindre, lorsqu'on a toujours fait profession publique de regarder l'agiotage comme un crime d'Etat, et l'agioteur, comme indigne d'être inscrit sur la liste des citoyens.
Je ne puis donc résister au devoir qui me presse de vous développer mon opinion. Je serai très court. J'ose solliciter votre attention, à cause de la faiblesse de mon organe.
Je pense que l'émission des petits assignats de 5 livres dont il s'agit est très dangereuse.
Oui, Messieurs, elle est dangereuse; car elle ne tend à rien moins qu'à faire disparaître tout le numéraire, et à ne laisser en circulation que la petite monnaie : effet que ne pouvaient produire et que n'ont pas produit les gros assignats:; j'en appelle à votre expérience.
Lorsque les plus petits assignats étaient de 200 livres on avait de la peine à se procurer de-l'argent : on le payait à peu près le même taux qu'aujourd'hui, même un peu moins, et on en avait plus abondamment.
Vous avez décrété des assignats depuis 100 livres jusqu'à 50 livres. Dès ce moment, ie taux de l'argent a diminué, il est vrai; mais, graduellement, il sîest élevé à un taux plus fort que celui où il était avant l'émission des petits assignats, et on a vu moins de numéraire. Qu'en conclure? C'est que si vous décrétez des assignats de 5 livres, comme on le demande, le taux de l'argent diminuera d'abord; puis il remontera au taux où
11 est aujourd'hui.: et il en coûtera peut-être plus pour se procurer de ces très petits assignats et de la monnaie ; et vous ne verres plus un écu de 6 livres, je doute même que vous en voyiez beaucoup de 3 livres; car, depuis très longtemps, il en circule très peu.
L'auteur de la motion s'est fait cette question :
Quelle qualité occulte a donc l'assignat, pour faire disparaître le numéraire?
Messieurs, sa qualité n'est pas occulte; elle est très apparente. G'est qu'il est dans le cœur de l'homme de préférer une chose quelconque au signe représentatif de cette chose ; et je défie au plus zélé partisan des assignats de 5 livres, même ici présent, de me nier que s'il a à payer, ayant de l'argent et des assignats, il ne préfère donner l'assignat par préférence à l'argent. Qùien résul-tera-t-il? C'est que, comme je Je répète, on ne verra plus d'argent.
On me répondra, je m'y attends, qu'on n'aura plus besoin d'argent. Oui, sans doute; l'homme aisé n'en aura presque plus besoin, parce qu'il achète en plus grande masse. Mais, cet ouvrier, ce pauvre qui ne peut acheter que par petites parties, sera bien obligé d'acheter de la monnaie. Il portera donc seul tous les frais, à moins que vous ne décrétiez encore des assignats de 24 sous, de
12 sous et au-dessous. Si cette motion vous était faite, vous la rejetteriez, sans doute, avec indignation, et vous auriez raison. Eh bien! Messieurs, vous serez, malgré vous, obligés d'y venir, si vous décrétez des assignats de*5 livres, parce que la même raison qui vous ferait adopter aujourd'hui ceux de 5 livres, vous déterminerait à adopter ceux de 12 et 24 sous et on ne tarderait pas à vous faire cette demande. Je vous avoue que je ne vois pas de sang-froid que les intérêts du pauvre, qui nous doivent être si précieux, soient sacrifiés par l'émission des assignats de 5 livres ; tandis qu'en n'en décrétant pas au-dessous de 50 livres, le coût de l'échange n'atteignait que l'homme aisé.
N'oubliez pas, Messieurs, ce que vous a dit à cet égard M. Beaumetz, avec
autant de vérité que
Lorsque, à cette époque, M. Camus, sur les 50 millions d'assignats qui restaient à Fabriquer, proposa qu'il en fût fabriqué 30 millions de 100 livres et 20 raillions de 50 livres, un honorable membre lit la motion que ces 50 millions fussent partagés, moitié en assignats de 50 livres, et moitié en assignats de 25 livres. Vous décrétâtes que les 50 millions seraient fabriqués en assignats de 50 livres. Alors, la question fut profondément discutée ; et je me rappelle très bien qu'on demanda la lecture du décret du 8 octobre 1790, qui fixe les plus petits assignats à 50 livres.
Vous n'avez pas cédé alors, comme on l'a avancé, à une terreur panique ; vous avez été entraînés par la conviction intime où vous étiez, que de plus petits assignats feraient disparaître tout le numéraire.
Comment se peut-il donc qu'aujourd'hui on vous demande des assignats d î 5 livres ! Cette demande est peu réfléchie. Considérez, Messieurs, à quel instant elle est faite. C'est lorsque l'émission des assignats de 80, de 70 et de 50 livres n'est pas complète ; c'est lorsque les 15 millions de petite monnaie sont à la veille de parut re ; c'est enfin lorsque, par la réunion de la circulation, tant de la totalité des petits assignats, que des 15 millions de petite monnaie, le taux de l'argent peut baisser. Attendez-en donc au moins le résultat. Que risquez-vous de différer à prononcer sur cette motion. Vous ne risquez rien, sans doute ; et vous risquez tout à la décréter aujourd'hui. Quand bien même vous décréteriez aujourd'hui ces très petits assignats, vous ne pouvez raisonnablement estimer qu'il venait dans le commerce avant deux ou trois mois. A coup sûr, d'ici là, la petite monnaie et celle de cuivre seront en circulation ; on vous l'a fait espérer.
Dans ces circonstances, quel est le parti que la raison vous indique ? Elle vous crie : Ne précipitez rien; attendez. N'hésitez donc pas, Messieurs, à suivre ce conseil, il me paraît sage.
L'auteur de la motion, Messieurs, vous a dit que, sans ces petits assignats, le commerce périssait; qu'il n'y avait pas un instant à perdre pour les décréter; qu'eux seuls pouvaient lui donner la vie. Mais il vous a dit aussi que les commissions étaient abondantes ; que c'était les ouvriers qui manquaient. Pour moi, je vous avoue que je ne puis concilier l'idée du commerce à l'agonie avec des commissions abondantes. L'unique conséquence que je me permette d'en tirer, c est qu'on peut, sans risque, différer de décréter ces très petits assignats.
Je sais qu'on m'objectera que le public, le commerce, le fabricant demandent de ces très petits assignats ; enfin que, dans quelques villes, on a fait des coupures d'assignats,,et qu'on s'en trouve bien- Je réponds que je ne suis pas étonné que le public, le commerce et le fabricant se plaignent de ce qui leur en coûte pour avoir du numéraire. Ces plaintes sont naturelles. On souffre impatiemment un mal dont on croit pouvoir se garantir ; mais le remède qu'on prétend y apporter ne sera-t-il pas un plus grand mal encore? N'est-il pas probable qu'il rendra la petite monnaie plus rare? Non, Messieurs, ce n est plus aujourd'hui une probabilité : c'est une certitude.
Je ne dois pas vous taire que, depuis qu'il est: question de petits assignats de 5 livres, la petite monnaie s'enlève et s'achète à haut prix. Je vous assure de sa cherté par ma propre expérience. J'en ai fait chercher, car elle est rare : on en a demandé 5 0/0 contre argent; et j'ai su hier que, dans les marchés, on la ramassait. La crainte d'en ma quer ou le besoin actuel en sont probablement la cause. C'est un motif de plus pour accélérer l'émission des 15 millions que vous avez décrétés ; mais, d'ici au moment où elle sera en circulation, n'est-il pas à craindre (si vous décrétez de ces assignats très petits) que la rareté de la monnaie n'excite des rixes dans les marchés ; rixes toujours dangereuses, dont on ne peut calculer les suite*? N'est-il pas à craindre qu'on introduise beaucoup depetites monnaies étrangères? Personne n'ignore, sans doute, que cette petite monnaie étrangère, inférieure à la nôtre, pour le titre et le poids, nous étant donnée pour une valeur égale à ia nôtre, ne prépare aux étrangers un gros bénéfice; et ils ne le négligeront pas : qu'ainsi ils emporteront nos écus, au grand désavantage de la nation. Voyez, Messieurs, si, étant les économes de la fortune publique, vous devez risquer la création actuelle de très petits assignats. Je répondrai donc au commerce et au fabricant : Vous avez très certainement aujourd'hui moins besoin d'argent que vous n'en aviez besoin avant l'émission des assignats de 100 à 50 livres ; il ne vous en faut que pour vos appoints. Voyez donc si vous préférez que les ouvriers en supportent les frais. Non, Messieurs, leur patriotisme me répond qu'ils préféreront en affranchir les ouvriers ; et, en dernière analyse, si cette perte était trop forte, n'ont-ils donc pas la ressource de s'en prévaloir sur le consommateur? A l'égard des chefs d'ateliers, qui vous demandent de petits assignats, hâtez-vous de faire fabriquer de la petite monnaie, et vous verrez que leur vœu sera rempli.
Il ne me reste plus qu'à détruire l'induction qu'on peut tirer de ce que quelques villes ont fait avec succès des coupures d'assignats.
Je réponds que ces coupures municipales sont sans danger, parce que la masse en est petite; parce que les signatures peuvent facilement se vérifier ; parce qu'au premier abus, on peut aisément les retirer ; parce qu'ils sont payables à présentation; parce qu'enfin la circulation n'est que locale et volontaire.
Les asssignats au contraire, étant papier-monnaie, doivent être forcément reçus. L'homme delà campngne, l'ouvrier ne peuvent les refuser. Perpétuellement dans leurs mains, ils sont sujets à plusieurs inconvénients dont je vous épargne le détail. Et qui sait si, à cause de ces inconvénients (étant une fois en circulation), ils seraient aussi fêtés, qu'ils paraissent actuellement désirés?
N'est-il donc pas beaucoup plus prudent d'ajourner la motion; de hâter la fabrication de la petite monnaie; d'en décréter même une plus grande quantité; de presser l'émission des assignats décrétés le 8 octobre 1790 ?
Je demande donc que la motion des assignats de 5 livres soit ajournée jusqu'après la fabrication des 15 millions de petite monnaie, et l'émission des assignats décrétés le 8 octobre dernier.
Je demande encore que le comité des finances donne son avis sur le projet de décret proposé par M. de Montesquiou.
Plusieurs membres à- droite demandent l'impression du discours de M. Germain.
A gauche : La question préalable! L'ordre du jour !
On réclame l'ordre du jour. (Protestations à droite.)
Il faut, Monsieur le Président, ue cette motion soit faite par quelques membres 'une manière distincte, sinon vous feriez passer toutes les motions que vous voudriez.
Monsieur de Folleville, je vous rappelle à l'ordre.
(L'Assemblée décrète l'impre3sion du discours de M. Germain.)
Je demande également que l'Assemblée décrète l'impression d * la pétition des marchands de Paris sur les assignats, qui vous a été lue dans la séance du 29 avril dernier (1), nar M. Pétion. w. f »
J'appuie cette motion. (La motion de M. Buzot est décrétée.)
L'exportation du numéraire effectif vous presse de prendre une mesure qui, multipliant les signes représentatifs de la monnaie, vous offre les moyens de venir efficacement au secours du peuple. La motion présentée par M. Rabaud se réduit maintenant à ce point ae discussion : La nation fera-t-elle des petits assignats qui doivent entrer en circulation, ou abaudonnera-t-elle le soin de cette fabrication à une foule de compagnies particulières?
La sage abolition des privilèges exclusifs, et la liberte dont l'industrie doit jouir, ne permettent pas d'interdire à qui que ce soit de fai e circuler des billets sur son propre crédit ; mais quand on prévoit celte circulation, quand on en connaît la seule base qu'elle puisse avoir, quand ou en calcule les inconvénients, et quand pour les prévenir la nation n'a besoin que de faire usage de la liberté qu'elle laisse aux individus, ses représentants sont trop heureux de faire le bien public, sans blesser aucun des principes de la liberté politique et civile. Aucune compagnie, aucun particulier, ne peuvent m-ttre dans fa circulation des billets exigibles à tous instants et payables en argent effectif. Son excessive rareté rend cette tentative impossible. Il ne peut donc être question que de billets exigibles à tout instant, mais payables en assignats. Il arrive même que celte exigibilité est illusoire, car puisque les billets, pour être utiles dans la circulation, doivent représenter des portions d'assignats, il s'ensuit nécessairement qu'ils ne seront exigibles qu'autant qu'on présentera, au bureau d'où ils sortent, un nombre de fractions équivalant à un assignat.
On ne peut donc pas dire, comme je ne sais quelle caisse patriotique l'a fait imprimer, que ces billets seront repris du porteur, à toutes réquisitions, contre des assignats; car l'individu ui n'aura qu'un billet équivalent à une fraction 'assignat, ne pourra jamais l'échang r contre un assignat; il sera forcé de le dépenser auprès de ceux qui consentiront à le recevoir en payement, et cette classe d'individus qui n'auront jamais qu'une ou deux fractions d assignats, sera nécessairement la plus nombreuse, sans quoi il serait faux de dire que les petits assignats sont d'une urgente nécessité.
Cette considération prouve déjà l'erreur de ceux qui prétendent qu'il
vaut mieux laisser aux
M. Beaumetz, ne pouvant contester que les petits assignats sont devenus absolument nécessaires, renvoie le public aux billets qui seront fournis par des établissements particuliers. Il s'étonne que la capitale n'ait pas imité l'exemple de quelques villes du royaume, et même qu'elle ne l'ait pas donné : mais M. Beaumetz s'est répondu à lui-même. Il craint dans les petits assignats la mauvaise humeur du pauvre, qui sera obligé de donner à perte l'unique fruit de son labeur. Mais en sera-t-il différemment d'un billet créé par une société particulière, et remboursable en assignats? Le pauvre, dira-t-on, sera libre de refuser ce billet. Mais le refusera-t-il quand le chef d'atelier dont il dépend, ne lui présentera pas autre chose? M. de Beaumetz n'a pas senti que les établissements qu'il loue, n'ont de mérite qu'autant que les ouvriers peuvent y trouver de l'argent; or cela est devenu ou impossible, ou trop coûteux pour des compagnies pirticulières. Les sacrifices qu'elles auraient à faire seraient trop longs, et par cela même trop considérables. B îrdeaux vous en offre l'exemple. On ne peut plus s'engager qu'à fournir des billets payables en assignats; dès lors ces billets ne so it plus que des intermédiaires inférieurs à l'assignat ; des lors le petit assignat a sur ces billets l'avantage de l'assignat même, tandis que le petit assignat n'a pas un seul inconvénient qu'on ne puisse reprocher aux billets des établissements particuliers. Aussi ne trouvera-t-on pas un seul homme instruit et sincèrement attaché à la chose publique, qui n'ait été affligé de l'annonce de cette caisse, dont on parle dans la capitale, sous le nom de patriotique.
Les auteurs de cette nouvelle caisse vous disent « que nar des motifs pesés dans votre sagesse, vous vous Ctes déterminés à ne pas émettre des assignats au-dessous de 50 livres, et cependant l'entreprise d'y suppléer par de petits billets, ils l'appellent louable et vraiment patriotique. » Et pourquoi? « à cause de l'embarras dans lequel se trouvent les ouvriers, les débitants de comestibles et les marchands, par le manque de numéraire ou de valeurs au-dessous des petits assignats. » Or, seriez-vous sages, si vous vous étiez interdit un moyen absolument nécessaire pour suppléer au manque du numéraire dans la classe la plus importante de la société, les ouvriers, les débitants de comestibles et les marchands en détail? Non, vous ne ferez pas cette faute grave, vous êtes toujours en état de satisfaire aux besoins du peuple; et la manière qui vous sera démontrée la plus avantageuse, sera celle que vous préférerez. Or, sousaucun rapport, les billets de cette caisse prétendue patriotique, ne sauraient valoir mieux que de petits assignats.
Lss auteurs du projet ajoutent encore qu'il importe de mettre dans la circulation des erfets libres qui puissent suppléer les papiers forcés.
Mais quVntendent-ils par effets libres qui ne peuvent être payés qu'en papiers forcés? Veulent-ils donc après qu'on a prouvé que notre papier territorial avait autant et plus de droit d'être forcé que la monnaie métallique, renouveler les préjugés que nous avons détruits? Mais alors qu'ils impriment donc à leurs insignifiants billets, une valeur plus recherchable que celle de nos assignats.
Je reviens à M. Beaumetz et à ses arguments pour éloigner les petits assignats. M. Beaumetz nous dit que l'Angleterre a interdit à la banque de mettre en émission de petits billets, qu'aussi les jetons qu'on voit en Angleterre sont fondés sur le crédit particulier des maisons de commerce; que chaque entrepreneur a ses jetons, ses marques, avec lesquelles il paye ses ouvriers, etc. M. de Beaumetz oublie que nous avons une monnaie inconnue aux Anglais, notre monnaie territoriale; qu'elle ne peut entrer en nulle comparaison avec leurs billets exigibles en argent. Notre monnaie territoriale est exigible en terre, c'est-à-dire en un genre de valeur qui précède toutes les autres, en une richesse essentielle et sans laquelle tout autre objet serait sans valeur.
M. Beaumetz prétend que si les assignats de 200 livres perdent 6, 7 et 8 0/0, les assignats de 5 livres perdront 6, 7 et 8 sous, et que cette différence sera supportée par le pauvre ; mais 1 assignat de 200 livres perd plus que celui de 100 livres; celui-ci plus que celui de 50 livres. En suivant ces proportions, il résulte que l'assignat de 5 livres ne perdra presque rien, s'il est échangé contre de la monnaie métallique, et ne perdra rien du tout, s'il est échangé coutre des denrées. D'ailleurs nous avons des coupons en circulation. Que sont ces coupons, si ce n'est en effet de petits assignats? Eh bien, les coupons circulent, personne ne les refuse, et ils ne souffrent aucune espèce de. perte.
M. Beaumetz a encore avancé que ce qui rendait difficile l'échange des petits assignats, c'est que notre monnaie de billon n'est pas dans une proportion égale avec celle de nos écus.
M. Rabaud a répondu à cette objection, en vous proposant une nouvelle émission de monnaie de billon, en vous demandant d'en hâter la fabrication. Il me semble donc que M. Beaumetz ne fait qu'écarter le véritable état de la question par ses comparaisons et ses aperçus. Il s agit essentiellement de savoir si nous devons subdiviser notre monnaie territoriale, comme on a subdivisé la monnaie métallique ; si nous devons, pour ainsi dire, couper nos biens nationaux, mis en circulation, en divisions qui nous rendent, pour l'usage de l'intérieur du royaume, l'or et l'argent absolument inutiles.
C'est la terre qui, en dernière analyse, donne le prix à l'or et à l'argent; et, dès lors, si nous pouvons représenter la terre par des billets, qu'a-vons-nous besoin de l'or et de l'argent? Il en faut, sans doute, pour le commerce étranger. Mais sous ce point de vue, l'or et l'argent ne sont qu'une marchandise qui, comme toute autre, s'écnange contre des marchandises; et remarquez que dans ce dernier rapport l'intérêt de la classe pauvre n'est point compromis par nos dispositions; elle n'a point de payement à faire dans l'étranger ; elle ne vous demande qu'un signe commode et suffisant pour faire ses échanges de tous les jours; elle ne vous demande que d> s équivalents dont la valeur ne soit pas idéale. Tels sont les assignats. Et comme il faut de toute nécessité admettre une monnaie métallique, pour les dernières divisions, qui n'ait presque d'autre prix que celui de la nécessité, la classe pauvre vous demande que la monnaie territoriale puisse joindre cette autre monnaie fictive qu'on peut faire avec de bons métaux, et qui tire tout son prix de la nécessité.
Cet te demande nous conduit à faire des assignats de la plus petite somme possible, afin que ces assignats puissent s'échanger facilement avec une monnaie qui, par sa nature, n'entre point dans nos rapports commerciaux avec l'étranger; monnaie que, par cela même, on peut appeler nationale, de même que les assignats; monnaie qu'on nous invite, avec raison, à multiplier incessamment, en nous servant des plus habiles artistes, qui au moyen de la perfection, peuvent la rendre* inimitable; monnaie enfin, dont nous avons ordonné la fabrication il y a plusieurs mois.
On objecte que les petits assignats dispenseront les riches, les gros marchands, les chefs d'ateliers, de chercher de l'argent pour payer les pauvres et que, dès lors, ceux-ci supporteront la perte sur les assignats qui, jusqu'à présent, s'était éloignée d'eux. D'abord ce fait est faux ; il y a trop d'égoïsme chez les riches, chez les gros marchands et chez les chefs d'ateliers pour croire qu'ils n'aient pas trouvé les moyens de faire supporter aux pauvres plus que leur part des pénuries actuelles; et à moins qu'on ne veuille s'entêter ridicu'ement contre l'évidence, on est forcé de convenir qu'un homme qui vi', du jour au jour, du salaire de son labeur, souffrira beaucoup moins en possédant un assignat de 5 livres qu'on n'aura aucun prétexte de lui refuser, qu'il ne souffre du crédit qu'il est obligé de solliciter ou du travail dont on le prive, par la seule raison de la difficulté à se procurer du numéraire, ou de la dépense qu'il faut faire en pure p rte pour l'acheter. Pourquoi d'ailleurs veut-on qu'un assignat de5 livres perde contre le prix des choses? N'a-t-il pas son placement assuré dans les biens nationaux? et le vendeur des subsistances fera-t-il moins de crédit lorsque de petits assignats faciliteront davantage le payement du salaire, que dans l'état actuel où la rareté toujours croissante rend le sort des pauvres consommateurs tout à fait incertain ?
M. de Montesquiou, dont l'opinion paraît favorable aux petits assignats, et qui, cependant, conclut contre leur émission, propose de changer, à bureau ouvert, des assiguats de grosse valeur contre des assignats de moindre somme et de créer une monnaie de département.
Je n'ai jamais eu cette idée.
Il me semblait que, dans la dernière opinion de M. de Montesquiou, il avait dit qu'il serait possible de faire une monnaie de département. Quand ce serait une autre qui l'aurait dit, c'est la même chose.
L'auteur de cette idée ne prétend pas que ces échanges soient faits
gratuitement et, dans ce cas, je gouvernement doit supporter les perles
ou jouir des bénéfices. La monnaie de département serait d'autant plus
inconvenante qu'elle donnerait à chacune des sections du royaume une
manière de se passer du reste, et de former un système fédératif qui
serait le malheur de la France. Notre Constitution doit avoir pour objet
de lier toutes les parties de l'Empire, et tout ce
La pétition sur les petits assignats, qui a été lue à l'Assemblée par M. Pétion, annonce qu'on n'a pas embrassé d'assez bonne heure la mesure des assignats dans l'étendue qu'elle doit avoir et dans les détails que la nature des choses exigeait.
Le ministre deslinances occui é de trop d'objets ne peut pas observer les besoins de la circulation et suivre avec une attention journalière les mouvements de notre numéraire et en prévenir l'Assemblée nationale. Nous n'avons pas pu examiner cette multitude de causes qui se prêtent secours les unes aux autres, et qui déjouent toutes les spéculations par lesquelles nous voudrions fixer dans le royaume, au service de la circulation, quelques portions d'or ou d'argent. Nous aurions appris que, s'il est un moyen de faire naître quelque abondance dans l'or et l'argent, c'est de nous en passer, et toutes nos mesures se seraient depuis longtemps dirigées vers ce moyen; puisque au fond, il ne s'agissait que de suppléer au numéraire réel par un numéraire plus réel encore. Et qu'on ne nous dise pas que notre Constitution achevée, et les contributions des citoyens mises en pleine recette, nous verrons subitement les métaux rentrer dans la circulation. Ces promesses ne reposent que sur des notions vagues; elles ressemblent à ces espérance? toujours trompées et toujours renaissantes d'un ministre qui n'a pas pu s'élever à la hauteur des circonstances dès l'instant qu'il a fallu sortir des routes où nos finances se sont perdues. Voici ce qui seul étant certain doit nous diriger.
Nous avons des biens nationaux que nulle force ne peut nous ravir, ou bien elle nous ravirait toute autre source, quelle qu'elle soit, d'où nous pourrions tirer les sommes nécessaires aux besoins publics. La confiance dans la possession de ces biens est assurée; nous voyons par ceux qui les recherchent et par le prix que Ton y met, qu'on ne redoute contre la possession actuelle de ces biens aucun événement, fùt-il même contraire à la liberté ; car enfin le despotisme aurait ses besoins, pour le moins, aussi considérables que les nôtres. De ces vérités il en résulte une autre non moins évidente, c'est que nous avons incontestablement une monnaie territoriale, et que cette monnaie ne peut souffrir de discrédit que par notre propre faute ou par de mauvaises intentions.
Pour prévenir le premier inconvénient et pour combattre les mauvaises intentions avec plus de de succès qu'on ne l'a fait jusqu'à présent, il est nécessaire de créer une commission composée de membres qui n'aient point à défendre les opinions et les procédés par lesquels l'Assemblée a été dirigée jusqu'à présent, et que cette commission appelle dans son sein les personnes qui sur les assignats et sur les monnaies ont montré une instruction et une prévoyance auxquelles nous sommes forcés aujourd'hui de rendre justice.
La commission que je propose d'établir serait chargée de diriger et de surveiller l'exécution et la meilleure distribution des petits assignats ;.elle ferait exécuter une fabrication de monnaie nationale en quantité suffisante pour concourir avec les petits assignats. 11 lui serait enjoint de veiller à la perfection des assignats et à celle de la monnaie nationale, de prendre de telles mesures qu'on ne vît plus le scandale dont nous avons été témoins. 11 est incroyable qu'on n'ait pas pourvu à ce que les citoyens, sans distinction, pussent obtenir de petits assignats contre des gros jusqu'à ce que les petits aient été entiècement épuisés ; il ne l'est pas moins que la même précaution n'ait pas été prise pour les principales villes du royaume. La commission dont j'ai parlé se ferait rendre un compte exact et détaillé de toutes les opérations faites depuis le départ de M. Necker., pour se procurer du numéraire effectif, afin de faire à l'Assemblée nationale les rapports nécessaires pour l'éclairer sur une opération devenue aujourd'hui si importante.
Ainsi regardant notre monnaie territoriale comme ne pouvant pas nous être ravie, comme étant la seule qui puisse résister à cette multitude de causes et d'effets dans lesquels l'esprit le plus exercé s'embarrasse ; je conclus à tous les moyens qui rendront les assignats plus immédiatement utiles à la classe pauvre et laborieuse ; en conséquence, j'adopte les quatre premiers articles du décret présenté par M. Rabaud, en observant.
1° Que des assignats de 20 et de 10 livres présentant un secours plus prompt, il sera incessamment formé des assignats de 20, de 10 et 5 livres, en exigeant que ces derniers soient au moins dans une quantité égale à celle des deux autres prises ensemble, c est-à-dire que pour deux assignat?, l'un de 20 et l'autre de 10 livres, il y en ait six de 5 livres.
2° Je propose par amendement qu'il soit nommé une commission de quatre personnes chargée de surveiller l'exécution du décret, et d'instruire l'Assemblée de tout ce qui concerne l'état actuel des métaux précieux, et de lui soumettre une opinion sur le système qu'il convient d'embrasser sur cet important objet.
3° Je demande enfin que l'Assemblée ne cesse de presser la fabrication d'une monnaie de billon, qui, destinée à secourir le pauvre, puisse subvenir à tous ses besoins. (Applaudissements.)
Un de MM. les secrétaires. Monsieur le Président me charge Messieurs, de vous donner lecture d'une lettre du ministre de l'intérieur ; la voici :
« Monsieur le Président,
« Les motifs exprimés dans la lettre que M. Huber a écrite au comité des
finances de l'Assemblée nationale, l'ayant déterminé à remettre au roi
sa démission de la place de commissaire de la trésorerie (1), Sa Majesté
m'a changé de
Je suis, etc...
Signé : de Lessart ».
le demande la parole sur cette lettre.
Plusieurs membres : Non ! Non ! à une autre séance !
La suite de la discussion sur la création de petits assignats est reprise.
Messieurs, il n'est aucun de nous qui ne puisse aisément se convaincre
que, si la disette de numéraire, qui nous afflige, doit exciter nos
vives sollicitudes, ce n'est pas en saisissant inconsidérément les
premiers moyens
Nous savons tous que, depuis plusieurs années, la balance du commerce a
tourné à notre désavantage, parce que nous avons fait avec nos voisins
un traité ruineux ; et que, depuis cette époque, un goût immodéré pour
les productions ae l'industrie étrangère, a fait languir et déserter nos
ateliers nationaux, parce qu'il a fallu solder avec notre numéraire une
partie de nos jouissances de luxe et de nos subsistances de premier
besoin; parce que, débiteurs envers l'étranger des énormes intérêts
d'une grande partie de nos emprunts, il a fallu lui payer des rentes,
lui rembourser des capitaux considérables. Mais ces opérations
onéreuses, et cependant indispensables, n'ont pas enlevé à ta France 2
milliards d'espèces circulantes, qui naguères vivifiaient son
industrie.
Ën créant pour 1,200 millions d'assignats, auxquels vous avez don Dé le gage le plus solide qu'une grande nation puisse présenter à ses créanciers, vous avez remplacé les capitaux exportés, et prodigieusement augmenté les moyens de circulation qui devraient rendre à l'industrie nationale tout l'essor dont elle est susceptible.
Cependant, Messieurs, vous éprouvez une disette de numéraire qui doit affliger tous les bons citoyens. Quelle est donc la cause de cette calamité? quels sont les vrais moyens de la faire cesser?
Cette cause ne réside pas uniquement dans les spéculations sordides de ces vils agioteurs qui, en multipliant les manœuvres les plus criminelles pour accroître le prix du numéraire, accaparent les espèces nouvellement fabriquées et les convertissent en lingots pour les revendre avec avantage à l'administration, quand la nécessité de solder les appoints et de pourvoir à la paye de l'armée, l'oblige d'acheter, n'importe à quel prix, les métaux dont elle a besoin.
Ces spéculations odieuses ont un terme et, quelle que soit l'avidité de ces infâmes usuriers, il n'est pas en leur puissance, comme il serait dans leurs désirs, d'engloutir la masse des espèces qui appartiennent à la nation.
La principale cause de la rareté du numéraire est dans ce sentiment de défiance, qui s'empare des meilleurs esprits, et dont les bons citoyens ont peine à se défendre, surtout dans ces moments où la multitude, se laissant aveuglément entraîner par l'impulsion que savent lui donner, au gré de leurs intérêts, ceux qui, autrefois, se disaient ses amis et ceux qui affectent aujourd'hui de le paraître, s'abandonne à des mouvements désordonnés qui ront craindre, mêmeaux gens peu timides, que, dans son égarement, ce peuple séduit ne déchire, de ses propres mains, cette belle Constitution, que cependant il idolâtre, et avec raison, puisqu'elle doit assurer sa prospérité.
J'en appelle à votre propre sentiment, Messieurs, j'en appelle au témoignage des honnêtes citoyens qui m'entendent. Qui d'eux, qui d'entre vous-mêmes, quoique l'espoir le mieux fondé de terminer, à la gloire et à l'avantage de la nation, vos importants travaux, soutienne et fortifie votre courage ; qui de vous, dans ces moments de crise et d'agitation que les lâches ennemis de la patrie s'efforcent sans cesse de renouveler; qui de vous néglige de se procurer, ou de conserver une somme de numéraire suffisante pour pourvoir aux besoins d'une année? Calculez, Messieurs, si vous le pouvez, les sommes prodigieuses que composent ces bourses de réserve qui, dérobées depuis longtemps à la circulation, sont en effet la principale, j'ai presque dit l'unique cause de la rareté des espèces.
Que les vrais amis de la patrie, que ceux qui désirent sincèrement le bonheur du peuple redoublent donc en ce moment leurs efforts pour l'éclairer, le convaincre qu'en se livrant sans défiance aux perfides insinuations des traîtres qui, soit par leurs écrits, soit par leurs discours, prouvent assez qu'ils sont salariés pour l'égarer, et surtout pour le diviser; qu'en accueillant les plus odieuses calomnies et les plus injustes soupçons contre les citoyens auxquels un honorable choix a confié l'administration de ses intérêts, le soin de veiller à sa sûreté et de pourvoir à sa défense, il devient lui-même l'auteur de ses misères, et prépare sans y songer des maux qui ne feront qu'accroître ses privations et ses souffrances; maux qui, s'ils étaient prolongés, amèneraient infailliblement la division des citoyens, les guerres intestines, et peut-être la dissolution de l'Empire.
La France ne manque pas de numéraire,il n'est pas entièrement caché dans les coffres de l'avare spéculateur. Rétablissez la tranquillité, faites respecter les lois, et bientôt la confiance renaîtra, les espèces reparaîtront dans la circulation, et l'échange des assignats n'éprouvera plus de surhaussement et d'embarras.
Je pense, comme plusieurs des préopinants, qu'une émission d'assignats de 25 livres, pour remplacer ceux de 2,000 qui ne sont pas d'une négociation facile et journalière, serait une mesure prudente et très appropriée aux besoins publics ; mais je combattrai de tout mon pouvoir le projet qui vous est soumis pour une émission d'assignats de 5 livres. Le décret qui l'ordonnerait serait un déshonneur pour la nation; il serait une calamité publique : la simple publication de ce projet est déjà devenue une calamité.
Ce serait un déshonneur pour la nation ; car autant vaudrait-il annoncer aux peuples qui nous contemplent, que tout sentiment de patriotisme est éteint dans le cœur des citoyens opulents, qui sont en grand nombre parmi nous, et qui tiennent en réserve de3 espèces plus que suffisantes pour solder les transactions journalières.
Ce serait douter de l'intelligence, ce serait soupçonner la générosité du peuple français, qui sentira bientôt quel'obéissanceaux lois, le retour à l'ordre et à la tranquillité peuvent seuls rappeler la confiance, rétablir la circulation, et élever cet Empire aux heureuses destinées que lui prépare la plus juste et la plus parfaite consti u-tion à laquelle aucun peuple se soit librement soumis.
Ce serait une calamité publique; en effet, Messieurs, qui pourrait douter que l'exemple funeste, donné par d'avides spéculateurs à toutes les classes du peuple, en établissant un honteux trafic sur les assignats et sur les espèces, ne s'étendît bientôt jusqu'aux gens les moins fortunés qui, avec de médiocres facultés, pouvant cependant accaparer des quantités de menues monnaies, spéculeraient bientôt sur des bénéfices proportionnés à la médiocrité de ces assignats ; mais qui, avec le temps, dessécheraient la substance de la classe la plus nombreuse et la moins aisée, et la réduiraient bientôt à la déplorable nécessité de chercher son salut dans son désespoir ou dans l'abnégation de sa liberté.
Si les chefs des ateliers, les entrepreneurs des manufactures trouvaient d'abord quelque facilité à solder leurs ouvriers avec ces papiers, ne faudrait-il pas bientôt qu'ils élevassent leurs salaires pour en compenser la perte, qui, en aucun temps, ne peut et ne doit être supportée par ceux qui ne retirent de leurs travaux qu'una subsistance journalière. Que deviendraient alors vos manufactures?
D'ailleurs, Messieurs, a-t-on bien réfléchi aux inconvénients sans nombre
qui résulteraient d'une mesure qui ferait passer un numéraire écrit dans
les mains de gens qui ne savent pas lire, un numéraire fragile entre les
mains de gens sans soin, un numéraire facile à salir entre les mains de
gens dont les états sont inséparables de la malpropreté? A combien de
rixes ne provoquera-t-on pas le peuple des campagnes qui souvent se
querelle pour une pièce de 2 sols effacée ? A quelles surprises
n'exposera-t-on pas son igno-
La seule publication du projet des assignats de 5 livres est devenue une calamité.
Je n'ai pas besoin de vous donner beaucoup de preuves pour établir cette assertion. La crainte de voir les écu3 disparaître de la circulation, a fait une impression plus vive sur l'esprit des citoyens, que l'espoir de la voir se rétablir par cette étrange et dangereuse ressource. Tous ont voulu faire provision d'écus, la cupidité des vendeurs s'est accrue par l'empressement des acheteurs. Le prix du lingot au titre des vaisselles, qui depuis longtemps paraissait fixé à 56 1. 10 s., est monté dans l'espace de 4 à 5 jours à 59 1.10 s., c'est-à-dire a été augmenté de 6 0/0.
Voilà, Messieurs, l'effet funeste de la simple exposition de ce projet inconsidéré, dont l'estimable auteur n'avait certainement pas prévu les fatales conséquences. A sa voix, la circulation languissante des espèces s'est arrêtée, lin chimérique espoir s'est emparé de l'esprit de quelques citoyens, des craintes exagérées se sont emparées des autres. Quels sont aujourd'hui les moyens de faire succéder le calme à celte inquiétante agitation des esprits ?
Ici, Messieurs, commence mon embarras ; il ne m'a pas été difficile de vous indiquer les principales causes de la disette de notre numéraire. Leur évidence les met à portée d'être saisies par quiconque veut les méditer sans prévention ; j aurais pu y en ajouter quelques autres dont les conséquences sout également faciles à démontrer; par exemple, j'aurais pu vous dire que, si dans ce moment un de nos marchands français, dont les magasins sont remplis d'étoffes anglaises, doit remettre, à ses fournisseurs d'Angleterre, 30 I. 10 d. sterling, il est obligé, pour se procurer des remises au cours actuel du change, de débourser 887 1. 7 sv 8 d. ; mais si, pour s'épargner la perle ruineuse que la baisse du change le contraint de subir, il se détermine à envoyer des louis, il diminue sa perte d'une somme de 119 1.7 s. 8 d. ; il est donc de l'intérêt de ce marchand d'envoyer de l'or en Angleterre, plutôt que du papier.
Si ce marchand entend bien ses intérêts, au lieu d'envoyer de l'or, il enverra de l'argent, parce qu'à ce moyen, il réduira considérablement la perte qu'il éprouverait encore en envoyant de l'or. La remise en espèces d'argent lui donnera une économie de 158 1. 2 s. 3 d., ce qui fait une différence à son bénéfice de 38 1.14 s. 7 d., c'est-à-dire de plus de 5 0/0, bénéfice considérable que des négociants intelligents ne peuvent pas être soupçonnés de négliger.
La preuve de ce que j'avance, Messieurs, est authentiquement consignée dans un calcul que je suis prêt à vous communiquer (1).
Vous devez donc imputer en grande partie l'absence de votre numéraire
d'argent à la disproportion que la refonte de 1785 a établie entre vos
monnaies d'or et d'argent. Voulez-vous une nouvelle preuve qui sera
facilement saisie par ceux mêmes auxquels les premiers éléments du
calcul sont étrangers? Avec 19 pièces de 24 sols bien usées, bien
effacées, et qui intrinsèquement ne valent pas 15 francs; avec 38 pièces
de 12sous, plus affaiblies encore et valant au plus 12 francs, vous
pouvez acheter un louis d'or de France en Angleterre. Cependant, ces
monnaies, eussent-
Quels seront donc les moyens qui-pourront être mis en usage, pour obvier à tant d'abus, poui nous épargner tant d'inquiétudes?
Je n'eu connais qu'un, Messieurs, c'est de recou rir aux principes que vous avez craint d'appro fondir par le désir que vous aviez d'abréger vos travaux ; si vous jugez convenable de réserver ce travail intéressant à la prochaine législature, ordonnez au moins, provisoirement, une menue monnaie, tellement combinée qu'elle puisse dé jouer les spéculations des fondeurs qui accaparent et font disparaître vos espèces ; et ne respecteraient pas davantage les pièces de 30 et 15 sous, que vous avez décrétées le 11 janvier, parce qu'elles doivent contenir un titre et un poids, relativement proportionnels aux écus.
Faites fabriquer abondamment de la monnaie à bas titre; donnez-lui une valeur en circulation supérieure à la valeur intrinsèque : c'est le seul moyen que vous puissiez mettre en usage jusqu'au temps où votre système monétaire pourra être rétabli sur des bases solides.
Déjà vous avez créé une commission pour surveiller cette partie intéressante de l'économie politique, partie depuis longtemps hautement négligée et lâchement abandonnée au brigandage le plus effronté.
L'organisation de tout le régime de la fabrication vous sera incessamment présentée; et dans le même temps, cette commission formée depuis peu de jours d'hommes entièrement dignes de la confiance publique, vous offrira, par l'organe de vos comités, des vues sages sur le rétablissement provisoire de vos menues monnaies. Je demande, d'après cet exposé, que le projet de M. de Saint-Etienne soit ajourné à quinzaine. (Applaudissements.)
(L'Assemblée décrète l'impression du discours de M. de Cussy.)
M. de Cussy demande l'ajournement du projet; sa motion est appuyée.
Voici, Messieurs, l'ordre du jour de la séance de demain : c'est la suite de la discussion sur les gardes nationales.
Je demande qu'au lieu des gardes nationales on mette à l'ordre du jour le rapport sur l'organisation du Corps législatif. (Murmures et applaudissements.)
Je demande à parler contre cette proposition.
Puisqu'on s'élève contre ma proposition, je vais en développer les
motifs. Il y a longtemps que l'Assemblée désire s'occuper du. rapport
sur le Corps législatif, parce que cet objet est important pour la
Constitution, parce que
Je demande donc qu'aussitôt après le décret rendu sur les petits assignats, l'Assemblée, sans permettre aucune interruption-, s'occupe du complément de l'organisation du Corps législatif. (La motion de M. d'André est décrétée.)
La suite de la discussion sur la création de petits assignats est reprise.
(1). Je crois, Messieurs, avant de traiter la question qui vous est soumise, qu'il est de l'intérêt public et en même temps conforme à la vérité d'établir que les assignats actuellement en circulation ne perdent pas. (Dénégations à droite, marques d'approbation à gauche).....Il est impossible d'arriver à un résultat vrai si l'on s'égare dès la première proposition.....J'ai dit que les assignats ne perdaient pas; je m'en vais te prouver. (Rires à droite.) Je demande aux personnes qui ont intérêt à dire le contiaire de vouloir bien m'entendre. (Murmures à droite.)
Il est certain qu'il existait avant la création des assignats des marchandises à prix fixe et tarifées. Je demande si le prix et les tarifs de ces marchandises sont changés depuis qu'on pave les marchands avec des assignats; je demande si ces marchandises n'ont pas été payées en assi-nats, sans qu'il y ait eu perte pour ceux qui les evaient même depuis une époque antérieure à la fabrication des assignats, et s'il est arrivé qu'un marchand à qui il était dû quelque chose ne se soit pas contenté de ce payement. On m'objecte qu'il est impossible que les marchands refusent des assignats. Mais si votre papier qui a une confiance tiès raisonnable et très raisonnée n'avait pas la confiai ce publique, il n'y a pas de loi qui pût le faire admettre en payement. La loi est l'ex, ressii n de la volonté générale; si la volonté générale n'était plus pour la loi, la loi ne serait pas obéie; si les assignats n'avaient pas la confiante, les marchands ne donneraient pas une quantité de maichandise égale pour pareille somme en assignats et en argent. Que s'ensuit-il de là, Messieurs? Que non seulement les assignats ne perdent pas, mais que l'argent gagne sur les assignats. (Murmures à droite.)
Pourquoi rend-on aux opinants la parole si laborieuse?
C'est un premier mouvement qu'il faut pardonner.
La commodité des espèces en argent leur donne une valeur supérieure à
celle qu'elles avaient avant la création des assignats; et la preuve que
ce n'est pas la vabur réelle des assignats qui les fait perdre devant
l'argent, c'est que si l'Assemblée avait
L'Assemblée ne sera pas étonnée de ces murmures quand elle se rappellera que les mêmes murmures venaient des mêmes personnes lorsque nous avons décrété l'émission des assignats.
Après avoir établi que les assignats ne perdaient pas, mais que bien au contraire l'argent gagne, il est nécessaire d'en démontrer la cause. Pourquoi l'argent gagoe-t-il ? C'est parce qu'en décrétant les assignats l'Assemblée s'est tenue à une mesure moyenne au lieu de se porter à une opération complète, nécessaire pour produire une révolution entière dans le système monétaire. Il fallait faire des assignats d'un louis, de 6 livres et de 3 livres ; dès lors il n'y aurait eu aucune prépondérance; on ne se serait aperçu de rien (Murmures à droite.)...
Mais, Monsieur le Président, vous ne présidez pas, permettez-moi de vous le dire. Obtenez-moi du 6ilence.
Ce sont les amis de l'orateur qui l'interrompent. Silence, Messieurs, et écoutons bien.
rappelle l'Assemblée à l'ordre et ordonne aux huissiers de faire faire silence.
Voilà, Messieurs, la véritable cause du bénéfice de l'argent sur les assignats.
Le crédit des assignats est complet; il n'a pas éprouvé la plus légère atteinte. Le préopinant a dit que notre change était en perte réelle. La balance du commerce est défavorable pour une nation, quand cette nation paye plus qu'on ne lui paye; et elle paye moins qu'on ne lui paye, quand son agriculture et son commerce lui donnent des avantages sur ses voisine. Faites des petits assignats, et votre commerce et votre agriculture se vivifieront.
Le préopinant établit que, depuis l'opération frauduleuse d'un ministre coupable, nos louis valent 24 sous de moins que leur cours. Alors ils ne devaient pas sortir du royaume pour aller perdre ailleurs une partie de leur valeur.
Messieurs, je crois que le commerce des louis ne s'est fait que par ceux
qui avaient intérêt à en acheter, à quelque prix que ce fût, pour
emporter le plus de numéraire possible; et comme l'or est un numéraire
plus portatif, il est certain que les malintentionnés, les émigrants,
ont fait le sacrifice volontaire d'une partie de leur fortune afin
d'augmenter la détresse publique. Ce ne peut pas être autrement; mais,
Messieurs, dès que vous aurez établi l'équilibre dans les monnaies
représentatives que vous avez été forcés d'adop-
On s'est absolument trompé quand on vous a parlé des motifs de la disparition et de la rareté au numéraire, et qu'on vous a dit que la disparition du numéraire a sa source dans la faute que vous avez faite de créer des assignats. La plus grande partie de ceux qui ont du numéraire, le gardent dans la crainte d'être obligés d'en acheter, les autres l'accaparent dans l'espoir de le vendre : voilà absolument tout le secret de cette disparition. Il y en a beaucoup en France, mais on le fait sortir avec sobriété, d'abord parce que ceux qui en ont le dépensent avec économie, ensuite que ceux qui achètent, en achètent le moins possible et attendent que l'Assemblée nationale ait pris une mesure telle qu'ils n'aurout plus besoin d'en acheter.
A l'occasion de cette demande de petits assignats, on vous a proposé, je ne dis pas une mesure, mais un palliatif, pour vous consoler de la nécessité où vous étiez de faire de petits assignats. Permettez-moi de vous représenter ie danger de cette mesure. Elle tend à détruire la confiance dans les assignats. 11 s'est établi dans différentes villes des caisses où les particuliers distribuent sur leur crédit des coupures d'assignats. On fait de ces établissements un motif de sécurité, une raison principale pour vous engager à rejeter l'émission de petits assignats. Ainsi en rejetant cette émission, vous sanctionnez pour ainsi dire ces établissements. Vous transportez à des compagnies de finance la confiance assurée aux assignats.
On vous a déjà représenté l'inconvénient d'avoir différents papiers dans le royaume; et, eu effet, s'il est plus commode d'avoir des petits coupons d'assignats que d'avoir des gros assignats, il n'est pas douteux que, par habitude, on ne vienne à attacher plus de valeur à ces petits assignats qu'aux assignats mêmes. Il s'ensuivra de là que vous aurez l'ait une blessure incurable au crédit public; il n'y aurait rien de si facile, par une de ces opérations particulières* en calculant sur le besoin des malheureux que de troubler chaque jour l'ordre public. Je crois d'ailleurs que le crédit national est une propriété nationale comme la volonté nationale elle-même; il ne vous est pas plus permis d'aliéner que de donner le pouvoir législatif à un directoire; ainsi, dans les principes, vous ne pouvez pas même délibérer sur une semblable matière.
On nous dit que les billets de ces compagnies seront volontaires tandis que les petits assignats seront forcés. Je dis, Messieurs, que ces billets seraient forcés tandis que les assignats forcés seraient volontaires; cela paraît bien paradoxale; mais vous allez en être certains. Il est de toute impossibilité au ipoint où vous en êtes que vous ne preniez pas un parti pour avoir des pièces de monnaie correspondantes à celles qui vous manquent. Si vous rejetez les petits assignats dont la création seule pourrait remplacer la petite monnaie qui fait défaut, vous forcez le peuple à prendre, non pas volontairement, mais par force, puisqu'il est forcé par la nature des choses, prendre, dis-je, ce papier de la compagnie de nanc.es ; car si l'on ne présente au peuple qu'un seul remède dans sa détresse il faut bien qu'il adopte ce remède unique. Ainsi vous avez beau dire que ce papier sera volontaire; il serait forcé par la loi la plus absolue de toutes, par la loi impérieuse de la nécessité. Vous auriez ainsi sacrifié l'intérêt public et tous les malheurs de la servitude seraient cachés dans celte mesure.
Je suis bien étonné que les adversaires des petits assignats se soient armés un moment de l'intérêt du peuple qu'ils sacrifient. (Murmures à droite; applaudissements à Vextrême gauche.)... oui ! qu'ils* sacrifient et, je m'en vais le prou ver. Le peuple dans tout l'empire demande de petits assignats (Murmures à droite; applaudissements à gauche.), à l'exception toutefois des agioteurs et des marchands d'argent; la classe la plus malheureuse de la nation demande des assignats, et je ne dis pas dans Paris seulement, je dis dans la totalité du royaume. Si vous voulez vous en convaincre, consultez les grandes villes, les villes moyennes, les campagnes mêmes, et vous aurez un vœu unanime. (Applaudissements.)
J'avoue que j'ai été très surpris lorsqu'on vous a dit que c'était par erreur que la classe la plus malheureuse de la nation demandait de petits assi gnats ; ce n'est pas au sein de l'Assemblée nationale que l'on doit se servir des prétextes cruels, que l'on doit répéter des assertions mensongères dont s'est servi si longtemps le despotisme pour défendre l'ancien ordre de choses. On disait autrefois: le peuple ne sait pas ce qui lui est bon, et l'on écrasait le peuple pour le toi apprendre. Le peuple est, plus que personne, éclairé sur ses véritables besoins, et quand il nous demande de petits assignats, c'est qu'ils lui sont indispensables; ce serait trahir à la fois et votre devoir et votre conscience que de les lui refuser.
Il est très certain que le peuple demande de petits assignats; mais comment les veut-il? car il est bien essentiel que l'Assemblée nationale ne se trompe pas sur la nature desassignats qu'il désire. Ce ne sont pas des assignats de 20 livres, de 10 livresque le peuple vous demande; il vous demande des assignats qui correspondent aux pièces de monnaie que la destruction du crédit public, les manœuvres continuelles de ses ennemis, la nature des choses ont fait disparaître.
On a dit qu'en dernière analyse la perte des petits assignats retomberait sur le pauvre. Eh bien, il faut que l'assignat soit si petit que le pauvre lui-même ne puisse pas perdre. (Murmures et interruptions à droite.)
Aux injures, aux ridicules déclamations, je ne veux répondre que par des faits. J'ai parlé, il y a plusieurs jours, à l'Assemblée du projet de faire des assignats d'un écu ; on m'a dit qu'ils perdraient encore. Ma raison ne me le disait pas; mais je n'ai pas cru cela suffisant. J'ai été moi-même consulter les boulangers et les marchands qui vendent les aliments les plus grossiers et au plus bas prix; j'ai consulté les ouvriers qui, par leur misère, sont obligés de consommer le moins. Consommateurs et vendeurs m'ont assuré qu'il n'y aurait jamais de perte dans ce cas. Nous faisons, m'ont dit les premiers, tous les jours crédit de plus de 3 livres à ces pauvres ouvriers, et nous trouvons plus de profit avec Phomme qui travaille de ses-mains et qui mange 4 livres de pain par jour qu'avec le prêtre et le financier qui ne sort pas de son carrosse. (Murmures à droite ; applaudissements à gauche.) Voilà, Messieurs, la reponse que m'ont faite des hommes qui sont la force de la nation et qui méritent de fixer tout l'intérêt de ses représentants.
D'après toutes ces observations, il m'a été prou-
Je reviens à rénumération des avantages que produira cette mesure. En supposant même que les petits assignats fassent disparaître l'argent, et Je crois que cela produira un effet tout contraire, du moins la nation tout entière à la faveur de la petite monnaie, pourra se passer d'espèces pendant fort longtemps ; vous redonnerez de la vigueur au commerce et à l'agriculture; vous ferez pencher en même temps, en votre faveur, la balance du commerce, et cette balance, mettant les puissances voisines en notre dépendance, il faudra bien qu'elles nous soldent en métaux, vous ferez rentrer l'argent parce qu'on pourra s'en passer.
Si, au contraire, vous vous confiez à des compagnies de finances, dont la caisse d'escompte devrait vous avoir dégoûtés, vous ferez de leur papier un papier forcé, et, mettant de l'incohérence dans votre système, vous ruinerez le crédit des assignats, vous amènerez peut-être la banqueroute.
Si c'est le bonheur du peuple qui vous anime, voue devez faire descendre la valeur des assignats à? la valeur des petits écus : vous n'avez pas d'autre moyen de prévenir les désordres, d'empêcher les mouvements populaires dont on ne vous dit pas les véritables causes. Faites de petits assignats : le vœu du peuple qui est pour vous un ordre suprême, vous presse de le faire; son intérêt vous en fait un devoir. (Applaudissements.)
(La suite de la discussion est renvoyée à une prochaine séance).
lève la séance à trois heures et demie.
a la séance de l'assemblée nationale du
Aperçu de Ceffet que produisent, relativement à l'exportation de notre numéraire, le changement de proportion opéré par la déclaration du 30 octobre 1785 et la baisse du cours des changes (1).
L'once d'or, au titre de 22 carats, se vend actuellement à Londres 3 1. 17 s. 6 d. sterlings : ainsi, une livre de ces matières composée de 12 onces, et représentant 7,021 grains du poids de marc de France, se vend 461. 10 s. steriings.
Si 7,021 grains se vendent 46 I. 10 s. sterlings, 4,608 grains, qui représentent un marc, doivent se vendre 30 1. 10 s. 4 d. 3476/7021 sterlings.
Si 4,068 grains, ou un marc d'or au litre de 22 carats, valent 30 1. 10 s. 4 d. 3476/7021 sterlings, un marc de ce même métal, au titre de 21 carats 21/32 (titre de nos Jouis), doit valoir 301. 10 d. sterlings.
Il résulte des calculs ci-dessus que, si je dois à Londres 30 1. 10 d. sterlings, je m'acquitterai en y portant un marc de louis au titre de 21 carats 21/32, lequel me coûtera, d'après leur valeur numéraire, ci.................. 768 l. » s. » d.
Si je prends, au contraire, le parti de m'acquitter, avec une lettre de change de cette même somme de 30 1. 10 d. sterlings, elle me coûtera, au cours actuel du change, qui est de 24 3/8 deniers sterlings pour un écu, ci...................... 887 7 8
II y a donc, en faveur du payement en espèces d'or, une différence de................ 119 l. 7 s. 8 d.
Si la déclaration du 30 octobre 1785 n'eût pas, en changeant la proportion, élevé de 6 2/3 la valeur numéraire du marc de louis, ce marc ne coûterait que 720 livres, et la différence exprimée ci-dessus se trouverait portée à 167 l. 7 s. 8 d.
L'once d'argent, au titre de 2 deniers, se vend actuellement à Londres 5 s. 3 d. 1/4 sterlings (elle est augmentée de 3/4 de deniers depuis ô mois). Ainsi, une livre ae matières à ce titre, composée de 12 onces, et représentant, comme on l'a vu ci-dessus, 7,021 grains du poids de marc de France, se vend 3 1. 3 s. 3 d. sterlings.
Si 7,021 grains se vendent 3 1. 3 s. 3 d. sterlings, 4,608 grains représentant un marc, doivent se vendre 2 1. 1 s. 6 d. 1014/7021 sterlings.
Si 4,608 grains ou un marc d'argent a 11 deniers valent 2 1. 1 s. 6 d. 1014/7021 sterlings, un marc d'écus au titre de 10 d. 21/24 doit valoir 2 1. 1 s. 10 d. 90/264 sterlings.
Il résulte de ces calculs, qu'en portant à Londres 14 marcs 5 onces 1 gros 16 grains d'écus ou de lingots provenant de fonte d'écus, je m'acquitterai de 30 1. 10 d. sterlings.
Ces 14 marcs 5 onces 1 gros 16 grains d'écus
Oo a vu ci-devant qu'en prenant le parti de s'acquitter ae cette somme de 30 1- 10 d. sterlings, avec une lettre de change, elle coûterait au cours de ce jour...................887 7 8
Il y a donc, en faveur du payement en écus, une différence de............151 1. 2 s. 3 d.
La différence, en faveur du payement en écus, est de....158 1. 2 s. 3 d.
Celle eu faveur du payement en louis, n'est que de........119 7 8
Balance en faveur du payement en écus ou lingots provenant de la fonte des espèces..38 1.14 s. 7 d.
Si le marc de louis ne valait numérairement, comme avaut la déclaration du 30 octobre 1785, que 720 livres, la différence, en faveur du payement en louis, s'élèverait,ainsi qu'on l'a démontré ci-devant, à..... 167 1. 7 s. 8 d.
Celle du payement en écus ¦ n'étant que de............... 158 2 3
La balancée a faveur des louis serait de....................19 1. 5 s. 5 d.
Cet avantage, joint a la facility de l'exportation, provoquerait la sorlie lies espfeces d'or, par pre- ference i celle des 6cus, landis que 1'effet du changement de proportion excite l'exportation de ces dernières espèces par préférence à celle des louis.
L'inquiétude ayant porté à 10 0/0 l'agio de l'échange des assignats contre des louis, tandis que celui de la conversion des assignats en écus ne s'élève qu'à 7 1/2 ou 8 0/0 au plus, cette circonstance ajoute encore au bénéfice qu'offre l'exportation de ces dernières espèces ouaes lingots provenant de leur fonte.
Il est démontré, par cet aperçu, 1° que la baisse du cours des changes, sur laquelle l'agio de l'échange des assignats influe beaucoup, est la principale cause de l'exportation de notre numéraire, et conséquemment de sa rareté, ainsi que de l'élévation de son prix ; 2° que le changement de proportion opéré par la déclaration au 30 octobre 1785, provoque l'exportation des écu3 par préférence a celle des louis ; et comme les écus sont l'élément principal de notre circulation, il s'ensuit que ce changement concourt avec la baisse du cours des changes à la pénurie d'espèces que nous éprouvons.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires donne lecture des adresses suivantes.
Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Cherbourg, qui exprime, avec énergie, le; sentiments d'admiration et de dévouement dont elle est pénétrée pour l'Assemblée nationale. Elle annonce avoir fait chanter un Te Deum pour le rétablissement de la santé du roi, et célébrer un service funèbre en l'honneur de M. de Mirabeau.
Adresse du directoire du département de la Côte-d'Or, qui se fait un devoir de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale l'adresse qu'il vient d'envoyer au roi, pour lui exprimer les sen iments qu'ont inspirés à tous les citoyens du département, les ordres qu'il vient d'expédier à tous ses ministres dans les cours étrangères.
Adresse de la société des amis de la Constitution, établie à Annonay, département de VArdèche, gui manifeste son admiration pour les travaux de l'A-sembléé nationale, et le mépris que doivent inspirer les coupables efforts de ses ennemis : « Das prélats et des prêtres fanatiques s'efforcent vainement, y est-il dit, d'alarmer nos consciences; inutilement essayent-ils d'allumer, au no n d'un Dieu de paix, le feu de la guerre civile : le règne des fourbes est passé.
« Si ces prêtres hypocrites et factieux étaient véritablement les disciples du Christ, comme lui, ils seraient soumis à la puissance temporelle; comme lui, ils prêcheraient la paix et le respect pour les lois aux peuples qu'ils sont chargés d'instruire, au lieu de semer parmi eux des germes de dissension et de discorde. »
Adresse du juge de paix et des assesseurs de la ville de Chaumont, chef-lieu du département de la Haute-Marne, qui annoncent que sur 191 jugements qu'ils ont rendus, un seul a été attaqué par l'appel et confirmé au tribunal de district.
Adresses des membres des directoires du département du Tarn, du district cTOrthez et de celui de Florac, des officiers municipaux de Marvejols, de Villers-la-Montagne, de Blezy, de Boulogne-sur-Mer, de Bourgoin, des communautés d'Ermont, de la Vaufranche, de Boussac, des sociétés des amis de la Constitution, séant à Saint-Brieuc, à Car-cassone, à Aiguës- Vives, à Yssingeaux, à Revel, à Villefranche-d"Aveyron, à Bergerac, à Béziers et à Pau, qui expriment les plus vifs regrets sur la perte de M. de Mirabeau, et instruisent l'Assemblée des honneurs qu'ils ont rendus à sa mémoire.
Adresse de la grande majorité de la classe ouvrière de la chapellerie de France, des entrepreneurs, fabricants et manufacturiers de toutes les professions, et de la plus grande partie des compagnons des arts et métiers, qui supplient avec instance l'Assemblée de détruire l'institution des compagnons du devoir.
(d'Arras). membre de Vacadémie de cette ville, est admis a la barre et
fait hom-
(Ce mémoire est renvoyé au comité d'agriculture et de commerce.)
M. le secrétaire continue la lecture des adresses : Adresse de la société des amis de la Constitution de la ville de Blois, département de Loir-et-Cher, sur la régénération de l'armée.
(Cette adresse est renvoyée au comité militaire.)
Arrêté du directoire du département de VAisne, en date du 29 avril 1791, pris sur la pétition des négociants de Saint-Quentin, et approbatif des mesures qu'ils proposent pour maintenir la prospérité des manufactures de cette ville. (Cet arrêté est renvoyé au comité des finances.) Pétition des citoyens de la section des Enfants-Bouges, qui demandent la création de petits assignats.
Je demande qu'on présente un projet de décret qui défende aux sections de s'occuper de ces objets. (Interruptions.)
Je reprends cette pétition des mains de la section; je la présente comme mienne et je vous prie de la renvoyer au comité des finances. (Applaudissements.) (Ce renvoi est décrété.)
Lettre de M.. Pierre Trufaut, négociant à Lille, sur les inconvénients de l'agiotage et les moyens de le réprimer, développés dans deux pièces y jointes.
(Cette lettre avec les pièces annexes est renvoyée aux comités des finances et des monnaies réunis.)
Procès-verbal d'une assemblée de 150 citoyens actifs tenue à Versailles, à l'occasion d'une proclamation du roi y annexée, en date du 26 avril dernier, laquelle dénonce comme anticonstitutionnelle et contraire aux droits des citoyens, en ce qu'elle casse et annule une pétition formée par plus de 50 citoyens qui n'avait d'autre objet que de demander la convocation d'une assemblée de communes.
Il est essentiel qu'on ne s'endorme pas là-dessus : il faut que la ligne de démarcation soit bien marquée. En conséquence, je demande le renvoi de ce procès-verbal au comité de Constitution qui en rendra compte incessamment. (Ce renvoi est décrété.)
Lettre de M. Charton, électeur de 1789, et ci-devant représentant de la commune de Paris, qui fait hommage à. l'Assemblée d'uni mémoire renfermant l'apologie de sa conduite.
Plusieurs membres : Supprimez cela, ce sent des calomnies.
C'est une dénonciation contre un membre de l'Assemblée, nous ne pouvons pas écouter cela.
C'est un libellé calomnieux contre M. Moreau de Saint-Méry.
Je n'avais effectivement pas i intention de taire présenter à l'Assemblée ce mémoire comme, émanant d'un fugitif en Aogleterre.
(L'Assemblée décide que l'annonce de ce mémoire sera rayée de la notice de* adresses.)
M. Teissier, sculpteur, est admis à la barre et fait hommage a l'Assemblée d'un buste en plâtre d'Honoré Riquetti Mirabeau.
exprime à cet artiste la satisfaction de l'Assemblée et lui accorde les honneurs de la séance.
J'ai l'honneur de déposer sur le bureau une adresse de la société des amis de la Constitution établie à Caen, qui invitent l'Assemblée à délibérer un projet de loi contre les Français convaincus de porter les armes contre leur patrie, ou de s'être enrôlés librement dans des corporations militaires, autres que celles reconnues par les lois constitutionnelles de l'Etat.
(Cette adresse est renvoyée au comité de Constitution.)
Un membre : Le directoire du district de Mâcon me prie d'informer l'Assemblée que, sur 200 fonctionnaires publics ecclésiastiques compris dans ce district, il n'en est que 8 qui aient refusé jus-qu ici de prêter le serment.
président, obligé de se rendre chez le roi pour porter des décrets à sa sanction, quitte le fauteuil.
ex-président, le remplace.
La parole est à M. Camus pour présenter divers projets de décret au nom du comité des pensions.
au mm du comité des pensions. Messieurs, vous avez ordonné à votre comité des pensions de vous faire incessamment le rapport des récompenses qui étaient dues aux fidèles citoyens, qui ont dénoncé les fabricateurs des faux assignats dont on avait tenté de les rendre complices. Votre comité des pensions a pensé que, dans une pareille circonstance, il n'y avait rien à négliger pour accélérer les récompenses qui étaient dues à leur patriotisme. II les a fait venir pour prendre connaissance des faits et du service qu'ils avaient rendu à la patrie,, et il a conféré sur tous ces détail® avec le comité des recherches;il s'est convaincu que les citoyens qui avaient fait cette dénonciation avaient donné la preuve de la plu» grande fidélité.
La proposition de coopérer à la fabrication de faux assignats avait été
faite à un citoyen qui a quelques talents pour la peinture. B s en est
ouvert à l'un de ses amis. Il lui a fait sentir combien son cœur était
oppressé d'une pareille proposition, combien elle lui paraissait!
révoltante et déshonorante pour lui-même; et cet ami I a soitenu par la
vue du service qu'il allait rendre à la patrie, s'il voulait contenir
pour quelques jours son indignation et se mettre en état de découvrir
quelles étaient les ressources que les personnes avaient pour la
fabrique de faux assignats. On lui a demandé ensuite un graveur pour
cette opération;et il s'est trouvé un autre citoyen qui n'a pas craint
de se rendre plusieurs fois sur les lieux, malgré le danger qu'il
semblait courir pour sa propre vie, s'il était découvert, si on savait
qu'il fût dans l'intention de faire connaître le crime auquel on voulait
le faire participer. Cette correspondance a duré environ 15 jours.Dès
Vous avez été instruits par le comité des recherches que, le 24 du mois dernier, on a pris les personnes en flagrant délit,étant sur le point d'ap-.pliquer le faux timbre sur de faux papiers qu'ils avaient fabriqués; vous savez en même temps que leur arrestation a été complète. Or quel coup eût porté à la Constitution rémission des faux assignats?Toute confiance aurait été entièrement détruite dans une monnaie qui la mérite à tous égards1. C'est à ces citoyens, qui vous ont dénoncé le crime, à qui vous êtes redevables, si ce malheur n'est pas arrivé.
Ce sont ces personnes qu'il fant récompenser "d'unemanière dignedevous*, pourannoncer que la nation toujours généreuse saura reconnaître dans tous les temps les sacrifices qu'on fera pour elle ; et ôter, s'il est possible, jusqu'à la tentation de faire le mal et d y contribuer, à l'homme honnête qu'on chercherait à obtenir par les plus belles promesses. On avait d'abord promis, à un des citoyens que je vous propose, des récompenses de 100,000 livres, et puis jusqu'à un million. Des citoyensdontle courage a su mépriser de pareilles récompenses ont droit aux gratifications de la nation entière. Ces considérations nous ont déterminés à vous proposer le projet suivant :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des pensions, et considérant l'importance du service que les ci-après nommés ont rendu à la chose publique, en dénonçant la fabrication de faux assignats que l'on tentait de faire, et dont on avait essayé de les rendre complices, décrète que, sur la somme de deux millions doat il a dû être fait fonds au Trésor public par la Loi du 22 août 1790, pour être employée en gratifications en faveur des citoyens qui auront bien mérité de l'Etat, il sera payé au sieur Boischul et au sieur Corchand, à chacun la somme de 25,000 livres; aux sieurs Chrétien et Parein, à chacun la somme de 12,000 livres;au sieur La-borde, la somme de 600 livres pour chacune des 2 personnes dont il s'est fait assister lors de l'arrestation des 3 particuliers qui avaient été dénoncés ; au sieur Cholat, la somme de 2,400 livres, et qu'en outre il sera remis aux sieurs Boischul, Corchand, Chrétien et Parein la somme de 2,400 livres, pour le dédommagement des frais que leur ont occasionnés les opérations relatives à la dénonciation dont il s'agit. »
Plusieurs membres : Alix voix ! aux voix !
Comme il est juste de récompenser les personnes qui ont bien mérité de l'être, je demande que le projet de décret soit adopté tel qu'il est.
Je suis loin de m'opposer à la récompense que mérite le service qui a été rendu à l'Etat, en dénonçant l'attentat le plus horrible qui puisse être commis contre la Constitution. Car, en mon particulier, je voudrais joindre une marque honorable pour ces honnêtes citoyens (.Applaudissements.), ; mais on ne peut pas agir avec trop de précautions : les gens arrêtés sont livrés à la justice, leur procès sera fait et parfait, l'Assemblée nationale doit suspendre tout jusque-là.
Je demande donc par amendement qu'il soit dit que la récompense ne sera délivrée qu'après le
jugement, et que vous ajoutiez à votre récompense une marque honorable pour ces citoyens.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix le décret!
Il faut que la récompense suive de près la bonne action. Les faits existent et personne ne peut les révoquer en doute. En conséquence, je demande la question préalable sur l'amendement.
Je crois que nous devons y ajouter une marque particulière.
Plusieurs membres à Vextrême gcruehe : Uonl non!
L'Assemblée doit ajouter qu'il sera délivré aux personnes ci-dénommées, à titre d'une distinction spéciale, un extrait du procès-verbal sous la signature authentique du Président et des secrétaires, et que l'envoi en sera fait à chacun de ces particuliers avec une lettre de votre Président chargé de leur marquer la satisfaction de l'Assemblée.
Le Corps législatif ne peut pas marcher à la légère; observez que toutes les personnes qui ont été prises: en flagrant délit ne sont pas convaincues d'avoir commis le crime dont on les accuse. Il est très possible, et c'est le jugement seul qui doit vous en convaincre, que ces individus ne soient pas coupables. (Murmures.)
Le décret que vous avez rendu pourrait avoir de grands inconvénients; le premier, ce serait de faire naître un préjugé formel contre les accusés. (Applaudissements.) D'ailleurs il y aurait à craindre d'ouvrir par là à tous les dénonciateurs la voie aux mêmes prétentions de récompenses1; ce qui pourrait être d'un plus grand abus avant le ju1-gement des dénoncés.
Je demande do ic la suspension du décret proposé par M. Camus jusqu'au jugement définitif des personnes accusées.
Je propose de donnerà ces artistes un secours de 10,000 livres ; mais point de récompense.
Tons devriez dès à présent adopter la proposition du comité des pensions, sauf à ajouter que le bénéfice n'en sera réalisé que dans le cas où la preuve serait...
Un membre : Gela ne vaut rien.
Vous ne devez rien préjuger; vous devez supposer les accusés innocents jusqu'au moment de leur jugement.
Ici, il est évident que vous n'avez aucune espèce de certitude qui puisse
motiver la récompense qu'on propose d'accorder. 11 existe un délit, mais
le fait de ce délit n'est pas certain ; et, pour vous déterminer à
récompenser, il faut qu'il y soit avoué que le corps du délit a été
commis par d'autres personnes que les dénonciateurs. Il n'entre pas dans
mon intention d'ac-cnser les dénonciateurs; je suis persuadé au
contraire que ce sont de bons citoyens; mais je vous suppose une chose
très possible. D'après cela, je demande s'il est possible que
l'Assemnlée nationale récompense des ce moment des gens
Monsieur le Président, on demande si ces hommes seront témoios.
Je demande que la discussion soit feruiée.
La manière dont on récompense vaut quelquefois mieux que la récompense elle-même. Les objections que l'on vient de vous faire ne manquent pas certainement de solidité ; mais voici ma réponse, et je crois qu'elle est sans réplique. On vous dit qu'il serait possible que les dénonciateurs soient déclarés coupables, qu'ils soient véritablement complices. Les coupables actuellement détenus ont fait leur déclaration à votre comité des recherches, comme quoi ils étaient coupables. 11 est donc évident que les accusés sont convenus eux-mêmes être les fabricateurs des assignats qui avaient été trouvés chez eux.
Voix diverses : Aux voix l'ajournement. — Monsieur le Président, aux voix !
(L'Assemblée ferme la discussion et décrète la question préalable sur l'ajournement.)
Il n'est pas question en ce moment de ce qu'on jugera; un bon citoyen a fait une action utile à la patrie, en disant : Là, dans cette maison, vous y trouverez une fabrication de faux assignats : on y a été, on en a trouvé ; il semble qu'il n'y a rien de si naturel que de le récompenser. (Applaudissements.) J'ajoute une réflexion : un crime du genre de la fabrication de faux assignats, est un de ces crimes qui ne se peut connaître que par la voie de la dénonciation, parce que ce n'est pas un crime qui se commet en public comme un vol, comme un assassinat ; il est de la plus grande importance, pour le salut de l'Etat, que ceux qui auraient connaissance de pareils faits les dénoncent avant la circulation; qu'ils n'hésitent pas à cet égard.
Je ne doute pas que les citoyens dont je parle, d'après le patriotisme dont ils nous ont paru animés, nesupporiassent facilement les longueurs qu'on leur ferait supporter ; mais il ne faut pas juger ainsi de ceux qui pourraient dénoncer ; qu'arrivera-t-il si vous ne décidez pas aujourd'hui? On verrait que l'Assemblée, malgré ses promesses de récompenser les dénonciateurs, hésite à les réaliser. Alors vous sentez tout ce que l'on dirait à ceux qui seraient tentés de dénoncer; alors, d'une part, ils auraient la récompense que les faussaires leur promettraient, et de l'autre, ils n'auraient que de l'incertitude; ils se diraient : mais il faut que le crime soit jugé; il faut que nous attendions les longueurs d'une procédure ; et jusque-là combien d'événements peuvent arriver? Ne sommes-nous pas exposés aux poursuites des gens qui ont été arrêtés ou de leurs complices, qui, probablement, ne sont pas tous arrêtés? Nous avons sans cesse à craindre pour notre vie.
Ces réflexions feraient naître une espèce d'indifférence pour les dénonciations des crimes que vous avez intérêt à connaître, et surtout à prévenir. Mettez l'honnête homme dénonciateur à l'abri des craintes de manquer ; mettez-le dans le cas de pourvoir à sa sûreté ; de changer de de*-meure, s'il le croit nécessaire, en un mot récompensez.. .
Je retire mon amendement.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(L'Assemblée consultée décrète le projet de décret du comité.)
président, de retour de chez le roi, reprend place au fauteuil.
au nom du comité des pensions, présente un projet de décret relatif à la répartition d'un secours de 15,000 livres entre les personnes précédemment comprises dans les états et suppléments d'états des secours affectés sur la loterie royale de France, sur le Port-Louis et sur les fermes.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des peusions, qui a rendu compte du rapport et des vérifications faites par le directeur général de la liquidation, décrète que, sur les fonds destinés à cet objet par la loi du 25 février dernier, il sera payé la somme de 62,550 livres aux personnes comprises dans l'état annexé au présent décret, et suivant la répartition portée audit état, lesquels payements seront faits au Trésor public à bureau ouvert, huitaine après la sanction du présent décret, et sur un simple certificat de vie des personnes employées en l'état. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité des pensions, présente ensuite un projet de décret relatif à diverses fondations faites par feu M.Cochet de Saint-Valier.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« Sur le compte qui a été rendu à l'Assemblée nationale par son comité des pensions, de plusieurs fondations faites par feu M. Cochet de Saint-Valier, pour différents objets, notamment pour gratifications et pensions alimentaires à des personnes pauvres, desquelles fondations l'administration avait été confiée,par ledit sieur Cochet de Saint-Valier, au premier président et au procureur général du ci-devant parlement de Paris, l'Assembléé nationale décrète :
« 1° Que la perception des revenus et rentes attachés auxdites fondations sera faite par le receveur de la municipalité de Paris, sous l'inspection du département de Paris, au secrétaire duquel département tous les titres et actes relatifs aux fondations seront remis sans délai par tous administrateurs, dépositaires et autres qui s'en trouveraient chargés.
« 2° Les gratifications et pensions alimentaires seront payées aux termes accoutumés, aux personnes employées dans les états de distribution actuellement existants ; tout autre emploi des fonds dépendant desdites fondations sera suspendu, et les sommes qui y étaient destinées demeureront, par forme de séquestre, entre les mains du receveur de la municipalité.
« 3° Les dispositions contenues aux deux précédents articles seront exécutées seulement à titre provisoire, nonobstant toutes oppositions faites, et jusqu'à ce que, sur le compte qui lui en sera rendu, l'Assemblée ait statué définitivement sur les fondations dont il s'agit. »
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rap-
au nom du comité de judicature (1). Messieurs, malgré la suppression générale des offices ministériels, une partie des avocats au Conseil doutaient encore qu'ils dussent se regarder comme compris dans celte suppression; ils ne croyaient pas même qu'ils fussent enveloppés dans celle du conseil des parties ; mais votre décret du 14 de ce mois a dû faire cesser toutes leurs incertitudes, et il ne s'agit plus dans ce moment-ci que de déterminer ce qui peut leur être légitimement dû à titre de remboursement.
Avant de vous présenter l'opinion de votre comité sur ce point, il importe de vous retracer en peu de mots, les bases que vous avez consacrées par vos précédents décrets.
A ne consulter que les règles austères d'une rigoureuse justice, vous eussiez pu vous borner sans doute à décréter en général que les offices seraient remboursés sur le pied de la finance, puisque, d'après cette mesure, l'Etat aurait rendu aux titulaires tout ce qui a été effectiveme it versé dans le Trésor public : mais vous avez senti, Messieurs, que l'adoption de cette base unique deviendrait funeste à une multitude de familles au sort desquelles vous n'avez pas cru que la nation pût être indifférente.
En effet, vous saviez que, par le concours de plusieurs causes, un grand nombre d'offices avaient tellement augmenté de valeur, surtout dans les derniers temps, que le. prix auquel ils avaient été vendus n'avait plus aucune proportion avec la finance originaire ; ainsi, restreindre les acquéreurs au simple recouvrement de cette finance, c'eût été en quelque sorte décréter leur ruine, et peut-être encore celle de leurs légitimes créanciers. Vous avez donc jugé, Messieurs, que d'autres bases devaient être préférées à celles-là, et sûrs d'être avoués par la nation généreuse dont vous êtes les représentants, vous vous êtes portés à procurer, aux titulaires supprimés, tous les adoucissements que vous avez crus compatibles avec les devoirs sévères que vous avez à remplir.
C'est cet esprit qui a évidemment dicté vos décrets des mois de septembre et décembre 1790.
Pour les premiers, qui se réfèrent aux offices de judicature et de municipalité, vous avez voulu d'abord que tous les titulaires, qui avaient évalué en exécution de l'édit de 1771, fussent liquidés sur le pied de cette évaluation, mesure équitable, puisque par là vous accordiez à ces titulaires la valeur qu'ils avaient eux-mêmes assignée à leurs offices.
Passant ensuite à ceux qui n'avaient pas été soumis à l'évaluation de 1771, vous avez décrété qu'ils seraient remboursés sur le pied du dernier contrat d'acquisition, c'est-à-dire de tout ce que l'office avait pu leur coûter effectivement : enfin, prévoyant le cas où le titulaire se trouverait dans l'impuissance de produire un contrat d'acquisition, vous avez décidé que dans ce cas même il serait remboursé, non sur le pied de la finance, mais sur celui du prix moyen des offices de la même nature et de la même compagnie qui auraient été vendus 10 ans avant et 10 ans après l'époque des provisions du titulaire.
En un mot, par vos décrets du mois de septembre, vous n'avez réduit
l'officier supprimé
Les décrets du mois de décembre, concernant les offices ministériels, ont aussi pour bases ces grands principes d'équité ; mais il suffira de vous rappeler ici l'article 20 de ces décrets qui, selon votre comité, est susceptible d'une application parfaite à l'espèce sur laquelle vous avez à prononcer maintenant.
« Les offices de différente nature dont il vient d'être parlé, qui n'étaient pas soumis à l'évaluation de 1771, autres néanmoins que ceux des greffiers et huissiers audienciers sur lesquels il a été statué par les décrets des 2 et 6 septembre dernier, seront remboursés sur le pied des contrats d'acquisition, et à leur défaut sur le pied de la finance. »
Aux termes de tous vos décrets, le remboursement sur le pied de la finance ne doit donc jamais venir qu'en dernier ordre ; l'évaluation et le prix du contrat ayant obtenu une préférence formelle sur ce mode de remboursement.
Maintenant si nous appliquons ces principes à la liquidation des offices d'avocats au Conseil, il ne paraît pas que le mode de cette liquidation puisse être problématique ; il est très const mt d'une part que ces officiers n'ont point été soumis à l'évaluation de 1771 : il ne l'est pas moins, de l'autre, que tous ont des contrats d'acquisition en bonne forme; c'est donc sur le pied de ces contrats que tous doivent être remboursés.
En vain prétendrait-on que les avocats au C n-seil ne sont ni officiers de judicature ni officiers ministériels, et qu'ainsi les bases de remboursement décrétées en septembre et en décembre ne sauraient leur être appliquées. D'abord, quelles qu'aient été les prétentions de ces officiers, il paraît assez difficile de ne pas les ranger dans la classe des officiers ministériels ; non pas à la vérité dans le même sens que de simples procureurs, mais du moins comme ayant réuni les fonctions ministérielles à d'autres fonctions d'un ordre plus relevé.
Ensuite, qu'importerait d'ailleurs qu'on ne dût pas les classer parmi les officiers ministériels? La base des remboursements sur le pied des contrats, lorsqu'on n'a pas été soumis à l'évaluation, ne peut pas être regardée comme une mesure particulière, et qui ne convienne qu'à une certaine classe d'officiers ; il est évident que c'est une mesure générale que l'équité vous a fait adopter, et dont l'équité sollicite aussi l'application dans le même cas, à tous les offices, d ms quelque classe qu'il faille les ranger. En effet, Messieurs, pourquoi avez-vous préféré cette base à celle de la finance ? Votre comité en a déjà donné la raison, c'est que vous avez craint qu'une foule de titulaires n'eussent trop à souffrir, s'ils se trouvaient réduits au simple recouvrement de cette finance qui, très souvent, se trouve dans unedisproportionénormeavecleprix des contrats.
Or, ce motif si légitime et si respectable de vos décrets s'applique aux
avocats au Conseil peut-être plus encore qu'à toute autre classe
d'officiers, car le plus haut prix où la finance de leurs offices se
soit élevée n'excède pas 10 livres, tandis que plusieurs d'entre eux ont
acheté sur le pied de 70, 80, 90, 000 livres, etc... que 2 ont même
porté le prix de leurs acqui-
Quelle ne serait pas la perte de ces titulaires, si le remboursement de la finance était le seul recouvrement sur lequel ils pussent compter.
Ces prix qui, au premier aspect, peuvent paraître excessifs, trouvent pourtant leur excuse dans les circonstances. La juridiction du Conseil était d une étendue immense : de brillantes clientèles, des relations qui, en flattant l'amour-propre, pouvaient en môme temps ouvrir le chemin de la fortune ; le séjour dans la capitale, la stabilité que semblaient avoir les offices d'avocats au Conseil; tout a concouru à en faire hausser prodigieusement le prix. Quoiqu'il en soit, l'application de la base que vous avez posée ne dépend pas du prix plus ou moins fort auquel les contrats de vente ont pu s'élever,; quel que puisse être ce prix, vos décrets en ordonnent le remboursement, lorsque l'office n'a pas été soumis à I évaluation. Les offices des avocats au Conseil sont incontestablement dans ce cas; ainsi, en vous proposant de les liquider sur le pied des contrats d'acquisition, votre comité ne vous propose que de décréter l'exécution de la loi que vous avez précédemment portée.
Il s'en faut bien pourtant que l'adoption de cette base equitable doive satisfaire également tous les avocats au Conseil. Sur 73 individus dont cette compagnie était composée, 50, à ce qu'on assure, demandent avec instance que vous larejet-tiez ce sont ceux dont les contrats passés à des époques reculées, au lieu de s'élever au prix auquel ont acheté les derniers acquéreurs, des-î^rw? * ^ « contraire de 40,000 jusqu'à 20,000, 17 000 et même jusqu'à 9,500 et 8,000 livres.
A en croire cette portion nombreuse de la compagnie, au lieu de décréter le remboursement sur Je pied de chaque contrat, il faut former un prix général et commun de 40,000 livres par exemple : appliquer ce prix à chaque titulaire indistinctement .pour lui tenir lieu de la valeur du titre de l'office, et ajouter ensuite une autre somme qui puisse l'indemniser de la perte de la clientèle. Selon eux, ce mode de liquidation serait de toute justice, parce qu'il s'agit, disent-ils, de titres égaux en valeur, et qu'ainsi il ne saurait y avoir aucun prétexte d'accorder a un titulaire plus qu'à un autre. Ils ajoutent qu en adoptant cette mesure, au lieu de faire supporter toute la perte par une partie des titulaires seulement, elle se répartira également sur tous, et deviendra par conséquent plus légère pour chacun d'eux. 8
Ce n'est pas la première rois qu'on a tenté de faire admettre ce plan de liquidation. Vous n'aurez pas oublié sans doute qu'il vous fut déjà proposé lorsque vous prononçâtes sur le remboursement des offices ministériels; mais le rapport de votre comité qui existe, prouve qu'il le combattit dès lors avec toute l'autorité de la justice et de la raison; aussi, Messieurs, vous etes-vous bien gardé de l'adopter.
Comment donc a-t-on pu se persuader de nouveau que vous prissiez jamais sur vous de retrancher une partie notable du prix de leurs contrats à des titulaires qui ont acheté fort cner, pour en gratifier d'autres qui n'ont payé ae leurs offices que des prix très inférieurs?
Serait-ce la, comme on le suppose, faire justice a MU87 Et n est-il pas évident au contraire qu une telle mesure violerait les premières règles de 1 équité naturelle en dépouillant les uns de leur propriété pour la transférer gratuitement aux autres?
En quoi donc le mode du remboursement sur le pied de chaque contrat, favorise-t-il ceux des titulaires qui ont acheté à des prix élevés? Ce mode leur procure-t-il un bénéfice? Il est évident que non : tout ce qui en résulte, c'est qu'ils ne perdront pas; c'est qu'ils récupéreront les sommes qu'ils ont réalisées en acquérant. Mais ceux dont les acquisitions ont été faites à de moindres prix ne seront-ils pas traités de même?-JSe recevront-ils pas aussi tout ce qu'il leur eu a coûté? Y aura-t.il entre les titulaires deux poids et deux mesures?
Un système qui favoriserait les uns au pré-1 îiC* » autres 8erait précisément celui qui tend à faire admettre un prix commun ; car dans ce cas, tandis qu'une partie des titulaires ne recevrait pas à beaucoup près le prix de leurs acquisitions, les autres obtiendraient bien au delà de ce prix; voilà l'injustice qu'il faut éviter et que vous éviterez, en effet, par l'adoption du plan que votre comité vous propose. Il est vrai qu en l'adoptant les anciens titulaires ne recouvreront pas la totalité du prix auquel ils eussent pu vendre ces offices avant la Révolution, mais ce n'est qu'un bénéfice qu'ils manqueront de faire, au lieu que, dans le système que votre comité combat, les autres feraient une perte réelle par la privation d'une partie considérable du prix qu'ils ont payé en acquérant.
Quand vous n'auriez pas déjà posé et confirmé les bases du remboursement des offices, quand la question serait encore entière, pourriez-vous, Messieurs, balancer entre ces deux systèmes, et ne vous hâteriez-vouspas de donner la préférence à celui qui tend à procurer à chaque titulaire la restitution de ce qu'il a déboursé en effet? Il y aurait d'autant moins de justice à diminuer le remboursement des derniers acquéreurs, pour augmenter celui des autres, que ceux-là ont à peine eu quelques instants de jouissance, et que ie plus clair du produit de leur travail a été encore absorbé par l'intérêt des emprunts qu'ils ont été obligés de faire en achetant.
C'est ce que les anciens titulaires ont parfaitement compris eux-mêmes; bien convaincue qu avant tout vous vouliez être justes, et que jamais vous ne vous détermineriez à ôter aux uns pour donner aux autres, ils ont pris le parti, dans un écrit postérieur, de proposer un tempérament qui pût faire disparaître ce que leur système offrait de choquant et d'injuste à l'égard de leurs confrères. Ce tempérament est qu'après-avoir accordé à tous le prix commun de 40,000 livres, et l'indemnité pour la perte de la clientèle, vous ajoutiez, en faveur de ceux qui ne seraient pas remplis par là de la totalité du prix de leurs contrats, un supplément d'indemnité qui les désintéresse complètement.
H faut convenir qu'à ce moyen l'injustice disparaîtrait complètement, et que les dernier sacqué-reurs n'auraient plus sujet de se plaindre. Mais, s il est vrai que cette mesure conciliât les intérêts de tous, votre comité n'a pas cru qu'elle pût s accorder également avec ceux de la nation, à aquelle il n y a pas de doute que dans ce cas les remboursements ne devinssent beaucoup plus onéreux.
Or, un mode de liquidation qui tend à augmenter la dette nationale ne
saurait être admis qu'autant qu'une stricte justice, ou du moins des
considérations supérieures -d'équité le demandent impérieusement; ainsi
vous avez décidé que lea titulaires non soumis à l'évaluation seraient
remboursés sur le pied de leurs contrats, parce qu'eu
D'ailleurs, quel serait l'bomme assez sévère pour improuver qu'un acquéreur de bonne foi, et a qui il faut avouer qu'une suppression devait sembler fort peu probable, soit, lorsqu'il perd son état, au moins remboursé des sommes qu'il a délivrées I En effet, il n'y a pas là de grâce, de faveur, c'est seulement une perte évidente dont on le sauve, et il était sans doute de la grandeur et de la dignité nationale qu'on l'en sauvât; mais rembourser au delà du prix des contrats, ce ne serait pas se borner à empêcher que le titulaire ne perde, ce serait en effet lui procurer un bénéfice, et c'est ce que votre comité n'a pas cru qu'il lui fût permis de vous proposer.
On dit que ce bénéfice même n'équivaudrait pas encore à beaucoup près à celui qu'auraient fait les titulaires s'ils avaient vendu dans le temps : cela peut être ; mais, de bonne foi, la nation doit-elle à ces titulaires le dédommagement des bénéfices qu'ils ont manqué de faire, en ne vendant pas?
Votre comité l'a déjà dit; dans la rigueur du droit, la nation aurait pu, sans qu'on ait été fondé à l'accuser d'injustice, s'en tenir au remboursement pur et simple de la finance, mais si les représentants légitimes, interprètes de ses sentiments et de ses vœux, ont cru pouvoir se relâcher de l'austérité du droit, lorsqu'il s'est agi d'empêcher que les titulaires des offices ne perdissent une portion notable du prix qu'ils avaient réellement déboursé, croit-on qu'ils puissent pousser la condescendance au point de mettre encore à la charge de la nation les bénéfices que quelques titulaires ont manqués, pour n'avoir pas fait d'aussi heureuses spéculations, que ceux qui ¦ont vendu 1
Il est fâcheux sans doute pour ces titulaires de n'avoir pas vendu dans un temps où ils eussent pu le faire à des conditions avantageuses ; mais c'est un malheur dont la nation ne saurait être responsable, et que rien par conséquent ne l'oblige à réparer.
Ajoutons que, dans le cours d'une longue jouissance, les anciens avocats au Conseil, à ia différence de leurs jeunes confrères, ont eu le temps de se procurer un sort sinon brillant, du moins honnête ; si l'on fait attention surtout, qu'ayant acheté leurs offices à des prix très modiques, le produit de leur travail n'a pas pu être absorbé par des remboursements d'emprunts ou par le payement de gros intérêts.
Quoi qu'il en soit, votre comité n'a dû connaître que les bases que vous avez établies, il était de son devoir de s'y asservir rigoureusement, et jamais il ne lui sera reproché de s'en être écarté d'un seul pas.
On prétend que, si vous les avez appliquées aux offices ministériels des tribunaux ordinaires, ç'a été, d'unepart, parce quetous ces offices étaient d'une valeur très médiocre, et de l'autre parce que tous les contrats des titulaires stipulaient un prix d'acquisition à peu près égal.
Mais si l'on consulte les rapports qui ont précédé vos décrets, rapports qui ont été adoptés par vous, on est bientôt convaincu que ce n'est pas dans ces motifs que votre décision a pris sa source.
On y voit au contraire que la raison qui vous a déterminés à adopter les contrats individuels, à défaut d'évaluation, a été que le prix de ces contrats était la véritable mesure du dédommagement de chaque titulaire, et que vous avez regardé le prix commun et uniforme pour tous, comme une base injuste par cela même qu'elle établirait l'égalité de dédommagement entre des titulaires qui avaient acheté à des prix très différents.
Les motifs qu'on allègue ont été si peu capables d'influer sur vos décrets qu'iln'est pas vrai, comme on le suppose, que tous les offices ministériels ne fussent que d'une très faible valeur, et qu'il ne l'est pas davantage que tous eussent été achetés à des prix à peu près égaux : votre comité a eu l'occasion de se procurer à cet égard des connaissances d'après lesquelles il ne saurait douter de l'inexactitude de ces assertions.
Mais, dit-on, les procureurs ont été traités bien plus favorablement que nous ; non seulement on a rectifié les évaluations trop faibles qu'ils avaient faites, mais on leur a encore accordé une indemnité déterminée d'après le prix de leurs contrats lorsque l'évaluation rectifiée n'équivalait pas à ce prix.
Mais pourquoi ces adoucissements ont-ils été accordés aux procureurs ? Précisément parce que vos décrets ne leur ont pas laissé la liberté de demander le prix porté par leurs contrats. Vous n'ignoriez pas que pour échapper à la rapacité du génie fiscal, la plupart d'entre eux n'avaient fait que des évaluations très faibles, et vous n'avez pas voulu qu'ils devinssent les victimes d'une dissimulation excusable. Vous avez jugé aussi, il est vrai, qu'une indemnité devait alléger'la perte de ceux dont les contrats excéderaient l'évaluation rectifiée ; mais tout cela ne forme qu'une compensation fort imparfaite du prix de leurs contrats, qu'ils n'ont point obtenu par vos décrets. Cette compensation ne peut donc justement leur être enviée par ceux à qui vous accordez ce prix.
Le prix du contrat a tellement été considéré par vous, comme le dernier terme où l'obligation nationale pût s'étendre, qu'après avoir accordé aux greffiers, huissiers, commissaires de police, gardes et archers, un sixième du prix de leurs contrats, au delà du montant de leur évaluation, vous avez eu grand soin de décréter en même temps que le remboursement de l'évaluation et l'indemnité jointe ne pourraient, dans aucun cas, excéder le prix des contrats.
C'est donc à ce prix que votre comité a dû nécessairement se fixer. La teneur expresse de vos décrets, le danger des conséquences, tout lui a fait une loi de rejeter toute autre mesure qui pût devenir plus onéreuse à la nation.
Mais, en accordant le prix des contrats, vos décrets veulent qu'on fasse à chaque titulaire la déduction de la valeur des recouvrements qui peuvent avoir été compris dans son acquisition.
A ce sujet, votre comité vous observe d'abord que cette déduction ne saurait avoir lieu à l'égard de ceux des avocats au Conseil, dont le prix des contrats d'acquisition n'est que de 10,000 livres et au-dessous : la raison est que ce prix représente uniquement le titre de l'office, et qu'ainsi lorsque le titulaire n'a payé que cette somme ou même une somme inférieure, il est présumé n'avoir acheté que le titre nu, et sans aucun recou-vremenL
Mais tous les contrats qui excèdent 10,000 livres sont incontestablemen t
susceptibles de ladéduo
Les contrats produits par les avocats au Conseil ne sauraient servir de guide à cet égard ; car, dans tous, la clientèle et les recouvrements se trouvent confondus, ce qui ne permet pas de découvrir quel a été le prix de ces recouvrements.
Quand les recouvrements sont énoncés dans les contrats sans spécification de la somme à laquelle ils se montent, l'article 22 des décrc ts du mois de décembre veut qu'il soit réputé équivaloir, savoir : pour les procureurs, au tiers de leurs contrats, et pour les autres officiers ministériels dont il ( st parlé dans ces décrets, au douzième ; mais d'après les informations que votre comité a prises sur ce point, il s'est persuadé que nulle de ces deux bases ne pouvait être adoptée aux avocats au Conseil.
Ce n'est pas qu'il se flatte d'avoir à vous présenter des données infaillibles ; mais dans une manière où la simple conjecture doit nécessairement tenir lieu de la preuve, il peut vous assurer du moins qu'il a pris toutes les précautions qui étaient en son pouvoir pour mettre à couvert l'iotérét national.
Il a interrogé un très grand nombre d'avocats au Conseil, tt tous, un seul excepté, se sont accordés à soutenir que la déduction d'un douzième pour les recouvrements était le retranchement le plus fort qu'on pût leur faire supporter, et votre comité n'a pas cru qu'une assertion solitaire et destituée de preuves dût balancer tant de témoignages contraires.
Ce n'est pas qu'il ignore la juste défiance que peut inspirer l'intérêt pe: sonntl ; mais cette défiance aussi doit avoir ses bornes; et quand tant d'hommes d'ailleurs divisés se réunissent sur un point, il est bien difficile de ne pas croire qu'au moins ils ne s'éloignent pas trop de la vérité; la chose est d'autant plus probable ici que des faits constants viennent encore à l'appui de ce langage unanime. Il est généralement connu en effet:
1° Que l'instruction qui se faisait au Conseil était d'une extrême simplicité, et qu'ainsi il ne pouvait guère exister dans ce tribunal de ces procédures volumineuses qui, en grossissant la masse des frais, en reculent au:- si le recouvrement ;
2° Que les avocats au Conseil ayant pour clients des hommes domiciliés dans toutes les parties de la domination française, et souvent même des étrangers, ils re manquaient pas de prendre leurs précautions avec ces clients qui pour la plupart leur étaient inconnus : il était donc très rare qu'ils ne se fissent pas faire des avances qui ussent leur procurer la certitude de ne pas pro-iguer gratuitement leurs peines et leurs soins dans une affaire difficile et laborieuse.
Ajoutons à cela que la nature de leurs fonctions ne comportait pas même de retard dans les payements : des conférences chez les ministres, chez les magistrats, dans les bureaux, de fréquents voyages à Versailles et dans tous les lieux où le roi faisait son séjour ; un travail enfin dont il ne restait presque jamais aucune trace, et qui dans le cas trop ordinaire de mauvaise volonté de la. part d'un client aigri par la perle de son procès, était exposé à rester sans récompense ; tout, en un mot, exclut à l'égard des avocats au Conseil, l'idée de ces gros recouvrements si communs dans les études des procureurs accrédités. Observons en outre que les procès au Conseil n'étant pas fort ordinaires, un avocat ne devait pas compter que le même plaideur y revînt une seconde fois : ainsi rien ne l'obligeait à ces ménagements politiques et calculés dont usaient les procureurs envers leurs clients pour les attirer encore.
Aussi, parmi les contrats qui ont été communiqués à votre comité, en trouve-t-on un grand nombre dans lesquels les acquéreurs sont expressément chargés par leurs vendeurs des trop reçus; ce qui prouve bien cet usage dans lequel étaient les avocats au Conseil, de se faire faire régulièrement des avances qui les missent à l'abri de l'ince:titude des recouvrements.
Mais, dira-t-on, comment concevoir cette modicité, lorsqu'on voit que, le titre des offices étant généralement fixé à 10,000 livres au plus, le prix des contrats se trouve cependant quelquefois porté à 100,000 livres et au delà?
Cette objection avait d'abord frappé votre comité; mais, après un examen plus approfondi, il a reconnu : que l'évaluation donnée par les contrats au titre de l'office n'exprimait point la vraie valeur que ce titre avait acquise, surtout dans les derniers temps; il a été convaincu qu'on ne l'avait fixée à ce laux que pour éluder une ancienne défense, faite par le ministre, de vendre les offices d'avocats au Conseil, au-dessus de 10,000 livres, défense qui avait contraint les vendeurs à rejeter sur les recouvrements et sur la clientèle tout ce qui pouvait excéder celte somme.
Votre comité a reconnu, en second lieu, que souvent un vendeur transmettait à son acquéreur l'espérance des plus brillantes clientèles, et qu'il était naturel qu'une telle perspective rendît cet acquéreur peu difficile sur le prix.
Les vi les principales du royaume, les pays d'Etats, le ci-devant clergé séculier et régulier, la ferme générale, la régie des aides et les messageries, toutes les grandes clientèles enfin qui, indépendamment des profits casuels, procuraient encore à l'avocat des retenues considérables, étaient, il faut en convenir, un appât bien séduisant.
On conçoit donc sans peiue que ceux à qui on transmettait un bon nombre de semblables clientèles, aient porté très haut le prix de leurs acquisitions. Toutes ces acquisitions ont fait juger à votre comité qu'il n'était pas possible de supposer que les recouvrements fussent entrés pour un tiers dans le prix des contrats.
Il n'a pas cru cependant qu'ils ne dussent être comptés que pour un douzième ; car, quoiqu'il soit évident qu'ils ne pouvaient pas approcher de ceux des procureurs, on peut supposer qu'ils surpassaient de quelque chose ceux des autres officiers ministériels dont il est parlé dans les décrets du mois de décembre ; votre comité a donc pensé qu'il était équitable d'adopter un autre taux tel que le huitième.
Voici, en conséquence, le projet de décret que nous vous proposons :
L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité de judicature, décrète que les avocats au Conseil seront remboursés sur le pied du dernier contrat d'acquisition de chaque titulaire, à la déduction d'un huitième pour les recouvrements, de laquelle déduction seront exempts ceux dont le prix des contrats ne se porte qu'à 10,000 livres et au-dessous. »
L'intention de l'Assemblée est de rendre justice à tous ; or, le
remboursement sur le pied du dernier contrat d'acquisition de chaque
titulaire ne remplit pas ce but, puisque
II résulte en effet de ce que vous a dit le comité qu'on ne rembourserait pas à tous la vraie valeur de leurs titres, sur laquelle ils avaient droit de compter, si on ne leur donnait pas au moins Je remboursement sur le titre le plus dépourvu de clientèle. J'observerai d'ailleurs que l'Assemblée ne s'est occupée, Ie20 décembre, que du mode de remboursement des offices supprimés et non de ceux des avocats au Conseil, et qu'on applique à ceux-ci les dispositions relatives aux greffiers supprimés qui doivent être remboursés sur le prix de la vente. Au reste, les avocats au Conseil sont en très petit nombre ; leur remboursement sur un pied favorable ne peut tirer à de grandes conséquences. Je prie donc l'Assemblée de décréter pour ce genre d'offices un mode particulier d'évaluation, et, afin de rectifier l'inégalité que le projet de décret a établie entre les anciens et les nouveaux, de fixer pour minimum le prix du plus faible des contrats d'acquisition depuis 10 ans.
Et moi je demande la question préalable sur le projet du comité, et je me réfère a celui de M. Prugnon sauf à proposer quelques amendements.
La loi générale, pour tous les offices non compris dans l'évaluation de 1771, est qu'ils seront évalués sur le prix moyen des dix derniers contrats d'acquisition, mais que cette évaluation ne pourra excéder le dernier coi trat. Vous voyez qu'en donnant aux avocats au Conseil le maximum de ce qui est décrété pour les autres, bien loin d'être injustes envers eux, vous les favorisez. Voulez-vous faire dire que l'Assemblée nationale accorde tout aux officiers de Paris ?
J'appuie l'opinion de M. Prugnon ; en 1771, le gouvernement mit des entraves pour empêcher les avocats au Conseil de faire des évaluations.
combat le projet de décret du comité qu'il considère comme trop favorable au plus grand nombre des avocats au conseil ; il demande que la ret nue pour les recouvrements soit du quart au lieu du huitième du prix des offici s, comme le propose le comité.
Je ne vois aucune espèce de justice à donner d'une part 80,000 livres à un nomme qui aura acheté, il y a 10 ou 12 ans son office, et de ne donner à un père de famille pour un office du même genre que 10,000 livres parce qu'il l'aura acheté depuis trente années. Je demande qu'on adopte le projet de M. Prugnon et que l'on fixe un minimum au moins de 30,000 livres.
rapporteur. J'invoquerai en faveur du projet du comité les règles établies par l'Assemblée elle-même qui, dans aucun cas, n'a admis un remboursement supérieur au prix des contrats d'acquisition et je citerai comme exemple les officiers ministériels de Flandre qui, de même que les avocats an Conseil, n'ont pas été soumis à la loi de l'évaluation.
J'observerai d'ailleurs que si l'on admet une exception pour les avocats au Conseil, tous les procureurs auront le droit de réclamer.
Un membre : Je défie qu'on me cite une seule évaluation qui excède le prix du contrat.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande la priorité pour le projet de M. Prugnon.
Plusieurs membres : La question préalable.
On demande la question préalable sur l'amendement de M. Prugnon qui détermine pour minimum du remboursement le prix du plus faible des contrats d'acquisition depuis 10 ans. Je consulte l'Assemblée.
(L'épreuve est dcuîeuse.)
Je retire mon amendement et je me rallie à celui de M. Buzot qui règle le minimum à une somme déterminée et fixe de 30,000 livres.
Plusieurs membres : La question préalable.
(L'Assemblée consultée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement.)
Un membre propose par amendement de prendre pour minimum le prix moyen des contrats d'acquisition depuis 1765, jusques et y compris 1771.
Je demande que le minimum soit de 20,000 livres.
(L'Assemblée, après quelques débats, ferme la discussion et accorde la priorité à l'amendement de M. Mougins.)
Je mets aux voix l'amendement de M. Mougins qui fixe le minimum à 20,000 livres.
Voix diverses. L'appel nominal 1 — La question préalablel
(Après quelques débats, l'Assemblée ferme la discussion.)
Je mets aux voix la question préalable sur l'amendement de M. Mougins.
(L'Assemblée consultée décrète qu'il y a lieu à délibérer). (Réclamations.)
Je mets aux voix l'amende-dement de M. Mougins.
(L'épreuve a lieu.)
L'amendement est adopté.
(Il s'élève de bruyantes réclamations contre la décision du Présideut. Plusieurs membres insistent pour que l'épreuve soit renouvelée.)
Je vais renouveler l'épreuve.
rapporteur. Quoique je n'aie personnellement pas le désir de m'écarter en
rien du projet de décret du comité, je crois néanmoins de mon devoir
d'observer à l'Assemblée que la pro-
Je reprends la délibération et je mets aux voix la question préalable sur l'amendement de M. Mougins.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée décrète qu'il y lieu à délibérer sur l'amendement.
Je mets maintenant aux voix l'amendement.
(L'épreuve a lieu.)
L'amendement de M. Mougins est adopté. (Vives réclamations.)
Un membre : M. le Président opine tout seul. (.Murmures prolongés.)
Un grand nombre de membres : L'appel '.nominal I l'appel nominal ! (.Un tumulte prolongé règne dans l'Assemblée.)
se couvre. (Au bout de quelques instants, le calme se rétablit.)
Lorsque j'ai mis la question préalable aux voix et que j'ai prononcé qu'il n'y avait pas lieu à délibérer, il n'y a pas eu de réclamations...
Plusieurs membres. Si fait I si fait !
J'ai mis ensuite aux voix l'amendement et j'ai cru voir que les membres qui «'étaient levés pour rejeter la question préalable s'étaient levés pour adopter l'amendement. En conséquence, j'ai prononcé, parce que je n'ai entendu aucune réclamation.
Le fait, Monsieur le Président, est que vous n'avez pas voulu écouter les réclamations. Je ne sais si c'est parce que vous êtes entouré de beaucoup de monde, ou autrement.
Je demande l'ajournement, toutes choses restant en état. (Murmures.)
Un membre : L'ajournement ou l'appel nominal.
Dans cette alternative, je demande l'appel nominal.
Un membre : On ne peut pas procéder à l'appel nominal; nous ne sommes pas 200.
Il vaut mieux ajourner ; samedi, nous serons plus éclairés, nous aurons réfléchi. (Applaudissements.) Consultez l'Assemblée, Monsieur le Président.
(L'Assemblée consultée décrète l'ajournement.)
indique l'ordre du jour de la séance de demain et lève la séaDce à onze heures.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
ex-président, ouvre la séance.
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une adresse de la société des amis de la Constitution établie à Nancy, portant demande du licenciement de l'armée et de sa prompte recréation sur les principes édictés par la Constitution française.
Les pétitionnaires exposent à l'Assemblée, dans un récit touchant, tous les maux survenus dans l'armée par cette monstrueuse constitution militaire, qui n'était applicable qu'aux temps du despotisme, des luttes effrayantes qui se renouvellent sans cesse contre les chefs qui veulent étouffer les germes naissants du patriotisme dans le cœur du soldat, et le soldat lui-même, qui, s'éclairant sur ses devoirs et sur ses droits, ne veut plus être l'aveugle instrument du caprice de ses supérieurs, et a juré de n'obéir qu'a la loi.
Ils retracent aux yeux des législateurs français tous les troubles, tous les désordres qui ont pris leur source dans cette contrariété d'opinions, et
ui ont compromis plus d'une fois la tranquillité
e la nation.
Ils font entrevoir tous les dangers où s'expose la nation en confiant ses plus chers intérêts, ceux de sa liberté et de sa Constitution, à des hommes qui tiennent par des considérations personnelles, à tous les préjugés de l'ancien ordre de choses, dont ils ont juré de relever le monstrueux édifice sur la ruine de notre sage Constitution, à des principes prescrits par la raison. Ils frémissent d'horreur en se représentant sur nos frontières une armée prête à nous attaquer, et la France stupidement tranquille, en voyant sa destinée entre les mains de ces instruments serviles du despotisme, qui ne manqueraient pas de saisir une si favorable occasion pour exécuter leurs exécrables projets.
Ils se rappellent avec plaisir, et avec un sentiment vif de reconnaissance, cette énergie forte et puissante avec laquelle l'Assemblée déjoua les efforts de la ligue sacerdotale qui voulait, la torche du fanatisme à la main, détruire la France par un embrasement universel ; mais ils ne peuvent voir sans effroi, dans une conjuration plus formidable encore, cette sorte d'inattention de l'Assemblée dont la fausse sécurité pourrait nous jeter dans des maux dont les suites sont incalculables.
M. le secrétaire annonce ensuite une adresse des artistes inventeurs.
(La lecture de cette adresse est renvoyée à l'ordre du soir.)
M. Le Monnevry, citoyen de Paris, est admis à la barre et présente à 1 Assemblée un mémoire sur les finances.
(L'Assemblée renvoie ce mémoire au comité des finances et accorde à M. Le Monnevry les honneurs de la séance.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance
d'hier au matin.
Messieurs, il est dit, dans le procès-verbal qui vient de vous être lu, qu'un membre ayant demandé le renvoi de l'affaire d'Avignon aux comités d'Avignon, diplomatique et de Constitution, ce renvoi a été décrété. Ce n'est nas cela.
M. Pétion, lorsqu'il a parlé sur la coutinuation de la discussion sur cette affaire, a demandé non pas le renvoi aux comités d'Avignon, diplomatique et de Constitution de l'ensemble de la question, mais seulement le renvoi à ces comités du surplus des articles du projet de décret proposé par M. le rapporteur. (Murmures..)
Je demande que cette rectification soit faite au procès-verbal.
Le procès-verbal est rédigé avec une parfaite exactitude. Lorsque l'Assemblée a renvoyé les articles du comité, elle a bien entendu renvoyer le tout ; en effet, M. Pétion a fait très judicieusement remarquer que l'Assemblée, en décrétant qu'elle ne déclarait pas aujourd'hui qu'Avignon faisait partie intégrante de l'Empire français, avait été loin de déclarer le contraire, à savoir qu'il n'en lerait pas partie. (Applaudissements.)
Ainsi, en ne prononçant pas le projet de décret qui lui était soumis par le comité et qui tendait â la déclaration des droits de la France sur Avignon et le Comtat Venaissin, l'Assemblée a laissé les choses entières; elle n'a fait que rejeter la réduction qui lui était présentée pour l'article 1er, et, comme les articles suivants ne sont que des conséquences immédiates de ce 1er article, ils ne peuvent, en cet état, être mis en délibération. 11 faut donc nécessairement que le comité présente une nouvelle rédaction, une nouvelle mesure; c est cette nécessité qui a fait que l'Assemblée a renvoyé au comité toute l'affaire d'Avignon, qui demeure, en son entier; surl'ensemble de laquelle il reste à décider, sauf la réjection de l'article 1er du projet présenté par le comité.
La rédaction du procès-verbal doit donc être conservée telle qu'elle existe.
(L'Assemblée, consultée, décrète que le procès-verbal subsistera tel qu'il est rédigé, et adopte ce procès-verbal.)
président, prend placeau fauteuil.
L'ordre du jour est un rapport des comités ecclésiastique et d'aliénation sur la destination et l emploi des biens qui dépendaient des églises paroissiales ou succursales supprimées.
au nom des comités ecclésiastiques et d'aliénation. Messieurs, le projet que je vous présente en ce moment, au nom de vos comités ecclésiastique et d'aliénation réunis nest pas nouveau; ce n'est qu'une rédaction plus détaillée, plus claire et plus exacte des articles qui vous avaient été proposés le 26 février dernier, dont la discussion fut commencée le même jour, et qui furent ensuite envoyés à vos comités, pour y insérer divers amendements, Jes uns adoptés par l'Assemblée, les autres soutenus et accueillis par beaucoup de membres.
Parmi les biens-fonds ci-devant appartenant aux paroisses ou succursales, qui sont ou seront supprimées en vertu de vos décrets, il y en avait qui produisaient des revenus, comme les terres, les maisons affermées ou arrentées; il y en avait d'autres qui étaient les objets mêmes actuellement consacrés aux usages du culte, comme les église?, sacristies, cimetières, tours et clochers; on peut mettre au même rang les presbytères, car ils ne produisaient aux paroissiens aucuns revenus, souvent c'était pour eux un fardeau, à cause des réparations et reconstructions.
Plusieurs paroisses sont réunies en une; les citoyens, rassemblés dans la paroisse nouvellement circonscrite, doivent-ils disposer des églises, des cimetières, des presbytères, et les vendre au profit de la nouvelle paroisse ? Ou ces objets doivent-ils rester au profit de la nation ? C'est la ce que vous avez à décider. Supposons d'abord que cette nouvelle église soit, comme il arrive très fréquemment une église nationale, ci-devant dépendante de chapitre ou de monastère supprimé; alors, sans doute, la nation doitau moins di sposer des bâtiments insuffisants ou ruineux qu'elle a remplacés par de solides et spacieux édifices. 11 serait révoltant, par exemple, que les douze églises remplacées à Paris par la paroisse cathédrale, établie dans un temple superbe et magnifiquement décoré, fourni par la nation, fussent aliénées au profit de la nouvelle paroisse, il ne serait pas plus sage d'abandonner, aux paroisses conservées dans les anciennes églises paroissiales, des édifices et emplacements, qui ne produisaient aucun revenu et qui sont convenablement remplacés par ceux de l'église nouvellement circonscrite. Les habitants seront pleinement désintéressés, si l'Etat se charge, d'une part, d'acquitter ce qui peut être encore dû pour achat, construction ou réparation de ces édifices, et de l'autre, de mettre l'église nouvellement circonscrite en état de satisfaire à sa nouvelle destination.
Ces courtes réflexions paraissent justifier suf-fi?amment les articles du projet de vos comités, à l'exception du septième, sur la manière de régler le partage des autres biens des églises supprimées. La difficulté vient de ce qu'il faut assez souvent diviser une ancienne paroisse entre plusieurs paroisses nouvelles, pour faire des circonscriptions justes et convenables. En pareil cas, faudra-t-il diviser les biens de chaque église supprimée entre les paroisses? Mais sur quelle base serait fait ce partage? Sur celle du territoire ? Il est très inégal en valeur, très inégal en population. Sur le nombre des habitants? Mais ce nombre varie d'une année à l'autre; il a varié prodigieusement pendant le cours de celte Révolution. Et puis, comment se partageraient certaines choses indivisibles, comme la desserte des fondations? Mais surtout qui ferait ce partage? En quelle forme y procéderait-on ? Où s'arrêterait le recours en cas de réclamation des parties intéressées? Ne faudrait-il pas des inventaires des titres et papiers, des prisages et enlotis-sements? Et tout cela ne ferait-il pas une source de chicanes et de dissensions?
Dans cet état, vos comités vous proposent de couper un nœud qu'ils désespèrent de résoudre d'une manière satisfaisante, et d'ordonner que les biens suivront le territoire dans lequel se trouvera l'église supprimée.
Voici le projet de décret que vos comités vous proposent.:
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de ses comités ecclésiastique et d'aliénation, sur la destination et l'emploi des édifices, emplacements et autres immeubles réels, ainsi que des biens meuhles dépendant des églises paroissiales ou succursales qui sont ou seront supprimées eu exécution de la loi du 24 août 1790, décrète :
« Art. 1er. Les églises et sacristies,
parvis, tours et clochers des paroisses ou succursales supprimées,
lorsque ces terrains et édifices ne seront pas conservés pour oratoires
ou chapelles de secours, par décret de l'Assemblée nationale ou du Corps
législatif, seront vendus après le décret de suppression de la paroisse
ou succursale, dans la même forme et aux mêmes conditions que les biens
nationaux.
« Art. 2. Les sommes qui se trouveront dues par les fabriques ou communautés de propriétaires ou d'habitants, pour constructions et réparations desdites églises supprimées, de leurs sacristies, parvis, tours et clochers, ainsi que le montan t des dépenses qui seront jugées nécessaires par les corps administratifs, sous l'inspection et la surveillance du roi, pour rendre les églises des paroisses et succursales nouvellement circonscrites propres à leur nouvelle destination, et pour y faire les réparations manquantes à l'époque du décret de circonscription, seront acquittées par la caisse de l'extraordinaire, après avoir été liquidées dans la forme prescrite par le décret des 8, 12 et 14 avril dernier, titre Ier.
« Art. 3. Les cimetières desdites paroisses et succursales supprimées seront également vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les biens nationaux.
« Art. 4. Les sommes qui se trouveront dues par les fabriques ou communautés de propriétaires ou d'habitants, pour achat ou clôture, soit des cimetières desdites églises supprimées, soit des cimetières jugés nécessaires par les corps administratifs, sous l'inspection et la surveillance du roi, pour les paroisses et succursales nouvellement circonscrites, seront acquittées par la caisse de l'extraordinaire, après avoir été liquidées, comme il est dit en l'article 2.
« Art. 5. Les presbytères et bâtiments qui servaient à loger les personnes employées au service desdites églises supprimées ou changées en simples oratoires sont déclarés biens nationaux, à la charge de l'usufruit réservé par l'article 7 de la loi du 23 octobre dernier, à des curés de paroisses supprimées.
« Art. 6. Les sommes qui se trouveront dues par les communautés de propriétaires ou d'habitants, pour achat, construction ou réparation des bâtiments et presbytères mentionnés en l'article précédent, et celles qui set aient dues pour achat, construction, ou grosses réparations de semblables édifices jugées nécessaires en la forme exprimée aux articles 2 et 4 ci-dessus, à raison des églises nouvellement circonscrites, seront acquittées par la caisse de l'extraordinaire, après avoir été liquidées comme il est dit au même article 2.
« Art. 7. Tous les autres biens meubles ou immeubles desdites églises supprimées passeront, avec leurs charges, à l'église paroissiale ou succursale établie ou conservée, et dans l'arrondissement de laquelle se trouvera l'église dont lesdits biens dépendaient avant la suppression.
Art. 8. Il ne sera rien payé au Trésor public, à raison des terrains et édifices de même nature que ceux mentionnés en l'article premier ci-dessus, et provenant des chapitres et communautés ecclésiastiques, séculières, et régulières, supprimés eu vertu de la loi du 24 août dernier, qui sont ou seront consacrés au culte par décret de l'Assemblée nationale ou du Corp3 législatif, pour servir de nouvelle église paroissiale ou succursale, ou d'oratoire public; mais il sera disposé comme de biens nationaux, des terrains et édifices de l'ancienne église, aux charges prescrites par l'article 2 du présent décret.
« Art. 9. Les ventes prescrites par l'article 1er ci-dessus, ne pourront être effectuées qu'après avoir pris les précautions qu'exige le respect dû aux églises et aux sépultures.
« Les cimetières ne pourront être mis dans le commerce qu'après 10 années, à compter depuis les dernières inhumations. »
Je demande la parole. M. le Président, nous ne sommes pas 200; il faut exécuter votre règlement, qui dit qu'on ne peut délibérer à moins de 200 membres; et alors, quand nous serons 200, vous pourrez délibérer. N'accoutumez pas la nation à fouler aux pieds votre Constitution.
Il n'y a personne de votre côté, il n'y a jamais personne ; vous n'avez qu'à venir plus tôt.
Je n'excuse personne; on a tort.
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
Qu'est-ce que c'est que votre ordre du jour? U ne fait pas jour encore pour l'Assemblée. (Murmures prolongés.) On ira aux voix dans une heure; mais il ne faut pas enlever les décrets par surprise; il ne faut pus de surprise.
Nous sommes plus de 200 membres. La vérité est qu'il n'y en a guère que 10 ou 12 du côté où s'assoient MM. les ci-devant évêques et chanoines; cependant il n'est pas si grand malin que M. l'abbé Maury veut bien le dire.
Nous sommes 200? Pour me prouver que j'ai tort, comptons-nous.
Je demande que M. l'abbé Maury soit entendu. On ira aux voix sur les observations : on ne peut pas perdre son temps en vaines criailleries.
Je crois avoir le droit de rappeler l'Assemblée à ses propres décrets. Elle a décrété très volontairement, et j'ajoute très justement, qu'on ne pourrait jamais rendre aucun décret, à moins qu'il n'y eût 200 membres présents.
J'atteste que nous sommes plus de 200.
Et moi, j'affirme que nous ne sommes pas 200.
Plusieurs membres: L'ordre du jourl
(L'Assemblée consultée, décrète l'ordre du jour.)
Nous ne sommes point 200; je porterai mes plaintes à l'Assemblée lorsqu'elle sera complète.
Je vous conseille d'aller vous plaindre à M. le nonce.
rapporteur, soumet à la discussion son projet de décret article par article :
Art. 1er
« Les églises et sacristies, parvis, tours et clochers des paroisses ou succursales supprimées, à l'exception des terrains et édifices qui auront été conservés pour oratoires ou chapelles de secours, par décrets de l'Assemblée nationale, seront vendus, après le décret de suppression de la paroisse ou succursale, dans la même forme et aux mêmes conditions que les biens nationaux. »
Je demanderais que l'article portât que la vente des presbytères et de toutes les églises qui seront supprimées fût faite au profit des paroisses, communautés ou municipalités qui avaient été obligées à ces constructions.
Je demande que le décret dise expressément que, quant aux campagnes qui n'auront pas d'églises payées par la nation, les presbytères, les églises, les cimetières seront vendus au profit des communautés, c est-a-dire de la paroisse. . , .
(L'Assemblée rejette les amendements par la question préalable et décrète l'article premier.)
Art. 2.
« Les sommes qui se trouveront dues par les fabriques, ou communautés de propriétaires ou d'habitants, pour constructions et réparations desdites églises supprimées, de leurs sacristies, parvis, tours et clochers, ainsi que le montant des dépenses qui seront jugées nécessaires parles corps administratifs, sous l'inspection et la surveillance du roi, pour rendre les églises des paroisses et succursales nouvellement circonscrites, propres à leur nouvelle destination, et pour y faire les réparations manquantes à l'époque du décret de circonscription, seront acquittées par la caisse de l'extraordinaire, après avoir été liquidées dans la forme prescrite par le titre premier du décret des 8, 12 et 14 avril derniers. » (Adopté.)
Art. 3.
« Les cimetières desdites paroisses et succursales supprimées seront également vendus dans la même forme et aux mêmes conditions que les biens nationaux. »
Je demande à faire un amende-meut sur cet article. Prenez garde, Messieurs, qu'il ne faut pas forcer les communautés d'habitants qui, à frais communs, ont fait bâtir les églises, d'aller à 1 lieue, 2 lieues, 3 lieues, à la messe: c'est vouloir détruire la religion que de faire aller si loin les habitants aux offices de leur culte (Applaudissements à droite.) et vous seriez désapprouvés par toute la France.
rapporteur. Il ne s'agit pas de cela.
Je demande que les communautés soient consultées; on ne peut pas vouloir les réunir contre leur volonté.
(L'Assemblée décrète l'ordre du jour sur 1 a-mendement de M. Gombert et adopte l'article 3.)
Art. 4.
« Les sommes qui se trouveront dues par les fabriques, ou communautés de propriétaires ou d'habitants, pour achat ou clôture, soit des cimetières desdites églises supprimées, soit des cimetières jugés nécessaires par le* corps administra tifs, sous l'inspection et la surveillance du roi, pour les paroisses et succursales nouvellement circonscrites, seront acquittées par la caisse de l'extraordinaire, après avoir été liquidées comme il est dit en l'article 2. » (Adopté.)
Art. 5.
« Les presbytères et bâtiments qui servaient à loger les personnes employées au service desdites églises supprimées, ou changées en simples oratoires, sont déclarés biens nationaux, à la charge de l'usufruit réservé par l'article 7 de la loi du 23 octobre dernier, à des curés de paroisses supprimées. > (Adopté.)
Art. 6.
« Les sommes qui se trouveront dues par les communautés de propriétaires ou d'habitants, pour achat, construction ou réparation des bâtiments et presbytères mentionnés en l'article précédent, et celles qui seraient dues pour achat, constructions ou grosses réparations de semblables édifices jugées nécessaires en la forme exprimée aux articles 2 et 4 ci-dessus, à raison des églises nouvellement circonscrites, seront acquittées par la caisse de l'extraordinaire, après avoir été liquidées comme il est dit au même article 2. » (Adopté.)
Art. 7.
« Tous les autres biens meubles ou immeubles de fabriques desdites églises supprimées passeront, avec leur charge, à l'église paroissiale ou succursale établie ou conservée, et dans l'arrondissement de laquelle se trouvera l'église dont lesdits biens dépendaient avant la suppression. » (Adopté.)
Art. 8.
« Il ne sera rien payé au Trésor public, à raison des terrains et édifices de même nature que ceux mentionnés en l'article 1er ci-dessus, et provenant des chapitres et communautés ecclésiastiques, séculières ou régulières, supprimées en vertu de la loi du 24 août dernier, qui sont ou seront consacrés au culte par décret de l'Assembjée nationale, pour servir de nouvelle église paroissiale ou succursale, ou d'oratoire public ; mais il sera disposé, comme de biens nationaux, des terrains et édifices de l'ancienne église, aux charges prescrites par l'article 2 du présent décret. » (Adopté.)
Art. 9.
« Les ventes prescrites par l'article 1er ci-dessus ne pourront être effectuées qu'après avoir pris les précautions qu'exige le respect dû aux églises et aux sépultures.
« Les cimetières ne pourront être mis dans le commerce qu'après dix années, à compter depuis les dernières inhumations. »
Je demande que les cimetières soient vendus dès à présent, à la charge par les acquéreurs de les laisser pendant un certain nombre d'années en vaine pâture.
(Cet amendement n'est pas adopté.)
Puisque l'Assemblée veut remuerj usqu'aux cendres de nos pères, je
demande que chaque citoyen puisse,f à 1 expiration des dix années
mentionnées en l'article qui nous occupe, demander l'exhumation des
corps
Il me parait très juste, comme le demande M. de Marinais, de pourvoir à faire faire les exhumations dans les terrains composant les cimetières qui pourront être vendus. Je demande donc, non pas Tordre du jour, non pas la question préalable sur la motion, mais le renvoi au comité, qui présentera à cet égard ce qui lui semblera le plus raisonnable.
(L'Assemblée, consultée, renvoie l'amendement de M.( d'Aubergeon de Murinais au comité ecclésiastique et adopte l'article 9.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion de la motion de M. Rabaud-Saint-Etienne sur la création de petits assignats.
Messieurs, M. Rabaud-Saint-Etienne vous a proposé l'émission de petits assignats ; sur de premiers aperçus et sur des bases inexactes, il a élevé un système que son éloquence a rendu spécieux; il Ta appuyé de raisonnements qui ne doivent leur force qu'à la pureté de leur source, le patriotisme.
Et moi aussi, j'embrasse les statues de la Patrie et de la Loi; je vous crie en leur nom : Ne commettez pas une erreur funeste que déjà plusieurs fois vous avez repoussée, et notamment par votre décret qui a fixé à 50 livres le terme de la division des assignats.
Je combattrai M. Rabaud, adversaire trop redoutable, sans doute, s'il eût erré dans une matière qui lui fût plus familière. Après avoir rendu sensible une contradiction que la magie du style vous a peut-être dérobée, relevé des erreurs de fait qui ont conduit à de fausses inductions, je discuterai les principes et les conséquences de ce dangereux système.
M. Rabaud-Saint-Etienne attribue à la rareté du numéraire l'anéantissement du commerce dont il peint la balance renversée. 11 ajoute ce-endant que les manufactures sont fatiguées de emandes, auxquelles elles ne peuvent suffire. Ces deux assertions impliquent nécessairement contradiction.
Pressé d'arriver aux principes, je me contenterai d'indiquer les causes de fa mort et de cette espèce de résurrection du commerce; il a été anéanti dans les premiers moments de la Révolution. La crainte, la malveillance, les émigrations, la suppression des abus et des richesses fondées sur ces abus, ont paralysé le luxe; et une grande partie des sources de consommation a été tarie : l'espoir de fa suppression des impôts perçus à la circulation des marchandises ajoutait encore à la stagnation des fabriques.
Vous avez, Messieurs, détruit toutes les entraves inventées par le génie fiscal; et l'industrie, rendue libre, a assiégé les magasins de ses demandes; enfin les étrangers ont eux-mêmes tiré de nos fabriques.
Ils achètent des lettres sur France à f2 ou 15 0/0 de perle, et se
procurent nos marchandises en jouissance de ce bénéfice : ainsi, ce que
l'on appelle les mauvais changes a favorisé le débit de nos manufactures
; ainsi les étrangers ont acheté pour 6 millions de toile des Indes à la
dernière vente de notre compagnie de l'Orient,
M. Rabaud élève à f,200 millions le numéraire métallique d'Angleterre, et son numéraire papier a 1,800 millions r total ; 3 milliards.
La réponse récente de Paynne à Burke nous apprend que d'après un relevé exact, fait par Chalmers, le total du numéraire, qui circule dans la Grande-Bretagne, ne monte qu'à 20 millions sterling,, et le docteur Smith est de cet avis; il prétend d'ailleurs qu'on ne peut, dans un Etat, faire circuler des billets de crédit que jusqu'à moitié du numéraire effectif qui existe ; d'après cette donnée, tout le numéraire fictif de l'Angle-terré ne monterait qu'à 10 millions sterling; mais je suppose qu'iL soit égal au numéraire réel, je suppose même qu'il soit double il n'en résulterait pas que le numéraire en circulation dans l'Angleterre fût de 2 milliards. , Et quand on lui accorderait cette donnée, l'induction qu'il en tire n'en serait pas moins erronée, puisqu'il existe entre les 2 papiers-monnaie cette nuance essentiellement difterencielle, que la réalisation du nôtre est conditionnelle à terme indéfini, tandis que celui d'Angleterre se change à bureau ouvert.
L'honorable membre vous a dit que l'activité du commerce dépendait de la multiplicité du numéraire ; ce principe est vrai quant au numéraire métaïlique, parce qu'il est le plus pur, le plus immédiat signe d'échange; parce qu'il a une valeur réelle,; intrinsèque et indépendante de sa forme représentative ; mais on se trompe en appliquant ce principe au numéraire papier, parce qu'il n'est et ne peut être qu'une promesse de payer ou un payement fictif, dont la valeur est relative à son hypothèque. Ainsi, tandis que l'un repose sur les rapports les pins invariables, l'autre ne porte que sur la plus mobile des bases, la confiance.
Lorsque vous avez décrété, Messieurs, 1200 millions d'assignats, votre sagesse s'est proposé pour objet la facilité de la vente des biens nationaux; vous aviez pour but de mettre des capitaux en circulation et de les forcer à venir s'anéantir dans la caisse de l'extraordinaire : l'émission de petits assignats est directement opposée à ce but; en entrant dans la circulation, ils en ont chassé l'argent : celui qui avait 1,000 livres en un seul assignat, et 1,000 livres en espèces, aurait changé son papier-monnaie contre une valeur matérielle; mais dès qu'on lui a divisé son assignat de 1,000 livres en petites sommes équivalentes à ses besoins, il a gardé son argent, et s'est servi de ses assignats pour ses dépenses courantes; et l'on vous propose une nouvelle division d'assignats l on regarde ce moyen comme l'unique remède contre la hausse de l'argent! Je réponds à ce raisonnement par des faits. Le taux de l'argent s'est toujours élevé en raison de la quantité de papiers émis. Lorsqu'il n'y avait que 170 millions de billets de la caisse d'escompte en circulation, la différence de l'argent était de 1 0/0 : on a émis 400 millions d'assignats, et l'argent est monté à 3 ou 4 0/0; on en a créé pour 1200 millions, et il s'est élevé à 6 0/0. La nouvelle d'une émission en remplacement de ceux qui ont été brûlés, et d'une division en petites sommes, s'est répandue au dehors de cette Assemblée, et il a été porté à 8 0/0, et nos changes ont suivi cette gradation.
Je ne répondrai pas à ceux des partisans de ce système, à qui
l'engouement fait oublier que
Je vais suivre leur système dans ses conséquences.
11 est évident que les embarras qui existent dans les échanges, entre les personnes qui ont des assignats de 50 livres, se multiplieraient entre celles beaucoup plus nombreuses qui recevraient des assignats de 5 livres. Les fabricants n'achèteraient plus l'argent, il est vrai ; mais, ce qui est un plus grand malheur, l'artisan, l'ouvrier, le pauvre l'achèteraient. Oterez-vous à la classe aisée un fardeau qu'elle peut supporter, pour le faire peser tout entier sur la classe indigente? J'ose vous le dénoncer, ce système, comme une conjuration des riches contre les pauvres, dont jusqu'ici les droits ont été pour vous si sacrés.
Et de combien de difficultés n'est-il pas enrayé!
Gomment un petit détailleur de comestibles, dans les marchés, pourra-t-il faire tous les appoints? Et si la pénurie s'y refuse, il faudra qu'il arrive de deux choses l'une : ou que l'acheteur se prive d'acheter, ou que le vendeur refuse de vendre. Dans tous les cas, le citoyen est lésé. Qui peut en calculer les suites désastreuses?
Si vous en supposez la circulation rapide, je vois naître de plus grands dangers. Fatigués, salis, rendus presque méconnaissables, ils seront plus aisément contrefaits : la simplicité, la bonne foi, l'ignorance même du peuple présenteront un appât de plus à des fourbes habiles; les signes caractéristiques ne seront plus généralement saisis.
Joignez à ces considérations l'intérêt que les ennemis du dehors et même du dedans auraient à répandre ces alarmes par des menées, soit directes, soit indirectes; songez qu'avec moins de 2 millions ils peuvent enfouir toute notre monnaie, et vous éloignerez de leurs mains cette arme terrible, la dernière qui leur reste contre le peuple, parce que le courage et la force ne peuvent rien contre elle.
Si une guerre maritime portait nos forces dans un autre hémisphère, si même nous étions obligés de soutenir une guerre de terre, et qu'une première victoire en rejetât le théâtre sur les terres ennemies, que deviendraient nos valeurs fictives et conventionnelles chez un peuple qui ne tes a pas consenties : nous nous verrions bientôt dans l'impossibilité de soutenir la guerre, à moins de faire des sacrifices énormes, et qui ruineraient les générations futures.
Si l'intérêt des négociants, masqué de celui du commerce, a élevé cette proposition, qu'il faut absolument une valeur représentative en petites parties, ils peuvent en créer sur leur crédit; ce moyen a été avantageusement tenté dans plusieurs villes ; ce papier aurait d'ailleurs un titre inappréciable, celui d'être fibre.
Vous approcher, Messieurs, du terme de vos travaux : 1 exécution de vos lois va bientôt en assurer le bienfait Malgré les cris du fanatisme, la vente des biens nationaux s'exécute tranquillement; les assignats seront anéantis, leur disparition rappellera le numéraire : craignez, par une disposition dangereuse, de causer une secousse; elles ont renversé l'ancien édifice ; elles ébranleraient celui que vous venez de construire ; que la paix soit écrite sur sa base ; que la liberté le soutienne, bientôt vous verrez l'étranger nous apporter son or; vous verrez l'arbre desséché du commerce refleurir et étendre au loin ses branches fécondes.
Je me résume, et je dis que le numéraire n'est pas sorti du royaume, que la confiance seul peut le faire reparaître ; que la fabrication de petits assignats aurait un effet contraire au but qu'on se propose, et exposerait le royaume aux plus grands dangers; que le seul remède à nos maux passagers, et occasionnés par la disette-des espèces, est de hâter la vente des biens nationaux, et de brûler les assignats.
Je conclus par demander la question préalable sur la motion de M. Rabaud-Saint-Etienne.
Je demande l'impression de ce discours, afin que le peuple qui s'abuse sur l'utilité de3 petits assignats puisse en reconnaître le danger, et celui de les désirer.
(L Assemblée ordonne l'impression du discours de M. d'Allarde.)
Un des MM. les secrétaires donne lecture «Tune adresse de la commune de Strasbourg, qui annonce que cette ville et les autres du même département sont dansune parfaite tranquillité, etdonne des éloges au zèle avec lequel les commissaires du roi, envoyés dans les départements du Haut et du Bas-Rhin, se sont employés au rétablissement de l'ordre ; zèle qui a été couronné d'un plein succès.
Cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Lorsque les communes alsaciennes ont im ploré votre sollicitude pour l'envoi des commissaires investis de la délégation commune des pouvoirs législatif et exécutif, ils ont cru qu'à des maux extrêmes il fallait opposer les remèdes les plus puissants, et que d'un instant dépendait dans le département du Rhin le succès de notre liberté ;. une lutte dangereuse s'était déjà établie entre les lois et leurs ennemis; cette lutte se faisait à découvert sous les formes même assurées par la loi et la liberté, et des administrateurs la toléraient ou la protégeaient. Vous avez porté sur nous un regard d'intérêt, les commissaires du roi sont accouruset les adversaires de la Constitution ont bien'ôt cédé la victoire aux patriotes.
« Nos cités sont tranquilles comme toutes celles où les amis de la liberté sont les plus forts ; les pouvoirs s'exercent, au moinspour la plupart ; la vente des biens nationaux s'opère; on chérit vos lois, parce qu'on les connaît ; celles qui régénèrent les ministres de la religion se consomment; les inquiétudes qu'inspiraient les principaux agents de la force publique cessent en partie ; partout aujourd'hui les amis timides de la liberté osent enfin se montrer hautement.
« Dumas, Héraut, Fossey, triumvirs patriotes ; vous êtes recommandables par vos talents, votre courage, et surtout votre vif amourdes loisetde la liberté ; voilà le fruit de vos travaux. C'est entre les mains de ceux qui ont décrété votre envoi, du prince citoyen qui vous a choisis, que les habitants du Haut et Bas-Rhin déposent les sentiments de leur cœur reconnaissant. Vous avez tout fait pour ïe bonheur d'une portion du peuple français, en l'éclairant sur ses propres intérêts ;l'affermissement de la Constitution, dans cette contrée, est votre ouvrage et la liberté vous doit son triomphe : il ne fallait dans un sol fertile, pour consommer votre ouvrage, que la certitude que l'on devait attendre de vos soins.
« Etvous, immortels législateurs, vous qui nous
« Signé : Le Conseil général delà commune de Strasbourg. »
La suite de la discussion sur la création de petits assignats est reprise.
Messieurs, l'Assemblée nationale a décrété, le 29 septembre dernier, « qu'il n'y aurait pas en circulation au delà de 1,200 millions d'assignats, compris les 400 millions décrétés les 16 et 17 avril, que ceux qui rentreront dans la caisse de l'extraordinaire seront brûlés, et qu'il ne pourra en être fait une nouvelle fabrication et émission sans un décret du Corps législatif, toujours sous la condition qu'ils ne puissent ni excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1,200 millions ne circulation. »
Il est très important de se pénétrer des dispositions de ce décret, parce qu'il doit être bien entendu, quelle que soit la division, ou quelles que soient les fractions que vous donnerez aux assignats, que toute nouvelle fabrication et émission (même avec un décret du Corps législatif) sera toujours sous la condition qu'elle ne pourra excéder la valeur des biens nationaux, ni se trouver au-dessus de 1,200 millions à la fois en circulation.
Pour observer avec exactitude et respect cette dispositions alutaire,qui a été, j'ose le dire, la sauvegarde de la fortune publique, dans la création nécessaire d'une forte quantité de papier-monnaie, il ne suffit pas de se renfermer scrupuleusement dans une fabrication ou une émission qui n'excédera pas les 1,200 millions d'assignats décrétés les 16 et 17 avril et 29 septembre 1790; il ne suffit pas même d'être assuré que l'existence des biens nationaux invendus est égale à cette somme, il faut encore combiner vos assignats en émission avec les délégations que vous avez données, et que vous continuez de donner chaque jour sur les biens nationaux par vos reconnaissances provisoires de liquidation, qui peuvent être reçues en payements desdils biens, parce que l'esprit et l'intention bien évidente de votre décret du 29 septembre a été que la quotité des assignats en émission, réunie à celle des recon-naissances provisoires de liquidation, recevables en payement des biens nationaux, ne puisse jamais en excéder la valeur connue.
Je ne rappelle ces bases, si sagement établies, et sur lesquelles repose la confiance qui est due aux assignats, et le succès éprouvé des ventes des .biens nationaux jusqu'à ce jour, que parce qu'il me semble qu'on ne devait pas discuter la motion de M. Rabaud sous le point de vue saisi par les préopinants.
Il n'est point question, dans cette motion, d'accroître l'émission de notre papier-monnaie, ni de mettre en circulation des assignats au delà de la somme que vous avez décrétée le 29 septembre 1790, et de la proportion dans laquelle vous devez toujours maintenir cette émission avec la valeur connue des biens nationaux ; une pareille idée n'a pu être conçue par aucun des honorables membres de cette Assemblée, En effet, les conséquences fâcheuses qui résulteraient de toute variation de principes sur des matières si importantes et déjà discutées à fond ne pourraient que jeter le plus grand discrédit, tant dans le royaume que dans l'étranger, sur l'esprit qui régit l'Assemblée.
U s'agit donc uniquement de déterminer quelle division et quelles fractions vous pouvez donner aux assignats en proportion des besoins impérieux du public, et en raison de la disparition effrayante du numéraire.
Il n'est point question aujourd'hui de faire l'expérience d'un papier-monnaie : les assignats existent; ils ont un bon crédit, et leur disproportion avec l'argent tient à de3 causes que je n entreprendrai pas de vous développer ici, parce qu'elles m'entraîneraient dans de grands détails ; mais je crois qu'elles sont assez graves et importantes pour être prises en considération dans des dispositions subséquentes à celles qui font aujourd'hui l'objet de votre délibération ; dispositions d'ordre, de prévoyance et réglementaires, qui seront inévitablement l'objet de votre sollicitude. Sans doute, à la suite de la délibération actuelle, vous recommanderez à votre comité dss finances de vous faire connaître incessamment les causes de la rareté du numéraire et les seuls moyens efficaces d'y remédier.
Je ne dois cependant pas vous dissimuler que l'incertitude dans laquelle on est encore en France et dans les pays étrangers, sur le succès et sur l'exécution efficace de notre nouveau système d'impôt, est une des causes les plus puissantes de la perte des assignats contre 1 argent, et de la disproportion énorme des changes : cette cause ne disparaîtra que lorsque, l'impôt réparti et perçu, on aura acquis la conviction que vos biens nationaux ne seront pas consommés par vos dépenses ordinaires, par votre ancien déficit, et par les nouvelles dépenses que la Révolution a occasionnées.
Persuadons-nous encore que, quelles que soient vos dispositions dans la question actuelle, votre papier-monnaie, vos assignats étant esseutielle-ment un engagement national, 'malgré leur hypothèque, on ne considérera la nation française bien réellement en état de remplir cet engagement, qu'autant que la paix et le bon ordre seront bien établis dans le royaume, et la force publique affermie.
La quotité des assignats et les clauses de leur création sont doue
reconnues, la qualité de l'assignat hypothéqué sur les biens nationaux,
aussi reconnue, est donc bonne en elle-même, et n'éprouve que des
inconvénients de circonstances auxquelles l'Assemblée peut toutefois
remédier ; ainsi la délibération actuelle doit se réduire à déterminer
si on peut utilement, et sans inconvénient, diviser les assignats en de
plus petites fractions que celles qui existent et si ce moyen, proposé
avec confiance pour faciliter au peuple ses échanges, tournera
réellement à son avantage. Rendons-nous, de grâce, mutuellement la
justice de croire que cet amour du peuple n'estpas confiné exclusivement
dans le cœur de ceux de cette Assemblée qui ont toujours ce mot à la
bouche. Tout représentant du peuple doit amour et fidélité à ses
commettants; mais, législateurs honorés de son choix, nous devons à
nous-mêmes de l'aimer avec connaissance intime, que la déférence à ses
volontés ne viendra pas, en résultat, à lui être funeste; car alors ce
même peuple nous blâmerait avec raison d'avoir obtempéré à ses désirs,
quand il ne nous a nommés que pour le défendre contre tous les dangers,
de quelque nature qu'ils puissent être. Ce que je dis, au reste, sur
cette question des assignats, peut s'appliquer désor-
Quant à la division des assignats en fractions de 50 livres jusqu'à 5 livres, j'estime que l'expérience seule peut nous apprendre si cette mesure aura d'aussi grands inconvénients que ceux dont on nous a menacés, et observez bien que l'expérience d'une subdivision d'un papier-monnaie déjà mis en émission, en fractions plus ou moins fortes, ne doit pas s'assimiler à l'expérience qu'on se proposerait de faire de la création d'un papier-monnaie, et à la teutative d'une pareille ressource. Lorsqu'on a créé un pareil numéraire, on ne peut faire cesser son expérience qu'en le remboursant ou en l'éteignant par la vente et le produit réalisé de vos biens nationaux; et certes, on n'est pas le maître d'interrompre à volonté une pareille expérience ni de la faire cesser; mais on peut entreprendre avec plus de confiance l'expérience de diviser un papier-monnaie en fractions de plus ou moins fortes sommes, parce que le Corps législatif est toujours le maître de retirer à volonté celles qui pourraient faire naître dans la circulation des inconvénients plus ou moins graves, en raison de ce qu'elles seraient de trop fortes ou de trop petites sommes.
Je suis donc d'avis que nous pouvons hasarder l'expérience de diviser une portion des assignats, décrétés les 16 et 17 avril, et 29 septembre, en petites fractions, et en autoriser l'émission, parce que, si leur circulation était reconnue entraîner des inconvénients trop graves, elles seraient immédiatement retirées et frappées d'extinction dans la caisse de l'extraordinaire, et remplacées par des assignats de plus forte somme.
J'ai dit que l'expérience seule peut déterminer si cette mesure aura des inconvénients aussi importants que ceux qui ont été annoncés par les préopinants. Il en est cependant deux très graves qui me paraissent inévitables, mais dont un décret réglementaire, bien médité, subséquent à celui qui vous est proposé, pourrait affaiblir les effets.
L'un de ces inconvénients dérive de l'indispensable prévoyance de circonscrire la fabrication, l'impression et la signature des assig ats dans le plus petit nombre d'ouvriers possible, pour éviter la contrefaçon, qui va devenir encore de plus grande conséquence, lorsque vous répandrez cette monnaie jusque dans l'intérieur des campagnes, et dans les mains d'individus hors d'état d'en reconnaître les véritables signes dis-tin ctifs. Il sera difficile, je crois, en assujettissant cette nouvelle fabrication aux mêmes précautions employées jusqu'à ce jour, de mettre plus de 30,000 de ces nouveaux assignats en émission par jour, lesquels à 5 livres ne donneraient qu'un million par semaine, et 4 millions par mois ; c'est une bien petite somme pour satisfaire romptement le public dans ses besoins, et il est ien a craindre que les premiers millions, mis ainsi en émission, ne se vendent presque au même prix que les écus. et n'occasionnent de nouvelles rumeurs dans le peuple, qui croira (parce qu'on le lui suggérera), que c'est une suite de mauvaise volonté ou d'accaparement. Pour éviter cet abus, il sera peut-être indispensable que vous ordonniez que l'émission de ces nouveaux assignats soit suspendue jusqu'au moment où il y en aura une assez grande quantité de fabriqués pour en répandre très abondamment dans le public, et suffire à toutes les demandes et tous les besoins. Un second inconvénient qui a été suffisamment exposé par les préopinants, c'est celui de faire descendre la lutte qui s'établit toujours entre celui qui paye et celui qui reçoit, dans la classe des ouvriers et des petits détaillants. Lorsqu'il n'y avait pas d'assignats au-dessous de 200 livres, les débats des appoints n'avaient lieu que dans les caisses un peu fortes. L'argent étant cependant rare, on a cru remédier au mal par la création des assignats de 50 livres. Quel en a été le résultat? Celte création a affranchi ces caisses de payer en argent; le détaillant, depuis leur émission, a moins reçu de numéraire, ses transactions ordinaires étant au-dessous de cette somme, il a toujours été assujetti à s'en procurer. La création des assignats de plus petites fractions affranchira évidemment à son tour cette classe d'individus des payements en écus, mais elle fera descendre ainsi que je viens de le dire, la lutte des appoints dans la classe des ouvriers et des petits détaillants.
Pour éviter ce second inconvénient, il sera donc également indispensable que l'émission de ces nouveaux assignats (mais non leur fabrication) soit suspendue jusqu'à ce qu'il y ait une suffisante quantité de monnaie d'argent et de monnaie de cuivre de fabriquée pour satisfaire abondamment aux besoins que le peuple aura continuellement de subdiviser dans ses payements ordinaires une monnaie de 5 livres, et qu'il soit encore établi dans chaque municipalité du royaume un bureau public où cet échange d'assignats à 5 livres contre de la monnaie d'argent ou de cuivre soit effectivement et efficacement effectué pour les besoins du peuple sans aucuns frais quelconques, ce qui ne pourrait avoir lieu que lorsque la monnaie d'argent et la monnaie de cuivre, que vous avez décrétées, seront fabriquées. C'est par cette raison que je demande que l'émission de petits assignats ne soit faite que lorsque l'émission de la petite monnaie aura lieu.
Je me résume dans le projet de décret que j'ai l'honneur de vous présenter :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale déclare
qu'elle ne veut définitivement statuer sur le remplacement des 100
millions d'assignats rentrés à la caisse de l'extraordinaire par le
produit de la vente des biens nationaux, et qui n'ont été annulés et
brûlés que dans les termes et conditions du décret du 29 septembre
1790.
A cet effet, elle charge ses commissaires de la caisse de l'extraordinaire, les comités d'aliénation, de liquidation et de finances réunis, de lui présenter incessamment un aperçu de la valeur connue des biens nationaux, et un état des délégations sur ces biens actuellement expédiés, soit en assignats en émission, soit en reconnaissances de liquidation recevables en payement desdits biens.
« Art. 2. Sur les 1,200 millions d'assignats crées par les décrets des 16 et 17 avril et 29 septembre 1790, il en sera fabriqué une portion en fractions de 5 livres.
« Art. 3. Ces nouveaux assignats ne seront mis en émission que, préalablement, il en ait été fabriqué une quantité suffisante pour en faciliter en même temps la circulation dans tous les départements et satisfaire librement aux demandes et aux besoins du public.
« Art. 4. Il sera procédé le plus promptement Possible à la fabrication
de la monnaie de cuivre déjà décrétée, et les assignats de 5 livres ne
seront mis en émission qu'à la même époque où
« Art. 5. Il sera établi dans tous les districts une caisse gratuite pour échanger les assignats de 5 livres contre de la monnaie de cuivre.
« Art. 6. Dans le cas où la division des assignats, dans les formes déterminées par le présent décret, ainsi que par les précédents, ne produirait pas dans la circulation l'avantage espéré, le Corps législatif changera ces divisions en tout ou parties, en celles que l'expérience aura indiqué être les plus convenables, » (Applaudissements.)
appuie l'opinion de M. Le-couteulx de Canteleu.
Je propose d'ajouter quelques observations de fait, soit pour appuyer ce que le préopinant vient de dire, soit pour préparer des amendements à plusieurs articles.
Le préopinant pense que l'on ne doit faire dam ce moment aucune nouvelle émission d'assignats, et je suis pleinemt nt de son avis. La valeur totale des biens nationaux n'étant pas encore parfaitement connue, cela pourrait porter atteinte à la confiance que méritent les assignats, si on les multipliait trop considérablement dans le moment actuel ; mais j'observe à cet égard qu'il est très difficile de faire des petits coupons d'assignats sans augmenter l'émission.
Les commissaires de l'extraordinaire se sont fait remettre hier l'état des assignats qui sont en circulation ; l'état de ceux qui sont dans la caisse à trois clefs, suivant les différentes coupures. Il y a dans cette caisse pour 60 millions d assignats de 2,000 livres. Vous jugez qu'il est très facile sur cette masse de 60 millions d'en prendre une partie pour la convertir en petits assignats, et pour faire l'expérience qu'a proposé le préopinant; expérience qui, je crois, déterminera ensuite à multiplier le nombre de ces petits assignats.
Je suis de son avis aussi, lorsqu'il observe que l'on ne doit mettre les petits assignats en circulation, qu'autant qu'il n'y en aura un grand nombre. C'est une faute que nous avons faite, lors des assignats de 50 livres qui ont paru d'abord en petites quantités, les agioteurs s'en sont saisis, et dès le commencement ou les a vendus; au lieu que si l'on verse par masses un nombre assez considérabfe de petits assignats, la facilité de les accaparer ne sera pas la même; on évitera l'agiotage à cet égard. Le préopinant propose de faire des assignats de différentes coupures depuis 5 livres jusqu'à 50 livres. Je crois que cette mesure est inutile, et qu'elle peut avoir es inconvénients. Si vous multipliez beaucoup les coupures, il faudra plus de temps pour préparer les instruments, et causer de i'e m barras et des erreurs dans la circulation.
Le préopinant a demandé que les petits assignats ne fussent mis en émission qu'au moment où vous auriez de la petite monnaie qui pourrait circuler avec la plus grande facilité. Les machines pour la fabrication des assignats existent et nous pouvons nous en servir. Je suis toujours étonné que la fabrication di-s, petites monuaies qui, à mon avis, pourrait être encore plus prompte que celle des petits assignats, ait tardé si longtemps, et je crois qu'il est indispensable que l'Assemblée prenne enfin des mesures pour faire cette petite monnaie, après laquelle on nous fait.attendre fort mal à propos. (Applaudissements.)
On dit qu'il y a une foule de soumissions faites pour fournir, a partir de 15 jours, 1,000 marcs d'une monnaie de cuivre parfaite. Je ne sais pas ce qu'il faut pour celte émission; ce que je sais bien, c'est qu'il est possible de faire très promptement de la petite monnaie de cuivre; ce moyen est de se servir de l'ancienne empreinte., J'aime mieux avoir tout de suite des sous comme ceux que nous avons actuellement,fussent-ils même moins parfaits, que d'avoir des sous beaux comme des médailles, que nous serons obligés d'attendre. (Applaudissements.)
J'adopte le décret, sauf quelques amendements. Par exemple, un qui est extrêmement nécessaire, c'est d'ordonner à votre comité monétaire d'ordonner aux agents du pouvoir exécutif, enfin à toutes les personnes de qui la chose dépend, que dans le délai le plus court, d'une quizaine au plus, ou nous apporte des pièces de petite monnaie fabriquées; cela doit être possible.
le jeune. Les personnes qui combattent les petits assignats, ne les combattent plus au moment où on leur présente la possibilité de les échanger contre de la petite monnaie de cuivre; ainsi tout le monde est d'accord là-dessus.. (Murmures à droite; applaudissements à gauche.)
Je vais prouver qu'on n'est nullement d'accord.
le jeune. Je vais prouver qu'on peut être d'accord sur les petits assignats, lorsqu'il sera possible de les échanger à volonté contre de la monnaie de cuivre, lorsqu'il sera établi des bureaux d'échange dans chaque district.
Mais cela n'est pas possible !
le jeune. Voici ma raison : la monnaie de cuivre, par son poids incommode, ne sera acceptée qu'au dernier instant cùle propriétaire d'assignats pourra en faire usage. Qu'arrive-ra-t-ii alors? C'est que l'homme qui changera un assignat de 50 livres contre 10 assignats de 5 livres, en gardera 9 de ces derniers et n'en échangera qu'un contre de la monnaie, parce qu'il serait fort incommode d'avoir un poids énorme de 10 fois 100 gros sois.
Il est donc très utile d'avoir et de petits assignats de 100 sols et un nombre très considérable de millions de monnaie de cuivre telle qu'on vous l'a proposée et je crois que l'Assemblée doit diriger principalement son attention sur la nécessité d'avoir promptement cette grande quantité de monnaie de cuivre. Mais j'observe à M. Camus qu'il nVst pas indifférent de. passer actuellement un marché avec les compagnies qui peuvent s'offrir; car si, on paye avec du cuivre, il faudra acheter ce cuivre, et vous ne pouvez acheter qu'avec de l'argent.
Mais nous avons des cloches 1 Pourquoi n'en pas faire usage? Il faut en décréter la vente à des fabricants de monnaie qui solderont en sois; par ce tnoyen, l'Assemblée aura à sa disposition une grande masse de métal qui pourra être utilisée. (Applaudissements.)
Il s'agit aujourd'hui de prendre des mesures pour bâter l'émission d'une
petite monnaie de cuivre ; tout le monde est de cet avis car tout le
monde soupire après une petite monnaie de cuivre. Mais il s'agit de
décider si ces assignats de 5 livres sont funestes ou utiles. Je crois
qu'il y a un grand dissentiment da os l'Assemblée, alors je demande que
la délibération
Je ne puis qu approuver la proposition de M. Camus à l'appui de celles de M. Lecouteulx, de M. Defermon et d'autres bons citoyens qui nous ont présenté 1 idée des coupons, en supposant une pièce carrée valant 20 livres, coupable en portions de 10 livres et de 5 livres : chacune de ces portions, prise séparément, formerait un assignat particulier et toutes réunies par 2 s'il s'agit de coupures de 10 livres, par 4 s'il s'agit de coupures de 5 livres formeraient à la volonté de chacun un seul assignat de 20 livres.
J'observerai, d'ailleurs , à l'Assemblée, que j'ai eu, au sujet de la question qui nous occupe actuellement, de très longues conférences avec M. de Beaumetz. Après avoir été mon adversaire dans cette discussion et avoir combattu par des raisons puissantes la motion que j'ai 'faite, M. de Beaumetz a fini par se rapprocher de mes idées sur la nécessité d'une émission de petits assignats, qu'il admet concurremment avec de la petite monnaie.
Je demande que l'Assemblée veuille bien l'entendre et le prier de donner lecture du projet de décret que nous avons rédigé ensemble à cet égard et qui me semble renfermer les vues les plus sages, les plus utiles et les plus concilia-toires.
Point d'argent; du cuivre. Les artistes qui ont offert de faire de la monnaie des cloches doivent faire demain une expérience devant M.Rabaud, et on pourra vous rendre compte lundi prochain de la confiance que vous devez leur accorder. S'il résulte de ces expériences que l'on peut se livrer à ce travail, on pourra aussi fournir une immense quantité de petites monnaies de ce genre : et si l'expérience n inspire aucune confiance en leur procédé, alors il faudra en revenir à la monnaie de cuivre pur, et vous n'aurez aucune difficulté, en ordonnant la fabrication sur-le-champ dans toutes les monnaies du royaume.
J'ai déjà eu l'honneur de vous prévenir que la commission administrative des monnaies est fermée, qu'elle allait s'assembler et que sous 15 jours le comité serait dans le cas, d'après ses observations et ses combinaisons, de présenter à l'Assemblée un mode de fabrication de menue monnaie d'argent, qui sera combiné de manière à ne plus permettre aux fondeurs qui accaparent les espèces de la détruire. C'est d'après ces vues que j'ai demandé un ajournement de 15 jours sur le projet des assignats de51ivres, qui est proposé. Je crois qu'il est facile de vous persuader que si vous rétablissiez l'ordre dans vos menues monnaies, et si vous nous mettez à portée d'en fabriquer une grande quantité, la fabrication des petits assignats ne deviendra plus nécessaire; car alors la confiance se rétablira d'elle-même, et les écus soustraits à la circulation y reparaîtront.
Quant à l'expérience qui a été ordonnée dimanche sur la matière des cloches que MM. Saner et Briatte prétendent avoir trouvé le secret de rendre malléable, ils craignent, en faisant une expérience publique, de divulguer un secret qui, dans ce moment-ci, est leur espérance ; mais la confiance particulière qu'ils portent à M. de Boulflers et à moi les a mis dans le cas de me dire que demain ils feraient leur expérience- tout entière et que d'après l'opération qu'ils auraient faite sous nos yeux, nous serions dans le cas de rendre compte à l'Assemblée, si elle voulait spéculer sur la fabrication de cette matière de cloches, si le succès répond à l'annonce : je vous déclare que sans attendre la fabrication des coins qui ont été décrétés, il existe un carré entre les mains d'un des meilleurs graveurs de Paris, qui représente le serment du roi à la fédération. Ce carrées! de la plus grande beauté ; il peut être employé à la fabrication, à faire une très belle monnaie, dont 1 émission suffirait pour calmer nos inquiétudes.
Pour avoir plus tôt I émission de la petite monnaie on pourrait faire fabriquer sur les anciens coins.
La question actuelle me parait renfermée dans des termes très simples. Lorsqu'on a proposé l'émission d'assignats de 5 livres, je n'ai eu qu'une objection à faire sur laquelle tous mes raisonnements ont toujours porté ; j ai dit : vous transportez la difficulté de trouver des écus sur la difficulté de trouver de la monnaie. Dès qu'on m'eut répondu que pour remédier à cet inconvénient on fabriquerait de la petite monnaie, et qu'il y en aurait suffisamment pour changer les assignats de 5 livres, la cause de mes dissentiments avec l'auteur de la motion a cessé.
Quant à la motion de M. de Cazalès tendant à séparer la question de l'émission des petits assignats et celle de l'émission de la petite monnaie et de ne traiter actuellement que la première je ne puis que la combattre. Tous les bons citoyens qui voyaient quelques inconvénients dans l'émission des petits assignats, n'ont plus le moindre scrupule quand on leur offre de faire marcher de pair avec cette émission celle de la monnaie de cuivre.
Il n'y a pas le moindre doute que la petite monnaie de cuivre sera le plus puissant véhicule des petits assignats. Il faut, en effet, un intérêt quelconque qui fasse préférer ces derniers ; cet intérêt se trouvera dans l'embarras, dans l'incommodité d'une grande abondance de monnaie de cuivre : l'homme le plus entêté contre les assignats chargera peut-être ses poches de 100 de 200 sous, mais il ne se chargera pas de 1,000 ou A000 sous; le poids le fera donc pencher en faveur des assignats.
C'est dans cet esprit que j'ai rédigé, d'accord avec M. Rabaud, le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er. Il sera procédé à la fabrication
d'as-signats de 5 livres, jusqu'à la concurrence d'une somme de 100
millions, en remplacement de pa-™l|e somme d'assignats de 2,000 livres,
et de 1,000 livres, qui seront supprimés.
« Art. 2. Ces nouveaux assignats ne pourront être mis en émission qu'en vertu d'un nouveau décret, lequel ordonnera, en même temps, l'ouverture d'un bureau dans chaque district, auquel on pourra échanger à volonté lesdits assignats contre de la monnaie de cuivre.
« Art. 3. Pour parvenir à la fabrication d'une quantité suffisante de monnaie de cuivre, l'Assemblée nationale ordonne que la totalité du métal des cloches appartenant à la nation, et non nécessaires au culte public, sera vendue par adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur, payable en sous fabriqués au titre et poids des sous actuels.
« Art. 4. La fabrication de la monnaie de cuivre occupera, sans discontinuation, au moins un balancier dans chacun des hôtels des Monnaies du royaume, jusqu'au parfait payement du montant de l'adjudication. .
« Art. 5. La fabrication d'une monnaie d argent en pièces de 30 et de 15 sous, ordonnée par un précédent décret, sera combinée de manière, pour le titre et le poids, à ce qu'il n'y ait aucun bénéfice à fondre cette monnaie. »
A droite : Ah! voilà le grand point!
Ce dernier article, dans lequel il y a une très profonde vérité, mais qui tient à de grands principes, à ceux du système monétaire, pourrait être ajourné et renvoyé aux comités réunis des finances et des monnaies, car l'altération de la monnaie à fabriquer pourrait donner à celle-ci un certain discrédit.
On cherche à favoriser la classe la plus pauvre du peuple; et c'est pour cette classe que je demande qu'il ne soit mis en émission aucuns petits assiguats que dans l'instant où vous aurez une quantité suffisante de monnaie de cuivre pour pouvoir les changer.
Plusieurs membres : La discussion fermée 1
(L'Assemblée ferme la discussion.)
président, quitte le fauteuil.
ex-président, le remplace.
(1). Je demande la parole pour prouver que vous devez ajourner la question, et je m'appuie sur ce que vient de dire à l'instant M. de Beaumetz. Après avoir fait les objections les plus fortes contre les assignats, il s'est réuni aux partisans de ce système. Si effectivement il était vrai que l'assignat dût désormais être échangé contre la monnaie, sans aucune perte, le raisonnement qu'a fait M. de Beaumetz serait très juste. Mais quel est le moyen qu'on nous présente pour nous assurer que 1 assignat de 5 livres sera échangé sans aucune perte contre la monnaie qui le subdivise ? Ce moyen est d'établir différentes caisses dans différents districts où cet assignat sera échangé contre de la monnaie de cuivre que le Corps législatif y aura fait déposer. On me dit qu'il n'y aura point de perte, il faut donc que je prouve qu il y en aura.
L'assignat de 5 livres chassant de la circulation l'écu qu'il remplace (murmures) rendra votre numéraire réel beaucoup plus rare...
Un membre à gauche : La discussion est fermée.
Si l'Assemblée ne veut pas me permettre d'enchaîner mes idées, il me sera impossible de lui donner la moindre explication sur l'ajournement que je propose.
L'assignat de 5 livres chassant de la circulation l'écu qu'il remplace,
il arrivera que l'avantage qu'eût obtenu cette monnaie daus les premiers
moments, en rendant les écus moins nécessaires, sera bientôt compensé
par les inconvénients de leur plus grande disparition. Le
On vous propose, pour éviter cette inégalité, pour que cette perte malheureusement nécessaire ne retombe pas sur la classe la plus indigente du peuple, on vous propose d'établir dans les différents départements des dépôts de monnaie de cuivre, contre laquelle on échangera à volonté les assignats de 5 livres. Pour que ces échanges à volonté soient faits, puisqu'il existera une perte réelle, ou une perte d'opinion si vous vo lez, entre l'assignat de 5 livres et la monnaie. Il faudra qu'elle soit supportée par quelqu'un ; si elle est supportée par l'Etat, et que vous fassiez une monnaie vraie (or, j'appelle une monnaie vraie celle qui a la valeur qu'annonce son empreinte ; car il n'est pas nécessaire pour qu'une monnaie soit fausse monnaie, qu'elle soit composée d'un métal à un mauvais titre, il suffit qu'elle n'ait pas le poids, qu'elle n'ait pas la valeur réelle que l'empreinte annonce) ; si, dis-je, vous établissez une vraie monnaie, l'Etat perdra le surplus de cette monnaie. Et d'ailleurs cet état deviendra constamment abusif, parce qu'alors il y aura profit à répandre celte petite monnaie qui n'aura que l'empreinte de sa valeur, après l'avoir obtenue contre l'assignat.
Si vous établissez au contraire une monnaie qui n'ait pas une valeur réelle ; qui ne soit pas égale à ce que son empreinte annoncera, vous établirez une lausse monnaie, et vous n'aurez en rien changé le sort de l'homme qui sera obligé de changer son assignat contre cette petite monnaie, et qui éprouvera constamment la même perte; car il est parfaitement indifférent qu'il éprouve cette perle en recevant un moins grand nombre de pièces de monnaie, on qu'il l'éprouve en recevant un nombre de pièces de monnaie qui ont une valeur moindre. Ainsi, la perte sera toujours rejetée de l'homme riche sur le pauvre, du fabricant sur l'ouvrier, de celui qui reçoit et qui donne des payements de 100 livres sur celui qui ne reçoit et qui ne donne des payements que de 5 livres. Cette injustice est extrême; et je ne doute pas que si la conséquence odieuse du système qui nous a été présenté, avait été suffisamment aperçue par l'Ass mblée, ce système n'aurait pas trouvé un seul défenseur.
J'épargne à l'Assemblée qui me parait fatiguée de celte discussion, le
nombre des ra sons puissantes qui s'élèvent encore contre la fabrication
de petits assignats; mais ce qui est généralement reconnu, c'est que
tous les partisans de petite monnaie ont été obligés de convenir que,
pour en alléger Pinonvénient, pour que les maux qu'elle produirait
fusseut moins graves, il était nécessaire qu'elle se trouvât combinée
avec une abondante émission de petite monnaie; il
Monsieur le Président, la discussion est fermée.
Que l'Assemblée ne précipite pas une mesure sur la foi trompeuse et peut-être illusoire d'un remède qui se trouvera probablement impossible. 11 semble qu'il ne serait pas sage de décréter ce te mesure avant que vous soyez certains que les moyens qui devront la rendre supportable, — je dis supportable car il est physiquement impossible qu'elle soit jamais bonne, soient palpables et démontrés jusqu'à l'évidence.
Je demande en conséquence qu'on ajourne le projet (murmures à gauche) d'ici à un mois. (Nouveaux murmures.)
A cette époque les Hôtels des Monnaies auront sans doute fini leur travail : vous pourrez être certains d'avoir une masse considérable de menue monnaie ; vous en connaîtrez d une manière sûre la combinaison, et vous prendrez alors le parti que vous suggérera votre prudence; et si des circonstances plus heurei ses ont faité\anouir l'embarras momentané dans lequel nous nous trouvons, je suis parfaitement sûr que vous ne décréterez pas ces assignats de 5 livres ; je suis sûr que vous vous applaudirez d'un retard qui nous aura délivrés d'une mesure infiniment fausse, et sur laquelle vous auriez infiniment de regrets quand l'embarras qui semble la provoquer sera passé. Je demande en conséquence que ce projet soit ajourné à 1 mois.
Plusieurs membres : La question préalable.
Je réduis la proposition à 15 jours.
Le délai de cet ajournement me parait propre à nous faire perdre un temps précieux, sans nous faire acquérir de nouvelles lumières. Les deux principales objections de M. de Cazalès sont : que les assignats perdront, et qu'ils ne paraîtront pas concurremment avec la petite monnaie. Je réponds en deux mots: comment les assignats de 5 livres, perdraient-ils quelque chose, lorsque dans tous les districts vousouvrirez des bureaux où vous offrirez de prendre sans perte? Mais, dit-il, puisqu'il y a une grande différence entre les assignats et la valeur des métaux, la perte à supporter retombera sur la nation. Je dis au préopinant qu'il n'a pas assez réfléchi que c'est en sous que nous vous proposons de changer les assignats de 5 livres et que le bénéfice actuel de la fabrication des sous, quand même il faudrait en acheter la matière, est tel que ce bénéfice couvrirait bien au delà la différence qu'il suppose entre la valeur des métaux et celle des petits assignats ; que ce bénéfice est pl us grand encore lorsque nous n'achetons pas le métal, et que c'est , avec un métal dont nous sommes propriétaires et dont nous ne tirerons aucun parti. Ainsi tout le bénéfice sera pour la nation, et il n'y aura pour elle aucune perte. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix, aux voix.
Je lui observe qu'il n'a pas assez médité le second article du projet actuel : il porte que les assignats, dont la fabrication sera commencée dès à présent, ne seront cependant mis en émission qu'au moment où la nation pourra ouvrir les bureaux où l'on pourra les échanger à volonté et en rendant un décret exprès. Par conséquent, ces deux mesures seront simultanées, et l'effet de l'une ne précédera pas l'effet de l'autre. On ne peut donc pas craindre de voir l'inconvénient, sans que le remède soit à côté.
Je demande donc qu'on aille aux voix sur ce projet.
Dès que M. le préopinant dit qu'il faudra un nouveau décret pour émettre ces nouveaux assignats, je me range de son avis. J'espère qu'à cette époque l'Assemblée nationale sera mieux instruite: la fabrication m'est parfaitement indifférente. Je retire donc ma motion d'ajournement. (L'Assemblée accorde la priorité au projet de décret de M. Briois-Beaumetz.)
Monsieur le Président, je demande à faire un amendement.
Vous avez la parole.
Messieurs, puisque la discussion est fermée, je ne rappellerai pas l'horrible inconvénient de multiplier excessivement, comme on veut vous y induire dans ce moment, la monnaie de billon.....
Plusieurs membres ; De cuivre !
dans le royaume ; il est des vérités politiques qui ne sont révélées que par les calamités publiques. Mais ce que je puis très bien dire, c'est que le projet qui vous est actuellement présenté — et c'est ce que personne ne pourra comprendre —
Plusieurs membres : Tant pis !
renferme deux propositions contradictoires.
Je m'explique. Quel est en effet votre but? C'est de rendre moindre la perte qui se fait dans l'échange des assignats contre l'argent; or, pour cela, vous n'avez pas besoin de petits assignats et de petite monnaie. Si l'émission des assignats de 5 livres se fait au moment où vous mettrez dans la circulation la monnaie de cuivre, je dis que la monnaie de cuivre ou les assignats seront évidemment inutiles. (Murmures.) Vous avez un grand intérêt à ne pas compromettre le crédit de votre papier-monnaie, et vous le compromettez. (Murmures.) Oui, Messieurs, la mesure qu'on vous propose en ce moment est en effet une mesure inconnue à tous les peuples, aux peuples mêmes qui ont un papier-monnaie, une mesure qui vous place dans la situation où était la France au moment où saint Louis revint des croisades. (Rires). Alors le numéraire avait totalement disparu, les louis d'or avaient été employés à la rançon du roi et des prisonniers français, et l'on créa une monnaie d'opinion. (Murmures à gauche.)
Votre petite monnaie va faire sur les écus de 6 livres le même effet que
vos assignats ont produit sur les sacs de 1,200 livres; elle les fera
disparaître, car il n'y a plus de grosses
Eh ! Messieurs, il y a 10 mois, quand on vous fit décréter des assignats de 50 livres, je vous prédis dans cette tribune que 6 mois ne s'écouleraient pas sans qu'on vous proposât de décréter des assignats de 6 livres ; on me répondit par des huées, voyez aujourd'hui si j'avais tort ou raison. (Murmures.) Je serai malheureusement justifié une seconde Jois.
En Angleterre on a essayé 5 fois de mettre en circulation des petits billets de 5 et de 6 livres ; on n'a jamais pu y parvenir. Savez-vous pourquoi? parce que la circulation de ces petites sommes est tellement rapide qu'il y avait tous les jours des billets qui passaient par 500 mains et dont le papier ne résistait pas une semaine; ce qui est arrivé en Angleterre arrivera en France; votre papier qui courra de main en main avec une grande rapidité sera continuellement déchiré.
La ligne de conduite qu'on vous propose est d'autant plus singulière que rien ne vous y force et que vous pouvez agir autrement ; le jour où vous aurez de la monnaie de cuivre, les petits assignats deviendront inutiles. Quel besoin avez-vous des petits assignats, lorsque vous avez, je suppose, pour 50 millions de menue monnaie pour suffire aux échanges journaliers? Oui, je le soutiens, émettre de petits assignats, c'est favo-nser l'agiotage au nom du patriotisme. (Murmures et interruptions à gauche.) Il ne faut pas vous faire illusion là-dessus parce qu'on ne voudra pas de notre petite monnaie, et que les gens qui échan-gent des assignats, excepté les marchands et les manu facturiers, veulent avoir des écus pour les séquestrer de la circulation. On se déterminera à de plus grands sacrifices parce que vous aurez rendu cette peste du papier public infiniment plus active et plus redoutable. (Murmures à gauche.)
A gauche : Aux voix ! aux voix, le décret !
Messieurs, je remplis un devoir sacré, je sers les vrais intérêts du peuple (Murmures)...
A gauche : A l'ordre I à l'ordre !
Un membre à gauche : N'affectez pas d'être l'ami du peuple.
Un membre : Vous ne faites qu'annoncer des malheurs, est-ce comme cela que vous servez le peuple?
La discussion est fermée, monsieur l'abbé, je vous prie de présenter vos conclusions.
J'ai souvent été obligé de eommencer par mes conclusions, qu'on me laisse une fois au moins commencer par les principes (Interruption)... Si l'Assemblée veut m'en tendre...
A gauche : Non ! non 1
A droite et au centre : Oui ! oui !
veut parler.
M. l'abbé Maury (s'adressant à M. Rabaud-Saint-Etienne). J'oserai observer que de prédicateur à prédicateur on se doit quelque complaisance. G'est à M. Rabaud à m'entendre. (Murmures et rires.)
A gauche : Votre amendement, monsieur.
Mon amendement est que la circulation de votre monnaie de cuivre, circulation sur laquelle vous comptez trop, car elle convient mieux à vos colonies qu'à un grand royaume vivifié par le commerce, je dis que la circulation de cette petite monnaie dont vous ne saurez que faire et pour laquelle vous serez trop heureux de trouver un jour l'égout de vos colonies pour vous en débarrasser. (Murmures à gauche.)
Elles ne s'en servent pas.
Je dis que cette circulation que vous voulez décréter rend parfaitement inutile l'émission de vos petits assignats; si vos petits assignats existent sans monnaie de cuivre, vous présentez un leurre au peuple, vous faites une dépense inutile, vous discréditez vos assignats, vous embarrassez le commerce.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
Je demande à l'Assemblée de développer mes motifs. Je parle pour la portion du peuple qui est trompée (Rires) et qui s'éclairera à ses dépens.
Je demande que l'Assemblée nationale ne décrète pas en même temps deux moyens extrêmes; ce sont deux remèdes pour un mal, et la duplicité du remède tuera le malade. Je demande que la circulation de la petite monnaie soit seule mise en émission el que les petits assignats soient proscrits comme la perte du peuple. Messieurs, vous l'avez promis à M. Dupont, parlant dans cette tribune, qui a été hué tout autant que moi (Rires) ; vous lui avez promis, pour nous accoutumer à vos papiers, de n'en pas faire au-dessous de 200 livres, et vous voyez où l'on nous mène; on nous en donnera bientôt pour payer nos fiacres (Rires et murmures.)] enfin, Messieurs, je ne le dirais pas si j'étais moins sincère (Rires) ; mais, Messieurs, je sacrifie au devoir ce que plusieurs d'entre vous pourraient voir de contraire dans mon opinion à mes intérêts personnels. Je dis que vos petits assignats ne vivifieront pas votre commerce et qu'ils achèveront de ruiner vos finances; souvenez-vous de ma prédiction. (Rires.)
Nostradamus est ressuscité.
Un membre à gauche : S'ils étaient mauvais, M. l'abbé Maury ne s'y opposerait pas.
Renfermez-vous dans votre amendement.
Si vous divisez les gros assignats, c'est un père de famille à qui vous
allez donner des milliers d'enfants qui vont ronger ses entrailles.
(Murmures.) Je conclus en un mot en déclarant à l'Assemblée que ce
décret, qui met simultanément dans la circulation de la monnaie de
cuivre et des assignats, me paraît
Je suis loin de penser, comme le préopinant, que des petits assignats soient inutiles. Je les crois infiniment nécessaires ; j je les crois sans aucun inconvénient, quand ils seront alliés à l'émission immense de monnaie de cuivre. Je ne crois point que l'existence de la monnaie de cuivre en grande quantité les rende inutiles; au contraire, je crois qu'elle en assure le crédit, et la raison en est simple : je la tire de l'incommodité même de cette monnaie, quand elle sera très abondante. L'empressement de changer cette monnaie contre les petits assignats sera égal à l'empressement de changer les petits assignats contre de la monnaie; et c'est cette circulation continuelle qui rendra l'usage des uns sans danger et l'usage des autres d'une grande utilité. (Applaudissements.)
Mais, Messieurs, comme avant de se déterminer absolument, il faut avoir saisi l'ensemble du plan que l'on propose, comme il faut en avoir calculé les inconvénients et les difficultés, je demande qu'avant de rendre le décret, comme il est certain que ces assignats circulant beaucoup s'useront fort vite ; comme il est certain qu'il faudra, partout où ils circuleront, que l'échange soit à portée et sous la main, je demande, avant tout, que le comité des finances soit chargé de présenter à l'Assemblée un plan précis sur les dépôts qui seront nécessaires dans le royaume, sur les frais de ces dépôts, sur les moyens d'assurer la fidélité des dépositaires, sur la manutention et sur la comptabilité, afin que vous ayez on système complet avant de prendre une détermination complète.
Je demande donc l'ajournement à huitaine pour recevoir du comité des finances le compte de cette administration.
J'appuie la motion. Je demande à présenter à l'Assemblée un calcul par lequel ie prouverai qu'il faut un an pour faire un million d'assignats; qu'on juge, après cela, de la lenteur de l'opération. D'ailleurs, il faut parer aux inconvénients dont l'expérience nous a convaincus. Vous savez combien le papier s'use dans le commerce. On vient de brûler pour 800,000 livres de coupons d'intérêt des 400 millions d'assignats; il n'y avait que très peu de temps que ces coupons étaient dans le commerce, et ils étaient absolument détériorés. Ces raisons me font conclure au renvoi au comité des finances et à l'ajournement.
Je conviens qu'un tiers des coupons étaient très maltraités et en partie brisés, mais ils pouvaient encore servir. D'ailleurs, une réponse bien plus forte, c'est que les coupons dont il s'agit appartenaient aux premiers 400 millions mis en émission ; or, je crois qu'il n'y a jamais eu de plus mauvais papier pour se ployer, pour être mis dans la poche, que le papier de ces assignats. Je soutiens, au contraire, que le nouveau papier, que le papier des 800 millions, est de nature, expérience faite, à pouvoir se chiffonner de toutes manières, sans se déchirer. (Interruption.)
Je demande que les poissardes soient entendues.
Les derniers assignats seront d'un très long service, et quant aux frais dont on voudrait vous effrayer, je crois que cette raison ne doit nullement nous déterminer à un ajournement; car ce que l'on vous propose n'est autre chose. Lors de la première émission, on a pu être trompé, et sur le papier, et sur les gravures, et sur d'autres objets; mais aujourd'hui, nous avons été à l'école de l'expérience, et les frais seront beaucoup moindres. De pareils motifs me paraissent donc incapables de déterminer l'Assemblée à un ajournement, et je demande qu'il soit rejeté.
L'Assemblée nationale a rejeté l'ajournement proposé sur la nouvelle émission d'assignats. Or, la proposition de M. de Montes-quiou et celle de M. l'abbé Maury ne sont, l'une et l'autre, qu'un ajournement. M. de Montesquiou, tout en reconnaissant l'utilité de la mesure proposée, en reconnaissant que rémission des assignats, étant simultanée avec une fabrication immense de monnaie de cuivre, qui n'entraînerait aucune espèce d'inconvénients et qui, dans l'état actuel de la circulation, est absolument indispensable, a néanmoins proposé une nouvelle mesure tendant à faire différer l'Assemblée de prononcer, soit sur l'émission des petits assignats, soit sur la fabrication de la monnaie de cuivre, ce qui est un véritable ajournement, et ce qui tendrait évidemment à faire perdre à l'Assemblée nationale le fruit d'une très longue discussion, à ramener cette discussion-là au moment où le comité des finances proposerait ses moyens d'exécution, et, enfin, à suspendre, sans aucune espèce d'utilité, une mesure non seulement utile, mais encore infiniment nécessaire.
Quant à la proposition de M. l'abbé Maury, lorsqu'il demande la division sur la proposition faite, il entend nécessairement que la proposition d'émettre de petits assignats soit ajournée.
Rejetée et non pas ajournée.
L'Assemblée a rejeté l'ajournement. Ainsi, s'il entend par-là qu'on n'émettra pas de petits assignats, c'est la question même sur le fond qu'il s'agit de décider. Je demande donc, Monsieur le Président, que l'on mette la question préalable sur toutes les propositions, sur lesquelles l'Assemblée a déjà émis son vœu, en rejetant l'ajournement, et que, dans cet esprit, on mette aux voix le projet de décret de M. Beaumetz, qui a déjà obtenu la priorité. C'est là la seule marche raisonnable, la seule marche prompte ; car je soutiens que toutes les propositions ouvertes, qui ne diffèrent que dans les détails, ne sont au fond que la même proposition et doivent, par conséquent, être rejetées par un seul et même décret. (Applaudissements.)
Messieurs (murmures et bruit).....
Messieurs, votre peine est inutile, car je ne veux point parler. M. l'abbé Maury et moi, nous faisons la motion expresse de rejeter la partie du projet de M. de Beaumetz relative à l'émission des assignats de 5 livres, en admettant la partie relative à l'émission d'une monnaie de cuivre. Voilà la manière de répondre à la question préalable proposée par une foule qui, par son nombre, supplée souvent aux raisons. (Bruit.)
Un grand nombre de membres : Aux voix 1 aux voix!
M. l'abbé Maury demande la division de la question de l'émission des monnaies de cuivre et de celle de l'émission de petits assignats, et il propose que l'émission ae la monnaie de cuivre soit seule décrétée.
La question préalable a été demandée sur cette motion, je la mets aux voix.
(L'Assemblée décrête qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la motion de M. l'abbé Maury.)
M. de Montesquiou demande qu'avant de statuer sur la fabrication de petits assignats, le comité des finances soit chargé de présenter à l'Assemblée un plan sur les dépôts qui sont nécessaires dans le royaume, sur les frais de ces dépôts, sur les moyens d'assurer la fidélité des dépositaires, sur la manutention et sur la comptabilité.
La question préalable a été également demandée sur cette motion, je la mets aux voix.
(L'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer, quant à présent, sur la motion de M. de Montesquiou.)
Je propose de réduire la somme de 100 millions d'assignats, portée dans le premier article du projet de M. de Beaumetz, à une moindre somme; et en voici la raison : c'est que les meilleurs calculs prouvent que le salaire de tous les hommes qui, en France, sont journaliers, est de 5,800,000 livres par jour. Or, certainement, ce besoin-là, pour la circulation, n'exige point une somme de 100 millions en petits assignats. (Murmures.) Je demande qu'il n'en soit décrété, quant à présent, que pour 25 millions.
J'observe qu'ici ce n'est qu'un échange d'assignat contre l'assignat, ce qui ne fait aucun accroissement d'émission. (Applaudissements.) De ce que la fabrication est longue on prétendrait en induire qu'il ne faudrait pas s'y livrer. Mais il faut remarquer que les premiers essais ont été des tâtonnements ; que le premier papier d'abord très mauvais a été perfectionné ; que des sociétés particulières qui ont leur intérêt personnel à bien surveiller, car l'intérêt personnel est toujours plus actif que l'intérêt public.
A droite : Nous le savons bien.
Je dis donc que les sociétés particulières sont parvenues à faire promptement de bien meilleur papier ; et l'on connaît le nouveau papier de la Caisse d'escompte. Quant à la rapidité, j'ose annoncer à l'Assemblée que des personnes zélées pour le bien public feront le papier avec plus de rapidité qu'on ne l'a encore fait.
Je penche pour la somme de 100 millions de petits assignats à mettre en émission ; je ne me dissimule pas qu'il faut du temps pour les fabriquer; je ne me dissimule pas que cette émission fera resserrer l'argent, et c'est ce qui me détermine à la quantité de 100 millions d'assignats ; car si l'argent disparaît, il faut du papier pour le remplacer : or, si vous faites trop peu de petits billets, il y aura accaparement de billets. Si l'on veut adopter le parti de remplacer les écus, il faut les remplacer complètement.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Blin.)
Je demande que les deux premiers articles du projet de décret soient mis ensemble aux voix.
J'y consens et je les réunis en un seul article que voici :
t L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Il sera procédé à la fabrication d'assignats de 5 livres, jusqu'à la concurrence d'une somme de 100 millions, en remplacement de pareille somme d'assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres, qui seront supprimés : lesdits assignats ne pourront être mis en émission qu'en vertu d'un nouveau décret, lequel ordonnera, en même temps, l'ouverture d'un bureau dans chaque district, auquel on pourra échanger à volonté les dits assignats contre de la monnaie de cuivre. » (Adopté.)
donne lecture de l'article 3 de son projet de décret ainsi conçu :
« Pour parvenir à la fabrication d'une quantité suffisante de monnaie de cuivre, l'Assemblée nationale ordonne que la totalité du métal des cloches appartenant à la nation, et non nécessaires au culte public, sera vendue par adjudication publique, au plus offrant et dernier enchérisseur, payable en sols fabriqués au titre et poids des sols actuels. »
Permettez-moi de vous observer que ces idées ont été examinées à votre comité ; qu'il a trouvé singulièrement de mal à s'y livrer, parce que du moment qu'une monnaie a dans le commerce une valeur plus forte que la valeur intrinsèque, c'est un appui puissant pour les faux monnayeurs ; je crois que c'est le cas d'ajourner et de renvoyer au comité.
J'y consens.
(L'Assemblée décrète le renvoi de l'article 3 du projet de décret au comité des finances.)
Je dénonce à l'Assemblée qu'une société d'agioteurs veut acquérir les cloches, tandis qu'il existe une autre société de très honnêtes gens qui offre de faire une monnaie avec ce métal sans l'acheter. Je demande que l'Assemblée discute la question de savoir si la matière doit être vendue.
donne lecture de l'article 4 de son projet de décret ainsi conçu :
« La fabrication de la monnaie de cuivre occupera, sans discontinuation, au moins un balancier dans chacun des hôtels des Monnaies du royaume, jusqu'au parfait payement du montant de l'adjudication.
Un membre propose de renvoyer cet article au comité des finances.
(Ce renvoi est décrété.)
donne lecture de l'article 5 de son projet de décret ainsi conçu :
« La fabrication d'une monnaie d'argent en pièces de 30 et de 15 sols, ordonnée par un précédent décret, sera combinée de manière, pour le titre et le poids, à ce qu'il n'y ait aucun bénéfice à fondre cette monnaië. »
Un membre demande l'ajournement de cet ar-
(Ce renvoi est décrété.)
Je propose à l'Assemblée une disposition additionnelle tendant à ordonoer aux comités des tiuances et des monnaies réunies de faire incessamment un rapport sur tous les objets de détails relatifs à la fabrication des petits assignats et de la nouvelle monnaie. La voici :
Art. 2 (nouveau).
« L'Assemblée nationale ordonne à ses comités des monnaies et des finances, réunis, de lui faire incessamment un rapport sur les moyens d'exécution relatifs, tant à la fabrication des assignats de 5 livres, qu'à celle de la monnaie qui doit être faite pour être mise en émission au même moment où ils seront distribués.» (Adopté.)
curé de Sainte-Madeleine-de¦ Troyes, abseot par congé, annonce son retour à l'Assemblée.
annonce l'ordre du jour de la séance de demain matin.
Une discussion s'engage sur le point de savoir si le rapport sur les corps de finances serait ou non renvoyé à l'ordre du soir.
La motion est faite que ce rapport reste à l'ordre du matim
(L'AssembKe, consultée sur cette motion, décrète que ce rapport restera à l'ordre du matin.)
lève la séance à trois heures.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
Seconde opinion de M. de Montesquiou sur les assignats de 5 livres.
Avertissement. L'opinion suivante aurait été lue à l'Assemblée nationale, à la séance du 6 mai, si la discussion eût duré plus longtemps. Le public ne l'eût jamais connue, si le décret rendu ce même jour avait statué définitivement sur les moyens et sur le régime entier de la fabrication et de l'émission des petits assignats; mais au point où en sont les choses, tous ceux qui croient avoir des vues utiles en doivent l'hommage à la chose publique; et ce d voir est encore plus sacré pour les représentants de la nation que pour le reste des citoyens. (Note de M. de Montesquiou.)
Messieurs,
Il serait bien à désirer que l'on ne fît jamais intervenir les passions ou les préjugés dans les questions que la raison froide et des calculs exacts doivent juger en dernier ressort. Celle qui est soumise à votre discussion se présente, aux meilleurs esprits, sous plusieurs rapports. Tous parlent du même point, tous tendent au même but; et s'ils varient sur les moyens d'y arriver, c'est de cette diversité même que doit jaillir plus certainement la vérité que vous cherchez.
Le peuple, nous a-t-on dit, réclame hautement les petits assignats : et cette volonté est, pour nous, la loi suprême. Me préserve le ciel d'en reconnaître jamais d'autre que la volonté générale, seule loi des peuples libres! Mais n'oubliez pas, Messieurs, que vous en êtes les organes, et que c'est au tribunal de la sagesse que doivent se prononcer ses arrêts. Là, les passions sont condamnées au silence; les premiers mouvements sont analysés, réprimés même, si le bonheur public l'exige. A quoi serviraient des législateurs sans force, sans prévoyance, entraînés par le flot qui les environne, et sacrifiant au vain désir de plaire un moment, la noble ambition d'être longtemps utiles? La volonté du peuple est imposante, sans doute, mais il est une loi plus imposante encore, plus sacrée pour nous, plus immédiatement confiée à notre surveillance; et cette loi suprême, la seule à laquelle nous puissions accorder ce titre, c'est le salut du peuple.
Je ne répondrai à aucune des déclamations que j'ai entendues dans cette tribune; je réduirai la question actuelle aux termes les plus simples; et rien ne sera plus facile, car nous sommes tous d'accord sur le fait principal. Nous convenons tous qu'il est urgent d'aider la circulation, et de lui rendre les intermédiaires qui lui manquent entre les grosses pièces de notre monnaie territoriale, et celles qui servent aux moindres besoins de la vie.
Que ce soit l'assignat qui perde au moment de l'échange, ou que Ce soit l'argent qui gagne, c'est une question oiseuse, puisque l'effet sera le même tant que le journalier ne pourra acquitter ses consommations qu'avec de l'argent, et qu'il ne pourra se procurer avec un assignat tout l'argent dont l'assignat représente exactement la valeur.
Or, voilà précisément le mal dont on se plaint, et qu'il s'agit de faire cesser. Le but auquel nous tendons est donc d'empêcher que les écus ne continuent de gagner contre les assignats, et notre moyen est de mettre d'autres signes de valeur en concurrence avec les écus dans les marchés.
Nous voulons ensuite que le nouveau signe de valeurs qui concourra avec les écus ne perde rien contre la monnaie; et pour cela, nous proposons une immense fabrication de monnaie de cuivre, afin de rendre facile, en tout temps et partout, l'échange au pair de ces nouvelles fractions d'assignais, contre une monnaie métallique propre aux moindres besoins.
Le problème serait donc entièrement résolu, au gré même des plus violents adversaires des assignats, si, dans toutes les parties du royaume, le porteur d'un assignat pouvait, à chaque instant, l'échanger contre des écus ou contre leur équivalent, et si partout cet équivalent d'écus pouvait être transformé, sans perte, en monnaie de métal.
Je crois la proposition clairement énoncée. Examinons maintenant lequel des deux systèmes qui vous ont été préseutés remplit le mieux toutes ces données.
M. Rabaut vous a proposé de faire fabriquer des assignats de 5 livres au
compte de la nation, comme vous avez fait fabriquer les précédents. Je vous
ai proposé de confier cette opération, dans toutes les villes principales, à
des maisons de commerce ou à des associations de
Si l'on me prouve que le moyen proposé par M. Rabaut pour mettre les nouveaux assignats en circulation est plus rapide et plus sûr que le mien, je me range aussitôt à cet avis; mais à la proposition d'une fabrication unique, faite comme la dernière par le Trésor public, j'ai objecté qu'une émission suffisante d'assignats de 5 livres serait d'une excessive longueur, et l'on n'a rien répondu à cette objection. J'ai dit que la fabrication en serait fort chère; qu'une circulation rapide les userait fort vite, quelque soin que l'on mît à les perfectionner; qu'ainsi l'on ne pourait les émettre sans procurer en même temps les moyens de les renouveler souvent; qu'en conséquence il faudrait établir presque partout des dépôts d'assignats et des dépositaires; que l'infidélité possible de tant de mandataires était un grand inconvénient; que l'impossibilité de tenir des comptes réguliers d'entrée et de sortie de cette innombrable quantité de billets en était un autre; et l'on n'a levé aucune de ces difficultés. Je peux dire même que l'on ne m'a opposé aucune théorie. Il en faut une cependant : on ne peut pas adopter un grand système sans s'occuper des moyens d'exécution.
Ces difficultés me paraissent insolubles en suivant, comme on vous l'a proposé, la méthode ordinaire et simple de la fabrication et de l'émission directe, telle qu'elle a été pratiquée jusqu'ici. Ces difficultés disparaissent en livrant 1 exécution de notre plan à des établissements de confiance, particulièrement surveillés par les corps administratifs; c'est là que se fabriqueraient, sous des formes générales et prescrites, des fractions représentatives des assignats donnés en échange, lesquels demeureraient en quantité suffisante déposés dans une caisse publique pour la sûreté de ceux qui seraient porteurs des nouveaux billets. Dans mon système, le quart des assignats déposés (et ce serait une condition expresse) serait employé à acheter à vos hôtels des Monnaies une somme égale de monnaie de cuivre, dont la fabrication est convenue. Alors les fractions d'assignats seraient constamment échangées à bureau ouvert et au pair contre cette monnaie. Alors le journalier, l'entrepreneur, le manufacturier serait à l'abri de toute perte, et personne n'aurait à craindre l'accaparement des gros sons, la plus incommode, mais, dans la circonstance où nous sommes, la plus utile des monnaies. Dès que les caisses d'échange seraient toujours ouvertes, il est clair qu'on y aurait bien rarement recours, et que les échanges de sous conU e les fractions d'assignats se feraient entre les citoyens et dans tous les marchés, sans le moindre embarras. Cest ainsi, Messieurs, que la combinaison de deux mesures, dont l'alliance est indispensable, aplanirait toutes les difficultés. Les fractions d'assignats seraient acquises librement, et pourraient toujours l'être; et la certitude de pouvoir toujours, ou reprendre des assignats, ou se procurer de la monnaie, les ferait infiniment rechercher.
Je demande à présent si j'ai fait, comme on a voulu me l'objecter, l'absnrde proposition d'autoriser les départements à frapper monnaie. Je demande si je mets un crédit particulier à la place du crédit national, tandis que toute l'opération repose sur le crédit des assignats et sur la facilité des échanges libres. Je demande enfin si, comme on l'a dit encore, j'ai parlé pour les petits assignats et conclu contre eux, tandis que je n'ai cherché que des moyens d'accélérer la jouissance d'un bien que ses plus ardents apologistes renvoient, sans s'en douter, à des temps éloignés, et exposent à mille difficultés de détail.
M. Rabaut, qui n'a pas encore répondu à mes objections, mais qui a été frappé de la lenteur d'une fabrication de petits assignats, et des inconvénients attachés aux nombreux dépôts nécessaires pour leur renouvellement, vous a laissé entrevoir le moyen d'employer des assignats métalliques. Je suis bien sûr qu'il sera bientôt détaché de cette idée. Son bon esprit en sentira tout le danger. Le grand intérêt qui solliciterait l'introduction furtive de pareils assignats dans le royaume exciterait la plus dangereuse contrebande. Les étrangers ont souvent fait passer en France de la monnaie de billon sous l'appât d'un gain très modique; mais heureusement le mal qu'ils nous faisaient n'était pas grand.
L'introduction des assignats de métal, au contraire, serait un fléau destructeur pour la nation ; car, en dernière analyse, il faudrait bien les payer, et la dette publique se trouverait accrue de tout ce que la fraude aurait eu l'art de faire pénétrer dans le royaume. Nos assignats peuvent se contrefaire, il est vrai; mais du moins il est possible de reconnaître les véritables des faux. Ils ont des signes secrets, des signatures connues : ce sont des indications certaines, que jamais des assignats de métal ne pourraient offrir à nos recherches. Il est donc impossible d'adopter ce système, sans courir les plus grands risques. Rien n'est inimitable en fait d'empreintes et de compositions métalliques ; l'incommodité de cette monnaie ne serait compeosée par aucun avan-tage.
Me demandera-t-on pourquoi je préfère les associations particulières à l'emploi de préposés du gouvernement, même pour l'exécution du plan que je propose? Je crois y avoir répondu d'avance. Je ne pense pas qu'il puisse y avoir de surveillance active et constante sans le concours de l'intérêt particulier. Une manutention immense comme celle-là, conduite par les moyens ordinaires, sera mal faite; et la seule négligence, en supposant même qu'elle fût notre unique danger, pourrait avoir les plus funestes conséquences.
D'ailleurs, n'avons-nous pas l'expérience du succès d'établissements semblables? Lyon a de petits assigoats libres qui soutiennent ses ateliers. On me répond qu'ils perdent 8 ou 10 0/0 : cela doit être, ils ont le sort des assignats, parce que la monnaie de cuivre n'y est pas associée. Joignez-y cette monnaie et des échanges à bureau ouvert : les assignats et leurs fractions ne perdront plus rien.
Les adversaires de ce système, qui, j'ose l'espérer, cesseront de l'être
quand ils m'auront bien entendu, ont cru le discréditer en disant que je
proposais des banques, des caisses d'escompte; comme si des banques, des
caisses d'escompte étaient la perte des pays qui savent s'en servir! Quoil
parce que notre ancien gouvernement avait abusé de tout, parce que son
despotisme n'avait pas respecté un établissement qui eût pu rendre de grands
services à l'Etat, et qu'il en a fait l'instrument et la victime de son
gaspillage, oublierons-nous que, depuis un siècle, des banques bien
organisées
J'ajoute en faveur de mon système une observation que personne n'a faite encore. M. Rabaut propose, ainsi que moi, les moyens d'échanger au pair les petits assignats, j'en crois le succès infaillible. Mais, en suivant son plan, comment celui qui voudra de petits assignats pourra-t-il s'en procurer? L'échange que M. Rabaut propose de faire pour les mettre dans le commerce, étant une fois consommé, y aura-t-il de nouveaux magasins où l'on puisse continuer d'en aller chercher? non, sans doute; une émission faite en vertu d'un décret, ne peut être excédée. On ne trouvera donc de petits assignats qu'au marché, comme à présent on y trouve des écus. Il faudra donc les acheter ; et ce que les écus gagnent aujourd'hui sur les assignats, les nouvelles fractions de 5 livres le gagneront. Ainsi la société n'éprouvera qu'une partie du bien qu'on cherche à lui procurer ; et peut-être paraîtra-t-il plus dur de perdre pour obtenir en échange un papier plus commode, que de perdre pour obtenir des écus. Cette considération mérite, je crois, qu'on y réfléchisse.
Une autre objection moins grave, mais qu'il ne faut pas omettre, c'est que pour réparer la destruction des petits assignats, pour en avoir partout à offrir à ceux qui n'auraient plus que des lambeaux, il faudra porter la fabrication au double ou au triple des billets qui seront dans le commerce. Alors,l'inconvénient que j'ai fait voir, et qui est attaché à la longueur de la fabrication, sera double ou triple de ce j'avais dit.
Les compagnies particulières parent à tous ces inconvénients. Leur intérêt sera toujours de changer des fractions d'assignats contre des assignats; ainsi l'un n'en manquera jamais. Leur obligation sera de fournir aux autres échanges : ainsi ils ne seront jamais interrompus. Le Corps législatif et le gouvernement, débarrassés du soin de diriger cette immense circulation, auront alors tous les motifs de sécurité : alors ils ne pourront craindre aucun abus sur la quantité d'assignats émis, puisque l'émission n'excédera jamais la somme décrétée.
Je pourrais peut-être ajouter à ces avantages celui de placer partout l'intérêt particulier en sentinelle contre les falsificateurs. Ces dernières raisons me paraissent péremptoires.
Je me résume, et je demande qu'avant tout l'opération de la vente des cloches et de leur transmutation en sous, jusqu'à la somme de 40 millions, soit ordonnée ; que le roi soit prié de la faire exécuter, car je crois que c'est le seul moyen qu'elle le soit; et que toutes les monnaies du royaume y soient employées.
Quant aux moyens de former des établissements particuliers, sans négliger aucune précaution de sûreté, dans tous les endroits où il sera possible d'en faire, pour mettre en circulation des assignats de 5 livres, avec la facilité de les échanger à bureau ouvert contre la nouvelle monnaie de cuivre ; je demande que le comité des finances soit chargé d'en concerter le plan avec le comité de constitution, et qu'il le présente sous huitaine à l'Assemblée nationale.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des procès-verbaux des séances de jeudi au soir et d'hier, qui sont adoptés.
Un membre propose d'ajouter à la fin du pre-m ier article du décret concernant les petits assi-g nats, et adopté dans la séance d'hier, ces mots : et réciproquement, et de rédiger en conséquence comme suit cet article :
Art 1er.
« Il sera procédé à la fabrication d'assignats de 5 livres jusqu'à la concurrence d'une somme de 100 millions, en remplacement de pareille somme d'assignats de 2,000 livres et de 1,000 livres, qui seront supprimés : lesdits assignats ne pourront être mis en émission qu'en vertu d'un nouveau décret, lequel ordonnera en même temps l'ouverture d'un bureau dans chaque district, auquel on pourra échanger à volonté lesdits assignats contre de la monnaie de cuivre et réciproquement ».
(Cette nouvelle rédaction est décrétée.)
président, quitte le fauteuil.
ex-président, ie remplace.
Un membre du comité des finances présente, au nom de ce comité, un projet de décret relatif à l'exécution de la loi qui a suspendu la construction du palais de justice commencé à Aix.
Une discussion s'engage sur ce projet de décret.
demande le renvoi au comité du cinquième article pour présenter de nouveau ses vues.
(Ce renvoi est décrété.)
Les autres articles du projet de décret sont mis aux voix dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité des finances, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le roi sera prié de donner des ordres pour la prompte exécution de la
loi du 29 octobre 1790, qui a suspendu la construction du palais
Art. 2.
« Les experts qui procéderont au toisé et autres opérations nécessaires pour les comptes et estimation ordonnés par lesdits articles 3 et 4 seront choisis en nombre égal par le directoire du département des Bouches-du-Rhône, et par les entrepreneurs de ladite construction. » (Adopté.)
Art. 3.
« Le directoire du département des Bouches-du-Rhône sera incessamment la vérification des fonds qui restent dans la caisse du trésorier de la ci-devant Provence, provenant des sommes levées pour ladite construction, et de ceux qui sont dans la caisse du domaine, et qui y avaient été destinés. » (Adopté.)
Art. 4.
« Les sous-entrepreneurs, fournisseurs et ouvriers auxquels il est dû par les entrepreneurs, et qui désireront recevoir des acomptes, se pourvoiront vers le directoire du département des Bouches-du-Rhône, lequel, après avoir communiqué leur pétition aux entrepreneurs de la construction et pris leur avis,:dêfivrera auxdits sous-entrepreneurs, fournisseurs et ouvriers, des mandats à valoir jusqu'à concurrence des sommes dont les trésoriers de la ci-devant Provence et le receveur du domaine auront été reconnus reli-quataires. ¦ (Adopté.)
(L'Assemblée ordonne que ces articles seront portés incessamment à la sanction du roi.)
Un membre du comité de vérification propose, au nom de ce comité, d'accorder à M. de Jessé un congé de 15 jours.
(Ce congé est accordé.)
L'ordre du jour est un rapport des comités réunis de constitution, des colonies, de la marine et d'agriculture et de commerce, sur les colonies (1).
(Vaînê), au nom des comités réunis de constitution, des colonies, de la
marine et d'agriculture et de commerce. Messieurs, nos comités de
constitution, de la marine, d'agriculture et de commerce se sont joints
par vos ordres au comité des colonies, pour s'occuper des objets
importants qui intéressent ces possessions lointaines. Les diverses
pétitions des hommes de couleur, que vous avez renvoyées à vos comités;
les différentes adresses des sociétés des amis de la constitution qui
réclament en leur faveur; tous les mémoires des villes de commerce sur
ce même sujet ont été examinés avec la plus sérieuse, avec la plus
scrupuleuse attention. Ceux qui vous ont demandé, Messieurs, d'être
admis à la barre de celte Assemblée pour y être reçus comme les députés
des hommes de couleur des colonies, et que vous avez renvoyés à votre
comité, y ont été entendus. Ils n'y ont produit que des lettres revêtues
d'un certain nombre de signatures, ne présentant que des vœux partiels
et individuels, exprimé" même assez diversement, et le comité
II faut être juste envers tous; voilà le grand principe que vos comités ont toujours eu devant les yeux; mais il faut l'être avec prudence. Il faut s'occuper des hommes de couleur; mais, pour eux-mêmes, il faut s'occuper avant des colonies en généra!. Tâcher de tout concilier : voilà ce que nous nous sommes proposé ; mais nous observerons que lorsque la nécessité parle en souveraine, il faut céder et subir même une loi sévère. Vos comités réunis s'occupent d'ailleurs infatigablement de l'examen du travail que vous avez confié à votre comité des colonies, et sous très peu de temps il pourra vous présenter en quelque sorte un corps complet de constitution pour les colonies, dont les quatre premiers titres sont déjà arrêtés, et que vous pourr z leur envoyer sous telle inscription et sous telle forme qu'il vous plaira.
Mais, Messieurs, de vives agitations troublent depuis longtemps les lies françaises de l'Amérique; la gravité des circonstances vous commande d'accélérer une mesure qui puisse faire cesser ces troubles, réparer de trop longs malheurs, et en prévenir peut-être de plus grands encore.
Cette mesure que nous venons vous proposer, Messieurs, et que vous ne pouvez manquer d'accueillir, est provoquée parle vœu du commerce exprimé, principalement par les députés extraordinaires des manufactures et du commerce, par les villes de Nantes, du Havre, Dunkerque, Rouen, Dinan, et par une infinité d'adresses et d^ pétitions qui arrivent tous les jours à vos différents comités. D'ailleurs, il ne s'agit que de remplir envers les colonies un engagement que vous avez déjà solennellement prononcé, un engagement auquel votre loyauté ne peut pas se soustraire, c]est enfin de rédiger » n decret et de faire un article constitutionnel du considérant du décret du 12 octobre dernier.
On ne peut pas se le dissimuler, les causes premières des convulsions qui agitent les colonies sont nées des inquiétudes qu'on y a semées, au moment de la Révolution, sur vos intentions politiques, inquiétudes qu'on y entretient encore par les moyens les plus coupables.
C'est en vain que le décret du 8 mars parut pour calmer ces inquiétudes et rassurer sur toutes les craintes; si son premier effet fut de les dissiper, si la joie qu'il in-pira, la reconnaissance qu'il fit naître se manifestèrent partout de la manière la plus authenti tue, bientôt des écrits perfides et envenimés ressuscitèrent les premières alarmes; et en affectant de publier que le décret du 8 mars n'était que provisoire, on insinua qu'il réservait aux ennemis des colonies des moyens de revenir sur ses dispositions.
C'est dans ces menées criminelles et ténébreuses, c'est dans ces craintes d'une influence trop facile, qu'il faut chercher l'origine de tous les troubles des colonies, ainsi que les causes de leur défiance inquièie; et elle n'étaient qu'égarées par ce sentiment funeste, lorsqu'elles voulaient soustraire à l'approbation de l'Assemblée ! nationale les lois de leur régime intérieur.
Cependant le décret du 12 octobre dernier est venu détruire encore une fois l'effet de 1 imposture et de la malignité; il a ramené la confiance, et c'est par l'Assemblée nationale que les colonies veulent que leur constitution soit définitivement décrété-*. Et comment pourraient-elles, en effet, redouter vos décisions prochaines, lorsque vous avez annoncé la ferme volonté d'établir, comme article constitutionnel, qu'aucunes lois sur l'état des personnes ne seront décrétées, pour les colonies, que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales.
Mais il est temps, Messieurs, d accomplir cette promesse importante : vous le devez, pour ruiner les coupables espérances de vos ennemis, pour ramener le calme dans les contrées que les agitations politiques ébranlent et bouleversent, dans les contrées qui ne peuvent prospérer que sous la seule .influence de l'activité féconde du commerce.
C'est en vain que l'on vous dirait, Messieurs, que ce que vous avez décrété dans le préambule du décr-1 du 12 octobre dernier doit suffire. Sans doute cela devrait suffire, mais cela ne suffit pas. Ceux qui veulent ébranler vos colonies, ceux qui veulent y porter l'incendie, ceux qui veulent peut-être vous les arracher, ont cherché à persuader aux colons, d'abord que le décret du 8 mars n'était que provisoire, et quant à celui du 12 octobre, ils répandent, ils insinuent que vous devez l'annuler, et vous n'apprendrez pas, sans tressaillir d'indignation, que ceux dont la scélératesse a guidé sur M. Mauduit un fer assassin, n'ont poussé à cet excès de révolte et de barbarie des soldats toujours énormément coupables, quoique trompés, que parce qu'ils leur ont persuadé que l'Assemblée nationale avait révoqué son décret du 12 octobre.
Si des soldats ont pu croire à ces insinuations, si cette imposture a pris quelque crédit dans l'escadre que vous avez envoyée dans ces parages, pourquoi cette fatale nouvelle ne se propagerait-elle pas dans vos colonies? Et jugez du désordre qui doit nécessairement en résulter. Il faut donc détruire une fable aussi grossière, il faut rassurer les colonies par un décret positif, il faut remplir enfin l'engagement que vous avez pris avec elles. Vous avez envoyé à grauds frais une escadre et une armée de terre ; le décret que nous provoquons sera plus puissant que ce grand appareil de force. Cette loi nécessaire, précédant les instructions que vous destinez aux îles d'Amérique, préparera les esprits à les adopter avec cet empressement qui doit en rendre l'exécution aussi heureuse que facile.
Voilà donc, Messieurs, ce que nous vous proposons pour les colonies en général : mais si vos comités réunis ont cru devoir vous présenter cette mesure, ils ont aussi pensé qu'il importait à l'intérêt des colonies de les mettre dans la nécessité d'user bientôt de l'initiative qui leur est déférée; ils ont pensé, et les habitants des colonies pensent sans doute aussi, que l'état des hommes de couleur et nègres libres doit être amélioré. Quelques colonies ont manifesté ces dispositions, et nous ne devons pas douter qu'elles ne pro osent pour les hommes de couleur et nègres libres, tout ce Qu'une politique humaine et sage pourra raisonnablement leur accorder. Il faut qu'il y ait, sur l'état de ces personnes, un vœu qui soit uniforme; il faut qu'une seul et même loi fixe leur existence politique d'une manière certaine, et c'est pour y parvenir que vos comités vous proposent la formation d'un comité général des colonies seulement pour cet objet. Ce comité serait composé d'un certain nombre de membres pris dans les assemblées des différentes colonies ; il s'assemblerait à Saint-Martin, île située presque au centre de l'Archipel américain.
Au moyen de ces mesures, tous les intérêts sont conciliés ; les blancs sont rassurés, et les hommes de couleur et les nègres libres ont la certitude d'être traités avec justice.
Ces mesures n'altèrent en rien l'initiative déférée aux colonies, puisqu'au contraire elles la provoquent, et ne la provoquent seulement que pour faciliter l'expression d'un vœu plus légal, qui ne peut être uniforme qu'au moyen d'une assemblée générale, convoquée avec une telle solennité ; d'un autre côté, les colonies doivent être rassurées contre la crainte d'un abus de la provocation d'initiative que les circonstances nous commandent, puisque, par un article particulier du décret qui va vous être présenté, nous nous sommes interdit, autant par justice que par prudence, la rénovation d'une pareille mesure. Enfin, d'après l'esprit de l'initiative que vous vous êtes empressé de leur accorder, les colonies ne peuvent plus craindre que l'Assemblée nationale prononce jamais rien qui ne soit juste, raisonnable et nécessaire au système politique qui fait la force intérieure et la conservation des colonies.
Je ne mettrai pas dans un plus grand jour, Messieurs, des raisons que votre sagacité à déjà suffisamment appréciées ; mais je ne puis finir cet exposé sans ramener votre attention sur une observation puissante ; c'est la nécessité des circonstances. Une importante portion de l'Empire est en proie à des craintes que vous pouvez faire cesser par un décret que vous avez promis à son inquiétude; vous y avez porté des forces qui peuvent tromper votre attente, des forces qui peuvent être insuffisantes, et votre décret peut tout prévenir; enfin, Messieurs, si vous éludiez de consacrer ce que vous avez déjà déclaré avec autant d'authenticité, je me refuse à exprimer ce que cette conduite pourrait inspirer d'étonnement ; mais vous compromettriez tout, de riches possessions, une escadre, une armée, la paix et la prospérité de plusieurs îles que vous pouvez rendre d'un seul mot au calme et au bonheur; vous réduiriez à désespérer du salut de leur pays, les députés des colonies, qui nous ont annoncé, dans leur douleur, qu'ils ne pourraient pas prendre part, ni coopérer à la rédaction des instructions que vous nous avez chargés de préparer, tant que le considérant du 12 octobre dernier, cette base constitutionnelle du régime des colonies, ne sera pas consacrée en loi positive.
Je dois insister là-dessus, Messieurs, les circonstances sont graves,
elles sont impérieuses. La mesure que nous vous proposons est devenue
nécessaire, mais surtout il faut qu'elle soit prompte. Il faut qu'elle
soit prise avant que les instructions qui se rédigent soient mises au
jour. Elle en sera l'heureux véhb ule, elle dissipera les fausses
inquiétudes, elle apaisera les agitations, elle aplanira toutes les
difficultés, elle disposera favorablement tous les esprits, elle
amollira tous les cœurs. Qu'il me soit permis, Messieurs, de pressentir
un incident trop employé, et qui serait bien funeste en cette occasion
critique, celui d'un ajournement. Discutez de suite, Messieurs, si vous
voulez, mais n'ajournez pas; ou ajournez à un jour très prochain. I
Persuadez-vous surtout que tout est délicat et
Je crois que les raisons que j'ai eu l'honneur de vous exposer, Messieurs, n'ont pas besoin de plus de développement, je vais vous donner lecture du projet ae décret que vos comités réunis ont rédigé.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport qui lui a été fait au nom de ses comités de Constitution, d'agriculture et de commerce, des colonies et de la marine, décrète ce qui suit :
Art. 1er. L'Assemblée nationale décrète,
comme article constitutionnel, qu'aucune loi sur l'état des personnes ne
pourra être faite par le Corps législatif, pour les colonies, que sur la
demande précise et formelle des assemblées coloniales.
« Art. 2. Attendu qu'il importe à l'intérêt général des colonies qu'elles énoncent leur vœu d'une manière commune et uniforme, sur ce qui concerne les hommes de couleur et nègres libres, dans le moment où leurs assemblées sont spécialement chargées du travail de la constitution coloniale, afin que, tout étant clairement réglé dans cette constitution, la tranquillité des colonies soit invariablement garantie à l'avenir, au moyen de la jouissance pleine et constante du droit d initiative qui leur est assuré par l'article premier, l'Assemblée nationale ordonne qu'il sera formé un comité général des colonies, ainsi qu'il va être expliqué.
« Art. 3. Chacune des assemblées coloniales d'Amérique nommera des commissaires pris dans son sein; savoir, celle de Saint-Domingue, 12; celle de la Martinique, 5; celle de la Guadeloupe et dépendances, 6; celle de Sainte-Lucie, 2; celle de Tabago, 2 et celle de Cayenne 2.
« Art. 4. Ces commissaires, choisis au scrutin et à la majorité absolue des voix, auront la mission unique de s'expliquer au nom des colonies sur ce q i est relatif aux hommes de couleur et nègres libres, sans pouvoir étendre leur délibération à aucun autre objet, à peine de nullité, pour tout ce qui sera étranger à l'objet spécial de leur mission.
« Art. 5. Les commissaires seront tenus de se rendre dans la partie française de l'île Saint-Martin, à l'effet d'y ouvrir leurs séances à l'époque du premier du mois de décembre prochain, à moins qu'ils ne s'y trouvent tous réunis auparavant; auquel cas ils pourront procéder sans attendre ladite époque.
« Art. 6. Il sera loisible aux assemblées coloniales de fournir des mémoires à leurs commissaires respectifs, mais seulement à titre d'instructions et non pas de mandats impératifs.
c Art. 7. Le comité s'occupera, à la première séance, de son organisation particulière, et du choix de son président et de son secrétaire.
« Art. 8. Toute délibération sera prise à la majorité des voix ; mais il ne pourra y avoir de délibération s'il ne se trouve au moins 19 membres présents.
« Art. 9. Le comité sera tenu de terminer son travail dans l'espace de 40 jours au plus tard, à compter de sa première séance.
a Art. 10. La minute du procès-verbal des séances du comité demeurera entre les mains de l'officier commandant la partie française de l'Ile Saint-Martin, pour servir en cas d événement; mais il en sera adressé, directement par le comité, des expéditions à l'Assemblée nationale, afin qu'il soit statué par elle sur ce qui aura été proposé par le comité, sans qu'aucun article puisse être exécuté provisoirement dans aucune colonie.
« Art. 11. Il en sera pareillement adressé des expéditions au roi, et il en sera délivré une à chaque commission.
« Art. 12. Les commissaires de chaque colonie déposeront, aux archives de leur assemblée coloniale respective, l'expédition qui leur aura été délivrée.
« Art. 13. Aussitôt après ce dépôt, les assemblées coloniales seront tenues d'adresser à l'Assemblée nationale et au roi des expéditions de l'acte qui contiendra la preuve du dépôt.
« Art. 14. L'état des hommes de couleur et nègres libres ayant été réglé définitivement par le Corps législatif sur la proposition du comité de Saint-Martin, le premier article du présent décret sera pleinement exécuté, et les législatures suivantes ne pourront provoquer une nouvelle proposition des colonies relativement à l'état des personnes quelconques.
« Art. 15. Chaque assemblée coloniale statuera, lors de la nomination de ses commissaires, sur le traitement qu'il conviendra de leur accorder à raison de leur déplacement.
« Art. 16. Le roi sera prié de donner tous les ordres nécessaires à l'exécution du présent décret, notamment pour le transport des commissaires nommés par les différentes colonies au comité de l'île de Saint-Martin, et pour les dispositions relatives aux séances de ce comité. »
Je ne puis m'empêcher de faire part à l'Assemblée de mon étonnement, lorsque je vois présenter un projet d'un si grand intérêt sans nous l'avoir fait préalablement connaître par la voie de l'impression. G'est, à mon sens, un moyen très adroit pour faire consacrer constitutionnellement la tyrannie et l'oppression. Ce projet renferme les objets de la plus haute importance.
On nous parle de convertir un acte constitutionnel, le considérant du décret du mois d'octobre. J'observerai, en passant, que ce n'est pas là un objet de Constitution; car ce considérant tient à la déclaration des droits de l'homme et on ne nous propose rien moins que de l'anéantir.
On nous dit qu'il faut être juste avec prudence, j'avoue que, dans le projet de décret qu'on nous propose, je ne vois qu'un moyen d'être oppresseur avec adressa, de perpétuer encore l'oppression sur une classe d'hommes qui sont libres par la nature et par la loi et que l'on veut réduire a l'esclavage en les livrant à la domination des autres.
On nous dit qu'il ne faut pas ajourner. Mais après avoir attendu 4 mois pour nous présenter ce projet, on peut bien attendre 4 jours encore pour avoir l'impression du rapport.
Il faut au moins laisser aux membres de l'Assemblée le temps de réfléchir sur une proposition qui tient de si près aux premiers principes de la Constitution.
Je demande donc l'impression du rapport et l'ajournement du projet de décret. (Murmures et applaudissemen ts.)
demandent en même temps la parole.
Je m'oppose à l'ajournement.
La motion de l'impression passe avant tout.
Laisses parier M. Morean ; peut-être nous expliqaera-t-il les motifs du projet horrible qu'on ose vous présenter. On répondra.
(1). Je ne suis pas étonné, Messieurs, d'entendre donner la qualification d'horrible au projet de décret qu'on vous présente par ceux qui se font un devoir de publier sans cesse des écrits, non seulement contre tous les projets de décret qui vous sont présentés relativement aux colonies, mais même contre les décrets que vous avez rendus, et qui prétendent toujours, que ce sont des outrages contre l'humanité, et des actes criminels de la part de l'Assemblée. Il n'y a que trop longtemps que nous sommes en butte aux calomnies de toute espèce de la part d'hommes qui, se qualifiant du titre d'amis des noirs, » h -relient à exciter les gens de couleur contre les habitants blancs.
Le public est inondé d'écrits incendiaires de la part de ces personnes qui prennent un titre, à l'ombre duquel ils croient peut-être justifier toutes les déclamations et toutes les horreurs qu'ils se permettent contre les colons. C'est dans l'Assemblée nationale que ces derniers doivent trouver un asile qui leur a été promis, que j'ose dire qu'on ne doit pas violer sans violer ce que l'on lui doit à elle-même. Ils se sont jetés dans l'enceinte où siègent les législateurs pour invoquer leur justice et sefair.- entendre sans éprouver d'Obstacle. Mais que penseront-ils alors qu'ils sauront que vous différez? Quel funeste présage ne se présentera pas à leur pensée, H qui peut calculer la mesure et la suite de leur désespoir?
Ne redoutez-vous point les calculs des méchants qui sauront mettre à profit votre hésitation et vos délais, pour répandre des doutes sur vos intentions, égarer les esprits, allumer la guerre dans les colonies et les couvrir de désolation, de ruines et de deuil?
Tous les maux qui ont affligé les colonies sont partis de ces mêmes mains, qui vont encore s'armer pour y renouveler les troubles que notre sagesse avait su apaiser. Les libelles les plus atroces vont reprendre leurs cours, et je ne puis fixer le terme où s'arrêtera l'incendie.
Prétendez-vous donc que la Constitution que vous avez donnée à la France puisse convenir aux colonies? Il faut renoncer a vos richesses, à votre commerce, ou déclarer franchement que la déclaration, des droits n'est pas applicable aux colonies.
Les colonies ne ressemblent pas à la France, cette vérité ne peut être
méconnue par personne. Elites ne peuvent avoir le même régime intérieur
ni la même organisation. Je dis que les colonies ne ressemblent pas à la
Franee, et que c'est un botnheur pour celte dernière» Leur commerce ne
ressemble en aucune manière à celui des autres parties de l'Empire, et
si elles ne pouvaient pas faire dans le commerce des opérations
différentes; des vôtres, elles cesseraient bientôt d'être votre colonie,
et si vous les assujettissiez aux mêmes lois, elles deviendraient
bientôt inutiles, et vous perdriez votre commerce avec vos colonies;
sans elles vous perdriez votre maxime, votre
Il ne s'agit pas du fond, mais de l'ajournement.
(de Sain t- Jean-d1 Angely). Toute ces déciamations-là sont inutiles.
Monsieur le Président, mettez aux voix l'ajourne me ut.
J'ai demandé la parole sur l'ajournement.
Plusieurs membres : Vous parlez sur le fond.
J'ai demandé à parler sur l'ajournement, et il n'appartient à personne de me dire comme je dois [varier sur l'ajourne meut. Il ne s'agit pas de préparer une espèce de comédie, si j'ose n'exprimer ainsi, et de vouloir que la France ait incognito encore la propriété des colonies qui sont si utiles à son commerce et à sa prospérité.
L'Assemblée nationale a déclaré qne les colonies font partie de l'empire français; elle a reconnu que les colonies ne ressemblaient pas au reste de l'empire ;; elle a déclaré, non pas dans le considérant du décret du 12 octobre, mais, dans le décret constitutionnel du 8 mars, que la constitution décrétée pour le royaume ne convenait pas aux colonies; elle a reconnu qu'elle n'avait jamais entendu assujettir les possessions éloignées à des règles et à une constitution incompatible avec leurs convenances locates. Le principe est posé ; il vous est impossible de nouaamener désormais à une assimilation que la nature repousse, et de tenter de nous placer entre cette alternative cruelle de ne pouvoir être qu'entre l'obéissance ou la mort.
M. Moreau de Saint-Méry va en venir à l'ajournement.
Un membre : Quand il s'agit des colonieston ne permet pas de discuter.
Je trouve dans le projet de décret tjui vous est présenté deux parties très distinctes : l'une tend à déclarer constituiioQaeltement un principe- que vous avez déjà, établi dans lie préambule du décret du 12 octobre et dans le décret du 3 mars, savoir : ifu'il ne sera rien innové au régime des colonies, à l'état des personnes, que sur la demande formelle des habi'ants. J'ai entendu parler ici de la déclaration des droits de l'homme. Ehl bien, si vous voulez la déclaration des droits, quant à nous, il n'y a plus de colonies. (Violents nmrmmes.)
Mais laissez- donc parler. Que votre sages edu 8 mars suit le point de ralliement de tous les bons esprits-.
Je ne sais s,'il est écrit quelque part, ou s'il est dans les maximes tie l'Assemblée qu'on ne lui parlera jamais des colonies. Si cela e-t, j'en lire la conséquence, etje demande, par amendement, que les députés des colonies se retirent dans l'Assemblée.
(de Tours). C'est à la tribune surtout qu'il faut être libre. Je demande
si on refu-
Nous avons toujours décrété sur les colonies sans entendre. Puisque Monsieur parle contre l'ajournement, il faut qu'il soit écouté.
Je dis qu'il y a deux parties distinctes dans ce décret : le premier article, qui n'est que le résultat de ce que vous avez décrété constitutionnellement, doit être décrété dès à présent, car je soutiens que si vous ajourniez la discussion sur cet article, discussion qu'on peut ouvrir sur-le-champ, vous ne pourriez pas empêcher que l'on ne sût aux colonies, peut-être avant le décret que vous rendriez, l'espèce d'incertitude qui aurait lieu dans l'Assemblée, sur ce qui a été décrété le 8 mars, et sur le considérant du 12 octobre. (Murmures à gauche.) Il ne s'agit seulement de prémunir les colonies contre les principes de cette Assemblée, mais contre ceux de la législature prochaine qui ne sont pas connus et qui peuvent inspirer de la défiance.
Il est aisé de calculer les effets que produirait aux colonies la nouvelle de l'ajournement. Messieurs, il est fort aisé de raisonner dans l'Assemblée nationale, et à Paris, de l'effet que chacun juged'après ses principes, ses calculs, ou d'après ses idées et ses intérêts. Vous ne sauriez calculer, dis-je, l'effet que peut produire un pareil doute dans la colonie. On peut en juger par l'accueil universel qu'a reçu ce préambule du 12 octobre, qui a calmé les inquiétudes, et que chacun a regardé comme le m^yen de rétablir la tranquillité. Si vous ajournez, on ne saura plus où vous en êtes, ni à quoi s'en tenir.
Je le dis avec la plus grande douleur, mais avec vérité, vous perdrez la confiance des colonies (Murmures.) que vous demandent en ce moment les colonies? Rien autre chose que l'exécution de vos promesses. Peut-être me répondra-t-on que la France est puissante, et qu'elle pe it soumettre les co'onies. Je le dis, Messieurs, vous y avez des vaisseaux, vous y avez des troupes, hé bienl c'est par cela même que vous devez ménager les colonies, c'est pour cela que vous devez craindre de les agiter.
Je dis que vous ne pouvez pas ajourner le premier article; que la discussion, s'il doit en exister une, doit être ouverte à l'instant. Quant au surplus du décret, je vous prie de considérer que si quelqu'un devait s'en plaindre, ce serait les colons; car votre décret du 8 mars, sans aucune distinction, a dit que la Constitution coloniale serait préparée par les Assemblées de chaque colonie, que l'initiative partirait d'elle.
Or, je vois d'ici d'une manière très claire que l'on a usurpé, si je puis me servir de ce mot, l'initiative laissée aux colonies; car en même temps que vous avez dit, le 12 octobre, que vous attendriez notre initiative pour prononcer, vous nous l'ôtez en nous obligeant à former un comité dans la partie française de l'île de Saint-Martin. On a proposé cette mesure pour avoir un vœu commun sur les gens de couleur; mais à combien d'inconvénients ne serait-elle pas sujette, nous ne l'avons pas dissimulé aux comités, et il était de notre devoir de le faire, parce que notre devoir le plus sacré est de veiller à la conservation de ceux que nous représentons immédiatement dans cette Assemblée.
Les écrits qu'on répand dans les colonies, les calomnies qu'on publie contre les colons exigent de grandes mesures ; c'est pourquoi il est de notre devoir de dire qu'il nous est impossible de prendre aucune part à des instructions qui tendent à nous enlever l'initiative qui nous a été promise et garantie par le décret du 8 mars et par le considérant du 12 octobre, si ce même considérant ne devient pas un article constitutionnel. La France toute puissante prendra les mesures qu'elle croira les meilleures, ou pour nous ramener au calme, qu pour nous soumettre, ou pour nous conquérir ; mais il nous serait impossible d'y prendre aucune participation. Si vous décrétez le contraire nous serons forcés d'aller mêler notre désespoir à celui des personnes que nous représentons. En conséquence je demande la question préalable sur l'ajournement.
(1). J'avoue que j'ai entendu avec surprise le projet de décret qui vient de vous être présenté. Le préopinant vient de vous dire qu'il est temps qu'on entende enfin la vérité sur les colonies. Ceux qui parlent de vérité ont constamment fermé la bouche à ceux qui en avaient à vous dire.
Plusieurs membres .-C'est vrail C'est vrail
Ce n'est pas d'aujourd'hui que nous demandons une discussion sur cet objet. Il est surprenant qu'on repousse avec une telle persistance la vérité qu'on a plusieurs fois tenté inutilement de vous faire entendre. On étouffe la vérité dans notre bouche pour qu'elle ne parvienne pas jusqu'à vous; on vous entretient de reproches vagues pour détourner vos regards des véritables criminels, des véritables auteurs de ces scènes affligeantes qui vous ont fait trembler sur le sort des colonies. Les coupables sont ceux qui ont méconnu les droits de la nature, et voulu devenir les tyrans et les oppresseurs des propriétaires colons, dont tout le crime est de u'avoir pas leur couleur et d'être plus attachés qu'eux au sol américain.
Quel est donc cet étrange mystère qui veut dominer, lorsqu'on se présente pour exposer la vérité pure? On vous dit de fermer à l'instant la discussion...
Plusieurs membres : On n'a pas dit cela.
Eu demandant l'ajournement, on s'oppose à une discussion mûre et approfondie.
Messieurs, on a insinué que les troubles qui existaient dans les colonies provenaient de ce qu'il se répandait dans les colonies des écrits contraires aux prétentions des planteurs et des colons. On aurait dû vous dire que les troubles des colonies provenaient des décrets même ambigus, que chacun expliquait à sa manière dans les colonies. On aurait dû vous dire que les troubles des colonies provenaient de ce qu'on cherchait à immoler une classe d'hommes libres, propriétaires comme les colons eux-mêmes; comme eux, payant les impôts; comme eux, ayant des droits incontestables, consacrés dans le temps même du despotisme. Louis XIV lui-même a consacré ces droits de la manière la plus formelle et la plus positive.
Ehl que vous propose-t-on aujourd'hui? Les
Oh vous propose d'exhéréder les hommes libres de couleur de leurs droits politiques. Maxime affreuse qui entraînera la subversion des colonies. Et n'avez-vous pas vu à qui on imputait ces troubles? N'était-ce pas à l'Assemblée de quatre-vingt-cinq ; à cette Assemblée coloniale, qui, en effet, avait voulu se déclarer libre, indépendante, et payer ses dettes à la France avec un brevet d'indépendance? Leur origine est encore dans ces lettres incendiaires de ces mêmes colons qui nous accusent aujourd'hui, lettres qui sont entre nos mains, que nous avons vues, que l'on a fait imprimer. Voilà d'où provenaient les troubles ; et aujourd'hui on vous propose l'acte le plus humiliant, le plus déshonorant, l'acte qu'aucune nation de l'Europe ne voudrait souscrire : lorsque deux classes d'hommes sont divisées d'intérêt, on veut rendre les uns juges des droits des autres.
Les colonies sont-elles donc un Etat à part? Gomment 1 si un département du royaume demandait l'initiative pour les lois, et vous réduisait à la fonction presque nulle de les confirmer, ne diriez-vous pas qu'une pareille demande tendrait à la dissolution de l'empire. Gomment, Messieurs, est-il possible que vous entendiez de sang-froid un pareil décret ? On vous dit d'assembler un congrès qui sera composé des colons blancs de toutes les îles, et ce congrès prononcera sur le sort des hommes libres de couleur.
Un membre : On n'a point dit cela.
et l'on couvre les motifs de ce projet, en disant que vous aurez le droit de confirmer ou de ne pas confirmer les lois que cette assemblée générale des colonies vous présenterait.
Messieurs, ne nous faisons pas illusion sur les mots, et sachons découvrir les pièges qui sont tendus à l'Assemblée. On vous dit : Il ne s'agira que d'un vœu. Messieurs, si une fois toutes nos colonies réunies ont émis un vœu que vous pressentez par avance, puisqu'il n'y aura que les colons blancs qui opineront sur les hommes libres de couleur, je demande à l'Assemblée nationale si alors elle osera prononcer contre le vœu formel de toutes les colonies. C'est alors qu'on vous dira, et qu'on aura peut-être raison de vous dire, qu'en ne confirmant pas ce vœu, vous mettrez le feu dans les colonies.
Mais, Monsieur le Président, la question est l'ajournement.
(de Saint-Jean-d'Angély). Vous avez bien laissé discuter M. Moreau sur le fond.
Je demande moi-même l'impression et l'ajournement. Lorsqu'il s'est agi de convoquer les communes pour les états généraux, croit-on que la Révolution se fût faite si les communes eussent consenti à ce que le clergé et la noblesse s'assemblassent pour délibérer sur les privilèges de la noblesse et du clergé. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) Eh! bien, c'est la même chose qu'on vous propose pour les colonies, et je demande qu'avant que vous admettiez le projet du comité, vous déclariez que vous ne voulez de liberté que ce que voudront bien vous céder les anciens privilégies.
Au surplus, comme dans cette Assemblée cette matière ne peut pas être assez approfondie, comme tout le monde n'est pas préparé à discuter, je conclus à l'impression du projet de décret et à l'ajournement à un jour très prochain.
Un grand nombre de membres : Aux voix l'ajournement I (Bruit prolongé.)
et un grand nombre de membres demandent ou prennent à la fois la parole. (Quelques instants se passent dans une très vive agitation.)
Une partie de l'Assemblée demande que je mette aux voix l'impression et l'ajournement.
Je demande à prouver con tre M. Pétion.
(de Saint-Jean-d'Angély). Il ne s'agit pas en ce moment de discuter ; il existe un décret formel d'après lequel nul rapport, nul projet de décret ne peut être présenté avant que d'être imprimé. (Applaudissements et murmures.)
Plusieurs députés des colonies demandent la parole.
Je vais consulter l'Assemblée. On me demande avec taut de force que je mette aux voix l'ajournement, que je ne puis m'empêcher de consulter l'Assemblée.
Je demande à faire un amendement.
Je demande la parole depuis le commencement de la discussion, vous ne pouvez me la refuser.
Ce que vous devez mettre aux voix, Monsieur le Président, c'est la division sur l'ajournement. La division consiste à décréter immédiatement, et sans délai, l'article premier, et à ajourner le reste. (Murmures.) Je demande à continuer mon explication, et je dis..
Je demande que la discussion soit fermée.
demander l'ajournement, c'est demander la continuation de l'effusion du sang humain. (Les rumeurs redoublent.) Je demande la division.
parlent avec chaleur, l'un à droite, l'autre à gauche du bureau.
Plusieurs membres : La question préalable sur la division de l'ajournement! (Plusieurs instants se passent dans de violentes rumeurs.)
Si l'on veut dispenser le comité colonial de la règle à laquelle sont rigoureusement assujettis les autres comités, de faire imprimer leurs projets de décrets..».,
Il ne s'agit pas d'un décret nouveau.
s'il veut nous faire toujours
décréter de confiance tout ce qu'il présente, je demande que l'on laisse au comité colonial la régence suprême des colonies. (Plusieurs membres applaudissent,)
On a demandé la division sur l'ajournement; on demande maintenant la question préalable sur la division; M. Malouet demande à parler sur la question préalable : je lui donne la parole.
Vous ne pouvez vous dispenser de mettre aux voix la motion formée depuis longtemps, et appuyée, de fermer la discussion. (Après un long tumulte, le silence se rétablit.)
Avant d'adopter la question préalable, je vous supplie d'entendre les motifs qui ont déterminé vos quatre comités réunis à vous présenter une mesure indispensable et urgente pour la tranquillité des colonies. S'il s'agissait d'une loi nouvelle, nous nous serions conformés à l'ordre inviolable de faire imprimer les projets de décrets; mais il n'est question que de décréter constitutionnellement le principe déjà établi de l'initiative des assemblées coloniales sur les lois relatives à leur constitution, et de faire sur-le-champ exercer ce droit par les colonies. Nous ne vous présentons ce décret que par la très rigoureuse nécessité de les tranquilliser sur les innovations dont les menacent des écrits répandus dans les colonies et les efforts d'une société qui a de ses membres jusque dans le sein même de celte Assemblée.
Vous avez, par votre décret du 12 octobre, tâché de dissiper les premières terreurs par le principe que vous avez établi dans le préambule, et qui paraissait une explication suffisante de vos intentions. Mais l'Assemblée qui doit procéder avec dignité, ne se serait pas contentée d'un préambule, si elle n'eût eu l'intention de consacrer ce principe dans l'instruction qui doit être faite sur l'organisation des colonies.
De nouvelles terreurs ont été répandues par des écrits qui font frémir. 11 a été envoyé, entre autres, une gazette célèbre, la Chronique de Paris, qui invitait les soldats et les matelots de l'escadre, à se répandre dans les habitations, et à inviter les nègres à se déclarer libres. (Murmures.)
Plusieurs membres : Cela n'est pas vrai.
Us l'ont déjà fait.
On réfute avec des raisons, et non pas par des murmures.
Je dis donc que c'est après une discussion très approfondie de l'état actuel des colonies, et que nous n'avons pas voulu vous développer par prudence; c'est après un examen très suivi de toutes les pétitions, les représentations très instantes du commerce de France, car je vous annonce que si vous ne décrétez pas actuellement le principe qui vous est présenté, vous ruines le commerce : c'est après avoir discuté ce même principe avec la plus grande attention dans vos 4 comités, et les colons n'y sont pas en majorité ; c'est enfin après avoir reconnu l'impossibilité de faire cesser les, troubles, si dans les colonies on n'a un garant des dispositions de l'Assemblée nationale sur le régime intérieur, sur l'état des personnes, sur la propriété? que ces comités, considérant que, sur le premier article proposé, l'Assemblée avait déjà exprimé sou vœu, ont cru indispensable de vous faire décréter ce principe dans la forme constitutionnelle : mesure indispensable, pour laquelle, depuis 4 jours, ils Vous sollicitent audience.
L'ajournement est demandé avec trop d'instance pour que vos comités s'y opposent ; mais ils persisteront à vous rappeler que vous avez accordé l'initiative. Les colonies anglaises ont leur propre législature; les colons français, représentés ici par un petit nombre de députés, ont eu au moins le droit de demander cette initiative. Voudrait-on assimiler les colonies aux départements du royaume? Quel est celui des départements qui ait des intérêts différents de ceux des autres? Avec la meilleure volonté, avec les intentions les plus pures, l'Assemblée peut être induite en erreur sur les intérêts de provinces inconnues à la plupart de ses membres. (Murmures.) Les colonies ne seront donc salis*-faites, que quand vous leur aurez assuré l'initiative, et que par là les propriétés des colons seront en sûreté. La moindre incertitude que vous témoigneriez sur ce point augmenterait les défiances. Je demande donc la question préalable sur l'ajournement du premier artiole.
Je trouve étrange qu'on veuille, sans donner un moment à la réflexion, surprendre à l'Assemblée un décret aussi important, et j'observerai à cette occasion qu'on s'est irop souvent laissé faire par les comités, qui, plus d'une fois, ont fait faire des pas en avant et lui ont fait adopter légèrement des principes dont les conséquences seraient funestes à la liberté.
M. Malouet a parfaitement bien posé la question, lorsqu'il a dit que les comités avaient demandé audience pour vous faire décréter, c'est effectivement comme cela que l'on a toujours décrété sur les colonies; mais je demande si vous voulez toujours laisser faire ainsi? (Applaudissements et murmures.) Il est temps, je crois, de réformer cette manière, car malheureusement elle ne nous a pas réussi,
Vous n'avez pas la parole.
Vous ne devez plus décréter de confiance.
Comment voulez-vous que nous discutions les intérêts des colonies, quand nous ne sommes pas nous-mêmes entendus?
On demande la question préalable sur l'ajournement, afin de vous faire décréter sur-le-champ le premier article, Si le premier article ne dit autre chose que le considérant du décret du 12 octobre, il ne signifie rien; s'il dit plus ou moins, il faut pouvoir y songer et l'ajourner : je défie toutes les colonies du monde de sortir de ce dilemme.
Je demande que le rapporteur vous rende compte de la situation des colonies.
Si on ordonne l'ajourne-
L'ajournement est d'autant plus nécessaire que, si le premier article qui vous est proposé passait, la conséquence inévitable serait que les députés des colonies, ici présents, se retirassent ; car il serait absurde qu'ayant réservé aux colonies, dont ils sont les représentants, l'initiative exclusive des lois qui les concernent, ils prissent encore part à la confection des nôtres, Je demande donc l'ajournement du tout,
Je demande la priorité pour la Constitution française.
Dès que l'on veut assimiler nos colonies aux colonies anglaises, il faut évidemment qu'elles en partagent le sort; or, les colonies anglaises n'ont pas de députés au Corps législatif. Je dis donc que, cet ordre de choses étant une conséquence inévitable du premier article, il faut l'examiner avec soin et l'ajourner.
Nous appuyons la motion.
L'ajournement a été demandé sur le projet de décret des comités ; on a ensuite demandé la division de cet ajournement et enfin la question préalable sur cette division.
Je mets aux voix la question préalable sur la division.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur la division.)
Je mets maintenant aux voix l'ajournement du projet des comités.
(L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement et décide que la discussion ne sera reprise que deux jours après la distribution du rapport et du projet de décret des comités.)
ex-président, quitte le fauteuil.
esyprésident, le remplace. L'ordre du jour est un rapport du comité de Constitution sur l'arrêté du directoire du département de Paris du 11 avril 1791 relatif aux édifices religieux et à la liberté générale des cultes (1).
ancien évêque d'Axitun, au nom du comité de Constitution. Messieurs, le comité de Constitution, conformément à votre décret, a examiné, avec une attention sévère et digne du sujet, l'arrêté du directoire du département de Paris, concernant les édifices religieux de cette ville.
Voici les questions qu'il s'est proposées, après une lecture très réfléchie de cet arrêté, et les réponses qu'il y a faites :
Quel est le principe ou quels sont les principes qui paraissent avoir
déterminé cet arrêté? Ces principes sont-ils justes? Les conséquences en
I sont-elles bien déduites? Enfin le directoire de Paris devait-il
déduire ces conséquences? Il est clair que ces quatre questions
présentent tous les points de vue sous lesquels cet arrêté peut être
considéré. Les principes de cet arrêté sont : 1° que l'admi-
Or ces principes sont incontestables; car vous avez expressément décrété le premier et le second, et vous avez, non pas décrété, mais solennellement reconnu et proclamé le troisième, ou plutôt le principe éternel qui le renferme : il est temps que l'on sache que cette, liberté d'opinions ne fait pas en vain partie de la déclaration des droits ; que c'est une liberté pleine, entière, une propriété réelle, non moins sacrée, non moins inviolable que toutes les autres, et à qui toute protection est due. Ne parlons pas ici de tolérance; cette expression dominatrice est une insulte (Applaudissements répétés.), et ne doit plus faire partie du langage d'un peuple libfe et éclairé. S'il est un culte que la nation ait voulu payer, parce qu'il tient à la croyance du plus grand nombre, il n'en est aucun hors duquel elle ait voulu, elle ait pu déclarer qu'on ne serait pas citoyen, et par conséquent habile à toutes les fonctions : portons le principe jusqu'où il peut aller. Le roi lui-même, le premier fonctionn tire de la nation, qui certes et avant tout doit faire exécuter la loi acceptée ou sanctionnée par lui, et ne laisser à cet égard aucun doute sur son imperturbable résolution, pourrait, en remplissant ce premier devoir, suivre un culte différent sans qu'on eût droit de l'inquiéter; car le temps n'est plus, où l'on disait, et où malheureusemeut on soutenait, les armes à la main, que la religion du roi doit être nécessairement la religion de la nation : tout est libre de part et d'autre, et il en est du roi à cet égard comme de tout autre fonctionnaire. Voilà le principe dans toute son exactitude, dans toute sa pureté, tel qu'il sera vrai dans mille ans, tel qu'il doit le paraître dans ce moment. (Applaudissements répétés.)
La conséquence que le directoire du département de Paris a déduite du premier principe, c'est que toutes les églises qui ne sont point nécessaires au service public doivent être fermé s pour être ensuite vendues ou employées à un autre usage : cela est juste ; car d'abord elles sont une propriété nationale : par leur inutilité au service publie, elles deviennent une propriété disponible ; et il était dans l'esprit d'une administration éclairée et qui veut marcher vite à son but, d'en faire sur-le-champ profiter la nation.
La conséquence qu'il a déduite du second principe, c'est qu'il devait établir un préposé dans chacune des églises destinées au culte : cela est juste; car, comme on l'a déjà dit, ne pouvant tout faire par elle-même, il faut bien que l'administration s'assure, par un agent responsable, que la loi sera remplie. Elle a donc le droit d'établir cet agent ; et le directoire de Paris, prenant conseil des circonstances, a jugé qu'il devait en user dans un moment où il a craint qu'il ne s'élevât dans les églises paroissiales un conflit alarmant entre les assermentés et les non assermentés qui s'y seraient rassemblés.
La conséquence qu'il a tirée du troisième principe, c'est qu'il serait
permis à tous particuliers de se réunir pour l'exercice d'un culte
religieux quelconque, dans un édifice dont ils auraient acquis la
disposition, à la charge par eux de mettre
En effet, nous borneriuns-nous donc à cette tolérance hyi ocrite q i se réduisait à souffrir la diversité d'opinions religieuses, pourvu qu'elle ne se manifestât par aucu . acte extérieur ? Ainsi on consentait à dire qu'il était permis de penser, mais sous la condition bien expresse qu'il ne serait jamais permis d'exprimer ce que l'on pensait, ni d'agir conformément à sa pensée. (.Applaudissements.) Il faut enfin prononcer la véiité tout entière, et savoir ne s'effrayer d'aucune de ses conséquences. S'il doit être libre à chacun (aux yeux de ses semblables) d'avoir une opinion religieuse différente de celle des autres, il est clair qu'il lui est également libre de la manifester, sans quoi il mentirait éternellement à sa conscience ; et par conséquent aussi il doit lui être libre de faire tout acte quilui est commandé par cette opinion, lorsque cet acte n'est nuisible aux droits de personne. De là suit évidemment la liberté des cultes. Tout cela est renfermé dans la déclaration des droits ; tout cela est la déclaration des droits elle-même.
Et qu'on ne pense pas que nous combattions ici le fanatisme pour y substituer une coupable indifférence : c'est le respect pour les couscien-ces que nous voulons consacrer; c'est les droits de tous qu'il nous faut protéger ; c'est enfin le triomphede la religion véritable que nous croyons assurer, en ne laissant autour d'elle que des moyens de persuasion, et en montrant qu'elle n'a rien à redouter de la concurrence de ses rivales. (Vifs applaudissements.)
En prononçant cette liberté religieuse dans toute son étendue, nous n'exceptons aucune croyance; et nous devons dire aux habitants de cette capitale que leur patriotisme s'est trop alarmé lorsqu'ils ont appris qu'un ancien édifice public allait s'ouvrir à des prêtres non assermentés. Il est vrai que plusieurs précautions de sagesse, peut-être nécessaires dans un moment d'inquiétude, paraissent avoir été négligées ; et nous croyons qu'il eût fallu préparer d avance les esprits à cet événement inattendu, par une instruction bien claire, et dont le peuple se serait fait honneur d'adopter les principes.
On lui aurait dit que, chez un peuple libre et digne de l'être, ia liberté religieuse comprend indistinctement toutes les opinions sans distinction de secte ; que, si celle des juifs, des protestants doit êt e respectée, celle des catholiques non conformistes doit l'être également (Murmures à droite ; applaudissements à gauche.): car elle n'est proscrite ni par la Constitution, ni par la loi ; qu'il s'abuse et en même temps se contredit lorsqu'il se persuade qu'il est en droit d'empêcher un second culte catholique, dès lors qu'il reconnaît que tous les autres sont libres ; que c'est sur ce faux principe que les protestants essuyèrent, sous le règne de Louis XIV, cette longue persécution dont la raison et l'humanité ont été si révoltées dans ces derniers temps, parce qu'on ne voulait pas, disait-on, deux cultes de la religion chrétienne ; que c'est pareillement sur ce principe que les protestants de diverses sectes se sont quelque fois déclaré la guerre, parce qu'ils pensaient qu'il ne fallait pas non plus deux cultes de la religion réformée ;que les uns et les autres s'accusaient aussi, comme dans ce moment, d'être les ennemis de l'Etat et que, sous ces prétextes odieux, la plus horrible intolérance a plus d'une fois ensanglanté la terre. On eût ajouté, ce qu'il ne paraît p >s avoir assez compris jusqu'à ce jour, que le simple refus de prêter le serment relatif à la constitution civile du clergé, ne rend pas un prêtre réfractaire (Applaudissements.), lorsque d'ailleurs il se conforme aux lois ; que seulement il le rend inhabile à exercer, au nom de la nation, les fonctions ecclésiastiques payées par elle, et voilà tout; qu'on doit ici considérer le catholique non conformiste comme le protestant ; que c lui-ci, fût-il d'ailleurs très patriote, refuserait bien certainement de prêter ce serment, puisque la constitution civile du clergé suppose des autorités ecclésiastiques (celle du pape, par exemple), qu'il n'admet point, et une croyance absolu ment contraire à la sienne; qu'on en conclurait seulement qu'il se déclare par là inhabile aux fonctions ecclésiastiques, dont les frais sont acquittés par la nation; et qu'en saine logique, on ne doit conclure autre chose du refus des catholiques non conformistes, tant que d'ailleurs ils restent soumis aux lois et aux autorités établies. (Applaudissements.)
Après avoir ainsi convaincu sa raison, on l'eût frappé par les considérations suivantes : on lui eût dit que l'intolérance et la persécution ne devaient point souiller les premiers moments de la liberté ; qu'elles sont un véritable fanatisme, et qu'il ne fallait pas faire la guerre à l'ancien, en lui en substituant un nouveau ; que la persécution, en offrant l'espoir du martyre, donnait une nouvelle force aux opinions religieuses, bien loin de les affaiblir (Applaudissements.) ; que si l'on proscrivait les assemblées publiques des non conformistes, on ne pourrait empêcher leurs assemblées clandestines qui seraient bien autrement inquiétantes; que ce qu'il y avait de plus juste, de plus noble et de plus sage à la fois, était donc de les permettre, de les protéger, mais en même temps de les surveiller, et de punir légalement tous ceux qui, dans ces assemblées, provoqueraient une insurrection contre la loi; que, lorsque de grandes passions tourmentent les nommes, il ne fallait pas les comprimer trop fortement, de peur de les rendre plus violentes ; que la véritable politique et une saine philosophie demandaient qu'on leur ouvrît en quelque sorte une issue, comme à des volcans dont on redoute les ravages. (Applaudissements.)
On lui eût fait sentir que, sous l'oeil sévère du public, sous l'œil plus sévère encore de la loi, de telles assemblées ne devaient point alarmer; que, si daus les commencements, le dépit, un incivisme contraint, une piété fausse, se joignant à la bonne foi abusée du petit nombre, eussent porté dans ces églises une affluence remarquable, le temps qui calme tout, l'opinion publique qui finit par faire justice de tout, auraient bientôt apaisé ces feux d'un moment, et remis chaque chose à sa place. (Applaudissements.)
Enfin on eût parié à sa gloire, à son honneur, à son intérêt même qui le porte à attirer par la confiance tous les étrangers, quelle que soit la religion ou la secte qu'ils professent. On lui eût dit qu'en ce moment la France, le monde entier avaient les yeux ouverts sur la capitale des Français, et que toutes les nations devaient recevoir d'elle l'exemple de la force qui se modère, et de la justice qui fait respecter les droits de tous. (Applaudissements.) Je le demande aux habitants de Paris : ces raisons n'eussent-elles pas été entendues par un peuple libre, éclairé, et j'ajoute par un peuple vainqueur qui ne veut point abuser de sa victoire? (Applaudissements.)
On a objecté, il est vrai, que la religion qui sera enseignée dans les églises nationales, ne diffère en aucune manière de celle que les prêtres non assermentés enseigneront dans les leurs, et que dès lors oo ne doit point autoriser cette division. Je m'applaudis particulièrement en ce moment d'avoir prêté le serment; car il me donne l'espoir d'être écouté en prononçant des principes qui ne seront nullement suspects dans ma bouche. (Applaudissements.)
Personne ne pense plus sincèrement que moi que la religion, dont les cérémonies seront célébrées dans nos églises, est la religion catholique dans toute sa pureté, dans toute son intégrité; que c'est très injustement qu'on a osé nous accuser de schisme; qu'une nation n'est point schis-matique lorsqu'elle affirme qu'elle ne veut point l'être (Murmures à droite; vifs applaudissements à gauche dans les tribunes.); que le pape lui-même est sans force comme sans droit pour prononcer une telle scission (Applaudissements.) ; qu'en vain prétendrait-il se séparer d'elle; qu'elle échapperait à ses menaces comme à ses anathèmes, en déclarant tranquillement qu'elle ne veut point se séparer de lui, et qu'il convient même qu'elle écarte jusqu'aux plus légères apparences de rupture, en manifestant hautement la résolution de ne point se donner un patriarche.
Disons plus : si dans ce moment le pape, égaré par des opinions ultramontaines ou par de perfides conseils dont on aurait assiégé sa vieillesse, se permettait, s'était permis de frapper d'un imprudent anathème la nation française ou seulement ceux d'entre ses membres dont la conduite aurait concouru spécialement à l'exécution de la loi; s'il ne craignait pas de réiliser ces menaces que plus d'une fois ses prédécesseurs se sont permises contre la France, sans doute qu'on ne tarderait pas à montrer à tous les yeux non prévenus la nullité d'un tel acte de pouvoir (Vifs applaudissements.) ; sans doute qu'on retrouverait dans les monuments impérissables de nos libertés gallicanes, comme aus>i dans l'histoire des erreurs des pontifes, de quoi le combattre victorieusement; mais alors même nous resterions encore attachés au siège de Rome, et nous attendrions avec sécurité, soit du pontife actuel désabusé, soit de ses successeurs, un retour inévitable à des principes essentiellement amis de la religion. Voilà Ja conduite qu'il nous convient de tenir.
(Applaudissements.)
Et rependant on ne peut se dissimuler que déjà il n'existe à cet égard en France deux opinions fortement prononcées ; que plusieurs ne croient, ou du moius ne soutiennent que la prestation du serment, en ce qui regarde la constitution civile du clergé, blesse le dogme catholique, et nous constitue dans un état de schisme. Je pense, j'espère que, de quelque autorité qu'elle s'appuie, cette opinion s'affaiblira de jour en jour, que la bonne foi ne tardera pas à s'éclairer, la mauvaise foi à se décourager, et la vérité à reprendre tous ses droits; mais par ce motif même, autant que par amour pour la liberté que l'on doit respecter jusque dans ses plus ardents adversaires, il faut que cette opinion ne soit point tyrannisée; il faut que tous ceux qui le penseront ou même qui ne le penseront pas, puissent sans crainte dire que nous sommes schismatiques, si cela leur convient (Rires et applaudissements.) ; il faut par conséquent que le culte qu'ils désireront célébrer à part, soit que d'ailleurs il diffère ou non du nôtre, soit aussi libre que tout autre culte : sans cela la liberté religieuse n'est qu'un vain nom : on redevient un peuple intolérant : on justifie toutes les persécutions quelconques ; et, à la honte de l'humanité, on renouvelle, sans le savoir, la persécution aussi odieuse que ridicule, par laquelle on a vu, au milieu de ce siècle, exiger, sous des peines sévères, des billets de confession d'un prêtre qui avait signé un formulaire, à l'exclusion de tout autre prêtre qui ne l'avait pas signé, et tourmenter de ces ordres tyran niques le* derniers instants des mourants. (Applaudissements.) Et qu'on ne se livre pas ici à de fausses terreurs sur le sort de la Constitution; certes, elle serait bien peu solide, si elle pouvait être ébranlée par de pareilles dissensions. Disons plutôt que cette liberté, ajoutée à tant d'autres, est un des grands bienfaits par lequel elle s'affermira chaque jour davantage, et qui lui vaudra tôt ou tard l'hommage et la reconnaissance du genre humain. (Applaudissements.)
De tout cela, il résulte que le directoire du département de Paris a puisé le principe de sa conduite dans la déclaration même des droits de l'homme.
Mais on a demandé s'il avait le droit d'en tirer celte conséquence pratique; s'il n'avait pas excédé son pouvoir; s'il n'avait pas enfin entrepris sur le pouvoir législatif.
Messieurs, il est des hommes pour qui un principe s'identifie tellement avec ce qu'il renferme, que dans ses conséquences même les plus éloignées, et auxquelles les esprits ordinaires n'arrivent que par une longue suite, et souvent par un effort de raisonnement, ils voient tout à coup le principe, et ne voient plus ensuite que lui. On dirait que pour eux il n'existe point d'intermédiaires : d'où il peut arriver qu'ils paraissent avoir fait de nouvelles lois lorsqu'ils ont la conscience intime qu'ils n'ont qu'arrêté des mesures pour l'exécution de celles qui existent. Ce reproche, qu'il est donné à bien peu d'hommes de pouvoir mériter, a été fait peut-être avec quelque apparence de fondement à l'auteur de l'arrêté du directoire ; mais puisqu'il est clair que la conséquence que, dans sa rapide conception, il s'est hâté de déduire de ce que vou* avez reconnu et décrété, est rigoureusement déduite, que vous reste-t-il à faire, Messieurs, si ce n'est de décréter en quelque sorte la conséquence, comme vous avez reconnu et décrété le principe?
Nous croyons aussi qu'on peut très bien défendre le directoire du département de cette ville, en disant qu'il n'a fait réellement qu'appliquer des moyens légitimes d'exécution à une loi préexistante; que des administrateurs ne sont point des instruments aveugles; que, se trouvant souvent pressés d'agir par des circonstances impérieuses, il est nécessaire avant tout qu'ils agissent, et qu'ils ne doivent point fatiguer perpétuellement le Corps législatif par des pétitions particulières ; que, dans cette multitude de cas imprévus qui viennent les affaiblir, il faut bien qu'ils se décident provisoirement en se ralliant aux principes, sans quoi la machine de l'administration s'arrêterait à chaque instant, et enfin, pour arriver à l'objet présent de la discussion, qu'on ne peut contester à des administrateurs ni le droit de faire exécuter ce que la loi ordonne, ni aussi le droit d'employer des mesures pour protéger la liberté sur tout ce qu'elle ne défend pas; et c'est là uniquement ce qu'a fait le directoire de Paris.
Toutefois, comme il serait peut-être possible d'abuser de ces principes,
comme les limites précises qui séparent l'autorité exécutive du pouvoir
C'est dans cette vue qu'ayant pris en considé ration et la demande que nous fait le directoire d'une loi pénale contre ceux qui, sous prétexte d'assemblées religieuses oseraient attaquer la loi, et enfin l'exécution entière de l'arrêté, nous vous proposons de rendre le décret suivant :
« Art. 1er. L'Assemblée nationale, après
avoir entendu son comité de Constitution sur l'arrêté du 11 avril, du
directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté
religieuse, qui l'ont dicté, sont les mêmes qu'elle a reconnus et
proclamés dans sa déclaration des droits, et décrète que le défaut de
prestation de serment prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra
être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église paroissiale,
succursale, et oratoire national, pour y dire la messe seulement.
« Art. 2. Les églises consacrées à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l'inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu'il y aura été fait quelque discours contenant des provocations directes contre la Constitution du royaume, et en particulier contre la constitution civile du clergé : l'auteur du discours sera, à la requête de l'accusateur public, poursuivi criminellement dans les tribunaux comme perturbateur du repos public. » (Vifs applaudissements.)
Je demande qu'il soit décrété que le rapport du comité de Constitution sera mis au rang des livres classiques de la nation, comme le premier monument de la liberté religieuse établi sur la déclaration des droits. Je demanderais qu'il fût gravé sur le marbre, s'il ne valait pas mieux encore le confier à la mémoire de nos enfants et des enfants de nos enfants. (Applaudissements. )
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Talleyrand-Périgord et son envoi à tous les départements du royaume.)
Messieurs, ce D'est pas aux éternelles vérités qui vous Ont été présentées par M. le rapporteur, dans un stylebrillantet ferme, que je viens opposer des doutes : quiconque oserait nier ces principes ou les méconnaître serait à coup sûr un ennemi de la liberté. Je me renferme dans la question de compétence. La tournure ingénieuse et flatteuse que M. le rapporteur a employée pour trouver le directoire du département digne en même temps de louange et de blâme, ne m'a point séduit. Je ne me rangerai point à son avis, même pour recevoir son compliment. Peut-être même prouverai-je que le point sur lequel nous différons a été mal saisi par le comité ; et cependant je suis très disposé à passer condamnation sur tout ce qui n'appartient pas au fond de la question, si c'est un moyen d'affaiblir la résistance et de faire remporter plus sûrement la victoire aux bons principes.
Si l'on veut avoir une juste idée de la conduite du directoire, on se souviendra d'abord, et c'est ici une vérité historique, que le moment où il a donné son arrêté n'a point été de son choix, qu'il n'a point eu à se déterminer librement entre différentes époques. La mesure qu'il a prise le 11 avril, il était tenu de la prendre, ou d en substituer une autre ; un commode retard n'était pas en sa puissance : ainsi qu'on ne vienne pas répéter que le temps n'était pas mûr qu on n'a pas pris le moment le plus favorable.
rorcée d'agir, qu'a dû faire l'administration? A-t-elle pu s'appuyer d'une loi, se fortifier d'un principe? ou bien aurait-elle dû, s'avançant au hasard, puiser des conseils illégitimes dans l'horrible histoire de l'intolérance?
Le fait est qu'au commencement d'avril, une multitude d'assemblées religieuses, non paroissiales, non conformistes, se sont formées dans Fans, et s'établissaient soit dans des maisons particulières, soit dans des édifices appartenant au public.
Le fait est que ces réunions religieuses étaient menacees d'une manière scandaleuse par des attroupements malintentionnés ou malfaisants, attroupements que nous nous accoutumerons ennn à ne plus appeler du nom de peuple. (Applaudissements à gauche.)
Voilà donc des citoyens troublés dans leurs reunions. 11 est Vrai qu'elles avaient un objet religieux; mais existe-t'il une loi qui défende les assemblées qui ont un but religieux, lorsqu'elles sont d ailleurs paisibles et sans armes ? Nous ne connaissons point une telle loi.
Au contraire, l'Assemblée nationale à dit à tous : « Vous ne serez point inquiétés dans vos opinions religieuses ; vous n'êtes soumis qu'à la loi : dans toutes celles de vos actions qui ne sont pas defendues par la loi, vous êtes libres, bile a dit a tous : votre liberté vous est garantie; comptez qu'elle sera efficacement protégée, et s u le faut, par tous les moyens de la force publique. »
Lorsque des citoyens viennent réclamer cette protection que vous leur avez promise, que faut-il leur répondre? Dirons-nous que les opinions sont libres, mais seulement dans l'esprit mais seulement dans la manifestation orale! seulement quand on est seul, ou qu'on n'est que peu de personnes? Dirons-nous que les signes, les actions extérieures, isolées ou combinées que ces opinions commandent, ne sont point renfermées dans la liberté des opinions * Mais qu'aurait donc fait l'Assemblée nationale de plus que ce qui existait déjà sous l'ancien régime ? Est-ce que l'opinion, ainsi réduite aux petites Coteries de société, n'y était pas libre avant 1789 ?
Ce seul raisonnement répondrait à nos adversaires, si l'on voulait en tirer tout le parti qu'il présente, et en faire l'application à leurs prétendues difficultés (.Applaudissements.); mais Ce n'est pas avec Cette arme que je veux me défendre aujourdhuh
Je dis qu'à des citoyens qui viennent réclamer protection dans l'exercice
d'une liberté quelconque, 1 administration ne peut faire que l'une ?J '
a"ire ,de nes Réponses : Vous n'avez pas la liberté dont vous réclamez
la jouissance ; ou bien Vaction et la force publique vont à votre
secours ' Je sais que les événements né se présentent pas toujours dans
ce degré de simplicité, et qu ainsi, par exemple, si l'exercice de telle
liberté est, soit par les circonstances, soit par elle-même, susceptible
d'enfanter des chances de troubles, I administration devra dire Il est
juste que vous ne soyez point attaqués dans vos droits; mais pour mieux
gouverner les moyens de protection qui vous mettront à l'abri de vos
ennemis, pour que nous puissions en même temps vous surveiller autant
que le demande la
Cette dernière répoosè est celle qui a été faite par le directoire du département; c'est le tableau fidèle de sa conduite.
Je dis que, pour que l'administration de Paris vous parût coupable, il faudrait qu'elle eût pu faire l'autre réponse, qu'elle eût pu dire à des citoyens qui venaient réclamer la protection publique : les droits que vous vous attribuez ne vous appartiennent pas; ils sont contraires à la loi.
Qu'on nous apprenne donc où est la loi qui défend les assemblées paisibles et sans armes, quand elles ont pour objet l'exercice particulier d'un culte quelconque? Certes, si nousnous étions permis de la supposer, c'est bien alors qu'on aurait eu raison de nous dénoncer à l'Assemblée nationale; de nous y représenter comme des despotes pressés de mettre leur odieuse intolérance a la place des lois ; c'est alors qu'on aurait eu raison de nous accuser d'incompétence et de nous traiter d'usui pateurs du pouvoir législatif. (Applaudissements.)
La liberté religieuse, dit-on, est une consé-séquence trop éloignée du principe pourquil n'y ait pas eu, de la part du directoire, un peu de législation à l'avoir tirée. Quoil est-ce qu'une honteuse prohibition vous aurait paru plus facile, plus innocente à déduire du principe? Est-ce que dans votre déclaration des droits il se trouverait telle vertu cachée, qu'il nous eût été permis d'en faire sortir à notre gré une loi de persécution ? Est-oe que l'horrible intolérance appartiendrait de plus près au principe;de sorte que, dans l'alternative forcée où je suppose le directoire de tirer du principe ou la liberté ou l'intolérance, on lui eût plus facilement pardonné d'y avoir trouvé la seconde conséquence que la première? A ce prix, on nous aurait donc épargnés, et nous n'aurions pas été traduits devant vous comme des envahisseurs de votre autorité I Peut-on s'arrêter à une telle pensée 1 (Applaudissements.)
Je ne saurais comprendre le degré de force que quelques personnes attribuent à la difficulté que je combats en ce moment. Qu'on me permette de l'examiner sous toutes ses faces.
Oti dit : la liberté religieuse a été reconnue, cela est vrai ; mais de là à l'exercer publiquement, il y avait un Intervalle immense; cet intervalle, il était réservé à l'autorité législative de le franchir. Vous ne deviez pas vous montrer plus courageux ou plus philosophes que nous.
Accordez-moi un peu d'attention : d'abord line s'agit pas, dans notre prétendue hardiesse, du culte public. Il n'v a encore de religion exercée publiquement à Paris que celle des paroisses. Là, l'édifice, les ornements, toutes les dépenses sont nationales, et, ce qui caractérise encore plu s la publicité, les portes en sont ouvertes à tout le monde. Là est bien véritablement un service public offert à tous ceux qui veulent y recourir. Il n'est pas de même des édifices particuliers appartenant à une ou plusieurs personnes. Ces sociétés sont, comme les clubs, maîtresses chez elles. Rien ne les empêche de fermer leurs portes à tout ce qui n est pas actionnaire. On dirait à tort que le lieu de leur assemblée est public lorsqu'ils ne le ferment pa« ou bien il n'y aurait point d'édifice qui ne fût public, car le propriétaire le plus exclusif dans sa maison a bien la liberté d'y faire entrer les passants, s'il lui plaît, et à eux aussi.
Pour mettre de la précision dans le langage, ce qui est toujours utile, il faudrait s'accoutumer à dire que le culte des paroisses est public et commun à tous', que celui des chapelles-oratoires payées par la nation à certains établissements, est public, sans être commun à tous; enfin que celui des sociétés particulières n'est m public, ni commun, autrement que pour les actionnaires ou ceux qu'il leur plaît d'y admettre. Une paroisse est publique par sa fondation, elle est nationale, elle vient du public. Elle est publique encore par sa destination, nul n'en est exclu. Aucun de ces deux caractères n'appartient aux établissements particuliers dont il s'agit ici. Je vais donc reprendre la difficulté, dépouillée de l'idée de publicité.
De la liberté religieuse reconnue, à son exercice, y a-t-il véritablement un intervalle immense? A qui était-il réservé de le remplir? La même réponse servira aux deux questions.
Ce n'est pas le directoire qui avait besoin de liberté religieuse. Les administrateurs ne demandent en cette qualité d'autre faculté que celle de remplir les fonctions qui leur sont déléguées. C'est pour les citoyens que vous avez reconnu le principe; c'est à eux à jouir de tous leurs droits; ce sont les citoyens qui ont tiré ces conséquences que nos adversaires regardent comme si éloignées, et qui, dans le vrai, ne sont autre chose que le principe lui-même. Daignez remarquer, Messieurs, que, par cette observation, la question peut enfin être mise à sa véritable place. Ecartons le directoire, qui n'a eu ni à consacrei des principes, ni à tirer des conséquences, ni à franchir des intervalles, grands ou petits. Etablissons la discussion où elle doit être : entre l'Assemblée nationale, qui reconnaît la liberté religieuse, et les citoyens qui, en conséquence, se mettent en jouissance de cette liberté. Vous me pardonnerez des répétitions, si elles deviennent nécessaires.
Y a-t-il une loi qui défende aux citoyens de se mettre en possession d'une liberté que le législateur leur a reconnue? Pouvez-vous dire qu'en promulgant de la manière la plus solennelle le grand principe de la liberté religieuse, votre intention secrète était qu'on en fût privé jusqu'à nouvel ordre? Croyez-vous que la jouissance d'un droit reconnu et proclamé est un acte réservé au pouvoir législatif, qu'aucun individu ne peut se permettre sans devenir un usurpateur de la souveraineté? Entre le principe de la liberté et sa réalisation individuelle, y a-t-il d'autre intermédiaire à placer que la volonté de l'individu? On parle de détacher les conséquences du principe. Est-ce qu'une liberté peut être en principe, sans être en conséquence? Et de quoi jouiront les citoyens, quand vous leur dites qu'ils sont libres, si ce n'est des conséquences de cette liberté, c'est-à-dire de la seule chose réelle, des applications du principe ? (Applaudissements.)
Je ne croirai jamais que nos adversaires aient mûrement réfléchi aux
raisonnements qu'ils nous opposent; ils seraient étonnés eux-mêmes des
maximes inconstitutionnelles où ils nous conduisent. Car
prétendraient-ils, par exemple, que chaque application d'un principe,
chaque acte de liberté n'est permis qu'autant qu'il a été détaillé et
nominativement énoncé dans une loi particulière? La liberté ne
serait-elle, suivant eux, qu'un dépôt d'abstractions dont le législateur
se serait réservé les clefs pour n'en laisser sortir que peu à peu et à
son gré quelques par-
Ce n'est pas le législateur, c'est le citoyen qui tient la clef de sa propre liberté, avec ïa seule obligation de ne jamais désobéir à la loi. (.Applaudissements.)
Si j'avais besoin d'appliquer ma pensée à un exemple, je prendrais le premier qui se présente. Il n'est pas brillant; mais il ne s'agit pas de comparer les degrés d'importance.
11 n'existe pas de loi particulière qui fixe la longueur de nos habits ou la forme de nos coiffures : la liberté dont nous usons en ce genre tient au principe le plus général, que hors Fa loi tout est permis, et que la loi ne s'occuoe que des actions qui nuisent au droit d'autrui. Si donc, armé de cette absence de loi particulière, on venait vous dire que vous n'avez pas le droit de déterminer la forme de l'habit ou de la coiffure que vous portez en public; que vous devez attendre que le législateur ait tiré du principe la conséquence que vous réclamez, à travers des intermédiaires plus ou moins longs... Je m'arrête; vous ririez de cette ridicule prétention ; et si vous aviez besoin que l'autorité tutélaire vînt à votre secours pour vous préserver de la rage de quelques fanatiques, sûrement vous ne trouveriez pas mauvais que les corps administratifs vous protégeassent de toute la force publique; sûrement vous ne leur reprocheriez, ni de tirer des conséquences trop éloignées d'un principe, ni d'empiéter sur le pouvoir législatif... Non, il n'est pas possible que l'on ait une idée nette de ce que l'on dit, quand on se permet des objections de cette nature.
Peut-être, ajoutera-t-on, l'exercice de la liberté religieuse est plus susceptible qu'un autre de troubler l'ordre public.
Je réponds que cette différence s'accroît malheureusement de tous les efforts que l'on oppose dans cette Assemblée, à l'établissement d'une tolérance universelle.
Je réponds que cette différence, telle qu'elle soit, prouve seulement que la police doit y veiller avec plus de soin. Eh I ne voit-on pas qu'avec des observations de ce genre, on anéantirait peu à peu toutes les libertés ? Car, de l'une à l'autre, il serait aisé de leur trouver ou d'en faire sortir des inconvénients souvent très graves. Si la liberté des individus n'avait jamais de suites fâcheuses, nous n'aurions presque pas besoin d'un établissement public ; le Code civil et pénal se réduirait à rien. (Applaudissements.)
Lorsqu'une liberté est trop susceptible de sortir de ses limites, c'est au législateur à voir s'il la laissera subsister. S'il se tait, les magistrats, les administrateurs ont des fonctions plus pénibles à remplir; mais,quand ils s'y livrent avec zèle, doit -on troubler les assiduités et les détourner d'un travail essentiel, par des accusations légères ou irréfléchies ?
On s'étonnera bien davantage des coups qu'on a voulu porter au directoire, si l'on daigne remarquer que ceux à qui nous avons affaire se montrent, d'ailleurs, extrêmement faciles sur la liberté générale des cultes. Ici percent leurs véritables motifs : il me serait pénible de les dévoiler ; mais puis-je ne pas faire sentir l'étrange contradiction qui se trouve entre leurs sentiments et ces reproches d'incompétence dont ils font tant de bruit.
Quoi 1 vous trouvez bon, je parle à nos adversaires, vous trouvez bon l'établissement de toutes es religions; vous nous invitez, sous main à les favoriser; vous pensez, à cet égard, aue le directoire est très compétent pour leur donner protection et aide ; ce n'est qu'au moment où cette protection s'étendant sur tous, parvient à celui dont l'exercice blesse vos projets, que vous nous retirez toute faveur, que vous nous dénoncez, que nous sommes coupables à vos yeux I Je ne crois pas qu'on ait jamais affiché une contradiction plus manifeste. (Applaudissements.)
ban s doute l'opinion publique de toutes les professions est mûre pour la liberté des cultes; Qe parle du département de Paris) il n'est qu'une seule religion dont l'ignorance ou d'autres causes plus ou moins criminelles tentent encore de proscrire le libre exercice. Je ne doute point que le rapport qui vient de vous être fait, que la discussion qui suivra, ne soient très suffisants pour dissiper ce reste de ténébreuse malveillance; mais, dussiez-vous adopter d'autres idées- dus-siez-vous, au lieu de favoriser les progrès'de la raison, la soumettre vous-mêmes à des complots d intolérance qui n ont pu naître et se combiner que chez des hommes méprisables et méchants, il est certain que vous ne pouvez pas accueillir 1 accusation d'incompétence relativement à la protection accordée aux chapelles particulières du culte romain, si vous n'apercevez pas, en même temps, cette incompétence dans la protection que le directoire accorde aux autres cultes Si parmi les religions vous en distinguez une â laquelle vous vouliez retirer toute liberté avez soin de porter, à cet égard, une loi prohibitive très claire, très expresse ; car vous vous trompez si vous croyez qu'il existe en France une seule administration qui voulût se charger du rôle odieux de persécuteur. Vous pouvez être assurés que les directoires n'ont point envie de se mettre, à cet égard, en communion de sentiment avec votre comité ecclésiastique; ou, pour être plus exact, avec cette partie du comité ecclésiastique qui semble n'avoir vu, dans la Révolution, qu'une superbe occasion de relever 1 importance théologique de Port-Royal et de faire enfin l'apothéose de Jansénius sur la tombe de ses ennemis. (Applaudissements). Eh I qu'il eût été plus convenable et plus doux de faire hommage de tant de sacrifices à la raison humaine et à I intérêt général! Il faut, je le répète, il faut si vous voulez excepter le culte romain de la liberté générale, que vous fassiez vous-mêmes cette loi d'exception ; sans cela, inutilement atten-dnez-vous que les directoires vous suppléassent Ils savent très bien qu'ils se rendraient coupables en usurpant le pouvoir législatif; et s'ils venaient jamais à mériter ce reproche, il est extrêmement vraisemblable que ce ne serait pas pour renouveler sous vos yeux des lois dignes du quatorzième siècle. H
Je passe à celui des griefs qui a le plus alimenté I éloquence de nos adversaires. Ils ont cherché à semer la défiance, à inspirer des craintes. L'esprit d'indépendance, ont-ils dit s emparera des corps administratifs, chaque département se regardera comme un Etat à part; de là cette fédération républicaine, dont l'idée seule est devenue comme un objet d'épouvante. JNous sommes témoins que tous les partis se servent successivement et avec toute l'habileté possible, de cette accusation, comme d'un expédient très propre à jeter de la défaveur sur les opinions et les personnes qu'on a besoin de decner.
Pour quiconque n'a pas perdu la mémoire, il reste démontre que ceux-là n'ont point voulu une république fédérative, qui ont proposé de diviser le royaume en 83 départements plutôt qu'en 9 à 10 grandes provinces. Cette unique remarque anéantit tous les soupçons.
Pour quiconque sait examiner et juger, une simple assertion ne doit pas suffire pour motiver une accusation, alors même qu'on aurait eu l'adresse de ne lui présenter que les assertions les plus propres à réveiller sa défiance. En tout raisonnement, s'il suffisait de prouver, comme on dit, la majeure ou la première proposition, il n'est personne qu'on ne pût trouver, à son gré, innocent ou coupable.
Tout Je monde convient du reste que les départements ne doivent pas se permettre de faire des lois, qu'ils ne doivent pas viser à l'indépendance : ce n'est point là ce qu'il faut s'attacher à retourner de 20 manières. Prouvez la mineure ; montrez-nous que le directoire du département veut se rendre i n d épend ant ; montrez-nous comment ses moyens d'exécution sont de véritables lois, réservées, par leur nature, à la puissance législatrice. Mais ce point, le seul qu'il eût été nécessaire de justifier a été mis à l'écart. Ceux qui connaissent la tactique des grandes assemblées prétendent que cette marche est souvent heureuse. Ils se sont aperçus, disent-ils, que lorsqu'on a entendu soutenir assez longtemps une opinion qui nous est chère, l'on devient d'autant moins difficile sur les conclusions; nous ne songeons plus qu'on a oublié de prouver la mineure.
Je ne dirai point, Messieurs, qu'il soit impossible de changer la France en une république fédérative, car je connais deux moyens assurés pour arriver à ce but.
Le premier est de donner au royaume un système d'administration où l'on n'ait su, ni classer, ni limiter les pouvoirs; où l'on n'ait point établi les véritables rapports, d'une part, avec les supérieurs, de l'autre, avec les administrés; où la multitude des roues et des agents superflus étouffe l'action utile, etc. C'est à vous à juger de Ja valeur du système administratif que vous avez imposé à la France. A cet égard comme à tout autre, je ne regretterai point d'avoir tenu deux langages, et je suis sûr qu'on finira par me pardonner mes vieilles plaintes. Mais si c'était dans la considération de vos décrets que vous puisez vos appréhensions, il serait assez juste d'ajouter qu'il y aurait une erreur de plus à inculper les corps administratifs. Le mécanicien ne doit pas s'en prendre à sa machine des irrégularités qui ne sont que son ouvrage. (Applaudissements.)
Le second moyen assuré de transformer la monarchie en république fédérative, serait de nous conduire d'abord à l'anarchie. Deux causes peuvent produire cet effet parmi nous : la désobéissance des administrés, facilitée, favorisée, autorisée par l'insuffisance d'une force légale ou l'incertitude de son action, comme aussi par l'idée bizarre où sont beaucoup de gens oisifs, qu'à ce titre seul, et sans autre mission, ils peuvent partager activement tout s les fonctions politiques.
Si ce désordre existait réellement, vous penseriez qu'il tient surtout aux vides qui se trouvent encore dans la Constitution, et vous en accuseriez peut-être Je temps, qui vous a manqué, et nou les directoires de département. La dernière cause, qui ne serait pas moins propre à nous plonger dans le chaos et l'anarchie, serait l'inaction de vos nouveaux corps administratifs.
Qui de nous ignore que toutes les anciennes administrations sont tombées, ou par vos suppressions, ou par la retraite, ou par les refus et la mauvaise volonté des anciens administrateurs?
Qui de nous ignore que le chaos doit être l'effet inévitable de la suspension du service public dans ses principales parties ?
Il est donc nécessaire que la nouvelle administration se montre partout pour remplacer l'ancienne. Vous n'avez pas encore tout réglé : n'importe; que tous les départements, tous les districts se hâtent de soutenir un édifice qui ne peut s'écrouler sans les plus désastreuses calamités. Je veux que notre situation momentanée soit inévitable au moment d'une révolution, et avant que le nouvel ordre social puisse être parfaitement établi; mais si vous vous intéressez à l'établissement de la Constitution, prenez garde d'accuser l'empressement des corps administratifs ; c'est leur inaction qui est redoutable, et non pas leur zèle. Gardez-vous de ralentir l'action publique. Eh! ne voyez-vous pas qu'il existe 2 partis, qui, pour arriver, l'un à la dictature, l'autre à l'anarchie, voudraient rendre l'administration impossible ? Ne discernerez-vous pas d'où viennent les calomnies dont on cherche à couvrir toutes les autorités ? quels sont les hommes qui, sous le voile, ou du mécontentement ou du patriotisme, osent ériger en principe qu'il ne faut cesser de décrier tous les corps dont la surveillance attentive peut seule garantir la sûreté générale? quels hommes semblent ne travailler qu'à provoquer la jalousie des commettants contre leurs délégués, à inspirer enfin au peuple une telle défiance, qu'il en vienne, dans l'excès de son égarement jusqu'à prendre ses défenseurs pour ses assassins, et ses assassins pour ses défenseurs ? ( Vifs applaudissements.)
Certes, ceux-là vous trompent, qui vous empêchent d'apercevoir le plus grand danger que la Constitution ait eu à courir, là ou il est, dans le chaos qui résulterait à coup sûr du dégoût et du découragement où l'on s'efforce de jeter les directoires des départements et des districts.
La position des magistrats, des administrateurs, est bien différente aujourd'hui de ce qu'elle sera dans quelques années, lorsque la machine politique ordonnée suivant ses véritables lois, aura toute énergie dans ses mouvements. Alors le sentiment du devoir suffira sans doute de la part de l'administrateur. Aujourd'hui, qui ne voit que le zèle, que la vertu la plus active ne sont pas de trop, pour contenir les nombreux éléments de désordre qui nous environnent ?
Ceux-là vous trompeut, qui voudraient vous insinuer que, placés au milieu de tous les embarras, les délégués du peuple ne cherchent pas à les vaincre; qu'ils n'attendent pas avec avidité toutes vos lois pour y trouver un remède aux maux publics, ou qu'ils négligent de le chercher dans celles que vous avez déjà faites.
Vous qui craignez la fédération républicaine des départements, ne laissez
pas introduire l'anarchie. Au lieu de réprimer les prétendues hardiesses
des mandataires publics, exigez au contraire, commandez la plus grande
activité pour l'exécution de vos lois; commandez aux corps
administratifs de ne point répugner aux mesures fortes et vigoureuses ;
qu'ils soient plutôt courageux que timides; et lorsque l'ordre public
troublé en fait un devoir, lorsque toutes les parties de l'établissement
politique sont au moment de se désorganiser, ne trouvez pas mauvais
qu'ils prennent avec prompitude des mesures
En adoptant le projet de décret du comité, je crois qu'il serait bon d'y ajouter pour article premier, la disposition Suivante, parce qu'il me paraît que le rapport ayant été déterminé par une dénonciation, on ne peut se dispenser d'arranger le décret dans cette supposition t
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur l'arrêté du directoire du département de Paris, en date du 11 avril, déclare que les principes de liberté religieuse qui l'ont dicté, sont les mêmes qu'elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits, et renvoie, pour les mesures d'exécution, aux administrations de département et de district. » ( Vifs applaudissements.)
(L'Assemblée ordonne l'impression du discours de M. l'abbé SievèsO
(1). Il faut honorer sans doute les corps administratifs : il faut sans doute les excuser quand leur zèle les emporte au delà des justes bornes ; mais il est important à la cause de la liberté de ne pas consacrer, par un décret du Corps législatif, les actes de ces corps lorsque, dans leurs dispositions, ils sont directement contraires à vos décrets. 11 faut ici, Messieurs, fixer votrè attention sur un grand danger qu'on a voulu pallier, mais qui existe réellement, sur l'exercice du pouvoir législatif que s'arrogent les Corps administratifs, je veux dire l'initiative.
Vous connaissez l'arrêté du département de Paris, un autre a prononcé un exil contre les prêtres qui ne prêteraient pas le serment, un autre encore a défendu aux religieux d'user l'habit de leur ordre. Quelles sont les limites de l'autorité des corps administratifs ? 11 doit leur être défendu de faire rien de contraire à la loi, de rien décréter sur des objets qui ne sont pas encore des lois. (Murmures.)
Que propose le comité auquel vous avez renvoyé l'arrêté du directoire du département de Paris, c'est-à-dire les deux membres qui ont eux-mêmes fait cet arrêté ? Ils proposent de décréter l'exécution de cet arrêté dans l'étendue du département de Paris.
D'abord vous vous êtes fait la loi de ne rien décréter de particulier pour un département. La loi doit être une; elle doit exister également pour tout le royaume.
Plusieurs membres : Oui ! oui !
De plus, vous ne pouvez donner à personne l'initiative de vos lois. Vous avez demandé au comité, non le règlement d'un corps administratif, mais une loi; la loi doit sortir tout entière du Corps législatif.
Permettez-moi quelques observations sur la question religieuse. Le
département de Paris vous a dit : Nous avons loué l'église des Théatins
pour exercer le culte des catholiques non conformistes;
Il y a évidemment dans la doctrine du département et dans sa nouvelle législation deux sortes d'églises publiques, des églises appartenant à la nation et des églises ne lui appartenant pas.(M«r-mures.) Examinons si cette expression : un culte quelconque, n'a pas quelque chose d'alarmant, même pour les latitudinaires en fait d'exercice religieux.
Ce n'est pas seulement dans l'antiquité qu'on à connu un culte que je n'indiquerai qu'en nommant la déesse qui y préside, le culte de Vénus (Rire général.)1, ce culte-là pourrait être renouvelé par certains philosophes ou plutôt antiphllo-sophes ; et cet inconvénient exige que l'expression de votre décret soit claire et que ces mots : un culte quelconque soient expliqués. Il faut que le culte soit connu et approuvé par la police; il faut donc dire dans l'article: « un culte religieux quelconque approuvé par la police ».
La question s est élevée il y a quelque temps dans cette Assemblée de savoir si l'on décréterait que le culte catholique serait le seul culte public en France. Et alors vous avez dit précisément le contraire de ce qu'a dit le département. Il est donc législateur?
Plusieurs membres ; Ce n'est pas vrai !
Je sais bien ce que plusieurs personnes auraient voulu dire; mais je sais bien aussi ce que l'Assemblée a dit; elle a dit qu'elle ne pouvait pas délibérer.
Le directoire fait ce que l'Assemblée n'a pas voulu faire; il a rédigé son arrêté avec une telle négligence — ce qui vient de ce que les circonstances étaient pressantes — qu'on ne sait pas s'il a bien compris la matière qu'il traitait: il a dit, par une proposition négative universelle, et on connaît le danger des propositions négatives universelles, comme celui des propositions universelles affirmatives; il a dit qu'il n'y aurait d'excepté que les églises paroissiales. Vous avez décrété, par exemple, la conservation de l'église de Saint-Louis comme succursale.
Plusieurs membres: Aux voix ! aux voix !
Il est donc certain que le département n'a pas bien examiné la matière sur laquelle il travaillait. Je dis donc que le directoire a attaqué vos lois. (Murmures.)
Je demande la même liberté d'opinion que les préopinants.
Je dis donc que l'arrêté du directoire porte atteinte au pouvoir législatif, et que d'ailleurs il est rédigé de manière à ne pouvoir obtenir les honneurs d'une loi.
On a également contrarié vos décrets par une disposition relative aux religieuses.
Plusieurs membres Aux voix ! aux VOiX !
Ne me sommez donc pas de donner des preuves, si vous ne voulez pas les entendre.
Cet arrêté est encore contraire à vos décrets en d'autres points. Vous avez décrété constitution^ nellement qu'il ne serait pas créé d'officiers publics sans un décret du Corps législatif et vous avez appliqué cette loi particulièrement aux paroisses; cependant ce directoire crée des officiers publics et il vous propose une exception qu'il regarde nécessaire pour que les ecclésiastiques non assermentés puissent célébrer la messe dans les églises parios-iales.
Voyez où aboutirait cette loi. Si vous admettez cette exception, la loi du serment qui nous a coûté tant de troubles, tant d'embarras, tant de millions et surtout tant d'angoisses (Applaudissements à droite.), cette loi n'aura servi à rien ; cette exception n'aboutira qu'à restreindre, qu'à gêner votre liberté.
D'autre part, dans la circonscription des paroisses, votre comité a eu égard à différentes remontrances qui lui ont été faites. Les corps administratifs vous ont dit: Nous avons dans notre voisinage tel monastère qui servira dans notre arrondissement; laissez-nous-le, sinon donnez-nous un oratoire. — Vous avez dit que ces oratoires seraient publics; l'arrêté dit qu'ils seront fermés.
L'arrêté est encore contraire à loi du 26 mars, en ce qu'il doit aux maisons religieuses la jouissance ae leurs églises. (Murmures.)
J'aurais encore bien d autres observations de cette nature à vous présenter, mais je veux bien finir.
Je demande donc que l'Assemblée décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet de décret que lui présente son comité de Constitution ; il faut demander à ce comité un projet, s'il le croit nécessaire, mais regarder comme non avenu l'arrêté du département de Paris, sauf à prendre des précautious générales, s'il y a lieu. (Mur» mures.)
Comme je ne crois pas que l'opinion du préopinant ait détruit l'impression du discours éloquent de M. Je rapporteur et de la démonstration géométrique de M. l'abbé Sleyès, je serai très court»
Le préopinant à cru mettre l'Assemblée dans l'embarras en plaçant dans la même catégorie le directoire du département de Paris et les autres directoires qui ont fait des actes contraires à la liberté et il vous a dit qu'on ne pouvait pas accorder d'initiative aux départements. Or je supplie l'Assemblée de se rappeler qu'il ne s'agit pas ici d'initiative. Le département a rendu un arrêté; cet arrêté a été dénoncé à l'Assemblée comme contraire, comme attentatoire à la liberté ; ce n'est donc pas une initiative qu'a eue le département. Il faut examiner en deux mots si cet arrêté est conforme à la Constitution ou s'il ne l'est pas ; sur ce, voioi comme je raisonne.
Votre Constitution repose sur la liberté ; la liberté consiste, d'après votre définition, à faire ou à pouvoir faire tout ce que les lois ne défendent pas ; les corps administratifs, qui sont établis pour soutenir la Constitution, sont aussi établis pour défendre notre liberté ; les corps administratifs doivent donc protéger tout citoyen qui fait ce qui n'est pas défendu par la loi. Est-il défendu par la loi de se réunir pour professer un culte quelconque? Non, Messieurs; non seule-» ment cela n'est pas défendu parla loi; mais c'est expressément permis» Le département de Paris, en accordant une protection, n'a dono fait que s@ renfermer dans la loi ; s'il avait fait autrement, il aurait été parjure ; il n'a donc fait que oe qu'il avait à faire.
D'après cette seule observation, je demande que ce soit le projet de M. l'abbé Sieyés qui ait la priorité, parce que ce projet est conforme aux principes. Le projet de M. l'abbé Sieyès intervient dans une dénonciation qui a été faite de l'arrêté du directoire ; ce projet déclare que le directoire s'est renfermé dans les principes de la déclara* tion des droits ; par conséquent, ce projet doit être adopté.
Plusieurs membres demandent que la discussion soit fermée.
Je ne me permettrai aucune réflexion sur la complaisance de M. le rapporteur, qui, attaché par état au sanctuaire, n'hésite point à prêter son ministère à un rapport aussi contrastant avec son caractère. Assez d'autres, sans moi, feront des réflexions sur ce sujet. (Murmures prolongés.)
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'ordre !
t'apportent. Comme je n'ai rien avancé qui fût indigne dé mon caractère, et que je n'ai parlé d'ailleurs qu'au nom du comité de Constitution, je demande que M. l'abbé Couturier soit entendu sans interruptions. (Applaudissements.)
(1). J'ai l'honneur de prévenir l'Assemblée nationale, que je fie parle point ici contre un projet de décret qui est rendu, mais contre un projet de décret qui lui est présenté : or. tant que le décret n'est pas rendu, et qu'il n'est que projet, il est permis à chacun des membres de l'Assemblée de le combattre par les moyens qu'il jugera à propos.
Pusieurs membres : Oui ! oui !
Si le décret était porté, je saurais ce que je devrais penser, mais ie saurais me taire. Je parle contre l'article 11 de l'arrêté du département de Paris, du 11 avril 1791, lequel article est adopté par Votre comité de Constitution, et conçu en ces termes: « Tout édifice, ou partie d'édilice, que des pariiculiers voudront destiner à réunir un grand nombre d'Individus pour l'exercice d'un culte religieux quelconque, portera sur la principale porte extérieure Une inscription pour indiquer son usage, etc...»
C'était peu à peu qu'on préparait les esprits pour les amener au but qu'on s'était proposé ; le moment est enfin arrivé ; on lève hardiment le masque. C'est maintenant qu'en termes formels on vous propose d'établir, pour me servir des paroles de l'Ecriture sainte, Oh vous propose d'établir l'abomination de la désolation dans le lieu saint. (Murmures et rires ironiques à gauche.)
Il est étonnant, Messieurs, que, dans une assemblée où se trouvent
réunies tant de lumières, on se permette des murmures et des huées,
lorsqu'on vous cite les propres paroles de l'Ecriture
Un membre à gauche : Malouet. (Rires.)
Non, ma loi qui est aussi la vôtre. On vous propose donc d établir l'abomination de la désolation dans le lieu saint,
§our me servir du langage de l'Ecriture. (Rires.) n vous propose donc aujourd'hui de permettre par un décret formel d'établir dans nos ci-devant églises toutes sortes de cultes, un culte quelconque; de les convertir en mosquées, en synagogues, en temples de luthériens, d'anabaptistes, en pagodes (Rires prolongés.), où les Arméniens, les Chinois, les Turcs et les Persans viendront adorer leurs fausses divinités. Généreux fondateurs qui avez consacré une partie considérable de votre fortune pour ériger des temples au seul et vrai Dieu, pouviez-vous prévoir que ces maisons de Dieu seraient un jour converties en temples de Baal? Tel est cependant le décret qu'on sollicite aujourd'hui de l'Assemblée nationale. Eh I Messieurs, quels effrayants et funestes progrès n'ont pas faits les idées depuis dix-huit mois I S'il y a deux ans, quelqu'un eût osé vous proposer de "convertir, par un décret, une église, une seule église, en une mosquée, ou en un temple de protestants, n'eussiez-vous pas rejeté avec indignation une pareille proposition ?
Plusieurs membres : Non ! non !
Vous l'eussiez qualifié d'impie ; faut-il donc que nous nous familiarisions tellement avec les nouvelles idées, que nous entendions avec indifférence des orateurs demander que de pareils projets soient adoptés, déclarés dignes d'éloges, comme renfermant les principes de la plus saine philosophie, et envoyés aux 82 autres départements pour leur servir de modèle.
Est-ce donc ainsi qu'on vous propose de marquer par les faits ce respect si vanté pour la religion de nos pères ; si connu, si public, que d'en faire un sujet de délibération, c'eût été l'affaiblir ? Est-ce ainsi qu'on vous propose de prouver par les faits, que l'attachement de l'Assemblée nationale au culte catholique, apostolique et romain, ne saurait être mis en doute? (Murmures.) Est-ce ainsi qu'on prétend faire briller la religion de tout l'éclat de sa pureté primitive, comme on ne cesse de nous le répéter ? Voici, dit-on, tous les jours, voici le vrai triomphe de la religion ! Le triomphe de la religion, c était lorsque les temples des fausses divinités étaient convertis en temples du vrai Dieu ; lorsque le Panthéon, cet édifice si célèbre, par un assemblage monstrueux de tous les cultes, dépouillé de ses idoles qui étaient brisées, de ses autels qui étaient renversés, lorsque le Panthéon, dis-je, ce réceptacle de toutes les erreurs, de toutes les idolâtries, a été consacré au vrai Dieu, au Dieu vivant, au Dieu de nos pères ; mais ici on vous propose d'enrichir l'erreur et l'idolâtrie des dépouilles, je dirais même d"S débris de notre sainte religion ; et on osera nous dire après cela que c'est ici le moment de son triomphé ! (Murmures.)
Messieurs, je parle avec franchise ; si j'étais coupable d'un infâme machiavélisme; si j'étais ennemi de la Constitution, je dirais : Adoptez les projets de décret qu'on vous propose, comblez la mesure qui vous est présentée. (Je vous prie, Messieurs, de vous rappeler que je parle' seulement contre un projet de décret, et non contre un décret déjà rendu.) Quel avantage ne don-nerez-vous pas à vos ennemis ? Quelle occasion ne leur fournirez-vous pas d'accuser l'esprit qui aurait dicté un pareil décret?
Ne craignez pas, Messieurs,que le peuple, revenant un jour de cet enthousiasme dans lequel on a cherché à l'égarer ; ce peuple pressé, entassé dans le peu d'églises qu'on lui conserve, n'y trouvant ni la tranquillité, ni le silence nécessaires au recueillement et à la prière, ne fasse de tristes réflexions sur ce qui s'opère aujourd'hui. Que pensera-t-il lorsqu'il verra ces anciennes églises où il allait satisfaire à ses devoirs de religion, et dans les mouvements d'une première ferveur, épancher son âme devant le Seigneur ? Que pensera-t-il lorsqu'il les verra converties en temples des idoles ? Que dira-t-il, lorsqu'il verra profaner, par des sacrifices impurs, ces autels sur lesquels a été immolée la victime sainte, ces chaires de vérité d'où il recevait des leçons de vertu, lorsqu'il les verra converties en chaires de pestilence; ne crai-gnez-vous pa* que, se rappelant alors celte antique vénération pour la religion de ses pères, il ne charge de malédictions ceux qui auront osé profaner des temples, et porter des mains sacrilèges sur des autels qu'il avait appris à respecter dès sa plus tendre enfance ?
S'il était encore permis d'invoquer les cahiers, je demanderais quels sont ceux qui sollicitent l'admission de tous les cultes ; y en a-t-il aucun ? Et s'il y en a, de quelle part viennent-ils? Si le projet de décret venait à être adopté tel qu'il vous est présenté, que nous resterait-il à faire, Messieurs ? Il ne nous resterait plus que cette dernière ressource, que notre Seigneur nous présente dans son Evangile, lorsqu il annonce les malheurs qui sont prêts à fondre sur un peuple incrédule et rebelle ; je ne craindrai pas de vous rappeler une seconde fois ses propres paroles, lorsque vous verrez l'abomination de la désolation (Rires.) établie dans le lieu saint, qui in Judœâ sunt fugiant ad montes : fuyez ces contrées jadis si chrétiennes, où l'on ne connaissait qu'un seul et vrai culte ; fuyez ces contrées maintenant malheureuses, dans lesquelles on veut allier le culte du vrai Dieu au culte de Baal (Murmures.), fugiant ad montes : allez chercher votre salut et pratiquer votre religion au delà des monts, pour n'être pas les tristes témoins de la prolanation de vos temples, et du renversement de vos autels. (Rires ironiques à gauche.)
Je conclus : 1° à ce que cet article soit rejeté ; 2° à ce que MM. du directoire du département de Paris, qui ont osé le présenter soient mandés à la barre de l'Assemblée nationale.....
Plusieurs membres à gauche : Oui ! oui ! oui !
et réprimandés par M. le Président ; 3° enfin à ce que Messieurs du comité de Gonstiiution qui l'ont adopté soient rappelés à l'ordre et censurés. Il est de l'honneur de l'Assemblée nationale ; il est de l'intérêt de la Constitution de m'accorder ma demande. ) Rire s et applaudissements ironiques à gauche.)
Plusieurs membres (ironiquement): L'impression!
Je prie l'Assemblée de se rappeler que celui qui nous parle aujourd'hui d'abomination et de désolation est celui qui nous a dit qu'il fallait sacrer les nouveaux évêques dans les synagogues.
Je suis loin de combattre les principes éternels, posés avec tant d'éloquence et de sagacité par M. le rapporteur. Je crois aussi que, dans uneAsseuiblée comme la vôtre, il serait superllu de les défendre. Je propose seulement une addition qui fera sentir pour quel motif je demande la priorité pour le plan du comité. Quelques personnes ont été alarmées de voir empêcher les prêtres non assermentés de dire la messe daus les églises paroissiales. Je demande qu'à ces mots : églises paroissiales, on ajoute les mots : églises, succursales et oratoires nationaux. Le motif qui me détermine à demander la priorité pour le projet du comité, c'est que celui de M. l'abbé Sieyès laisserait quelques inquiétudes. Je demande de plus que la discussion soit fermée.
(L'Assemblée ferme la discussion.)
Je demande que l'Assemblée s'explique, et dise si elle se fera présenter un projet de loi à la place de l'arrêté du directoire.
Plusieurs personnes demandent que l'article proposé par M. l'abbé Sieyès soit placé à la tête du projet du comité ; il est utile que l'Assemblée, en reconnaissant que l'arrêté du Directoire est conforme à la déclaration des droits, invite tous les citoyens à s'y conformer.
Je ne vois pas d'inconvénients à ce que l'on adopte l'amendement proposé par M. Treilhard.
Dans ce moment-ci même, voilà des Messieurs très bien instruits qui nous assurent qu'il y a dans les églises de Paris plus de vingt prêtres non assermentés qui disent la messe. L'arrêté du directoire n'exclut pas les prêtres qui n'ont pas prêté le serment; il dit seulement qu'on ne recevra pour dire la messe que des hommes qui seront prêtres. (Murmures.)
Je demande la priorité pour le projet du comité.
(L'Assemblée accorde la priorité au projet du comité.)
Plusieurs membres : Mettez le projet de M. l'abbé Sieyès dans l'article premier.
rapporteur. Cela se peut très aisément; voici, avec le projet de M. l'abbé Sieyès et l'amendement de M. Treilhard, comment le décret serait conçu :
Art. 1er.
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de Constitution sur l'arrêté du U avril, du directoire du département de Paris, déclare que les principes de liberté religieuse qui l'ont dicté, sont les mêmes que ceux qu'elle a reconnus et proclamés dans sa déclaration des droits ; et en conséquence décrète que le défaut de prestation du serment, prescrit par le décret du 28 novembre, ne pourra être opposé à aucun prêtre se présentant dans une église paroissiale, succursale et oratoire national, seulement pour y dire la messe.
Art. 2.
« Les édifices consacrés à un culte religieux par des sociétés particulières, et portant l'inscription qui leur sera donnée, seront fermées aussitôt qu'il y aura été fait quelques discours contenant des provocations directes contre la Constitution et en partie contre la constitution civile du clergé ; l'auteur du discours sera, à la requête de l'accusateur public, poursuivi criminellement devant les tribunaux comme perturbateur du repos public. »
(Ce décret est adopté.)
(La partie droite ne prend pas de part à la délibération.)
annonce l'ordre du jour de la séance de ce soir et invite les membres de l'Assemblée à se retirer dans leurs bureaux respectifs pour procéder à la nomination d'un président et de trois secrétaires.
La séance est levée à trois heures.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes:
Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Civray, qui, dès l'instant de sa formation, présente à l'Assemblée nationale le tribut de son admiration et de son dévouement.
Adresse de la société des amis de la Constitution du district d'Orange, qui dénonce la violation du territoire français par les Comtadins.
Plusieurs membres : Le renvoi aux comités chargés de l'affaire d'Avignon.
Cette adresse tend à inculper les corps administratifs de ce pays-là. (Interruptions.)
Il n'y a plus à faire autre chose, relativement à Avignon, que de poursuivre devant les tribunaux M. Bouche comme calomniateur.
Monsieur l'abbé Maury, je vous attends.
s'avance vers M. Bouché.
A gauche : A votre place, Monsieur l'abbé !
A droite : Est-ce que sa place n'est pas partout dans l'Assemblée ?
(L'Assemblée décrète le renvoi de l'adresse de
Adresse de M. dyA%emar, député extraordinaire de ta ville de la Voulte et de ses propriétaires rive-rains du fleuve du Rhône, qui solicitent de l'Assemblée une loi sur la propriété des fleuves, et l'abolition de la jurisprudeuce du domaine sur les fleuves. Cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs, « Chargé par les propriétaires riverains du fleuve du Rhône dans la commune de la ville de la Voulte, département de l'Ardèche, de réclamer, de la justice de l'Assemblée nationale, l'abolition de la jurisprudence du domaine établie sur les fleuves et rivières navigables, daignez honorer d'un moment d'attention l'organe d'une classe immense de cultivateurs, victimes d'un droit fiscal vexatoire, appelé régalien, bien plus tyrannie que qu'aucun de ces droits féodaux, que le glaive ae votre justice a détruit pour jamais, sans indemnité.
« Il suffira sans doute de vous tracer en peu de mots, l'origine de ce droit, et son résultat, vrai destructeur de la propriété, pour attirer sur lui toute votre indignation et la vengeauce de la justice nationale.
« Cette loi du domaine, Messieurs, qui déclare faire partie des biens de la Couronne, les îles, Uots et atterrissements gui naissent dans le lit des fleuves et rivières navigables, est une de ces lois tyranniques qu'inventa le génie fiscal, toujours tendant à accroître aux dépens des peuples, et la richesse territoriale, et la puissance de leurs chefs ou plutôt de leurs tyrans.
« Cette loi n'a d'autre base que le titre de la souvei'aineté sur le lit des fleuves; et c'est à l'abri de ce principe (1) que, par une conséquence spécieuse en apparence, les îles, îlots et atterrissements qui y naissent, ont été déclarés faire partie du domaine de la Couronne ; mais il est facile de vous démontrer que d'un pareil titre il ne peut en résulter une telle conséquence, et qu'elle ne repose que sur le plus absurde sophisme.
« En effet, qu'est-ce que le lit d'un fleuve? C'est ie sol sur lequel 1 eau coule ; si donc le souverain n'avait de propriété sur ce sol qu'autant que l'eau y coulait, il ne pouvait en avoir sur les îles, etc. qui s'y formaient, puisque l'eau n'y coulait plus, et qu'elles n'étaient pas alors le lit du fleuve : il ne pouvait en avoir davantage sur le lit abandonné par la môme raison, car alors le lit du fleuve était sur un autre sol.
« Mais ce n'est pas ainsi que raisonnait le fisc ; le lit du fleuve, disait-il, appartientau souverain ; donc tout ce qui y naît ou qui s'y forme lui appartient aussi j et, si le fleuve change de lit, ce lit qui était sa propriété ne peut cesser de l'être, malgré ce changement. De cette sorte, divisant le principe, et en mettant à l'écart les motifs, il créait au souverain de grandes propriétés aux dépens des malheureux riverains des fleuves.
D'ailleurs n'est-il pas de droit naturel de reprendre la propriété que la
force ou la violence seule nous a enlevée ? Et les propriétaires rive-
« Mais, Messieurs, le génie fiscal qui ne s'écarte jamais de sa route oppressive, ne s'était pas contenté d'abuser du principe sur lequel il fondait son droit, par l'abus le plus révoltant du pouvoir, faisant semblant d ignorer qu'aucun droit ne prescrit contre une force majeure toujours active et assimilant cette force à la loi qui admet la prescription l rente n aire, pour la jouissance paisible d'un objet quelconque, il avait hautement déclaré, sans honte, que tout droit était anéanti devant elle après le seul intervalle de 10 ans.
« Ainsi, riverain infortuné, tu ne pouvais plus reprendre la jouissance de ton champ, parce que le fleuve, qui te le restituait après t'en avoir dépouillé, y avait roulé ses eaux pendant plus de 10 ans. Ainsi le fisc, marchant rapidement vers son but par les voies les plus uniques, montrait au souverain la perspective peu éloignée d'être le propriétaire de toutes les plaines immenses qu'arrosent les fleuves dans leur cours.
Ce droit régalien, Messieurs, qui est établi par la jurisprudence domaniale, est non seulement destructeur de la propriété, mais il est encore diamétralement oppose aux principes justes que vous avez établis, concernant la quotité d'impôt que doit fournir à l'Etat chaque citoyen, en raison proportionnelle de sa fortuue.
« En effet, les îles, îlots et atterrissements ne peuvent se former dans le sein ou sur les bords d'un fleuve, qu'aux dépens des propriétaires riverains ; car nécessairement le fleuve sera obligé de remplacer la partie de son lit qu'il perd par la formation de l'île ou de l'alteirissement, en envahissant un espace proportionnel du territoire riverain ; donc le possesseur riverain contribue, lui seul, à former une propriétés l'État, et acquittant ensuite la contribution foncière comme les autres citoyens ; donc il paye beaucoup plus d'impôts que ces derniers.
« En un mot, Messieurs, ce droit appelé régalien détache le propriétaire
de son champ par les craintes, par les pertes ; il frappe sur la classe
des cultivateurs déjà malheureuse, il enlève le sol même à celui qui,
par les inondations, perd souvent ses récoltes ; il protège la formation
des îles, et par làcelledes vacants, qui enlèvent à l'agriculture les
terrains les plus précieux* et par làcelle des bas-fonds, dont les
miasmes pestilentiels infectent des contrées entières ; il sait que la
nation acquiert une propriété établie sur les fléaux, sur la destruction
; qu'elle a un bien commun en opposition avec celui des particuliers,
par la contrariété de ses intérêts, et qu'enfin elle perçoit, sur les
propriétaires riverains des fleuves, beaucoup plus d'impôts que sur les
autres citoyens, puisque l'Etat acquiert uue propriété à leurs dépens,
dont on les force encore à payer la taille ou autres contributions
foncières, quoiqu'ils n'en jouissent pas; en sorte que, dépouillés et
ruinés d'abord par les fleuves, ils le sont ensuite par le fisc ou
parles ci-devant seigneurs (1), au moment
« D'après cela, Messieurs, n'est-il pas évident qu'un pareil droit doit être anéanti aux yeux de la justice, que vous avez été appelés à rendre à tous les citoyens de l'Empire, et dont vous vous êtes fait un devoir rigoureux ?
« Yous avez aboli cette horde barbare de droits féodaux, sous laquelle gémissaient depuis trop longtemps les Français ; laisseriez-vous subsister un droit bien plus vexatoire, dont le résultat est si onéreux et si contraire à vos principes ?
« Non, Messieurs, je ne le pense pas ; le nombre de ceux qui réclament, a cet égard, depuis longtemps la justice de l'Assemblée nationale, est immense (1); les maux dont ils ont été les victimes, sous un régime despotique, sont infinis; et gé~ misaant encore, mais avec peine, sous le poids énorme des injustices et des vexations sans nombre qu'elle a essuyées, cette masse imposante de citoyens propriétaires attend avec impatience que ses héritages soient entin délivrés de ce droit domanial, vrai destructeur de la propriété.
« Vos trois comités réunis de féodalité, des do* maines, d'agriculture et de commerce ont bien senti toute l'injustice de la jurisprudence domaniale sur les fleuves, puisqu'ils n'ont pas hésité un seul instant à la proscrire et à lui substituer des principes conformes à l'équité, dans un travail nui vous a été déjà mis sous les yeux,
« Vous avez ajourné dans votre sagesse une grande partie du projet de décret qui vous était présenté, et qui s'étendait aussi sur d'autres objets ; mais vous avez pensé en même temps qu'il était de votre justice d'arrêter la voracité du fisc et vous avez chargé vos trois comités de vous présenter les principes généraux sur les fleuves.
« G'est de ces principes bien établis que doit découler la justioe que réclament les propriétaires riverains des fleuves. Vous avez tout fait pour les autres citoyens de l'Empire, laisseriez-vous gémir encore les premiers sous le régime oppresseur du despotisme fiscal ?
«( Je vous supplie donc, Messieurs, au nom de la justice, au nom de l'humanité, de vous occuper enfin du sort des malheureux propriétaires riverains : vous sentez assurément toute l"horreur que doit inspirer à l'homme juste une loi telle que la jurisprudence domaniale, établie sur les fleuves ; il suffira sans doute de vous la présenter pour que vous la proscriviez aussitôt; et la nation reconnaissante ajoutera encore ce nouveau bienfait à ceux dont vous n'avez cessé de la combler depuis le commencement de vos glorieux travaux,
« Signé ; d'ÀZEMAR, député de la ville de la Youlte. »
Adresse de M. Bourdùs, major général comman-
Procès-verbal d installation de l'évêque au département du Puy-de-Dôme, à laquelle ont assisté tous les corps, administratifs, judiciaires et militaires, séant à Clermont-Ferrand.
Adresse des administrateurs composant la directoire du département du Var, de ceux du département de la Sarthe, du distriot de Longuiy et de Loudéac, des officiers municipaux de Bagnères, qui expriment leurs regrets sur la mort de M. de Mirabeau, et instruisent l'Assemblée des honneurs qu'ils ont rendu* à sa mémoire.
Adresse d'un officier municipal de Tourt, et du curé de Sainte-Pallaye, district d'Auxerre, qui font hommage à l'Assemblée de l'éloge funèbre de M* de Mirabeau.
Procès-verbaux d'entrée, réception et installation de M. Desbois, évêque du département de la Somme, et de l'évêque du département de la Haute-Marne,
Adresse des gardes de la prévôté, supprimés en 1778, qui réclament le remboursement du prix de la finance originaire de leurs offices, avec les intérêts.
Adresse de la société des amis de la Constitution, établie dans la rue Neuve-des-Jacobins, à Toulouse, qui supplie instamment l'Assemblée de prendre toutes les mesures nécessaires pour empêcher à l'avenir le changement des lois constitutionnelles.
Gette adresse est ainsi conçue : « Messieurs,
« Lorsque, pénétrés de la plus profonde douleur, disent ces bons citoyens, nous donnions des larmes au génie bienfaisant qui vient d'être ravi à notre admiration et è notre amour, tout à coup arrachés à une morne stupeur, nous avons appris que des factieux avaient résolu de replonger la France dans de nouvelles calamités.
« Nous venons de poser nos inquiétudes dans votre sein paternel. Les ennemis du bien public, au mépris désengagements les plus sacrés, après avoir quitté le poste honorable qui leur avait été confié, se rallient de toutes parts, et dans l'excès de leur audace, ils ont résolu d'ébranler l'édifice majestueux que vous venez d'élever à la justice et à l'humanité, vous les verrei se replacer au milieu des législateurs et, sous le faux prétexte de l'intérêt public, déchirer le sein de la patrie. Accoutumés à se parer du titre perfide d'amis de la monarchie et de la personne sacrée du roi, ils voudront reproduire l'inégalité, les distinctions injurieuses et tous les fléaux destructeurs de la société. Nous nous hâtons de vous dévoiler leurs coupables desseins. Un parti déjà vaincu, accablé sous les traits irrésistibles de la justice et de l'opinion publique, va réunir toutes ses forces pour séduire les âmes faibles et pusillanimes. Il invoquera le nom sacré de la liberté. Armé de cette égide redoutable, il sapera les fondements de la félicité publique, des bouches impies réclameront, pour les prochaines législatures, le droit de porter une main sacrilège sur les décrets constitutionnels. Ainsi, luttant sans cesse contre ses représentants, le peuple ne pourra plus échapper au danger qui l'environne, le ressort de la force civile va se détendre, les troubles le détruiront, et les Français n'auront brisé un moment leurs fers, que pour retomber épars dans la vaste étendue de l'Empire, et ne plus exister libres et heureux.
« Qui calculera les maux qui noua attendent,
« Pères de la patrie, hâtez-vous de mettre fin à nos vives sollicitudes. Après l'étonnante révolution de Sparte, Lycurgue demande aux Lacédémoniens de garder religieusement le sacré dépôt des lois établies jusqu à son retour dans une patrie qu'il ne doit plus revoir.
« Semblables à ce génie bienfaisant, vous n'avez pas voulu, comme lui, donner une durée éternelle au sublime ouvrage que vous venez de construire ; les mœurs et le caractère des nations sont sujets à des vicissitudes continuelles ; et d'ailleurs, faibles et mortels, vous avez dû imprimer, sur tout ce qui vous environne le caractère de notre frugalité. A la divinité seule, il appartient d'être immuable. Mais pour étouffer les cris des ennemis du bien public, fixez dans l'avenir à l'époque où la France pourra changer sa Constitution. Alors les illusions de l'enthousiasme auront disparu, et les esprits aidés de l'expérience soumettront les différentes parties de notre système politique à l'examen de la froide raison. Maintenant, jouissez de la seule récompense dans vos pénibles travaux. Vos lois toutes éclatantes de sagesse et de beauté vont suivre la marche qui leur a été communiquée, et vous goûterez cette joie pure qu'éprouva l'Etre suprême, quand il vit l'univers à peine sorti du chaos, exécuter ses divers mouvements avec tant d'harmonie et de régularité. »
Adresse du sieur Bouriquin, homme de loi à Bouarnenez, district de Pontevoix, au département du Finistère, qui envoie à l'Assemblée nationale la copie d'un mémoire des marins et pêcheurs de ûouarnenez, sur le moyen de prévenir les accaparements des rogues.
(Cette adresse est renvoyée au comité d'agriculture et du commerce.)
Le sieur de Schant est admis à la barre.
Messieurs, vous voyez devant vous à la barre M. le chevalier de Schant, Suédois, qui, lorsqu'il était au service de la France, a été exilé et éloigné par le despotisme ministériel, en vertu d'une lettre de cachet du 13 décembre 1779.
Il présente à l'Assemblée nationale un mémoire pour lui témoigner sa reconnaissance et lui rendre grâce de ce qu'elle a bien voulu lui rendre par ses décrets la liberté de rentrer dans le royaume.
Il fait également hommage à l'Assemblée d'un ouvrage sur l'invention d'un nouveau système de construction des vaisseaux de guerre, fruit des loisirs de son exil.
J'espère que l'Assemblée ne me désapprouvera
Sas en accordant les honneurs de la séance à [. de Schant. (Applaudissements.)
(L'Assemblée accorde à M. de Schant les honneurs de la séance.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une lettre du sieur de Latude, qui prie l'Assemblée de vouloir bien réparer une erreur qui a été commise dans son sein même, erreur qui lui fait perdre la considération et l'estime publique-
Cette lettre est ainsi conçue :
« Monsieur le Président,
« Un homme malheureux est de toutes les nations; il a des litres sacrés sur tous les cœurs vertueux. Je viens réclamer les droits que j'ai sur ceux des représentants du peuple le plus généreux de l'univers. Mon cœur reconnaissant n'oubliera jamais que les législateurs de la France avaient pris la défense de la plus malheureuse victime de l'injustice. Mais, dans l'instant même où vos bienfaits allaient mettre fin à toutes mes peines, une erreur inconcevable m'a fait perdre votre considération. Par celte erreur, mes maux sont parvenus à leur comble. Je ne puis me présenter nulle part. Je suis perdu sans ressource, si vous ne daignez être sensibles à mon humble prière. Le mal a été fait dans le sein de cette Assemblée : c'est dans ce lieu qu'il doit être réparé. Je viens vous supplier, au nom de la loi, de permettre que je me justifie sur cette inculpation, d'ordonner à votre comité de se faire remettre les papiers que j'ai déposés au comité des pensions, pour les examiner et vous faire enfin un rapport fondé sur la vérité et sur l'exactitude des faits. Je suis citoyen français, et je suis malheureux. Au nom de la patrie, ne me refusez pas la justice que je demande, que 40 ans 3 mois et 4 jours de captivité, de souffrances et de gémissements implorent en ma faveur. Mes ennemis n'ont jamais réussi à entacher mon honneur. C'est le seul bien qui me restât. Il m'a été ôté en votre présence. Au nom de la nation, restituez-le-moi ou rendez-moi mes chaînes. J'en supporterai le poids avec plus de courage et de résignation, que ia perte de mon honneur.
« Je suis, avec un profond respect, etc...
« Signé : de La Tude. »
Plusieurs membres : A l'ordre du jour !
Messieurs, il s'agit ici d'un infortuné.
Plusieurs membres : Le décret est rendu.
Je demande le renvoi de son adresse au comité des rapports. Il ne vous demande rien (Murmures.) ; il veut se justifier à vos yeux.
Plusieurs membres : Il y a un décret.
Un homme accusé a le droit de justifier sa conduite; on ne vous demande rien à juger.
Messieurs, vous ne connaissez pas les faits et vous refusez de les apprendre. Le despotisme ne lui a pas ravi l'honneur, et vous voulez le lui ravir. Ce n'est pas de l'argent qu'il demande, c'est son honneur. (Applaudissements.) Il vous demande de ne pas ajouter au supplice de sa vie celui de la terminer dans un opprobre que par erreur vous avez imprimé à son nom.
J'ai moi-même partagé l'autre jour l'opinion qui l'a fait condamner ; mais, mieux instruit, je viens aujourd'hui réparer mon erreur : on a vu un crime là où il n'y a qu'une faute. Faites comme moi, instruisez-vous. (Murmures.) Comme l'Assemblée n'a pas entendu juger M. de La Tude, ce n'est pas un appel de son jugement, c'est une expression nouvelle de son affaire, renvoyée à un de vos comités; je demande le renvoi au comité des rapports. (Applaudissements dans les tribunes.)
(L'Assemblée décrète le renvoi au comité des rapports.)
Messieurs, voici un mémoire des officiers municipaux de Douai qui réclament contre uo décret qui les a condamnés sans les avoir entendus et qui prient l'Assemblée de vouloir bien rapporter ce décret.
j'en demande le renvoi au comité de Constitution.
Moi, je demande la question préalable; c'est en connaissance de cause que vous avez prononcé sur cette municipalité : elle est renvoyée au tribunal d'Orléans; c'est là qu'elle doit se justifier.
Vous avez jugé avant d'avoir le procès-verbal; car, après lecture des faits, votre jugement eût été différent de celui que vous avez rendu. (Murmures.)
Je demande la parole.
Je m'oppose à ce que personne ait la parole.
C'est justice que je réclame pour les malheureux officiers municipaux de la ville de Douai. L'urgence des circonstances vous fit décréter, avant d avoir reçu leur procès-verbal qui fut remis à votre Président le lendemain de votre décret, vous fit, dis-je, décréter qu'ils seraient conduits à Orléans, pour leur procès leur y être fait par la haute cour nationale, parce qu'ils n'ont pas publié la loi martiale lors des troubles de leur ville infortunée; mais j'ose vous assurer, Messieurs, que, si vous les eussiez entendus, vous auriez été convaincus de leur innocence, comme le sont tous leurs concitoyens.
J'ai reçu moi-même plusieurs lettres de Douai, et entre autres une de M. le commandant de la garde nationale, qui attestent qu'il était impossible de publier la loi martiale, sans exposer la ville aux plus grandes horreurs, et que le moindre mal qu'il en aurait pu résulter aurait été le mépris ae cette loi dont on se serait moqué. (Murmures et interruptions.)
Voix diverses : Aux voixl aux voix! — La question préalable.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer.)
Un de MM. les secrétaires donne lecture des pièces suivantes : '
Adresse du sieur Berthe, employé aux bureaux des comptes de la loterie royale, qui offre sa signature pour 20,000 petits assignats sans aucune rétribution.
(Cette adresse est renvoyée au comité des finances.)
Adresse de la commune de Dieppe tendant à écarter les dispositions d'un projet concernant la conservation et le classement des places de guerre et postes militaires.
Mémoire adressé par M. Amelot et contenant un résumé succinct qui présente le progrès des diverses recettes de la caisse de l'extraordinaire et celui des remboursements.
(Ce mémoire est renvoyé au comité des finances.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès- verbal de la séance d'aujourd'hui au matin, qui est adopté.
au nom des comités d?agriculture et de commerce et de la marine réunis, fait un rapport sur la construction des digues nécessaires pour assurer la navigation des bouches du Rhône. Il propose ensuite le projet de décret suivant : » L'Assemblée nationale, après s'être fait rendre compte par son comité d'agriculture et de commerce, des différentes réclamations qui leur ont été adressées relativement à l'état actuel des bouches du Rhône, reconnaissant l'urgente nécessité qu'il y a de donner à cette importante navigation loute l'activité dont elle est susceptible, décrète ce qui suit :
« Art. 1er. Conformément à l'avis de
l'assemblée des ponts et chaussées, les digues, existant près
l'embouchure du Rhône, seront prolongées de 450 toises, et continuées
plus avant, si la sûreté de la navigation l'exige.
« Art. 2. En conséquence, il sera fourni par le Trésor public une somme de 450,000 livres, pour être appliquée aux besoins et en être rendu compte. Sur ladite somme de 450,000 livres, la commune d'Arles sera remboursée de celle de 2,854 livres qu'elle a fournie pour les frais d'entretien, suivant l'état joint aux pièces.
« Art. 3. Le ministre de l'intérieur donnera les ordres convenables au directoire du département des Bouches du-Rhône, afin de surveiller ces ouvrages, et qu'i's soient très incessamment commencés et exécutés.
¦ Art. 4. Le présent décret sera présenté dans le jour à la sanction du roi, qui sera prié d'en ordonner la prompte exécution. » (Interruptions.)
La navigation est interrompue depuis l'aqnée dernière.
Je demande la parole, Monsieur le Président.
On m'a dit, pour prendre cette affaire en considération, qu'il était indispensable de s'en occuper, afin que la foire prochaine de Ëeaucaire pût en tirer avantage. Quand vous rendriez le décret à l'instant, l'ouvrage ne serait pas même commencé, lors de la foire de Beaucaire. Je ne m'arrête pas à ce que les ponts et chaussées ont fait, parce que je suis instruit par des faits incontestables, que cette partie-là donnait des états dans lesquels elle avait tout intérêt. Il me faut, quant à moi, pour me déterminer à voter une réparation publique, en voir, premièrement la nécessité, secondement un devis : il faut donc ajourner cette question indéfiniment.
En 1754, la même demande, qui vous est faite aujourd'hui, fut portée au
tribunal des ponts et chaussées; et M. Trudaine composa un excellent
mémoire sur le danger de laisser encombrer l'embouchure du Rhô ie. Ce
fut en 1754 que l'on traita cette question. A cette époque, Messieurs,
on sentit les dangers de laisser le Rhône s'engloutir dans les sables,
auprès de Leyde. Mais, dans le moment, il est manifeste que, quelque
urgentes que puissent être les réparations, il est impossible de les
faire avant la foire de Beaucaire. il est démontré de plus, Messieurs,
qu'aucun de nous, pas même les députés des Bouches-du-Rhône, ne peuvent
avoir de connaissances précises sur les travaux nécessaires à
Plusieurs membres: L'ajournement!
Il parait que les préopinants ne sont pas instruits parce qu'ils n'ont rien voulu savoir. Car il y a déjà un mois, ou environ, qu'on a distribué un rapport à ce sujet. En 1722, les fermiers généraux furent chargés de construire et d'entretenir des digues dans le même endroit dont il est question aujourd'hui, et, à cet effet, ils furent autorisés à prélever 5 sous par minot de sel ; en conséquence, les constructions furent faites par-ci, par-là, à la fermière générale, c'est tout dire. Depuis 1722 jusqu'en 1736, les fermiers généraux y firent quelques légères réparations. Depuis 1/36 jusqu'à ce moment, les fermiers généraux ont perçu les 5 sous par minot de sel, et n'ont fait aucune réparation. Cependant les bouches du Rhône sont aujourd'hui si embarrassées, surtout depuis le mois de novembre dernier, que les munitions de guerre et de bouche destinées pour vos places du côté du Midi sont encore devant la ville d'Arles; il faut donc remédier à cet inconvénient : vous y remédierez sans qu'il vous en coûte rien. (Rires ironiques.)
Un membre : C'est incroyable !
Voici la preuve bien aisée à faire : depuis 1736 jusqu'en 1790, les fermiers généraux ont perçu les 5 sous par minot de sel. (Applaudissements.)... ;
Un membre : Faites-les leur rendre.
les fermiers généraux doivent donc un compte de clerc à maître, depuis 1736 jusqu'en 1790. Certainement on ne me contestera pas cela, d'où je conclus que les 400,000 livres que l'on vous demande, pour faire une réparation véritablement nationale, ne sont qu'une pure avance qui sera effectivement payée par les fermiers généraux.(Applaudissements.) Messieurs, ce que j'ai l'honneur de vous dire est si vrai, que vous avez rendu, il y a environ deux mois, un décret par lequel vous ordonniez à votre comité des finances de se faire rendre compte de clerc à maître, depuis 1736 jusqu'en 1790; en demandant donc que vous décrétiez le projet qui vient de vous être proposé, je vous prierai d a-jouter un article qui contiendra derechef l'exécution du décret que vous avez rendu à cet effet.
On vous a parlé de la foire de Beaucaire; il ne s'agit point de la foire de Beaucaire, il s'agit de la navigation de tout le royaume, car je vous apprends, si vous l'ignorez, que, dans les temps de disette, le blé et les farines se voiturent par le Rhône, que c'est par le Rhône que le Midi nourrit le Nord, et réciproquement, lorsqu'un pays a été plus heureux que l'autre; de plus, toutes vos munitions de guerre et de bouche qui vont à Toulon, à Monaco, à Antibes et dans les pays méridionaux, passent par le Rhône. Ainsi, quand sa navigation est interceptée, il en résulte que, dans un temps de disette, les différentes parties du royaume ne peuvent se procurer les secours qu'elles doivent attendre les unes des autres ; il en résulte que, dans un moment de guerre, les différents départements du royaume ne pourraient, qu'avec des frais extraordinaires, se procurer des secours. Voilà le fait : c'est le commerce, c'est la subsistance, c'est la défense de l'Empire, qui nécessitent que les bouches du Rhône soient navigables; à présent, à quel propos vient-on vous parler des comptes précédents des fermiers généraux en retard? Si ces fermiers généraux sont en retard, il faut qu'ils rendent compte et qu'ils payent sans miséricorde. (Applaudissements.) Je me résume donc à demander que l'administration des ponts et chaussées fasse les réparations nécessaires pour rendre les bouches du Rhône navigables.
On ne demandait originairement que 50,000 livres pour celte réparation. Aujourd'hui on vous en demande 450,000; je crois que cela mérite bien réflexion. Tout ce que vous pourrez ordonner, si vous n'ordonnez pas l'ajournement, c'est qu'on vous donne des renseignements pris en conséquence de vos décrets.
Plusieurs membres : Aux voix l'ajournement 1 (L'Assemblée, consultée, décrète l'ajournement du projet de décret.)
Le recensement du scrutin pour la nomination du Président n'a pas don-aé de résultat : sur 352 votants, M. Charles deLameth a obtenu 152 suffrages, et M. d'André, 140 suffrages. Il y aura lieu de procéder à un nouveau scrutin, aucun des candidats n'ayant obtenu la majorité absolue.
Les nouveaux secrétaires, élus en remplacement de MM. Roger, Goupil-Préfeln et l'abbé Mougins, sont MM. l'abbé Besse, Fournier de La Charmie et Verchère de Reffye.
Un membre du comité d'aliénation présente, au nom de ce comité, un projet de décret portant adjudication de domaines nationaux en faveur de diverses municipalités. Ce projet de décret est ainsi conçu :
L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux des évaluations et estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
A la municipalité de Heudley-Coton, département de la Haute-Marne, pour.................. 68,1371. 4s. 6 d.
A celle de Vie, déparlement des Hautes-Pyrénées, pour............ 103,845 19 8
A celle de Bailleval, département de l'Oise.. 18,199 » »
A celle de Baudrecourt, département de la Haute-Marne................ 11,076 18 2
A celle de Breuil,
A reporter....201,8681. 12 s. ,6d.
Report.....201,8681. 12 s. 6d.
même département....20,209 8
A celle de K âge cour-sur-Marne, même dépaorlement................3,987 4 8
A celle de Genres et Saint-Aignan, département de la Mayenne...76,290 1 8
A celle de la Chapelle-d'Aligny, département de la Sarthe..........85,391 13
A celle de Toucy, département de l'Yonne..49,961 »
A celle de Vézelay, même département.... A celle de Paria .....95,627 » »
A la même..........1,090,947 1
A celle de Saint-Denis, département de Paris..1,719,843 4 2
A celle de Vauville, département de Seine-et-Marne ................768,494 16
A celle de Hermé, même département...........19,437 » »
A celle de Luistaine, même département..........45,961 8 »
A celle de Voulton, même département..........21,354 14 »
A celle de Saint-Fiacre, même département......163,696 6 6
A celle de Château-Giron Mépartem en t d'Ile-et-Vilaine.............68,758 16 »
A celle de Romazy, même département....36,058 » »
A celle de Frossay, département de la Loire-Inférieure.............5,616 1
A celle de Bellenave, département de l'Allier.29., 352 8
A celle de Nantes, département de la Loire-Inférieure.............84,406 » »
A celle d'Avranches, département de la Manche...................1,687,737 3 4
A celle de Vigneulle, département de la Moselle..................26,811 13 8
A celle de Bellesme, département de l'Orne..218,628 8 10
Total...... 6,519,263 l. 10s. 2d.
« Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et états d'estimation respectifs, annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. »
(Ce décret est adopté.).
L'ordre du jomr est la suite de la discussion du ¦projet de décret du comité de judicatmre sur le remboursement des offices d'avocats au Conseil (1).
Je rappellerai à l'Assemblée qu'à la séance de jeudi soir, l'Assemblée
avait été appelée à statuer sur un amendement de M. Mougins consistant à
fixer à 20,000 livres le minimum du remboursement des offices des
avocats au Conseil.
Après deux épreuves, à la suite desquelles j'avais dû prononcer l'adoption de cet amendement, des réclamations se sont élevées et l'Assemblée a enfin ajourné la question, toutes choses restant en l'état.
Voilà où en est l'état de la délibération.
L'expérience a appris qu'avec de 1 esprit et des intentions équivoques, rien n'est plus facile que de trouver des raisons pour soutenir le pour et le contre. (Rires.) Cette vérité, attestée par l'expérience, a été surtout demontrée en France par les avocats, depuis 3 ou.400 ans. (Rires.) Cependant un Corps législatif ne doit pas retourner aujourd'hui contre les avocats les armes dont ils ont fait usage pendant si longtemps. En conséquence, Messieurs, je viens discuter brièvement la question du remboursement des offices des avocats au Conseil, sans me servir des moyens d'un avocat. (Rires.)
il est évident, Messieurs, que la société demande à une classe de citoyens le sacrifice de leur étal; elle ne leur demande ce sacrifice qu'à regret, car il est triste que le bien général se compose toujours d'infortunes particulières; vous avez jugé nécessaire, pour la perfection du nouvel ordre judiciaire que vous établissiez dans le royaume, d'anéantir les offices des avocats au Conseil, préposés par la loi pour faire valoir les moyens dont les citoyens avaient besoin de se munir pour solliciter dans le conseil du roi la cassation des jugements rendus dans les cours souveraines; il ne faut pas que les avocats au Conseil, qui n'avaient pas créé leurs offices, qui les ont payés, souffrent aujourd'hui du sentiment qu'inspire à tout bon citoyen le commerce usuraire et simoniaque établi depuis longtemps dans le gouvernement français, non seulement sur les offices des juges, mais même sur les offices des défenseurs des citoyens r nous ne devons voir, dans les avocats au Conseil, que des pères de famille, des citoyens utiles, des hommes laborieux que nous privons aujourd'hui de leur état, et qui ne sont heureusement pas en assez grand nombre, pour que les sacrifices que fera aujourd'hui l'Assemblée nationale en leur faveur puissent avoir une grande importance dans le Trésor public.
Il est manifeste, Messieurs, qu'il ne faut pas se conduire ici par des exemples, qu'il ne faut pas se conduire même par les principes d'une justice trop rigoureuse.
Je n'ai à réclamer dans cette cause qu'un seul principe ; et ce principe ne sera contredit nar personne ; on n'évalue jamais un bien par ce quil a coûté; on l'évalue par ta valeur qu'il avait lorsqu'on le vendait. Voilà le seul principe que la société ait jamais réclamé, lorsque, usant de la souveraineté inaliénable, elle a demandé à quelques citoyens le sacrifice de leurs propriétés particulières. Toutes les distinctions que 1 on vous a présentées dans cette discussion me paraissent des subtrlités indignes de servir de règles à votre décision. On vous dit que les anciens avocats au Conseil n'ont payé leurs offices que 10,000 livres; que par la multitude des causes qui ont été portées depuis 20 ou 30 ans au conseil des parties, les offices ont acquis une beaucoup plus grande valeur, et que les acquéreurs de cts offices les ont payés jusqu'à 40 et 50,000 livres, enfin, 100 et 115,000 livres.
Je n'argumente pas, ici : je raisonne selon les éléments les plus communs
du bon sens. Je demande quelle différence il peut y avoir aux
Aujourd'hui, Messieurs, que vous vous conduisez par les règles de la justice et par des régies, j'ose dire sans intérêt, par des règles de générosité, je pense qu'il n'est ni de la justice, ni delà générosité d'une grande nation d'aller compter avec tant de sévérité avec 52 pères de famille que l'on prive de leur étal : aujourd'hui que la nation se met à la place des acquéreurs des offices, la nation ne doit pas avoir une autre mesure d'application que celle qu'auraient eue les autres citoyens. Il me semble que voos rempliriez le vœu de toutes les parties intéressées sinon à la lettre, du moins à l'esprit du décret proposé par votre comité, en décrétant que tous les offices des avocats au Conseil seront indistinctement remboursés au prix commun que se vendaient les offices, il y a dix ans.
Je sais que la question préalable a été invoquée contre cette conclusion; Messieurs, il n'y a point de question préalable contre la raison ; une question préalable n'est pas un titre irrévocable contre elle. (Murmures.)
Un membre. Vous déraisonnez.
rapporteur. Le préopinant vient de vous faire un plaidoyer perpétuel contre les lois par vous décrétées. Effectivement les bases d'après lesquelles votre comité s'est déterminé ont été assises par vous et d'après les principes éternels de l'équité; et voici ce que le préopinant ignore, et ce qu'il est bon de lui apprendre: c'est que dans la véritable règle la nation eût été maîtresse de ne rembourser les titulaires d'offices supprimés que sur le pied de la finance.
0 summa injuria!
Plusieurs membres : A l'ordre ! à l'rdre !
rapporteur. Cependant il était de son humanité de compatir au sort de ceux qui se payaient sur ce pied, ce qui l'a déterminée à se relâcher de ses principes; mais il n'est pas moins vrai que les titulaires n'auraient pas été fondés à prétendre d'autre remboursement.
Messieurs, nous faisons notre devoir, sans craindre les inculpations. Vos comités ont adopté les bases qu'ils avaient présentées avec d'autant plus de raison que, lorsque l'Assemblée a rectifié l'évaluation des offices ministériels, elle y a joint une indemnité pour les commissaires et sergents de police ; de sorte que .l'indemnité et l'évaluation ne puissent jamais excéder le prix du contrat ; voilà la règle établie, la base d'après laquelle votre comité a été obligé de se régler.
(de Sain t-Jean-d'Angêly.) Il n'y a que 12 individus qui soient en état de jouir de la faveur qu'on vous demande. Si les anciens avocats au Conseil fussent morts il y a 2 ans, leurs enfants auraient vendu leurs charges 80 ou 100,000 livres; vous ne pouvez pas réduire les enfants de ces citoyens à regretter pour leur fortune, pour leur existence, de n'avoir pas perdu leurs pères il y a 2 ans. (Quelques applaudissements.)
Plusieurs membres : Aux voix l'amendement de 20,000 livres !
Je mets aux voix l'amendement de M. Mougins tendant à fixer à 20,0001ivres le minimum du remboursement des offices des avo-ats au.Cons il.
(Cet amendement est adopté.)
Plusieurs membres prétendent qu'ils n'ont pas entendu, que l'épreuve est douteuse et réclament l'appel nominal.
Je vais consulter l'Assemblée, puisque l'on me dit qu'il y a du doute.
Je m'oppose formellement à ce que vous fassiez sans cesse ae nouvelles épreuves quand 2 ou 3 membres réclament : il faudrait donc rem ttre aux voix tous les décrets. (Marques d'approbation.)
Je propose par amendement : 1° que et ux dont les contrats d'acquisition ne sont que de 10,000 livres, et au-dessous, soient sujets, comme les autres, à la déduction du recouvrement; 2° que le montant de ce recouvrement soit fixé au quart du prix des contrats.
Aux voix l'amendement de M. Le Tellier 1
Plusieurs membres proposent la question préalable sur l'ameudement.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'amendement de M. Le Tellier.)
Plusieurs membres demandent que le projet du comité soit mis aux voix avec l'amendement de M. Mougins, déjà décrété.
rapporteur, donne lecture du projet de décret amendé; il est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que les avocats au Conseil s ront remboursés sur le pied du dernier contrat d'acquisition de chaque titulaire; et néanmoins, que ceux dont les prix des contrats som inférieurs à 20,000 livres recevront cette dernière somme en remboursement.
« Décrète, en outre, que tous ceux dont les prix des contrats excèdent 20,000 livres seront assujettis à la déduction d'un huitième sur le montant de leur remboursement, pour raison des recouvrements présumés compris dans les ventes qui leur ont été faites. »
(Ce décret est adopté.)
lève la séance à neuf heures.
PRÉSIDENCE DE M. REWBELL.
Séance du
La séance est ouverte à onze heures du matin.
secrétaire, donne lecture d'une lettre de M. Charon, officier municipal de la ville de Paris, ainsi conçue :
« Paris, le
« Monsieur le Président, « L'abbaye de Scellières, près Romilly, départe-tementde l'Aube, où reposent les cendres de Voltaire, vient d'être vendue. En ma qualité de commissaire chargé par le corps municipal i e l'examen de la demande en translation de ses cendres à Paris, on vient de m'adresser une lettre ci-jointe, par laquelle on m'apprend que les amis de la Constitution de Troyes en réclament la possession ; l'on y ajoute une délibération prise par le conseil général de la commune de Romilly, par laquelle il est arrêté que les restes de Voltaire seraient partagés. , A .
« Alarmé de ces dispositions, n ayant pas le temps de demander la convocation du corps municipal, pensant que l'Assemblée nationale voudra payer à la mémoire de Voltaire le tribut de re-connaissancedontilreste à lanation à s'acquitter; convaincu que la ville de Paris, plus qu'aucune autre, a le droit de réclamer la possession des cendres de ce grand homme, né, mort dans ses murs, où la patrie reconnaissante vient de consacrer un monument pour les grands hommes, j'ose vous supplier, Monsieur le Président, de demander, provisoirement, un décret par lequel il soit ordonné que le corps de Voltaire sera transporté sur-le-champ dans l'église de Romilly ; autorisant le sieur Favreau, maire dudit lieu, à ce que les restes précieux de ce grand homme soient conservés sains et saufs, jusqu'à ce qu'il plaise à l'Assemblée nationale d en ordonner le transport à Paris.
« J'aurai l'honneur de vous observer, Monsieur le Président, que l'époque du 30 mai, anniversaire de la mort de Voltaire, semble être désignée par toute la France. Ce jour, l'intolérance et le fanatisme exercèrent contre le philosophe de Ferney leur fureur, leur persécution : que pareil jour soit celui du triomphe de la philosophie, de la raison et de la justice.
« Je suis avec un profond respect, etc.
« Signé : CHARON, officier municipal de Paris. »
(de Saint-Jean-d'Angèly.) Messieurs, les restes d'un grand homme qui a
éclairé ses concitoyens pour toujours appartiennent à la France entière
et une portion de l'Empire ne peut les diviser ou se les approprier. Les
cendres de Voltaire ont trouvé dans l'abbaye de Scellières un asile
contre le fanatisme qui persécutait son ennemi même après sa mort.
Aujourd hui l'abbaye de Scellières est vendue et on craint que le corps
de Voltaire ne soit partagé entre les villes ou sociétés qui se le
disputent. L'Assemblée nationale doit prévenir cette division ; elle
pensera sans doute que Voltaire doit être mis au rang des
J'ai l'honneur en conséquence de vous proposer le projet de décret suivant :
« L'Assemblée nationale décrète que le corps de Marie-François Arouet de Voltaire sera transféré, de l'église de l'abbaye de Scellières, dans l'église paroissiale de Romilly, sous la surveillance de la municipalité dudit lieu de Romilly, qui sera chargée de veiller à la conservation de ce dépôt, jusqu'à ce qu'il ait été statué par l'Assemblée sur la pétition de ce jour, qui est renvoyée au comité de Constitution. »
Un écrivain célèbre, Bayle, a dit : « Voltaire a mérité les remerciements, mais non pas l'estimedugenrehumain. » Sice jugement est vrai, je crois qu'il serait plus sage de passer à l'ordre du jour.
Je vous rappellerai que Voltaire, en 1764, dans une lettre particulière qu'il écrivait, annonçait cette Révolution dont nous sommes témoins: il l'annonçait telle que nous la voyons: ilsentaitqu'ellepourraitêtre encore retardée, que ses yeux n'en seraient point les témoins, mais que les enfants de la génération d'alors en jouiraient dans toute sa plénitude. C'est donc à lui que nous la devons, et c'est peut-être un des premiers pour lesquels nous devons les honneurs que vous »'estinez aux grands hommes qui ont bien mérité de la patrie. Je ne parle pas ici de la conduite particulière de Voltaire : il suffit qu'il ait honoré le genre humain, qu'il soit l'auteur d'une Révolution aussi belle, aussi grande que la nôtre, pour que nous nous empressions tous à lui faire rendre au plus tôt les honneurs qui lui sont dus.
Je demande donc que vous mettiez sur-le-champ aux voix la motion faite par M. Regnaud.
Je demande la parole.
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
Renvoyez-le à l'abomination de la désolation.
On compare Voltaire à un prophète. Je demande que ses reliques soient envoyées en Palestine.
Voltaire a été pendant sa vie déchiré par l'ignorance et le fanatisme : il n'est pas étonnant qu'il puisse encore y être en proie.
Messieurs, j'appuie la proposition de M. Regnaud : l'influence des écrits ae voltaire, de cet homme de génie, sur la Révolution française est incontestable. Souvent il m'a répété : « j'ai de grands pressentiments qu'il y aura avant la fin de ce siècle une grande Révolution dans les gouvernements et surtout en France. »
(L'Assemblée, consultée, adopte le projet de décret présenté par M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angély.)
au nom du comité des finances,
Art. 1er Le Trésor public fera aux
directoires des 83 départements l'avance de la somme de deux marnons
huit cent dix-huit mille deux cent soixante-quinze livres (2,818,275
liv.), pour subvenir a la dépense des tribunaux pour le trimestre de
janvier 1794.
" Art- 2- Le Trésor public fera également l'a-vaace aux directoires des 83 déparlements de la epmrne de deux millions six cent quatre-vingt-six mille six cent vingt-cinq livres (2,686,625liv..), pour subvenir aux dépenses d'administration pour le même trimestre de 1791.
Art. 3. L'une et l'autre somme seront partagées entre les départements, conformément aux états de distribution remis au comité des finances.
Art. 4. Dans le oeurant de juin prochain le iresor public fera les mêmes avances, pour subvenir aux mêmes dépenses des tribunaux et d'administration, pour le trimestre d'avril 1791.
Art. 5. Le receveur du district renfermant le chet-lieu du département fournira au Trésor public un récépissé de la totalité de la somme qui aura été envoyée au directoire du département pour une et l'autre dépense; et la distribution de cette somme sera farte ensuite en proportion des besoins de chaque district et de chacun des corps administratifs des départements.
« Art. 6. Ce récépissé sera visé par les administrateurs du directoire de département lesquels, par 1 arrêté mis au bas de ce récépissé, prendront 1 engagement de faire remplacer au Trésor national sur le produit des sous pour livre additionnels a imposer au marc la livre des contributions de 1791, et opéreront en effet ce remplacement en 1791, comme si les rôles avaient été laits aux époques ordinaires.
Je m'oppose à l'admission subite de ce projet ; je rappellerai à l'Assemblée l'attention qu elle a toujours ou presque toujours eue de ne jamais délibérer sur des matières de finances après un simple rapport des comités; elle a constamment exigé l'impression préliminaire des rapports et des projets proposés par le comité des finances avant de rien décider sur les objets qui sont de sa compétence, i Jf.,dMmande en conséquence l'ajournement de la délibération jusqu'à ce que le projet de décret du comité ait été imprimé et distribué. (L'impression et l'ajournement sont décrétés.)
Messieurs, les corps administratifs apportent une très grande lenteur dans 1 expédition des pièces relatives à l'évaluation des biens de leur arrondissement respectif et à la population; cette lenteur est d'autant plus préjudiciable que les pièces qu'ils sont tenus de lournir doivent servir de base au comité de 1 imposition pour la répartition entre les départements de la contribution publique.
Je demande que le comité d'imposition soit tenu de donner connaissance à l'Assemblée des administrations qui sont en règle et de celles qui ne le sont pas, afin qu'on puisse réveiller l'activité de oelles qui sont en retard et de hiter, par cette mesure, l'important travail de l'assiette de la contribution.
au nom du comité de l'imposé tion. Je suis heureux de pouvoir annoncer à f'As-semblee que les tableaux de répartition, dont il vient de vous être parlé, sont actuellement à 1 impressiion et qu'ils seront en état d'être exposés à l'examen de l'Assemblée mardi prochain au plus tard.
Le retard qu'a mis votre comité à vous soumettre son travail provient des nombreuses dif-bco tes de nullité et d'inexactitude de calculs qu lia fallu surmonter et qui ont demandé uin temps considérable.
Notre travail est rédigé de manière à ne laisser subsister aucune confusion dans l'esprit; il abrégera, je crois, de beaucoup les discussions interminables ou du moins très longues dans une semblable matière.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour.)
au nom des commissaires de la caisse (te L extraordinaire, annonce qu'il sera brûlé vendredi à la caisse de l'extraordinaire pour 9 millions d assignats.
au nom du comité central de liquidation, présente un projet de décret portant liquidation de plusieurs offices de judicature Le projet de décret est ainsi conçu :
L Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité général de liquidation, oui lui a rendu compte du résultat des opérations du commissaire du roi, dont l'état suit :
.Résultat
Savoir
Jures priseors des bailliages et sénéchaussées de Dax, Rayonne, Château-jGontier, Falaise, d-u Mans, Montmarsan, Sailat, Tarlas et Vilïe-
neuve-derBerg, Remiremont.............
Grenier à sel de Tonnerre.... J.......4 offices"
Sénéchaussée et présidial d'Agen.....g offices)Iddlt.V
Jurés prisears de Chalon-sur-Saone„... *.... ] . (addit.).
Bailliage de Sarreguemiaes..........
Maîtrise des eaux et forêts de Châteauroox W
Municipalité de Rozoy-sur-Serre......
Election de Belley.. ....... ........
Montant des liquidations.
3 offices (addit.).
4 offices........
1 office....-.....
11 offices........
271,302 1. 12,412 25,104 35,567 25,098 14,-934 620 144,163
18
Amirauté de Dieppe..................... H offiees........................
Jurés priseurs de Lexheim.............................................
Jurés priseurs de Bitche. ........................................ .... ;....
Maîtrise des eaux et forêts de Glermont-en-
Beauveisis..............................." * offices......................
Bureau des finances de Paris....-.............. 8 offices d Uuissiers audienciers.
Jurés priseurs de Saint-Diév...-.v.v.-........».............................
Jurés priseurs de Semur-en-Auxeis.................«......................
Election d'Alençon.........................12 offices.......................
Jurés priseurs ae Chevreuse- (ressort da Châ-
telct de Paris).......................
Bailliage de Saint-Dié ................ 1 office (addit.)................
Bailliage de Vire.......................14- offices......................
Maitrise des eaux et forêts de Lunéville...1 office-(addit.)................
Juré priseur d'Abbeville ....................... ........................
Vicomté de Thorigny.......;...............* 1 office.......................
Jurés priseurs de Saint-Mihiel......................................
Jurés priseurs de Nîmes.............................................
Maîtrise des eaux et forêts de Lille........ 9 offices......................
Bailliage de Longuyon.................... 4 offices......................
Sénéchaussée d'Arles......................... 1 office (addit.)...............
Jurés priseurs de Beaufort... ..-....................................................
Jurés priseurs do Yincennes..................................j;...........
Jurés priseurs d'Angoulême et Cognac ..... « ..................;........-
Chancellerie de Montauban..................«.. § offices (addit.)...............
Jurés priseurs de Châtillon-sui>Seine. .„ .............;......-......
Présidial de Bourg-en-Bresse........... 1 office........................
Baronnie royaledeLombers-........-..i office-.......................
Bailliage de Macères......................... 2 offices......................
Jurés priseurs de Rouen et de Chauœont-en-
Vexin .................................................... i.
Sénécbanssée de Chàtellerault............... 2 effiees (addit.)...............
Bailliage de Falaise........................ 3 effiees (addit.)...............
Jurés priseurs d'Alençon...................................................
Election de Gap............................ 7 offices......................
Jurés priseurs des bailliages de Nemours,Orléans, Yeuvre-le-Chàtel, Yitry-aux-Loges, Neuville, Yeuville, Montargis, Château-Renard, Beau-eency, Chartres, Laon, Soissons, Ham, Ville-franche, Tinchebray, Mortaia, Hoofleur, Pent-
l'Evêque et Coucy-le-Chàteau.............................................
Chambre des oomptes de Nantes (procureurs). 6 offices.............
Grenier à sel de Sillé-le-Guillaume.......... 2 effioes (addit.) ..............
Bureau des finances de Riom (supplément de
liquidation)..............i..iiiiiiiiittiu "nimii.i..V..............«
Chancellerie-Parlement de Metz..........»... 1 office (addit.)..............
Grenier à sel de Montpellier...........................9 offices...................
Chancellerie-Parlement de Rouen .......... 10 effiees (addit.)...............
Bailliage de Saint-Sauveur-le-Vicomte....... S offices.......................
Bailliage de Saint-Quentin.........8 offices (addit.)............
Eaux et forêts an siège général de la Table de
Marbre à Paris.........».......3 offiees (addit.)...............
Bailliage de Saint-Flour..................... 2 offices (addit.).........;.
Bailliage d'Epernay...................... ».. 5 offices......................
Jurés priseurs de Mirecourt.............«.-. - nnun.....................
Bailliage de Laon........................... 23 offices... t.................
Bailliage de Bouen (commissaires de police).7 offices......................
Sénéchaussée de Peitiers................... 33 offices..........;...........
Jurés priseurs de Chaumont en Bassigny.......................*............
Jurés priseurs de Mortagne et Dina-n.-.......... .......................".........
Municipalité de Paris....................... 41 offices......................
Jurés priseurs de Cahors, Montauban, Rodez
et Yillefranche...........................- ...............................
Juré priseur de Sézanne..........«......... ...............................
Juré priseur de Montdidier..............................................
Jurés prisenrs de la Flèch..................................................
Jurés priseurs du Mans.....................' ......................
Jnrés priseurs de Reims...............-....-. ......;........................
Jurés priseurs de Bretagne. .. . -......................................'.......
Jurés priseurs de Yillers-la-Montagno......... .............................¦
Jurés priseurs de Chalon-sur-Saône........-.. ................................
Jurés priseurs d'Issoudun...............-..-.. ...............................
Jnrés prisenrs de Vendôme ........................................................
Jurés priseurs d'Argentan................... ...............................
Jurés priseurs de Gien... ,...-...-....-......-.-.. ........................
Jurés priseurs de Dieuze..................................................
Jurés priseurs de Montfort-rAmanryma.......................;.......
Jurés priseurs de Perpignan.................- ................................
Sénécbanssée et présidial de -Nîmes. s........ 13 offices.....................
Bailliage d'Orgelet.......................... 10 offices.....................
Maîtrise des eaux et forêts d'Angoulême..... 2 offiees (addit.).............
Sénécbanssée de Yilleneuve-de-Berg......... 11 offices.....................
Communauté des porteurs de sel de Paris.... 60 offices..... ................
Montant des liquidations
81,891 15 »
4,481 6 »
6,164 6 »
131,219 8 4
74,129 4 8
14,829 12 8
17,379 13 5
128,082 10 1
4,740 8 »
20,954 5 »
154,793 5 6
47,842 » 8
4,260 3 4
3,266 5 »
13,901 » »
2,880 9 »
116,788 7 2
25,257 16 8
10,864 2 10
6,065 14 »
3,542 » »
36,082 » 3
224,447 5 7
18,082 9 4
1,300 » »
2,173 2 »
8,422 » n
7,537 11 4 -
2,601 3 6
19,323 5 4
10,403 4 »
37,936 7' 3
432,880 » »
71,170 11 »
4,141 19 4
3,684 4 3
1,500 9 »
28,286 17 »
545,122 5 »
69,153 7 »
21,816 15 8
67,885 18 n
2,956 18 8
17,396 4 4
7,939 14 »
131,414 14 7
186,239 6
338,627 14 4
28,363 12 2
21,456 10 »
931,600 » »
20,399 19 6
20,603 16 2
6,966 »
41,354 10 11
3,166 1 »
80,091 11 »
371,110 > »
13,171 16 »
4,426 13 4
15,116 13 2
8,053 9 l
6,773 9 4
2,716 n
17,562 8 »
39,407 1 »
4,250 » »
247,984 8 »
113,931 3 »
26,537 13 a
42,915 14 1
638,317 9 »
15 4 15
10 16
B^an des finances de Montpellier.......... 37 offices..................................... ^TÂ'
Bailliage etpresidial d'Aurillac.............. i office (addit.).....................' i'?5 L 8 8* 4 d-
Parlement de Bordeaux.................. 70 offices.....,........ li;......» -l'II * ?
Chancellerie d'Artois....... ................2 office» (addit.)....... ...S'K? 2
Cour des aides de Clermont-Ferrand........ 26 offices ................................rqh jkr *
Conseil privé (greffiers ordinaires)........... 4 offices. .............................SS?'j5S !
Conseil privé (cleres commis du greffe)...... 4 offices...................................Kwî f *
Conseil privé (commis pour écrire les arrêts). -.. . ' *..................................8 »
Grenier à sel de Bernay.................... 1 office' Mdit'.).*|................l'g? 8 ?
Chancellerie de Perpignan ................. ! office (addit.)..................«5 009 ? t
Bureau des.finances J'Anch....... ...... 1 office addit.) ..... .... ..........MS
Bailliage et-présidial de Vesoul............. 17 offices............................................9Î1 oo»
Pariement de Toulouse ..................... 2 offices. ..........................................7
Jurés-priseurs de Nancy ...... * * ........................................................174,804
SénécËausséed'Uzerche..;;....... ^offices '(iddit.V.'.".V.............................."M2 " *
Jurés-priseurs de Figeac................. v ' ............................l,53b » »
Amirauté de Toulon...................!! . 5"offices*....................................1,190 »
Sénéchaussée de Château-du-Loir......6 offices"*"................................................16 7
Grenier à sel de Moulin-en-Gilbert.......... 5 offlees.'..............................fl'J^ 7 8
Maltr.se des eaux et forêts de Sainte-Menebould 2 offices (addit.) . . . . .............................l!'^ 10 *
Amirauté du Havre-de-Grâce.......... 2 offices ........................................33,056 16 »
Jurés-priseurs du ressort du Chàtelet de Paris ........'..............................................rM88 17 10
Siège royal de Brest et Saint-Renan......... 1 office (dditT.V.'.V.V.'.ï"!..................J î
Election de Châtellerault................... 2 offices faHH.t f........................................îi'681 16 8
SS PrfaI de ^s-le-Saunier . . ! |5 offiS^.Al.V.V."11!11!I!...............g'JÏÏ A l
Chancellerie-Parlement de Nancy........... 31 offices ................................................* Ao
Parlement de Grenoble (huissiers)............ 11 offices.........." "*..........................1,985,066 5 »
Jurés priseurs du ressort du Châtelet de Paris ..............................................IH?1 6 *
Chancellerie d'Aix...... ................ i iffiwkddiU .'.7....................................4
Grand maître des eaux et forêts d'Orléans ..'. i office. ... . ....................................J?'?15 10 *
Election de Meaux............... a nta»l ùÂÀû \..........................................304,776 18 »
Bailliage de Saint-Pierre-le-Moutier ..:::::;; 1 office ' ....................................2 »
Requêtes de l'Hôtel (greffier en chef)........ 1 office.....................................13,200 » »
Chancellerie-cour des aides de Clermont-Fer- .............................122,984 » 8
Bailliage* de sVint-Lô ('procureurs) 11111:11111 6 offices..........................................7o!'664
Chancellerie-Parlement de Paris (référendaires) 12 offices'.'.*.'.'.7.'/.'."...................................3g fi
Siège royal de Niort.................. q „ffi„.-........................................................262.838 8 »
Election d'Agen............................ 1 office ........................................................7,095 4 4
Parlement de Paris (supplément de liquidation) .... .............................*7,0i£ 10 »
Cour des aides de Pans (supplément de ligui- " .............................................'000 * *
dation)................*..............
Municipalité de Paris....."..."....!'!!!!.................................................................6>000 » »
Prévoie royale de Maubenge........ S'........................................................10>720 » »
Bailliage royal de Montaiçu-les-Combraiilï !.' { office........................................................103'923, 10 7
Juridiction de police de Metz'............... \ office "'....................................................îl'5t2 2 7
Présidial de Besancon....'...... 1 */IjV.;\...................................18,738 6 »
Jurés-priseurs de Briey. ! ! V' !.. ! | !' | ! ' ' ' \ £s(* 0............................................5'700 » »
Sénechaussée et présidial de Rennes......... 6 offices ïaddïn.................................2
Election de Soissons................... 1 oïfirf ŒtV'........................................140,489 8 »
Maitr.se des eaux et forêts de Tournehem ..' ! ! } office addit i:::':'............................^'J00 » »
Chancellerie-Parlement de Diion « /«^i;. \..........................................6»025 * *
Bureau des finances de Châlons. 32 oftll ( °......................................... 096 16 »
Bureau des finances de Poitiers............. fe 0 fi clll ! 1111.111 !.............î ' i 1(>
Maîtrise des eaux et forêts du Pont-de-l'Arche 4 offices ...................................................' n ?
Jures-pr.seurs de Pont-à-Mousson et Sarreeue- ........................................................76,409 7 4
mines........................
Châtellenie royale de Murât". ' ". ". '.. ". ". ".. 1 '..*."*' '6*offices......................................................16 *
Huissiers du conseil et de la grande chancelle- ........................................................«>,'79 4 10
Maîtrisé de"Ba'r'-iè-Duc'("supplément dé liau'i- °ffices* ...............................................1,243,931 12 »
dation).............................
Bailliage de Thorigny.....!!!!!!!...........i *««LV /« a Vu \.................... 1 >808 13 »
Grand maître des eaux et forêts du Lyonnais*, .......*..........................84>964 7 »
Bailliage et présidial de Bourg-'en-Bress'e ! ! ! ! 3 offices ! !! !" ................................i T
Election de Cahors................... n n«...........................................................9,393 8 4
Sénéchaussée de Figeac...............'.'." 10 ofE........................................................"72,482 7 6
Grenier à sel de Falaise.............. V XTJfâMitï''''..................................113,587 18 8
Election de Saint-Lô (procureurs)........1 4 JfficM .............................................8,786 12 ?
Sénéchaussée de Marseille.".............8 offices . .............................................19,337 5 »
Maîtrise des eaux et forêts de Rennes !!.!!." s offir-. ' " .................................................308,444 16 4
Grenier à sel de Paris.............. ! g office ...............................................53,162 9 "
Bureau des finances de Soissons (supplément 1 .........................................2,219 13 ,
de liquidation)..................^
Bureau des finances de Bordeaux........i''fg''..........................................................5,500 » »
Sénéchaussée et présidial de Montauban.. !" 8 offices........................................................54,036 12 5
Sénéchaussée et présidial de Poitiers (p'rocit- .............................................53,398 8 6
reurs postulants)............. . aa
Hôtel de ville de Lunéville (supplément dé ïil ..............................................929,244 15 11
quidation)................
......................................................................2,421 6 S.
Montant des liquidations.
Jurés-priseurs de Saint-Mihiel......................................................................................................9,076 1. 18 s. 8 d.
Bailliage et présidial de Metz............... 1 office (addit.)............................................61,733 13 4
Chancellerie-Parlement de Toulouse......... 1 office (addit.)..........................................84,916 » »
Bailliage de Langres........................ 23 offices........................................................188,570 15 8
Bureau des finances de Rouen.............. 35 offices........................................1,532,789 12 10
Chancellerie-Parlement do Rennes........... 22 offices.................................1,872,634 2 »
Chambre des comptes de Paris.............. 3 offices (addit.)...............................1,589,539 14 4
Parlement d'Aix........................... 21 offices........................................................1,179,530 4 3
Cour des aides de Paris.................... 11 offices (addit.)..........................................716,956 6 »
Sénéchaussée de Saint-Brieuc............... 2 offices........................................................34,411 13 8
Eaux et forêts de Lunéville................. 2 offices (addit.)......................3,432 2 »
Election de Senlis......................... 9 offices........................................................50,673 7 10
Parlement de Grenoble..................... 2 offices (addit.).........................116,242 19 »
Bailliage de Nancy......................... 1 office (addit.)..........................................2,057 5 »
Grenier à sel de Saint-Florent-le-Vieil........ 2 offices (addit.)..........................................17,939 6 2
Sénéchaussée et présidial d'Angers.......... 3 offices (addit.)........................................15,584 10 »
Sénéchaussée de Toulon.................... 5 offices........................................................126,549 6 8
Municipalité d'Ornans....................... 1 office (addit.)..........................................3,750 11 »
Parlement de Paris (contrôleur des arrêts) ... 1 office..........................................................25,424 4 8
Châtelet de Paris........................... 19 offices........................................................1,178,011 9 »
Sénéchaussée de Digne..................... 7 offices..........................................................40,922 16 8
Bailliage de Vouvant (procureurs postulants) . 6 offices........................................................20,549 6 8
Bailliage et présidial de Chalon-sur-Saône..... 10 offices.............................................178,133 13 »
Chambre des comptes de Dijon............. 66 offices........................................................3,520,414 6 9
Bailliage de Saint-Ld....................... 1 office (addit.)............................................3,137 10 »
Châtelet de Melun.......................... 12 offices........................................................41,952 12 8
Sénéchaussée d'Auch....................... 5 offices (addit.).,......................................11,314 12 6
Election de Saint-Lô....................... 2 offices (addit.)........................................10,762 8 6
Parlement do Paris (présidents et conseillers). 23 offices (addit.)..........................................2,767,227 2 9
Greffiers des commissions extraordinaires du
conseil.................................. 4 offices........................................................190,911 2 »
Total de la présente liquidation, montant à la somme de...................................-,.......... 38,720,001 1. 9 s. 6 d.
Décrète que, conformément audit résultat, il sera payé par la caisse de l'extraordinaire la somme de 38,720,001 1. 9 s. 6 d.à l'effet de quoi les reconnaissances de liquidation seront expédiées aux officiers liquidés, en satisfaisant par eux aux formalités prescrites par les présents décrets.
« Décrète en outre, vu l'état des erreurs de calcul et omissions qui se sont glissées dans les rapports décrétés les 5 et 28 février et 17 mars derniers, montant en total, au préjudice de la nation, à 77,072 I. 1 s. 7 d., et au préjudice des titulaires, à 13,835 1. 10 s. 5 d., que le commissaire du roi est autorisé à rectifier lesdites erreurs, conformément aux états dont le double demeurera annexé au présent décret. »
rapporteur. J'ai une observation à faire à l'Assemblée. Un seul des articles contenus dans le projet de décret, dont je viens de vous donner lecture, peut être susceptible de difficultés : c'est celui du sieur Dartis, titulaire de l'un des 4 offices de greffiers des commissions extraordinaires du conseil.
Le prix de l'office du sieur Dartis, sur le pied de la fixation, s'élève à 40,000 livres; mais par un acte sous seing privé, constaté par un inventaire, il est prouvé que le sieur Dartis a payé son office 66,400 livres. Votre comité a pensé que le sous-seing privé devait être regardé comme un acte authentique et il vous propose en conséquence de comprendre le sieur Dartis dans l'état de liquidation qu'il vous présente pour la somme de 66,400 livres.
La loi, la loi seule doit être votre règle : il faut représenter un contrat authentique ; sans cela, on ne peut point exiger de payement. Ainsi je demande qu'aux termes de vos décrets, M. Dartis ne soit remboursé que sur le pied de la fixation et qu'en conséquence la liquidation de son office soit fixée à 40,000 livres.
Les actes présentés par M. Dartis justifient suffisamment la justice de ses reprises sur la demande de réduire sa liquidation à 40,000 livres.
Plusieurs membres réclament la question préalable sur l'amendement de M. Camus.
(L'Assemblée, consultée, décrète qu'il y a lieu à délibérer.)
Je mets aux voix l'amendement de M. G.imus tendant à fixer à 40,000 livres la liquidation de l'office du sieur Dartis.
(L'épreuve a lieu.)
L'amendement de M. Camus est adopté.
Plusieurs membres réclament contre la délibération.
Je renouvelle l'épreuve.
(L'Assemblée rejette l'amendement de M. Camus.)
Il y a un décret qui porte qu'on ne reconnaîtra qu'un acte authentique ; on vient de s'en écarter en faveur de M. Dartis : il faut donc étendre cette faveur à tous ceux qui se trouvent dans le même cas.
Je demande dune le renvoi de l'affaire du sieur D artis au comité et subsidiairement le renvoi au comité des divers décrets concernant la liquidation, pour être ensuite proposé telles modifications dont on les croirait susceptibles.
appuie cette motion.
demandent la question préalable sur la motion de M. Camus.
(L'Assemblée, après une épreuve douteuse, déclare qu'il y a lieu à délibérer.)
Plusieurs membres n'entendent pas l'amendement; il est essentiel de le développer avant la délibération.
L'amendement, qui excite tant de débats, a été rejeté lors du décret rendu sur les titres d'après lesquels la liquidation serait faite-
L'amendement proposé par M. Camus n'est pas admissible d'après les décrets déjà rendus ; il n'y a pas lieu de renvoyer au comité.
demande qu'on aille aux voix sur le projet du comité.
développe et justifie son amendement.
rapporteur. Avant de délibérer sur l'amendement qui vous est proposé, il faut rétablir les faits. Lors du décret qu'on invoque, M. Régnier, membre du comité de judicature, et moi, proposâmes à l'Assemblée nationale d'admettre, comme servant de bases à la liquidation et comme preuves du prix du contrat, les actes sous seing privé, ayant une date certaine.. MM. Prieur et de Saint-Martin combattirent cet amendement et parvinrent à le faire rejeter par la question préalable.
Mais, Messieurs, je vous atteste que, dans le travail que le comité vous propose, il ne s'est écarté ni de la lettre ni de l'esprit des décrets sur la liquidation.
M. Camus confond mal à propos l'affaire de M. Dartis avec l'amendement dont il a parlé. L'affaire de M. Dartis est unique en son genre; les titres qu'il a produits sont infiniment favorables et l'on ne peut, sous aucun rapport, les assimiler ni aux contre-lettres les plus authentiques, ni à tous ces documents étrangers au contrat que l'Assemblée, dans sa sagesse, a jugé à propos de proscrire.
Plusieurs membres : L'ordre du jour sur l'amendement de M. Camus.
(L'Assemblée consultée décrète l'ordre du jour sur l'amendement de M. Camus et adopte sans modification le projet de décret du comité central de liquidation.
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Renaut, curé de Preux-aux-Bois, député du département du Nord, un congé de 3 semaines pour aller prendre possession de la cure de Saint-Géry de Cambrai.
(Ce congé est accordé.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret des comités des contributions publiques, des finances, des domaines, et d'agriculture et de commerce, concernant l'organisation des corps de finances (l).
Après une légère discussion sur l'ensemble du projet de décret, la délibération est ouverte article par article.
rapporteur, donne lecture de l'article premier ainsi conçu:
Art 1er.
« Les taxes d'enregistrement et de timbre d'une part, celles des traites de l'autre, seront perçues par deux régies intéressées: l'une sous le titre de régie de l'enregistrement et du timbre; l'autre sous le titre de régin des douanes. »
Je désirerais que ce premier article ftït généralisé, parce qu'il doit regarder tous les corp3 de finance.
rapporteur. Messieurs, par le premier article, on vous propose de dire que les impositions indirectes ou les revenus publics indirects seront perçus par des régies nationales. Votre comité s'est décidé à adopter cette mesure, parce que d'abord vous avez une partie des revenus publics que vous-mêmes, par un décret, vous avez mis en ferme; et cette partie est celle des postes et des messageries. En second lien, vous avez mis, par un autre décret, les patentes entre les mains des corps administratifs, pour être perçues par les mêmes moyens que l'impôt indirect; de sorte que l'énonciation qu'on vous propose ne peut plus s'appliquer à tous les impôts indirects.
(L'Assemblée, consultée, adopte l'article premier.)
rapporteur. L'article 2 du projet du comité est ainsi conçu:
ArL 2.
« L'administration centrale de chaque régie sera établie à Paris. »
Cet article paraît futile au premier aperçu; cependant je dois vous observer qu'il a quelque utilité.
Lorsque le roi fait des voyages dans ses maisons de plaisance, jusqu'à présent tous les bureaux ont été ambulants à sa suite, Il est résulté de là de très grandes dépenses et en même temps de grands préjudices à tous les particuliers qui avaient des affaires à suivre; ils étaient obligés de courir de Fontainebleau à Versailles, à Gom-piègne, etc— J'observe qu'en Angleterre, quoique le roi aille à ses maisons de campagne, tous les bureaux sont à Londres.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix I
(L'Assemblée consultée adopte l'article 2.)
rapporteur, donne lecture de l'article 3 ainsi conçu :
« Les modes d'admission aux emplois et d'avancement seront déterminés pour chaque régie par un décret particulier.
« Les régisseurs généraux dans chaque régie seront choisis et nommés par le roi, entre les employés du grade immédiatement inférieur, ayant au moins 5 années d'exercice dans ce grade.
« Les employés du grade immédiatement inférieur à celui de régisseur, seront choisis et nommés par le ministre des contributions publiques, entre 3 sujets qui lui seront présentés par les régisseurs généraux, suivant l'ordre d'avancement qui leur sera prescrit.
« Les préposés inférieurs seront nommés par la régie.
Je propose quelques
Je demande que le comité tourne son décret tout autrement; que tout ce qui est relatif au gouvernement soit fait au nom du roi.; que tout ce qui ne doit pas être fait par le roi, soit fait par ia régie; et que le ministre n'ait aucun droit de nommer comme ministre, parce que comme ministre, il n'est que l'organe du roi.
(de Saint-Jean-d'Angéh/). J'adopte entièrement l'observation de M. Gaultier-Biaùzat. Je demanderai seulement que le comité soit chargé de présenter à l'Assemblée un mode d'admission aux emplois, pour prévenir l'arbitraire.
rapporteur. Tadopte la proposition de M. Biauzat, mais je n'adopte pas celle de M. Regnaud.
J'observe qu'il faut laisser le droit de présentation aux régisseurs généraux et ne pas attribuer toute 1 autorité immédiate aux ministres, n faut laisser aux chefs de la régie la liberté du choix a un certain point, ou leur donner au moins la facilité de la présentation qui modère les abus de la domination immédiate.
D'après les observations qui viennent d'être laites, voici comme je propose de rédiger far-
Art. 3.
« Il sera déterminé par un décret particulier des modes d'admission aux emplois, et d'avancement pour chaque régie.
« Les régisseurs généraux dans chaque régie seront choisis et nommés par le roi, entre les employés du grade immédiatement inférieur, ayant au moins 5 années d'exercice dans oe grade.
« Les employés du grade immédiatement inférieur à celui de régisseur seront choisis et nommés par le roi, entre 3 sujets qui seront présentés au ministre des contributions publiques, par les régisseurs généraux, suivant Tordre d'avancement qui sera prescrit
« Les préposés inférieurs seront nommes par la régie. » (Adopté.)
(de Saint-Jean-d'Angêly). Il circule en oet instant dans la capitale, et on vend a la porte de l'Assemblée nationale, un prétendu manifeste de Léopold H, empereur d'occident : c est sans doute une de ces productions dont on entoure l'Assemblée nationale, et à l'aide desquelles ou cherche à tromper la nation sur la vérité. Je demande que M. d'André, membre du comité diplomatique, veuille bien confirmer à 1 Assemblée, et apprendre à tout Paris ce que chacun de nous connaît individuellement, c'est qu'il n'existe eu effet aucune production de ce genre, et qu'il faut la mettre en garde contre tous les écrits dangereux, à l'aide desquels on cherche à exciter l'effervescence.
Au moment où je suis entré dans 1 Assemblée,]'étais porteur d'une lettre de M.Mont-morin, que j'allais communiquer à l'Assemblée, lorsque M. Regnaud est venu me parler de ce
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prétendu manifeste de l'empereur. J'ai entendu parler, ce malin, de ce manifeste; je l'ai Ju, c'est une véritable production aristocratique. (Applau, dissements.) Voici la lettre de M. Montnaorin ;
« Monsieur le Président, « On vient de m'assurer qu'il circulait dans le public un prétendu manifeste de l'empereur : j'ignore quelle peut être cette pièce, que je n'ai point vue; mais je crois de mon devoir d'avoir l'honneur de prévenir l'Assemblée natioaale que je suis certain qu'il n'existe en ce moment d'autre écrit de la cour de Vienne, relatif à nous, que le décret de commission envoyé à la diète de Ratis-bonne, et dont le comité diplomatique a donné dernièrement connaissance à l'Assemblée.
« Je compterai toujours au rang de mes devoirs les plus essentiels à remplir celui de faire évanouir les fausses alarmes avec lesquelles on cherche à tourmenter le public, ainsi qu'à mettre l'Assemblée à portée d'apprécier, par la voie de son comité diplomatique, le véritableétat de notre position avec les puissances étrangères.
« J'ai l'honneur d'être avec respect, Monsieur le Président, votre très humble et très obéissant serviteur,
« Signé, MONTMORIN.
« Paris, le
(L'Assemblée décrète l'impression de cette lettre et son insertion au procès-verbal.)
La suite de la discussion des articles généraux concernant l'organisation des corps de finances est reprise.
rapporteur, donne lecture de l'article 4 du projet de décret ainsi conçu, « Les régisseurs généraux ne pourront être destitués qu en vertu d'une délibération de commissaires de la trésorerie, et sur la proposition du ministre des contributions publiques. Les préposés immédiatement inférieurs ne pourront l'être qu'avec l'approbation du ministre des contributions publiques, et en vertu d'une délibération des régisseurs généraux. Les employés inférieurs pourront l'être par une délibération des régisseurs ».
La révocation des employés appartient à ceux qui ont nommé ces employés. II me semblerait donc que les commissaires de la trésorerie ne devraient pas être mentionnés dans cet article; cependant si vous adoptiez les commissaires de la trésorerie, je demanderais au moins que cet article fût tempéré en admettant au jugement des destitutions pareil nombre de régisseurs tirés au sort.
Je ne crois pas qu'il y ait une grande inconvenance à laisser le commissaire de la trésorerie. Cependant, en me rangeant en une partie de l'avis du préopinant, je crois, Messieurs, que les régisseurs généraux ne peuvent «être destitués que par ceux qui les ont nommés.
(de Saint-Jean, d\Angély). Je propose de substituer à ces mots : de Vavis des commissaires du roi, ceux-cipar le roi en sou conseil.
rapporieur.il n'est pas question ici du conseil du roi, il est question
du roi. 11 n'y a pas plus de raison pour faire délibérer au con-
qu'il n'y en aurait pour faire délibérer au conseil u ministre de la justice ou des finances ia nomination aux emplois de la marine. Il faut que la responsabilité propre à chaque ministère soit attachée au ministre qui est à la tête du département. C'est donc une première erreur de fait, dans l'opinion de M. Regnaud, d'avoir supposé que le roi nommerait dans son conseil : ce sera seulement dans son conseil privé avec le ministre des contributions publiques.
C'est pour bannir l'arbitraire que nous vous proposons d'adjoindre les commissaires de la trésorerie. Ce moyen nous a paru le meilleur. En conséquence je propose d'admettre l'article dans les termes que je vais lire à l'Assemblée.
« Les régisseurs généraux ne pourront être destitués que par le roi, sur l'avis des commissaires de la trésorerie. Il en sera de même des préposés immédiatement inférieurs. Les autres employés pourront être destitués par une délibération des régisseurs. »
Un membre : Cela ne vaut rien.
Je demande à répondre à M. Rœderer qui donne ici une extension absolument nouvelle au décret qui a établi les commissaires de la trésorerie. Ces commissaires ne sont pas autre chose que des gardiens du Trésor public; ils doivent voir comment l'argent arrive dans les caisses et comment il est administré. L'attribution nouvelle qu'on vous propose aurait plusieurs inconvénients. Si le ministre ne peut destituer un des régisseurs que sur leur avis, vous diminuez la responsabilité du ministre. Je demande donc que l'amendement de M. Regnaud soit admis, et que les mots de commissaire de la trésorerie soient retranchés.
(de Saint- Jean-d' Angély). il est bien étrange que M. Rœderer prétende que la responsabilité d'un ministre serait altérée par le concours des autres ministres, et qu'il ne sente pas qu'elle le serait bien plus étrangement par le concours des commissaires de la trésorerie ; et en effet ces commissaires doivent être absolument étrangers à l'administration. Il faut bien vous garder, Messieurs, d'ériger vos commissaires de la trésorerie en conseil royal des finances : dans mon opinion particulière, ce serait le plus grand malheur qui pourrait arriver pour l'organisation de vos finances. Il faut que vos commissaires de la trésorerie soient de grands comptables de vos finances, et pas autre chose ; il faut qu'ils surveillent le mode, l'exactitude, la quotité des versements ; mais vous devez les mettre absolument hors de l'administration, et les laisser tout entiers à leur comptabilité. Voilà la ligne de démarcation que vous devez tracer. Je demande qu'on adopte mon amendement. (Applaudissements.)
(L'Assemblée ferme la discussion.)
rapporteur. Je viens de concerter avec mon collègue ma rédaction qui, j'espère, aura l'effet de prévenir l'arbitraire et en même temps les inconvénients que l'on a paru craindre. Voici cette rédaction :
« Les régisseurs généraux ne pourront être destitués que par le roi et sur la proposition du ministre des contributions publiques, qui sera tenu de nommer deux régisseurs de l'administration de la régie, auxquels seront adjoints deux commissaires de la trésorerie nationale. » (Murmures.)
(de Saint-Jean-d'Angély). J'adopte votre rédaction, si vous en retranchez les commissaires de la trésorerie qui doivent en être exclus.
Il faut considérer que l'administration générale de la régie pourra s entendre avec le ministre pour écarter un des régisseurs généraux. Il faut donc donner un contrepoids à cette autorité, tel que la présence des commissaires de la trésorerie.
Je demande à prouver à M. Biauzat que son contrepoids n'en est pas un.
C'est une espèce de jugement qu'on veut faire rendre et une espèce de tribunal qu'on veut créer : or, si c'est un jugement, il est très mauvais, et si c'est un tribunal, il est très mal constitué. Si ce n'est pas un jugement, je ne sais pas pourquoi on y appelle les commissaires de la trésorerie et les régisseurs ; car nous avons considéré dans l'institution des commissaires de la trésorerie de3 hommes dépositaires d'un coffre qu'ils ouvrent pour recevoir et pour donner les sommes nécessaires à la dépense, voilà toutes leurs fonctions. Si vous les associez avec le ministre, si vous leur donnez même une simple voix consultative, vous leur donnez un tel crédit, une telle influence dans l'administration, qu'ils seront toujours en opposition avec le ministre ; ils chercheront toujours à rivaliser de pouvoir avec lui, ou bien ils se coaliseront avec lui pour perdre un honnête homme. Je demande donc qu'ils soient retranchés de l'article et j'appuie l'amendement de M. Regnaud.
(L'Assemblée adopte l'amendement de M. Regnaud de Saint-Jean-d'Angély.)
Puisque vous avez rejeté l'amendement des commissaires de la trésorerie, il ne reste plus de la rédaction proposée que la disposition qui dit que deux membres de chaque régie seront choisis pour examiner l'affaire.
(de Saint-Jean-d1 Angély). Je crois que M. Le Chapelier a entendu, et moi j'entends qu'on ne fera seulement que consulter la régie, lorsqu'il s'agira d'une destitution. Je demande que cette proposition soit adoptée.
(La motion de M. Regnaud de Saint-Jean-d'An-gély est adoptée.)
rapporteur. Voici avec les amendements qui viennent d'être adoptés la rédaction que je propose pour l'article 4.
Art, 4.
« Les régisseurs généraux ne pourront être destitués que par le roi, sur l'avis des chefs de la régie, dont ils seront membres. Il en sera de même des préposés immédiatement inférieurs. Les autres employés pourront être destitués par une délibération des régisseurs. » (Adopté.)
indique l'ordre du jour de la séance de demain et lève ia séance à deux heures et demie.
PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
président, ouvre la séance.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de samedi au soir.
Un membre expose que les receveurs généraux des finances de la ci-devant Provence ont touché régulièrement un droit de 5 sols par minot de sel pour les réparations à faire aux embouchures du Rhône et qu'il est nécessaire de leur faire rendre compte de cette perception.
Un membre observé que cette motion a déjà été présentée plusieurs fois à l'Assemblée et que le comité des finances, chargé de vérifier l'emploi de ces fonds, a répondu que le gouvernement s'en était emparé à cette époque.
(L'Assemblée passe à l'ordre du jour et adopte le procès-verbal.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance de dimanche, qui est adopté.
Voici, Messieurs, le résultat du second scrutin pour la nomination du président : sur 364 votants, M. d'André a obtenu 22.3 suffrages et M. Charles de Lameth 141.
En conséquence, M. d'André est nommé président. (Applaudissements.)
président, prend place au fauteuil.
J'ai l'honneur d'annoncer à l'Assemblée que dans le district de Saint-Girons, département de l'Ariège, 96 fonctionnaires ecclésiastiques sur 108 ont prêté le serment prescrit par la Constitution.
annonce que M. Le Coz, évêque métropolitain du Nord-Est, a été installé à Rennes, à la satisfaction de tous les citoyens.
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité des finances sur les avances à faire par le Trésor national pour le payement des administrations et des tribunaux (2).
rapporteur, donne lecture des divers articles du projet de décret qui est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, désirant mettre les directoires de département à
portée de subvenir à la dépense des tribunaux et aux dépenses
d'administration, en attendant que, sur le produit des sous pour livre
additionnels répartis au marc la livre des impositions de 1791, ils
aient à leur disposition les fonds nécessaires pour faire acquitter ces
dépenses mises à leur charge, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« Le Trésor public fera remettre, aux ordres des directoires des 83 départements, l'avance de la somme de deux millions huit cent dix-huit mille deux cent soixante-quinze livres, pour subvenir à la dépense des tribunaux pour le trimestre de janvier 1791.
Art. 2.
« Le Trésor public fera également remettre, aux ordres desdits directoires, la somme de deux millions six cent quatre-vingt-six mille six cent vingt-cinq livres, pour subvenir aux dépenses d'administration pour le même trimestre de 1791.
Art. 3.
« L'une et l'autre somme sera partagée entre les départements, conformément aux élats de distribution remis au comité des finances.
Art. 4.
« Dans le courant de juin prochain, le Trésor public fera les mêmes avances, pour subvenir aux dépenses des tribunaux et d'administration, pour le trimestre d'avril 1791.
Art. 5.
« Le receveur du district renfermant le chef-lieu du département fournira au Trésor public un récépissé de la totalité de la somme qui aura été envoyée au directoire du département pour l'une et l'autre dépense; et la distribution de cette somme sera faite ensuite en proportion des besoins de chaque district et de chacun des corps administratifs des départements.
Art. 6.
« Ge récépissé sera visé par les admnistrateurs du directoire de département, lesquels, par l'arrêté mis au bas de ce récépissé, prendront l'engagement de faire remplacer au Trésor national sur le produit des sous pour livre additionnels à imposer au marc la livre des contributions de 1791, et opéreront en effet ce remplacement en 1791, comme si les rôles avaient été faits aux époques ordinaires. »
(Ge décret est adopté.)
Un membre : Les décrets sur la constitution civile du clergé accordent aux curés un traitement de 2,400 livres dans les paroisses dont la population excède 3,000 âmes ; cependant quelques directoires de département prétendent les réduire à la somme de 1,500 livres. Je demande que le comité ecclésiastique soit autorisé à proposer à l'Assemblée un moyen de faire cesser cette incertitude.
(Cette motion est décrétée.)
Un membre du comité de vérification propose d'accorder à M. Jaillant, député du département de l'Yonne, un congé de 8 jours, et à M. Bonnet, député du département d'Eure-et-Loir, un congé de 12 jours, pour vaquer à leurs affaires.
(Ces congés sont accordés.)
au nom du comité d'emplacement. Messieurs, il s'est élevé quelques difficultés sur la question de savoir si le logement des évêques serait aux frais de la nation ou à ceux des départements.
Les départements qui n'avaient pas d'évéché, ou dans lesquels le siège
épiscopal a été déplacé,
Il y avait un évéché à Viviers, il a été transporte à Privât : la nation, après avoir vendu le ci-devant palais de Viviers, dira-t-elle aux habitants de ce département : logez maintenant votre évêque à Privât. Ce petit arrangement ne pourrait se trouver que dans le code des fripons.
Voici le projet de décret que votre comité mTa chargé de vous présenter :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, déclare que le logement des évèques est à la charge de la nation. »
Un membre r Je demanderais que Fon fixât la somme du logement des évêques.
Comme vous avez décrété que les séminaires et les évêques seraient logés ensemble autant que possible, il me semble qu'on doit donner aux départements assez de latitude pour faire exécuter ce décret.
(Le décret du comité d'emplacement est adopté.)
au nom du comité d'emplacement, propose 4 projets de déciefs.
Le premier, qui autorise le directoire du district de Nogent-sur-Seine à faire une acquisition pour remplacement du corps administratif et du tribunal, est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Nogent-sur-Seine, département de l'Aube, à acquérir, aux frais des administrés, et dans ,les formes prescrites par les décrets de l'Assemblée nationale pour la vente des biens nationaux, la maison des capucins de cette ville, pour y placer le corps administratif du district, et le tribunal; autorise également le directoire du district à faire procéder, dans les formes prescrites et accoutumées, à l'adjudication au rabais des réparations, et aux arrangements intérieurs qui seront jugés nécessaires, sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Darblot, le 21 mars dernier, pour être, le montant de ladite adjudication au rabais, supporté par les administrés. » (Ce décret est adopté.)
Le second, qui autorise le district de Lavaux i à louer la maison des cordeliers pour son empla-ment, est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le district de Lavaur, département du Tarn, à louer, à dire d'experts, aux frais des administrés, la maison des cordeliers de la ville de Lavaur, pour s'y ; placer, et le prix du loyer être versé dans la caisse du district. Excepte de la présente permission de louer le jardin, qui sera loué ou vendu séparément, et le prix du foyer ou de la vente également versé à la caisse dû district ». (Ce décret est adopté.)
Le troisième, qui autorise le directoire du district de commerce à louer une partie de la maison des bénédictins pour y placer le corps administratif, est ainsi conçu :
» L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son cpmité d'emplacement, autorise le directoire du district de Cummercy, département de la Meuse, à> louer pour deux années seulement et à dire d'experts, aux frais des administrés, pour y placer le corps administratif du district, l'aile au nord, et partie de celle à l'orient, de la maison des bénédictins de Commercy, située faubourg du Breuil, ainsi que le tout est désigné au plan qui sera joint à la minute du présent décret ». (Ce décret est adopté.)
Le quatrième, qui autorise le directoire du district de Nantua à louer la maison du ci-devant prieur pour y placer le corps administratif \ les tribunaux et le bureau de conciliation est ainsi conçu :
» L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité d'emplacement, autorise le directoire du district de Nantua, département de l'Ain, à louer, à dire d'experts, aux frais des administrés, la maison du ci-devant prieur de Nantua, pour y placer le corps administratif du district, le tribunal du district, celui du juge de paix, et le bureau de conciliation ;
« L'autorise à faire faire à ladite maison les réparations et arrangements intérieurs nécessaires, à l'adjudication au rabais desquels il sera procédé sur le devis estimatif qui en a été dressé par le sieur Leclerc, archifecte, le 10 avril dernier, pour être, le montant de ladite adjudication, supporté par lesdits administrés ». (Ce décret est adopté.)
au nom du comité d'emplacement, demande la jonction du comité des finances à celui de l'emplacement, pour donner à l'Assemblée un avis commun sur la question de savoir si la construction du palais de justice d'Aix sera continuée, et par qui seront acquittés les frais de cette construction. (Cette motion est décrétée.)
L'ordre du jour est un rapport du comité militaire relatif aux gardes nationales susceptibles d"obtenir des places dans la gendarmerie nationale.
au nom du comité militaire. Messieurs, dans plusieurs départements, des doutes se sont élevés relativement aux décrets que vous avez rendus sur l'organisation de la gendarmerie nationale. Des doutes se sont pareillement élevés dans le bureau de la guerre sur l'application des décrets que vous avez rendus concernant les aides de camp.
Votre comité a pensé que vous adopteriez sans doute des mesures qui pourraient ajouter à la latitude que vous avez donnée en pareille circonstance aux directoires de département pour choisir des sajets qui puissent entrer dans la gendarmerie nationale, et à la liberté que vous pourriez avoir donnée aux officiers généraux pour le choix de leurs aides de camp. Moyennant ce supplément de latitude, ils seraient les uns et les autres dans le cas de puiser dans la garde nationale des sujets qui auront fait preuve de civisme dans la Révolution.
Votre comité vous propose en conséquence le projet de décret suivant
t L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité militaire, décrète
que les gardes nationales qui ont été sous-officiers ou soldats
danslestroupes
Il est bien entendu que les gardes nationales qui, ayant été sous-officiers ou soldats dans les troupes de ligne, seront susceptibles d'obtenir des places dans la gendarmerie nationale, devront n'avoir pas été déserteurs. (Marques d'assentiment.)
(de Saint-Jean-d1 Angély). Je crois que la première disposition de l'article, relative a la gendarmerie, et qui paraît être très général, peut passer comme elle est rédigée.
Mais, pour ies aides de camp, qui sont en petit nombre, quelque soit leur civisme, il faut qu'ils suivent ia carrière que le texte de leur ancienne loi leur a prescrite. La seconde disposition paraît avoir été inspirée par l'intention secrète de favoriser quelqu'un.
Je demande donc l'adoption de la première partie du projet, et le rejet de ia secoraie.
rapporteur. 11 ne faut pas ainsi outrager par des défiances vagues et injurieuses la droiture et la loyauté des membres du comité militaire;la mesure que nous vous proposons n'a été dictée que par l'intérêt général.
Messieurs, je regarde la seconde partie de l'article comme une latitude donnée aux officiers généraux; je ne vois donc aucun inconvénient à ce qu'elle soit admise. Mais je prends occasion de ce que M. le rapporteur du comité militaire est à la tribune pour observer à l'Assemblée que, malgré la suppression faite dans chaque régiment ae deux capitaines, de deux lieutenants et de deux sous-lieutenants, nonobstant le remplacement de ces six officiers et la défense faite ae concourir à ces différents grades, il se trouve déjà des places vacantes par l'effet des mouvements qui ont eu lieu.
Je prends texte de là pour prier l'Assemblée d'ordonner à son comité militaire de nous présenter sous huitaine son mode d'admission à ces emplois.
rapporteur. J'observe à l'Assemblée que M. de Broglie, chargé par le comité militaire de faire un rapport à ce sujet, doit le faire cette semaioe au comité.
(L'Assemblée adopte le projet de décret du comité.)
Je prie l'Assemblée de remarquer qu'on va se jeter dans des dépenses immenses, si on ne vous présente pas sur-le-champ un décret relatif à la nouvelle organisation de la gendarmerie nationale : le trai lement avantageux fait à la gendarmerie nationale et à l'armée pourrait engager plusieurs officiers, hors du service depuis plus d'un an, à demander de l'activité pour très peu de temps, et dans la seule intention d'obtenir une retraite considérable, qui deviendrait à charge à la nation.
Des officiers qui ont 35 années de service, c'est-à-dire qui sont restés chez eux dans l'espérance de retraite, vont lier dans ce moment-ci leurs services anciens à des services nouveaux; ils vont entrer, dans un an ou deux, dans la gendarmerie nationale, ils ont renoncé à toutes gratifications et à toutes pensions du gouvernement, et ils vont en demander, dans ce moment-ci, qui formeront des dépenses immenses ; je ne préteuds pas qu'on puisse, dans ce moment-ci, régler leurs prétentions et les récompenses qui peuvent leur être données pour les services qu'ils seront dans le cas de rendre dans ce moment ; mais je demande expressément au comité militaire de fixer l'Assemblée sur ce point. Les services anciens, c'est-à-dire ceux auxquels on a renoncé, pourront-ils se joindre aux services actuels, de telle façon qu'un officier qui sera resté 15 ans chez lui sans rien faire, à cultiver son champ, qui trouve l'occasion de rentrer dans la gendarmerie nationale, où il servira pendant 5 ans, complètera-t-il 20 années de services? Et pourra-t-il prétendre à une retraite des deux tiers de son emploi, tandis qu'il lui faudrait encore 30 années de services pour avoir un sou du gouvernement.
Je demande donc que le comité militaire, en joignant à son projet des retraites des dispositions particulières aux officiers anciens qui entreront dans la gendarmerie nationale, soit tenu de présenter à l'Assemblée un moyen sûr de parer à l'inconvénient que ie viens d'exposer.
(Cette motion est décrétée.)
Il me paraît essentiel de fixer l'incertitude de l'opinion sur la division des esprits qui règne dans différents régiments entre les soldats et les officiers ; il serait bon, je pense, dans ce but, que le ministre au département de la guerre communiquât à l'Assemblée ses observations sur la véritable situation morale de l'armée et les précautions à prendre pour le plus grand bien du service.
(Gette observation est renvoyée au comité militaire).
Il y aurait lieu également d'accélérer l'organisation de la gendarmerie ; je demande donc que le comité de Constitution soit tenu de rendre compte incessamment de l'état où se trouve la formation de la gendarmerie nationale dans les différents départements du royaume.
(Cette motion est décrétée).
au nom du comité des finances. Messieurs, votre comité des finances m'a chargé de vous rendre compte d'une pétition formée par les nommés Morel et Prudbomme, à l'effet d'obtenir le remboursement de la somme de 459 1. 5 s., à raison de leur arrestation et frais de conduite depuis Pontarlier et Besançon jusqu'à Paris.
Les nommés Morel et Prudhomme furent arrêtés le 27 janvier, à Pontarlier,
conduits aux prisons de Besançon, sous prétexte de s'être mêlés
d'enrôlements. Le comité des recherches les a fait ramener à Paris; il
ies a entendus et, parfaitement convaincu de leur innocence, lésa fait
relâcher. Depuis Besançon, ils ont fait la dépense du voyage, tant pour
eux que pour les cavaliers de maréchaussée jusqu'à Montereau; ces
dépenses, suivant un état détaillé que M. Voidei a égaré, montent à 459
1. 5 s. Les
Ayant demandé au comité de Constitution son avis i our leur remboursement provisoire, il les a renvoyés au comité des finances qui, de, son côté, aux termes de vos décrets, les a renvoyés au comité de Constitution. Cependant, comme ces particuliers sont revenus à la charge, et que le comité des finances n'a aucun pouvoir, il faut que l'Assemblée décide. N *us vous proposons de décréter le remboursement aux sieurs Morel et Prudhomme des -ouïmes qu'ils ont déboursées. Je ne vous lirai pas le décret que nous avons rédigé à cet é^ard car il est modelé sur celui qui a été rendu pour les cavaliers.
Je propose pour amendement que les pie n n rs soient indemnisés de leurs frais de séjour ici.
(de Saint-Jean-dAngély). Si le décret qu'on vous propose de rendre ne devait pas coûter le double de l'indemnité qu'on propose, je l'adopterais; mais la demande que l'on vous fait ne vient que d'une erreur de M. le rapporteur, que je prie de me permettre de relever; il a cru, et les ministres aussi, que le renvoi d'une demande à l'un des comités de l'Assemblée, anéantissait les lois anciennes, et je le nie. Les lois anciennes sont dans toute leur activité, dans 'oute leur force : elles pourvoient au cas particulier. Toutes les fois qu'on faisait transférer des prisonniers, ils étaient toujours transportés aux frais de l'Ftat.
Il ne s'agit, de la part de l'Assemblée, que de dire dans son procès-verbal que les anciennes lois sur le remboursement tant de cavaliers de maréchaussée que de prisonniers seront exécutées, et alors toutes les difficultés seront levées; et en mutiv.mt, comme je viens de le foire, on peut dire qu'il n'y a li u à délibérer. L'extiait simple de votre procès-verbal mettra le pouvoir exécutif en état de suivre les anciennes mesures.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix !
(L'As emblee, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur le. projet de décret du comité des finances, attendu que les lois anciennes, concernant les frais d'arrestation, subsistent dans leur entier.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion des articles généraux proposés par les comités des contributions publiques, des finances, des domaines et d'agriculture et de commerce, concernant Vorganisation des corps de finances (1).
rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet de décret, ainsi conçu
:
Art. 5.
« Immédiatement après la nomination des régisseurs généraux, le roi en donnera connaissance au Corps législatif. Le ministre des contributions publiques donnera connaissance de celle des préposés en chef dans les départements, aux directoires des corps administratifs dans 1$, territoire desquels les préposés devront exercer leurs fonctions. Les régisseurs généraux donneront, tant aux directoires desdits corps administratifs que des municipalités, l'état des employés inférieurs qui exerceront dans leur territoire. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 6 du projet de décret ainsi conçu :
« Tous les membres des régies feront serment de remplir avec fidélité les fonctions qui leur auront été départies ; les régisseurs généraux prêteront ce serment entre les mains du ministre des contributions publiques et du commissaire » de la trésorerie ; les préposés, devant les directoires des corps administratifs dans le territoire desquels ils devront exercer leurs fonctions. »
Je propose par amendement que les régisseurs généraux soient tenus de prêter lesermentdevant le tribunal dans l'arrondissement duquel se trouvera situé l'hôtel de la régie, et les autres préposés, devant les juges du district de leur résidence.
(Cet amendement est adopté.)
rapporteur. Voici, en conséquence, comme je rédige l'article :
Art. 6.
« Tous les membres des régies feront serment de remplir avec fidélité les fonctions qui leur auront été départies: savoir, les régisseurs généraux, devant le tribunal dans l'arrondissement duquel se trouvera situé l'hôtel de la régie, et les autres préposés, devant les juges du district de leur résidence. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 7 du projet ainsi conçu :
Art. 7.
« Les produits des recettes des différentes régies seront versés dans les caisses de district, aux termes et suivant le mode qui seront réglés par le décret d'organisation de chacune de ces régies. »
Il faudrait monter une meilleure forme de comptabilité, peut-être réformer les receveurs de districts qui ne sont pas capables. Il y en a qui ont un degré d'incapacité si grand que M. Amelot, directeur de la caisse de l'extraordinaire, nous a dit qu'il y avait des receveurs de district qui additionnaienUla recette et la dépense, et qui disaient 25,000 livres de recettes, 23,000 livres de dépenses, total 48,000 livres. Il faut informer une comptabilité dont les détails soient exacts, et par conséquent avoir des hommes qui ne soient pas aussi médiocres.
Nos comités annoncent que le premier des avantages qu'ils pro-
Comment le dépôt dans la caisse des élus du peuple tenus d'obéir au pouvoir exécutif, ou ce même dépôt dans toute autre main immédiatement tenue de lui obéir, peut-il présenter ces avantages commis? Disons donc que ce qui assurera surtout ces avantages n'est point le versement proposé, mais les précautions prises ou à prendre pour que les deniers perçus, quelque soit leur dépôt, restent toujours sous la surveillance nationale.
On a dit que le peuple qui paye, doit savoir pourquoi il paye, et ce qu'il paye, et ce que devient ce qu'il paye. Tout cela est juste; mais le versement proposé ne lui apprend rien du tout à cet égard, et ses connaissances en sont indépendantes. Veut-il savoir pourquoi il paye? Il a recours à la loi. Veut-il savoir ce qu'il paye? Il a recours au tarif annexé à la loi. Veut-il savoir ce que devient ce qu'il paye ? Il consultera les résultats de la comptabilité que chaque municipalité pourra lui offrir.
Concluons donc que les avantages annoncés dans le rapport ne sont point une suite nécessaire du versement proposé, qu'on peut les obtenir indépendamment de cette mesure, et passons à une autre question.
Le versement n'entratne-t-il pas, dans la pratique, des inconvénients majeurs qui le rendent inadmissible?
Voyons d'abord s'il s'adapte à une saine théorie.
M. Rœderer, en examinant la question de savoir s'il faut des corps de finances ou si les corps administratifs peuvent être chargés des perceptions indirectes, donne d'excellentes raisons pour ne point confier ces perceptions aux corps administratifs, mais il en oublie deux essentielles. La première, c'est qu'il faut saisir tous les moyens de réunir, par des moyens communs et sous une administration commune, toutes les pièces du grand corps politique.
Les impôts indirects sont un moyen puissant d'éloigner les malheurs de l'isolation, si vous les organisez sur d'excellentes bases, et surtout si vous ne confiez pas à chaque district, d'une manière isolée, la totalité de l'impôt.
La seconde raison oubliée dérive du caractère qui distingue principalement les impôts indirects les impôts directs. Les contributions directes en France sont un impôt de subvention, et déterminé du moins quant à la quotité qui doit être levée par tout l'Empire. Les contributions indirectes sont au contraire un impôt de quotité ordinaire, du moins quant à la somme totale que leur perception produira pour tout l'Empire. Les caractères de l'impôt direct en France vous annoncent donc que, la répartition une fois déterminée entre les districts, chaque district répond de la somme qui lui rst affectée ; de manière que le district voisin est absolument désintéressé à ce que les dépositaires choisis présentent plus ou moins de solidité. L'intérêt général exige seulement que la totalité de la contribution de ce district soit versée au Trésor public, aux époques fixées, sauf à ce district à prendre les mesures qui lui conviennent.
L'on pouvait donc, et l'on devait même charger ce district, intéressé à cette perception, du soin d'en surveiller le dépositaire comme les agents. Le caractère des contributions indirectes nécessite au contraire des mesures plus générales; le produit général de l'impôt indirect n'étant point déterminé pour tout l'Empire, et ia répartition de la quantité pour laquelle chaque district doit concourir n'ayant pl u s lieu comme dans l'impôt direct; la solidité du dépôt où sera versé le produit des contributions indirectes cesse d'être indifférente au district voisin. En effet, si par l'impéritie, ou par une négligence coupable, les revenus des contributions indirectes venaient à être dilapidés, alors, nécessairement, tous les autres dépôts de district seraient obligés de fournir au vide qu'aurait occasionné la dilapidation du dépôt.
D'où il suit : 1° que tous les districts étant intéressés à surveiller l'homme chargé du dépôt des contributions indirecte?, aucun district, en particulier, ne peut nommer le dépositaire ; il doit être nommé par un pouvoir émané de tous les districts ; 2° qu'aucun district ne pouvaut exercer une surveillance suffisante sur ce dépositaire, il doit être immédiatement surveillé, et sous les ordres d'un centre commun d'administration, formé par un pouvoir légalement émané de tous les districts ; 3° que le dépositaire devant être changé dès qu'il est reconnu incapable, il doit conséquemment rester à la nomination du pouvoir chargé de le surveiller sous la sauvegarde de la responsabilité.
Il suit de ces trois bases que les contributions indirectes, qui intéressent la généralité de l'Empire, ne peuvent être versées dans les caisses d'un receveur nommé par une seule section de cet Empire, parce que cette mesure répugne aux principes de toute saine théorie en matière d'administration, et que même en la supposant conforme aux principes elle serait surtout inadmissible dans les circonstances où la plupart des receveurs de district, dignes de la confiance du peuple par leurs vertus, sont si éloignés du degré de connaissances, de lumières et d'expériences nécessaire à une comptabilité aussi importante.
En effet, suivant votre comité, vos receveurs de district auraient à recevoir les droits de patentes, le prix des domaines, le prix des rachats des rentes foncières, les revenus des bois et forêts, les casuels des droits ci-devant seigneuriaux, les douanes, les droits d'enregistrement, ceux du timbre, ceux des hypothèques, les postes aux lettres, les poudres et salpêtres, affouages, etc., généralement tous les revenus publics. Cet examen de recette exige qu'ils rendent compte, jour par jour, du produit de chaque perception, et cela ne peut se faire que pour une comptabilité adaptée à cette perception.
Il ne faut qu'une comptabilité généiaie, savoir: l'une avec les commissaires de la trésorerie pour les impôts directs; une avec la cais-re de l'extraordinaire. .. (Murmures.)
Un membre : En voilà assez.
On me dira que mon
Je finis. Messieurs, en vous disant que le plan du comité est le plus dispendieux, etc est d'après cela que je conclus au rejet de l'article 7.
rapporteur (1). Lorsque nous vous avons proposé de faire verser les .produits des contributions indirectes dans les caisses de districts, nous avons été déterminés par des considérations d'économie, par des considérations de comptabilité et de bonne administration.
Les considérations politiques ont été de ne pas laisser à un grand corps de finance, qui, par son essence, est sous la main suprême du pouvoir exécutif, la faculté de pouvoir disposer de 18,000 places et d'une grande partie des fonds publics. A cette dispositron immédiate d'une partie des fonds publics e-t attachée celle d'un très .grand crédit, qui, dans.un moment de besoin que l'on aurait .fait naître, pourrait doubler, entre des mains >suspectes, le produit des mêmes contributions.
Voilà, Messieurs, en sub:tance, les vues politi-tiques qui nous ont déterminés à faire verser dans .les réservoirs de l'impôt, qui doivent toujours .couler .saus les y. ux du peuple, le produit des contributions indirectes; et en cela .nous avons cru, nous croirons toujours que nous nous sommes rigoureusement conformés aux bases que vous avez posées vous-mêmes dans les décrets que vous .avez rendus.concernant les corps administratifs, décrets dans lesquels -vous avez décidé que les fonds provenant des contributions publiques devaient .rester sous les yeux du peuple, jusqu'au payement final des dépenses qui étaient l'objet des contributions.
C'est par ce motif que vous avez dit : Les contributions directes seront levées par des collecteurs au choix du peuple ; elleti seront inspectées par des municipalités composées de membres choisis par le peuple; elles seront versées dans les caisses de district, r çues, surveillées par des administrateurs populaires; enfin, de la, elles passeront dat s;la trésorerie.
Ici, il s'est élevé une grande question. On vous avaitdemandé une trésorerie nationale, et non une trésorerie royale. Vous avez cru, et je me range à cette idée, vous avez cru qu'il convenait de la faire mixte, royale et nationale. Les administrateurs immédiats sont nommés par le roi ; mais vous avez voulu que des surveillants, tirés du corps des représentants de la nation, exerçassent toujours le pouvoir national sur les deniers delà nation jusqu'au payement final.
Or, Messieurs,.à quoi aboutirait cette dernière mesure, à quoi
aboutiraient.toutes;celles qui ont précé.îé, relativeraentaux
perceptions directes, s'il y avait une partie des contributions
publiques qui pùt être interceptée en chemin? A quoi aurait servi que
vous nommassiez des représentants du peuple pour veiller sur le
réservoir des contributions | ubliques qu'on appelle la trésorerie
Mais, Messieurs, ilya des mesures dtéconomie, d'ordre, de comptabilité qui exigent tout aussi impérieusement la mesure que nous vous3proposons; et dans Tins tan twonldisiraraître les considérations accu muléessur cette matière, À défautide raisons solides, par.le préopinant.
Si .c'est un droit de la propriété, de pouvoir suivre de l'œil le produit des impôts dans tes canaux qui les conduisent au Trésor public, le versement des (.contributions indirectes dans les caisses de district est nécessaire; car l'exercice de ce droit ne pourrait avoir lieu autrement. Ea effet, des receveurs de uégie, soumis immédiatement à une administration centrale, nécessairement indépendante, comptables à elle seule de leur recette, responsables à elle seule des causes qui ont diminué ou détruit les produit?, ne pouvant même être exactement entendues que par elle-mêmedans des détails qui sont ex'rêmement compliqués, ne laisseraient voir à des administrateurs de district que ee qu'ils voudraient bien qu'ils -vissent ; on ne pourrait les assujettira de certaines formalités sans eaposer les régies à une inquiétude nuisible à leur activité, sans leur faire sentir l'humiliation d'une continuelle dépendance. 11 n'en est pas de même des receveurs ; on peut soumettre le maniement des fonds à des formes simples, qui permettent à l'œil de l'administrateur (populaire d'ensuivre tous les détails.
Pour que les receveurs de di'srict ne puissent rien soustraire à la connaissance des corps administratifs, des représentants du peuple, il suffira d'ordonner qu'à mesure du versement des impôts indirects, qu'à mesure que iesifonds des contributions seront versés dans leurs coffres, le directoire en soit averti par les préposés immédiats des perceptions ; c'est à cet effet que nous vous proposons d'ordonner aux receveurs des régies d'envoyer leurs bordereaux au directoire et à la municipalité de leur district, à mesure qu'ils feront des versements.
Avec une même caisse pour tous les revenus, on assure aux surveillants et aux administrateurs delà trésorerie nationale des moyens d'avoir toujours une exacte connaissance de l'état des recettes dans les caisses publiques, et à la législature elle-même, de connaître l état de la trésorerie nationale ; il suffit pour cela d'ordonner que le versement dans les caisses de district soit accompagné des formalités qui servent de contrôie aux recettes généi aies de c haque district, comme le versement de eelui-ci au Trésor public doit être accompagné deformalilés qui serventde contrôle au Trésor national.
Enfin, Messieurs, c'est un autredroitinséparable de la propriété, que de vouloir exiger un compte exact des recettes et des dépenses publiques.Or, Messieurs, il est temps de vous le dire : le gouvernement n'a pas payé sa dette à la propriété, lorsqu'il se borne à ces comptes savants et généraux dont peu d'hommes peuvent embrasser l'ensemble, et dont personne ne peut vérifier les éléments.
La recette générale du Trésor oublie est composée de recettes
particulières. Il faut instituer des comptes de recettes particulières,
en même temps qu'un compte général ; il faut ordonner, dBns chaque
recette de district, une sorte de comptabilité primaire qui soit en même
temps un hommage immédiat aux contribuables, à la propriété, et une
-garantie de fidélité aux yeux
Pour les contributions indirectes, une surveillance continuelle sur la comptabilité est nécessaire ; car la dépense même de leur perception pourrait être impunément supposée plus forte qu'elle ne le serait réellement, si elle n'était soumise au contrôle-du peuple dans chaque canton. Par exemple, une régie pourrait dans un compte général supposer sur les frontières de la France mille employés qui n'existeraient pas. Elle le pourrait sans danger; car qui aurait la faculté de vérifier le compte d'une milice fiscale qui forme une ligne de 1,500 lieues de longueur?
Il faut donc que, dans chaque municipalité, l'on puisse observer tous les frais qui constituent les dépenses 'premières ; que l'on puisse observer s'il n'y a pas d'emplois inutiles établis uniquement pour favoriser des hommes privilégiés. Il faut qu'ëlle puisse recueillir, des réflexions sur tous ces objets, pour en présenter au district. Or, Messieurs, le versement des produits des contributions indirectes dans les caisses de district et le concours de circonstances qui doivent accompagner ce versement sont nécessaires pour les comptabilités primaires. Ce moyeu seul peut leur donner de l'authenticité; car il suppose les éléments des comptes faits par des dépositaires de la confiance du peuple. Ce moyen seul peut donner à cette comptabilité de la simplicité et de l'unité; car si chaque régie fournissait un compte séparé, et chaque corps administratif le sien à part, tant de complications empêcheraient l'effet ae la loi.
L'intérêt et le droit de la propriété demandent encore autre chose que l'on ne peut attendre que de la séparation des caisses de régie d'avec la régie même. Ils demandent en premier lieu que les produits -soient garantis par leur dépôt non seulement contre l'envahissement des pouvoirs politiques dont j'ai déjà parlé, mais, aussi et surtout, que cette administration soit préservée des négligences, des fraudes, des larcins, des rapines privées, -en un mot, de toutes les causés qui peuvent en opérer la déprédation journalière. Ils demandent en second lieu, que les produits ne restent pas, plus longtemps qu'il ne faut, absents de la circulation, parce que la lenteur de la circulation d'une grande masse d'argent estune véritable cause de souffrance pour toutes les propriétés. Je vous prie, Messieurs, de m'ac-corder quelque attention et quelque indulgence dans le développement de ces deux propositions.
Or, Messieurs, si vous voulez remplir ces deux vues, vous devez faire en sorte, i remièrement, que tous les fonds qui doivent être dépensés dans les départements ne fassent pas l'inutile et dispendieux voyage de la circonférence et souvent des extrémités au centre, pour ensuite retourner du centre aux extrémités. Il faut, en second lieu, que les fonds des recettes ne puissent jamais être aventut és dans l'agiotage.
Deux sortes de spéculations financières s'étaient établies-sur l'étrange système de faire venir les fonds des extrémités au centre, pour les faire réflueT du centre aux extrémités; je vous prie de m'en'permettre un détail. Les receveurs des provinces avaient un délai de plusieurs mois, à compter du jour de la recette, pour les faire parvenir au Trésor royal. On -supposait que ce temps leur était nécessaire pour convertir le numéraire en lettres -de change, payables dans la capitale, encore à plusieurs mois de date; c'est-à-dire que tous les produits des contributions indirectes, jusqu'à présent, .ët c'est ce que l'on vous propose de perpétuer, ;ont toujours été, au moins 3. mois, aventurés clans lies hasards du négoce, avant d'entrer dans le Trésor public.
Les 'trésoriers des dépenses publiques, lorsqu'ils avaient à payer, dans la capitale, des fournitures de service faites dans les départements, payaient en délégation sur les trésoriers de province, et ceux-ci, à l'échéance, fournissaient des lettres de change. Ainsi l'argent, toujours -semé en chemin, n'était nulle part. Il arrivait de là qu'un fournisseur du département de la marine, qui avait fait un traité avec le gouvernement pour des fournitures à faire à Brest, était payé à Paris en délégation rsur Brest, et qu'à l'échéance de la délégation, .le trésorier de la marine de Brest payait-très souvent .en effets sur la caisse de la marine de Paris, de sorte que le malheureux fournisseur était privé très longtemps de ses fonds, et qu'il lui en coûtait d'énormes escomptes, quand il voulait convertir son papier en argent comptant.
Voilà ce qui résultait de ce système d'absence des fonds publics hors des mains des dépositaires. J'observe, Messieurs, que tout ce qui était ainsi préjudiciable aux intérêts des particuliers Pétait .nécessairement encore bien davantage au gouvernement; car chaque fournisseur fait entrer dans ses calculs assurément toutes les chances de cette manipulation, de ces manœuvres frauduleuses ; qu'ainsi, non seulement on payait aux fournisseurs, en surcroît du prix de leurs marchandises, les manipulations financières, mais dé plus qu'on avait la bonté de payer les financiers eux-mêmes pour ces manœuvres-là. Pour le coup c'est l'abomination de la désolation. (Rires et applaudissements à gauche.)
Permettez-moi de dire encore un mût du résultat de ces malheurs, considérés comme agiotage. Non seulement l'agiotage compromet les deniers publics, mais le grand nombre de banqueroutes résulte des jeux de fonds. Ils retiennent une grande masse de numéraire hors de la circulation ; car il ne faut pas confondre l'argent qui e-t l'effet de l'agiotage, avec la circulation des effets de change.
L'agiotage et son mouvement sont au contraire le plus redoutable Obstacle de la circulation ; car ils font tournoyer dans une classe particulière d'hommes, dans un jeu particulier, sur une sorte de'tapisdetripot, les fonds qui, allant des producteurs aux consommateurs, et de ceux-ci aux premiers, vivifieraient lasociétéentière. La circulation n'est pas ce tournoiement d'argent; c'est le mouvement de l'argent du producteur au consommateur, et son retour du consommateur au producteur. (Applaudissements.)
Pour prévenir les frais des transports d'argent, { il faut que les
dépenses à faire dans les dépar-
Pour que les délégations maintenant portent un caractère inaltérable de sûreté, qu'elles soient payées au jour dit, il faut que les caisses qui doivent les payer soient placées immédiatement sous -une autorité administrative qui veille sur les fonds des receveurs, comme sur un dépôt; qui, assise sur le coffre de chaque district et de chaque département, prévienne les incidents et les difficultés dilatoires. Donc les caisses de district étant placées sous l'inspection des directoires, placés eux-mêmes sous l'autorité des départements, il y aura des payements bien plus garantis que dans les caisses attachées à des ré-
fies, où ces receveurs ne manqueraient jamais de onnes raisons pour différer des payements très justement demandés.
La complication de leurs opérations, leur subordination à la régie, une multitude de détails dans lesquels les corps administratifs ne verraient rien, ne pourraient rien comprendre, serviraient toujours à éluder le payement des délégations qui auraient été fournies sur des caisses particulières à des époques fixes ; et tout le monde sait que les délégations des fermes sur les receveurs de provinces n'élaient payables que quand il plaisait aux receveurs des provinces sur lesquelles elles étaient tirées, de sorte qu'on était très longtemps à attendre la bonne volonté de ces receveurs particuliers qui demeuraient en province. (Murmures.) Tout cela sont des faits.
Pour que les fonds ne soient point sujets à l'agiotage, il faut non seulement défendre l'agiotage et en ôter tout prétexte, mais encore ôter les recettes aux régies et c'est ce que je vais démontrer.
Deux prétextes servaient autrefois à couvrir les jeux de fonds. Le premier était d'éviter au Trésor public les frais et les risques des transports d'argent; et le deuxième de laisser l'argent monnayé dans les lieux de la perception. Eh bien, vous les faites d'abord évanouir, pour une grande partie des revenus publics, en faisant payer, sur les simples délégations, les sommes qui seront dues par les départements. Eh bien ! tant qu'il y aura des assignats en circulation, il n'y aura évidemment nul prétexte aux jeux des fonds ; car, au lieu de payer en lettres de change, les trésoriers payeront en assignats ; et il serait évidemment absurde de leur donner deux mois pour convertir du papier-monnaie en argent.
Quand il n'y aura plus d'assignats, il n'y aura .plus ou presque plus de deltes publiques, et alors Paris n'aura plus besoin de tant de fonds ; et alors aussi l'expérience aura appris les moyens de faire venir, sans inconvénient, le peu de fonds dont on aura besoin dans l'administration centrale : ainsi, plus de prétextes aux jeux de fonds. Il faut donc les empêcher; mais,pour les empêcher, il ne suffit pas de les défendre : il faut écarter du maniement des deniers les hommes qui avaient l'habitude de les faire servir à leur spéculation privée.
Quand on veut sérieusement apporter une réforme dans un service public, il faut non seulement faire une loi nouvelle pour l'ordonner, mais il faut aussi confier le service auquel elle s'applique à des hommes nouveaux. Si vous aviez dit que votre haute cour nationale, votre cour de cassation, ne.seraient composées que d'anciens conseillers d'État ou d'anciens conseillers au parlement, vous auriez couru risque de faire revivre au moins l'esprit du Conseil ou celui du Parlement.
Je pense donc que, pour éviter l'agiotage des compagnies de finances, il faut séparer les nouvelles des anciennes; il le faut d'autant plus que non seulement l'usage des jeux de fonds à été pratiqué, mais même avoué honteusement par elles, que cet agiotage est maintenant revendiqué par ces compagnies elles-mêmes.En effet,un étrange combat d'opinion, qui s'est élevé entre les administrateurs du droit d'enregistrement et ceux des douanes, nous a mis dans le cas de vous exposer les maximes financières que nous venons de combattre.
Les administrateurs provisoires des douanes avaient trouvé lesrecettes séparées des directions, dans l'ancienne administration des fermes générales : ils ont dit dans vos comités qu'il fallait les réunir. Les administrateurs du droit d'enregistrement, au contraire, qui les ont trouvées réunies, dans l'ancienne régie des domaines, en ont demandé la séparation. Tous se sont réunis en un point ; ils ont tous avoué ce fait, que le jeu de fonds était très lucratif aux directeurs, aux receveurs des anciennes provinces. Enfin tout se réduit à ce motif : les partisans du système du versement des contributions indirectes au Trésor public veulent toujours que les régisseurs et leurs employés soient riches ; et nous, nous voulons qu'ils soient honorés. (Applaudissements.)
Plusieurs membres: Aux voix! aux voix !
(de Saint-Jean-d? Angély). M. Rœderer dans son rapport du 23 avril dernier, fait au nom de plusieurs comités réunis, a proposé que les percepteurs des régies nationales versassent le produit de leurs perceptions dans la caisse des districts. Cette simplicité d'idées peut plaire au premier coup d'oeil; elle peut éblouir dans un projet; mais il s'agit ici de manutention, de pratique, et l'idée du rapporteur est repoussée par des considérations tirées de la chose même, et qui sont offertes par l'expérience.
J'ai, pour combattre la proposition des comités, à prouver que le versement des impôts indirects dans la caisse des districts ne peut avoir lieu sans les plus graves inconvénients, dont le principal est d'avoir une très mauvaise comptabilité dans un moment où vous avez besoin qu'elle soit très exacte.
Toute recette consiste dans la perception et dans le versement des
deniers perçus. Pour qu'un percepteur remplisse parfaitement ses
fonctions, il ne suffit pas qu'il remette fidèlement tout ce qu'il
perçoit, il faut encore qu'il perçoive soigneusement tout ce qui est dû.
Or, c'est ce dont le préposé à la caisse de district ne peut être juge
relativement aux impositions indirectes. Ces receveurs de district, qui
ne sont encore au cou-raut de rien, qui ne peuvent tenir ni leur
comptabilité avec le Trésor public pour l'impôt direct, ni leur
comptabilité avec la caisse de l'extraordinaire pour les biens
nationaux, se-
Vous ne pouvez pas surveiller leur vigilance et l'exactitude de leur comptabilité, tandis qu'en les laissant au receveur des recettes générales de chaque partie, vous avez une économie considérable : vous avez une sûreté absolue, parce qu'il faut faire verser leurs fonds tous les 10 jours, Quand on n'a point mis sur eux de délégation. Vous aurez enfin une comptabilité sûre ; elle ne sera plus sous la main des administrateurs, parce que je demande que, dès l'instant où les fonds seront versés entre les mains des receveurs généraux, commence l'inspection et l'action des commissaires de la trésorerie, comme elle commence, quand les fonds sont versés entre les mains des receveurs de district.
Gela n'aurait pas lieu avec les receveurs de district. Ils seront forcés de se borner à recevoir ce qu'on leur remettra. Nulle inspection, nulle surveillance de leur part. Jamais ils ne pourront forcer en recette un comptable arriéré ou inexact. Il faudra un intermédiaire entre eux et les receveurs immédiats. Us seront étrangers à la chose, et sans les premières notions même de la comptabilité de chaque partie. Il faut une inspection plus éclairée, une vigilance plus active et plus efficace que la leur. Le rapporteur a posé lui-même ce principe : « Les perceptions indirectes, dit-il, exigent des connaissances particulières et une étude suivie. » Pourquoi oublie-t-il cette vérité, dans la manière dont il propose d'organiser les régies?
Je ne crois pas qu'il soit possible d'avoir un meilleur mode de comptabilité que celui que j'ai indiqué plus haut, et je crois que, si la proposition devait être adoptée, ce ne serait pas dans ce moment. Vous devriez en suspendre l'exécution jusqu'à ce que vos receveurs de district fussent à même de remplir vos vues à cet égard. Je propose donc à l'Assemblée de décréter que le versement des receveurs particuliers des douanes nationales, du droit d'enregistrement et du timbre, sera versé entre les mains des directeurs généraux faisant pour cela fonction de receveurs généraux, lesquels seront tenus de verser les fonds tous les 10 jours au Trésor royal, lorsqu'on n'en aura pas disposé, sous l'inspection des commissaires de la trésorerie et de ceux du Corps législatif.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix I Fermez la discussion.
(L'Assemblée ferme la discussion, accorde la priorité à l'article 7 du comité et décrète cet article.)
On désire faire une addition à l'article que l'on vient de décréter ; je demanderais qu'on ne puisse jamais mêler les caisses l'une dans l'autre,
rapporteur. Il n'y a qu'une caisse, et c'est ce qui va résulter de l'article 8 du projet de décret, que voici :
Art. 8.
Tout receveur de l'une ou l'autre régie adressera au receveur de district, avec les fonds qu'il lui fera passer, un état de sa recette brute, des frais de perception gui auront été et dû être prélevés sur les produits, et de la somme effective versée à la caisse du district, il enverra, en même temps, un double cerlifié de ces états au directoire du district, et à la municipalité de sa résidence ».
Un membre propose par amendement d'ajouter à l'article ces mots :
« H (le receveur) enverra, en outre, aux commissaires de la trésorerie, un état de la somme effective versée dans la caisse du receveur de district ».
(Cet amendement est renvoyé aux comités réunis des contributions publiques, des finances, des domaines et d'agriculture et de commerce.)
Je demande que les comités réunis soient chargés de proposer à l'Assemblée un modèle de registres et de règles pour fixer la manière de les tenir, qui puissent servir de base uniforme à la comptabilité de toutes les caisses de district du royaume.
(Cet amendement est renvoyé au comité des finances.)
met aux voix l'article 8.
(L'article 8 est adopté.)
Il est nécessaire actuelle ment de prononcer l'incompatibilité entre les fonctions de receveur de district et celles de receveur en première ligne des impôts indirects, sauf l'option. Il serait impossible de laisser subsister ces deux perceptions-là dans la même main.
Cette disposition pourrait être décrétée à la suite de l'article 8.
(de Saint-Jean-d?Angêly). Il faut mettre tous receveurs d'impôts indirects.
(La motion de M. Dauchy est décrétée et renvoyée au comité pour rédaction.)
rapporteur, donne lecture de l'article 9 du projet de décret ainsi conçu :
« Les directoires de district pourront, quand ils le jugeront à propos, vérifier et faire vérifier par les municipalités les caisses et les registres des receveurs des différentes régies ».
Plusieurs membres : « Seront tenus », au lieu de « pourront ».
rapporteur. J'adopte.
Je propose par amendement que les directoires de département pourront aussi faire ou faire faire ces vérifications quand ils le jugeront à propos.
(Cet amendement est adopté.)
rapporteur, donne en conséquence lecture de l'article amendé dans les termes suivants :
Art. 9.
« Les directoires de district seront tenus de vérifier et faire vérifier
par les municipalités, les
rapporteur,Aowiq ensuite lecture des article* 10. et U du projet de décret, ainsi conçus. :
Art. 10.
« Les receveurs de district fourniront un supplément de cautionnement, proportionnel au produit présumé de leur recette, d'après- les déclarations des régisseurs généraux. » (Adopté.)
Art. 11.
« Les produits des régies, qui seront versés à la caisse du receveur du district, seront ajoutés à la masse générale de ses autres recettes» et sa remise sera fixée sur le tout conformément à l'article 15 du décret du 22 novembre dernier. » (Adopté.)
L'ordre du jour est. un rapport du comité de Constitution sur la pétition faite à l'Assemblée nationale, le 26 avril 1791, par les administrateurs du département de Paris. (.1).
au nom du comité de Constitution (2).Les administrateurs du département de Paris, dont le zèle égale les lumières, sont venus, le 26 avril, vous exposer que leurs efforts dégénéreraient en vœux inutiles, s'ils n'étaient pas secondés de toute la puissance de la loi ; ils vous ont demandé la publication d'un Co le pénal dans lequel se trouvent classés les délits qui peuvent se commettre par des écrits, des discours incendiaires qui prêchant le meurtre et la violence sont d'autant plus coupables qu'ils montrent la liberté sous les traits de la plus effrayante licence.
Ces administrateurs ont sollicité deux autres lois, l'une pour conserver dans sa pureté le droit de pétition, ce droit qui est une des branches les plus productives de la liberté et qui appartient à chaque individu composant le corps social ; l'autre sur le droit d'affiche qui est un moyen de faire connaître les lois, les arrêtés des administrateurs et les jugements des tribunaux, et qui par conséquent est un droit exclusif, un pouvoir délégué par le peuple.
Le Code pénal ne vous est pas présenté par nous. Déjà on vous en a lu un fragment; l'ouvrage doit sous peu de jours être mis sous vos yeux et tient à un système général et, on ne peut pas en séparer une partie pour la soumettre isolément à la discussion.; vous trouverez dans le classe ment, des délits et des peines la proscription due à ces criminels écrits qui profanent la liberté et qui indignent ses conquérants, et ses amis.
U n'y a point de loi à. faire, sur la liberté de la presse ; ce moyen de
communiquer sa pensce ne peut, pas plus que la pensée elle-même, être
en-chatné ; mais il faudrait confondre la licence avec la liberté, le
crime avec les actions utiles ; il faudrait protéger le désordre pour ne
pas avouer qu'il est besoin d'une loi contre les délits de la presse ;
que c'est un délit de conseiller verbale-
Mais je ne prolongerai pas sur cet objet des réflexions qui sont prématurées et qui. mériteraient un grand développement, si nous en étions à traiter cette matière.
Le moment est. prochain où la suite de vos travaux imposera à tous les bons citoyens l'obligation de faire entendre leur voix sur cet objet ; je désire que nous puissions nous en occuper; je trouve que c'est dans les premiers instants de la liberté, au milieu de toutes ces pensées douces que la philosophie, l'amour des hommes, l'esprit d'égalité répandent parmi nous, qu'il faut travailler à un Code pénal ; il ne peut' vous échapper,. en le composant, quelqu'une de ces idées atroces qui ont présidé à la formation du Code pénal, de presque tous les peuples.
Cet ouvrage sera, j'en suis sûr, un monument de plus de notre Révolution et de ses avantages ; il n'y a qu'un moment pour régénérer une nation, et il faut le saisir pour faire toutes les institutions qui inllUent puissamment sur ses mœurs : c'est celui-ci ou il n'y en aura jamais.
Je viens au droit de pétition et d'affiche qui seul doit exciter votre attention. Le droit de pétition est le droit individuel de tout membre du corps social. Il est l'apanage de la liberté. Tout à fait différent de la plainte et de la requête, il De peut exister que chez un peuple libre.
Sous un gouvernement despotique, on supplie, on se plaint rarement, parce qu'il y a du danger à se plaindre; on ne fait jamais une pétition. Sous une constitution libre, on ne supplie jamais. On se plaint hautement d'une injustice particulière; on forme une pétition, soit pour demander la' réforme d'une institution qu'on croit vicieuse, soit pour provoquer ce qu'on regarde comme utile.
Déjà nous avons par ce peu de mots marqué une distinction entre la plainte et la pétition ; elle se trouvera mieux posée encore par ce que nous allons dire.
Le droit de pétition est le droit de tout citoyen actif de présenter son vœu au Corp3 législatif, au roi, aux administrateurs, sur les objets de législation d'ordre public et d'administration. La plainte est le droit de recours de tout homme qui se croit lésé dans ses intérê s particulièrement par une autorité quelconque ou par un individu. Le droit de pétition est un droit que le citoyen peut et doit, par conséquent, exercer par lui-même, suivant cette maxime-sacrée que le peuple ne peut déléguer que les pouvoirs qu'il ne peut pas exercer par lui-même.
De là résulte que nul corps, nulle administration, nulle société ne peut exercer le droit indé-légable de pétition; que la pétition ne peut être formée sous un nom collectif; qu'on ne doit considérer comme- pétitionnaires que ceux qui ont signé leur, pétition.
Te ne sais si ce principe trouvera des contradicteurs et si on fera une question d'une maxime que tout ce que nous avons- appris depuis 2 ans a rendu irréfragable ; si cela était, quelques réflexions suffiront pour- dissiper tous les nuages. |
Et d'abord, parle-t-on des corps constitués, administrateurs, juges, électeurs? Les pouvoirs qu'ils exercent sont des pouvoirs délégués ; ils ne peuvent pas sortir des limites- de ces pouvoirs sans blesser la Constitution, sans usurper les droits du peuple. S'ils exprimaient, en leur qualité d'administrateurs, de juges, d'électeurs, un vœu sur la chose publique, ils s'établiraient représentants d'une portion du peuple, quand aucune représentation ne leur est déléguée ; ils exprimeraient un vœu qui pourrait être Je vœu individuel de chacun d'eux, mais qui ne serait peut-être pas le droit du peuple.
Veulent-ils former une pétition? Ils- rentrent dans la classe des citoyens ; ils cessent d'être fônctionnaires publics, pour se présenter comme membres du corps: social ; ce n'est plus une délibération qu'ils prennent; dans laquelle la majorité l'emporte sur h minorité : ce sont dès individus qui, partageant la même opinion; la constatent par la signature de chacun d'èux.
Dj. ces corps, nous passons aux sociétés' qui sont très multipliées dans tous les lieux, où la nature d'un gouvernement donne, une patrie et crée des citoyens, où chacun, libre dans ses opinions comme dans ses actes; s'associa à la chose publique et la regarde comme son patrimoine. Les sociétés ne peuvent pas collectivement faire des pétitions; car il résulterait de ce vœu présenté sous un nom collectif deux: dangers également grands pouT la Gons'itution, et pour le droit de pétition lui-mê ne. D'abord là société deviendrait bientôt une' corporation viciée de tbut' l'esprit, de toutes les passions, de tout le despotismequi onttoujpurs accompagné les corporations, et qui ne symbolisent pas avec un gouvernement libre où il;n'y a que deux espèces de droits, ceux des citoyens, ceux dé ta nation.
La distance est peu-considérable entre une société pétitionnaire et une société délibérante, autrement que pour exprimer dès vœux. Telle est la propension naturelle dès* hommes réunis qu'ils commencent par s'entretenir de la chose publique et qu'ils finissent par délibérer; et si la 16i leur offrait un moyen-de publier le résultat de leurs délibérations, ils deviendraient bientôt un corps subjuguant, une autorité menaçante, un pouvoir contraire à tout lfe système du gouvernement représentatif. Ensuite l'objet de cette pétition, intitulée d'un nom collectif; sera nécessairement le résultat d'une délibération prise à la majorité des votants, et ainsi là" minorité, qui n'aurait adopté ni l'objet, ni les termes de la pétition; serait pétitionnaire malgré elle; ce qui, comme vous voyez, serait directement contraire à l'essence du droit de pétition.
Les sociétés créées par la Révolution, nées avec la liberté, sont extrêmement utiles ; elles entretiennent;, elles augmentent l'esprit public,, elles facilitent le progrès des lumières"; mais bientôt elles perdraient tous les avantages dont ellespeuvent être accompagnées, si elles tendaient à s'ériger en- corporation par dfes délibérations, par des arrêtés, par des adresses, par des pétitions; si elles prenaient les fùrmes d'un corps délibérant; si elles s'emparaient du droit individuel des citoyens; il faut qu'elles soient inaperçues dans la société, qu'elles puissent y exercer des droits politiques ; qu'elles n'existent que: pour ceux qui les composent!.
Il n'est pas inutile de propager ces vérités qui seront entendues de tous ceux qui ont étudié notre Constitution dans ses principes.
Remarquez^ Messieurs, , bien tôt, si des collections d'hommes s'emoaraienbde ce droit inhérent à tous les membres de;la société, si les pétitions^ se montraient souple nom de telle société^ plus ou moins fameuse, la pétition d'un individu pourrait paraître moins importante; et il est nécessaire pour la dignité des citoyens que toute pétitioniconserve le caractèreid?un; homme libre* L'exposition de ces principes conduit à dirt-que, sur lesraffaires générales, sur les objets de législation, d'ordre public et d'administration, enfin, pour l'exercice du droit de pétition, les assemblées des-communes des villes ne peuvent être provoquées.
Il v a à cet égard imedistinction à faire qui vous paraîtra sensible; Messieurs; s'agit-il d'un intérêt' particulier à une ville; de ses intérêts privés; de la;chose municipale, la comrau ie peut s'assembler, les citoyens peuvent en ordonner le rassemblement; c'est le conseil de famille qui délibère sur la chose propre à tous les habitants. Dans l'organisation dès municipalités, vous avez autorisé ce rassemblement, vous avez fixé les formes par lesquelles il pourrait être provoqué; mais sortons de cette classe de choses, et n'imaginons qu'un objet qui ne concerne plus l'intérêt d'une ville; qui embrasse dans son étendue les habitants du royaume', alors les- citoyens qui veulent s'en occuper n'ont plus- à provoquer le vœu d'une commune, ils ont à exprimer un vœu que leur droit individuel est de faire entendre. Tous les habitants d'une ville ne peuvent plus alors se réunir en famille pour délibérer, ils sont membres du corps social: autrement une ville se formerait en corporation, elle formerait une espèce de société pétitionnaire; et, dans ce cas, ces mêmes inconvénients quenous avons détaillés reparaîtraient avec deseffets plus funestes encore.
Quant aux grandes villes qui sont divisées en sections, vous avez décidé
que les sections pourraient s'assembler sur la convocation d'un certain
nombre d'entre elles. Elles ne doivent alors délibérer quesur l'objet
pour lequel elles sont rassemblées. Sur les autres ohjetselles n'ont que
le droit individuel de chaque citoyen Je oe m'étendrai pas sur les
règles à établir pour les délibérations des communes.
Vousu'hésiterezsans doute pas à penser que l'acte par lequel des
citoyens demandent, le rassemblement d'une commune ou d'un^ section doit
être signé par ceux qui ont formé cette demande, qu'il doit, d'une
manière précise, contenir l'objet sur lequel elle est appuyée. Si les
sections ne sont pas d'accord, alors il doit.ètre-. nommé des
commissaires pour constater le vœu de la majorité. Ces corn nissaires ne
doivent avoir d'autres opérations à faire que de comparer les résultats
des délibérations ; ils ne peuventémettre aucun vœu personnel, échanger
du.altérer d'une manière quelconque les délibérations dont ils, sont
porteurs. Sans cela, l'autorité des corps administratifs pourrait être
usurpée; il pourrait s'établir une autorité rivale de L'autorité muni-i
cipale, déléguée par le peuple; en un mot, le pou-
Il n y aura qu'à ne pas faire paraître sur le rôle des impositions publiques, que ceux nui se faisant ™m*tier de leur paresse ïnt chofsi^esLnS états de vagabondage, de mendicité ou de vo Je dis donc que les déclamations à cet égard appellent tous les vices à la révolte contre les citoyens. Il faudrait dire à ceux qS, presque toujours par leur faute, sont tourmentés nar ^a misère : remuez utilement vos bras prenez du travail, abourez cette terre fertile, e vous rece-vrez d'elle le titre de citoyen. En vous reeaK comme étrangers, on n'a'voulu"iJ^voWSr au travail, on a répandu dans la nation une st mence d'encouragement, d'industrie et de vertu SJ?,,1!®? d® citoyen français, de membre d'un Etat libre est le tare le plus précieux, il ne vous faut que très peu d'efforts pour l'acquérir• èt quand on peut faire finir en un instaTl'exclusion prononcée, nul n'a le droit de s'en p aindre (Applaudissements.).
il est faux que la nation soit nar pp nmnt h0 no re constitution, séparée en dfiï partiesou m££1 Tlcieux de D0? anciens impôts, l'engour dissement que nos anciennes institutions etTexé-crable despotisme avaient jeté parmi nous, rendent sensible cette séparation, elle disparaîtra presque tout à fait par la meilleure organisation des taxes publiques, et par la liberté, cette mère de 1 industrie. Non, il n'y aura plus que les nommes rongés de tous les vices et de toutes les calamités qu'ils attirent, qui ne seront pas citoyens; et je ne sais quel genre d'intérêt peut conduire à regretter de ne les avoir pas pour associés : quelle spéculation peut inviter à jeter dans leur âme quelque envie contre une Constitution qui les invite à se réunir au corps social et qui, plus que toutes les constitutions de là terre, a reconnu, a respecté les droits des hommes.
Ai-je besoin d'ajouter que ce décret est déjà rendu, et ou ainsi toutes les lois destinées à compléter la Constitution doivent être établies sur la même base; que cette base a été prise par vous dans le décret du 14 décembre 1789, dont le droit de pétition n'est que le développement et la conséquence, le droit de pétition, cette es-pece d initiative du citoyen pour la loi et les institutions sociales.
Cette part presque active que peut prendre un citoyen dans toutes les matières générales du gouvernement peut-elle appartenir à d'autres au a des membres du corps social? C'est ici oue doit reparaître la distinction entre la plainte et la pétition : la plainte est le droit de tout homme ; il ne s agit point, pour la recevoir et pour la répandre, d examiner l'existence politique de celui qui la présente; la pétition est le droit exclusif du citoyen.
Je passe maintenant au droit d'affiche et d'annonce au son de trompe et de tambour; c'est sur cela que les opinions sont moins faites, que les esprits sont plus incertains : on réclame la liberté de communiquer sa pensée par tous les moyens, on confond beaucoup de principes, et sous le prétexte de les conserver en tout (sic). .Ou a fait, hier, part à l'Assemblée d'une opinion que 1 on veut qu'elle adopte, et on la lui a communiquée, en affichant à sa porte l'arrêté dune section, qui fait défense d'enlever ou de couvrir des affiches particulières, qui invite le bataillon à surveiller l'exécution de cet arrêté.
Les citoyens zélés qui ont fait cette proclamation se sont certainement égarés, et ils le reconnaîtront. D abord une section séparée n'est rien elle fait partie d'un corps collectif, elle n'existé qu avec lui. Ensuite, une section n'a nul droit de requérir et d'employer la force publique : cette force appartient a tous, elle ne peut être requise que par des officiers du peuple, qui exercent es droits de tous. L'erreur dont je viens de parler fait sentir combien, par conséquent, il est nécessaire de les fixer, par des discours et des lois; cependant il ne faut ni s'étonner, ni s'effrayer de ces mouvements, de ce zèle inconsi-déiré; Us sont presque nécessaires pour soutenir la Révolution, pour donner au peuple l'idée de tous ses droits. Mais c'est aux législateurs à donner, par des lois, d'uliles instructions, à mettre successivement chaque chose à sa place et à distinguer les droits individuels de chaque citoyen. H
Je passe au droit d'affiche et de publication à son de trompe. Le droit
d'affiche est du nombre de ceux qui exigent une loi; nous vous proposons
de déclarer que ce droit ne peut appartenir à aucun individu, à aucune
société, à aucune section de commune: une section séparée n'est rien,
elle fait partie du corps électif, elle n'existe qu avec lui. Les rues,
les places publiques, sont
A qui pourrait être utile le droit d'affiche ? au citoyen un peu instruit? Non. Je ne sais qui a dit : l'instruction ne se placarde pas. On a dit vrai. Ce n'est pas au coin des rues que l'instruction s'acquiert : c'est dans les sociétés paisibles où l'on discute sans délibérer, où l'on s'éclaire sans passions, sans esprit de parti; c'est dans les livres, c'est enfin par des lois dictées par la saine philosophie. Est-ce à un particulier qu'on peut communiquer ses pensées? Non encore. Les placards ne produisant rien à leurs auteurs et leur coûtent des frais. Il est rare qu'on prenne ce moyen pour communiquer ses pensées ; il est impossible de mettre son livre en feuilles au coin des rues. Gela ne servira donc qu'à l'homme turbulent ou à l'intrigant méprisable qui voudra se faire un parti ou exciter un dangereux mouvement. {Applaudissements.)
A qui donc cela peut-il servir? Aux sociétés, aux sections qui sont en état de faire des sacrifices pécuniaires. Eh bien! voilà le danger, c'est que des sociétés, des collections d'hommes, qui, par leurs discours, leurs arrêtés, prenant l'attitude d'une puissance, placent leurs délibérations à côté des lois et des actes d'administrations, et parviennent, en critiquant celles-ci ou celles-là, à rivaliser en tout les pouvoirs délégués par le peuple; et remarquez que, quand le droit d'affiche ne serait pas exclusivement délégué à ces pouvoirs, il ne pourrait jamais appartenir à une section ni à une société : à une section qui, je ne saurais trop le répéter, parce qu'il faut répéter tous les principes que tous les citoyens cherchent et doivent apprendre, à une section, dis-je, qui isolée n'est rien, qui n'est que la partie d'un tout, et dont les délibérations viennent, ou composer la majorité, ou sont étouffées par elle; à une société qui n'a aucune existence publique, qui ne peut pas en prendre une sans usurper le pouvoir au peuple et les droits individuels des citoyens.
Vous avez consacré des formes pour la publication des lois; nul ne pourrait se les arroger sans manquer à la loi. Afficher est une forme : en la réservant aux actes de la puissance publique, vous n'empiétez sur aucun des droits individuels d'aucun citoyen; car aucun citoyen n'a un droit individuel sur les lieux publics. Aux inconvénients majeurs de rendre méconnaissables les lois et les actes administratifs, au milieu de cette foule de placards dont ils seraient entourés et en partie couverts; à l'inconvénient d'éloigner les citoyens d'eu prendre connaissance et de diminuer le respect, joignons-y cet autre inconvénient qui est très considérable, c'est que si toute personne a le droit d'afficher, toute personne aura le droit de couvrir une affiche, attendu que les rues et les places publiques seront alors au premier occupant. Or, à côté du droit du premier occupant, se trouve toujours le droit du plus fort; ces droits sont sur la même ligne : de là des désordres, de là des rixes souvent sanglantes ; et je ne sais si une société bien ordonnée peut par ses lois préparer de tels désordres.
Certes, Messieurs, c'est concevoir d'étranges alarmes sur la liberté, que de prétendre que la puissance publique ne peut pas se réserver un moyen de faire connaître ses actes. Ce n'est pas du tout à cette réserve indispensable que tient la libre communication des pensées. Nous avons tout fait pour la liberté, et peut-être nous avons laissé momentanément quelque chose à la licence en ne faisant aucune disposition sur les cris qu'on entend pour annoncer, avec des feuilles qui se disent patriotiques, souvent des libelles anticonstitutionnels et des nouvelles fausses et alarmantes, des calomnies scandaleuses;mais le profond respect qu'on doit avoir pour la liberté de la presset ce palladium des droits des citoyens, cet ennemi des abus et de la tyrannie, a éloigné notre pensée de vous présenter aucune loi à ce sujet : c'est l'abus d'un moment, et c'est à la police, aux administrateurs et aux tribunaux à faire rechercher et punir par des voies légales les auteurs coupables qui conseillent.le crime et profanent la liberté.
Ainsi, si le droit de pétition est un droit individuel de tout citoyen, le droit d'affiche au contraire ne doit être exercé que par l'autorité publique; c'est d'après ces principes qu'a été réaigé le projet de décret que nous allon3 vous soumettre :
« L'Assemblée nationale, sur le rapport de son comité de Constitution, décrète :
« Art. 1er. Le droit de pétition, déclaré par
l'article 62 du décret du 14 décembre 1789, est le droit qu'a tout
citoyen actif de présenter son vœu au Corps législatif, au roi, aux
administrateurs, sur tous les objets qui tiennent à la législation, à
l'ordre général du royaume, et à l'administration.
« Art. 2. Le droit de pétition, étant un droit individuel qui appartient à chaque citoyen actif, ne peut pas être délégué, et il ne peut par conséquent (être exercé ni par les corps municipaux, administratifs ou judiciaires, ni par les électeurs : les uns et les autres peuvent seulement faire parvenir au Corps législatif et au roi des instructions et des mémoires.
« Art. 3. Les citoyens actifs ont le droit de se réunir, paisiblement et sans armes, en assemblées particulières, pour rédiger les adresses et pétitions, soit au corps municipal, soit aux administrations de département et de district, soit au Corps législatif, soit au roi, sous la condition de donner avis aux officiers municipaux du temps et du lieu de ces assemblées, et de ne pouvoir députer que 10 citoyens pour apporter et présenter ces adresses et pétitions.
« Art. 4. L'objet d'une pétition sera précisément et spécialement déterminé. La pétition ne pourra ni être intitulée du nom d'une assemblée ou d'une section, ni être présentée sous aucune dénomination collective. On ne reconnaîtra pour pétitionnaires que ceux qui auront signé.
« Art. 5. Un seul citoyen actif peut faire une pétition.
« Art. 6. Si l'objet de la pétition n'est pas de la compétence des administrateurs auxquels elle est adressée, ils le déclareront en rendant la pétition.
« Art. 7. Les citoyens qui voudront exercer le droit de pétition déclaré ci-dessus ne pourront se former en assemblée de commune par communauté entière, ou par section.
« Art. 8. Les assemblées des communes ne
« Art. 9. Dans la ville de Paris, comme dans toutes les autres villes et municipalités du royaume, les citoyens actifs qui, en se conformant aux règles prescrites par les lois, demanderont le rassemblement delà commune ou de leur section, seront tenus de former leur demande par un écrit signé d'eux, et dans lequel sera déterminé d'une manière précise l'objet d'intérêt municipal qu'ils veulent soumettre à la délibération de la commune ou de leur section ; et, à défaut de cet écrit, le-corps municipal ou le président-d'une section ne pourront convoquer la section ou la com-mune.
«Art. 10. La commune, ni aucune des seclions, ne pourront délibérer sur aucun objet autre que celui contenu dans l'écrit d'après lequel leur rassemblement aura été ordonné.
« Art. 11. Les délibérations des communes ou des sections de commune, rassembléesconformé-ment à loi, seront regardées comme nulles et non avenues, si le procès-verbal ne fait pas mention du nombre des votants.
« Art. 12. Dans les villes où la commune se réunit par sections, les assemblées des sections pourront nommer des commissaires pour se rendre à la maison commune, et v comparer et constater les résultats des délibérations prises dans chaque section, sans que les commissaires puissent prendre aucune délibération, ni changer sous aucun rapport le résultat de celles prises par chacune des sections.
« Art. 13. Si les sections ne se sont pas accordées sur les objets soumis à leur délibération, les commissaires réduiront la proposition son laquelle il y aura diversité d'opinions, de manière qu'elle puisse être délibérée par oui ou par non. La question sera, dans cet état rapportée aux sections par leurs commissaires, et le dernier résultat sera déterminé par l'avis- de la majorité des sections.
« Art. 14. Dès que l'objet mis en délibération aura été terminé, les sections de commune ne pourront plus rester assemblées, ni s'assembler de nouveau, jusqu'àice qu'un nouvel objetreiatif aux intérêts particuliers de la.' commune, et présenté dans les formes prescrites» amène une convocation nouvelle.
« Art. 15. Toute délibération prise par les communes ou par leurs sections, sur d'autres objets que ceux dont l'espèce est déterminée, ou sons avoir observé les formes qui sont prescrites par la; présente loi, seront déclarées nulles par les corps municipaux, ou à défaut,.par les directoires de département.
« Art. 16. Le droil d'affiche au coin des rues et places publiques, et de publication à; son de trompe et tambour, n'appartient qu'aux, pouvoirs délégués parle peuple, savoir': au Corps législatif, au roi, aux administrateurs, aux officiers municipaux et aux tribunaux de justice. Aucunes, section, aucune société, aucun cituven, nont le droit de faire afficher, ou publier à son de trompe ou de tambour, leurs arrêtés, réflexions ou invitations..
h Art. 17. Ceux qui contreviendront à la disposition de L'article précédent seront, par voie de pouce, condamnés à une amende de 100 livres, pour la payement de; laquelle seront solidairement poursuivis, et celui qui aura affiché ou publié, et l'imprimeur, et le rédacteur de 1 affiche ou du billet de publication, sans; préjudice de la poursuite de l'accusateur public, si l'affiche ou la publication contenait une provocation de commettre des actes qualifiés délits par la loi, ou d'employer la violence pour détruire lès lois ou attaquer 1er autorités constitutionnelles.
« Art. 18; Ne-sont compris dans la présente loi^ les avertissements et annonces pour les ventes de terre, maisons ou autres effets, ni en général toutes les affiches qui sont de simples indications, et qui n'ont aucun caractère d'arrêtés ou délibérations; tout citoyen pourra faire faire les affiches et publications de cette nature. »
(L'Assemblée décrète l'impression dui rapport de M. Le Chapelier et du projet de décret(l).)
(2). Messieurs, le projet.de décret qui vous est soumis par votre> comité de Constitution et sur lequel,vous êtes appelés à délibérer, mérite de fixer toute votre: attention,, présenté sous, des dehors très séduisants»,.
Un membre . Bt très vrais.
il renferma des articles du plus grand danger que vous ne pouvez décréter sans le plus sérieux examen.
M. le rapporteur a eu raison de vous dire qu'on ne manquerait pas de lui objecter que le droit de. pétition, ce droit qui est; si. sacré,.qui est un des remparts de notre liberté, un droit aussi simple n'avait pas besoin d'un projet de 18 articles pour l'établir..
Jetons les veux, sur ce projet et examinons les différents articles qui présentent, des difficultés et des difficultés très sérieuses.
Le premier article est celui peut-être qui vous: paraîtra le. plus étrange, le plus contraire à tous: les droits,.à la justice, à tons lès principes, à 1k saine politique.. Tous les citoyens ont droit de pétition,, dit-on,et sur-le-champ en prétendant se conformer à la Constitution que vous avez décrétée,on dit : par une conséquence nécessaire des principes que vous avez posés, vous ne. pouvez pas, vous ne devez pas. accorder le droit de pétition aux citoyens qui ne sont pas actifs. L'On s'appuie de l 'autorité de vos propres décrets, comme si le droit de pétition pouvait, s'assimiler aux droits politiques accordés à une classe exclusive* de citoyens.
Le droit de pétition n'est autre que celui dé faire des représentations, que celui de formerune demande en des fbrmes 1 égalés. Est-il des citoyens que1 l'on puisse empêcher de faire des- représentations, de former une demande dkns dès fbrmes-' légales-? Vous nlavez pas cru- devoir accorder à une classe- de citoyens le droit d.; s'assembler avec les autres pour délibérer; mais, comme dit le comité lui-même, il n'est pas question dè-déli-bérer; ni de délibérerd'ùne manière collective : i est question d'une demande;- et' on ne peut trop favoriser les demandes légales,, les demanodes constitutionnelles: de cescfto.ye.ns' qui pourraient être-tentés de s'écarter desiois.
Je suppose par exemple que vous établissiez
la violence? , , ..
Si une loi augmentait la portion contributive nécessaire à la qualité de: citoyen actif,.pourquoi ne laisseriez-vouspas, aux citoyens qui seraient sur le point d'entrer dans la, classe des citoyens actifs, le. droit de réclamer, contre cette loi injuste? Je ne conçois pas-comment il peut exister des hommes, autres que des esclaves, qui ne puissent faire des représentations légales contre les lois qui les oppriment. Si.qes-loisrsont oppressives pour cette classe d'hommes.(iViM,j7WJ'es.),.elles ne sont plus des lois., (Murmures.) Dans- une société, quelle que soit. son organisation, les citoyens ne peuvent pasiétre privés du droit de recourir légalement aux législateurs. Il ne faut pas dire que ces hommes ne sont pas citoyens : ils en portent le nom; ite.sont domiciliés au milieu de vous, et si. vous ne pouvez les dépouiller du droit de cité, comment pourriez-vous les dépouiller du droit qui appartient; naturellement, à tout homme, à un étranger même qui résiderait dans votre société, de former des pétitions.
Monsieur le Président, on a. très, bien distingué dans cette tribune le droit de plainte, d'avec, le droit de pétition, et ici je ne confonds pas ces deux droits. J'ai le. droit.de plainte, lorsque moi, individu, on, m'a blessé dans mon honneur ou dans ma fortune; mais: j'ai le droit de pétition pour toute loi générale qui.frappe sur Lu classe des citoyens. Je dis que le droit.de pétition, n'a aucune espèce de rapport avec ce que vous avez précédemment statué sur les citoyens non adifs ; c'est une chose absolument étrangère, et une chose juste, que de faire des représentations.
Maintenant je passe à.un autre-article; il y est dit : on ne reconnaîtra pour pétitionnaires que ceux qui ont signé;, mais combien de citoyens ne savent pas.-signer? (Murmures.) Quoi ! dans les tribunaux, un homme aura l'exercice des droits civils, quoiqu'il ne sache pas signer, et un homme ne peut pas jouir de l'exercice de ses droits politiques, parce qu'il ne sait pas signer? N'est-il pas des manières légales de constater qu'un homme ne le sait pas? Votre comité doit prévoir ce cas; car, par la manière dont il a conçu son article, il en résulterait qu'un homme qoi ne sait pas signer, ne pourrait être ni pétitionnaire ni au .rangées, pétitionnaires. Or, je crois que votre comité est trop judicieux pour adopter une pareille mesure.
La partie du projet de décret qui met une distinction entre des citoyens qui se ré unissent.individuellement pour faire une pétition, d'avec les municipalités et les corps administratifs qui feraient une pétition, mérite d'être sérieusement pesée. J'avoue que M, le rapporteur a donné des. raisons qui sont dignes d'être prises en grande considération, et que mon opinion, à cet égard, n'est pas précisément formée;
Messieurs, jusqu'à présent; les municipalités, les corps administratifs ont usé du droit de pétition. Ce droit est consacré en Angleterre. Les villes et les communes présentent des pétitions, je ne dis pas sur les intérêts particuliers des villes, mais-sur les intérêts-généraux. Par exemple, lorsqu'une guerre est déclarée, il n'est pas rare de voir une quantité de pétitions qui arrivent au Parlement* dans lesquelles on fait des représentations; et remarques que le refus de ce droit, énoncé ici pour les municipalités et les corps administratifs, est à peu près illusoire. En effet, il est dit dans l'article 2 : « pourront, envoyer des instructions et des: mémoires. » Or,, toutessles fois que vous accordez aux corps municipaux le droit de faire parvenir des mémoires et instructions,, il importe fort peu quel nom vous donnerez parce que sous prétexte de mémoire, et d'instructions, vous-niempêcherez jamais les corps municipaux;de vous présenter des observations, sur ce qui regarde L'intérêt général du royaume.
De plus, Messieurs, et. voici l'inconvénient qui pourrait arriver : Ces corps ont un point de ralliement, et se trouvent réunis légalement, et si vous accordez le droit.de- pétition aux. citoyens dispersés, il arrivera que ces citoyens, faute de point deralliement, faute de communication suffi-santei auront le droit de pétitioni dans les occasions les plus importantes.
Autsurplus, Messieurs, je fais:ces observations», mais sans présenter à cet égard aucun parti arrêté. Je dis que cet objet seul mérite d être considéré sous tou3 ses rapports, de manière que vous n'alliez pas dépouiller les municipalités des droits qu'elles exercent jusqu'à; présent, des droits qu'exercent tous les citoyens. Je passe à ce qui est dit de l'affiche. Il en est des affiches comme de tous les écrits. On peut faire un bon ou un mauvais livre, de même aussi on peut mettre une affiche qui pourrait être utile, ou n'être pas sans danger; mais cela- rentre absolument dans les principes généraux de la liberté,, qu'il faut examiner avec beaucoup de soin. Il y a dans l'article 17 des dispositions que vous ne pouvez admettre. Voicl cet; article ; . . '
« Ceux qui contreviendront, à la disposition de l'article précédent seront,, par voie de police, condamnés à une amende de 100 livres, pour le payement de laquelle seront solidairement poursuivis, et celui qui aura affiché ou publié, et l'imprimeur,, et le irédacleur de l'affiche ou du billet.de publication : sans préjudice de la poursuite- de l'accusateur public, si l'affiche ou la publication contenait une provocation de commettre des actes qualifiés délits par la loi, ou d'employer la violence pour détruire les lois ou attaquer les autorités-constitutionnelles. -¦>
Selon, le projet de votre comité, vous: rendriez l'imprimeur responsable,, et on le condamnerait à une amende de* 100 livres. Mais uni imprimeur aurait pu imprimer un avis sans pour cela prévoir que cet avis-serait ou non affiché ; car on peut afficher des écrits sous toutes les formes possibles, et sans que l'imprimeur puisse même s'en douter, et prévoir l'usage qu'on en fera. L'imprimeur deviendrait responsable parce qu'il aurait plu à l'auteur de le faire afficher; cette disposition n'est pas raisonnable. .
Mais, Messieurs, c'est la.fin de cet. article qui parait être du plus grand danger- Il y est dit : « sans préjudice des poursuites de 1 accusateur public, contre les auteurs d'une affiche qui tendrait à troubler l'ordre public et à attaquer les autorités constitutionnelles ». .
Prenez bien gande-qu'en vous faisant poser isolément des principes, tout
en vous-disant: la presse doit être libre, oa met en avant des,
expressions avec- lesquelleson viendra insensiblement au but qui est
nécessairement amené par toutes les- circonstance?. La fin de cet
article rentre absolument
Je désire qu'on s'attache surtout au nrincioe avant de prononcer; qu'on examine cette liberté qu on dit devoir être illimitée, et qu'insensiblement vous verrez très limitée si vous n'êtes en garde. C'est ainsi que dans un décret vous avP7 déjà dit que si des ecclésiastiques ou des citovens réunis pour professer un culte dans une église se permettaient des discours qui pourraient troubler l'ordre public, l'accusateur' pubHc iraU sévir contre ces citoyens.
Aujourd'hui, on exPrim.e t»en clairement que dans le cas ou il y aurait dans un bille» des choses qui pourraient troubler l'ordre public on pourra poursuivre l'auteur et l'imprimeur par la voie de l'accusateur. Bientôt on vSus dira ausst que, si dans un écrit quelconque il peut se trouver ae? maximes capables de troubler l'ordre public I auteur en sera poursuivi. (.Applaudissements à i extrême gauche.)
Oui! oui! C'est de la police.
C'est ainsi nne on parvient à détruire la liberté de la presse
mnFsT'^fin? V0.U3 est J?roP°3é P^aît juste ! mais c est lorsqu il est question de faire l'applicat on de ce principe, c'est alors que chacun mges l'écrit a pu troubler l'ordre public, et c'est alors que règne l'arbitraire. Or, voilà ce dont vr u ne pouvez trop vous défier. Qu'y a-t-il de dIus SËVSSf dVU§er 1ue,e,Ye outel,e maxS tend à troubler l'ordre public. Je prie tous les membres de l'Assemblée d'éloigner de cette ques-ticulier m Personnel, tout sentiment par- U?u fait qui mérite d'être connu Les théâtre en Angleterre se trouvent soumises à la censure, et comment est-on parvenu en Angleterre à les y soumettre? Par le sïrata- ft ïi118, msidif1" ,du minislre Plus habile et en même temps le plus corrompu, Walpole. hlir, r^i^UI2flement' dans les papiers pu-s r^etalUnVreaJaceosureîil avait présenté^ à Lit snrmï! iarU PariemeDt d'Angleterre, qniten-tre l p Pari faire censurer les pièces de théâtre. Le Parlement d Ang eterre rpipta mnsiam ment ce bill. Que fit ^teîTprlUe'Tns fameux satirique du tempsYil lui fit faire une pièce de théâtre dans laquelle lui, afin de n'êtïe pas découvert, était exposé aux censures publiques; mais le Parlement d'Angleterre y fut surtout exposéa ses censures. La pièce eut beau-2 .deK.sutcès- Le lendemain Walpole présenta le bill au Parlement d'Angleterre; et le bill passa aussitôt. (.Applaudissements.)
Nous n'examinons pas assez notre position-nous nous trouvons dans un moment dorage et de crise et j avoue qu'il y a des écrivains oui en ?rnSd U,°e man'ère iien frange; maisdes troubles nécessairement passagers peuvent-ils autoriser une loi éternellement injuste? Eh bien! StS8',]1 8emblerait que nos lois devraient être calculées sur le moment actuel, tandis que 1 état ordinaire de toute société est une position de calme et de tranquillité. Ou ne s'en aperçoit que trop. On profite habilement des circonstances où nous nous trouvons, et on cherche insensiblement à dépouiller les citovens. Je vous Ie on veut mettre des limites à cette liberté de la presse. Je demande qu'on ait le temps de réfléchir et que la discussion soit ajournée jusqu après l'impression du rapport.
(1). Si, en décrétant le droit ae pétition, vous avez pensé accorder aux Français un droit nouveau, vous vous êtes trompés Le droit de pétition est le droit imprescriptible ae tout homme en société. Il n'est autre chose que la faculté qui appartient à tout citoyen d'émettre son vœu et de demander à ceux qui peuvent subvenir à ses besoins ce qui lui est nécessaire. Les Français jouissaient de ce droit avant que vous fussiez assemblés; aucune loi ne l'avait limité, et le décret que vous rendriez pour mettre des bornes à ce droit serait la seule chose nouvelle que vous eussiez faite à cet égard.
Ce n'est pas seulement chez les peuples libres que le droit de pétition est admis et qu'il est regardé comme sacré. Les despotes les plus absolus se sont fait un devoir de le conserver à ce qu'ils appelaient leurs sujets. Ils n'ont jamais osé leur contester formellement ce droit. Plusieurs se sont fait une gloire d'être accessibles 9e /endre justice à tous. C'est ainsi que Frédéric le Grand appelait à lui toutes les plaintes que ses peuples avaient à lui présenter. Et vous, es législateurs, les représentants d'un peuple linre, vous oseriez contester à un seul de vos concitoyens le droit de vous adresser son vœu ses observations, ses prières et ses demandes sur ce qui lui paraîtra conforme à l'intérêt général auquel ils participent tous!
D'après ce principe incontestable, comment peut-on faire à cet égard une distinction entre les citoyens actifs et les citoyens non actifs ?
Je ne m'abaisserai point à répondre aux insinuations par lesquelles on a voulu discréditer d avance mon opinion. Non certes, ce n'est pas pour exciter les citoyens à la révolte que je parle à cette tribune, c'est pour défendre le droit des hommes ; et je ne reconnais à personne le droit d enchaîner mon opinion sur ce point, et si quelqu'un voulait m'accuser, je consentirais volontiers à mettre mes principes et ma conduite en parallèle avec les siens, et peut-être ne crain-drais-je pas ce parallèle.
Je déclare donc que je tiens encore à ces principes que j'ai défendus sans cesse dans cette tribune ; j'y tiens jusqu'à la mort, et nous serions réduits a une condition bien misérable, si l'on pouvait avec succès nous peindre comme des perturbateurs du repos public et comme les ennemis de l'ordre, parce que nous continuerons à dérendre avec énergie les droits les plus sacrés dont nos commettants nous aient con fié la défense • car nos commettants sont tous les Français, et je les défendrai tous, surtout les plus pauvres. (Applaudissements.)
Je pourrais peut-être dire à M. le rapporteur : bi vous reconnaissez le
droit de plainte aux citoyens non actifs, pourquoi n'en pas faire
mention dans votre projet de décret. Je pourrais encore lui proposer de
rédiger l'article premier d une maniéré conforme à ce qu'il a dit, et d
ajouter à cet article ces mots : et cependant les citoyens non actifs
pourront adresser des plaintes, et voilà cependant le sens de son
opi-
au nom du comité des monnaies, annonce à l'Assemblée que le roi a constitué la commission administrative des monnaies et donne connaissance de la composition de cette commission.
'L'ordre du jour est la discussion du projet de décret du comité de judicature sur la .liquidation des offices d'expéditionnaires en cour de Rome (1).
rapporteur. Je rappellerai, Messieurs, àQ'Assemblée, que par décret du 9 novembre '1789, sanctionné le 4 décembre, la pourvoyauce à toute espèce de bénéfices ayant été suspendue, les seules cures exceptées, les expéditionnaires en cour de Rome n'ont plus été chargés que de l'expédition des provisions de cette dernière espèce de bénéfices ; dès le mois de juillet 1790, cette branche de revenu leur a été enlevée par la Constitution civile du clergé. Ainsi il n'est pas de propriétaires d'offices dont l'état ait été aussitôt et aussi complètement détruit.
Nous vous proposons donc le remboursement de ces offices, avec l'intérêt à partir du 1er juillet 1790.
Avant de décréter les remboursements, il faut constater la suppression. Je demande que dans la rédaction de l'article premier il soit fait mention expresse de la suppression des expéditionnaires en cour de Rome.
rapporteur. J'adopte cette motion et je rédige comme suit le projet de décret :
« L'Assemblée nationale, après avoir entendu le rapport de son comité de judicature, décrète :
Art. 1er.
« Les banquiers expéditionnaires en cour de Rome sont supprimés.
Art. 2.
« Ils seront remboursés sur le pied de l'évaluation par eux faite en exécution de l'édit de 1771 ; et il leur sera payé en outre, à titre d'indemnité, la sixième partie du prix porté dans leurs contrats d'acquisition, ou autres actes authentiques, conformément aux articles 1.5 et 16 des décrets des 21 et 24 décembre 1790.
Art. 3.
« Les intérêts du montant de leur liquidation seront comptés depuis le 1er juillet 1790, à la charge par eux de remettre dans un mois tous les titres nécessaires pour leur liquidation.
Art. 4.
« Les dettes contractées en nom collectif par la compagnie des banquiers expéditionnaires en cour de Rome ne seront supportées par h nation qu'après vérification, et suivant les règles établies pour les officiers ministériels j)ar lessus-dits décrets des 21 et 24 décembre. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, quoique la
sortie des-buis et du charbon hors du royaume soit prohibée, la
Nous vous proposons en conséquence le projet de décret suivant;
Art. 1er.
« Les bois nécessaires au chauffage des troupes en garnison à Monaco, et la maison du prince de Monaco pourront continuer d'être exportés du royaume à Monaco par le Croc de Gagnes, mais seulement jusqu'à la concurrence de 4,000 quintaux par année.
Art. 2.
« Les charbons de bois de la vallée de Cherrzy et d'Ellex, district de Gex, département-de l'Ain, continueront également d'être exportés à l'étranger, en payant par char à quatre roues 40 sous, -et par charrette à deux roues 30 sous. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité d'agriculture et de commerce. Messieurs, par votre premier rapport sur le projet du reculement des barrières, il vous a été proposé d'accorder aux anciens préposés des fermes la pension de retraite due à leurs services, et de ne conserver des places aux employés dans les bureaux depuis le 1er janvier 1790, qu'à tous ceux qui auraient eux-mêmes conservé un emploi (1). Cette disposition d'humanité et de justice n'ayant point paru susceptible de difficultés, les régisseurs des douanes nationales ont dû faire leurs nominations d'après ce projet.
Le commis a qui 30 années de services assurent une pension de retraite, et ceux qui n'élaient pas commissionnés avant 1790, ont été remplacés par d'autres qui avaient été nommés avant peu. Ces dispositions -sont équitables, mais, comme elles n'ont été faites que d'après une loi annoncée et non encore rendue, le ministre et les régisseurs demandent que, pour être à l'abri de toute réclamation, il -soit rendu un décret à cet égard. Nous vous présentons le projet de décret suivant :
« Art. 1er. Les préposés de l'ancienne régie
des traités, dont les commissions ne remontent qu'au t*r janvier 1786,
sont supprimés et ne pourront obtenir de remplacement que lorsque ceux
qui auront été en exercice avant cette époque auront été remplacés.
« Art. 2. Il sera statué incessamment, tant sur les secours à accorder aux crédits supprimés par l'article ci-dessus, que sur les retraites dues à ceux des commis qui les ont acquises par l'ancienneté de leurs services. »
La lenteur qu'on a mis à envoyer les états est la seule cause du retard du rapport; mais je crois qu'on pourra vous le faire dans le mois.
Je demande l'ajournement dece projet de décret, ou le renvoi aux eomités réunis des pensions, des finances, des domaines et à celui d'agriculture et de commerce.
On ne place que des intrus qui
Qu'est-ce en effet que la plainte si ce n'est une demande, une pétition accompagnée de douleur, accompagnée d'une dénonciation, d'une lésion qu'on a soufferte? Ainsi donc cette distinction que M. le rapporteur fait entre une plainte et une pétition est absurde.
Eh 1 Messieurs, le droit de pétition ne devrait-il pas être assuré d'une manière plus particulière aux citoyens non actifs? Plus un homme est faible et malheureux, plus il a de besoins, plus les prières lui sont nécessaires. Et vous refuseriez d'accueillir les pétitions qui vous seraient présentées par la classe la plus pauvre des citoyens! Mais Dieu souffre bien les prières, Dieu accueille bien les vœux non seulement des plus malheureux des hommes, mais encore des plus coupables. Et qu'ètes-vous donc? N'êtes-vous point les protecteurs du pauvre, n'êtes-vous point les promulgateurs des lois du législateur éternel ? Oui, Messieurs, il n'y a de lois sages, de lois justes, que celles qui sont conformes aux lois de l'humanité, de la justice, de la nature, dictées par le législateur suprême. Et si vous n'êtes pointlespromulgateursde ses lois, si vos sentiments ne sont point conformes à leurs principes, vous n'êtesplusles législateurs, vousêtesplulôt les oppresseurs des peuples. (Applaudissements.)
Je regarde donc qu'il n'est pas permis à l'Assemblée d'accorder exclusivement le droit de pétition aux citoyens actifs. Je crois même que l'Assemblée, à titre de législateurs et de représentants de la nation, est incompétente pour ôter aux citoyens ce droit imprescriptible de l'homme et du citoyen. (Applaudissements.)
Je passe au second vice essentiel que présente le projet du comité; c'est celui qui met des entraves de toute espèce à la manière d'exercer le droit de pétition collectivement.
Une collection d'individus, comme un particulier, a le droit de pétition, et ce droit n'est point une usurpation de l'autorité politique; c'est le droit imprescriptible de tout être intelligent et sensible. Il n'a rien de commun avec les pouvoirs qui doivent être rigoureusement réservés à ceux qui en sont investis par le peuple. C'est au contraire un droit naturel, et je soutiens que, puisque tout individu isolément a le droit de pétition, il n'est pas possible que vous interdisiez, à une collection d'hommes, quelque titre, quelque nom qu'elle porte, que vous lui interdisiez, dis-je, la faculté d'émettre son vœu et de l'adresser à qui que ce puisse être. Il suffit qu'une société ait une existence légitime, pour qu'elle ait le droit de pétition ; car, si elle a le droit d'exister reconnu par la loi, elle a le droit d'agir comme une collection d'êtres raisonnables, qui peuvent publier leur opinion commune et manifester leurs vœux.
On nous parle sans cesse de désordres, on nous fait craindre les plus grands maux, si nous laissons aux sociétés le droit de pétition qu'elles ont exercé jusqu'à ce moment sans aucune contradiction ; or, quels faits peut-on citer ? Je sais bien que des pétitions ont été adressées par ces sociétés qui veillent sans cesse au maintien des lois et connues sous le nom des amis de la Constitution ; qu'elles ont souvent présenté à l'Assemblée nationalé des adresses remplies de bons principes qui pouvaient éclairer la sagesse du législateur et lui révéler des faits importants pour le salut public. Je vois bien quels sont les avantages immenses que ces sociétés ont produits, mais les maux qu'elles ont faits, je ne les aperçois nulle part.
Et c'est dans ce moment qu'on veut paralyser ces sociétés, leur ôter le droit d'éclairer les législateurs. Je le demande à tout homme de bonne foi qui veut sincèrement le bien, mais qui ne cache pas sous un langage spécieux le dessein de miner la liberté; je demande si ce n'est pas chercher à troubler l'ordre public par des lois oppressives, et porter le coup le plus funeste à la liberté.
Je pense donc que, quant au droit de pétition, il n'y a pas lieu à délibérer sur le projet du comité de Constitution. Des réflexions non moins frappantes pourraient vous être présentées sur le droit d'afticbe; mais je les réserve à un autre moment, dans le cas où la question préalable sur le projet du comité, que je vous prie de mettre aux voix, ne serait point adoptée. (Applaudissements.)
L'ordre du jourde demain sera la suite de la discussion du droit de pétition.
Mais, Monsieur le Président, j'ai fait la motion de l'ajournement jusqu'après l'impression du rapport.Elleest appuyée, je vous prie de la mettre aux voix.
Plusieurs membres : La question préalable sur l'ajournement.
Je demande si on a ordonné l'impression du rapport pour en faire une pièce de cabinet. Si l'on veut qu'il soit médité avant de délibérer, il faut bien ajourner.
On a demandé la question préalable, je la mets aux voix.
L'Assemblée décide qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ajournement.)
indique l'ordre du jour de la semaine et lève la séance à trois heures.
PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ.
Séance du mardi
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier qui est adopté.
M. Prioreau faßÁit hommage à l'Assemblée d'un ouvrage intitulé : Plan de géographie en relief.
(Cet ouvrage est renvoyé au comité d agriculture et de commerce.)
M. Gauthier d'Autteville, prévôt général des maréchaussées du Dauphiné, adresse à l'Assemblée un Compte rendu au roi et à l'Assemblée nationale de forfaits commis à l'ombre du civisme et de l'anarchie (2).
(Cet ouvrage est renvoyé au comité militaire.)
n'ont aucun titre et l'on est obligé de donner des pensions aux. anciens pour placer les nouveaux.
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix!
(L'Assemblée décrète le renvoi du projet de décret aux quatre comités réunis, des pensions, des finances, des domaines, d'agriculture et de commerce.)
J'ai reçu une lettre de M. de Glermont-d'Amboise. Je demande la permission de la lire; elle est très courte.
Monsieur le Président,
« La retraite de M. de Paroy, dont je suis suppléant, m'appelle aux fonctions de député à l'Assemblée nationale; mais je me vois forcé, par ma mauvaise santé, de me refuser à cet honorable emploi. A peineguéri d'une longue et douloureuse maladie, ce n'est que par un régime très régulier, incompatible avec un travail pénible, que je puis espérer de rétablir ma santé.
« Je suis avec respect, etc.
Signé : DE GLERMONT-D'AMBOISE.
au nom du comité colonial. Messieurs, M. Dion, membre de la ci-devant assemblée coloniale de Saint-Domingue, m'a Chargé de solliciter auprès de l'Assemblée nationale la permission de retourner à Saint-Domingue. Il est dépourvu d'argent et de secours ; il jouit d'une très mauvaise santé; ses affaires exigent son prompt retour; il espère de l'Assemblée la permission de retourner à Saint-Domingue.
(L'Assemblée accorde à M. Dion le-congé qu'il demande.)
L'ordre du jour est la suite de la discussion du projet de décret du comité de Constitution sur la ¦pétition des administrateurs du département de Paris. (Droit de pétition et d'affiche.) (1).
Monsieur l'évêque de Blois, vous avez la parole.
Je combats le projet de décret qui vous est présenté par votre comité de Constitution, comme injuste, impolilique, contradictoire, et contraire aux droits naturels de l'homme.
Je pourrais d'abord observer qu'après avoir anéanti les ordre?, on les recrée en quelque sorte sous une autre .forme par Ja division des citoyens en actifs et non actifs. (Murmures.)
Je demande que l'opinant soit rappelé à l'ordre. (Murmures.)
Il est indécent de faire de telles .sorties contre les lois constitutionnelles.
Un membre Je demande que M. Martineau soit rappelé à l'ordre pour interrompre l'opinant.
(2). Quelque distinction qu'on ait voulu faire, je dis que le mot
pétition signifie demande, et en partant de I'éty-mologie, il ne peut
signifier autre chose. Dans un État populaire, dans un Etat organisé
comme le nôtre, que peut demander-un citoyen quelconque,
Il serait étrange, ce me semble, que l'on défendît ;aux citoyens non actifs de provoquer des lois relatives à l'utilité générale, à la prospérité du royaume; ce serait, ce me semble, se priver de leurs lumières. Et qu'on ne vous dise pas qu'il n'y a que les mendiants et les vagabonds qui sont dans la classe des citoyens non actifs ; car je connais, moi-même, à Paris, des citoyens quineeont point actifs, qui sont logés à un sixième, sans fortune, et qui sont cependant en état de donner de très bons avis. (Murmures; applaudissements dans les tribunes.)
Rejetteriez-vous ces citoyens qui vousprésente-raient des projets, des pétitions relatives à la tranquillité publique, à l'utilité générale du royaume? Ils s'adresseront à vous pour réclamer la jouissance de leurs droits, lorsqu'ils seront lésés ; car enfin, la déclaration des droits est commune à tous les hommes. S'ils réclament ces droits, c'est qu'ils sont lésés ; s'ils sont lésés, ils n'en jouissent pas. C'est donc une plainte; et la question se réduit donc à savoir si celui qui n'est pas citoyen actif aura le droit de former des plaintes. Refuserez-vous alors d'entendre ses rélamations. Vous regarderez donc ses soupirs comme des actes de rébellion, ses plaintes comme un attentat aux lois.
S'il s'agissait de provoquerune-loi relative à l'administration civile, à l'organisation du royaume, à la 'confection des lois, certainement vous pourriez dire que ce ne serait alors qu'une conséquence des lois que vous avez faites précédemment quand vous avez déterminé les qualités nécessaires pour être citoyen actif. Mais ici, il n'en est pas de même. Et observez, Messieurs, quelle est la classe d'hommes à qui l'on voudrait ôter le droit de pétition, c'est à celle précisément qui a le plus de doléances à présenter, à celle qui est condamnée à une espèce de nullité politique. Il serait bien étrange qu'à raison de la multiplication de ses malheurs et de ses peines, le citoyen n'eût pas le droit de former une pétition. Alors, vous dirai-je, garantissez-lui un bonheur constant, sans quoi ces lois que vous voulez faire auront l'air, en quelque façon, de vouloir étouffer ses soupirs.
Franchement je crois que la loi que l'on nous propose est une loi par laquelle il semble que les décrets veulent faire la cour à la fortune. Et à qui défend-on aux citoyens non actifs de s'adresser ? C'est aux administrateurs, aux législateurs, c'est-à-dire à ceux qui, par état, devant connaître les besoins des citoyen?, doivent en-être plus particulièrement les défenseurs, les tuteurs, les pères, en quelque manière.
Qu'un citoyen soit actif ou qu'il ne le soit pas, il me paraît qu'il a le droit de réclamer l'intervention de l'autorité, toutes les fois qu'il est lésé dans ses droits. La plainte n'est-elle pas un droit naturel, et le citoyen ne doit-il pas avoir, parce qu'il est pauvre, le droit de solliciter la protection de l'autorité publique?
On a dit qu'il était à craindre qu'en leur accordant ce droit, il n'en
résulte des inconvénients formidables qui pourraient menacer la
tranquillité publique. G'est précisément dans le plan du comité de
Constitution que je vois ces dangers. Car enfin, quand le peuple aura la
faculté
Je pourrais vous observer, Messieurs, que, par le fait même, vous avez décidé la question d'une manière contraire au projet qu'on vou3 propose ; car je crois me rappeler que l'année dernière UDe députation de domestiques a été admise à la barre, et que la réponse même qui fut faite alors par le Président consacrait en quelque façon, sous les yeux de l'Assemblée, le droit de plainte, le droitde pétition, comme un droit imprescriptible de tout nomme en société. Et aujourd'hui vous voulez enlever ce même droit aux citoyens qui n'ont pa3 assez de ressources pour être des citoyens actifs.
L'article 2 du projet de votre comité me paraît présenter une double contradiction. Le titre porte : Projet de décret sur la pétition faite à l'Assemblée nationale par les administrateurs du département de Paris; et dans cet article 2 on propose d'enlever aux administrateurs le droit de pétition; première contradiction. Cependant on promet aux corps municipaux administratifs et judiciaires de présenter des instructions et des mémoires : ces mémoires auront sans doute un objet; cet objet probablement sera une demande et une pétition ; donc ce même article accorde et refuse la même chose : deuxième contradiction.
Je finirai par quelques mots sur le droit d'affichage. il y a différentes manières d'exprimer sa pensée ; que ce soit par un geste, par un discours, par un placard, par un ouvrage imprimé, c'est toujours manifester sa pensée, c'est seulement une manière différente de la présenter. Vous avez reconnu solennellement le droit qu'a tout citoyen de manifester sa pensée, et par le projet qu'on vous présente on veut enchaîner ce droit que vous avez proclamé d'une manière si solennelle.
On m'objectera en vain que la liberté d'afficher peut avoir de3 inconvénients. Sans doute il y aura des abus, car où n'en trouve-t-on pas? Et si, parce qu'une loi entraîne des inconvénients, il ne fallait jamais l'adopter, il en résulterait qu'on ne se déciderait jamais, et il faudrait renoncer à être législateur, parce que certainement vous ne ferez jamais de loi qui, à côté de grands avantages, ne puisse faire craindre quelques inconvénients. Les incouvénients vous donnent-ils le droit de priver aujourd'hui les citoyens d'une faculté que précédemment vous avez leconnoe leur appartenir d'une manière imprescriptible? C'est en quelque façon vouloir se rendre les inquisiteurs de la pensée; et puisque les opinions sont libres, leur manifestation doit être également libre. Punissez ceux qui abuseront de c.tte faculté. Parce qu'un pharmacien vend du poison pour du cordial, faites une loi qui interdise ce délit, 'mais ne lui interdisez pas auparavant l'exercice de son art.
Sans doute il faut des lois; et si c'était là l'occasion, je dirais qu'une police plus active devrait surveiller, afin que, sur nos quais, ne soit pas sans cesse étalé tout ce que la luxure la plus effrénée peut présenter pour corrompre les mœurs. Faites des lois, mais gardez-vous par des lois de priver l'homme de ses droits, et n'allez pas priver l'homme de manifester sa pensée, de placarder d'afficher," parce qu'il peut en abuser. C'est vouloir paralyser les facultés de peur qu'on en abuse; c'est vouloir engourdir mon b:as de peur que je ne m'en serve pour prendre un poignard; c'est vouloir, en quelque façon, mettre un bâillon, passez-moi ce terme, à des hommes dont vous avez reconnu la faculté imprescriptible de penser et d'exprimer leur opinion. La liberté d'énoncer, de s'exprimer, est, en quelque façon, le levier de la force publique. Il y a deux ans, si une loi semblable à celle qu'on vous présente eût été en vigueur, la Révolution serait encore à faire dans ce moment, (.Applaudissements à gauche et dans les tribunes.) et c'est après deux ans de dis eussions, c'est après avoir reconnu, après avoir proclamé si solennellement tous les droits de l'homme, tous les principes de la liberté, que l'on veut aujourd'hui entraver la Révolution I En vérité, si ce projet de décret passait, je croirais que nous sommes déjà en arrière de la Révolution, et que nous rétrogradons parce que nous ne sommes pas faits pour la liberté. {Vifs applaudis-sements a gauche et dans les tribunes.)
J'insiste formi llement pour qu'on repousse le projet de décret par laquestiou préalable.
Un membre : Les tribunes n'ont pas le droit d'interrompre.
J'ai toujours, Messieurs, trouvé cet usage établi.
(1). La question qui vous est soumise renferme plusieurs objets, et des dispositions qui n'ont aucun rapport les unes avec les autres. Je crois que pour mettre de l'ordre dans la délibération, il convient de les séparer; et je me renfermerai dans ce qui concerne le droit de pétition.
Ma pensée sur cet objet est que le comité de Constitution a fait mal à propos un grand nombre d'articles sur un droit qu'il suffirait peut-être de déclarer, sur un droit qu'il est peut-être inutile de déclarer ; car le fondement, l'essence de toute liberté est que le droit de pétition n'est point une exception, mais un droit très positif, et c'est un droit dont on peut user dans tous les cas. Si ce droit n'est pas restreint par la loi, il ne faut donc pas de loi pour dire aux hommes ce qu'ils ont droit de faire. Il faut simplement poser des bornes et dire aux hommes : Voilà où votre liberté doit s'arrêter, parce que là elle commencerait à blesser les droits d'autrui, et la loi elle-même ne peut défendre que ce qui nuit aux droits d'autrui. Ainsi, en dernière analyse, la liberté consiste à pouvoir faire tout ce qui n'est pas défendu par la loi. Le droit de pétition est un de ceux qui n'a pas besoin d'être permis, mais qui a besoin de n'être pas défendu.
D'après cette manière de voir, je ne m'étonne cependant pas que le comité
ait cru devoir faire plusieurs articles, parce qu'il a pensé qu'ils
étaient nécessaires pour 1instruction des citoyens, sur un droit qui est
assez métaphysique par lui-même, et dont les définitions et l'étendue ne
sont pas très faciles à saisir.
Le droit de pétition est exprimé par un mot originairement inconnu dans notre langue, il a été cependant rapporté à nos institutions nouvelles. Les Anglais s'étaient emparés de ce motet lavaient placé dans leur Constitution pour exprimer une idée politique. Ils entendent par le mot de pétition, le droit d'émettre un vœu individuel ou une somme de vœux individuels sur un objet d'intérêt général. Cette définition résout une infinité de difficultés qui se sont élevées sur le droit de pétition. En l'entendant ainsi, il reste bien moins de difficultés qu'il ne s'en présente au premier coup d'oeil, lorsque l'on confond ce droit avec beaucoup d'autres, qui ont avec lui des rapports et qui ne sont cependant pas les mêmes droits; par exemple le droit de demande, celui de plainte, et la liberté de la presse.
Tous ces droits ont quelques rapports avec le droit de pétition, produisent quelques effets semblables aux siens mais ont aussi quelques différences qui font qu'ils ne sont pas le droit de pétition. Par exemple, le droit de demande s'exerce, en matière civile, toutes les fois qu'un citoyen a quelque chose à demander pour son intérêt particulier, soit aux tribunaux, soit aux corps administratifs. Il appartient à tout homme et s'exerceen loute circonstance. Le droit de plainte ne s'entend guère qu'en matière criminelle, et c est lorsqu'un citoyen a été lésé dans son honneur, dans sa personne ou dans sa fortune, qu'il emploie la voie de plainte.
Au contraire, le droit de pétition est défini par les auteurs qui ont traité la politique, un vœu individuel sur un objet public et général; et quoique ce vœu d'un intérêt général puisse aussi se manifester par la voie de l'impression, et que par là il rentre dans la liberté de la presse, il est sensible qu'il n'est pas la même chose que la liberté de la presse, puisque ce droit ne peut s'exercer dans un empire que par des citoyens de l'empire; et puis qu'il peut aussi s'exercer, soit d'une manière verbale, soit par écrit, ce qui distingue essentiellement le droit d'expliquer sa pensée.
Il résulte encore de ces observations que le droit de pétition, qui est presque métaphysique dans sa définition, n'est pas non plus d'unusage très important dans un gouvernement libre et représentatif, parce queles citoyens peuvent toujours Y suppléer par d'autres moyens qui lui ressemblent si fort, qu'à la définition près, ils produisent presque le même effet, c'est-à-dire qu'il n'y a aucune espèce de pétition que l'on ne puisse suppléer par exemple par la liberté de la presse. Car dans un empire aussi peuplé que celui de la France, et où il est difficile d'additionner une somme de vœux individuels qui soit en quelque rapport avec la majorité de la i talion, il est clair qu un bon livre, dans quelque langue et par tel auteur qu'il soit fait, répand plus de lumières, fait mieux connaître le vœu public lorsqu'il a du succès, et par conséquent détermine plus puissamment les administrateurs et les législateurs qui ne méprisent pas l'opinion publique, que ne pourrait le faire une pétition signée d'un nombre de citoyens quel qu'il soit.
D'après cette observation, il semble que la question est fort simple : ce n'est j as de savoir à qui appartient le droit de pétition, puisqu'il faut seulement ne l'interdire à personne, mais de savoir là où ce droit de pétition se dénaturerait en s'exerçant par des personnes qui se diraient mal à propos les commis d'une collection d'individus.
Or, je dis que les corps administratifs, par-exemple, se diraient mal à propos et impropre-ment les commis du peuple pour exprimer les* pétitions. En effet, puisque ce droit est celui d exprimer un vœu individuel, il est, par la même, indélégable. Je ne peux pas dire d'avance à 1 homme que j'ai choisi pour m'administrer : vous exprimerez, sur toutes les matières indivi-duelles quïse présenteront, mon vœu individuel car, certainement, il ne sait pas quel sera mort vœu individuel sur les objets qui le requerront. 11 faudrait que je le lui eusse exprimé ; et si je le lui exprime, alors c'est moi qui exerce la pétition et non pas lui. \
C'est donc un faux énoncé toutes les fois nu'un corps administratif vient vous dire : je fais une pétition au nom du peuple que je représente. Je dis : vous ne la faites pas au nom du peuple, car le peuple s'est réservé à lui-même le droit de la faire, quand il peut la faire directement, et il répugné qu'un droit soit tout à la fois délégué et exercé par le déléguant, soit tout à la fois porté par le représentant, et en même temps exercé par le représenté, cela n'est pas possible'-ce serait une chose contraire à son objet et à sa définition, que de voir les corps administratifs exercer, au nom des citovens, le droit da néti-Uon. v
Ce droit est une portion de la souveraineté du peuple, une portion incommunicable, une portion oui re?te toujours dans la main de chaque membre du souverain, et qu'il peut toujours exercer directement, soit pour blâmer ses délégués, soit pour les avertir, soit pour éveiller leur vigilance sur les objets sur lesquels elle paraîtrait endormie.
D'après cela, je pense que les six articles du projet du comité de constitution relatifs au droit de pétition, tendant à définir, à circonscrire à expliquer ce droit, pourraient être bien mieux développes, comme ils le sont en effet, dans le rapport qui a précédé ces articles. La nature de ce droit doit être non décrétée, mais déclarée mais expliquée. C'est dans un rapport, dans un discours, dans une instruction, que des législateurs doivent instruire le peuple. Au contraire les lois commandent. Je sais que la liberté est une science qu'il faut apprendre ; mais ce n'est pas dans le texie des lois qu'elle peut s'apprendre, c'est dans les instructions que les législateurs font pour propager cette utile et sa'ne doctrine, et tout ce qui n'est pas obligatoire ne doit être fait que sous forme d'instructions. La loi ne saurait être trop concise ; elle doit être concue cum imperatoria gravitate, suivant l'éloquente expression de Tacite.
Je voudrais donc qu'on se bornât à poser le principe, et qu'on renfermât dans un seul article constitutionnel tout ce qu'il est essentiel de statuer sur le droit de pétition. Voici l'article que je suppose.
« Le droit de pétition est individuel, et ne peut se déléguer; en conséquence il ne pourra être exercé en nom collectif par les corps électoraux, judiciaire?, administratifs ni muuicipaux, ni par les sections de communes ou sociétés de citoyens. Tout pétitionnaire signera sa pétition-et s il ne le peut, ou ne le sait, il en sera fait mention. »
Plusieurs membres : Aux voix! Aux voix!
rapporteur. J'adopte cette rédaction.
Je l'adopte également, car elle renferme tous les principes contenus dans les 7 premiers articles du comité.
Plusieurs membres font la motion de restreindre pour le moment la discussion au droit de pétition.
(Celte motion mise aux voix est décrétée.)
L'article qui vient de vous être présenté par M. Beaumetz est, quoi qu'on en aise bien différent de ceux qui vous ont été présentés hier par le comité de Constitution; mais il ne me satisfait point. Je n'ai d'ailleurs qu'une simple observation à faire à ce sujet : je demande qu'on m'explique le danger qu'il y aurait à laisser le droit de pétition à des sociétés autorisées ou permises par la loi, ainsi qu'aux corps administratifs. Je crois qu'il doit être certain, pour tout comme qui a réfléchi sur cette matière, qu'en ne laissant exercer le droit de pétition qu'aux individus isolés, on le détruit. Une pétition formée au nom de quelques citoyens isolés sera-t-elle la même impression que la pétition d'une commune, d'une société?Et puisque nous voulons enfreindre un droit reçu en Angleterre, je demaude au préopinant pourquoi, par exemple, dans ce moment-ci où l'on fait des armements qui donnent de l'inquiétude aux marchands, aux ouvriers et à toutes les corporations de ce pays, on voit cependant sans aucune crainte pour la tranquillité publique, les corporations, les ouvriers, les villes, présen-terau Parlement des pétitions. Pourquoi leur refu-serait-on le droit d'exprimer leur vœu sous le nom de la corporation entière?
Pour moi, je ne vois dans le droit de pétition accordé aux citoyens, aux corps municipaux, aux sociétés, aucune espèce de danger politique, surtout dans un gouvernement, dans un pays comme le nôtre où il faudrait en quelque soi te une réunion de 12 millions d'habitants pour pouvoir donner une véritable inquiétude au gouvernement ou au Corps législatif. Je ne vois là qu'une loi de pétition qui ne peut produire absolument aucun effet; car, Messieurs, de pareilles pétitions ne feront jamais une impression bien profonde.
Des vœux isolés", formés par des citoyens inconnus seront méprisés : au lieu que si le vœu général est exprimé par les corporations, par les villes, par les corps administratifs, qui connaissent les désirs du peuple, par les sociétés de citoyens ; le Corps législatif, le roi, dont le devoir est de consulter l'opinion publique,ne pourront s'empêcher de prendre ces pétitions imposantes en considération.
Rappelez-vous, à ce sujet, ce qui s'est passe lorsque vous discutâtes la question de l'émission des assignats. Les marchands, les corps municipaux, des villes entières, un grand nombre de sociétés mêmes émirent leur vœu. Vous n'avez pas examiné si ces pétitions étaient le vœu de la majorité, parce qu'elles ne pouvaient faire loi; mais vous ne les avez pas rejetées comme inconstitutionnelles; et quoique celles de plusieurs grandes villes aient été contraires à votre décision, elles se sont soumises, parce qu'elles ont reconnu leur erreur. Dans un gouvernement libre, c'est ainsi, c'est par la raison, et non pas par la force qu'on doit conduire le peuple ; c'est avec la justice et non point avec des baïonnettes qu'on parvient à le ramener à la raison. Je le répète, si vous h-olez les citoyens, vous détruisez le droit de pétition, parce que chaque individu isolé sachant bien que sa pétition ne sera de nul poids, de nulle considération, renoncera à l'exercice de ce droit précieux; droit si utile dans un gouvernement libre, dans un gouvernement de confiance et de raison.
Il faut donc que chaque corps, chaque société, comme chaque individu, puisse émettre son vœu. Je demande la question préalable sur l'article présenté par M. Beaumetz, comme sur ceux du comité. (Murmures et applaudissements.)
Monsieur le Président, je demande la parole..
Voix diverses : Aux voix l'article 1 La discussion fermée I
(L'Assemblée consultée ferme la discussion.).
Je demande qu'il soit établi des formes pour constater la pétition des citoyens qui ne savent pas écrire et qu'il en soit fait mention.,
Plusieurs membres : Gela est dans l'article.
Je demande qu'au lieu de dire qu'il sera accordé aux citoyens actifs seul? le droit de pétition et qu'au lieu de se contenter de dire que le droit de pétition est un droit individuel, ce, qui d'après les principes qui ont été exposés par le comité de Constitution, pourrait être censé ne s'appliquer qu'aux citoyens actifs; je demande qu'il soit dit formellement que le droit de pétition est un droit appartenant à tous les citoyens sans exception. (Murmures au centre, Applaudissements à Vextrême gauche.)
J'appuie l'amendement de M. An-drieu. 11 est essentiel que le vœu des pétitionnaires qui ne savent pas écrire soit constaté par un acte judiciaire, sans cela un intrigant pourrait présenter au nom de 2 ou 3,000 citoyens, une pétition qui paraîtrait imposante, et ne serait qu'une imposture.
A l'égard de l'amendement du préopinant, je ne crois pas qu'il puisse être admis. Le droit de pétition est un droit politique qui ne doit être exercé que par.ceux qui font partie de la société et en supportent les charges, et auxquels la nation, la Constitution ont attribué tous les droits de cité, le droit de voter dans les assi mblées primaires, le maintien de l'ordre public comme gardes nationales. Ge n'est pas là a voir rétabli les ordres, les distinctions anciennes : tout citoyen est présumé citoyen actif, on peut le devenir... Je demande la question préalable sur l'amendement de M. Robespierre.
rapporteur. Je réponds à la proposition de M. Robespierre qui cherche à renouveler la querelle commencée hier...
Plusieurs membres : Ge n'est pas une querelle»
rapporteur. Je lui observe que le projet que j'adopte et qui est proposé
par M. Beaumetz ne définit plus comme faisait le comité le droit de
pétition : il n'en fait plus un droit politique. M. Beaumetz réunissant
dans sa rédaction le droit de pétition, le droit de demande, le droit de
plainte, le droit de requête, il ne peut plus y avoir matière à
contestation. Si le premier est le droit exclusif du citoyen, les trois
derniers sont le droit de tout homme indistinctement. — « Le droit de
pétition est individuel. » — Ce mot signifie tout. — « Tout
pétitionnaire signera sa pétition. » — Cela ne blesse plus les droits de
qui que ce
La rédaction de M. Beaume'z tranche et finit toutes les difficultés; elle évite une discussion qui pourrait être considérable ; elle dit tout ; elle est la seule à adopter.
Plusieurs membres .Aux voix ! Aux voix !
Il résulte de ce que vient de dire M. Le Chapelier qu'il n'accepte pas l'é lair-cissemeut que j'ai proposé. M. Le Chapelier ne convient pas que tout citoyen sans distinction puisse exercer également le droit de pétition, il ne peut donc pas nousdirequedans la rédaction proposée, il ait renfermé l'opinion de ceux qui prétendent que le droit de pétition ne peut être refusé à personne.
Il faut, ou que M. Le Chapelier nous accorde la rédaction que nous demandons, et qui tend à déclarer le droit le plus sacré de l'homme, ou qu'il combatte la demande que nous formons; en un mot il est impossible qu'on tranche une question de cette importance d'une manière aussi brusque. (Applaudissements dans les tribunes.) J'insiste donc pour obtenir la permission de prouver que l'article doit être rédigé de manière que le droit de pétition soit formellement reconnu appartenir à tous les citoyens sans distinction. La étition, la demande, la requête, la plainte, voilà ien quatre mots; mais M. Le Chapelier, ni personne, ne nous a prouvé la distinction qui existe entre eux; et encore moins que l'un doit être appliqué aux seuls citoyens actifs, et les autres aux citoyens non actifs.
Ce n'est point ainsi qu'on décide des droits les plus sacrés des citoyens, et que l'on élude les réclamations les plus importantes et les plus légitimes des membres de cette Assemblée. Je dis que le comité de Constitution n'a pas le droit de faire échouer eu quelque sorte les délibérations de l'Assemblée, en disant d'abord que l'article qu'on propose renferme notre vœu ; et qu'ensuite cependant on est d'un avis contraire.
Plusieurs membres : Aux voix ! Aux voix !
Je prie qu'on veuille bien m'écouter jusqu'au bout. Si le droit de pétition, comme M. Le Chapelier vient de l'avouer, n'est pas un droit politique...
rapporteur. Ne me faites pas dire une absurdité.
Je dis que bien loin que le droit de pétition soit un droit collectif...
rapporteur, interrompt.
Monsieur Le Chapelier, je vous rappelle à l'ordre.
Il est évident que le droit de étition n'est autre chose que ia faculté accordée un homme quel qu'il soit, d'émettre son vœu, de demander ce qui lui paraît plus convenable, soit à son intérêt particulier, soit à l'intérêt général. Il est évident qu'il n'y a point là de droit politique, mais le droit de tout être pensant; parce qu'en adressant une pétition, en omettant son vœu, son désir particulier, on ne fait aucun acte d'autorité; on exprime à celui qui a l'autorité en main,ce que l'on désire qu'l -vous accorde
Bien loin d'être, comme on vous l'a dit, l'exercice de la souveraineté qui doit être exclusivement attribué aux c-toyens actifs, remarquez Messieurs, que l'exercice du droit dï pétition suppose au contraire, chez celui qui l'exerce l'absence de toute autorité, de toute activité; il suppose, au coniraire, l'inlériorité et la dépendance; car celui qui a quelque autorité e i main, et ui qui a quelque pouvoir,ordonne et exécute;-celui qui n'a pas de pouvoir, qui est dans l'inactivité, dans la dépendance, dé-ire, demande, adresse ses vœux, adresse des pétitions. (Applaudissements.) La pétition n'est donc point l'exercice d'un droit politique, c'est l'a te de to t homme qui a des besoins. (Applaudissements dans les tribunes ) Or, je demande si ce te faculté ainsi définie peut être contestée à qui que ce soit... (Murmures.)
La discussion est fermée.
Je demande à M. le président, une fois pour toutes, qu'il ne souffre pas que l'on m'insulte continuellement autour de moi, lorsque je défends les droit les plus sacrés des citoyens. (Vifs applaudissements à gauche et dans les tribunes ; murmures au centre.)
Je demande, moi, à l'opi-na it, s'il trouve que je ne mets pas assez de soin pour lui conserver 1a parole, et si je ne fais pas tous mes efforts.....
Un membre à gauche : Non.
Je demmde que la personne qui a dit non se nomme, et me prouve en quoi j ai manqué à mon devoir.
J'ai dit non, parce que M. Robespierre a été interrompu deux fois et que je m'aperçois que vous ne met'.ez pas le même soin a obtmir du sil nce pour M. Robespierre, que vous en mettiez lorsque MM. Beaumetz et Le Chapelier ont parlé.
Monsieur, si vous aviez suivi la délibération, vous auriez vu que j endant tout le temps que M. Robe.-pierre a parlé, je n'ai cessé de faire aller ma sonnette et de fatiguer mes poumons, pour lui obtenir du silence; que j'ai rappelé à l'ordre plusieurs personnes qui l'interrompaient. et notamment M. Le Chapelier, et qu'ainsi votre réclamation est absolu i.ent déplacée. (. tpplaudissements au centre.)
Le droit de pétition doit surtout être assuré dans toute son intégrité à la classe des citoyens la plus pauvre et la plus faible. Plus on est faible, plus on a besoin de l'autorité protectrice des mandataires du peuple. Ainsi, loin de diminuer l'exercice de cette faculté pour la classe des c toyens les plus pauvres, en y mettant des entraves, c'est au contraire à ces citoyens-là que le législaieur doit la garantir de la manière la plus authentique et la plus étendue. Je dis que loin de lui faciliter ce droit, on veut au contraire, sous prétexte de droit politique, et dans des termes obscurs, l'en priver entièrement, et faire décréter que les citoyens les plus pau-v es, les plus faibles, ne peuvent jouir de ce droit dans une égale étendue. (Murmures.)
Ecoutez M. Robespierre ave le plus grand silence.
Mais la discussion est fermée.
Messieurs, je vous prie de ne pas inteirompre M. Robespierre. {Rires.)
Je vous assure que s'il était question ici de sou'euir une opinion qui pût m'ê re favorable, je me garderais bien d'affronter (ant de contradictions ; mais je soutiens lesdroits d'un grand nombre de nos commettants.
Je dis que toutes ces distinctions, que l'on établit par cette législation nouvelle entre le droit de pétitioo, le droit de plainte, etc., sont injurieuses à l'humanité. Il faut que le comité de Constitution s'explique, ou plutôt qu'il ne s'explique pas; il faut que l'Assemblée fasse droit à nos justes réclamations, qu elle rende un décret qui n'élude point insidieusement la question, un décret qui ne semble point craindre de déclarer fran bernent et formellement les droits les plus sacrés de l'humanité. Je ne demande autre chose qu'une explication claire, qui ne d nne lieu à aucune équivoque dangereuse qui tendrait à pr.ver un jour les citoyens inactifs de leurs droits. Je repousse les principes exposés hier par le comité de Constitution, principes qui pourraient donner lieu de dire que l'esprit du décret a été de ne donner toute l'étendue de ce droit qu'aux citoyens actifs. Je dis que si les principes que je viens de développer sont vrais, si !e uroit de pétition n'est pas un droit politique, mais le droit de l'homme, vous ne pouvez pas refuser de mettre expressément dans le décret que le droit de pétition peut être exercé par tout citoyen sans distinction, et c'est à quoi je conclus. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
(de Saint-Jean-d1 Angély). C'est par e que M. Robespierre n'avait pas de contra-dic eur, que l'Assernb ée a vu avec quelque impatience qu'il déreniait aussi longtemps une cause qui n'avait pas besoin de l'être. (Murmures.)
Voix diverses : Oui ! Son !
(de Saint-Jean-d Angély). 11 ne faut donc pas croire que l'avis que le comité présente, et que l'Assemblée adopte, ôte, à qui que ce soit ledroitde pétition; et sans la défiance mal fondée, que le préopinant a manifestée sur les intentions du comité, il aurait vu dans les mots, — « le droit de pétition », — consacré de la manière la plus authentique, le droit que nous voulons donner à tous de présenter au Corps législatif, au roi et aux cori s administratifs, les vœux, les demand s qu'ils pourront former pour leur bonheur ou pour la félicité générale.
Je crois que pour lever toutes les difficultés, il serait possible de commencer l'article par ces mots : « Le droit de pétition appartient à tout individu. » (Murmures et applaudissements.)
Voici l'article tel que je l'ai présenté.
« Le droit de pétition est iudividuel, et ne peut se déléguer; en conséquence il ne pourra être exercé en nom collectif par les corps elecloraux, judiciaires, administratifs ni municipaux, ni par les sectionsdes commun es ou sociétés, de citoyens. Tout pétitionnaire signera sa pétition, et s'il ne le peut ou ne le sait, il en sera fait mention.
Je demande la question préalable, autrement on nous donnera lecture de toutes les pétitions individuelles qui sont dans le comité.
(L'Assemblée consultée sur la question préalable décrète q Vil y a lieu à délibérer sur l'arlicle de M. Reaumetz, et rejette l'amendement de M. Andrieu.)
Je demande la priorité pour la motion de M. Regnaud.
Voix diverses: Oui! oui!...Il ne vaut rien.
(de Saint-Jean-d1 Angély). Mon amendement étaitde placer dans le décret le mot individu; mais on peut dire que tout citoyen aura le droit de pétition.
Il n'y a à mon avis que l'amendement de M. Regnaud qui soit juste, puisqu'il n'v a que lui qui embrasse uue portion très intéressante de la société : les femmes. Je d mande si l'on peut défendre à une veuve de présenter une pétition à l'Assemblée nationale. (.Applaudissements.)
Il est inutile de prolonger la discussion. Nous pensons tous qu'aucun individu ne doit être privé du droit de faiie parvenir aux administrateurs son vœu, sa plainte sur quoi que ce soit. D'après cela, j'avoue que la rédaction proposée par M. Reaumetz m'avait paru remplir l'intention que nous avons tous; mais comme dans les lois il faut la plus grande clarté, si quelqu'un trouve des doutes, je pense qu'il faut l'éclaircir en posant le principe dans la plus grande rigueur. Aussi on pourra, comme le propose M. Reg laud, commencer l'article par dire que le droit appartient à tout individu.
Au lieu de ces mots, appartient à tout individu, on pourrait mettre à tout citoyen français.
Il est nécessaire d'éclaircir l'article proposé par M. Reaumetz parce qu'il y a dans le décret du 14 décembre, des dispositions qui limitent ce droit. Pour lever toute difficulté, il faut donc dire à la fin de l'article. ce droit appartient à chaque individu sans aucune espèce de distinction.
Voici la rédaction de M. Regnaud :
« Le droit de pétition appartient à tout individu, et ne p ut être délégué ; en conséquence, il ne pourra être exercé en nom collectif par les corps électoraux, judiciaires, administratifs ni I muni ipaox, par les sections des communes, ni j les sociétés des citoyens. Tout pétitionnaire signera sa pétition; et s'il ne le peut ou ne le [ sait, il en sera fait mention. »
Je veux défendre l'opinion de M. Pétion et de M. Robespierre. (Rires.)
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
Je demande qu'il soit d t que lorsque le pétitionnaire ne saura pas signer il en sera fait mention, suivant la forme légale, par un officier public.
Plusieurs membres : L'amendement a été rejeté. (Aux voix ! aux voix.)
Tout citoyen qui a une volonté légale, qui est majeur, a le droit de pétition. Je réclame ce droit pour les corps administratifs et je soutiens, qu'en le leur refusant, la doctrine du comité de constitution est absolument contraire à tous les principes de la justice, à toutes les notions politiques. (Applaudissements à gauche et dans les tribunes.)
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
Malgré tout ce que vous venez de dire on demande que la discussion soit fermée.
Voix diverses : Oui !... Non.
Des oui et des non ne font pas la majorité de l'Assemblée ; je dois la consulter.
(Une première épreuve est douteuse.)
Dans le doute, je dois avoir la parole. Il faut bien me permettre d'être une fois de l'avis des tribunes et de recevoir leurs applaudissements. Gela ne m'arme pas souvent. (Rires.)
Plusieurs membres : La discussion est fermée.
Je demande, monsieur le Président, que vous fassi.z une nouvelle épreuve.
La discussion est déjà fermée sur le fond ; on demande qu'elle le soit sur l'amendement de M. Regnaud. Je renouvelle l'épreuve. (L'Assemblée ferme la discussion.)
Et mon amendement?
Votre amendement a été rejeté.
Je propose, par amendement, d'ajouter à la fin de l'article après les mots : « Il en sera fait mention » celui-ci : « nominativement. »
(L'Assemblée, consultée, adopte les amendements de M. Regnaud de Saint-Jean d'Angélv et de Toulongeon.)
Voici, avec les amendements qui viennent d'être adoptés, quelle serait Ja réaction de l'article premier.
Art. 1er.
« Le droit de pétition appartient à tout individu, et ne peut être délégué; en conséquence, il ne pourra être exercé en nom collectif par les corps électoraux, judiciaires, administratifs ni municipaux, par les sections des communes, ni les sociétés des citoyens. Tout pétitionnaire signera sa pétition; et s'il ne le peut ou ne le sait, il en sera fait meulion nominativement. » (Adopté.)
rapporteur. L'article que vous venez de décréter remplaçant les 7 premiers articles que nous vous proposions, ces articles deviennent inutiles et nous passons à l'article 8.
Je demande la parole et c'est sur l'article 6 du projet du comité que M. le rapporteur considère comme inutile.
Le droit de pétition est le droit le p us sacré de la nation et le vrai pillad um de la liberté ; il t e suffit pas d'avoir le droit de pétition, il faut encore que ce droit soit reconnu par les corps administratif?. 11 faut sans contredit que les citoyens obéissant à la loi, mais ce droit serait illusoire, si les corps administratifs, auxquels 1 s pétitions seront adressée?, re sont pas tenus de répondre. (Applaudissements à gauche.) Si l'obéissance à a loi est le devoir le plus sacré du citoyen, le déni de justice est le délit le plus grave que puissent commettre les administrateurs. Je demande en conséquence que l'article 6 soit établi dans la forme que je vais indiquer, car je le trouve insignifiant. Voici ce que j'ai l'honneur de proposer a l'Assemblée :
« L'Assemblée nationale déclare que les administrateurs seront tenus de donner une réponse aux pétitio s qui leur se ront présentée?, au moins dans la huitaine, laquelle sera par écrit, et signée d'eux. Si la pétition est juste, ils seront obligés d'y faire droit ; si elle n'est pas fondée, ils lareje-teront,en en donnant les motifs : si elle n'est pas de leur compétence, ils déclareront aux pétitionnaires les tribunaux où ils pourront s'adresser. »
Vous venez d'étendre à tout citoyen, aux femmes, aux enfants, aux mineurs, aux étrangers, le droit de pétition. Voulez-vous obliger les corps administratifs à répondre à tous les Anglais, Espagnols, etc... de tout âge et de tout sexe.
Il ne sera pas tuuj >urs au pouvoir des corps administratifs de répondre dans la huitaine et nous ne pouvons pas juger qu'ils le pourront dans tel ou tel temps. Mais ce que nous devons faire, nous devons assurer aux pétitionnaires le moyen de constater qu'ils ont adressé telle pétition. Je demande que, conformément à l'usage que nous suivons dans nos comités, les corp- administratifs soient tenus n'enregistrer les pétitions qui leur seront présentées, et u'en donner certificat.
Peut-être serait-il plus prudent de réunir les diux propositions. En conséquence, je. demande qu'en prolongeant le degré de huitaine proposé par M. Dubois-Grancé, on adopte également la mesure de M. Biauzat qui est l'enregistrement des pétitions à mesure qu'elles seront présentées.
Je crains qu'en disant qu'elles seront prises en considération t es réponses ne soient vagues. Je ne crois pas que les mesures présentées soient suffisantes pour ne pas rendre illusoire le droit de pétition. Je crois qu'il faut renvoyer au comi:é i article 6 pour déterminer, soit le mode de cette répousé, soit le délai dans lequel elle sera faite, soit les précautions avec lesquelles elle sera faite, soit la manière de la faire parvenir à ceux qui auront adressé la pétition. Il faut que le Cor,iS législatif, le roi, les corps administratifs soient tenus de donner une réponse quelconque. Je demande donc le renvoi de ces diverses observations du comité. (L'Assemblée décrète le renvoi au comité.)
rapporteur. Nous passons à l'article 8 du projet du comité, qui devient l'article 2; le voici.
Art. 2. (Art. 8 du projet.)
« Les assemblées des communes ne peuvent
Je d mande les motifs de cet article.
rapporteur. Je réponds qu'une commune composée des habitants d'une ville ne peut s; rassembler, d'après tous vos principes, et d'après ceux oue vous venez de consacrer sur le droit de pé ition, que pour délibérer sur l'affaire propre de la commune, c'est-à-dire sur l'affaire de la famille.
C'est à chaque individu qu'appartient le droit de pétition, et il ne peut être exercé collectivement. Jamais les individus ne doivent se coaliser pour faire des pétitions.Tout citoyen qui veut former une pétition cesse de la r* p rtie de tout corps particulier pour rentrer dans le corps social; il signe sa pétitio » en son nom particulier, et la fait signer par ceux qui la forment avec lui. C'est pour cela que les assemblées de communes ne doivent avoir lieu que pour des objets d'intérêt municipal.
Je vois bien par cet article que les personnes qui sont revêtues des pouvoirs délégués par le peuple ont grand peur dès à prés* nt que les peuples y portent la main et n'exercent un droit qui leur serait incommode.
Je pourrais même tirer de la délibération actuelle un motif de désir qu'il pût se faire à l'avenir qu'aucun administrateur, aucun fonctionnaire public ne participât à de pareilles délibéra-lions.
Les communes sont autorisées sans doute à s'assembler pour délibéré:- sur les affaires municipales; mais s'en suit-il de là que les citoyens d'une commune ne puissent avec l'autorisation des corps administratifs s'assembler, non pas pour délibérer sur les affaires municipales, mais pour s'en, entretenir et présent r leurs vœux à ce sujet. Je suppose par exemple qu'une ville frontière ait des inquiétudes sur ce qui se passe autour d'elle, et que les corps administratifs négligent de s'en occuper, pourquoi ne pourrait-elle pas se rassembler pour faire une pétition, pour exprimer au Corps législatif et au roi ses inquiétudes? Vous dites que nulle pétition ne doit être faite en nom collectif : eh bien I qu'est-ce qui empêche que la pétition ne soit in dividuellement signée par tous ceux qui y adhéreront?
Mais po ir que ce droit de pétition soit utilement exercé, ne faut-il pas que les citoyens puissent s'éclairer mutuellement, se communiquer mutuellement leurs pens es? Si le peuple de Paris, dans des temps de troubles et d'orage, avait été privé du droit de s'assembler et de se communiquer ses lumières, que serait-il arrivé? On se serait porté, a des mesures qui auraient eu autant de directions diverses, qu'il y aurait eu de vol ntés partielles. Le désordre et l'anarchie en auraient été les suites funestes, mais nécessaires. Quand on n'a pas un point central, où toutes les idées, où tous les avis viennent aboutir, il n'y a plus d'ordre ni d'harmonie à désirer.
C'est au milieu des assemb'ées composées d'hommes sages et prudenis, qu'on peut espérer que sortira l'ordre et la tranquillité que des circonstances difficiles ont. pu déranger; les lumières s'y communiquent; la voix de la raison s'y fait entendre, entraine et ramène les esprits exaltés ou égarés. Cas assemblées de famill» ou la prudence donneties conseils et domine le plus ordinairement, ou le développement de l'intérêt public ramène à une marche légale, loin d'être restreintes, doivent plutôt être conseillées; il me semble qu'il serait infiniment plus politique, plus convenable de laisser les citoyens s'assembler paisiblement avec la tâche de la municipalité ou des corps administratifs, dans les salles de la commune ou dans leurs sections, sous l'inspection de la police et même de la force publique, si cela est nécessaire, que d'obliger les citoyens, en les isolant les uns les aulres, à former des rassemblements tumultueux qui ne peuvent les éclairer et qui sèment partout le trouble et le désordre.
Je demande la question préalable sur l'article du comité.
(L'Assemblée consultée décrète qu'il y a lieu à délibérer et adopte l'article 2.)
rapporteur, donne lecture de l'article 9 du projet de décret ainsi conçu :
Art. 3. (Art. 9 du projet.)
« Dans la ville de Paris, comme dans toutes les aulres villes et municipalités du royaume, les citoyens actifs qui, en se conformant aux règles prescrites par les lois, demanderont le rassemblement de la commune ou de leur section, seront tenus de former leur demande par un écrit signé d'eux, et dans lequel sera déterminé d'une manière précise l'objet d'intérêt municipal qu'ils veulent soumettre à la délibération de la commune ou de leur section; et à défaut de cet écrit, le corps municipal ou le président d'une section, ne pourront convoquer la section ou la commune ».
Je ne vois aucun avantage dans cet article; j'y vois un prétexte toujours donné aux officiers municipaux de contester aux citoyens renonciation plus ou moins précise de l'objet de leur rassemblement; ils la saisiront d'autant plus avidement qu'ils y seront intéressés, puisque l'administration municipale sera seule l'objet de ces assemblées.
Je vois par cet article qu'on rend les officiers municipaux juges absolus et arbitraires des assemblées de communes ; on leur donne le droit d'éluder sous les moindres prétextes les demandes des citoyens. Non seulement on met des entraves aux convocations des communes, mais à l'émission même du vœu des citoyens. On donne aux municipalités la faculté de rejeter les plus justes réclamations par une fin de non-rerevoir; car elles pourront toujours dire : cet objet, n'est pas l'objet précis de la convocation. C'est ainsi qu'on parvient à anéantir insensiblement les droits des citoyens, à leur ôter toute influence, à les mettre dans la dépendance de leurs délégués, et sous le despotisme des municipalités. (On murmure.)
D'après l'article suivant, on ne pourrait même délibérer sur les accessoires de l'objet principal, sans lesquels il serait souvent impossible de prendre une délibération complète.
Les objections banales qu'on fait contre ces raisonnements sont le désordre, l'anarchie. Eh bien I aurez-vous jamais autre ohos1 nue le désordre et l'anarchie si vous établissez les formes despotiques qu'on vous propose ?Btic , Messieurs, il y a .une observation très essentielle à faire :
c'est que si quelque chose peut causer des désordres, c'est u'ôter aux citoyens la faculté de pourvoir d'une manière paisible et constitutionnelle à ce que peut exiger l'intérêt public ; car si les moyens faciles ne leur sont point offerts, alors le- abus de l'administration croissant toujours d'une part, et de l'autre les citoyens trouvant d's obstacles dans la disposition même d s administrateurs, leur indignation croîtra aus-i; d'un côté, oppression; de l'autre indignation des citoyens ; lutte perpétuelle entre les mandataires et les commettants, voilà ce qui résultera de cet ordre de choses. Que la loi au contraire ouvre toujours aux citoyens libres et lésés une voie de faire des représentations, d'éclairer leurs représentants, a ors l'ordre se soutiendra sur les bases immuables de la justice, de la confiance et de la raison. . . .
Je conclus de là à ce que l'article du comité soit rejeté par la question préalable.
Plusieurs membres ; Aux voix! Aux voix !
C'est parce que je suis pleinement convaincu que cet article ne fait autre chose que de consacrer la théorie de l'insurrection, que je prends encore une fois la parole.
interrompt et demande à répondre.
Comme on demande à me répondre, je vais donner un peu plus d'é endue à mon opinion. (Applaudissements dans les tribunes.)
Mon obs rvation tombe sur ces mots de l'article : « L'objet d'intérêt municipal qu'ils veulent soumettre à la délibération. » Or, je dis que dans les circonstances où nous nous trouvons, et particulièr. ment à Paris il estdu plus grand danger de resireindré les rassemblements de communes aux seuls cas où il s'agit d'objets d'intérêt municipal. Par exemple, le 18 avril, lors de la fermentation qu'occasionnait le départ du roi, si le peuple de Paris n'eût pu se rassembler, d'après les ordres mômes du directoire de département, dans les sections, quel désordre n'eût pas produit cette fermentation? Au contraire, le peuple, en se divisant dans les 48 sections, s'est livré à ut e discussion raisonnée, s'est éclairé. Le temps a calmé son effervescence; il a trouvé dans des rassemblements légaux, des motifs pour se calmer; et le directoire, en les provoquant, a évité une explosion dangereuse.
Si, pour s'éclairer sur les intérêts généraux, les citoyens ne peuvent se rassembler en sections, où voulez-vous donc qu'ils se rassemblent? Sur tes places publiques? Mais ce sont précisément ces rassemblements trop nombreux, ces délibérations tumultueuses qui produisent l'effervescence.
Je crois que plus on veut comprimer la liberté, et plus elle se livre facilement, indignée des fers qu'on lui présente, à tous les dan «ers de l'anarchie. Laissez au contraire les citoyens discuter paisiblement, s'éclairer, calmer par le temps leurs inquiétudes, et vous aurez employé le seul moyen capable d'assurer l'obéissance à la loi. Le temps et l'instruction vous répondent de la paix publique. Le département l'a bien s nti puisqu'il l'a or ion née. Il n'est pas possible d isoler ainsi les intérêts. Pour que les citoyens puissent se communiquer leurs motifs et leurs erreurs, il faut bien leur indiquer des moyens de rassemblement, pour qu'ils puissent délibérer paisiblement.
Si les communes ne peuvent ee réunir pour présenter des pétitions, elles n'auront plus qu'un moyen d'exercer leurs droits' : ce sera d'en venir à l'insurrection. (Applaudissements dans les tribunes.) Je demande donc la question préalable sur l'article.
(L'Assemblée consultée décide qu'il y a lieu à délibérer sur l'article du comité.)
Je demande que l'on dise dans l'article : « Les objets d'intérêt municipal ou civique......
Je crois qu'il peut être très utile, même pour les corps administratifs, que les communes puissent discuter sur les affaires publiques dans les lieux ordinaires des rassemblements. On me dit que l'article précédent, qui vient d'être décrété, porte que les communes ne pourront, dans aucun cas, délibérer que sur des objets d'intérêt purement municipal, et l'on m'oppose cette tin de non-re-cevoir à un amendement infiniment juste. Je suis d'avis effectivement, comme le dit l'article précédent, que les communes ne peuvent s'assembler pour délibérer sur auire chose que sur les affaires municipales; ma s il ne s'ensuit pas qu'on ne puisse les autoriser à s'assemb'er pour discuter, pour s'éclairer sur des objets d'intérêt général.
Quel inconvénient y a-t-il à ce que les sections s'assemblent, lorsqu'il ne s'agit pas de former une délibération, lorsqu'il ne doit pas en résulter une pétition en nom collectif, mais une discussion tranquille sous l'oeil des magistrats? Ce qui pourrait avoir lieu dans les places publiques, pouvez-vous le défendre dans des rassemblements plus paisibles?
Je demande donc que l'article soit adopté avec ces mots ; « l'objet d'intérêt municipal ou général...(Murmures et applaudissements.)
rapporteur. Il me semble que nous sommes d'accord, mais que nous ne nous entendons.pas. Un article constitutionnel décrété il y a un an, porte que les citoyens pourront se rassembler paisiblement et sans armes, pour délibérer sur les affaires publiques, ou plutôt pouf discuter. Qu'ils s'assemblent dans la chambre d'ass emblée de commune ; la loi que nous vous proposons ne les en empêche pas. Seulement nous disons qu'ils ne doivent pas alors se regarder comme constitués en assemblée de commune ; ils s'assembleront comm simples citoyens sans qu'il y ait besoin de convocation de la municipalité. Tout ce que nous disons, c'est qu'ils ne pourront être convoqués en assemblée commune que pour lés affaires de la commune. (Applaudissements.)
(L'Assemblée, consultée, décrète l'article 3.)
rapporteur. L'article 10 de notre projet de décret est ainsi conçu :
« La commune ni aucune des sections ne pourront délibérer sur aucun objet autre que celui contenu d ins l'écrit d'après lequel leur rassemblement aura été ordonné. »
M. Robespierre a fait sur cet article une observation très raisonnable.
Il dit : « Est-ce que vous préten iez interdire par cet article la
faculté aux sections assemblées d; délibérer sur les conséquences de
l'obj- t soumis à leur discussion?Won, -ans doute, Messieurs, n >us ne
l'entendons pas,et personne n'a pu l'entendre, parce qu'il n'y a pas
d'autorité qui pui sé défendre à la raison de
Art. 4. (Art. 10 du projet.)
» La commune, ni aucune des sections, ne pou--ront délibérer sur aucun objet étranger à celui contenu dans l'écrit d'après lequel leur rassemblement aura été ordonné. » (Adopté.)
Art. 5. (Art. 11 du projet.)
« Les délibérations des communes,ou des sections de communes rassemblées conformément à la loi, seront regardées comme nulles et non ave-nu( s, si le procès-verbal ne fait pas mention du nombre des volants. » (Adopté.)
Art. 6. (Art. 12 du projet )
« Dans les villes où la commune se réunit par section, les assemblées des sections pourront nommer des commissaires pour se rendre à la maison commune, et y comparer et constater ies résultats des délibérations prises dans chaque section,sans que les commissaires puissent prendre; aucune délibération, ni changer, sous aucun rapport, le résuliat de celles prises par chacune des sections. (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 13 du projet de décret qui est ainsi conçu.
« Si les sections ne se sont pas accordées sur les objets soumis à leur délibération, les commissaires réduiront la proposition sur laquelle il y aura diversité d'opinions, de manière qu'elle auisse être délibérée par oui ou par non. La question sera dans cet état rapportée aux sections par leurs commissaires, et le dernier résultat sera déterminé par l'avis de la majorité des sections. »
En prenant, comme le propose io comité, l'avis de la majorité des sections, il pourrait arriver que cette majorité ne formerait pas celle des sections et que l'on ferait délibérer à une commune le contraire de ce que la majorité aurait décidé, puisque certaines sections peuvent être nombreuses et d'autres peu considérables. Une section, par exemple, qui comprend un grand nombre de membres aura décidé à l'unanimité pour l'affirmative; une autre section moins nombreuse aura décidé à la pluralité pour la i égative; admettons la même hypothèse dans les 48 sections de la capitale. Il peut très bien arriver que la majorité des sections sera pour la négative, quoique la majorité des votants soit pour l'affirmative ou réciproquement. C'est contre cet inconvénient que je m'élève, il mérite d'être pris en considération.
rapporteur. Vous avez raison.
D'après cela il me semble qu'il faudrait constater outre le nombre total des votants, la proportion de ceux qui sont pour I affirmative et de ceux qui sont pour Ja négative.
Je crois qu'on peut lever la duhculté par un seul mot, en changeant le mot de sections qui termine l'article en celui de votants.
rapporteur. L'observation de M. Delavigne est très juste, mais l'amendement de M. Goupilleau augmenterait les obstacles dans la manière de délibérer. Or les affaires et les intérêts d'une grande cité nécessitent de fréquentes délibérations; il serait peut-être préférable de ne pas l'adopter.
Je n'en insiste pas moins sur mon observation.
(L'Assemblée consultée, adopte l'amendement de M. Goupilleau.)
rapporteur, donne lecture de l'article amendé dans les termes suivants:
Art. 7. (Article 13 du projet.)
« Si les sections ne se sont pas accordées sur les objets soumis à leur délibération, les commissaires réduiront la proposition sur laquelle il y aura diversité d'opinions, de manière qu'elle puisse être délibérée par oui ou par non. La question sera, dans cet état, rapportée aux sections par leurs commissaires, et le dernier résultat sera déterminé par l'avis de la majorité de3 votants dans les sections.* (Adopté.)
Art. 8. (Art. 14 du projet.)
« Dès que l'objet mis en délibération aura été terminé, les communes ou les sections de communes, ne pourront plus rester assemblées ni s'assembler de nouveau, jusqu'à ce qu'un nouvel objet relatif aux intérêts particuliers de la commune, et présenté dans les formes prescrites, amène une convocation nouvelle. » (Adopté.)-.
Art. 9. (Art. 15 du projet.)
« Toutes les délibérations prises par les communes ou par leurs sections sur d'autres objets que ceux dont l'espèce est déterminée ou sans avoir observé les formes qui sont prescrites par la présente loi, seront déclarées nulles par les corps municipaux, ou à défaut, par les directoires de département ». (Adopté,)
Je voudrais savoir si, dans les ar-tic'es précédemment décrétés, vous avez déterminé à qui appartiendrait la compétence de décider sur une pétition de 150 citoyens qui ont demandé une assemblée de commune. Et quel recours auraient les citoyens dans le cas où ils présenteraient au corps municipal une demaude conforme aux lois en tout point pour la convocation de la commune ou des sections, sans pouvoir l'obtenir. Je demanderais que le comité s'expliquât à cet égard; car il faut prévenir les insurrections : elles sont saintes et sacrées (Murmures à droite) ; mais il ne faut pas les prodiguer.
Je demande donc, Messieurs, la solution de ces deux questions :
1° Parce que l'objet de la pétition ne paraîtrait pas juste ou ne serait pas juste, est-il un pouvoir juste d'empêcher des citoyens de s'assembler pour délibérer sur cet objet?
2° Dans le cas contraire, à qui appartiendrait le droit de décider que les citoyens ne doivent point s'assembler sur cet objet ?
au nom du comité de Constitution. La question proposée par le préopinant
a trait à la proclamation rendue par le roi sur une pétition de 150
citoyens de Versailles : le comité de Constitution en a eu connaissance.
Mais ce que le préopinant ne sait pas, c'est que
C'est à la municipalité d'abord à juger si on ne demande pas à s'assembler pour délibérer sur des objets contre les lois. Lorsque les décrets que vous venez de rendre seront sanctionnés, elle examinera si ce sont des objets purement municipaux. Si la municipalité refusait de convoquer une commune ou des sections de commune qui demandent à s'assembler pour des objets purement municipaux et qu'elle donnât sur ce point une décision qui parût contraire aux droits des citoyens, la municipalité serait répréhensible, serait coupable et mériterait d'être punie; pour cela on serait autorisé à se pourvoir devant le directoire du département. Enfin si les citoyens trouvaient la décision du département contraire aux lois, ils pourraient présenter une pétition ou une plainte au Corps législatif.
La question se réduit donc à décréter qui, sur l'avis du district, jugera l'objet de la pétition. Cela est jugé implicitement par vos décrets antérieurs. Mais si l'Assemblée délire, qu'on l'énonce formellement, on peut, lorsqu'on rapportera le travail relatif aux municipalités et aux Corps administratifs, le dire d'une manière positive.
Je demande en général qu'il soit d'abord décidé si un corps municipal même a le droit d'empêcher les citoyens de s'assembler, lorque 150 d'entre eux demandent le rassemblement des sections.
On me dit à cela, pour contrarier mon opinion, que la pétition de 150 citoyens paraissait contraire aux lois; je demande si, dans le cas même où on demande une assemblée de sections pour un objet relatif aux lois, la municipalité, qui n'est que le délégué de la commune, a le droit de prendre elle-même le parti de décider que la pétition n'est pas fondée. Si lu municipalité décide contre le vœu des citoyens, c'est au département qu'il faudra se p urvoir sur l'avis du district. Voilà une hiérarchie bien établie; voilà tous les troubles prévenus avec quelques mots.
Je demanderais donc qu'on le décrétât.
au nom du comité de Constitution. Je propose de décréter en ce moment le principe suivant : dans le cas où la municipalité jugerait que l'objet de la demande n'est pas un objet purement municipal, elle le déclarera, et les citoyens auront ensuite le droit de se pourvoir devant le conseil du directoire de département contre la décision de la municipalité relative à la régularité de leur demande.
Si vous adoptiez ce principe, nous vous apporterions demain une rédaction après le procès-verbal.
Je demande que dans ce cas les citoyens puissent se pourvoir au Corps législatif contre les arrêtés des directoires de département; car je ne veux pas que dans aucun cas le droit le plus sacré puisse dépend! e du pouvoir exécutif.
au nom du Comité de Constitution. Naturellement! Sauf recours au Corps législatif.
Plusieurs membres : C'est de droit.
Il faudrait mettre : sur l'avis des directoires.
(L'Assemblée, consultée, dé rèle la molion de M. Démeunier, sauf rédac ion.)
rapporteur. Il nous reste à nous occuper du droit d'affiche qui fait l'objet des trois derniers articles de notre projet de décret.
La question que je vous présentai hier était de savoir si tous les citoyens ou seulement l'autorité publique doivent avoir le droit d'afficher. Nous pensons tout d'abord qu'il doit y avoir un lieu exclusivement consacré à l'affiche et à la promulgation des actes de l'autorité publique. (.Murmures à gauche.)
Un membre à gauche : Ce n'est pas là ce que vous disiez hier.
rapporteur. 11 serait dangereux de confondre les lois, les actes obligatoires pour les citoyens avec des affiches qui ne sont nullement obligatoires et qui ne peuvent être que de simples indications.
Un autre principe à consacrer, c'est qu'aucune section — et c'est une conséquence de tous les décrets que vous avez rendus — c'est qu'aucune s clion, aucune société non légalement constituée n'a le droit de prendre des arrêtés, des délibérations et de les faire afficher comme obligatoires. (Murmures à gauche.)
Un membre à gauche ; Ce n'est pas là la question.
rapporteur. La section n'est rien; elle n'est que la fraction d'un tout et ne peut pas avoir une existence isolée.
D'après ces principes qui sont, je crois, avoués de tout le monde, il sera facile de cous accorder tout à l'heure. Vous ne pouvez assurément défendre des affiches qui n'ayant aucun caractère obligatoire, ne sont que de simples indications. Or, M. Goupil me disait hier : Je crois que le fond de vos articles est bon, en ce qu'ils tendent à distinguer les actes de l'autorité publique des avis des particuliers; mais pour qu'ils soient distingués, il suffit qu'un lieu quelconque leur soit exclusivement destiné, afin que les particuliers ne soient pas privés du droit d'afficher. (Applau-dissements )
Je conviens qu'il peut être utile, qu'il y ait un lieu exclusivement desliné aux affiches de l'autorité publique, et d'où elles ne puissent être arrachées sans délit ; car la promulgation presque ignorée qui se fait dans les greffes des tribunaux est insuffisante.
M. Goupil va lire deux articles qu'il a rédigés ; l'Assemblée optera entre eux et ceux que je lui ai présentés ; mais dans tous les cas, je demande qu'on consacre par un décret quelconque le principe qu'aucune section, aucune société non constituée ne puisse prendre ni afficher des délibérations. (Applaudissements au centre, murmures à l'extrême gauche.)
Voici les deux articles gué j'ai rédigés :
« Art 1er. Il sera assigné dans chaque ville,
.bourg et communauté, par le directoire de district, des lieux
exclusivement destinés à recevoir toutes les alfiches qui seront faites
par l'autorité publique, et aucunes autres affiches ne pourront y être
mises.
Art. 2. Ceux qui feront mettre dans lesdits lieu aucunes autres affiches seront con amnés à une amende de 100 livres et même s'ils sont trouvés en flagrant délit couvrant les affiches de l'autorité publique, ils pourront être ariêtés et conduits à la maison d'arrêt, où ils seront détenus jusqu'à ce qu'après avoir pris connaissance du fait, les tribunaux aient ordonné leur élargissement.
J'adopte de bien bon cœur les deux articles proposés par M. Goupil ; je les trouve toutefois insuffisants et il en résultait en effet que, sauf les lieux desti és aux actes de l'autorité publique, tout citoyen pourrait placarder.
Plusieurs membres à gauche : Oui, oui.
Or, il me semble que la responsabilité serait alors nulle, car on ne peut rendre un mur responsable d'un délit de presse. Applaudissements au centre ; rires et murmures à Vextrême gauche) ; un particulier attaqué par une calomnie n'aurait aucun recours contre ceux qui l'auraient fait afficher.
Je demande donc que le comité de Constitution fasse un Code pénal et nous présente des lois prohibitives sur la responsabilité qui doit accompag er l'exercice du droit de placarder.
On demande d'ôter aux citoyers le droit de placarder et, pour appuyer cette idée, on fait le raisonnement suivant : Nous ne voulons pas, dit-on, restreindre la liberté de la presse, parce qu'on peut exercer une responsabilité quelconque sur celui qui imprimerait quelque objet contraire à la loi; mais en matière de placards cette responsabilité ne peut plus exister.
Or, je dis que le droit de placarder est une dépendance de la liberté de la presse (Murmures au centre.)-, il tient à la liberté de manifester sa pensée d'une manière quelconque. Il ne doit pas y avoir plus de responsabilité pour l'exercice de ce droit que pour celui d'écrire et d'imprimer.
La généalogie de la liberté de la presse est très courte. Un homme veut écrire; il veut répandre dans sa famille ses écrits : il les fait transcrire par son secrétaire. Il veut les rendre publics : il les confie à ses concitoyens par la voie de l'impression. Il veut enfin faire connaître .-on écrit : u placarde au coin des rues que cet écrit se trouve dans tel endroit où il le distribue. Rien n'est plus naturel.
Je demande donc que le premier article de M. Goupil soit présenté à la délibération de l'assemblée comme il vient d'être rédigé; je renvoie le second au code pénal.
Ce que je demande, c'est qu'on fasse une loi pour empêcher qu'on puisse placarder des calomnies contre les citoyens, nuitamment, par exemple. (Rires.)
Quand vous feriez une loi contre les placards calomnieux, je demande si vous empêcheriez qu'on en affichât nuitamment. Bien loin de restreindre la liberté de la presse, donnez-lui au contraire l'étendue la plus illimitée. Voulez-vous détruire l'effet des affiches calomnieuses, des placards séditieux et incendiaires? Laissez-en couvrir les murailles et bientôt ils tomberont dans l'avilissement Mais si vous prenez le mauvais parti de les défendre, ils deviendront rares ; plus ils feront rares plus ils seront recherchés et plus ils auront d'effet. (Murmures.) Et voici la preuve de ce que j'avance.
La calomnie n'a-l-elle pas aiguisé contre nous tous ses poignards? n'a-t-elle pas dirigé contre nous tous ses traits, avec un acharnement sans exemple?Qu'a-t elle pu contre nous? Ses libelles se vendaient dans les rues; vos corridors en étaient pleins ; aujourd'hui il n'y en' a plus. (Murmures et interruptions.)
On me dit qu'il y a encore l'abbé Roy ou, l'Ami du Peuple; je dis que ses écrits ne sont plus lus aujourd'hui que par des insensés, des hommes qui aiment à se ren plir de fiel et que non seulement tous se* libelles ne se vendent plus, mais que les honnêtes gens n'en veulent plus pour rien. Ne perdez cas de vue que le temps où la calomnie était dangereuse, c'était lorsqu'on vendait le privilège d'être calomniateur; c'était lorsqu'on vendait sous le manteau de misérables libelles.....
Plusieurs membres : Aux voix l'article de M. Goupil.
C'était lorsqu'on vendait de
misérables brochures un louis : aujourd'hui on les a pour deux sous.
Laissez donc une liberté entière : le droit d'affiche doit être respecté comme tout autre moyen de manifester; sa pensée, et les mauvais écrits tomberont d'eux-mêmes dans le néant.
On semble confondre ici deux choses : la publicité et l'authenticité d'un écrit qui sont absolument distinctes et différentes.
La publicité, est l'acte par lequel on fait connaître une chose; l'authenticité c'est l'acte par lequel on publie une chose que personne ne doit ignorer, et cela est réservé seulement aux autorités constitutionnelles. De là je conclus que les seules autorité- reconnues ont le droit de rendre authentiques par la voie d'affiche le résultat de leurs délibérations.
(de Saint-Jean d'Angély). Il est important qu'on ne confonde pas une affiche simple avec un acte légal. 11 faut que les citoyens puissent dire : tout ce que je lis ici est la loi et mon devoir, je dois consentir à m'y ?o i mettre.— Mais je veux que nulle société ne puisse faire afficher des arrêtés, parce que ces arrêtés se rapprochant trop du caractère de la loi pourraient induire en erreur et sembleraient leur consacrer une existence politique. Mais je veux que la plus grande latitude soit laissée à tout citoyen sous la responsabilité que vous avez admise, de publier son opinion et e l'afficher. Le droit d'affiche appartient à tous les particuliers sous les mêmes conditions que l'édition de leurs pensées; il est une suite nécessaire du droit de pétition, et l'on ne peut empêcher aucun citoyen d'afficher ses pensée^, pourvu que ce ? oit dans un lieu différent que celui où l'on affiche les lois et les actes des pouvoirs publics.
le crois donc que la liberté la plus absolue doit ôtre laissée à tous les individus, et je demande qu'on adopte l'article de M. Goupil eo y ajoutant toutefois que nulle société ou corporation particulière n'a le droit de faire afficher ses arrêtés.
(1). Je ne crois pas que l'objet qui vous est sou mis, considéré sous ses véritables points de vue, puisse être l'objet d'un dissentiment d'opinion, en aucune manière. Il me parait
3ue des principes déjà consacrés par vous con-
uisent à résoudre la question d'une manière qui doit être telle de tout le monde, parce qu'elle est à la fois la sauvegarde de la liberté, la conservation de la loi et de l'autorité établie par elle.
Je distingue deux choses parfaitement séparées, dans li-s questions qui nous sont soumises; l'u e est le caractère légal qui doit être exclusivement réservé aux actes émanés de la puissance établie, par la loi ; l'autre est la liberté de ces manifestations des pensées, déjà adoptée par vous.
Je vois trois choses dans l'extérieur, dans la contexture et la publication des actes légaux : l'affiche, la publication, et enfin l'intitulé de ces actes.
Quant à l'affiche, j'admets avec M. Goupil qu'il doit être réservé, dans chaque municipalité, des lieux particuliers et qui seront exclusivement destinés à l'affiche des actes des autorités publiques ; c'est ainsi que vous les démontrerez clairement aux regards des citoyens, et que par une distinction, vous leur conserverez le degré de respect qu'ils méritent; que vous les distinguerez parfaitement de toutes les autres affiches qui n'auraient p s le même caractère.
La publication doit être assujettie aux mêmes principes; la loi doit déterminer une for ne pour la publication, soit à son de trompe, soit autrement, des actes émanés de l'autorité publique, qu'aucun citoyen, qu'aucun corps non constitué ne puisse imiter. C'est une espèce de sacrilège contre la loi que d'en emprunter les formes afin de vouloir attirer sur les actes individuels et particuliers, l'obéissmce ou même seulement le respect qui n'est essentiellement dû qu'à elle et à co qui émane d'elle. (Vifs applaudissements.)
Le 3e point enfin est l'intitulé de ces mêmes actes ; or, comme chacun
reconnaît qu'il n'y a que les puissances publiques qui puissent faire
des actes obligatoires pour les citoyens; prendre des arrêtés, des
délibérations qui puissent influer sur la volonté des citoyens et les
obliger à agir d'une manière quelconque, est une chose qui doit être
également défendue, afin qu'aucun acte extérieur d'une association
publique non établie par la loi, ou d'individu, de citoyen ne puisse
porter cet intitulé, ne puisse présenter extérieurement ces caractères ;
car ici le principe est le même que dans les points que j'ai déjà posés.
Il ne suffit pas que chacun dise : je n'ordonne pas au public; mais il
faut encore que personne ne puisse prendre les formes par lesquelles on
ordonne ; enfin que tout ce qui sert à manifester pour tous le caractère
de la volonté nationale ne puisse pas être obscurci par les jeux, par
les caprices, par les écrits de qui que ce soit. Je crois donc que nu le
société non constituée, nul individu à titre de citoyen et non
d'officier public ne peut publier ou afficher des actes à titre
d'arrêtés, de délibérations ou sous toute autre forme qui paraisse
obligatoire.
Je reconnais bien à des citoyens qui se réunissent le droit de prendre entre eux un arrêté, c'est-à-dire, de promettre mutuellement qu'ils feront une chose que la loi permet, ou qu'ils ne feront pas telle chose que la loi ne leur ordonne pas; mais autre chose est de prendre cet arrêté pour soi, ou de le publier, et de le transmettre au public à titre d'arrêt. Il y a un rapport entre les individus qui prennent un arrêté entre eux; mais il n'y a pas un rapport de puissance entre ces individus-là, et le public auquel ils ne pourraient transmettre ces arrêtés comme obligatoires. Si ces individus veulent faire connaître au public l'arrêté qu'ils ont pris pour leur compte comme pouvant instruire, alors c'est à titre d'a-ver issement qu'ils doivent le faire, parce qu'entre l'homme qui n'est pas officier public et le public, il n'y a autre chose que des indications et des avertissements. Cela tombe alors, comme l'a dit M. Regnaud, dans la simple manifestation des opinions; mais je ne pense point avec lui que cette manifestation ne soit libre qu'à un individu isolé : je crois que des individus réunis peuvent manifester leurs opinions communes, comme un individu sénaré peut manifester son oninion particulière. (Murmures au centre; applaudissements à gauche.)
Je ne croh point qu'aucun individu, ni qu'aucune réunion d'individus non établie par la loi puisse it publier aucun acte, aucune affiche quelconque. à titre d'arrêtés, de délibérations, ou sous toute autre forme obligatoire ; mais je pen e que des individus réunis, comme un individu séparé, peuvent, en respectant la loi, en ne troublant et ne bl ssant pas l'ordre public (et c'est ici la cause du Gode pénal, et non pas des délibérations que nous prenons), peuvent, dis-je, faire connaître au publie une opinion sur une matière quelconque, annoncer un ouvrage. Je le prouve ici par la nécessité pratique. Je demande s'il est un seul individu, dans l'Assemblée, qui conteste à un homme qui a fait un livre, d'imprimer, d'afficher, de publier qu'il a fait ce livre-là, et qu'on le vend dans tel lieu ; je demande s'il n'a pas le droit de publier, d'afficher, pour dire que le livre traite telle matière, qu'il démontre tel principe, qu'il avance telle maxime, et ce pour inviter à l'acheter.
S'il est vrai qu'il a ce droit-là, même dans le système du com té, il a donc le droit de manifester son opinion. Or, je demande si ce livre n'avait pas été fait par un individu, mais par une académie, par une société littéraire, je demande si cette académie ou celte société littéraire n'aurait pas le droit d'annoncer son livre comme l'individu isolé. (Applaudissements à gauche.) On voit visibl m nt que les distinctions, à cet égard, sont parfaitement impossibles, et que, du moment que vous n'admettez que l'individualité, vous tomberez à chaque instant dans des impossibilités de pratique.
Si, au contraire, vous reconnaissez le principe général qu'un citoyen
peut donner un avertissement, que deux ou trois cioyens peuvent se
réunir pour donner un avertissement, il n'y a pas de raison pour que
cela ne pui-se pas être permis à une association quelconque; il n'y a
pas de possibilité à gêner, à cet égard, la liberté; agir autrement,
c'est franchir toutes les bornes que vous donnent les lois, que vous
donnent les droits impérissables de ceux que vous représentez. Je dis
donc que c'est à ce qui suit que nous devons nous borner. Il doit être
réserve, dans chaque municipalité, un lieu qui sera spéciale-
Si vous allez plus loin, si vous altérez les droits, vous ne trouverez plus de bornes à cette altération-là. (Applaudissements.)
Je demande que ces principes-là soient adoptés, et que la rédaction en soit renvoyée au comité.
Le principe doit êlre que tout citoyen soit responsable de ses propres actions, et qu'aucun citoyen ne puisse être rendu responsable des actions d'autrui. C'est pour cela qu'il doit être permis par la loi, et qu'il l'est par le projet du comité, à toute association de citoyens, considérée d'une manière individuel'e, de publier les opinions de tous ses membres.
Mais il ne doit être permis à aucune assemblée par arrété qui est censé être le fait de tous, de I publier l'avis qui ne serait pas celui de quelques-uns de ses membre?. Autrement, il pourrait arriver qu'une société de 1,200 personnes, qui ne se serait assemblée, un certain jour, qu'au nombre de 12 personnes, qui publierait, sous le nom collectif de la société, par la signature du président et des secrétaires, une opinion à laquelle 1,188 personne* n'auraient aucunement coopéré, comnro-mettrait Us 1,188 autres.
Il faut donc qu'on ne puisse pas signer sous un nom collectif de société, mais que tous les membres de la société signent de leur nom individuel ; voilà le principe dont on ne peut pas s écarter; cest le principe que le comité a mis dans son projet. (.Applaudissements.)
Un citoyen a droit de rechercher pour quel motif il est injurié, calomnié par un placard. Si cest un individu qui le signe, qui soit I auteur de ce placard, pas de difficulté. Leiui qui est lé.é sait à qui s'en prendre; mais, Messieurs, si l'on s'avisait de faire imprimer un placard, quel qu'il fût, sous un nom collectif, sous le pretexte du bien public, et par lequel, néanmoins, des particuliers seraient lésés; je le demande, où serait la responsabilité que j'ai le droit de rechercher contre tous ceux qui m'ont causé un préjudice? Il me semble que, s'il est essentiel de protéger la liberté de ceux qui écrivent il n en pas moins essentiel d'assurer la liberté et la sûreté de ceux contre qui on voudrait écrire Je conclus à ce qu'il soit laissé à chaque individu le droit d'afficher, mais défendu aux sociétés et aux sections d'afficher.
Je ne vois aucune dithculte entre le droit de placarder et celui d imprimer, car l'un et l'autre me paraissent la manifestation de la pensée, avec cette seule différence que, pour lire la pensée placardée, il ne faut que s arrêter au coin des rues ; et que, pour lire lu pensée conçue dans un livre, il faut recevoir le livre de la main d'un libraire ou d'un colporteur; cela me paraît absolument la môme chose, quant à l'effet; et il me parait, en conséquence, que s'il est permis de faire un livre en nom collectif, il doit être permis de faire une affiche en nom collectif. (Murmures )
On objecte qu'alors il n'y aura plus de responsabilité à exercer, surtout si c'est une société uui a fait l'affiche. H
Il me semble au contraire que la responsabilité n'en sera que p'us facile et plus étendue; car plus un ouvrage est avoué de plusieurs individus, et plus j'ai de têtes responsables du délit commis envers moi. Si c'est une société qui ait coutume do faire signer ses arrêtés par un président et un secrétaire, j'ai d'abord ers deux individus, et ensuite le corps collectif, qui s'est présenté comme société pour m'accuser, et qui ne pourra pas reruserde se présenter aux tribunaux comme société. (Rires ironiques.)
On m'objecte encore : Quedeviendra la minorité ? Je répon :s quecette minorité aura à se reprocher d avoir eu l'imprudence de se réunir à une société qui l'a compromise. (Rires ironiques.) Si vous craiguez que telle société, tels clubs vous compromettent, abstenez-vous d'y aller I 11 me paraît impossible de séparer le droit de manifester sa pnsée parl'affi! he, du droit de la manifester par toute autre voie de l'impression.
Je conclus donc à ce qu'il soit permis aux citoyens qui s'assemblent paisiblement de faire des affiches en nom collectif.
Si la poursuite ou la responsabilité reut s'ex-rcer contre un particulier, elle devient impossible contre une granie collection d'hommes réunis. Je conclus à ce qu'on admette le premier article de M. Goupil-Prefeln et que l'on décrète ensuite les 3 articles subséquents du comité.
(de Saint-Jean-d'Angély). Dans une société, il n'y aura jamais qu'une partie de ses membres qui aura été de l'avis de la délibération, comment voulez-vous rendre la minorité responsable d'un acte auquel elle aura refusé de concourir ?
rapporteur. J'adoptelesdiver-ses propositions qui ont été faites. Il en est cependant une à laque le je m'oppose. On demande que les sociétés puissent afficher sous un nom collectif. Sous le point de vue de l'intérêt particulier, rien ne serait nuisible aux sociétés qui pourraient se trouver liées par 20 de leurs membres ; et, sous le rapport de l'intérêt public, on donnerait lieu de craindre la renais-ance d'associations qui finiraient par prendre uu caractère politique. Je pense que les sociétés peuvent donner des avertissements par la voie d'affiche, en mettant au bas la signature de 2 ou 3 personnes, et en y joignant le nombre des individus, au nom desquels cet avertissement sera donné.
Je demande donc que l'Assemblée décrète les trois principes énonces par M. Barnave et qu'elle décrète en ouire qu'une affiche ne pourra jamais être placardée sous un nom collectif. (L'Assemblée ferme la discussion.)
M. Dupont fait la motion qu'aucune affiche ne puisse être faite sous un nom collectif et que tous les citoyens qui auront coopéré à une affiche soient tenus de la signer. Je mets aux voix cette motion. (La motion de M. Dupont est décrétée sauf rédaction.)
L'Assemblée décrète ensuite les principes posés par M. Barnave, dans les termes suivants :
Art. 1er.
Il sera désigné dans chaque municipalité des
Art. 2.
« La forme de la publication de ces mêmes actes sera déterminée par la loi, et aucune autre publication ne pourra être faite dans la même forme.
Art. 3.
» Aucun citoyenet aucune réunion de citoyens, ne pourra afficher ou publier ses opinions sous le titre d'Arrêté et de Délibération, ou sous toute autre forme obligatoire et impérative. »
Je demande non pas seulement pour l'intérêt du Trésor public, mais encore pour des raisons politiques qu'il me serait facile de développer, que toutes les afliches des particuliers, tous les placards qui ne sont pas des actes de la puissance publique, ne puissent être faits que sur du papier timbré. (Vifs applaudissements.)
Et moi, je demande l'enregistrement.
Plusieurs membres : Aux voix le timbre !
Je trouve la proposition de M. Rœderer injuste, et il serait très impolitique de se priver des lumières que pourrait répandre un bon citoyen parce qu'il ne serait pas assez riche pour faire la dépense des afliches; un auteur pauvre ne doit pas être as?ujetti à un droit, quand il n'a cherché qu'à éclairer ses semblables. Je rappellerai, d'ailleu;s, que lois de la discussion de la loi sur ie timbre, cet amendement fut rejeté et qu'on refusa d'assujettir au timbre les livres, affiches et journaux.
Je demande le renvoi de la motion de M. Rœderer au comité d'imposition, qui nous en fera un rapport détaillé.
Plusieurs membres demandent l'ordre du jour sur la motion de M. Rœderer.
Ce n'est pas, je le répète, une vue purement fiscale , mais encore une vue d'ordre public et de politique qui m'a dicté la proposition que je vous s >umets; et je demande que vous décrétiez dès à présent le principe en renvoyant au comité les détails de la rédaction.
Il y a au droit d'affiche un petit danger qui n'est point attaché à la publication des livres ; c'est particulièrement pour le prévenir que je propose le timbre. Lorsque dans un libelle, un aristocrate me traite de factieux, j'ai contre lui un facile recours, parce que je trouverai toujours, soit l'imprimeur, soit le libraire, soit le colporteur. L'affiche ne présente pas le même avantage. ; elle est un fait fugitif, un fait souvent nocturne, qu'il n'y a qu'un seul moyen de reconnaître: l'impôt. Si l'on est obligé de porter l'affiche au timbre, on évitera alors les placards incendiaires et calomnieux,
Je demande donc, avec le comité, que celui qui met l'affiche soit obligé de la signer, et je demande encore que l'on ne puisse pas mettre une fausse signature ; cola n'arrivera jamais si on est obligé de la porter chez un homme public pour y apposer le timbre.
Plusieurs membresdeVextrême gauche : L'ordre du jour !
Plusieurs membres : Le renvoi au comité 1 (L'Assemblée, consultée, décrète qu'il n'y a pas lieu à délibérer sur l'ordre du jour et ordonne le renvoi de ia motion de M. Rœderer au comité d'imposition.)
lève la séance à trois heures.
a la séance de l'assemblée nationale
du
Compte rendu au roi et a. l'assemblée nationale par M. Gauthier d'Autteville, prévôt général des maréchaussées du Dauphitié, de forfaits commis à l'ombre du civisme et de l'anarchie (I).
Sire,
Monsieur le Président, J'eus l'honneur de mettre sous les yeux de Votre Majesté, en avril 1789, j'eus l'honneur de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale dans le courant du mois de juillet de la même année, un tableau des persécutions, des iniquités que me faisait éprouver le bureau des maréchaussées du département' de la guerre ; je dis bureau, parce que depuis 1776 j'ai eu tout le temps de reconnaître, de me convaincre que le ministre de ce dé par te me it n'était qu'un sanction neur, proprement dit, de ses infidélités, de ses prévarications, de ses injustices.
Dans le courant des mois d'octobre et de novembre de la même année, la loi et Votre Majesté réparèrent de leur mieux les torts qu'avaieut eus MM. de Ségur, de Brienne, de Puy-Ségur envers moi ; ce bureau comprit que s'il souffrait que je perçusse la somme qui m'était due, ce serait, de s.t part, me mettre en état de défense contre les oppressions d'un nouveau genre, qu'il me préparait; il me fit donc extorquer par M. de la Tour-du-Pin, ministre alors, une renonciation à plus de 7 huitièmes de celle somme; ut pour couvrir cette iniquité d'un voile qui fut imposant, il imagina de faire parler ce ministre au nom de Votre Majesté, et de me faire antidater cette renonciation (voir ma lettre du 16 janvier 1791, page 18 et les suivantes.)
Le hasard voulut que. l'emploi, dans lequel la loi et Votre Majesté avaient décidé que je serais réintégré, vint à vaquer en Dauphiné ; je suis étranger à cette ancienne province, je n'y connaissais âme qui vive avant d'y avoir été ; j'avais combattu avec succès le refus qu'avait d'abord fait M. de La Tour-du-Pin de se conformer à la décision de la loi et de Votre Majesté;, son bureau des maréchaussées espéra qu'à l'exemple de tout le monde, la menace de la lanterne ébranlerait mon courage, ma fermeté, et que le public, peupl le servirait mieux que tous les moye.js odieux dont il avait usé, pour que je ne pusse jouir de ce nouveau bienfait de la loi et de Votre Majesté.
Des subordonnés de la compagnie dont le commandement m'a été donné par la loi
et par Votre Majesté, gens tarés et dénoncés depuis des années à
l'administratiyn du département de la
Le sieur Durand de Cuny, dans l'espoir de trouver dans nies lettres quelques mots qui pussent justifier ces assertions, les intercep a, le? éventra, et fit circuler des copies dans toutes les résidences de ma troupe; ensuite, des cavaliers de Grenoble y furent par lui envoyés, même dans celle de la compagnie de Provence, avec des instructions calomnieuses, incendiaires, pour engager les sous-officiers et les cavaliers à signer les libelles qu'il avait fait fabriquer contre moi; je dis fabriquer, parce que ce lieutenant leur fît une retenue, quelques mois après, pour en payer la façon et l'impression.
Ces sous-officiers et ces cavaliers convinrent avec M. Duchilleau,lors de sa tournée dans toutes les garnisons du Dauphiné, que les menaces et les promesses leur avaient été prodiguées pour qu'ils se laissent conduire; ils lui avouèrent, aussi, n'avoir aucune connaissance de ce qu'ils avaient signé.
A mon arrivée à Vienne, le 28 juin 1790, j'ap-pris que l'on prenait des mesures, de toutes paris, pour me faire immoler par le peuple, et que le même sort était réservé à M. de Charly, s'il s'avisait de venir faire sa revue de la compagnie ; je m'y arrêtai durant un mois, pour contempler à mon aise ce tissu d'atrocités ; les assauts que ma tranquillisé y éprouvait chaque jour ne satisfirent point les conjurés; ils voulaient, ou que je renonçasse à ma place, ou me faire périr misérablement. Pour décider une de ces deux infamies, le nommé Brosse, cavalier, fut à la municipalité et de suite dans les carrefours de cette ville, y déposer que j'en avais levé le plan, à 1 effet d'y faire entrer les ennemis par les côtés les plus faibles; je rendis compte de ces faits, de bien d'autres de même nature, et de leurs suites, à M. de La Tour-du-Pin : mes dénonciations étaient toujours accompagnées de preuves littérales à leur appui, les lois voulaient qu'il sévît contre de par» ils délits, de pareils attentats; mais en le faisant, ç'eùt été me prouver qu'ils n'étaient point son ouvrage, et celui de sou bureau des maréchaussées, au lieu qu'en ne les improuvant même pas, il me confirma qu'ils l'étaient.
Ce ministre m'invita donc, dès lors, à l'envisager ainsi que ce bureau, comme des tyrans, comme subordonnés à des factieux, ou bien comme des coopérateurs z lés des désordres qui se commettaient. Je suis en état de prouver qu'ils ont été l'un et l'autre à la fois, et que quand ils ?ot été aussi muets que, la loi entre leurs mains, ils ont non seulement autorisé ces désordres, mais qu'encore ils en ont assuré l'impunité, parce que, et comme on le sait très b:en, la complication est toujours devenue, à l'homme artificieux et méchant, un moyen de se soustraire à l'œil de la loi, à sa sévérité; c'est du moins comment j'ai vu que l'administration se sortait toujours d'embanas, parce qu'on préfère la laisser pour ce qu'elle est, à passer sa vie à analyser cette hydre; voilà sa foree, parce qu'elle le sait, et si bien, qu'elle s'en vante.
M. de La Tour-du-Pin et son bureau des maréchaussées sentirent à la fermeté qu'ils trouvèrent dans mes lettres, qu'ils n'étaient rien moins que sûrs que je succombasse sous le poids de la ca-lomnieque l'on devait faire succéderaux menaces du fatal reverbère : ils m'expédièrent une lettre dans laquelle, car des consciences coupables sont !oujours gauches dans tout ce qu'elles font ils me laissèrent pénétrer dans le fond de leur âme, de leur cœur, de leur génie, et voir qu'ils seraient bien fâchés que l'on connût les auteurs, moteurs des insurrections dans les campagnes.
Quand, au lieu de me voir revenir à Paris, connue ils m'y invitaient, ils apprirent que j'avais bravé la menace que l'on m'avait faite de me lanterner à la porte de Grenoble si j'y allais, et que je m'y étais rendu, comme la coalition qui était formée contre moi, s'étendait aux corps ad ministratifs établis dans cette ville, ils se permirent de concert sans doute avec ces corps administratifs de contrevenir même au décret du 6 août, nommèrent une commission pour informer extra-juiliciairement, en apparence, sur les faits de l'insubordination de ma compagnie, mais dont le motif secret et caché é-'ait de me sacrifier au ressentiment qu'ils conservaient, de ce que j'avais démasqué, aux yeux de la loi et du public, quelques-unes des iniquités ministérielles, et de ce que je les avais déjoués dans le projet qu'ils avaient formé de ne point obéir à la décision de la loi et de Votre Majesté.
Votre Majesté et l'Assemblée nationale auront de la p ine à le croire, mais le fait est constaté, il est public; ils portèrent la précaution jusqu'à se faire assurer de tous les notaires de Grenoble pour qu'ils me refusassent leur ministère dans le cas où je projetterais de protester contre cette commission ; la presse pourvut à cette précaution, et un huissier de la monnaie me prêta le sien, pour saisir entre les mains du président de la commission tous les papiers dont il se trouvait nanti.
L'inspecteur de ma compagnie, M. Charly, envoyé de Metz à Grenoble pour présider cette commission illégale et pour donner tous les ordres relatifs au service, car M. de La Tour-du-Pin avait ajouté à ce procédé arbitraire, vexatoire, celui de méconnaître l'autorité et les pouvoirs que j'avais reçus delà loi et de Votre Majesté, c'est-à-dire de m'inierdire dans mes fonctions, afin, sans doute, de mieux faire connaître les dispositions de l'administration à mon égard : cet inspecteur, qui, comme moi, n'a jamais adulé l'immense autorité des commis du bureau des maréchaussées et leur despotique orgueil, ne voulut point se déshonorer en s'altachant plutôt à l'esprit de ses instructions qu'à la lettre : on résolut de l'en punir; dès lors, on ne répondit plus à aucune de se- lettres touchant ma compagnie, on le tint en exil à Grenoble, où il est encore, et je sais qu'on lui a fait savoir, indirectement à la vérité, qu'on avait espéré plus de condescendance, plus de complaisance de sa part.
Bnfin, M. de La Tour- du-Pin ne daigna pas même répondre aux lettres que lui
écrivit le commandant du Dauphiné, pour le prier de mettre
Ce ministre ne se borna pas à cette seule infraction ; outré sans doute de ce que je triomphais de toutes les manœuvres qui avaient été dirigées dans son bureau des maréchaussées, il envoya a Grenoble comme cavalier un nommé Fox, Ecossais, homme intrigant et factieux, à l'effet de m y outrager et d'y fortifier dans ma compagnie 1 esprit u'insurrection, commission qu'il a remplie et qu'il continue de remplir parfaitement bien ; enfin, il viola, envers M. de Charly, les sieurs Rivais, Crozat, Maréchal, officiers qui n'avaient pas voulu se ranger du parti des insurgés, et envers moi, non seulement toutes les lois civiles et militaires, mais encore celles de la bienséance: ce ne sera pas devant moi qu'il entreprendra et le bureau des maréchaussées de se disculper; parce que je leur répondrai : Si vous avez pu vous permettie de contrevenir à l'outre des choses établi, de l'intervertir cet ordre de choses, vous êtes convenu que vous auriez pu vous en dispenser.
M. Duporlail a succédé à M. de La Tour-du-Pin ; son silence envers nous cinq et le commandant du D tuphiné a été le même. Si ce changement de ministre ne nous a point été favorable, il a du moins appris à ceux qui ne le savaient pas que le ministre de la guerre n'avait le pouvoir d être honnête et équi table qu'en vers ceux qui achetaient les bonnes grâces des commis de ce département, ou qui avaient la coupable habitude de courber leur tête devant leurs petites passions.
Ce ministre, le 18 du mois de novembre, m'expédia une lettre que je reconnus être un piège que son bureau des maréchaussées me tendait. Je ne donnai point dedans : aussi ce bureau re-l commença-t-il à mettre à néant toutes celles que nous lui écrivîmes, soit pour le service, soit pour le prier de prendre notre position en considération.
Le 3 janvier, il y avait plus de 6 mois que j'endurais, dans le silence, tout ce que 1 honnêteté peut éprouver de plus affreux, j adressai à ce ministre ma lettre du 31 décembre : je le prévins que l'imprimeur m'avait manqué de parole, mais que, sous peu de jours, il recevrait sa suite; son bureau des maréchaussées vit que j allais I entacher pour jamais dans l'esprit de tout le militaire, puisque j'avertissais que je ferais parvenir dans toutes les garnisons du royaume une petite collection de ses gentillesses, de ses procédés antipacifiques; il m'expédia, sur-le-champ, une lettre non moins insidieuse et captieuse que celle du 23 juillet 1790, puisqu'il m'aunonça une cour martiale qui connaîtrait de tous mes griefs envers ma troupe ; il se permit une petite imposture dans celte lettre. Je la fis remarquer a M. importait; et je lui donnai assez de publicité, pour que tout le monde reconnût ce que je dis, au premier article du compte que je rends à Votre Majesté et à l'Assemblée nationale.
Le sieur Durand de Guny, à qui ce bureau a constamment tracé la conduite au'il devait tenir, et qu'il a eu soin d'informer et de faire informer des envt is, des demandes qui étaient faites contre luiet son parti, osa se permettre de convenir en public, même de le dire au commandant du Dauphi-né, et à M. de Charly, pour, sans doute, leur mieux apprendre encore qu'ils ne le savaient, qu'il n'était que l'instrument des vengeances de M. de La Tour-du-Pin et du bureau des maréchaussées ; que c'était un combat à mort qu'il me livrâ t; que dans le cas où je m'en relèverais, il était assuré d'avoir une bonne retraite, mais que, dans ce cas, jamais je ne devais m'attendre à commander les maré- haussées duDauphiné.
J'appris que ce lieutenant était celui qui vous avait fait invectiver dans le journal patriotique de Grenoble; qu'il avait dit qu'il était fort de sa correspondance avec M. de La Tour-du-Pin ; j'appris enfin qu'il avait dépêché son fils et le sieur Saint-Romain à Paris à l'effet de nous y dénoncer auprès des comités de 1 Assemblée nationale et du club des Jacobins pour des aristocrates, des ennemis de la Constitution, des hommes dangereux ; je jugeai que je devais aussi me rendre dans cette capitale, pour y apprendre l'accueil qu'y auraient reçu leurs calomnies, et ce que l'on voulait faire de nous. .
A mon arrivée, je m'adressai à M. Duporlail; plus de 50 personnes furent témoins que je lui dis toutes les horreurs que nous éprouvions depuis 8 mois, par les soins de son bureau des maréchaussées. Il me refusa d'abord l'audience particulière que je lui demandai, pour lui en mettre les preuves sous les yeux. Quand il les eut vues en parue, il me renvoya à l'Assemblée nationale. Je m'y adressai, elle me renvoya au comité militaire. Ce comité me laissa voir qu'il avait écouté favorablement les sieurs Durand et Saint-Romain: il me parla de m'adresser aux tribunaux ordinaires, comme s'ils pouvaient connaître des délits purement militaires ; enfin, M. de Noailles, son vice-président, me renvoya au comité des rapports; je fus à ce comité, il me renvoya à celui des recherches ; je fus à ce comité, il me renvoya au com.té militaire; je retournai à ce comité. Son président, M. Alexandre de Lameth, me dit que « l'on me donnerait une cour martiale, où je pourrais me justifier, me disculper. Ei de quoi? lui demandai-je? » et il me renvoya au ministre de la guerre; j'y retournai : M. Duporlail me dit de m'adresser au ministre de la justice : ce ministre m'écouta, me dit que l'on ne l'avait consulté que sur les formes : il me demanda de lui remettre un précis de mon affaire, pour qu'il pûi en causer avec M. Duportail; je le fis : enfin je me suis adressé à Votre Majesté, et elle a daigné s'occuper des nouvelles traverses que ses ennemis, ceux du bien public, me faisaient éprouver.
M. de Gharly ne se lasse point de rendre compte à M Duportail de l'inconduite
de la presque totalité des individus de ma compagnie; mais comme il n'en
reçoit pas de réponse, j'ai mis sous ses yeux plusieurs lettres de cet
inspecteur; elles lui ont appris « qu'il rougissait de la conduite de cette
troupe et de ses décisions, à lui, M. Duportail, à un point qui ne lui
permettait plus de se montrer au public; que les cavaliers se battaient à
coups de pieux, de bâtons; qu'ils insultaient, outrageaient le public et se
permettaient même des voies de fait vis-à-vis de lui; qu'enfin il de-
J'ai montré et lu à ce ministre mon opinion sur l'organisation de la gendarmerie nationale, ainsi qu'une lettre qui lui a appris que c'était le sieur Durand de Guny qui avait fait, avec le directoire du département de l'Isère, le travail relatif à cette organisation dans ce département ; que ce lieutenant avait arrangé toutes choses suivant ses intérêts, ses préventions; que conséquemment les sieurs Rivais, Crozat, Maréchal et autres bons sujets, allaient être sacrifiés ; il m'a répondu que ce serait tant pis pour le directoire, s'il faisait un mauvais choix : « F.iut-il donc, parce que je vois tout le monde donner à gauche, quitter moi aussi le droit? Non, parce qu'il n'y a que ce moyen de vivre et mourir sans remords. »
On se formera une idée des sieurs Durand de Cuny, Saint-Romain, Ghabrier, en apprenant que ces trois lieutenants ont dissipé la solde de leurs brigades ; qu'ils n'ont été conservés dans leur place que parce que le bureau des maréchaussées ne peut pas être scrupuleux, exact; qu'ils doivent à tout le monde, qu'ils sont sans talents, sans mérite aucun, si ce n'est le sieur Saint-Romain qui altère parfaitement bien les écritures, les signatures et les chiffres. Voilà comment il a pensé qu'il pourrait se libérer envers les brigades de son ancienne lieutenance de Gap, etc.
M. Routari, député de Qucrcy à l'Assemblée nationale, m'apprit tout récemment à l'hôtel d'E pagine n, où nous dînions ensemble, qu'il avait reçu la visite de cet officier ; qu'il l'avait prié, à litre de compatriote, de le recommander à M. Chabrou> qu'il l'avait fait, sans savoir de quoi il était question ; « que ce M. Chabrou lui avait répondu que ce lieutenant lui avait apporté des lettres de recommandation du corps administratif du Dau-phiné, ce qui faisait qu'il s'était chargé de sa défense, de le protéger ; M. Chabrou est membre du comité militaire; voilà donc que ledit sieur de Saiiit-Romain et ses aimables confrères, sont bien assurés d'être métamorphosés en honnêtes gens, et d'être nommés lieutenants-colonels de la gendarmerie nationale; il n'est donné qu'à M. Chabrou de faire de tels miracles. Aussi ne cléses-péré-je pas de le voir canoniser, même de son vivant. >
Il y a plus de quatre mois que M. Duportaii m'a promis une cour martiale; il y en a onze que i'insurrectiun de ma compagnie dure et il y en a trois que je suis à Paris, à prier, supplier, conjurer verbalement et par écrit, ce ministre de remplir la promesse qu'il m'a faite; toujours il m'a renvoyé au comité militaire, de qui il attendait, m'a-t-il dit, une réponse aux objections qui lui avaient été faites, louchant l'organisation de cette cour martiale, objections qu'il lui avait soumises.
Uue leltlre du sieur Durand de Guny à son fils, à Paris, et une de ce dernier à son père à Grenoble, ont été interceptées pour avoir été mal adressées, sans doute, et m'ont été envoyées ; deux autres lettres, l'une de la dame de Saint-Romain, et i' 'autre du sieur Ctiabrier, sont également tom- I bées entre les mains de M. de Charly, à Grenoble; je n'ai point gardé le secret sur les deux miennes; j'en ai remis des extraits à M. Duportaii, et ensuite je lui ai conlié les originales, pour qu'il connût mon exactitude.
Comme ces 4 lettres donnent le tii de la ligue odieuse qui s'est déclarée contre moi, qu'elles la développent; que celle du sieur Durand de C ïny père convient que je suis dénoncé à l'Assemblée nationale et au club des Jacobins, que le ministre peut, sans se compromettre, lui accorder une gratification de 100 écus pour le dédommager de sa dépense à Gap, ou pour avoir fait les fonctions de prévôt général, et qu'el'e ne laisse plus aucune issue au bureau des maréchaussées pour se sortir de l'embarras où l'ont mis ma protestation contre la commission et ma saisie des papiers remis et adressés à M. de Charly; ce bureau qui n'a jamais consulté que ses intérêts personnels, qui leur a toujours sacrifié et le bien général et la gloire des ministres, a, sans doute, soufflé ou fait souffler par sjs souffleurs, ses affidés ou ses complices, au comité militaire que ma plainte ne pouvait être portée à une cour martiale ; que la gendarmerie nationaleappartenantau civil, c'était au civil à connaître de tout ce qui la concernait ; que, con-sequemment, il fallait que je m'adressasse aux tribunaux ordinaires si je voulais obtenir justice « je puis le dire d'un tissu d'atrocités dont l'histoire de tous les temps et celle de tous les pays n'offrent point d'exemple ».
C'est M. Emery, membre du comité militaire, chargé du travail relatif aux cours martiales qui, le 25 du mois dernier, m'apprit, sur la terrasse des Feuillants, cette décision dont, me dit-il, il allait donner avis à M. Duportaii à l'instant même: je la lui écrivis ; je le priai de prendre comme non avenue la demande que je lui avais faite de rester attaché à la quatorzième division et de me placer dans le Languedoc; que j'attendrais un temps plus heureux pour poursuivre les réparations qui m'étaient dues. Ce ministre me dit verbalement, le premier de ce mois, qu'il avait récrit au comité militaire pour avoir la cour martiale que je demandais et qu'il m'avait promise.
J'ai demandé un conseil de guerre dès le mois de juillet 1790. Cette demande était fondée sur l'autorité de la loi même ; le décret de l'Assemblée nationale, du 6 du mois d'août, voulait que ce conseil de guerre me fût accordé. M. de La Tour-du-Pin et son bureau des maréchaussée ont pensé qu'ils pouvaient contrevenir à ce décret ; ils ont substitué, à ce conseil de guerre, une commission, parcequ'ilsne pouvaient pas exposer des gens qui n'avaient d'autres torts, envers moi, que celui d'avoir souscrit à devenir des inslru men ts de vengeance sous les promesses, sans doute, qu'ils obtiendraient, de cette m inière, une réhabilitation, que ne pouvaient leur accorder ni la loi, ni l'opinion publique, s'entend celle de la partie saine de la société. Ma protestation contre cette commission, si elle ne m'a pas garanti des pièges, affranchi des dangers dont je reste environné, m'a, du moins, donné le te.nps de les observer, d'en réfléchir le mécanisme, d'aviser aux moyens de les éviter, de les faire connaître de to.it le monde. On a vu que je m'en occupais sérieusement; on m'a annoncé une cour martiale, non pas que l'on voulût qu'elle eût lieu, mais pour laisser au temps à compliquer, à embrouiller celte affaire, de manière à ce que, ou l'organisation de la gendarmerie nationale ou les circonstances où je me trouverais, rendissent impossibles son instruction, son jugement. Le soin qu'on a pris d'informer de ces dispositions, le sieur Durand de Guny nous les ont appris, parce qu'il n'en a point fait un secret aux habitants de la ville de Grenoble.
A mon arrivée à Paris, je priai verbalement et par écrit M. Duportaii de m'en
tendre, en présence de ses commis du bureau des maréchaussées, et si ses
grandes occupations ne le lui permettaient pas, de donner cette commission à
Je me suis adressé à l'Assemblée nationale, à tous ses comités, au ministre do la justice et enfin à Votre Majesté, pour obtenir l'assistance et la protection de la loi, la cour martiale qui m'a été annoncée, promise par écrit; le comité militaire, trompé et égaré par tous ceux qui ont trempé dans cette conjuration, veut que ie m'adresse aux tribunaux ordinaires, comme si leur composition et leur esprit pouvaient les rendre aptes à connaître de délits militaires.
Il eût été plus simple que le bureau des maréchaussées me dit i » Nous ne souffrirons pas que l'autorité de la loi et du roi soit supérieure à nos passions ; ils ont estimé que vous deviez être réintégré dans votre emploi, sans considérer que si nous ne voulions pas que le grand Sevin dont nous sommes les émules, éprouvât encore cette humiliation, nous saurions si bien nous y prendre, que nous vous obligerions à renoncer à cet emploi ; vos subordonnés sont de mauvais sujets, nous le savons. Mais tels il nous les faut pourfaire respecter nos volontés, pour éloigner de nous ces honnêtes gens à talents, à principes, à caractère ; les gens qui composent les tribunaux ordinaires sont des gens comme nous ; si nous sommes injustes à votre égard, ils le seront aussi parce qu'on ne désoblige pas ceux qui donnent le mouvement à toute chose, et parce qu'en vous rendant la justice qui vous est due, ils craindraient d'encourir notre malveillance, fléau toujours actif contre la tranquillité de ceux qui, comme vous, ne veulent pas nous honorer comme des dieux; nous avons pourvu et nous continuerons de pourvoir encore à ce que vous ne puissiez voir la fin de votre affaire, à ce que vous ne puissiez faire face aux avances que nécessite sa poursuite, et à ce que la dose de patriotisme qu'ont empruntée ceux dont vous vous plaignez, aussi amèrement que de nous, suffise pour masquer toutes les taches qu'ils se sont faites. Si ces observations très judicieuses ne suffisent pas pour paralyser votre âme, votre discernement, vos raisonnements, nos intrigues, nos manœuvres y pourvoiront, parce que nous ne rougissons de rien ; nous vous l'avons prouvé. »
Je suis prévôt général du 1* juillet 1778. J'ai été sacrifié à l'astuce et aux détours de la cupidité du grand Sevin. Il est prouvé que, depuis que la loi et Votre Majesté m'ont réintégré dans mon emploi, je n'y ai fait d'autre fonction que de servir de plastron aux coups que j'y ai vu porter à leur autorité; le département de l'Isère, dans lequel je réside, ne sera donc pas fondé d'accompagner l'état de mes services d'observations à mon désavantage. S'il en était besoin je pourrais lui prouver qu'il a abusé de ma candeur de la déférence que j'ai euepourlui, et qu'il aétayé l'insurrection de ma compagnie. Je m'écarte, sans le vouloir, de l'ordre du jour; je puis donc prétendre être nommé colonel de la gendarmerie nationale, suivant mon ancienneté dans la colonne des prévôts généraux. J'ai demandé d'être placé dans le Languedoc parce qu'il n'y a pas de prévôt général. Si l'on couronne tous les forfaits, toutes les iniquités, toutes les atrocités, toutes les vexations, tous les dénis de justice qui m'ont alternativement appris, depuis 15 ans, à connaître nos administrateurs, en commettant l'injustice de me donner, une seconde fois, une pension de retraite, je ne pourrai davantage honorer ie nouveau régime que je n'ai honoré l'ancien.
Je sais que mes persécuteurs et leurs agents disent de moi ce qu'ils ne diraient pas s'ils pouvaient prévoir que leur témoignage pût me devenir utile ; c'est sans doute parce que j'ai prouvé que je ne savais point vivre sous le joug de la peur, parce qu'avec elle on est nul dans le monde et pour tout le monde, qu'ils m'ont rendu ombrageux à leur parti. Ces hommes pervers ont encore imaginé, pour donner de la vraisemblance à leurs calomnies, de me faire solliciter, pour que je me déclare de l'un ou l'autre parti, afin que quelques mots de mes réponses se trouvent y avoir de l'analogie. Pour que désormais, ils me laissent tranquille, voici ma professiou de foi.
Sous la domination d'un roi, je suis né, et sous la domination d'un roi, la Constitution même m'assure, me garantit que je mourrai. Je serai toujours zélé, exact à remplir les devoirs, les obligations des emplois que j'occuperai, les principes d honneur, d'honnêteté, d'équité et d'humanité, ou que j'ai reçus de la nature, ou que j'ai puisés a 1 école du monde et du malheur y seront toujours mes guides. Si telle, elle peut accréditer leurs délations contre moi. on est bien assuré que je n'entreprendrai pas de les détruire.
Voilà, Sire, voilà, Monsieur le Président, un précis de mon affaire. Je crois qu'elle est de nature à demander un moment d'attention de la part de Votre Majesté, de la part de l'Assemblée nationale. Cette confiance où je suis, Monsieur le Président, fait que je vous supplie d'ordonner que la lecture lui en soit faite, afin qu'elle décrète ce qu'elle croira être de sa justice.
Paris le
Signé : GAUTHIER D'AUTTEVILLE.
a la séance de l'assemblée nationale du
Adresse et pétition a l'Assemblée nationale délibérées, par les employés des bureaux de la régie générale, rassemblés entre eux le 22 février 1791, après en avoir prévenu M. le maire
Messieurs,
Nous étions convaincus, avant l'époque heureuse de notre Révolution, et
depuis, nous avons pu le professer hautement, que la régie générale des
aides n'avait dû subsister qu'en rampant sous
Elle nous impose des sacrifices, ils étaient prévus : nous les subissons avec calme et la plus grande confiance dans votre justice. Notre existence, comme corporation financière, eût formé autour d'elle un nuage qui l'aurait obscurcie à nos yeux mêmes ; elle s'en dégage et ne nous paraît que plus belle. De tous nos droits enfin, que la perte de notre état pourrait compromettre, le plus précieux pour nous est celui de la défendre, et de faire preuve de ce zèle civique, constant et réfléchi qui, animant aujourd'hui la nation française, neutralise les efforts coupables des ennemis du bien public, partout où ils tentent de détruire l'harmonie intérieure ; observe avec pitié les convulsions des émigrants et fugitifs, qui annoncent moins une vigueur réelle qu'une agonie prochaine, et qui, menaçant de toute son énergie les despotes qui formeraient le chimérique dessein d'éteindre le fanal que vous avez allumé en faveur de tous les peuples de la terre, leur ravivait bientôt le stérile avantage qui leur reste, d'en intercepter momentanément quelques rayons.
Nous sommes loin de nous enorgueillir d'un dévouement dont nous aurions désire de donner l'exemple ; l'époque seule de notre dissolution nous range dans la classe des imitateurs de ceux qui, se ralliant autour de l'autel de la liberté, brisent sous vos yeux lei tablettes de leurs privations, pour ne s'occuper que de vos bienfaits. Telles sont, Messieurs, les dispositions avec lesquelles nous venons vous soumettre une réclamation et quelques observations relatives à notre situation.
Réclamation. — Gratification de fin de bail échue au 1er janvier 1787. A cette époque, il était dû aux emplovés de la régie générale des aides une somme dé 250 livres (1), formant le quart de leurs appointements ; cette somme était payée de temps immémorial à eux, leurs héritiers,et ayants cause, sous le titre, tantôt de gratification de fin de bail, tantôt de travaux préliminaires, et était, en effet, la récompense et des opérations du bail expirant, qui se prolongeaient sur celui naissant, et de celles extraordinaires que ce dernier exigeait, quoiqu'elle ne se payât qu'au prorata de l'exercice de chacun, pendant les six années révolues. Jamais le payement de cette gratification, plus ou moins différée, 'n'a essuyé de contradiction formelle, pas même celui que nous réclamons aujourd'hui.
Plusieurs mémoires, présentés en 1787 au comité d'administration de la régie,
furent mis au nombre des affaires à rapporter, et se rapportèrent en 1788;
mais, avant de faire droit, on exigea que les employés des bureaux de
correspondance s occupassent d'opérations de comptabilité extraordi-
De son côté, l'administration s'est decidee, sur de nouvelles instances, à faire dresser les états d'émargement, qui n'ayant été présentés au visa qu'au moment où la pénurie du Trésor public était notoire, le ministre a dû répondre qu'il était impossible d'en autoriser la dépense. Cette décision contrastait cruellement avec nos facultés et nos arrangements, mais elle nous imposait si-
Pendant l'hiver rigoureux de 1789, quelques mémoires furent remis chez M. le premier ministre; il n'y a pas répondu, ou, les ayant renvoy és à la régie, ils y auront été perdus de vue. Aujourd'hui, Messieurs," vous seuls pouvez nous donner mainlevée d'une opposition de circonstances désastreuses qui vous ont précédés ; nous la sollicitons dans l'intime persuasion qu'elle est d'accord avec la sévérité de vos principes. Le décret qui anéantit cette espèce de gratification est une preuve que l'usage l'avait consacrée ; ce décret n'a point d'effet rétroactif, autrement les employés de la ferme générale, plus pressants et plus heureux que nous, dont les droits et le traitement sont les mêmes, auraient été contraints de la restituer ; ils en sont au contraire demeurés paisibles possesseurs, et la longue privation d'une portion de notre salaire, que des événements impérieux nous ont imposée, loin d'être un titre de prescription, est un troisième droit en notre faveur, pour implorer la justice de l'Assemblée nationale.
OBSERVATIONS. —Pensions, Remplacements.— Deux classes d'employés existent dans les bureaux de la régie générale.
La première, composée de ceux qui ont atteint ou dépassé le terme du décret sur les pensions, et de ceux qui sont parvenus au terme moyen de 20 et 30 ans de service, la plupart pères de famille et sans fortune.
La deuxième, de jeunes gens qui, au premier ou second pas de leur carrière active, prennent rang dans cette nomenclature, pour y mettre leur vœu tendant à obtenir, ainsi que les premiers, une pension qui néanmoins n'aurait lieu, à leur égara, que jusqu'au moment de leur remplacement, remplacement dont les abus seuls pourraient les éloigner, les dispositions de l'Assemblée nationale étant formellement énoncées dans ses décrets.
Un traitement de 1,500 livres, depuis le dernier bail, de 1,200 livres pendant le pénultième, et de 1,070 livres pendant l'antépénultième, sans aucun accessoire, si ce n'est la gratification précitée tous les six ans, laisse naturellement présumer que non seulement nous n'avons pu faire aucune économie, mais encore que notre existence devait être malaisée.
Notre salaire se payait sous deux dénominations, appointements de 1,200 livres et gratification de 300 livres, divisée par quartiers. Ces dénominations différentes sont nulles par le fait, et pourraient induire en erreur, si la valeur des mots influait sur la fixation des pensions. Il est essentiel de certifier à l'Assemblée que cette gratification prétendue n'est point éventuelle ; que le laborieux, le négligent, l'assidu et le dissipé y ont également droit; c'est une portion fixe de leurs émoluments.
En remontant à l'origine, un motif de prévoyance et d'intérêt a opéré cette distinction.
Lorsqu'un employé avait atteint le terme de la pension, elle n'avait pour base que les appointements; c'est cependant ce mode de pension qu'il est intéressant de mettre sons les yeux de l'Assemblée.
Dans le cas de suppression ou d'un événement quelconque, qui mit un commis hors d'état de rendre un service utile, son droit à la pension était incontestablement acquis à 20 ans d'exercice révolus. 11 l'était aussi pour tout autre; mars la compagnie ayant intérêt à ne pas multiplier les pensionnaires, et l'employé à jouir de la totalité de son traitement, peu de demandes étaient formées et accordées â l'époque fixe. Il est encore vrai que la fixation ne s'accroissait pas graduellement avec les années qui dépassaient le terme, mais elle était de moitié des appointements. Sans cet avantage, beaucoup de sujets n'auraient pas subi une épreuve de 3, 4, 5 et 6 ans de surnumé-rariat, pour s'asservir ensuite à un emploi monotone, sans espoir d'avancement, puisqu'une délibération des anciens fermiers des aides interdisait aux employés des bureaux de Paris tout accès aux emplois supérieurs.
Indépendamment de ce droit, nous invoquons encore celui résultant des retenues qui nous ont été faites sur nos appointements, pour former un fonds destiné à nos retraites.
C'est ici, Messieurs, l'instant, que les employés de la régie générale saisissent, pour vous prier de peser, dans votre sagesse, si le décret relatif aux pensions doit particulièrement frapper sur eux. Ils se trouvent dans une position différente du motif qui vous a alors déterminés, et qui avait plutôt en vue rétablissement d'un ordre nouveau, que la destruction d'un droit préexistant en leur laveur, droit qu'ils vont tâcher de rendre encore plus intéressant par les considérations suivantes. , Si la régie générale n'eût subi qu'une suppression partielle, les employés qui n'auraient été que suspendus de leurs fonctions, n'auraient pas cessé d'être à même de suivre les mouvements qui auraient pu donner lieu à leur remplacement. En cette circonstance, un secours momentané leur eût suffi ; mais la dissolution de la régie est totale : elle arrive dans un moment où il n'existe plus de places à douner dans les nouvelles administrations, où l'on se propose même d'exercer des réformes, et dès lors les employés ont à lutter et contre la perte de leur état, et contre l'incertitude de le recouvrer.
Dans cette position cruelle, une pension réglée par vous, Messieurs, d'après la totalité des émoluments fixes, est le seul espoir de ces employés qui, se rappelant un instant la bonification résultant de la suppression des frais de régie, dont le traitement des employés en général formait la majeure partie, ne peuvent appréhender que votre délicatesse répugne à mettre cette pension au nombre des dépenses publiques, dépenses qui d'ailleurs s'éteindront successivement, soit par le remplacement des sujets qui, dans la vigueur de l'âge, sont portés par l'instinct impérieux du besoin, a se procurer un sort égal à celui qui leur échappe, soit par le décès de ceux d'entre nous dont l'âge déjà trop avancé ne leur laisse d'autre regret que celui de ne pas vivre assez longtemps, pour consacrer de plus longs jours au service de la patrie.
Jusques ici, Messieurs, notre soumission, comme employés de la régie générale, n'avait été que passive : aujourd'hui, celle que nous venons professer devant vous, quelle que soit votre décision sur notre sort, est l'acte a'une liberté naissante que vos constants travaux et votre courage nous ont acquise et que nous conserverons d'autant plus précieusement, qu'elle est la mesure la plus juste de notre confiance et de notre respectueux dévouement.
Signé : Savy, Jacoutot, Chéruot, La Fenêtre, Desormeaux, Bertaud, de la Haute, Bré-viguon, Pilon, Hardy, Ghâtelet, Champion, Dambry, Lefrançois, Létourneau, Dufour, Balingan, Chrétien, Saint-Aunay, Galhiard, Goureau, Guyon, de Lépine, Sautreau, La Touche, Lemaistre, Jol-ïeain, Vaux doré, Miion, Pérard, Alexandre, Malot, Brunei, Martin, Lanier, Du-buisson, Laurent, Fouache, Caffin, Bé-hier, Alquier, Douet, André, Levasseur, Lebeau, de Goy, Louvel, Sijas, Duquet, Bessiére, Duclos, Barouillet, Gaillard, Langlois, Tirpenne l'aîné, Bastide, Au-diau, Houet, Petit, Pruvost, Garnier, Mossat, Quesnel, Sonnois, Baudet, Lan-dragin, Lagarde, Sijas, Guyon, Oudard, Potier, Godeau, Caillot, Forneret, Lou-bert, Genay, Jacquenet, Grébert, etc...
copie de la lettre des employés des bureaux de la régie générale à Messieurs les régisseurs généraux, en date du 23 février 1791.
Messieurs,
Nous avons l'honneur de vous prévenir que MM. les employés des bureaux s'étant assemblés hier pour délibérer entre eux sur le parti qu'il conviendrait de prendre, d'après les décrets qui suppriment les différentes perceptions qui constituaient la régie générale, ils ont arrêté de présenter à l'Assemblée nationale une adresse ou profession de foi de leur attachement à la Constitution, une réclamation de la gratification de fin de bail, dont l'état de pénurie du Trésor public les a privés en 1788, une pétition relative aux pensions et remplacements ; et ils étayent leurs droits de toutes les considérations qui leur ont paru devoir les rendre plus intéressants.
Dans la circonstance malheureuse où ils se trouvent, ils osent réclamer vos bons offices dont ils sentent tout le prix, et ils vous supplient de les appuyer par tous les moyens qui sont en votre pouvoir.
Nous avons,l'honneur d'être, avec un très profond respect, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Signé : Milon et Béhier, commissaires.
réponse de Messieurs les régisseurs aux employés des bureaux de la régie générale.
Nous avons reçu, Messieurs, Ja lettre par laquelle vous nous faites part des
démarenes que MM. les employés des bureaux se proposent de faire auprès de
l'Assemblée nationale pour réclamer sa justice. Vous avez vu, Messieurs, par
la circulaire que nous nous sommes empressés d'adresser a nos directeurs
dans les provinces, combien nous avions eu à cœur, dès Je premier moment,
d'employer tous les moyens qui sont en nous pour assurer le sort de tous, et
vous avez dû, en conséquence, être d'avance
Nous avons l'honneur d'être, Messieurs, vos très humbles et très obéissants serviteurs.
Les régisseurs généraux des comités,
Signé : didelot, Sanlot, Plouvié, Bry, Muiron et Tancarville. A Paris, le
Nota. — Si les employés de la régie se sont déterminés à insérer leur lettre et la réponse de MM. les régisseurs généraux, c'est qu'ils ont cru ne pouvoir témoigner trop publiquement, à ces supérieurs, combien ils sont sensibles a leurs dispositions favorables.
discours prononcé par un député des employés des bureaux de la régie générale des aides, au club des amis de la Constitution, le 25 février 1791.
Messieurs, les employés des bureaux de la régie générale des aides se sont réunis, mardi 22 février, après en avoir prévenu M. le maire de Paris, pour rédiger une adresse et une pétition à l'Assemblée nationale.
Le projet d'adresse lu, discuté dans cette séance, adopté par la majorité, est proposé à la signature. Alors les diverses impressions nées de l'habitude de fléchir sous un joug impérieux se sont manifestées. Un grand nombre a souscrit ce premier acte libre, avec l'assurance que donne le droit acquis d'exprimer son opinion ; quelques-uns ont cru que leurs vœux, proférés par des organes supérieurs, n'en seraient que plus favorablement accueillis; d'autres ont pensé que l'on ne pouvait délibérer entre soi, sans un aveu préalable de ses commettants. Ici un groupe agite s'il signera; là on hésite, on s'éloigne même.
Dans celte fluctuation d'opinions, on ouvre l'avis d'aller professer son attachement à la Constitution, au sein de ses vrais amis, alors tout le monde se rallie, le vœu est unanime.
Ce n'est pas, Messieurs, la seule preuve d'union de foi et de principes que nous puissions vous donner. Si nous parcourons les différents grades de nos bureaux, nous compterons beaucoup de subalternes de tout âge, armés pour la défense de la Constitution et de la patrie. Parmi les intermédiaires, il en est qui, armés comme les premiers, discutent au milieu de vous, Messieurs, les moyens de propager la liberté recouvrée; d'autres, qui sont revêtus des fonctions honorables et pénibles de concilier les divers intérêts, dès le principe des contestations ; d'autres de substituer l'application d'une loi bienfaisante à l'exécution de ces ordres arbitraires sous lesquels gémissait surtout la classe infortunée de nos concitoyens. Enfin, si nous remontons jusqu'aux dispensateurs de nos emplois, nous en trouverons qui, doués de toutes les vertus sociales, ont passé du dépouillement d'un scrutin par tous les degrés de la confiance publique, jusqu'à l'administration de dépaite-ment, et ont prouvé que les fruits du patriotisme pouvaient mûrir jusque dans les serres du despotisme.
Pour achever notre mission, nous sommes chargés, Messieurs, de vous demander qu'il nous soit permis de vous donner lecture de l'adresse et pétition que nous avons rédigées, à l'effet d'intéresser, en notre faveur, la justice et la bienfaisance de l'Assemblée nationale, et de les déposer sur votre bureau. Guidés par vous dans la marche que nous avons à tenir pour être entendus à la barre, nous sommes assurés du succès.
Mais, avant toutes choses, nous professons hautement, Messieurs, que, quel que soit le sort qui nous est préparé, rien ne pourra refroidir notre amour pour la Constitution sainte que nous avons tous juré, et que nous jurons de maintenir aux dépens de nos fortunes et de notre rang, et qui chaque jour retrouve plus particulièrement en vous de si zélés défenseurs.
présidence de m. d'andré.
Séance du
La séance est ouverte à six heures du soir.
Messieurs, depuis quelque temps, ou se plaît à répandre les bruits les plus inquiétants sur la conduite des garnisons. Le journal de Gorsas vient tout récemment d'annoncer qu'il régnait une grande mésintelligence entre le régiment de Navarre, en garnison à Yalenciennes, la garde nationale et les autres régiments de cette ville. Rien de tout cela n'est vrai.
La municipalité, en m'instruisant de cette fausseté, me charge, à la demande du régiment de Navarre, de détromper tous ceux qu'elle pourrait avoir induit en erreur, soit l'Assemblée nationale, soit les comités, et d'assurer qu'elle n'a pas vu sans chagrin qu'on ait cherché à faire croire qu'elle pouvait avoir des raisons de se plaindre de la conduite du régiment de Navarre ou de ses chefs, tandis que tous se sont conduits jusqu'à présent de manière à mériter toute sa confiance.
Je demande, en conséquence, qu'il soit fait mention dans le procès-verbal de l'Assemblée de la rectification ae cette calomnie.
(Cette motion est décrétée.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adressé de la société des amis de la Constitution de JuiUy, qui fait part à l'Assemblée de l'arrêté qu'elle a pris d'acquitter provisoirement une partie des contributions à compte de ce que les lois nouvelles lui imposeront, sans attendre que le mode nouveau soit établi, et des moyens qu'elle emploiera pour hâter le recouvrement.
Adresse de la commune de Saint-Sever, chef-lieu de district, qui adhère à l'adresse du département de Paris au roi, du mois d'avril dernier.
Messieurs, un de mes concitoyens, M. Codet, homme de loi, citoyen de Rennes, fait hommage à 1 Assemblée d'un plan d'éducation et d'instruction nationale de sa composition; cet ouvrage, vraiment intéressant, renferme les vues les plus sages et les plus utiles sur cet objet important.
Je demande que l'Assemblée agrée l'hommage que lui fait M. Codet, que son
ouvrage soit renvoyé au comité de Constitution et qu'il en soit
Un membre du comité d'aliénation propose, au nom de ce comité, un projet de décret portant vente de domaines nationaux à diverses municipalités.
Ce projet de décret est ainsi conçu : c L'Assemblée nationale, sur le rapport qui lui a été fait par son comité de l'aliénation des domaines nationaux, des soumissions faites suivant les formes prescrites, déclare vendre les biens nationaux dont l'état est annexé aux procès-verbaux respectifs des évaluations ou estimations desdits biens, aux charges, clauses et conditions portées par le décret du 14 mai 1790, et pour les sommes ci-après, payables de la manière déterminée par le même décret, savoir :
A la municipalité de Moutier-Saint-Jean, département de la Côte-d'Or,
pour................ 441,388 1. 4 s. » d.
A celle de Dijon, même déparlement,
pour................ 785,383 15
A celle de Moulins-en-Gilbert, département de la Nièvre,
pour................ 381,045 » »
A celle de Montpellier, département de
l'Hérault, pour...... 26,500 » »
A celle de Chalon-sur-Saône, département de Saône-et-
Loire, pour......... 88,911 » »
A celle de Rouen, département de la Seine-Inférieure,pour. 1,279,852
A celle de Saint-Eus-tache-Laforêt, même département, pour... 7,981
A celle de Samt-Ro-main-de-Col bosc, même département,
pour............... 24,305
A celle de Fréville même département,
pour............... 10,333
A celle de Blécourt, département de la Haute-Marne, pour.. 17,449
A celle de Blume- 4 merée,même département, pour....... 13,290 2 2
A celle de Chevry, département de l'Ain,
pour............... 7,667 » »
A celle de Lisieux, département du Calvados, pour........ 273,605 18 10
A celle de Toulou-jac, département de
l'Aveyron, pour..... 26,744 8 8
A celle de Genne-ville, département du
Calvados, pour...... 43,076 » »
A celle de Pi ené-le-Puceux, même département, pour........ 38,788 15 »
A celle de Solliés-la-Ville, département du
Var, pour........... 46,527 12 6
A celle de Moussier,
17 8
12
15
département des Basses-Alpes, pour...... 37,2221. 7 s. » d.
A celle de Feissal, même département,
pour................ 2,150 » »
A celle de Radon-villiers, département
de l'Aube, pour...... 75,687 2 »
A celle de Vandœu-vre, département de
l'Aube, pour......... 33,720 » »
A cille de Bar-sur-Seine, même département, pour.......... 10,542 17 2
A celle de Bar-sur-Aube, même département, pour.......... 341,545 12 »
A celle de Quim-perlé, département du
Finistère, pour...... 394,473 10 8
A celle de la Croix, département d'Indre-
et-Loire, pour....... 43,535 8 »
A celle de Mones, même département,
pour................ 10,373 8 »
A celle de Saint-Mar-tin-le-Beau, même département, pour..... 63,993 19 4
A celle ae Cholet, département de Maine-et-Loire, pour......... 278,6ia 6 1
A celle d'Athée, département d'Indre-et-Loire, pour.......... 46,701 12 »
A celle de Bléré, même département, pour................ 185,196 12 8
A celle de Beaufort, département de Maine-et-Loire, pour....... 95,411 6 2
A celle d'Issoudun, département de l'Indre, pour........... 507,164 12 6
Le tout ainsi qu'il est plus au long détaillé dans les décrets de vente et estimation respectifs annexés à la minute du procès-verbal de ce jour. » (Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est un rapport des comités de mendicité et de finances relatif à un prêt à faire par la caisse de l'extraordinaire aux administrateurs de l'Hôpital général et de VHôtel-Dieu de Rouen.
au nom des comités de mendicité et de finances. Messieurs, vos comités de
mendicité et de finances ne peuvent différer de vous présenter les
réclamations très pressantes du département de la Seine-Inférieure sur
l'état actuel des caisses des établissements publics de la ville de
Rouen ; résultat inévitable de la suppression subite des droits d'entrée
qui laisse jusqu'au remplacement espéré, au moyen des sous additionnels,
un intervalle bien effrayant, lorsqu'on considère que l'épuisement de
ces caisses se fait sentir plus particulièrement dans le service très
important des deux hôpitaux de cette ville. Vos comités de mendicité et
de finances ont donné une attention particulière à la correspondance
très intéressante et très détaillée du directoire du département de la
Seine-Inférieure sur£la*posi-
Je vous ai entretenus en décembre dernier de la situation des hôpitaux de Rouen : vous prîtes alors en considération les représentations du directoire du département de la Seine-Inférieure, et, les trouvant justes, vous décrétâtes, le 15 du du même mois, que les droits réservés qui se percevaient au profit du gouvernement, et dont la perception devait cesser le 31 décembre, continueraient d'être perçus provisoirement au profit des hôpitaux de Rouen, à compter du 1" janvier et jusqu'à ce qu'elle eût statué par une loi générale sur le régime ultérieur à donner à cés établissements.
Cet avantage leur est enlevé par le décret qui a supprimé, a compter du 1er de ce mois, tous les octrois qui se percevaient aux entrées dans les villes, et il en résulte que non seulement ils se trouvent privés dés 290,000 livres que devaient leur procurer annuellement les droits réservés, mais encore du produit des anciens octrois dont la perception se faisait à leur profit depuis nombre d'années; en sorte qu'à l'insuffisance démontrée par l'état remis en octobre dernier, et qui se montait à............................ 250,000 liv.
il faut y ajouter ce qu'ils recevront de moins par la suppression des anciens octrois,, .qui,. d'après le calcul fait de la perception de plusieurs années, forment un objet de......................... 183,000
L'insuffisance annuelle des deux hôpitaux se trouve donc être, dans le moment actuel, de............. 433,000 liv.
Le directoire du département de la Seine-Inférieure, ne perd pas de vue que les sous additionnels sur les impositions, auxquelles les habitants seront assujettis,doivent remplacer les produits des octrois ; mais, à l'égard des hôpitaux, le besoin est actuel et pressant, il faut journellement fournir à l'entretien et à la subsistance des malheureux, que l'excès de leur misère a mis dans la nécessité de réclamer les secours des hôpitaux. Quelle que soit la diligence qu'on puisse faire, il est de toute impossibilité que l'assiette de l'impôt et la perception puissent s'effectuer avant le mois d'octobre. Jusqu'à cette époque, comment fournir au service des hôpitaux du royaume? Le comité de mendicité, après avoir bien établi, au directoire du département de la Seine-Inférieure, qu'il n'y avait, dans les principes ni dans les décrets précédents de l'Assemblée nationale, aucun moyen de donner à ces importants établissements des secours pris sur les fonds nationaux, a d'abord proposé de pourvoir à ceux de Rouen par un emprunt ou par des avances, ou enfin de la manière que le directoire du département jugerait la plus propre à arriver au moment de la perception ; mais les tentatives d'un emprunt seraient absolument vaines de la part des municipalités, comme de celle des hôpitaux ; la suppression de leurs revenus et leur détresse actuelle sont trop notoires pour qu'il fût possible d'attirer la confiance des prêteurs, et de se procurer des fonds par cette voie; il est également impraticable d'y suppléer par des avances; il faut avoir des fonds h sa disposition, et le directoire du département n'en a aucun.
Dans cette position, le directoire du département de la Seine-Inférieure a jeté les yeux sur cette précieuse ressource, que vous avez donnée aux municipalités, par le partage d'un seizième dans le bénéfice des enchères de la vente dès biens nationaux, pour lesquels elles auraient fait des soumissions, et il s'est persuadé que la municipalité de Rouen ne balancerait pas de l'offrir en garantie des secours que vous voudriez bien, Messieurs, avancer au département à titre de prêt, et jusqu'à ce que les deux hôpitaux de Rouen puissent jouir du revenu qui sera déterminé en remplacemènt des droits supprimés. Le directoire du département a en effet reçu l'acquiescement de la commune de Rouen pour cette garantie; cette ville a en tout temps signalé son zèle pour l'entretien et la conservation des hôpitaux, et elle renferme 40,000 ouvriers dans son sein ; elle n'a pas dû limiter les secours qu'exige une pareille population et c'est particulièrement dans les circonstances actuelles qu'elle ne calcule plus les sacrifices nécessaires pour arrêter les effets que pourrait faire naître le désespoir des malheureux qui regardent ces hospices comme un asile destiné à leur fournir les soulagements que leur âge ou leurs infirmités exigent; il faut enfin pourvoir chaque jour à la subsistance de 4,700 individus annuellement à la charge des deux hôpitaux de Rouen.
Vos comités de mendicité et de finances ont été frappés de l'importance des circonstances dans lesquelles le directoire du département de la Seine-Inférieure vous adresse ses réclamations: ils ont reconnu la sagesse des dispositions qu'il vous propose et les ont accueillies avec d'autant plus d'empressement, que si de pareils établissements dans le royaume, également privés par des octrois supprimés des revenus dont ils jouissaient, se présentent avec le même expédient qui vous est proposé par le directoire du département où ils sont situés ; si cette dispositon est appuyée du vœu et de l'acquiescement de la commune de la ville où ils sont établis ; si, ainsi
ue la municipalité de Rouen à laquelle, par vos
écrets, vous avez adjugé pour 27,647,0161.2 s. 4d. de biens nationaux, le seizième du bénéfice sur les enchères vous présente une garantie au-dessus de la somme demandée; si enfin ces avances vous sont demandées, ainsi que je le fais, au nom de vos comités de mendicité et de finances réunis : vous pourrez adopter en leur faveur les mêmes dispositions.
Voici le décret que je suis chargé de vous présenter :
L'Assemblée nationale décrète qu'il sera payé en 12 mois, par la caisse de l'extraordinaire à titre de prêt, aux administrateurs de l'Hôpital général et de l'Hôtel-Dieu de Rouen, la somme de 500,000 livres, à raison de 41,666 1. 13. 4 d. par mois, laquelle somme sera rétablie dans celte caisse par le produit des sols additionnels aux contributions foncière et mobilière à imposer en 1791, et à la garantie du seizième revenant à la municipalité de Rouen, dans le produit de la vente des biens nationaux, dont elle est soumissionnaire.
« La somme de 500,000 livres sera distribuée entre les deux hôpitaux par le directoire du département, à proportion de leurs besoins respectifs les plus pressants ».
(Ge décret est adopté.)
Un de MM. les secrétaires fait lecture d'une note du ministre de la justice portant énumération des divers décrets sanctionnés par le roi. Cette note est ainsi conçue : « Le roi a donné sa sanction, le 25 mare, au décret du 22, contenant diverses mesures et dispositions pour la liquidation de dépense publique.
« Le 6 avril, aux décrets des 13 août, 20 et 21 décembre 1790, relatif aux apanages.
« Au décret du 19 mars 1791, concernant les baux emphytéotiques.
« Au décret du 24 dudit mois, concernant un deuxième état de répartition de la somme de 621,681 1. 4 d. accordée pour secours dans chacune des années 1790 et 1791, aux ci-devant pensionnaires âgés de 7Q ans et au-dessus.
¦ Au décret du 30, relatif aux travaux du canal de Nivernais.
« Au décret du même jour, qui charge le Trésor public d'avancer 2 millions pour ie payement des ouvrages d'arts et d'entretien des routes déjà faites cette année, sauf le remplacement sur les départements pour les parties qui devront être à leur charge.
« Au décret du même jour, qui oblige ceux qui occupent, pour l'exercice de leur profession, des ateliers, chantiers, boutiques et magasins, à en déclarer la valeur locative et leur situation.
« Au décret du 31, portant diverses dispositions relatives à remplacement des directoires de Bourbon-Làncy, département de Saône-et-Loire, et d'Is-sur-Til, département delà Côte-d'Or.
« Au décret du même jour, relatif à l'administration du collège de? Irlandais, dit des Lombards.
« Au décret du même jour, qui valide l'élection des juges du tribunal d'Uzès, faite à Nîmes au commencement du mois de mars.
« Au décret du lw avril, portant nouvelle circonscription des paroisses de Rennes, de Bourges, de Moulins, de Senlis, de Gien et de la Guerehe.
« Au décret du 2, qui autorise le directoire du département du Bas-Rhin à imposer, cette année, sur les contribuables dudit département, une somme de 153,930 livres, tant pour effectuer avec les objets de recouvrement, indiqués par le décret, le remboursement de 240,000 livres d'avances faites, que pour subvenir aux frais de l'administration.
« Au décret du même jour, concernant le payement des rentes dues par l'Etat aux fabriques, écoles, collèges, pauvres des paroisses, et autres é t 11)1issgmgïts
« Au décret du même jour, relatif aux troubles qui ont eu lieu dans la ville de Toulouse, les 16, 17 et 18 du mois de mars.
u Au décret du 3, concernant l'exécution des articles 4 et 8 de la section première du décret du 22 janvier 1790, concernant les corps administratifs.
« Au décret du même jour, relatif aux quittances qui seront données par les créanciers de l'Etat, pour appointements, gages, salaires et autres parties de la dette arriérée.
« Au décret du 4, qui fixe, pour la présente année seulement, les qualités requises pour être éligible aux cures et appelé aux vicariats, et règle la manière de procéder contre les ecclésiastiques et laïques qui se trouveraient dans les cas prévus par les articles 6, 7 et 8 du décret du 27 novembre 1790.
Au décret du même jour, qui charge la haute cour nationale provisoire, séant à Orléans, d'instruire et de procéder contre le cardinal de Rohan et ses agents, complices, fauteurs et âdhérents.
« Le 10 avril, au décret du 7 mars 1791, concernant les primes et encouragements.
« Au décret du 10 du même mois, relatii aux ordres à donner pour l'exécution des décrets concernant la contribution patriotique.
« Au décret du U, relatif au payement dont les fermiers sont tenus, jusqu'à l'expiration de leurs baux, envers les propriétaires, pour la dîme, les vingtièmes, capitation, taille, et autres contributions.
« Au décret des 16 et 17, concernant la contribution 'mobilière et la contribution foncière, pour l'année 1791. .
« Au décret du 25 mars, concernant 1 exécution du tarif général des droits, à compter du 15 avril prochain.
« Au décret du 26 mars, concernant les professeurs de théologie du collège de Rhodez, nommés par le bureau de ce collège.
« Au décret du 2 avril relatif au renvoi par-devant le tribunal provisoirement établi à Orléans, des sieurs Fontarèche, d'Entraygues, de Cabane, et autres qui ont signé des délibérations prises dans les assemblées des soi-disant catholiques de Nîmes et d'Uzès. .
« Au déqret du 3 avril, concernant la composition de la commission qui sera chargée de surveiller la fabrication des espèces, et de pourvoir " la décharge définitive des directeurs des monnaies.
Au décret du 4 avril, concernant le nouvel édifice de Sainte-Geneviève, qui sera destiné à recevoir les cendres des grands hommes, à dater de l'époque de la liberté française.
« Au décret du même jour, relatif à l'acquisition à faire par les départements de l'Oise et d'ille-et-Vilaine, et de la Seine-Inférieure, de différents emplacements.
« Au décret du 5 avril, concernant le payement des rentes sur les biens nationaux,,et de la valeur des dîmes dont jouissaient les hôpitaux, maisons de charité et fondations pour les pauvres, en vertu de titres authentiques et constatés.
« Au décret du même jour, relatif à la circonscription des paroisses de la ville d'Evreux.
« Au décret du 6 avril, concernant les porteurs de billets des ci-devant administrateurs des domaines, qui font partie de l'arriéré de la dette de l'Etat.
« Au décret du même jour, concernant l'élection du sieur Quinot, comme suppléant du tribunal du district de Neufchâteau, et une délibération du département des Vosges.
Au décret du même jour, concernant les acquits-à-caution délivrés pour empêcher la fraude des droits de traite3 à la circulation.
« Le 15 avril, au décret du 7 du même mois, relatif à l'administration de l'hôpital des Quinze-Vingts.
« Au décret du 8 avril, portant qu'il sera payé, par le Trésor public, une somme de 18,000 livres, pour être employée conformément aux dispositions de l'édit du mois d'août 1786.
« Au décret du même jour, portant abolition de toute inégalité résultant, entre, héritiers aô intestat, des qualités d'alné ou puîné, et de la distinction des sexes.
« Au décret du 9 avril, concernant la nouvelle fabrication des monnaies du royaume.
« Au décret du même jour, relatif à la pêche aux bœufs sur les côtes des
ci-devant provinces de Languedoc et de Roussillon, et à établisse-
« Au décret du même jour, relatif aux troubles de nie de Cayenne.
« Au décret du même jour, qui autorise le directoire du département de Maine-et-Loire, à acquérir la maison des Jacobins de la ville d'Angers.
« Au décret du 10 avril, relatif au payement de l'arriéré de 1789, des ponts et chaussées.
« Au décret du même jour, concernant les intérêts du remboursement accordé aux officiers ministériels.
« Au décret du même jour, concernant le payement des parties des différents emprunts qui sont sortis en remboursement par la voie des derniers tirages.
« Le 17 avril, au décret du 28 février, concernant l'exercice des actes de la souveraineté, de la police des tribunaux, et l'obéissance à la loi et a ses ministres.
« Au décret du 9 avril, relatif à la circonscription des paroisses des villes de Noyon, Quimper, Nevers, Angers et Tours.
« Au décret du 14 du même mois, relatif à l'installation du tribunal de cassation, à l'exercice de ses fonctions, et à la suppression des offices des avocats aux conseils.
« Au décret du 15 du même mois, concernant la destitution et le remplacement des professeurs et autres fonctionnaires publics, dans les départements de l'instruction, des chapelains et desservants d'hôpitaux, de prisons, qui n'auront pas prêté serment.
« Au décret du 30 mars, qui fixe les qualités requises pour être président et accusateur public d'un tribunal criminel.
« Au décret du 28 d u même mois, concernant les invalides.
« Au décret des 11 et 12 avril, portant que le sieur Piquet, officier municipal de Douay, ne sera point compris dans le décret du 19 mars, qui ordonne l'arrestation des officiers municipaux de cette ville.
« Au décret du 12 du même mois, qui conserve provisoirement l'organisation de la garde nationale de Saint-Chinian.
« Au décret du même jour, relatif aux places vacantes, par mort ou démission, dans les directoires de département ou de district.
« Au décret du même jour, qui ordonne à tous les directoires des districts d'envoyer au comité d'aliénation, dans le délai d'un mois, l'état de la valeur présumée de tous les domaines nationaux compris dans leur circonscription.
Au décret du même jour, qui autorise le directoire du département de la Creuse, à acquérir la maison des Récollets de Guéret.
Au décret du même jour, relatif à la liquidation des dettes des ci-devant pays d'Etats qui doivent être à la charge de la nation.
« Au décret du 13 avril, portant que celui relatif à l'abolition du droit d'aubaine et de détraction sera exécuté dans toutes les possessions françaises même dans les deux Indes.
Au décret du même jour, qui autorise le directoire du district de Saint-Yrieix, à louer la maison des Récollets de cette ville.
« Au décret relatif à la circonscription des paroisses de la ville de Metz.
« Au décret du 14 du même mois, qui maintient l'exécution des lois, statuts et règlements existants, relatifsà l'exercice et à l'enseignement de la pharmacie.
« Au décret du même jour, concernant la trésorerie nationale.
« Le 20 avril, au décret du 13 du même mois concernant l'abolition de plusieurs droits seigneuriaux, notamment de ceux qui étaient ci-devant annexés à la justice seigneuriale, et le mode de rachat de ceux qui ont été précédemment déclarés rachetables.
« Au décret du 14 du même mois, concernant \a liquidation de différents offices, pour la somme de 28,842,194 1. 15 s. 5 d.
« Au décret du 15 du même mois, concernant divers emplacements que les directoires des districts de Château-Chinou, de Pont-Audemer, et le directoire du département du Puy-de-Dôme, sont autorisés à louer.
« Au décret du 16 du même mois, contenant des articles additionnels au décret du 28 janvier qui ordonne la levée de 100,000 soldats auxiliaires.
« Au décret du même jour, concernant l'établissement de tribunaux de commerce dans les villes de Colmar, Annonay, Aubenas et Cherbourg.
« Oe 4 suppléants dans celui de Nantes. « D'une juridiction de prud'hommes pêcheurs a Martigues;
« Et la réunion de plusieurs communes à diverses municipalités.
« Le 24 du même mois, au décret des 1er et 4 mars, relatif à la prohibition de l'entrée dans le royaume, du tabac fabriqué, et à ceux qui pourront y être importés.
« Le 27 du même mois, au décret du 12 mars, contenant un article additionnel au décret du 12 mars, relatif à diverses dépenses à acquitter par la cais.-e de l'extraordinaire. J " Au décret du 26 mars, relatif à l'emplacement définitif du district établi dans la ville de Guin-guamp.
« Au décret du même jour, concernant l'acquisition que le directoire du district de Gournay est autorisé à faire de la maison des Capucins.
« Au décret du 29 du même mois, concernant 1 acquisition de la maison des Capucins de la ville du Puy, que le directoire du département de la Haute-Loire est autorisé à faire.
« Au décret des 8, 12 et 14 avril, concernant les créances exigibles, et les rentes perpétuelles et viagères des maisons, corps, communautés et établissements supprimés.
« Au décret du 16 du même mois, relatif à l'avancement du corps de l'artillerie.
« Au décret du 17 du même mois, concernant divers objets de liquidation.
« Au décret du même jour, concernant différentes dépenses à acquitter en masse par la caisse de ^extraordinaire.
« Au décret du même jour, relatif à l'acquittement, par la caisse de l'extraordinaire, de la depense du culte de l'année entière 1790, et des 6 premiers mois de ladite année, et du traitement des ecclésiastiques pensionnés.
« Au décret du même jour, concernant la séparation des dépenses décrétées pour l'année 1791 d avec les dépenses des années antérieures. ' « Au décret du 18 du même mois, concernant les baux emphytéotiques.
« Au décret du 20 du même mois, concernant divers emplacements que le
directoire du district de Lure, département de la Haute-Saône, celui du
département des Hautes-Alpes et autres, sont autorises a louer ou à
acquérir. « Au décret du même jour, relatif aux syndics
« Au décret du même jour, relatif au payement de la contribution patriotique, qui pourra être fait en contrats de rentes sur l'Etat.
« Au décret du 21 du même mois, concernant la circonscription des paroisses de la ville de Douai, du district de Mer, de la ville de Suévras, du bourg d'Oucques et de la ville d'Avallon.
« Au décret du 22 du même mois, concernant le ressort des tribunaux de commerce de Béziers, Pézenas, de celui qui doit être établi à Agde, et la nullité de l'alternat entre les villes de Béziers et Pézenas.
« Le ]*' mai, au décret du 15 avril, portant que la caisse de l'extraordinaire versera au Trésor public la somme de 10 millions.
Au décret du 23, qui établit une régie sous les ordres du pouvoir exécutif, pour la perception des droits qui seront payés à toutes les entrées et sorties du royaume.
« Au décret du 25 du même mois, contenant divers objets de liquidation de l'arriéré du département de la maison du roi, pour 1778 et années suivantes, jusqu'en 1789 inclusivement.
« Le 4 du même mois, au décret du 22 avril, relatif aux fonds payés aux sieurs Granchain de Yaivres, Goujet et Le Brasseur, sur décision du ministre de la marine, du 17 mars dernier.
« Au décret du même jour, qui ordonne la poursuite d'un délit considérable, commis dans des bois nationaux situés dans le district de Noyon.
« Au décret du même jour, qui ordonne l'impression, aux frais de la nation, des relations et cartes envoyées par M. La Pérouse, de la partie de son voyage jusqu'à Botany-Bay, et renferme d'autres dispositions, tant en faveur de ce voyageur que de son épouse.
« Au décret du 23 du même mois, pour le payement d'une indemnité de 6,000 livres, au sieur Blosse, lieutenant en premier au régiment de la Guadeloupe, à cause des pertes éprouvées par cet officier dans les troubles qui ont eu lieu au Fort-Louis, île de Tabago, le 17 février 1790.
Au décret du 25 du même mois, portant réduction et nouvelle circonscription des paroisses de Besançon, Vernon, Parcy et Gonches.
« Au decret du 26 du même mois, qui détermine le mode de liquidation des offices du ci-devant parlement d'Aix, dont les titulaires ne représenteraient pas de contrats authentiques d'acquisition à eux passés personnellement.
« Au décret du même jour, concernant l'union de plusieurs communes aux départements de l'Isère, du Haut-Rhin et des Deux-Sèvres, et qui règle plusieurs points relatifs au ressort, à l'em-
Elacement et à l'élection des juges des divers tri-unaux, tant dans le département du Finistère que de celui de Maine-et-Loire.
« Au décret du même jour, portant liquidation de l'office de lieutenant général, civil et criminel de l'amirauté d'Arles.
« Au décret du même jour, qui soumet à l'examen du comité central de liquidation, les arrêts rendus contradictoirement au conseil, portant liquidation de créances, indemnités et demandes.
« Au décret du 27 du même mois, portant la réunion de plusieurs paroisses situées dans les départements de l'Oise, de l'Eure-et-Loir.
« Au décret du même jour, qui, à l'égard de certaines parties de domaines nationaux, proroge jusqu'au 1er janvier 1792, le terme de payement fixé au 15 janvier 1791, par l'article 2 de la loi du 17 novembre 1790, et l'article 8 de celle du 5 janvier 1791.
« Au décret du même jour, qui, entre autres dispositions, ordonne le versement de 14,178,6851. 13 s., de la caisse de l'extraordinaire, dans celle du département de la guerre, pour fournir à divers objets de dépenses.
« Au décret du 28 du même mois, portant réduction et circonscription des paroisses de Châlons, Reims, Nancy et Château-Thierry.
« Au décret du même jour, portant résiliation de l'échange passé, le 24 mars 1758, entre les commissaires du roi, et le père du sieur Jean-François-Thomas du Fossé de Bosmelet.
« Au décret du même jour, qui, entre autres dispositions, détermine la formule des brevets de pension sur le Trésor public, et ordonne qu'il sera remis, par la caisse de l'extraordinaire, 300,000 livres aux descendants du maréchal de Lowendal, dénommés audit décret.
Au décret du 29 du même mois, portant liquidation de la recette et de la dépense du montant des effets admis dans l'emprunt national de 1789, et autres dispositions relatives audit emprunt.
« AU décret du même jour, portant nouvelle circonscription des paroisses de la ville de Meaux.
« Au décret du même jour, portant nouvelle circonscription des paroisses de la ville d'An-goulême.
« Le 6 mai, au décret du 3 du même mois, portant que les offices des agents de change de Paris seront liquidés sur le pied des finances par eux versées d;ins le Trésor public.
« Au décret du même jour qui ordonne que le procès sera fait par le tribunal du premier arrondissement du département de Paris, aux nommés Lamievette, Dunand, Yidaud, Bordier, Pheliponneau et Simonneau, leurs fauteurs et complices, pour crimes de fabrication de faux assignats.
« Au décret du même jour, qui ordonne un payement provisoire de 400,000 livres, par la caisse de l'extraordinaire, à la commune de Strasbourg, à imputer sur le payement à faire à cette ville pour dîmes inféodées.
« Et le 8 mai, aux décrets des 14,19 et 21 avril, qui supprime les offices et commissions d'agents et courtiers de change, de banque, de commerce et d'assurance, et règle, pour l'avenir, les conditions à remplir pour l'exercice de ces professions.
« Au décret du 28 du même mois, qui règle la procédure à suivre par les juges et les avoués des tribunaux établis dans les villes où l'ordonnance de 1667 n'a été ni publiée ni exécutée, et prescrit, à l'égard des revisions intentées ou à intenter contre les arrêts du ci-devant parlement de Douai, de se conformer à la règle établie par l'article 3 du décret du il février dernier, relatif aux requêtes civiles.
« Au décret du 30 du même mois, relatif aux marchandises qui jouissaient du crédit des droits d'entrée.
« Au décret du 1er mai, qui déclare tout militaire, hors le temps de sou service, celui des exercices et avant la retraite, libre d'assister, sans armes, et comme les autres citoyens, aux séances des sociétés qui s'assemblent paisiblement dans les villes où ils sont en garnison ou en quartier.
« Au décret du 2 du même mois, qui excepte de la loi portée par le tarif
général des droits de traites, les espèces de bois désignées en l'état
joint audit décret, et, attendu leur surabondance
« Au décret du 3 du même mois, portant abolition de l'abonnement accordé à la ville de Toulouse, pour ses impositions ordinaires, conformément aux décrets des 4 et 10 août et novembre 1789i
« Et au décret du même jour, relatif à la demande formée par le collège anglais de Saint-Omer, des arrérages du secours annuel à lui accordé sur le Trésor public.
« Le ministre de la justice transmet à M. le Président les doubles minutes des décrets ci-dessus, sur chacune desquelles est la sanction du roi.
Signé : M.-L.-F. DUPORT.
Paris, le
membre du comité de Constitution, fait au nom de ce comité un rapport et présente un nouveau et dernier projet de décret sur la formation de la haute cour nationale.
Ce projet de décret est conçu en ces termes :
« L Assemblée nationale, après avoir entendu le nouveau et dernier rapport fait au nom du comité de Constitution, sur la formation de lahaute cour nationale, décrète ce qui suit :
Art. 1er.
« La haute cour nationale sera composée d'un haut juré et de 4 grands juges, qui dirigeront l'instruction, et qui appliqueront la loi, après la décision du haut juré, sur le fait.
Art. 2.
« Lors des élections pour le renouvellement d'une législature, les électeurs de chaque département, après avoir nommé les représentants au Corps législatif, éliront au scrutin individuel, et à la pluralité absolue des suffrages, 2 citoyens ayant les qualités nécessaires pour être députés au Corps législatif, lesquels demeureront inscrits sur le tableau du haut juré, pendant tout le cours de cette législature.
Art. 3.
« Chaque nouvelle législature, après avoir vérifié les pouvoirs de ses membres, dressera la liste des jurés élus par les départements du royaume, et elle la fera publier.
Art. 4.
« La haute cour nationale connaîtra de tous les crimes et délits dont le Corps législatif se portera accusateur.
Art. 5.
« La haute cour nationale ne se formera que quand le Corps législatif aura porté un décret d'accusation.
Art. 6,
¦ Elle se réunira à une distance de 16 lieues au moins, du lieu où la législature tiendra ses séances. Le Corps législatif indiquera la ville où la haute cour nationale s'assemblera.
Art. 7.
« Le décret du Corps législatif, portant accusation, n'aura pas besoin d'être sanctionné par le roi.
Art. 8.
« Le décret du Corps législatif, portant accusation, aura l'effet d'un décret de prise de corps.
Art. 9.
« Avant de porterie décret d'accusation, le Corps législatif pourra appeler et entendre à sa barre les témoins qui lui seront indiqués; il ne sera point tenu d'écrire les dires des témoins : mais, après que le décret portant accusation aura été rendu, les témoins seront entendus par les 4 grands juges, et leurs dépositions reçues par écrit.
Art. 10.
« Lorsquel e Corps législatif aura décrété qu'il 6e rend accusateur, il fera une proclamation solennelle pour annoncer la formation d'une haute cour nationale, et fera rédiger l'acte d'accusation de la manière la plus précise et la plus claire, et il nommera deux de ses membres pour, sous le titre de grands procurateurs de la nation, faire, auprès de la haute cour nationale, la poursuite de l'accusation.
Art. 11.
c Les 4 grands juges, qui présideront à l'instruction, seront pris parmi les membres du tribunal de cassation : leurs noms seront tirés au sort dans la salle où la législature tiendra publiquement ses séances. Le plus ancien d'âge présidera : le roi sera prié d'y envoyer deux commissaires.
Art. 12.
« Le haut juré sera composé de vingt-quatre membres, et il ne pourra juger qu'à ce nombre.
Art.
« Il y aura de plus six hauts jurés, tirés au sort sur la liste des 166, pour servir d'adjoints dans le même cas, et selon les mêmes formes déterminées par la loi sur les jurés.
Art. 14.
« Les hauts jurés qui seront nommés par chacun des départements, pour être inscrits sur la liste générale, ne seront admis à proposer aucune excuse pour se dispenser d'être inscrits sur cette liste.
Art. 15.
« Lorsque le Corps législatif aura fait sa proclamation pour annoncer la formation d une haute cour nationale, ceux des hauts jurés inscrits sur la liste, qui croiraient avoit des excuses légitimes pour se dispenser de composer le haut juré, dans le cas où le sort les y fit entrer, pourront envoyer lesdites excuses avec les pièces qui en prouveront la légitimité : ces excuses seront jugées par les juges.
Art. 16.
« Si l'empêchement allégué est jugé légitime, les noms des hauts jurés qui se trouveront excusés seront, pour cette fois, retirés de la liste.
Art. 17.
« Après que le haut juré aura, été déterminé, il n'y aura plus, pour ceux
qui devront le composer, aucun heu à proposer d'excuses, si ce n'est
pour impossibilité physique, telle qu'une maladie grave, constatée par
un rapport de mê-
Art. 18.
«¦ Les hauts jurés qui seront convoqués, soit que leurs excuses n'ayant pas été jugées légitimes, soit qu'ils n'en aient pas proposé, ne pourront se dispenser de se rendre au lieu désigné, sous peine, par celui qui ne se rendrait pas, d'une amende égale aux contributions directes, tant foncière que mobilière, auxquelles il se trouvera impose pour l'année, et d'être déchu pour 6 ans, des droits de citoyen actif.
Art. 19.
« Celui qui aura rempli une fois les fonctions de haut juré, ne pourra plus les remplir pendant le reste de sa vie ; son nom sera retiré de dessus la liste, et on ne pourra plus l'élire pour cette fonction.
Art. 20.
« Lorsqu'un ou plusieurs des hauts jurés ne pourront pas, à raison de maladie, remplir leurs fonctions, ils seront remplacés; savoir, ceux des 24 membres composant le haut juré, par les adjoints, suivant l'ordre dans lequel ceux-ci auront été nommés par la voie du sort; et les adjoints qui seront, de cette manière, entrés dans le haut juré, par des jurés pris au sort sur la liste du département dans lequel siégera la haute cour nationale.
Art. 21.
« Les accusés auront quinze jours pour déclarer leurs récusations.
Art. 22.
« L'accusé ou les aceusés auront la faculté d'exercer, sans donner de motifs, le double de récusations accordées par le décret sur la procédure par jurés.
Art. 23.
« Les grands procurateurs de la nation ne pourront proposer de récusations qu'en donnant des motifs : ces motifs seront jugés par les juges.
Art. 24.
« Aussitôt que les récusations auront été proposées, et le haut juré déterminé, les grands juges feront convoquer les 30 membres dont il sera composé, lesquels seront tenus de se rendre, dans quinze jours après la notification du mandement des grands juges, dans la ville qui sera désignée.
Art. 25.
« Les grands juges adresseront, pour le faire notifier, leur mandement aux procureurs généraux syndics des départements où auront été nommés ies hauts jurés convoqués.
Art. 26.
« La forme de composer le juré et de procéder, établie pour les jurés ordinaires, sera suivie pour le haut juré.
Art. 27.
« Le commissaire du roi auprès- du tribunal de district dans le territoire duquel la haute cour nationale s'assemblera, fera auprès d'elle les fonctions de commissaire du roi ; elles seront les mêmes, respectivement à l'instruction et au jugement, que celtes qu'il exercera auprès du tribunal criminel ordinaire.
Art. 28.
« Les hauts jurés qui seront convoqués, recevront, attendu la nature de ce juré composé de membres appelés de toutes les parties du royaume, la même indemnité que les membres du Corps législatif.
Art. 29.
« Le président de l'Assemblée nationale se retirera par-devers le roi, pour présenter à l'acceptation le présent décret. »
(Ce décret est adopté.)
Un membre demande le renvoi, aux comités ecclésiastique et des finances, réunis, de la pétition des religieuses de Sainte-Clair-d'Auxonne, et qu'ils soient chargés de rendre compte à l'Assemblés nationale des réclamations formées par les religieux de différents départements, relativement au défaut de pavement de ia pension qui leur a été assurée par les décrets.
(Cette affaire est renvoyée au pouvoir exécutif.)
Un membre du comité des rapports fait lecture d'un extrait du procès-verbal du directoire' du département du Tarn, du 23 mars 1791, portant que depuis longtemps les mauvais citoyens s'efforcent d'exciter le peuple de ce département à la sédition, principalement en faisant retentir les chaires des discours les plus incendiaires; que le district de la Canne, surtout, a été mis par les fanatiques, dans un tel état d'insurrection, qu'une assemblée convoquée, le 24 février dernier, pour remplacer le maire de la Caune, qui avait donné sa démission, a été obligée de se dissoudre, sans avoir pu faire ce remplace^ ment; et que l'espoir de l'impunité a tellement enhardi les séditieux, qu'ils en sont venus au point de s'opposer à la publication des lois dans le district.
Le directoire expose, dans ce procès-verbal, les moyens qu'il a employés pour réduire les factieux sans effusion de sang, et il annonce qu'au moyen de l'arrestation que les commissaires, qu'il a envoyés à la Caune, ont fait faire de trois de ceux qui étaient connus pour les plus audacieux, l'ordre a été rétabli.
Le directoire loue la bonne conduite des détachements des gardes nationales de Castres, de Mazamet et de la Bruyère, et d'un détachement du régiment de dragons du roi, qui ont accompagné ces commissaires à la Caune, et dont la présence en a imposé aux malveillants.
(L'Assemblée nationale, après avoir entendu son comité des rapports, a ordonné que l'extrait ci-dessus serait inséré dans le procès-verbal de la séance, avec mention honorable et approbation de la conduite des commissaires du directoire du département, envoyés à la Caune, ainsi que des détachements des gardes nationales de Castres, de Mazamet et de la Bruyère, et du détachement du régiment de dragons du roi, qui les y ont accompagnés.
L'ordre du jour est un rapport des comités de Constitution et militaire
sur la suppression de la
au nom des comités de Constitution et militaire (1).
Messieurs,
L'Assemblée nationale, en fixant son attention sur la nouvelle organisation des gardes de la prévôlé de l'hôtel, en s'occupant de leur donner une existence constitutionnelle, éprouvera sans doute cet intérêt que lui doivent inspirer des hommes qui se sont constamment distingués par leur patriotisme, par l'exactitude avec laquelle ils ont rempli leur service auprès de l'Assemblée nationale, depuis le commencement de la Révolution. (Vifs applaudissements.) Ces considérations, il est vrai, Messieurs, ne doivent point vous écarter des principes d'économie et d'utilité publique qui vous ont servi de guides dans l'organisation de toutes les parties de la force publique; mais il faudrait avoir oublié les circonstances de l'année 1789, et la conduite qu'a tenue cette troupe à ces diverses époques, pour se refuser à l'intérêt qu'elle inspire, pour ne pas payer un tribut d'éloges à son civisme, lorsqu'il s agit de s'occuper de son sort, et de fixer sa place et ses fonctions dans la force publique, dont elle fait partie.
La garde de la prévôté de l'hôtel, destinée au maintien de l'ordre et à une surveillance de police, avait un caractère mixte qui tenait du service militaire et de l'ordre judiciaire. Elle a perdu une partie de ses fonctions, et celle même qui faisait l'objet de son institution, lorsque vous avez supprimé la justice prévôtale, et, par une bienfaisante réforme, substitué à tous les tribunaux des juges nommés par le peuple. Elle a continué la partie de ses fonctions qu'elle pouvait exercer comme corps militaire ; et aussi modeste à éveiller votre sollicitude sur ce qui la touche, qu'exacte à remplir ses devoirs, elle s'est bornée à exposer à l'Assemblée nationale ses vœux, pour continuer son service auprès d'elle.
Vos comités ont pensé, Me.-sieurs, que puisqu'il était indispensable qu'une troupe particulière fût chargée spécialement du soin de maintenir l'ordre, de faire la police aux issues et aux portes de la salle du Corps législatif, fût chargée de la garde précieuse des archives de la nation, ils ne pouvaient, à cet effet, choisir, dans la force publique, aucun corps militaire qui y fût plus propre, que celui qui a si dignement rempli cette mission, depuis la grande époque de la formation de cette Assemblée. (Applaudissements.)
C'est un intérêt national qui vous commande de prendre toutes les mesures
qui peuvent assurer que cette troupe continuera d'être toujours aussi
bien composée. C'était donc un devoir pour vos comités de vous proposer
de la faire recruter par des sujets déjà éprouvés, par des hommes ayant
servi avec distinction, et qui, à leurs titres militaires, auront joint
le suffrage des corps administratifs. Tels sont les soldats de la
gendarmerie nationale. Il est donc convenable que la compagnie de la
prévôté de l'hôtel se recrute dans la gendarmerie nationale, et qu'elle
en fasse partie. Chacune dis divisions fournirait, à son tour, aux
places vacantes ; et comme, dans tout système de force publique, il est
utile de conserver les mêmes principes, c'est le colonel
Par ce moyen simple d'admission, ce corps se trouvera, par la suite, composé d'hommes tirés de toutes les parties du royaume, d'hommes qui auront fait au moins un engagement sans reprocne dans les troupes de ligne, qui auront ensuite obtenu le suffrage du directoire de leur département, celui du colonel de leur division, et celui du directoire du département de Paris.
Pour donner à ce nouveau corps la même organisation que celle de deux compagnies de la gendarmerie nationale, vos comités, se trouvant dans l'obligation de vous faire réformer quelques officiers et plusieurs gardes, pensent que vous trouverez juste que ces officiers et ces soldats soient conservés surnuméraires, et obtiennent les premières places vacantes avant l'application du nouveau mode d'admission.
Le traitement qu'il convient d'assigner se trouve indiqué par les décrets que vous avez déjà rendus sur la ci-devant compagnie de robe-courte, sembablement incorporée dans la gendarmerie nationale, et sur la partie de ce corps qui fait ses fonctions dans la capitale. Une légère augmentation vous est seulement proposée ; elle a pour cause une légère différence dans l'uniforme ; et surtout la considération que cette troupe, se composant d'éléments pris dans la gendarmerie nationale, offrira toujours des services plus anciens dans la comparaison des mêmes grades.
Cette différence et cette considération ont réglé vos comités dans la fixation du tarif qui est joint au projet de décret qui vous a été distribué.
L'examen des fonctions que pourraient remplir ces deux nouvelles compagnies réunies, sous l'autorité d'un lieutenant-colonel, à l'instar de celles qui composent la gendarmerie nationale, a conduit vos comités à penser que les mêmes raisons qui rendaient nécessaire que la garde des archives nationales, celle de la salle du Corps législatif, celle du sceau de l'État, fût confiée à une troupe d'élite, rendaient utile aussi que le service auprès du tribunal de cassation, et surtout auprès de la haute cour nationale, fût fait par des hommes déjà éprouvés par la manière dont ils auraieut rempli leurs fonctions dans les troupes de ligne et dans la gendarmerie nationale; par des hommes qui réuniraient en fin, à une ancienneté de service effectif, la présomption favorable qu'on ne peut refuser à ceux qui auront obtenu deux fois les suffrages des corps administratifs et des chefs militaires.
Ces deux nouvelles compagnies d'élite exerceront donc leurs fonctions auprès du Gorps législatif, auprès de la haute cour nationale et du tribunal de cassation ; elles feront auprès de ces deux tribunaux le service que les compagnies ci-devant connues sous le nom de robe-courte, et aujourd'hui incorporées dans la gendarmerie nationale, font auprès des tribunaux de justice, séant à Paris ; elles auront enfin la garde des archives et la continuation de leur service auprès du ministre de la justice, pour l'honneur et la sûreté du sceau de l'État.
Le projet de décret qui vous a été soumis donne à ces deux compagnies
l'organisation que vous avez décrétée pour la gendarmerie nationale. Les
seules différences qui se trouvent dans le mode d'avancement sont celles
qu'ont paru néces-
Le rapport d'ailleurs entre les officiers et les sous-olfîciers est le même; la formation des brigades, absolument semblable à celle que vous avez précédemment établie.
Telles sont, Messieurs, les dispositions que renferme le travail de vos comités. Vous trouverez, sans doute, qu'il donne une destination, à la fois utile et honorable, à une troupe que vos souvenirs vous doivent rendre chère, et qui, amie des lois et de la règle, a opposé toujours, avec courage, son exactitude aUx ennemis que lui ont suscités son patriotisme et son zèle. (Applaudissements.)
Elle a sollicité un régime nouveau qui pût la soustraire à l'arbilraire et ne la soumettre qu'à la loi. Si, en vous présentant une demande aussi juste, il n'était pas superflu d'énumérer les motifs qui peuvent vous la faire prendre en considération, vos comités vous en offriraient qui exciteraient votre plus vif intérêt; ils se bornent à vous assurer que cette troupe s'est attachée encore plus fortement aux fonctions qu'elle exerce auprès de vous, par les ennemis qu'elles ont pu lui attirer. (Applaudissements.)
Le résultat du travail de vos comités leur a donc paru propre à satisfaire, à la fois, la justice, l'intérêt public et les vœux particuliers des gardes de la prévôté de l'hôtel.
Voici, Messieurs, le projet de décret que j'ai été chargé de vous soumettre :
Avant de passer aux articles, j'ai l'honneur de proposer à l'Assemblée qu'elle veuille bien ordonner l'impression du rapport dont il vient de lui être donné lecture et qu il en soit remis un exemplaire à chacun des officiers, sous-officiers et gardes actuels de la prévôté de l'hôtel, comme une marque de la satisfaction que l'Assemblée a de leurs services.
(Cette motion est décrétée.)
rapporteur. Voici, Messieurs, notre projet de décret
L'Assemblée nationale, oyant le rapport de ses comités de Constitution et militaire réunis, sur la compagnie de la prévôté de l'hôtel, décrète ce qui suit :
SECTION Ire.
TITRE Ier.
Suppression et nouvelle création.
Art. 1er.
« La compagnie de la prévôté de l'hôtel est et demeurera supprimée ; mais elle est recréée sous le titre de gendarmerie nationale. » (Adopté.)
Art. 2.
« Ce nouveau corps participera aux grades, distinctions et récompenses établis pour la gendarmerie nationale, ainsi qu'à tous les avantages accordés par les décrets des 22, 23, 24 décembre 1790 et 16 janvier 1791.» (Adopté.)
TITRE II.
Composition et formation.
Art. 1er. ,
« Ce nouveau corps sera composé de : 1 lieutenant-colonel, de 2 capitaines, 6 lieutenants, 5 maréchaux des logis, 12 brigadiers et 72 gendarmes; faisant ensemble 99 hommes, formés en 2 compagnies. » (Adopté.)
Art. 2.
« Chaque compagnie sera composée de : 3 maréchaux des logis, 6 brigadiers, 36 gendarmes, et commandées par 1 capitaine et 3 lieutenants. » (Adopté.)
Art. 3.
« Chaque' compagnie sera partagée en 3 brigades composées de : 1 maréchal des logis, 2 brigadiers, 12 gendarmes et sera commandée par 1 lieutenant sous l'autorité du capitaine. » (Adopté.)
Art. 4.
« Le lieutenant-colonel commandera les deux compagnies ; mais il sera sous l'autorité du colonel de la gendarmerie nationale, servant au département de Paris. » (Adopté.)
Art. 5.
« Il sera attaché à cette troupe un secrétaire-greffier. » (Adopté.)
TITRE III.
Admission, rang et avancement>
Art. 1er.
« Au moment de la formation actuelle,ce corps sera formé du fond des officiers, sous-officiers et gardes de la prévôté de l'hôtel, supprimés par le présent décret. » (Adopté.)
Art. 2.
« Les officiers du même grade prendront rang entre eux de la date de leurs brevets ou commissions signés du roi, et contre-signés par le ministre de la guerre ; dans le cas d'une même date, la préférence serait accordée à celui qui aurait le plus d'années de service. » (Adopté.)
Art. 3.
« Ceux des officiers et des gardes, qui vont se trouver réformés par cette nouvelle organisation, seront conservés comme surnuméraires avec droit au remplacement et avec le même traitement que les autres gendarmes, ou officiers du même grade. » (Adopté.)
Art, 4.
« Pour recruter ces deux nouvelles compagnies, par la suite il n'y sera admis, après l'extinction des surnuméraires, aucun gendarme qui n'ait trente ans accomplis, qui ne sache lire et écrire, qui ne soit en activité dans l'une des compagnies de la gendarmerie nationale, et qui n'y ail servi au moins trois années avec distinction. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 5 du projet des comités, ainsi conçu :
« Lorsqu'il vaquera une place de gendarme dans ce nouveau corps, chacune des vingt-huit divisions de la gendarmerie nationale, fournira successivement, pour la remplir, un sujet qui réunisse les conditions prescrites par l'article précédent. »
Vn membre propose d'ajouter avant ces mots : chacune des vingt-huit divisions », ceux-ci : « chaque département dans » et de rédiger en conséquence l'article comme suit :
Art. 5.
« Lorsqu'il vaquera une place de gendarme dans ce nouveau corps, chaque département dans chacune des vingt-huit divisions de la gendarmerie nationale fournira successivement, pour la remplir, un sujet qui réunisse les conditions .prescrites par l'article précédent. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 6 du projet de décret ainsi conçu :
Le colonel de la division de la gendarmerie nationale, qui devra fournir un sujet, en présentera trois de sa division au directoire du département, lequel en choisira un qui sera pourvu par le roi.
Un membre propose d'ajouter après ces mots : « du département » ceux-ci : « dont ce sera le ^ tour » et de rédiger comme suit l'article.
Art. 6.
« Le colonel de la division de la gendarmerie nationale, qui devra fournir un sujet, en présentera trois de sa division au directoire du département dont ce sera le tour, lequel en choisira un qui sera pourvu par le roi. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture des articles suivants:
Art. 7.
« Ce nouveau corps roulera sur lui-même pour son avancement. » (Adopté.)
Art. 8.
« Pour remplir une place vacante de brigadier, chacun des 6 maréchaux des logis se réunira avec les deux brigadiers de sa Lrigade pour choisir de concert un gendarme. La liste des six qui auront été ainsi choisis sera remise au capitaine dans la compagnie duquel l'emploi sera vacant: ce capitaine réduira la liste à deux, parmi lesquels le lieutenant-colonel nommera le nouveau brigadier. » (Adopté.)
Art. 9.
c Pour remplir une place de maréchal des logis, les 6 maréchaux des logis se concerteront pour proposer ensemble 4 brigadiers, cette liste réduite à deux par le capitaine, dans la compagnie duquel l'emploi aura vaqué, sera présentée par lui au lieutenant-GoloneJ, qui nommera parmi les deux le Bouveau maréchal des logis. » (Adopté.)
Art. 10.
« Sur 2 places vacantes de lieutenant, l'une sera donnée au plus ancien maréchal des logis, l'autre le sera par le choix à l'un des 6 maréchaux des logis ayant au moins 2 années d'exercice dans ce grade : l'ancienneté aura le premier tour. » (Adopté.)
Art. 11.
« Lorsqu'il s'agira de donner par le choix une place de lieutenant, tous les officiers des deux compagnies et le lieutenant-colonel nommeront à la majorité absolue des suffrages, 3 maréchaux des logis. Cette liste sera présentée par le colonel de la division de gendarmerie nationale, servant dans le département de Paris, au directoire de ce département, lequel en nommera un qui sera pourvu par le roi. » (Adopté.)
Art. 12.
« Les lieutenants parviendront, suivant leur ancienneté, à l'emploi de capitaine. » (Adopté.)
Art. 13.
« Les capitaines parviendront, suivant leur ancienneté, à l'emploi de lieutenant-colonel. » (Adopté.)
Art. 14.
« Au moment de la présente organisation, le roi fera délivrer aux officiers, sous-officiers et gendarmes qui composeront ce corps, et par la suite à ceux qui auront été promus de la manière qui vient d'être expliquée, une nouvelle commission, suivant leurs grades respectifs. » (Adopté.)
Art. 15.
« Le lieutenant-colonel concourra avec les officiers du même grade dans la geudarmerie nationale, et aux mémos conditions, pour parvenir à l'emploi de colonel, soit par ancienneté, soit par le choix du roi. » (Adopté.)
Art. 16.
« Le secrétaire-greffier sera nommé par le directoire du département de Paris. » (Adopté.)
TITRE IV.
Ordre intérieur.
Art. 1er.
« Toutes les commissions des officiers, sous-officiers et gendarmes, seront scellées sans frais.» (Adopté.)
Art. 2.
« Celles du lieutenant-colonel, des capitaines et lieutenants, seront adressées au directoire du département de Paris, devant lequel ils prêteront le serment prescrit par la loi : après quoi le colonel de la division de la gendarmerie nationale, servant au département de Paris, fera reconnaître le lieutenant-colonel, et celui-ci fera reconnaître les autres officiers dans leurs grades respectifs. » (Adopté.)
Art. 3.
« Le lîeutenaût-côlonel recevra le même serment des maréchaux des logis, des brigadiers et des gendarmes. » (Adopté.)
Art, 4.
« Les serments seront prêtés dans autuns frais et enregistrés de même dans le directoire du département de Paris et dans le secrétariat du corps. » (Adopté.)
Art. 5.
« Aucune destitution ne pourra être prononcée que selon la forme et de la manière établie pour 1 armée : les règles de la discipline seront les mêmes que celles des troupes de ligne. » (Adopté.)
Art. 6.
« Le conseil d'administration sera composé du lieutenant-colonel, des deux capitaines, du plus ancien lieutenant, du plus ancien maréchal des logis, du plus ancien brigadier, et des deux plus anciens gendarmes. » (Adopté.)
Art. 7.
« L'uniforme des officiers, sous-officiers et gendarmes nationaux composant ce nouveau corps, sera en tout semblable à celui de la gendarmerie nationale, en y ajoutant la distinction que portent les grenadiers de cavalerie. » (Adopté.)
TITRE V.
Traitement.
Art. 1er.
« Les appointements de ce corps seront payés au complet et par mois sur les fonds publics dans le département de Paris, d'après les mandats donnés par le directoire de ce département, et en conséquence des états qu'il recevra du ministre ayant la correspondance des départements. » (Adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article 2 du projet du comité ainsi conçu :
« A compter du 15 du présent mois, les appointements et soldes des officiers, sous-officiers, gendarmes nationaux de ce nouveau corps, demeureront fixés de la manière suivante, savoir :
Au lieutenant-colonel....................5,000 liv.
A chaque capitaine........................3,500
A chaque lieutenant......................2,300
A chaque maréchal des logis....250
A chaque brigadier.................1,100
A chaque gendarme......................850
Au secrétaire-greffier.............900
« Il sera alloué 200 livres au secrétaire greffier, pour menus frais et dépenses du secrétariat. »
Un membre propose par amendement d'élever de 50 livres le traitement de chaque gendarme et de le porter à 900 livres.
(Cet amendement est adopté.)
rapporteur, donne lecture de l'article amendé ainsi qu'il suit :
Art. 2.
« A compter du 15 du présent mois, les appointements et solde des officiers, sous-officiers, gendarmes nationaux de ce nouveau corps, demeureront fixés de la manière suivante, savoir :
Au lieutenant-eolonel....................5>000 liv.
A chaque capitaine..............3,500
A chaque lieutenant......................2,300
A chaque maréehal des logis.... 1,250
A chaque brigadier................1, -100
A chaque gendarme—...............900
Au secrétaire-greffier............900
« Il sera alloué 200 livres au secrétaire greffier, pour menus frais et dépenses du secrétariat. » (Adopté.)
Art. 3.
« Moyennant ces appointements, les officiers, sous-officiers et gendarmes, seront chargésde leur habillement et petit équipement ; il ne leur sera fait d'autres retenues que celles qui seront arrêtées par le conseil d'administration. » (Adopté.)
Art. 4.
L'armement pour le service des sous-officiers et gendarmes sera fourni et enlreténu par les magasins nationaux. » (Adopté.)
Art~5.
« Le casernement des sous-officiers et gendarmes sera fourni en nature parle département de Paris, et déterminé par le directoire, sur l'avis du lieutenant-colonel ou du commandant. » (Adopté.)
Art. 6.
« Le. conseil d'administration réglera tous 'les ans le compte qui sera rendu par le lieutenant-colonel : 1° des avances que lés circonstances auront pu rendre nécessaires, et qui devront être remboursées par retenue sur la solde ; 2° du bénéfice obtenu sur le payement au complet. » (Adopté.)
Art. 7.
Le compte arrêté par le conseil d'administration sera présenté chaque année à la revision du directoire du département de Paris ; et si l'une ou les deux compagnies demandent l'examen de la comptabilité, il ne sera fait qu'en présence du directoire du département. » (Adopté.)
SECTION II.
Fonctions des deux nouvelles compagnies de
gendarmes nationaux.
TITRE Ier.
Fonctions près du Corps législatif.
Art. 1er.
a Ce nouveau corps continuera auprès de L'Assemblée nationale, et les législatures suivantes, les fonctions remplies depuis le mois de mai 1789, par la ci-devant compagnie de la prévôté de l'hôtel. » (Adopté.)
Art. 2,
« Ces officiers, sous-officiers et gendarmes, maintiendront l'ordre et la police dans les issues et aux portes de la salle du Corps législatif concurremment avec les gardes nationales; et ils sont autorisés à repousser par la force toute violence ou voies de fait qui seraient employées contre eux dans les fonctions qu'ils exercent au nom de la loi. » (Adopté.)
Art. 3.
« Lorsque les décrets seront portés à la sanction, 1 officier, 1 sous-officier et 4 gendarmes nationaux, accompagneront le président du Corps législatif ou les commissaires qui seront nommés à cet effet. » (Adopté.)
Art, 4.
« Dans toutes les cérémonies publiques où le Corps législatif assistera,
soit en entier, soit par députation, les officiers^ sous-officiers et
gendarmes nationaux de m nouveau corps, soi! en totalité, soit en
détachement, suivant les -eircon-
TITRE II.
Fonctions auprès de la haute cour nationale, du
tribunal de cassation, et du ministre de la justice.
Art. 1er.
t Ce corps continuera de fournir 1 officier et deux gendarmes auprès du ministrede la justice, pour 1 honneur et la sûreté du sceau de l'Etat. » (Adopté.)
Art. 2.
« Il fera auprès de la haute cour nationale, et auprès du tribunal de cassation, le service que les compagnies ci-devant connues sous le nom de robe-courte, et aujourd'hui incorporées dans la gendarmerie nationale, font auprès des tribunaux ae justice séant à Paris. » (Adopté.)
Art. 3.
« Il prêtera toute main-forte dont il sera requis légalement. » (Adopté.)
Art. 4.
« Les différents services confiés par les articles précédents aux gendarmes nationaux seront faits indistinctement par ces deux compagnies, et suivant l'ordre habituel du service militaire. » (Adopté.)
rapporteur, propose quelques articles additionnels dont il demande le renvoi aux comités réunis.
(Ce renvoi est décrété.)
Un de MM. les secrétaires : Messieurs, voici une lettre de M. le maire de Paris que M. le Président me charge de vous lire :
« Monsieur le Président,
« La municipalité désire présenter à l'Assemblée nationale une pétition, dont l'objet est d'obtenir une loi qui ordonne qu'à l'avenir les déclarations de naissance, de mariage, de mort seront reçues par des officiers civils dans une forme conciliable avec toutes les opinions religieuses. (Murmures.) J'ai l'honneur de vous présenter copie de cette pétition. Je vous prie de solliciter l'admission de la municipalité pour après-demain soir, s'il est possible. »
« Je suis avec respect, Monsieur le Président, etc.
Signé : Bailly. »
Cette proposition est impoli-tique, et ne peut que jeter le désordre dans tout le royaume.
Plusieurs membres : L'ordre du jour !
Ce que la municipalité de Paris demande à rAssemblée nationale, n'est qu'un développement un peu plus étendu d'une loi qui a été portée en 1787 et 1788, et qui a été exécutée. Je demande donc que l'admission soit accordée.
s'oppose à l'admission de la municipalité de Paris à la barre de l'Assemblée nationale.
Il est certain qu'il existe une loi publiée en 1787, et générale pour tout le royaume, pour constater les mariages, les naissances et la mort de tous ceux qui sont catholiques. Or, de deux choses l'une : ou vous voulez faire une loi nouvelle ; ou vous ne voulez que conserver celle-là. Si vous voulez la conserver, vous n'avez rien à dire : il n'y a rien qu'à l'exécuter quant à présent. Si vous voulez la changer, je mets en fait qu'il est impossible que vous la changiez sans vous livrer à tous les détails du nouveau projet de loi qu'on vous a proposé sur la forme des mariages. Alors vous sentez, Messieurs, dans quelle discussion et dans quel travail cette pétition nous entraînerait. Ainsi la pétition est inutile quant à présent.
Il faut écouter la pétition, non pour Paris seulement, mais pour tout le royaume.
(de Saint-Jean-d'Angély). J'observe qu'il serait bien étrange que l'Assemblée nationale refuse d'admettre la pétition des citoyens de Paris, le soir même du jour où elle a décrété qu'elle n'en refuserait aucune.
(L'Assemblée consultée décide que M. le maire de Paris sera entendu dans la séance de jeudi soir.)
L'ordre du jour est un rapport des comités de féodalité, de Constitution, aes domaines et d'agriculture et de commerce sur les baux à convenant et domaines congéables.
La parole est à M. Arnoult, rapporteur des comités.
Je demande la parole sur l'ajournement. Messieurs, il est très impolitique de traiter en cet instant la matière des domaines congéables. Dans les trois départements de la ci-devant province de Bretagne, qui sont soumis à cet ancien régime, il y a une fermentation extrême. La quinzaine de Pâques est devenue un nouvel aliment à cette fermentation. Malheureusement dans ce pays-là le fanatisme secoue les torches de la discorde. Le projet du comité, loin d'être un calmant, loin d'être un palliatif, devient un lien de plus pour les colons, les soumet à l'empire d'une certaine féodalité.
Je demanderai ' donc que, quant à présent, la matière soit écartée, qu'elle soit ajournée à la fin de la législature ou à la législature prochaine.
Il n'y a pas un mois que tous les députés de Bretagne pressaient instamment l'Assemblée de porter un décret sur la question des domaines congéables. Aujourd'hui, un député de l'un de ces départements vous propose d'ajourner la question : cela est impossible, par les raisons que je vais expliquer.
Il faut que je vous explique les deux principales difficultés qu'ont fait
naître les domaines congéables. La première, et la plus importante, est
celle de savoir quel est l'effet du contrat, je ne dirai pas à domaine
congéable, car ce nom n'a été introduit que par abus, mais du contrat à
bail à ferme, et à convenant. De l'aveu de tout le monde, il contient
deux conventions principales : par l'une, celui qui était
incontestablement propriétaire du fonds et de la superficie, donne à
bail à ferme et à convenant, pour un certain temps limité et déterminé,
et moyennant une redevance annuelle, son fonds à exploiter; par là,
Il faut d'abord vous observer que ce contrat, qui, dans sa simplicité se réduit à ces inconvénients-là, est un contrat mixte, c'est-à-dire, que d'un côté il n'est qu'un bail à ferme du fonds, et que de l'autre il n'est qu'un bail, à faculté rache-table, de la superficie; mais ce contrat si simple en lui-même, et existant avant la féodalité, de l'aveu même de la société d'agriculture, s'est invicié, pour ainsi dire, du vice de la féodalité. De là est venu que les seigneurs se sont arrogé des droits de seigneurie et de féodalité, tels que la suite au moulin, la suite à la justice, l'obligation de percevoir leurs corvées, comme les autres sujets.
On peut donner deux preuves invincibles, que c'est à la féodalité qu'il raut attribuer ces vices : la première, c'est que ce ne sont pas seulement les seigneurs qui ont des domaines congéables : il y a en Bretagne des propriétaires qui n'ont aucun principe de fief, et ces propriétaires n'ont, à raison de leurs domaines congéables, aucun des droits que les seigneurs se sont attribués. L'autre preuve existe dans les usements mêmes ; car les usements disent que le domanier qui habite dans la seigneurie est sujet à tous les droits, comme les autres, mais que celui qui tient un domaine congéable dans la seigneurie sans habitation n'y est pas sujet. Ces droits sont donc purement personnels? Voilà, Messieurs, l'état général des choses.
Voici maintenant les deux questions qui se sont élevées. Peut-on laisser subsister ces droits, alors qu'ils n'ont eu pour principe que la féodalité, et qu'ils ne dérivent point de la convention libre?
C'est une question qui n'en peut pas faire une ; et quoiqu'on vienne de vous dire que le comité retenait les domaniers dans toute la sujétion de la domanialité, tous ceux qui ont lu le projet sont à portée de donner le démenti le plus formel à cette observation-là, parce que nous abrogeons absolument tout ce qui est étranger au contrat et tout ce qui a son principe dans la féodalité de la seigneurie.
Voici l'autre question qui s'est présentée. Les domaniers ont prétendu qu'ils devaient devenir propriétaires du fonds, et que pour cela ils devaient avoir le droit de racheter la rente qu'ils faisaient, et d'acquérir par là la propriété du fonds ; tandis qu'ils ne sont que fermiers du fonds, tandis qu'ils n'ont, quant à la superficie, qu'une propriété à perpétuité rachetable.
On s'est beaucoup récrié sur les abus, et on a eu raison : il faut les anéantir ces abus; mais en les anéantissant il faut respecter le droit sacré de la propriété; ainsi la véritable question à traiter est de savoir si le domanier, qui n'a qu'une propriété rachetable, peut forcer le propriétaire de lui céder sa propriété, en lui remboursant une rente qui, de l'aveu de tout le monde, n'est jamais dans la proportion de la propriété.
J'ai dit qu'il était impossible d'ajourner la question; et je le dis, d'après l'hypothèse même des insurrections et de l'agitation qui peuvent exister dans le pays. Vous ne pouvez laisser les choses dans l'état où elles sont, surtout quant aux abus; car alors les redevables se refuseraient à payer. Loin de porter la paix dans ces contrées, vous y porteriez l'insurrection et le trouble, vous mettriez les propriétaires fonciers aux mains avec les colons. Il faut décider ce que c'est que ce contrat ; il faut voir si pour l'avenir ce doit être un contrat libre au lieu d'un contrat coutumier. On ne peut laisser les choses dans cet état d'incertitude ; en conséquence je conclus à ce que l'Assemblée passe immédiatement à l'examen du projet de décret.
Il existe, dans les domaines nationaux, qui sont en vente, plusieurs domaines congéables. Or ces domaines, dans l'état d'incertitude actuel, ne sont pas susceptibles d'être vendus, ce qui porte un préjudice considérable à la chose publique.
A ce premier motif il s'en joint un autre; c'est que, pendant cet état d'incertitude, il y a des baillées qui viennent à échoir. Le propriétaire donne d'un côté de nouvelles baillées ; de l'autre, le colon se refuse au congément. De là résultent des discussions qui ont déjà eu, dans plusieurs parties, des suites très fâcheuses. Il faudrait donc au moins une décision provisoire ; et vous aurez aussitôt pris une détermination définitive. J'appuie donc la motion du préopinant.
Je mets aux voix la motion d'ajournement du rapport sur les domaines congéables.
(L'épreuve a lieu.)
L'Assemblée décrête que le rapport sera fait sur-le-champ; en conséquence, la parole est à M. Arnoult,.rapporteur des comités.
au nom des comités de féodalité, de Constitution des domaines, et d'agriculture et de commerce. Messieurs, 3 départements considérables vous sollicitent, depuis longtemps, de purger leurs contrées des vices de la féodalité. Ces départements sont ceux du Finistère, des Côtes-du-Nord et du Morbihan.
Il existe dans ces contrées un genre de location, connu sous le nom de bail à convenant, ou bail à domaine congéable. Ce bail, purement volontaire dans son origine, n'avait été soumis à d'autres lois qu'à celles que la liberté sociale autorise, qu'aux stipulations des parties contractantes, éclairées par leur intérêt mutuel, excitées même par l'intérêt plus impérieux du bien public, et de l'utilité générale. II parait, en effet, que l'ancienne Armorique, destinée par la nature à une éternelle stérilité, doit sa première prospérité à l'usage du bail à convenant.
Quatre siècles s'écoulèrent sous ce régime bienfaisant avant l'établissement du régime féodal. Alors, l'état des Armoricains était celui que vous venez de rendre à tous les habitants de l'Empire : l'égalité civile, la liberté des couventions, ia franchise des propriétés.
Qu'il me soit permis, Messieurs, d'arrêter un moment votre attention sur cette époque reculée : elle vous offre le monument le plus certain, le plus précieux peut-être, l'ancien état des Gaules avant et depuis l'invasion des Germains.
Des preuves non suspectes établissent que le cultivateur armoricain louait alors la propriété d'autrui pour la mettre en valeur, qu'il fixait la durée de la location, qu'il en réglait le prix, qu'il stipulait l'indemnité qui lui serait payée, si son industrie enrichissait le sol. Ce cultivateur n'était donc ni l'esclave du propriétaire, ni le serf de la glèbe; car l'esclave et le serf obéissent à leur maître, mais ne stipulent point avec lui.
La féodalité fut établie et la liberté disparut. Les Armoricains défendirent vainement ce trésor précieux; il fallut céder à la loi du plus fort et recevoir, d'un usement bizarre et injuste, les conditions auxquelles il serait permis à l'avenir d'arroser de sa sueur un terrain ingrat.
A peine l'aurore d'un jour plus heureux s'est montrée sur l'horizon français, que les cultivateurs bretons ont réclamé leur antique indépendance. Leur vœu, consigné d'abord dans les cahiers des bailliages, s'est manifesté chaque jour dans de nouvelles pétitions. Il est temps enfin de procurer à nos braves concitoyens l'avantage qu'ils ont si efficacement contribué à nous assurer.
Pour vous mettre en état de prononcer sur le sort des domaines congéables, il faut vous faire connaître la nature de ce contrat ; ce qu'il lient de la volonté des parties contractantes ; ce que l'abus de la puissance féodale parait y avoir ajouté ; son utilité, ses vices ; ce qu'il peut avoir d'avantageux pour le propriétaire, pour le cultivateur, pour 1 intérêt même de l'agriculture.
Cette exposition exige de ma part la traduction de plusieurs termes inusités, et le développement de divers usages qui ne sont connus que sur les côtes de l'océan britannique. J'ai besoin d'indulgence, non pour la chose, mais pour moi : j'ose vous prier de m'en accorder.
Le contrat usité en Bretagne sous le nom de domaine congéable, réunit deux genres de transactions très différents, la location et la vente.
Le propriétaire désigné dans cet acte sous le nom de foncier, abandonne au colon, que l'on nomme domanier, la culture de sa terre pour un temps déterminé, et moyennant un prix convenu, lequel est payable chaque année : cette première convention est un véritable bail à ferme.
Mais, par le même acte, le foncier vend au domanier, pour une somme fixe une fois payée, les bâtiments nécessaires à la desserte du sol. les clôtures, les canaux, les fossés, les plantations et tous les ouvrages d'art qui augmentent la valeur de la terre. L'aliénation de tous ces objets qui reçoivent le nom d'édifices et superfices, est ce qui constitue la vente.
Pour saisir avec précision la nature et les effets de deux conventions qui paraissent être si différentes, et qui cependantne forment qu'un seul contrat, il est important de connaître ce qui se passe entre le foncier et le domanier, lorsque le moment qui termine leur association est arrivé.
Alors le foncier est le maître de reprendre son domaine ; et en ce cas le domanier est tenu de lui rétrocéder les édifices et superfices, suivant la prisée de leur valeur actuelle. Je me sers du terme rétrocéder, parce que pendant la durée du bail le domanier exerce sur ces objets les principaux droits d'un véritable propriétaire : il peut les vendre, ils peuvent être saisis réellement par ses créanciers, ils se partagent comme immeubles entre ses enfants, ils sont sujets au douaire de sa femme.
La déclaration faite au domanier par le foncier, qu'il entend retirer son domaine de ses mains, s'appelle congément. Communément le domanier n'est pas congédié ; mais il se fait à l'expiration du bail une nouvelle convention entre le foncier et lui, par laquelle sa jouissance est prorogée pour un espace de temps déterminé : ce second contrat s'appelle baillée. Pour l'obtenir, le domanier paye une somme fixe que l'on nomme commission.
Il arrive souvent aussi qu'après l'expiration du bail ou de la baillée, le colon continue à jouir sans se procurer un nouveau litre. Cette tacite reconduction a été assujettie à des règles que j'aurai bieulôt l'honneur de vous expliquer.
Jusqu'ici, Messieurs, vous n'apercevez dans le bail à convenant rien qui blesse ni les principes de la liberté sociale, ni les règles de la justice civile. Vous sentez même combien cette espèce de contrat, devenu général, dans l'ancienne Ar-morique, a dû favoriser les progrès de l'agriculture. Là, le colon, associé à la propriété du sol, a dû se livrer au travail avec sécurité. Certain de conserver le prix de ses avances, propriétaire de ses défrichements, de ses plantations, de ses prairies factices, de ses clôtures, plus il ajoutait à la valeur du domaine, moins il craignait d'en être expulsé. Que si le caprice d'un foncier avare le forçait à rétrocéder une propriété qu'il avait enrichie, il était sûr qu'un propriétaire plus sage se hâterait de l'attirer sur son domaine, en lui offrant des conditions plus douces.
La féodalité anéantit cette heureuse économie. A peine fut-elle établie, que le feudataire armoricain voulut comme les feudataires français, bourguignons, auvergnats, avoir des sujets, des hommes, des esclaves ; il obligea le colon, qui cultivait librement sa terre, à suivre sa justice et son moulin, il l'assujettit à des corvées personnelles, il restreignit les effets de sa propriété sur les édifices et superfices : il exigea que les enfants du domanier partageassent inégalement un bien que leur père devait à la réunion de leur travail, la déshérence fut établie, dans la ligne directe contre les frères et leur postérité, l'échute et la main-morte, sous le nom de que-vaise, passèrent de l'orient et du midi dans cette malheureuse contrée. Ce n'est pas tout : par une bizarrerie inconcevable, le nom de bail à convenant fut conservé ; mais toutes les conditions, auxquelles l'agriculture devait sa prospérité, furent perverties ; les défrichements furent assujettis à un droit de champart, les plantations d'arbres fruitiers ne reçurent lors du congément d'autre valeur que celle du bois de chauffage ; il fut interdit au colon de vendre à des étrangers le fruit de son industrie, ou bien cette faculté fut assujettie à un droit de mutation ; il lui fut défendu d'améliorer son habitation, et de construire les édifices nécessaires à la conservation de ses récoltes ; il finit enfin par être enchaîné sur le sol fécondé par ses sueurs ; car s'il laissait passer le terme fatal fixé par le bail, le foncier s'attribuait le droit de congédier à son gré, sans que l'infortuné domanier pût se retirer à moins qu'il n'abandonnât gratuitement ses édifices.
Non que toutes ces vexations aient été réunies ensemble sur le même point et dans tous les cantons : quelques-unes sont communes à tous les usements, c'est-à-dire, à toutes les contrées où le bail à convenant est usité : d'autres, telles que l'échute, la quevaise, le partage inégal, n'ont été admises que dans quelques cantons; et ce qui vous paraîtra peut-être étonnant, c'est dans le patrimoine de l'église, c'est dans l'apanage des anciens princes de Bretagne, que les usages les plus odieux ont été ou établis avec plus de dureté, ou conservés plus longtemps.
Lorsque la tyrannie des grands feudataires força nos rois à relâcher les
chaînes du peuple, pour s'en faire un appui, les cultivateurs
armoricains gagnèrent peu à ce grand changement : ce moment était
favorable pour rétablir la li-
Une singularité frappante dans celte longue série d'événements est celle-ci : en empruntant des pays coutumiers toutes les charges dont la féodalité avait accablé la classe agricole, les propriétaires bretons ont toujours conservé le caractère principal du bail à convenant; toujours le foncier a loué la culture de ses terres pour un temps limité, et vendu les édifices et superfices, à la condition d'y rentrer à la même époque.
Tel est, Messieurs, l'état où se trouvaient les cultivateurs des départements du Finistère, des Gôtes-du-Nord et du Morbihan, au moment où vous avez supprimé le régime féodal. Vous formâtes alors un comité qui fut spécialement chargé de distinguer, dans les ruines de cet antique édifice, ce qui constituait une propriété réelle, de ce qui, n'ayant été établi que par la force, était un attentat à la liberté. Ce comité ne pouvait manquer de s'occuper du domaine congéa-ble; vous lui aviez d'ailleurs confié cette mission spéciale par un décret particulier; je dois vous rendre compte de ce qu'il a fait pour la remplir.
Les cris, élevés contre les abus que je viens d'indiquer, avaient précédé la réunion de l'Assemblée nationale, les décrets du 4 août les ranimèrent et leur donnèrent une nouvelle énergie.
D'une part, les domaniers, considérant la terre qu'ils cultivent comme leur propriété, crurent que la prestation annuelle que reçoit le foncier n'était qu un cens ordinaire; ils ne doutèrent pas qu'ils ne dussent être délivrés sans indemnité des corvées, des banalités, de l'échute, de la quevaise; mais ils pensèrent aussi que vos décrets leur assuraient le droit d'acquérir la pleine propriété des fonds qu'ils cultivent, en remboursant le capital de la somme annuelle payée au foncier.
D'autre part, les fonciers ont réclamé pour eux le droit sacré de la propriété. Ils ont invoqué, contre la prétention des domaniers, la loi du contrat fait avec eux; ils ont été plus loin : regardant les obligations personnelles imposées au colon comme le prix d'une convention purement volontaire, quelques-uns d'eux ont prétendu que ces charges devaient encore subsister, ou ne pouvaient être supprimées sans indemnité.
De nombreux écrits ont été remis des deux parts à votre comité pour étayer l'un et l'autre système. Des deux parts, des députés extraordinaires sont venus défendre la cause de leurs commettants, chacun a fait valoir les principes consacrés par vos décrets, le droit inviolable de la propriété, le droit non moins sacré de la liberté personnelle. L'intérêt social, celui de l'agriculture, les égards que mérite une grande population, tous les moyens possibles ont été tentés ; on ne nous a pas même dissimulé qu'une satisfaction incomplète ne calmerait pas les domaniers, excités par l'espoir d'obtenir enfin un triomphe éclatant sur ceux qu'ils regardent comme leurs oppresseurs.
Vous n'avez pas ignoré, Messieurs, que des causes étrangères ont contribué à aigrir les domaniers. Vous avez voulu que leur intérêt fût discuté avec la plus grande maturité. Vous avez en conséquence ordonné à voire comité de Constitution d'éclairer de ses lumières Je zèle et l'activité de votre comité féodal. Nous-mêmes, convaincus, par nos propres réflexions, de l'importance du sujet, sous tous ses rapports, nous avons demandé le secours du comité d'agriculture; nous avons aussi invité le comité des domaines à prendre part à notre travail qui n'était point étranger aux biens devenus nationaux. Enfin, pour ne rien omettre de ce qui pouvait servir à notre instruction, le comité d agriculture a cru devoir consulter la société royale d'agriculture dont nous avons reçu l'avis motivé avec autant de circonspection que de solidité.
C'est à l'aide de tous ces secours que nous avons entrepris la réforme des usemenls bretons. Nous y avons ajouté un examen sérieux du texte, nous l'avons conféré avec les baux et les baillées qui depuis plusieurs siècles constatent les droits respectifs des fonciers et des domaniers. Nous avons discuté tous les articles du projet que nous avons l'honneur de vous offrir, en présence des députés extraordinaires ; et si tous ces articles n'ont pas eu leur approbation unanime, aucunes des observations qu'ils nous ont faites n'ont été négligées.
Il me reste, Messieurs, à vous présenter les principaux motifs de notre opinion.
Parmi les questions qui nous ont occupés, la première et la principale a été celle de savoir, à qui, du foncier ou du domanier, appartient la propriété du sol donné à bail à convenant.
Cette question ne nous a point paru problématique. Tous les contrats passés entre le foncier et le domanier, portent que le foncier donne et que le domanier reçoit le domaine à titre de bail pour un temps limité.
A la vérité, le foncier vend les édifices et superfices au domanier; mais premièrement, celte vente particulière ne change point la nature du contrat relatif aux terres arables. Secondement, cette vente est soumise à l'action du réméré, et le terme de cette action est précisément le même que celui du bail. La vente des édifices et superfices n'est donc pas une.vente parfaite; c'est un simple engagement dont l'effet se borne à encourager le cultivateur; mais qui ne lui transfère point la propriété incommutable de la chose vendue.
A plus forte raison le domanier ne peut-il prétendre la propriété des prés, des terres arables, des terres hermes, de tous les objets qui ne lui sont cédés qu'à titre de simple bail. Son titre s'élève contre une telle prétention ; ce qui n'est donné que pour un temps limité, à titre purement précaire, et sous la condition expresse d'en abandonner la jouissance au terme convenu, n'a certainement aucun des caractères d'une véritable propriété.
Non seulement tous les baux qui nous ont été communiqués offrent la preuve de cette vérité essentielle, on la retrouve encore dans tous les usements ; et si comme tous les intéressés en conviennent, le bail à convenant existait avant l'établissement du régime féodal, il n'est plus possible d'élever le moindre nuage sur la nature d'une transaction dont les principaux caractères se sont conservés pendant tant de siècles.
Mais, en rendant hommage au droit des fonciers, nous n'avons pu
méconnaître les abus
Nous n'avions plus à nous occuper des droits de justice, de la mainmorte ou quevaise, de l'écnute, du partage inégal, de toutes ces prérogatives que vous avez anéanties, et que nous ne rappelons dans le projet de décret que pour indiquer en même temps l'acte souveraia qui les a proscrites.
L'état actuel du bail à convenant nous offrait une question plus étrangère à vos décrets, et dont la solution n'en dérive que par une induction qui peut paraître problématique. Presque tous les baux actuels contiennent, de la part du domanier, une soumission générale à l'usement de la contrée qu'il habile. Cette soumission suffit-elle pour l'astreindre, à l'avenir, aux corvées personnelles, aux banalités, aux droits de mutation, à toutes les charges que vous avez supprimées sans indemnité, à moins qu'il ne fût prouvé qu'elles ont été le prix de la concession du sol? Quelques fonciers ont prétendu qu'elle devait produire cet effet.
On n'a pas manqué de réclamer, en leur faveur, la nature même du contrat, dont le caractère principal consiste dans la tradition d'un sol quelconque. Cette raison serait décisive, sans doute, si les corvées, si la condition de suivre le moulin du foncier, avaient été stipulées dans un bail pur et simple, indépendant de toute loi coutu-mière ; mais nous n'avons pu voir, dans la stipulation générale réclamée par les fonciers,qu'une soumission forcée aux usements, que la reconnaissance vague et inconsidérée de diverses prérogatives que vos décrets ont abrogées. Cette vérité ne peut être contestée, relativement à la suite de la justice, à l'échute, à la quevaise, au partage inégal.
Or, qui peut douter que les autres obligations prescrites par les usements n'aient pris leur source dans le principe féodal d'où celles-ci ont été dérivées ? Qui peut croire qu'un bail purement précaire, qu'un simple engagement dont la durée est restreinte à un temps très court, soit compatible avec la stipulation du lod, avec celle des corvées personnelles, avec la banalité ? Nous n'avons pu voir, dans la soumission aux usements, ce calcul libre et éclairé qui dirige la volonté légale du soumissionnaire ; nous avons pensé que le retour de la liberté devait dissiper, en Bretagne, les erreurs cou lumières qu'il a détruites dans les autres contrées de l'Empire ; et nous n'avons pas cru qu'il fût possible de conserver une partie des obligations prescrites par les usements, et de rejeter les autres, après avoir détruit la cause qui leur est commune.
Cependant nous avons pensé que l'obligation de conduire, au domicile du propriétaire, la portion annuelle qu'il s'est réservée, dans les fruits de son domaine, devait être exceptée. Cette obligation, usitée dans tous les baux, dans toutes les contrées du royaume, prescrite par la nature de la transaction, avantageuse aux deux parties dont elle resserre les rapports, nous a paru devoir être conservée.
Un objet, plus important peut-être, est le droit barbare que le foncier s'était arrogé d'expulser, à son gré, le cultivateur, s'il continuait son exploitation après le terme de la baillée. Cette étrange prérogative, infectée d'abord du vice de non-réciprocité, a bien d'autres inconvénients. Un cultivateur enchaîné sur un sol étranger, dont il peut être expulsé à chaque instant, sans pouvoir lui-même se retirer, qu en abandonnant tous les fruits de son travail, contribuera-t-il à sa ruine, en provoquant, par ses soins, l'avidité dé son maître ? S'exposera-t-il à être congédié la veille d'une récolte abondante ? Concevez-vous, Messieurs, que le droit barbare de l'expulser à cette époque désespérante, ait été érigé en axiome de jurisprudence, par les tribunaux bretons? Nous n'avons pas hésité sur la réforme de cette iniquité, et nous ne doutons pas que vous ne la prononciez.
Nous vous proposons aussi de prescrire l'usage injuste de ne payer les plantations utiles, que sur le pied de la valeur du bois à brûler; de permettre à l'agriculteur l'éducation du noyer et du châtaignier, qui, sans nuire aux récoltes, enrichissent les terrains ingrats, et forment, pour l'Etat, une ressource précieuse.
Après avoir purgé le domaine congéable de tout ce qui nous a paru, ou opposé aux principes consacrés par vos décrets, ou contraire aux règles d'une bonne économie, nous avons dû prévoir que le retour même d'un ordre plus juste peut opérer une grande ressource dans les cantons qui se plaignent de leur régime actuel ; que les circonstances présentes pourraient rendre cette secousse dangereuse ; que si les fonciers et les domaniers se trouvaient tous déliés de leurs obligations, à la même époque, cet événement, inquiétant pour l'agriculture, pourrait être funeste au repos des contrées que vous voulez rappeler à un régime plus sage. Nous nous sommes donc attachés à prévenir cet accident.
Nous avons pensé qu'en laissant, à l'avenir, aux parties contractantes, la liberté de conserver le domaine congéable, ou d'adopter un autre genre de transaction, il était nécessaire de déterminer comment et à quelle époque les reconductions tacites, les baillées et les baux actuellement existants cesseront d'obliger ceux qui s'y trouvent soumis.
Nous n'avons pas cru qu'il fût juste, ou de congédier le domanier, ou d'exposer le foncier à manquer de cultivateur, si le terme de l'engagement réciproque était actuellement arrivé. Nous vous proposons de leur accorder en ce cas un délai mutuel de deux ans.
Nous vous proposons le même délai pour le cas
Enfin, si le domanier n'exploite point par ses mains, si le terme du bail n'arrive qu'après deux ans, si même le foncier a déjà pris de nouveaux engagements avec un autre cultivateur, nous pensons que, dans tous ces cas, la loi du contrat doit être exécutée.
Nous ne nous sommes pas bornés à ce détail particulier. Nous avons cru qu'il était important ae régler la forme des prochains congéments, en délivrant l'action réciproque, qui peut en résulter, des entraves de l'ancienne pratique.
Nous n'avons pas négligé l'article de la dîme et celui de l'impôt foncier.
Nous nous sommes efforcés enfin de prévoir et de régler tout ce qui, dans cette matière importante, pourrait ou troubler la paix qui doit régner entre le propriétaire et le cultivateur, ou blesser leurs droits mutuels.
Vous trouverez, Messieurs, le résultat de toutes nos discussions dans le projet de décret que je vais vous lire.
. Art. 1er. Les concessions ci-devant faites
dans les départements du Finistère, du Morbihan et des Gôtes-du-Nord,
par les propriétaires fonciers aux domaniers, sous les titres de baux à
convenant ou domaine congéable, et de baillées ou renouvellement
d'iceux, continueront d'être exécutés entre les parties qui ont
contracté sous celte forme, leurs représentants ou ayants cause, mais
seulement sous les modifications et conditions ci-après exprimées; et
ce,nonobstant les use-menls de Rohan,Cornouail les, Brouerec.Tréguier et
Gouëllo, et tous autres qui seraient contraires aux règles ci-après
exprimées, lesquels usements sont à cet effet et demeurent abolis à
compter du jour de la publication du présent décret.
« Art. 2. Aucun propriétaire foncier ne pourra, sous prétexte des usements dans l'étendue desquels les fonds sont situés, ni même sous prétexte d'aucune stipulation, insérée au bail à convenant ou dans la baillée, exiger du domanier les droits et prérogatives ci-après exprimés, et déjà supprimés expressément ou implicitement, comme dérivant de la féodalité et de la justice, savoir : le droit de suite à sa ci-devant justice ou juridiction ; celui de suite à son moulin; l'obligation par le domanier de faire la recette du rôle de ses cens et rentes, et le droit de déshérence ou échule.
c Art. 3. Pourront les domaniers, nonobstant tous usements ou stipulations contraires, aliéner les édifices et superficies de leurs tenues pendant la durée du bail, sans le consentement du propriétaire foncier, et sans être sujets aux lots et ventes ; et leurs héritiers pourront diviser entre eux lesdits édifices et superfices, sans le consentement du propriétaire foncier, sans préjudice de la solidarité de la redevance, ou des redevances dont lesdites tenues sont chargées.
« Art. 4. Le propriétaire foncier ne pourra exiger du domanier aucuns des services d'hommes, voitures, chevaux ou bêtes de somme qui n'auront point été expressément stipulés et détaillés dans le bail ou la baillée, et qui n'auraient été exigés qu'en vertu des usements ou d'une clause de soumission à iceux. Lesdits services qui auront été expressément stipulés ne pourront être exigés qu'en nature, et ne s'arrérageront point.
« Art. 5. Pourront néanmoins les propriétaires fonciers, d'après les seuls usements, exiger les charrois ou services de bêles de somme nécessaires pour le transport des grains provenant des redevances convenancières dues par les domaniers.
« Art. 6. Ne pourront les domaniers exercer contre les propriétaires fonciers aucune action en restitution, à raison des droits ci-dessus supprimés pour l'avenir, qui auront été payés ou servis; mais toute action ou procès actuellement subsistant, et non terminé par un jugement en dernier ressort, pour raison desdits droits non payés ou servis, est éteint et les parties ne pourront les faire juger que pour la question des dépens faits antérieurement à la publication du présent décret.
« Art. 7. Les propriétaires fonciers et les domaniers, en tout ce qui concerne leurs droits respectifs sur la distinction du fonds et des édifices et superfices, des arbres dont le domanier doit avoir la propriété ou le simple émondage, des objets dont le remboursement doit être fait au domanier lors de sa sortie ; comme aussi en ce qui concerne les termes des payements des redevances convenancières, la faculté de la part du domanier de bâtir de nouveau ou échanger les bâtiments existants; se régleront d'après les stipulations portées aux baux ou baillées, et, à défaut de stipulation, d'après les usements anciens auxquels les parties se sont soumises, ou dans l'étendue desquels les fonds seront situés.
« Art. 8. Au cas où le bail ou la baillée et les usemenls ne contiendraient aucun règlement sur les châtaigniers et noyers, lesdits arbres seront réputés fruitiers, à l'exception néanmoins de ceux desdits arbres qui seraient plantés en avenues, masses ou bosquets, et ce nonobstant toute jurisprudence à ce contraire.
« Art. 9. Dans toutes les successions directes ou collatérales qui écherront à l'avenir, les édifices et superfices des domaniers seront partagés comme immeubles, selon les règles prescrites par la coutume générale de Bretagne et par les décrets déjà promulgués, ou qui pourront l'être par la suite comme lois générales pour tout la royaume.
« Art. 10. Pour éviter toute contestation, et nonobstant le décret du premier décembre dernier, auquel il est dérogé quant à ce, pour ce regard seulement, et sans tirer à conséquence pour l'avenir, les domaniers profileront, pendant la durée des baillées actuelles, de l'exemption de la dîme; mais ils supporteront la totalité des impositions foncières, et ils retiendront au foncier, sur la redevance convenancière, une partie de cet impôt proportionnellement à ladite redevance. Jneti'ïïao*) ô
« Art. 11. A l'expiration des baux ou des baillées actuellement existants, il sera libre aux domaniers qui exploitent eux-mêmes leurs tenues, de se retirer et d'exiger le remboursement de leurs édifices et superfices, pourvu néanmoins que les baux ou baillées aient encore 2 années complètes à courir, à compter de la Saint-Michel, 29 septembre 1791. Dans le cas où les baux ou baillees seraient d'une moindre durée, le domanier ne pourra se retirer avant l'expiration desdites 2 années, à compter de la Saint-Michel 1791, sans le consentement du propriétaire foncier, et réciproquement le propriétaire foncier ne pourra congédier le domanier, sans le consentement de celui-ci, qu'après l'expiration du délai fixé par le présent article.
Les colons qui font actuellement exploiter les tenues par des sous-fermiers pourront être congédiés, ou se retirer, et exiger le remboursement de leurs édifices ou superfices, à l'échéance du bail ou de la baillée subsistante, à quelque époque qu'elle arrive.
« Les domaniers dont les baux sont expirés, et qui jouissent par tacite reconduction, ne pourront être congédiés ni se retirer qu'après 4 années complètes échues à compter de la Saint-Michel 1791.
Art. 12. Les propriétaires fonciers qui justifieront par actes authentiques, antérieurs au premier mars de la présente année, ou ayant date certaine avant cette époque, avoir concédé à de nouveaux domaniers les tenues, par entrer en jouissance avant l'expiration des délais accordés par l'article précédent, pourront nonobstant les -dispositions dudit article,congédier les domaniers dont les baux ou baillées seront finis avant l'expiration desdits délais.
« Art. 13. A l'expiration des baux ou baillées actuellement existants aux époques ci-dessus fixées, il sera libre à l'avenir aux parties, et sous les seules reslrictions ci-après exprimées, de faire des concessions à titre de bail à convenant, sous telles conditions qu'elles jugeront à propos, soit sur Ja durée desdits baux, soit sur la nature et quotité des redevances et prestations, soit sur la faculté du domanier de construire de nouveaux bâtiments ou de changer les anciens, soit sur les clôtures ou défrichements, soit sur la propriété ou jouissance des arbres, soit sur la faculté de prendre, par le domanier, des arbres, de la terre ou du sable pour réparer les bâtiments; et les conventions aes parties, textuellement exprimées,seront à l'avenir la seule règle qui déterminera leurs droits respectifs.
« Art. 14. Tout bail à convenant ou baillée de renouvellement seront désormais rédigés par écrit. Si néanmoins le propriétaire foncier avait laissé continuer au domanier la jouissance après le terme du bail ou de la baillée expiré, ou si le domanier avait conservé cette jouissance faute de remboursement, le bail ou la baillée seront réputés continués par tacite reconduction, pour 2 ou 3 années, selon que l'usage du pays sera de régler l'exploitation des terres par 2 ou 3 années.
« Art. 15. Ne pourra pareillement le propriétaire foncier, sous prétexte de la liberté des conventions portée en l'article 13, stipuler en sa faveur aucuns des droits supprimés par les articles 2 et 3.
« Art. 16. Seront au surplus les conventions, que les parties auront faites, subordonnées aux lois générales du royaume, établies ou à établir,
Eour l'intérêt de l'agriculture, relativement aux aux à ferme, en ce qui sera applicable au bail à convenant.
« Art. 17. Après l'expiration des baux ou des baillées actuellement existants, et lorsqu'il s'agira de procéder au remboursement des édifices et superfices, il sera procédé au prisage à l'amiable entre les parties, ou à dire d'experts convenus, ou nommés d'office par le juge de paix du canton dans le ressort duquel les tenues seront situées, sauf aux parties, en cas de contestation sur l'estimation, à se pourvoir devant le tribunal des districts.
« Il en sera usé de même pour les baux à convenant qui pourraient être passés à l'avenir, lorsque, d'après les conventions des parties, il y aura lieu à un remboursement et à une estimation.
« Art. 18. Les frais de la nomination d'experts, de leur prestation de serment, du prisage et de l'affirmation, seront supportés, à l'égard des baux actuellement existants, par le propriétaire foncier; et pour les baux qui seront faits à l'avenir, ils seront payés par ceux que les conventions en chargeront.
« Les frais de la revue seront supportés par celui qui la demandera.
« Art. 19. Tous les objets qui doivent entrer en estimation seront estimés, suivant leur vraie valeur, à l'époque de l'estimation qui en sera faite, à l'expiration des baux subsistants, ou des délais ci-dessus fixés. Les propriétaires fonciers seront tenus de rembourser aux domaniers tous lesdits objets, même les labours et engrais, sur le piei de l'estimation. Après ledit remboursement effectué, les domaniers ne pourront, sous aucun prétexte, s'immiscer dans l'exploitation et jouissance des tenues dont ils auront été congédiés.
« Les estimations qui pourront avoir lieu en exécution des baux à venir seront faites conformément aux conventions des parties.
" Art. 20. S'il s'élève des questions sur la nature des objets qui doivent entrer dans l'estimation des édifices et superfices, et des améliorations à rembourser an domanier, elles se régleront, pour les baux actuellement existants, et pour les tenues dont les domaniers jouissent par tacite reconduction, d'après les divers usements anciens ; pour les baux qui seront faits à l'avenir, d'après les conventions des parties.
« Art. 21. Le domanier ne pourra être expulsé que préalablement il n'ait été remboursé, et à cet effet le prisage sera toujours demandé 3 mois auparavant l'expiration de la jouissance et fini dans ce délai.
« Art. 22. A quelque époque qu'ait commencé la jouissance des domaniers qui exploitent actuellement les tenues, soit en vertu de baux ou baillées subsistants, soit par l'effet de la tacite reconduction, le congément ne pourra être réciproquement exercé à d'autre époque de l'année qu'à celle de la Saint-Michel (29 septembre). Si I exploitation du domanier avait commencé à un autre terme, il sera tenu de payer au propriétaire foncier la redevance convenancière, au prorata du temps dont il aura joui de plus.
« Art. 23. A défaut' de remboursement effectif de la somme portée en l'estimation, le domanier pourra, sur un simple commandement fait à la personne ou au domicile du propriétaire foncier, faire vendre, après trois publications de huitaine en huitaine, et sur enchères, en l'auditoire du tribunal du district, les édifices et superfices et subsidiairement en cas d'insuffisance, le fonds.
« Si le prix de la vente des édifices, superfices et du fonds ne suffit pas pour le remboursement du domanier, il pourra se pourvoir par les voies de droits pour le payement du surplus.
Art. 24. A défaut de payement, de la part du domanier, des prestations et redevances par lui dues à leur échéance, le propriétaire foncier pourra, en vertu de son titre, et sans jugement préalable, faire saisir les meubles, grains et denrées appartenant au domanier. 11 pourra même faire vendre lesdits meubles, et, en cas d'insuffisance, lesdits édifices et superfices, après néanmoins avoir obtenu contre le domanier un jugement de condamnation ou de résiliation du bail.
« Arl. 25. La vente des meubles du domanier ne pourra être faite qu'en observant les formalités prescrites par l'ordonnance de 1667, et sous les exceptions y portées, A l'égard des édifices et superfices, ils seront vendus sur trois publications en l'auditoire du tribunal du district du ressort.
« Art. 26. En cas d'insuffisance des meubles, des édifices et superfices vendus, le propriétaire foncier pourra se pourvoir par les voies de droit pour ce qui lui restera dû. »
(L'Assemblée décrète l'impression du rapport de M. Arnoult.)
Un membre. J'observe que l'heure est trop avancée pour se livrer à la discussion.
(L'Assemblée, consultée, décrète la remise de la discussion jusqu'après l'impression du rapport)
lève la séance à neuf heures et demie.
A LA SÉANCE DE L'ASSEMBLÉE NATIONALE DU
CONSULTATION DES JURISCONSULTES DE RENNES sur les domaines congéables.
Le conseil soussigné, qui a examiné différents mémoires et projets, relatifs aux domaines congéables de Bretagne, dans les usements de Broue-rec, Cornouailles, Tréguier et Gouëllo :
Est d'avis que les raisons d'équité s'unissent à l'intérêt public pour maintenir ces usements.
La concession à domaine congéable n'est autre chose qu'un louage consenti pour 6 ou 9 ans, avec vente des édifices et superlices, sous la condition que le bailleur peut, à la fin du bail, congédier le colon, en lui remboursant la valeur des édifices dont il ne peut augmenter l'étendue sans le consentement du propriétaire foncier.
Qu'on envisage ce contrat sous tous ces rapports, on n'y voit rien qui ressente la servitude ni la féodalité, rien qui ait le caractère d'une rente foncière, rien qui nuise au bien public.
Dans la tenure à domaine congéable, le colon est le maître de sa personne, de ses actions, de ses biens. 11 peut résider sur la tenue, ou habiter ailleurs. Il est libre de sous-affermer ou de vendre ses droits réparatoires, sans le consentement du foncier. A sa mort, le propriétaire foncier n'exerce aucun droit sur ses biens, quand même le colon ne laisserait pas d'héritiers. Il n'y a donc pas dans la baillée à domaine congéable la moindre clause qui ressente la servitude personnelle ou réelle.
Elle n'a pas plus de rapport avec la féodalité.
La concession en fief était un transport irrévocable et gratuit de la propriété d'un fonds à la charge d'une redevance féodale, de l'obéissance et des autres devoirs qui étaient naturels au fief, tels que la soumission à la juridiction du seigneur et à son moulin.
Une pareille concession ne pouvait être faite que par celui dont le domaine avait principe de fief.
Dans la baillée à domaine congéable, il n'y a pas de transport absolu de propriété; au contraire, le foncier se réserve la faculté de rentrer dans son fonds à la fin du bail.
S'il aliène ses droits réparatoires, ce n'est point à litre gratuit, mais pour une somme convenue qui répond à la valeur des édifices et superlices aliénés. Celte vente n'est point irrévocable, puis-qu'à la fin du bail le propriétaire a le droit de reprendre ses superlices ou de céder son droit à un tiers. Enfin, tout propriétaire, sans avoir
principe de fief, peut donner à domaine congéable son fonds, même roturier.
Il n'y a donc ni ressemblance, ni analogie entre la concession à domaine congéable et la concession en fief. L'une avait pour objet la cession d'une propriété réelle, l'autre ne transporte au domanier que la jouissance précaire du fonds et la propriété des édifices pour un temps limité.
De ce que quelques usements obligent les colons à suivre la juridiction et le moulin du seigneur foncier, les détracteurs de ces usements veulent en induire que cette obligation est une charge féodale, plus onéreuse au colon, que dans la féodalité ordinaire de Bretagne, puisque le seigneur du fief n'avait aucune justice sur son métayer.
Cette objection n'est que spécieuse. Il faut d'abord remarquer que le droit de suite de juridiction et de moulin n'est établi que par quelques usements. Il n'est donc pas un droit général ni naturel à cette tenue. C'est un droit tellement accidentel, que la plupart des propriétaires fonciers n'ont ni fief, ni juridiction, ni moulin.
Il faut remarquer encore que, quoique en droit le métayer ne fut pas soumis à la juridiction de son seigneur propriétaire, il pouvait néanmoins y être soumis par le fait, c est-à-dire par une convention entre lui et le seigneur. Les articles 10 et 34 de la coutume de Bretagne autorisent cette convention qui n'avait rien de la féodalité. Il en est de même du colon, qui n'est qu'un métayer par rapport à son seigneur foncier. Au surplus, cette objection devient aujourd'hui sans objet depuis la suppression des justices seigneuriales. Mais il ne sera pas moins libre au foncier de soumettre son colon à tel ou tel district, ou à tel juge de paix, pour l'exécution de son bail.
Do même aussi, quoique la banalité des moulins soit abolie, le propriétaire foncier qui aura un moulin pourra conventionnellement y assujettir son colon, comme le bailleur d'une métairie pourrait y assujettir son métayer. Ces sortes de conventions, faites de gré à gré, ne présentent aucun inconvénient. Elles ressemblent à toutes celles qui, libres et légitimes dans leur principe, deviennent nécessaires dans leur exécution.
Concluons donc qu'aucunes des obligations du colon ne peuvent être assimilées aux services du fief, et que la tenure à domaine congéable ne peut être comparée avec la féodalité.
Elle n'a pas plus de rapport au bail à rente foncière par la raison essentielle que le bail à rente foncière transfère la propriété entière du fonds arrenté, au lieu que le bail à convenant ne donne qu'une jouissance précaire du fonds pour un temps déterminé, et la propriété résoluble des édifices et superlices; propriété qui ne dure qu'autant que dure la jouissance du fonds, et qui cesse à la fin du bail, lorsque le propriétaire foncier veut congédier le colon.
Si les rentes convenancières ne peuvent être considérées ni comme des redevances féodales, ni comme des rentes foncières, il en résulte qu'elles ne sont point soumises à l'affranchissement permis par les décrets de l'Assemblée nationale. Les propriétaires fonciers, sous les usements de Brouerec,de Cornouailles, de Tréguier et Gouëllo, ne doivent donc pas craindre qu'il intervienne une loi qui autorise le rachat de leurs rentes convenancières, qui ne sont véritablement que des fermages.
L'Assemblée nationale, qui a déclaré les propriétés inviolables et sacrées,
ne verra dans la baillée à domaine congéable, qu'un contrat dont
Mais, dit-on, le colon ne peut augmenter l'étendue des édifices et superfices, sans le consentement du foncier. Cette prohibition est contraire à la liberté et au progrès de l'agriculture.
Il ne faut pas perdre de vue ia nature du contrat dont il s'agit. Le foncier qui loue son fonds, qui aliène ses édifices pour un temps est sans contredit le maître d'imposer au domanier toutes les Conditions et les réserves qui lui conviennent ; tout comme le colon est libre d'accepter ou de refuser ces conditions.
Dès que la vente des édifices est résolue et qu'ils doivent revenir au propriétaire foncier, lors du congément, pourquoi serait-il permis au colon de grever ce congément en ie surchargeant de nouveaux édifices, contre le gré du foncier? on ne pourrait étendre la liberté du colon sans entraîner celle du propriétaire.
Ce serait intervertir l'ordre naturel des choses en donnant à l'acquéreur et au preneur le droit de faire la loi au vendeur et au bailleur.
Cette contrainte, réprouvée par la raison et par la justice, n'aurait même pas pour prétexte l'amélioration de l'agriculture. C'est une vérité de fait que, dans l'étendue des usements à domaines coneéables, les terres sont les mieux cultivées en Bretagne. Cette bonne culture est donc nécessairement le résultat des lois particulières qui régissent ces territoires. On risquerait trop à perdre en changeant ces lois. La prudence commande de s'en tenir au bien, quand il y a du danger ou de l'incertitude à courir après le mieux : surtout quand, dans l'espoir de saisir ce mieux, on est forcé de faire violence à la liberté civile, qui garantit le libre usage des propriétés.
« Il ne faut pas, dit Montesquieu, décider par les lois de la liberté, ce qui ne doit être décidé que par les lois qui concernent la propriété. C est un paralogisme de dire que le bien particulier doit céder au bien public. Cela n'a pas lieu dans le cas où il est question de la propriété des biens; parce que le bien public est toujours que chacun conserve invariablement la propriété que lui donnent les lois civiles, qui sont le Palladium de la propriété. (Liv. 26, chap. 15.) »
Quand le foncier défend au colon d'augmenter I étendue des bâtiments sans son consentement; quand il lui défend de faire de nouvelles clôtures, etc., il n'agit pas contre la liberté civile; U use au contraire du droit commun qui veut que celui qui bâtit sur le fonds d'autrui perde ses mises et dépenses. Pourquoi donc interdirait-on aux propriétaires fonciers l'usage d'une faculté dont jouissent tous les autres bailleurs de fonds â louage? On ne peut croire que l'Assemblée nationale adopte des nouveautés qui grèveraient trop souvent un propriétaire peu aisé, et ne lui permettraient plus d'exercer le congément.
Si cependant le bien public pouvait exiger une nouvelle loi qui mît des bornes aux clauses prohibitives des baillées à domaine congéable, ces bornes devraient être posées avec bien de la modération. Quand on se croit forcé de disposer du bien d autrui, ce doit être avec la plus grande parcimonie : par exemple, ne permettre les nouvelles plantations que sur les haies et non en pleine terre ; accorder la faculté de clore les terrains vagues ; ne permettre la construction de nouveaux bâtiments que dans le cas seulement d'une insuffisance absolue de ceux existants, mais sans pouvoir couvrir en ardoise ce qui n'était couvert qu'en chaume. Il est des cantons où cette couverture est très chère. Plusieurs convenants ne contiennent que 4 ou 5 arpents de terre : ils exigeut, cependant, un logement pour le colon et la famille, et un autre pour ses 2o u 3 vaches. Ces petits édifices sont ordinairement couverts de chaume, et bâtis en murs de terre dans les lieux où la pierre est rare. Si ie colon avait la faculté de reconstruire en murs de pierres et de couvrir en ardoises, il triplerait la valeur du prisage de ses édifices, et forcerait, par ce moyen, le propriétaire de lui abandonner le fonds de son domaine.
Ce seul exemple suffit pour indiquer les inconvénients qui résulteraient d'un décret qui, pour favoriser les colons, nuirait trop aux propriétaires fonciers. Les uns, comme les autres, ont un droit égal au maintien des lois qui assurent la liberté des conventions.
Délibéré à Rennes, le
Signé : Legrànd, Boylesve, Frot, Morice du Lérain, Le Livec, Chaillou, Potier, Legars, R.-G. Le Merer.
a la séance de l'assemblée nationale du 10 mai 1791, au soir.
Opinion et projet de décret de M. Lelay-Grantugen, député du district de Morlaix, département du Finistère, sur les domaines conaéa-bles. J
Messieurs, je n'ai pas beaucoup de choses à vous dire sur le projet qui vous a été présenté par vos comités des droits féodaux, de Constitution, des domaines, d'agriculture et de commerce; ce projet n'est autre chose qu'une répétition complète de l'ancien et malheureux régime, devenu insupportable aux yeux des cultivateurs bretons. Il est formé de manière à faire croire aux membres de l'Assemblée nationale, notamment à la majeure partie, qu'ils n'ont point connaissance'de cet indigne régime, cent fois pire que les droits féodaux que les comités, sous l'apparence de vouloir faire quelque bien aux propriétaires doma-niers, proposent de supprimer ceux qui n'existent plus, et que vous avez déjà supprimés depuis quelque temps. Il vous propose également tous les moyens requis et nécessaires pour rétablir de nouveau, sous très peu de temps, ceux que vous avez voulu supprimer, pour toujours ; mais ils se sont dispensés de vous donner conuaissanoe d'une infinité d'abus qui sont beaucoup plus nombreux, et même pire que les droits féodaux.
Ils ont donc cru inutile de vous présenter aucun préambule sur cet objet, ni
sur aucun abus de ceux qui les ont engagés à former ce projet.
Cependant,Messieurs, un million de citoyens ont le droit d'espérer, de votre
justice et de votre équité, la même justice que vous avez rendue au reste du
royaume. Je finirai, Messieurs, par demander la question préalable sur le
projet du
J'interpelle M. le rapporteur de donner connaissance à l'Assemblée nationale des pièces que j'ai remises entre ses mains, et qui vous serviront de preuves sur ce que je viens d'avancer. Je demande en même temps que les membres du comité des droits féodaux fassent part à l'Assemblée des adresses, pétitions et réclamations contre ce malheureux régime qui ne peut plus exister en France parmi un peuple libre ; il ne peut plus rester d'esclaves sans qu'il en coûte du sang. Il n'y a pas un seul article dans ce projet qui ne mérite la question préalable. G'est pourquoi il vaut mieux la demander pour tous à la fois.
Avant qu'il fût question de la Révolution, les députés ae la ci-devant province de Rretagne, notamment ceux des départements du Morbihan, Gôtes-du-Nord, Finistère, furent spécialement chargés par les cahiers de leurs commettants de demander la suppression totale de cet ingrat régime, et, depuis deux ans, ils n'ont cessé de crier vers l'Assemblée nationale, pour demander cette suppression, soit en remettant ce soin à leurs représentants, soit par des députés extraordinaires qu'ils ont toujours tenus auprès de l'Assemblée nationale pour solliciter leur juste demande, ou par une foule de pétitions, adresses et réclamations; rien n'est capable de faire entendre leur juste demande à l'Assemblée. L'intérêt particulier a prévalu sur l'intérêt général. Leurs représentants mêmes, après avoir juré de défendre leurs intérêts, ferment aujourd'hui les yeux, et bouchent leurs oreilles pour ne pas entendre leurs cris, et, bien loin de les défendre, ils veulent qu'ils restent toujours leurs esclaves.
Je suis bien persuadé, Messieurs, que si vous connaissiez comme moi la triste situation où sont présentement les propriétaires à domaine con-géable, vous ne différeriez pas un seul instant à leur rendre justice et à supprimer sur-le-champ ce régime.
Je vous demande, Messieurs, comment sera-t-il possible que l'Assemblée nationale fasse une lui particulière pour trois départements, puisqu'elle a décrété que la loi sera égale et uniforme pour tout le royaume? Gomment sera-t-il possible de maintenir son exécution ? Non, Messieurs, tant que vos lois seront justes, il sera facile de les faire exécuter; mais, quandellesserontinjusles et attentatoires à la liberté et au bien général de ceux qui y sont soumis, vous ne pourrez les faire exécuter que par le fer, le feu et l'effusion du sang. Je prie M. le rapporteur de lire à l'Assemblée les pièces que je lui ai remises pour parvenir à un résultat des inconvénients ou abus multipliés et qui augmentent tous les jours, touchant ce malheureux régime.
11 est nécessaire de connaître séparément les droits des propriétaires fonciers, ceux des propriétaires domaniers, et la manière dont chacun en particulier use de ses droits respectifs.
Le propriétaire foncier, en déléguant la propriété des édifices et superfices, etc., etc., au domanier, s'est réservé le fond de la terre et une rente quelconque, appelée rente foncière et con-Yenanciêre; il s'est réservé de plus la liberté de congédier le domanier à l'expirement du bail. Lorsqu'il eu trouve quelque autre pour en faire lecongément, il donue la faculté de le faire pour une somme u'argent souvent très forte.
Les droits de propriété des domaniers consistent dans les édifices et superfices, c'est-à-dire que toutes les maisons et bâtiments, murs, jardins, fossés et talus, barrièrës, terres tant froides que chaudes, prés et prairies, issues et franchises, rivières et ruisseaux, ponts, talus, bois à feu de toute espèce, tant sur les fossés que sur le plat, joncs et genêts, engrais, veillons, en un mot toutes les productions de la terre, toutes ces choses leur appartiennent, même les arbres qu'on appelle bois blanc sont également aux domaniers. Il n'y avait autrefois que les bois de chêne réservés pour les fonciers et encore les domaniers ont-ils eu jusqu'à ce jour le droit de les émonder. Peu à peu les fouciers ont usurpé les arbres de bois blanc, dans le temps du despotisme, par des ordres des états de cette proviuce et des parlementaires, presque tous nobles et riches, aux dépens des pauvres cultivateurs domaniers. Mais le temps est venu où ces derniers ont le droit de réclamer votre justice : vous avez jugé convenable de rendre justice aux juifs ; vous les avez fait rentrer dans leurs droits ; pourquoi refuseriez-vous de faire la même chose à de braves catholiques français, bons cultivateurs domaniers qui ne demandent leur liberté qu'en la payant cher, ou au moins au prix valant, ce qui n'est que l'enfance ou le fondement de tous les régimes des droits féodaux, ce qui est mille fois plus cruel ; c'est de ce régime que l'esclavage tire sa source, chose qui ne peut plus exister en France parmi un peuple libre. Si vous ne coupez pas cette première racine ou pivot, vous verrez bientôt les droits féodaux rétablis en France.
Vous avez décrété, Messieurs, que tous les particuliers céderont leurs propriétés quand cela sera nécessaire pour le bien général, en leur donnant pour indemnité une somme équivalant leur propriété.
Je vous demande, Messieurs, s'il est également nécessaire de céder sa propriété pour faire passer une grande route, de faire démolir une maison pour éviter, peut être, 20 pas de plus; jugez si cela est comparable à ce que je vous demande aujourd'hui, pour et au nom d'un million de pères de famille, dont le bonheur ou le malheur, la liberté ou l'esclavage sont entre vos mains ; et si vous décrétez sur le sort des domaines, vous allez perdre ou sauver l'agriculture dans ces 3 départements.
Pour vous convaincre de cette vérité, je vais vous exposer des faits incontestables pour que yous puissiez juger avec connaissance de cause.
Dans ce régime, il y a deux propriétaires fonciers ayant la même tenue, l'un foncier et l'autre domanier ; dans le projet du comité on prétend les traiter comme fermiers.
Vous reconnaîtrez bientôt, Messieurs, l'erreur du comit", et la perte injuste et incalculable que souffriront les domaniers si vous décrétez ce projet.
Les droits et propriétés des fonciers consistent dans la réserve du fond de la tenue, et une rente ou redevance foncière et convenancière quelconque par an ; jusque-là nulle difficulté entre les fonciers et domaniers, ils ne refusent point de continuer à payer la rente au propriétaire foncier, pourvu que, satisfaits tous les deux, les domaniers ne soient plus contraints malgré eux d'abandonner ces droits à l'arbitraire des fonciers. Voici le fait.
Le propriétaire foncier, en accordant au domanier le droit de propriété des édifices et superfices, lui a vendu toutes les maisons, bâtiments, granges, crèches, etc., il a tout cédé, excepté le fonds et la rente qu'il s'est réservé.
De plus, il s'est réservé (c'est ici la grande
Il ne peut pas ouvrir une carrière, même tirer des pierres des anciennes carrières pour réparer ses maisons, murs et talus, s'il n'a par écrit une permission de son foncier. Je vous demande si cela est juste, et si cela est d'accord avec la liberté.
Le propriétaire s'est de plus réservé, suivant l'ancien usage, les arbres et bois de chêne que le domanier aurait planté et laissé croître sur ses terres, à condition que les émondures lui appartiennent, malgré l'immensité d'arbres qui existent encore.
Vous devez voir, Messieurs, que le propriétaire foncier est devenu maître absolu de son domanier, par les conditions que ce dernier avait consenties par son premier contrat, et dans un temps d'ignorance et d'esclavage, les descendants ont été obligés de suivre la même trace que leurs pères, et sous un pouvoir arbitraire de force et d'autorité, l'esclavage et les abus ont augmenté et augmentent encore tous les jours pire que jamais.
J'ai vu moi-même qu'on ne pouvait congédier le domanier qu'à la Saint-Michel, au mois de septembre, à présent on les exclut à toute saison de l'année. Il y a plus de mille congéments dans ces 3 départements, ce qui cause la ruine des domaniers.
Jadis le propriétaire n'avait de droit sur la propriété du domanier que les arbres de chêne, mais aujourd'hui et depuis longtemps les fonciers se sont emparés de tous les arbres, plans de toute espèce, excepté les fruitiers.
Les états de la ci-devant province de Bretagne et les membres du parlement, tous gentilshommes propriétaires riches, ont privé les cultivateurs de tous les avantages et donné tous les arbres aux propriétaires fonciers.
C'est pour cela que le domanier ne laisse plus sur ses terres aucun plan ni arbre, parce que les ayant plantés, conservés et nourris, ils deviennent l'objet de sa ruine.
S'il a le malheur de couper un arbre pour réparer sa maison, pour faire une civière, il le payera quadruple au foncier et trois fois plus pour les frais.
Revenons maintenant aux inconvénients majeurs qui résultent du droit qu'a le propriétaire du fonds de congédier le domanier; quoiqu'il ne le fasse pas souvent lui-même, il charge un autre de ce som.
Vous allez voir tout à l'heure si les congéments ne détruisent pas l'agriculture et ne causent pas la ruine des domaniers.
II faut qu'il se rende auprès de son foncier au moins 2 ou 3 ans avant l'expiration de son bail, pour lui demander de le renouveler ou le droit de continuer la jouissance de sa propriété. Pour que le foncier consente à lui donner une nouvelle assurance, il faut lui payer une somme immense et qui surpasse de beaucoup tout le bénéfice qu'il a pu faire pendant la durée de sou bail.
Lorsque le domanier paye au foncier une somme de 300 livres de rente par an, il faut outre cela 12 ou 1,500 livres pour commission ou pot-de-vin, pour obtenir la permission de jouir de son propre
bien pendant 9 années. Il est forcé de payer tout ce que lui demande son foncier ; s'il s'y refuse, il lé congédie lui-même ou le fait faire par un autre.
Si le domanier est bon cultivateur, s'il a mis sa terre en bon état, également ses maisons, fossés et bois; s'il a engraissé et sablé ses terres ; s'il a fait de grosses avances d'argent pour mettre son bien en bon état; il a marché rapidement à sa ruine, et pour éviter d'être congédié, il faut qu'il paye pour commission une somme plus forte que tout ce dont il a pu profiter. Toutes ces dépenses tournent au profit du foncier, parce que ceux qui voudront faire un congément ne demanderont pas une tenue où les terres soient en mauvais état et les bâtiments en ruine, parce que les experts priseurs de mon pays ont malheureusement contracté la mauvaise habitude en n'apprenant pas à faire la différence des bonnes ou mauvaises terres bien ou mal cultivées ; ils sont tous gens de justice, sachant mieux manier la plume que d'estimer les terres. Les bons cultivateurs en sont toujours la dupe, et tout le profit retourne aux fonciers, aux juges et aux experts.
Lorsqu'un bon domanier est congédié et remboursé de ses droits, il perd au moins le quart de son bien, et cause la ruine d'un grand nombre de ses voisins à plus de 3 lieues d'arrondissement.
Quand Ja propriété d'un domanier vaut 15,000 fr. à dire de juré expert, il faut qu'il paye environ 1,200 livres de commission pour avoir une autre tenue, afin de placer son argent. Les experts jurés prendront à peu près la même somme pour leur commission d'arpentage et d'estimation, de plus les frais des juges qui ne sont pas honteux; ajoutons les frais et pertes qu'endure le domanier lorsqu'il déloge ses meubles, le transport de sa récolte, grain, paille, foin, fumiers, bois à feu, et tous ses ustensiles d'agriculture, il lui en coûtera pour le moins 3 ou 4,000 livres en pure perte.
Ses voisins, crainte d'être remboursés par lui ou par celui qui va congédier, crient à haute voix : le chien enragé est à courir. Ils vont en foule se jeter aux pieds de leur foncier pour demander une nouvelle assurance, coûte que coûte. J'ai été moi-même témoin de domaniers se jeter à genoux devant les fonciers, jeter leur bourse et tout leur argent sur la table, en leur disant : Prenez ce que vous voudrez, pourvu que vous nous donniez votre assurance.
Vous pouvez bien croire que les ci-devant nobles de mon pays ne sont pas timides.
Il résulte de là qu'un domanier est obligé de rembourser les autres. Il ne faut qu'un seul remboursement dans un canton pour occasionner mille congéments. Aucun ne veut rester sans terre, puisqu'il n'a d'autre métier que l'agriculture. Il est contraint de vendre à vil prix tous ses bestiaux, meubles, ustensiles d'agriculture, à aller en journée, après avoir mangé son bien.
Il résulte, Messieurs, que l'un pousse sur l'autre; la haine et la malice se mêlent parmi les voisins, par le moyen de ce malheureux congément ; ils demeurent ennemis mortels pour la vie ; les familles même ne s'arrangent jamais.
J'ai vu mille malheurs en résulter, incendies, meurtres et duels, voilà, Messieurs, le vrai tableau des effets funestes que produit dans mon pays le régime du domaine congéable.
Je laisse maintenant à votre sagesse à juger le domanier qui a subi jusqu'ici
le joug de l'aristocratie et du despotisme. C'est à vous de juger s'il est
juste et même pussible, dans un temps
Parlons donc, maintenant, puisque le temps qu'on attendait avec tant d'impatience est arrivé depuis le 4 août 1789, de rendre justice aux domaniers.
Je vous supplie, Messieurs, avant de finir, de peser dans votre sagesse avec la plus grande considération, que cette affaire est très importante, puisqu'il est vrai que le bonheur ou le malheur des campagnes et de l'agriculture de ces 3 départements dépend du décret que vous allez rendre.
Pour me résumer,je ne dois pas vous dissimuler que si vous adoptiez le projet qui vous a été soumis par nos comités, je vous préviens (car je connais les opinions des domaniers de ces 3 départements), que j'en ai donné connaissance à M. le rapporteur et aux membres du comité des droits féodaux, que si vous décrétez ce projet, il ne pourra avoir son exécution que par une force armée, ce qui coûtera beaucoup de sang.
Mais, Messieurs, je crois vous offrir plusieurs moyens de rendre justice au propriétaire foncier
Projet de décret.
« Art. ler. Les baillées à domaine congéable
seront à l'avenir pour 18 ans, à compter du jour du présent décret.
« Art. 2. Les assurances pour continuer la jouissance des droits de la propriété du domaine seront aussi de 18 ans.
« Art. 3. Les commissions ou pots-de-vin sont et demeurent arrêtés à une année de revenu, due aux propriétaires fonciers, par chaque baillée ou assuranco.
« Art. 4. Les propriétaires fonciers ne pourront augmenter la rente foncière ni les propriétaires du domaine no pourront prétendre aucune diminution sur la rente foncière.
Art. 5. Les propriétaires fonciers no pourront refuser une nouvelle assurance aux domaniers si ces derniers font l'offre de payer une année de rente pour pots-de vin ou commission, s'ils ont acquitté tant la rente foncière que les redevances, et les impôts dus à cause de leur propriété.
« Art. 6. A défaut de payement arriéré de plus d'une année, les propriétaires fonciers pourront congédier ou faire congédier leurs domaniers, à l'cchôance de leurs baillées, et se faire payer de toutes les redevances arriérées lors du remboursement des droits des domaniers.
« Art. 7. Lorsque les domaniers ne seront pas en état de payer une année de rente pour pots-de-vin, où s'ils ne veulent plus rester dans le domaine qu'ils occupent, ils seront obligés d'avertir les propriétaires 2 ans avant l'expiration do leurs baux ou assurances et de déclarer, d'une manière authentique, qu'ils ne veulent plus rester domaniers de leurs tenures ; dans ce dernier cas, les propriétaires fonciers seront obliges de les rembourser de leu rs droits, ou de prendre les leurs \ le tout à dire d'experts, qui seront choisis, au nombre de 3, soit pour les estimalious des droits fonciers, soit pour les estimations des droits domaniers.
« Art. 8. Les experts seront choisis par chacune des et au domanier, sans faire aucun tort ni à l'un ni à l'autre, ni faire de mécontents, à moins que ce ne soit ceux qui regrettent l'ancien régime.
Le premier consiste à donner une liberté au domanier de racheter la rente foncière et le privilège exclusif que les fonciers ont réservé d'exercer ou de faire exercer sur les domaniers un taux déjà décrété par l'Assemblée nationale ; tous les domaniers eu général ont fait cette pétition.
Le second est d'assurer aux fonciers leurs propriétés ainsi qu'aux domaniers.
Je veux avoir l'honneur de vous lire un projet que j'ai fait à ce sujet, et que j'ai eu l'honneur de distribuer aux membres de cette Assemblée.
Ce projet pourrait encore être reçu par les domaniers, parce qu'ils connaissent il y a longtemps la lecture de ce projet.
Je vous avoue que si vous faites encore une loi particulière et que si vous l'adoptez à l'avenir pour tout le royaume, vous verrez que le droit qu'ont acquis les domaniers de s'affranchir envers les fonciers est bien plus juste et plus conforme à la Constitution.
Observations relatives aux articles du projet.
De longues baillées ou assurances de jouissance sont nécessaires aux domaniers pour qu'ils puissent avoir l'espoir de finir des défrichements, de les voir produiro et de contenter leur espérance, de voir leurs plantations bien disposées par leurs soins, et d'entrevoir quelques avantages pour leurs enfants.
L'abonnement de la rente est aussi nécessaire, pour que les propriétaires puissent espérer le profit qui leur est dû pour les sommes qu'ils auront avancées, et pour leurs peines et soins.
On ne peut sans contrevenir à la justice et à la liberté dues à chaque citoyen donner un pouvoir plus absolu à l'un de ces deux propriétaires qu'à l'autre ; ainsi, à la fin do chaque baillée, ou assurance ils doivent jouir de la même faculté.
La permission ou faculté donnée aux fonciers pour congédier les domaniers, avant que ces derniers aient usé la moitié de leurs baux ou assurances, doit être annulée, parce que cet abus cause la plus grande injustice.
II est du devoir des législateurs de supprimer tous
parties intéressées, le troisième sera choisi par elles, ou, en cas de contestation sur le choix, il sera nommé d'office par le jnge de paix du canton dans le ressort duquel les biens se trouveront situés.
« Art. 9. Les experts qui seront choisis pour ces estimations doivent être pris, savoir : l'un des dits experts et le tiers expert, dans la classe dés cultivateurs, pour les campagnes seulement.
Art. 10. Le payement des experts jurés demeure fixé et arrêté à 6 livres par jour.
« Art. 11. Il est permis aux propriétaires domaniers d'améliorer les terres de leur domaine, de les défricher, de faire des fossés où besoin sera, de faire bâtir les maisons et édifices que bon leur semblera, tant pour leur logement que pour leurs bestiaux ; d'ouvrir les portes et fenêtres sur los anciennes maisons actuellement existantes autant qu'ils le jugeront à propos pour leur aisance et commodité ; de changer les couvertures de paille et de genêts en ardoises ; de tirer des pierres dans leurs terres pour leurs besoins, le tout à leurs frais.
«Art. 12. En cas de remboursement, les propriétaires de domaines seront payés et remboursés de leurs améliorations, à dire d'experts, ainsi que de tons leurs autres droits.
* Art. 13. Tous les arbres, plants et baliveaux de toute espèce, que les domaniers planteront ou laisseront croître sur les fossés lour appartiendront.
« Art. 14. Tous les arbres, plants et baliveaux que les domaniers planteront ou laisseront croître sur le sol plat et dans les bois taillis seront de moitié entre les deux propriétaires fonciers et domaniers.
« Art. 15. En cas de remboursement de la part de l'un à l'autre, ces bois seront prisés et estimés et la moitié de leur valeur sera remboursée aux sortants.
« Art. 16. Ni les fonciers ni les domaniers ne pourront disposer desdils bois, qui seront décrétés de moitié entre les deux propriétaires, sans que l'un et l'autre ne soient présents ou qu'il n'y ail une convention expresse et par écrit de celui qui se trouvera absent, laquelle contiendra le pouvoir de vendre, ou faire exploiter lesdits bois.
« Art. 17. Toutes les rentes foncières dues par les domaniers aux propriétaires fonciers seront payées en argent, et non d'aucune autre manière.
« Art. 18. Les rentes en nature, comme grains de toutes espèces, chapons, poules, œufs, lin, etc., etc., seront évaluées, et lo prix d'icelles payé en argent, d'après le prix qui sera réglé, sur le pied de ce quo ces objets se vendront dans les villes de district les plus voisines, on bien évaluées à l'équipolent des dix dernières années.
« Art. 19. Les congéments n'auront lieu que depuis la Saint-Michel, 29 septembre, jusqu'au 29 octobre, chaque année,
observations.
les abus; l'injustice des experts cause la ruine totale des domaniers, tant par leur ignorance sur la valeur des objets qu'ils estiment que par les sommes excessives qu'ils prennent pour leur salaire. Si cet article n'était pas supprimé, on serait forcé de développer ces abus clans leur entier, ce qui ne pourrait être qu'àla_confu-sion de ceux qui s'y seraient opposés.
Si l'on vent rendre justice et encourager le zèle des cultivateurs, comme on leur a promis, on ne peut refuser à ces domaniers la plus grande liberté d'améliorer leurs terres, de construire des maisons, crèches, granges et antres édifices suivant l'étendue de leurs terrains, le nombre de leur famille et de leurs bestiaux ; car cette faculté qui, jusqu'à présent, leur a été ravie, est l'effet de la plus grande tyrannie.
On ne peut refuser aux domaniers la jouissance et pleine disposition des bois, arbres, plants et baliveaux qu'ils élèveront à l'avenir, parce qu'ils leur appartiennent véritablement ; les propriétaires fonciers n'ont rien de commun avec les propriétaires domaniers dans les fossés. D'ailleurs, les domaniers ne peuvent être privés des bois qui sont sur ces fossés, puisqu'il chaque instant ils peuvent avoir besoin d'une charrue, charrette, etc., ou de couper ces bois pour réparer leurs maisons et édifices, qui souvent tombent en ruine, faute de pouvoir obtenir le consentement des propriétaires qui sont quelquefois demeurants à plus de cent lieues de leurs domaines et qui, d'ailleurs, pour la plupart, sont assez injustes pour se refuser à leurs demandes.
Lo payement en nature, de différentes espèces, a occasionné beaucoup de mauvais procès contre les domaniers.
Les cris et les réclamations des propriétaires domaniers n'ont cessé, depuis le 15 mars dernier, de supplier l'Assemblée nationale de statuer sur leur sort, comme il est porté en l'article 7 du titre 2 des Ieltres patentes du roi, du 15 mars 1790, sanctionnées le 28 du même mois, où on a dit qu'à l'égard du teneur du domaine congéable, il sera statué par un article particulier ; il est urgent de décider cette affaire, pour arrêter do grands malheurs.
Le congément qui se fait dans d'aulres saisons de l'année occasionne la ruine totale des cultivateurs, surtout en hiver, ou avant la récolte.
Nota.—Nous observons ici que, par des adresses envoyées par les députés de la ci-devant province de â leurs commettants, ils leur ont fait espérer que l'Assemblée nationale statuerait sur l'objet du domaine congéable sans desemparer. (Note de Vauteur.)
PRÉSIDENCE DE M. D'ANDRÉ.
Séance du
La séance est ouverte à neuf heures du matin.
Un de MM. les secrétaires fait lecture du procès-verbal de la séance d'hier au matin, qui est adopté.
Un de MM. les secrétaires fait lecture des adresses suivantes :
Adresse des administrateurs composant le directoire du département de l'Hérault, de la société des amis de la Constitution et du conseil général de la commune de Saint-Sever-Cap, qui adhèrent avec empressement à l'adresse au roi, du département de Paris, persuadés qu'elle n'a pour objet que d'affermir la Constitution, et de la garantir des atteintes que ses ennemis veulent lui porter.
Lettre du directoire du département de l'Hérault qui fait hommage à l'Assemblée d'une adresse qu'il a présentée au roi à ce sujet.
Adresse des membres du bureau de conciliation du district de Caen, tendant à les justifier des imputations faites contre eux par la société des amis de la Constitution de Caen ; ils attestent que depuis 5 mois et demi qu'ils exercent leurs fonctions, près de 2,000 affaires ont été portées devant eux, et qu'ils en ont terminé, aimablement, plus de 800; les officiers municipaux rendent hommage à leur patriotisme.
Adresse de la société des amis de la Constitution, séant à Verdun, et des officiers municipaux de la paroisse de Selles-Saint-Denis, département de Loir-et-Cher, qui instruisent l'Assemblée des honneurs funèbres qu'ils ont rendus à M. de Mirabeau.
propose un projet de décret relatif à la division du canton de Saumur en 3 arrondissements.
Ce projet de décret est ainsi conçu :
« L'Assemblée nationale décrète que les administrateurs du district de Saumur, d'après l'avis du directoire du département de Maine-et-Loire, sont autorisés à diviser le canton de Saumur, y compris la ville, en 3 arrondissements, pour y placer, dans chaque, uu juge de paix de la manière la plus commode aux administrés du canton. »
(Ce décret est adopté.)
au nom du comité des finances, expose à l'Assemblée la difficulté qui s'élève sur le payement des excédents et bons de masse ci-devant comptés aux officiers des différents tribunaux des greniers à sel, et qui est de savoir si cet objet est compris dans la suppression des étrennes et gratifications; il demande le renvoi de cet objet au pouvoir exécutif.
(Ce renvoi est décrété.)
au nom du comité des finances, fait un rapport sur les précautions à prendre pour distribuer les secours quipourraient être accordés, dans les cas d'incendie, inondations, maladies épi-zootiques, et autres fléaux, sur les fonds communs mis en réserve pour les législatures et départements, après que, sur lesdits fonds de réserve, on aura prélevé les sommes nécessaires pour les décharges, remises et modérations auxquelles ces fonds sont principalement destinés; il s'exprime ainsi :
Messieurs, il entre dans les premiers devoirs de tout gouvernement, et de toutes associations politiques, à plus forte raison d'une administration nationale et fraternelle :
1° De pourvoir aux besoins des hôpitaux destinés aux malades, aux infirmes, aux vieillards, aux enfants trouvés et abandonnés.
2° D'extirper le vagabondage et la mendicité, ce qui entraîne la nécessité d'établir des ateliers de charité pour employer ceux qui manquent d'ouvrage, et qui ne demandent que du travail.
3° Il est également du devoir d'une sage administration de fournir des secours aux départements pour les mettre dans le cas de soulager les communes et les districts de leur ressort qui ont essuyé des grêles, des gelées, des incendies, des inondations, maladies épizootiques, ou autres fléaux tellement graves, que les pertes qui en sont résultées ne puissent être convenablement réparées ou soulagées par les seuls fonds mis en réserve dans les départements.
Ces trois obligations découlent de la même source et dérivent des mêmes principes : cependant elles sont réellement distinctes et séparées par leur objet, il est important de no pas les confondre.
L'Assemblée, pénétrée de ces vérités, s'est déjà principalement occupée des deux premiers objets, partiellement du troisième. Quant aux deux premiers, qui concernent les hôpitaux, vagabondage, mendicité, ateliers de charité, pour éviter des longueurs, on se bornera à dire qu'il y a été pourvu par les décrets des 14, 22 décembre 1789, 30 mai, 21 août, 10 septembre, 4 et 16 décembre 1790, 18 février, 30 mars, 5 avril 1791 : peut-être eût-il été utile de rapporter ces décrets en substance, mais ou peut y recourir.
Les décrets que l'on vient de citer ne concernent en aucune manière les secours que l'on doit fournir aux départements qui ont essuyé des pertes; les sommes dont il y est parlé ne sont accordées que pour les travaux publics ; cependant l'Assemblée n'a pas perdu de vue l'objet des secours qui sont dus à raison des pertes : on va voir les décrets qui y ont rapport.
Sur les secours à accorder aux départements à raison des grêles, gelées, incendies, inondations, maladies épizootiques et autres fléaux.
Par le décret du 26 octobre sur l'incendie de Limoges, l'Assemblée
nationale autorise les administrateurs du département de la Haute-Yienne
Elle autorise en ouire le minisire des finances à faire verser dans la caisse de la municipalité de Limoges la somme de 240,000 livres en différents termes.
Par les décrets des 16 et 26 novembre, il a été provisoirement accordé aux départements de la Nièvre, du Loiret, de l'Allier, du Cher, du Loir-et-Cher et autres, à chacun 30,000 livres, à raison des inondations qu'ils ont éprouvées. t
Le décret du 23 novembre, sur la contribution foncière, titre IV, renferme les dispositions suivantes :
« Dans les cas où, sur la plainte des particuliers contribuables, il y aura réduction prononcée, la somme excédante sera portée la première année sur les fonds de non-valeurs, et répartie, les années suivautes, sur tous les contribuables de la communauté.
* Si la réduction est prononcée en faveur d'une communauté, l'excédent sera de même portée,la première année, sur les fonds de non-valeurs, et les années suivantes sur toutes les municipalités du district.
« Si la réduction est prononcée pour un district, la somme excédante sera également portée, la première année, sur les fonds de non-valeurs, et répartie, les années suivantes, sur tous les districts du même département.
« Quant aux départements, le rejet de la somme excédante se fera de même, la première année, sur les fonds de non-valeurs, et les suivantes par versement sur tous les autres départements. »
Un décret du 16 décembre 1790 accorde 15 millions aux départements, dont 6,640,000 livres doivent être distribuées avec égalité entre tous les départements, à raison de 80,000 livres chacun, et les 8,360,000 livres restantes seront distribués en raisou et en proportion des travaux publics qu'ils seront dans le cas de suivre ou d'entreprendre.
D'après le décret du 13 janvier 1791 sur la contribution mobilière, article 6, il sera établi un fonds pour remplacer les non-valeurs résultant, soit des décharges et réductions, soit des remises ou modérations que des accidents fortuits mettront dans le cas d'accorder.
Toutes les réductions à faire sur cette espèce de contribution pour les particuliers, communautés ou districts, seront imputées sur les fonds de non-valeurs du département; mais celles prononcées par la législature en faveur d'un département seront portées sur les non-valeurs à la disposition de la législature.
On lit avec attendrissement, dans l'instruction sur cet article, ce qui suit : « Tous les Français forment un peuple de frères, ils se doivent tous les secours mutuels; et lorsqu'un département aura tellement souffert, que son fonds de non-valeurs ne pourra lui suffire, il trouvera auprès de la législature une ressource dans les fonds communs. »
- il s'agit précisément ici de la manière d'employer et de mettre en œuvre cette ressource; c'est donc remplir les vues de la loi et de l'instruction, que de s'en occuper.
D'après les décrets des 16 et 17 mars, la contribution mobilière pour 1791 doit être de 66 millions, dont 60 pour le Trésor public, 3 à la disposition de la législature, pour être employés conformément aux articles 6 et 7 du décret du 13 janvier, et 3 millions à la disposition des départements.
Par l'article 2, la contribution foncière doit être, pour 1791, de 240 millions.
Par l'article 4, il doit être perçu, en oulre de ce principal, 1 sol pour livre formant un fonds de non-valeurs de 12 millions, dont 8 seront employés par la législature, en réductions ou secours pour les départements, et les 4 autres seront à la disposition des administrations de département, pour être employés par elles en décharges et réductions.
De ces nombreux décrets combinés et rapproché?, il résulte :
1° Que les 15 millions accordés pour secours aux départements, parle décret du 16 décembre 1790, sont principalement destinés à des ateliers de charité et à des travaux publics ;
2° Que, de cette somme, 6,640,000 livres ont déjà été distribuées avec égalité entre tous les départements ;
3° Que les 8,360,000 livres qui restent à distribuer peuvent l'être inégalement, à raison et en proportion des travaux qui seront à faire dans chaque département, d'après l'avis du ministre et les décrets à rendre par l'Assemblée; ainsi cette somme de 15 millions est en quelque sorte étrangère aux secours à fournir pour les pertes fortuites et accidentelles; cependant on peut et il convient même de prendre une portion des 8,360,000 livres pour les inondations et incendies qui ont eu lieu cette année, et pour lesquels on n'a accordé que des secours insuffisants ;
4° Il résulte de ces mêmes décrets, notamment de ceux des 13 janvier, 16 et 17 mars, que les départements auront en leur disposition, sur les contributions foncières, 4 millions, et sur les contributions mobilières 3 millions, ce qui fera 7 millions, pour être employés en décharges, réductions, remises et modérations ;
5° Que la législature ou l'administration nationale aura à sa disposition 11 millions pour subvenir aux mêmes objets, ce qui fera un fonds commun et une ressource pour tous les départements;
6°. Que ces 18 millions, en totalité, sont principalement destiDés à remplacer les non-valeurs résultant des décharges, réductions, remises et modérations; que ce n'est qu'en second ordre, et après avoir rempli ces objets, que l'on peut employer partie de cette somme aux secours que les circonstances peuvent exiger.
On doit faire ici une observation qui sort du texte même de la loi.
Il ne faut pas confondre les décharges, les réduc* tions, les remises et modérations avec les secours dont il s'agit ici. Celui qui n'a pas dû être imposé se fait décharger; on réduit la cote de celui qu| l'a été à un taux trop fort: on fait remise à celui qui ne peut payer; on moaère celui qui ne peut s'acquitter qu'en partie, à raison des accidents qu'il a subis : mais il est des cas où ces modérations et même ces remises entières ne peuvent sutfire à ceux qui ont souffert des perles trop considérables, il faut alors venir à leur secours par des dons effectifs ; telle est ici la vraie acception du mot secours.
7° Il résulte enfin de ces décrets que les dépar-meuts ne peuvent s'adresser à la législature que dans le cas où ils auraient tellement souffert, que leurs fonds de non-valeurs ne puissent leur suf-fire.
Ces résultats amènent naturellement les ques-
1° Dans quelles circonstances les déparlements peuvent-ils réclamer des secours de la législature?
2° Dans quelle proportion ces secours doivent-ils être accordés:
3º Quel sera le mode de constater légalement les faits qui doivent servir de base aux. différentes demandes?
première question. Nous ne parlons ici que des secours proprement dits, car on a déjà observé qu'à l'égard des 8,360,000 livres qui sout à distribuer inégalement, et pour une fois seulement, entre les départements, cette distribution, tout inégale qu'elle puisse être, doit cependant être faite à raison des ouvrages et travaux publics commencés ou à entreprendre, et en proportion de ce que ces ouvrages pourront apporter d'avantages et d'utilité réelle, soit aux départements, soit à la nation; mais il est aussi juste que naturel de favoriser principalement les travaux dans les départements qui ont essuyé des inondations et des incendies considérables.
Les secours ne doivent être accordés, comme on l'a dit, par la législature, que dans les cas de grêle, gelées, incendies, inondations, maladies épizootiques et autres fléaux, et seulement lors-qn'un département aura tellement souffert que ses fonds de non-valeurs ne puissentlui suffire; cette assertion doit être éclairée par des exemples.
Des gens riches et aisés ont essuyé des incendies, des inondations; ils n'ont rien à réclamer, pas même du département, lorsqu'ils n'en ressentent qu'une gêne et une moindre aisance : ils n'ont pas droit d'affaiblir ou d'épuiser les ressources ménagées pour l'indigent; d'ailleurs ces sortes d'événements sont des accidents attachés aux grandes fortunes, aux grandes possessions.
Si l'incendie, quoique partielle, a frappé sur des citoyens pauvres, s'il a fait une brèche considérable à lepr fortune, alors ils doivent obtenir quelque soulagement de la commune et du département.
Si une gelée n'a enlevé qu'une espèce de récolte, telle que celle du vin, des oliviers, etc., tandis que le pays en fournit de plusieurs autres espèces, alors il y a seulement lieu à une modération, ou tout au plus à une remise sur la taille eu proportion du dommage, parce que ces accidents sont calculés dans ces sortes de possessions ; car on compte communément pour la vigne une récolte nulle sur 7 à 8 ans.
Mais si les fléaux dont on a parlé sont considérables, alors c'est au département, après avoir satisfait aux décharges, réductions, remises, modérations, à verser de ce côté ses fonds de réserve, sauf, dans d'autres années, à les porter ailleurs et où le besoin les appellera.
Si ces fléaux sont tels que les secours du département ne puissent suffire et n'opérer qu'un dédommagement près jue nul, alors l'Etat doit venir au secours ; il faut puiser dans les fonds communs, mais toujours avec circonspection
Dans quelle proportion ces secours doivent-ils être fournis? G'est l'objet de la seconde question.
Deuxième question. — Si l'Etat était dans l'opulence que ses grandes destinées semblent lui promettre, si les dettes nationales étaient acquittées, cette question devrait être absolument écartée ; on pourrait dire alors ; il faut augmenter les fonds de réserve et de non-valeurs, soit pour les départements, soit pour la nation, y rétablir à peu près le pauvre dans l'état où il se trouvait avant les accidents qu'il a subis; mais malheureusement les finances et les besoins de l'Etat ne permettent pas encore à la bienfaisance des législateurs de se livrer à une si douce spéculation; il faut avant tout être juste, et l'on ne peut l'être dans cette occurrence sans ménager des ressources auxquelles tous les départements ont le même droit; ainsi, pour ne point se perdre dans le vague, il faut établir des proportions ; et ces proportions doivent être tellement combinées, que l'administration nationale puisse être assurée qu'il y a nécessité dans les secours accordés, et qu'ils sont en tel ou tel rapport avec les pertes que l'on a essuyées; Yoici le moyen proposé.
S'il s'agit de l'incendie de deux ou trois maisons de pauvres habitants, d'un village, d'un bourg, c'est à leur canton seul à y subvenir, et voici dans quelle proportion.
Le village ou le bourg où ces accidents seraient arrivés, dirait : j'évalue la perte à tant; j'en remplis le vingt-quatrième ; je demande que le canton fournisse un, deux ou 3 autres vingt-qua-trièmes, suivant les circonstances.
Ce n'est ici qu'un exemple pour faire entendre que les communes, cantons, districts et départements ne pourront rien obtenir au delà de leur ressort, sans se soumettre d'abord à fournir eux-mêmes un vingt-quatrième de l'indemnité ou du secours.
Si l'incendie allait au delà de trois maisons, alors ce serait au canton à dire au district : je me soumets au vingt-quatrième de la perte ; je demande que le district fournisse un, deux ou trois autres vingt-quatrièmes.
Si l'incendie a consumé une grande partie de la ville, alors le département et la nation doivent concourir à réparer la perte; c'est ainsi qu'il en a été usé pour Limoges; le département a été autorisé à imposer 60,000 livres et l'Etat en a accordé 240,000 livres, en sorte que le département a fourni le cinquième de la totalité des sommes accordées.
Si l'accident ou la perte avaient frappé sur tout le district, alors ce serait aux autres districts à dire: nous contribuons pour un vingt-quatrième, nous demandons que le département en fournisse deux ou trois autres sur les fonds de réserve.
Si tout le département ou plusieurs ont essuyé ces fléaux, alors, après avoir épuisé les caisses de ressources de ces départements, ce serait à la législature à y suppléer par les fonds communs, pour deux ou trois autres vingt-quatrièmes, sans que l'indemnilé à fournir par l'Etat puisse jamais excéder les trois vingt-quatrièmes ou le huitième du tout.
D'après cette proportion ou celle qui sera adoptée par l'Assemblée, il convient de déterminer le mode de constater légalement les faits qui doivent servir de base aux différentes demandes, ce qui fait l'objet de la troisième question.
Troisième question. — En principe général, un fait doit toujours être vérifié et constaté concurremment avec toutes les parties intéressées ou dûment appelées.
Si l'on pense que le canton doit contribuer, il sera appelé 3 électeurs
du canton pour assister au procès-verbal d'estimation et vérification
d'experts : ces experts seront pris dans le canton voisin ; l'un sera
choisi par ceux qui auront
Si le district doit concourir à réparer lesdites pertes, alors le canton et le district nommeront les experts dans le district le plus voisin.
Si le département doit concourir avec le district à réparer la perte, alors les experts seront nommés par le district et le département, et choisis dans le département le plus voisin.
Si la nation doit concourir, alors les deux départements les plus voisins nommeront seuls les experts.
Cette précaution et la proportion dans laquelle le canton, les districts ou les départements contribueront à l'indemnité et aux secours à fournir, donneront à l'administration nationale ou à la législature autant de confiance et de certitude qu'il est possible d'en avoir, et de s'en procurer sur les faits, sauf au Corps législatif à les faire vérifier de nouveau par telles personnes qu'il jugera à propos de commettre.
Les questions résolues, voici le projet de décret proposé :
« Art. 1er. Les départements pourront seuls, solliciter du Corps législatif des secours sur les fonds communs, et mis en réserve par la nation.
c Art. 2.11 ne pourra être pris aucune somme sur les fonds communs sans avoir satisfait aux décharges, réductions, remises, modérations auxquelles ils sont principalement destinés.
« Art. 3. Les Corps législatifs ne pourront accorder ces secours que dans les cas extraordinaires de grêle, gelée, incendies, inondations, maladies épizootiques ou autres fléaux, et seulement lors-
3ue la perte qui en résultera sera telle, que le épartement ne puisse accorder un soulagement convenable sur ses propres fonds, ou lorsque ces mêmes fonds auront déjà été destinés à d'autres objets importants.
« Art. 4. Le département ne pourra obtenir du Corps législatif un supplément de secours qu'en faisant des soumissions d'y contribuer pour un vingt-quatrième; et dans ce cas, la législature contribuera pour 2 ou 3 autres vingt-quatrièmes, suivant ies circonstances, d'après les estimations dont sera parlé ci-après.
« Art. 5. Si les lléaux n'ont frappé qu'un seul ou plusieurs districts d'un même département, alors le vingt-quatrième à fournir par le département sera pris sur tous les autres districts qui n'auront essuyé aucunes pertes.
« Art. 6. Dans les cas où les accidents ne seraient pas de nature à intéresser la nation, alors les secours seront fournis par les communes, cantons, districts, départements, en proportion de la nature et du montant des pertes, et toujours d'après une soumission de la part de ceux qui solliciteront les secours de contribuer pour un vingt-quatrième aux indemnités ou soulagements à réclamer.
« Art. 7. Lorsque l'indemnité ne sera prise que sur les communes, sur les cantons ou districts, et qu'il ne s'y trouvera pas des deniers libres, les départements auront dans ces cas la faculté d'accorder auxdites communes, cantons ou districts, l'autorisation à l'effet d'imposer une somme additionnelle proportionnée au vingt-quatrième de la perte, d'après l'estimation qui en aura été faite.
« Art. 8. L'estimation, s'il ne s'agit que d'un accident particulier subi par quelques citoyens, sera faite entre les commissaires de la commune et ceux qui ont essuyé les pertes.
« Art. 9. Si le soulagement doit être en partie supporté par le canton, l'estimation sera faite concurremment avec deux électeurs du canton (dans l'ordre de leur nomination, autant que faire se pourra) et les commissaires de la commune où l'accident sera survenu.
« Si le district doit y concourir pour quelque somme, cette estimation sera faite conjointement entre les commissaires du conseil général de la commune du chef-lieu du canton et le district.
« Si le département doit contribuer à l'indemnité, l'estimation sera faite entre les commissaires du district et ceux du département.
« Si la nation doit concourir à cette indemnité, l'estimation sera faite entre les commissaires du département et ceux des deux départements voisins. »
(L'Assemblée ordonne l'impression du rapport de M. Vernier et du projet de décret.)
J'ai l'honneur de dénoncer à la vigilance du comité des impositions les manœuvres employées par des ennemis du bien public qui se répandent dans les campagnes et s efforcent de détourner leurs habitants de faire des déclarations justes sur la valeur de leurs biens.
Je demande également que le même comité s'occupe incessamment de ce qui regarde la caisse de Poissy et en rende compte à l'Assemblée.
au nom du comité des contributions publiques. Messieurs, votre comité vous a exposé le 20 avril dernier la situation de la ville de Dunkerque, de ses hôpitaux, de la nécessité de pourvoir à ses besoins ; il vous proposait alors que la caisse du pilotage verserait en la caisse de la commune de cette ville une somme de 50,000 livres à la charge de la rétablir à une époque fixe ; vous avez ajourné le décret jusqu'à ce que vous connussiez l'avis du département (1).
C'est avec cet avis, avec celui du district et même avec le consentement de l'administration du pilotage que je viens vous représenter le projet de décret dans les termes suivants :
« L'Assemblée nationale décrète :
Art. 1er.
« Que dans le délai de 3 jours, à compter de la notification du présent décret, l'administration du pilotage de Dunkerque fera verser dans la caisse de la municipalité de cette ville, une somme de 50,000 livres, faisant partie de celle qui existe dans la caisse du pilotage.
Art. 2.
« Le conseil général de la commune remettra à l'administration du pilotage une obligation de pareille somme, payable au 1er janvier 1793, sans intérêt; et les fonds nécessaires à ce remboursement, seront prélevés sur ceux que la ville de Dunkerque sera autorisée à imposer suivant le mode, et dans la forme qui sera décrétée par l'Assemblée nationale, pour subvenir aux dépenses particulières des villes.
(Ce décret est adopté.)
L'ordre du jour est la discussion du projet de décret des comités de
Constitution, de la marine, d'agriculture et de commerce, et des
colonies, réunis sur l'initiative à accorder aux assemblées coloniales
dans la formation des lois qui doivent régir
(2). Il est donc enfin permis, Messieurs, aux défenseurs des citoyens ae couleur d'élever la voix dans celte assemblée. Il leur est donc enfin permis de démontrer que le salut des colonies tient à la justice qu'ils réclament; que les troubles des colonies vienneut des injustices dont ils sont victimes ; du mépris de vos décrets et des fausses mesures qu'on a prises; que les troubles ne peuvent disparaître; que la tranquillité ne peut renaître qu'eu s'écar-tant de la fausse route dans laquelle le comité des colonies à continué à persister.
Ces dispositions, manifestées par l'Assemblée nationale dans la séance du 8 mai, m'ont convaincu que l'opinion publique était éclaircie, que les esprits se soulevaient en pensant au système d'oppression sous lequel on veut faire gémir pendant des siècles les infortunés mulâtres. Oui, Messieurs, la sain le indignation de l'Assemblée m'est un garant que jamais elle ne consacrera un décret aussi scandaleux que celui qui vous a été proposé. Ce décret déshonorerait la France, l'Assemblée nationale, et nous aliénerait la classe la plus précieuse de la colonie. Il dépouillerait la Franee et l'Assemblée nationale de leur suprématie sur les colonies; il les déshonorerait en leur faisant sacrifier une classe u'hommes libres à la cupidité de quelques individus, et dépouiller cette classe du droit inaliénable de l'homme, celui de n'obéir qu'à des lois auxquelles il a concouru par ses représentants. Enfin il allumerait une guerre éternelle dans les colonies en même temps qu'il les séparerait de la métropole. Telles seraient les fatales conséquences du projet de décret si vous l'adoptiez.
Les nombreux écrits répandus par la société qui s'est dévouée à la défense de ces infortunés, ont dù vous convaincre de tous les inconvénients que renferme le projet qui vous est présenté par votre comité. On la calomnie bien celte société ; mais on ne lui répond pas. Ses succès la vengent des ténébreuses manœuvres d'hommes qui suppléent aux talents par l'intrigue, et aux moyens par des injures. Les profonds raisonnements développés daus la dernière adresse, ont fait une impression si vive sur tous les esprits, qu'elle a ramené des hommes, des sociétés, et même des villes qui s'étaient montrées les plus acharnées contre elle et contre ces gens de couleur, telles que celles de Lorient, d'Angers, de Vannes, de Coutances, de Bordeaux, et bien d'autres.
Dites des sociétés particulières, et non pas la ville. Le commerce de Bordeaux n'est point de cet avis-là, et quand vous en voudrez la preuve... (Murmures.)
Messieurs, j'ai parlé de ces sociétés éclairées et respectables qui se
sont vouées à la défense de la liberté, j'entends parler de celles des
amis de la Constitution. J'ai cité celles de Bordeaux, de Lorient, de
Vannes, de Coutances, et je vous en citerai vingt autres dont j'ai les
adresses à la main. Elles expriment hautement leur adhésion aux
principes développés dans la dernière adresse, et s'indignent de
Par quelle fatalité arrive-t-il qu'aucune de ces adresses n'ait été mentionnée nominativement dans le rapport qui vous a été fait, tandis que l'on nous a fastueusement énuméré celles de quelques villes qui n'ont fait que copier l'indécente circulaire c.es députés du nord de Saint-Domingue? Par quelle fatalité M. le rapporteur a-t-il gardé le silence sur la volumineuse adresse de la société des amis des noirs, qui a été officiellement envoyée à M. le Président, qui a été distribuée abondamment dans cette Assemblée et communiquée au comité colonial? Ce silence n'amena-t-il pas et l'impuissance de répondre et une partialité coupable? Car enfin un membre chargé de faire un rapport à cette Assemblée peut-il taire les arguments et les plaintes de ceux sur lesquels il est appelé à éclairer ses collègues?
Ce n'est pas, Messieurs, le seul reproche qu'on ait à faire au rapport qui vous a été présenté. Il vous déguise la cause des troubles qui déchirent actuellement les colonies. Ou ne cessait de crier de répéter autrefois que les écrits des amis des noirs avaient seuls allumé les dissensions. Cette assertion, d'abord accueillie par la crédulité, a été tellement pulvérisée, qu'on n'ose plus guère la reproduire, de peur de s'exposer aux éclats de l'indignation.
Le rapporteur ne vous a pas dit les causes du mal ; j'aurai plus de franchise, et je vous les dirai. Il est nécessaire de les développer avant de passer à l'examen du projet de décret qui vous est proposé, et de celui que nous proposons d'y substituer. La cause des troubles a u'abord été développée par cette lettre incendiaire des députés des colonies, écrite le 12 août 1789, dans laquelle ils insultaient à notre enthousiasme pour la liberté, où ils semaient des alarmes, où ils effarouchaient les imaginations sur des vaisseaux anglais qui sont toujours eu station dans les parages, sur des émissaires et des milliers de fusils qu ils accusaient les amis des noirs d'envoyer, tandis que ces émissaires et ces fusils étaient d'horribles suppositions.
Dans cette lettre, on excitait les défiances des noirs contre les gens de couleur, et surtout contre ceux qui devaient arriver d'Europe. Elle paraît n'avoir été dictée que par le projet de croiser les ordres donnés par M. de,La Luzerne, de traiter les hommes de couleur libres comme des citoyens actifs, comme des citoyens libres. Ces ordres si humains, si constitutionnels, sont restés sans effet. Ils ont même donné naissance à cette fâcheuse dénonciation contre lui que la haine a été forcée d'abandonner.
Cette lettre, si propre à jeter le trouble dans les colonies, a été
suivie d'une foule d'autres. Le feu s'est allumé aussitôt que les copies
ont été * distribuées. Alors ont commencé de toutes parts les
inquisitions, les persécutions de toute espèce, et une espèce de
conspiration universelle contre les hommes de couleur; alors on les a
rejetés avec mépris des assemblées primaires, on les a désarmés, on a
coupé la tête d'un blanc, d'un juge respectable qui s'était montré leur
défenseur, M. Ferraud de Baudière; alors de petits b ancs, hommes sans
lois et sans mœurs, ont envahi à main armée les propriétés des hommes de
couleur les plus riches, les ont pillées ; ont assassiné M. de La Pâlie;
ont menacé une foule d'autres infortunés ; et ces vols, ces massacres,
on les justifiera sans doute, en citant cette fameuse phrase de la
lettre du 12 août 1789 : « Mé-
L'étincelle qui avait allumé l'incendie à Samt-Doiningue, l'a de même allumé à la Martinique ; mais l'explosion contre les gens de couleur y a été bien plus violente, bien plus funeste. Ils ont été victimes d'une conspiration qu'on a cherché à justifier par les accusations les plus absurdes. Une foule d'hommes de couleur a péri dans la conspiration des petits blancs contre eux, conspirateurs que le gouverneur de cette île a voulu inutilement arrêter pour les faire punir : ses efforts n'ont été récompensés que par des calom-nies.
Voilà, Messieurs, n'en doutez pas, voilà la première cause des troubles funestes des colonies et qu'on ne cesse d'attribuer aux amis des noirs. Ceux-ci,à cette époque du 12 août 1789, n'avaient écrit qu'une lettre très courte aux bailliages sur l'abolition de la traite, et où il n'était pas question des mulâtres. Cette lettre est totalement inconnue aux colonies; et si elle y avait été connue, elle aurait alarmé autant les mulâtres, maîtres des noirs, que les blancs ; dans le système de nos adversaires, elle n'aurait pu soulever que les noirs. Or, on sait qu'il n'y a pas eu parmi eux un seul mouvement, une seule sédition, que les troubles se sont circonscrits d'abord entre les blancs et les mulâtres, et ensuite entre les blancs eux-mêmes. .
La seconde cause des troubles des colonies se trouve dans la fausse marche qu'on vous a fait suivre, par le décret du 8 mars. Je veux croire que M. le rapporteur, étranger jusqu'alors aux affaires des colonies, nous a innocemment trompé, et a été trompé lui-même; mais j'aurais désiré le voir, depuis que les yeux se sont dessillés, ne pas persévérer dans un système qui n'est qu'un tissu de violations de principes et de mesures fausses.
Ce rapporteur n'avait pas vu sans doute que lorsqu'une colonie est divisée en deux classes d'hommes, dont l'une est opprimée par l'autre et sent vivement son oppression, il est impossible de prolonger longtemps cet état de convulsion. Il n'avait pas vu que violer les principes de la métropole pour forcer en son nom la classe opprimée à rester sous le joug, était une mesure qui ne pouvait avoir d'autre durée que celle de Terreur et de l'ignorance sur le véritable étal des choses ; il n'avait pas vu que sous un régime libre, le préjugé qui tient une classe d'hommes asservie, établit aussi un contraste dangereux dans le corps politique, ne peut exister longtemps sans être attaqué par la foule des patiiotes éclairés, occupés sans cesse à épier, à découvrir, à démasquer tous les abus; il n'avait pas vu que les hommes s'opiniâtreraient à combattre en raison des obstacles qu'on leur opposait; que du combat sortirait une vive lumière ; que celte lumière éclairerait les législateurs qui ne peuvent vouloir l'oppression de leurs frères, lorsqu'elle leur est démontrée ; et ne pouvant vouloir cette oppression, qu'ils viendraient à renverser le préjugé qui écrase les mulâtres, et à détruire cet échafaudage ridicule dont on avait essayé de l'étayer; il n'avait pas vu cette série de principes et de conséquences si facile à saisir, à calculer; ou il vous aurait conseillé de faire ce que dès lors vos principes et la justice vous commandaient, ce que votre intérêt vous ordonne aujourd'hui, sous peine de perdre peut-être vos colonies; il vous aurait dit: les citoyens de couleur, libres, propriétaires, contribuables, comme les blancs, doivent être comme eux citoyens actifs. Il faut que vous vous expliquiez formellement, parce que si votre décision n'est pas formelle, le- blancs dont nous connaissons l'esprit, interpréteraient autrement votre décret, le contesteraient et de là résulteraient de nouveaux troubles, de nouvelles divisions, de nouvelles guerres.
Telle était la marche simple que la justice, le bon sens et la politique réclamaient ; et si dès lors un pareil décret eût été appuyé par beaucoup de troupes, bien pénétrées de l'esprit de la Révolution, n'en doutez pas, Messieurs, la tranquillité régnerait aujourd'hui dans vos colonies.
A cette marche simple on a substitué la finesse, on a substitué des équivoques, parce qu'on a voulu ménager tous les partis. Que 1 on ne s'y trompe pas, cette politique étroite n'a qu'un succès momentané; et à la fin les turpitudes se révèlent, et ceux-là mêmes qui veulent suivre cette marche oblique et odieuse sont démasqués et découverts. On disait aux mulâtres : « Vous êtes compris sous la dénomination de toutes personnes », et je me rappelle très bien que dans cette tribune, quand j'insistais pour que les gens de couleur fussent désignés nominativement dans l'article 4, M. Barnave que j'interpelle lui-même, et M. Charles de Lameth, et une foule d'autres s'empressèrent de crier qu'ils y étaient compris, qu'il désignait tous ceux qui étaient propriétaires.
Ils n'étaient pas exceptés.
C'est que le terme, étant universel, enveloppait toute espèce de propriétaires qui se trouvaient dans les colonies, et par là même les gens de couleur y étaient compris. On disait donc aux gens de couleur : « Vous êtes compris dans ces mots toutes personnes », et on disait aux blancs : « L'Assemblée nationale ne désigne pas les gens de couleur, vous pourrez argumenter de ce silence. — L'Assemblée nationale est maîtresse de ne pas parler ; mais si elle parle, elle tiendra le langage franc et loyal qui lui convient. »
Qu'est-il résulté de cette double marche? Rien autre chose que les querelles et les ressentiments des deux partis, des trames, des oppresseurs se coalisant avec le pouvoir exécutif, au moyen duquel on continue d'opprimer, de tenir sous le joug les gens de couleur, de les empêcher de s'assembler, d'intercepter leurs lettres, d'étouffer leurs plaintes, d'effrayer par des menaces, des supplices même, ceux qui pourraient réclamer.
Les blancs ont bien senti que cet état de choses ne pouvait pas avoir une longue durée et que les principes triompheraient tôt ou tard, que les mulâtres tôt ou tard seraient réintégrés dans leurs droits. Il fallait parer à ceci; on a levé l'étendard de l'indépendance ; on a témoigné l'intention de ne plus reconnaître la suprématie de l'Assemblée nationale, de n'admettre que celle du roi, parce qu'on espérait s'en jouer. Les blancs voyaient dans ce système l'assujettissement éternel des mulâtres; ils voyaient encore une autre marche, qui vous donnera peut-être la règle de la conduite de l'assemblée de Saint-Marc, et que voici :
Beaucoup de colons sont écrasés de dettes, et pour fournir à leurs
dépenses, ils sont forcés d'écraser leurs noirs de travaux, de les
recruter par d'autres malheureux que les commerçants leur vendent au
plus haut prix. Si on forçait aujourd'hui les colons à s'acquitter avec
la métro-
Vous devez sentir qu'une pareille marche et une pareille conduite devaient trouver beaucoup d'approbateurs parmi les planteurs et effrayer tout le commerce des colonies. D'un autre côté elle a nécessairement irrité les mulâtres, qui démêlaient les secrets de leurs ennemis, et qui d ailleurs, attachés à la France, ne voulant exister que sous ses lois, s'indignaient de cette révolte. Entre ces deux germes de division, un troisième s'est manifesté. Plusieurs pouvoirs nouveaux existaient dans l'île, et il est naturel dans cet état de se heurter contre des prétentions opposées.
L'Assemblée de Saint-Marc prétendait à la suprématie sur toutes les autres. Elle lui a été disputée par 1 Assemblée provinciale du Nord qui profitant des fautes et de l'intempérance de sa rivale, a cherché à la renverser et à élever son autorité sur ses débris. Elle a désapprouvé formellement le système d'indépendance que celle-ci allectait, et cependant en le désaprouvant elle paraissait en quelque façon avoir les mêmes vues. Avec habileté, elle s'est jointe au pouvoir exécutif; et par ce concert s'est effectuée l'expulsion de 1 Assemblée de Saint-Marc. Vous devez bien penser que de là est résulté dans la colonie une source de divisions et de haines implacables, haines qui se sont encore exaspérées. . Que vous a-t-on proposé pour calmer ces troubles V liien. On a cherché seulement a en éclairer les sources avec le flambeau de la vérité; mais au lieu de punir franchement les coupables, on a puni les uns et donné des couronnes aux autres; en un mot, au lieu de topiques vigoureux, on n'a appliqué que de faibles palliatifs. On a voulu seulement en étouffer l'éclat à Paris ; on s est peu inquiété des intérêts de l'Ile.
Qu'est-il résulté de ce système de ménagements et de faiblesses? Aucun parti n'a été content; la violence et les troubles se sont accrus. Si vous voulez suivre les dispositions de ce décret, vous verrez que l'Assemblée nationale de Saint-Marc a été en quelque façon sacrifiée aux terreurs du commerce français, révolté avec raison du système d indépendance des colonies, que les couronnes, prodiguées à l'assemblée provinciale du Nord, ont été distribuées sans doute dans l'espérance de faire un parti pour contrebalancer 1 autorité de l'Assemblee de Saint-Marc; qu'on a sacrifié dans le fameux considérant du décret du 8 mars, les hommes de couleur à tous les partis; que par là on espérait s'attacher plus fortement le parti du Nord et se réunir à celui du Midi ; que ce considérant est comme une pierre d attente pour établir sur cette initiative absolue a facilité que cherchaient les planteurs de faire la loi à leurs créanciers. Vous verrez enfin que ce décret n'est qu'un tissu de petits ménagements. Les auteurs ont été et devaient être déjoués dans leurs ruses comme dans celui du 8 mars.
Les troubles ne continuaient pas moins malgré les fausses mesures si péniblement compliquées. Des nouvelles arrivées de la Martinique amènent un nouveau décret, une autre marche. L'état de cette île ne ressemblait point à celui de Saint-Domingue : l'assemblée coloniale s'était réunie au général et aux hommes de couleur armés. Il était conçu dans un esprit différent des précédents décrets. On accordait aux colonies la faculté de faire les plans de leur constitution ; ¦ et dans celui du 29 novembre, M. le rapporteur déclare que les colonies n'ont pas assez de lumières pour se diriger elle-mêmes, pour rédiger ce plan ; le décret leur ôté cette faculté. Il suspend l'assemblée coloniale, remet le gouvernement de l'Ile entre les mains des commissaires, et rappelle un général qui rendait des services importants à la chose publique.
Que penser d'une pareille marche qui parcourt, en si peu de temps, les extrêmes, qui vous disent de renverser en novembre ce qu'ils ont édifié en octobre, qui détruisent des instructions par des instructions, qui tantôt proposent de laisser aux colonies l'initiative, et tantôt leur ôtent ce droit? n'est-ce pas se jouer des décrets et compromettre la dignité de cette assemblée, que de lui faire sanctionner des volontés aussi versatiles, et des résolutions aussi contradictoires? Telles étaient les reflexions que je me proposais de vous faire lors du décret du 29 novembre. Mais malgré ma persévérance, il ne fut impossible d'obtenir la parole; l'événement a justifié mes craintes. C est ici que je sollicite votre attention. J'ai à vous peindre les événements qui ont depuis augmenté les calamités des colonies.
La première réflexion qui se présente à l'esprit, en discutant le rapport qui est soumis à notre délibération, c'est que, jusqu'à ce moment, toutes les mesures prises par votre comité des colonies pour ramener la tranquillité, n'ont fait au contraire que propager et augmenter les troubles et les malheurs que votre sagesse eut prévus si la discussion s'était engagée.
Le décret du 8 mars, et les instructions du 28 qui l'ont accompagné, devaient porter le calme dans ces colonies ; et sur l'assurance qu'on vous en donnait, on est parvenu à étouffer la voix des membres de cette Assemblée, qui avaient la connaissance Ja plus intime des effets désastreux qu elles devaient produire. Et effectivement la colonie a été en feu et plusieurs fois à deux doigts de sa perte. On a eu l'imprudence de déployer, aux yeux des esclaves, l'appareil terrible avec lequel on brise les chaînes et avec lequel on conquerra la liberté.
Après un exemple aussi funeste qui pouvait entraîner Ja colonie à sa perte, on accusait sans cesse une société d'hommes paisibles, humains philosophes, d'occasionner, de fomenter ces troubles; mais, Messieurs, était-ce pour contenir les esclaves qu'on donnait dans les colonies le spectacle des divisions et de la guerre? Malgré ce spectacle, ces malheurenx n'ont jamais donné d inquiétudes. S'il en eût été autrement, l'intérêt eût bientôt réuni les partis les plus divisés pour taire face à l'ennemi commun. La cause de ces scènes d'horreur n'était pas même dans les réclamations de ces habitants paisibles et humains, désignés sous le nom d'hommes de couleur; car oo sait que les hommes de couleur ne sont entrés d aucune manière dans les querelles qui ont fait naître les assemblées de la colonie, querelles qui ont fait verser tant de sang. Les blancs seuls entre eux s'entr'égorgeaient; les uns prétendaient que les premiers visaient à l'indépendance; ceux-ci disaient au contraire que les autres n'étaient que les suppôts du despotisme; qu'ils avaient intérêt de soutenir les abus de l'ancien régime, parce qu ils en vivaient.
Cependant on vous répète sans cesse que c'étaient les gens de couleur,
que c'étaient vos décrets qui
Ou ne doit pas discuter, nous disait-on ; on s é-gorge a Saint-Domingue : un jour de retard perdrait les colonies; et cependant ces troupes, ces vaisseaux, ces commissaires, qu'il était si urgent de faire partir, pour sauver les colonies, ne partent que 3 mois après. Le décret du 12 octobre, qui portait dans son sein le latal considérant, arrive enfin à Saint-Domingue. On vous annonce aussitôt qu'il y est reçu avec acclamation; je le croirais assez, Messieurs; il paraissait promettre que vous aliiez laisser vos droits de législature sur ces contrées. Mais on demande encore des vaisseaux et des troupes, on dit qu'avec cela tout ira bien ; à l'instant où ces troupes arrivent, elles sont mises en insurrection, ainsi que les équipages des vaisseaux qui les ont portées. A l instant elles égorgent M. Mauduit, celui-là même qui avait arrête les progrès de l'assemblée coloniale que vous avez si justement cassée. Le général est mis en fuite, et l ou est dans la plus grande anarchie dans les colonies; les seuls pouvoirs qui maintenaient vos décrets sont anéautis.
Que se passe-t-il? Quand on apprend ces terribles nouvelles, tout change précipitamment; on dirige de nouvelles batteries. D'abord, on voit les inconciliables se réunir, la ci-devant assemblée coloniale avec le comité colonial ; et i on vous lit à la tribune une rétractation de la ci-devant assemblée générale, qui adhère à tous vos décrets, qui reconnaît toutes ses erreurs. On vous annonce uu rapport très pressé, ahn de vous faire décréter sur-le-champ et constitution-nellement le premier article très inconstitutionnel, très impolinque et très désastreux du projet du comité. Ou veut vous taire consacrer les fameuses instructions promises et attendues depuis si lougtemps. Qui ne voit que ce qu on vous présente, n'est qu'une pièce faite pour les circonstances? Si vous eussiez décrété ce premier article, les colonies vous échappaient, et peut-être sortaient-elles pour jamais de votre oepen-dance; les colons se seraient érigés les législateurs suprêmes : en uu mot, ils avaient la laci-lité de deveuir indépendants.
Je ne pousserai pas plus loin des recherches, qui ne feraient que nous indigner davantage, il est temps que vous ne souffriez pas p us longtemps que la déclaration des droits de 1 nou.me, que la justice soient enfreintes au détrimeutd une classe de citoyens libres, propriétaires, contribuables, indigènes au sol des colonies, désignés sous le nom générique d'hommes de couleur.
On a tout employé, Messieurs, pour confondre la cause de celte classe d'hommes libres, la véritable force des colonies, avec celle des esclaves mêmes. Cette erreur n'a que trop duré pour ces hommes trop malheureux, puisque leur sang n'a cessé d'être répandu. J'observerai en passant que toutes les fois qu'il a été question dans cette assemblée des hommes de couleur libres, on n'a pas cessé de nous reporter et sur la traite et su l'esclavage des nègr.s dont nous ne parlion pas, dont nous ne voulions pas parler et dont la cause n'a rien de commun avec celle des mulâtres. (Applaudissements. ) Nous sentons tous très bien qu'il ne faut rien brusquer, et que vouloir sur-le-cnamp donner tous les droits politiques à des hommes qui n'en connaissent pas tous les devoirs, ce serait peut-être mettre une épée entre les mains d'un furieux, ce serait un détestable présent à faire à eux-mêmes.
On a tout fait pour étouffer les réclamations des gens de couleur. Témoin, comme membre du comité de vérification, de tous les obstacles qu'on a opposés à leurs justes réclamations, je vous affirme qu'après 11 séances consécutives, le comité avait décidé sur la pétition présentée par les hommes de couleur, au mois d'octobre 1789, pétition par laquelle ils réclamaient le droit d'avoir des députés parmi vous, je puis affirmer, dis-je, que leurs pouvoirs nous ont paru suffisants, et que votre comité avait cru juste que ces citoyens eussent au moins 2 députés parmi vous. C'est ce que vous eût fait connaître M. Brevet, chargé de faire le rapport, si je ue sais quels obstacles n'eussent empêché ce rapport d'être fait à l'Assemblée nationale.
Depuis cette époque les citoyens de couleur ont encore réuni des pouvoirs plus étendus, qui ont été présentés en ma présence au comité colonial. Ces pouvoirs étaient de 3 paroisses, et l'une d'elles avait donné plus de 60 signatures, et .votre comité co.onial, dans sou dernier rapport, présente ces pouvoirs comme de simples lettres, il paraît à peine y donner quelque attention. Il est vrai que ces actes ne sont point notariés, et que tous les citoyens de couleur libres n'ont pas donné leur signature ; mais, Messieurs, apprenez sans surprise que les citoyens de couleur ne pouvaient s'assembler pour délibérer paisiblement sans être poursuivis et même fusillés comme des bêtes féroces, et qu'il leur eût été impossible de trouver un notaire qui eût osé signer pour eux un acte qui eût servi à constater les pouvoirs qu'ils désiraient envoyer ici à leurs représentants, parce que ce notaire eût éprouvé sans doute le sort de l'homme généreux, qui a été assassiné par les blancs, pour avoir seulement rédigé une pétition en faveur des gens de couleur libres.
On a été plus loin, on a été jusqu'à défendre à ces personnes libres, propriétaires, de sortir de leur quartier, de communiquer entre eux ; et un homme de couleur, âgé de plus de soixante ans, propriétaire de plus de 150 esclaves, a été arrêté chez lui à minuit par 25 blancs, ayant à leur tête quelques-uns des gardes de la maréchaussée du quartier, et cela, pour avoir eu des assemblées d'hommes de couleur chez lui, et cependant ces soupçons étaient faux. Plusieurs autres oui été arrêtés pour les mêmes raisons.
On a pris toutes les précautions possibles pour empêcher les hommes de couleur de vous faire parvenir leur vœu. Enfin, les seules pièces qui ont pu parvenir ici à leurs repré-eotants, ont été mises dans un baril de café, pour les cacher aux recherches des blancs qui, comme vous le sentez, avaient le plus grand intérêt à ce que leurs cruautés, leurs injustices, ne fussent pas connues de vous.
Vous vous rappellerez sans doute, Messieurs, que dans la pétition qui
vous fût préseutée, en octobre 1789, par les députés des hommes de
couleur, ils offrirent à la nation un don patrio-
D'après ce léger développement vous sentirez toute l'injustice du premier article du comi'é que l'on s'empressait de vouloir faire décréter de suite, le 3 de ce mois, en vous menaçant de perdre vos colonies, de voir s'évanouir la splendeur de la France, et enfin de voir tomber sur vous tous les maux si vous vous y refusiez. C'est ainsi qu'on a cru arrêter votre loyauté et votre justice. Quoi, parce que vous ne pourriez vous dispenser d'accorder à des hommes libres, à des propriétaires et contribuables, les mêmes droits qu'aux blancs, vos colonies seront perdues. La France l'a-t-elle été, quand vous avez décrété pour le peuple l'égalité des droits avec les nobles et les gens d'église?
Mais, vous diront les colons blancs, si vous accordez les droits de citoyen aux hommes de couleur libres, 1rs esclaves se soulèveront. Qu'ils conviennent plutôt, les colons blancs, que c'e-t l'aristocratie et l'orgueil des blancs qui se soulèveront, pour cet acte de justice. Et pourquoi les esclaves se soulèveraient-ils? Parce qu'ils verraient arriver les hommes de couleur à la qualité de citoyen? Pourquoi les nègres ne se sont-ils point soulevés lors de la publication de l'édit de 1685, qui accorde aux affranchis les mêmes droits qu'aux blancs?
Il est bon de le remettre sous les yeux de l'Assemblée. Voici cet édit : « Déclarons leurs affranchissements, faits dans nos îles, leur tenir lieu de naissance dans nos îles, et les esclaves affranchis n'avoir besoin de nos lettres de uatur.ilité pour jouir des avantages de nos sujets naturels dans notre royaume, terres et pays de noire obéissance, encore qu'ils soient nés dans les pays étrangers. Octroyons aux affranchis les mêmes droits, privilèges et immunités dont jouissent les personnes nées libres. Voulons qu'ils méritent cette liberté acquise, et qu'elle produise en eux, tant pour leurs perso unes que pour leurs biens, b s mêmes effets que le bonheur de la liberté naturelle donne à nos propres sujets. » Et qui est-ce qui parlait ainsi? C'était un roi despote, celait Louis XIV.
Je demande donc pourquoi les esclaves se soulèveraient aujourd'hui? Jamais ils ne se sont soulevés, quand, en 1685, on leur a accordé ces droits donr ils ont joui assez longtemps; et c'est insensiblement qu'on est parvenu à les opprimer; et je renvoie là-dessus à l'ouvrage recueilli par M. de Saint-Méry lui-même, dans lequel on verra une foule de décrets particuliers, d'ordonnances, par lesquels on a sensiblement aggravé leur joug. Uourquoi ne se sont-ils pas soulevés en voyant beaucoup de leurs camarades affranchis devenir eux-mêmes possesseurs d'esclaves, posséder plus d'un tiers des esclaves des colonies et posséder de riches productions? Disons-le, Messieurs, ce n'est pas la crainte des planteurs; ils craignent de ne pouvoir plus exercer sur des hommes libres un despotisme qu'ils exercent sur des esclaves.
Qui ne s'apercevra, d'après toutes ces tergiversations et ces contradictions avec eux-mêmes, que l'orgueil, la cupidité des colons sont les seuls motifs qui leur font solliciter de vous une injustice envers les hommes de couleur? Disons-le, répétons-le: ils sont libres, propriétaires comme les blancs, contribuables comme les blancs; ils sont à la patrie au moins aussi attachés que les blancs; ils doivent avoir les mêmes droits que les blancs, avec d'autant plus de raison qu'ils sont fils de Français, et qu'ils ne sauraient être d'une condition pire que celle de leurs pères. Voilà, Messieurs, des vérités et des principes qui ne peuvent être méconnus par des législateurs.
Si, à l'appui de ces droits incontestables, les hommes de couleur avaient besoindans ce moment pour obtenir justice de rappeler les services qu'ils ont rendus aux colonies, ils vous diraient: daignez écouter les témoignages de ceux sous lesquels nous avons eu l'honneur de servir. Je renvoie à la note qui est dans l'encyclopédie au sujet des sangs mulâtres, où il est dit bien positivement qu'ils sont la sûreté et le boulevard des colonies contre les insurrections des noirs, contre le marronnage, et que par la consommation qu'ils font, ils sont infiniment utiles au commerce.
S'ils avaient besoin de faire preuve de leurs bonnes mœurs, qui ont été calomniées si indignement par leurs ennemis, ils vous diraient qu'ils les défient de citer un seul homme de couleur libre qui, depuis l'origine des colonies, ait été flétri par les lois. Car je ne regarde pas comme tel le malheureux Augé, ainsi que beaucoup d'autres qui viennent de périr sur l'échafaud pour avoir réclamé les droits que vos décrets leur accordaient; si Augé est coupable, nous le sommes tous ; et si celui qui réclame la liberté périt sur l'échafaud, tous les bons Français le méritent également (Applaudissements.)
Un membre : C'est faux.
Monsieur l'opinant, vous avancez un fait faux.
Il est consigné dans les journaux.
Il n'a pas été pris en qualité d'homme de couleur, mais en qualité de chef des révoltés, les armes à la main, et n'ayant manifesté ses intentions que par des assassinats. Les chefs d'une troupe de gens armés, étant en insurrection, ne méritaient pas d'être autrement traités.
Je réponds à M. Malouet qu'on a voulu les calomnier en disant qu'ils avaient engagé les hommes de couleur à la révolte. Jamais ils ne l'ont fait ; constamment ils ont dit à ces hommes de couleur libres : « Attendez, l'Assemblée nationale est juste, on a pu la tromper, mais elle ne le sera pas toujours, et sa justice prédominera sur le préjugé.» Augé a commencé par réclamer les droits ue l'homme, et on nous dit qu'on ne connaît pas ces pièces : je les ai vues dans plusieurs journaux ; mais j'ai vu, outre cela, des lettres d'Amérique, authentiques et incontestables, qui établissaient clairement les faits.
On nous ditqu'Augé a été condamné pour meurtre et assassinat; mais par
qui a-t-il été condamné ? Par les blancs, qui sont certainement
intéressés à ne pas produire les véritables raisons,à ne pas les
exposer.(Applaudissements.)ll est mort victime de son amour pour la
liberté ; il est mort
Je demande en ce moment pourquoi, outre cela, dans le projet de décret, on n'a pas compris les colonies de l'Ile de France et de Bourbon? Ceci me conduit à vous dire que dans les colonies on n'est pas éloigné, comme dans nos Iles de l'Amérique, à accorder aux colons mùlatres les droits de citoyens actifs.
En conséquence, je demande la permission à l'Assemblée de lui lire un passage d'une adresse de la colonie de l'Ile de France ; c'est un colon de ce pays-là qui me l'envoie. « Les affranchis, dit-il, ou même les hommes nésjlibres, de couleur, ont été encore plus cruellement vexés par le pouvoir arbitraire suprême et délégué, que les autres habitants des colonies. L'assemblée générale se plaît à rendre justice à leur zèle et à leur bonne conduite, en tous points. La Révolution les a délivrés de la tyrannie qui pesait sur tous; mais l'assemblée ne s'est pas cru suffisamment autorisée pour statuer définitivement sur l'état civil de cette classe de citoyens. Il lui a paru que la solution de cette question tenait à des considérations majeures, dépendant du parti qui serait pris pour des colonies bien plus importantes que celle-ci.
« Ceux pour qui elle s'intéresse se sont soumis à attendre avec résignation le prononcé, non pas des colonies, mais de la métropole. Ceux de la ville se sont même abstenus du droit de voter pour des officiers municipaux. Nous chargeons expressément nos députés de mettre sous les yeux de l'Assemblée nationale les preuves de leur modération, de faire valoir tous les motifs qui peuvent intéresser pour eux, et nous la supplions de statuer sur leur sort de la manière la plus favorable, en observant que, dans les gens de couleur qui habitent cette colonie, il en est qui ne doivent leur liberté qu'à la nature. >
Voilà, Messieurs, l'article 4 des instructions venues de l'Ile de France. J'observerai encore qu'à l'Ile de Bourbon le préjuge n'existe pas où très peu, et qu'il n'y a aucune différence pour les lois entre les blancs et les gens de couleur.
Je reviens pour un instant à l'initiative que l'on propose d'accorder aux colonies. Quel en sera le résultat? En deux mots le voici : c'est-à-dire que vous ne pourrez décréter que les lois qu'on vous proposera, ou que vous n'en décréterez aucune. Je défie que l'on sorte de cette alternative. Au reste, Messieurs, je vous observerai encore que, quand les gens de couleur libres furent admis à la barre de l'Assemblée nationale au mois de novembre 1789, on leur promit expressément que l'on s'occuperait de leur sort, et on leur dit cette phrase qui fut applaudie par l'Assemblée, c'est qu'aucune partie de citoyens français ne réclamerait vainement ses droits auprès des représentants delà nation.
C'est ici, Messieurs, le cas de tenir votre promesse. J'ajoute que certainement des considérations politiques ne devraient même jamais prévaloir sur cette raison éternelle qui appartient à tous que jamais les lois de la nature ne doivent être violées pour des raisons d'utilité, parce que quelques individus sont intéressés à leur admission.
Quelle étrange contradiction ne serait-ce pas, qu'après avoir décrété la liberté de la France, vous fussiez par vos décrets les oppresseurs de l'Amérique. Je demande la question préalable sur le projet de décret que vous présente votre comité, et voici celui que je propose d'y substituer.
L'Assemblée nationale décrète que les hommes de couleur et nègres libres, propriétaires et contribuables, sont compris dans l'article 4 du décret du 28 mars.
« Enjoint aux commissaires chargés de rétablir l'ordre dans les lies, d'employer tous les moyens en leur pouvoir pour y faire jouir les hommes de couleur de tous les droits de citoyens actifs. » (Applaudissements.)
Je viens de recevoir deux lettres : dans l'une est une adresse des commissaires des citoyens de couleur, et l'autre une adresse des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France. L'Assemblée veut-elle entendre la lecture de ces lettres ? (Marques d'assentiment.)
Un de MM. les secrétaires monte à la tribune et donne lecture de l'adresse des commissaires des citoyens de couleur.
Cette adresse est ainsi conçue.
« Ce n'est pas sans peine 'que nous avons vu le rapporteur, dans l'affaire des colonies, traiter avec légèreté les pouvoirs que nous avons présentés pour être admis à la barre. Il s'agit ici de notre existence civile et de celle de nos frères des îles. On veut nous en dépouiller ; et nous n'avons pas besoin de tant de pouvoirs pour nous faire entendre. Nous sommes citoyens de couleur : voilà notre titre ; et il est de la justice de l'Assemblée de nous admettre.
« Nous nous reposons avec confiance dans ses principes. Nous espérons qu'elle rejettera le projet de décret des colonies, et qu'elle déclarera positivement que nous sommes compris dans la classe des citoyens actifs, en vertu de l'article 4 du décret du 28 mars; mais si sa religion n'était pas encore assez éclairée, s'il reste des doutes, nous demandons, au nom de la justice, d'être entendus à la barre; et nous donnerons à l'Assemblée des renseignements sur les localités qui lui prouveront que l'on a, jusqu'à présent, abusé de sa bonne foi.
« Nous sommes, etc.
Il y a un des signataires qui n'est pas libre ; c'est un esclave enfin de la Martinique.
M. le secrétaire donne ensuite lecture de l'adresse des députés extraordinaires des manufactures et du commerce de France.
Cette adresse est ainsi conçue :
« Messieurs,
« Vous avez ajourné le projet de décret tou-chantles colonies, qui vous a été présenté par vos comités. Ce projet de décret n'est qu'une conséquence rigoureuse et indispensable du préambule de votre décret du 12 octobre, par lequel vous avez annoncé que vous étiez dans la ferme résolution d'établir, comme acte constitutionnel, dans leur organisation, qu'aucune loi sur l'état des personnes ne serait décrétée que sur la demande précise et formelle des assemblées coloniales. Vous avez pris un engagement sacré envers les colons et envers les commerçants; et la liberté que vous avez fondée nous donne le droit de vous dire qu'il n'est pas en votre pouvoir de le rompre. (Rires.)
« C'est à ces sages dispositions renfermées dans
Peut-ère dirons-nous aussi que si l'Assemblée se fût plutôt occupé des colonies, si elle n'eût pas laissé à la malveillance le temps de manœuvrer et de l'accuser d'une .cruelle indifférence, elle eût prévenu les malheurs qui les accablent et les déchirent; mais pressée par la loule des événements qui s'accumulaient autour d'elle, l'Assemblée nationale ne pouvait porter plus loin ses regards.
« Cependant, malgré ces violentes convulsions que nos îles assurent qu'elles ont éprouvées, malgré les desseins pervers de ceux qui voulaient les anéantir pour la France, en y proclamant une liberté que leur constitution, leur climat et leur culture ne peuvent comporter, ces lies sont restées lidèles. Elles ont malheureusement versé beaucoup de sang; mais toutes ont accueilli avec transport votre décret qui les a déclarées parties de l'Empiie fi ançais. Ce décret est devenu le palladium des colonies.
u C'est surtout dans ce préambule, dans ces dispositions sa^es etconservatricesdel'ordreetde la propriété, que les colons ont vu l'intérêt que prenait à eux l'Assemblée nationale; et ils ont sacrifié leurs divisions, leurs ressentiments, à la
Eromesse solennelle qu'y a consacrée l'Assem-lée.
« Si vous hésitez, Messieurs, car nous ne vous faisons pas l'injure de croire que vous la révo^ querez, si vous hésitez de confirmer cette parole si inviolable, vous devez vous attendre à la défiance des colons si souvent alarmés sur vos intentions, et que les ennemis de la patrie environneront d'erreurs et d'inquiétudes; vous devez vous attendre qu'une puissance voisine, et jalouse de votre grandeur future, entretiendra ces erreurs ; elle les accroîtra, elle offrira aux colons des avantages, en les réunissant à elle, et déjà elle a préparé le succès de ces desseins, en décrétant la continuation de la traite des noirs.
« Vous devez vos colonies à une nouvelle conquête; le commerce maritime leur est essenti 1-lement lié; il ne peut séparer sa cause de celle des colons. Si vos colonies se divisent et se déchirent, le commerce cessera d'y envoyer des vaisseaux; et l'exemple de la Martinique, perdue depuis deux ans, atteste celte triste vérité. Les étrangers s'empareront de votre commerce. Déjà nous avons la preuve que des vaisseaux étrangers, venant directement de nos colonies, sont arrivés en Angleterre et en Hollande. L'invasion deviendra générale.
« En attendant, une guerre étrangère est inévitable, cette scission aura causé nos désastres, et mettra notre Constitution en péril en paralysant nos fabriques et nos manufactures; en privant de travail tant de bras, que nos ennemis extérieurs et intérieurs emploieront contre nous. Ainsi doue, Messieurs, le commerce, le salut de l'Empire, votre parole (Murmures), tout, nous osons le dire, vous impose la loi d'adopter le projet de votre comité et celui que nous osons vous proposer.
« Nous sommes avec respect, etc... »
J'adopte le projet de décret que vous présenlent vos comités réunis; je le crois le plus sage qu'il leur fût possible de vous offrir. Soit que nous le considérions en principe, soit que nous examinions les circonstances», je pense qu'on ne peut l'attaquer qu'en déplaçant absolument la question.
Je sais combien d'idées accessoires il est possible d'amener dans une discussion : je n'inculperai ras les intentions de ceux qui invitent l'Assemblée nationale à traiter aujourd'hui des questions qui tendent à compromettre nos colonies, mais j attaquerai leur manière de raisonner; et je crois que, dans cette affaire, la raison et la justice sont parfaitement d'accord avec votre véritable intérêt. En effet, voudrait-on vous amener à statuer d'abord sur ce qu'il importe de régler dans les colonies? On voudrait y transporter toutes nos idées, tous nos principes, toutes nos institutions, et l'on ne voit point et l'on ne veut point voir qu'il faut auparavant statuer, qu'il laut auparavant arrêter irrévocablement ses idées sur ies vrais rapports de toute métropole avec ses colonies. C'est sur ces rapports qu'il est important, et pour elle et pour vous, de ne vous fa re aucune illusion.
Je sais que les colons sont français; je vois leurs députés parmi vous, je les vois coopérer avec ardeur aux travaux de l'Assemblée nationale ; je les vois reconnaître avec orgueil qu'ils sont une véritable partie intégrante de l'Empire français, mais, permettez-moi de vous le dire, tout en jouissant de leur patriotisme, j'entends la voix non moins impérieuse de-la vérité et celle de l'expérience; je me rappelle que le pacte social n'est institué que pour le bien des contractants, que leur intérêt en est la première base, et que ce n'est qu'en ménageant soigneusement cet intérêt que l'on parvient à fortifier les affections, et à éterniser les liens qui peuvent rapprocher les hommes. L'union des colonies à la métropole, leur fusion, si je puis parler ainsi, dans la souveraineté nationale doivent éprouver des modifications particulières, ou bien elles opéreraient le despotisme de la métropole sur les colonies, et bientôt celles-ci, connaissant leur véritable intérêt, renonceraient à cette fiction politique. Il suffit, pour s'en convaincre, de re-moner au principe du contrat social, à ces principes posés par Rousseau auquel on élève des statues et dont il ne faut pas oublier les maximes.
La volonté du corps social où la loi n'est obligatoire pour chacun des sujets que parce qu'elle est l'expression de la volonté de tous, sur un objet qui frappe également sur tous, du moment où elle serait la volonté du plus grand nombre, ne frappant que sur le plus petit, elle perdrait ce caractère de loi; du moment où un corps politique serait tellement constitué, qu'une de ses parties recevrait toujours la loi des autres, et ne la leur donnerait jamais, il ne serait plus un corps social; il serait une véritable monstruosité; mais cet état de choses arrivera toujours lorsque I le corps social sera divisé eu deux parties intégrantes très inégales, et dont les intérêts ne seront évidemment pas les mêmes : le despotisme de la plus grande sur la plus petite sera inévitable; l'influence de la plus petite sur la volonté générale sera illusoire, et ce prétendu corps social ou se soutiendra par l'oppression, ou tendra toujours à se dissoudre.
Voilà cependant le tableau vrai de l'état de choses que nous avons
consacré, de l'état de
De quel droit ne l'accorderiez-vous pas? Sur quel titre fonderiez-vous ce refus ? Qu'est-ce que c'est que la souveraineté d'une métropole sur ses colonies? Vous avez reconnu qu'un peuple n'appartient pas à un homme : faites encore un pas, et sachez convenir qu'an peuple n'appartient pas plus à un autre peuple. La nature des choses, la position géographique, tout est un obstacle à la fiction par laquelle on supposerait que ces deux peuples n'en sont véritablement qu'un : ils ne peuvent être unis que par l'affection ; l'affection ne peut subsister que par la communauté d'intérêts ; les intérêts ne peuvent être communs
au'auiant que cette partie la plus faible trouve ans l'organisation sociale un contrepoids à l'ascendant qui la menace ; ce contrepoids est évidemment l'initiative; et s'il restait une réflexion à faire, ce serait uniquement sur la faiblesse du contrepoids.
Ce qu'il est si juste de faire, vous est encore commandé par votre intérêt bien entendu. Rappelez-vous ce que Franklin disait au peuple anglais lorsque personne ne pouvait encore soupçonner les destinées de l'Amérique; ce grand homme lui montra, dans le premier acte d'oppression, dans la première injustice, le germe et le principe de l'indépendance américaine.
Et quelles sont donc les raisons qui combattent l'acte de justice et de condescendance que vos colonies attendent de votre sagesse ? Elles se réduisent toutes en dernière analyse, au désir ambitieux de traiter une grande question sur laquelle tous les éléments nous manquent; une question dont la solution précipitée sera funeste à vous, à vos principes, à vos colonies, aux individus mêmes dont les instances la provoquent; une question dans laquelle vous serez toujours forcément en deçà de la rigueur des principes, lors même que vous leur aurez fait les sacrifices les plus impolitiques.
Ces considérations sont puissantes, et je ne fais que les indiquer.
La philosophie vient aussi de provoquer en Angleterre une discussion de même nature. De longs débats, un immense recueil de documents ont conduit Je parlement anglais à une décision toute contraire à celle qu'attendait la philosophie. Instruisons-nous par cet exemple ; ne sacrifions pas de grands intérêts à la manie impolitique de forcer la marche du temps et de créer ce qu'il peut seul amener. Observons quelle sera sur vos colonies l'influence de votre Révolution ; mais ne fortifions pas cette influence du despotisme d'une loi, et n'entassons pas indirectement les expériences politiques. .
Je me résume et je finis. Vos colonies ne vous resteront solidement attachées qu'autant que tous ménagerez leurs véritables intérêts ; leur intérêt le plus cher ne peut être sauvé que par l'initiative qu'on vous propose ; on ne s'oppose à cette mesure que pour vous faire discuter une question dont l'examen seul entraîne la ruine des colonies. Ces raisons sont plus que suffisantes pour vous ranger à l'avis des comités. Cet avis est appuyé par le vœu du commerce ; il est appuyé par le vœu même des colonies ; elles voient dans son adoption la cessation des troubles qui nous affligent et nous alarment : elles y voient un acte de condescendance; et franchement je n'y vois qu'un véritable acte de justice.
Je conclus donc à l'admission du projet de décret du comité (Applaudissements.)
Messieurs, vos comités vous proposent de consacrer aujourd'hui la disposition que vous annonçâtes dans le préambule de votre décret du 12 octobre. Mais il résulte des dispositions bien connues des colons blancs, que les hommes libres de couleur ne participeront ni à la législation ni à l'administration du pays qui les a vus naître. Une Assemblée constituante peut-elle déroger à ces principes d'une manière aussi fortement prononcée, et priver des hommes libres, quelle que soit leur fortune,d'être citoyens actifs? Les changements que vient d'opérer notre Constitution rapprochent des hommes qui se tenaient autrefois à une très grande distance, les uns des autres. Les colons blancs ne devraient pas avoir tant d'éloignernent à reconnaître ceux à qui ils tiennent par les liens du sang, et qui ont bien mérité de leurs maîtres par leurs talents, par leurs services, puisqu'ils leur ont donné la liberté.
Vos députés des colonies, les colons actuellement à Paris déclarent hautement que les colonies sont perdues, que la scission est prononcée, en leur refusant l'initiative sur l'état des personnes. Si ce malheur arrivait, ce ne serait que du fait des colous blancs; et je ne puis le croire.
Si les exemples pouvaient nous instruire sur la conduite que nous avons à tenir, l'histoire de la République romaine nous en présente un très frappant. Les lois politiques, dit Montesquieu, furent admirables à l'égard des affranchis. Ils eurent part à la législation, aux charges, au sacerdoce même; mais lorsqu'elle eût perdu pour eux les sentiments de l'humanité, on vit naître des guerres civiles qu'on a comparées aux guerres puniques. Ceci doit être suffisant pour présager le sort de vos colonies. Si vous refusez aux hommes libres de couleur ce qu'ils ont droit d'attendre de votre justice; si, au contraire, vous accéda z à leur demande, vous resserrez les liens qui les attachent à la patrie; iis continueront, avec les colons blancs, à donner de l'activité à notre commerce et à notre industrie ; ils maintiendront surtout cette police surveillante dont dépend la sûreté des colonies.
D'après ces réflexions, je vous demande, Messieurs, la question préalable sur le projet du comité; et j'adopte entièrement celui de M. l'abbé Grégoire. (Applaudissements.)
(1). Grâces soient rendues à l'Assemblée nationale d'avoir, dans sa prudence, prononcé le 7 de ce mois, un sage ajournement sur le projet de décret qui lui fut présenté par ses 4 comités de Constitution, de commerce, de marine et des colonies.
Lorsque la loi soumise à votre délibération devait avoir la plus grande
influence sur les destinées de cet empire, des législateurs éclairés ne
pouvaient la prononcer qu'après une discussion réfléchie. Un examen
approfondi, sur un objet de
Le rapport ae vos comités a été imprimé, distribué, médité sans doute. Livré à une discussion impartiale, ses motifs seront attaqués et soutenus, et le jugement que vous porterez ne sera plus taxé par quelques personnes comme quelques-uns de vos précédents décret* sur les colonies, d'être une atteinte à la liberté des opinions. Celui-ci sera contradictoire, et la s -conde époque de prospérité de vos provinces insulaires.
Ce fut le 8 mars de l'année dernière ou'ap-ès avoir donné vos premiers soins aux affaires si pressantes du continent, vous daignâtes, pour la première fois, vous occuper de notre bonheur, et nous en donner un gage.
Vous veniez d'apprendre que l'impulsion d'une révolution salutaire s'était propagée jusqu'à nous, « et sentant (je me sers des propres termes du rapport qui vous fut soumis, et dont l'impression et l'envoi à toutes les colonies furent décrétés au milieu des applaudissements les moins équivoques). Sentant, dis-je, tout l'intérêt qu'avait la nation française à soutenir son commerce, à conserver ses colonies, à favoriser leur prospérité par tous les moyens compatibles avec l'avantage de la métropole », vous disiez avec cette bonté paternelle que nous n'oublierons jamais : « Rassurer les colonies sur leurs plus chers intérêts, recevoir d'elles-mêmes les instructions sur le régime de gouvernement qui convient à leur bonheur, et qu'il est. enfin temps d'étab'ir; les inviter à présenter leurs vues concurremment avec le commerce français, sur leurs rapports réciproques ; telle est la marche que les circonstances, la justice et la raison nous ont paru prescrire. »
Après avoir exprimé ces sentiments consolateurs, vous entriez dans les détails des causes de nos maux ; votre sagacité vous en avait découvert 3, et il n'y en avait pas d'autres : « l'abus ministériel, la disette des subsistances, enfin \> s manœuvres criminelles des ennemis du bonheur de la France. Ils ont, ajoutiez-vous, emplové divers moyens pour exciter le trouble et l'inquiétude parmi les colons. Tautôt nous supposant des intentions contraires à toutes les lois de la prudence, ils leur ont fait apercevoir dans l'application de nos décrets, l'anéantissement de leur fortune et le danger de leur vie; tantôt portant le trouble dans les habitations, ils ont cherché à confirmer, par des soulagements, ces insinuations perfides. Leurs artifices ont excité de vives alarmes ; mais ils ne nous ont point enlevé la confiance et l'affection des habitants des îles ; et nous les retrouverons dans leurs cœurs, du moment où nous aurons calmé leurs inquiétudes. »
De ce paragraphe si touchant, vous passiez à des considérations politiques de la plus haute importance.
« On n'ignore point, qu'au sein même du Corps législatif, quelques personnes mettent encore en question l'utilité des colonies et du commerce intérieur; mais si de grands principes philosophiques et des spéculations ingénieuses s'offrent à l'appui de leurs opinions, il est facile de concevoir que la décision de ces grandes questions est absolument étrangère à la position du moment » : alors, armés de toute la force de l'exercice, vous réfutiez leur système, et parcourant avec avidité tous les avantages que les colonies françaises procurent à la métropole, et le vide immense que leur perte entraînerait, vous n'aviez pas de pe;ne à démontrer la fatalité de l'opinion métaphysique qui s'élevait contre l'importance ue nos possessions coloniales.
(M. de Gouy cite ici, mot à mot, plusieurs passages du rapport qui précédait le décret du 8 mars; il appuyait sur l'intention qui les avait dicté?-, et continuait sur le même to-i.)
« Aussi, ajoutiez-vous, la prospérité, de notre commerce étant si intimement liée à la conservation de nos colonies, la nation ayant l'intérêt le plus pressant, le plus incontestable à le protéger, il faut, sans délai, les constituer, et surtout calmar prompt ment les alarmes que le commerce et Ips cdons ont conçues sur l'application de quelques déc ets. »
Quels étaient ces décrets. Messieurs, aucu-t encore n'avait fait mention de nous... mais vous aviez décrété la déclaration dos droits de l'h )mme, et votre comité, qui avait bien reconnu que l'abus qu'on en avait voulu faire étant la cause de tous nos maux, pensait et disait : « que les différentes lois, décrétées pour les provinces françaises, n'éîaient point applicables au régime des colonies. Il d sait qu'elles offraient dans l'ordre politique une c'asse d'êtres particuliers qu'il n'est possible ni de confondre, ni d'assimiler avec les autres corps sociaux ; que l'application rigoureuse et universelle des principes gé léraux ne saurait 1 ur convenir ; qu 1 les relations d'intérêt et de position entre la Fra ice et les colonies n'étant point de la même nature que celles qui lient les provinces françaises, soit entre elles, soit avec le corps national, les relations politiques devaient également différer. » Enfin votre comité disait, et vous avez reconnu avec lui : « que les colonies ne pouvaient être comprises dans la Constitution décrétée pour le royaume. » Vous avez été plus loin : « En prononçant que les colonies auraient leurs lois et leur constitution particulière, vous avez pensé qu'il était avantageux et juste de les consulter sur celles qui pouvaient leur convenir. Vous avez cru que, dans une matière où lrur* droits les plus précieux étaient intéressés et où les plus exactes notions ne pouvaient venir que d'elles c'était essentiellement sur leur vœu qu'il convenait de se déterminer. »
Jusqu'ici, disiez-vou3 formellem -rit, « nous n'avons rien innové. Cette déclaration suffit, elle ne peut laisser subsister aucune alarme. Il est pourtant juste de raccomt agner encore d'une disposition propre à rassurer les colonies contre ceux qui, par de coupables intrigues, chercheraient à y porter le trouble, à y exciter des soulèvements contre ces hommes qui ne peuvent avoir que des motifs pervers et qui ne doivent être considérés que comme des ennemis de la France et de l'humanité ».
Ah ! Messieurs, comment un article libellé avec tant de précision et d'effusion d'âme, n'a-t-il pas neutralisé tous les poisons de la perfidie, surtout quand il était suivi de ces paroles remarquables : « Jurons d'associer les colons à tous les bienfaits de notre destinée; que ce serment soit désormais le premier article de tous les traités entre la métropole et les colonies. »
« L'Assemblée nationale déclare que, considérant les colonies comme une
partie de l'empire français, et désirant les faire jouir des fruits de
l'heureuse régénération qui s'y est opérée, elle n'a cependant jamais
entendu les comprendre dans la Constitution qu'elle a décrétée pour le
royaume, ni les assujettir à des lois qui pour-
Voilà la déclaration des droits des colons : elle doit précéder tous les articles de la constitution coloniale, comme la déclaration des droits de l'homme doit servir de préface à la Constitution du royaume. Le décret formel dont elle était suivie^ en cimentait merveilleusement les bases.
« Chaque colonie e^tautoris^eà f ire connaître son vœu sur la Constitution, la législation et l'administration qui conviennent à sa prospérité et au bonheur de ses habitants, à la charge de se conformer aux principes généraux qui lient les colonies à la métropole, et qui assurent la conservation de leurs intérêts respectifs. »
Jamais, non jamais, les colons n'en demande -ront davantage.
Voilà, Messieurs, presque mot à mot, votre premier décret sur les colonies, tout y était traité, tout y était prévu.
Bientôt des hommes dangereux, qui, par une exagération inconcevable des principes, cherchent à substituer dans la société, les droits naturels aux droits sociaux, prirent pour texte de leurs prédications incendiaires un article mal libellé et des instructions qui accompagnaient le célèbre décret du 8 mars, et à l'aide d'une interprétation maligne, ils parvinrent à soulever les citoyens contre les citoyens, à armer des hommes paisibles, à détruire des habitations magnifiques, a ruiner des manufactures précieuses, à incendier des villes entières, à rougir aussi de sang humain ces contrées éloignées auxquelles la sagesse paternelle de vos décrets semblait devoir assurer une révolution paisible, c'est-à-dire un bonheur sans tache.
Vous avez appris ces désastres, vous avez partagé nos maux et vous vous êtes empressés de verser du baume sur nos blessures.
Dans votre décret du 12 octobre, voici ce que vous disiez dans le préambule :
« L'Assemblée nationale, ouï le rapport de son comité des colonies sur la situation de Saiut-Domingue et les événements qui y ont lieu;
« Considérant que les principes constitutionnels ont été violés; que l'exécution de ses décrets a été suspendue et que la tranquillité publique a été troublée par les actes de l'assemblée générale séante à Saint-Marc; que celte assemblée a provoqué et justement encouru sa dissolution ;
« Considérant que l'Assemblée nationale a promis aux colonies l'établissement prochain des lois les plus propres à assurer leur prospérité; qu'elle a, pour calmer leurs alarmes, annoncé d'avauce l'intention d'entendre leurs vœux sur toutes les modifications qui pourraient être proposées aux lois prohibitives du commerce, et la ferme volonté d'établir comme article constitutionnel dans leur organisation, qu'aucunes lois sur l'état des personnes ne seront décrétées pour les colonies, que sur la demande précise et formelle de leurs assemblées coloniale- ;
Qu'il est pressant de réaliser ces dispositions pour la colonie de Saint-Domingue, par l'exécution des décrets des 8 et 28 mars, et en prenant les mesures nécessaires pour y maintenir l'ordre public et la tranquillité; « Déclare, etc... »
C'est sur les propres paroles de votre décret, Messieurs, que je m'appuie pour défendre une cause défavorable peut-être par elle-même; mais qui pourtant peut être défendue par un patriote, puisqu'elle intéresse essentiellement le bonheur de l'Etat.
Il y a dans ce préambule le mot de la question, et vous n'avez pas hésité à le prononcer, Messieurs. Il était temps.
Les colons agites par la crainte continuelle de voir leur existence compromise, leurs propriétés en'evées, leurs femmes, leurs enfants égO'gés entre leurs br.is, s'étaient abandonnés à de nouve le-1 alarmes, et presque au désespoir. Des scènes sanglantes justifiaient ces angoisses.
Un scélérat déjà flétri par la loi, imbu de ces principes exagérés dont la première proposition est un axiome de droit naturel, et dont les conséquents anti-politiques tuent les empires, entretenait les liaisons les plus criminelles avec des hommes étrangement coupables; tandis qu'il osait se faire présenter au roi, qu'il osait mentir à l'Assemblée nationale, en lui offrant un don patriotique de 6 millions, dont il me semble qu'on ne songe guère encore à réaliser le premier payement, tandis qu'il assiégeait votre comité de vérification, et qu'il avait l'impudence de solliciter une place parmi les représentants de la nation, il se vantait, et j'en ai des témoins, d'avoir une correspondance suivie avec une puissance voisine, et d'être assuré de 2 millions dans le cas où il bouleverserait Saint-Domingue.
Echappé à ses créanciers, il se sépare pour jamais du sieur Brissot et de ses autres patrons en France, s'embarque pour la Nouvelle Angleterre, fait voile furtivement pour Saint-Domingue, y débarque en secret le 24 octobre, et trois jours après il était à la tête d'une troupe considérable de mulâtres.
Cet événement n'était point l'effet du hasard, le décret du 28 mars d'une main, la torche et l'épée de l'autre, il parcourt la province du Nord, la plus riche de la colonie, assassinant, pillant, incendiant I s habitations, grossissant son parti par toutes sortes de violences, et se faisant précéder par les têtes des citoyens blancs qu'il avait égorgés.
Le gibet et la roue ont été le terme de ces odieux succès.
Tel est, Messieurs, le danger auquel vient d'échapper Saint-Domingue; mais de nouveaux périls menacent, et celte contrée précieuse et toutes les colonies françaises.
Tant que la société des Amis des Noirs se fera un jeu de ses vengeances,
la tranquillité et le sommeil doivent s'éloigner de nos lies
infortunées; tant qu'elle répandra chaque semaine un pamphlet
incendiaire ou un recueil de proscriptions, il ne nous sera pas possible
de quitter les armes; le commerce ne pourra plus spéculer sur nos
travaux; la France ne devra pas compter le tribut de nos richesses; et
quel traité pouvons-nous faire, nous qui possédons de bonne foi des
terres que nous avons défrichées, et des esclaves que la nation nous a
vendus, dont elle seule a reçu le prix, dont elle seule a recueilli les
bénéfices. Quel traité pouvons-nous faire avec des hommes sans
politique, sans raison, qui se sont déclarés les prétendus patrons du
genre humain, les redresseurs banaux des torts, les libérateurs de tous
les esclaves; qui ont dit, imprimé et signé dans l'origine de leur
société : « Nous voulons l'abolition absolue et actuelle de l'esclavage
»; qui, combattus sur ce point et ne pouvant répliquer aux arguments que
le bon sens leur opposait, ont dit, imprimé et signé depuis : ¦ Nous ne
demandons, quant à présent, que l'abolition de la traite ¦>. — Qui,
embarrassés des objections que de bons esprits leur ont faites, on dit,
imprimé et signé dernièrement : « Nous
Et ces intentions conquérantes, je ne puis pas me les dissimuler, lorsqu'au même instant ces mêmes hommes impriment, signent et répandent des appels sanguinaires contre nous : « N'en doutons point, s'écrient-ils dans leur enthousiasme barbare, notre heureuse révolution va réélectriser les noirs, que la vengeance et le ressentiment ont électrisés depuis longtemps; d'une insurrection mal apaisée en naîtront vingt autres ».
Ce sont leurs propres termes. Ils attendent, ils espèrent, ils appellent la force de 300 esclaves contre un colon blanc qui, depuis 30 ans peut-être, vit au milieu d'eux et les a presque tous vu naître, s'est fait un devoir, un plaisir, de subvenir à tous leurs besoins ; et la persévérance de leurs dispositions hostiles, pourrais-je en douter, lorsqu'elle a été consacrée dans plusieurs adresses présentées au Corps législatif, lorsqu'une autre adresse aux Amis de VHumanité, conforme ce que je viens d'avancer par le début suivant :
« La société des Amis des Noirs a annoncé, dans sa seconde adresse à l'Assemblée nationale, le serment que tous ses membres avaient fait de ne point interrompre leurs travaux que la traite des noirs ne fût abolie... Pour remplir cet objet sacré, la société croit devoir adopter un plan de travail, et solliciter une souscription de 200,000 livres. »
Aussi, Messieurs, que les prétendus amis des noirs disent aujourd'hui qu'ils ne songent plus à l'affranchissement des esclaves, qu'ils ne demandent pas l'abolition de la traite, qu'ils ne veulent que l'activité pour les gens de couleur; ne croyez point leur exception, croyez plutôt au serment désastreux pour l'Etat, et criminel qu'ils ont osé faire entre vos mains, et que cette pièce atteste. Elle n'est point apocryphe.
Signé : Pétion de Villeneuve , président, Brissot de Warville, secrétaire.
Nous sommes obligés de croire à Son au hen-ticité jusqu'à ce que ces messieurs la désavouent.
Ne nous laissons donc pas égarer par les protestations trompeuses d'une modération mensongère. 11 n'est plus temps de feindre, et quand le péril est imminent, le ménagement qui le cache en augmente l'étendue. Ces ménagements autrefois eussent été vertu, ils seraient crimes aujourd'hui. H n'en faut plus. Il faut que l'Assemblée nationale, qui connaît bien aujourd'hui l'importance de ses colonies, qui n'ignore pas l'influence immédiate qu'elles ont sur tout le système politique du gouvernement intérieur et extérieur de l'Empire, qui voit par combien de liens elles s'attachent au commerce, à l'agriculture, à l'industrie, à la circulation du numéraire, a l'existence de 6 millions de citoyens, à la prospérité du royaume, et à la paix publique, sache, au moment de prononcer sur la question la plus délicate, ce qu'on prétend exiger d'elle ou des législateurs qui la remplaceront.
On vous demande aujourd'hui d'anéantir vos décrets bienfaisants, pour leur substituer un décret injuste et barbare : on vous demande de manquer en présence de l'Europe entière, qui fixe ses yeux sur vous, à la parole sacrée que la
loyauté française a donnée à des citoyens français par l'organe des représentants de la France.
Enfin, lorsque quatre de vos comités, réunis, ont dans un grand nombre de séances, examiné avec une attention toute particulière la question la plus délicate, sans doute, de toutes les questions politiques, lorsque le vœu unanime de tous les membres éclairés qui les composent et des députés de toutes les colonies qu'ils y ont appelé, se réunissent pour vous proposer de consacrer sous une forme inattaquable ce que vous avez déjà déclaré formellement, o i ose vous proposer de prononcer contre votre avis, contre votre parole, contre votre sûreté, contre nos propriétés, contre notre existence, contre les intérêts les plus chers de la nation, et de jeter le premier tison d'une guerre épouvantable au milieu de neuf colonies qui vous demandent protection et repos.
En un mot, on vous propose aujourd'hui d'adopter la première de ces trois propositions, fatales au royaume, que la secte des Amis des Noirs a fait l'abominable serment de vous faire décréter : la concession des droits politiques, l'abolition de la traite, l'affranchissement des esclaves.
Oui, Messieurs, ne vous y trompez pas; ces trois propositions sont inséparables ; elles sont la conséquence du même principe ; l'adoption de la première, préjuge l'adoption des deux autres.....
Que dis-je ! elle la décide de droit et de fait, en renversant la barrière qu'un préjugé nécessaire entretient depuis cent cinquante ans, entre l'homme libre et l'esclave.
La classe des affranchis forme cette barrière salutaire; je ne sais s'il serait en votre puissance de lui en substituer une plus sage; tuais il est certain que l'expérience est en faveur de celle-là.
Bientôt, Messieurs, il ne resterait plus qu'un pas à faire pour achever un si bel ouvrage, perdre la colonie et la métropole, sacrifier cent mille blancs à la fureur d'un million de noirs, et immoler ces. noirs eux-mêmes à la fureur qui les enveloppe, et à l'anarchie qui les détruirait, en décrétant solennellement l'affranchissement des esclaves.
En vain, ceux que mon silence obligerait, s'écrient-ils que je suis hors de la question, je ne m'en éloigne point, quand, par le décret que l'on voudrait vous faire rendre, les affanchis seraient enfin admis aux mêmes honneurs que les blancs, le nègre libre se trouverait le collègue de celui dont il était naguère l'esclave ; son frère, ses parents, ses amis, esclaves encore, concevraient difficilement l'égalité de ce noir avec un blanc dont la supériorité sur eux leur semblerait un douloureux problème.
Quand ensuite, en vertu de l'abolition de la traite que l'on a juré également de faire décréter, le propriétaire d'une manufacture serait obligé d'en répartir les travaux entre un moindre nombre d'esclaves, parce que le recrutement en serait prohibé; quand la charge de chacun d'eux augmenterait tous les jours en raison de la diminution des revenus du maître ; quand ils sentiraient que leur santé s'altère, que leurs forces s'épuisent, ne seraient-ils pas tentés d'en employer les restes à se soustraire à un joug jadis léger, devenu par degré, trop pesant, et désormais impossible à supporter? Ne seraient-ils pas disposés, dans la simplicité de leur raisonnement,à attribuer à leur maître tous les torts d'une mesure nationale, impolitiquement adoptée ?
Mais enfin quand en vertu de l'affranchisse-
Tous, oui tous voudront être libres, et le seront le jour où ils sauront qu'ils peuvent l'être. Je puis, je dois le dire : l'on n'attend pas la liberté. Cet axiome de la Révolution n'a pas besoin de preuves dans cette Assemblée; mais si j'en voulais une, elle s'offrirait d'elle-même.
Si le 13 juillet 1789, tous les souverains de la terre eussent dit aux habitauts de la capilale : Vous gémissez sous un joug odieux, la liberté doit mettre un terme à vos maux. Mais il faudrait vous préparer à cet état nouveau, qu'un passage trop rapide rendrait dangereux; dans 4 ans, de ce jour, nous briserons vos chaînes, nous vous livrerons sans crainte à la liberté... Dites, Messieurs, le peuple de Paris aurait-il attendu patiemment ce terme désigné?... Un cri unanime n'aurait-il pas appelé cette liberté qu'on plaçait si loin de leurs désirs; tous se seraient élancés vers elle, et il n'y aurait eu qu'un espace indivisible entre les prémices de ce bienfait et sa jouissance?
Il en serait de même en Amérique. La plus légère vibration, sur cette corde délicate, retentirait dans tous les cœurs : ne la touchons donc pas, quand nous sommes physiquement sûrs, que des malheurs épouvantables, que des pertes irréparables, que des massacres multipliés ensangle-teraient cette imprudence.
Il est donc bien prouvé qu'il est mathématiquement impossible de préparer les nègres à la liberté. Leurs prétendus amis conviennent qu'ils ne peuvent la recevoir sans une longue préparation ; donc il ne faut plus songer à la leur donner, puisqu'elle serait pour eux une source intarissable de maux.
Mais vous avez vu que l'affranchissement des esclaves était la suite nécessaire de l'abolition de la traite, et de la demande des gens de couleur; donc il y aurait un danger imminent à accorder ce dernier point, puisqu'il entraînerait infailliblement, et sans aucun délai, tous les malheurs dont nous menacent les deux autres.
Il importait, Messieurs, de vous démontrer la liaison intime de ces trois propositions, parce que cette démonstration placera, dans son véritable jour, la question qui vous occupe.
L'Assemblée nationale, liée par ses propres décrets, a déclaré aux colonies qu'elle ne toucherait à leur constitution, législation, administration, que sur le vœu des assemblées coloniales.
Certes de tous les articles d'une Constitution, il n'en est pas de plus constitutif que l'état des personnes ; donc l'Assemblée nationale, enchaînée par ses propres bienfaits, ne peut rien décider sur l'état des personnes; et puisqu'elle s'est mise dans une impuissance heureuse et absolue à cet égard, elle ne doit faire aucune difficulté de le repéter de manière à ne laiss r aucun doute sur cet objet.
On étend trop la discussion et M. de Gouy n'est pas dans la question. Je propose, par forme de motion d'ordre, qu'il se borne à discuter celle de savoir si les décrets dont il s'» st prévalu dans le cours de so i opinion, frappent également contre les nègres esclaves et les ge vs de couleur propriétaires. En d'autres termes, si les propriétaires contribuables de couleur seront libres oui ou non.
Je ne demande point à parler sur le fond de la question, mais à rétablir le vrai point de la délibération. E le ne consiste pas à savoir si le* nègres et si les hommes de couleur libres auront ou non le droit de citoyens, actifs. La que-tion qui vous est soumise est de savoir si vous laisserez, ainsi que vous l'ave:', promis aux assemblées coloniales... (Murmures.)
Vous posez mal la question.
On ne l'a pas promis ; M. Barnavc énonce une fausseté.
Je dis que la eu stion est disavoir si l'Assemblée nationale décrétera : 1» ri l'initiative serait accordée aux assemblées coloniales, pour la formation des lois qui doive t régir les colonies; 2° si elles u erontde ce droit, dans la question de savoir quels seront les droits politiques des colons et nègres libres et propriétaires, sauf, après le vœu qu'elles émettront à cet égard, à êir-statué souverainement par l'Assemblée nationale ;3°si ellesémettron t ce vœu dan.s la fur me que n us avons proposée, c'est-à-dir, par un seul comité de 29 personnes, cotnoosé de commissaires des différentes assemblées coloniales. Voilà ce que les comités ont proposé à l'Assemblée.
Plusieurs membres : Ce n'est pas ainsi qu'il faut poser ia question.
Voilà les trois seules questions qui résultent du projet de décret proposé à l'Assemblée nationale. (Applaudissements.)
Je demande la parole.
Je demande que M. de Gouv c mtinue son opinion, C'est à moi à parler ensuite*; et je m'engage à prouver que la question n'a pa-été bien posée par M. Barna(Applaudissements.)
Monsieur do. Gouy vous avez In parole ; je vous engage à vous renfermer dans la question.
L'Assemblée peut san? doute changer la question ; mais dans l'état actuel des choses, je me bornerai à examiner la premier, des 3 questions, et à vous observer qu'un considérant, de la part de l'Assemblée nationale, équivaut sans contredit à un décret.
Plusieurs membres : Non! non!
Messieurs, je ne conçois pas comment il est possible que l'on mette cette
question en doute. Qu'est-ce qu'un décret? C'esi une détermination du
Corps législatif. Qu'est-ce qu'un considérant? C'est le motif de cette
détermination. Or, comme le motif existe avant la loi, et que la loi
n'est faite que d'après le motif;
Cet article n'a d'autre but que d'assurer le régime constitutif colonial, tel que le besoin l'a établi, tel que l'expérience l'a conservé, tel, si l'on veut, que le préjugé l'a respecté, mais tel enfin que les droits précédents l'ont consacré,
Y changer un mot, ce serait renverser subitement ce régime colonial, fondé tout entier sur la servitude. Or, si, de ce renversement subit, s'ensuivait infailliblement l'abolition de l'esclavage comme je l'ai démontré; et que l'abolition de l'esclavage annonçât le sacrifice de tous les mulâtres, le massacre de tous les blancs, la désola-lion de tous les noirs, la destruction de toutes nos manufactures, la perle absolue de toutes noscolo-nies, la ruine detous les négociants de nosports, le désespoir de 6 millions d'hommes en France qui n'auraient plus de pain; la vengeance de toutes les puissances maritimes peu disposées sans doute à nous pardonner un décret qui les priverait également de leurs colonies, l'Assemblée nationale se reprocherait, sans doute, et de n'avoir pas réprimé les écarts d'une secte désastreuse, et pour avoir porté une oreille attentive aux séductions de quelques têtes erronées qui la dirigent, d'avoir anéanti la Constitution et perdu le rovaume.
Telle est pourtant, Messi urs, l'alternative où des propositions imprudentes vous placent en ce moment.
Une observation importante doit fixer aussi les regards de votre justice; si, contre toutes les lois de la politique, vous pensez d voir sacrifier les intérêts du royaume a la rigueur des principes naturels dont une secte exaltée provoque l'observance'; la nation française qui a consacré avec taut de loyauté les dettes de l'ancien régime, ne se croirait point autorisée, sans doute, à se permettre un prétendu acte de bienfaisance, aux dépens de3 propriétés particulières.
Il est bien prouvé que le décret qui prononcerait en faveur d'ut.e des trois question* soutenues par nos ennemis, nous priverait subiteuieut de nos colonies d'une manière plus ou moins funeste.
La souveraineté en est à la France, mais le sol de plusieurs d'entre elles, c- lui de Saint-Domingue, par exemple, est aux habitants qui l'ont conquis et qui ont prié nos rois de le diviser entre eux. Il faudrait doucéquilablement payer à chaque colon cette terre patrimoniale que ses pères lui ont transmise d'âge en âge ; il faudrait surtout leur rembourser au moins la valeur actuelle des manufactures brillantes qui couvrent ces établissements, et des nègres qui les cultivent, dont le prix très cher a été reçu tout entier par les Français du coutinent, lorsque, de bonne foi, et sous l'autorité de la nation, nous avons traité avec eux depuis près de deux siècles.
Certes cette liquidation est de stricte justice. Eh bien, par une évaluatiou modérée, proportionnée tout au plus à nos fortunes actuelles, et fort éloignée de nos espéranc- s futures, les revenus des colonies se moutant à 240 millions plus ou moins, serait représentée au denier vingt pur un capital d'environ cinq milliards.
Voilà la somme que l'équité prescrirait impérieusement à la nation française de rembourser aux colons avant de consommer la bonne œuvre de l'affranchissement d'un million d'hommes, et de leur donner la liberté d'être oisifs et malheureux, de s'entre déchirer et de devenir bientôt entre eux les esclaves les uns des autre.
En agir autrement, serait une injustice atroce, que nul motif ne saurait justifier, car il n'est permis, dans aucun cas, d'être généreux aux dépens d'autrui.
Une grande leçon vient de nous être donnée sur ce point, par une nation toute-puissante et à laquelle on ne peut refuser aussi que'ques idées de liberté.
L'Angleterre discute depuis 10 ans l'abolition de la traite. Depuis 10 ans, elle diffère la décision de cette question importante, et dernièrement elle vient de consacrer, par un acte du Parlement, le commerce des esclaves.
Ne pourrait-on pas dire que ce peuple profond a imaginé de tendre d'abord à la légèreté française un piège séducteur, pour nous déterminer à l'aire une grande faute politique, dont les Anglais seuls auraient retiré tout le fruit, et qu'au moment où il a reconnu que l'exagération de nos idées métaphysiques nous entraînerait dans le précipice qu'il avait creusé sous nos pas, sa politique astucieuse l'avait porté à manifester aux deux mondes des dispositions propres à lui concilier la confiance de tous les possesseurs u'esclaves, et à lui attirer tous les coeurs créoles.
Ne laissons pas, Messieurs, notre rivale recueillir le fruit de ce complot adroitement ourdi, et sans nous arrêter à des développements ultérieurs sur une question que l'Assemblée nationale n'aurait jamais dù traiter, et qui n'est que trop éclaircie, permettez-moi, en me résumant, de vous offrir, avec ordre, une série de propositions dignes de fixer vos regards et propres à motiver vos décrets.
L'importance des colonies françaises n'est plus un problème. Leur existence tient à la conservation du régime colonial.
Le régime colonial repose tout entier sur le système de l'esclavage.
Le système de l'esclavage a pour base la continuation de la traite, et ce préjugé antique, qui place les gens de couleur, comme une barrière nécessaire entre les noirs et les blancs.
Ces deux sauvegardes de nos propriétés sont menacées par des philantropes.
Ces menaces trop répandues ont excité, dans toutes les colonies, des alarmes universelles.
Ces alarmes générales ont été la cause ou le prétexte de tous les troubles.
Ces troubles ont enfanté tous les crimes et tous les maux.
Maintenant que nous sommes descendus de la cause aux effets, remon'ons des maux commis aux remèdes désirables.
La cassation des malheurs lient au rétablissement du calme.
Le ca'mene reparaîtra qu'en rappelant la confiance. Elle ne renaîtra jamais, si l'Assemblée nationale, oubliant ses propres promesses, portait la plus légère atteinte à l'initiative qu'elle nous a accordée sur tous les objets de notre Constitution, et notamment sur l'état des personnes.
Or, qui dit personnes, ne peut entendre de bonne foi ni les esclaves qui
n'ont aucun éjat, ni les blancs dont l'état est décidé, mais les hommes
de couleur seulement qui jouissent de l'état civil, et non des droits
politiques. C'est de la consécration de cet ordre de choses
Ces deux points capitaux ne peuvent être assurés que par un décret solennel, dont la précision et la clarté bannissent jusqu'à la possibilité d'une interprétation douteuse.
Le doute existera toujours, si la loi n'est pas constitutionnelle.
Il est donc indispensable qu'elle soit prononcée par l'Assemblée nationale constituante actuelle, et acceptée par le roi, La législature qui nous succédera, n'aura pas même le droit de constituer les colonies; et si elles ne nous doivent pas la Constitution qu'elles vous demandent, ou le droit de la faire par elles-mêmes, vous replongez ces contrées précieuses dans des anxiétés déchirantes; vous les livrez à toutes les erreurs de la philanthropie; vous éternisez leurs maux.
Ainsi, Messieurs, leur propriété ou leur malheur est dans vos mains.
La perte ou le salut du royaume y sont intimement liés. Choisissez..... Mais vous n'avez pas
même le choix, puisque, par votre organe, la nation française a donné sa parole et que vos colonies y comptent.
Je conclus donc à l'admission pure et simple du premier article proposé par vos 4 comités, et je me réserve d'opiner sur les autres, à mesure que vous les soumettrez à la discussion.
Actuellement, il ne peut plus y avoir d'incertitude; il est clair que vous ne parlez que des hommes libres de couleur, propriétaires et contribuables, et point des esclaves; ceux-ci, lant qu'ils sont esclaves, ne sont pas des hommes.
Votre comité vous propose d'adopter son projet comme une conséquence des décrets que vous avez rendus. C'est pour le même motif que je demande la question préalable sur le projet du comité. On vous a dit que tout était perdu, si les gens de couleur avaient d'autres protecteurs que les colons. Je dis que tout est perdu, s'ils ont d'autres protecteurs que la loi. (.Applaudissements.)
J'examine d'abord les instructions décrétées le 28 mars, et j'y lis ces mots : « Toutes les personnes âgées ae 25 ans auront le droit, etc... » Cet article ne fait donc aucune distinction entre les colons blancs et les colons de couleur; et lor sque quelques membres s'élevèrent, pendant la lecture de ces instructions pour dire que cela comprenait sans doute les blancs et les mulâtres, ceux qui soutiennent le projet actuel du comité répondirent alors que c'était bien entendu.
Je viens au décret du 12 octobre où se trouve le considérant obscur dont on argumente. Je pourrais dire qu'un considérant est l'exorde d'une loi et non pas la loi; mais encore, que porte-t-il? Qu'aucune loi sur l'état des personnes ne sera décrétée pour les colonies sans leur initiative. Grâce à rambiguïté de la rédaction du fameux préambule du décret du 12 octobre, ce mot état des personnes a reçu d'étranges interprétations. Je soutiens, moi, que vous n'avez voulu désigner par ces mots l'état des personnes que l'état des esclaves. (Applaudissements.)
Vous n'avez jamais dans cette Assemblée, voulu prononcer le mot esclave. Vous avez senti que ne pouviez pas détruire l'esclavage. Vous avez répugné à le consacrer, et pour désigner les esclaves, vous avez dit l'état des personnes. (Ap~ plaudissements,)
Un membre : C'est juste.
Je dis que le décret du 12 octobre ne prouve rien; que le considérant n'est qu'un considérant, et qu'encore ne dit-il pas ce qu'on veut lui faire dire; mais ie veux bien encore renoncer pour un moment à la force de ces moyens, et j'en viens au fond de la question, où je trouve la preuve que M. Barnave l'a mal posée.
Messieurs, puisque vous voulez une initiative des colonies, comment sera-t-elle donnée? (ij^Zau-dissements.) Elle sera donnée] suivant le projet qui, je l'espère, sera englouti par la question préalable, elle sera donnée par une assemblée de notables des colonies. Sera-t-elle semblable à celle de 1788, en France?
Un membre : Oui !
Dans ce cas, Monsieur, au mois de décembre il faudra faire le contraire de ce qu'elle aura dit. (.Applaudissements.)
Puisqu'il n'y a plus de noblesse, il ne faut plus laisser quedeux états de personnes : la liberté et l'esclavage.
Or, pour en venir là, je crois qu'il vaut beaucoup mieux éviter le trouble et la scission. Vous ne voulez pas vous comporter comme un ministre amovible. Il faut donc vous expliquer sur-le-champ. Vous en avez la force, vous en avez le droit, vous en avez le devoir (Applaudissements.) Expliquons-nous donc. (Applaudissements.)
Quand vous n'aviez pas de Constitution, vos colonies n'en avaient i as;c'est tout simple. Vous en avez une, il en faut aus.-i une aux colonies; il faut créer cette Constitution. Messieurs, avant la création du monde, il fallait un créateur : vous êtes, ce créateur (.Applaudissements.); c'est à vous à arranger les éléments de la chose à créer; sans quoi ils ne s'arrangeront pas tout seuls. 11 faut donc que vous fassiez l'ouvrage du créateur.
Hé! Messieurs, ces éléments sont tout arrangés par vos décrets. Vous avez décrété que toute personne, qui était ou propriétaire ou contribuable à tel degré, avait droit dans les assemblées primaires. Sur quoi vous êtes-vous guidés? Ce n'est pas sur des lois écrites; c'est sur des droits naturels qui doivent être partout les mêmes. Eh bien! Messieurs, là-bas tout comme ici, prenez tous les citoyens actifs assemblés en assemblée primaire ; faites-leurnommer des membres d'une législature, une assemblée de notables,tout ce qu'il vous plaira; et voilà qui est arrangé. Et pourquoi? parce qu'il n'y a qu'un principe qui arrange tout. (Applaudissements.)
Je demande la question préalable sur le projet du comité et j'accepte le décret de M. l'abbé Grégoire. (Applaudissements.)
Je demande que la discussion soit fermée. (Murmures.)
(1). Messieurs, le préopinant vous propose de prononcer immédiatement et
sans délai sur l'état des gens de couleur; il vous dit que vous en avez
le droit, le devoir, le pouvoir. Je ne suis pas de cet avis; je suis
plus frappé des observations de M. de Clermont-Tounerre sur la
souveraineté des colonies, que
C'est en général une clause bien dangereuse en matière de gouvernement, que d'accorder aux abstractions, aux syllogismes, une telle puissance qu'on se laisse emprisonner dans le poste où vous place un bon ou un mauvais raisonnement.
En suivant exactement la ligne de M. de Cler-mont-Tonnerre, vous aurez la théorie d'un système .colonial, dont la logique triomphera de toutes les attaques de ses adversaires; mais les produits de vos colonies ne seront que précairement en vos mains, et pourront vous échapper à tout instant. En adoptant au contraire les principes qu'il a combattus, en suivant la ligne et les raisonnements de M. de Tracy, vous opérerez par un déchirement effroyable la ruine des colonies, et des désastres incalculables dans le royaume.
Je marcherai, Messieurs, entre ces deux écueils, dont l'un est encore plus dangereux que l'autre, car, s'il faut nous livrer à des systèmes, je préfère, sans balancer, celui qui conserve une société par l'indépendance, à celui qui la détruit par de mauvaises lois. La fin principale de l'économie politique est la conservation, comme celle de l'économie rurale est la reproduction.
Ainsi ce n'est pas ce qui doit être, mais ce qui est; c'est l'état actuel des choses, et leur commandement absolu qui doit fixer d'abord l'attention du législateur. S'il s'en distrait pour se saisir du beau idéal, c'est un romancier dangereux, dont il faut honorer les intentions et repousser l'influence. C^ n'est point à M. de Clermont-Tonnerre que s'adresse cette réflexion. Ses raisonnements sont justes, et c'est à vous, Messieurs, à en éviter les conséquences et à conserver la souveraineté sur les colonies, parce qu'elle vous est éminemment utile; or, il n'y a plus de souveraineté, là où cesse la protection, la bienfaisance, l'action tutélaire et conservatrice; alors commence la tyrannie : c'est à quoi on voudrait vous conduire en refusant l'initiative aux colonies sur l'état des personnes et sur leur propre constitution.
Avant d'entrer dans les détails de cette question, je me permettrai de jeter un coup d'oeil rapide sur la situation actuelle des colonies. Il est véritablement étonnant qu'une aussi importante discussion s'ouvre aujourd'hui pour la première fois.
On ne reprochera sûrement point à celte Assemblée de manquer de lumières. Toutes les classes de la société, tous les genres de talents, d'industrie, de commerce, de propriété trouveraient ici des conseils et des appuis, et un des plus grands intérêts politiques de l'empire, ses plus importantes possessions ne se sont encore présentées à vous que sous un voile qu'un de vos comités a seul jusqu'ici étendu ou soulevé. Je ne l'accuse pas. Je sais que les préventions, les difficultés qu'il avait à vaincre justifient la circonspection du comité colonial.
Cependant de funestes commotions ont agité ces provinces éloignées : on a tantôt favorisé, tantôt dissimulé les causes de ces commotions, et constamment négligé de vous en montrer le danger.
Ces causes sont de plusieurs genres.
Le mouvement général des esprits, dans les commencements de la Révolution, s'est rapidement communiqué dans toutes les parties du globe où il existe des établissements français. Eiait-il utile au succès même de la révolution, de favoriser cette impulsion? Je ne le pense i as ; car si l'on éprouve sous les yeux du Corps législatif qu'on ne détruit pas"sans inconvénient tous les ressorts de l'ancien gouvernement pour en instituer un nouveau, que n'avait-on pas à craindre de la dissolution subite et inconsidérée de l'ancienne administration de colonies, lorsqu'il n'existait sur les lieux aucune puissance légale pour rectifier et modérer l'impétuosité d'un premier mouvement ?
Il n'était pas douteux que le nouvel ordre de choses que vous établiriez dans le royaume, ne s'établit aussi dans les colonies; que les ministres, les administrateurs n'y fussent soumis aux mêmes principes législatifs, à la même responsabilité. Vous ne pourriez donc être aidés, mais au contraire fort embarrassés par toute espèce d'insurrection dans les colonies; il en devait résulter ce qui est arrivé : beaucoup de soins, d'inquiétudes et de dépenses pour les réprimer. Vous deviez donc les prévenir en autorisant provisoirement, et sous la loi de la responsabilité, l'ancienne administration, en déterminant strictement et nettement à des rédactions de plans et projets de lois toute l'influence des premières assemblées coloniales, et en vous préservant de toute innovation qui pût les inquiéter.
J'ajouterai que tel était l'intérêt bien entendu des colons qu'ils devaient éviter avec le plus grand soin toute agitation intérieure, toute entreprise anticipée sur leur propre administration; qu'il leur suffisait de considérer les dangers qui les environnent sur leurs habitations, dans leurs ateliers, pour supporter encore quelques instants le joug qu'ils étaient si impatients de briser pour arriver enfin avec le plus grand ordre aux changements, aux améliorations du régime qu'ils avaient droit de provoquer : voilà ce qu'ils devaient faire, voilà ce que nous aurions dû prescrire ; mais tout a concouru à égarer les colons et à distraire votre attention de tout ce qui les concerne.
Le talent si facile de déclamer contre les ministres, l'impossibilité de faire adopter des mesures sages et vigoureuses lorsqu'on les présente comme une suggestion ou un appui du despotisme, et, plus que tout cela, les innovations dangereuses que provoquait une philosophie bienfaisante dans ses vues, mais inconsidérée, mais barbare dans ses moyens; voilà les éléments de ce terrible ouragan qui désole en cet instant et qui peut ruiner de fond en comble tout l'archipel français de l'Amérique.
Sur celte terre brûlante qui porte à regret les habitants de notre continent, et les dévore par milliers, on entendit tout à coup des cris d'insurrection dont le bruit et le spectacle ne pouvaient qu'être funestes à l'existence de ces établissements.
C'est dans le désordre de ce premier mouvement que les colons se virent
attaqués de toutes parts par les écrits et les efforts les plus
menaçants contre leurs propriétés et leur sûreté; alors il n'y eut plus
ni concert ni mesure dans leurs combinaisons politiques, sur leurs
droits, sur leurs relations; et lorsqu'ils se croyaient exposés à tout
perdre, ils étaient sans doute excusables de tout tenter pour se
défendre. Mais divisés, même
Voilà les promesses, les espérances qu'on veut vous faire rétracter. Et sur quel fondement? Par quels motifs? A quoi se réduisent tous les raisonnements de nos adversaires? Aux principes que vous avez posés dans la Constitution, à la déclaration des droits, tandis que vous avez solennellement reconnu et déclaré que la Constitution du royaume ne pouvait convenir aux colonies. Mais je suppose que cela n'est pas, que vous n'avez pris aucun engagement, que vous n'avez rendu aucun décret qui vous lie; examinons quels sont vos droits et vos devoirs à l'égard des colonies.
La déclaration des droits est l'exorde de votre Constitution, et tous vos décrets peuvent être considérés comme des conséquences des principes posés par cette déclaration. Ainsi, vous avez ordonné le royaume, sans égard aux exceptions que pourraient exiger les colonies; et alors ou vous avez voulu soumettre les colonies à l'universalité des nouveaux principes qui régissent le royaume, ou vous avez voulu en excepter les colonies. Dans le premier cas, votre volonté équivaudrait à celle d'anéantir les colonies, de les retrancher du tout, ou de n'en réenir que les cendres; dans le second, les exceptions que vous reconnaissez nécessaires ne peuvent être invariablement prononcées et solidement maintenues qu'en leur accordant l'initiative pour leur propre Constitution.
Je reprends chacune de ces propositions. Pour soumettre les colonies à l'universalité des nouveaux pi incipes qui régissent le royaume, il faudrait que leur existence, et le régime, nécessaire à leur existence, fussent, sinon les mêmes, au moins analogues aux modes et aux conditions par lesquelles la métropole existe et se régit. Or, non seulement il n'y a pas d'analogie, mais il y a dissemblance, il y a opposition entre les modes et les conditions de l'existence et du régime de la métropole et des colonies.
Ce n'est pas seulement dans le sol et le climat, dans les cultures et les produits, que consistent ces différences et ces oppositions; c'est essentiellement dans la population, c'est dans le nombre et l'espèce d'hommes qui composent cette population, dans leur emploi, dans leur destination, dans leurs moyens, leurs mœurs et toutes leurs habitudes.
Il ne s'agit pas de considérer en cet instant ce qu'il peut y avoir de vicieux dans toutes ces choses, et ce qu'il serait désirable de réformer ; il s'agit de savoir si une telle manière d'exister peut se concilier avec les principes de la déclaration des droits. Or, cela ne se peut pas; car la populatiou des colonies est composée d'hommes libres et d'esclaves, et la société que vous ordonnez est uniquement composée d'hommes libres.
Il ne s'agit pas d'examiner si l'institution de l'esclavage peut être soutenue en droit et en principe : aucun homme de sens non dépourvu de moralité ne professe cette doctrine. Il s'agit de savoir s'il est possible, sans une accumulation de crimes et de malheurs dont vous seriez effrayés, de changer un tel état de choses dans vos colonies.
Or, si la discussion s'ouvre sur ce point, je me charge de prouver, de démontrer moralement et politiquement que cet amour du bien et de l'humanité, qui provoquerait de tels changements, serait la croisade la plus sanguinaire, la plus désastreuse qu'on pût prêcher contre les Français ; je vous démontrerais qu'il en résulterait non seulement lu proscription de tous les colons, mais la ruine d'une partie de vo ateliers maritimes et du plus grand nombre de vos manufactures. Il est donc impossible d'appliquer aux colonies la déclaration des droits sans exception.
Mais si nous sommes forcés d'en interdire l'application, d'en contrarier l'esprit sur quelques points, il est très dangereux d'en rappeler les principes, et de les appliquer aux colonies sur d'autres points. Dans un enchaînement de maximes qui se lient à un premier anneau, qui se déduisent les unes des autres, quelles sont celles que vous pouvez admettre isolément en les séparant de leurs conséquences?
11 est donc nécessaire de déterminer spécialement pour les colonies des principes constitutifs qui soient propres à assurer leur conservation suivant le seul mode d'existence qu'elles puissent avoir. Car il est impossible qu'elles existent comme colonies, comme moyen de richesses et d'aliment pour le commerce et les manufactures nationales, si vous ne prenez toutes les mesures nécessaires, pour conserver et protéger leurs propriétés et leurs cultures dans l'Etat, et aves les conditions qui peuvent seules leur faire rempli' leur destination.
Il y a donc une différence sensible entre la constitution convenable aux colonies, et celle décrétée pour la métropole.
Les dangers d'un autre système, l'impossibilité de l'établir, l'inutilité de le tenter, sont d'une telle évidence que tout l'art oratoire des anciens et des modernes, appuyé des plus véhémentes intonations, ne saurait les effacer ; et dans le cas où il s'élèverait à cet égard quelques doutes dans l'As emblée, où elle désirerait entendre des observations contradictoires sur un ou plusieurs points du système colonial, du système que la nécessité la plus impérieuse vous commande, je ne me refuse à aucun genre de discussion. C'est froidement, par les principes et par les faits, qu'il faut traiter chaque question, en renonçant aux lieux communs et aux mouvements passionnés qui ne prouvent rien.
Ces réflexions générales s'appliquent à la question particulière des gens de couleur. Voulez-vous prononcer immédiatement sur leur sort et les investir de tous les droits que leur assure votre déclaration? Vous soumettez alors vos colonies à l'universalité des principes de votre Constitution; et j'ai pensé qu'elle est incompatible avec leur existence.
La constitution d'un pays n'étant que l'exposé et le développement des m >yens nécessaires a sa conservation et à sa prospérité, et les moyens qui opèrent cette fin dans le continent, la contrariant évidemment dans les colonies, il leur faut donc une autre constitution et d'autres principes conservateurs.
Vous ne pouvez donc prononcer immédiatement sur la condition des gens de
couleur, en les investissant de tous les droits que vous avez dé-
L'intérêt général de ce pays, calculé sur d'autres bases que celles que vous avez adoptées, sur des circonstances très différentes de celles qui vous environnent, ne contrarie point les prétentions légitimes des gens de couleur ; mais il en modifie l'exercice. L'intérêt général des colonies leur présente les nègres et Us mulâtres libres comme des auxiliaires, des co-propriétaires, qu'il leur importe de rendre contents de leur sort. Ainsi, premièrement, l'exercice de tous les droits civils ne leur fut jamais contesté; mais l'exercice des droits politiques est trop récemment rendu aux habitants des colonies, pour qu'il ne leur importe pas d'examiner de quel développement et de quelles restrictions il peut être susceptible pour telle ou telle classe de propriétaires.
Et si vous reconnaissez la nécessité de ne pas les subordonner à vos principes généraux, vous ne pouvez vous refuser à celle de les laisser délibérer sur les exceptions; car ils connaissent encore mieux que vous les différences qui les séparent de votre régime domestique et administratif, les intérêts qui les pressent, les dangers qui les menacent.
Tout Je pouvoir de la loi sur les propriétés est de les conserver, de les protéger ; celui qui les détruit, est l'abus de la force, auquel on n'obéit jamais que provisoirement et à la charge de l'appel.
Si ces raisonnements sont justes, si vous ne pouvez prononcer immédiatement sur le sort des gens de couleur, d'après les principes de votre Constitution, il est inutile d'examiner ce qu'ils prescrivent, ce qu'ils accordent aux gens de couleur qui ne sont pas destinés à vivre sous une telle Constitution, mais sous celle des colonies, laquelle ne peut être semblable à la vôtre.
Je n'admets point, comme je l'ai déjà dit, dans toute leur extension, les conséquences des principes de M. de Clermont-Tonnerre sur la souveraineté des colonies, parce qu'il est essentiellement utile à la prospérité de cet empire de n'en détacher aucune des parties qui y tiennent par des liens réciproques et divers ; mais si vous ne prenez soin de réunir encore plus étroitement celles dont la nature favorise elle-même la séparation, vous nous affligerez certainement comme Français, vous ne nous ferez aucun tort comme colons.
Daignez, Messieurs, recevoir avec bonté cette dernière observation ; il ne s'agit plus ici des dissentiments politiques qui m'ont mis quelquefois en opposition avec la majorité de celte Assemblée; ce n'est plus une opinion particulière que je défends ; ce n'est plus pour les colons que je parle : c'est au nom de toute la nation entière que je vous conjure de lui conserver ses colonies; et si vous ne calmez leur défiance, si vous n'élevez une barrière inattaquable entre elles et les missionnaires qui les poursuivent ; si par un entraînement d'opinions dont je déplore d'avance les effets, vous sacrifiez à la philosophie, le trophée que vous lui élèverez, sera, je vous l'annonce, composé des débris de vos vaisseaux, de vos manufactures et du pain d'un million d'ouvriers qu'alimentent vos colonies. (Applaudissements.)
Je pense que le projet du comité doit être adopte.
On nous écarle sans cesse de la question ; en effet, de quoi s'agit-il? L'Assemblée nationale convoque les colons pour délibérer sur leurs intérêts. N'est-il pas évident que les hommes, libres, propriétaires, cultivateurs, contribuables, d'une colonie, sont des colons ? Or, les gens de couleur dont il est question sont contribuables, cultivateurs, propriétaires, libres. Sont-ils aussi des hommes ? Moi, je le pense, et dans cette conviction, j'appuie l'opinion de M. de Tracy, et je demande avec lui la queslion préalable sur l'avis du comité. (Applaudissements.)
Je demande la parole.
Vous n'avez pas la parole ; plusieurs opinants sont encore inscrits avant vous.
Personne ne nie que des propriétaires sont propriétaires et je ne crois pas qu'il soit soit venu à l'esprit de personne, dans l'Assemblée, de soutenir une pareille absurdité. La véritable question est de savoir si l'Assemblée nationale de France soutiendra une secte (Murmures.), car je ne peux pas lui donner un autre nom. La véritable question à traiter est de savoir si les colonies auront l'initiative dans leur législation, oui ou non (Applaudissements) ; si vous faites une loi avant de décider cela vous décidez par le fait qu'elles n'auront pas l'initiative. (Murmures.)
Je n'ai qu'un fait à énoncer.
Un membre : M. Duval a sans doute sur le cœur l'aventure de la nuit du 28 février.
J'observe à la politique de M. de Lafayette qu'il y a en France des hommes libres qui ne sont pas citoyens actifs; j'observe à son humanité qu'il a lui-même vendu des nègres qu'il regardait sans doute comme des hommes. (Applaudissements dans une tribune.)
Messieurs, il me semble que ceux qui, jusqu'à présent, ont voulu justifier le projet de décret du comité se sont totalement écartés du véritable point de la question; et, tout en prétendant poser la question, je soutiens qu'ils ne se sont étudiés qu'à égarer l'Assemblée; je soutiens qu'ils veulent faire décider cette question, non pas d'après les principes de l'humanité, de la justice, de la raison, de la politique même, mais en frappant l'Assemblée de fausses terreurs. Jusqu'à présent votre comité colonial a eu la dictature dans vos colonies ; où votre comité colonial vous a-t-il conduit? où ses décrets devaien t véritablement vous conduire,à des troubles, à des désordres, à des divisions intestines, à la désolation de vos colonies. (Applaudissements à gauche.)
C'est une manière adroite de s'élever contre les décrets de l'Assemblée.
(1). Il ne sera pas difficile d'établir que les dispositions que votre
comité vous a fait adopter, sont la cause de tous les désordres; il ne
sera pas plus difficile d'y trouver un remède. Sans cesse on est parti
de
Je dis qu'il n'y a pas d'initiative accordée ou déterminée, et je dis surtout, avec une pleine confiance, que vous n'avez jamais accordé d'initiative sur l'état des personnes. Rappelez-vous les différents décrets rendus et voyez si on ne cherche pas à vous les faire violer ici.
M. de Tracy vous a déjà bien établi que vous n'aviez point donné d'initiative sur l'état des personnes; mais il aurait pu ajouter des raisonnements très sensibles à ceux qu'il vous a exposés.
L'article 4, aux yeux de tout homme de bonne foi, décide formellement la question en faveur des hommes de couleur. Il porte que toutes les personnes propriétaires et domiciliés, payant une contribution, se réuniront pour former les assemblées paroissiales.
Je m'attache à cette expression générale, toutes les personnes, et je demande si les hommes libres de couleur sont oui ou non des personnes. (Rires.)
Plusieurs membres : Oui ! oui !
Alors s'ils sont des personnes, s'ils sont propriétaires, contribuables et domiciliés, participant aux charges de la société, je ne vois aucune difficulté, aucune raison, pour leur refuser les avantages attachés à ces qualités. Quand vous avez adopté ces instructions, je certilie à l'Assemblée que tel était l'esprit reconnu de cet article, telle était l'opinion commune et générale de l'Assemblée. (Applaudissements.)
Plusieurs membres : Oui ! oui !
M. Barnave me l'a dit à moi-même.
Cela ne faisait alors aucune espèce de difficulté; et les colons regardaient que les hommes libres de couleur y étaient compris. Je rappellerai à l'Assemblée uu fait mémorable. M. Cocherel, à la séance du 28, voulut se lever et dire qu'il ne croyait pas que les hommes libres de couleur fussent compris. Alors il s'éleva des murmures, el les députés des colonies eux-mêmes montèrent à cette tribune, tirent signe à M. Cocherel de se taire, el dirent qu'il n'y avait pas de doute, que les hommes libres àecou\euvéizieiilcomj)ris.(Applaudissenients.) Les papiers publics d'alors en firent mention expresse. Je dis qu'il n'y a qu'une opinion à cet égard, qu'il y a un décret exprès el positif.
Pour détruire un décret aussi formel d ms le considérant, que fait-on? On dit dans ce considérant : Aucunes lois sur l'état des personnes ne seront décrétées pour les colonies que sur la demande formelle et précise de leur assemblée coloniale ; mais lorsqu'on énonce un fait, si ce fait se trouvait être une erreur ou une fausseté, quelle conséqueuc-.; peut-on tirer de celte fausseté? Cro t-on avoir ainsi détruit ce que vous avez fait précédemment ? A-t-ou le droit de s'appuyer sur un considérant inexact, sur un exposé insidieux ?
Les hommes libres de couleur avaient antérieurement à vos décrets, 'une loi positive en leur faveur. Vous ne pouviez, sans le dire précisément, les dépouiller du bénéfice de cette loi.
Les hommes libres de couleur peuvent donc dire, vos décrets à la main, qu'ils ont conservé les droits qu'ils avaient.
Ainsi on ne peut donc pas nous opposer le considérant, qui ne peut pas détruire un décret. Non seulement l'humanité, la justice parlent ici en faveur des hommes de couleur, mais même la plus saine politique. Que sont en effet les hommes libres de couleur? Ce sont eux qui sont le boulevard de la liberté dans les colonies. Ce sont toujours eux qui ont volé à la défense des colonies ; ce sont eux qui sont les propriétaires les plus intéressants des colonies. (Murmures.) Outre les excellentes raisons qui vous ont été dites à ce sujet, il en est une bien puissante, c'est qu'ils sont les propriétaires indigènes. Ce sont eux qui cultivent les propriétés qui sont ou abandonnées ou négligées par les colons passagers qui, pour des jouissances éphémères, viennent amasser des capitaux immenses dans les colonies, qui, après avoir cultivé des plantations pendant quelque temps, sont obligés de les abandonner, parce qu'ils ont forcé la terre, et l'ont rendue stérile. (Murmures.)
Rien n'est plus ordinaire que de se trouver en opposition d'idées et défaits avec les colons blancs.
Ils disent : Vous ne connaissez pas notre régime intérieur. Je réponds qu'il est impossible d'avoir des faits plus nombreux, des renseignements plus étendus que ceux que nous avons rassemblés depuis plusieurs années. Ne croyez pas que tous les colons blancs veuillent opprimer les hommes libres de couleur. L'un de ces colons vous a dit ici qu'il était indispensable de leur laisser les droits dont ils ont toujours joui.
A une époque peu reculée, il y avait des hommes libres de couleur à la tête des milices et des paroisses, et l'on prétend aujourd'hui qu'il existe contre eux un préjugé insurmontable. Est-il donc insurmontable ce préj ugé d'un moment, ce préjugé d'une classe qui veut tyranniser?
Plusieurs membres : Aux voix ! aux voix!
J'ajoute une réflexion : je soutiens que l'intérêt politique est d'accorder aux hommes libres de couleur les droits des citoyens actifs. Je demande si l'on peut concevoir l'existence de 2 classes inégales en droits et presque égales en nombre.
Un membre : Cela est faux.
Il est impossible que l'une d'elles prétende opprimer l'autre, sans que toutes deux ne finissent par s'entre-détruire.
Les hommes libres de couleur connaissent et réclament leurs droits. Si vous les dépouillez, cette classe deviendra l'ennemie nécessaire de ceux qui jouiront de ses dépouilles. Les colons blancs ne doivent la conservation de leurs esclaves qu'à la surveillance active des hommes libres de couleur ; les colons blancs ne peuvent nier que ces hommes ne soient les véritables troupes de nos îles... (Murmures.)
Ces faits sont incontestables. Que les hommes libres de couleur soient
livrés au désespoir, et
Les hommes libres de couleur ne sont pas moins utiles au commerce qu'à l'agriculture. Plus un homme est libre, plus il cultive, plus il recherche les jouissances de la vie. Vous avez vu dans un temps les blancs vouloir imposer des lois somptuaires aux hommes de couleur, lois somptuaires contre lesquelles les négociants français ont été les premiers à réclamer.
Si vous avilissez cette classe d'hommes, si vous la réduisez au désespoir, il est évident qu'elle ne peut plus prospérer, qu'elle ne peut plus augmenter, et dès lors la consommation de notre commerce sera beaucoup moins considérable. Les hommes libres de couleur ont cet avantage, que presque jamais ils n'ont fait de dettes, et qu'ils ont toujours rempli sciupuleusement leurs engagements. (Applaudissements.)
D'où sont proveuus les troubles dans nos colonies? Ils n ont pas été occasionnés, comme on veut le dire, par des écrits qui jamais n'ont pénétré dans les colonies, mais bien par la lettre adressée au Gap, le 12 août 1789, et dans laquelle des députés de France, insultant à notre Révolution, nous qualilient d'hommes ivres d'une liberté qui ne peut pas durer longtemps, par la lettre de M. de Gouy d'Arsy, lettre qui vous a remplis d'indignation, quand elle a été lue dans cette Assemblée. (.Applaudissements.)
Plusieurs membres : Oui ! oui ! oui !
Ces malheurs viennent de la conduite de ces députés qui s'opposaient, le 18 janvier, lorsque les plus grands désordres régnaient dans les colonies, à ce que le ministre y envoyât des troupes. Ils tiennent à la conduite de l'assemblée coloniale du Nord, à la conduite de l'assemblée générale, aux divisions perpétuelles qui existaient entre ces deux assemblées. Ils résultent des décrets que vous avez rendus; j'en appelle à cet égard au comité colonial lui-même. Combien l'article 4 des instructions n'a-t-il pas occasionné de divisions? El pourquoi? Parce qu'en France on n'avait pas voulu l'expliquer d une manière claire.
Il faut donc que l'Assemblée s'explique positivement; il n'est que ce moyen d'éviter les interprétations qui, faites au gré des intérêts divers, ont mis en opposition deux classes d'hommes ui ne cesseront d'y être, que lorsque vous aurez écrété franchement ce qu'exigent la raison, la justice et la liberté.
Le projet de décret ne tendrait qu'à perpétuer les troubles et à déshonorer l'Assemblée nationale. (Rires ironiques.)
Plusieurs membres : Oui ! oui ! oui!
Quoi! vous décréteriez, comme article constitutionnel : « qu'au-« cune loi sur l'état des personnes ne pourra être « faite par le Corps législatif pour les colonies, « que sur la demande précise et formelle des « assemblées coloniales. » Vous vous mettez donc sous la dépendance absolue des colonies. Un pa-teil article est injurieux à la majesté de cette assemblée, et blesse tous les droits de la nation. Est-cc donc ainsi que les colonies font partie de l'Empire? Si les colonies ont le droit de vous dicter la loi, si, sans les colonies vous ne pouvez pas rendre un décret sur l'état des personnes, elles forment un titat indépendant. Mais, Messieurs, vous avez déjà prononcé sur l'état des personnes : par l'article 4 des instructions du 28 mars, vous avez dit que toutes personnes domiciliées, propriétaires et contribuables, se réuniraient pour former les assemblées paroissiales. Vous ne pouvez pas revenir sur le décret que vous avez rendu, l'article est formel et comme les hommes libres de couleur sont bien des personnes, je demande la question préalable sur le projet du comité.
Plusieurs membres : Aux voix! aux voix!
(1). Je prie l'Assemblée de vouloir bien m'écouter froidement, de ne pas prendre sur la question qui l'occupe une décision précipitée, (Murmures.) etd'ôtre infiniment convaincue qu'elle va délibérer sur un des intérêts nationaux les plus graves.
La question n'est pas de savoir si un petit nombre d'hommes formant une partie de la population des colonies, seront admis à exercer les droits de citoyens actifs; mais si par une marche sage et prudente, la seule qui puisse assurer la paix et conserver à la nation la propriété des possessions qui contribuent le plus éminemment à sa prospérité, on voudra arriver au but d'une saine politique, ou bien perdre tant d'avantages par un décret imprudent et précipité.
Je me livre actuellement, Messieurs, à une discussion extrêmement froide sur la question ; j'examine les résolutions que votre comité vous propose, les raisons qu'il vous présente à la suite, les avantages qu'elles présenteront tt les inconvénients d'un parti opposé.
Au moment où le décret a été rédigé, plus de 30 personnes étaient présentes à la discussion qui a duré 2 jours entiers, et la résolution du comité a été au moins à peu près unanime. (Murmures.) Sur environ 35 membres, 1 seul n'adonné d'opinion ni pour ni contre.
Vos comités vous proposent donc, Messieurs, d'accorder l'initiative aux assemblées coloniales relativement à l'état des personnes, de les obliger à user actuellement de celte initiative relativement à l'état des hommes de couleur et nègres libres, pour être sur leur proposition statué par le Corps législatif ce qu'il ap[ ai tiendra, alin que le sort des hommes de couleur et nègies libres, ayant été déterminé ainsi | ar le Corps législatif, aucune autre provocation ne puisse être faite aux colonies pour user de leur initiative relativement à l'état des personnes.
En avançant ces propositions, vos comités vous proposent de former une
assemblée coloniale qui puisse à cet égard exprimer le vœu des colonies.
Je distingue, comme l'ont fait les préopinants, deux choses entièrement
séparées dans le régime colonial : l'une est l'affranchissement de
l'esclavage des nègres ; l'autre la jouissance des droits de citoyens
actifs p ur les gens de couleur et nègres libres. L'initiative accordée
aux colons blaucs, relativement à l'état des personnes, l'initiative que
vous vous interdisez de provoquer est essentiellement relative à
l'esclavage des nègres. Il faut le dire, jamais changement à (et égard
ne sera consenti par la colonie ; il ne faut pas se le dissimuler, ce
n'est jamais par des dé-
C'est au contraire par des lois sagement combinées, établissant une sécurité parfaite sur ce point, que vous multiplierez les affranchissements individuels, que vous ferez pénétrer par gradation dans ces pays les saines maximes de la raison, et que vous rendrez les améliorations plus faciles en proportion de la confiance que vous aurez inspirée. En réservant à l'Assemblée nationale ledroitdestaluer, par undécrettoujours rendu sans une parfaite connaissance des localités, de statuer, dis-je, sur la liberté des esclaves, vous présenterez un épouvantait à vos colonies, qui les séparera de vous, non pas à un terme éloigné, mais à un terme très prochain, toutes les fois que vous leur montrerez à la fois le danger de perdre leur fortune, et la certitude de perdre la vie dans la révolution qui se présentera toujours à leurs yeux.
Un membre : Ce n'est pas là la question.
Il est donc nécessaire d'établir sur ce point-là la sécurité des colonies : ce n'est pas seulement assurer à la France la conservation de ses possessions, dont elle ne pourrait être en ce moment privée sans de très grandes infortunes, mais c'est encore travailler pour l'humanité dans ce malheureux état de choses, puisque c'est empêcher que des changements, que la raison seule peut amener, ne soient opérés par des moyens précipités, par une volonté étrangère aux lumières nécessaires, par des volontés qui n'y apporteraient pas un cnangement dans les maux, mais un changement dans les choses, où se trouverait ia ruine, et de ceux pour lesquels on aurait voulu travailler, et de ceux contre lesquels on aurait voulu prononcer.
Ainsi, Messieurs, je ne m'arrête pas davantage sur cet objet; l'opinion générale est formée à cet égard. Ce n'est pas sur cet;e question-là, c'est sur la seconde qu'il y a du dissentiment. Chacun sait que sur l'existence des nègres, il est indispensable que les colonies aient un point de sécurité. On sait que les colonies prospères, que les colonies anglaises, hollandaises, ont toutes à cet égard, le droit de se faire des lois. Nous n'avons pas voulu vous proposer ce droit-là; nous vous proposerons au contraire une constitution coloniale, où les droits seront plus conservés, où la certitude de la possession des colonies sera plus fortement cimentéè, où si vous ne vous réservez pas ce droit de porter des décrets, vous vous réservez au moins le droit d'empêcher tout acte lyrannique, de faciliter toute amélioration, et d'empêcher que jamais le sort de ceux qui souffrent par une malheureuse disposition des choses, ne puisse être aggravé. Je le dis, la Constitution coloniale qui vous est proposée est propre à amener insensiblement ce qu'on ne pourrait obtenir brusquement sans de très grands malheurs ; elle sera plus nationale, plus humaine que toutes les constitutions coloniales qui existent. Elle sera au point précis qu'il faut adopter, si vous voulez vous flatter de conserver les colonies.
Vous n'avez donc qu'une véritable discussion à établir, une véritable question à résoudre : vou-lez-vous avoir des colonies I n'en voulez-vous pas avoir ? (Murmures prolongés.) Si la constitution coloniale n'est point placée sous ce point de vue là, si elle n'accorde pas à l'humanité aulant qu'il est possible, sans perdre et sans anéantir nos colonies, elle est vicieuse ; mais si elle est exactement à ce point de vue-là, j'en reviens à mon résultat; il faut alors ou l'adopter, ou renoncer à des colonies. Il faut alors dire : l'existence de notre commerce, l'existence de la marine, de nos avantages commerciaux ne nous sont point chers : leur conservation nous est moins précieuse que la consécration des principes. (Murmures.) Ce n'est pas sur la seconde question que j'établis cette proposition-là ; c'est sur la première. (Murmures.)
Je déclare ici formellement que je dis ma plus intime pensée. Je supplie l'Assemblée nationale de considérer qu'il faut que je sois intimement convaincu qu'un grand in térêt est attaché à cette discussion, pour que je combatte ici des choses que j'ai hautement soutenues dans des discussions où elles étaient rigoureusement possibles. Je prie l'Assemblée nationale de considérer que s'il y a quelque mérite à appuyer, à discuter des principes généraux, il y a aussi quelque mérite, quand on est intimement convaincu et pénétré que 1 existence, que la prospérité, que le salut même de son pays, que l'intérêt de 1 humanité bien connu, il y a, dis-je, quelque mérite à présenter, quand de grands intérêts Je commandent, des modifications particulières de ces principes. Celui qui se livre avec courage à cette tâche défavorable, a quelque patriotisme, quelque audace dans le caractère, quelque amour de son pays dans le cœur. (Vifs applaudissements.)
Je passe immédiatement à la seconde question, à celle qui est relative au droit de citoyen actif, réclamé par les hommes de couleur et nègres libres. Voici quelle était la situation des choses, lorsque l'Assemblée nationale a rendu les décrets des 8, 28 mars et 12 octobre : il serait inutile de chercher une résolution sur cette question dans les lois intérieures.
1° Parce qu'aucune loi n'a établi avant notre Constitution les droits politiques, mais bien plus encore parce qu'aucune loi ne détermina clairement l'existence des gens de couleur dans les colonies. Parmi les lois positives rendues avant notre Constitution, une multitude de textes se contrarient, dans les mêmes ordonnances, un article leur est favorable, un autre l'anéantit. Si l'on comptait les dispositions qui leur sont relatives, on les trouverait presque toutes privatives de ces droits, non pas seulement politiques, mais d'une partie de ces droits civils qui leur étaient assurés par un des articles qu'on vous a cités ici ; quant aux droits politiques, ils n'en ont jamais joui... Je ne parle pas ici théorie, je rapporte des faits. Ils jouissaient des droits civils, et non des droits politiques : ils n'exerçaient aucune espèce de fonction : voilà l'état où nous avons trouvé les choses, au moment où nous avons rendu le décret du 8 mars.
Par ce décret, l'Assemblée nationale a chargé les assemblées coloniales
de lui présenter des plans sur leur constitution, leur législation et
sur leur administration pour, après l'émission de leur vœu, être statué
par l'Assemblée nationale. Vous avez dit, en même temps, que dans les
colonies où il existait des assemblées coloniales librement élues, ces
assemblées seraient admises à émettre leur vœu. Elle a dit ensuite que
dans les colonies où il n'existait pas d'assemblées de cette nature, ou
bien si elles n'étaient pas reconnues par les citoyens, il en serait
formé pour émettre le vœu des colonies, et que cette
Viennent ensuite les instructions du 28 mars, où vous répétez que la proposition de la Constitution sera énoncée par les assemblées coloniales existantes ou confirmées, ou par celles qui seraient formées dans le cas où il n'en existerait pas. C'est dans le mode de la convocation provisoire que 6e trouve l'article 4, par lequel il est dit que toutes personnes propriétaires, domiciliées et payant contribution, se réuniront pour former les assemblées paroissiales.
Un autre article porte que ces assemblées coloniales, soit qu'elles soient formées avant la publication du décret, soit qu'elles aient été formées après la convocation, émettront leur vœu sur la constitution de la colonie, et, est-il dit, sur les droits de citoyens actifs et d'éligibilité.
Les hommes libres de couleur nous sollicitaient pour que les droits de citoyens actifs leur fussent accordés ; tous les colons nous disaient : si vous ne laissez pas cet objet à 1 initiative des colons blancs ; si vous prenez une décision formelle, vous opérerez la subversion des colonies. (Rires ironiques à gauche.) Ce fait-là n'était pas seulement aligné par les colons, il l'était par tous ceux qui avaient connaissance de la situation des colonies ; et les faits qui vont succéder nous prouveront qu'ils n'avaient pas tort d'avancer celui-là.
Dans cette position-là, que fîmes-nous? nous dîmes : la convocation provisoire dont nous avons parlé, n'aura aucun effet, puisque toutes les assemblées sont formées, et émettront le vœu colonial. Nous ne pouvons pas, dans cette convocation provisoire, prendre d'expression qui exclue les gens de couleur, car nous sommes loin de vouloir établir aucune espèce de préjugés contre eux (Murmures.) ; mais si nous les comprenons explicitement,nous ferons une chose extrêmement dangereuse : nous préviendrons des décisions qui ne peuvent être rendues si elles sont bonnes, que lorsque ces assemblées coloniales déjà existantes nous présenteront leur vœu sur la Constitution. Nous nous sommes donc dit : Nous ne prononcerons pas sur les gens de couleur, et alors il n'y aura aucune inquiétude dans les colonies.
G'est d'après cela, Messieurs, que nous prîmes le texte de notre article 4. Nous croyions que cet article n'exciterait aucune inquiétude, car nous l'avions pris littéralement dans les propres règles de convocation des colonies, dans le règlement de la Martinique, où l'article des citoyens actifs est libellé comme notre article 4. Nous prîmes là notre texte, parce que nous dîmes : nous ne décidons point contre les gens de couleur, nous n'établissons aucun préjugé contre eux, nous conservons leurs droits ; et cependant les asseni-blées coloniales existantes ne pourront concevoir aucune inquiétude, puisque nous prenons le texte de notre article dans la forme de convocation même, d'après laquelle elles ont été formées. C'est ainsi que l'article 4 vous a été proposé et qu'il a passé dans celte Assemblée.
En général, dans les colonies, on a cru que les gens de couleur n'y étaient pas compris. Mais comme toutes les assemblées coloniales étaient formées, et que toutes ont été confirmées, il n'y a eu lieu à aucune convocation nouvelle, et par suite l'article 4 a été inutile.
On ne l'a pas cru, en général, à Saint-Domingue, où deux partis divisaient la colonie ; où l'un voulait obéir textuellement à vos lois, où l'autre s'en écartait. Le parti qui voulait entraîner la colonie contre la teneur de vos décrets soutenait, en général, que l'article 4 admettait les gens de couleur, et était distinctif du régime colonial et cet argument était le plus puissant dont ils se servissent pour échauffer les esprits contre l'Assemblée nationale. Ceux, au contraire, qui soutenaient les décrets pour conserver dans leur colonie le crédit et l'autorité de l'Assemblée nationale, étaient obligés de dire sans cesse, qu'elle n'avait point>entendu créer un nouveau droit aux gens de couleur, et les admettre par l'article 4; qu'ayant donné aux colonies l'initiative, elle n'avait pas entendu la lui ôter en faisant une innovation contraire à tout ce qui avait existé jusqu'alors.
C'était par ces arguments qu'ils luttaient contre les arguments contraires de leurs adversaires, qui, en disant que l'article 4 admettait les gens de couleur, en tiraient la conséquence que l'Assemblée avait des principes subversifs du régime colonial; qu'entraînée par les principes généraux qu'elle avait établis pour la France, elle renverserait l'existence coloniale, et que cet article n'était qu'un prélude des opérations successives qui devaient entraîner leur ruine absolue.
J'interpelle ici tous les députés des colonies de dire s'il n'est pas vrai que la terreur, relativement à la déclaration des droits, avait été à son comble dans les colonies, avant le décret du 8 mars, par la très grande imprudence de l'Assemblée nationale devoir rendu ce décret trop tard, et de ne s'être pas occupée trois mois plus tôt des colonies. S'il n'est pas vrai qu'avant ce décret, la terreur était telle que toutes les propositions étaient désespérées, qu'il n'était aucune espèce de résolution à laquelle les colonies ne fussent prêtes à se porter; je demanderai s'il n'est pas vrai que des colons, Français de cœur, attachés invariablement à la mère patrie, aient été partagés entre leur attachement pour la métropole et la crainte de là perle de leur fortuné et de leur vie; et que c'est l'arrivée du décret du 8 mars qui, en faisant cesser les craintes, a ranimé cette fidélité qui ne cessera, qui ne s'affaiblira même dans ces hommes, que lorsque, dans des résolutions imprudentes, ils croiront apercevoir l'anéantissement successif de leurs propriétés et de leur existence. (Applaudissements)
Telle est l'impression qu'a produite à Saint-Domingue l'article 4 des instructions. Dans les autres colonies, comme la division n'était pas la même, comme aucun parti n'avait aucun intérêt à répandre des soupçons sur les intentions de l'Assemblée nationale, tout le monde a vu dans l'article 4 le simple sens de la convocation de la Martinique ; personne n'y a vu les gens de couleur compris, et de là la sécurité a été pleine et entière, d'après le droit d'initiative accordé sur la Constitution par le décret du 8 mars.
Dans cette position, Messieurs, vous avez rendu votre décret du 12 octobre. Dans ce décret vous avez été obligés de vous expliquer plus formellement, de répéter les mêmes choses d'une manière plus claire que dans le décret du 8 mars, parce que, dans le décret du 8 mars, ne vous étant servis que de termes généraux, vous avez laissé subsister tous les facilités de l'interpréter à volonté et de continuer les alarmes que vous aviez voulu faire cesser.
Dans votre décret du 12 octobre, confirmant d'une manière formelle
l'initiative qui avait été accordée généralement aux colonies, sur la
Cons
Cette initiative ayant été prononcée dans les deux premiers décrets, vous ne faisiez que répéter ce que vous aviea déjà dit, lorsque vous confirmiez, d'une mauière précise seulement, Une partie des objets qui avaient été compris dans les décrets généraux.
Le 12 octobre, vous avez dit qu'aucune loi sur l'état des personnes ne serait laite dans les colonies, si ce n'est sur la demande formelle des assemblées coloniales. Telle était encore une fois alors la situation des colonies ; les assemblées coloniales formées avant vos décrets, celles formées depuis, ont été composées de blancs ; les colonies ont donc eu, dans cette initiative, le droit de proposition sur tout changement qui pourrait être fait à l'état des personnes dans les colonies ; les colonies ont vu dans cette proposition qu'elles auraient le droit de proposition relativement à la liberté de ceux qui n'en jouissaient plus, et le droit de proposition relativement à l'admission au droit politique, de ceux qui n'en jouissaient pas.
Voici comment nous avons vu et dû voir la chose ; c'est ainsi qu'elle a été soutenue au colonial, par ceux qui ont voulu arriver à un résultat avantageux aux hommes libres de couleur. Nous avons dit : elles ont bien la proposition sur l'état des personnes ; mais dans la Constitution coloniale il est indispensable que l'état de tous les hommes-libres soit déterminé, les hommes qui sont libres et reconnus tels ne euvent pas exister sans un état déterminé par la onstitution coloniale.
C'est ainsi, Messieurs, que nous avons pensé que tout en conservant l'initialive des colonies sur les hommes libres de couleur, nous devions provoquer et obliger cette initiative sur l'état politique des hommes libres, afin que le Corps législatif statuât pleinement, librement et de toute sa puissance sur cette population, établît ainsi d'une manière positive et déterminée l'état politique de toute personne libre dans la Constitution coloniale. Je pose en fait qu'il est impraticable, s'il reste quelque inquiétude dans les colonies, de former des assemblées nouvelles.
Les assemblées coloniales avaient été formellement reconnues légales nar vos décrets des 8 et 28 mars ; vous les avez admises par votre décret du 8 à faire la proposition des colonies sur leur constitution, ainsi nous avons dû croire que les assemblées coloniales, telles qu'elles existaient, pouvaient être admises à énoncer leur vœu sur une partie de la Constitution, puisque l'Assemblée nationale les avait admis à énoncer ce vœu sur la Constitution entière. Mais il était impossible de leur faire présenter un vœu divers sur la question de l'état des personnes.
En effet, dans vos colonies les plus florissantes, si nous avions fait émettre le vœu par les assemblées coloniales, situées et délibérant dans ces mêmes colonies, elles n'auraient pas eu l'avantage de la liberté aussi parfaitement que l'Assemblée des 29 commissaires l'aura, dans le lieu où nous l'avons placée. U y a, relativement à l'état politique des hommes de couleur, quelques principes, ^quelques raisons. Il y a beaucoup de préjugés ; mais ils ne sont pas fortement enracinés chez les colons propriétaires, chez les colons qui jouissent d'une fortune aisée. Ces préjugés sont plus profondément établis dans la classe la moins fortunée des blancs, dms ce qu'on appelle, par abus, dans les colonies, les petits blancs, dans les blancs formant le peuple des villes. Ainsi, si les assemblées coloniales qui existent eussent délibéré dans les villes des colonies où elles tiennent leur séance, il est impossible à tout colon de nier que l'inimitié de cette classe de blancs contre les hommes de couleur aurait gêné la liberté de leurs délibérations. En le plaçant dans une petite ville dépeuplée, nous avons voulu écarter l'influence de ce préjugé et assurer la liberté des opinions en faveur des hommes libres de couleur. (Applaudissements au centre; murmures à gauche.)
Qu'avoos-nous donc entendu par ce plan ? Nous avons voulu faire voter les assemblées coloniales, reconnues par vous, qui ne pouvaient être, sans les troubles les plus dangereux, remplacées par une nouvelle convocation. Nous avons voulu les faire voter avec une parfaite liberté, en les plaçant à l'île Saint-Martin. Nous avons soumis le vœu de cette assemblée à l'Assemblée nationale qui décidera dans sa sagesse. Je pose ici en fait que cette marche nous conduira avec calme à un résultat heureux ; et que si, dans le moment actuel, on envoie un décret dans les colonies, qui donne à tous les hommes de couleur tous les droits de citoyens actifs, on expose les colonies à leur subversion, et on ne peut pas calculer aujourd'hui quels malheurs seront les suites de ce décret imprudent. (Murmures à gauche ; applaudissements dans les tribunes.)
Vous avez plus d'un objet à décider dans les résolutions quelconques que vous porterez relativement à l'état politique des hommes de couleur libres, vous avez plusieurs objets en vue ; vous ne voulez pas seulement satisfaire les vues de justice et de raison, mais vous voulez encore, comme l'ont dit à cette tribune ceux qui ont combattu le projet de décret ; vous voulez, par les décrets avantageux qui seront portés en faveur des hommes libres de couleur, éteindre autant qu'il est possible la jalousie, cimenter l'accord entre tous les hommes libres de vos colonies, afin que l'intérêt de la justice étant rempli, celui de la politique le soit aussi, et que cette réunion entre eux assure davantage leur mutuelle association.
Or, Messieurs, c'est par la marche que nous vous proposons que vous devez arriver à ce résultat, vous le contrariez ouvertement par l'autre. S'il est vrai que le comité formé à Saint-Martin ait un vœu juste et raisonnable sur les hommes de couleur, que ce vœu soit assez utile pour être admis par vos successeurs, n'est-il pas évident que de là résulte un lien nouveau, un lien véritable entre les blancs et les hommes de couleur (Murmures.) ? N'est-il pas évident que vous établirez par là même l'union et le calme entre ces deux classes ; que si, au contraire, vous envoyez aujourd'hui un décret qui accorde aux hommes de couleur les droits de citoyens actifs. (Murmures.)......
Monsieur le Président, jevais terminer. L'Assem-bléepeut croire que je ne prends pas plaisir à parler sur cette question. Si j'allonge mon opinion, que je vais finir, c'est à cause de l'importance de la matière.
Si donc vous vous rendez à la réclamation des gens de couleur, ceux-ci croiront que vous avez prononcé cootre les blancs ; les blancs penseront que vous avez voulu prononcer contre leur vœu; et par une résolution dout vous vous seriez promis le calme des esprits et la pacification dés colonies, vous n'obtiendrez véritablement que la continuation des haines des partis opposés et la renaissance de troubles beaucoup plus graves que ceux qui ont existé jusqu'à présent.
Si au contraire b; vœu proposé par l'assemblée de Saint-Martin n'est pas conforme à la justice, à la raison et à la saine politique, il sera réformé par le Corps législatif. (Murmures.) On paraît croire que noire projet de décret ne réserve pas ce droit au Corps législatif. Je déclare formellement que nous l'avons entendu ainsi. (Murmures.) Notre opinion était telle, et si la rédaction n'est pas claire, personne ne met obstacle à ce que la rédaction soit améliorée ; car telle a toujours élé notre opinion, telle a toujours élé la proposition que nous avons voulu faire ; nous n'y avons vu aucune obscurité. Si quelqu'un aperçoit cette obscurité, levons-la.
Quel sera d'ailleurs, Messieurs, le résultat de cette démarche? C'est que si le Corps législatif rendait une disposition qui ne fût pas conforme à la proposition qui lui serait faite, au moins par le décret tel qu'il serait, les colons se trouveraient assurés que le Corps législatifayant statué, leur sécurité d'ailleurs demeurerait pleine et entière. Il résulterait du décret que vous auriez rendu au moment actuel, qu'il ne pourrait pas être provoqué de nouvelles dispositions à cet égard, c'est-à-dire qu'ayant ainti statué sur l'état politique des hommes libres, ils ne seraient pas forcés de faire de nouvelles propositions sur ce qui forme la base du régime colonial, sur ce que j'ai tracé dans la première partie.
Telle a été, Messieurs, notre, opinion ; tels ont été nos motifs. Je sais qu'il est difficile de lutter contre l'application des principes ; mais je sais aussi que nous n'avons été déterminés que par des raisons impérieuses d'intérêt national. Je sais que nous avons voulu arriver à un résultat juste et raisonnable par des moyens prudents qui n'opéreraient pas le trouble, qui ne recommenceraient pas les scissions ; je sais que nous avons eu pour objet, dans les résolutions que nous vous avons présentées, la pacification des colonies, leur conservation à la France, et la conservation de tous les intérêts ; je sais que nous n'avons pas aperçu sans terreur, et tous ceux qui étaient alors dans le comité avaient plus ou moins connaissance des colonies, car certes, ceux qui s'en occ -pent depuis deux ans, qui savent littéralement tous les faits qui s'y sout passés, toutes les opinions qui y ont été professées, peuvent juger avec quelque probabilité les effets qu'y produiront vos décrets, je sais, dis-je, que dans cette résolution-là nous avons vu la conservation d'un grand intérêt national ; que nous avons cru que rendre spontanément un décret pour donner aux hommes libres de couleur les droits de citoyens actifs, était un moyen subversif pour les colonies ; que nous avons cru y voir aes semences de troubles dont les nations rivales tireraient sûrement parti. (Murmures.)
Quand les faits viendront à justifier ce que je viens de vous dire, vous ne me reprocherez pas d'avoir insisté pour vous avoir occupé quelques minutes de plus. Dans le moment actuel, je vous déclare que le décret qu'on vous propose de rendre, portera dans les colonies, parmi les blancs, qui sont actuellement seuls possesseurs des fonctions publiques; le désespoir et la terreur. (Murmures à gauche ; appaudissements au centre.)
Je ne veux plus faire qu'une observation sur ce fait : les personnes qui, je ne dis pas dans cette Assemblée, mais dans le public et par leurs écrits, cherchent à déterminer l'Assemblée nationale, dans la résolution qu'on lui a proposée ce matin, sont les mêmes personnes qui, bien que convaincues par l'intérêt national, de l'avantage de l'alliance avec l'Espagne, s'opposaient à la conservation de cette alliance, lorsque le décret que vous avez porté à cet égard a sauvé à la France une guerre terrible, de grands dangers, de grands intérêts (Murmures.) ;. les mêmes hommes qui provoquent aujourd'hui par leurs écrits le décret qu'on sollicite contre l'avis des comités. Eh bien! ces mêmes hommes par leurs écrits et par leurs discours publics, par d'incroyables efforts, cherchaient à déterminer l'opinion contre le décret que vous aviez rendu et cherchaient à persuader à l'Assemblée de revenir sur ses pas. (Applaudissements.)
Je mets un dernier fait sous vos yeux : l'Angleterre a fait et fait encore en ce moment d'importantes pertes dans son commerce et dans ses possessions coloniales; elle a un très grand intérêt à chercher un dédommagement, elle est actuellement armée pour chercher ces dédommagements quelque part. (Applaudissements.)
Tout cela ne nous fait pas peur,
L'Angleterre dont les soins et la politique nous occupent depuis longtemps, l'Angleterre a laissé établir dans son parlement, avec une grande sécurité, la discussion sur la proposition d'abolir la traite des nègres, et elle a contribué peut-être à amener cette question parmi nous. Par le décret qu'elle vient de rendre, elle a rejeté une proposition qui certainement lui assurera dans toutes ses colonies un grand degré de confiance et de crédit. (Applaudissements au centre; murmures à gauche.) En prononçant sur l'état politique des gens de couleur, vous courez le risque de perdre les colonies. J'étais intimement convaincu de ce que je viens de vous dire, j'étais profondément pénétré del'im-porlance du décret dont vous vous occupez, je sais que le destin de ma patrie y est lié. J'ai dû vous dire franchement ma pensée; j'ai fait mon devoir. Maintenant prenez le parti qui vous conviendra. (Applaudissements à droite. Murmures à gauche.)
(La suite de la discussion est renvoyée à la séance de demain).
annonce l'ordre du jour de demain et lève la séance à trois heures et demie»
a la séance de l'assemblée nationale du
Nota. M. de Viefville des Essarls, député du Yermandois,
fitimprimeretdistribuer un discours et un projet de décret sur
Vaffranchissement des
Discours et projbt de loi pour l'affranchisse-. ment des nègres ou l'adoucissement de leur réaime et réponse aux objections des colons, par M. de Yiefviile des Essarte, député du Ver-mandois.
Messieurs, la liberté est le premier droit que l'homme tieot de la nature; ce droit est sacré et inaliénable; rien ne doit l'en dépouiller. L'esclavage n'est donc que l'abus de la force. La France a eu le bonheur de le voir disparaître de son continent; mais, injuste, elle a eu la cruauté de l'établir dans ses colonies. C'est une violation de toutes les lois sociales et humaines.
Si jamais il y a une occasion de proscrire du sol français cet abus barbare; si jamais il s'en est présenté une d'y briser les chaînes de la servitude; c'est sans doute dans un moment où les hommes pénétrés plus que jamais de cette vérité qu'ils sont ésaux devant l'Etre qui les a créés, et devant la loi éternelle qu'une main invisible a gravée dans leurs cœurs, réunissent tous leurs efforts pour abolir et effacer jusqu'aux dernières traces de leur ancien asservissement.
Le temps me parait donc venu, Messieurs, de vous présenter le projet le plus grand, le plus noble, le plus digne peut-être de la postérité, qui seul peut immortaliser cette auguste Assemblée : l'abolition de l'esclavage.
Relever la nature de l'homme dégradée et avilie; rappeler l'homme à sa dignité; le rétablir dans ses droits primitifs, c'est une action digne de la générosité française. Réparer les outrages faits à l'humanité, depuis tant de siècles ; effacer, s'il est possible, tous les crimes de la cupidité; c'en est une digne de la justice.
Déjà, une nation rivale, qui a tant de droits à notre estime, s'en est occupée ; prévenons ces généreux desseins. G'est à la France, c'est à vous, Messieurs, qu'il appartient de donner ce grand exemple qui vous méritera l'hommage et la vénération de l'univers entier.
Jel'avouerai, le cœur est séduit et entraîné par une si belle et si noble entreprise. 11 est si doux d'exercer la bienfaisance, de verser des consolations dans le sein des malheureux, et d'y répandre le bonheur, qu'on ne peut se défendre, je ne dirai point d'un sentiment de pitié et de cou-passion, mais d'attendrissement, mais du plus puissant intérêt, pour ces êtres infortunés, victimes malheureuses de nos immodérations et de notre insatiable et cruelle avarice.
Il n'y a point de genre de cruauté et de barbarie auquel ils ne soient exposés, ni de forfaits dont nous ne nous rendions coupables envers eux. Les moyens les plus atroces sont mis en usage pour faire une bonne traite ; on suscite la guerre et le carnage dans leur pays; et par la séduction de quelques objets futiles, on achète l'affreux droit de les enchaîner, et de les traiter comme de vils troupeaux de bétail. Il en coûte de tracer ces horreurs.
La traite ne se fait ordinairement que sur la côte d'Afrique depuis les Etats du roi de Maroc, jusqu'à Mozambique, en tournant cette immense étendue de côte, par le cap de Bonne-Espérance. Les navires négriers se rendent aux différentes échelles de communications, établissent un poste à terre pour le échanges. Là se rendent les marchands d'esclaves avec lesquels ils traitent pour un certain nombre; car ils ne peuvent point faire, en un seul lieu, leur chargement. Ils sont souvent obligés, pour parvenir à le compléter, de parcourir une grande étendue de côtes, d'y rester plus ou moins de temps, selon les circonstances, quelquefois huit à neuf mois. Ces exemples sont fréquents. Gomme le succès de leur voyage dépend de la promptitude de la traite, rien n'est négligé pour l'accélérer. On tente la cupidité du marchand; on compose, on s'arrange avec lui ; et, de concert, toutes sortes de moyens sont employés pour la finir prompte-ment.
Si les habitants du pays, trop crédules, séduits ou excités par la simple curiosité, se rendent à bord, ils y sont détenus, et sur-le-champ précipités à fond de cale, confondus avec les malheureux qui y sont déjà renfermés. Le marchand a souvent la facilité de commettre seul ces atrocités. Lorsque le capitaine n'entend pas la langue du pays, il devient complice sans s'en douter. Ces infortunés ne peuvent se faire comprendre ; et quand ils le pourraient, la cupidité étoufferait leur voix. Arrachés à leurs familles, à leurs femmes, à leurs enfants, à leurs amis, à la terre qui les a vus naître, ils jettent inutilement des cris affreux de désespoir. Quelques-uns se donnent la mort ; l'on enchaîne les autres qui pourraient les imiter; et le vil et féroce marchand, qui reçoit le prix de son pacteabominable, de son traité de sang, dit tout ce qu'il lui plaît sur le compte de ces malheureux; dont ou ne comprend point le langage. D'ailleurs, tout le monde profile; les éclaircissements ne soot point demandés. Il est arrivé que c'étaient des chefs de castes, qui se trouvaient ainsi traités avec leur suite, par la perfidie des marchands. Ils ont été réclamés; et il a fallu que la force s'unît à la justice pour leur faire rendre la liberté. Le marchand a toujours la liberté de se soustraire à la punition, en passant dans un autre canton. Ne craignant rien, il ose tout. 11 calcule ordinairement ces sortes de coups, à l'époque où il sait que le nombre d'hommes qu'il amènera complétera la traite, et que le navire mettra à l'instant à la voile pour sa destination.
Le comble de l'horreur, c'est l'en tassement de ces malheureux les uns sur
les autres, dans le fond de cale du vaisseau, sous un ciel brûlant, n'ayant
d'air que le peu que leur en donnent 3 ou 4 petites fenêtres de 10 pouces en
carré, étroitement barrées et grillées de grosses lames de fer. Empilés dans
cet horrible cachot et abîmés dans la douleur et le désespoir, ils y
pourrissent dans la saleté, l'infection et toutes les exhalaisons fétides,
produites par l'excessive chaleur du climat. Ce n'est pas assez, ils y sont
encore tourmentés de tous les besoins de la vie. Leur nourriture n'est
composée que de salaisons presque pourries, d'une légère portion de biscuit
couvert de toiles d'araignées, de vieux légumes, achetés par économie, dont
les.insectes ont dévoré la farine, et n'ont laissé que la pellicule.
Brûlants de l'ardeur de la soif, leur grand nombre et l'incertitude du terme
de la navigation empêchent qu'on ne puisse les satisfaire; ils ne reçoivent
qu'une petite mesure d'eau qui, irritant leurs désirs, ne peut qu'augmenter
le feu qui les consume. Ils descendent ainsi dans le tombeau, désespérés,
frappés de tous les maux, maudissant la race cruelle qui les y précipite
d'une manière aussi barbare. Tel est le sort affreux et presque incioyable
des Africains, pendant tout le temps de la traite, près de 3 mois d'une pé-
Il ne faut pas croire, Messieurs, que ce soit là le terme de toutes les
souffrances de ces infortunés. De nouveaux supplices les attendent au delà
des mers. Le bonheur a fui avec leur patrie; il ne reparaîtra pas pour eux.
Bientôt un régime homicide les tiendra enchaînés dans nos colonies. Une loi
de sang, connue sous le titre de Code noir (1), va les faire descendre du
rang des hommes; les dépouiller de tous leurs droits; les vouer à une telle
dégradation, qu'elle les attachera et incorporera, en quelque sorte, à la
terre; elle ne les considérera plus que comme des instruments de labourage;
ils seront condamnés à l'arroser de leur sang, et à la travailler toute leur
vie. La cupidité, calculant ses bénéfices sur l'étendue de leur travail,
pressurera leurs forces, fera gronder continuellement les menaces à
l'en-tour d'eux, et étendra sur leur tête une verge de fer, toujours prête à
les immoler. Ils n'auront de liberté que pour s'abreuver de leurs larmes et
dévorer leurs malheurs. Car on leur interdira celle de pouvoir se plaindre.
Les tribunaux leur seront fermés ; la loi deviendra sourde pour eux ; elle
repoussera leurs plaintes, en leur interdisant toute action. Inhumaine et
injuste, elle laissera à leurs chefs le pouvoir arbitraire de les mutiler,
de les déchirer de coups, de leur donner la mort impunément; et s'ils
tentent d'échapper à leurs assassins, elle les condamnera à avoir les
oreilles ou le jarret coupés; la vie ne leur sera laissée
G'est, Messieurs, sous un pareil régime, sous l'empire d'une loi dont le peuple le plus sauvage aurait horreur, que les malheureux Africains vivent dans nos colonies. Ils y périssent par milliers, accablés sous le poids de tous les maux.
Condamnés à y déchirer la terre, à peine leur accorde-t-on quelques heures de repos. Si leurs forces épuisées ne suffisent pas pour remplir la lâche que l'avarice leur a assignée, des mains barbares meurtrissent leur corps ; des ruisseaux de sang coulent et arrosent ces terres proscrites, qui déjà ensevelissent des milliards d'Africains, et qui bientôt enseveliront encore ceux qu'elles portent, également desséchés, dépéris par la cruauté et le malheur.
Il n'est point pour eux un jour heureux. Leur dernier soupir finit leur travail. La mort arrive toujours trop lentement; elle est le premier instant de leur repos ; elle termine leurs peines.
Le fisc est encore venu ajouter à leurs maux, en resserrant leurs chaînes ; son génie, aussi vaste que ses besoins, a tout soumis à sa voracité. Après s'être asservi jusqu'aux choses de première nécessité, il a porté son odieuse exaction jusqu'aux actes de justice et de bienfaisance. Chose incroyable! il a assujetti les maîtres qui affranchissaient leurs esclaves, à lui payer 3,000 livres pour chacun. N'en doutons pas, Messieurs, la gé-nérosité française en estun garant, sans cette gêne, sans cette entrave révoltante, mise à la liberté des noirs, plus du tiers se trouverait libre et propriétaire, et la population serait doublée. Qu'on Pô te, 2 ou 3,000 recevront annuellement leur liberté.
Je conviendrai, cependant, qu'il est des maîtres qui connaissent les droits de l'humanité, et qui en remplissent les devoirs ; mais, pour le plus grand nombre, le tableau que j'ai tracé est encore au-dessous de la réalité.
Et ce sont des hommes civilisés qui en traitent ainsi d'autres par la raison que la peau de ceux-ci est noire et que la leur est blanche I
La nature frémit d'indignation, (l'âme est déchirée ; pressé et séduit par les mouvements de son coeur, on ne croirait sûrement point qu'on pût mettre en question, si on doit, ou non, venir au secours de ces malheureux, remplir vis-à-vis d'eux les devoirs sacrés de l'humanité, en un mot, leur rendre leur liberté.
Cependant, en réfléchissant, on trouve des difficultés embarrassantes ; on éprouve ce sentiment pénible que le meilleur des rois a si dignement exprimé : Que le bien est difficile à faire.
Examinons donc ces difficultés ; voyons si elles sont de nature à empêcher ou à retarder l'exécution du plus louable projet, qui fût peut-être jamais.
On annonce que si l'on abolit la traite et l'esclavage des nègres, il faut renoncer aux colonies, et en abandonner les cultures, parce que les Européens n'y sont pas propres; que ces climats trop chauds les épuisent, qu'ils ne sauraient y suffire au travail.
On ne doit pas craindre cet abandon ; un trop grand intérêt s'y oppose. On ne
croira pas à l'idée que les propriétaires négligent aucun des moyens propres
à conserver leurs possessions. L'abolition de la traite, bien loin de
nécessiter cet abandon, ne sera qu'un véhicule de plus pour engager les
colons à favoriser la population des noirs, afin de pouvoir se passer de la
ressource
D'ailleurs, c'est une erreur de penser que les Européens ne soient pas propres a la culture de nos colonies; nous conviendrons,et il est incontestable, que l'homme noir, né sous un ciel brùlunt, a plus de force physique, mais les blancs acclimatés peuvent suffire, et sont capables de faire la majeure partie du travail des noirs. Ce sont eux qui ont commencé les défrichements. Dans la création des premiers établissements, sous Louis XIV, il n'y avait que des Européens, qu'on nommait engagistes, parce qu'ils étaient engagés pour un terme de 3, 4 et 5 ans, qu'ils cultivaient ces teires, et ils le faisaient avec plus d'activité, d'intelligence et de succès que les noirs. Il est vrai qu'ils ne cultivaient que du tabac; mais ils auraient également cultivé du café, du sucre, de l'indigo, et toutes les autres plantes indigènes. Ils pourraient donc le faire encore aujourd'hui. Il suffirait pour cela de changer les heures de travail, de prendre le matin et le soir. Et puis, que l'on détruise, dans ces climats barbares,; le détestable préjugé qui dégrade l'homme dévoué à la culture des terres ; qu'on l'honore, que ce soit à l'avenir des mains libres qui les exploitent : alors l'Européen qui aura des besoins n'hésitera plus à les cultiver.
Nos colonies (celles de l'Amérique) ont, aujourd'hui, assez généralement, une population d'Africains qu'on peut établir dans la proportion de 10 à 1, les troupes non comprises, c'est-à-dire qu'il y a 10 noirs pour un blanc. Chacun sait que ces derniers sont possesseurs et ne font rien ; que les autres exécutent, dirigent l'ouvrage, font tout et n'ont rien. Or, de cette disproportion de situation et de population, ou fait ceïte objection : on demande comment vivra cette foule d'esclaves, qui est sans propriété, si tout à coup on lui rend la liberté. Elle vivra avec son travail et ses services, comme vivent vos manœuvres, journaliers ou domestiques. Le besoin et la nécessité l'y forceront. Mais il n'est pas question de lui rendre tout à coup la liberté : on la lui rendra successivement, en prenant des précautions pour pourvoir au sort de chaque esclave, soit en lui donnant des terres à cultiver ou à défricher, soit autrement.
On ajoute que la main-d'œuvre devenant alors plus chère, le prix des denrées augmentera à proportion ; qu'il en résultera que nous ne pourrons plus fournir le commerce, dans les marchés étrangers, avec les autres nations propriétaires; que nous allons être bornés à notre seule consommation ; que nos voisins introduiront chez nous les denrées de leurs colonies, parce que l'intérêt est toujours plus fort que la loi ; que si 500,000 noirs recevaient la liberté au même instant, ils pourraient manquer de reconnaissance, et abuser, dans le premier transport d'une révolution aussi inattendue, de leurs forces pour opprimer leurs maîtres ; enfin si l'on veut être juste, que le noir étant une propriété fondée sur la loi, sous la foi de laquelle, le colon a acquis, son capital doit lui être remboursé ; qu'il lui restera encore à courir le danger de l'abandon d'une partie de ses cultures.
Ces raisons bien pesées, peuvent-elles balancer les motifs si puissants et si impérieux qui s'élèvent en faveur de l'affranchissement ? Sont-elles assez fortes pour continuer de leur sacrifier la vie et la liberté de milliards d'hommes? Une nation juste, humaine et bienfaisante ne sait point faire de pareils sacrifices à son luxe, à sa vanité, ou à l'intérêt de quelques milliers de personnes. 11 est d'ailleurs facile d'y répondre.
1° Le noir ne peut jamais être considéré comme propriété ; il est détenu par la foi ce, et la force ne donne aucun droit. « Le droit de liberté inhérent à la nature de l'homme, est inaliénable et imprescriptible ; on ne peu t pas y renoncer. La renonciation qu'on y ferait serait un acte illégitime et nul ; et quand chacun pourrait s'aliéner lui-même, il ne peut pas aliéner ses enfants; ils naissent hommes et libres; la liberté leur appartient ; nul n'a le droit d'en disposer qu'eux. Aucun n'a aucune autorité sur son semblable (Contrat social, liv. 1er, chap. iv). » Le fort qui asservit le faible commet donc une injustice, un acte de violence, contre lequel l'impres-criptibilité du droit de l'homme réclame éternellement et il n'est dû aucune indemnité pour l'éviction d'une possession furlive.
2° Si les colons, par l'effet de l'affranchissement, salarient les noirs, leur payent des gages ou des journées, ils cesseront d'en faire l'infâme trafic; et en perdant sur eux le droit inhumain de vie et de mort, ils gagneront le prix de leur achat et tout ce qu'il en coûtait à leur cruauté.
3° Les pertes et li s dangers civils qu'ils présentent pour la balance du commerce, ne se trouvent que dans le calcul de leur intérêt, encore est-il facile de les prévenir ou de les réparer. La plupart des grands propriétaires ne daignent pas résider dans les colonies, par la raison que leur fortune étant immense, ils veulent augmenter le cercle de leurs jouissances, en fixant leur séjour dans la métropole; ils font donc gérer par un économe, qui ne tarde point de prendre le même goût, et de revenir en Europe pour les mêmes causes. Mais au lieu d'un bénéfice de 100 0/0 et plus, qu'ils font, qu'ils se contentent des deux tiers, ils feront encore un gain assez honnête, et la concurrence restera la même : il ne résultera d'autre inconvénient que d'être 9 ans, au lieu de 6 pour faire sa fortune.
4° Le sol de nos colonies étant singulièrement propre à y varier les productions, dans la supposition où des mains libres produiraient, dans le prix des denrées, une augmentation telle qu'il devînt impossible de soutenir la concurrence chez l'étranger, et qu'on fût obligé de se borner à la consommation de la métropole, on doit croire qu'alors les propriétaires ne manqueraient pas, comme ils l'ont fait dans le temps où le café était tombé à 8 et à 10 sous la livre, de diminuer leurs caféines pi sucreries, pour se livrer, avec tout le zèle et l'intelligence qu'on doit attendre d'un peuple industrieux, à la culture de l'indigo et de tous les autres objets qui donneraient des avantages certains.
On doit croire aussi que les autres nations propriétaires, dont les îles avoisinent les nôtres, suivront l'exemple de la France ; ou si elles ne le faisaient pas, elles y seraient bientôt forcées par la désertion de leurs esclaves qui ne manqueraient pas de venir chercher la liberté sur notre sol (1).
5° Quant aux craintes de révoltes et d'oppression, dans le premier moment de la révolution, et toutes les autres considérations qu'on peut présenter, elles cessent et s'éteignent dans la forme lente et progressive de l'abolition de l'esclavage.
Qu'on n'exécute le projet d'affranchissement que partiellement; qu'on ne donne chaque année la liberté qu'à un certain nombre de noirs, on prévient l'elfet d'une révolution subite, les dangers d'une liberté générale donnée tout à coup à 500,000 âmes. Les changements nécessités par les circonstances se faisant successivement, le nouvel ordre des choses se trouvera établi sans aucun de ees secousses orageuses qu'un projet d'une si haute importance peut faire craindre, si l'exécution en était précipitée.
Ainsi donc, que les fers des esclaves soient brisés sans précautions, il peut en résulter de grands malheurs, on en convient, la mort même, pour ceux qui les auraient brisés; mais si prudemment, ce ne sera plus qu'un acte juste et salutaire, un bienfait sans danger. Tel un torrent dont les digues auraient été tout à coup rompues par des mains imprudentes porte le ravage et la désolation dans tous les lieux de son passage, entraîne et enseveli t dans ses flots précipités l'homme même qui les a déchaînés, mais, sagement dirigées, ces eaux suivent paisiblement le cours que la nature leur a indiqué; et au lieu de la dévastation, portent avec elles un germe précieux de fécondité.
Il résultera, d'ailleurs, un avantage bien sensible de l'affranchissement partiel et successif. Une petite portion d'individus, recevant annuellement la liberté, trouvera plus de moyens de subsistance. Les noirs sont humains et charitables ; c'est le caractère distinctif des malheureux; ils s'entr'aideront.
Déjà, du moment de la publication du décret de liberté, ils ne seront plus
aussi tourmentés de leurs souffrances; ils y verront un terme ; ils se
croiront heureux; et ils le seront par l'espoir
Enfin, on peut présumer qu'avec une administration douce et surveillante, la population s'entretiendra, de manière (abstraction faite des esclaves des îles voisines, qui pourront venir respirer la liberté sur nos possessions), qu'elle sera sans diminution, à l'époque où la liberté deviendra générale, si, toutefois, l'on ne veut pas se flatter qu'elle soit augmentée.
On peut peut-être aller plus loin : présumer également que dans moins d'un siècle, la majeure partie des propriétés de nos colonies appartiendra à cette classe d'hommes, habitués à travailler beaucoup, et à dépenser peu. Mais alors, elle serait incorporée et attachée au sol, par ses possessions, et dans la supposition d'une révolution qui la conduirait à une entière indépendance, comme elle serait générale, qu'elle s'étendrait également sur nos voisins, votre situation n'en deviendrait que meilleure.
Débarrassées des frais immenses d'administration, nos relations continueraient d'être les mêmes par des besoins mutuels, avec l'avantage d'un côté de pouvoir rigoureusement nous passer d'eux, tandis qu'ils auraient besoin de nous pour subsister ; d'un autre avec celui sur nos voisins de posséder exclusivement les objets de première nécessité; avantages qui nous assureraient incontestablement la préférence.
Pour tous ces motifs, voici donc le projet de décret que je soumets à l'examen et aux lumières de l'Assemblée nationale.
L'Assemblée nationale, pénétrée de cette vérité éternelle, que l'homme naît libre; que sa liberté est inaliénable ; que la force ne produit aucun droit :
Considérant que rendre l'homme à sa dignité, étendre son bonheur, le rétablir dans ses droits primitifs, est un devoir dont rien ne peut dispenser;
Voulant qu'à l'avenir, il n'y ait plus, dans toute l'étendue de l'Empire français que des hommes libres, et y abolir jusqu'au mot affreux d'esclave, arrête et décrète ce qui suit :
« Art. 1er. L'esclavage sera et demeurera aboli,
pour l'avenir, dans tous les pays de la domination française, de la manière
et ainsi qu'il sera dit ci-après. Les hommes en y entrant, seront libres, et
y jouiront de tous leurs droits.
« Art. 2. La traite des nègres est et demeure abolie, à compter du jour de la promulgation du présent décret. Tous les noirs qui s'introduiront ou qui seront introduits dans les colonies françaises, ou dans toute autre partie du royaume, de quelque manière, et par qui que ce soit, 6 mois après ladite promulgation, seront libres.
« Art. 3. Tous les esclaves actuellement existants dans les colonies françaises seront successivement affranchis et rais en liberté, en 16 années, à raison d'un seizième par chaque année, dont la première commencera du jour de la publication du présent décret.
« Art. 4. Les esclaves au-dessus de 70 ans
Art. 5. Les esclaves mariés, qui auront le plus d'enfants, seront ensuite affranchis. Il sera rendu la liberté à toute la famille en même temps; les pères et mères étant libres, les enfants ne peuvent être esclaves.
Art. 6. Les enfants, au-dessous de l'âge de 15 ans, sur les habitations, n'ayant ni père ni mère, continueront d'être élevés et nourris, jusqu'à l'époque fixée pour la cessation totale de l'esclavage. Alors il sera pris des mesures pour pourvoir a leur subsistance, et à l'indemnité qui pourra être due au maître qui les aura nourris, sans en avoir tiré de profit (2).
« Art. 7. Tout noir qui aura travaillé 20 ans sur la même habitation, ou qui, étant âgé de 40 ans et hors d'état de gagner sa vie, préférera y rester, y sera nourri : Il en sera de même des mutilés et estropiés sur l'habitation ; si mieux n'aiment les maîtres, les placer à leurs frais, dans la maison de charité qui sera établie.
« Art. 8. Les esclaves qui seront mis en liberté, jouiront, au même instant, de toute la faveur de la loi, pour contracter, vendre, acheter et faire le commerce, et de tous les autres droits de citoyen.
« Art. 9. Le Gode noir est et demeure aboli et supprimé dès ce jour, comme inhumain et barbare; il est défendu aux chefs d'habitation, maîtres et conducteurs d'esclaves, de les punir, frapper ou faire frapper arbitrairement et de leur autorité, sous aucun motif ou prétexte quelconque; et à toute personne de s'arroger le droit de leur infliger aucune punition, les mettant dès à présent sous la protection de la loi.
« Art. 10. Il sera établi une juridiction de discipline dans chaque quartier, composée de 8 notables, qui connaîtra exclusivement et gratuitement des fautes des noirs, conformément au règlement qui sera fait ; et les notables ne pourront être moins de 5 pour pouvoir rendre un jugement.
« Art. 11. Le maître qui aura à se plaindre de son esclave ne pourra se faire justice, ainsi qu'il a été dit, article 6, à peine d'être puni suivant l'exigence des cas. 11 sera tenu de le citer devant la juridiction établie.
« Art. 12. Il est permis aux noirs de se marier entre eux, sans que leurs
maîtres puissent s'y opposer, savoir ceux qui professent la religion
catholique, suivant les formes prescrites par l'Eglise et les lois du
royaume; les autres suivant les formes établies pour les non-catholiques. Le
maître à qui appartiendra l'homme, sera obligé d'acheter la femme, si elle
appartient à un autre maître, ou, s'il aime mieux, de céder
« Art 13. Il est expressément défendu d'obliger la femme au travail pendant les 6 dernières semaines de 6a grossesse, et pendant les 6 premières après sa couche.
u Art. 14. Le maître qui aura le plus favorisé la population sur son habitation, recevra une prime qui sera réglée en raison du nombre d'enfants qui lui seront nés, eu égard à la quantité d'esclaves du sexe qu'il aura.
« Art. 15. Toute personne de couleur, ayant habitation, qui mourra sans enfants, et sans avoir disposé, son habitation sera donnée à la famille noire la plus chargée d'enfants, qui sera sans propriété ni moyens de subsistance. Si l'habitation est considérable, elle sera divisée en autant de portions qu'il sera jugé nécessaire pour chaque famille, les plus pauvres et les plus chargés d'enfants devant être préférés.
« Art. 16. S'il y a des terres incultes ou abandonnées, susceptibles de rapport, elles seront divisées et distribuées, ainsi qu'il vient d'être dit au précédent article, et il sera avancé, à ces nouveaux colons, s'il est besoin, tout ce qui sera jugé nécessaire, pour la première année de défrichement.
« Art. 17. Il sera choisi et nommé 3 commissaires pour veiller à l'exécution du présent décret, lesquels s'occuperont d'assurer la subsistance des nouveaux affranchis, et de les attacher au sol par des possessions, et de concilier les principes d'humanité et de justice, avec tout ce qui peut contribuer à la sûreté et à la prospérité des colonies. »
Je supplie l'Assemblée de peser dans sa sagesse ce projet de décret, et de ne prononcer qu'avec la maturité et la réflexion que l'importance d'une si grande cause exige. C'est celle de l'humanité tout entière : elle embrasse dans les générations présentes et futures le sort de milliards d'individus ; elle tend à effacer les crimes de plusieurs siècles et la honte de presque toutes les nations.
On ne croira sûrement pas, dans les époques éloignées, que la corruption était parvenue à ce point, que des hommes en achetaient d'autres, les dégradaient et les ravalaient au rang des bêtes, les traitaient de même, et étendaient leurs droits barbares, jusque sur leur postérité.
Hâtons-nous, Messieurs, de réparer ces outrages, et de consommer l'action la plus juste, la plus intéressante et la plus chère à l'humanité ; action qui fera le bonheur d'un peuple immense, et assurera, à la nation française, une gloire immortelle. Je n'ai pas sûrement besoin de lui solliciter cet honneur. L'acte sublime qui abolira l'esclavage, dans toutes les régions de l'empire français, est dans le cœur de tous les représentants d'un peuple libre ; il n'y a plus qu'à le proclamer.
Si cependant, Messieurs, cet acte dont les effets s'étendront nécessairement
sur la surface du globe et embrasseront tous les siècles, vous présentait
trop de dangers, pour le moment actuel, et vous effrayait dans ses
conséquences ; si des raisons politiques, un enchaînement de combinaisons et
de circonstances qui ne peuvent échapper à votre sagesse; si enfin,
l'intérêt de votre commerce et de la métropole vous déterminaient à le
renvoyer à un temps plus heureux, au moins que les mouvements qui se sont
élevés au fond de vos cœurs, et les divers sentiments quilles ont agités ne
se soient pas fait en-
Si vous en écoulez les mouvements, vous proscrirez sévèrement ces infâmes moyens de ruse, de violence et de séduction qui ont été si souvent et si cruellementemplovés dans la traite; vous réglerez le nombre d'escla'ves que les bâtiments peuvent recevoir, vous veillerez à ce qu'il ne leur soit plus distribué que des aliments sains, à ce que le lieu de leur séjour ne devienne plus un foyer de mort et de corruption ; vous établirez dans votre justice et votre bienfaisance, des lois qui puniront également le maître injuste et le serviteur coupable. La liberté sera rendue aux esclaves du maître inhumain ; en devenant injuste envers eux, il a perdu le droit de leur commander. L'impôt barbare établi sur la liberté sera proscrit avec toute l'horreur qu'il mérite.
Enfin, qu'on ne voie plus se renouveler dans nos colonies, tous ces crimes qui ont si souvent fait frémir l'humanité; que les trop malheureux Africains y trouvent une autre patrie, un asile assuré contre l'oppression; qu'ils puissent y jouir du droit le plus cher et le plus sacré de la nature, s'y choisir librement une compagne, et s'y former une nouvelle famille; qu'à l'abri et sous la sauvegarde des lois ils puissent également, en remplissant leur trop pénible tâche, y goûter quelques moments de repos et de tranquillité. Si le bonheur de la liberté a fui loin d'eux, qu'il soit apporté à cette perte cruelle et irréparable, tous les adoucissements qu'un devoir religieux,et une charité compatissante envers ses semblables prescrivent; qu'ils voient, dans les personnes qui les dirigent, moins des maîtres que des bienfaiteurs ; que l'univers connaisse partout ce que vous ferez, les regrets que vous éprouverez de ne pouvoir en faire davantage, et puisse votre exemple de justice et de générosité être imité des autres nations, et produire sur la surface du globe un changement que l'humanité sollicite depuis si longtemps.
Ainsi donc, et subsidiairement, dans le cas où l'Assemblée nationale jugerait ne pas devoir abolir actuellement l'esclavage des nègres, je serais d'avis qu'il fut nommé un comité, composé de 6 personnes, qui sera chargé de rédiger et de lui présenter un projet de loi sur la traite, la police et la discipline des nègres, tendant à améliorer leur sort, à adoucir leur régime, et à les attacher, par tous les liens de l'intérêt, à concourir avec les blancs, au maintien de l'ordre, de la tranquillité et de la propriété.
Post sCRiPTUH. — Depuis cet écrit, il m'a été fait des objections que j'ai trouvées en partie consignées dans deux imprimés qui viennent de me tomber sous la main. L'un intitulé : Mémoire en réclamation des colons, sur l'idée de l'abolisse-ment de la traite et de Vaffranchissement des nègres; l'autre intitulé : Précis sur l'importance des colonies et la servitude des noirs. J'y vais répondre très succinctement.
J'observerai d'abord que le mémoire des colons est moins rempli de raisons solides que de déclamations oratoires; que les objections qu'il contient, ne sont pas neuves. Elles sont extraites de divers écrits qui ont paru depuis quelque temps, mêlées de quelques réflexions qui ne conduisent pas du tout à la conviction, et de citations de bienfaisance, qui, pour être vraies, dans quelques faits isolés, ne changent rien à la condition générale et infiniment malheureuse des esclaves. Elles sont d'ailleurs, en partie, sans application au projet présenté, qui n'admet qu'un affranchissement graduel et successif.
Mais un aveu bien important, échappé aux partisans de l'esclavage, c'est celui de la nécessité d'adoucir le sort des esclaves, de réformer le Gode noir, d'établir une administration surveillante, et l'aveu de la possibilité d'abolir la traite dans les colonies, où la culture est à son dernier degré de force, et où la population plus favorisée se soutient et ne laisse plus de besoin d'augmenter le nombre des esclaves.
Par conséquent, d'après ceux-là mêmes qui ont le plus d'intérêt à resserrer les chaînes de la servitude, s'il est politiquement impossible de les rompre partout, il est moralement nécessaire d'en adoucir le poids. Mais voyons si cette impossibilité politique existe réellement, et si les raisons sur lesquelles on l'étaye sont de nature à ne pouvoir le céder à aucune autre.
Réponses.
On convient que ces craintes pourraient se réaliser, si les esclaves recevaient tout à coup leur liberté ; mais l'intérêt exagère tout et porte l'inquiétude avec excès. L'espace do 16 années, pour assurer progressivement l'existence des nouveaux affranchis, atténue beauconp le danger, ou plutôt n'en laisse point.
Les colons n'ont pas plus de droit aux possessions injustes de leurs pères que la noblesse n'en avait aux privilèges dont elle a fait l'abandon et à tant d'autres droits qu'on lui a enlevés comme nuisibles à la société. Les promiers n'ont pas 200 ans d'existence ; les autres en avaient 1,000.
Ce serait une chimère de penser à réaliser une telle union de bienfaisance ; la politique des cours se dirige sur d'autres principes.
Il est vrai que les colonies anglaises sont au plus haut terme de leurs cultures, et que les colonies françaises en
Objections.
Le décret de liberté pourrait occasionner une révolution générale, entraîner des effets funestes.
Il pourrait faire perdre aux colons des possessions qu'ils ont acquises et dont ils jouissent sous la protection des lois de l'Etat.
Pour réaliser un pareil projet, il faudrait un accord général, un pacte universel et solennel, entre toutes les puissances maritimes.
Mais, dans l'exécution, tout le sacrifice serait pour la France ; l'Angleterre perdrait infiniment moins, ses
réponses.
objections.
sont éloignées; excepté, cependant, la Martinique et la Guadeloupe, où il n'y a point de grands propriétaires, et où les terres étant, par conséquent, plus divisées, sont mieux cultivées; il résulte de là une vérité frappante, c'est que nous pouvons augmenter le nombre de nos esclaves avec avantage, et que les Anglais ne le peuvent pas.
Ainsi, nos terres incultes peuvent donc être distribuées par petites portions aux esclaves affranchis, qui, avec la plus petito avance, en tireront le meilleur parti possible, ne tarderont point à rembourser le gouvernement et à s'enrichir.
Pour lors, attachés au sol par une possession, il no saurait y avoir do craintes fondées sur une insurrection qui les priverait de leur bien-être. Devenus propriétaires, leur population doublera; les importations et les exportations d'échange suivront la môme progression, à l'avantage de la métropole.
Ce qui, à la vérité, est assez indifférent aux colons, qui ne parlent et ne calculent que pour leurs intérêts, et ne veulent mettre en considération que ce qui leur convient.
Il est dérisoire de vouloir insinuer que les esclaves que nous allons prendre sur les côtes d'Afrique aient tous été condamnés au supplice ou à des peines afflic-tives. Soyons de bonne foi ; nous excitons les désirs de ces hommes simples, par toutes sortes de ruses, par une foule d'objets que nous présentons à leurs yeux et qui séduisent leur imagination. Nous forçons ainsi ces malheureux qui n'ont aucun avantage à nous offrir, à se faire constamment la guerre pour avoir des personnes à nous vendre. Les marchands négriers attesteront qu'il est commun qu'ils nous vendent jusqu'à leurs propres enfants, lorsqu'ils n'ont pas d'autres moyens de satisfaire des passions que nous leur avons inspirées, et qu'ils ignoreraient encore, s'ils avaient pu éviter le malheur de nous avoir connus.
Les productions de notre sol coûtent des sueurs, il ost vrai ; mais l'homme qui les fait croître n'est pas déchiré de coups, traîné aux champs comme lo plus vil des animaux, le corps tout sanglant des traces du fouet dont on ne cesse de lo charger.
11 est libre, enfin, et dans le travail forcé par la misère, ses peines sont adoucies par la pensée des objets les plus chers à son cœur, sa femme et ses enfants, dont il gagne la subsistance et reçoit les caresses qui le délassent de ses fatigues à la fin de la journée.
Que les colons soient donc d'accord avec eux-mêmes. S'ils versaient sur leurs esclaves tous les dons et les bienfaits qu'ils nous peignent avec tant de charmes, s'ils étaient toujours environnés de leur amour et de leur respect, auraient-ils quelque chose à craindre de leur retour à la liberté? Le malheureux seul a des vengeances à exercer sur l'auteur de ses maux.
11 serait inutile, d'ailleurs, de leur rendre la liberté ; ils la rejetteraient, puisqu'elle les chargerait du soin do leur subsistance, sans pouvoir rien ajouter à leurs jouissances et à lour bonheur.
Il manque à ces détails de générosité et do bienfaisance, la vérité ; les habitations, administrées avec cet esprit d'humanité et de douceur qui séduit, ne sont pas communes. Nous conviendrons qu'il en existe dont les maîtres sont plus justes et plus humains, et traitent leurs esclaves avec bonté : mais ce sont des citations isolées; le plus grand nombre est injuste et barbare.
Un établissement do surveillance serait inutile, par le grand éloignement des habitations éparses à plusieurs milles l'une de l'autre. Il serait peu profitable aux esclaves.
La balance du commerce des colonies avec la métropole n'est pas rigidement calculée; mais le fond de la chose est vrai; nous relirons véritablement de grands avantages de la réciprocité des besoins qui produisent cette immensité d'échanges qui donnent la vie à notre commerce et à nos manufactures ; nous en sommes trop bien convaincus, pour vouloir y renoncer de gaieté de
colonies étant dans un état bien différent des nôtres, et ayant moins besoin d'esclaves.
L'esclave qu'on achète en Afrique ost condamné à la mort ou à des peines afflictives, dans son pays; il le quitte sans regret. Son passage dans nos colonies qui le soustrait aux peines, ne peut être pour lui un malheur et un objet d'affliction.
Les productions de notre sol no coûtent pas moins de sneurs que celles de nos colonies. L'esclave n'est donc
Eas plus malheureux que les gens de labour le sont en rance. Il l'est même beaucoup moins, son maître ayant plus d'intérêt à sa conservation, le traite avec plus d'humanité et de douceur. L'ordre le plus exact, les soins les plus attentifs, les plas vigilants pour les malades, les infirmes, les femmes en couches, les vieillards et les enfants, régnent dans les habitations. Les esclaves y présentent l'aspect de la gaieté et de la satisfaction; loin de redouter leurs maîtres, ils les chérissent et les respectent.
Ils ont une propriété à eux, ils la cultivent, et la vente do ces productions leur donne un superflu considérable qu'ils portent au marché, avec lequel ils se procurent, et à leurs familles, des vêtements de luxe, des bijoux, une nourriture recherchée. On voit chez eux une aisance, un luxo qu'on chercherait en vain chez le peuple, dans les provinces de la France. Les plus riches, les plus belles perses, les toiles les plus fines, les mouchoirs de l'Inde les plus chers sont à peine suffisants pour le nègre qu'on croit si misérable ; en voyant les fêtes qu'ils se donnent entre eux, et leurs danses pleines d'expressions, on croit être au milieu d'une peuplade riene et libre.
Les soins sont prodigués dans les hôpitaux; la viande fraîche, le bouillon, lo pain blanc, le vin y sont distribués à ceux qui en ont besoin, etc.
On pourrait, au surplus, former un établissement de surveillance.
Les productions nationales, brutes ou manufacturées, que la France transporte dans ses colonies on emploie à la traite des nègres, s'élèvent à 70 millions, et en retour, elle reçoit pour 230 millions de denrées coloniales. Elle en consomme pour 90 millions ; le surplus, s'élevant à 140 millions, est la matière d'un immense commerce avec l'étranger, qui lui procure une balance
dép0mses.
objections.
cœur et sans motifs. Il faudrait que nous fussions dépourvus de sens et de jugement, pour faire un semblable sacrifice, quand il n'est pas reconnu nécessaire.
Depuis qu'une plus grande étendue de commerce nécessite les objets de luxe, nous nous sommes habitués au sucre et au café, et l'inrligo nous est devenu utile pour varier les couleurs des étoffes do nos manufactures; qu» les colons continuent de cultiver ces objets, nous continuerons de nous charger de leur en procurer la consommation en les exportant, et ce sera nous servir mutuellement.
L'abolition de la traite et la liberté progressive des noirs, telle qu'elle est proposée, ne nous imposent point la nécessité de renoncer à nos colonies, ni même au droit de souveraineté, au privilège naturel de continuer exclusivement aux autres nations leurs approvisionnements, à vêtir et nourrir des enfants qui ne doivent jamais oublier les sacrifices et les peines qu'ils ont coûtés à leur mère, auparavant d'être assez robustes pour ga gner leur subsistance, ni les fleuves do sang qu'elle a versés pour défendre leur enfance.
Il est bien hasardé de dire que les Anglais se rendront maîtres de nos possessions : c'est un pronostic pins facile à faire qu'à exécuter; il faudra les disputer auparavant, car nous ne sommes sûrement point dans l'intention de les abandonner sans les défendre.
La navigation variera peu ; elle restera la même aussi longtemps que les habitants des colonies ne pourront se nourrir do leur sol, et qu'il faudra que nous leur portions, sur des vaisseaux, la farine, le vin, l'huile, le sel et l'habillement. Il serait trop difficile que nous ne fussions pas admis à la concurrence sur des objets qui nous sont propres et que les navigateurs étrangers viennent prendre chez nous.
On ne contestera pas le nombre des esclaves ; mais le prix est bien exagéré. C'est sans doute le résultat des combinaisons faites par dos gens intéressés, qui veulent effrayer sur la nécessité d'un remboursement, et dont, à la rigueur, en supposant qu'il y ait lieu, on pourrait en retrancher les 5 sixièmes.
D'abord tous les vieux noirs, ceux infirmes et tous ceux nés dans les colonies; les uns ont payé plus que le prix de leur premier achat; les autres n'ont nen coûté.
Quant à ceux qui resteraient en rachat, si on leur donnait à tous, à l'instant, la liberté (ce que personne de raisonnable ne proposera jamais), eu supposant le remboursement rigoureux, sans déduction des services rendus; voici quel pourrait en être le prix.
Les esclaves à Saint-Domingue ne s'y vendent pas au-dessus de 2,500 à 2,700 livres ; c'est même le plus haut prix, et c'est argent des colonies, où l'écu de 6 livres a une valeur idéale de 9 livres; par conséquent, les 2,500 ou 2,700 livres des lies ne font que 1,667 à 1,800 livres de France.
Aux lies souslo Vent, les noirs detraite ne s'y vendent, prix commun, que 1,500 à 1,800 livres, également monnaie des colonies.ce qui ne fait que 1,000 à 1,200 livres, argent de France. On parle des temps les plus heureux! car dans co moment on ne les vendrait pas 1,200 livres il la Martinique, c'est-à-dire 800 livres de France. Il faut encore observer qu'il y a 3 ans de crédit, que les colons exigent pour solder le prix des noirs de traite qu'ils achètent, dont l'intérêt serait à déduire.
Il résulte de là que le prix commun des noirs dans toutes nos colonies, en supposant que la population de Saint-Dominguo seule soit égale à celle de toutes nos autres possessions ne saurait être au-dessus de 1,416 livres 10 s., argent de France; on croit même cette estimation telloment forte, qu'on est convaincu que les colons ne voudraient pas eux-mêmes acheter à ce prix.
Mais, suivant le projet présenté, il ne peut être question de remboursement; dans ce projet, la vétérance est fixée à 20 ans de services; les raaitres, après cette époque, sont obligés de nourrir leurs esclaves, sans qu'ils puissent les forcer au travail.
Or, les derniers qui recevraient leur liberté, quand mémo ils seraieut arrivés dans les 6 mois du jour de la pubUcation du décret, auraient servi 16 ans. Ainsi,
annuelle très avantageuse, augmente son numéraire et vivifie toutes les branches de son industrie.
Abolir la traite des nègres, c'est renoncer à nos colonies; c'est les abandonner aux Anglais qui ne manqueront pas de s'en emparer; c'est perdre tous les avantages que nous en retirons et ceux qui dérivent l'emploi de 1,000 ou 1,200 navires, qui communiquent la vie et le mouvement aux provinces, tiennent notre marine, nos ports et nos manufactures en activité.
Il n'y aura plus do navigation, etc.
Le nombre des noirs, dans les colonies françaises, est de 6 à 700,000, et le prix moyen do 3,000 livres chaque; leur affranchissement obligerait à une indemnité envers les colons.
réponses.
objections.
rigoureusement, il ne serait dft pour raison de ceux-ci qui se trouveraient en bien petit nombre, que les 4 vingtièmes.
L'on voit donc que l'intérêt des colons a tout exagéré.
Quoi qu'il en soit, on ne peut pas se le dissimuler ; dans la situation où nous sommes, accablés du présent, inquiets de l'avenir, dans un état de fermentation, d'inconfiance et de pénurie alarmantes, le moment n'est pas favorable pour donner l'affranchissement aux nègres et prononcer l'interdiction de la traite ; ce serait augmenter le désordre et l'inquiétude, qui ne tourmentent que trop déjà notre existence. Il paraîtrait donc inGniment plus sage d'attendre un temps calme, que la régénération soit faite et l'ordre rétabli ; par conséquent, d'ajourner la question.
Mais, dans cette attente, et avec l'aperçu consolant que cette époque heureuse n'est pas éloignée, occupons-nous, au moins, d'adoucir le sort de ces infortunés, de les placer sous une police douce et sage, et de les faire jouir de toutes les améliorations dont leur régime est susceptible.
FIN DU TOME XXV.
fin de la table chronologique iiu tome xxv.
l'administration des bâtiments du roi (p. 213) ; _
sur l'organisation de la marine (p. 214); — sur les cours d eau et la pêche (p. 324 et suiv.) ; — sur l'or gamsation des gardes nationales (p. 371) : — sur les troubles d'Avignon (p. 373 et suiv.). — Présente un projet de décret tendant à faire mettre en liberté le sieur Chàlons (p. 374). — Donne connaissance d'une dépêche de la cour d'Espagne au sujet des troupes rassemblées sur la frontière (p. 374 et suiv.). _ Parle sur l'organisation des gardes nationales (p. 393) ; — sur l'affaire de Wissembourg (p. 422); — sur le droit des militaires d'assister aux réunions des sociétés des amis de la Constitution (p. 451) ; — sur la réunion d'Avignon et du Comtat Venaissin à la France (p. 471), (p. 585). Donne lecture d'une réclamation des fctats d'Empire possessionnos en Alsace et en Lorraine et d'une lettre du ministre des affaires étrangères sur le refus du pape de recevoir un ambassadeur ayant prêté le serment exigé des fonctionnaires (p. 587 et suiv.). — Demande la mise à l'ordre du jour du rapport sur le Corps législatif (p. 605 et suiv.). — Parle sur la police des églises de Paris (p. 651) ; — sur la navigation des Bouches-du-Rhône (p. 658) — sur les dépenses des corps administratifs et tribunaux (p. 662). — Communique une lettre de Montmorin, ministre des affaires étrangères sur un prétendu manifeste de Léopold II (p. 667).— Président (p. 669).
Liste des votants sur la réunion d'Avignon et du Comtat Venaissin à la France (4 mai, p. 577 et suiv.); — Martineau demande qu'on ne laisse pas subsister cette liste dans le procès-verbal (5 mai, p. 585); — de Tracy et La Rochefoucauld-Liancourt appuient cette motion (ibid) ; — adoption (ibid.).
Projet de décret relatif à l'avancement dans l'artillerie, présenté par Alexandre de Lameth, au nom du comité militaire (16 avril, p. 133 et suiv. ) ; — adoption sans discussion du titre I" et des articles 1 a 14 du titre II (ibid. p. 137 et suiv.); — article 15 : de Thiboutot, Bureaux de Pusy, de Thiboutot, de Noailles, de Menouville de Villiers, Alexandre de Lameth (ibid. p. 139 et suiv.); — adoption (ibid. p. 143) ; — adoption sans discussion des articles 16 à 28 (ibid. et p. suiv.) ; — article 29 ; un membre (ibid. p. 144) ; — adoption de l'article 29 modifié (ibid.)] — adoption sans discussion du titre III (ibid. et p. suiv.).
Projet de décret, présenté par de Broglie, au nom du comité militaire, concernant le nombre des capitaines d'artillerie employés dans les places de guerre (17 avril, p. 168); — adoption (ibid.).
Suite de la discussion au projet de décret sur les fournitures de vivres et de fourrages de l'armée; article 3 : Emmery, rapporteur, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), de Broglie, d'Aremberg de La Marck, de Tracy, Le Chapelier, de Noailles (21 avril, p. 235 et suiv.); — adoption avec amendement (ibid. p. 236) ; — adoption sans discussion des articles 4, 5, 6 (ibid.) — rejet d'une disposition additionnelle à l'article 6 (ibid.) ; — adoption sans discussion des articles 7 et 8 (ibid.) ; — addition à l'aticle 6 proposée par Bouche (22 avril, p. 239) ; — renvoi au comité militaire (ibid.).
Rapport par Bureaux de Pusy, au nom du comité militaire, sur les dépenses pour l'entretien des troupes (27 avril, p. 354 et suiv.); — discussion; adoption sans discussion des articles 1 et 2 (ibid. p. 355) ; — article 3; Camus, Bureaux de Pusy, rapporteur, Camus, Regnault (ibid.)] — texte du projet de décret modifié (ibid. p. 356) ; — adoption (ibid.).
Bouche expliqué le retard de la publication du décret sur l'organisation de l'armée et demande son renvoi à l'examen du comité militaire (29 avril, p. 410) ; — adoption de cette motion (ibid.).
Beauharnais, dans un rapport sur l'insurrection du régiment de Beauvoisis à Wissembourg, pose la question de savoir si les militaires peuvent assister aux réunions des sociétés des amis de la Constitution (29 avril, p. 420 et suiv.); — discussion: d'André, Alexandre de Beauharnais, rapporteur, Prieur, de La Rochefoucauld-Liancourt, de Noailles, Vernier, de Toulongeon, Alexandre de Beauharnais, rapporteur, d'Estourmel, Le Chapelier, de Tracy (ibid. p. 422 et suiv.); — l'Assemblée décide que les militaires peuvent assister aux réunions (ibid. p. 426); — de Noailles demande que les militaires ne soient pas tenus de se dépouiller de leurs armes en entrant dans les sociétés (30 avril, p. 450 et suiv.) ; — d'André appuie cette motion (ibid. p. 451) ; — renvoi au comité ae Constitution (ibid.)] — rapport sur cette motion par de Noailles (1er mai, p. 479 et suiv.);— discussion : Le Bois-Desguays (tbid. p. 480) ; — adoption (ibid.).
De La Rochefoucauld-Liancourt demande que le ministre de la guerre soit chargé de faire un rapport sur la situation morale de l'armée (9 mai, p. 671); — renvoi de cette motion au comité militaire (ibid.).
Perdry annonce que les brnils d'une mésintelligence entre le régiment de Navarre, en garnison à Valen-eiennes, et les autres régiments de cette ville sont sans fondements (10 mai, p. 708).
Rapport par Périsse-Duluc sur leur transport d'une ville à l'autre (17 avril 1791, p. 168 et suiv.).
Rapport par Périsse-Duluc sur leur mode de circulation (17 avril p. 171 et suiv.).
Babaud-Saint-Etienne demande la création de petits assignats et présente un projet de décret y relatif (26 avril, p. 34 et suiv.) ; — discussion préliminaire : Buzot, de Crillon, Malouet, Gigongne, Malouet, Bous-sion, Charles de Lameth, Dupont, Charles de Lameth {ibid. p. 350 et suiv.); — Pétion, Prugnon, Aubry-du-Bochet, Leclerc, de Gouy d'Arsy, Le Bois-Desguays, de Gouy d'Arsy (p. 426 et suiv.); — Briois-Beaumetz, de Montesquiou, Martineau, Belzais-Courmenil, Le-couteulx de Canteleu, Briois-Beaumetz, Charles de Lameth, de Montesquiou, Charles do Lameth (1** mai, p. 481 et suiv.); — Rabaud-Saint-Etienne, Germain, de Folleville, Buzot, Briois-Beaumetz, de Noailles, de Montesquiou, de Noailles, de Cussy, Charles de Lameth (5 mai, p. 594 et suiv*)', — d'Allarde, Lecou-teulx de Canteleu, Camus, de Crillon, le jeune, de Cazalès, Rabaud-Saint-Etienne, Andrien, de Cussy, Belzais-Courmenil, Briois-Beaumetz, Babaud-Saint-Etienne, de Custine, (6 mai, p. 622 et suiv.); — l'Assemblée ferme la discussion (ibid. p. 628); — débat sur l'ajournement : de Cazalès, Briois-Beaumetz (ibid. p. 628 et suiv.); — l'Assemblée accorde la priorité au projet de décret de Briois-Beaumetz (ibid. p. 629) ; — discussion : abbé Maury, de Montesquiou, Martineau, Camus, Barnave, de Cazalès, Blin, Babaud-Saint-Etienne, Briois-Beaumetz, d'André (ibid. et p. suiv.); — adoption des articles. 1 et 2 réunis en un seul (ibid. p. 632) ; — renvoi au comité des finances des articles 3, 4 et 5 (ibid. et p. suiv.) ; — adoption d'une disposition additionnelle présentée par Briois-Beaumetz sous le titre d'article 2 nouveau (ibid. p. 633) ; — opinion, non prononcée, de Montesquiou tbid. et p. suiv.); — adoption d'une nouvelle rédaction de l'article l*r (7 mai, p. 635).
Rapport et projet de décret présentés par Voidel sur une fabrication de faux assignats (3 mai, p. 513 et suiv.); — discussion: Papin, Moreau. (ibid. p. 514); — adoption (tbid.).
er du projet du comité (ibid.) ; — rejet (ibid.
p. 562); — liste des votants (ibid. p. 577 et suiv.) ; — de La Tour-Maubourg
demande une rectification au procès-varbal (3 mai, p. 585); — débat : La
Rochefoucauld-Liancourt, d'André, Bouche, de Tracy. Prieur, Bouche, Moreau
(de Tours), Martineau, Dos-fant, Dupont, Martineau, plusieurs membres (ibid.
et Ci. suiv.) ; — adoption de la motion de La Tour-laubourg (ibid. p. 586) ;
— reprise de la discussion : Pétion, de Folleville, Goupil-Préfeln, Pétion,
de Tou-longeon, d'Aubergeon do Murinais (ibid. p. 592 et suiv.); — renvoi de
l'affairo d'Avignon aux comités de Constitution, diplomatique et d'Avignon
(ibid., p. 594); — d'Aubergeon de Murinais demande la parole Pour une motion
d'ordre (ibid ) ; — débat : Goupil-réfeln, d'Aubergeon de Murinais (ibid.)
;— l'Assemblée décrète l'ordre du jour [ibid.) ; — Andrieu demande une
rectification au procès-verbal (6 mai, E. 619); — sur les observations de La
Rochefoucauld-ianconrt, l'Assemblée décrète qu'il ne sera rien changé au
procès-verbal [ibid.).
Lettre des députés des Etats d'Avignon et du Comtat réunis, protestant contre la présence d'étrangers sur les bancs de la droite de l'Assemblée (2 mai, p. 488).
Projet de décret présenté par Pougeard-du-Limbert, au nom du comité d'aliénation sur la prorogation du délai fixé pour le payement des biens nationaux (27 avril, p. 353); — discussion : de Folleville, Lavie (ibid.); — adoption aveo amendement (ibid.).
er : adoption sans discussion des articles 1 et
2 (ibid.) ; — article 3 : Populus, Bégouen, rapporteur (ibid.); — adoption
(ibid. p. 402); — article 4: abbé Maury, Millet de Mureau, Prieur, Populus
(ibid.) ; — adoption avec amendement (ibid.); — Titre II, article 1er :
adoption sans discussion. (30 avril, p. 473) ; — article 2 : un membre
(ibid. et p. suiv.) ; — adoption avec amendement (ibid. p. 474) ; — adoption
sans discussion de l'article 3 (ibid.) ;— article 4 : un membre (ibid.) ; —
adoption avec amendement (ibid.); — adoption sans discussion des articles 5,
6, 7, 8, 9 et 10 (ibid.); — titre III : adoption sans discussion des
articles 1 et 2 (ibid. et p. suiv.); — article 3 : un membre (ibid. p. 475)
; — adoption avec amendement (ibid.) ; — adoption sans discussion des
articles 5, 6 et 7 (ibid. p. 476);— titre IV : adoption sans discussion des
articles 1 et 2 (ibid.) ; — article 3 : un membre (ibid.) ; —adoption avec
amendement [ibid. p. 477) ; — adoption sans discussion des articles 4, 5, 6,
7, 8 et 9 (ibid.) ; — titre V : adoption sans discussion des articles 1, 2,
3, 4, 5, 6, 7, 8 (ibid.); — article 9 : un membre (ibid. p. 478); — adoption
avec amendement (ibid.) ; — adoption sans discussion des articles 9, 10, 11,
12, 13 (ibid.) ; — article additionnel proposé par Begouen : plusieurs
membres (ibid.) ; — rejet (ibid.) ; — adoption sans discussion des 10
articles du règlement relatif aux articles décrétés (ibid., p. 478 et
suiv.).
Censure. Abbé Maury (18 avril 1791, t. XXV, p. 191). — de Folleville (22 avril, p. 252).
Les maires et ofliciers municipaux de Lyon annoncent qu'ils ont notifié au député Deschamps le décret de l'Assemblée nationale le rappelant de congé (15 avril, p. 113); — discussion à ce sujet : Dubois, Victor de Broglie, Foucault-Lardimalie, Lavie, Populus (ibid. et p. suiv.) ; — l'Assemblée déclare Deschamps démissionnaire (ibid. p. 114).
Motion de Parisot sur le rappel de Dubois, absent sans congé (29 avril, p. 412) ; — discussion : Gaultier-Biauzat (ibid.) ; — adoption (ibid.).
Lettre du ministro de l'intérieur, de Lessart, au sujet de leurs dépenses (4 mai, p. 550 et suiv.); — l'Assemblée décrète, sur la motion de Regnaud (de Sttint-Jean-d'Angély), que son comité des finances sera chargé de lui présenter un rapport sur cet objet (ibid. p. 552) ; — rapport et projet ae décret par Vernier (8 mai, p. 661 et suiv.); — d'André demande l'ajournement (ibid. p. 662); —ajournement (ibid.); — adoption du projet de décret (9 mai, p. 669).
Parle sur la création de petits assignats (t. XXV, p. 603 et suiv.), (p. 627). — Annonce la constitution oe la commission des monnaies (p. 686).
Procès-verbaux de brûlement des effets entrés dans l'emprunt (ibid., p. 432 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Goudard, sur l'exportation des bois nécessaires au chauffage des troupes eu garnison à Monaco (10 mai, p. 686).
er mai, p. 479); — rapport par
d'Allarde (4 mai, p. 552) ; — adoption (ibid.).
Féodalité. — Voir Droits féodaux.
Fermes. Adoption d'une rectification à la loi relative au bail passé avec l'adjudicataire général des fermes
Rapport et projet de décret, présentés par Alexandre do Beauharnais, sur les gardes nationales susceptibles d'obtenir dos places dans la gendarmerie nationale (9 mai, p. 670 et suiv.); — discussion : de Choiseul-Praslin, Regnaud (de Saint-Jean-d'Angély), Alexandre de Beauharnais, rapporteur, Millet de Mu-roau (ibid. p. 671); — adoption (ibid.).
Rapport et projet de décret, présentés par Alexandre de Beauharnais, sur la
suppression de la compagnie do l'hôtel et sur sa formation en deux nouvelles
compagnies de la gendarmerie nationale (10 mai, p. 716 et suiv.); —
Delavigne demande qu'il soit distribué un exemplaire du rapport à chaque
garde actuel (ibid. p. 717) ; — adoption de cette motion (ibid.)]—
discussion : section lr% titres Ier et II : adoption sans discussion (ibid.)
; — titre III : adoption sans discussion des articles 1, 2, 3 et 4(ibid.); —
article 5 : un membre (ibid. et p. suiv.);— adoption avec amendement (ibid.
p. 718); — article 6 : un membre (ibid.); — adoption avec amendement
(ibid.); — adoplion sans discussion des articles 7, 8, 9, 10, 11, 12, 13,
14, 15, 16 (ibid.); — titre IV : adoption sans discussion (ibid. et p.
suiv.); — titre V : adoption sans discussion de l'article 1er (ibid. p. 719); — article 2 : un membre
(ibid.); — adoplion avec amendement (ibid.); — adoption sans discussion dos
articles 3, 4, 5, 6 et 7 (ibid.) ; — section II : adoption sans discussion
des titres I et II (ibid. et p. suiv.); — Alexandre de Beauharnais propose
quelques articles additionnels dont il demande le renvoi aux comités (ibid.
p. 720) ; — adoption de cette motion (ibid.).
Lafayette (De), député de la noblesse de la sénéchaussée de Riom. Parle sur les colonies (t. XXV, p.:753).
me de). Ecrit i
l'Assemblée pour la remercier du décret rendu en sa faveur (t. XXV, n. 344
et suiv.).
Parle sur le rappel de congé du député Deschamps (t. XXV, p. 114). — Secrétaire (p. 325). —Parle sur la prorogation du délai fixé pour le payement des biens nationaux (p. 353). — Lit une lettre du procureur général syndic du département de Seine-et-Oise sur les troubles arrivés à Versailles (p. 395). — Annonce la mort de Lecesve (ibid. et p. suiv.). — Parle sur la réunion d'Avignon et du Comiat Venaissin à la France (p. 531) ; — sur le remboursement des offices d'avocats au Conseil (p. 618).
Projet de décret concernant différentes liquidations d'office présenté par Régnier (14 avril p. 64 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 68).
Projet de décret, présenté par Camus, sur le remboursement à diverses personnes de ce qui leur revient en exécution do décrets précédents (17 avril p. 153 et suiv.); — adoption (ibtd. p. 157).
Projet de décret présenté par Lanjuinais, au nom du comité de liquidation, sur l'autorité des arrêts du conseil du roi en matière de liquidation (17 avril p. 157 et suiv.) ; — discussion : Lanjuinais, rapporteur, Bouche, Buzot, do Folleville, Camus (25 avril, p. 334); — Camus, de Folleville (26 avril, p. 344); — adoption du projet de décret présenté par Camus (ibid.); — addition proposée par Buzot (27 avril, p. 353) ; — discussion : Martineau, Camus (ibid.);— l'Assemblée décrète l'ordre du jour sur la motion de Buzot (ibid.).
Rapport par Audier-Massillon, au nom du comité de judicature, sur la liquidation des offices d'expéditionnaires en cour de Rome (23 avril, p. 311 et suiv.) ; — discussion : Audier-Massillon, rapporteur, Berthereau (10 mai, p. 686) ; — adoption (ibid.).
Projet de décret ordonnant le remboursement de plusieurs parties de la dette de l'arriéré des départements de la maison du roi, de la guerre et des finances présenté par Arnoull (25 avril, p. 328 et suiv.) ; >— adoption (ibid. p. 333).
Projet de décret relatif à la liquidation des états des finances de 1788 et 1789 et des gages des ci-devant cours souveraines, présenté par Arnoult (25 avril, p. 333 et suiv.) ; — adoption (ibid. p. 334); — adoption de deux articles additionnels présentés par Lanjuinais (4 mai, p. 554).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Régnier, sur la liquidation de l'office de lieutenant général de l'amirauté d'Arles (26 avril, p. 343).
Présentation par Régnier d'un projet de décret sur la liquidation des offices de judicature du ci-devant parlement d'Aix (26 avril, p. 343); — discussion : Mougins, Ménard de La Groye (ibid.); — adoption (ibid.).
Adoption d'an projet de décret, présenté par Gos-sin, sur la liquidation des offices des agents de change de Paris (3 mai, p. 511).
Adoption d'un projet de décret sur la demande des arrérages du secours annuel aecordé sur le Trésor public au collège anglais de Saint-Omer (3 mai, p. 511).
Adoption d'un projet de décret portant remboursement de plusieurs parties de la dette arriérée du département de la maison et de la bibliothèque du roi (3 mai, p. 514 et suiv.).
Rapport et projet do décret relatif au traitement du directeur général de la liquidation et de ses commis, présentés par Camus (4 mai, p. 542) ; — discussion : Buzot, Armand, Rabaud-Saint-Etienne (ibid.); — adoption (ibid. p. 554).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Lanjuinais, sur la liquidation des offices des receveurs particuliers des finances et des receveurs de décimes (4 mai, p. 553 et suiv.).
Projet de décret, présenté par Lanjuinais, relatif aux acquisitions de commissions aux officiers de la maison du roi (4 mai, p. 554) ; — discussion : plusieurs membres (ibid.)', — adoption avec amendement (ibid.).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Lanjuinais, relatif au remboursement de diverses augmentations de gages et taxations (5 mai, p. 591).
Présentation, par Vieillard, d'un projet de décret sur la liquidation de plusieurs offices ao judicature (8 mai, p. 662 et suiv.); — discussion : Vieillard, rapporteur, Camus, Devillas, Camus, Thouret, Le Bois-Desgnays, Gaultier-Biauzat, "Vieillard, rapporteur (ibid. p. 665 et suiv.); — adoption (ibid. p. 666).
Lettre sur son attachement à la Constitution écrite, en son nom, aux ambassadeurs de France, par le mi-uistro des affaires étrangères (23 avril p. 312 et suiv.); —discussion : Alexandre de Lameth, Gaultier-Biauzat, Barrère, Robespierre, Alexandre do Lameth, abbo Colaud de La Salcette, d'Aremberg de La Mardi, Gaultier-Biauzat, Moreau, Dubois-Crancé (ibid. p. 314 et suiv.); — l'Assemblée décrète qu'il sera nommé une députation pour porter au roi l'expression de ses sentiments et que la lettre sera envoyee à tous les départements et à tous les corps d'armée de terre et do mer et aux colonies (ibid. p. 315); — liste des membres de la députation (ibid.) ;— discours du Président et réponse du roi (ibid. p. 325).
Rapport par Sillery sur les moyens d'appliquer les décrets relatifs à
l'organisation de la marine (22 avril, p. 211 et suiv.): — discussion :
adoption sans discussion de l'article 1er (ibid.
p. 245); — article 2 : Goupil-Préfeln, de Sillery, rapporteur, Le
Bois-Des-guays, de Champagny (ibid. et p. suiv.); — adoption (ibid. p. 246)
;—adoption des articles 3, 4 et 5 sans discussion (ibid.) ; — article 6 :
Malouet, Démeunier, Deformon, Malouet, Démeunier, Defermon, Malouet, Millet
de Mureau, Thouret (ibid. et p. suiv.) ; — adoption avec amendement (ibid.
p. 247); — adoption sans discussion de l'article 7 (ibid.) ; — article 8 :
Malouet, de Sillery, rapporteur (ibid); — adoption (ibid.); — article 9 : un
membre (ibid. et p. suiv.) ; — adoption avec amendement (ibid. p. 248) ; —
adoption sans discussion de l'article 10 (ibid.); — article U : un membre
(ibid.); — adoption (ibid.); — article 12 : do Sillery, rapporteur, de
Rochegude, Defermon, Millet de Mureau, Defermon (ibid.) ; — adoption avec
amendement (ibid. p. 249); — adoption sans discussion des articles 13 à 20
(ibid. ) ; — article 21 : adoption avec amendement (ibid.)-,—adoption sans
discussion des articles 22 à 25 (ibid. et p. suiv.). — Renvoi au comité de
l'article lor suri a demande de Bouche (23 avril, p. 253).
Rapport et projet de décret présentés par Defermon, au nom des comités do la
marine et des pensions, sur les faits imputés au ministre de la marine pour
avoir ordonné le payement des appointements des ci-devant directeurs et
intendants des bureaux de la marine (22 avril, p. 250) ; — discussion :
d'Estourmel, Prieur, Arthur DiUon, de Folleville, Malouet, Camus, de
Champagny, Charles de Lameth, Emmery (ibid. p. 251 et suiv.); — adoption du
projet de décret du comité (ibid. p. 259); — discussion sur un article
additionnel présenté par Defermon, au nom du comité de la marine :
Gaullier-Biauzal, plusieurs membres (28 avril, p. 397 et suiv.) ; — rejet
(ibid. p. 398) ; — texte de l'ensemble du projet ae décret amendé (ibid. et
p. suiv.) ; — adoption (ibid. p. 401); — adoption sans discussion d'un
article additionnel présenté par de Sillery, an nom du comité de la marine
(1er mai, p. 480).
De Fleurieu, ministre de la marine, envoie à l'Assemblée le compte sommaire des receltes et des dépenses do la régie des vivres de la marine pour les années 1784 à 1790 (4 mai, p. 561).
Teissier, sculpteur, fait hommage de son buste à l'Assemblée (p. 610).
Discours et projet de loi de Viefville des Essarte pour leur affranchissement (11 mai 1791, p. 759 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret sur la circonscription des paroisses des villes do Douai, Mer, Suèvres, Oucques, A vallon (21 avril, p. 232 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret sur la circonscription des paroisses des villes de Besançon, Vernon, Pacy et Conches (25 avril, p. 326 et suiv-).
Adoption d'nn projet de décret présenté par Le-grand sur la circonscription des paroisses de Liancourt, Chaumont et Chartres (27 avril, p. 364).
Adoplion d'un projet de décret présenté par Lanjuinais sur la circonscription de certaines paroisses des départements de la Marne, de la Meurthe et de l'Aisne (28 avril, p. 375 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret présenté par Lanjuinais sur la circonscription des paroisses de la ville et des faubourgs d'Angoulême (29 avril, p. 412 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret relatif à la réunion des paroisses do la ville de Meaux, présenté par Des-patys de Courteilles (29 avril, p. 432).
Adoption d'un projet de décret sur la circonscription des paroisses de la ville de Dijon présenté par Legrand (4 mai, p. 553).
Adoption d'un projet de décret sur la circonscription des paroisses de Saint-Omer, Arras, Cambrai, Lille et Coutances (ibid. p. 555 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret sur la circonscription des paroisses des districts de Nîmes, Beaucaire, Sommières, Pont-Sainl-Esprit, le Vigan, Saint-Hippo-lyte et Alais (5 mai, p. 588 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Camus, sur un secours provisoire attribué aux ci-devant employés des fermes (3 mai, p. 511 et suiv.).
Pétition des employés des bureaux de la régie 10 mai, p. 705 et suiv.).
Adoption d'un projet de décret, présenté par Camus, relatif à diverses fondations faites par feu M. Cochet do Saint-Valier (ibid.).
Rapport et projet de décret, présentés par Vernier, sur les précautions à prendre pour distribuer les secours aux départements dans les cas d'incendie, inondations et autres fléaux (11 mai, p. 733 et suiv.).
Le Chapelier présente un projet de décret relatif aux fonctionnaires de l'enseignement (15 avril 1791, t. XXV, p. 105 et suiv.); — discussion : Gaultier-Biauzat, La Poule, Bouche, Lanjuinais, Goupil-Pré-feln, Lanjuinais, Goupil-Préfeln, d'André, Bouche, do La Rochefoucauld-Liancourt, un membre (ibid. p. 105 et suiv.) ; — adoption du projet de décret modifié (ibid. p. 106).
Pannelier annonce la prestation du serment par 96 fonctionnaires ecclésiastiques du district de Saint-Girons (9 mai, p. 669).
Relation de son installation par Goupil-Préfeln (21 avril, p. 231).
Discours de Boucher-Larichardicre, membre de la députation admise à la barre de l'Assemblée nationale (28 avril, p. 396 et suiv.); — réponse du président (ibid., p. 397); — l'Assemblée décrète l'impression de ces deux discours (ibid).